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ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Paris. — Société d'Imprimerie PAUL DUPONT, 4, rue du Bouloi (Cl.) 100.11.90.
ARCHIVES RARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS AVEC LA COLLABORATION DE MM. E. TONNIER ET C. PIONNIER
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799)
TOME XXXV DU 11 NOVEMBRE AU 10 DÉCEMBRE 1791,
PARIS SOCIÉTE D'IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT 4, RUE DU BOULOI, 4
1890
Séance du
Le séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture cTu procès-verbal de la séance du jeudi 10 novembre.
Un membre : M. le secrétaire a oublié de dire que les époques pour le remplacement avaient été fixées nier par l'article 1er au décret, et que la moitié des places avait été accordée aux gardes nationales, depuis le 15 du mois d'octobre dernier, jusqu'au mois de février prochain. Je demande que cela soit rétabli au procès-verbal.
fils. Je demande une seconde lecture du considérant du décret, duquel il résulterait que l'Assemblée nationale se serait déterminée a rendre son décret d'après la lettre du ministre. Gomme ce n'est point cette lettre qui a pu vous décider, je demande que le considérant soit relu, afin que l'on y supprime ces mots : m la proposition du roi, énoncée dans la lettre du ministre de la guerre en date du 6 de ce mois. »
Un membre : Et moi je dis que puisque l'Assemblée a pressé et harcelé le ministre sur le remplacement, et qu'il a répondu par cette lettre à ses instances, il faut qu'il soit mit mention de sa lettre, attendu qu'elle a provoqué le décret.
Je m'oppose à ce qu'il soit fait aucune mention de la lettre du ministre ; ce qui pourrait faire croire cette initiative ministérielle 'nécessaire.
| (L'Assemblée décrète la radiation des expressions contestées par M. Voisard.)
Il me semble qu'on a omis dans la rédaction de l'article 2 une disposition essentielle, sans laquelle il serait illusoire, et ne serait qu'une répétition de l'article 8 du décret du 1er août. Tous les citoyens actifs et leurs fils, âgés de 18ans, ont dû s'inscrire sur un registre de service de la
garde nationale déposé au greffe de chaque municipalité/Tous les citoyens se sont empressés de remplir cette formalité, les uns par esprit de patriotisme, les autres pour la forme seulement, et pour se mettre à même de jouir du droit de citoyen actif, sans lequel ils n auraient pu prétendre à aucune place de la Constitution. Donne-rez-vous à ces gardes nationaux paralytiques le droit de participer aux places de sous-lieutenants, pour eux et leurs fils? Si vous leur accordiez cet avantage, vous laisseriez subsister la disposition de l'article 8 du décret du mois d'août, qui donne la moitié^ des sous-lieutenances vacantes à des fils de citoyens actifs ; vous donneriez une latitude indéfinie au choix du ministre ; et c'est probablement.ee que vous voudriez éviter.
Je demande donc que les dispositions de l'article 2 ne puissent s'appliquer qu'aux citoyens qui auront fait un service actif et personnel depuis les trois premiers mois de la Révolution.
Plusieurs membres : On ne peut changer la rédaction.
J'observe qu'il a été dit hier que le remplacement serait consommé à une époque fixe ; il faut donc en faire mention dans le procès-verbal. Ën outre, la rédaction annonce que tout garde national pourra prétendre à ce remplacement. Je soutiens qu'il est dans l'esprit et dans la lettre du décret rendu hier, que le choix se borne parmi ceux qui auront fait un service personnel. Nous avons voulu également récompenser ceux qui ont bien mérité de la patrie ; mais nous commettrions une grande injustice si nous confondions ceux qui ont toujours payé de leur personne, avec ceux qui ne se sont montrés que par des représentants salariés, à qui ils ont fait faire un service qu'ils méprisaient le plus souvent. En conséquence, j'appuie l'amendement proposé et je demande qu'on ajoute, à l'article, que la moitié des places sera donnée aux gardes nationales qui auront fait un service personnel.
Je supplie l'Assemblée de considérer qu'il ne s'agit pas ici d'articles additionnels, mais avant tout, de la rédaction du procès-verbal. Il faut se renfermer dans cette rédaction. Dès qu'elle sera définitivement arrêtée
la discussion reprendra et ces Messieurs pourront présenter leurs additions. En conséquence, je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Voix diverses : L'orde du jour! — Fermez la discussion !
L'ordre du jour est la rédaction du procès-verbal; c'est uniquement de la rédaction qu'il sagit. Je vais consulter l'Assemblée pour s avoir si la discussion sera ouverte sur les articles additionnels.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de la trésorerie nationale. Il y a trois jours que nous avons à vous faire un rapport sur les besoins de la caisse de la trésorerie nationale. Le bien public exige absolument que vous entendiez promptement ce rapport. Je prie l'Assemblée de me permettre de le lui présenter en ce moment.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Cambon sera entendu).
, au nom du comité de la trésorerie nationale. L'Assemblée nationale constituante fixa, par son décret du 18 février, les dépenses ordinaires de l'année 1791, à 582,700,000 livres, et à 48,558,333 livres par mois. Pour pourvoir au payement de ces sommes, elle affecta le revenu ordinaire de l'Etat et le produit des contributions qu'elle a établies. Vous connaissez le retard qu'ont éprouvés l'assiette et le recouvrement des impôts; cependant, les besoins du service public ne pouvaient supporter aucun retard. Les commissaires de la trésorerie nationale vous ont adressé, le cinquième du courant, les états de recettès et dépenses ordinaires du mois d'octobre dernier. Votre comité, auquel vous les avez renvoyés, les a vérifiés ; il en résulte que la recette, qui avait été fixée par le décret du 18 février dernier à 48,558,333 livres pour chaque mois, ne se monte, pour le mois d'octobre qu'à 28,828,146 livres ; de sorte que, pour pourvoir a ce déficit, il faut que vous décrétiez, d'après les mesures acceptées par le corps constituant que la caisse de l'extraordinaire versera dans celle de là trésorerie nationale les 19,730,187 livres manquantes et qu'elles y seront réintégrées lorsque la perception des impôts s'effectuera.
Les administrateurs de la trésorerie nationale
vérifié. Il en résulte que toutes ces dépenses ont été ordonnées par divërs décrets du Corps constituant; elles se montent à 21,720,643 livres. Ces dépenses extraordinaires sont, pour la plupart, commandées par l'état dés gardes nationales qu'il faut tenir sur les frontières du royaume pour éviter les invasions.
L'Assemblée constituante, ne leur ayant affecté aucunfonds particulier, décréta, les 18 février et 17 avril dernier, que les administrateurs de la .trésorerie nationale remettraient Chaque mois au Corps législatif Fétat des sommes qu'ils auraient payées pour cet objet, lesquelles leur seraient remboursées par la caisse dé l'extraordinaire.
Votre comité vous propose les projets de décret "suivants :
1er décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la trésorerie nationale, chargé de vérifier l'état des recettes et dépenses faites dans le mois d'otobre dernier par
la trésorerie, remis par les commissaires de ladite trésorerie nationale, et pour constater leurs de^ mandes de 41,450,830 livres à prendre de la caisse de l'extraordinaire, conformément aux décrets des 17 avril et 23 mai derniers, attendu que le service public exige impérieusement ce versement, et ne peut éprouver aucun retard, décrète qu'il est urgent de délibérer sur cet objet. »
(L'Assemblée adopte le décret d Urgence.)
, rapporteur. Voici le second décret :
« L'Assemblee nationale, après avoir entendu le rapport du comité de la trésorerie nationale» charge de vérifier, sur les registres de la caisse^ de la trésorerie nationale, l'état des recettes et dépenses _du mois d'octobre dernier, remis par les commissaires de la trésorerie nationale, et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La recette du mois d'octobre dernier de la
trésorerie nationale, n'ayant monté qu'à 28,828,146 livres au lieu de 48,558,333 livres,
montant de l'évaluation de la dépense faite par le décret du 18 février dernier, la caisse de
l'extraordinaire versera, conformément au décret du 23 mai dernier, à celle de la trésorerie
nationale, la somme de 19,730,187 livres pour compléter la dite évaluation, de laquelle somme
la caisse de l'extraordinaire sera réintégrée lors du recouvrement desdits impôts, .
« Art. 2. La caisse de l'extraordinaire versera aussi, conformément aux décrets des 18 février et 17 avril dernier, à celle de la trésorerie nationale, la somme de 21,720,643 livres montant des dépenses particulières de l'année 1791, payées par ladite trésorerie dans le courant du mois d'octobre dernier, suivant l'état qui en a été remis par les administrateurs de ladite caisse,
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des assignats et monnaies sur une nouvelle émission d'assignats de 5 livres.
, au nom du comité des assignats et monnaies. Messieurs, le premier de ce mois vous avez décrété l'émission de 100 millions d'assignats, et, par cette disposition, vous avez autorisé la circulation de-1,400 millions au lieu de 1,300. Cette mesure était évidemment et impérieusement commandée par les circonstances.
Vous avez, en même temps, décrété la fabrication et impression du papier nécessaire pour 300 millions d'assignats de 5 livres. Cette seconde mesure vous a été dictée par une précaution sage, et elle est la base d un bienfait que vous préparez à la nation, que les gros assignats font souffrir.
Enfin, vous avez autorisé l'émission des 100 millions d'assignats de 5 livres que-l'Assemblée constituante avait décrétée, et vous les avez destinés à l'échange, dans les départements,. contre des assignats de 500, 1,000 et 2;000 livres.
Cette troisième partie de votre "décret, sur laquelle votre comité des assignats est prêt de vous présenter ses réflexions, doit verser sur toute la surface de l'Empire français un papier qui, sans doute, éteindra l'agiotage infâme qui iait rougir la nation. (Applaudissements.)
Mais, Messieurs, il est du devoir de votre comité des assignats de vous tracer en raccourci l'état de cette partie de vos finances, de vous proposer les moyens de faciliter le service de vos caisses et de la concilier avec les dispositions de vos décrets.
Vous savez, Messieurs, que toutes les sommes actuellement en circulation, et celles que vous avez encore à y faire entrer, sont, à très peu de choses près, en assignats de 50 livres et au-dessus.
Vous savez également que les 100 millions d'assignats de 5 livres que le corps constituant avait décrétés, pour l'échange des assignats de 2,000, 1,000 et 500 livres, sont entièrement employés, et qu'il n'en reste plus à la disposition dès caisses.
Cependant, Messieurs, le caissier de la caisse de rextraorainaire en a besoin pour les appoints des remboursements qu'il est chargé ae faire.
La trésorerie nationale est obligée d'en employer la majeure partie, et presque tous les services qu'elle doit acquitter en exigent : la guerre, la marine, les étapes, les subsistances,, le traitement des fonctionnaires publics, les petites parties de rentes, les échanges, les appoints, en absorbent une grande quantité; et ces petits assignats ne pourraient être représentés, dans lés payements de la trésorerie nationale, que par des écus qu'elle serait obligée de se procurera un prix très élevé.
Il est donc de la plus haute importance de prévenir, ou au moins de diminuer autant qu'il est en nous cet achat ruineux, et de tenir à la disposition des caisses la quantité d'assignats de 5 livres dont elle ne peuvent se passer.
Votre comité des assignats, instruit qu'il ne restait presque plus d'assignats de 5 livres des premiers 100 millions décrétés (î), a donc cru qu'il était de son devoir de prendre en grande considération cette position cfu Trésor public, et de vous proposer les moyens de prévenir l'embarras qu'éprouverait le service, et la dépense qu'entraînerait l'achat du numéraire. s - Vous avez encore, Messieurs, à l'époque où nous sommes, près de 80 millions destinés à faire faCe aux dépenses de ce mois.
Vous avez déjà une partie des 100 millions d'assignats de 5 livres que vous venez de décréter dont le papier est fabriqué, et vous pouvez déjà disposer de quelques-uns.
Vous les avez, nous en convenons, destinés à des échanges pour les départements, et vous devez, autant qu'il sera en vous, maintenir cette disposition bienfaisante; mais il est impossible, il serait impolitique, il serait, je dis plus, imprudent de confier, en un même instant, aux messageries une somme aussi considérable ; et cette somme existerait en état d'être distribuée actuellement, que votre comité n'oserait vous proposer cette mesure.
. Votre comité vous proposera donc, Messieurs, de prendre sur cette somme, et par forme d'emprunt seulement, celle de 25 millions, qui sera versée dans la caisse de l'extraordinaire, pour subvenir aux appoints de ses paiements, et à ceux dont la trésorerie nationale est chargée.
Ces % millions ne seront également livrés que par échange ; ils pourront facilement, êt à
une epoque suffisamment rapprochée, être remplacés sur les émissions futures d'assignats de 5
livrés, que toujours vous désirerez substituer à ceux de plus forte sommé, et compléter à ce
moyen, selon votre vœu, l'échange des 100 millions que vous avez destinés aux départements.
Le comité des assignats et monnaies vous propose donc le décret suivant :
Projet de décret. Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la caisse de l'extraordinaire et celle de la trésorerie nationale," ont un besoin indispensable de petits assignats de 5 livres, et que les 100premiers millions destinés à leur service, par forme d'échange,1 sont entièrement employés ; décrète qu'il y a urgence.
Décret.
« L'Assemblée nationale, voulant eonciliér les besoins de la caisse de l'extraordinaire et celle de la trésorerie nationale, avec les dispositions de son décret du premier de ce'mois, et désirant prévenir les suites dangereuses du défaut de petits assignats pour le service de ces caisses, après avoir prononcé le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Il sera pris sur les assignats de'5 livrés,
actuellement fabriqués et prêts à être mis en émission par échange, en exécution du décret du
premier de ce mois, la somme de 25 millions, et cette somme sera délivrée au caissier de la
caisse de l'extraordinaire, en la forme ordinaire.
Art. 2. des assignats seront employés aux-besoins journaliers desdites caisses, et échangés contre des assignats de 500,1/000 -et 2/000 livres, qui seront brûlés en la forme ordinaire.
« Art. 3. Ils ne seront délivrés que par forme d'emprunt sur les 100 millions destinés à l'é-change'dans les départements et districts du royaume, et ils seront remplacés feur les émissions futures pour compléter réchange des 100 millions décrétés le premier du présent mois de novembre. »
Plusieurs membres : Ajourné.
Vos commissaires à la trésorerie nationale ont annoncé, hier tau soir, au comité des assignats qu'il ne restait plus dans leur caisse, en assignats de 5 livres, qu'une somme d'environ 150,000 livres, laquelle, jointe à un million qui se trouve chez M. Le Couteulx, forme le complément des premiers 100 millions d'assignats de 5 livres qui, dès «et instant, sont entièrement consommés. La trésorerie nationale demande qu'il lui soit délivré, à l'instant, pour 20 millions d'assignats de 5 livres, .pris sur les 100 millions dont vous avez ordonne la fabrication.
J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée, dont l'intention, en décrétant une nouvelle émission de petits assignats, a été de favoriser la circulation du numéraire dans les 'départements ; qu'elle doit scrupuleusement veiller sur l'emploi ae ces assignats. ^Get échange, dans les départements'
n'étant pas du goût de tout le monde, l'Assemblée doit s'attendre à voir renouveler les demandes de la trésorerie nationale, à mesure que la fabrication avancera. La trésorerie nationale et les autres ministres voudraient tous les engouffrer, et rendre nulle la mesure que vous avez décrétée en faveur des départements.
Suivant l'état sommaire envoyé par la trésorerie nationale, il paraît qu'elle a employé, dans les payements ou échanges, depuis le 24 juin dernier, 94 millions ; mais il me paraît aussi que, sur cette somme, il n'y a réellement d'employé à un service nécessaire, comme solde des troupes, marins et autres de ce genre, que 45 millions, ce qui fait par mois 9 millions. Cependant, la trésorerie nationale demande encore des fonds en ce moment. Le comité, bien persuadé que cette somme est plus que suffisante pour le service de deux mois, avait d'abord consenti à ne demander que 20 millions ; mais pour se mettre à l'abri des tracasseries que pourrait renouveler la trésorerie nationale, le comité vous propose de porter à 25 millions la somme à lui accorder.
J appuie cette proposition, mais je demande qu'il soit ajouté au decret :
« 1° Que les 25 millions d'assignats de 5. livres sont accordés à la trésorerie nationale pour son service complet pendant deux mois au moins, et qu'elle ne pourra, avant l'expiration de ce délai, faire de nouvelles demandes.
« Que la trésorerie nationale sera tenue de présenter au comité des assignats et monnaies l'état détaillé de l'emploi des assignats de 5 livres qu'elle prendra pour ses payements ou appoints, par date et par numéro.
Plusieurs membres : Appuyé!
Je demande que la somme à délivrer à la trésorerie nationale soit réduite à 15 millions, avec tous les amendements qui ont été faits par le préopinant.
J'ajoute par amendement, Messieurs, que cette caisse soit tenue de donner également à l'Assemblée nationale la note de tous les assignats de 5 livres qui lui ont été délivrés dans lréchange des premiers 100 millions, afin que nous voyions si ces assignats de 5 livres ^ont été distribués pour le bien public, ou bien si on ne les a pas échangés pour mettre le produit de l'agiotage en poche. (Applaudissements.)
Je demande encore qu'un certain monsieur dont je ne sais pas le nom, et qui avait été nommé par le roi pour opérer l'échange des premiers 100 millions d'assignats, rende compte de l'échange qu'il peut en avoir fait, soit aux divers négociants, soit aux différentes autres personnes, parce qu'il est très fort à craindre qu'il n'ait éga-lemeut agioté les assignats, et je n'ai que trop sujet de le croire.
Un membre : Vous avez vu la consommation que la trésorerie nationale a faite des petits assignats. On dit que cette consommation a tourné presque tout entière au profit de l'agiotage. Vous avez vu, Messieurs, qu'on n'a pu vous prouver dans cet instant qu'un emploi de 45 millions et que l'on vous a 'dit que y millions par mois avaient suffi. On vous demande des petits assi-
fnats pour des appoints et on vous demande
5 millions; c'est parce que l'on veut encore agioter et en tourner au moins 12 millions à son profit. -
Je suis témoin que les commis de la trésorerie nationale, en envoyant en province des petits assignats, ont garde une partie de ces petits as-
signats ; c'est que, lorsque l'on faisait un envoi de 60 ou 80,000 livres en petits assignats, il y avait environ 10 ou 15,000 livres en assignats de 500 et de 50 livres. Pourquoi cela? parce que les commis gardaient ces petits assignats pour les échanger.
D'après ce que l'on vous a dit, que 9 millions par mois suffisaient, je demande, comme M. Isnard, que la somme proposée soit réduite à 15 millions.
Nous avons vérifié l'administration de la trésorerie nationale; nous avons trouvé chez elle tous les renseignements que nous avons demandés; nous avons trouvé dans le plus grand ordre les comptes dont nous avons pris connaissance ; nous avons vu la marche que l'on a tenue pour la distribution des petits assignats. Ce compte est on ne peut plus détaillé.
La trésorie nationale nous a promis un compte non moins détaillé de l'emploi des 94 millions qu'elle a reçus de la caisse de l'extraordinaire. Il ne faut pas trouver étrange que, dans cinq mois, la trésorerie nationale ait employé 94 millions ; il y avait des décrets de l'Assemblée constituante qui l'obligeaient à faire en petits assignats, autant qu'il serait possible, tous les paiements relatifs au culte, aux corps administratifs et à l'ordre judiciaire.
Avant de répondre aux demandes de la trésorerie nationale, il faut tout d'abord se rappeler les besoins des départements. Depuis longtemps, et trop longtemps, leurs administrateurs sont embarrassés dans les détails de leur administration, et malgré cet embarras, ils administrent. La trésorerie nationale devrait faire comme eux et ne pas demander comme elle pourrait le faire dans des temps d'abondance.
Je propose, par amendement, que les 25 millions de livres destinées aux caisses de l'extraordinaire et de la Trésorerie nationale ne leur soient délivrées que par portions, au fur à mesure de leur fabrication et en proportion des envois dans les départements ; bornons-nous, pour le moment, à accorder à la Trésorerie nationale la somme de 10 millions et. au 15 du mois prochain, lorsqu'il vous sera justifié de l'emploi qu'elle en aura fait, vous pourrez lui en donner d'autres.
De cette manière, vous serez sûrs que les payeurs n'auront reçu le complément des 25 millions que lorsque les départements auront reçu le payement des 75 millions que vous leur destinez. (Applaudissements.)
Un membre : J'appuie la motion de M. Isnard, parce que ce n'est qu'au moyen d'un tableau au vrai de l'échange des pètits assignats qu'on pourra prévenir l'agiotage.
Un membre : Pour répondre à l'un des préopinants, qui a dit que les petits assignats étaient bien employés, je ne citerai qu'un fait. Dans le département de Rhône-et-Loire, il a été fait des envois d'assignats : par la lettre d'envoi, on annonçait qu il y avait une somme de 40 millions en petits assignats, et le vrai, c'est qu'il n'y en avait que la moitié ou le quart et que le surplus était suppléé par dès assignats de 500 livres. Le fait est vrai. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande que l'Assemblée charge le comité des assignats de présenter un moyen pour prévenir l'agiotage dans les départements.
Je demande que l'on éclaircisse
le point de savoir si les caissiers se déchargent à la vue des demandes ou à la vue des bons ?
appuie le projet de décret du comité.
insiste pour que l'on réponde à sa question, attendu que si le bon était de 30,000 livres, tandis que la demande serait de 100,000 li-livres, on porterait 100,000 livres, lorsque réellement on n'aurait donné que 30,000 livres.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
, rapporteur. Je n'ai qu'un mot à ajouter. On a fait différentes objections contre le projet du comité : je supplie d abord l'Assemblée de le considérer sous son vrai et unique point de vue.
Voulez-vous accorder à la caisse de l'extraordinaire et à celle de la trésorerie nationale les 25 millions de petits assignats qu'elles vous demandent et dont elles ont besoin? vous mettrez leur service en activité sans augmenter la dé-pense.Voulez-vous, au contraire, les leur refuser, vous les obligez à acheter 10, 20 millions de numéraire, à 20 0/0, et vous chargez l'Etat d'une dépense prodigieuse.
M. Isnard vous a proposé un amendement pour justifier de l'emploi des petits assignats, et cet amendement a paru appuyé d'un grand nombre de membres de l'Assemblée. J'approuve beaucoup les vues de M. Isnard; il est membre du comité des assignats; ses fonctions de secrétaire l'ont empêché de se trouver à la séance d'hier du comité; sans cela, il y eût vu que la motion qu'il fait aujourd'hui est en partie remplie par la trésorerie nationale.
Je tiens ici le bordereau sommaire des différentes parties de dépenses qui ont nécessité l'emploi des 100 millions d'assignats de 5 livres, et il existe au comité des assignats une lettre de MM. les commissaires de la trésorerie nationale par laquelle ils s'engagent précisément à remettre ce compte, par .détail, dans les trois jours, au comité. Ce compte sera très lumineux; une partie dés membres de votre comité l'ont vu.
Pour cé qui concerne l'échange, M. Dela-marche, commissaire du roi dans cette partie, tient un état distribué par colonnes et contenant les noms des départements, le montant des demandes qu'ils font, les réductions que messieurs de la trésorerie sont quelquefois dans le cas d'ordonner sur les demandes exagérées des départements; ensuite setrouventle nom, l'adresse et le numéro de celui à qui les fonds sont délivrés. Qui plus est même, Messieurs, on porte l'exactitude plus loin V on ne délivre point la somme à l'individu même qui l'a demandée ; on la fait porter chez lui pour s'assurer qu'il est vraiment domicilié; de sorte que, s'il se fait quelque agiotage, c'est le domicilié lui-même qui abuse de la confiance que sa qualité lui attire en ne rendant pas à son département la somme entière qu'il a reçue ; votre comité se propose, à cet égard, d,e demander l'impression de la liste de M. Delamarche, et cette impression sera envoyée dans les départements. {Applaudissements.)
vous voyez, Messieurs, que ce que je viens de vous dire répond à l'observation de M. Merlin.
Suivons donc, Messieurs, les sages principes qui ont été développés hier à la tribune par celui qui nous présiae en ce moment. Cessons de tourmenter ainsi les ministres et les agents du pouvoir exécutif; ne nous hâtons pas de les inculper et ne nous contentons pas pour cela de
vaines suspicions. Si nous voulons les accuser, ayons en main de quoi les convaincre de prévarication, et je promets d'être le premier dénonciateur, si je me trouve jamais en pareille circonstance (Applaudissements.); mais j'éloignerai toujours les dénonciations vagues, les inculpations prématurées, qui ne peuvent tendre qu'à intervertir le bon ordre qui doit régner entre les grandes autorités constituées, lorsque c'est notre accord parfait qui peut seul nous assurer un gouvernement actif. (Vifs applaudissements.)
Je demande que l'Assemblée prononce l'ajournement et ordonne dorénavant aux comités qui ont des rapports à lui faire et des projets de décret à présenter, de les faire imprimer et distribuer au moins 24 heures à l'avance, lorsqu'ils devront proposer l'urgence.
(Cette motion est appuyée, mise aux voix et décrétée.)
met aux voix le décret d'urgence dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, considérant que la caisse de l'extraordinaire et celle de la trésorerie nationale ont un besoin indispensable de petits assignats dé 5 livres, et que les premiers 100 millions destinés àleur service, par forme d'échange, sont entièrement employés, décrète qu'il y a urgence. »
(Ce décret est adopté.)
fait une nouvelle lecture de ses amendements.
Un membre combat l'amendement de M. Isnard tendant à faire fournir à l'Assemblée nationale un état de la comptabilité de M. Delamarche, caissier de l'extraordinaire, en ce qui concerne les assignats de 5 livres délivrés dans l'échange des premiers 100 millions; il fait observer que M. Delamarche, étant un agent de la caisse de l'extraordinaire, ne peut être comptable qu'envers les administrateurs de cette caisse.
Un membre demande la question préalable sur les amendements.
Un membre combat la question préalable et fait observer que, sans pouvoir donner les noms de commis de M. Le Couteulx, il est certain que plusieurs d'entre eux ont porté chez divers banquiers des sommes de 6 à 7,000 livres en assignats.
Je n'avais d'autre intention que de rassurer les départements.
Je demande le renvoi à lundi de la discussion sur les amendements.
Beaucoup de membres n'étant pas suffisamment éclairés, je demande le renvoi au tout à lundi et qu'en attendant on ordonne l'impression du projet du comité et de tous les amendements.
Un membre : Il est impossible d'ajourner une loi sur laquelle on a décrété qu'il y a urgence.
M. Isnard ne demande que deux choses : 1° que l'on ne donne que 15 millions à la caisse de la trésorerie nationale ; 2° que les agents de la nation rendent compte de leur conduite. Cette dernière proposition ne me paraît pas de nature à soulever des contestations ; quant a la première, il me semble bien qu'elle peut être admise ; mais je m'élève contre toute demande d'ajournement, parce qu'on ne peut pas refuser à la trésorerie nationale l'avantage que l'on accorde à tous les particuliers d'échanger
de gros billets contre des billets de cent sols et parce que si vous renvoyez à lundi le projet du comité, vous la mettez dans l'obligation d'aller acheter chèrement, à beaux deniers comptants, les petits billets qui lui sont nécessaires dans le service journalier pour ses échanges ét ses appoints.
Un membre : Si vous adoptez le projet du comité, il faut décréter aussi l'amendement de M. Isnard ou ajourner le tout à lundi.
Je vais mettre aux voix l'impression des amendements et ensuite celle du projet de décret.
Un membre : Il est ridicule de proposer d'imprimer les amendements.
Les impressions se font aux frais de la nation et il faut en être avare.
Vous avez décrété l'urgence sur le projet du Comité ; il est donc indispensable, qu'en vertu de ce décret, vous accordiez un secours au moins provisoire. Je propose, en conséquence, que vous décrétiez qu'il sera versé dans la caisse de la trésorerie nationale, provisoirement, une somme de 10 millions de petits assignats, et que vous ajourniez le reste du projet et les amendements a lundi.
(Cette proposition est appuyée, mise aux voix et adoptée.)
Un membre demande l'impression du surplus du projet de décret du comité.
(Cette proposition est adoptée.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, voulant concilier les besoins de la caisse de l'extraordinaire et de la trésorerie nationale avec les dispositions de son décret du 1er novembre présent mois, et désirant prévenir les suites dangereuses du défaut de petits assignats pour le service de ces caisses, après avoir prononcé le décret d'urgence, décrète : « Qu il sera pris provisoirement sur les assignats de & livres actuellement fabriqués et prêts à être mis en émission successive par échange, en exécution du décret du 1er de ce mois, la somme de 10 millions, laquelle sera délivrée au caissier de la caisse de l'extraordinaire, en la forme ordinaire ; sur le surplus du décret proposé par le comité des assignats, ajournera discussion à lundi prochain, et ordonne l'impression du rapport et du surplus du projet de décret. »
Un de MM. les secrétaires fait lecture :
1° D'une pétition des notaires royaux de Nevers qui demandent l'interprétation de quelques articles du décret relatif aux notaires. . (Cette pétition est renvoyée au comité de législation.)
2° De trois lettres écrites par les sieurs Drouet, Jobin et Rotrou, qui demandent à être entendus à la barre.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis dimanche prochain.)
3e D'une lettre de M. Garnery, libraire, ainsi conçue :
« Législateurs, la Constitution est l'évangile des Français ; elle deviendra la bonne nouvelle de tous les peuples; elle éclaire déjà même l'Espagne et l'Italie, par les exemplaires qu'on y en a répandus. Je 1 ai fait imprimer sur papier vélin, en petit format et en caractères de Didot : tous ne pouvez vous dispenser d'agréer le pre-
mier exemplaire, qui est dû au souverain. Le roi aura le second. {Applaudissements.)
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : garnery. »
Plusieurs membres demandent qu'il soit fait mention honorable de cette lettre au procés-verbal.
Cette lettre est si courte et contient de si bons principes, que j'en demande l'insertion au procès-verbal. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
La lettre de M. Garnery renferme des principes anticonstitutionnels : nous ne sommes pas le souverain ; nous n'en sommes que les représentants. (Murmures.) Je m'oppose a l'insertion au procès-verbal.
Je demande à répondre. Ce n'est point à l'Assemblée que le libraire fait ce don, c'est à la nation dans ses représentants.
Un membre : On a mis en avant une maxime constitutionnelle que je demande à réfuter ; il est de fait que le représentant est le même que le représenté. Vous faites des lois, parce que vous représentez le souverain. ÇMurmures.)
(L'Assemblée, consultée, accepte l'hommage de M. Garnery, en décrète la mention honorable au procès-verbal et passe à l'ordre du jour sur la demande d'insertion de sa lettre.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des officiers municipaux de la ville de Caen. relative aux troubles survenus dans cette ville le 5 courant et ainsi conçue :
« Caen, le
Messieurs,
« Nous avons déjà prévenu M. Bonnet-de-Meau-try. député de notre ville, dé l'insurrection qui a eu lieu dans nos murs, samedi dernier ; et nous avons lieu de croire qu'il vous en aura rendu compte. Il ne nous fut pas possible alors d'entrer aans tous les détails que nous transcrivons dans le procès-verbal que nous joignons à la présente. Vous verrez, Messieurs, a quels dangers notre ville a été exposée. Nous ne devons notre salut qu'à la prudence et au courage de nos gardes nationales. Nous sommes occupés maintenant à prendre les déclarations des personnes mises en état d'arrestation, et à recevoir les rapports ; nous nous proposons de rédiger un procès-verbal par suite, et nous nous empresserons de vous en adresser copie avec les pièces y relatives.
« Nous sommes, avec respect, Messieurs, etc.
« Signé : les officiers municipaux
de la ville de caen. »
Suit le procès-verbal du conseil général de la commune de Caen ainsi conçu :
« Aujourd'hui 5 novembre 1791, à 2 heures .de relevée, le conseil général de la commune de Caen, assemblé dans le lieu ordinaire de ses séances, pour dresser le procès-verbal des faits relatifs à l'insurrection qui a eu lieu ce matin, a recueilli ce qui suit :
« Depuis quelque temps une foule d'émigrants et de ci-devant nobles, tant de la ville de Caeh que des environs, se réunissaient dans les lieux et les places publiques, formaient des cavalcades et semblaient, par leur arrogance, leurs propos et leurs menaces, annoncer des projets hostiles. Ils sondaient les esprits et croyaient qu'ils rallie-
raient facilement à leur parti, ceux qu'ils désignaient sous le nom d'honnêtes citoyens, de mécontents. Il leur fallait un prétexte, et la cause des prêtres non assermentés leur en donnait un. On les entendait de toute part plaindre le sort de ces prêtres ; ils s'agitaient, et en faisant cause .commune avec eux, ils voyaient un moyen de grossir le nombre de leurs partisans. Ces circonstances avaient déterminé les administrateurs du département à prendre un arrêté qui prescrivait auxprêtres, ci-devant fonctionnaires publics, de quitter leurs paroisses, en exceptant toutefois ceux dont les municipalités auraient donné bon témoignage. Mais la lettre du ministre de l'intérieur, en les rétablissant dans les droits qui leur avaient été précédemment accordés, a occasionné une fermentation que le ministre était sans doute loin de prévoir. On a vu des prêtres non sermentés se présenter dans les paroisses desservies par des prêtres constitutionnels, ayant à leur tête des huissiers et des recors. Fidèles à la loi, les prêtres constitutionnels leur ont ouvert leurs églises et leur ont fourni tous les ornements nécessaires au culte divin ; ils n'en ont pas moins été mortifiés, injuriés, menacés par les gens qui accompagnaient les prêtres non sermentés. On a rémarqué que plusieurs de ces gens malintentionnés avaient des pistolets et plusieursautres armes. Ces rassemblements commencèrent à donner de l'inquiétude aux citoyens, et particulièrement au corps municipal.
« Le vendredi 4 de ce mois, M.Bunel, ci-devant curé de la paroisse de Saint-Jean, se présenta pour y dire la messe, environ à 8 heures du matin. Nous avons su qu'il avait averti le curé constitutionnel de ses intentions, et que la majeure partie des habitants de cette paroisse, composée de ci-devant privilégiés, avaient été également prévenus : aussi, à l'heure marquée, l'église était pleine ; et ce qui a paru étonnant, dans un jour ouvrable, ce rut de voir le sanctuaire et le chœur remplis de ci-devant nobles et domestiques qu'on soupçonnait être armés de pistolets, et cru on supposait être apostés pour exciter le trouole et faire un. coup de . main au besoin. Le ton de ces domestiques, leurs propos menaçants aigrirent les patriotes qui assistaient à cette messe ; mais ceux-ci, par prudence, évitèrent toute espèce de rixe. M. Bunel annonça qu'il se rendrait demain à l'église à la même heure. On l'entendit dire à ceux qui l'environnaient : patience, soyons prudents, le ciel nous aidera et tout ira bien. Une autre voix annonça un Te Deum en action de grâces.
« Le conseil général de la commune, instruit de ce qui venait de se passer, crut qu'il était de sa prudence d'écrire au sieur Bunel pour le prier de se dispenser de dire la messe le lendemain. La lettre ne pût lui être remise qu'à 8 heures et demie du soir, et il répondit le lendemain matin;sur les 9 heures, qu'il se soumettait à la réquisition de la municipalité ; mais les personnes prévenues la veille, ignorant la détermination ultérieurement prise par M. Bunel, se sont rendues à l'église dès 8 heures du matin. L'annonce de la veille avait malheureusement circulé dans la ville, et une affluence considérable de monde se rendit à la paroisse. Quelques patriotes, inquiets sur un rassemblement aussi subit, entrèrent dans l'église. On fut instruit des -causes de ce rassemblement, et ceux qui étaient •attachés à leur ancien curé disaient hautement qu'ils l'attendaient pour dire la messe et pour chanter un Te Deum.
« Un officier de la garde nationale, qui venait d'entendre que 7 ou 8 domestiques avait provoqué et insulté un grenadier, demanda à l'un de ces domestiques quels étaient leurs motifs. Sa réponse, accompagnée d'un ton menaçant, a été : « Vous venez chercher probablement ce que vous trouverez : nous avons plus de force que vous, et nous vous chasserons de l'église. » Ce domestique a été entouré à l'instant de ses camarades.
« Ces propos ont échauffé les esprits ; un groupe s'est porté vers l'église, et les, domestiques ont été appuyés d'une quarantaine de personnes parmi lesquelles on a reconnu des jeunes gens jusqu'alors suspects et qui, par leur conduite, étaient regardés comme des ennemis de la Constitution. L un d'eux a voulu désarmer un homme de la garde nationale, venu pour rétablir l'ordre. Il fit plusieurs tèntatives, il fut repoussé et reçut plusieurs coups de baïonnettes ? qui le renversèrent. Plusieurs personnes avaient des pistolets dans leurs poches, et en tirèrent plusieurs coups.
« Le tambour major de la garde nationale, ayant vu tirer une amorce sur lui, a tiré son sabre et a chargé ceux qui avaient provoqué cette attaque.
« Le corps municipal avait chargé deux commissaires d'aller sur les lieux et de lui rendre compte de ce qui se passait. A leur retour, deux officiers municipaux et le substitut du procureur de la commune s'y sont rendus avec deux compagnies de grenadiers et de chasseurs, et tous les citoyens de la garde nationale qui ont pu être rassemblés. Ils ont dissipé le premier attroupement. Quelques coups de fusu et de pistolet ayant été tirés dans la rue Guibert, les commissaires s'y rendirent avec leur détachement; le corps municipal s'y est présenté au même moment avec le drapeau rouge non déployé; ils empêchèrent qu'on enfonçât la porte de la maison de M. Durossel, d'où l'on a vu partir plusieurs coups de fusil. Quatre gendarmes nationaux déclarent avoir été mis en joue par des gens apostés dans la même maison.
« Après avoir assuré cette disposition par des piquets de gardes nationaux, le corps municipal a mit ordonner aux compagnies de ne pas tirer sans ordre des chefs, et il eut la satisfaction de voir en peu de temps renaître l'ordre et la tranquillité dans cette partie de la ville. Quatre personnes ont été blessées dans le premier moment de l'insurrection. Deux l'ont été très grièvement.
« Le calme paraissait renaître dans la ville ; mais le nombre des mécontents s'augmentait, et il était important, sinon de tarir la source des troubles, au moins d'assurer la tranquillité publique par les moyens que la prudence pouvait suggérer. La municipalité, ou plutôt le conseil général de la commune, alors assemblé, jugea convenable de consulter les corps administratifs; un officier municipal, deux notables et le substitut du procureur de la commune ont été chargés d'inviter les corps administratifs à se rendre à la maison commune ils se sont transportés au département, accompagnés par un détachement de gardes nationales.
«t Le procureur général syndic était absent ; et pour donner au département le temps de prendre une résolution, les commissaires se rendirent au directoire de district. Les administrateurs de ce directoire s'empressèrent d'accéder à la demande du conseil général de la commune. De suite, les membres du conseil, accompagnés des administrateurs de district, sont rentrés
dans la salle du directoire du département. Le directoire du département leur annonça qu'il avait nommé deux députés pour se réunir à eux et se rendre à la maison commune.
« Le substitut du procureur de la commune a observé que le conseil général avait besoin, dans la crise cruelle où se trouvait la cité, des lumières du corps entier; que l'objet de leur mission ne serait pas rempli s'ils acceptaient deux députés, et qu'ils allaient se retirer. Cette observation a été sentie de la part des administrateurs. qui se sont déterminés tous à quitter leurs fonctions pour se rendre également au vœu du conseil général de la commune. De là lés membres du conseil et les administrateurs du département et du district se sont transportés à la maison commune.
« Tous lès corps administratifs réunis en assemblée générale, à la maison commune, ayant été informés qu'une troupe de gens armés, composée de ci-devant nobles et de domestiques, était apostée sur la place de Saint-Sauveur, et qu'elle n'était commandée par aucun chef de la garde nationale, ont chargé un officier-major d'aller reconnaître cette troupe. Cet officier est
Barvenu à la conduire sur la place Saint-Pierre.
n a représenté à ceux qui la composaient, qu'ils auraient dû se rendre chacun dans la compagnie de son quartier, et se ranger sous le commandement du capitaine de la garde nationale. On avait des soupçons sur les dispositions de ces particuliers, et on les a fait entrer dans la cour ae la maison commune. Ils ont été amenés et entendus séparément, partie devant les corps administratifs, et les autres devant les commissaires nommés, et tous ont été désarmés. Les corps administratifs avaient d'abord décidé qu'ils seraient renvoyés; mais une lettre anonyme, énonciative d'un projet de coalition- entre les ci-devant nobles, trouvée sur l'un de ces particuliers, et qu'il s'efforçait de mettre en pièces, a déterminé les corps administratifs à les envoyer en état d'arrestation au château, autant pour leur propre sûreté que pour mettre le conseil général à portée de se procurer des renseignements.
« Au premier mouvement d'insurrection, des gardes nationaux ont arrêté, dans le quartier Saint-Martin, le sieur d'Héricy de Vaussieux qui était en voiture et qui paraissait quitter la Tille avec ses domestiques. Ces gardes l'ont désarmé et conduit au château. Dans ces entrefaites, un particulier qui avait insulté les gardes nationaux, dans le quartier Saint-Gilles, a été désarmé et conduit au château. On a trouvé dans l'une de ses poches le projet écrit de coalition sur lequel nous avions eu l éveil par la lettre dont il a été fait mention ci-dessus. Cet écrit présente un plan détaillé, article par article, d'une formation de comités qui remplaceraient les corps légalement constitués ; il présente aussi une liste de confédérés pris parmi les ci-devant nobles et les citoyens dits « honnêtes et mécontents ». Les chefs conspirateurs y sont désignés, les signes de ralliement y sont marqués ; on y parle d'officiers de justice, de membres de corps administratifs sur lesquels on paraissait compter; et cette conspiration, ce projet abominable devaient avoir leur exécution au premier éveil, à la première alerte.
« On a trouvé, en outre, sur un des particuliers, un papier qu'il s'efforçait de soustraire et de déchirer ; c'était un nouveau projet de rassemblement sous les ordres de deux chefs ci-devant nobles qui sont les sieurs Durosel et d'Hé-
ricy, lieutenants généraux des armées du roi. Ennn, une autre lettre nous a appris que l'exécution du projet devait avoir lieu le lundi suivant et que les mécontents de la ville de Bayeux, avec lesquels ce projet était sans doute commun, se rendraient en la ville de Caen, et se réuniraient aux conspirateurs de cette ville. Nous, avons fait encore quelques découvertes qui toutes se rapprochent du projet de conspiration. Les particuliers mis en état d'arrestation sont au nombre de 82. {Applaudissements.)
« Les premières opérations finies, les corps administratifs assemblés se sont occupés d'un projet d'arrêté. Si, d'un côté, l'on avait des in-
âuietudes sur les dispositions des émigrants qui epuis quelque temps résidaient dans la ville de Caen, de l'autre, nous avions été les témoins du fait qui avait donné lieu à l'insurrection. Ce n'a été qu'après une discussion approfondie que les corps administratifs ont arrêté, à la grande majorité des suffrages: 1° que tous les étrangers logés chez les aubergistes, soit dans les hôtels garnis ou maisons particulières, seront tenus de se rendre en personne, sous 24 - heures, en la maison commune, pour y être entendus sur les motifs de leur résidence, et de donner une déclaration de leurs armes, de quelque nature qu'elles soient, et de les y déposer; 2° que tout prêtre non sermenté, serait tenu de se dispenser provisoirement de célébrer la messe dans aucune église de la ville de Caen, jusqu'à ce qu'il ait été référé à l'Assemblée nationale des motifs impérieux qui ont déterminé tous les corps administratifs à reprendre ledit arrêté et qu'elle ait pris les mesures convenables aux circonstances.
» Cet arrêté pris, les administrateurs du département n'ont pas cru devoir le signer, à l'exception de M. Richier, et ils ont quitté la séance. Les administrateurs du directoire du district l'ont signé avec les membres du conseil général de la commune, et nous ont éclairés de leurs lumières jusqu'à une heure du matin, sur les incidents qui survenaient à chaque instant. Nous nous sommes occupés ensuite du soin de faire visiter les personnes mises en état d'arrestation, et de leur procurer les choses de nécessité. Des commissaires ont été nommés pour les interroger séparément. Les municipalités de Lisieux et ae Bayeux nous ont envoyé des députés pour nous offrir du secours. Nous avons formé un comité de surveillance.
« Fait et arrêté ce jourd'hui, etc.
« Signé : Les membres du conseil général de la commune ;
« Les membres du directoire du district;
« Richier , membre du directoire du département. »
Messieurs, nous voulons que les corps administratifs, que les pouvoirs judiciaires fassent leur devoir; il est temps que nous en donnions l'exemple. Il faut que la Constitution soit exécutée; c'est la Constitution à la main, que je viens faire une proposition qui me parait devoir réunir tous vos suffrages et que je réclame l'exécution de l'article suivant :
« La Constitution délègue exclusivement au Corps législatif le pouvoir d'accuser et de poursuivre devant la haute cour nationale ceux qui seront prévenus d'attentat et de complot contre la sûreté générale de l'Etat ou contre la Consti-tution. »
0r, Messieurs, nous avons maintenant la certitude qu'il existe les plus criminelles machinations dans tout le royaume ; il est temps que nous mettions fin à tous ces dissentiments et que nous réduisions les mécontents à l'obéissance qu'ils doivent à la loi. Le seul parti qui nous reste à prendre est de convoquer de suite la haute cour nationale. (Applaudissements dans la salle et dans les tribunes.)
J'espère que cette proposition ne souffrira pas la moindre contradiction. Il faut, Messieurs, vérifier les faits contenus dans le procès-verbal dont il vous a été donné lecture : on inculpe un corps administratif supérieur, on accuse des particuliers d'avoir voulu porter atteinte à la Constitution; il faut absoudre ceux qui sont innocents et punir ceux qui sont coupables.
Je propose donc de décréter sur-le-champ la convocation dé la haute cour nationale. (Fif s applaudissements.)
Un membre : Je demande qu'on aille aux voix sur-le-champ.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
(Une grande agitation règne dans l'Assemblée.)
est à la tribune ; les cris de ceux qui demandent d'aller aux voix l'empêchent de parler.
Je demande qu'on entende tous ceux qui veulent parler pour ou contre la proposition.
Il n'y a plus de doute : il y a une conjuration à l'extérieur et à l'intérieur. Nous devons nous dire qu'il faut ou mourir, ou veiller. La haute cour nationale doit veiller contre les conspirateurs. Je demande donc qu'elle soit convoquée.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
^(L'Assemblée est dans le plus grand* trouble.)
M. Guadet, ne prenez la parole qu'après que le calme sera rétabli.
Je rappelle a l'Assemblée que plus la matière est grave, plus il est nécessaire *de délibérer avec tranquillité. {L'Assemblée se calme.)
Dans une circonstance qui intéresse la sûreté de l'Etat, il ne faut pas se livrer à un élan d'enthousiasme qui ne pourrait nous empêcher d'atteindre le but que nous nous proposons. Or, ce but ne sera pas atteint si vous convoquez seulement la haute cour nationale. La uonstitution ne sera pas observée, tant que vous n'aurez pas nanti la haute cour nationale de la connaissance du crime que vous lui. dénoncez. Il faut donc décréter d'abord qu'il y a lieu à accusation contre les auteurs et fauteurs des troubles excités dans la villè de Caen comme prévenus de complicité contre la sûreté générale de l'Etat, et qu'à cet effet la haute cour nationale est convoquée dans la ville d'Orléans par exemple. {Non! non !) . Alors le vœu de la Constitution sera rempli. Je propose, en conséquence,, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale porte décret d'accusation contre les auteurs et fauteurs des troubles excités dans la ville de Caen, comme prévenus d'attentats contre la sûreté générale de l'Etat et de conjuration contre la patrie. En conséquence, elle décrète que la hautè cour nationale sera convoquée dans le délai de... »
Je demandé qu'atant tout, la municipalité de Caen fasse parvenir à l'Assem-
blée les procès-verbaux et autres pièces nécessaires.
La Constitution française paraît avoir dans ce moment deux espèces d'ennemis redoutables : les uns cherchent à porter la bâche au pied de l'arbre de la liberté ; les autres, insectes rongeurs, cherchent chaque jour à pénétrer dedans pour en gâter le cœur. Vous avez déjà trouvé les moyens de réprimer les premiers; il faut chercher les moyens les plus efficaces pour écraser les seconds. Représentants du peuple, ne vous rendez pas indignes du choix que l'on a fait de vous. Vous êtes ici pour exprimer la volonté générale. Cette volonté générale s'est suffisamment manifestée; la voix puissante du peuple s'est fait entendre de toutes parts : gardez-vous de la méconnaître. Mille pétitions vous disent que ces troubles occasionnés dans toutes les parties de l'Empire, le sont par des prêtres non assermentés ; de toutes parts on vous indique les précautions que vous devez prendre contre eux; c'est à vous de suivre les indications qui vous sont données.
On prétend, Messieurs, que parmi les conjurés désignés dans les pièces saisies, doivent se trouver des magistrats, des juges, des administrateurs. Moi, Messieurs, je suis chargé par le comité des pétitions de vous faire un rapport qui, peut-être, vous prouvera que cette coalition dont on vous a parlé dans les procès-verbaux de la municipalité de Caen, n'est pas seulement entre les honnêtes citoyens et les honnêtes mécontents des villes de Caen et de Lisieux. Peut-être qu'il sera possible de vous prouver que cette coalition a des défenseurs très zélés et des partisans très chauds dans le département de la Moselle et notamment dans le district de Thionville. Je consulte l'Assemblée dans ce moment pour savoir si elle juge convenable c[ue je lui fasse ces rapports au nom du comité des pétitions qui m'en a chargé depuis quatre jours.
Voix diverses : Oui', oui! Non! non ! — Ce n'est pas là la question !
Je suis dans la question. Vous cherchez des lumières dans les complots contre la nation, cette pétition vous en fournira.
Je consulte l'Assemblée. '
(L'Assemblée, consultée, décide que le rapport sera entendu.)
Je demandé la parole pour une motion d'ordre. (Non ! non !)
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Goupil-leau sera entendu.)
Je ne viens point vous apporter des plaintes vagues; ellSs sont précises et prouvées par le fait même, et je ne suis dans ce moment que l'écho du public. Vous avez décrété, le 30 octobre, que la proclamation du décret relatif à Louis-François-Stanislas-Xavier, prince français appelé à la régence, serait faite dans trois jours, à compter du décret, que trois jours après la proclamation lé ministre de la justice serait tenu de rendre compte des diligences qu'il aurait faites pour promulguer la loi. Eh bien! Messieurs, cette loi est sans exception ; nous ne voyons ni proclamation, ni compte rendu par le ministre.
Voix diverses : La proclamation est affichée l — L'ordre du jour!
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Je demande la parole.
Un membre vient de m'ap-prendre que la proclamation est affichée et qu'il la lue ce matin.
Que la proclamation soit affichée ou non, le décret n'est pas rempli ; le ministre devait nous rendre compte dans trois jours, et fl ne l'â pas fait.
Je me plains de ce qu'au moyen de toutes ces questions' on éloigne l'attention de l'Assemblée. On a décrété que le rap-
Sort du comité des pétitions serait entendu. Jè emande l'exécution de ce décret.
, au nom du comité des pétitions (1). Voici le rapport :
Le 19 du mois de septembre, le procureur-syndic du département de la Moselle convoqua les électeurs et notamment ceux du district de Thionville pour procéder à la nomination des administrateurs. Cette lettre de commission indiquait que, par suite, on procéderait à la nomination des curés constitutionnels en remplacement de ceux non assermentés dont il joignait la liste. Les électeurs étaient assemblés : (Tétait le lundi. Le procureur-syndic leur fit savoir que les décrets voulaient que les élections des curés fussent faites un dimanche. En conséquence de cet avis, les électeurs se séparèrent, et l'Assemblée se forma le dimanche suivant, 25 septembre. Les élections furent faites suivant la liste des cures vacantes qui fut remise de nouveau par le procureur-syndic. Les curés nommés reçoivent l'institution canonique et sont installés. Après toutes ces formalités, qiii croira que les curés non assermentés, qui avaient refusé de se soumettre à la loi, ont pensé qu'ils pouvaient rentrer dans leurs cures, et en chasser ceux qui avaient été légalement élus.
En conséquence, ils ont présenté au Directoire du département une pétition, des observations, des mémoires pour demander que les curés constitutionnels, élus les 25 et 26, fussent chassés de leurs cures et qu'on y replaçât et réintégrât les curés qui avaient été destitués. Cette prétention doit étonner sans doute, mais votre étonnement ne sera peut-être pas moins grand lorsque j'aurai l'honneur de vous apprendre que, sans prendre l'avis du directoire de district, le directoire du département a assez méconnu la loi pour porter I un arrêté qui a dit que les curés non assermentés seraient réintégrés dans leurs cures, et que les curés constitutionnels seraient tenus de se retirer. ÇMurmures.) ;; Messieurs, j'ai été rigide dans l'exposé des faits.....
Plusieurs membres : Lisez les pièces !
, rapporteur. On demande que je lise les pièces. Voici un exploit signifié par un huissier, à un curé constitutionnel. Quoique son griffonnage soit fort difficile à lire, cependant je vais essayer.
Un membre : Je demande qu'on établisse, une fois pour toutes, qu'il n'y a pas de curés constitutionnels. (Murmures.)
, rapporteur. Messieurs, je trouve dans la pièce, curé constitutionnel ; rapporteur exact
et fidèle, je dois me Servir du terme que je trouve dans la pièce. La voici:
Plusieurs membres .' Lisez donc?
, rapporteur. L'écriture est illisible ; mais un membre de cette assemblée m'a remis une copie de l'arrêté du Directoire du département, que je vais vous lire.
Un membre : Nous le connaissons ; il a déjà été lu à l'Assemblée.
, rapporteur, donne lecture de l'arrêté :
« Sur le rapport d'une pétition de MM. Juving et Lapierre contenant opposition à leur remplacement, le directoire du département, ouï et ce requérant le procureur général syndic :
« Considérant que, suivant la Constitution française, les fonctions des assemblées primaires et électorales se bornent à élire, et qu'elles doivent se séparer aussitôt après les élections faites, sans pouvoir se former de nouveau, que lorsqu'elles sont convoquées, si ce n'est dans les deux cas qu'elle prévoit : que les opérations d'un corps électoral doivent être indiquées à chacune des élections par lettre de convocation du procureUr-syndic, dans le cas du rassemblement des électeurs d'un district; par lettre du procureur général syndic, dans le cas de la réunion des électeurs du département, et qu'il ne peut s'occuper que des élections qui lui sont désignées par ladite lettre ; . « Considérant que l'assemblée électorale du district de Thionville s'est écartée des principes constitutionnels en «'ajournant, de son autorité, du 19 septembre au 25, et en procédant ledit jour au remplacement des curés non conformistes, pour lequel elle n'avait pas été convoquée; que, d'un autre côté, la loi au 18 mars accordant aux fonctionnaires publics la faculté d'être admis au serment jusqu au commencement du scrutin, il était de toute justice de les prévenir ;
Considérant, en outre, que ces formes de rigueur ne pouvaient être suppléées par l'avis donné au corps électoral, pendant sa réunion, des cures vacantes dans ce district, qu'en se conformant à ce que la loi exige dans cette partie, ce n'était pas l'état des cures vacantes, mais la liste certifiée des curés non-conformistes qui devait être fournie audit corps électoral, attendu qu'une cure n'est vacante que par mort ou par démission, et nè l'est pas par le défaut de prestation du serment du fonctionnaire public qui peut le prêter encore au moment d'être remplacé;
Déclare, en conséquence, nulles toutes le sélections faites en remplacement des curés non conformistes par le corps électoral du district de Thionville; arrête, etc. »
Un membre : Le renvoi au comité de législation.
Je demande qu'il soit fait mention honorable de l'arrêté du Directoire du département de la Moselle, comme étant fait dans les principes de la Constitution. (Murmures.)
Je demande que le rapporteur soit entendu.
, rapporteur. Tous ces faits, Messieurs, ont été pesés par votre comité des pétitions ; il a cherché à connaître en détail les principes relatifs à la matière.
Le comité des pétitions a considéré d'abord
Que la liste envoyée pour le procureur-syndic du istrict au corps électoral, était une indication formelle de l'intention où il était de les convoquer pour procéder à la nomination de ces curés, et qu ensuite l'avertissement donné par le procureur-syndic du district, que la nomination des curés ne pourrait avoir lieu qu'un dimanche, était un avertissement et je dirai même une convocation formelle, pour que le corps électoral se rassemblât le dimanche suivant. C'est en vertu de ces principes, que le comité a pensé que les élections avaient été régulièrement faites. Il a considéré que le corps constituant avait déclaré valable la nomination de l'évêque, quoiqu'elle eût été faite à liste double, malgré que le décret portât que les nominations seraient faites par scrutin individuel. Sur cet exemple,; votre comité, après avoir bien examiné les extraits du procureur général du département, envoyés à chaque électeur, lus par le procureur-syndic du district lui-même, croit pouvoir vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des pétitions, et déclaré qu'il y a urgence, attendu qu'il importe au bien public que le bon ordre se rétablisse dans le district de Thionville, département de la Mosellé, décrète définitivement que les curés nommés par les électeurs du district de Thionville les 25 et 26 septembre, sont et demeurent régulièrement élus. »
Plusieurs membres : Quel rapport cette affaire a-t-elle avec celle de Caen?
et plusieurs autres membres insistent pour qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de l'arrêté du Directoire du département de la Moselle, attendu qu'il est très co nforme à la Constitution.
Messieurs, j'ai entendu, et avec beaucoup d'attention, le rapport qui vous a été fait par votre comité des pétitions. J'imaginais trouver un fil de correspondance entre les faits arrivés dans le district de Thionville et la conspiration qui vient de vous être dénoncée avoir pris naissance dans la ville de Caen, et ce fil de correspondance, personne ne l'a aperçu. Je trouve, au contraire, dans l'exposition qui est faite par les administrateurs de département, qu'ils se sont presque en tout conformés à la loi, excepté qu ils n'ont pas consulté le district. Leurs principes sont très constitutionnels.
A la tribune! (Ah! ah !).
Mais, Messieurs, en supposant
Sue leur délibération ne remplisse pas les vues e l'Assemblée, on ne peut pas l'imputer à mauvaise volonté, parce qu'il n'y a pas de lois qui autorise les corps électoraux à s ajourner ; mais je demande que l'on ajourne le rapport dont les principes ne sont pas suffisamment développés, et qu'on reprenne la discussion de la question de la conjuration de la ville de Caen ; discussion qui n'a été interrompue que parce qu'on vous a fait penser mal à propos qu'il y avait une espèce de correspondance entre les conjurés de la Moselle et ceux du Calvados. Je ne crois pas que l'Assemblée puisse se refuser à la proposition que je lui fais, et je le crois avec d'autant plus ae raison, qu'elle se souviendra que par un décret provisoire elle a maintenu les curés élus par le corps électoral. H n'y a donc point de provisoire sur l'affaire du district de Thionville, et il y en a beaucoup sur l'affaire de Caen. Je fais donc la motion qu'on ouvre à l'instant la
discussion sur le point de savoir si l'on convoquera la haute cour nationale, et si l'on prononcera un décret d'accusation.
(L'Assemblée, consultée, adopte la proposition de M. Delacroix).
, secrétaire. Messieurs, je vais vous donner lecture des articles du décret du 10 mai 1791, relatif à. la haute cour nationale et qui ont trait à l'objet actuellement en discussion.
Art. 4.
« La haute cour nationale connaîtra de tous les crimes et délits dont le Corps législatif se portera accusateur.
Art. 5.
« La haute cour nationale ne se formera que quand le Corps législatif aura porté un décret d'accusation.
Art. 6.
« Elle se réunira à une distance de 15 lieues au moins, du lieu ou la législature tiendra ses séances. Le Corps législatif indiquera la ville ou la haute cour nationale s'assemblera.
Art. 7.
« Le décret du Corps législatif, portant accusation, n'aura pas besoin d'être sanctionné par le roi.
Art. 8.
« Le décret du Corps législatif, portant accusation, aura l'effet d'un décret de prise de corps.
Art. 9.
« Avant de porter le décret d'accusation, le Corps législatif pourra appeler et entendre à sa barre les témoins qui lui seront indiqués; il ne sera point tenu d'écrire les dirès des témoins, mais, après que le décret portant accusation aura été rendu, les témoins seront entendus par les quatre grands juges, et leurs dépositions reçues par écrit.
Art. 10.
« Lorsque le Corps législatif aura décrété qu'il se rend accusateur, il fera une proclamation solennelle pour annoncer la formation d'une haute cour nationale, et fera rédiger l'acte d'accusation de la manière la plus précisé et la plus claire, et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de l'accusation. »
Si l'Assemblée me le permét, je lui observerai que, d'après la lecture de la loi, la première
?uestion que nous devions discuter est celle-ci :
a-t-il lieu ou non à accusation d'après les faits contenus au procès-verbal du département du Calvados? »
Avant que vous ayez discuté s'il y a lieu à accusation, je crois que, par la raison qu'il y a des pièces trouvées sur les lieux, il faut auparavant que vous les connaissiez, pour savoir si vous entendrez les témoins ; c'est la base de votre décret d'accusation, car, jusqu'ici, vous n'avez qu'une simple relation des faits. On n'ignoré pas qu'il y a une conspiration dans l'intérieur et même à l'extérieur du royaume ; mais avant que vous portiez un décret d'accusation contre les auteurs des troubles, faites-vous représenter toutes les pièces. Puisque l'accusation les met dans le cas d'un décret de prise de corps, il faut absolument que vous ayez toutes
les pièces à l'appui de la dénonciation ; en ce moment, ce n'est qu'une simple dénonciation.
Dès le premier moment où nous nous sommes rassemblés, de toutes les parties de l'Empire on a apporté à l'Assemblée nationale, des plaintes, tantôt, contré les officiers des troupes de ligne, tantôt contre les administrateurs civils.
Plusieurs membres : Au fait, au fait!
Eh ! laissez donc, Messieurs, je vous en prie...., tantôt contre les prêtres assermentés. Aujourd'hui la ville deCaen vous envoie des procès-verbaux où des nobles et des prêtres non assermentés sont inscrits nommément. Vous avez donc, Messieurs, dans ces procès-verbaux, au moins une preuve donnée par des corps administratifs, chargés par la Constitution de veiller au maintien delà tranquillité publique, que telles ou telles personnes sont accusées d'etre les auteurs des troubles qui ont bouleversé la ville de Caen et mis en défaut la sûreté de l'Empire.
Je demanderais donc, Messieurs, que l'on portât d'abord une accusation contre les personnes dénommées dans les procès-verbaux que la ville de Caen vous a envoyés, et que sur toutes les autres qui vous ont été dénoncées, on rassemble, comme'!'a fort bien dit M. Ducastel, toutes les autres pièces qui ont été envoyées à l'Assemblée nationale jusqu'à aujourd'hui ; que du résultat de ces pièces on formât une accusation contre toutes les personnes qui y sont inscrites. Ainsi, Messieurs, je me résume et je demande que l'Assemblée porte d'abord un décret d'accusation contre les personnes inscrites dans les procès-verbaux de l'assemblée générale de la commune de Caen; qu'ensuite l'Assemblée convoque, suivant les voies légales, la haute cour nationale ; et qu'à la diligence de la nation, par ses deux représentants, on poursuive, par devant la haute cour nationale, les personnes accusées dans les différents procès-verbaux des différents conseils généraux, des commissaires, qui nous ont été envoyés.
Un membre : La dénonciation qui vous a été faite est signée de beaucoup de personnes. Elle est revêtue des formes qui vous mettent en mesure de rendre le décret d'accusation, et convoquer la haute cour nationale. Messieurs, une grande trame se manifeste, elle embrasse le royaume. Attendez-vous qu'elle ait éclaté dans plusieurs endroits, et qu'enfin vous soyez embarrassés dans les mesures que vous aurez à prendre, il est temps de prendre des précautions ; je demande que, dès ce moment, le décret soit rendu pour l'accusation de ceux qui sont dénommés dans les procès-verbaux du conseil général de la commune de Caen.
Messieurs, à moins de vouloir se refuser à l'évidence, on ne peut douter qu'il existe à Caen de grands criminels de lèse-nation; et vous ne pouvez vous empêcher de porter le décret ^accusation et de convoquer la haute cour nationale contre ceux qui sont dénoncés dans le procès-verbal des, corps administratifs. C'est la seule ressource que vous ayez. Il faut enfin sortir de son fourreau ce nouveau glaive de la loi qu'a fabriqué la liberté. Ce n'est qu'en faisant tomber la foudre au milieu de nos ennemis que vous leur apprendrez à reconnaître enfin, et à respecter votre toute puissance. Lorsqu'on tient, comme vous, les rênes de l'Empire,
on ne doit avoir ni crainte, ni pitié, il faut que tout fléchisse devant la loi. Car si une fois, ceux qui en sont l'instrument, qui doivent la faire exécuter, si une fois ceux-là montrent de la faiblesse envers les coupables, alors ils ne sont plus dignes de commander au nom de la loi.
Agissons donc avec le courage et la force qui conviennent aux représentants de la nation: sachons oser; ne nous laissons pas épouvanter par là grandeur de nos actions; convoquons, immédiatement après l'accusation, la haute cour nationale; que les principaux coupables montent sur l'échafaud, et vous verrez tout le reste mordre, en frémissant, le frein de la loi, mais s'y assujettir. {Applaudissements dans les tribunes.)
Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit, dans cette tribune, à l'occasion des faits qui se sont passés dans la ville de Caen : ces faits sont constatés, non pas par une lettre particulière, mais par une expédition en forme, envoyée par le secrétaire greffier de la municipalité. D'après cela, Messieurs, nous devons regarder comme certain, comme positif, tout ce qui y est énoncé. Maintenant je vais m'occuper de répondre à l'objection qui a été faite par M. Ducastel, et démontrer que nous ne sommes pas obligés, que nous ne pouvons pas attendre des renseignements ultérieurs pour nous déterminer à prononcer qu'il y a lièu à accusation.
L'article 9 de la loi de création de la haute cour nationale, sur lequel M. Ducastel fonde son observation, est celui même sur lequel je me fonde pour combattre son opinion. Que porte cet article? Il porte que le Corps législatif pourra entendre des témoins à sa b^rre, avant de déclarer qu'il y a lieu à accusation. Le mot pourra est seulement facultatif; ainsi vous n'êtes point tenus, avant de porter votre décret d'accusation, d'attendre, comme il vous l'a dit, des renseignements ultérieurs des procès-verbaux qui vous sont expédiés, encore moins d'entendre des témoins.
Ah ! Messieurs, quelle preuve plus légale pou-vez-vous vous procurer qu'un procès-verbal qui a été rédigé par le conseil général de la commune, par les administrateurs du district, qui tous l'ont signé, et en présence du directoire du département, que je ne veux pas inculper parce qu il n'a pas signé? La municipalité vous annonce des faits qui sont désolants ; la municipalité vous annonce qu'il y avait une conjuration, elle vous indique, elle vous Cite les deux chers de cette conjuration. Elle a fait plus; elle â mis en état d'arrestation 82 personnes qui ont été saisies en flagrant délit. Dans le nombre de ces 82 personnes sont les chefs des conjurés qui sont eux-mêmes détenus avec leurs compliçes. Or, je vous le demande, Messieurs, il faut absolument prononcer sur cette détention ; car on ne peut pas les détenir arbitrairement. Il faut absolument que la municipalité les élargisse ou qu'on les dénonce à un tribunal pour être jugés.
Je propose à l'Assemblée nationale de décréter qu'elfe prend pour dénonciation la copie du procès-verbal qui a été envoyé par la municipalité ~de Caen, copie qui lui a été adressée officiellement par le conseil général de la commune, et qu'elle prononce qu'il y a lieu à accusation. (Applaudissements dans les tribunes.)
La première question que nous ayions à examiner, est celle de savoir si le délit dont on se plaint èst de la compétence de la haute
cour nationale, oui ou non. La haute cour nationale ne doit connaître, et l'Assemblée ne doit dénoncer que les agents du Pouvoir exécutif, et les crimes qui attaquent la sûreté générale de l'Etat. Or, il ne s'agit ici que d'un département et, sous ce rapport, nous ne devons pas nous en occuper. (Murmures.) Secondement, en supposant le délit de la compétence de la haute cour nationale, il faut savoir s'il existe assez de preuves pour désigner les coupables. L'affirmative reconnue, nous devrions convoquer la haute cour nationale, mais si la preuve du délit commis n'avait pas lieu, nous ne pourrions la convoquer. Tel est l'esprit de l'article 4 de la loi sur la formation de ce tribunal.
LeS procès-verbaux qui sont envoyés sont-ils des preuves suffisantes pour que vous déclariez qu'il y a lieu à accusation contre quelqu'un? Je dis que non, et je le dis, parce que les procès-verbaux qu'on a lus ne sont pas signés par le directoire du département. (Murmures.) Le directoire du département, à qui je crois des intentions pures, avant refusé de signer, je regarde ces procès-verbaux comme suspects, et certainement...
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre. (Bravo! bravo ! et applaudissements dans les tribunes.)'
Je demande que l'on rappelle à l'ordre non pas l'opinant, mais les tribunes.
Je rappelle les tribunes au respect qu'elles doivent à l'Assemblée.
J'ai mérité d'être rappelé à l'ordre, oui ou non; si je ne l'ai pas mérité, on doit y rappeler M. l'Ëvêque.
Monsieur, vous pouvez parler, je maintiendrai la liberté des opinions.
Vous le devez, Monsieur le Président.
Je dis, Messieurs, jue j'ajoute autant de foi au refus qu'a fait le département, dont je ne suspecte pas les sentiments, de signer le procès--verhal, que je puis avoir confiance dans les faits quj sont consignés dans le procès-verbal seulement signé par le directoire de district et par la municipalité. Ce procès-verbal, je le dis, n'est pâs une preuve suffisante, pour que nous puissions porter un décret d'accusation. Qu'est-ce qu'uû décret d'accusation? C'est un décret de
f>rise de corps. Or, je demande si vous pourriez e décerner dans un tribunal quelconque contre des particuliers, si vous n'aviez d'autres preuves que celles qui résultent d'un procès-vernal suspect ? Pour que l'Assemblée puisse se décider à porter un décret d'accusation, il faut donc nécessairement qu'elle soit nantie de toutes les pièces qui ont été trouvées sur les prévenus, et qui ont été annoncées par le procès-verbal.
Le décret que l'on vient de lire, où il est dit que te Corps législatif pourra appeler des témoins, démontre la nécessité de ne porter un décret d'accusation qu'après avoir acquis des preuves. Si votre sagesse, si vos lumières ne sont pas où elles doivent atteindre pour porter un décret d'accusation, dès lors vous avez la faculté d'entendre des témoins; et vdilà comme je prouve que ce décret est à l'avantage de la proposition que je fais.
Je demande, en conséquence, que la question feoit ajournée, et qu'on demande aux différents corps administratifs les pièces qu'ils ont énoncées dans les procès-verbaux. (Applaudissements$
Une grande conspiration contre l'Etat vous est dénoncée; le devoir, que nous avons tous juré de remplir, est de re-cnercher, de poursuivre et de faire punir les coupables. La plus grande mesure que la Constitution nous prescrit est la convocation de la haute cour nationale. La loi a voulu que les représentants de la nation remplissent eux-mêmes une partie importante de cette procédure ; elle vous a constitués juges de l'accusation. (Murmures.)
Vous avez le jugement de la plus haute importance à prononcer pour la dignité de la nation et pour la vôtre, et les murmures queie viens d'entendre me font naître une idée enrayante que j'oserai vous dire. Si vous prononciez le jugement d'accusation, et que vous n'eussiez pas de preuves suffisantes pour le motiver, le Corps législatif, les représentants de la nation seraient obligés ae faire une réparation à l'homme qui eût été accusé à tort. (Quelques applaudissements et beaucoup de murmures.)
Messieurs, il est impossible que l'on me conteste que toutes les fois que l'on prononce sur des faits, ce ne soit par un jugement. Or, vous ne pouvez prononcer le décret d'accusation que sur des faits; il faut donc vous mettre dans votre véritable position : vous êtes des hommes d'Etat et des juges, au moment où vous prononcez l'accusation. (Murmures.)
Un membre : Lisez la Constitution !
Maintenant, faisons un rapprochement naturel de nos devoirs avec ceux Jju'aurait à remplir un juré; Vous, n'êtes, en effet, lorsque vous prononcez le décret d'accusation, que le haut juré. Si vous êtes haut juré, comment, a-t-on pu s'arrêter un seul moment à l'idée de prononcer sur la partie d'une instruction, quand ceux qui vous l'envoient déclarent qu'elle n'est pas entière? Qui vous répond, Messieurs, que, dans la suite de l'instruction, j'entends dans la suite des procès-verbaux, les preuves de justification de ceux qu'on a fait enfermer ne se trouvent pas ? J'ai remarqué dans ces procès-verbaux qu'il y a plusieurs personnes qui ont été enfermées pour leur sûreté, autant que pour suspicion du crime; le procès-verbal le porte expressément. Quel est le juré qui oserait prononcer en matière criminelle quand il y a des pièces qui lui sont indiquées, qui existent et qu'il n'a pas vues? Non, il n'y aurait pas, j'ose le dire, de délit plus grave en matière criminelle que celui de prononcer une accusation sans avoir examiné toutes les pièces dont l'existence est certaine.
Je demande donc que vous ajourniez la proposition qui a été faite et voici la marche que je vous propose de suivre : c'est d'imprimer sur-le-champ le procès-verbal et d'en faire un rapport 24 heures après. Si dans la lecture que chacun de nous en fera, vous trouvez dès preuves suffisantes, vous prononcerez ; sinon, vous saurez ce qu'il vous faudra en supplément de preuves, et vous vous mettrez en état de juger en connaissance de cause.
J'ajoute que les circonstances de cette affaire rendent encore cette mesure sans inconvénient, puisque ceux qui paraissent être les auteurs de ta sédition sont en état d'arrestation- : ils y ont été mis selon les lois, puisqu'ils ont été pris en flagrant délit, et arrêtés par voie de police. (Murmures.)
J'ajouterai une dernière réflexion. Autant,
comme l'a dit hier l'honorable membre qui nous préside aujourd'hui, autant il est important que les véritables conjurations , soient dévoilées, autant il est malheureux qu'il y ait des dénonciations qui ne soient pas suivies de preuves. En effet, Messieurs, plus les ennemis du bien publie penseront qu il y a des conjurations multipliées, et plus ils en feront contre vous. Ainsi ne prononçons sur de pareilles dénonciations qu'avec des preuves suffisantes, et prenons le temps nécessaire pour réfléchir. Je me résume : Imprimer sur-le-champ les pièces qui vous ont été lues, délibérer après-demain sur le rapport qui en sera fait.
Au reste, on propose autour de moi une mesure très raisonnable : c'est d'envoyer un courrier extraordinaire, qui nous apporte les expéditions des pièces, de manière que le rapport ne souffre que le moindre délai possible. Vous prononcerez alors comme des juges, des législateurs et des véritables patriotes.
J'avais demandé la parole pour appuyer la motion faite par M. Ducastel. Après ce qui vient d'être dit par les opinants,; j'ai peu de choses à ajouter.
Nous avons ici, Messieurs, deux grands devoirs à remplir, deux grands intérêts à discuter. Vous devez prendre une mesure ferme qui en impose à toutes cês cabales et qui déjoue tous les complots contre la sûreté publique; mais, d'une autre côté, il faut considérer que l'Assemblée nationale va maintenant mettre en activité la précieuse institution des jurés, et qu'il importe de lui imprimer son vrai caractère. Vous l'a-vouerai-je, Messieurs, j'ai frémi sur cette belle institution, lorsque j'ai vu la précipitation avec laquelle on voulait en user, avec laquelle on voulait décréter de prise de corps.
Lorsque l'Assemblée nationale est appelée par la Constitution à prononcer l'accusation, elle n'est plus Corps législatif ; il n'y a plus urgence, elle devient jiiré d'accusation pour l'Etat, et alors tout doit être calme et prendre, dans le Corps, législatif, les formes rigoureuses de la justice.-Eh! Messieurs, songez aux dangers que courrait Cette grande institution qui s'établit pour la
1>remière fois dans un grand Empire? si, au mi-ieu des discordes civiles, elle prenait le caractère des passions.
Je réduis ma motion à cette idée-ci : J'adopte la proposition faite par M. Delacroix de prendre les dépêcheéque vous a envoyées la municipalité de Caen pour une dénonciation; d'ordonner, soit par des courriers que l'Assemblée enverra, soit par la voie du Pouvoir exécutif, que toutes les pièces seront apportées, qu'elles seront ren7 voyees à un comité, pour en rendre compte dans le plus court délai, qu'elles Seront lues entières et qu'il sera délibéré, par appel nominal, sur le parti à prendre. (Applaudissements.)
Plusieurs'membres : La discussion fermée !
(Après une épreuve déclarée douteuse, l'Assemblée ferme fa discussion.)
Je demande la priorité pour la motion de M. Lacretèlle.
Voici comment je résume ma motion : Je demande qu'avant de déclarer qu'il y a lieu à accusation, et que la haute cour nationale soit convoquée, il soit décrété que les interrogatoires, les manuscrits privés et autres pièces énoncées dans le procès-verbal de la municipalité de Caen seront par elle envoyés incessamment à l'Assemblés nationale.
- J'ajoute, de plus, que cependant les personnes arrêtées continueront d'être en état d'arrestation.
J'adopte le paragraphe additionnel de M. Ducastel.
parle à la tribune ; il est interrompu par des murmures qui troublent longtemps la délibération.
, secrétaire, donne lecture de la rédaction de M. Ducastèl.
Je n'entrerai pas dans la discussion du fond, mais je propose un amendement à la motion de M. Ducastel. Cet amendement tombé sur la partie de sa proposition qui est de faire porter aux comités de l'Assemblée nationale les pièces de la procédure...
Plusieurs membres : La copie collationnée des pièces, et non pas les pièces.
Voici les preuves en forme qui s'opposent à cette mesure. r
Jamais les pièces d'une procédure criminelle n'ont été déplacées d'un greffe que pour passer dans un autre greffe. La proposition de M. Ducastel ne tendrait à rien moins qu'à faire considérer l'Assemblée comme un tribunal en forme, qui aurait un greffe où les pièces pourraient être déposées; mais surtout j'établis que vous n'avez pas besoin de ces, pièces pour rendre un décret d'accusation. (Murmures.),
Plusieurs membres : La discussion est fermée !
On vous a dit que vous ne deviez jamais vous déterminer à lancer un décret d'accusation sans avoir sous les yeux les preuves du délit. Si, malheureusement, cette maxime-là passait ici, ii en résulterait, pour le tribunal qui aurait à connaître de l'affaire après nous, une présomption défavorable pour les accusés. (Murmures.) L'Assemblée constituante, qui a craint de vous donner cette influence sur le, tribunal, n'a pas voulu que vous eussiez besoin de preuves pour rendre le décret d'accusation. (Exclamations.)
Votre amendement î
Voici mon amendement : Je m'oppose de toutes mes forces à ce que le Corps législatif fasse porter devant lui, les .pièces de la procédure instruite contre les prévenus. (Murmures.) Ayant présenté deux grands motifs de cet amendement, je les couronne par l'article même de la Constitution. Elle porte que le Corps législatif est autorisé à poursuivre devant la haute cour nationale tous ceux qui sont prévenus d'attentat contre la sûreté générale du royaume ou contre la Constitution ; elle ne nous dit pas que vous les jugiez coupables. (Applaudissements). Ov, je demande si ceux-là sont prévenus de complot contre la sûreté de l'Etat, qui ont été pris les armes à la main dans la ville de Caen ? Je demande s'ils sont prévenus de complot contre la sûreté de l'Etat, ceux contre qui on a été obligé de faire marcher des troupes et qui ont été trouvés nantis de pièces. (Applaudissements)^ Je conclus à ce que l'article relatif à l'apport de la procédure soit retranché du décret proposé par M. Ducastel.
J'y consens, pourvu qu'on envoie une copie collationnée... (Murmures.)
monte à la tribune et veut parler.
lui maintient la parole mal" gré le tumulte et les murmures.
Je demande la parole pour faire une motion d'ordre.'Les amendements ne peuvent être proposés que sur un projet auquel la priorité est déjà accordée, sans cela nous nous perdrons dans de vaines discussions sur les amendements, et nous ne parviendrons jamais à un résultat. Je demande que M. le Président consulte l'Assemblée pour savoir à quel projet de décret elle veut accorder la priorité. Quand la priorité sera accordée on recevra les amendements. (Applaudissements.)
Il n'a encore été proposé qu'un projet de décret.
Plusieurs membres à gauche : M. Delacroix en a un autre.
Je propose à l'Assemblée nationale de décréter qu elle prend pour dénonciation le procès-verbal en forme envoyé par le conseil général de la commune et par le directoire du district de Caen, contenant lés faits de conjuration y portés, ainsi que le nom de ceux qui sont accusés d'en être les chefs, qu'elle met en état d'accusation les sieurs tel et tel, etc... et qu'en conséquence la haute cour nationale sera convoquée.
Plusieurs membres: La priorité pour leprojet de M; Delacroix.
Si l'on veut entendre la lecture de la loi du 19 mars 1791, relative aux troubles de Douai, je vous montrerai le parti que prit l'Assemblée constituante sur cet objet. Voici le préambule :
* « L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui, a été rendu par ses comités des rapports militaire ét de recherchés, des événements arrivés dans la ville de Douai, les 15,16 et 17 de ce mois, d'après l'examen des procès-verbaux des directoires du département du Nord et du district de Douai ; considérant que ces événements ont été en grande partie amenés par le refus constantj de la municipalité de Douai, de proclamer la loi martiale, nonobstant les réquisitions du directoire du département du Nord que cette municipalité n'a opposé auxdites réquisitions qu'une prétendue coalition des gardes nationales et des troupes de ligne avec les mauvais citoyens, coalition invraisemblable, dénuée de toute preuve légale, et qui n'aurait pu être constatée que par le résultat même de la proclamation de la loi martiale, d'après laquelle on ne peut douter que lesdites gardes nationales et troupes de ligne n'eussent déployé tout leur civisme, et manifeste tout leur respect pour la loi, décrète ce qui suit : »
D'après le préambule de ce décret vous voyez, comme l'a observé M. Làcretelle, que l'Assemblée nationale constituante même, a cru qu'il n'était pas une mesure, qu'il n'était pas une précaution qu'elle ne dût apporter pour assembler les jurés. Elle n'a décidé qu'il y avait lieu à accusation, qu'après avoir eu connaissance des procès-verbaux du directoire de district et du directoire de département. Il est donc essentiel que nous ayons la copie des procès-verbaux. En conséquence, je demande la priorité pour le projet de M. Ducastel.
, secrétaire; donne de nouveau lecture du projet de décret de M. Ducastel. Il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que des copies collationnées des interrogatoires, manuscrits privés et autres pièces et renseignements énoncés
au procès-verbal du conseil général de la commune et du directoire du district de Caen, ainsi que tous autres documents recueillis depuis, seront envoyés au Corps législatif, et que cependant les personnes arrêtées continueront de rester en état d'arrestation, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale en ait autrement décrété. »
Plusieurs membres : Aux voix ! aux yoix ! ce projet de décret I
Il faut se garder de tout enthousiasme,, et réunir tout ce qui peut contribuer à couper la trame du complot qui vient d'être dér couvert. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture dii procès-verbal de la municipalité de Caen, èn date du 5 novembre 1791, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le roi sera prié de donner, sous la responsabilité
de ses ministres, tous, les ordres nécessaires pour assurer la tranquillité publique dans le
département du Calvados.
« Art. 2. Les auteurs et fauteurs des troubles excités dans la ville de Caen sont déclarés prévenus d'attentats contre la sûreté générale de l'Etat et d'attentats contre, la Constitution ; l'Assemblée nationale porte contre eux le décret d'accusation.
« Art. 3. Il sera fait une proclamation pour convoquer là haute cour nationale, et les prévenus resteront en état d'arrestation. Le procès sera fait par elle aux auteurs et fauteurs desdits troubles ; en conséquence, tant le procès-verbal de la municipalité de Caen que les pièces y annexées seront remis à la haute cour nationale, dès qu'elle sera rassemblée.
(Vifs applaudissements dans les tribunes et dans une partie de VAssemblée.)
aîné. Je demande la priorité pour le projet de M. Guadet.
Trois projets se disputent la priorité, je vais d'abord mettre aux voix la priorité réclamée pour le projet de M. Guadet.
Plusieurs membres demandent la parole.
D'autres membres demandent que la discussion soit fermée.
veut parler ; plusieurs membres lui disputent la parole.
La parole est à M. Goujon.
Je m'oppose à la priorité demandée pour le projet de M. Guadet et pour celui de M. Delacroix. (Les murmures empêchent l'orateur de continuer.)
Je prie M. le président de rappeler à l'ordre ceux qui m'interrompent, autrement je les y rappellerai moi-même.
Je réclame la priorité pour le projet de M. Ducastel ; la raison qui m'y détermine, c'est que les deux autres projets supposant le corps du délit déjà constaté, je ne veux pas m'inquieter encore en ce moment quels sont les prévenus, mais je demande : y a-t-il un crime constant? Oui, sans doute, il est constant aux yeux de nous individus, mais il ne l'est pas aux yeux de nous jurés. Le délit sera constant quand vous aurez des procès-verbaUx et des pièces qui énonceront que ces pièces existent, mais elles existent à Caen. Le procès-verbal cpii vous est rapporté n'est qu'énon-ciatif de ces pièces. Ce procès-verbal, qu on vous a dit être et qui est en effet l'acte de tous les corps administratifs, n'est point signé des àdmi-
nistrateurs du département à l'exception d'un seul, les autres ont déclaré ne pas vouloir signer. (Murmures.) De là il résulte que le procès-verbal
3ui vous est rapporté est digne de foi, sans oute, mais il ne peut pas constater le corps, du délit : il annonce des pièces que vous ne connaissez pas, et sans lesquelles vous ne pouvez porter votre jugement. C'est pourquoi, sous un certain rapport, le procès-verbal de la munici-
{>alité me ferait désirer la production de toutes es pièces, non pas en original, mais en copie collationnée. (Murmures prolongés dans une partie de rAssemblée.)
Je n'entrerai pas dans la discussion du fond même de la question, mais j'observe que le projet de décret de M. Gua-det est absolument inconstitutionnel, et qu'il ne peut avoir la priorité. M. Guadet y a mêlé des dispositions qui ont besoin de la sanction du roi, et la Constitution porte expressément que les actes relatifs à la responsabilité dès ministres, et le décret portant qu'il y a lieu à accusation, ne sont point sujets à la sanction.
D'après ces considérations je demande que l'on accorde la priorité soit au projet de M. Delacroix, soit à celui de M. Ducastel. Il importe peu auquel des deux on accorde la priorité, parce que tous deux ont besoin d'amendement, mais il est important qu'on ne l'accorde pas à celui de M. Guadet qui brouille absolument toutes les idées.
Je demande la parole. Plusieurs membres : La discussion fermée !
On demande que la discussion soit fermée parce que je veux appuyer la priorité pour le projet de décret de M. Guadet. Je veux mo,tiver ma demande et prouver que le décret d'accusation est conforme a la Constitution. ( Vifs applaudissements dans une partie de la salle et dans les tribunes.) ,
Un projet de conspiration vous est dénoncé; les faits qui prouvent l'existence de ce projet sont constatés par un procès-verbal en forme, signé de deux autorités constituées, et ce procès-verbal suffit, — non pas pour déclarer coupables ceux qui y sont dénommés, et pour les faire punir, nous n'en avons pas le droit, — mais au moins
Eour les faire déclarer prévenus. Or, Messieurs, la onstitution vous a dit que vous pouvez porter ce décret d'accusation, non pas contre ceux qui sont jugés coupables, car il ne faut pas de décret d'accusation contre ceux qui sont coupables, il faut seulement les juger; mais contre ceux qui sont prévenus, et-je demande si vous ne regardez pas au moins comme prévenus de cet attentat ceux qui ont été surpris les armes à la main pour exécuter ce projet ae conjuration? (Applaudissements.)
Quand on vous a cité l'exemple de l'Assemblée constituante, relativement aux troubles de Douai, l'on aurait dû ajouter que l'Assemblée constituante avait porté le décret d'accusation sur des rapports de procès-verbaux. Or, vous avez une expédition du procès-verbal... (Les murmures couvrent la voix ae Vorateur.)
Que vous criiez, ou non, vous ne me détournerez pas. j'affirme que pour rendre un décret d'accusation, il ne faut pas une conviction, il suffit qu'il y ait prévention contre les accusés. (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion fermée sur la priorité!
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion sur la priorité.)
Un membre demande la parole pour établir des faits.
Je demande une seconde lecture du procès-verbal de la municipalité de Caen pour dissiper l'incertitude des esprits et pour que l'Assemblée puisse juger si les faits sont assez graves pour donner lieu à accusation. {Applaudissements dans une partie de VAssemblée, murmures dans une partie.)
Je consulté l'Assemblée pour savoir si elle entendra une seconde lecture du procès-verbal de la municipalité de Caen.
(L'Assemblée décide que ron fera une seconde lecture du procès-verbal de la municipalité de Caen.) (Applaudissements.)
Un de MM. les secrétaires fait une seconde lecture de ce procès-verbal.
Voix diverses, après la lecture du procès-verbal : La priorité pour le projet de M. Ducastel! — La priorité pour le projet de M. Guadet!
On m'observe que la pro-
Bosition de M. Ducastel est un ajournement.
'après le règlement, je vais mettre d'abord aux voix l'ajournement demandé par M. Ducastel.
(L'Assemblée décrète l'ajournement.)
, après avoir consulté le Bureau. Le projet de M. Ducastel a obtenu la priorité.
Un de MM. les secrétaires redonne lecture de la proposition de M. Ducastel.
Je demande qu'il soit envoyé, en 'outre, un courrier extraordinaire pour faire venir au plus tôt les pièces demandées.
est à la tribune et veut parler.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Je demande la parole contre vous, Monsieur le président. Lorsque vous mettez aux voix l'ajournement, vous n'avez pas le droit de dire que l'Assemblée accorde la priorité à un projet de décret.
Monsieur, l'Assemblée, en décrétant l'ajournement, a par cela même accordé la priorité au projet de M. Ducastel, qui n'est pas autre chose qu'un ajournement.
Vous avez mis aux voix la priorité pour un ajournement et non pas pour une motion.
Monsieur, la motion de M. Ducastel n'est qu'un ajournement.
Plusieurs membres à Vextrémité gauche de la salle réclament contre la délibération.
Je propose de renouveler l'épreuve.
Je vais renouveler l'épreuve. Je mets aux voix la priorité demandée pour le projet de M. Ducastel.
(L'Assemblée décrète à une très grande majorité la priorité en faveur du projet de M. Ducastel)
Je demande que l'Assemblée -décrète, par amendement, que le ministre de l'intérieur sera chargé de faire partir, dans le jour, un courrier extraordinaire auprès du conseil général de la commune de Caen, à l'effet d'apporter les copies collatiohnées, et en même temps que le procureur-syndic du département sera mandé pour rendre compte du refus de signature. (Murmures.)
Il serait convenable de faire venir l'exposé des motifs qui ont déterminé le directoire de département à refuser de signer.
Je demande la question préa-' lable sur cet amendement, parce qu'il y a ùn décret qui porte que les administrateurs pourront refuser de signer quand ce-ne sera pas leur avis et qui leur défend d'en énoncer les motifs;
J'appuie l'amendement qui a été fait d'envoyer un courrier extraordinaire; mais je ne crois pas que cette mesure soit suffisante. Le directoire de département du Calvados doit être en Correspondance continuelle! avec le ministre de l'intérieur sur les faits qui, se passent dans l'arrondissement de son administration. Il m'étonne que le ministre de l'intérieur ne soit pas déjà informé, par le directoire de département, des troubles qui ont inquiété et désolé la ville de Caen depuis plusieurs jours. Si le ministre en a été informé, il est étonnant qu'il ne se soit pas hâté de vous en faire part. Je demande, Messieurs, par second amendement,; que le ministre de l'intérieur soit mandé, demain ; a 11 heures, pour déclarer s'il a reçu des nouvelles de la part de ce directoire et quelles mesures il a1 prises. (Murmures.)
Le directoire du départèment du Calvados a gardé le silence pendant l'insur-, rection arrivée dans cette villè.
Plusieurs membres : Il n'en savait rien.
Tous les membres, à l'excep-1 tion d'un seul, ont refusé de signer. Quel que soit le motif des administrateurs, ils sont coupables. Je demande que les administrateurs et le procureur-syndic, qui ont refusé de signer, soient; mandés à la barre. (Exclamations et murmures\ prolongés.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion! '
Je demande la parole.
(L'Assemblée férme la discussion.)
Je demande à proposer un amendement.
Plusieurs membres : La question préalable sur1 les amendements !
Vous ne pouvez pas prononcer la question préalable contré des amendements que vous ne connaissez pas.
Plusieurs membres : Si! si! Et même sur les, vôtres !
, placé derrière M. Chabot, se lève et dit qu'il trouve déraisonnable que l'on ne veuille pas entendre un amendement.
Et bien, Monsieur lè présidënt, je demande la parole sur la manière dont vous poserez la question. La première question gui doive être mise en délibération est la question relative aux renseignements qui ont dû ou qui1 doivent être donnés par le ministre. Mon amendement est dans là Constitùtion même. L'article 11 du titre IV de la Constitution porte : « Si des troubles agitent tout un département, le roi donnera, sous la responsabilité de ses ministres, les ordres nécessaires pour l'exécution des lois et le rétablissement de l'ordre, mais à la charge d'en informer le Corps législatif, s'il est assemblé, et de le convoquer s il est en vacance. »
Je demande, en conséquence, que le ministre del'intérieur soit mandé séance tenante... (Exclamations et murmures prolongés )
Vous avez beau murmurer, Messieurs, vous m'entendrez jusqu'au bout.
Je demande que le ministre de l'intérieur soit tenu de nous dire s'il a reçu des nouvelles officielles des troubles qui ont agité le département du Calvados : il est possible qu'il ait une copie des pièces que vous demandez et qui vous sont annoncées par le procès-verbal de la municipalité ; il est possiblè qu'il ait fait son devoir dans ce département, il est possible en même temps qu'il ne l'ait pas fait.
Mais une chose qui doit vous surprendre, c'est que le ministre.de, l'intérieur ait paru au inilieu de vous, qu'il vous ait entendu discuter l'affaire de Caen, qu'il ne vous ait pas donné des renséi-gnemehts, et qu'il ait disparu au moment où vous ordonniez une seconde lecture du procès-verbal do la municipalité. (Rires et murmures.)
Monsieur le président, je demande que vous rappeliez à 1 ordre ceux qui interrompent l'opinant.
Je vous assure que je n'y manquerai pas.
J'ajoute que je crois le bien jusqu'à ce que j'aie la preuve du contraire; mais j ai un soupçon dont je ne puis me défendre. Je doute que le ministre ait fait son devoir. (Rires dans l'Assemblée,.;*- Applaudissements dans les tribunes.).
Je dois observer à M. Chabot et à l'Assemblée que le ministre de l'intérieur m'a fait demander la parole, que je lui ai fait répondre que je la lui donnerais quand la discussion serait fermée; qu'il-m'a fait dire ensuite que, comme, il était fort tard, il renonçait à la parole parce qu'il était obligé de se retirer. ï
Je demande que lé ministre de l'intérieur vienne sur-le-cnamp vous rendre compte des renseignements qu'il peut avoir sur les troubles du Calvados.
Un membre ; Je demandé à parler contre M. le président, relativement à l'explication qu'il vient de donner.
J'ai demandé la parole pour un fait qui vient à l'appui de ce qu'a dit M. Chabot. Je voulais dire que, lorsque le ministre de l'intérieur s'est retiré, il est sorti précisément au moment où. vous ordonniez la seconde lecture du procès-verbal, et il me semble que c'était alors qu'il devait rester pour vous donner des explica-tionè.
Le membre qui a demandé à parler contre M. le président : M. le président a eu, tort de répondre a M. le ministre qu'il n'aurait la parole qu'après la^discussion, car vous discutez maintenant si le ministre sera mandé; par conséquent, M. lé président devait consulter l'Assemblée en lui annonçant que le ministre demandait la parole.. (Non ! non!) •
. Plusieurs membres ; La discussion fermée sur les amendements !
(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)
Le premier amendement tend à charger le pouvoir exécutif d'expédier sur-le-champ un courrier extraordinaire.
Je m'étonne que vous vous occupiez des amendements alors que vous n'avez pas encore décrété quelle était la proposition que vous adopteriez. (Bah! bah!)
Moi, je m'étonne de votre étonnement.
Monsieur le président, avant que vous mettiez en délibération les amendements, je demande que vous mettiez aux voix la question préalable que je propose contre la motion de M. Ducastel.
Plusieurs membres : La question préalable sur les amendements !
Je mets aux voix la question préalable, demandée par M. Merlin, contre la proposition de M. Ducastel.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Ducastel.) j
Plusieurs membres : La question préalable sur tous les amendements 1
D'autres membres : La division de la question préalable sur les amendements!
Je vais successivement mettre aux voix la question préalable sur chacun des amendements.
Je mets aux voix la question préalable sur l'amendement par lequel le pouvoir exécutif expédiera, dans le jour, un coursier extraordinaire auprès du conseil général de la commune de Caen, pour avoir sans délai toutes les pièces.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et adopté l'amendement.)
Je mets aux voix la ques-. tion préalable sur l'amendement de M.Becquey, tendant à ce que le ministre de l'intérieur rende compte demain, à 11 heures, des faits qui sont à sa connaissance et des renseignements qu'il peut avoir sur les troubles du département du Calvados, et des mesures qu'il a prises.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et adopte l'amendement de M.. Bec-qùey.)
Je mets aux voix la question préalable sur l'amendement de M. Taillefer, tendant à ce que les administrateurs du directoire du département du Calvados, qui ont refusé de signer le procès-verbal du conseil général de la commune de Caen, soient mandés à la barre, pour rendre compte des motifs de leur refus.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Taille-fer.)
Je vais mettre aux voix le projet de décret de M. Ducastel.
Plusieurs membres : Le décret d'urgence !
Le décret que vous allez rendre a pour but de vous procurer des renseignements pour décider s'il y a lieu ou non à accusation. Je trouve dans la Constitution que ces sortes de décrets ne sont pas sujets à la sanction ni à la déclaration d'urgence. Çonséquemment, je crois que le décret que nous allons rendre n'a pas besoin d'être précédé de celui d'urgence.,
appuie les explications de M. Cambon.
Plusieurs membres : La question préalable sur le décret d'urgence !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'urgence.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix le décret!
Jé mets aux voix le projet de décret de M. Ducastel ; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que des copies coljationnées des interrogatoires , manuscrits privés et autres pièces et renseignements énoncés au procès-verbal du conseil général de la commune et du directoire du district de Caen, ainsi que tous autres documents recueillis depuis, seront envoyés au Corps législatif, et que cependant les personnes arrêtées, continueront de rester en état d'arrestation, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale en ait autrement décrété. »
Il faut substituer aux mots : « copies collalionnées » ceux-ci a « des expéditions en forme. »
(L'Assemblée adopte à une grande majorité le projet de décret de M. Ducastel avec l'amendement de M. Delacroix.)
En conséquence, le décret suivant est rendu.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du procès-verbal du conseil général de la commune et du directoire du district de la ville de Caen, du 5 de ce mois, et la lettre des officiers municipaux de la même ville, du 9 du même mois, décrète :
Art. 1er
« Que des expéditions en forme des interrogatoires, manuscrits et autres pièces et renseignements énoncés au procès-verbal du conseil général de la commune et du directoire du district de Caen, ainsi que de tous autres papiers et documents qui auraient été recueillis depuis, ou qui pourraient l'être par la suite, seront envoyées au Corps législatif, et que, cependant, les personnes arrêtées continueront de rester en état d'arrestation, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale en ait autrement décrété. »
Art. 2.
« Le pouvoir exécutif expédiera dans le jour, auprès du conseil général de la commune de Caen, un courrier extraordinaire qui sera chargé de porter sans délai, au Corps législatif, les différentes expéditions mentionnées en l'article précédent. »
Art. 3.
« Le ministre de l'intérieur rendra compte demain, à 11 heures, des renseignements qu'il a sur les faits énoncés au procès-verbal ci-dessus, et des mesures qui ont été prises pour arrêter les troubles dans le département du Calvados. »
(La séance est levée à cinq heures.)
Annexe
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
ÉTAT de distribution des 94 millions d'assignats de 5 livres remis à la trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire, à compter du 11 juillet au 9 inclus de novembre 1791 (1).
DEPARTEMENTS.
1 Ain.............
2 Aisne..............
3 Allier..............
4 Alpes (Hantes-)......
b Alpes (Basses-)...,
6 Ardèche...........
7 Ardennes..........
8 Ariège.............
9 Aube..............
10 Aude..............
11 Aveyron...........
12 Bouches-du-Rhône.
13 Calvados...........
14 Cantal.............
45 Charente...........
16 Charente-Inférieure.
17 Cher...............
18 Corrèze............
19 Corse..............
20 Côte-d'Or..........
21 Côtes-du-Nord......
22 Creuse.............
23 Dordogne..........
24 Doubs.............
25 Drôme.............
26 Eure.............
27 Eure-et-Loir.......
28 Finistère..........
29 Gard..............
30 Garonne (Haute-)...
31 Gers...............
32 Gironde............
33 Hérault............
34 llle-et-Vilaine......
35 Indre..............
36 Indre-et-Loire......
37 Isère..............
38 Jura...............
39 Landes............
40 Loir-et-Cher.......
41 Loire (Haute-).....
42 Loire-Inférieure
43 Loiret...........
44 Lot...............
45 Lot-et-Garonne
46 Lozère...........
47 Maine-et-Loire....
SERVICE du
culte.
livres.
257,800 698,400 215,500 129,800 135,000 242,700 298,900 259,100 335,500 266,200 326,015 171,300 435,500 153,600 252,930 297,700 167,100 182,400 196,700 359,500 228,000 157,500 258,700 308,500 190,300 428,600 268,000 167,700 284,700 358,200 490,000 237,900 332,200 134,400 148,800 168,600 330,400 355,900 226,600 206,100 161,000 143,500 245,200 239,500 339,400 98,600 190,500
SERVICE de la guerre.
livres. 205,000
""és^ôôô
205,000
162,500 45,000
177,000
470,000
32,000 195,000 365,000 612,500
190,000 270,000
132,500 30,000
SERVICE de la
marine.
SERVICE des
ponts et chaussées
et
travaux publics.
livres.
1,355,272
165,000
10,828
livres.
3,950 6,200 16,400 20,000 5,000 10,000 6,000
7,500 34,200
10,000 140,000
20,000 34,000 12,000
6,000 21,000
24,000
3,600 50,000 11,000
4,000 38,200 39,000
29,500
19,900
40,000 10,000 12,500
5,000 41,200 5,000 16,200
39,000
ÉCHANGES faits à
la trésorerie nationale
livres.
10,300 120,900 42,000 S,000 22,000 88,100 180,000 12,000 155,900 143,000
ECHANGES
faits , par M. de La Marche.
86,500 129,400 11,800 2,800 48,560 38,900 4,000 1,000 143,200 6,000 20,400 1,300 45,000 60,600 299,800 51,600
"48*,390 95,500
AVANCES, aux
éparte-MEIVTS sur les subsistances (décret du
26 septembre 1791).
776,350 298,200 31,500 69,500 26,300 25,000 51,500 40,500 130,700 42,100 78,800 210,400 76,900 40,760 77,500 63,700
livres.
47,500 58,400 30,900
111,500 62,000 .10,000 154,000 169,700 33,300 54,600 121,300 24,500 53,000 63,300 85,000 1,300
32,300 7,000 22,000
11,200 67,000 287,800 86,600 36,100 111,300 68,000 2,000 17,860 213,500 118,600 76,000 81,200 15,000 20,000 10,000 47,000 14,800 64,100 189,300 48,500 21,500 90,000 103,100
TOTAUX.
livres.
25,000
25,000
25,000
15,000
25,000 1,000,000
7,500 25,000 25,000
,{1) Annexe au rapport fait au nom du comité des assignats et monnaies, par M; Dorizy (Voir ci-dessus, p. 2);
36 [Assemblée nationale législative.] . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 novembre 1791.]
DÉPARTEMENTS.
48 Manche...........
49 Marne............
50 Marne (Haute-).
51 Mayenne...........
52 Meurthe...........
53 Meuse.............
54 Morbihan..........
55 Moselle............
56 Nièvre.............
57 Nord.............
58 Oise..............
59 Orne.............
60 Paris..............
61 Pas-de-Calais.......
62 Puy-de-Dôme.......
63 Pyrénées (Hautes-),
64 Pyrénées (Basses-),
65 Pyrénées-Orientales
66 Rhin (Haut-).......
67 Rhin (Bas-)........
68 RhÔne-et-Loire.....
69 Saône (Haute-).....
70 Saône-et-Loire......
71 Sarthe.............
72 Seine-et-Oise.......
73 Seine-Inférieure
74 Seine-et-Marne.....
75 Sèvres (Deux-).....
76 Somme............
77 Tarn ..............
78 Var...............
79 Vendée............
80 Vienne............
81 Vienne (Haute-) —
82 Vosges............
83 Yonne.............
Totaux.
SERVICE du culti.
livres.
318,400 387,600 278,900 166,600 436,400 535,500 191,200 429,000 217,900 416,400 428,200 286,600 483,000 489,300 539,600 253,300 298,200 121,500 234,600 305,300 464,200 297,600 344,100 342,400 434,000 489,200 278,800 182,900 417,800 355,100 199,700 185,500 236,900 203,100 265,500 255,900
23,749,645
SERVICE de la
guerre.
livres.
390,000
419,000.
1,700,000
1,687,500
40,000 2,495,400
35,000
164,000 145,000
1,460,000 305,000
295,000
270,000
âèsiôôo
90,000 125,000
13,062,400
SERVICE de la
marine.
livres.
1,000,000
24,000
106,000
SERVICE des
ponts et chaussées
et
travaux publics.
livres.
13,500 43,500 3,600 1.200 5,000
4,000 46,000 123,000 5,000
128,500 3,400 6,000
25,000 7,000 11,000 74,000 51,000
24,000
158,700
500,000
3,181,000
50,000
5,000 14,890
461,600
1,986,240
ECHANGES
faits à
la trésorerie nationale.
livres.
12,700 196,000 81,700 43,200 21,600 93,000 9,140 34,300 135,700 299,400 183,300 33,000 2,093,760 62,870 54,000 1,000 53,700 5,900 7,000 36,000 163,100 41,000 100,500 112,400 185,110 390,900 194,580
198,100 30,000 25,600 7,300 26,000 2.900
172,310
9,020,730
ECHANGES
faits
par M. de La Marche.
livres.
20,480 186,150 56,500 75,100 24,200 131,400 46,800 18,600 53,800 195,750 132,620 203,000 8,999,490 93,200 48,200
3,000 3,000 45,000 34,200 159,800 35,000 145,900 88,000 94,700 296,200 179,000 22,000 288,300 20,000
1,000 46,600 23,000 5,000 158,100
14,835,350
AVANCES aux départements
sur les subsistances (décret du
26 septembre 1791).
livres.
33,000 12,500
40,000
1,258,000
La somme ci-contre de 26,139,835 livres est commune à tous les départements, même aux rentes dues par la nation aux étrangers................
Douanes nationales, ferme générale, salines et directoires des postes. Directoire des subsistances, de l'habillement, étapes et convois militaires.. Loterie royale de France............................................
Service du Trésor public..........
Rentes...........................12,900,000 livres.
Coupons et dette publique.. 6,500,000 Dépenses diverses et appoints
de caisses..............................2,500,935
2,003,900 livres. 1,290,000 945,000
4,238,900 livres.
21,900,935
Total général.
Rf«mtit J L» remise est de......'........;............... 94,000,000 livres.
.................. ( La distribution de.;;........................... 93,233,200
Reste.
766,800 livres.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. VERGNIAUD, président, DE M. VIÉNOT-VAUBLANC, vue-président ET DE M. DUCASTEL, ex-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du pro-eès-verbal de la séance du vendredi 11 novembre.
Un membre : M. le secrétaire, qui vient de vous faire la lecture du procès-verbal, a dit qu'on a passé à l'ordre du jour sur la motion faite par un membre d'ajouter a un article du décret concernant le remplacement, ces mots : « qui auraient fait un service actif et personnel. » J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que cette motion a été appuyée, et qu'il a été décidé que l'addition serait iaite à l'article du décret.
, secrétaire. Je crois très bien me rappeler qu'il a été décidé que le procès-verbal serait arrêté tel qu'il a été lu, et qu'on passerait à l'ordre du jour sur tous les articles additionnels, sauf à les reprendre lorsque l'on continuerait la discussion sur le projet du comité.
Plusieurs membres assurent que la rédaction est juste et demandent qu'il ne soit rien changé au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète qu'il ne sera rien changé à là rédaction du procès-verbal.)
Un membre : Vous avez, hier, décrété que vous ne rendriez plus de décret d'urgence, que lorsque les projets de décret qui vous seraient présentés auraient été imprimés et distribués la veille. Cette mesure me paraît très sage, et je crois qu'il serait à propos de l'étendre à tous les décrets rendus sur urgence, et qui ne sont pas encore sanctionnés.
Un membre : Admettre la proposition du préopinant, ce serait donner à la loi un effet rétroactif, et cela ne peut être dans les principes de l'Assemblée.
Un membre : J'observe que, lorsque vous avez décrété cette mesure, ce n'a pas été pour tous les cas, mais seulement pour ceux où les comités vous présenteraient des projets qui exigeraient un decret d'urgence.
Un membre : Je demande la parole sur la rédaction du procès-verbal. Il mè semble que le rédacteur n'a pas dit, comme vous l'avez décrété, que dans tous les cas où les comités feraient un rapport pour obtenir un décret d'urgence, ils seraient obligés de faire imprimer et distribuer leur rapport, 24 heures auparavant ! Je demande que cela soit mis au procès-verbal.
Un membre : Cette autorisation se trouve accordée de droit par le décret rendu.
, secrétaire. Pour lever tous les doutes, je vais faire une seconde lecture du procès-verbal. {Il fait une seconde lecture du procès-verbal.)
(L'Assemblée, après avoir décidé qu'il ne serait rien changé à la rédaction, passe à l'ordre du jour.)
Un membre : Dans ce moment où les objets les plus importants sont à votre discussion, et demandent toute l'attention et les lumières de l'Assemblée, la négligence de ses membres serait une calamité publique. J'ai déjà fait la motion
que les membres de l'Assemblée fussent invités à se rendre tous les jours ici à 9 heures précises ; je réitère ma motion, et je prie l'Assemblée de la mettre aux voix.
Un membre : Avant de s'occuper de cette proposition, il faudrait attendre que l'Assemblée fût complète.
Un membre : Il serait bien plus simple, lorsqu'il n'y aura pas assez de membres pour former
I Assemblée, de faire l'appel nominal, afin que ceux qui se trouveraient absents fussent privés de leur traitement...
Plusieurs membres : L'ordre du iour!
(Après quelques débats, et une double épreuve, l'Assemblee passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires demande le renvoi au comité de législation de diverses pièces d'où il résulte que le directoire du district de Sarrebourg, département de la Meurthe, n'a pas pu se compléter par le refus des administrateurs ; sur quoi, le directoire du département a arrêté d'en référer à l'Assemblée nationale.
Un membre : Ces pièces doivent être renvoyées au comité de division.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de division.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une notice abrégée des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
1° Pétition qui demande des interprétations de la loi du 15 septembre 1791.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
2° Lettre de M. Granclos, directeur d'une maison de commerce de Saint-Malo, qui offre à la nation un navire de 600 tonneaux doublé en cuivre, d'une marche supérieure, pour porter des secours aux colonies.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au pouvoir exécutif et mention honorable dans le procès-verbal.)
3° Lettre du sieur Etienne Levesquau, père de 7 enfants, qui envoie les morceaux d'un assignat de 50 livres qu'il a laissé tomber dans le feu. Il demande que ces morceaux soient compris dans les brùlements qui ont lieu à la caisse de l'extraordinaire, et qu'il lui soit délivré un assignat de pareille valeur.
(L'Assemblée décrète que les morceaux de l'assignat seront envoyés à la caisse de l'extraordinaire.)
4° Mémoire du sieur Geoffroy, tendant à obtenir justice et son remplacement dans le service.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité militaire.)
5° Lettre d'un membre de l'Assemblée nationale, qui dépose 270 livres reçues pour les appointements de quelques jours antérieurs à son entrée à la Législature. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Un membre de l'Assemblée nationale, entré en fonction le 1er octobre, s'est inscrit aux archives quelque temps auparavant, et s'est trouvé avoir reçu, contre son attente; des appointements d'un temps pour lequel il n'a point exercé.
II dépose sur le bureau ces appointements qui ne lui sont point dus. Ils se montent à 270 livres. (Applaudissements. )
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
Pareille chose est arrivée à d'autres membres qui ont aussi remis le trop perçu. Il est nécessaire que des précautions soient prises pour éviter ces erreurs.,
(L'Assemblée décrète que la somme sera versée à la caisse de l'Extraordinaire.)
6° Lettré adressée 4e Quimper, département du Finistère, en date du 4 novembre, à l'effet de hâter l'établissement des écoles destinées àl'instruction des jeunes marins. Les examinateurs nommés pour ces écoles sont arrivés, ils attendent impatiemment le décret qui les mettra à même d'exercer leurs fonctions.
ns-tant que l'Assemblée s'occupe de cet objet. Il y a déjà longtemps que vous avez mis à rordre du Jour un rapport du comité de marine qui est imprimé depuis 7 jours. Je demande que l'Assemblée m'accorde la parole pour lui présenter, au nom de ce comité, un projet de décret.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Il y a trois jours que je suis inscrit pour vous faire un rapport qui ne vous demanderait que quelques minutes. Il s'agit de quelques centaines de citoyens qui sont détenus dans les prisons et qui devraient être libres, aux termes de famnistie. Je prie l'Assemblée de vouloir bien m'entendre à cette séance.
(L'Assemblée décide que M. Le Tourneur sera entendu demain.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret sur Vexpédition, la sanction et Venvoi des décrets.
, au nom du comité des décrets. Messieurs, vous vites par le rapport que j'ai eu l'honneur de vous faire le 4 de ce mois, (1) combien avait été vicieuse la méthode adoptée par les commissaires de l'Assemblée constituante, pour la collation des décrets, et combien elle avait produit d'erreurs. Le ministre de la justice vous annonça alors des observations qui vous déterminèrent à ajourner la discussion. Le ministre nous a fait passer ces observations, et c'est après les avoir examinées que votre comité m'a chargé de vous présenter de nouveau le projet de décret, à l'exception toutefois de l'article 9 que vous avez déjà adopté :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des décrets, décrète :
« Art. 1er. L'un des secrétaires dressera chaque jour une note
des décrets rendus dans la séance de la veille, et cette note sera remise au secrétariat des
procès-verbaux, pour être envoyée au comité des décrets.
« Art. 2. La minute du procès-verbal de chaque séance, dressée par les secrétaires, sera remise au même secrétariat dans le jour que la lecture en aura été faite, et la rédaction approuvée.
« Art. 3. Les commis à ce secrétariat feront de suite deux expéditions de chaque décret, et ces expéditions seront remises au comité des décrets. avant d'être envoyées à la sanction.
« Art. 4. Le comité des décrets collationnera ces deux expéditions sur la minute du procès-verbal de l'Assemblée, remise par les secrétaires ; et après les avoir rectifiées, s il est nécessaire, il les remettra à M. le Président, pour les faire passer au roi.
« Art. 5. Les commissaires chargés de porter les décrets à la sanction, donneront de suite
au
| « Art. 6. Copie de la note des lois sanction nées, envoyée a l'Assemblée nationale par le ministre de la justice, sera déposée au comité des décrets.
« Art. 7. Copie dé la note justificative de l'envoi des lois par les ministres, dans leurs départements respectifs, et qu'ils doivent fournir au Corps législatif, d'après l'article ,5, titre III, chapitre ÏV, section première de l'acte constitution^ nél, sera pareillement envoyée au comité des décrets.
« Art. 8. La forme de collation ci-dessus n'aura lieu que pour les décrets de la présente Assemblée; et quant à ceux rendus par l'Assemblée constituante, qui n'ont pas encore été collation— nés, l'Assemblée charge son comité des décrets de procéder à cette collation d'après le mode usité dans ladite Assemblée ; à cet effet, l'archiviste et les commis au secrétariat des procès-verbaux lui remettront, chacun à leur égard, les pièces à ce nécessaire» »
Après quelque discussion et l'adoption de divers amendements, le décret est mis aux voix et adopté dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des décrets, décrète :
« Art. 1er. L'un des secrétaires dressera chaque jour une note
des décrets rendus dans la séance de la veille, et cette note sera remise au secrétariat des
procès-verbaux, pour être envoyée au comité des décrets, » {Adopté.)
« Art. 2. La minute du procès-Verbal de chaque séance, dressée par les secrétaires, contiendra tous les décrets rendus dans cette séance, et sera remise au même secrétariat le jour que la lecture en aura été faite et la rédaction approuvée. » (Adopté.) ;
« Art. 3. Les commis au secrétariat des procès-verbaux feront de suite deux expéditions de chaque décret, et ces expéditions seront remises au comité des décrets avant d'être envoyées à la sanction. » (Adopté.)
« Art. 4. Le comité des décrets collationnera ces deux expéditions sur la minute du procès-verbal de l'Assemblée, remise par les secrétaires ; et après les avoir rectifiées, s'il est nécessaire, il les remettra à M. le Président, pour les faire passer au roi. » (Adopté.)
« Art. 5. Les commissaires chargés de porter les décrets à la sanction, donneront sur-le-champ au comité des décrets la date du jour où ils auront rempli leur mission. » (Adopté.)
« Art. 6. Lorsque l'archiviste recevra du sceau l'original authentiqué de la loi, il sera tenu de le faire passer au comité des décrets, pour qu'il soit collationné sur la minute. » (Adopté.)
«Art. 7. Copie de la note des lois sanctionnéès envoyée à l'Assemblée nationale par le ministre de la justice, sera déposée au comité des décrets. » (Adopté.) .
« Art. 8. Copie de la note de l'envoi des lois par le ministre de la justice, soit aux tribunauxr soit aux autres ministres, et qu'il est tenu de fournir au Corps législatif, d'après l'article 5, titre III, chapitre IV, section 1" de l'acte constitutionnel, sera pareillement envoyée au comité des décrets. » (Adopté.)
« Art. 9. L'Assemblée charge son comité de procéder à la collation des décrets rendus par l'Assemblée constituante, et qui n'ont pas encore été collationnés, de la manière qui lui paraîtra
Ja plus convenable. A cèt effet, l'archiviste et les commis au secrétariat des procès-verbaux lui remettront chacun à leur égard, les pièces à ee nécessaires. » (Adopté.)
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret sur les examens pour Vadmission au grade Renseigne non entretenu (1).
, au nom du comité de marine, fait lecture de ce projet de décret qui est ainsi conçu.:
1er PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 10 août dernier, concernant les écoles de mathématiques et d'hydrographie et les examens, pour l'admission au grade d'enseigne non entretenu n'a pas flxé un intervalle entre sa publication et son exécution ; que les marins aspirants à ce grade, qui n'en ont eu aucune connaissance, par son défaut de publicité et de notoriété, n'ont pu se conformer aux dispositions qu'elle renferme ; que les nouvelles écoles, dans lesquelles on doit enseigner les sciences5 sur lesquelles les navigateurs devront être interrogés, ne sont pas encore en activité; considérant qu'une loi ne peut avoir un effet rétroactif, et que celle du 10 août produirait cet effet, si elle frappait sur, les élèves qui, dans ce moment, ont les qualités requises pour être promus d'après le règlement du 1er janvier 1786; considérant qu'il est encore très intéressant pour les marins et le commerce, que lés réceptions au grade d'enseigne non entretenu ne soient pas différées. « Décrète, qu'il y a lieu à urgence. »
2' PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir rendu préalablement le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er
« Les marins qui se présenteront à l'examen qui a été annonce dans tous les ports, pour l'admission des enseignes non entretenus de la marine, ne seront examinés, quant à la partie théorique, que sur les objets qjyii étaient déterminés pour la réception des capitaines conformément au règlement du 1** janvier 1786.
Art. 2.
« Seront admis à cet examen les navigateurs qui, ayant rempli toutes les autres conditions exigées par la loi du 10 août dernier, n'auraient fait que 9 mois de service sur les vaisseaux de l'Etat.
Art. 3. ;
« Ceux qui, après avoir subi l'examen, auront été reconnus suffisamment instruits sur la théorie et la pratique de la navigation, ne pourront obtenir le brevet d'enseigne non entretenu, qu'après qu'ils auront complété les 12 mois sur les vaisseaux de l'Etat; et il sera expédié des»ordres du roi pour les autoriser provisoirement à commander des navires de commerce.
Art. 4.
« Il serà expédié de pareils ordres pour les navigateurs qui, ayant rempli toutes les
conditions requises, seront reçus à cet examen, en attendant
Art. 5.
« Les dispositions du présent décret auront lieu pour l'examen de- la fin de cette année, et pour le premier de l'année 1792. »
Voici un projet de décret que j'aurai l'honneur de vous proposer en place de celui du comité :
« L'Assemblée nationale, sur la représentation faite relativement à l'examen exigé par la loi du 1er août dernier, pour les aspirants au grade d'enseigne non entretenu, grade qui correspond et se confond avec le grade de capitaine de vaisseau dans la nouvelle organisation de la marine; considérant que les écoles de navigation nouvellement instituées ne sont pas encore en pleine activité; que les conditions exigées par la loi du 10 août dernier n'ont été connues que depuis un mois dans différentes parties du royaume; et qu'en conséquence, tous les élèves aspirants non entretenus, n'ont pu acquérir, dans ce court espace, des connaissances théoriques et pratiques dans la navigation, ni faire, sur les vaisseaux de l'Etat, le supplément de service nécessaire pour arriver a ce grade; interprétant la loi du 10 août, déclare que les examens qui ont été annoncés pour le mois de mars prochain, sè feront conformément à cé qui avait été précédemment otdonné par l'ordonnance du mois de janvier 1788. En conséquence, les marins qui se présenteront à cet examen, et qui satisferont aux conditions prescrites par ladite ordonnance de 1786, seront admis au grade d'enseigne non entretenu ; déclare, en Outre, que la loi du lOaoût sera observée, quant au surplus, et qu'elle aura sa pleine et entière .exécution après l'époque du second examen, fixé ci-dessus, au 1er mars prochain. » : Voix diverses : Aux voix, le projet du comité ! — Aux voix! le décret d'urgence !
Après une discussion relative et quelques amendements proposés et adoptés par le rapporteur du comité, l'Assemblée nationale rend les décrets suivants :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 10 août dernier, concernant les écoles de mathématiques et d'hydrographie et les examens pour l'admission au grade d'enseigne non entretenu, n'a pas fixé un intervalle entre sa publication et son exécution; que les marins aspirants à ce grade, qui n'en ont eu aucune connaissance, par son défaut de publicité et de notoriété, n'ont pu se conformer aux dispositions qu'elle renferme ; que les nouvelles écoles dans lesquelles on doit enseigner les sciences sur lesquelles les navigateurs devront être interrogés ne sont pas encore en activité ; considérant qu'une loi ne peut avoir un effet rétroactif, et que celle du 10 août produirait cet effet, si elle frappait sur les élèves qui, dans ce moment, ont les qualités requises pour être promus d'après Je règlement du 1" janvier 1786; considérant qu'il est encore très intéressant pour les marins et le commerce, que les réceptions au grade d'enseigne non entretenu ne soient pas différées ;
« Décrète qu'il y a lieu à urgence : »
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir rendu préalablement le décret a'urgencè, décrète ce qui suit :
Art. 1er
« Les marins qui se présenteront à l'examen qui a été annoncé dans tous les ports, pour 1 admission des enseignes non entretenus ae la marine, rie seront examinés, quant à la partie théorique, que sur les objets qui étaient déterminés pour la réception des capitaines, conformément au règlement du 1er janvier 1786. »
Art. 2.
« Seront admis à cet examen les navigateurs qui, ayant rempli toutes les autres conditions exigées par la loi du 10 août dernier, n'auraient fait que y mois de service sur les vaisseaux de l'Etat. »
Art. 3.
« Ceux qui, après avoir subi l'examen, auront été reconnus suffisamment instruits sur la théorie et la pratique de la navigation obtiendront le brevet d'enseigne non entretenu. »
Art. 4.
« Les dispositions du présent décret auront lieu pour l'examen de la fin de cette année, et pour le premier de l'année 1792 seulement. »
Art. 5.
« Le présent décret sera envoyé, dans le jour, à la Sanction.
Voici une lettre d'une femme âgée de 61 ans et enceinte, qui est dans la misère, et réclame des secours de l'Assemblée. (Rires prolongés.)
(L'Assemblée renvoie cétte lettre au comité des secours.)
Un membre : Je demande la parole pour une motion d'ordre. Les sections de Paris doivent s'assembler demain pour procéder à l'élection d'un maire. Plusieurs de nos collègues, députés de Paris, se proposent d'aller voter dans ces assemblées. Je voudrais que l'Assemblée décidât s'ils en ont le droit. (Non! non!)
Un membre : Ce droit me paraît incontestable.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, vice-président, s'asseoit à la place de M. le président Yergniaud.
PRÉSIDENCE DE M. VIÉNOT-VAUBLANC, vice-président.
jeune.Je demande la parole pour dénoncer un fait très important.
Voici une lettre écrite par M. Varnier, ancien receveur général des fermes à Paris. Elle est adressée à l'un des receveurs particuliers de mon département; elle m'a été envoyée en original. La date en est encore toute fraîche, elle est du 30 octobre dernier. En voici la teneur :
« Paris, le
« Continuez, Monsieur et cher ami, à mettre la même adresse pour le passage de nos employés chez les émigrants; surtout n'en faites
pas partir de ceux qui sont mariés, ce serait un moyen d'éventer la mèche et de perdre tout le fruit de nos soins. Ils écriraient à leurs femmes,
3ui ne manqueraient pas de dire leur véritable
estination. Les 63 que vous avez déjà fait partir sont arrivés à Coblentz. On est fort content; ce sont des hommes vigoureux, faits pour tenir à la fatigue. Par la lettre que l'on m'a communiquée, ils ont promis de ne point écrire en France, afin que nous ayons le temps de faire partir tous les employés de Dijon et des environs, en leur faisant toujours croire, par le moyen de la fausse commission que vous ,leur remettrez, qu'ils vont aux frontières, pour y empêcher l'entrée de la contrebande. Comme il faut à ces gens-là un appât, dites-leur que l'on y fait de bonnes prises, que la vente est entièrement pour les employés, que les fermiers généraux ne prennent plus rien.
« On est aussi content de M. Tardy. Quand ils arrivent à la frontière, il les fait passer avec beaucoup d'adresse à l'étranger, et ne leur donne de l'argent que lorsqu'ils en manquent absolument pour aller jusqu'à Coblentz.
« Sur ce que vous me marquez, il me paraît que nous pourrons avoir beaucoup d'employés. La rigueur de la saison et la misère les décideront à passer dans l'armée des princes. Je suis chargé de vous dire que s'il se trouvait de beaux hommes qui ne manquassent que d'argent, vous pourrez leur faire quelques avances, en le marquant sur leur commission, afin qu'on puisse les leur retenir. Je viens d'obtenir 500 livres, que je vous envoie en 7 assignats. Accusez-m'en réception, afin que je justifie de l'emploi. Tenez aussi une note du partage que vous en ferez ; n'en donnez pas que vous n'ayiez porté sur la commission la somme que vous aurez remise à celui qui en sera charge.
« Si l'on parvient à réunir une armée de 25,000 hommes bien déterminés, les connaisseurs assurent que l'armée des gardes nationales aura bientôt fui jusqu'à Paris, où les mécontents, qui sont en grand nombre, les étrilleront pendant que l'armée des princes soumettra nos provinces, qui sont toutes prêtes à rentrer sous la protection du roi. L'Assemblée nationale est dans le plus grand discrédit ; elle n'attendrait pas pour se diviser , qu'on la chassât. Vous voyez que nous serons bientôt les maîtres. Je ne vous demande pas de discrétion, vous y êtes aussi intéressé que moi.
« Je suis, pour la vie, votre ami,
« Signé : VARNIER. »
J'aurais pu faire de cette lettre un tout autre usage sans doute, et la remettre à des officiers de justice, mais l'instruction eût été lente et mystérieuse jusqu'au décret. Le résultat n'eût produit que la punition d'un mauvais citoyen, et le mal qu'il se proposait aurait pu faire, pendant ce temps, ae grands progrès. J'ai mieux aimé donner à un coupable les moyens d'échapper au châtiment, que d'exposer beaucoup d'hommes abusés à devenir ses complices.
On cherche à faire partir les employés en leur faisant croire qu'ils marchent à la défense des frontières. J'ai cru que publier ces maqgpuvres, c'était le moyen le plus sûr de les déjouer, et qu'il n'y avait pas d'autre manière de les livrer à une grande publicité que de les dévoiler dans le sein mêipe ae l'Assemblée.
Je dépose la lettre que j'ai entre les mains sur le bureau ; mais comme il n'est plus possible
de douter que les ennemis de la Révolution ne prennent plus conseil que de leur désespoir et forment des projets extravagants, je demande l'établissement d'un comité de surveillance (Murmures.) chargé spécialement de recueillir tous les renseignements qui pourraient lui être fournis, tant par les députés que par les citoyens, relativement aux laits indiques par cette lettre. Ensuite je prends l'engagement de dire, lorsqu'il en sera besoin, comment et par qui cette lettre m'est parvenue. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande que M. Basire veuille bien faire part à l'Assemblée de la voie par laquelle cette lettre lui est parvenue, et de tout ce qui peut garantir la certitude et l'authenticité de la lettre et de la signature. (Murmures à gauche.)
jeune.J'observe à l'Assemblée que je n'ai pas besoin de dire par quelle voie la lettre m'est parvenue. (Exclamations.) La justice a des moyens assurés pour obtenir la vérification que l'on demande. Il suffit actuellement que j'en dépose l'original sur le bureau. Je déclare qu elle est écrite et signée par M. Varnier. C'est une opération toujours facile à faire, que celle de la reconnaissance des écritures. Lorsqu'il en sera temps, et si l'on plaide cette affaire, je pourrai donner alors les détails nécessaires. Dans le moment actuel, il suffit que je dépose l'original, comme pièce de conviction, sur le bureau. Ceux qui doutent de la vérité de l'existence de cette lettre et de son authenticité sont les maîtres d'employer tous les moyens possibles pour s'en convaincre. Il y a des jurés-experts ; qu'ils examinent, au moyen des registres où se trouve la signature de M. Varnier, si la signature qui est au bas de dette lettre n'est pàs la sienne. Quant à moi, il me suffit de déposer la lettre sur le bureau pour être parfaitement en règle. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande qu'au moins la lettre soit paraphée par M. Basire.
Si la lettre est véritable, comme je n'en doute pas, puisqu'elle est rapportée en original, je demande que celui qui l'a écrite soit à l'instant constitué en état d'arrestation. (Appuyé! appuyé!) J'aurais pu dire qu'il fût constitué en état d'accusation ; mais je crois que d'après le décret que nous avons rendu très sagement hier, et qui consiste à ne décréter l'accusation qu'après que nous aurons des preuves convaincantes, fl suffit pour le moment de décréter l'arrestation. Je demande donc que cet homme soit amené, de municipalité en municipalité, à la barre de l'Assemblée...
Plusieurs membres : Il est à Paris.
Eh bien, je demande qu'il soit arrêté à P instant. (Oui! oui!) (Applaudissements dans une partie de VAssemblée et dans les tribunes.— Murmures dans la partie droite.)
Plusieurs membres demandent la parole. (Bruit prolongé.)
Monsieur Lagrévol, attendez que le calme soit rétabli pour continuer votre opinion. (Lé calme se rétablit.)
La seconde chose la plus im-
{tortante que je remarque dans cette lettre, c'est a manière criminelle par laquelle on cherche à éloigner la confiance due à l'Assemblée nationale... (Murmures prolongés.)
J'appuie la proposition de M. Lagrévol, mais je demande pour motion d'ordre qu'on amène ae suite M. Varnier à la barre. On discutera après.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée décide, au milieu du trouble, que la discussion est fermée.)
Je vais mettre aux voix la motion de M. Lagrévol tendant à mettre M. Varnier en état d'arrestation.
Plusieurs membres demandent la parole.
D'autres membres les rappellent à l'ordre.
Monsieur le Président, je demande que vous mettiez ma motion aux voix.
Laissez-moi établir l'état de la délibération. M. Lagrévol fait la motion de mettre M. Varnier en état d'arrestation. M. Delacroix appuie la motion de M. Lagrévol, mais propose comme motion d'ordre de le traduire auparavant à la barre.
Un membre : La question préalable sur toutes les motions !
Je demande que l'on rappelle à l'ordre celui qui demande la question préalable.
C'est une honte !
Je mets aux voix la question préalable qui a la priorité.
(L'Assemblée rejette la question préalable à une immense majorité. — Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je mets aux voix la proposition de M. Lagrévol, tendant à mettre M. Varnier en état d'arrestation.
(L'épreuve a lieu.)
Plusieurs membres réclament au milieu de l'épreuve, disant qu'ils n'ont pas- entendu.
Un membre : Je demande que l'Assemblée décide, avant tout, si elle peut constituer en état d'arrestation, avant d'avoir constitué en état d'accusation.
, secrétaire. Comme cette lettre doit rester entre mes mains comme chargé du procès-verbal d'aujourd'hui, je demande qu'elle soit paraphée par M. le président et par MM. les secrétaires.
Plusieurs membres demandent qu'elle soit également paraphée par M. Basire.
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Je ne mettrai aux voix aucune proposition avant que le calme soit rétabli.
(Le calme se rétablit.)
Je vais mettre aux voix la roposition de M. Lagrévol? tendant à mettre
f Vai»niûi* ûn ûfof /î'orrûotofmn
S. Varnier en état d'arrestation.
Plusieurs membres élèvent des réclamations.
Le membre qui a demandé la question préalable : J'ai demandé la question préalable parce que la proposition de M. Lagrévol est inconstitutionnelle.
Un membre : Je deminde la priorité pour la motion de M. Delacroix, tendant à ce que M. Varnier soit mandé à la barre.
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Delacroix.)
Je mets aux voix la proposition de M. Delacroix, tendant à ce que M. Varnier soit mandé à la barre. (Bm* prolongé!)
aîné. Vous allez encore faire une faute.
Je demande la parole.
Vous violez la Constitution ; je de7 mande à la lire. (Murmures!)
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Varnier sera mandé de suite à la barre. — Vifs applaudissements l)
(Un long tumulte a suivi ce décret; plusieurs membres parlaient à la fois de divers côtés ; le bruit n'a pas permis de lès entendre.)
(Jn ©ffie'er de la gendarmerie nationale monte au bureau pour prendre les ordres du Président.
Je demande que l'on mette les scellés sur ses papiers... (Le bruit ne permet plus d'entendre Vorateur.)
Je prie l'Assemblée de se rappeler que, dans une circonstance autrement importante, l'Assemblée constituante a passé froidement à l'ordre du jour. Je la prie de rentrer dans Tordré.
(Le calme se rétablit.)
fils. Il n'est aucun de nous qui ne soit affligé du trouble et du désordre qui rè-
fnent depuis quelques jours dans, nos séances, ous portons tous une opinion ,ferme et libre; rien ne doit la gêner. L'Assemblée se doit à elle-même de délibérer dans le calme. Je fais la motion expresse que tout membre qui aura été coib-vaincu d'avoir suscité ou favorisé le trouble soit aussitôt censuré.
(Cette motion n'a pas de suite!)
Je mets aux voix la motion de M. Isnard et celle de plusieurs membres tendant à faire parapher la lettre par le président, les secrétaires et M. Basire.
(L'Assemblée décide que la lettre sera paraphée par le président, les secrétaires et M. Basire.)
jeune monte au bureau pour si-
fner la lettre et annonce que M. Varnier loge à hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-Samt-Honoré.
Je demande que l'on entende les députés des départements de Haut et Bas-Bhin qui ont des détails intéressants sur de nouveaux troubles causés par les prêtres non assermentés.
(L'Assemblée décide qu'elle entendra ces députés.)
(Brice), député des Hautes-Pyrénées, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.
Un membre : Je demande que les maîtres de quai concourent aux places de capitaines de port avec les officiers de la marine du commerce, qui est le grade d'enseigne entretenu, correspondant avec celui de capitaine de navire.
(L'Assemblée renvoie cette motion au comité de marine.)
Les députés du Haut-Rhin viennent de recevoir une lettre instructive sur ce qui se passe à présent dans ce département, avec un arrêté particulier sur les mesures que le directoire de département a cru devoir prendre pour empêcher 1 incendie de se propager dans ce département. Voici la lettre :
« Colmar, le
« La tranquillité publique est troublée dans le
département par les prêtres non assermentés, (Jui; sous le masque d'une religion sainte, qu'ils insinuent être en danger, ne cherchent^ en alarmant les consciences, qu'à détacher de la Constitution un peuple bon, mais ignorant. La contagion commençant à gagner de proche en proche, il devenait bien urgent que 1 administration majeure, malgré l'esprit de tolérance religieuse et politique qui l'anime, prît tin parti énergique et assez efficace pour arrêter le mal dans sa course rapide, et en même temps forcer en quelque sorte les malveillants à démasquer leur incivisme pour paraître tels qu'ils: sont, aux yeux de la multitude égarée par leurs fourberies; c'est ce que nous croyons qui résultera de l'arrêté que nous venons de prendre, après les plus mûres réflexions, et dont nous vous envoyons, une cinquantaine d'exemplaires.
« Quelques moyens généraux que puisse employer l'Assemblée nationale législative pour réprimer les désordres qui régnent dans plusieurs départements, par la fermentation que l'ancien clergé et les ci-devant nobles y ont élevéej il est indubitable que si le décret qui interviendra pouvait contrarier trop notre arrêté adopté d'après les Totalités, ces moyens nous exposeront à des maux graves et particuliers à notre département; et il ne nous serait plus possible de répondre du salut public à l'égard de nos administrés. Voilà ce que nous vous prions instamment de faire connaître, aussitôt le reçu de la présente, à l'Assemblée nationale et au ministre, à qui nous faisons part, par Ce courrier, et de notre arrêté et des motifs qui l'ont déterminé. Nous ajouterons que nous ne pouvons que nous décharger, sur leur responsabilité, des suites qu'auraient les ordres qui pourraient suivre, pour entraver ou anéantir l'effet dé nos mesures, sùites dont les dangers sont incalculables pour les départements des frontières comme les nôtres.
« Signé : Les administrateurs du Directoire du département du Haut-Rhin et Rewbell, procureur général syndic. »
Voici en même temps Y arrêté du directoire du département que nous avons reçu ; il contient des faits si intéressants, que vous croirez essentiel d'en être instruits. (Oui! oui!)
t Le directoire, considérant que l'amnistie, au lieu de faire rentrer en eux-mêmes les prêtres non assermentés, n'a fait qu'irriter la haine de plusieurs d'entre eux, que ceux du département du Haut-Rhin manifestent plus que jamais leur aversion contre la Constitution, ce qui n'est que la suite des protestations publiques qu'ils ont déjà faites; considérant que l'effet de ces manœuvres est de leur donner partout des partisans nombreux, de soulever les enfants contre leur père, de fortifier le parti des mécontents, de décourager la garde nationale, de retarder le payement des impositions, de produire des insurrections journalières, des insultes contre les prêtres salariés ; considérant que les émigrés, avec lesquels ces prêtres disent hautement qu'ils ont une correspondance suivie, profitent de ces troubles pour inspirer de coupables espérances aux mécontents ; considérant que l'effet de ces machinations est l'anarchie la plus effrayante ; que rien n'est plus dangereux (fans un département frontière, où le peuple, divisé par la différence du langage, peut être plus facilement égaré, et toujours éclairé plus difficilement; considérant que les recherches faites jusqu'à présent ont bien constaté les délits, mais non pas les auteurs; ce
qui résulte du préjugé dont on a aveuglé les habitants des campagnes, que ce serait un crime devant Dieu que de déposer contre un prêtre non assermenté ; considérant... »
Monsieur Brua, est-ce que la lecture de l'arrêté sera longue?
Non, Monsieur le Président.
C'est que je dois prévenir l'Assemblée que le ministre de la justice, accompagné des autres ministres, demande au nom du roi à être introduit.
Un huissier annonce que les ministres demandent à être introduits, comme chargés d'un message du roi.
{Les ministres entrent dans la salle.)
, ministre dè la justice. Messieurs, le roi m'a chargé de venir vous lire la note des décrets auxquels il a donné sa sanction. La voici :
« Décret du 27 septembre 1791, relatif à la réunion du pays d'Enrichemont à l'Empire français, sanctionné le 4 novembre. ;
« Décret du 27 septembre, portant réunion de. la commune de Beaucourt au département du Haut-Rhin, sanctionné le 30 octobre.
« Décret du 7 novembre, portant que la trésorerie nationale versera provisoirement 500,000 livres dans la caisse de l'hôtel des Invalides, sanctionné le 9 novembre.
« Décret du 11 novembre, qui autorise la caisse de l'extraordinaire à verser la somme de 21,720,643 livres à la caisse de la Trésorerie nationale, Sanctionné le 11 novembre. »
Je dois ajouter, Messieurs, que le décret portant que Louis-Stanislas-Xavier sera tenu de; rentrer dans le royaume, et celui contenant la proclamation sont sanctionnés. Quant au décret du 9 novembre, sur les émigrants, Sa Majesté examinera. (On entend quelques murmures.)
(Le ministre s'avance vers le bureau des secrétaires et y déposé l'extrait collationné du décret sur les émigrants, tel qu'il a été envoyé au roi, et en marge duquel se trouvent ces mots : « Le roi examinera, 12 novembre 1791. Signé : LOUIS, et plus bas} M. L. F. DUPORT. »)
(Quelques instants se passent dans un grand silence.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Messieurs, je réclame le silence.
, ministre de la justice. Je suis chargé d'un message du roi ; il ne sera pas long. Sa Majesté me charge expréssement de vous dire que, si sa sanction eût été divisible. Elle eût volontiers adopté quelques dispositions de la loi à laquelle elle se voit obligée de refuser son consentement. (Murmures prolongés.)
Un membre: Je demande à faire une motion d'ordre.
Monsieur le président....
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Je vous prie de vous assurer si le message est signé du roi et contresigné du ministre.
Plusieurs membres: Appuyé! appuyé 1
Une motion est faite et appuyée ; je vais la mettre sous les yeux de l'Assemblée. M. Delacroix demandé que l'Assemblée s'assure que le message du roi, annoncé par le
ministre de la justice, est signé du roi et contresigné par le ministre.
, ministre de la justice. Le décret non sanctionné que j'ai remis sur le bureau est signé du roi et contresigné par moi. Quant au message, il est signé de moi seulement, et il le sera du roi aujourd'hui. (Murmures.) Je crois que l'Assemblée ne sera pas fâchée de m'avoir entendu. (Bruit.)
Le moyen de maintenir votre dignité, c'est de garder le silence.
Je demande que si le message annoncé est dans les formes légales,: le ministre soit entendu sans être interrompu. (Applaudissements.)
Un membre veut prendre la parole.
Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre\
Un membre : Je demande.que Monsieur soit entendu ; c'est unë réclamation qu'il veut faire au nom de la Constitution.
, syadressant au ministre. Permettez, Monsieur, parlez-vous sur un objet de votre administration?
, ministre de la justice. C'est sur un objet relatif à mon administration.
: Eh bien, Messieurs, je crois devoir maintenir la parole à M. le ministre.
, ministre de la justice. Sa Majesté m'a chargé dè vous dire expressément... (Murmures prolongés.)
M. le ministre de la justice parle au nom du roi. II n'y a pas d'intermédiaire entre le roi et nous.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres : A l'ordre ! à l'ordre ! les interrupteurs!
Messieurs, je connais mon devoir en qualité de président; je sais ce que je dois à l'Assemblée; je sais ce que je dois au pouvoir exécutif, et je déclare que je maintiendrai l'un et l'autre. Je me soumets d'avance aux peines que l'Assemblée voudra décerner contre moi, si je manque à ce qui est dû à là dignité de l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
En ce cas, je demande que vous mainteniez la parole à M. le ministre.
, ministre de la justicef veut parler; des murmures l'interrompent de nouveau.
Je supplie ces Messieurs d'avoir quelque confiance dans leur Présidènt.
, ministre de la justice. Sa Majesté m'a chargé expressément de vous dire que si sa sanction eût été divisible...
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interrompre un moment. Il be paraît que vous vous annoncez comme parlant au nom du roi. Ceci présente une difficulté. Si vous venez ici faire lecture d'un message au nom du roi, l'Assemblée nationale iugera peut-être que le message doit être signé au roi. Je ne peux donc pas, monsieur, vous continuer la parole, à moins que l'Assemblée l'ait décidé. (Quelques applaudissements.)
J'avais demandé la parole à l'Assemblée, parce que sur l'énoncé du premier mot qu'avait prononcé le ministre de la justice, j'avais cru m'apercevoir que le discours qu'il allait vous faire, était l'explication du refus qu'a fait le roi de sanctionner votre décret. Certainement,
Messieurs, le roi avait le droit de refuser sa sanc tion, et vous devez respecter sa décision à cet égard ; mais je crois que ce serait attenter à la Constitution que de permettre que les motifs du roi fussent expliqués dans cette Assemblée. La Constitution, Messieurs, s'explique d'une manière nette et claire sur cet objet. Elle donne au roi la faculté d'apposer son veto suspensif, mais non point de l'expliquer. (Murmures.) Le consentement du roi est exprimé par ces mots, par cette formule signée du roi : le roi consent et fera exécuter. Le refus suspensif doit être expliqué par ces mots : le roi examinera. Je dis donc que dans ce moment-ci où le ministre vient expliquer les motifs de la suspension du roi, au nom du roi, .je dis que ce n'est point là un objet de son administration, et il ne peut pas être entendu là-dessus. Je dis qu'il vient s'expliquer au nom du roi, la Constitution s'y oppose. (Non! non! Si! si!) car les messages du roi doivent être signés par le roi lui-même.
Il est bien difficile que l'Assemblée se détermine sur cette question, si c'en est une à décider, sans entendre le pour et le contre. (Murmures.) C'est de très bonne foi que je présente à l'Assemblée, et par amour et par zèle pour la Constitution, que je propose à l'Assemblée mon opinion, mes doutes, et je dirai presque mes certitudes. D'ailleurs tout le monde a la faculté de la combattre. Je dis donc qu'il est très important que les motifs explicatifs de refus d'une sanction ne soient -pas communiqués dans l'Assemblée, parce qu'un article formel de la Constitution s'y oppose. (Murmures.) Cemotif-là est propre àNdé-terminer l'Assemblée. Si cet article pouvait faire ici l'objet d'une discussion, s'il était nécessaire de prouver que ce que la Constitution a dit, elle a du le dire, et que cet article est le résultat d'une délibération extrêmement sage et nécessaire pour maintenir la confiance publique dont les représentants de la nation doivent être environnés, j'entrerais en matière. Mais je ne crois pas devoir occuper à cela des moments aussi précieux que ceux-ci. Je conclus donc à ce que M. le ministre de la justice soit entendu sur les questions de son administration, mais que tout discours de sa part qui tendrait à expliquer à l'Assemblée les motifs suspensifs du roi, ne lui soient point communiqués ni exigés par elle. Voici la Constitution. L article 4 porte : Le roi est tenu d'exprimer son consentement ou son refus sur chaque décret, dans les deux mois de sa présentation. Or, cet article énonce, la nécessité dans laquelle le roi est d'exprimer son consentement ou son refus dans les termes qui sont contenus dans l'article 3. Or, l'article n exprime point que le roi expliquera les motifs de sa suspension, mais que son refus sera exprimé par la simple formule : le roi examinera. Je demande donc que le ministre de la justice ne soit pas entendu.
Les actes de la correspondance du roi avec le Corps législatif sont toujours signés par le roi et contresignés d'un ministre. La loi ne reconnaît pas d'intermédiaire entre le Corps législatif et le roi. Si l'acte de correspondance est, signé du roi et contresigné par un ministre, les formes constitutionnelles sont remplies. C'est à M. le Président de lire, et c'est au ministre à être responsable du contenu de ce qu'il peut y avoir dans la correspondance. Je fais donc la motion expresse, si les formes constitutionnelles ont été observées, que l'acte soit lu par M. le Président.
En appuyant la motion de M. Re-
boul, je crois que les principes de notre Constitution exigent, d'une manière impérieuse, que le roi fasse connaître son consentement ou son refus par les formules pures et simples portées dans la Constitution.
Le roi, Messieurs, n'a point l'initiative des lois, c'est un fait constant par la Constitution. Les représentants du peuple font des décrets, ils deviennent lois lorsqu'ils sont revêtus de la sanction du roi. Messieurs, nos ennemis ont en ce moment la preuve la plus imposante que le roi est libre, au milieu de ses peuples ; même de résister au vœu général, il vient de mettre un veto sur un décret très important. (Applaudissements.)
Je m'applaudis de cet acte de représentant qu'il vient d'exercer, c'est la plus grande marque d'attachement qu'il ait pu donner à la Constitution. (Applaudissements.) Il faut croire que l'acte que nous avons porté a besoin de revision; mais, Messieurs, quels sont les principes de la Constitution?
Si le décret que nous avons porté était vicieux, s'il n'avait pas été précédé d'un décret d'urgence, ce serait à nos successeurs à les vérifier. (Murmures.) Je répète que s'il n'y avait pas eu urgence, ce serait à nos successeurs, et non pas à nous, à l'examiner; conséquemment, ce ne serait point à nous que les observations devraient être portées. Nous ne nous mêlerions plus de cet acte, il serait totalement étranger à notre législature ; mais il ne faut pas que les motifs du roi influent sur la décision de la législature prochaine. Ce n'est pas à vous seulement que ces motifs sont portés; ils seraient une initiative sur la décision de nos successeurs, et c'est ce qu'il faut empêcher. Il faut que nous conservions les pouvoirs bien distincts et séparés, que nous les conservions dans toute leur intégrité. Voilà, Messieurs, quelles sont les raisons qui me déterminent à appuyer les motifs de M. Reboul. Le roi exercerait une initiative s'il donnait les motifs de son refus, qui, je n'en doute pas, sont puisés dans la Constitution. Mais nous n*avons pas motivé notre décret, il ne doit pas motiver son refus. Je persiste donc à demander que les motifs ne soient pas connus.
M. le ministre de la justice demande à faire une observation, mais j'ai l'honneur de lui faire remarquer qu'il ne peut pas faire une observation sur la question qui se discute en ce moment, car ce serait opiner.
, ministre de la justice. C'est sur un point de fait que je veux parler et pour donner des renseignements. Je ne traiterai point la question sur laquelle les préopinants se sont expliqués, je n'ai pas l'honneur d'être membre de 1 Assemblée.
Je préviens seulement l'Assemblée que dans le moment où j'ai demandé la parole, je ne me proposais pas d'entrer dans la discussion ou l'examen de la loi, ce n'était pas du tout les motifs du message du roi.
Je voulais énoncer les mesures que le roi a prises, et qui mèneront peut-être au but que vous voulez atteindre par votre décret, sans âvoir une exécution aussi rigoureuse. J'ajoute que lorsque la Constitution a déterminé la formule de sanction de la part du roi, elle n'a pas entendu régler la correspondance entre le Corps législatif et le ministère.
Oserai-je, Monsieur le ministre. ..
Plusieurs membres avec indignation : Oserai-je !
vous représenter que je crois que c'est opiner dans la question.
Plusieurs membres: Osez! osez, Monsieur le Président, la loi vous y autorise !
Je crois, Monsieur, que le
Parole a celui aes memDres qui
arlez, Monsieur Rouyer.
M. Gérardin a parfaitement développé mon opinion et je n'y reviendrai pas.
Je dirai seulement, à l'appui des observations des préopinants, que deux raisons bien fortes militent pour ne pas entendre le ministre. La première est celle qui a été donnée par M. Cam-Don, c'est que le roi ne doit pas exercer l'initiative sur les lois, et je soutiens que, quand même il l'aurait, nous ne devrions pas entendre le ministre de la justice, puisqu'il vous a dit que les explications qu'il veut vous donner ne sont pas contresignées par le roi.
Plusieurs membres demandent la parole.
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres réclament contre cette décision.
Je demande que l'on donne à ceux qui doutent la satisfaction d'une nouvelle épreuve.
(Après une nouvelle épreuve, l'Assemblée passe à 1 ordre du jour.)
M. le ministre de la marine demande la parole.
, ministre de la marine. Je n'ai plus rien à dire ; je voulais observer que le message dont nous étions chargés, avait uniquement pour objet d'instruire l'Assemblée des mesures que le roi a prises relativement aux émigrants. (Murmures.)
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour! ;
Je réclame l'exécution du décret par lequel l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
Je demande à lire un article de la Constitution.
J'insiste pour que l'on passe à l'ordre du jour et ie demande que l'on continue la lecture de l'arrêté du département du Haut-Rhin.
Un membre : Je demande que le ministre soit tenu de rendre compte des mesures prises relativement aux émigrants.
Il y a un décret qui ordonne que l'on passera à l'ordre du jour; je déclare que je le ferai exécuter. (Murmures prolongés et réclamations dans la partie droite de VAssemblée )
Monsieur le Président, je demande la parole contre vous.
Je demande, Monsieur le Président, que vous fassiez noter, au procès-verbal, tous ceux qui interrompent.
Plusieurs membres à droite insistent pour avoir la parole.
A l'ordre! Respectez l'opinion de la majorité !
jeune. A l'Abbaye!
Voix diverses : A l'ordre du jour! — La Constitution est sans cesse à l'ordre du jour!
Au milieu de ce tumulte, je demande moi-même la parole. La Chambre a passé à l'ordre jour, j'ai déclaré que je maintiendrai de toutes mes forces cette décision. M. Goujon demande à parler contre moi ; comme je ne dois pas être juge dans ma propre conduite, je lui accorde la parole.
Je demande que l'Assemblée soit consultée : c'est une rusé pour enchaîner la majorité par une très petite minorité.
(L'Assemblée décide que M. Goujon ne sera pas entendu.)
Je vais continuer la lecture de l'arrêté du directoire du département du Haut-Rhin (1).
Un membre : Cet arrêté ne renferme aucune disposition bien particulière; j'en demande le renvoi au comité ae législation.
(L'Assemblée renvoie l'arrêté du directoire du département du Haut-Rhin au comité de législation.)
, chargé, au nom du comité de législation, de faire un rapport sur les troubles attribués aux prêtres non assermentés, se présente à la tribune.
Je demande à faire une motion d'ordre, qui consiste à ce que le projet de décret sur les pretres séditieux soit imprimé avant d'être mis en délibération. (Oui! oui!)
Ce que M. Gérardin demande n'est que l'exécution cfu décret d'hier. Je ne crois pas que l'Assemblée puisse se dispenser d'ordonner l'impression préalable du projet de décret. Mais aussi, je pense qu'il faut aujourd'hui en faire la lecture, afin qu avant d'en ordonner l'impression, l'Assemblée en ait connaissance.
Je demande que, conformément au décret rendu hier, M. ministre de l'intérieur qui est ici, nous donne des renseignements sur L affaire du Calvados.
Un commis des bureaux remet un papier à M. Delessart, qui prend la parole immédiatement après.
, ministre de Vintérieur. Monsieur le président, il vient de m'être remis une expédition en forme d'un décret, dont l'article 3 porte que le ministre de l'intérieur rendra compte demain à 11 heures, des renseignements qu'il a sur les faits énoncés au procès-verbal du conseil général de la commune et du directoire du district de la ville de Caen, et des mesures qui ont été prises pour arrêter les troubles dans le département du Calvados. J'observerai, pour la forme, que cet article-là se trouvant inséré dans un décret qui est susceptible de sanction, ne serait rigoureusement lui-même exécutable, qu'après que le décret aurait reçu lui-même la compte ae ce que je sais sur cette affaire.
J'ai reçu une seule lettre du directoire du département du Calvados, qui m'annonce, d'une
manière peu circonstanciée, les événements dont l'Assemblée s'est occupée. Il paraît même que
le directoire n'en connaissait pas la cause. Il savait qu'il y avait des troubles ; mais il
n'y avait pas de procès-verbaux faits sur les lieux, dé manière qu'il était fort incertain et
des effets et de la cause
Voilà, quant à moi, quel est l'état de cette; affaire. Jusqu'à ce que j'eusse reçu des éclaircissements ultérieurs, je n'avais pointd'autr es ordres à donner, sachant surtout que cette affaire était sous les yeux de l'Assemblée, et qu'elle devait s'en occuper.
Je demande à relever une erreur1 de fait. Le ministre de l'intérieur vous a annoncé que, suivant les formes, l'article qui lui était communiqué devait être sanctionné (Murmures.) ; mais que, par le désir qu'il a de répondre aux vœux de l'Assemblée, il s'empresse rv répondre tout de suite. Et moi je dis à l'Assemblée, et je réponds au ministre de l'intérieur qu'il ne eon-" naît point les formes... (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je soutiens, moi, que les" décrets relatifs aux ministres ne sont point sujets à la sanction, et que M. le ministre a tort d'avancer une pareille êrreuf.
Je vous prie, Monsieur le Président, de Vouloir bien insérer dans le procès-verbal mon observation.
Plusieurs membres : Le ministre n'a pas dit cela.
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour puisque le ministre a satisfait à la loi,
M. le ministre de l'intérieur demande un supplément de troupes de ligne pour maintenir la tranquillité de la ville de Caen. Je dirai que lè directoire et la municipa-j lité ne sont pas toujours d'accord sur les moyens à employer pour ramener le calme. Je vous observe qu'ayant été maire de cette ville, je con- : nais parfaitement l'esprit des habitants, et je sais que, dans différentes circonstances,ils n'ont point : demandé de troupes de ligne; que quelquefois même ils s'y sont refusés, et que nous avons été en députation, pour dire que nous ne demandions point de troupes de ligne.
En conséquence, je demande que la municipalité de Caen, qui est spécialement intéressée au maintien de l'ordre, et qui connaît mieux que le ' directoire la manière de le maintenir, soit con-sultée avant d'envoyer des troupes. (Murmures.)
Plusieurs voix : L'ordre du jour !
, au nom du comité de législation. L& rapport que votre comité de législation vient soumettre à votre sagesse...
11 a été fait une motion : elle est .appuyée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
On ne peut passer à l'ordre du jour sur un objet aussi important, d'où dépend la tranquillité de la ville de Caen. (Il court vers la tribune et y monte.)
Voix diverses : A l'ordre! à l'ordre! — Laissez-leparler !..
Si tout le monde veut pré-
sider, je ne puis pas présider. (L'Assemblée est dans une vive agitation.) Je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Fauchet sera entendu.
Plusieurs membres : Il y a doute.
Je vais renouveler l'épreuve, mais, auparavant, je rappelle à l'ordre le membre que je ne connais pas et qui vient de dire : « Allons donc! Monsieur le Président. »
[L'épreuve est renouvelée et l'Assemblée décide que M. Fauchet sera entendu.—(Applaudissements dans les tribunes.)]
Je rappelle les tribunes au respect qu'elles doivent à l'Assemblée et je les prie de garder le silence.
J'observe qu'il importe infiniment pour la tranquillité du département du Calvados et de la ville de Caen en particulier, que, ce ne soit pas sur la motion du directoire du département que des troupes soient envoyées dans ce pays-là pour y rétablir l'ordre. Le directoire du département, quant à sa majorité, est depuis longtemps infiniment suspect à tous les citoyens de ce département. On a aû observer que la majorité des membres du département n'a pas voulu signer le procès-verbal qu'ils connaissaient très bien, quoiqu'ils aient écrit à M. le ministre de la justice qu'ils ne le connaissaient pas. Il est de fait qu'ils avaient assisté avec tous les autres corps administratifs à l'assemblée générale qui fut tenue à la maison ^commune. C'est un mensonge évident; mais je ne m'arrête pas à cela. (Murmures.)
Plusieurs membres : La charité! la charité, Monsieur l'évêque !
Le directoire a été adroitement composé de membres ennemis de la chose publique; voilà les hommes sur qui on veut s'en rapporter.
Au moment que l'on fit le tirage, on a reproché à ces mêmes administrateurs d'en avoir introduit 11 au lieu de 8, et qui étaient tous infiniment déplaisants au public.
Il, est bon de savoir que les citoyens qu'ils appellent perturbateurs. sont tous ceux qui sont amis de Tordre et de la Constitution, et qui cherchent à la maintenir. {Applaudissementsdans les tribunes.)
Je rappelle les tribunes à l'ordre.
Le procureur général syndic de ce département est particulièrement l'objet non seulement des animadversions, mais encore dé la haine publique de tout le département. (Nouveaux murmures.), Oui!oui! Vous verrez que son nom ne sera pas étranger aux renseignements que vous recevrez.
Un des vicaires du Calvados, se trouvant à Caen au moment de l'insurrection, a cru trouver un refuge dans le département. Qu'y a-t-il rencontré? Il y a trouvé une garde de i50;,hommes, composée ae nobles, qui étaient là pour monter la garde en faveur de leurs amis du directoire du département. Voilà de quoi il est composé. Des hommes tels que ceux du directoire troubleraient l'ordre et tyranniseraient les bons citoyens. Ce sont les ennemis de la Constitution, et c'est sur leur demande qu'on enverrait des troupes? Je ne doute point du patriotisme des troupes, mais subordonnées au département, qui leur donnerait des ordres., (Murmures prolongés.) Dans d'autres circonstances, le département a demandé l'éloignement du régiment d'Aunis, dont la municipalité était très satisfaite, et dont le patrio-
tisme était bien connu. Le régiment a été retiré, et c'est ce moment qu'on a choisi pour exciter des troubles.
Le courrier dont vous avez ordonné hier l'envoi n'est pas parti ; je ne sais pas pourquoi.
Je prie l'Assemblée d'ordonner provisoirement qu'il ne sera point envoyé de nouvelles troupes a Caen jusqu'après des nouvelles ultérieures. La garde nationale de Caen est assez forte; son patriotisme est à l'épreuve; il n'y a rien à craindre. {Applaudissements dam les tribunes.)
, ministre de Vintérieur. Je demande à éclaircir deux faits : l'un, c'est que je dois dire, pour rendre hommage à la vérité, que le directoire du département du Calvados a demandé, avec la plus grande instance, que le régiment d'Aunis restât à Caen; il a fait la-dessus les sollicitations les plus pressantes. Le besoin du service a exigé que ce régiment en fût retiré ; et on; ne peut pas (Tire qu'il a désiré que ce régiment s'éloignât, puisqu au contraire il n'a cessé d'écrire et de demander avec instance qu'il y restât.
L'autre fait est relatif au départ du courrier que j'apprends que l'Assemblée nationale a déterminé. Je ne connais pas le décret qui porte l'envoi du courrier ; je ne l'ai point, et jusqu'à ce que je l'aie, je ne pourrai point envoyer de courrier.
Je ne crois pas qu'il Soit possible à l'Assemblée nationale d'accueillir la proposition qui lui a été faite par un député du Calvados et qui a été appuyee par M. Fauchet, de suspendre l'envoi des troupes qui ont été requises par le directoire de département. Si vous suspendiez l'envoi des troupes, vous mettriez le ministre à l'abri de la responsabilité. Il ne faut pas que l'Assemblée prenne un parti sur cet objet. Nous ne devons point nous mêler d'expliquer les intentions du directoire. C'est l'affaire du pouvoir exécutif d'envoyer des forces soùs la responsabilité du ministre. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
jeune. L'ordre du iour est la sûreté des bons citoyens. Je demande la question préalable sur l'ordre du jour.
(L'Assemblée, après quelques débats et un long tumulte, rejette la question préalable à une très grande majorité, et passe à 1 ordre du jour.)
, qui présidait, se retire.
, ex-président, occupe le fauteuil.
PRÉSIDENCE DE M. DUCASTEL, ex-président.
L'ordre du jour est un rapport du comité de législation sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.
, au nom du comité de U()islation(\). Messieurs, les objets crue votre comité de
législation vient soumettre a votre sagesse présentent des rapports d'un ordre supérieur, et
dignes, par leur haute importance, delà plus gravé méditation.
Quelle fureur sacrilège anime ces ministres d'un Dieu de douceur et de paix ? Est-ce par intérêt pour le ciel qu'ils arment d'un poignard fratricide le citoyen contre le citoyen? Est-ce une querelle religieuse dont il faut prévenir les suites funestes ou une troupe de prêtres factieux dont la tranquillité sociale demande la répression et le châtiment? Quels sont les moyens de faire cesser les troubles qu'ils suscitent? Par quel frein réprimerez-vous ces hommes dangereux et turbulents?
Votre comité, Messieurs, a pensé que l'examen de ces questions éclaircirait notre marche, et qu'il dirigerait sûrement votre opinion vers le but où elle doit tendre dans des conjectures pénibles sans doute, mais incapables de détourner votre courage et d'affaiblir votre résolution.
Non, ce n'est pas d'une fausse et sanguinaire pitié que les troubles qui vous occupent tirent leur première origine ; nous le. déclarons solennellement. Nous n'enveloppons point dans notre pensée tous ceux qu'un même égarement entraîne. Plusieurs ignorent le crime affreux dans lequel on veut les faire tremper; mais nous devons vous le dire : une politique ténébreuse couvre du voile de la religion un complet exécrable. Tous les conjurés ne sont pas au delà du Rhin. Il est aussi, dans le royaume, des ennemis violents de notre liberté, non moins ulcérés, non moins implacables; leur perfidie travaille dans l'ombre à aigrir les esprits, à empoisonner les cœurs, à égarer les meilleurs citoyens, à exciter les dissensions intestines et cruelles.
Les premiers de ces conjurés, sans moyens de réunion dans l'Empire, placés sous l'œil vigilant de nos municipalités, dispersés par l'activité de nos gardes nationales, sont allés sur une terre étrangère ourdir une trame de leurs complots. Les autres, toujours en rapport avec le peuple des campagnes qu'ils gouvernent, toujours couverts de l'inviolable manteau de leur ministère, n'ont pas eu besoin de chercher sous un autre ciel un asile propice à leurs projets criminels ; c'est au milieu de l'Etat, c'est dans son sein
même qu'ils ont pu conjurer et qu'ils conjurent sa perte.
Eh ! Messieurs, est-ce l'esprit de la religion qui peut les entraîner dans cet égarement déplorable? mère de la paix et de la vertu, la religion commande-t-elie la sédition et les forfaits ?
De bonne foi, quel tort fait à la religion la réforme extérieure du clergé ? Que l'on nous dise si nos lois se sont souillées par aucune altération de dogmes, et si elles ont détruit la forme du culte et l'antique lithurgie. Non, Messieurs, nos lois sont sages, elles ont rappelé le sacerdoce à sa pureté, a sa dignité originelle. Mais ce n'est pas ce que voulaient ces hommes corrompus par l'opulence et pervertis par la domination. De tous les temps fe sacerdoce voulut planer sur l'Empire, de tous les temps Rome mit l'univers à contribution, de tous les temps sa puissance théocratique enchaîna et fit trembler les peuples et les rois.
Sa grandeur temporelle n'est plus, les scandaleuses richesses de ses ministres sont dispersées. Voilà la source de cette étrange coalition, le nœud de cette double ligue féodale et sacerdotale, la cause de ces orages désastreux qui grondent dans quelques-uns de nos départements.
Vous le concevez donc comme nous, Messieurs, ces mouvements n'ont pas pour objet réel la « liberté des cultes ». La liberté des cultes est déjà établie, elle existe par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle est garantie par la Constitution, ces insurrections prétendues religieuses ne sont donc qu'un système impie de révolte et de sédition.
Mais ce que l'on n'a peut-être pas remarqué encore, c'est la correspondance qui règne entré cette branche de conjuration et celle que vous avez frappée ces jours derniers avec cette vigueur de caractère qui annonce si bien la sécurité, l'énergie et les forces d'une grande nation.
Combinez, Messieurs, les époques, rappelez les circonstances, le rapprochement vous révélera les sinistres et profonds secrets de nos ennemis.
Au moment où Avignon est devenu de nouveau le théâtre de la fureur et du carnage? c'est lorsque vous apprenez que toutes les parties de l'Empire s'échappent et font frémir sur lés bords du Rhin tous ces illustres mécontents qui veulent tout embraser et réduire en cendres, c'est: alors qu'une foule de prêtres forcenés soufflent dans Fintérieur le feu dé la guerre civile et préparent des poignards; ces mouvements corrélatifs sont les résultats d'un effort caché et commun, ces soulèvements sont les essais de leurs forces combinées, ces tentations criminelles sont l'expérience de ce qu'ils pourront enfin oser. C'est à votre prudence à mesurer d'un œil tranquille tous les périls de l'Etat pour les -prévenir et pour les faire échouer, c'est au courage fier et généreux -■ d'un grand peuple à les attendre sans alarme; pour moi, je tire de tous ces faits la conséquence qui importe à votre délibération.
Ces prêtres factieux ne s'éloignent donc pas de nos temples pour des raisons de culte et de religion. Ces hommes impitoyables ne fomentent donc ces troubles que pour aider à renverser la Constitution qui blesse leur orgueil et qui détruit leurs richesses, ils veulent donc déchirer le sein, de la patrie pour reprendre, dans les flots de son sang, et leurs domaines et leurs trésors.
Suivons-les, Messieurs, un instant dans leurs routes profondes et sinueuses. Remarquez avec
quel art ils marchent vers leur but odieux, et traînent avec eux les malheureux citoyens qu'ils égarent ; ils ne vont pas, sous le chaume, dire au
Sauvre agriculteur que la suppression de la
îme est un attentat sacrilège, une impiété dam-nable: ce langage démasquerait leur fourbe et leur hypocrisie. Pour colorer et propager leur révolte, ils osent la lier à un système prétendu religieux. Ils répandent que l'organisation civile du clergé est une entreprise séculière sur la discipline ecclésiastique, qu'elle rompt le lien commun des fidèles, et (ce qui dans leur sens est toujours identique) qu'elle blesse les droits de l'Eglise ou « l'intérêt au ciel ». De là, refus du serment prescrit par la loi du 26 novembre dernier ; de là, ces anathèmes contre cette réforme salutaire et si longtemps désirée ; de là, ces bulles répandues et les prédications pour tromper la religion du peuple; de là; les menaces des roudres du Vatican, jadis bravees par le despotisme et que la liberté éclairée redoutera encore moins; de là, ces terreurs insensées de tant d'hommes pusillanimes, lorsque, pour leurs intérêts personnels, les ministres du culte osent les menacer de l'indignation divine ; de là, cette résistance opiniâtre au remplacement de quelques pasteurs, l'aveugle dévouement de tant de paroisses, capables de se manifester par des. actes ouverts de rebellion, ces divisions locales et intestines d'autant plus cruelles, pour le vain, le fatal prétexte de la religion ; de là enfin, Messieurs, les maux qui contristent l'humanité et le civisme, et qu'il faut réprimer par tous les moyens qui sont en notre disposition.
Mais quels sont ces moyens ? où sont les remèdes convenables? après ce que je viens de vous dire, Messieurs, la recherche en sera moins difficile ; votre comité vient de vous dévoiler la grande conjuration politique que cache la prétention de ces prêtres factieux. Il vous en a développé les nœuds, et si cette ligue odieuse ne vous offrait qu'une masse de coupables, votre comité...
Monsieur le rapporteur, je vous prie de suspendre.
J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée que l'officier de la gendarmerie, à qui l'ordre a été donné de conduire M. Varnier devant l'Assemblée, en vertu de son décret, demande à rendre compte de sa mission. Je consulte l'Assemblée,...
(L'Assemblée décrète que l'officier sera entendu à la barre.)
Messieurs, M. Varnier est sorti de l'hôtel de Louis-le-Grand ce matin à 8 heures et demie ; on a fouillé dans l'hôtel, on n'a trouvé personne. L'on n'a pu indiquer à l'hôtel où il serait possible de le trouver.
Plusieurs membres : Et les effets?
Je demande que l'on envoie à la municipalité de Paris, afin qu'elle s'assure de la personne du sieur Varnier.
Un membre: Après la lettre dont on vous a fait lecture, un membre de l'Assemblée s'est transporté chez M. Bailly un quart avant 11 heures. M. Bailly a lu la lettre, et a dit qu'on lui présentait très souvent des lettres de ce genre-% que, cependant, il allait envoyer un commissaire de police pour chercher après l'individu indiqué. Voilà, Messieurs, ce que nous avons cru devoir faire pour gagner une heure ou deux de temps ; il était à peu près 11 heures lorsque M. Bailly eut la nouvelle.
Un membre: Elle n'est point officielle.
Je demande qu'on envoie à la municipalité, pour la requérir de mettre les scellés sur les papiers de 1 accusé, et en même temps que le pouvoir exécutif soit tenu d'envoyer le signalement de l'accusé de brigade en brigade.
Je ne crois point que l'Assemblée puisse avoir de correspondance avec les municipalités, mais je crois que l'Assemblée nationale, bien convaincue maintenant et par la lettre qui a été déposée sur le bureau^ et par la fuite au sieur Varnier, doit porter le décret d'accusation. (Murmures.) Ce ne sera et ne peut être, d'après la Constitution, qu'en suite d un décret portant accusation, que l'Assemblée nationale peut donner l'ordre de faire arrêter un particulier. Il faut donc exécuter la Constitution à la lettre. Je demande que, dès à présent, le sieur Varnier, comme prévenu d'attentat contre la Constitution, soit mis, par l'Assemblée nationale, en état d'accusation, et que le pouvoir exécutif soit chargé de faire exécuter ce décret.
Plusieurs membres : Appuyé I appuyé !
D'autres membres: L'ordre du jour !
Je suis d'accord avec le préopinant sur le fait de l'arrestation ; mais non sur celui de l'accusation. Il se fonde sur deux circonstances : la lettre déposée et ce qu'il appelle la fuite. D'abord, un homme absent à 8 heures et demie du matin, n'est pas censé fuir (Murmures à gauche.) ; nous avons tous fui ce matin, si l'absence doit être regardée comme une ruite. Je passe à la lettre. Il existe sur le bureau un papier écrit en forme de lettre, un papier qui termine par une signature, qui s'applique à l'individu que vous cherchez ; mais qui vous dit, et quelle raison avez-vous de présumer même que cette signature ait été apposée par la main de l'individu, que cette signature soit vraie? (Murmures à gauche.) Et si vous ne pouvez pas même le présumer, sur quoi fonderez-vous votre décret d'accusation? Je conclus à la question préalable, quant à présent.
Voix diverses : L'ordre du jour ! — La discussion fermée !
Je m'oppose à ce que l'on ferme la discussion, elle n'est pas encore ouverte.
Plusieurs membres parlent au milieu du bruit.
Un décret a mandé M. Varnier à la barre ; je demande qu'on l'exécute, et en attendant je propose l'ordre du jour.
Je réponds à l'observation de M. Goujon. Il demande a l'Assemblée qui est-ce
3ui l'assurera que la signature apposée au bas
e cette lettre est celle du particulier qui y est nommé? Et je demande à M. Goujon qui est-ce qui lui assure que ce n'est pas celle du particulier ? (Mumures adroite.) Je la considère non seulement comme un commencement de preuve, mais encore comme une preuve légale. Je suppose que cet homme, le même iour qu'il sera mis en état d'arrestation, se justifie, il en résultera qu'il lui sera dû des dommages et intérêts. (Murmures.) Si vous ne décrétez pas maintenant qu'il y a lieu à accusation, si vous attendez que vous ayez d'autres preuves qu'il vous est impossible de vous procurer, alors vous allez laisser évader un chef de conjuration, ou aU moins un homme prévenu comme tel. Il y a donc moins d'inconvénients de prononcer contre lui le décret d'accusation, que de le laisser aller : c'est
pourquoi j'appuie la motion de M. Couthon, qui tend a décréter qu'il y a lieu à accusation.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix !
Au milieu des complots, au milieu des attentats qui paraissent formés contre la Constitution, l'Assemblée nationale doit au moins, sous peine de devenir aux yeux du peuple français, complice elle-même de ces attentats... (Oui! oui ! Applaudissements dans les tribunes.)
On est tombé dans une grande erreur, lorsqu'on a prétendu qu'il fallait à l'Assemblée nationale des preuves convaincantes du délit. (Mur-mures.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Quel acte fait l'Assemblée nationale, lorsqu'elle porte un décret d'accusation? L'Assemblée nationale fait acte d'accusateur public de la nation. Je demande si on ne regarderait pas comme coupable un accusateur public qui, sur la dénonciation d'un citoyen, et sur une lettre telle que celle qui est déposée sur le bureau, négligerait de poursuivre le dénoncé ? C'est une erreur de croire qu'il faut qu'un individu soit presque convaincu d'attentat contre la sûreté générale de l'Etat, pour être accusé par l'Assemblée nationale. D après l'article 10 de la section première du chapitre III de l'acte constitutionnel, il suffit qu'il soit prévenu, et le sieur Varnier l'est d'après les pièces déposées sur le bureau. Je sais bien qu'on va me répondre que votre décret d'accusation emporte le décret de prise de corps, et qu'au contraire la plainte de l'accusateur public laisse encore l'accusé dans tous ses droits ; mais remarquez à votre tour, que si le décret d'accusation de l'Assemblée nationale emporte le décret de prise de corps, ce n'est qu'à cause de la nature du crime, à cause de l'intérêt général de la nation, qui veut que l'on mette sous la main de la justice, celui qui est prévenu d'un crime qui intéresse la sûreté générale de l'Etat. Je demande donc que le décret d'accusation soit porté. (Vifs applaudissements dans les tribunes.) .
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
parle au milieu du bruit ; il n'a pas été entendu.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je vais mettre aux voix le décret d'accusation. .
Plusieurs membres à gauche demandent la parole.
, à la tribune. Je propose la question préalable... (Les cris couvrent sa voix.) Je réclame la liberté des opinions... Je demande à motiver la question préalable... (Le tumulte Vempêche de parler.)
fils. L'Assemblée a ordonné que M. Varnier sera mandé à la barre. Depuis le décret, la situation n'a pas changé. En conséquence, j'appuie la question préalable.
jeune. Je demande la parole pour relever un fait. Le préopinant a dit que l'Assemblée n'avait rien vu dans la lettre qui compromît l'individu que j'accuse.
Plusieurs membres : On n'a pas dit cela.
jeune. La pièce a été déposée ; l'Assemblée l'a jugée suffisante pour le mander à la barre. S'il n a pas pu s'y rendre, je demande qu'il soit mis en état d'accusation.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur la demande de question préalable !
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Puisque l'Assemblée a ordonné que M. Varnier paraîtra à la barre, il faut charger le pouvoir exécutif... (Le bruit ne lui a pas permis de continuer.)
Plusieurs membres : La discussion fermée sur la question préalable !
(L'Assemblée ferme la discussion sur la question préalable.)
Je mets aux voix la question préalable.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, ajoutez : quant à présent.
Alors, je mets aux voix la
2uestion préalable sur la demande du décret
'accusation quant à présent.
Le bureau est d'avis que l'épreuve est douteuse.
Voix diverses : L'appel nominal! Une seconde épreuve!
(Une secondé épreuve a lieu.)
(L'Assemblée rejette la question péalable.)
Aux voix le décret !
Je demande que M. Basire certifie que la lettre déposée est de M. Varnier.
jeune. Je demande la parole.
J'observe à M. Robin que sa proposition n'est pas un amendement/
Un membre : Je demande la parole pour un autre amendement.
Un membre : Quelque assurance que M. Basire ait mise dans sa dénonciation, il n a pas osé... (Le tumulte Vempêche de parler.)
jeune. J'ai déposé une lettre sur le bureau; j'ai attesté à l'Assemblée que cette lettre était ecrite par M. Varnier ; qu'elle était signée par lui. Ce n'est plus à vous à prononcer si la lettre est, ou non, de M. Varnier. C'est à la justice à déclarer si je suis un calomniateur ou un vrai dénonciateur. J'attends, en me dépouillant de mon caractère actuel de député, tout ce que les tribunaux peuvent prononcer sur l'acte que je fais. (Applaudissements.) Enfin, Messieurs, puisqu'il faut fermer toutes les bouches qui demandent sans cesse la question préalable lorsqu'il s'agit d'arrêter des complots contre la patrie, j'affirme que la lettre est de M. Varnier. (Vifs applaudissements.)
Un grand nombre de membres : Aux voix le décret d accusation !
jeune. Je demande une seconde lecture de la lettre.
Un de MM. les secrétaires fait une seconde lecture de la lettre de M. Varnier.
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix!
(L'Assemblée, à l'unanimité, décrète qu'il y a lieu à accusation.)
Un membre demande la parole pour faire comprendre, dans le décret, un second individu.
Vous avez jugé à propos de rendre un décret d'accusation contre l'individu qui a -signé cette lettre; il me paraît juste de le rendre aussi contre celui qui l'a reçue. (Murmures prolongés.) En décrétant que le signataire de la lettre doit être mis en état d'accusation autant de
preuves sont acquises contre celui à qui elle est adressée. Cette lettre annonce, en effet, que celui à qui elle est adressée a déjà fait passer des employés hors des frontières. M. Basire connaît cet homme. Je demande qu'il le nomme et je crois qu'il ne refusera pas de le faire.
Pourquoi donc cela?
Plusieurs membres : Non ! non I c'est inutile ! L'ordre du jour!
jeune. Lorsque j'ai demandé le décret d'accusation contre M. Varnier, j'offrais à l'Assemblée une pièce de conviction, une lettre signée de lui. Son correspondant m'est parfaitement connu (Ah ! ah!), mais comme je ne pourrais pas prouver sa culpabilité d'une manière aussi forte et aussi péremptoire, je demande que le décret d'accusation ne porte que sur M. Varnier.
, secrétaire. Voici la rédaction du décret d'accusation :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture d'une lettre signée Varnier, ci-devartt receveur général ! des fermes à Toulouse, datée de Paris du 30 octobre 1791.
« Décrète, qu'il y a lieu à accusation contre le sièur Varnier, logé à l'hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-Saint-Honoré, prévenu d'attentat contre la sûreté générale et de complot contre la Constitution.
« Décrète, en conséquence, que le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus prompts pour que ledit Vannier1 soit arrêté et Conduit dans les prisons du lieu le plus prochain de celui où il sera saisi, pour y être détenu jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait stattié, conformément à là Constitution, sur la convocation de la haute cour nationale.
Un membre : Le décret doit porter aussi sur tous les Français rassemblés sur les frontières.
Un autre membre : Je demande que le décret d'accusation porte généralement sur les complices de M. Varnier.
J'appuie la rédaction lue par M. Couthon.
Plusieurs membres : La question préalable sur les amendements !
(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.)
J'observe que ce n'est pas tant la preuve matérielle du délit que l'affirmation de M. Basire qui a déterminé le décret Je demande qu'il en soit fait mention dans le considérant du décret.
Voix diverses : Non ! non ! La question préalable ! A l'ordre ! Monsieur Dumolard !
(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Dumolard.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! la rédaction de M. Couthon!
Il m'est impossible de recueillir les suffrages lorsque plus de cinquante membres parlent a la fois.
Et quand vous causez avec vos voisins.....
Pour la dignité de l'Assemblée, je demande que M. Blanchon soit rappelé à l'ordre et que son nom soit inscrit dans le procès-verbal.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Pastoret !
Je pense que cette expression est échappée très légèrement. Au milieu des grandes occupations de l'Assemblée, il est étonnant qu'elle prenne un semblable obiet en considération. Je demande que l'on ne rappelle point nominativement M. Blanchon à l'ordre.
Un membre : Je demande à déclarer que la signature annoncée dans le décret pour être celle de M. Varnier, ci-devant receveur général des fermes, demeurant à Toulouse, n'est point celle de M. Varnier.
, secrétaire. Je n'ai mis cette qualification que parce qu'un membre est venu me le dire au bureau, j'ai cru devoir l'ajouter.
jeune.Je n'ai point énoncé cette qualification. J'ai dit que la lettre était de M. Varnier, ci-devant receveur général, à Paris. C'est "enfin celui dont j'ai donné l'adresse à l'hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-Saint-Honoré, celui chez qui on est déjà allé en exécution de votre premier décret, qui était hier résidant à Paris. Je propose que l'on ne le désigne dans le décret que par sà demeure..
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Ba-sire.) 1
Un membre : Je demande que le sieur Tardy soit mis en état d'accusation.
Un membre : Je demande que les scellés soient apposés sur les papiers des siéurs Varnier et Tardi.
Plusieurs membres : La question préalable sur les amendements !
(L'Assemblée rejette les amendements par la question préalable et adopte le projet de décret.)
En cpnséquence, le décret suivant est rendu : , « L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture , d'une lettre signée Varnier, datée de Paris du 30 octobre 1791, ""« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Varnier, loge à l'hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-Saint-Honoré, prévenu d'attentat contre la sûreté générale et de complot contre la Constitution; , ......
. Décrète, en conséquence, que le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus prompts pour que ledit Varnier soit arrêté et conduit dans les prisons du lieu le plus prochain de celui où il sera ; saisi, pour y être détenu jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statue, conformément à la Constitution, sur la convocation de la haute cour nationale. »
(A peine ce décret est-il rendu qu'un mouvement se produit dans l'Assemblee. Plusieurs membres entrent dans la salle et annoncent que M. Varnier est arrêté. Quelque agitation suit.)
J'annonce à l'Assemblée que M. Varnier est arrêté. Veut-elle qu'il soit introduit à la barre?
Un membre : Depuis que M. Varnier est en état d'accusation, il ne peut plus être entendu par l'Assemblée nationale. Il faut que le décret reçoive son exécution; '
Je demande à faire une observation. Vous avez décrété, aù commencement de la séance, que M. Varnier serait entendu à la barre. Il n'a point été trouvé. Depuis, il a été mis en état d'accusation. Je pense que ce décret ne détruit pas l'autre. Je propose de ne recevoir M. Varnier
à la barre qu'autant qu'il demandera lui-même à y être admis.
J'observe que la Constitution porte que l'Assemblée pourra entendre des témoins pour recevoir de nouveaux éclaircissements. Je conclus à ce que M. Varnier soit entendu, ne fût-ce que pour acquérir des renseignements qui mettront l'Assemblée à même de porter d'autres décrets d'accusation s'il y a lieu.
Un membre .-J'appuie la proposition de M. Cambon par un autre motif. Je prétends que le dernier décret n'empêche l'exécution du premier qu'autant que le dernier sera exécuté lui-même.
Un membre : Vous n'êtes pas dès juges. L'accusé doit être traduit au tribunal. Je démande donc la question préalablé sur la motion dé M. Delacroix.
(L'Assemblée, consultée, décide qu'il y a lieu à délibérer, et décrète que M. Vàrnièr sera entendu.)
Il est nécessaire que vous fixiez de quelle manière M. Varnier sera entendu : sera-t-il entendu sur l'objet de la lettre dénoncée? ou sera-t-il interrogé ? „
Un membre, ironiqueonent r Oui ! délibérez pendant quatre heures maintenant. (Murmures.)
L'acte constitutionnel, dans l'article relatif à la haute cour nationale, a eu grand soin de dire que vous ne pouvez entendre la personne dénoncée qu'avant d'avoir porté le decret d'accusation. Et pourquoi ? Parce qu'une fois le décret d'accusation rendu, l'homme appartient à la justice. (Murmures prolongés et quelques applaudissements.)
Plusieurs membres : Mais vous parlez contre un décret rendu !
Je demande pardon à l'Assemblée si je m'élève contre le décret qu'elle vient de rendre,, mais j'ai juré de maintenir la Constitution i et je remplirai mon serment. Je m'élève contre le mot d interrogation. (Murmures prolongés.)
Un membre : Il est bien étonnant que les personnes qui ont été les plus empressées à faire rendre le décret d'accusation ne veuillent pas maintenant entendre M. Varnier. (Nouveaux murmures.) ,
Je crois qu'il est aisé de nous mettre tous d'accord. Il est incontestable que nous venons, de remplir les fonctions de jurés d'accusation, et que ces fonctions sont absolument terminées. Nous ne pouvons donc plus entendre l'accusé comme jures ; nous ne pouvons pas l'interroger. Si cet homme demande à être entendu, entendez-le, mais ne l'interrogez pas. De cette manière vous né blesserez pas la Constitution.
Un membre : Je soutiens l'opinion contraire, au nom de l'intérêt public, et je dis que nous avons le droit d'interroger M. Varnier. L'Assemblée a bien rendu un décret d'accusation, mais il est faux qu'il puisse être exécuté et avoir aucun effet quelconque avant qu'il soit revêtu de toutes les formes, c'est-à-dire; avant qu'il soit signé et expédié. Si vous accusez, si vous arrêtez un citoyen sans l'entendre lorsqu'il demande à être entendu, vous attentez à la liberté individuelle..
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.).
Plusieurs membres proposent de suspendre le
décret d'accusation et demandent l'exécution du premier décret.
D'autres membres : La question préalable !
On demande que le décret d'accusation soit suspendu, et que le premier soit exécuté.
L'Assemblée ne doit pas se mettre en contradiction avec elle-même. Elle a décrété que M. Varnier serait entendu ; puis elle a rendu le décret d'accusation, enfin elle a encore décrété qu'il serait entendu. Donc elle a jugé, par cela même, que le décret d'accusation et l'audition de l'accusé n'étaient pas incompatibles. La discussion ne s'est ouverte que sur la manière dont il serait entendu. L'Assemblée ne doit donc s'occuper que de ce mode.
jeune. J'ai une observation à faire à la société.....; (Rires.) Je réclame de l'Assemblée la permission d'être entendu un seul insr tant; je ne serai pas long. Il est indispensable d'entendre M. Varnier; il est indispensable encore, avant de l'entendre, de suspendre le décret d'accusation. •
Je m'explique : il peut y avoir erreur dans l'arrestation qui a été faite. Je sais même que celui qu'on amène est fort jeune, et qu'il est probable qu'il n'est pas employé dans les fermes, tandis que celui dont il s'agit est certainement un employé dans les fermes. (Murmures.)
Il s'agit du salut de la patrie, du salut d'un individu. Je demande le silence."
jeune. Je sais bien que j'ai fait moi-même le dépôt de cette lettre, et qu'il faudra que je prouve dans les tribunaux d'où la lettre me vient; mais il peut y avoir équivoque dans l'arrestation, à cause du grand nombre de personnes qui portent le nom de Varnier. (Murmures.)
Je demande que vous m'entendiez dans une affaire où je suis intéressé. Il est incontestable que le décret d'accusation n'a été rendu que parce que le citoyen qui avait été mandé à la barre, ne s'y est pas trouvé ; que l'on avait présumé qu'il s était évadé et que l'on a regardé cela comme une preuve nouvelle contre lui. Il est certain que s'il eût été admis auparavant, le décret d'accusation eût pu n'être pas rendu.
Il y a encore une considération puissante en faveur du rapport du décret : il est certain que s'il est admis a la barre sans que vous ayez rapporté le décret d'accusation, cette circonstance est effrayante pour lui. Il faut mettre un homme que l'on entend dans le calme, pour qu'il puisse s'expliquer. Il faut qu'il soit en possession de tout son sang-froid et de toute sa fermeté.
Je répète qu'il est possible qu'il y ait eu Une équivoque de nom; mais il ne peut y avoir d'équivoque sur l'existence... (Le bruit couvre la voix de Vorateur.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur la suspension du décret d'accusation.
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète que le décret d'accusation est. suspendu et que M. Varnier sera entendu sur-le-champ.)
Un membre : Je demande que M. le Président interroge, puisque le décret est suspendu.
Je erois que l'Assemblée ne devrait éprouver d'embarras sur la marche qu'elle a à tenir à présent, que si elle avait la conviction
que le citoyen arrêté est le véritable coupable; mais rien, Messieurs, jusqu'à présent ne l'annonce. M. Basire pense même qu'il y a erreur de personne à cause de la conformité de nom. Il faut donc avant de lui parler de la lettre, lui demander son nom, son état, son adresse.
Un membre : "Rapportons-nous-en à M. le Président pour la manière dont les interrogations seront faites.
On fait la motion de s'en rapporter à moi pour les interrogations qui devront lui être faites. Je mets cette motion aux voix.
(L'Assemblée adopte cette proposition.) ..
Je prie M. le Président de recommander le silence à l'Assemblée.
est introduit à la barre.
D'où êtes-vous?
Je suis de Saint-Dizier, en Champagne.
Y a-t-il longtemps que vous êtes à Paris ?
Il y a six mois, j'y suis du 14 mai.
Où résidez-vous ?
Dans Paris, à présent, Monsieur, à l'hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honoré!
Votre nom?
Claude Varnier.
Comment écrivez-vous votre nom?
V. A. R.N. I. E. R.
Votre état ?
J'étais receveur principal des traites à Auxonne.
Quel est votre état à Paris?
Je n'en ai aucun, Monsieur. J'étais venu à Paris y solliciter mon remplacement auprès de l'administration des douanes nationales.
Connaissez-vous M. Tardy ?
Non, Monsieur.
, s"adressant à M. Basire. Vou-driez-vous vous approcher un moment du bureau?
se place à côté dé M. le Président.
, s'adressant a M. Varnier. Connaissez-vous M. Noireau, de Pontailler?
Oui, Monsieur, je connais M. Noireau, je suis même lié avec lui. Il demeure à Auxonne. Il était receveur des gabelles, et entreposeur de tabac.
Reconnaissez-vous que la lettre qui vous est présentée et que la signature qui est au bas est également la vôtre? '
Plusieurs membres : Monsieur le président, faites écrire et signer auparavant. ^îl^p
(M. Varnier se met en devoir d'écrire debout à la barre, ayant pour point d'appui un livre.)
Un membre : Il faut qu'il écrive à son aise, il y a une table près la porte de la barre, il faut la transporter.
(Les huissiers exécutent cet ordre et M. Varnier écrit et signe. Cette pièce est remise sur le bureau.)
Je demande que l'on fasse écrire
une seconde fois, Monsieur, et qu'on lui donne une autre plume.
Je demande qu'on laisse à la sagesse et à la prudence de M. le Président de prendre toutes les mesures et les précautions qu'il croira convenables.
Avez-vous sur vous de votre écriture?
Je ne crois pas, mais, en sortant de mon hôtel, j'ai donné la clef de .ma chambre à l'officier de garde, qui l'a.
Avez-vous de votre écriture dans votre chambre?
Oui, Monsieur.
Etes-vous seul de votre nom dans l'hôtel?
Je Crois que oui, Monsieur.
Voulez-vous bien écrire?
Mon écriture sera très tremblée, car je ne suis pas bien tranquille.
(Le sieur Varnier écrit et le papier est porté au bureau.)
Avant d'écrire de nouveau, je vous demande si vous écrivez d'une autre écriture plus fine ou plus grosse?
J'écris à main tremblée.
Vous ne répondez pas à ma question; écrivez-vous d'une écriture plus fine?
Oui, Monsieur.
Eh bien, écrivez d'une écriture plus fine.
(il/. Varnier écrit.)
Ecrivez sous ma dictée ce que je vais vous dire. (Dictant.) « Continuez, Monsieur et cher ami, à mettre la même adresse » atc... Ecrivez au-dessous en chiffres, 1790, 1791, 1792.
(M. Varnier écrit.)
Plusieurs membres : Sa signature !
Ecrivez les mois d'octobre et septembre en abrégé. (M. Varnier écrit.) Signez encore. (M. Varnier signe.)
A quoi vous occupez-vous dans Paris?
Ayant, pendant la Révolution, perdu mon état, j'étais venu à Paris pour solliciter mon remplacement; je viens de l'obtenir. L'administration dès douanes nationales vient de me nommer à la recette principale de Cordon. Je suis sur mon départ.
Il y a six mois que vous êtes dans Paris?
Oui, Monsieur.
N'y faites-vous rien?
J'y suis venu solliciter mon état que je viens d'obtenir. J'ai été nommé dans cette semaine à la recette principale de Gordon par l'administration des douanes.
Quelles personnes connaissez-vous à Paris?
Je connais M. Alotel.
Où demeure-t-il?
Hôtel de Châtillon, passage de Valois.
Je demande quelles personnes vous connaissez à Paris?
M. Alotel.
Quel est-il?
Un ancien employé de la Régie générale.
Son état?
Il a perdu son état à la Révolution.
Ne connaissez-vous point quelques autres personnes ?
Pardonnez-moi, Monsieur, je connais M. Rollin.
Sa demeure?
Rue du Hasard.
Avez-vous des i areuts de votre nom?
Oui.
En avez-vous à Paris.'
Je n'en ai pas à Paris,
En avez-vous ailleurs?
Oui, Monsieur.
Quels sont vos parents.'
Mon père est procureur du roi aux eaux et forêts de Saint-Dizier. (Murmures.)
Avez-vous des frères?
Oui, j'en ai.
Combien avez-vous de frères ?
Un seul.
Où est-il?
Attaché à la douane nationale à Colmar.
Votre âge?
Trente ans.
Que fait votre frère?
Mon frère est attaché aux douanes nationales.
Avez-vous des connaissances, des parents à Dijon, ou y connaissez-vous quelques personnes?
Oui, Monsieur, j'en connais.
Y avez-vous des parents d'abord?
Non, Monsieur ; appelé, par mon état, j'y ai demeuré pendant 12 ans; j y ai été receveur principal pendant deux ans; de là je fus envoyé receveur des traites à Auxonne.
Reconnaissez-vous cette lettre pour être de votre écriture, ainsi que là signature?
Non, Monsieur.
Voyez la signature.
La signature n'est pas la mienne.
Ne connaissez-vous point cette écriture de quelque manière pour être de vos parents ?
Je ne la connais point du tout.
Vous ne la connaissez point?
Non, Monsieur.
De vos parents, de vos amis?
Il paraît que l'on a voulu faire la mienne.
Voiilez-vous la revoir encore?
Je n'en ai pas besoin; elle n'est
pas la mienne. Il paraît qu'on a7 voulu rapprocher, mais ce n'est pas la mienne-.
Vous croyez donc qu'elle est approchant de la vôtre?
Elle n'est point approchant de la mienne. Il y a de la différence ; la paraphe n'est point du tout la mienne.
Vous reconnaissez donc que l'écriture est approchant de la vôtre?
Je lé crois.
Ne connaissez-vous point, à Dijon, une famille nommée Tardy?
Oui, Monsieur, je connais une fàmille nommée Tardy; mais je 'ne là connais que de réputation.
Vous n'avez aucune relation avec lés individus de cette famille?
D'aucune espèce.
N'avez-vous aucune connaissance à Coblentz?
Aucune, Monsieur.
N'y àvez-vous aucune correspondance?
Aucune, Monsieur. D'ailleurs l'officier qui m'a arrêté a la clef de ma chambre, il est possible d'y voir s'il y a quelque chose de suspect. L'officier l'avait laissée, et il est retourné pour la prendre, et même cette malheureuse circonstance a failli me faire perdre la vie' dans la rue de Grenelle.
N'avez-vous pas, depuis peu, envoyé quelques assignats à Dijon ?
Non, Monsieur, mais on m'en a envoyé.
Vous n'en avez point envoyé de Paris?
Non, monsieur, et la lettre dans laquelle on me les a envoyés est encore dans ma chambre.
N'en avez-vous point envoyé à Auxonne?
Non, Monsieur.
Connaissez-vous M. Varnier, de Toulouse ?
Non, Monsieur.
N'avez-vous envoyé à M. Noireau, de Pontailler, ni assignats ni argent?
Non, Monsieur» ni assignats ni argent, je n'ai même pas écrit à M. Noireau depuis que je suis à Paris.
Huissiers, veuillez mettre Monsieur en bonne et sûre garde, comme il l'était auparavant, jusqu'à ce que l'Assemblée ait pris une détermination.
se retire.
jeune remet sur le bureau, après l'avoir signée, une lettre datée d'Auxonne, du 4 novembre 1791, dont il n'a point été fait lecture.
Vn membre : Il faut lui faire parapher la lettre.
Je ne le fais retirer pour un moment, que pour consulter. l'Assemblée si je dois communiquer à M. Varnier le contenu de la lettre. Il reparaîtra aussitôt que l'Assémblée aura décidé. J ai cru devoir le faire écarter un instant, parce qu'il peut y avoir encore des de-
mandes intéressantes à lui faire, qui ne se sont pas présentées à moi. En conséquence, vous pouvez prendre telle marche qu'il vous plaira, et fixer la mienne, lorsque j'ordonnerai, en votre nom, qu'il reparaisse à la barre.
Un membre : Plusieurs membres de cette Assemblée viennent d'être instruits quelle jeune homme qui a paru à la barre avait déjà couru des risques pour sa vie.
J'engagerai l'Assemblée à donner des ordïes par mon organe pour la sûreté du même individu qui a déjà couru des risques.
Un membre .' Messieurs, le caractère dont je suis revêtu exige que te vous fasse part de quelques faits relatifs à M. Varnier. J'ai connu M. Varnier, à Dijon, en faisant mon droit, et je ne l'avais pas vu depuis le mois de mai 1789. Hier je rencontrai M . Yarnier, près le Palais-Royal ; j'allais chez M. Magnen, administrateur des douanes. Je dis à M. Varnier que je me rendais chez M. Magnen, M. Varnier me dit : « Vous ne le trouverez pas chez lui; mais il est sûrement à l'administration des douanes. » Nous nous y sommes rendus ensemble. Nous n'y avons point trouvé les administrateurs, parce que c'était hier le jour de Saint-Martin, et que c est un jour de vacance pour ces Messieurs. Je lui ai dit : « Monsieur Varnier, comme vous connaissez ces Messieurs et que j'ai à leur parler, vous viendrez demain à 9 heures chez moi. »
est venu, ce matin, chez moi : de là je me suis rendu chez mon père qui demeure rue d'Argenteuil, n° 22 ; j'ai été ensuite chez MM. les administrateurs des douanes avec M. Varnier;'j'ai ensuite été au Palais-Royal où. j'ai déjeuné avec lui au café Italien. Lorsque je suis arrivé à l'Assemblée je le quittais, et j ai été très étonné d'entendre lecture d'une lettre qui impliquait M. Varnier. Je me suis longtemps demande à moi-même si je devais faire part à l'Assemblée de ces faits ; mais comme je crois qu'il n'y a aucune différence entre les vertus civiques et les vertus morales, j'ai cru que c'était une démarche que je devais faire. A présent, Messieurs, si vous croyez que ma connaissance avec M. Varnier peut me faire regarder comme son complice...
Plusieurs membres : Non ! non !
Un membre .- Je voudrais savoir quelles sont les recommandations par lesquelles il a obtenu sa place, parce qu'il est intéressant de connaître les personnes qui l'ont servi. (Oui ! oui !) Et qui est-ce qui lui a envoyé l'argent de Dijon.
Un membre : Je crois que les interrogats qui ont été faits à M. Varnier sont plus que suffisants pour mettre l'Assemblée en état de décider. Selon moi, M. Varnier ne devait être interrogé que sur trois points principaux, sur sa demeure, sa qualité et son âge. Voici ma raison : M. Varnier avait été dénoncé par. M. Basire. La lettre qui avait été mise sur le bureau, ne présentait que M. Varnier ; mais pour distinguer M. Varnier, M. Basire vous a dit que c'était un ancien commis qui demeurait à l'hôtel du Grand-Louis, et qu'il nabitait Paris depuis quelque temps. Vous avez donc* à examiner si celui qui a été arrêté était précisément ce M. Yarnier qui était ancien commis, demeurant à l'hôtel du Grand-Louis. Il se trouve, d'après les-interrogats qu i lui ont été faits, que c est vraiment celui que vous a dénoncé M. Basire. .
Il s'agissait ensuite de savoir du sieur Varnier lui-même, s'il était l'auteur de cette lettre. A cet égard, il ne vous a présenté aucune certitude : vous deviez bien sentir qu'il la nierait : mais j'ai entendu sortir de sa bouche, que celui qui avait écrit cette lettre, avait cherché à contrefaire la sienne ; d'où vous devez inférer, d'après le langage de M. Varnier, que cette écriture est très ressemblante à la sienne.
Mais, Messieurs, devez-vous approfondir cette matière? devez-vous examiner récriture de M. Varnier? je ne le crois pas. Vous n'êtes pas ici des experts en écriture ; vpus n'êtes point'ici pour juger le fond de l'affaire, mais seulement pour décider si, d'après la lettre, ,il y a lieu à accusation contre lui. Vous l'avez déjà, décrété, et vous n'avez suspendu votre décret que jusqu'à ce que M. Varnier eût paru à votre barre; il y a paru : tout selon moi est consommé, la loi portée doit avoir son effet.
J'observe à l'Assemblée que ie n'ai point fait lecture de la lettre. Doit-on, Messieurs, rappeler le prévenu?
Avant que l'Assemblée nationale lève la suspension du décret d'accusation qu'elle a rendu, je proposé que M. Varnier soit transféré, sous bonne et sûre escorte, dans les prisons de l'Abbaye! Si vous attendez, Messieurs, que le décret d'accusation èoit porté, peut-être ne serez-vous pas les maîtres de le sauver.
Un membre : J'appuie la motion. Ses complices mêmes pourraient le faire massacrer. Il est important pour l'humanité, il est important pour la justice et pour la sûreté publique, que cet homme soit transféré, sous bonne et sûre garde, à l'Abbaye, avant que le décret d'accusation soit porté.
On membre : Le peuple saura respecter la loi.
Il importe de s'assurer sur-le-champ des papiers de ce citoyen. Ces papiers sont en ce moment dans un hôtel garni. La clef est entre les mains d'un officier de garde à l'Assemblée. Je dis qu'il est important pour le salut de l'Empire, de s'assurer des papiers de cet homme : ie dis que les papiers peuvent être enlevés jpar les nombreux complices qu'il peut avoir à Paris : je dis. Messieurs, que, dans une auberge, il y a des doubles clefs; que celle qui est entre les mains de l'officier de garde ne peut pas être le garant que les papiers ne seront pas enlevés. En conséquence, je fais la motion que l'ordre soit envoyé au juge de paix de la section, d'apposer le scellé dans sa chambre, et sur tous les papiers du sieur Varnier. Voilà ma motion.
Un membre : Je propose que deux commissaires de l'Assemblee nationale accompagnent... (Murmures.) le sieur Varnier jusqu'aux prisons. (Murmures.)
Non! non! je m'y oppose ! (Bruit.)
Le même membre : On peut demander la question préalable sur ma motion, mais je la fais, et si elle est appuyée, je demande qu'on la mette aux voix. Je ne prépose d'ailleurs aucune innovation : l'Assemblée constituante a adopté cette mesure dans une circonstance à peu près pareille.
Je m'oppose à la proposition du préopinant. J1 ne convient à aucun membre de l'Assemblée d'accompagner un homme de cette espèce. (Murmures.)
Rappelez à l'ordre l'opinant, Monsieur le président, l'accusé n'est pas condamné; il est encore citoyen. (La faiblesse de la voix de M. Durnolard excite les rires de VAssemblée.)
J'ai demandé à l'Assemblée si elle voulait que M. Varnier reparût, ou non, à la barre.(iVon/ non!) Il paraît que l'avis général est non. On demande que la suspension du décret d'accusation soit levée ; je mets aux voix cette proposition.
(L'Assemblée lève la suspension du décret d'accusation. (Bruit dans l Assemblée. — Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je demande à l'Assemblée de ne point épuiser tour à tour ses , présidents.
Un membre : Je demande que l'Assemblée décrète que l'on consignera la porte de M. Varnier.
Je demande que les gardes
nationales soient..... (Le bruit couvre sa voix.)
Us jugeront si les effets sont intacts.
On vous propose de mettre une consigne à la porte de M. varnier.
Plusieurs membres : La question préalable!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
Un membre : Je pense que le pouvoir exécutif doit être chargé de faire faire l'inventaire des effets. (Non!non!)
Voici ma rédaction :
« L'Assemblée nationale ordonne que le pouvoir exécutif sera tenu de prendre sur-le-champ toutes les mesures nécessaires pour s'assurer des papiers et autres effets du sieur Varnier, à l'effet de quoi le présent décret sera porté, séance tenante, au roi. »
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Saladin, sauf rédaction.)
Je reçois un billet de l'officier de garde, ainsi conçu :
« L'officier de la gendarmerie nationale a l'honneur de demander à M. le président de faire prononcer sur la remise des clefs de l'appartement du sieur Varnier, .dont il s'est chargé, et qu'il demande à remettre entre les mains de ceux qui doivent en connaître. »
Plusieurs membres : Au pouvoir exécutif.
Je propose que l'archiviste soit chargé de faire, dans le jour, la liste du \aut juré; d'après les procès-verbaux qui lui ont été remis, afin que demain la publication de cette liste puisse se faire, ce qui est absolument essentiel, a cause des délais des récusations qui entraîneraient un temps considérable. Je propose donc que cela soit décrété tout de suite. J'ajoute que l'Assemblée charge son comité de législation de lui présenter demain un projet de proclamation qui sera publié après demain pour la convocation de la haute cour nationale, et que la séance de lundi ou mardi prochain soit nxée pour que le tirage au sort des quatre membres au tribunal de cassation, qui doivent faire les fonctions de grands juges, soit effectué. J'observe qu'il faut indiquer cela par un décret, parce que le pouvoir executif doit envoyer deux commissaires pour être présents à ce tirage au sort dans l'Assemblée. Je demande ensuite que l'Assemblée nomme, le même jour, les deux membres qui devront remplir les fonctions de procurateurs généraux.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Gensonné, sauf rédaction.)
(Suit le texte du décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal.) L'Assemblée nationale décrète : «1° Que son comité de législation civile et criminelle lui présentera à la séance de demain la liste des hauts jurés, qu'il a été chargé de dresser sur les procès verbaux d'élection remis aux archives conformément au décret du 10 mai 1791;
« 2° Que, dans la même séance, son comité de législation lui présentera également un pro-
i'et de proclamation pour la convocation de la Laute cour nationale;
« 3°Que, dans la séance de lundi prochain, ilsera procédé, en présence de deux commissaires du roi, à la nomination des quatre juges du tribunal de cassation qui doivent remplir les fonctions de grands juges ;
« 4° Qu'il sera également procédé dans la même séance à la nomination des deux membres de l'Assemblée, qui rempliront les fonctions de grands procurateurs de la nation;
« Et sera le présent décret porté au roi dans le jour. >>
Je prie l'Assemblée de vouloir bien déclarer son intention relativement aux clefs.
L'Assemblée ne doit pas rendre un décret sur un objèt minutieux. Il faut que l'officier, après avoir remis l'homme dans le lieu où il doit le transférer, se transporte chez le juge de paix, y remette les clefs, et retire acte de dépôt.
Les incertitudes de l'Assemblée paraissent dissipées : elle a mis sous la main de la justice un des chefs prévenus de la conjuration qui vous a été dénoncée ce matin. Vous n'atteindrez pas votre but, si vous n'étendez pas votre décret d'accusation contre le sieur Tardy et contre celui auquel la lettre était adressée. Il est indispensable que vous preniez contre eux la même précaution que celle que vous avez prise, parce qu'ils sont aussi prévenus que celui que vous avez mis en état d accusation.
Les papiers publics annonceront demain ce que vous avez fait aujourd'hui ; les complices du sieur Varnier s'évaderont, et alors vous aurez manqué le but que vous vous êtes proposé. (Murmures.)
Un membre : Cette motion a déjà été faite et n'a pas été appuyée.
J'observe que si l'Assemblée a rejeté cette proposition, c'est parce qu'alors elle n'était pas aéterminée a mettre le sieur Varnier en état d'accusation. Je demande donc que le décret d'accusation soit étendu, et à M. Tardy, et à celui à qui la lettre était adressée.
Indépendamment du salut public, auquel tout citoyen doit le sacrifice de sa liberté, il est incontestable qu'il y a ici les mêmes motifs pour accuser, et par conséquent pour décréter ces deux citoyens, l'un nommé dans la lettre, et l'autre à qui la lettre est adressée. Je dis qu il y a des motifs absolument semblables ; car si la lettre provient de l'individu qui l'a .signée, si elle est véritable dans les faits qui y sont contenus, il est manifeste qu'elle fait la même preuve, qu'elle contient la même charge contre celui qui l'a écrite, que contre celui à qui elle est adressée. D'après ces considérations, je dis que nous
avons le droit qu'un tribunal lui-même, le plus scrupuleux sur les formes, aurait ; je veux dire le droit de décréter les personnes énoncées dans la lettre réelle ou prétendue ; je dis que le salut public l'exige, parce que vous n'avez jusqu'à présent que des fils très minces de la conjuration qui est l'objet de cette lettre, et que vous ne pouvez tenir que de ceux avec lesquels le prévenu était en correspondance, de nouvelles pièces et de nouvelles preuves. Je fais donc la motion expresse que le décret d'accusation soit sur-le-champ rendu.
Il faut que le pouvoir exécutif soit chargé de donner des ordres pour s'assurer de leur personne.
Et qu'un courrier extraordinaire soit envoyé à l'instant.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à accusation, et adopte les deux propositions subséquentes de MM. Delacroix et Merlin.)
, secrétaire. Messieurs, il y a un nom inconnu que M. Basire seul peut donner.
jeune. Le citoyen de la ville d'Auxonne, qui m'a envoyé cette lettre, M. Vol-Ion, m'assure qu'elle était adressée à M. Noireau de Pontailler. Je n'ai d'autre preuve de cela que la lettre de mon correspondant. Je l'ai déposée sur le bureau pour valoir ce que de raison.
Un membre : Je demande que l'Assemblée décrète que les scellés seront pareillement mis sur les papiers des deux autres individus mis en état d'arrestation.
(L'Assemblée décrète cette motfon.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que les nommés Tardy de Diion, et Noireau de Pontarlier (1), département de la Côte-d'Or, sont en état d'accusation; qu'en conséquence, le pouvoir exécutif fera, partir à l'instant un courrier extraordinaire porteur d'ordres nécessaires pour s'assurer de leurs personnes, les tenir au secret, et s'assurer aussi de tous leurs papiers. »
Je renouvelle la proposition de déterminer les mesures nécessaires à la sûreté de l'individu.
Messieurs, que voulez-vous faire des pièces?
Un membre : Je demande que la lettre Signée Varnier et le papier sur lequel l'individu a écrit soient déposées aux archives ainsi que la lettre du sieur vollon.
(L'Assemblée adopte cette proposition sauf rédaction.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que la lettre signée Varnier, les quatre lignes d'écriture faites à la barre par le sieUr Varnier, accusé, et la lettre du sieur Vollon, d'Auxonne, seront déposées aux archives de l'Assemblée, sur un reçu de l'archiviste, et que ces deux dernières pièces seront signées par deux secrétaires. »
L'objet le plus intéressant qui tient à la tranquillité de la ville, est là conduite de l'individu. Il y a des rassemblements de plusieurs côtés. Cela demande votre attention, et j'exige des membres qu'ils soient en séance.
Je propose que l'Assemblée ne lève pas la séance que la sûreté de ce particulier ne soit hors de toute espèce d'atteinte.
(La motion de M. Delacroix est unanimement adoptée.)
La seule précaution qu'il y ait à prendre pour la sûreté de cet individu, tfest, je crois, de mander sur-le-champ le maire ou, en cas d'absence du maire, un officier municipal, pour le recommander à sa surveillance.
(La motion de M. Couthon passe à l'unanimité.)
Vous n'avez point encore prononcé le lieu où M. Varnier serait conduit : je propose de décréter que M. Varnier sera, lors-quxm aura entendu le maire, transféré à l'Abbaye, pour y demeurer en état d'accusation.
(La proposition est décrétée.)
Un membre : Je propose, en attendant M. le maire, de reprendre la lecture du rapport sur les prêtres non assermentés.
Plusieurs membres : L'ajournement à lundi !
(L'Assemblée décrète que le projet de décret du comité de législation sur les prêtres non assermentés, sera imprimé et distribué demain, pour être discuté définitivement lundi) (1).
Je demande que les lettres qui arriveront à l'adresse de M. Varnier, soient arrêtées et déposées aux archives, pour y être réunies au reste des pièces.
Un membre : Dans les circonstances les plus orageuses, l'Assemblée constituante s'est bien gardée de violer le secret des lettres, elle l'a toujours respecté.
Je rie propose pas de briser les cachets, mais seulement d'interrompre la correspondance.
Le secret des lettres est assuré par la Constitution, mais la Constitution n'a jamais eu pour but d'empêcher de prendre des précautions. Je demande que les lettres soient remises aux juges qui, sans les ouvrir, les remettront à l'accusé lors de son interrogatoire. Il aura alors la faculté de les ouvrir, mais en présence des juges.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix.)
Messieurs, la section de Sainte-Geneviève a l'honneur deprévenir l'Assemblée qu'unê députation viendra demain la féliciter sur le décret qu'elle a rendu relativement aux émigrants.
La section des Lombards demande à être entendue pour le même objet.
(L'Assemblée décrète que les deux députations seront admises demain.)
(L'Assemblée décrète ensuite qu'une députation de la ville de La Rochelle, le sieur Lafarge et autres pétitionnaires seront entendus demain; qn'on entendra immédiatement après le rapport au comité des pétitions, et ensuite le rapport relatif aux contributions publiques.)
Un membre : Je demande que le comité des secours publics s'occupe incessamment des moyens d'accélérer l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale constituante, sur le soulagement des pauvres, et qu'il soit chargé de faire un rapport sur cet objet.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
(i) .Voir, ciraprès ce document aux annexes de là séance, page 42.
Voici une lettre qui m'a été adressée ce matin par un nommé M. Brillac. A cette lettre étaient jointes deux pièces relatives au rassemblement de Coblentz.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
« Coblentz, le
« Déjà près de 60,000 Français expatriés sont inscrits chez les princes; on sustente ceux d'entre eux qui arrivent sans moyens. Selon les renseignements que nous avons ici, on attend sous peu de temps encore, 40,000 de nos compatriotes; il y a peu de jours qu'il est sorti de la chancellerie une capitulation dont plusieurs exemplaires ont été délivrés aux intéressés ; elle était signée par Monsieur et M. le comte d'Artois, au nom du roi, leur frère, pour la levée d'un corps de chasseurs royaux des princes, d'environ 1,200 hommes, et divisé en 16 compagnies. Colonel-propriétaire, M. Saint-Clair, officier anglais qui a servi chez les Brabançons; colonel-commandant, M. le chevalier de Mesnard là Valette, capitaine français.
« Ces corps doivent être complets au 1er janvier prochain, pour passer la revue au plus tard au 15 janvier prochain. M. de Mesnard est à Liège, député des princes français, pour demander la permission ae recruter dans la principauté, au prince-évêque, qui ne la refusera pas, vu ses principes connus sur la Révolution de France, et sa façon d'agir au sujet de la révolution de son pays. De là, M., de Mesnard ira à Bruxelles, remplir quelques commissions, sans doute du même genre, auprès des gouverneurs généraux, qui ne seront peut-être pas si zélés que 1 évêque de Liège. On a déjà passé plusieurs marchés pour la livraison des armes, des tentes et autres choses nécessaires au nouveau corps. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un membre : Je demande que l'on assigne un jour pour la discussion du rapport relatif au mémoire de M. Clavière.
Un membre : Il n'y a plus dans la salle un assez grand nombre de membres pour rendre des décrets. Toute discussion doit cesser.
(L'affaire Varnier est reprise.)
M. le maire n'était pas chez lui, mais un officier municipal vient pour le remplacer.
L'officier municipal est introduit.
L'Assemblée nationale vous a appelé, Monsieur, pour veiller à la sûreté d'un individu contre lequel elle vient de porter un décret d'accusation. Son intention est qu'il soit à l'instant transféré à l'Abbaye, sous la plus sûre garde. Elle vous a fait venir, parce que vous devez connaître spécialement ce qui peut concerner la tranquillité publique de la capitale.
L'officier municipal Monsieur le président, j'ai connaissance du fait, et je vais exécuter les ordres de l'Assemblée. (Applaudissements.)-
L'Assemblée vous chargé, aussitôt que le citoyen accusé sera à l'Abbaye, de lui en envoyer rendre compte.
L'officier municipal se retire.
(L'Assemblée suspend la séance jusqu'à ce que l'on ait appris que M. Varnier ait été transféré à l'Abbaye.) 'f ^
(La séance est reprise à huit heures.)
On vient de m'annoncer que le sieur Varnier vient d'être conduit paisiblement à l'Abbaye, et qu'il est maintenant en sûreté. Ainsi, il me semble que la séance qui a été suspendue à ce sujet, peut être levée. (Oui ! oui !)
La séance est levée.
(La séance est levée à huit heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
rapport du comité de législation sur les prêtres
non sermentés (1) par M. Veirieu, député
à VAssemblée nationale (2).. si
Messieurs, les objets que votre comité de législation vient soumettre à votre sagesse présentent des rapports d'un ordre supérieur, et dignes, par leur naute importance, de la plus grave méditation.
Presque au même instant, et de plusieurs points de l'Empire, des pétitions nombreuses vous ont avertis des manœuvres turbulentes et des efforts séditieux de quelques prêtres, ennemis acharnés de leur patrie. Votre comité aé législation a jeté les yeux sur les tableaux affligeants de violences et de désordres que vous lui aviez prescrit de parcourir. Nous ne pouvons vous le dissimuler, Messieurs, il n'est point de moyens que ces prêtres perturbateurs n'emploient pour renverser, s'il est possible, la Constitution que nous avons juré de défendre, pour l'anéantir dans les horreurs d'une guerre civile. Insinuations perfides, mesures sinistres, propos séditieux, écrits incendiaires, calomnies contre la loi qui nous a arrachés à la servitude; désordres domestiques, insultes envers les autorités constituées- refus des sacrements par les curés non remplacés, envers ceux qui ont acquis des biens nationaux; coalition de ces prêtres avec les ci-devants nobles; rébellions ouvertes à d'installation des curés amis de la pureté de l'évangile ; outrages sanglants faits à ceux-ci, aux pieds même des autels; rassemblements formés devant les églises pour troubler le service divin ; hordes de femmes égarées et séditieuses ; curés chassés, poursuivis, assassinés ; enfin, citoyens aigris, armés par une haine fanatique et prêts à s'entr-égorger. Voilà, Messieurs, lidée rapide et générale des maux qui désolent une partie de l'Empire français.
Quelle fureur sacrilège anime ces ministres d'un Dieu de douceur et de paix? Est-ce par intérêt pour le ciel qu'ils arment d'un poignard fratricide le citoyen contre le citoyen? Est-ce uné querelle religieuse dont il faut prévenir les suites funestes ou une troupe de prêtres factieux dont la tranquillité sociale demande la répression et le châtiment? Quels sont les moyens de faire cesser les troubles qu'ils suscitent? Par quel frein réprimerez-vous ces hommes dangereux et turbulents?
Votre comité, Messieurs, a pensé que l'examen de ces questions éclaircirait votre marche, et qu'il dirigerait sûrement votre opinion vers le
but où elle doit tendre dans des conjectures pénibles sans doute, mais incapables de détourner votre courage et d'affaiblir votre résolution.
Non, ce irest pas d'une fausse et sanguinaire piété que les troubles qui vous occupent tirent leur première origine; nous le déclarons solennellement. Nous n'enveloppons point dans notre pensée tous ceux qu'un même égarement entraîne. Plusieurs ignorent le crime affreux dans lequel on veut les faire tremper; mais nous devons vous le dire: une politique ténébreuse couvre du voile de la religion un complot exécrable. Tous les conjurés ne sont pas au delà du Rhin. Il est aussi dans le royaume des ennemis violents de notre liberté, non moins ulcérés,, non moins implacables ; leur perfidie travaille dans l'ombre à aigrir les esprits, à empoisonner les cœurs, à égarer les meilleurs citoyéns, à exciter les dissensions intestines et cruelles.
Les premiers de ces conjurés,, sans moyens de; réunion dans l'Empire, placés sous l'œil vigilant de nos municipalités, dispersés par l'activité de nos gardes nationales, sont allés sur une terre étrangère ourdir une trame de leurs complots. Les autres, toujours en rapport avec le peuple des campagnes qu'ils gouvernent, toujours couverts de l'inviolable manteau de leur ministère, n'ont pas eu besoin de chercher sous un autre ciel un asile propice à leurs projets criminels; c'est au milieu de l'État, c'est dans son sein même qu'ils ont pu conjurer et qu'ils conjurent sa perte.
Eh! Messieurs, est-ce l'esprit de la religion qui peut les entraîner dans cet égarement déplorable? Mère de la paix et de la vertu, la religion commande-t-elle la sédition et les forfaits ?
De bonne foi, quel tort fait à la religion la réforme extérieure du clergé? Que l'on nous dise si nos lois se sont souillées par aucune altération de dogmes, et si elles ont détruit la forme du culte et l'antique lithurgie. Non, Messieurs, nos lois sont sages, elles ont rappelé le sacerdoce à sa pureté, à sa dignité originelle. Mais ce n'est pas ce que voulaient ces hommes corrompus par l'opulence et pervertis par la domination. De tous les temps, le sacerdoce voulut planer sur l'Empire ; de tous les temps, Rome mit l'univers à contribution ; de tous les temps sa puissance théocratique enchaîna et fit trembler les peuples et les rois.
La grandeur temporelle n'est plus, les scandaleuses richesses ae ses ministres sont dispersées. Voilà la source de cette étrange coalition, le nœud de cette double ligue féodale et sacerdotale, la cause de ces orages désastreux qui grondent dans quelques-uns de nos départements.
Vous le concevez donc comme nous, Messieurs, ces mouvements n'ont pas pour objet réel la «. liberté des cultes. » La liberté des cultes est déjà établie, elle existe par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle est garantie par la Constitution ; ces insurrections prétendues religieuses ne sont donc qu'un système impie de révolte et de sédition.
Mais ce que l'on n'a peut-être pas remarqué encore, c'est la correspondance qui règne entre cette branche de conjuration et celle que vous' avez frappée ces jours derniers, avec cette vigueur de caractère qui annonce si bien la sécurité, l'énergie et les forces d'une grande nation.
Combinez, Messieurs, les époques; rappelez les circonstances, le rapprochement vous révélera les sinistres et profonds secrets de nos ennemis.
Au moment où Avignon est devenu, de nouveau, le théâtre de la fureur et du carnage, c'est lorsque vous apprenez que toutes les parties de l'Empire s'échappent et font frémir sur les bords du Rhin tous ces illustres mécontents qui veulént tout embraser et réduire en cendres, c'est alors qu'une foule de prêtres forcenés soufflent dans 1 intérieur le feu de la guerre civile et préparent des poignards : ces mouvements corrélatifs sont les résultats d'un effort caché et commun; ces soulèvements sont les essais. de leurs forces combinées ; ces tentatives criminelles sont l'expérience de ce qu'ils pourront enfin oser: C'est à votre prudence à mesurer d'un oeil tranquille tous les périls de l'Etat, pour les prévenir et pour les faire échouer ; c'est au courage fier et généreux d'un grand peuple à les attendre sans alarme : pour moi; je tire de tous .ces faits la conséquence qui importe à votre délibération.
Ces prêtres factieux ne s'éloignent donc pas de nos temples pour des raisons de culte et de religion. Ces hommes impitoyables, ne fomentent donc ces troubles que pour aider à renverser la Constitution qui blesse leur orgueil et qui détruit leurs richesses; ils veulent donc déchirer le sein de la patrie pour reprendre, dans les flots de son sang, et leurs domaines et leurs trésors.
Suivons-les, Messieurs, un instant, dans leurs routes profondes et sinueuses. Remarquez avec quel art ils marchent vers leur but odieux, >et traînent avec eux les malheureux citoyens qu'ils égarent; ils ne vont pas, sous le chaume, dire* au pauvre agriculteur que la suppression de la dîme est un attentat sacrilège, une impiété dam-nable ; ce langage démasquerait leur fourbe et leur hypocrisie. Pour colorer et propager leur révolte, ils osent la lier à un système prétendu religieux. Ils répandent que l'organisation civile du clergé est une : entreprise séculière sur la discipline ecclésiastique ; qu'elle rompt le lien commun des fidèles, et (ce qui dans leur sens est toujours identique) qu'elle blesse les droits de l'Eglise ou « l'intérêt du ciel ». De là, refus du serment prescrit par la loi du 26 novembre dernier; de là, ces anathèmes contre cette réforme salutaire et si longtemps désirée; de là, ces bulles répandues et les prédicatiqns pour tromper la religion du peuple ; de là, les menaces des foudres du Vatican, jadis bravées parle despotisme et que la liberté éclairée redoutera encore moins; de là, ces terreurs insensées de tant d'hommes pusillanimes, lorsque* pour leurs intérêts personnels, les ministres du culte osent les menacer de l'indignation divine ; de là, cette résistance opiniâtre au remplacement de quelques pasteurs, l'aveugle dévouement de tant de paroisses, capables de se manifester par des actes ouverts de rébellion ; ces divisions locales et intestines d'autant plus cruelles, pour le vain, le fatal prétexte delà religion; de la enfin, Messieurs, les maux qui contristent l'humanité et le civisme, et qu'il faut réprimer par tous les moyens qui sont en notre disposition.
Mais quels sont ces moyens? où sont les remèdes convenables? Après ce que je viens de vous dire, Messieurs, la recherche en sera moins difficile; votre comité vient de vous dévoiler la grande conjuration politique que cache la prétention de ces prêtres factieux. Il vous en a développé les nœuds, et si cette ligue odieuse ne vous offrait qu'une masse de coupables, votre comité vous dirait : « Défenseurs zélés du bonheur de la nation, ne vous armez point contre
des conjurés du glaive trop lent de la loi : à de rapides maux, il faut de prompts remèdes. Arrachez sans délai toutes ces plantes venimeuses, et qu'une mesure grande, qu'une déportation éternelle et lointaine rende enfin à la société troublée son bonheur et sa tranquillité. » _ Mais cette résolution qui vous a été proposée est-elle juste? et si elle n est pas juste, serait-elle digne de législateurs?
Non, Messieurs, cette mesure n'est point juste ; disons plus, elle serait « inique », et le salut du peuple, cette grande et suprême loi, ne vous la dicte point.
Elle serait « inique », parce qu'elle frapperait peut-être autant d'innocents que de coupables. Eu effet, parmi les prêtres qui fuient nos temples, les uns sont, a la vérité, les agents aussi actifs que perfides de la conjuration qui se trame; mais les autres, faibles ou ignorants, égarés par des abstractions ou des sophismes théologiques, ou courbés sous le joug d'antiques préjugés, suivent en paix l'erreur d'une fausse conscience, ils la suivent sans troubler l'ordre civil.
Pourrions-nous, de sang-froid, adopter à leur égard une résolution si tyrannique et si atroce? Quoi, Messieursj nous arracherions à leur asile des nommes qui, jusqu'au moment de leur paisible erreur, ont signalé et honoré leur vie par des actes constants de bienfaisance et de vertu ! Non, Messieurs, cette barbare politique ne peut pas être la vôtre. Elle ne peut convenir qu'à de farouches tyrans.
Eh! que penseraient de nous, que penseraient de nos lois, ceux qui verraient enlever de leur sein ces ministres du culte qui furent toujours leurs appuis dans l'indigence, leurs consolateurs dans leurs peines, leurs amis, leurs pères, leurs conseils? Nous osons le dire, Messieurs, cette mesure imprudente autant qu'injuste, aigrirait tous les cœurs, elle révolterait, elle grossirait la foule des conspirateurs, elle augmenterait leurs forces et mettraient dans le plus grand péril, et la patrie, et la Constitution.
Votre comité de législation croit, Messieurs, que vous devez employer des moyens de répression véritablement imposants et-de la plus grande force possible; mais il croit aussi qu'il est de l'intérêt de l'Etat comme de celui de 1 équité, de rejeter ces mesures trop arbitraires et trop violentes, qu'inspire sans doute un civisme bien intentionné, mais que la conscience du législateur repousse quand il songe qu'il est l'arbitre de la destinée publique, et quand il élance sa pensée pour prévoir les biens infinis ou les maux déplorables qui doivent être les résultats de ses déterminations.
Voici, Messieurs, le projet de décret qu'il vous propose. Souffrez cependant que ie vous le dise : l'extrême brièveté du temps que la discussion du comité a laissé au rapport, à la rapidité de mon zèle et à mes veilles, m'a privé de la possibilité de vous développer ses principes ; mais vous les avez entendus si souvent dans cette tribune ; ils ont été si profondément discutés par les orateurs qui m'ont précédé, que mon silence, forcé sur cette partie, ne doit pas vous inspirer le plus petit regret.
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, instruite que, dans plusieurs départements du royaume, les ennemis au bien public, sous prétexte de religion, exci-
tent des troubles, et fomentent des séditions, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. A compter du Ie* janvier prochain, tout Français résidant dans le royaume, qui iouit de traitement ou pension sur le Trésor public, ne pourra en être payé, sous aucun prétexte,, s'il ne justifie, par un certificat de la municipalité de son domicile, et visé par le directoire du district, qu'il a prêté le serment civique, porté en l'article o du titre II de la Constitution du royaume. Les trésoriers-receveurs ou payeurs seront personnellement garants et responsables des payements faits contre la teneur du présent décret.
« Art. 2. Afin de concilier avec la liberté des opinions religieuses, les précautions nécessaires pour empêcher que leur manifestation ne serve ae prétexte à des troubles contre l'ordre public, aucun ministre d'un culte ne pourra s'immiscer dans l'exercice public ou prédication de ce culte, s'il n'a prêté le serment civique, porté en l'article 3 du titre II de la Constitution du royaume.
« Art. 3. Les officiers municipaux veilleront à ce qu'il ne se passe, dans les assemblées qui auront lieu pour la célébration d'un culte, rien de contraire au bon ordre ou à la loi. En cas de trouble, les coupables seront, par eux, punis ou dénoncés aux tribunaux, suivant l'exigence des cas.
« Art. 4. Il est expressément défendu aux citoyens ainsi rassemblés, de s'occuper de toute autre chose que de l'exercice de leur culte; et dans le cas où ils prendraient des délibérations sur des objets civils et politiques, tous ceux qui y auraient concouru seront condamnés, par forme de police, à une amende du double de leur contribution foncière et mobilière, laquelle amende sera doublée, en cas de récidive.
« Art. 5. Toute personne qui, sous prétexte de religion, distribuera ou publiera des écrits qui provoqueront à la révolte contre les lois, sera punie d'un an de détention.
« Art. 6. Si, par suite desdites provocations, il est survenu des séditions, meurtres et pillages, les condamnés seront, en outre, punis des peines prononcées par le Code pénal, ou par celui de la police correctionnelle.
« Art. 7. Le ministre de la police se fera rendre compte tous les mois, par les accusateurs publics auprès des tribunaux, des dénonciations qui leur auront été faites, des poursuites auxquelles ces dénonciations auront donné lieu, et des jugements intervenus ; il en rendra compte à l'Assemblée nationale tous les 3 mois, et plus tôt si le cas y échet.
« Art. 8. Il sera incessamment fait une loi pour régler la manière de constater les actes de naissance, mariage et sépulture.
« Art. 9. Le ministre de la guerre rendra compte, dans le délai de 15 jours, des démarches qu'il a faites pour hâter l'organisation de la gendarmerie nationale dans tous les départements ; et il proposera au Corps législatif, s'il y a lieu, d'après l'avis des corps administratifs, une augmentation dans le nombre des brigades, partout où il en sera besoin. »
a la séance de l'assemblée nationale législative du samedi 12 novembre 1791.
encobe un mot sur l'égalité de droits en matièbe de culte, considérée comme moyen unique de prévenir les troubles religieux, par M. Ramond (1).
J'ai attentivement écouté et lu ce qui a été dit et écrit, depuis moi, sur les troubles religieux, et j'ai cru devoir mettre de nouveau mon opinion sous les yeux de mes collègues (2). Maintenant, qu'il me soit permis d'examiner la question.
Les mesures à prendre sont de trois sortes :
1° Il faut examiner si les lois destinées à réprimer les perturbations du repos public, sont suffisantes, et atteignent celles ae ces perturbations qui ont la religion pour cause ou pour prétexte ;
2° Il faut trouver dans les combinaisons d'une sage administration les moyens de prévenir le retour des troubles religieux ;
3° Il faut enfin rendre l'état des citoyens indépendant de leur croyance, en donnant une forme purement civile aux actes qui déposent de leur naissance, de leur mariage et de leur décès.
Quant à la dernière considération, la volonté de l'Assemblée n'est point douteuse ; son comité de législation ne peut manquer d'y répondre d'une manière satisfaisante ; et la disposition des esprits à cet égard démontre assez que nous ne chercherons que dans des mesures de tolérance, plus on moins étendues, la solution du problème que présente la seconde considération.
Pour ce qui est des mesures répressives, quelque peu disposé que je sois à tremper les mains dans le Code pénal, jusqu'à ce que les lumières de la philosophie aient complètement éclairé la théorie des délits et des peines, ie voterai de tout mon cœur pour que les perturbations du repos public soient d'autant plus sévèrement châtiées, qu'elle ont une cause plus contagieuse ; et comme il n'y a rien de si dangereux pour la prospérité d'un Etat, que des controverses armées, je ne refuserai pas même mon assentiment à la déportation des prêtres qui seront légalement convaincus de les avoir excitées, si toutefois on m'indique quelque coin du monde auquel on puisse, sans violer le droit des gens, faire le funeste présent d'un prêtre séditieux.
Je passe aux moyens de prévenir la continuation ou le retour des troubles religieux. Tous les gouvernements du monde ont trouvé ces moyens dans l'un de ces deux extrêmes : ou bien environner exclusivement un seul culte de toute la force et de toutes les faveurs publiques, ou bien les confier indistinctement tous à 1 impartiale protection des lois. •
Depuis cette époque assez récente, où le despotisme s'avisa, pour la première fois, de vouloir régner sur les consciences, tous les despotes ont pris le premier parti. Le second est le seul qui convienne aux peuples chez qui l'égalité des droits est le principe de l'organisation sociale.
Entre l'un et l'autre, il est cependant un parti
mitoyen, dont les peuples demi libres se contentent. On le propose à l'Assemblée nationale sous le nom de tolerance. Il consiste à souffrir que d'autres cultes s'élèvent à côté du culte dominant, aux frais de leurs sectateurs. Ce parti est le déguisement du premier. Il en a l'injustice, et n'en a point la franchise.
Il voue ouvertement l'égalité. Alléguer cette vérité, c'est la prouver.
Il ne satisfera point des dissidents qui mesureront leurs droits religieux à l'inaltérable mesure de leurs droits civils et politiques.
C'est une taxe imposée sur tous les cultes, un seul excepté : c'est une amende à laquelle sont condamnes ceux qui ne professent point le culte privilégié...
Et cette tolérance qu'on nous propose comme l'infaillible moyen de nous concilier une partie déjà soulevée de nos concitoyens, on espère qu elle ne sera point appréciée à sa juste valeur, lorsque ceux mêmes qui nous l'ont préconisée l'Ont mise à sa place, en nous avouant que la peine avec laquelle l'homme des campagnes payerait le pasteur de son choix était le meilleur moyen qu'ils connussent pour le ramener au pasteur que lui donne la constitution civile du clergé !
Grand Dieu ! n'y a'-t-il donc que cette funeste alternative, ou de forcer les discidents à reconnaître cette constitution civile, ou de les y induire? Et si je conviens avec vous que des deux moyens le second est le plus prudent, m'obli-gerez-vous à dire lequel est le plus honnête?
Certes, on se trompe fort si, au milieu d'un peuple libre, ôn croit trouver la sûreté ailleurs que dans la justice ; et si l'on cherche parmi nous le repos dans d'autres combinaisons, que l'application universelle de l'égalité des droits. Un gouvernement despotique supporte les plus lâches accommodements avec les principes ; notre Constitution ne peut en tolérérer aucun : la moindre violation de la justice l'ébranlé, semblable à ces coupes si précieuses aux anciens, qui ne souffriraient que des boissons salutaires, et que brisait une goutte de poison.
J'ai démontré dans ma précédente opinion, que l'égalité de droits en matière de culte était facile à établir.
J'ai prouvé qu'elle était économique.
Personne ne me contestera qu'elle n'enlève aux ennemis de la Révolution le plus puissant levier avec lequel ils puissent soulever le peuple, car le prétexte de la religion offensée s'évanouit, car la cause d'un clergé cesse de se confondre avec celle de la Constitution, car l'homme égaré et crédule n'accusera plus cette Constitution de lui avoir enlevé son prêtre, et n'appellera point la contre-révolution pour le lui rendre.
Nul autre moyen n'atteint le même but.
La tolérance ne satisfera personne.
Toute mesure qui ferait céder le clergé assermenté est indécente, injuste, lâche, et ne servirait qu'à redoubler l'espoir des contre-révolu-tionnaires.
Que peut-on m'obiecter? On m'oppose la Constitution; et moi, je l'oppose à mon tour. Elle veut que le traitement des ministres du culte catholique pensionnés, choisis, ou conservés en conséquence des décrets de l'Assemblée constituante soit au nombre des dettes de l'Etat ; et cette loi de justice, de reconnaissance, d'humanité, est la base inébranlable de mes dispositions. Mais ce qu'elle veut encore, mais ce qu'elle déclare, mais ce qu'elle garantit, c'est le droit de tous les citoyens, d'elire ou choisir les ministres de leurs
cultes. Or, ce droit est violé dans toute autre hypothèse, puisqu'il est taxé pour les uns, et qu il ne l'est pas pour les autres.
« Mais, dit-on, la nation, en disposant des biens affectés aux ministres du culte a dû se charger de leur entretien. Tant pis pour ceux qui s'en séparent : ils n'ont rien à prétendre dans le salaire. » Et moi, je fais cette question : Ces biens appartenaient-ils au culte catholique, ou à ses ministres ou à la nation ?
S'ils appartenaient au culte, le culte le plus semblable au culte exproprié a un droit exclusif à être entretenu.
S'ils appartenaient aux ministres, les non sermentés doivent les partager avec les assermentés.
tels ministres qui ont droit au salaire : la nation n'est composée que de Français ; c'est aux cultes de tous les Français que les salaires doivent s'appliquer.
Eh bien, disent quelques philosophes, au lieu de payer tous les cultes, n'en payez aucun. C'est atteindre le même but, en épargnant à cette partie des contributions le voyage du Trésor public.
Et les 135 millions que coûtent actuellement les prêtres assermentés et ceux qui ne le sont pas? Et ces traitements devenus dette publique, en accroîtrez-vous les charges de la nation sans qu'il en résulte aucune prestation à sa décharge?
Je le répète : mon plan seul respecte la justice et l'égalité ; seul il réunit les considérations de l'économie à celles de la paix publique ; seul, il ouvre une route entre la rigoureuse exécution de la constitution civile du clergé et le lâche abandon des fonctionnaires publics, établis sous ses auspices.
0 mes collègues, songez au parti que vous allez prendre !t Jetez les yeux sur les complots de l'extérieur et les mécontentements de l'intérieur, sur la détresse de la première de nos colonies, et sur une guerre religieuse près d'éclater!... Vous n'avez d'alliés, de forces, de trésors que dans le génie de la liberté; il triomphe si vous lui laissez un plein essor... si vous l'outragez, si son front s'humilie devant une grande iniquité... le charme est détruit et la patrie est en danger.
12 novembre 1791.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
UN PETIT MOT sur le mot de M. Ramond, député à VAssemblée nationale (1), par M. Chouteau, aussi député (2).
Le ton d'assurance avec lequel quelques-uns étalent leurs sophismes, me ferait presque croire
qu'ils y croient eux-mêmes. La tolérance, dit 1 un, telle qu'on la propose à l'Assemblée, viole ouvertement l'égalité. Mais qu'est-ce que l'égalité civile ? Le droit qu'a chaque individu ae faire également tout ce que la loi ne défend pas ; le droit de faire comme tous les autres, en se conformant aux lois. La loi a dit : tout prêtre fonctionnaire public de la religion catholique sera salarié, aux conditions du serment civique... Tout prêtre fonctionnaire public de la religion catholique a donc droit à un salaire en faisant Je serment ; voilà l'égalité des droits ; et celui qui refuse le serment, renonce sponte sua au droit qu'il avait au salaire. Celui qui soutient le contraire raisonne aussi puissamment que s'il disait que tous les citoyens ont également droit à la protection de la force publique, même en refusant de payer leur quote-part des impôts qu'elle nécessite.
La nation a-t-elle le droit de faire des lois? un individu a-t-il le droit de s'y soustraire autrement qu'en s'expatriant ? S'il y en avait, il serait un privilégié ; il aurait plus de droit que les autres.
Les dissidents, quels qu'ils soient, ne peuvent jamais réclamer plus que la loi ne leur accorde ; en leur laissant la liberté dû choix de leur culte* elle les met tous égaux en droits.
Permettre tous les cultes, à la charge, par ceux qui en adopteront un autre que le catholique, d'en payer les ministres, c'est leur imposer une taxe!... Pourquoi ne me dit-on pas aussi qu'on taxe un soldat en lui permettant de ne point manger son pain de munition et d'en manger du plus beau en le payant ? Le pain de munition pour tous le Français est. un prêtre catholique sermenté. Vous n'en voulez point ? Il vous en faut un autre ? Eh bien ! prenez-le et le payez.
On fait trois questions : Les biens dits ecclésiastiques appartenaient-ils au culte ? aux ministres catholiques ? à la nation ? 11 fallait y joindre cette quatrième : La nation a-t-elle le droit de disposer de ses biens de telle ou telle façon, à telle ou telle condition ? la réponse à cette dernière écartera les conséquences que l'infidélité tire des premières.
Avec quelle affectation réclame-t-on sans cesse la liberté du culte en faveur des prêtres réfrac-taires ! Ont-ils, prétendaient-ils avoir un culte différent de celui des prêtres conformistes ? avec quelle mauvaise foi veut-on autoriser la conduite des réfractaires sous le faux prétexte de la liberté des opinions religieuses ! On réclame pour eux notre sage Constitution? Eh ! pourquoi fait-on semblant d'oublier que cette même Constitution ne laisse cette liberté d'opinion religieuse qu'à condition que sa manifestation ne troublera point l'ordre public.?,Et quand elle ne l'eût pas dit, quand on ne l'y trouverait pas littéralement exprimé, cette condition en serait-elle moins expresse, moins prononcée par la raison, moins nécessitée par le vœu public à qui tout cède ? Quelqu'un aurait-il le front de soutenir que la manifestation des opinions des réfractaires, des non-conformistes, ne trouble point l'ordre public, quand ils soutiennent et persuadent que la Constitution renverse la religion et qu'ainsi il faut renverser la i Constitution ? Je pense qu'on me dispensera de prouver ces faits, puisqu'on n'exige pas de preuve de celui qui dit qu il fait jour quand il est midi.
Séance du
présidence de m. viénot-vaublanc.
vice-président
La séance est ouverte à neuf heures du matin;
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 12 novembre. \
Un membre : Je remarque que la rédaction du procès-verbal porte que lorsque les ministres se présentèrent à l'Assemblée, ils se firent annoncer par un huissier au nom du roi. Les ministres n'avaient pas à se faire annoncer.
Plusieurs membres : Ils sont entrés sans être annoncés.
Les ministres m'ont fait prévenir qu'ils demandaient à être entendus au nom du roi. J'ai alors envoyé un huissier qui les a introduits dans l'Assembléeetquilesaannoncés.
(L'Assemblée, consultée, maintient la rédaction du procès-verbal.)
Je demande, à l'occasion de l'article du procès-verbal, où il est dit qu'un des huissiers est venu annoncer les ministres, que l'Assemblée décide que ce sera la dernière fois que les huissiers feront cette annonce.
Un membre: Pourquoi cela?
Parce que la Constitution donne aux ministres lé droit ae se présenter à l'Assemblée,^ toute heure, pour donner des renseignements et rendre compte des objets qui concernent leur administration. Ils n'ont donc pas besoin de se faire annoncer. Je fais la motion qu'à l'avenir les huissiers ne viennent plus annoncer les ministres quand ils viendront en message au nom du roi.
Je réponds à la motion de M. Merlin, qu'on n'a point annoncé les ministres, comme ministres, mais comme chargés d'un message spécial de la part du roi.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Merlin.
Je demande la question préalable, parce qu'il faut distinguer lorsque les ministres viennent de leur propre mouvement, et
Suand ils viennent en message au nom du roi. ans le premier cas.'ils usent d'un droit qui leur est assuré par la Constitution, et alors ils ne doivent pas se faire annoncer, mais lorsqu'ils viennent en message ils doivent se faire an-noncer.-
, Je demande à M. Delacroix s'il a vu celà dans la Constitution?...
(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de m. Merlin.)
Un membre : Il a été fait mention dans le procès-verbal d'une lettre sans signature, à l'occasion des recrutements qui se font à Coblentz. Comme il n'est pas de la dignité et de la justice de l'Assemblée nationale de s'occuper d'écrits obscurs et anonymes, je demande la suppression de cette mention., _
Le salut de la patrie est la su* prême loi ; cette maxime a toujours été celle de l'Assemblée nationale. Vous avez cru trouver dans cette lettre des renseignements sur les manœuvres qui menacent l'Empire. Voilà pourquoi vous l'avez jointe aux pièces renvoyées au eo-
mité, relativement à M. Varnier. 11 fallait que M. le secrétaire en fît mention dans le procès-verbal. Je demande la question préalable sur la suppression de cette mention. (La question préalable est adoptée.)
Je prie l'Assemblée de se souvenir qu'elle a consacré le dimanche à entendre les pétitions qui lui sont adressées ; plusieurs pétitionnaires qui devaient être entendus dimanche dernier, et que les occupations de l'Assemblée en ont empêchés, demandent à l'être aujourd'hui.
Il aété décidé hier que j'aurais aujourd'hui la parole pour vous faire un rapport sur la détention d'une roule de personnes qui, aux termes de la loi d'amnistie du mois de septembre dernier, devraient être en liberté. Je prie l'Assemblée de vouloir bien m'entendre. Mon rapport ne durera que quelques minutes.
Je demande que l'Assemblée commence par là.
Mais l'Assemblée a aussi décrété que son comité des pétitions lui ferait un rapport tous les dimanches après la lecture du procès-verbal. A quoi bon recevoir des pétitions et comment voulez-vous que le comité remplisse ses devoirs, si vous ne consentez pas à l'entendre au moins une fois la semaine?
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, tendant à exempter Vadministration de la guerre du payement de divers droits. Cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
Monsieur le Président,
« J'avais écrit à l'Assemblée constituante, de concert avec le ministre de la marine, les 30 mars, 27 avril et 6 mai derniers, relativement aux droits de timbre et d'enregistrement, que plusieurs directeurs de ces impositions exigent des troupes et des différents agents de l'administration militaire. Je joins ici çopie de mes lettres à ce sujet, sur lequel je n'ai pu obtenir de décision. Gomme les mêmes prétentions se renouvellent, et que d'ailleurs elfes pourraient donner lieu à des difficultés sans nombre, je prie l'Assemblée nationale de vouloir bien s en occuper le plus tôt possible.
« Je crois devoir représenter à l'Assemblée que, d'après le décret du 10 juin dernier, les registres de différentes caisses nationales sont affranchis de ces droits, que, par des décrets postérieurs, la même exemption a été prononcée
Eour différentes parties de l'administration pu-lique, et enfin que les sommes fixées par la loi du II février, pour les masses destinées à pourvoir aux différent? services militaires, ont été calculées avant l'établissement de ces impositions, et qu'il faudrait, par conséquent, augmenter, les masses si on voulait les grever de cette nouvelle dépense, « L'Assemblée nationale jugera peut-être plus convenable, d'après les considérations développées dans les lettres ci-jointes, d'étendre à l'administration de la guerre les exemptions qu'elle a accordées à d'autres services, Je ne crois pas qu'il puisse en résulter d'abus, car la ligne entre î administration de la guerre et les autres parties du service public est trop clairement tracée pour donner lieu à aucune confusion^
« La suppression des passeports me met dans la nécessite défaire quelques réclamations; tous les marchés passés dans mon département, sti-
pulent l'exemption de tous droits d'entrée et de péage. Si cette exemption cesse, les entrepreneurs seront dans le cas d'exiger ou le remboursement des droits qu'ils justifieront avoir payés, ou une augmentation proportionnée sur leurs prix. Dans 1 un et l'autre cas, il en résultera une augmentation de dépense dont je demande que les fonds soient faits au département de la guerre. Je pense qu'il y aurait plus d'économie pour le Trésor public, et moins d'abus à craindre, de prononcer le remboursement des droits perçus, et en justifiant sur pièces authentiques, que d'augmenter les prix des fournisseurs, parce que cette augmentation ne pouvant avoir que des bases très incertaines, le fournisseur ne manquerait pas de combiner toutes les chances en sa faveur.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé ; DUPORTAIL. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guerre au comité des contributions publiques.),
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une notice abrégée des lettres, adresses et pétitions envoyées à 1 Assemblée.
1° Deux pétitions, Vune du sieur Picot, Vautre des notaires de Bordeaux, qui demandent que l'Assemblée fixe le mode de leur remboursement.
(L'Assemblée renvoie ces deux pétitions au comité de liquidation.)
2° Pétition du directoire du département d'Eure-et-Loir, qui demande un dégrèvement.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des contributions publiques.)
3° Adresse du conseil général de la commune de la Fère.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
4° Pétition des citoyens de la paroisse de Lucé, pour demander un oratoire.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
5° Pétition du sieur Jacques Teillié, citoyen du bourg de Prahecq, qui demande qu'on lui rende une terre qu'il a donnée à des ci-devant Bénédictins, pour racheter sa dîme, ou bien qu'on lui donne une indemnité.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des domaines.)
6° Pétition du sieur Pierre-Nicolas Lequeux.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif. —
7° Pétition du sieur Jannot} relative à un faux assignat.)
(L Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette pétition.)
Je demande la paroi é pour dénoncer à l'Assemblée les troubles occasionnés dans le département de la Haute-Marne, par les obstacles que le peuple apporte à la libre circulation des grains.
(L'Assemblée décide que M. Beequey sera entendu.)
La députation du département de la Haute-Marne a reçu du directoire du département deux lettres de suite qui lui annon-I cent qu'en vain cette administration et les autres corps administratifs ont réuni tous les efforts du zèle et de la fermeté pour faire exécuter la loi. Elle a été violée partout. Les administrateurs ont été forcés de quitter la ville, ils
ont couru les plus grands dangers, et vous allez voir, Messieurs, qu'il est très important que l'Assemblée nationale fasse rendre compte par le ministre de l'intérieur des mesures qu il aura prises d'après les lettres du département pour rétablir enfin l'ordre dans cette contrée.
La première lettre est du 8 novembre :
« Nous vous supplions, Messieurs, de donner lecture de cette lettre à l'Assemblée nationale. Vous jugerez de notre douleur, et surtout de notre indignation.
« Avant-nier des séditieux arrêtèrent plusieurs voitures de grain. La municipalité, instruite par des actes très énergiques de la disposition des esprits, ne vit d'autre moyen que d'appeler deux brigades de la gendarmerie nationale aux portes de Joinville, de requérir le commandant de la garde nationale de Chaumont, d'assembler un piquet de soldats citoyens. Le lendemain, à l'arrivée des brigades qui formaient quinze hômmes, y compris les commandants, le rassemblement populaire était considérable.
« Le corps de la gendarmerie se tint en piquet sur la place, il s'opposa aux attentats et entendit les injures et les menaces affreuses que vomissait le peuple contre lui.
« Réunis alors pour délibérer sur les moyens d'assurer la tranquillité publique, nous apprenons que les séditieux arrêtaient à chaque moment des voitures et se répandaient en même temps dans les églises, et y sonnaient le tocsin.
« La gendarmerie facilita la retraite d'un cultivateur à qui on avait jeté une corde au cou.
« Il s'agissait, sans doute, de proclamer la loi martiale ; mais comment le faire sans force suffisante ; lorsque le corps de la gendarmerie menaçait de se joindre aux séditieux ? Les citoyens éclairés ne se présentèrent pas. Battre la générale eût été appeler la classe du peuple notoirement connue pour désirer l'arrestation des grains.
« Dans un instant nous fîmes une proclamation. Nous annonçâmes un magasin de secours et une souscription de fonds où nous nous plaçâmes pour une somme considérable à raison de nos facultés. Quelques voituriers dirent au peuple qu'ils consentaient la vente ouverte. Le peuple, ne s'accordant pas pour le prix, les força de délivrer les grains. Nous fîmes battre la générale. Il fut impossible de faire entendre raison et d'obtenir des secours des gardes nationales. Croira-t-on jamais que la générale n'a amené qu'un très petit nombre de citoyens, dont une partie était extrêmement mal armée ? Ainsi l'autorité constitutionnelle a été forcée de céder par l'insouciance des citoyens.
« Nous n'avons laissé la nuit au corps de garde qu'un petit nombre d'hommes sûrs. Ils ont arrêté 5 hommes des plus séditieux. Le premier assesseur, en l'absence du juge de paix, les a interrogés : ils sont convenus d'avoir été dans différentes maisons forcer les habitants de leur donner de l'argent. Pour cette arrestation, le croiriez-vous encore? l'homme public a refusé de donner les mandats d'arrêt pour emprisonner ces malheureux; il a été dîner avant de prononcer, il n'est revenu que pour les renvoyer à la police municipale. Aussitôt une multitude révoltée, que le retard avait fait rassembler, s'est précipitée sur le corps de garde et a enlevé ces 5 hommes. Le procureur général avait été trouver l'assesseur, il avait répondu que l'affaire n'était pas de la compétence des corps administratifs. Au mo-
ment où nous vous écrivons, ces mêmes hommes, conduits en triomphe, ont arrêté et amènent d'autres voitures de grains.
« Réduits aux dernières ressources, nous requérons les brigades de gendarmerie de tout le département, ce qui fera 30 hommes avec ce que nous avons déjà; nous requérons également de la garde nationale choisie dans les villes voisines. En attendant, le commandant de la gendarmerie nationale fait parvenir une réquisition écrite à chaque citoyen non suspect de venir en armes. Nous emploierons tous les moyens que les circonstances nous suggéreront.
« Comme nos vies et nos propriétés sont menacées, et que la tranquillité publique peut être longtemps troublée, nous vous demandons avec instance de faire envoyer 2 compagnies de troupes de ligne pour qu on puisse établir un passage continuel des grains qui doivent être embarqués sur la Saône, et approvisionner les départements du Midi. Nous espérons que nos efforts nous feront obtenir le calme; nous adressons une pareille lettre au pouvoir exécutif.
« Nous sommes, avec respect, etc...
« Signé : Les administrateurs composant le directoire du département de la Haute-Marne. »
Voici, Messieurs, une autre lettre du 10 novembre :
« A peine commençons-nous à espérer du calme, et nous ne le devons qu'à la nécessité de céder à la force du peuple. Depuis que nous vous avons écrit, la sédition n'a fait qu'augmenter, nous avons reconnu que la garde nationale de Chaumont, loin de donner force à la loi, a soutenu les violences exercées contre elle pour empêcher la circulation des grains. Les chefs ont secondé les efforts des corps administratifs ; mais ils n'ont pu obtenir obéissance que d'un très petit nombre. Nous avons requis la gendarmerie nationale du département, et des détachements des gardes nationales de Joinville, Bourbonne et Langres, pour venir protéger les convois de' grains et arrêter la sédition. Le peuple n'a pas eu plutôt pénétré les projets du département, à la vue des détachements des gardes nationales de Langres, qu'il s'est rendu aux portes de la ville, a sonne le tocsin, s'est oppose à l'entrée des autres troupes, s'est assemble dans la maison commune, et a menacé le département, de se porter sur ses membres s'ils faisaient quelques efforts.
« Les corps administratifs ont cru qu'ils n'avaient d'autres moyens que de parler au peuple. Les membres se sont mêlés dans la foule des séditieux, leur ont parlé ; mais ils n'ont pu parvenir à leur faire entendre qu'il fallait exécuter la loi et à laisser libre la circulation. Les séditieux ont promis de se séparer, si on laissait à leur disposition les grains qu'ils avaient arrêtés. Les corps administratifs, n ayant aucun moyen d'apporter de la résistance, ont été forcés de sévir.
« Il semblait que les troubles allaient cesser, lorsque le peuple s'est ameuté de nouveau, parlant de couper des têtes, et voulant forcer la garde de se porter dans les salles de l'administration pour y enlever les poudres et les balles que la prudence avait dicté d'y déposer, afin que le peuple n'en fît pas un mauvais usage. Pour les apaiser, les administrateurs ont consenti de faire remettre au corps de garde les poudres et les balles, avec 18 canons. Malgré cela, plus de
1,000 personnes ont forcé la garde, sont montées avec fureur dans la salle, où: les administrateurs du directoire du département étaient seuls assemblés. Alors les administrateurs* : craignant pour leur vie et dénués de tout secours au dedans* abandonnés au dehors, se sont vus forcés de quitter leur salle, l'hôtel de ville, et plusieurs la ville même. Heureusement, il ne s'est commis aucun assassinat; les papiers de l'administration ont été respectés. Aujourd'hui que les séditieux sont les plus forts, ils ne veulent pas rendre les grains qu'ils ont arrêtés. »
Un membre : On n'entend pas!
, continuant la lecture : « Le procureur général de la commune a couru le plus grand danger. Il est, à ce que nous apprenons, à Saint-Dizier. On va se concerter.
« Vous voyez que la force publique est nulle dans le département, que les lois sont violées, malgré les mesures qui ont été prises parles corps administratifs, et qu'ils ne pourront reprendre léûr vigueur qu à 1 époque où il sera envoyé à Chaumont un régiment sur la fidélité duquel on puisse compter. Les gardes nationales ne serviront jariiais utilement, tant qu'il s'agira d'établir la circulation des grains dans le pays. Nous travaillons à reprendre notre pr^cès-verbaî; nous aurons soin d'en faire parvenir une expédition, nous sollicitons des troupes de ligne du ministère, et nous espérons que l'Assemblée nationale voudra bien veiller à ce qu'elles nous » soient accordées. t
« Nous sommes, avec respect, etc.
« Signé: Les administrateurs composant
le directoire du département de: la Haute-
Marne. »
Je demande, Messieurs, que l'Assemblée nationale veuille bien se faire rendre compte, par le ministre de l'intérieur, qui a reçu des nouvelles officielles sur ce sujet, des mesures qu'il aura prises pour envoyer une force publique à la disposition des corps constitutionnels dans le département de la Haute-Marne, et qu'il en informe l'Assemblée le plus tôt possible.
Un membre : D'après la Constitution, le roi, sous la responsabilité des ministres, donne des ordres pour l'exécution de la loi. La loi est faite, il ne s'agit que de la faire exécuter. Vous devez donc ordonner le renvoi pur et simple au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée, consultée, renvoie ces deux lettres au pouvoir exécutif.)
Un dè MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Voilette, notaire à Saint-Georges, près Pêrigueux, qui fait don à la nation de la finance de son office.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette lettre au procès-verbal.)
Voici Une lettre officielle signée par tous les membres du directoire du district de Caen et relative aux troubles de cette ville.
« Caen, le
« Messieurs, « Vous avez sans doute été informés de l'événement qui a eu lieu dans notre viHe, le samedi 5 de ce mois, occasionné par un complot abominable, formé par les ci-devant gentilshommes dévoués entièrement aux ci-devant .curés non assermentés et autres ecclésiastiques de la même espèce. Ces malveillants s'annonçaient comme amis de l'ordre et de la religion, c'est le pré-
texte apparent qu'ils ont saisi pour fomenter une insurrection qui a failli mettre tout à feu et à sang dans la ville.
« Vendredi dernier, le sieur Bunel, ci-devant curé de Saint-Jean, se présenta à cette paroisse pour y dire sa messe; il y fut reçu. Il y avait une grande affluence de monde à-l'issue de sa messe; il annonça qu'il en dirait une autre pour le lendemain.il s'était fait beaucoup de murmures ce jour; les esprits parurent s'allumer, et on annonça qu'il y aurait à la messe une scène sanglante. La municipalité crut qu'il était de sa prudence de la prévenir en avertissant le sieur Bunel de se dispenser dè dire sa messe le lendemain. Il ne se présenta pas à l'église; mais, dès les 7 heures du matin, il y avait beaucoup de monde. Des malveillants garnissaient le sanc-; tuàire avec des jeunes gens notoirement connus par leur libertinage et leur incivisme. La garde nationale, qui y fut envoyée pour maintenir le bon ordre, fut insultée. Celui qui commença l'attaque est un nommé Maillot, fils d'un ancien marchand de la rte Saint-Sauveur, qui se mit à crier : aux armes !
« L'alarme se répand, la garde nationale veut l'arrêter; il y a résistance, elle reçoit des bourrades et des coups de fusils ; Taftaire s'engage avec des ci-devant gentilshommes qui se trouvent présents ; on les désarme, on les blesse à coups de sabres ; on tire par quelques fenêtres; enfin, on est obligé de battre la générale. Les boutiques sont fermées, et on voit se préparer le spectacle le plus affreux; la garde nationale montre la plus grande activité, elle se présente en grande force, elle établit des patrouilles nombreuses et le calme se rétablit ; maison saisit des compagnies de ci-devant gentilshommes et autres gens malintentionnés réunis à eux : on les conduit à la municipalité, on les trouve armés de fusils et de pistolets en grand nombre, on leur saisit une quantité immense de cartouches, on va dans leurs domiciles faire des perquisitions, on y trouve pour ainsi dire des arsenaux et des fourches meurtrières apprêtées de la manière la plus dangereuse. La municipalité fait inviter par commissaires le directoire du département et celui du district de se rendre à la maison commune pour y former la réunion des corps administratifs et prendre les mesures les plus promptes et les plus convenables au rétablissement de l'ordre. Le directoire du département veut d'abord y envoyer deux commissaires, le directoire du district consent de s'y rendre aussitôt qu'il en est requis; enfin, le directoire du département y vient en entier. Tous ces corps réunis délibèrent; deux objets fixent leur attention : 1° l'inquiétude trop bien fondée que donnait aux citoyens la résidence, dans la ville de Caen, depuis deux ou trois mois, d'une foule d'étrangers ; 2° l'effet gue pourrait produire, dans la circonstance présente, la messe des prêtres non assermentés, et ci-devant fonctionnaires publics, dans les églises constitutionnelles de la ville.
« On délibère en conséquence un arrêté.
« Sur le premier objet, on enjoint à tous les étrangers qui sont résidents dans les auberges ou chez les bourgeois, en chambre garnie, de passer, daiîs les 24 heures, une déclaration à la municipalité, des motifs ae leur résidence, du nombre de leurs famille et domestiques, les espèces d'armes dont ils sont saisis, de les déposer a la municipalité, à peine, faute de satisfaire à tout ce que dessus, d'être regardés comme suspects. On fait aussitôt proclamer cet arrêté au
son du tambour, et on prévient que les trois corps administratifs vont prendre toutes les mesures nécessaires pour le rétablissement de la tranquillité.1
« On délibère légalement sur le second objet, et on arrête, à la majorité, que les prêtres non assermentés se dispenseront provisoirement de dire leurs messes jusqu'à ce qu'il ait été référé au Corps législatif au trouble arrivé dans la ville de Caen, et jusqu'à ce qu'il ait pris les mesures convenables en pareille circonstance. Le malheur des choses exigeait cet arrêté, et s'il en eût été autrement, l'insurrection serait parvenue au comble. Le prétexte était une messe, il fallait ôter ce prétexte, et ne plus laisser subsister aucune cause. Nous avons eu la douleur de voir le département se refuser à signer son arrêté, excepté M. Richier. L'arrêté avait été délibéré en sa présence, et il a été exécuté. A ce moyen, le calme a été rétabli et tout s'est passé dans la tranquillité.
« Il y a quantité dé gentilshommes détenus au château. Les sieurs Achard de Valogne et Suffrey de Blancourt y sont grièvement messés, mais sans danger. Leur conspiration est découverte par les pièces qu'on a trouvées sur un sieur vaillant, dont nous vous faisons passer la copie. Nous ferons passer incessamment à l'Assemblée nationale une pétition que nous nous proposons de faire. Nous vous la recommanderons.
« Nous sommes, avec respect, etc.
« Signé : Les membres du directoire du district de Caen. »
Je vais maintenant vous donner lecture de la copie de diverses pièces qui ont été envoyées et certifiées par le directoire du district de Caen et qui ont été trouvées dans la poche du nommé Vaillant, arrêté le 5 novembre 1791, et envoyé prisonnier au château. Les premières pièces sont des lettres écrites à une dame Harel, et les réponses de cette dame sur les préparatifs, les moyens de la réussite de conjuration, et les obstacles qu'y apportait la municipalité trop clubiste — c'est ainsi que les conjurés la qualifient — la garde nationale et le peu d'énergie du bourgeois.
Ensuite une lettre adressée à la dame Harel, après l'arrestation des principaux conjurés, dont voici la teneur :
« Vous voudrez bien faire des tentatives pour avoir des nouvelles de nos malheureux compagnons. Je suis inculpé, poursuivi; je n'ai dû ma retraite qu'à m'a prudence et à la force de mes armes. Je ne peux m'éloigner sans avoir des nouvelles de votre hôte. Je ferai passer demain matin chez vous, sous le nom de..., vous tiendrez votre réponse prête (Le nom coupé).»
Voici une autre lettre de Mma Harel, à M. Poc-quelin :
« Vous ne sauriez croire combien notre pauvre cœur est affecté de votre détention. Vos cousines sont dans la grande désolation. Je vous envoie deux louis, un pour vous et l'autre pour Dâquin. »
A ces lettres se trouve jointe une instruction en 7 articles, relatives au complot formé contre la ville de Caen. Cette pièce a été saisie sur le sieur Vaillant par M. Postel, sergent-major de la la garde nationale, et déposée à la maison commune. En voici la teneur :
« Dans le cas où les autorités se taisent, la voix suprême de l'honneur doit se faire entendre, et c'est aux gentilshommes surtout à pro-
fesser ces principes souverains. 11 est de toute nécessité ae se rallier sous dés chefs respectables et qui peuvent en imposer. Le désir de protéger les personnes et les propriétés, et la nécessité d'obtenir l'exécution des lois, à chaque instant violées, ont provoqué la réunion de honnêtes gens. Comme les mesures les plus sages et les plus avantageuses ne produisent leur effet que par l'uniformité des procédés et des mouvements; qu'elles peuvent être à chaque instant l'objet de la critique et de la dénonciation des méchants, on a cru devbir joindre aux premières instructions qui ont été données, quelques additions explicatives, et réunir leur ensemble dans une formé réglementaire qui ne laisse aucun doute sur là pureté des intentions.
« Il faut considérer d'abord que l'assistance du citoyen peut devenir nécessaire à chaque instant du soir et de la nuit, qu'on peut être requis par des signes d'alarme publiquement donnés, par des insurrections particulières, que par conséquent le parti à suivre dans ces différentes circonstances doit être nettement indiqué, afin d'éviter le trouble et la confusion. Pour fixer cette uniformité, il faut d'abord établir la conduite ordinaire des comités, établir ensuite celle qu'ils devront suivre en cas d'alarme publique et particulière. C'est le but des articles suivants :
« Art. 1er. Il sera formé dans chaque quartier un comité de 8
personnes, qui sera composé d'un chef et dé 2 suppléants pour le remplacer en cas d'absence,
et de 5 membres, du nombre desquels seront un officier de justice ou un membre du corps
administratif, et un officier ou sous-officier de la garde nationale.
« Art. 2. Aussitôt après la formation, chaque comité se procurera la liste de tous les honnêtes gens de son arrondissement. Il en formera des divisions relatives à leur nombre, et déléguera un ou plusieurs citoyens, pour faire parvenir avec plus de célérité, à chaque division, les annonces que les circonstances rendront nécessaires.
« Art. 3. Chaque division sera composée de 20 à 30 personnes, et distribuée dans les formes les plus avantageuses à la réunion du quartier, et chaque délégué donnera aux membres de son association la Connaissance où notice particulière des personnes qui la composent. Chaque associé indiquera de la mêmè manière, au délégué, les personnes dont les intentions lui sont connues, et qui, par leur Sentiment ou leur désir, sont dignes d'être admises dans la société des honnêtes gens.
« Art. 4. Le chef de chaque quartier ou son suppléant indiquera le lieu du rassemblement de son quartier et celui du rassemblement général par l'entremise des citoyens qui auront été délégués.
« Art. 5. Il s'assurera d'un certain nombre de personnes qui, en cas d'alarme générale ou particulière, s'uniront subitement a, lui et faciliteront le rassemblement des autres citoyens du quartier,
« Art. 6. La nuit sera l'objet du soin du comité. Il tâchera d'obtenir des citoyens que deux ou quatre d'entre eux se promènent dans le quartier et veillent à la sûreté depuis 11 heures du soir jusqu'à 2 heures du matin.
« Art. 7. Les citoyens, dans tous les cas possibles, auront la plus grande attention à éviter toute insulte particulière ; ils considéreront que leur réunion a pour but d'assurer la tranquillité
publique et la protection que chaque citoyen a «roit d'attendre de la loi. Ils considéreront encore qu'une fois admis dans la société des honnêtes gens, ils y sont attachés par la loi de l'honneur» et que ce sentiment et leur propre intérêt leur prescrivent le devoir de ne plus s'absenter sans en prévenir celui qui est délégué à cet effet» ainsi que l'instant de leur retour.
« Le projet ci-dessus déposé par le sieur Pos-tel; premier sergent-major de la compagnie de Saint-Gilles, qui a déclaré l'avoir saisi ainsi qu'un pistolet sur un particulier actuellement au château et qu'il reconnaîtra lorsqu'il lui sera présenté.
« Signé : Postel, sergent-major. »
Voilà une partie des pièces dont on a chargé un courrier expédié de Caen. Ces pièces-là donneront nécessairement lieu à une information plus étendue et nous recevrons des indications ultérieures qui démontreront comment ces gens-là croyaient agir au nom de là loi et comment ils pouvaient croire avoir une autorisation de la loi. Je lé sais bien, moi, comment ils l'auraient eue, mais on en aura la preuve, et il est inutile de le dire dans ce moment-ci. (Rires.)
Je demande (pue mention honorable soit faite dans le procès-verbal de la conduite sage et vigoureuse qu'ont tenue, dans cette circonstance critique, la municipalité, le directoire du district, la garde nationale et le membre du directoire de département qui a signé le procès-verbal qui nous a été envoyé.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
Je suis parfaitement de l'avis de M. Chabot ; mais tout en donnant les plus grands éloges à la conduite de ces fonctionnaires publies, je crois qu'il n'est pas temps encore de prononcer entre le directoire de département d'une part, et le directoire de district ae l'autre. Il est sage de connaître tous les faits relatifs à cette affaire. Je crois donc que la, mention honorable qui sera faite de la conduite du district et de la municipalité, lorsque l'Assemblée aura sagement réfléchi dessus, n'en sera que plus avantageuse pour le district et la municipalité. €'est pourquoi je conclus à l'ajournement pur et simple.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé ! Aux voix l'ordre du jour !
J'appuie la demande de l'ajournement jusqu'après l'arrivée du courrier expédié à Caen.
(L'Assemblée prononce l'ajournement pur et simple.)
M. Leco% a la parole et fait connaître, dans les termes suivants, les troubles qui ont eu lieu, le 4 novembre, dans là ville de Rennes.
rLe vendredi 4 de ce mois, les mêmes troubles ont aussi commencé par une messe dans la ville de Rennes. Ces troubles sont encore augmentés par les mêmes moyens, et enfin. le dimanche, le zèle sage de Messieurs les administrateurs du département, du district et de la municipalité, d'accord pour le bien public, les a portés à emprisonner un supérieur des capucins. (Rires.) «
Cet orage qui, heureusement, n'a pas eu grand effet à Rennes, était annoncé depuis plusieurs jours,, par dés bruits sourds, et même Te peuple faisait entrevoir qu'il y aurait une seconde représentation de la Saint-Barthélemy. La garde nationale de Rennes, qui a toujours mérite l'es-
time générale de la troupe de ligne, spécialement des dragons, à qui leur cnef, qui réside dans cette Assemblée a su communiquer tout son patriotisme, s'est supérieurement montrée dans cette circonstance, ainsi que les troupes de ligne, et de concert ils ont sauvé la ville des malheurs qui ont affligé la ville de Caen. {Applaudissements.)
obtient la parole Sur l'inexécution de la loi d'amnistie du 14 septembre 1791 et dit : Messieurs, le 10 septembre dernier, l'Assemblée nationale constituante a rendu le décret d'amnistie que vous connaissez tous, et qui porte, en termes exprès, que toutes procédures instruites pour faits relatifs à la Révolution seront anéanties. Parmi cette foule de citoyens détenus pour faute de révolution, et consé-quèmment dans le cas d'amnistie, 61 laboureurs, arrêtés sur des ordres du département ;de la Dordogne, et sans que pas un seul ait été pris en flagrant délit, ni décrété par les tribu1 naux, gémissaient dans les prisons dë la ville de Périgueux, prisons des plus froides et des plus malsaines au royaume.
La loi juste et. bienfaisante dê l'amnistie est venue frapper Iëi portes de ces prisons devant lesquelles on voy ait chaque j our les enfants dq. ces infortunés déchirer le cœur des vrais citoyens en demandant à la pitié publique le pain du pauvre qu'ils rie trouvaient pas dans sa maison. Eh bien ! Messieurs, les portes ne sont point ouvertes; on a prétendu que la loi de l'amnistie n'était pas faite pour les laboureurs, on a dit qu'elle ne concernait que les illustres conjurés de Coblentz.
Les vrais et sages amis de la liberté, profondément émus et justement indignés de cette odieuse et tyranniqùe distinction, vous ont présenté à cet égard une pétition, et vous avez décrété, le 18 octobre dernier, que le ministre de la justice serait tenu de vous rendre compte dans quinzaine de l'exécution de la loi. Chacun de nous s'est reposé sur le décret, et a cru sans doute avoir infiniment soulagé les habitants des campagnes, détenus en prison. Cependant, qu'est- ; il arrivé? le ministre de la justice, dont je suis bien loin de vouloir révoquer en doute le patrio^ tisme et l'humanité, est venu à l'expiration de la quinzaine, et il a dit, en termes généraux,
âu'iî écrirait à tous les tribunaux, afin qu'on onnât à la loi de l'amnistie la plus grande latitude. Cependant, la loi de l'ammistie est du 14 septembre; elle devait être envoyéè et exécutée sans délai ; il devait vous en être rendu compte immédiatement après. Et, depuis cette époque, c'est-à-dire depuis plus ae deux mois, les "61 laboureurs ont continu^ à être privés dé la liberté qu'ils devaient obtenir. Le temps d'ensemencer leurs terres est passé, leurs terres sont restées en friche. La misère, le désespoir ont habité leurs maisons. Ce qui est plus alarmant, Messieurs, si la loi n'a pas reçu d'exécution, si les procédures n'ont pas été suspendues, peut-être quelques-uns de ces malheureux citoyens, que la loi a déclarés libres, ont été condamnés et exécutés.
J'arrête votre attention sur cette effrayante perspective, sur cet acte frappant de l'exécution de la loi, et je me permets seulement une légère réflexion sur la responsabilité du ministre; elle sera très courte : lorsque, sur des réclamations très urgentes, des amis de la patrie ont demandé qu'il fût rendu compte de l'exécution de la loi, et que les ministres fussent mandés à cet effet, plusieurs voix se sont élevées, et ont prétendu
qu'on voulait humilier, fatiguer, mortifier les ministres. Gomme si un fonctionnaire, quel qu'il soit, pouvait ou devait jamais être fatigue de son devoir, humilié d'obéir à la loi et mortifié de concourir au salut du peuple. (Applaudissements.) L'acte constitutionnel fixe le cas de la responsabilité des ministres, et fixe la manière dont ils doivent être poursuivis pour faits de leur administration; lorsque ces cas arrivent, et que, sur des dénonciations faîtes au Corps législatif, il se trouve des commencements de preuves légales et positives, alors, je ne fais aucun doute que les ministres doivent être mandés à la barre, afin qu'ils rendent compte sur les faits articulés contre eux, et que le Corps législatif soit à même de prononcer s'il y a ou s'il n'y a pas lieu à accusation. Voilà, Messieurs, la mesure extrême déterminée par la loi. Celle-ci serait véritablement une humiliation pour le ministre qui l'aurait encourue. Mais elle importe que le salut public et devant le salut public, le vrai citoyen, quelles que soient l'honnêteté et la douceur de sa morale, ne doit connaître ni intérêts ni engagements personnels. Un autre article de l'acte constitutionnel porte que les ministres seront entendus toutes les fois qu ils seront requis de donner des éclaircissements. Cette mesure est très distincte de la précédente; elle doit être employée, lorsqu'il arrive ici des pétitions ou réclamations particulières. Il n'y a point de preuves acquises contre le pouvoir exécutif, lorsqu'il reste aux ministres la possibilité de déclarer sans pouvoir être dans le moment convaincus du contraire, qu'ils ont ignoré le fait, ou qu'ils n'y ont point concouru ; mais, en pareil cas, la première démarche à faire est de requérir les ministres, et de leur demander des éclaircissements ; cette mesure prépare les preuves qui doivent servir à leur accusation, s'ils sont Coupables, ou à leur justification, s'ils sont innocents ; elle porte un jour salutaire sur les divers abus de l'administration.
Elle ne saurait être employée ni reparaître trop souvent dans le sein de cette Assemblée; d'après cela j'insisterai à demander que toutes les pétitions qui nous montreront un citoyen opprimé, ou se plaignant de l'être, lorsque le citoyen aura parcouru graduellement l'échelle des pouvoirs constitués, le ministre soit requis à l'instant devenir vous donner les éclaircissements nécessaires, sans que cette mesure soit considérée comme inculpation, et sans que, d'un autre côté* de vains égards pour les personnes puissent jamais nous faire oublier l'intégrité de nos devoirs. (Applaudissements.)
La sainteté de la loi et la sûreté des citoyens, c'est là le seul moyen de surveiller utilement les ministres, de fixer leurs réponses équivoques et insignifiantes, et d'assurer l'effet de leur responsabilité légale, responsabilité qui né doit pas être un vain mot, responsabilité sur laquelle nous devons enfin porter la plus sérieuse et la plus profonde attention si nous voulons que les lois soient exécutées, et que la liberté française existe ailleurs que dans l'acte constitutionnel. (Applaudissements.)
Malheur, oui, malheur au citoyen qui trouverait du plaisir à accuser, mais malheur et infamie à celui que de viles considérations d'intérêt ou de contrainte pourraient arrêter un seul instant dans la carrière de la liberté, qui nous est ouverte dans la défense de l'humanité opprimée.
Ici, je n'accusé personne, mais j'affirme que les citoyens détenus dans les prisons du département de la Dordogne, outre qu'ils se trouvent illé-
gaiement emprisonnés, sont évidemment dans le cas de l'amnistie.
Je prends l'engagement solennel de le démontrer pièces à la main, si cela est contesté ; mais je demande provisoirement, avec la plus vive insistance que le ministre de la justice soit requis de venir rendre compte demain de l'exécution de votre loi du 18 octobre, et, par une conséquence nécessaire, del'exécutiondelaloi du 14 septembre, qui, comme je l'ai dit, s'applique à tous les faits relatifs à la Révolution, quelqu'en pût être l'objet. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Appuyé! Aux voix! aux voix!
(L'Assemblée décrète la motion de M. Le Tourneur.)
Un membre : Je demande que le ministre soit tenu de donner sa réponse par écrit, afin d'éviter les tergiversations et les réponses ambiguës.
Plusieurs membres : Appuyé!
D'autres membres : Non! non! La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
Une dèputatzon de citoyens de la ville de. la Rochelle est admise à la barre pour présenter une pétition au sujet des secours à envoyer à Saint-Domingue.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Messieurs, les citoyens de la ville de La Rochelle, consternés des affreuses nouvelles de Saint-Domingue, se sont hâtés de vous exposer leurs vives inquiétudes, et nous ont chargés de reproduire, devant les représentants de l'Empire, l'expression des douloureux sentiments qui les oppressent. Le malheur de nos frères devient l'objet de nos plus pressantes sollicitudes. Les infortunés colons vont connaître dans notre empressement à les secourir, et l'affection de la mère-patrie, et votre sensibilité.
Nous osons l'espérer, la contagion de la révolte aura épargné le Port-au-Prince et les Cayes. Nos frères, au milieu des désastres, auront pu du moins en arrêter les progrès, et, par votre sa-gé8sel le Cap, ce berceau de la plus florissante colonie dont un instant a vu anéantir la prospérité, renaîtra à l'espoir d'un heureux avenir.
S'il était déçu de ce vœu, si la subversion de la colonie était entière, qui pourrait, sans frémir, envisager le sort de nos malheureux frères ! Et dans la profonde affliction sur le sort de Saint-Domingue. quel retour sur notre propre situation ! Quels malheurs menaceraient lTïmpire ! Quelles parties n'en seraient pas atteintes ! Et comment prévoir les effets funestes de la suppression de ces travaux, qui, dans nos ports ae mer, plus encore que dans nos manufactures, alimentent un peuple immense ?
Dans ce malheur public, nous ne vous entretiendrons point de ceux qu'éprouve particulièrement la ville de la Rochelle. Nous vous assurerons de son patriotisme et de son courage dans ce moment de calamités. En vous sollicitant au nom de la patrie, de nos frères de Saint-Domingue, de nos concitoyens, de ne pas perdre un instant de vue la détresse de cette précieuse colonie, nouS venons vous offrir tous les moyens qui nous restent, ceux de nos vaisseaux qui se trouvent prêts et le dévouement entier de nos frères marins dont le sang avait déjà coulé pour la défense de l'Etat, et qui brûlent de le répandre pour la défense de Saint-Domingue. Nous venons vous
offrir les efforts de tous. Organes auprès de vous, Messieurs, des sentiments et du respect de nos concitoyens, daignez en agréer l'hommage. (Vifs applaudissements.)
, répondant à la députation. Les troubles dont gémit la colonie de Saint-Do-mingue, leurs suites affreuses, affligent les Français et alarment le commerce, mais la certitude des pertes immenses n'a pu refroidir le patriotisme des habitants des ports de mer. De toutes parts des offres généreuses sont faites à la patrie ; et les Français se distinguent par des vertus qui honorent l'humanité.
L'Assemblée vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande qu'on fasse mention honorable de cette offre au procès-verbal, et
3u'on la renvoie, de même que celle des citoyens e Bordeaux, aux comités des colonies et de marine réunis.
Le Corps législatif ne peut pas être indifférent sur les troubles de Saint-Domingue. Je rappelle que l'Assemblée, par respect
fiour la Constitution, a écarté par l'ordre du jour a demande de 10,470,000 livres, faite par le ministre de la marine, pour l'armement destiné à Saint-Domingue, parce que cette demande n'é-tait pas revêtue des formes constitutionnelles (1). Je ne crois pas que le Corps législatif doive garder un état d'inaction sur le silence actuel du ministre. Je demande que le comité de législation soit chargé de présenter demain un mode pour rappeler les ministres à l'exécution des formes constitutionnelles/quand ils les perdront de vue dans leurs demandes. (L'Assemblée décrète qu'elle fera dans son
Erocès-verbal mention honorable de l'offre des abitants de la Rochelle et qu'elle renvoie au pouvoir exécutif pour en faire usage.)
, député de la Hautes-Garonne, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.
, citoyen de Cherbourg, est admis à la barre et s'exprime ainsi :
Messieurs, victime de ma bonne foi, de mon amour pour la chose publique, je le suis aussi des ministres, de leurs commis et de tous leurs agents. Les motifs de mes réclamations seraient trop longs à déduire ici. Vous les connaissez par l'adresse que j'eus l'honneur de présenter à l'Assemblée constituante. J'ai fait des avances pour les hôpitaux au moment des travaux de la rade de Cherbourg. L'Assemblée ordonna que les faits seraient vérifiés par le directoire du département et par celui du district de Cherbourg. Lés avis des deux corps administratifs me furent également favorables ; mais le comité des rapports, ne se croyant pas compétent, mV renvoyé au commissaire du roi, liquidateur. C'est à des hommes du roi qu'on me renvoie, quand je me plains des hommes du roi.
Pardonnez à mon importunité. Ma femme, mon fils, mes créanciers me demandent du pain; je n'en ai point à leur offrir. Je sollicite votre humanité. Je demande que l'Assemblée me juge, ou me donne un juge qui ne soit pas le pouvoir exécutif; car c'est contre le pouvoir exécutif que je plaide.
Vous me rendrez cette justice, Messieurs, en or-
Monsieur, le sanctuaire des lois est aussi celui où les citoyens peuvent avec assurance faire entendre leurs plaintes. L'Assemblée nationale se fera rendre compte de vos réclamations et vous invite à assister à sa séance.
L'Assemblée nationale. a rendu, sur cette affaire, un décret par lequel elle avait ordonné que M. Rouhière remettrait en bon état les lits et autres objets qui lui avaient été confiés par lé gouvernement; qu'après la remise de ces objets, sa réclamation serait liquidée; et que dans le cas où il ne ferait pas cette remise, il serait poursuivi et contraint. D'après ce décret, la question, qui se réduit à savoir si M. Rouhière a fait la remise des effets dont il s'agit, doit être renvoyée au comité de liquidation. 11 est juste d'autoriser la communication des pièces au pétitionnaire.
(L'Assemblée adopte les conclusions de M. Le Tourneur.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète le renvoi de la pétition du sieur Rouhière à son comité de liquidation, auquel le commissaire liquidateur sera tenu de remettre toutes les pièces relatives à cette affaire, et à l'apurement des comptes dudit sieur Rouhière. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une délibération du directoire du département de la Haute-Vienne.
(L'Assemblée renvoie cette délibération au comité de division.)
Un de MM. les secrétaires donné lecture d'uner lettre de M. Camus, archiviste de VAssemblée, relative aux listes des hauts jurés. Elle est ainsi conçue :
t Monsieur le Président,
« J'ai été instruit que l'Assemblée demandait que je lui donnasse la liste des hauts iurés. J'ai Fhonneur de vous l'envoyer. L'Assemblée voudra bien observer qu'un département, celui de Corse, n'a encore envoyé aucun procès-verbal, et que 13 autres départements n'ont pas envoyé la partie de leur proces-verbal, qui contient l'élection des hauts jurés.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : camus. »
Un membre: Je demande que les départements qui n'ont pas encore fait leurs élections soient nommés.
(Cette motion n'a pas de siiité.)
J'observe que les élections de divers jurés doivent être vérifiées par l'Assemblée. J'en demande le renvoi au comité de divisiôii.
(L'Assemblée renvoie au comité de division les procès-verbaux des nominations des hautis jurés, pour lui en faire son rapport.demain.)
Un membre : J'observe que MM. Casamajor et Lerembourg, députés des Basses-Pyrénées, ont prêté le serment le 25 octobre dernier et que la mention n'en a pas été insérée au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète que cette omission sera réparée dans le procès-Yerbal de ce jour.)
, ancien officier de Royal-Comtois, est admis à la barre et s'exprime ainsi :
Messieurs, la cause quim amène ici est de même nature que celle de M. Moreton-Chabrillan. Je me garderai bien d'abuser de vos. moments en vous parlant d'une somme de 30,000 livres qui m'est due. En deux mots. Messieurs, j'avais 20 ans de services en 1773, lorsqu'on m'a spolié de mon état, avec les autres officiers de Royal-Comtois. J'ai depuis sollicité vainement les ministres et M. Duportail, mon cadet sous tous les rapports. Mes frères d'armes qui, comme moi, ont 40 ans de services, sont ou morts ou maréchaux de camp, ou lieutenants généraux. Je réclame la protection et la justice du Corps législatif. Mon sort est à la disposition de l'Assemblée nationale ; c'est-à-dire de la raison, du bon droit et de l'équité. (Applaudissements.)
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(L'Assemblée renvdie la pétition du sieur Hédouin au comité militaire.)
est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage imprimé en 1788, précurseur de la Révolution, et portant le titre de : Plan d'éducation nationale pour la jeunesse. H demande en outre le rapport, par le comité d'instruction publique, d'une pétition qu'il a présentée à l'Assemblée constituante et qui a pour objet la formation d'une Ecole d'expérience pour trouver la meilleure méthode d'éducation. (Applaudissements.)
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne une mention honorable au procès-verbal, de l'hommage de M. Bourdon, et le renvoi de sa pétition au comité d'instruction publique.)
Une députation de la section de Sainte-Geneviève est admise à la barre.
Vorateur de la députation s'exprime ainsi : Législateurs, la section de Sainte-Geneviève, convoquée et formée selon le vœu de la loi, a lu vos décrets contre les émigrés ; elle a reconnu dans la première législature les principes sévères, la fermeté inébranlable qui caractériseront toujours les représentants d'un peuple libre. Elle sera donc consolidée, cette étonnante Révolution ! nos ennemis ne se joueront plus im-
Ïmnément de la souveraineté nationale ! i)es en-ànts ingrats et rebelles conspiraient contre la patrie, ils vont être forcés de rentrer dans son sein, où le . glaive de la loi frappera leurs têtes coupables. -,
Continuez, législateurs, la liberté languissait, vous l'avez ranimée par votre énergie. Le peuple a les yeux sur vous: pi vous fléchissez, nos maux sont incalculables. Agissez avec force et l'Empire est sauvé. (Applaudissements dans les tribunes.) Non, le patriotisme n'est pas éteint. Nous verrons bientôt ce feu sacré répandre une lumière plus vive et plus éclatante que jamais.
Paris vous doit èncore un autre tribut de reconnaissance, les braves troupes du centre allaient nous être ènlevées, toute la ville frémissait en voyant ces premiers soldats du patriotisme, prêts a quitter nos murs, théâtre de leurs exploits civiques. Il nOus semblait que la liberté allait s'exiler de notre enceinte avec ceux qui* d'un bras courageux, y avaient planté ses étendards. Un décret provisoire a suspendu nos inquiétudes ; un décret ultérieur, nous l'espérons, comblera iios vœux!
Pères de la patrie, une section nombreuse de la capitale vient vous témoigner sa satisfaction. Recevez l'assurance de son respect pour la loi et le serment qu'elle renouvelle, par notre organe, de mourir pour la défendre. (Vifs applaudissements.)
, répondant à la députation. L'Assemblée nationale a entendu avec satisfaction l'expression de vos sentiments et de votre reconnaissance; elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent qu'il soit fait mention honorable de la demande de ces citoyens au procès-verbal, et que leur discours y soit inséré.
(L'Assemblée adopte cette motion. (Vifs applau~ dissements.)
Un membre : Je demande que le comité de commerce fasse incessamment le rapport d'une pétition présentée au mois de mai dernier par les fabricants de jayet.
(L'Assemblée décrète cette motion.
, garde national, est admis à la barre, avec un autre garde national, et présente une pétition où il annonce différentes découvertes ; il fait hommage à l'Assemblée d'un fusil de son invention.
lui répond et lui accorde les honneurs de la séance. ;
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Rossignol au comité de commerce.)
est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé . VArithmétique méthodique.
lui répond et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète que mention honorable sera faite de cette offre au procès-verbal.)
, connu sous le nom Alexandre de Créqui, est admis à la barre; il s'exprime ainsi :
Messieurs, je manque d'expression pour rendre la vivacité de la reconnaissance dont je suis pénétré. Tributaire envers l'Assemblée nationale de France qui m'admet à l'honneur d'entrer dans son sein, après m'avoir rendu la liberté, la vie et ma patrie, j'apporte devant vous, Messieurs, l'intérêt général de tout citoyen, et la preuve complète des rigueurs du despotisme ministériel, arbitraire et déprédateur sous le règne de Louis XV et de Louis XVI, ce qui nécessite le récit et le précis de ma naissance et de mes événements. .
Elisabeth de Montmorency, dite princesse de Friberg et de Schranberg, me donna le jour et m'apprit que je suis le fruit de son mariage secret avec Louis XV, antérieurement à celui qu'il .fit en public avec la princesse de Leczinski. Ma mère retourna dans ses Etats, à Friberg, en Empire. Là, elle fut recherchée en mariage par Jac-
Sues-Alphonse de Créqui, envoyé extraordinaire
e France à Vienne, et qui ignorait ce mariage clandestin.
Le roi Louis XV s'y opposa, et ne permit cette aUiance qu'en 1736, mais sous des réserves politiques à expliquer en temps et lieu. Ceci se passait à Paris. La princesse de Montmorency, disgraciée de la cour de France et mécontente d'Alphonse de Créqui, se retira dans ses Etats, en Empire, près de Vienne. Ce fut à cette époque, en 1737, que je naquis et que je fus baptisé; ma mère repassa en France aux ordres de Louis XV,
vers l'an 1748 ou 49. Alphonse de Créqui avait été aux portes de la mort, et comme il avait reçu la dot de ma mère qui absorbait tout ce qu il possédait, en réparation, il me déclara son uni-
3ue héritier jaar- son testament:,il fut fait ensuite
evant notaire, un autre acte a Paris, qui porte mon signalement, parla singularité d'une empreinte que la nature m'avait imprimé ineffaça-blement.
Par cet acte, je fus pensionné par Alphonse de Créqui pour mon éducation, sous la main de Gaudem d'Arosté, résidant alors à Paris; l'on me pourvut ensuite, par le même acte, d'un tuteur,; qui fut Blanchefort, père de l'actuel, mon persécuteur, qui se dit Créqui. Ma mère fut placée, par ; ordre au roi7 dans une maison de retraite. Dès ce moment, je la perdis de vue, je la-erois vï— ; vante, n'ayant aucune preuve de sa mort.
Alphonse de Créqui avant vécu concubinaire-mentavec une demoiselle, pendant nombre d'années, continua ses errements avec elle, et elle le sollicita à me haïr et à me persécuter. La persuasion où était Alphonse dé Créqui que je n'étais pas son fils, mais' celui de Louis XV, le poussa à me faire moine.
Je résistai, on me mit dans un couvent pour m'y contraindre. Je m'étais échappé des mains : d'Arosté, je fuis également du cachot, monacal. J'avais alors environ 20 ans ; enfin, pour me soustraire à mes persécuteurs, je voyageai dans Té- j tranger, où j'âppris la mort d'Alphonse de Créqui, décédé en Poitou, dans sa terre, en 1771 ; jè rentrai en France; où j'appris qu il avait testé de nouveau. Je me procurai son extrait mortuaire, et copie de son testament et vins trouver Blanchefort le fils, qui avait succédé à son père dans l'administration de mes biens pupillaires; ce: testament porte que le testateur avait un fils par le monde à qui appartenaient et auquel ' il laissait tous ses biéns, qu'au cas qu'il reparût,: ils lui seraient rendus, et dans le cas contraire, ils resteraient audit Blanchefort fils. Ce testa- ; ment portait, déplus, qu'on reconnaîtrait le fils; aux marques indélébiles qu'il portait, et voilà la cause des criminelles persécutions que j'ai essuyées dé la part de ce Blanchefort et de ses complices.
A mon apparition, sur la fin de 1773, cet administrateur de mes biens, mécontent sans doute de ma présence, me traita de faussaire, d'ins-posteur et d'aventurier; sur la demande formée par lui à la prévôté de Versailles où il résidait, étant attaché à la maison de Monsieur, il m'accusa et me dénonça comme tel ; il conclut à mon arrestation; je fus emprisonné, mis au cachot, dessaisi de tous mes titres, qui furent livrés à Blanchefort sous prétexte d'examen. Par un coup du ciel, je me procurai l'acte Ci-devant mentionné, il portait mon signalement, et prouvait mon identité. J'en sortis sous le nom de Créqui, comme j'y étais; entré.
Gn imagina ensuite de dire que j'étais complice de Lally dans l'Inde, où je ne fus jamais. La ca- ! lomnie fut reconnue, le roi fut détrompé, et je sortis encore de prison.
Le roi meurt en mai suivant, le prince des Deux-Ponts, mon parrain et protecteur, meurt bientôt après ; il m'avait conseillé de voyager - encore, tandis qu'il me vengerait ; sa mort me laissa désespéré. Je m'éloignai de mes ennemis, dont la persécution me suivait; je passai en Pologne, où je pris de l'emploi militaire, et pris femme en Silésie, en 1781. Je revins en France en 1782, je présentai des mémoires au roi, pour
lui demander justice et protection; je lui rappelai les promesses qu'il m'avait faites sous La Vauguyon ; il s'en souvint et promit encore. Il me fit dire, ensuite, de me pourvoir au Parlement pour mes droits et réclamations. Le despotisme ministériel de France me persécuta ; des circonstances me: rappelèrent en Silésie-; ces mêmes persécuteurs m y poursuivirent ; on m'y arrête ; l'avais été calomnié, je me justifie, et je suis libre, * . g -...
Mais bientôt, le ministère de France servit Blanchefort par complicité ; on m'y crée une pension de 600 livres de rente viagère, le fonds constitué de 12,000 livres est consigné a la banque de Berlin et l'on me descend tout vivant dans un cachot, pour y pourrir et pour se soustraire à mes réclamations expresses,
L'Assemblée nationale rapprend, après 9 ans de supplice, dans cet état affreux ; sa justice et son humanité me rendent ma liberté et ma patrie. Le supplément historique de mes malheurs est sous la presse. Il existe aussi des preuves affirmatives de. mon état personnel et naissance. Elles sont un secret de l'histoire de la famille régnante. On me les a refusées, parce qu'elles contiennent des faits contre: Louis XV. On y trouve aussi les pensions,traitements et les ordres dont je fus décoré, et il n'est aucun prétexte de les refuser à 1 Assemblée nationale. Il n'est aucun livre rouge, ni' vert, ni de couleur quelconque, qu'elle n'ait le droit de voir, surtout, quand lé motii comme ici, est juste, et je conclus en attendant, Messieurs, cette représentation : 10 que Blanchefort soit d'abord tenu de représenter le titre qui l'a établi administrateur de mes biens pupillaires, et à ce qu'il rende compte de sa gestion.
2° Je demande que le même Blanchefort soit également contraint de représenter l'acte testamentaire qui défère et conserve les biens au pupille, en cas qu'il reparaisse, et à défaut de laquelle disparution et retour, les délaisse et abandonne audit administrateur ci-dessus nommé. J'observerai que les indemnités qui me sont dues par le gouvernement, pour raison de l'oppression et supplication de ma personne et de mes biens, le tout par la complicité du despotisme ministériel, et afin de me soustraire à la conservation de tous mes droits et indemnités, sont un objet sur lequel l'Assemblée est seule compétente de prononcer.
Ma demande est donc essentiellement juste, puisqu'elle est constitutionnelle et digne de toute l'intégrité qui Vous caractérise; et que je me proposé de célébrer toute ma vie.
Monsieur, vos infortunes ont retenti dans toute la France. Au moment où l'Assemblée constituante en a été instruite, elle a brisé vos fers, et la première législature achèvera son ouvrage en étendant sur vous sa main puissante et secourable. L'Assemblée nationale prendra votre demande en considération, elle vous a écouté avec intérêt et vous invite à assister à sà séance. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Le renvoi de la pétition aux tribunaux !
Je m'oppose au renvoi aux-tribunaux. Je vois dans cette pétition une dénonciation du pouvoir exécutif. Le pétitionnaire pourra vous apprendre, par exemple, que là liste eiVile qui devrait servir à indemniser ceux que le pouvoir exécutif persécuta jadis. sert à alimenter les ressources des émigrants ; il vous apprendra
que les enfants des princes sont pour ainsi dire des enfants nationaux. (Rires ironiques dans l'Assemblée.— Applaudissements dans les tribunes.) Il vous apprendra encore beaucoup d'autres choses. Vos rires ne m'intimident pas et je monterai à la tribune s'il le faut parce que je ne crains pas les huées de ceux qui ne veulent pas entendre parler contre le ministère. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je rappelle aux tribunes le respect qu'elles doivent à l'Assemblée et j'ajoute que les amis de la liberté seront toujours prêts à exécuter le règlement.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Charles de Bourbon-Montmorency au comité de législation.)
Un de MM. les secrétaires. Voici une lettre datée de Longwy, 7 novembre 1791, et signée Launay, commandant le quatrième bataillon des volontaires de la Moselle ; elle est ainsi conçue :
« Monsieur lé Président,
« Rien n'est plus cher à un bon citoyen que le; soin de sa réputation. J'ai été accusé par un sieur Bolredon, dans un mémoire qu'il a lu à l'Assemblée nationale, d'être un traître; il n'a pas dit comment. Il est cependant intéressant pour moi, Monsieur le Président, de savoir en quoi j'ai pu trahir mes devoirs. J'ose donc vous supplier de m'obtenir de l'auguste diète d'être confronté en sa présence, à ce vil calomniateur, puisqu'elle a écouté l'inculpation.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Launay. »
Plusieurs membres: L'ordre du jour! Il n'a qu'à se pourvoir devant les tribunaux.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition du sieur Johannot} d'Annonay, qui promet a la nation une grande économie sur Ta fabrication du papier des assignats.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des assignats et monnaies pour en faire le rapport incessamment.)
est admis à la, barre pour présenter une pétition relative à la découverte d'un signe inimitable pour empêcher la falsification du pavier nécessaire aux assignats ; iVs'exprime ainsi :
Messieurs, j'ai trouvé un moyen sûr d'empêcher la falsification du papier par le moyen d'une machine que j'ai inventéè. Cette machine est unique. On peut bien en faire 100,000 autres, mais on ne peut en composer deux de semblables, car le signe inimitable est produit dans la matrice par un concours fortuit de circonstances qui nè peuvént jamais se retrouver les mêmes. Une nouvelle formation de la même matrice est aussi impossible que, dans le système d'Epicure, une nouvelle formation de l'univers par le moyen des atomes. Non seulement vous pourriez 1 adopter, Messieurs, pour garantir les assignats de la falsification, mais encore les caisses particulières, les négociants, tous les citoyens pourront en faire usage. L'univers entier s'en servirait, sans qu'il y eût de confusion, car les empreintes peuvent se diversifier à l'infini,, mais la matrice ne se renouvelle plus. Puisse cette découverte prévenir des crimes et assurer la fortune publique.
répond à M. Barthelet et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Barthelet au comité des assignats et monnaies et décrète, en outre, que mention honorable en sera faite aux procès-verbal.)
On a déjà mis sous vos yeux les malheurs des familles acadiennes. Leurs réclamations ont été renvoyées au comités des pétitions. Je demande qu'il en fasse son rapport dans deux jours.
(L'Assemblée ajourne à mardi prochain la discussion sur les familles acadiennes.)
, citoyens de Varennes, sont admis à la barre.
Ils abandonnent aux gardes nationales les plus maltraités par la fortune, l'argent qui leur a été donné par un décret de l'Assemblée nationale constituante, et réclament l'effet de la promesse qu'elle leur a faite, lors de l'arrestation du roi à Varennes, de leur donner du service, en qualité d'officiers, dans les troupes de ligne.
, répondant aux pétitionk naires. Messieurs, c'est ajouter aux services que vous avez déjà rendus à la patrie, que de demander un poste utile à sa défense. Je puis vous assurer que l'Assemblée prendra votre demande en considération ; elle vous invite à assister à sa séance.
Un membre : Le renvoi de la pétition au comité militaire !
(L'Assemblée renvoie la pétition des sieurs Del ion, Drouet et Gentil au comité militaire, pour en faire le rapport sans délai.)
Une députation de citoyens des 48 sections.de Paris est admise à la barre pour faire lecture d'une pétition relative aux subsistances.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Messieurs, le corps municipal a convoqué la commune pour délibérer sur la subsistance; une inquiétude générale a suivi. Cette inquiétude est fondée sur la hausse prompte et excessive du prix du pain, sur la reproduction spontanée des farines viciées que l'on garde à grands frais depuis deux ans dans les magasins de la capitale. Ces malheurs sont la suite nécessaire des exportations au dehors et des accaparements intérieurs d'une denrée de première nécessité sur laquelle toute spéculation est un crime.
Les 48 sections, provoquées par le corps municipal, ne pouvaient délibérer séparément; un vœu isolé n aurait produit qu'une fâcheuse incertitude sur un objet aussi urgent et aussi général. Elles ont commencé par mettre en avant quelques opinions particulières, et ont chargé des commissaires de se réunir pour délibérer sur ces bases, qui, pour être utiles, devaient être uniformes.
La première démarche du commissaire a été d'en donner connaissance au corps municipal. Les entraves multipliées des administrateurs, municipaux et du directoire du département ont privé la commune de Paris, par une décision, d'un droit sans lequel le but de la convocation serait toujours manqué. Ils ont affecté de confondre avec des; pétitionnaires : des citoyens qui ne s'assemblaient que pour préparer la réponse unanime des sections aux interpellations au corps municipal. La loi du 22 mai défend à des commissaires chargés de recenser des délibérations déjà prises, de délibérer eux-mêmes; mais elle ne défend pas aux sections de se réunir dans un comité central des commissaires chargés de se
concerter sur les bases d'une délibération unanime.
Si les commissaires que le corps municipal a désunis eussent marqué le désir de se coaliser avec l'administration en faisant de leur délibération un arrêté qu'ils eussent voulu immédiatement mettre à exécution, sans doute ils eussent mérité alors le blâme du département; mais l'autorité compromise des corps constitués, et le danger de laisser l'administration aux citoyens ne sont ici que des prétextes. Les commissaires des sections n'avaient d'autre objet que d'arrêter entre eux, selon leurs pouvoirs, les éléments et les bases d'une réponse uniforme. Cela fait, chacun devrait retourner à sa section qui aurait délibéré sur des principes certains. Comment
f)ourrait-on exiger que 48 assemblées séparées, ivrées à des diversités d'opinions, qui, chez elles-mêmes, rendent très difficile la connaissance de leur vœu, puissent, sans s'entendre et sans se concerter par un travail préliminaire, présenter un travail satisfaisant sur des questions aussi délicates que celles relatives aux subsistances? De quoi donc doivent se plaindre la municipalité et le.département? et pourquoi accumuler tant de questions étrangères? Dans la position des choses, ils ont eux-mêmes recensé les délibérations, ils ont constaté 45 opinions sur le même objet. N'était-il pas ridicule, d'après cela, de s'opposer au travail des commissaires?
Cependant, Messieurs, les commissaires des sections ont obéi aux décisions qui les ont désunis, tout injustes qu'elles étaient; mais nous venons déposer individuellement dans votre sein nos inquiétudes sur les subsistances, et vous découvrir des abus qui sont dignes de vous occuper.
On doit attribuer la rareté des subsistances à la nécessité de fournir des blés à une partie de nos colonies, et plus encore à celle de faire voyager les blés et farines par mer, pour faire passer aux provinces méridionales l'excédant des productions du nord. Tant que lés canaux commencés ne seront pas achevés pour établir les communications intérieures, il sera toujours moins difficile de tirer des blés et des farines de la Barbarie et du commerce du Levant par Marseille, que de faire arriver à Bordeaux, et seulement jusqu'au Havre, les productions alimentaires de ci-devant province de Flandre, de Picardie, etc.
Sous prétexte d'embarquer pour l'Amérique et pour: les provinces méridionales* on transporte notre blé et nos farines à l'étranger. La municipalité de Paris elle-même fait enlever des quantités considérables de grains dans les marchés, et cette précaution est une suite nécessaire, mais meurtrière, de sa persistance à vouloir se mêler du commerce des blés pour l'approvisionnement dé la capitale. On peut, avec ce grand et spécieux motir, s'approprier les produits en grains, de tout un grand royaume, et les revendre au prix qu'on veut. C'est ce qu'a fait l'administration de la ville, qui dispose à son gré du
{>rix des comestibles, et a forcé, par ce moyen, es boulangers de prendre des farines viciées au prix excessif de 4â livres et de 45 livres le sac, ce qui établit, sans doute, la surenchère des farines extérieures, dont le prix du sac, pesant 325 livres, se porte à 54 livres.
Les abus existent encore dans l'intelligence affreuse qui règne entre la municipalité et les agents du pouvoir exécutif. Aussi avez-vous entendu le ministre de l'intérieur, précurseur de
la municipalité, vous dire : nous devons être tranquilles sur les subsistances. Il ne s'agit que de favoriser la circulation dans le royaume du nord au midi, et tout sera en abondance.
Permettez-nous, Messieurs, de nous expliquer sur cette assurance ministérielle.
S'agit-il des subsistances du royaume, sous le rapport de la consommation générale ? Sans doute, il serait par trop ridicule d'annoncer une pénurie réelle après les trois récoltes .dont la providence nous a favorisés depuis la Révolution. S'agit-il, au contraire, d'une famine factice ou méditée par nos ennemis dans la capitale, ou seulement d'un monopole criminel ? c'est ici que la déclaration du ministre est aussi tortueuse que les menées du corps municipal sont suspectes ; c'est ici, Messieurs, qu'il est nécessaire d'approfondir le système combiné du ministre et ae la municipalité, dont elle n'est peut-être pas aussi dupe que le peuple; c'est ici qu'il vous appartient, Messieurs, de sonder la plaie dans toute sa profondeur, et de substituer au charlatanisme qui nous tue, des moyens vraiment cu-ratifs dont le peuple a besoin, et qu'il attend de vous avec la plus grande confiance. S'il est vrai, comme nous aimons à le croire, que la capitale doive être dans une sécurité aussi parfaite que semble l'annoncer la déclaration vague et indéterminée du ministre, pourquoi depuis deux mois le pain, qui était à 8 et 9 sols les 4 livres, s'est-il porté jusqu'à 11 sols?
Loin de nous, Messieurs, la tranquillité meurtrière qui nous endormirait sur des ruines très prochaines. Messieurs, oU la déclaration du ministre est vraie, ou elle est fausse et erronée. Si elle est fausse, pourquoi souffrir que le peuple suive aveuglément et dans une confiance perfide, un chemin qu'il croit sûr et qui pourtant le conduit à la mort. Si la déclaration est vraie, si la capitale est si bien approvisionnée, pourquoi les blés sont-ils si rares dans les marchés ? pourquoi les farines avariées de 1789 et 1790 répandent-elles encore dans nos magasins l'odeur infecte du despotisme qui les a entassées? pourquoi le pain est-il porté a un prix excessif? pourquoi menace-t-on encore d'une hausse prochaine et intolérable aux approches d'une saison rigoureuse? Le ministre croit-il avoir satisfait à la vérité quand il a donné pour motif de la cherté des farines, le défaut d'une circulation intérieure ? Est-ce donc là une excuse légitime et peut-on fournir pour justification la preuve même de son ineptie ou ae son ignorance ? Est-ce au moment où les besoins sont plus pressants et plus difficiles, que la surveillance, jusque-là morte ou engourdie, doit s'éveiller pour sonner partout le tocsin.
Les départements, Messieurs, ne sont pas si ennemis les uns des autres, qu on voudrait bien le dire. Heureusement, les sentiments de fraternité qu'on cherche à éteindre, sont dans le coéur des Français plus forts et plus solides que les petits moyens qu'on emploie pour les étouffer. Si le ministre eût fait afficher, dès le mois d'août, les besoins de nos provinces méridionales, si des états bien avérés eussent été publiés dans les départements du Nord, et si les destinations eussent été bien entendues et bien éclairées, très sûrement nous n'aurions point à répondre aujourd'hui à cette misérable excuse du ministre; mais nous démontrerons bientôt, d'une manière plus satisfaisante, la faiblesse des motifs qu'il a soumis; nous annoncerons les motifs réels de la hausse du prix, si vous permettez
aux commissaires nommés par les sections de travailler et de continuer des recherches que l'on redoute et contre lesquelles on multiplie les embarras et les chicanes. C'est pour décourager les citoyens * c'est pour prévenir l'Assemblée législative contre eux, que la municipalité a lancé en avant le fidèle ministre de l'intérieur. On a supposé que l'Assemblée nationale ne les écouterait plus.
Daignez, en attendant, Messieurs, et c'est à quoi nous concluons, daignez ne pas accorder une confiance trop aveugle à la déclaration du ministre; retenez sous la responsabilité (le cet agent du pouvoir exécutif, l'assurance qu'il vous a donnée pour se charger des subsistances de la capitale, en cas d'erreur ou d'imprudence de sa part; défendez aux administrateurs des subsistances, qui vont quitter leurs postes le 15 de ce mois, ae se soustraire, par leur absence hors du royaume, à la responsabilité de leurs opérations administratives ordonnez-leur de rester en France jusqu'à la reddition et l'apurement de leurs comptes, qui n'ont point été rendus (Apr-plaudissements dans les tribunes)i et que le département aurait dù faire rendre tous les six mois aux termes de la loi ; ordonnez aux officiers municipaux de fournir aux citoyens actifs qui le requerront, tous les renseignements, toutes les pièces que la loi leur assure sur l'administration de leurs affaires, et notamment de leurs subsistances ; et nous nous engagerons, envers l'Assemblée, de revenir bientôt auprès d'elle pour lui remettre le fruit des travaux et des recherches des commissaires des sections.
Ah ! puissions-nous, Messieurs, puissions-nous changer nos inquiétudes en une assurance légitime. Puissions-nous substituer à nos tourments l'amour dont nous aimons à couvrir nos bienfaiteurs.
Chacun de nous, à l'exemple de ses concitoyens, sera toujours prêt à verser son sang pour le maintien de la Constitution et l'observation de la loi, Si nos ennemis ont cherché à vous présenter la capitale comme faible ou factieuse, nos ennemis vous ont trompés. Nous avons toujours des bras et de l'obéissance, de la soumission et de l'énergie, et vous pouvez compter sur tous les sentiments d'un peuple qui n'a jamais changé, et qui, s'il pouvait être encore au-dessus de lui-même, le deviendrait par la confiance qu'il a en vous et dans vos décrets. (Applaudissements.)
(Les membres de la députation, au nombre de 50 environ, remettent chacun leur pétition individuelle. On annonce 500 signatures^
, répondant à la députation. Messieurs, l'Assemblée nationale s'occupe avec sollicitude de l'objet important que vous venez de mettre soiis ses yeux. Elle attend des citoyens de Paris une sagesse toujours égale à leur patriotisme et à leur courage.Elle se fera rendre compte de tout ce qui est relatif aux subsistances. Reposez-vous avec confiance sur ses soins paternels. Ce sont vos législateurs, ce sont vos irères qui demandent cette confiance. L'Assemblée nationale vous invite à sa séance. (Vifs applaudissements.)
Un membre : H y a dans la pétition des sections de Paris deux objets très distincts. D'abord il est question des subsistances; cet objet doit être renvoyé au comité d'agriculture et du commerce. Le second objet est la manière dont les sections pourront émettre leurs vœux d'une manière commune; cela doit être renvoyé au comité de légis-
lation. H en est de même d'une loi pour la res-
Sonsabilité des administrateurs de la commune.
faut donc réunir ces deux derniers objets pour en charger le comité de législation et renvoyer le premier au comité d'agriculture et de commerce.
: (L'Assemblée renvoie la pétition des sections de Paris aux comités réunis d'agriculture et de commerce et de législation.) ,.
J'observe à l'Assemblée que l'on a remis à l'adresse de son Président, de la part de M. Varnier, les papiers ci-joints : lun est intitulé : Délibération de la société ci-après désignée, portée au folio 8 de son registre; un autre est intitulé : Délibération de la société ci-après désignée, et portée au folio 10 de son registre; ensuite il y a deux lettres. Ces papiers ont été remis à un huissier par le concierge de l'Abbaye, où est emprisonne M. Varnier. Les papiers étaient sur lui, et c'est M. Varnier lui-même qui les envoie pour que l'Assemblée en fasse l'usage qu'elle jugera à propos.
Voix diverses : Aux archives! — La lecture! — Le renvoi au comité !
Un membre : Le décret d'accusation étant porté, les pièces doivent être envoyées au tribunal qui connaîtra du délit. (Appuyé! appuyé!)
Je demande que M. le Président remette les pièces à celui ae qui il les tient, parce qu'il ne les a pas d'une manière légale.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Grangeneuve !
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète que les papiers seront renvoyés au sieur Varnier par les mêmes mains qui les ont fait parvenir à M. le Président.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. VIÉNOT-VAUBLANC, VICE-PRÉSIDENT.
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 13 novembre.
Unmembre: Le comité des domaines m'a Chargé de proposer à l'Assemblée de décréter que 6 nouveaux secrétaires-commis seront attachés aux bureaux de ce comité.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de MM. Marion et Cie, de Saint-Malo, qui offrent deux navires doublés en cuivre et de 500 tonneaux, l'un dans le port de Saint-Malo, et l'autre dans celui de Nantes, pour porter dés secours à Saint-Domingue. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait une mention honorable de cette offre dans le procès-verbal.)
donne lecture d'un extrait des registres des délibérations du conseil général de la commune, du conseil d'administration du distnct d'Angoulême et du directoire du département de la Charente, en date des 4, 22, 27 octobre et 8 novembre 1791. Cet extrait est relatif à une difficulté qui s'élève sur l'exécution d'un
arrêté du directoire du département de la Charente pour l'ouverture d'une rue qui doit traverser une maison nationale, ci-devant occupée par des Jacobins, dans la ville d'Angoulême.
(L'Assemblée renvoie cet extrait au comité des domaines.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre du roi touchant le fonds extraordinaire demandé
Îwur les secours envoyés à Saint-Domingue. Cette
ettré est connue en ces termes ;
« Paris, le 14 novembre.
« Je suis informé, monsieur le Président, que sur la demande que le ministre de la marine a faite par mes ordres, et sous sa responsabilité, d'une somme de 10,370,912 livres, pour faire face à la dépense d'un armement extraordinaire
3u'exige la situation désastreuse où se trouve ré-
uite la colonie de Saint-Domingue, l'Assemblée a décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer, attendu la forme inconstitutionnelle dans laquelle elle a été instruite de cet armement.
« Je ne vois aucun article dans la Constitution qui prescrive une forme différente, de celle qui a été suivie dans cette circonstance par le ministre de la marine, et que l'Assemblée constituante a consacrée, en décrétant avant et depuis l'acceptation de la Constitution, toutes les demandes de la même nature présentées par une lettre du ministre, adressée par mon ordre au président. L'Assemblée législative elle-même a suivi cet exemple en accordant, le 8 de ce mois, un fonds de 500,000 livres, en faveur des invalides, sur la seule demande au ministre de la guerre.
« Je ne puis pas dissimuler combien je suis affecté de voir que dans un moment où le salut de l'Empire est en danger, où le meurtre et l'incendie ravagent la plus précieuse de nos colonies, menacent d'une ruine totale les manufactures, le commerce et l'agriculture, l'Assemblée pût se fonder sur une pareille difficulté pour surseoir à délibérer sur un objet d'une aussi haute importance. Les vœux et les inquiétudes des principales villes du royaume, manifestés par leurs adresses, n'annoncent que trop combien il est pressant de porter les remèdes les plus efficaces à un mal aussi grave, dont les suites compromettraient essentiellement la subsistance du peuple qui sera toujours l'objet de ma vigilance et de ma plus vive sollicitude.
« J'espère qu'une considération aussi majeure déterminera l'Assemblée à ne pas différer plus longtemps de décréter les fonds extraordinaires dont j'ai chargé le ministre de la marine de lui faire la demande. »
« Signé LOUIS. » Par le roi : De Bertrand.
Messieurs, puisque les formes constitutionnelles sont maintenant remplies d'une manière incontestable, et que l'Assemblée me paraît suffisamment instruite par les différents rapports qui lui ont été faits jusqu'à ce jour sur les colonies, je demandé que l'Assemblée passe sur-le-champ à la discussion du projet de décret qui lui a été présenté, il y a quelques jours, par es comités de marine et des colonies réunis.
Plusieurs membrès : Appuyé ! appuyé !
Je demande que ce soit mis à 2 heures.
Je ne m'oppose point à ce qu'on suspende à 2 heures ; mais je demande que le rapport soit fait à cette heure-là, pour ne point
nous exposer à de nouveaux retards sur l'affaire des colonies.
Quelques membres demandent l'ordre du jour qui est la discussion du projèt de décret du comité de législation sur les prêtres non assermentés.
Alors je propose la question préalable sur la demande de 1 ordre du jour.
J'observe qu'il existe un décret qui a fixé à l'ordre du jour la question des prêtres et que je dois le faire exécuter.
Un membre : J'observe que l'Assemblée n'est pas encore assez nombreuse pour ouvrir une discussion aussi importante que celle des prêtres non assermentés. Je propose, en conséquence, qu'on s'occupe, en attendant, de celle relative aux colonies.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(Cette proposition est mise aux voix et décrétée.)
, rapporteur des comités de marine et des colonies réunis, n'étant pas présent, l'Assemblée décide que la discussion s'ouvrira dès qu'il sera arrivé. (Voir ci-après, p. 62.)
Un membre : On vous a proposé dernièrement de demander au ministre de la guerre un compte relativement à Varmement des gardes nationales qui sont sur les frontières. Malgré les demandes réitérées des volontaires pour les habillements, armes et équipements, malgré les représentations que j'ai faites au ministre, u paraît que les choses sont encore restées dans l'ancien état. J'ai reçu de ces volontaires deux lettres, l'une de Strasbourg et l'autre deColmar : elles m'annoncent que depuis 15 jours ou 3 semaines que les gardes nationales volontaires y sont arrivés, ils sont sans armes, et même sans l'espérance d'en avoir. On n'a pas encore commencé de les exercer aux évolutions militaires. Je demande que le ministre soit tenu de rendre compte, à l'Assemblée, des mesures qu'il aura prises pour leur en faire parvenir et sur les réponses qu'il a dû recevoir concernant l'équipement et l'armement des gardes nationales. (Appuyé! appuyé!)
Un membre.: Comme, il est inutile d'occuper l'Assemblée des détails d'une correspondance particulière, je demande que le préopinant déclare si les lettres qu'il a reçues sont des lettres officielles, et que, dans le cas .contraire, l'Assemblée passe à 1 ordre du jour..
Je sais certainement, par une lettre que j'ai reçue de Strasbourg, que les gardes nationales ont actuellement reçue la majeure partie de leurs armes, et qu'ils recevront le reste incessamment. Je demande, en conséquence, qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un membre, au nom du comité d'inspection, fait un rapport à la suite duquel l'Assemblée a rendu le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport du comité d'inspection, décrète que le Directeur de l'Imprimerie royale fera parvenir au sieur Baudouin le nombre nécessaire d'exemplaires in-4° de toutes les lois sanctionnées, proclamations, règlements et autres pièces d'administration venant des presses de l'imprimerie royale, pour être distribués à tous les membres de l'Assemblée, à leur domicile. »
Il y a bientôt trois semaines qu'un rapport de l'instruction publique
est à l'ordre du jour; il ne vous occupera pas plus de cinq minutes. La discussion ne durera pas davantage. Ainsi je demande que l'Assemblée veuille bien m'entenare, ce rapport est relatif à la réclamation des artistes, sur un article du décret rendu par l'Assemblée constituante, au mois de septembre dernier, concernant les encouragements dus aux arts.
(L'Assemblée décide que M. Quatremère-Quincy sera entendu.
, au nom du comité de VInstruction publique (i). L'Assemblée nationale a, par son décret du 19 octobre, renvoyé à son comité d'instruction publique pour lui présenter un rapport sur le fond de la pétition des artistes non académiciens qui ont exposé leurs ouvrages au salon du Louvre.
Quatre autres pétitions, la première des mêmes artistes, venue depuis à l'appui de la première; la seconde des membres composant 1 académie royale de peinture et de sculpture ; la troisième de M. Restoret; et la dernière de M. Nivard, au nom des membres de l'académie des peintres de paysage, marine, etc., ont été de même renvoyées a votre comité.
Je ne vous représenterai pas, Messieurs, qu'il est urgent de prononcer sur l'objet principal de toutes ces pétitions. Vous vous rappelez, sans doute, que le désir de vous faire éclairer sur votre décision vous détermina à prolonger le terme de l'exposition des tableaux. Elle le trouve. Cependant cette prorogation que la rigueur de la saison rend inutile à la jouissance publique, a de plus le triple inconvénient d'user l'intérêt et la curiosité en apportant de la satiété dans cette sorte de jouissance, d'éloigner beaucoup trop une dispensation d'ouvrages après laquelle il est permis de croire que les artistes doivent sou-
eirer, et de priver enfin plusieurs d'entre eux du
ienfait de ce concours par l'impossibilité où ils seraient d'y laisser plus longtemps des ouvrages revendiques par ceux qui en sont les propriétaires.
Ces considérations et plusieurs autres ont commandé à votre comité le prompt et court rapport qu'il m'a chargé de vous faire.
L'Assemblée nationale,constituante après avoir, par son décret du 21 août 1791 sur la liberté d'exposition publique au salon du Louvre, appelé à une égalité de droits naturels des hommes parmi lesquels le talent doit seul avoir la puissance de créer des distinctions, voulut encore, par son décret du 17 septembre, les appeler tous, sans autre privilège que celui du talent, à un partage commun des bienfaits nationaux.
Jusque-là l'encouragement des arts avait été mis au rang des prérogatives de la Couronne;
sa répartition, au nombre des pouvoirs ministériels, et la prétention à cette faveur était
demeurée le patrimoine de cette jurande royale connue sous le nomd' « Académie de peinture ».
L'Assemblée nationale constituante sentit que si quelque chose avait besoin d'être purifié
dans sa source et an-nobli dans sa fin comme dans ses moyens, c'était surtout ce genre de
bienfaisance envers des arts dont la délicatesse s'effraye de l'idée seule d'un bienfait, et
qui, lors même qu'ils voudraient un appui, repousseraient la main malhabilement protectrice
qui leur ferait avouer le secret de leur besoin. Elle comprit que ce n'était plus dans les
antichambres des ministres qu'il fallait ré-
Elle voulut que, substituée à la bienfaisance du roi, la munificence nationale associât les arts du génie aux hautes conceptions et aux grandes destinées d'un peuple libre ; que cet encouragement, dégagé des formes serviles qui en rabaissaient la valeur, devînt le prix d'une lutte honorable et libre entre tous les talents, et que l'acquittement de la dette de la nation envers le génie que l'homme déguise sous les formes d'un concours public s'embellît encore de toutes celles de la victoire.
Mais il résultait de là que, régénéré dans son principe, amélioré dans les moyens et rectifié dans les conséquences, l'encouragement des arts ne pourrait plus être le patrimoine d'une classe privilégiée, qu'il ne pourrait plus dépendre de la volonté du choix arbitraire d'un seul, et que l'idée d'une faveur nationale provoquait la nécessité d'un jugement libre.
L'Assemblee nationale constituante renferma tous ces principes et toutes ces conséquences dans la loi du 17 septembre; mais l'empressement qu'elle mît à faire ce bien ne lui permit peut-être pas de le bien faire.
Cette dispensation d'encouragement, la première qui porte les caractères de la liberte, et par rapport aux concurrents, et par .rapport aux luges, devait éprouver dans son exécution toutes les difficultés que présente toute institution nouvelle greffée subitement sur d'anciennes, habitudes.'. . . ■ . . . r::,,;.,- y-'S
Votre comité ne vous présentera, dans ce. moment, aucune de ses vues sur les moyens d'améliorer l'institution des encouragements publics, de les lier par une sorte de solennité à un système général d'instruction et surtout d'en tirer un double avantage en faisant servir à l'encour ragement le mode même de sa répartition. Ces considérations feront une des parties du travail dont vous l'avez chargé.
Mais votre comité vous doit le développement des causes qui ont. excité entre les artistes académiciens et ceux qui ne le sont pas, le débat soumis à votre jugement.
Voici l'article de la loi qui y a donné lieu :
« Pour cette année seulement, et sans préjuger ce qui sera déterminé à l'avenir, les travaux ci-dessus ordonnés seront distribués, par les membres de l'Académie de peinturé et sculpture, deux membres de l'Académie des sciences, deux membres de l'Académie des belles-lettres et vingt artistes non académiciens, lesquels seront choisis par les artistes qui ont exposé leurs ouvrages au selon du Louvre. »
Il est évident que cette disposition n'annonce qu'un commencement de justice et d'égalité et que la loi qui n'avait pu mettre de prédilection dans une répartition nationale, que la loi qui n'avait pu, avant le concours, préjuger dans quelle classe d'artistes se trouverait la prééminence des talents, a cependant, en conférant le droit de répartir l'encouragement à l'Académie entière, c'est-à-dire à 150 contre 20,-a véritablement laissé à cette corporation le privilège dont elle avait toujours joui jusqu'alors.
Vainement, cette disposition pour ceux qui n'en comprendraient pas les conséquences, présente-t-elle l'Académie de peinture et les adjoints comme un tribunal aussi important par le nombre que par l'élite de ses juges ! Certainement, quelle que puisse être la diversité des opinions sur la nature de ce tribunal, il est à croire qu'il n'eût pas trouvé de récusant, si ses membres eussent pu cesser d'être tout a la fois partie dans le procès et juges dans leur propre cause. Tel est surtout l'inconvénient du mode provisoire décrété par l'Assemblée nationale constituante et qui consiste à admettre comme juges des prix d'encouragement, ceux-là mêmes qui ont le droit d'y prétendre.
Mais vous sentirez encore plus, d'après cela, Messieurs, combien ce droit de jugèr conféré a tous les membres de l'Académie,, qui sont au nombre de 150, doit donner d'inquiétude à tous les artistes non académiciens, qui deviendraient
Î>ar là, non les rivaux, mais les justiciables de eurs adversaires.
Il est sans doute permis de croire que là où il existe deux classes d'artistes distinctes dans l'opinion, divisées par les prétentions, il doit y avoir aussi disparité de sentiments et division d'intérêt, et sans douté aussi l'expérience du passé, dans un bien autre ordre de choses, nous permet, sans calomnier l'avenir, de prévoir de la partialité, là surtout où l'esprit de corps a pu produire l'esprit de parti.
Il est donc encore permis de croire qu'en ne consultant que les données trop probables des passions humaines, l'Académie,par la prodigieuse prépondérance de ses voix, redeviendrait "adjudicataire exclusif dés encouragements, et qu'une seule clause de la loi, si elle pouvait être exécutée dans sa rigueur, frusterait par le fait les artistes non académiciens, du bienfait que la loi a voulu leur accorder.
Ce n'est pas ici le cas, et ce n'est pas à nous d'examiner de quel côté est la pluralité des talents, de peser les mérites de chaque classe d'artistes, d'apprécier leurs droits respectifs; tout jugement actuel sur cet objet serait un préjugement de la question, et tout préjugement serait une injustice.
L'Académie royale de peinture s'est livrée dans son adresse à ce jugement anticipé, mais elle ne s'est "point flattée d'égarer votre opinion.
Que la voix publique ait déjà prononcé, cela se peut; mais cette voix publique à laquelle il appartient de proclamer les talents et de créer les réputations, ne saurait décerner des prix, qu'en passant par l'organe d'un jugement légal; et ce jugement ne' peut être revêtu d'une sanction legale, en pareille matière, qu'en s'entourant de toutes les précautions qui peuvent en garantir l'impartialité : et comment acquérir cette impartialité, entre deux classes juges et rivales 1 une de l'autre, si ce n'est en leur donnant un droit égal de suffrage ?
Quant à la délicate modestie de l'Académie, qui craint aujourd'hui de voter dans sa propre cause, qui craint de couronner sa victoire lorsqu'elle ne craint pas de la proclamer et qui ne s effraye du droit que la loi lui avait donné, que lorsqu elle se croît menacée de le partager avec ses rivaux, votre comité ne se charge pas d'interpréter cette tardive abrogation ; mais voici ce qu il croit que vous pouvez lui dire :
Ce n'est point aux artistes en particulier, c'est aux arts en général, que la nation décerne des encouragements. Tant que de nouvelles institu-
tions n'auront pas réglé et gradué le mode important de l'émulation et de l'instruction publique, il importe à la nation que la répartition actuelle, soit tout ce qu'elle peut être, c'est-à-dire judicieuse et impartiale.
Pour qu'elle soit judicieuse, il faut que les hommes à talent y concourent.
Pour qu'elle soit impartiale, il faut que les différents intérêts soient contrebalancés avec justesse.
Puisque la loi a voulu que lés concurrents fussent juges, et puisque l état des choses ne permet presque pas de trouver des juges hors des prétendants, vous ne pouvez renoncer au droit de juge qu'en abdiquant celui de concurrent.
Mais l'intérêt des arts et celui de la justice s'opposent à ce que vous renonciez à l un et qu on vous prive de l'autre.
Votre comité a pensé, Messieurs, qu'il serait impossible, pour le présent, de proposer un autre mode de jugement tout imparfait que soit celui-ci.
Un temps viendra, sans doute, où les artistes ne seront classés que par leur génie, et où le public ne connaîtra dans ce genre que les parallèles du talent/
Pour l'instant, la véritable question se réduit à la conciliation de deux intérêts trop distincts-pour n'être pas opposés. C'est cet équilibré à leur donner que votre comité vous propose d'opérer par un nombre égal de juges, choisis dans chaque classe, et par chaque classe d'artistes. Cette disposition aura de plus l'avantage de ne déroger presque point à la loi de l'Académie, et d en être a peine une interprétation, puisque l'Académie pourrait en se résignant d'elle-même sous ce niveau de la justice, exécuter la loi, par une délégation à quelques-uns de ses membres, comme par leur totalité.
Votre comité a pensé, en outré que pour prévenir et résoudre toutes les difficultés d'execu-tron que ce mode provisoire de répartition serait dans le cas de faire naître cette année, il conviendrait de la soumettre à la surveillance immédiate du directoire du département..
Voici, en conséquence, le projet de décret qu'il vous propose :
« L Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'instruction publique sur les réclamations des artistes qui ont exposé leurs ouvrages au salon du Louvre, et après avoir entendu le décret d'urgence, attendu l'instante nécessité de la répartition des encouragements, décrète ce qui suit :
« Article premier. En interprétation de l'article 3 de la loi du 17 septembre, concernant les encouragements à donner aux arts de peinture, sculpture et gravure, l'Académie de peinture, etc., élira parmi ses membres un nombre de 20 juges, pour, avec les 20 autres juges choisis par les artistes non académiciens qui ont exposé cette année, et les quatre juges nommés par les académies des sciences et des belles-lettres, concourir à la distribution des travaux d'encouragement.
« Art. 2. Le directoire du département sera autorisé à prononcer définitivement sur toutes les difficultés d'exécution auxquelles pourrait donner lieu le mode de répartition provisoire, qui se fera sous son inspection immédiate.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Un membre combat ce projet de décret qu'il trouve humiliant, pour une association distin-
guée par les plus grands talents, et qui ne mérite pas qu'on la soupçonne de s'approprier ce qui ne lui sera point dû.
Un membre : L'ajournement à mercredi!
(L'Assemblée ajourné la discussion à mercredi prochain.) ■ '
La parole èst à M. le rapporteur des comités de marine et colonial réunis.
, au nom des comités de marine et colonial réunis (1), donne lecture de là nouvelle rédaction du projet de décret sur les dépenses extraordinaires exigées par Venvoi de secours à Saint-Domingue, projet de décret qui avait été renvoyé aux comités le 9 novembre, en raison de la forme inconstitutionnelle dans laquelle il était présenté. Il est ainsi conçu :
« L Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités des colonies et de marine, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera fait, sur la proposition du pouvoir exécutif et conformément à la demande au ministre de la marine, en date du 8 novembre 1791, un fonds extraordinaire de 10,370,9121ivres pour les dépenses extraordinaires qu'exige l'expédition du secours à envoyer _ à Saint-Domingue;
Savoir :
« Pour les frais à faire annuellement. dans les colonies. . . . . . . . . 3,640,740 liv.
« Pour transport des troupes et achats de meubles. . . ...891,100 800,000
« Munitions de guerre et vivres
« Fonds pour remplacer les frais de perception aes droits nationaux. . ... . . . . .3,000,000
« Entretien de 2 vaisseaux de 74 canons, 3 frégates et 5 flûtes pendant un an. . . . . . . .2,039,072 Total.
Total 10,370,912 liv.
« Art. 2. Sur le fonds extraordinaire de 10,370,912 livres, il sera mis, sans délai, à la disposition du ministre de la marine, 3,456,970 1. 13 s. 4 d., tiers de la totalité qu'il faut accorder, le reste montant à 6,913,9411. 7 s. 8 d., devant également être mis à sa disposition au commencement de chaque mois à raison du douzième, à compter du Ie* décembre prochain jusques et y compris le 1er novembre 1792.
« Art. 3. Ces diverses sommes ne sont que provisoirement accordées, et sans entendre rien préjuger sur la distribution des fonds pour le département de la marine, qui sera tenu, pour la totalité, de se conformer aux formes prescrites par les lois pour la reddition des comptes. »
Un membre : Le projet de décret dont on vient de nous faire lecture, a-t-il été imprimé et distribué conformément au décret rendu par l'Assemblée la semaine dernière?
, rapporteur : Non ! mais c'est pour la seconde fois qu il vous est lu.
Plusieurs membres demandent l'impression et l'ajournement jusqu'après la distribution.
, rapporteur. C'est la deuxième fois que ce projet de décret vous est présenté; car vous ne
l'avez rejeté, il y a quelques jours, que parce qu'il n'était pas demandé dans les formes
En ordonnant par un décret que les projets gui vous seront présentés par vos comités seront imprimés et distribués au moins la veille, vous n avez entendu parler que de ceux dont vous n'auriez pas connaissance; mais celui-ci vous a déjà été lu, ainsi vous avez pu le méditer. Je demande que l'Assemblée décrète au moins le premier article purement, et simplement sans entrer dans aucun détail, parce que le ministre vous rendra compte de l'emploi aes fonds qui seront accordés pour les colonies.
Un membre ; J'appuie les observations de M. Delacroix; mais j'ajoute qu'il importe quëles troupes qui seront envoyées dans les colonies soient composées seulement de gardés nationaux. De toutes parts ils se sont offerts pour cette expédition. Si on souffre que le ministre seul en dispose, il y enverra des troupes qui sont nécessaires dans l'intérieur du royaume; ce serait une perfidie du ministre, et il y aurait du danger à s y exposer. Dans le cas où cette proposition ne serait pas adoptée, je demande au moins que la garde nationale y soit envoyée" en nombre égal' aux troupes de ligne. (Murmures.) Messieurs, il est inutile de feindre. Vous avez, de la part du ministre de la guerre, avec l'extérieur séduisant de la bonne foi, des actes toujours renouvelés de perfidie. Ainsi, Messieurs, ne vous laissez pas abuser... (Bah! bah!)
, rapporteur. Je ne crois pas qu'il convienne à I Assemblée de déterminer la nature des troupes à envoyer aux colonies, parce que cette disposition soustrairait les ministres à la responsabilité prononcée contre eux. Je demande la question prealable sur cette proposition.
Relativement à la proposition de M. Delacroix, je crois qu'il convient que l'Assemblée nationale fixe quelle est la somme qu'elle donnera au ministre. Il vous demande 10 millions, qui doivent être employés dans le cours d'une année ; il est très inutile de la mettre à sa disposition actuellement, et par conséquent de grever le Trésor public de l'émission actuelle d'une somme de 10 millions.
Il suffit, Messieurs, de mettre à la disposition du ministre le tiers de cette somme, qui est essentiellement nécessaire pour les premières dispositions à faire; le reste doit lui être distribué de mois en mois, ainsi que votre comité vous le propose. De cette manière le Trésor sera déchargé; au surplus, j'ai l'honneur de vous observer que les bases de ce projet de décret ont été calquées sur les trois articles d'un projet de décret rendu par le Corps constituant dans une circonstance semblable à celle-ci.
fils. Je n'ai pas médité le projet du comité, et beaucoup de membres sont dans le même cas; je demande l'ajournement à 24 heures.
Il s'agit de sauver une partie de l'Empire, et nous délibérons ! Je demande la question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande d'ajournement.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion l
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : Le décret d'urgence !
D'autres membres ; Il n'est pas nécessaire!
S'il n'est pas nécessaire, il ne nuira pas. Dans le doute, il faut décréter l'uç-gence.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a urgence.)
, rapporteurï donne lecture de l'article 1er du projet de décret, il est ainsi conçu :
« Il sera fait, sur la proposition du pouvoir exécutif et conformément à la demande du ministre de la marine, en date du 8 novembre 1791, un fonds extraordinaire de 10,370,912 livres, pour lès dépenses extraordinaires qu'exige l'expédition du secours à envoyer à Saint-Domingue ;
. « Savoir :
« Pour les frais à faire annuellement dans les colonies...... ; 3,640,740 liv.
« Pour transport de troupes et achats de meubles............. 891,100
«: Munitions de guerre et vivres.......................... 800,000
Fonds pour remplacer les frais de perception des droits nationaux...............................3,000,000
« Entretien de 2 vaisseaux.de 74 canons, 3 frégates et 5 flûtes par an........................ 2,039,072
Total..... 10,370,912
Je demande qu'au lieu de mettré : « Sur la proposition du pouvoir exécutif, on mette : « Sur la proposition au roi, contresignée par le ministre ae la marine. »
(de sa place). Je demande, par amendement à l'article 1er, qtie les secours qui seront accordés spécialement pour les colonies, soient, dans un temps plus heureux, réimposés sur les colonies. Il est indécent que le laboureur et le cultivateur, que le peuple, en un mot, souffre des dépenses excessives dont il ne profite en rien... (murmures.)
Plusieurs membres La question préalable !
, monte à la tribune et continue. Sans entrer dans les motifs qui me font refuser ou accorder le silence, j'observe que les richesses qui vous sont demandées par le ministre sont spécialement accordées pour les colonies, que personne autre que les colons n'en ressentent les avantages, et que c'est sur les colonies que cette somme doit être - imposée. (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : Allez à l'école !
Sans doute, si quelqu'un jouit des avantages prétendus que l'on tire des colonies, ce sont les classes privilégiées, c'est le commerce, ce sont les hommes riches... (Murmures dans VAssemblée. — Vifs applaudissements dans les tribunes).
Un membre : Il faut être bien ignorant pour tenir de pareils propos dans l'Assemblée.
Je demande que vous rappeliez à l'ordre, Monsieur, qui se permet des particularités.
Je dis que l'èsprit commercial, si oh l'écoutait, perdrait la patrie. Pour être libre, il ne faut point etre riche... (Murmures.)
Un membre .- Le préopinant sort de la question.
Je suis dans la question. Je dis, Messieurs, qué ces dépenses doivent être supportées par les colonies dont on a fait un royaume a part et l'on sait pourquoi.
L'on cite la métropole en faveur des colonies; mais, Messieurs, les colonies n'y tiennent pas du ■tout; elles ont un régime différent; elles proposent leurs lois, elles ne tiennent nullement aux nôtres, elles peuvent les refuser. En conséquence, Messieurs, nous mangeons la substancé du peuple, du laboureur, du pauvre, qui ne prennent ni café ni sucre. (Vifs applaudissements dans les tribunes. —Murmures prolongés dans l'Assemblée.)
Je demande que l'Assemblée ajoute au projet de décret que les 1D millions et tant de 100,000 livres, dont On gratifie lés ministres, soient réimposés sur les colonies.
et plusieurs autres membres se lèvent et proposent la question préalable.
Un membre : line faut mettre ni la question préalable ni l'ordre du jour sur cette motion. Il faut laisser à M. Merlin seul la honte de l'avoir faite.
est à là tribune.
Un grand nombre de membres : La question préalable !
D'autres membres s'adressant à M. Tarbé Ne* lui faites pas l'honneur de lui répondre.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
Je demande sur quel amendement on veut que la discussion soit fermée. Il a été propos^ d'autres amendements que le dernier : c'est sur ceux-là que je veux parler. Quant à l'amendement de M. Merlin, je croirais faire injure à l'Assemblée... (Applaudissements.) de penser qu'une opinion aussi extravagante pût obtenir le moindre crédit dans une assemblée des représentants de la nation. (Vifs applaudissements.)
Je rappelle aux membres de l'Assemblée que les applaudissements leur sont interdits;
Je demande que M. Tarbé soit rappelé à l'ordre.
Je n'examinerai pas cet amendement que je ne me donnerai pas la peine de combattre, parce que je suis persuadé d'avance que la question préalable en fera justice. (Applaudissements.)
C'est sur la proposition de M. Delacroix, qui me paraît susceptible d'examen, que je demande la parole. Il propose à l'Assemblée ae décréter purement et simplement le premier article du projet du comité, sans entrer dans le détail dé l'emploi des fonds extraordinaires accordés aux colonies. Je ne doute pas que M. Delacroix ne vous ait fait son observation dans des vues de bien public; mais, je crois en même temps, Messieurs, que si on adoptait sa proposition, il en résulterait que de cette somme de 10,370,000 livres, le ministre pourrait faire un usage quelconque, autre que celui désigné dans sa lettre, et que celui que l'Assemblée nationale croit convenable pour opérer le salut des colonies. Je pense donc que, puisque les 10 millions sont destinés à subvenir à telle pu telle dépense, il est nécessaire que votre décret en fasse mention, afin que dans le cas où le ministre n'aurait pas fait ae ces fonds l'usage déterminé, vous ayez des bases réelles de responsabilité.. J'ajoute que vos comités ont suivi, en cela, la même marche que l'Assemblée constituante dans des occasions
semblables. Je conclus à l'adoption des projéts des comités.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande que le décret ne contienne qu'un seul article, et voici la rédaction que je propose :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu lè rapport de son comité des colonies et de marine, et délibérant sur la proposition du roi, portée en sa lettre du 14 novembre 1791, contresignée par le ministre de la marine, et après avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale accorde la somme de 10,370,912 livres demandée par le roi pour les secours à porter à Saint-Domingue,'pour l'expédition qu'il a ordonnée afin d'y rétablir l'ordre, sur laquelle somme, gui sera supportée par les fonds destinés aux dépenses extraordinaires, il sera mis sans délai à la disposition du ministre de la marine, celle de 3,456,970 1. 13 s. 4 d., et le surplus au commencement de chaque mois, à raison d'un douzième, à partir du 1er décembre prochain, de l'emploi de laquelle somme le ministre rendra compte sous sa responsabilité à l'Assemblée nationale. »
Plusieurs membres : La priorité pour le projet du comité!
(L'Assemblée, consultée, rejette la priorité pour le projet du comité, et l'accorde à celui de m. Delacroix.)
Un membre \eut lire une autre rédaction.
Ma proposition a la priorité, on ne peut pas en proposer une autre.
Un membre : Je demande que l'amendement de M. Merlin soit mis aux voix.
Je vais d'abord mettre aux voix la proposition de M. Delacroix.
(L'Assemblée décrète la proposition de M, Delacroix sauf rédaction.)
Je mets maintenant aux voix l'amendement de M. Merlin, qui tend à réimposer sur les colonies la somme qui vient d'être décrétée.
Un grand nombre de membres: La question préalable !
Un membre: Je demande à combattre la question préalable !
Un grand nombre de membres : Non! non! Fermez la discussion!
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète
Su'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement
e M. Merlin.)
(M. Merlin est le seul des, membres de l'Assemblée qui se soit levé contre.)
Il y a un autre amendement. Il tend à faire composer les troupes gue l'on enverra dans les colonies, d'une moitié de soldats de l'armée de ligne et d'une autre moitié de gardes nationaux.
Un membre: Je voudrais que ce ne fût là que l'objet d'une invitation au pouvoir exécutif.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblé décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la rédaction de M. Delacroix.
Je propose de supprimer les mots : « sous sa responsabilité ». Mettre ces mots dans un décret c'est s'engager à le faire dans tous; or»
je rappelle que la responsabilité des ministres, d'après l'acte constitutionnel, est un fait préalable Je demande donc le retranchement des mots : « sous sa responsabilité. »> (L'Assemblée adopte la motion de M. Ducos.) Suit la rédaction ae ce décret telle qu'elle a été adoptée lors de la lecturte du procès-verbal:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité colonial, et délibérant sur la proposition du roi portée en sa lettre du 14. novembre 1791, et contresignée par le ministre de la marine, et après avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale accorde la somme de 10,370,912 livres, demandée par le roi, pour les secours à porter à Saint-Domingue, pour l'expédition qu'il a ordonnée afin d'y rétablirl'or-dre; sur laquelle somme, qui sera supportée par les fonds destinés aux dépenses extraordinaires, il sera mis, sans délai, à la disposition du ministre de la marine, celle de 3,456,970 1. 13 s. 4 d. et le surplus, au commencement de chaque mois, à raison d'un douzième, à partir du 1er décembre prochain, de l'emploi de laquelle somme le ministre rendra compte à l'Assemblée nationale. »
Je demande à faire une motion d'ordre ; elle porte sur l'exécution d'une loi qui autorise le Corps législatif à appeler auprès de lui ceux de ses membres qui ne se seraient pas encore rendus à leurs devoirs. L'Assemblée nationale n'a pas constaté au commencement de ce mois le nombre de ses membres. Un article dé la Constitution me semble l'inviter à cette mesure... Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de législation sur les mesures à prendre pour réprimer les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.
Un membre} au nom du comité de législation (1). Une indisposition survenue à M. Veineu, rapporteur du comité de législation, l'empêche de continuer aujourd'hui son rapport. Je suis chargé de vous présenter le projet de décret suivant, sur les troubles qui ont lieu dans quelques départements sous prétexte de religion. Je m'acquitterai de cette mission en qualité de son suppléant. Je n'entrerai pas, de nouveau, dans les détails des motifs qui ont déterminé votre comité à vous présenter son projet de décret, motifs qui sont expliqués dansle rapport qui vous a été distribué.
Je me bornerai donc, Messieurs, à vous faire la lecture du projet de décret de votre comité : « L'Assemblée nationale, instruite que dans plusieurs départements du royaume, les ennemis du bien public, sous prétexte ae religion, excitent des troubles et fomentent des séditions, décrète ce qui suit :
« Art. ler. A compter du 1" janvier prochain, tout Français,
résidant dans le royaume, qui jouit de traitement ou pension sur le Trésor public , ne pourra
en être payé, sous aucun prétexte, s'il ne justifie, par un certificat de la municipalité de
son domicile, et visé par le directoire du district. qu'il a prêté le serment civique porté
en l'article 5 du titre II de la Constitution du royaume. Les trésoriers-receveurs ou gageurs
seront personnellement garants et responsables des payements faits contre la teneur du
présent décret.
Vautres membres : Attendez que la lecture soit achevée!
M. le rapporteur continuant la lecture :
« Art. 2. Afin de concilier avec la liberté des opinions religieuses les précautions nécessaires pour empêcher que leur manifestation ne serve ae prétexte à des troubles contre l'ordre public, aucun ministre d'un culte ne pourra s'immiscer dans l'exercice public ou prédication de ce culte, s'il n'a prêté le serment civique, porté en l'article 3 du titre 2 de la Constitution du royaume.
« Art. 3. Les officiers municipaux veilleront à ce qu'il ne se passe, dans les assemblées gui auront lieu pour la célébration d'un culte, rien de contraire au bon ordre ou à la loi. En cas de trouble, les coupables seront, par eux, punis ou dénoncés aux tribunaux, suivant l'exigence des cas.
« Art. 4. Il est expressément défendu aux citoyens ainsi rassemblés de s'occuper de toute autre chose que de l'exercice de leur culte, et dans le cas où ils prendraient des délibérations sur des objets civils et politiques, tous ceux qui y auraient concouru seront condamnés, par forme de police, à une amende du double de leur contribution foncière et mobilière, laquelle amende sera doublée en cas de récidive. (Murmures.)
« Art. 5. Toute personne qui, sous prétexte de religion, distribuera ou publiera des écrits qui provoqueront à la révolte contré les lois, sera punie d'un an de détention. (Murmures prolongés.)
« Art. 6. Si, par suite desdites provocations, il est survenu des séditions, meurtres et pillages, les coupables seront, en outre, punis des peines prononcées par le Code pénal, ou par celui de la police correctionnelle. (Murmures prolongés.)
« Art. 7. Le ministre de la justice se fera rendre compte tous les mois, par les accusateurs publics auprès des tribunaux, des dénonciations qui leur auront été faites, des poursuites auxquelles ces dénonciations auront donné lieu, et des jugements intervenus ; il en rendra compte à l'Assemblée nationale tous les 3 mois, et plus tôt si le cas y échet. (Murmures.)
« Art. 8. Il sera incessamment fait une loi pour régler la manière de constater les actes de naissance, mariage et sépulture.
« Art. 9. Le ministre de la guerre rendra compte, dans le délai de 15 jours, des démarches qu'il a faites pour hâter l'organisation de la gendarmerie nationale dans tous les départements ; et il proposera au Corps législatif, s'il y a lieu, d'après l'avis des corps administratifs, une augmentation dans le nombre des brigades, partout où il en sera besoin. »
Plusieurs membres : La question préalable sur le projet du comité! (Bruit.)
On demande la question préalable sur le projet du comité.
Plusieurs membres : Oui ! oui ! La question préalable!
Je demande la parole pour une motion d'ordre qui s'explique en deux mots. Un projet de décret avait été arrêté dans le comité de Iégistation,et ce n'est pas sans étonnement qu'en lisant le projet imprimé, je n'ai retrouvé de celui arrêté que le premier article. Je demande à l'Assemblée qu'elle fixe une base invariable : c'est de savoir si, lorsqu'un comité a pris une déter-
mination, si lorsque le lendemain matin, en relisant le travail ae la veille, il Taconfirmé, on peut ensuite changer le projet du comité. Non, ce projet ne contient rien des idées qui avaient été fixées par le comité, et j'ose dire qu'il contrarie tous les principes qui avaient fixé principalement l'attention du comité de législation. (Ah! ah! —Applaudissements.). Je connais la cause de la maladie du rapporteur; il était impossible qu'il parût à l'Assemblée pour présenter un projet absolument contraire aux principes qui avaient été les bases de son rapport. Je demande la question préalable sur le projet du comité. (Applaudissements .)
Un membre : Pour qu'on ne puisse inculper le patriotisme de l'Assemmée, je demande, Monsieur le Président, que vous mettiez sur-le-champ aux voix la question préalable qui est appuyée.
M. le rapporteur. Il est très vrai que le comité de législation avait arrêté un autre projet, qui était différent de celui que je viens de vous lire ; M. le préopinant y était present ; mais il n'était pas là hier, lorsque de nouvelles raisons ont engagé le comité à le revoir et le retoucher. (Murmures prolongés.) Si M. Thuriot avait été présent à la séance d'hier au soir, qui dura depuis 6 heures jusqu'à 11, il aurait été témoin des modifications faites au décret, qui, au reste, a passé contre mon opinion.
Plusieurs membres : La question préalable !
M. Bigot de Préameneu, membre du comité de législation, demande la parole. Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut l'entendre.
(L'Assemblée décide que M. Bigot de Préameneu sera entendu.)
Permettez-moi d'exposer à l'Assemblée les faits tels qu'ils se sont passés...
Plusieurs membres : Le projet ne vaut rien!
Je dois obéir à l'Assemblée ; elle a décidé que M. l'opinant serait entendu et je lui conserverai la parole.
Vous aviez ordonné à votre comité de législation de vous faire un rapport, samedi, sur les prêtres séditieux. Nous avons travaillé tous les jours jusqu'à dix heures du soir. Vendredi, à une heure après minuit, examinant de nouveau le projet qui était alors rédigé et qui vous a été lu, fl ne parut pas remplir entièrement les vues du comité, et nous le rejetâmes. Ainsi nous n'avions, vendredi soir, à une heure après minuit, aucune base de travail. 11 est vrai que le préopinant se retira avec trois autres personnes dans une chambre à côté. A deux heures après-midi, alors qu'il restait peut-être cinq membres dans le comité, ou au plus six, M. le rapporteur nous lut le projet de décret qu'il vient de vous présenter. Ne sachant quel parti prendre, on adopta ce projet-là, que je trouve très mauvais aussi. (Rires et applaudissements.)
Hier au soir votre comité de législation s'assembla de nouveau. Nous étions trente, et une délibération de trente membres a évidemment plus de poids qu'une délibération de cinq mem-nres. On a cherché s'il était possible enfin de vous présenter un travail digne de l'Assemblée et qui fut capable de réprimer les désordres. On discuta. Vous pouvez penser ce que c'est qu'une discussion entre trente personnes. Nous posâmes quelques bases, mais nous n'étions pas d'accord. Je vous déclare, en mon nom particulier, que je
rejette entièrement le projet qui vous est présenté. Mais puisqu'il faut le dire pour notre justification, vous devez, Messieurs, en partie, vous imputer cet inconvénient-là : je vais vous l'expliquer. Il ne faudrait jamais demander à un comité, un rapport à jour fixe. (Murmures.) 11 faudrait lui ordonner de s'occuper sur-le-champ d'un objet jusqu'à ce qu'il fût prêt. Vous voyez combien il est malheureux de fixer un iour. Le comité vient de vous présenter un travail qui n'était point encore assez mûr ni assez réfléchi.
Plusieurs membres : La question préalable sur le projet du comité!
On ne peut pas demander la question préalable sur le projet de décret puisqu'il n'est pas appuyé. Je demande le renvoi pur et simple au comité.
Je demande la division de la question préalable.
(La motion de M. Gérardin n'est pas appuyée.)
;-Je mets aux voix la question préalable sur le projet du comité.
(L'Assemblée décide à une très grande majorité qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet du. comité. (Vifs applaudissements.)
Le comité de législation reste toujours chargé de vous présenter un projet.
Puisque cette matière est encore neuve après quinze jours de discussion, je demande à proposer des mesures nouvelles. (Quelques murmures.)
Plusieurs membres demandent le renvoi immédiat de la question au comité de législation.
D'autres membres : La question préalable sur la demande de renvoi !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de renvoi et que M. Isnard sera entendu.)
(1). Messieurs, les ministres de Dieu troublent le repos de la patrie ; pouvons-nous,, devons-nous faire une loi particulière pour remédier à ces maux? Et quelle doit être cette loi? Voilà les données de la question.
Beaucoup de bons esprits pensëht que nous ne devons pas faire des lois sur cet objet, et voici leur argument présenté dans toute sa force;
De deux choses l'une, disent-ils: ou le prêtre est hérésiarque, ou il est perturbateur ; s'il n'est qu'hérésiarque, vous ne devez point faire des lois contre lui, puisque la liberté des cultes et des opinions est décrétée; s'il ést perturbateur, il existe déjà sur cet objet des lois Communes à tous les citoyens; Vous n'avez donc rieri à décréter; il ne vous reste qu'à faire exécuter lès lois.
Ce dilemme, je l'avoue, est très pressant; et c'est parce qu'on n'y à pas encore répondu, que je vais tâcher d'en démontrer le viCë.
Je pose, en principe fondamental, que tout ministre d'un culte qui trouble l'ordre public,
ne doit pas être classé parmi les perturbateurs ordinaires, ét que les lois, pour être justes
et sages, doivent le punir d'autant plus sévèrement que son ministère lui fournit de plus
nombreux'et de plus puissants moyens de séduire et d'égarer les peuples. (Applaudissements.)
La religion est un instrument avec lequel on remue à son gré les hommes,* celui qui s'en sert
pour semer
Quelle doit être cette loi? C'est le dernier point de la question.
Je soutiens, Messieurs, qu'il n'en est qu'une vraiment appropriéé à ce genre de délit et propre à le prévenir ; c'est celle d'exiler hors du royaume le prêtre perturbateur (Applaudissements dans les tribunes.), c'est là le moyen qui fut employé contre les jésuites, et les jésuites furent oubliés; ce n'est que par l'exil que vous pourrez faire Cèsser l'influence contagieuse du coupable; il fauHe séparer de ses prosélytes; car si, en le punissant de toute autre manière, vous lui laissez la faculté de prêcher, de messer (Rires.), et de confesser (et vous ne pourriez pas la lui ôter, s'il reste dans le royaume), il vous fera plus de mal puni qu'absous. Je regarde les prêtres perturbateurs comme des pestiférés quil faut renvoyer dans les Lazarets d'Espagne et d'Italie. (.Applaudissements, murmures et interruptions.)
Monsieur le Président, je vous prie de maintenir la liberté d'opinion.
Plusieurs membres : Oui ! oui !
Je prie les membres de l'Assemblée de s'en rapporter à moi pour maintenir la parole à Monsieur.
Me direz-vous que cette mesure est trop sévère? Mais oubliez-vous que tous les coins ae la France sont souillés par les crimes de cette caste? Seriez-vous sourds aux cris douloureux de la patrie? ne voyez-vous pas que ces prêtres soufflent partout la guerre civile; que s'ils n'ont pas déjà incendié tout le royaume avec la torche du fanatisme, c'est que presque en tous lieux le souffle de la philosophie l'éteint dans leurs mains? Ne voyez-vous pas qu'ils peuvent vous faire cent fois plus de mal que tous vos ennemis ensemble? et cela doit être, parce que le prêtrè n'est jamais pervers à demi ; lorsqu'il cesse d'être vertueux, il devient le plus inique des hommes. (Applaudissements.)
Mais me dira-t-on, il ne faut pas persécuter le prêtre; jè réponds que punir n est pas persécuter; je conviens, comme le disait l'abbé Maury, que rien n'est plus dangereux que de faire des martyrs ; mais ce danger n'existe que lorsqu'on envoie au supplice des hommes vraiment saintsr ou des fanatiques égarés de bonne foi, qui croient voir dans les marches de l'échafaud les portes éternelles du paradis ; ici la circonstance est différente, s'il existé des prêtres qui désapprouvent notre Constitution par de vrais motifs ae religion, ce ne sont pas ceux-là qui troublent le repos public ; ceux qui cabalent contre la patrie sont des intrigants avides et hypocrites, qui ne prêchent que la religion est perdue que parce qu'ils perdent leurs richesses, ou l'espérance d'en acquérir ; et des hommes pareils craignent les châtiments : si l'amour de l'or fait beaucoup, de scélérats, il ne fait point de martyrs. (Applaudissements.) Au reste* vous ne craindrez pas,. Messieurs, en exilant tous ces prêtres perturbateurs, d'augmenter la force armée des émigrants,. chacun sait que les mauvais prêtres sont, en général, aussi lâches que vindicatifs (Applaudissements), qu'ils ne connaissent d'autre arme que celle de la superstition, et qu'accoutumés à nous combattre dans l'arène mytérieuse de la con-
fession, ils sont nuls sur le champ de bataille.
Il faut punir le prêtre coupable. Toute voie de pacification est désormais inutile; je demande, en effet, ce qu'ont produit jusqu'ici tant de pardons réitérés. Notre indulgence a augmenté l'audace de nos ennemis; il faut donc changer de système et employer enfin des moyens de rigueur. Eh ! qu'on ne me dise pas, qu'en voulant réduire le fanatisme on redoublera sa force ; ce monstre n'est plus ce qu'il était; il ne peut vivre longtemps dans l'atmosphère de la liberté; déjà blessé par la philosophie, il n'opposera qu une faible résistance; abrégeons sa dangereuse et convulsive agonie, en l'immolant avec le glaive de la loi. L'univers applaudira à cette grande exécution ; car de tous les temps et chez fous les peuples les prêtres fanatiques ont été les fléaux des sociétés, les assassins de l'espèce humaine ; toutes les pages de l'histoire- sont1 tachées de leurs crimes; partout ils aveuglent un peuple crédule, Jls tourmentent l'innocence par la crainte, et trop souvent ils vendent au crime ce ciel que Dieu n'accorde qu'à la vertu. (Applaudissements révélés.)
Châtier une pareille classe d'hommes, c'est à la fois exercer un grand acte de justice, et venger l'humanité outragée.
Je dis que c'est eneore agir en bonne politique, et je le prouve. (J'avoue d'abord que la première politique d'un peuple libre, c'est d'être juste, aussi ce n'est que parce que j'ai déjà prouvé la justice de mon système, que je me permets de l'envisager sous ces rapports politiques.) Une grande révolution s'est opérée en France; mais elle n'est pas encore terminée. La crise créatrice a fini; la crise conservatrice va commencer. L'horizon est encore bien nébuleux ; on croit que les défaites qu'ont éprouvées nos ennemis les ont découragés, mais les méchants ulcérés et impunis ne se lassent pas du crime, ce serait peu connaître le cœur de l'homme, que de penser que ceux qui se disent les grands de la terre oublient si facilement ce qu'us appellent des outrages et qu'ils sacrifient ainsi leurs plus chères idoles, l'intérêt et; l'orgueil. Ces hommes ne cesseront de vous tourmenter que lorsqu'ils n'en auront plus les moyens. Il faut qu'ils soient vainqueurs ou vaincus; ceux qui ne voient pas ces vérités, sont des aveugles en politique.
Demandez à l'histoire ce qu'il en coûte aux peuples pour devenir libres. Voyez l'Angleterre, luttant si longtemps pour acquérir ce fantôme de liberté dont elle se glorifie; voyez la Hollande combattant pour secouer le joug de Philippe II. Quand de nos jours, le courageux Philadelphien a voulu déclarer son indépendance, n'avez-vous pas vu le feu de la guerre s'allumer dans les deux mondes? Jetez les yeux sur les provinces de Belgique ; que de peines, que d'efforts pour secouer vainement la tyrannie.
Et vous croiriez que la Révolution française, la plus étonnante qu'ait éclairé le soleil ; révolution qui tout à coup arrache au despotisme son sceptre de fer, à l'aristocratie ses verges, à la théocratie, ses mines d'or; qui déracine le chêne féodal, foudroie le cyprès parlementaire, désarme l'intolérance, déchire le froc, renverse le piédestal de la noblesse, brise le talisman de la superstition, étouffe la chicane, détruit la fiscalité ; révolution qui sans doute va émouvoir tous les peuples, forcer les couronnes' à fléchir devant les lois, placer les ministres entre le devoir et. le supplice, et verser le bonheur dans
le monde entier, s'opérera paisiblement, sans que l'on tente de nouveau de la faire avorter! Non, il faut un dénouement à la Révolution française (Applaudissements) ; et je soutiens qu'il est de la vraie politique, c'est-à-dire de l'intérêt de la patrie, de nâter ce dénouement par le châtiment légal et prompt de tous les rebelles, parce que plus nous temporiserons, plus le triomphe sera, je ne dis pas douteux, le triomphe delà liberte ne saurait jamais l'être, mais pénible et laborieux. (Applaudissements.)
Ne voyez-vous pas en effet que, puisque les contre-révolutionnaires veulent nous forcer à les vaincre, il vaut beaucoup mieux avoir à les combattre dans ce moment, où le peuple éprouve cette énergie, cette union fraternelle qui accompagnent les premiers instants de la conquête de la liberté ; que si vous laissez le temps à l'enthousiasme de se refroidir, aux liens civiques de se relâcher, et à nos adversaires de semer de nouvelles discordes. L'expérience prouve ce que j'avance. N'est-il pas vrai que nous ne sommes déjà plus ce que nous étions la première année de nutre liberté? que déjà le patriotisme s'est attiédi dans le royaume? (Applaudissements, murmures et interruptions.)
Cela est vrai ! (Oui! oui!) (.Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre, pour avoir insulté au patrio tisme de l'Assemblée nationale et à la nation elle-même.
Un membre Je demande que ce discours soit envoyé à Marat.
Monsieur le Président, obtenez du silence à l'orateur.
Un membre: Je demande que l'opinant soit conduit à l'Abbaye.
Je demande que M. Jaueourt soit rappelé à l'ordre pour avoir troublé l'orateur. (Murmures prolongés et applaudissements.)
Je demande la parole.
Plusieurs membres : La motion est appuyée : rappelez M. Jaueourt à l'ordre !
Il est impossible au président, de faire son devoir, quand toute l'Assemblée veut remplir ses fonctions. M. Isnard est le seul qui ait la "parole : je la lui maintiendrai : silence!
S'il est dans notre Assemblée des personnes que l'austérité de mes principes et la vérité - de mes opinions importunent, qu'elles sachent que ce n'est pas avec du bruit que l'on m'en impose, et que, plus elles en feront, plus ie ferai retentir à leurs oreilles la voix de la .liberté dans toutesa force. ( Vifs applaudissements.) Si à cette époque le fanatisme avait osé lever la tête, la loi l'aurait tout de suite immolé.
Tout ce que je dis, je l'ài mis par écrit, afin qu'on ne puisse pas tronquer mes expressions.
N'est-il pas vrai que déjà le patriotisme s'est attiédi dans le royaume; que l'aristocratie semble s'enorgueillir;de. sa force, qui en effet s'est augmentée, ce qui n'est pas étonnant, parce qu^iu moral comme au physique, la réaction suit toujours l'action; que d'ailleurs les aristocrates machinent sans cesse, et font leur unique affaire de la contre-révolution, tandis que les patriotes ne s'abaissent pas à cabaler, et ramenés naturellement vers leurs affaires particulières, ils laissent refroidir leur zèle pour la chose pu-
blique. Il est donc de la politique de ne pas tarder à déjouer toutes les manœuvres ou parti contre-révolutionnaire ; et vous ne pouvez mieux y réussir qu'en provoquant la vengeance des lois contre tous les grands coupables; parce qu'alors ou ils rentreront dans le devoir par la crainte, ou vous les soumettrez par le glaive de la loi: ou s'ils sont assez forts pour livrer des batailles, vous les écraserez par des victoires; et les victoires sont certaines; le civisme du peuple n'est pas éteint, il n'est que refroidi; vous pouvez le ranimer par votre courage; c'est de ce courage que tout dépend; « dans les grandes affaires, où il n'y a qu'un grand parti à prendre, dit un orateur, trop de circonspection cesse d'être prudence ; tout ce qui est extrême demande une résolution extrême ; alors les démarches les plus courageuses sont les plus sages; et l'excès de la fermeté même devient le moyen et le garant du succès «. C'est surtout lorsqu'il s'agit de révoltes, qu'il faut être tranchant et s'efforcer de les éteindre à l'instant qu'elles naissent; lorsqu'on est bien attentif à punir les premiers fauteurs des troubles publics, on arrête facilement le désordre; mais si on laisse aux révoltés le temps de se rassembler et de se renforcer, bientôt la rébellion devient impunissable, et se répand dans l'Empire, comme un torrent que rien ne peut arrêter.
Les despotes ne connaissent que trop ces maximes; c'est, en les suivant, qu un seul individu en retient des millions dans les fers. L'exercice de cette rigueur est un grand forfait, lorsque c'est le despotisme qui s'en sert pour perpétuer la tyrannie ; mais lorsque c'est, comme aujourd'hui,,le vrai souverain qui l'emploie pour conserver la liberté, alors cette rigueur devient un grand acte de justice, et le législateur, qui ne remploie pas, commet un délit social très grave ; lorsqu'il s agit de la liberté publique, pardonner le crime c'est presque le partager. (Applaudissements.)
Une pareille rigueur fera des victimes, je le sais ; le mal est trop extrême pour que le mal ne soit pas douloureux, mais si vous n'appliquez pas le remède, la guerre civile peut ravager toute la France; d'ailleurs vous compromettriez certainement la puissance représentative.
Lorsqu'on veut vous porter à l'indulgence, c'est un grand piège qu on vous tend. Car si vous adoptiez ce système, vous vous trouveriez tout à coup abandonnés de la plus grande partie de la nation, et c'est là où l'on veut vous conduire. Le parti des prêtres non assermentés, qui est extrêmement lié à l'aristocratie, ne vous naïra pas moins quoi que vous fassiez pour lui ; et le parti des prêtres qui ont prêté le serment, auquel se trouvent joints tous les bons patriotes, ce qui suppose la presque totalité de la nation, indigné de se voir abandonné à la rage de ses adversaires deviendra votre ennemi ; vous serez alors des chefs sans pouvoir ; il n'y aura plus de rapport intime entre la tête et les bras du corps politique : Ceux-ci agiront peut-être sans que celle-là commande; et alors commence une anarchie, dont personne ne peut plus calculer les désordres, qui se termineraient, sans doute, par le triomphe du despotisme, et dont vous seriez les premières victimes, parce que vous seriez en butte à tous les coups. (Applaudissements.) Il faut nécessairement être étayé du corps de la nation, si vous voulez pouvoir résister aux attaques qui, peut-être, se préparent, et vous ne pouvez vous l'attacher qu'en châtiant
avec justice, mais avec une courageuse sévérité, les fanatiques et les factieux qui le tourmentent; quand je dis les factieux, je les comprends tous. Que l'on ne croie pas que je n'en veux qu'aux émigrants et aux fanatiques; on me trouvera toujours inexorable pour tout perturbateur de l'ordre public; Voici ma profession de foi : l'anarchie et le despotisme me font horreur; comme citoyen, je ne connais qu'un maître, c'est la loi; je n ai qu'une passion, c'est l'amour de la patrie.
La liberté, la Constitution, le bien public, voilà ce qui m'intéresse, voilà ce qui m'embrase. (Applaudissements.) Anathème sur ma tête, si jamais ie me déments !
Je disais, Messieurs, que nous devons chercher à être soutenus de la nation ; déjà vous avez fait pour les émigrants ce que vous deviez faire : encore un décret vigoureux sur les prêtres perturbateurs, et vous avez conquis la confiance publique. (Applaudissements.)Une fois cette confiance conquise, vous êtes placés derrière un rempart inébranlable, vous acquérez Cette puissance irrésistible, avec laquelle vos prédécesseurs ont opéré tant de prodiges, enfin, cette force avec laquelle vous pouvez tout, sans laquelle vous n'êtes rien. (Applaudissements.)
C'est ainsi que la justice, l'humanité outragée et la politique, réclament à la fois que vous sévissiez contre les prêtres perturbateurs.
Je n'ai pas, Messieurs, rédigé un projet de décret, parce que vous aviez arrêté que l'on discuterait le projet présenté par votre comité, mais je conclus à ce que l'Assemblée adopte les mesures suivantes, sauf rédaction :
« Point de pension ni traitement à tous les ministres de quelque culte religieux que ce puisse être, qui refuseront de prêter serment civique. Expulsion de la société, c'est-à-dire hors de la France, des ministres qui voudront exercer dans le royaume les fonctions religieuses de leur culte sans avoir prêté le serment civique, attendu que ces fonctions donnent des moyens si puissants de troubler la société, qu'il est de toute justice que celui qui veut exercer s'engage d'être soumis à la loi, et signe le pacte social. (Applaudissements.)
« Exil hors du royaume de tout ministre d'un culte qui, quoi qu'ayant prêté le serment, sera justement accuse d'avoir par ses écrits, ses paroles ou ses actions, troublé l'ordre public. * Etablissement d'un jury dans chaque dépar-
« Punition de mort contre tous ceux qui auront encouru cette peine suivant le Code pénal. » (Vifs applaudissements dans les tribunes et dans la partie gauche de la salle.)
Plusieurs membres : L'impression !
D'autres membres : L'impression et l'envoi dans les départements !
D'autres membres à droite : La question préalable sur l'impression ! j^'oL 4 'H
(L'Assemblee, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la demande d'impression.)
Je demande la parole contre l'impression.
lui accorde la parole malgré de vives réclamations.
J'ai demandé à parler ét comme
citoyen et comme prêtre. (Murmures prolongés à gauche.)
Plusieurs membres à gauche : Vous n'avez pas le droit de parler comme prêtre. A l'ordre ! A l'ordre !
D'autres membres demandent la parole.
J'ai l'honneur de vous observer, Monsieur l'opinant, qu'41 n'y a ici que des représentants de la nation.
Vn membre : Je demande qu'on fasse descendre le prêtre de la tribune et qu'on y laisse le citoyen.
Je demande qu'on ne livre pas à l'impression une infâme diatribe, un code d'athéisme.... (Murmures prolongés à gauche.)
Un membre : Monsieur le Président, nous ne sommes pas ici en Sorbonne pour soutenir de ces questions-là.
Je réclame de l'autorité de M. le Président le maintien de la liberté des opinions.
J'ai donné la parole à Monsieur, et je la lui maintiendrai.
Je demande, Monsieur le Président, que vous ne la lui mainteniez pas. Monsieur a demandé la parole comme prêtre et il ne doit pas être entendu en cette qualité. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je demande que M. le Président maintienne la parole au député qui est à la tribune, à condition qu'il ne parlera que sur la question d'impression et qu'il ne la discutera pas théologiquement.
(Plusieurs minutes se passent dans une grande agitation.)
Je ne crois pas que l'Assemblée nationale, qui représente tous les citoyens et tous les fidèles de l'Empire, puisse décréter quelque chose qui tende à bouleverser de plus en plus la tranquillité publique pour laquelle nous sommes appelés.... (Rires ironiques et murmures dans les tribunes.)
Je rappelle les tribunes à l'ordre.
Nous devons fixer notre délibération d'après les principes de la. saine morale, car c'est sur elle que nous fondons nos espérances pour la régénération du peuple français. Or, je soutiens, et je le démontrerai, que les.opinions du préopinant la violent ouvertement et tendent à corrompre, dans sa première source» toute morale religieuse et sociale.... (Exclamations à gauche.)
jeune et plusieurs autres membres. Puisqu'il parle eomme prêtre, il doit parler à la barre.
Les tribunes du côté droit crient : A la barre ! à la barre !
Un membre : Le bruit épouvantable que l'on entend part des tribunes, je demande que les factieux qui y sont en soient chassés.
C'est vous qui leur donnez l'exemple.
Oui, il est inouï, il est impossible qu'une société quelconque existe pendant un mois, et moins encore pendant un siècle, si elle n'adopte une morale librej pure et éternelle comme fondement de ses institutions. (Murmures.)
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la discussion !
jeune. Je demande que la discussion soit fermée. (Appuyé ! appuyé !)
Les murmures dont on se plaint ne sont pas des murmures d'impro-bation, mais des murmures qui prouvent que nous sommes infiniment prives de ne pas entendre l'orateur.
Nous tendons à ôter au peuple français l'une de ses plus grandes consolations. (Rires et exclamations.)
On n'a pas attaqué la morale, on a dit seulement du mal des prêtres.
Je prie l'opinant de se renfermer dans la question relative à l'impression.
Je demande qu'on rappelle l'opinant à l'ordre parce qu'il calomnie l'Assemblée.
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
prononce quelques paroles qui se perdent dans le bruit, et descend de la tribune.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la demande de l'impression.
(La première épreuve est douteusè; après une seconde épreuve, M. lé Président prononce que la demande d'impression est rejetée.) ( Vives réclamations à gauche.)
(de Saintes) et plusieurs autres membres. L'appel nominal ! (Murmures.)
J'ai prononcé d'après l'avis du bureau ; réclame-t-on Contre la délibération ? (Oui ! oui ! Non ! non !)
L'appel nominal !
Je vais mettre aux voix s'il y a du doute. (Réclamations à droite.)
Plusieurs membres à droite : L'ordre du jour!
Plusieurs membres font diverses propositions qui se perdent dans le bruit.
Je mets aux voix l'ordre du jour. (Vives réclamations à gauche.)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'Assemblée ayant décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur le projet du comité, je dis qu'on ne doit point parler sur la totalité du projet ni sur aucune des parties. Ceux qui sont inscrits sur la liste pour parler sur ce projet ne peuvent être entendus par la raison que le projet est supprimé.
Un membre : Je demande que ceux qui ont des projets de décret à présenter veuillent bien en donner lecture.
Vous êtes impatients d'entendre un projet de décret du comité de législation. Il y avait un projet adultère (Hires.), dont la question préalable a fait justice sur les réclamations de M. Thuriot. Maintenant, il doit exister un premier projet, sur lequel le comité s'était arrêté, pour le présenter samedi.
Jé demande, Messieurs, que, vu les troubles intérieurs qui déchirent la patrie, vu qu'il1 est instant de prendre finalement un parti au sujet des troubles qui n'ont pas pour prétexte la religion, mais qui ont l'orgueil ou la cupidité pour motif; je demande, dis-je, que vous décrétiez, dès cet instant, que le premier projet arrêté par le comité vous sera présenté; et si ce projet ne vous convient pas, alors la question préalable en fera justice.
(Jean-François), Il est impossible que l'Assemblee parvienne à rétablir la paix
dans l'Empire, tant que nous ne pourrons pas établir le calme dans l'Assemblée. C'est là où gît la source du mal, c'est sur cela que j'ai fait de profondes réflexions.
Avant-hier, je vous avouerai franchemént que je fis secrètement le voeu de ne prendre aucun repos que je n'en eusse indiqué les remèdes. Je vous avouerai, Messieurs, qu'avant-hier j'ai passé la nuit entière. J'ai demandé la parole pour vous offrir mon travail. Vous ne serez peut-être pas bien intéressés par mes rêves, mais vous me saurez peut-être quelque gré lorsque je vous offrirai le fruit de mon amour pour la patrie et dé mon zèle pour là dignité de l'Assemblée. Je prie M. le Président de la consulter pour savoir si je serai entendu.
Il me paraît que l'Assemblée va se noyer dans un océan de projets entre lesquels il sera très difficile de se faire un avis. Il y a un moyen plus simple d'arriver à un projet, c'est celui qui a été employé quelquefois par l'Assemblée constituante et qui consiste à convenir des bases principales qui devront sérvir à la rédaction du projet de décret à intervenir. Quand elle aura pris ce parti, j'ai quatre ou cinq bases à lui proposer.
Un membre : Je demande le renvoi de tous les projets de décret au comité qui sera chargé d'en présenter un nouveau.
Un membre : Je demande que le comité de législation se divise en deux sections qui délibéreront séparément pour présenter chacune un projet de décret.
jeune. Il faut diviser le comité de législation en quatre sections. Chacune de ces sections proposera un projet de décret. Ces quatre projets de décret vous seront lus, et vous vous déciderez pour celui qui conviendra davantage à l'Assemblée.
Plusieurs membres : Fermez la discussion sur les motions !
(L'Assemblée ferme la discussion sur les motions.)
Je vais établir l'état de la délibération.
Un membre a d'abord proposé d'entendre la lecture de tous les projets de décret; M. Chabot demande que l'on discute le projet de décret du comité qui devait venir en discussion samedi, avantqu'il ait été retouché. M. Tomé propose qu'on adopte des bases qui pourront diriger la décision de l'Assemblée. Un membre a demandé le renvoi de tous les projets au comité de législation pour en présenter un nouveau. Enfin, on a proposé la division du comité de législation en deux, puis en quatre sections-
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Tomé relative aux bases f
Plusieurs membres : La question préalable I
(L'Assemblée décrété qu il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Tomé.)
Un membre : Je demande la priorité pour le renvoi de tous les projets au comité de législation.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et renvoie tous les projets au comité de législation.)
Après la décision que vient de prendre l'Assemblée, la motion de M. Chabot et les motions analogues tombent dalles-mêmes.
On a proposé la division dm comité de législation en deux, puis en quatre sections. Je mets d'abord aux voix la division du comité de législation.
Plusieurs membres : La question préalable !
(Une première épreuve est douteuse.)
[(Après une seconde épreuve. M. le Président prononce, après>avis du bureau, qu'il n'y a pas lieu à délibérer. ( Vives réclamations à gauche.)]
Plusieurs membres à gauche demandent une troisième épreuve.
(Une troisième épreuve à lieu.)
Il paraît qu'il y a du doute ; alors, je prononce qu'il y a lieu à délibérer.
(La proposition de la division du comité de législation est ensuite mise aux voix et adoptée.)
Un membre : Je demande que les membres qui composeront les sections soient tirés au sort.
Plusieurs membres : La question préalable 1
Un membre : Je demande qu'il y ait quatre sections et que ces quatre sections rapportent chacune leur projet au comité qui présentera un projet général à l'Assemblée.
(Mith ieu). J'appuie cet amendement. L'Assemblée peut se rappeler que, lorsqu'elle a délibéré sur l'organisation des comités, la motion fut faite qu'une partie du comité, si elle n'était pas de l'avis de la majorité, pût soumettre à l'Assemblée son avis particulier. Cette motion fut rejetée. Le motif fut que le travail d'un comité n'aurait aucun ensemble, aucune identité, aucune liberté, si la minorité de ce comité pouvait se prévaloir de son opinion. Chaque membre peut la combattre en séance, et j'ai, moi, dans le comité militaire, éprouvé la même chose. J'étais d'un avis contraire à l'avis général et l'on m'a dit aVec justice : « Vous ferez valoir votre opinion à la tribune, mais, ici, vous n'avez pas le droit de faire valoir votre projet de décret sur celui de la majorité du comité. »
Vous avez prononcé, Messieurs, que le comité de législation serait divisé. Maintenant, vous allez décider s'il sera divisé en deux ou en quatre sections : mais, en quelque nombre que le comité se divise, je pense qu'il est nécessaire que le travail soit rapporté à l'ensemble du comité.
Plusieurs membres : Non ! non ! la question préalable !
Je m'élève de toutes mes forces contre cet amendement. Je soutiens que l'Assemblée a voulu et a dû vouloir différents comités, quand elle a voulu la division du comité de législation. Si elle avait voulu le contraire, elle aurait consacré une idée qui jpourrait devenir funeste, et voici comment je le prouve. Si vous voulez un comité général susceptible de se diviser en sections, et que ces sections soient obligées de rapporter au comité général leurs avis particuliers, c'est véritablement former un grana établissement susceptible de se former en plusieurs Chambres. Cette idée seule de plusieurs Chambres doit nous faire trembler, et c est pourquoi je m'élève contre ce mode.
Je demande donc que l'Assemblée décrète que le comité se divisera, par la voie du sort, en quatre parties, et que ces quatre parties vous apporteront quatre projets de décret.
jeune. On vous a dit que là minorité ne pouvait opposer son projet de décret à la majorité; j'observe qu'il n y a pas de décret
là-dessus. On vous a dit encore que diviser le comité en quatre sections, c'était établir quatre Chambres. Cette objection est frivole. Si vous disiez que dans tous les temps le comité sera divisé en quatre sections, il pourrait y avoir du danger; mais il n'est question que d'un cas particulier auquel vous vous arretez. Il ne s agit que de tirer parti des quatre opinions dominantes sur cette matière importante, et qui vaut bien que le comité se mette en quatre pour éclairer l'Assemblée.
Je rejette la proposition de tirer au sort les membres des quatre sections. Vous manquerez absolument votre but, car ceux qui auront la même opinion ne se trouveront plus dans la même section ; et les quatre sections où sè trouveraient les mêmes débats, en égalé force, vous présenteraient peut-être des projets qui auraient les mêmes visages, ou ne vous en présenteraient pas du tout.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur lés amendements !
(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)
On a fait la motion que le comité fût divisé par la voie du sort. Sur cette motion, on a demandé la question préalable. Je la mets aux voix.
(L'Assemblée adopte la question préalable.)
On a proposé que les sections du comité fussent tenues ae rapporter chacune leur plan au comité général. Sûr cette motion, on a demandé la question préalable. Je la mets aux voix.
(L'Assemblée adopte la question préalable.)
On a proposé la division du comité en deux, puis en quatre sections. Je mets d'abord aux voix la division en quatre sections.
(L'Assemblée décrète que le comité de législation sera divisé en quatre sections.) S Un membre : Je propose que chacune des sections fasse son rapport à l'Assemblée, mercredi prochain.
(Cette motion est adoptée.)
(L'Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder à l'élection d'un président.) ^ ; :
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
Présidence de M. Vergniaud, président sortant; et de M. Viénot-Vaublanc, nouveau président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 14 novembre, qui est adopté.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, relative à un emplacement qu'il destine pour la remonte des chevaux dans les bâtiments des haras du Pin, département de l'Orne. Elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« D'après la disposition de l'article 6 du titre IV de la loi du 6 avril 1791, qui m'autorise à dis-
poser des bâtiments nationaux pour suppléer à ceux qui manquent aux bâtiments militaires, j'ai l'honneur de vous prévenir qu'il me paraît avantageux, pour le bien du service, de suspendre la vente des bâtiments des haras dans le département de l'Orne, afin que l'on puisse y établir un dépôt de remonte pour les troupes a cheval. Je vous prie, en conséquence, de consulter l'Assemblée nationale pour approuver que ceux de ce département soient réservés pour être employés à cette destination. Je suis d'ailleurs informé que le directoire du département de l'Orne ne voit aucune difficulté au plan dont il s'agit, et qu'il en a même formé la demande auprès de l'Assemblée nationale, avec la réserve seulement d'entretenir au haras au moins quarante étalons pour la propagation de leurs races, ce qui peut très bien se concilier avec l'établissement des chevaux de remonte dans les écuries des bâtiments. Je vous prie de vouloir bien m'honorer d'une prompte réponse, afin que je puisse adresser les ordres du roi en conséquence. ;
« Je suis avec respect, Monsieur le président, etc.
« Signé : duportail..»,
(L'Assemblée renvoie cette lettre, aux comités militaire et des domaines réunis.)
, secrétaire, donne lecture d'une pétition du sieur Ostin> professeur émérite en l'Université de Reims, âgé de 85 ans, relative au bail de location qui lui a été passé par les ermites Camaldules de la forêt de Sénart.
Il se plaint de ce que les Camaldules qui lui ont loué une maison, veulent l'en priver, et il demande à être maintenu jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait disposé de ces biens. :
Un membre : Je demande le renvoi de cette pétition au comité des i domaines pour en faire lé rapport avec celui concernant les biens possédés par lesdits Camaldules.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse dé la municipalité de Nantes, qui demande à être autorisée à emprunter à la caisse patriotique de cette ville une somme de 60,000 livres qui lui manque pour l'achat des grains nécessaires à son approvisionnement.
J'observe que la municipalité s'est adressée au directoire de district pour avoir son avis et que celui-ci n'a pas jugé à propos d'en donner. La mésintelligence qui existe entre ces deux corps administratifs a été eause que la demande n'a point eu de suite.
aîné. La position de la ville de Nantes est très pressante ; elle manqué de grains, elle en a demandé à Orléans, à Blois, à Tours, qui n'ont pu lui en donner. Je propose à l'Assemblée d'autoriser la ville de Nantes à faire cet emprunt.
Un membre : On ne peut faire cet emprunt que par des, sous additionnels sur les contributions : en conséquence, je demande le renvoi de l'adresse au comité des contributions publiques.
Un membre : Vous, avez décrété que toutes les adresses qui vous seraient présentées seraient renvoyées au comité des pétitions, pour vous indiquer à quel comité il appartient d'y répondre. Je demande donc que vous décrétiez le renvoi au comité des pétitions pour en faire son rapport demain.
(Cette proposition est adoptée.)
, au nom du comité diplomatique. Vous aviez renvoyé à votre comité diplomatique une lettre du ministre de la marine, relative aux prétentions du dey d'Alger (1). Votre comité s'en est occupé pendant trois séances, son rapport est prêt; mais il s'est aperçu que la lettre du. ministre n'était pas dans les formes constitutionnelles. En conséquence, il demande si l'Assemblée veut entendre son rapport, ou bien si avant l'Assemblée décrétera qu il n'y a lieu à délibérer quant à présent sur la lettre du ministre, afin que le ministre mette sa demande en forme constitutionnelle. Voici, dans ce dernier cas, le décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer quant à présent sur la lettre du ministre de la marine. »
Un membre : Je demande que le motif de la question préalable soit inséré dans le décret.
(Cette motion est adoptée ainsi que le projet de décret du comité diplomatique, sauf rédaction.)
Suit le texte de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, sur la proposition contenue dans la lettre au ministre ae la marine, concernant les sommes à voter pour Y armement ordonné à Toulon, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant présent sur cette proposition, attendu qu'elle n est pas dans la forme constitutionnelle ; ordonne que copie du présent décret sera envoyée au ministre de la marine. »
Un membre : J'observe que les projets des comités doivent être imprimes vingt-quatre heures avant d'être discutés, et non au moment même de la discussion. Je demande que l'Assemblée veuille bien prendre des mesures en conséquence.
On veut, par de pareilles observations, écarter journellement des discussions qui sont instantes. Je demande que l'on passe à Tordre du iour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité diplomatique : Messieurs, le comité diplomatique est prêt à vous faire le rapport sur. les mesures à prendre relativement aux puissances étrangères qui favorisent les fugitifs, si vous voulez le mettre a l'ordre du jour de jeudi prochain.
(L'Assemblee adopte la motion de M. Brissot de Warville.)
Messieurs, vous vous êtes retirés hier dans vos bureaux pour la nomination d'un Président. Il y avait 343 votants; la majorité absolue était ae 172. M. Viénot-Vaublanc a obtenu 257 suffrages. Ainsi je le proclame Président (Applaudissements.)
prend place au fauteuil.)
Présidence de M. Viénot-Vaublanc.
Un membre : Je demande la parole pour une motion d'ordre. Il est plus de onze heures ;
l'Assemblée n'est pas complète, et quand on a commencé la lecture du procès-ver bal, il n'y
avait pas 200 membres; la plupart regardent cette lecture
Un membre : Il est plus naturel de charger les commissaires à l'inspection de la salle de vous présenter un remède à cette négligence.
Plusieurs membres : Il n'y avait qu'à faire l'appel nominal.
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Le comité des pétitions a examiné un grand nombre de pétitions et d'adresses que vous lui avez renvoyées. Si vous vouliez l'autoriser à les distribuer lui-même aux divers comités qu'elles concernent, cela vous épargnerait beaucoup de temps.
(L'Assemblée autorise le comité des pétitions à faire cette distribution.)
L'ordre du jour est un «n rapport du comité des contributions publiques sur les moyens d'accélérer la répartition et le recouvrement des impositions de 1791.
, au nomdu comitédes contributions publiques (i). L'Assemblée a renvoyé au comitédes contributions publiques à méditer de nouveau sur les moyens d'accélération à employer pour hâter enfin la répartition des contributions de 1791. On peut diviser en deux classes, Messieurs, les différents projets qui vous ont été présentés : dans les uns on a pensé que ce n'était pas tant des mesures vis-a-vis des départements et des districts qu'i| fallait prendre, que vis-à-vis des municipalités; on a pensé surtout que les lois déjà faites sur les contributions foncière et mobilière en 1791, ne donnaient pas aux municipalités des moyens suffisants d'exécution, et qu'une bonne manière de la part du comité des Contributions publiques de hâter la répartition de 1791, c'était, Messieurs, de fournir de nouveaux moyens aux municipalités pour opérer.
D autres personnes ont pensé qu'il ne fallait même pas faire de loi sur la répartition des contributions publiques ; que les lois déjà faites étaient suffisantes, et que vous ne pouviez mieux faire que de presser le pouvoir exécutif de les exécuter.
Je vais, Messieurs, discuter successivement l'une et l'autre de ces classes de plans. Je
vous proposerai ensuite le projet du Comité et je vous indiquerai les divers changements qui
peuvent se faire d'après les réflexions que le comité a faites. Le comité a pensé qu'il
serait très utile de pouvoir fournir aux municipalités de nouvelles lumières sur les moyens
d'exécuter les lois très difficiles dé contributions foncière et mobilière ; mais, Messieurs,
il s'est dit que ce n'était pas le moment d'adresser de nouvelles instructions; queplusieurs
municipalités avaientopéréen vertu des anciennes instructions; qu'il fallait de l'uniformité
dans tout ce travail ; que si on donnait de nouveaux principes, il était très possible que
les municipalités qui avaiént déjà commencé leur
Le comité s'occupe de fournir, pour 1792, des instructions plus détaillés et d'autant plus sûres,Qu'elles seront éclairées par l'expérience de plus 'une année, sur la manière d'appliquer les lois déjà faites, sur les contributions foncière et mobilière pour 1791. Nous devons nous borner à faire exécuter les lois faites, et à presser leur exécution.
A la vérité, Messieurs, beaucoup de municipalités sont dans l'impossibilité d'opérer par elles-mêmes; mais la loi du 17 juin, dans ses articles 7, 8, et 9, leur fournit les moyens d'opérer utilement.
Voici les articles :
Art. 7.
« Dans la huitaine qui suivra la réception du présent décret, les directoires de district nommeront un ou plusieurs commissaires, qui se rendront dans les communautés dont les limites n'auraient pas encore été fixées. Ces commissaires procéderont à la délimitation, en présence des officiers municipaux, des communautés intéressées et enverront leur procès-verbal au directoire du district pour y être par lui statué, et son arrêté, être provisoirement exécuté, sauf le recours au département. »
Art. 8.
« Les directoires de district nommeront aussi des commissaires, qui seront chargés d'aider lés municipalités dont les matrices de rôles sont en retard et de les parachever.
« Ces commissaires seront payés par les Communautés, suivant l'état qui sera dressé par le directoire du département, et le payement sera fait sur les fonds provenus des impositions des privilégiés pour les six derniers mois de 1789 ou sur les revenus des biens communaux; et à défaut des susdits fonds, s'il n'en existe point dans la communauté, la somme sera répartie sur elle{ et l'avance faite par le receveur du district, qui s'en remboursera sur les premiers deniers de sa recette. »
Voilà, comme vous voyez, Messieurs, un moyen suffisant, donné aux directoires de district, pour envoyer aux municipalités qui n'ont pas chez elles, et parmi leurs membres, des hommes habitués aux calculs assez difficiles d'une première répartition. Voilà, dis-je, im moyen certain d'y suppléer. Il suffit donc de faire executer ces deux dispositions, et alors les municipalités trouveront, dans les aides qui seront envoyés dans les districts, un moyen de hâter et d'exécuter les matrices des rôles qui doivent être la base exécutoire pour mettre en recouvrement.
On s'était plaint encore, Messieurs, de ce qu'il n'y avait pas d'articles dans le projet de décret qui contraignît les municipalités d'accélérer la répartition. Le comité ne vous a point proposé d'article à cet égard, parce qu'il y a une loi qui a réglé le terme dans lequel les municipalités sont obligées d'opérer, et qui ordonne même que dans le cas où les officiers municipaux ne termineraient pas la matrice des rôles dans les délais prescrits, les receveurs de district contraindraient, d'après l'avis des districts, les officiers municipaux et procureurs de la commune, au bout de quinzaine, de payer le premier quartier des contributions de toute la commune. C'est d'après cela que le comité n'a pas cru devoir vous proposer de nouvelles mesures; car, en législa-
tion, il faut bien se garder .de répéter ce qui est déjà fait. Ce que le comité a cru devoir faire, d'après l'observation de plusieurs de ses membres, c'est d'indiquer dans le projet de décret les différents articles dont il recommande l'exécution au pouvoir exécutif.
Je vous ai parlé, Messieurs, d'une autre classe de plans et projets qui vous ont été présentés le premier jour ae la discussion, et je vous ai dit que, dans ceux-là, on ne voulait autre chose que presser le pouvoir exécutif sans faire aucune espèce de loi.
J'observe à l'Assemblée qu'il serait impossible au pouvoir exécutif d'assurer, vis-à-vis des départements et des districts, l'exécution des lois déjà faites sur les contributions, si vous ne leur fournissiez d'autres moyens, parce que les nouvelles lois n'ont fait autre chose que de presser les départements et les districts ; mais elles n'ont prescrit aucun terme, elles n'ont prescrit aucune mesure coercitive; ce que les lois ont déjà fait pour les municipalités, nous vous proposons de le faire d'une autre manière; vis-à-vis des districts, parce que vous ne pouvez pas contraindre des administrateurs de faire l'avance d'un quartier des contributions de tout un département ou de tout un district.
D'après cela, le comité a pensé qu'il était de votre sagesse, Messieurs, de déterminer un terme, par lequel il fallait employer des mesures fortes pour faire terminer, par les départements en retard, la répartition ae 1791, et faire terminer par les directoires de district en retard, la répartition des sommes qui seraient assignées à leur arrondissement. Il ne suffirait pas sur cela de vous en rapporter au pouvoir exécutif, parce que le pouvoir exécutif n'a pas le droit de déterminer un terme quand la loi ne l'a pas elle-même établi. r-wA
Vous avez une mesure indispensable et très pressante à prendre. Les consens de département sont assemblés au 15 de ce mois; les directoires de département étaient chargés de la répartition de 1791, et non les conseils; les conseils, au contraire, sont chargés de la répartition de 1792. Je vous le demande, pouvez-vous confier aux directoires de département, qui sont présentement réunis et confondus dans les conseils, la répartition de 1791, en même temps que le conseil de département ferait une répartition pour 1792 sur d'autres principes? Je sais bien qu'on va me répondre que les directoires ont le droit de continuer leurs fonctions à part des conseils de département. Mais, Messieurs, je vous demande si vous pouvez tolérer qu'un directoire de département fasse, pour 1791, une répartition différente de celle de 1792 ?
Je demande encore si, lorsqu'il est possible de réunir, pour cette répartition, tous les administrateurs qui arrivent de tous les coins des départements et de tous les districts, pour faire la meilleure répartition, vous devez vous en rapporter à un petit nombre d'individus et par conséquent faire une moins bonne opération ?
C'est d'après ce principe, Messieurs, que le comité des contributions a pensé qu'il était utile et pressant de charger les conseils de département dont les directoires n'ont pas fait la répartition, de les charger, dis-je, de faire cette opération dans la quinzaine qui suivra la publication de votre decret, et abstraction-faite de toutes autres affaires, rien n'étant plus urgent que les répartitions des- impositions.
A l'égard des directoires de district, on ne
pouvait pas suivre la même mesures parce que les conseils de district ont terminé leur session et qu'il faudrait rappeler les conseils pour faire la répartition. Le comité vous propose de presser les directoires de district de faire leur répartition dans la quinzaine du jour où ils recevront votre décret, s'ils ont déjà reçu des commissaires; et, dans le cas où ils n'en auraient pas reçu, dans la quinzaine du jour où ils auraient reçu des commissaires ; à défaut par les directoires de district de faire leur répartition dans ce délai, le comité vous propose d'autoriser les directoires de département à envoyer des commissaires qu'ils nommeraient et qui seraient pris d'abord
sarmi les membres des conseils de district, et à éfaut de ceux-là parmi les conseils de département, à l'effet d aller sur-le-champ opérer la répartition.
Voilà, Messieurs, la théorie du projet qui vous a été proposé la première fois. Le comité y a fait quelques changements, qu'il a puisés dans les lumières que lui a fournies la première discussion. Je vais vous en faire lecture :
DÉCRET D'URGENCE.
« L'Assemblée nationale, considérant que la répartition des contributions directes éprouve des retards dans différentes parties de l'Empire, décrète qu'il y a lieu à urgence. »
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, vu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. ler. Dans les départements où les directoires n'ont pas
terminé le répartement des contributions foncière et mobilière pour 1791, les conseils de
département assembles au 15 de ce mois seront tenus de faire cette opération dans la
quinzaine qui suivra la réception du présent décret, et avant de délibérer sur aucune autre
affaire ; et ce, sous la peine portée par l'article premier de la loi du 28 août dernier.
« Ces conseils certifieront, sans délai, le ministre des contributions, de l'envoi des commissions aux directoires'de district.
« Art. 2. Ceux des directoires de district qui ont reçu la commission du directoire de département pour 1791, et qui n'ont pas encore terminé la répartition entre les municipalités, sont tenus, sous la même peine, de le faire dans la quinzaine qui suivra la réception du présent décret, et de certifier, immédiatement après, le directoire du département, de l'envoi des mandements aux municipalités.
« Art. 3; A l'égard des directoires de district qui n'ont pas reçu jusqu'à présent les commissions de leur département, ils seront pareillement tenus, et sous la même peine, de terminer la répartition entre les municipalités dans la quinzaine qui suivra la réception des commissions et de certifier, immédiatement après, le directoire du département, de l'envoi des mandements aux municipalités.
« Art. 4. Si un directoire de district ne terminait pas la répartition dans les délais ci-dessus fixés, le directoire du département nommera des commissaires pris parmi les membres du conseil du district ou du département, lesquels seront chargés d'opérer sur-le-champ la répartition, aux lieu et place du directoire du district en retard. La dépense de ce commissariat sera rete-
nue sur le traitement des membres du directoire et du procureur syndic, sans déroger aux peines prononcées par les articles ci-dessus.
« Art. 5. Les directoires de district informeront exactement les directoires de département des mesures qu'ils auront suivies en exécution des articles 7, 8 et 9 de la loi du 17 juin 1791, pour accélérer la formation des matrices du rôle, et ils leur adresseront, tous les 15 jours, des bordereaux des rôles mis en recouvrement dans les municipalités de leur arrondissement.
« Art. 6. Les directoires de départément informeront pareillement de quinzaine en quinzaine, le ministre des contributions publiques, des dispositions qu'ils auront faites pour 1 exécution du présent décret, et des autres lois relatives aux contributions foncière et mobilière pour 1791, et le ministre rendra compte, aussi tous les 15 jours, à l'Assemblée nationale, des progrès de la répartition et du recouvrement.
« Art. 7. Le présent décret sera adressé, dans le jour, au pouvoir exécutif, qui le fera exécutèr sans délai. »
Lorsque le comité vous présenta son travail il y a 8 jours, j'avais proposé une mesure additionnelle qui fût accueillie par l'Assemblée (1), et que M. le rapporteur aurait dû prendre en considération. Voici l'article que je proposais :
« L'Assemblée nationale, voulant opérer le prompt et entier recouvrement des contributions arriérées, décrète qu'à l'avenir aucun contribuable ne pourra, pour quelque cause que ce soit, s'adresser aux pouvoirs constitués qu'en joignant aux demandes, requêtes ou pétitions qu'il présentera, des duplicata de quittances des dernières Contributions.
« Les administrateurs de département et de district, les municipalités, tribunaux, ne recevront leurs mémoires, requêtes ou pétitions que lorsque les quittances ci-dessus y seront an-nexees. »
, rapporteur. J'observerai à l'Assemblée que la motion de M. Lejosne a d'abord été applaudie par l'Assemblée, mais que l'exécution est, je crois, susceptible de grandes difficultés. La classe indigente ne pourrait jamais présenter les quittances aux corps constitués, par l'impossibilité où elle est de payer ses impositions d'avance.
La proposition du préopinant n'a aucune relation avec les moyens a'accélérer le répartement. La répartition, voilà ce qui doit vous occuper en ce moment. Je demande, en conséquence, l'ajournement de la proposition qui vient de vous être faite. .
Un membre : Je demande l'ajournement à quinzaine de la motion de M. Lejosne, pour qu'elle soit discutée.
(L'Assemblée ajourne à quinzaine la discussion de la motion de M. Lejosne.)
Un membre : Je demande que la discussion s'établisse article par article.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
Le décret d'urgence est mis aux voix et adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, considérant que la répartition des contributions directes de 1791 éprouve des retards dans différentes parties du royaume, décrète qu'il y a urgence. »
, rapporteur. Voici l'article 1er:
« Art. 1er. Dans les départements où, les directoires n'ont
pas terminé le répartement des contributions foncière et mobilière pour 1791, les conseils
dé département, assembles au 15 de ce mois, seront tenus de faire cette opération dans la
quinzaine qui suivra la réception du présent décret, et avant de délibérer sur aucune autre
matière, et ce, sous la peine portée par l'article 1er de la loi du 28 août dernier.
« Ces conseils certifieront, sans délai, le ministre des contributions, de l'envoi des commissions aux directoires de district. »
jeune. Je crois qu'il faut laisser aux départements et aux conseils la faculté de délibérer sur une autre affaire, car il pourrait y en avoir d'ëxtrêmement pressées. Gela n'empêchera pas de terminer dans la quinzaine. Je demande qu'on retranche ces mots : avant de délibérer sur aucune autre affaire.
Un membre : Je demande qu'au lieu de dire : avant de délibérer sur aucune autre affaire, on mette : par préférence à toute autre affaire.
, rapporteur. J'ajouterai ces mots à l'article.
Avant de discuter article par article, je crois qu'il est nécessaire de faire des observations sur le décret en général. Cette loi qui prononce la peine de forfaiture contre les départements qui refuseront d'opérer la répartition me paraît trop sévère, car il h y a aucun rapport entre refuser d'obéir aux ordres du Corps légistatif, et différer de quelques jours par une négligence criminelle. Permettez-moi d'observer que la loi, à force d'être sévère, deviendra véritablement inexécutable; vous ne pouvez consentir à déclarer coupable de forfaiture un département, pour avoir différé de quelques jours à répartir les contributions. Je demande que l'Assemblée prononce une peine proportionnée au délit, une peine que l'on puisse appliquer, et qui rende votre loi exécutable.
J'observe, en outre, que la législation, en matière de contribution directe, n'est pas complète. On vous a observé, sur ce qui concerne la prompte répartition des impositions, que les mandements des directoires de district ont été envoyés aux municipalités, mais il n'en est pas de même des administrations ; c'est donc à vous à y suppléer, la loi n'a point prescrit de terme aux administrations. Votre comité vous propose bien une loi coercitive pour cette année, mais vous avez besoin d'une loi générale pour les années suivantes, d'une loi qui complète votre législation dans cette partie.
D'après les principes que j'ai eu l'honneur de vous exposer, j'ai rédige un projet de loi conforme aux principes dont l'effet est général, et vous allez voir s'il y a quelques articles que vous préfériez à ceux du comité.
, rapporteur. Le comité pense en effet qu'il est nécessaire de faire une loi bien rài-sonnée, bien réfléchie, sur la manière dont les municipalités seront réprimées par les départements et par les districts ; mais, Messieurs, il n'a pas assez de temps pour s'en occuper. lia cru qu'il devait se borner à Vous proposer, en ce moment, une mesure pour 1791 seulement; mais il s'occupe à faire", pour les années suivantes, une loi hien détaillée et bien précise.
M. Castel n'a pas proposé son projet de décret avant, que la discussion fût ou- I
verte sur le projet du comité. Si présentement M. Castel présente un projet de décret, il va s'engager une très longue discussion pour savoir auquel des deux on accordera la priorité. Un autre membre ne manquera pas de présenter un autre projet de décret, afin de concilier les deux projets de décret déjà connus ; et nouvelle discussion pour savoir si le 3e projet de décret aura la priorité. Dés que la discussion est ouverte sur celui qu'a présenté le comité, je pense que nous devons la suivre. Si l'article 1er ne plaît pas à M. Castel, qu'il ait de bonnes raisons pour le combattre, qu'il le combatte, et qu'il prbpose d'en substituer un autre, et ainsi Successivement; mais je m'oppose à ce qu'il lise son projet entier, et je demande la question préalable.
(L'Assemblée déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de M. Castel.)
Un membre : J'ai un doute à proposer à M. lé rapporteur. Le comité vous propose de déclarer coupables de forfaiture les administrateurs de département qui refuseraient de faire la répartition. C'est une nouvelle loi qu'il vous propose, et non l'application d'une loi ancienne. Le comité ne veut pas que la loi soit sanctionnée, et il se fonde sur un article de la Constitution.
Plusieurs membres : La discussion fermée 1
(L'Assemblée ferme la discussion.)
, rapporteur. Voici la nouvelle rédaction :
« Dans les départements où les directoires n'ont pas terminé le répartement des contributions foncière et mobilière pour 1791, les conseils de département, assemblés au 15 de ce mois, seront tenus de faire cette opération, de préférence à toute autre affaire, dans la quinzaine qui suivra la réception du présent décret, et ce, sous la peine portée par l'article 1er de la loi du 28 août dernier.
« Ces conseils certifieront, sans délai, le ministre des contributions, de l'envoi des commissions aux directoires de district. »
(L'article 1er est adopté.)
, rapporteur. Voici l'article 2:
« Ceux des directoires de district qui ont reçu la Commission du directoire de département pour 1791, et qui n'ont pas encore terminé la répartition entre les municipalités, sont tenus sous la même peine de la faire dans la quinzaine qui suivra la réception du présent décret, et de certifier, immédiatement après, le directoire du département, de l'envoi des mandements aux municipalités, j»
Je voudrais qu'on ajoutât à l'arti cle du comité celui-ci :
« Et un mois après la date de l'envoi du mandement, ils sont tenus d'envoyer, au département, le bordereau exigé par l'instruction jointe à la loi du 23 novembre, à moins qu'ils ne justifient des diligences faites contre les municipalités qui n'auraient pas envoyé leurs matrices et les rôles. »
Un membre : Si l'on se détermine à adopter cette proposition, ce ne serait point à cet article qu'elle s appliquerait, ce . serait tout au plus à 1 article 5. Je demande donc qu'on ne délibère pas, quant à présent, sur la proposition.
(L'Assemblee décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la proposition de M. Castel, et adopte l'article 2.) ; ,
, rapporteur. Voici l'article 3 :
« A l'égard des directoires de district qui n'ont pas reçu jusqu'à présent les commissions dè leur département, ils seront pareillement tenus, et sous la même peine, de terminer la répartition entre les municipalités dans la quinzaine qui suivra la réception des commissions, et de certifier, immédiatement après, le directoire du département, de l'envoi des mandements aux municipalités. »
(L'Assemblée adopte l'article 3.)
, rapporteur. Voici l'article 4 :
« Si un directoire de district ne terminait pas la répartition dans les délais ci-dessus, le directoire du département nommera des commissaires pris parmi les membres du conseil du district ou du département, lesquels seront chargés d'opérer sur-le-champ la repartition au lieu et place du directoire du district en retard. La dépense de ce commissariat sera retenue sur le traitement des membres du directoire et du procureur-syndic, sans déroger aux peines prononcées par les articles ci-dessus. »
Je propose d'ajouter après les mots : et du procureur-syndic ceux-ci '.dans le cas où il n'aurait pas requis l'exécution du décret.
Plusieurs membres : La question préalable !
Je demande à parler contre la question préalable pour les motifs suivants : Lorsque le procureur syndic aura requis le directoire de district, lorsqu'il aura démontré la nécessité de répartir l'impôt; et qu'il aura conclu à ce que les administrateurs s'en occupent sans délai, sans perdre de temps, toutes affaires cessantes, alors le procureur-syndic aura fait tout ce qu'il doit faire; on n'a aucun reproche à lui faire. Il ne doit pas supporter une pénitence puisqu'il s'est vraiment acquitté de ses fonctions. (Murmures.) Oui, Messieurs, je regarde comme une pénitence, une somme qui est payée pour une faute commise. Je demande donc qu'on ajoute, par amendement, que le procureur-syndic continuera, dans le cas où on n aura pas procédé au répartement, à faire toutes réquisitions nécessaires pour les faire terminer.
Un membre : J'appuie la motion de M. Delacroix. Quant aux membres des directoires, j'insiste sur ce qu'ils soient punis par la privation de leur traitement, c'est-a-dire que le commissariat soit à leurs frais, attendu qu ils sont déjà en retard.
Un membre : Je proposerai que les districts qui seront arriérés après la quinzaine soient remplacés dans leurs fonctions par la municipalité du chef-lieu de district.
Un membre : Je demande la question préalable sur l'amendement. Voici comme je le motive : il est bien clair que, lorsque vous portez unè peine, si la personne contre laquelle vous l'avez portée justifie ne pas l'avoir méritée et avoir fait toutes ses diligences pour l'éviter, certainement la peine n'est pas encourue. En conséquence, si le directoire ou le procureur-syndic lui-même vous justifie avoir fait toutes les diligences possibles, vous ne pouvez pas lui faire encourir la peine. Je demande, en conséquence, la question préalable sur tous les amendements.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La quéstion préalablé sur les amendements t
(L'Assemblée déerète qu'il n'y a pas lieu à dé-
libérer sur tous les amendements, et adopte l'article 4.)
, rapporteur. Voici l'article 5 :
« Les directoires de district informeront exactement les directoires de département, des mesures qu'ils auront suivies en exécution des articles 7, 8 et 9 de la loi du 17 juin 1791, pour accélérer la formation des matrices de rôles, et ils leur adresseront tous les 15 jours des bordereaux des rôles mis en recouvrement dans les municipalités de leur arrondissement. »
Un membre : Jé propose cet article additionnel pour empêcher qu à l'avenir les mêmes fonds ne supportent doublement l'impôt.
« Dans la huitaine, à compter du jour de la réception du présent décret, les directoires de département demeurent autorisés et sont tenus de nommer des commissaires pris dans leur sein ou ailleurs, pour fixer les limites respectives et circonscriptions des municipalités qui seront en retard. »
Un membre : Je demande la question préalable sur la proposition, parce qu'il existe une loi qui porte qu'il sera nommé des commissaires pour la démarcation des communes.
(L'Assemblée adopte la question préalable.)
Voici comment je propose de rédiger l'article additionnel 'que j'avais proposé à 1 article 2 et dont la discussion à été ajournée au: moment où l'on discuterait l'article 5.
« Les directoires de district sont tenus, sous la même peine, d'envoyer aux directoires de département le bordereau contenant les noms des municipalités, et le montant de leurs rôles rendus exécutoires, dans les 40 jours à dater de celui où les directoires de district ont reçu la commission du département, à moins qu'ils ne justifient des contraintes décernées contre les municipalités qui n'auraient pas fait parvenir leur matrice de rôles. »
Un membre : Je crois l'amendement de M. Gastel injuste et impolitique. Il tendrait à imposer une peine contre les administrateurs de district dans des faits étrangers à leur administration, et voici eomme je m'explique :
Les administrateurs de district sont chargés de faire jpart: des mandements aux municipalités. Là finit leur première opération. Vous avez établi que, dans le cas où ils seraient en retard relativement à ces mandements, que ces mandements seraient faits par des commissaires, à la charge et sur le traitement des administrateurs de district; H n'en peut être ainsi des opérations relatives aux municipalités, dont les adminisr trateurs de district ne sont que des surveillants. Quand une fois le mandement est parvenu, c'est à la municipalité à apporter ses travaux; c'est à elle à mettre le directoire dans le cas de la porter sur sa colonne, et de faire passer cette colonne au département. Or, on ne peut pas. porter une peine contre des administrateurs qui ne présentent pas, dans lés 40 jours, toutes les colonnes remplies, parce que si, en usant de la faveur de la loi, Us ont nommé des commissaires pour aider ou même suppléer les municipalités, certainement, vous ne pouvez pas rendre responsable le directoire de district. Je crois que la mesure proposée par votre comité, qui tend à envoyer au département, tous les 15 jours, la note des municipalités qui ont rempli leur devoir, est suffisante ; ainsi je demande que l'amendement soit rejeté, et qu'on s'en tienne à la
proposition du comité, qui contient toutes les mesures nécessaires.
Un membre : L'observation, qui vous a été faite par M. Castel, est en effet très importante. L'objet que l'Assemblée se propose est de hâter le recouvrement des contributions. Pour y parvenir, il faut mettre en action ceux qui doivent y participer. Je propose donc l'article additionnel suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que dans toutes les municipalités actuellement subsistantes, où les rôles des contributions foncières et mobilières ne sont pas formés conformément aux lois des 23 février 1790 et 13 janvier 1791, les officiers municipaux seront tenus de les faire parachever dans les 15 jours qui suivront la réception du présent décret sur les états de section, s'ils sont préparés, sinon en leur âme et conscience, et sur les mêmes bases présumées.
« Tout contribuable qui, dans les rôles faits de cette manière, se prétendrait lésé ou imposé au-dessus du taux porté par lès lois citées* pourra se pourvoir dans les formes indiquées par celle du 28 août dernier, en fournissant lui-même le détail des biens-fonds à lui appartenant sur le territoire de la communauté et la déclaration du revenu net auquel il évaluera chaque article desdits rôles. »
Un membre : Je demande la question préalable.
M. Castel a proposé un amendement.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Castel.)
Un membre : Les commissaires nommés par les municipalités pour opérer les travaux nécessaires pour compléter les impositions, ne peuvent pas être contraints par les municipalités à ce travail. Je demanderai donc seulement que les contraintes déterminées par la loi pour forcer les municipalités au travail de l'imposition, fussent communes, tant aux officiers municipaux qu'aux commissaires nommés pour travailler avec eux.
Je demande la question préalable sur l'amendement relatif aux commissaires des municipalités; en voici les motifs : c'est que les commissaires, qui ont été nommés jusqu'à présent par les municipalités, ne sont que des agents salariés par elles.
Un membre : Les commissaires que les municipalités se sont adjoints ont été salariés, ou ont fait leurs fonctions gratuites; mais, dans ces deux cas, ils n'ont aucun caractère public. (Murmures.) Les officiers municipaux, et non pas les commissaires, sont chargés des matrices de rôles ; c'est sur ces matrices que le commissaire est chargé de faire les rôles ; en conséquence, je propose la question préalable.
Plusieurs membres : La question préalable sur tous les amendements !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte l'article 5.)
, rapporteur. Voici l'article 6 :
« Les directoires de département informeront pareillement, de quinzaine en quinzaine* le ministre des contributions publiques des dispositions qu'ils auront faites pour l'exécution du présent aécret et des autres lois relatives aux contributions foncière et mobilière pour 1791 ; et le
ministre rendra compte, aussi tous le 15 jours, à l'Assemblée nationale, des progrès de la répartition et du recouvrement. »
(L'Assemblée adopte l'article 6.)
, rapporteur. L'article 7 du projet de décret est ainsi conçu :
« Le présent décret sera adressé, dans le jour, au pouvoir exécutif, qui le fera exécuter sans délai. » .
En présentant cette rédaction, je m'étais basé sur le principe que les décrets sur l'impôt ne sont pas susceptibles de sanction. Gomme, cependant, vous avez rappelé dans ce décret les peines prononcées par la loi du 28 août, il est constant, d'après la Constitution, que cette loi sera sujette à la sanction, et alors je propose de rédiger ainsi l'article 7 :
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Un membre : Il résulterait de l'article proposé, que le roi devrait sanctionner le décret en entier, au lieu qu'en suivant la Constitution, le roi ne doit sanctionner que les dispositions de la loi
5ui établissent des peines ; or, Messieurs, il n'y a,
ans cette loi, qu'un seul acte qui inflige des peines. Je proposerais donc de décréter que le présent décret sera porté à la sanction du roi, pour raison de la disposition pénale.
Comme tous les décrets relatifs aux contributions ne sont point sujets à la sanction, je ne pense pas que ce décret puisse y être porté. L'article de la Constitution porte que les décrets ne seront point sujets à sanction, quand ils ne porteront ^point des peines autres que des peines pécuniaires ; or, votre décret ne porte que des peines pécuniaires. Je conclus à ce qu'il ne soit pas porte à la sanction.
Plusieurs membres : Mais l'article 1er entraîne la peine de forfaiture !
C'est à nous de maintenir la Constitution.
D'après l'article constitutionnel, nous devons porter à la sanction l'article qui porte une peine autre qu'une peine pécuniaire. Si nous portons d'autres articles à la sanction, nous enfreindrons l'acte constitutionnel,et nous donnerons au roi un droit de sanction sur les décrets qui n'y sont pas sujets. Je demande donc que l'on délibéré expressément que l'on ne portera à la sanction que l'article qui porte la peiûe.
Je suis bien de l'avis de M. Vergniaud que l'on ne doit porter à la sanction que la partie du décret qui porte une peine. Mais la Constitution dit que vous ne pouvez le rendre sans avoir fait les trois lectures préalables. L'article 8 de la Constitution s'explique formellement à cet égard.
Plusieurs membres : On a rendu le décret d'urgence.
Un membre : Vous ne pouvez rendre le décret d'urgence là-dessus que pour ce qui est soumis à la sanction. (Murmures.)
Un membre : Il s'agit de savoir si un décret peut être à la fois dispensé des trois lectures et de la sanction. Lorsque l'Assemblée constituante a décrété qu'il y avait des décrets qui n'étaient pas sujets a la sanction, elle a ordonné précisément que ces décrets-là ne pourraient être rendus qu'après trois lectures. D'après cela, il est constant que celui dont il s'agit doit être soumis à trois délibérations.
Un membre : Je propose à l'Assemblée un mode qui évitera les longueurs de la sanction, c'est de substituer aux peines de forfaiture, des peines pécuniaires.
Un membre : J'observe qu'il y à des actes du Corps législatif qui sont exempts des trois lectures et de la sanction, tels que la vérification des pouvoirs et les injonctions aux membres de l'Assemblée. Mais il y a une exception manifeste pour les objets relatifs aux contributions. Il est clair qu'on a voulu donner à cet égard-là une garantie au peuple, pour que le Corps législatif ne se hâte point dans ses délibérations, et qu'il n'eût pas à se repentir d'une précipitation qu'il a sujet de craindre.
S'il était question d'établir un impôt quelconque, on ne pourrait se dispenser des trois lectures. En les exigeant, on a voulu prévenir absolument le peuple contre l'établissement d'un impôt onéreux et défavorable ; mais il n'est question ici que d'accélérer le recouvrement de l'impôt et le répartement, et je ne crois pas que, dans aucun cas, on puisse 1 assujettir aux trois lectures, parce que c'est l'exécution d'une disposition de la loi. Je pense donc que nous sommes restés dans les formes constitutionnelles en décrétant l'urgence.
Il me paraît que le préopinant a saisi le vrai point de la question. L'urgence est permise comme un moyen de gouvernement, l'urgence se décide par la nature des choses. Lorsqu'une affaire est pressée, le Corps législatif doit se hâter, et alors il déclare qu'il y a urgence. La Constitution a voulu qu'on n'abusât pas de l'urgence, qui cependant est nécessaire, en ordonnant que tout décret d'urgence serait révocable ; voilà le remède de l'urgence; mais c'est une chose nécessaire dont il ne faut pas nous écarter. Il y a d'ailleurs une grande différence entre l'établissement de l'impôt et une loi sur l'exécution de l'impôt. Une loi sur l'exécution dé l'impôt demande essentiellement l'urgence, autant qu'une loi sur l'impôt exige les trois lectures. Ainsi, je crois que, par la nature, il y a lieu à urgence, et qu'il n'y a pas lieu à la sanction, excepté pour la disposition pénale.
Il n'y a pas un seul article dans la Constitution, qui porte qu'on ne pourra pas décréter l'urgence sur., une loi où il s'agira d'accélérer le recouvrement des contributions publiques. Certes, les auteurs de la Constitution étaient trop sages pour rendre un décret aussi évidemment absurde.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
, rapporteur. Voici la rédaction que je propose pour l'article 7 ; f
« Le présent décret, sera présentéj, dans le jour, j à la sanction du roi, à raison de la peine de forfaiture prononcée par les premiers articles. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Un membre : Vous ne devez regarder les autres articles que comme une première lecture.
Plusieurs membres : Allons donc!
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près
la Caisse de l'extraordinaire, annonçant un brû-lement d'assignats.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il sera brûlé demain, à la Caisse ae l'extraordinaire, pour neuf millions d'assignats, qui, joints au 321 déjà brûlés, forment une somme totale de 330 millions. Je vous prie, Monsieur le Président, d'en donner connaissance à l'Assemblée. (Applaudissements.)
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Amelot. »
2° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur r qui demande une interprétation de la loi du 2 octobre dernier, sur les directoires de département; elle est ainsi conçue ::
« Monsieur le Président,
« Je crois devoir soumettre à la décision de l'Assemblée nationale une difficulté qui me paraît exiger une interprétation de la loi du 19 janvier dernier, relativement aux membres de directoire qui sont dans le cas de rentrer quoiqu'exclus, pour que les directoires puissent conserver la moitié de leurs anciens membres. J'ai l'honneur de vous envoyer la demande que j'ai reçue à ce sujet du directoire du département de l'Oise. Il me paraît urgent de prononcer pour que l'Assemblée du conseil général de ce département ne soit pas troubléè par cette difficulté.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Delessart. »
Un membre: La même question s'est élevée dans le directoire du département de la Mayenne; je demande le renvoi de ces deux difficultés au comité de division.
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de l'intérieur au comité de division.).
3° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, sur les fonderies de Montcenis et de l'Ile d'Indret; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer un : mémoire qui m'a été adressé par les administrateurs des fonderies de Montcenis, en Bourgogne, èt de l'île d'Indret, en Bretagne, engagées au département de la marine pour la fabrication des canons. L'Assemblée nationale avait déjà porté ses regards sur l'établissement de Montcenis, lors du ; décret qu'elle a rendu, le 9 mai dernier, relatif à la construction du canal du Charolais, pour faciliter le transport des matières premières et des marchandises ouvrées. Quant à l'île d'Indret, c'est une propriété nationale. La plus grande partie des établissements y ont été construits aux frais du département de la marine, et l'exploitation en a été remise, au mois de mai 1780, à la compagnie qui a réuni la fonderie de Montcenis. Ce deux grands établissements sont dans la plus grande détresse pour faire face à leurs engagements et continuer leur service; mais ie ne puis que m'en rapporter à la sagesse de l'Assemblée nationale pour ce qu'elle croira décider sur cet objet. Je me bornerai seulement à observer que la situation alarmante de cette compagnie sollicite de la justice de l'Assemblée qu'elle veuille bien faire connaître ses intentions le plus promptement qu'il lui sera possible.
. «, Je suis avec respect, etc, {J{
« Signé : Bertrand. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de marine et de commerce réunis 1
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la marine aux comités de marine et de commerce réunis I
4° Lettre et arrêtés du directoire du département de la Meuse, sur les mesures propres à accélérer la répartition des contributions. La lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le plus ardent patriotisme peut seul contenir le courage des municipalités dont les ennemis du bien public provoquent la démission pour laisser l'impôt sans répartiteurs. C'est dans cet esprit que nous avons l'honneur de vous adresser les deux arrêtés ci-joints. Nous vous prions de les mettre sous les yeux de l'Assemblée.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Signé ; les Administrateurs composant le directoire du département de la Meuse. »
A cette lettre sont joints deux arrêtés dont l'objet est d'exciter l'émulation des municipalités dans le répartement des impôts pour en accélérer le recouvrement.
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du directoire du département de la Meuse et que les deux arrêtés soient renvoyés au comité des contributions.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
5° Lettre de M. Jean de Batz, ancien membre de VAssemblée constituante, pour répondre aux inculpations faites par M. Clavière contre le comité central de liquidation, lors du discours qu'il a lu à la barre ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je viens de voir dans les papiers publics que, dans un discours sur les finances, lu à la barre de l'Assemblée nationale, on a répandu des inculpations contre une liquidation présentée à l'Assemblée nationale constituante par son comité central. Je vois aussi la très juste réclamation de M. Camus, et je m'empresse d'y joindre la mienne avec d autant plus de raison, que Ce fut sur la délibération de M. Camus et la délibération du comité central dont j'étais membre, que je fus chargé de porter à l'Assemblée nationale le rapport général dans lequel était comprise la liquidation inculpée.
« J ajouterai, Monsieur le Président, qu'à l'époque de l'organisation du comité central, je combattis ouvertement un plan de liquidation qui fut adopté. Mais, si j'ai pensé que la forme fût mauvaise, en soi-même le travail du comité a été irréprochable; et il est à ma connaissance particulière, parce que j'en sais la source, qu'on a donné de faux renseignements à M. Clavière. Mais quelle que soit la vérité, il importe qu'elle soit connue; et il sera facile de la constater par un nouvel examen, auquel la justice de l'Assemblée nationale me paraît ne pouvoir se refuser. A cet égard, Monsieur le président, je vous supplie de vouloir bien mettre sous ses yeux la très instante et très respectueuse réclamation que je joins à celle de M. Camus.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : Jean de Batz. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de liquidation! •
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. de Batz au comité de liquidation.)
6° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur y dans laquelle il annonce Fenvoi de pièces qui lui ont été adressées par le directoire du département du Var, relativement à la suspension des officiers municipaux de) Toulon, qui a été ordonnée par ce directoire dans le mois de septembre dernier.
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de l'intérieur et les pièces au çomité de division.)
Un membre : Je voudrais que, par un article additionnel au décret qui vient d être rendu sur les contributions publiques, l'Assemblée défendît à la Caisse de l'extraordinaire de faire désormais des avances pour les administrateurs en retard.
Un autre membre demande également à proposer des articles additionnels.
(L'Assemblée décrète que tous les articles additionnels seront renvoyés au comité des contributions publiques, qui en fera son rapport.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de division sur Vélection des hauts-jurés.
Un membre, au nom du comité de division : Votre-comité de division s'est fait représenter tous les procès-verbaux de la nomination des hauts-jurés. Par son examen, il a reconnu qu'à l'exception des départements dont je vais vous parler, tous se sont régulièrement conformés à la loi dans leurs élections, et qu'en conséquence, il y a lieu» par l'Assemblée nationale, à déclarer que ces différentes nominations sont valables et qu'elles doivent être tenues toutes pOur vérifiees, en exceptant, comme j'ai eu l'honneur de vous l'observer tout à l'heure, les départements qui, jusqu'à présent, n'ont pas encore envoyé leurs procès-verbaux ou qui en ont envoyé ne contenant point les hauts-jurés, parce qu'ils en sont restés a la nomination des suppléants.
Les départements qui ne sont point en règle sont ceux de l'Allier, des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Corrèze, de la Corse, de l'Hérault, d'Ille-et-Vilaine, de l'Isère, de la Haute-Loire, de la Moselle, de Paris, du Puy-de-Dôme, du Var et du Haut-Rhin. ' ^ vi
En conséquence, je propose de décréter que les nominations des hauts-jurés dans les autres départements sont valables et tenues pour vérifiées.
(L'Assemblée adopte cette proposition, sauf rédaction,)
M. le rapporteur. Si l'Assemblée le juge à propos, je remettrai sur le bureau le tableau des départements remis à l'impression.
Un membre ; J'ai remis moi-même le procès-verbal de la Corrèze, et je suis étonné que M. le rapporteur ait compris ce département dans le nombre de ceux qui rie sont pas en règle.
M. le rapporteur. Le procès-verbal que Monsieur prétend avoir remis n'est qu'un extrait dans lequel n'est point comprise 1 élection des hauts-jurés.
M. le rapporteur vous a proposé de décréter la validité des pouvoirs des hauts-jurés dont les procès-verbaux sont parvenus, mais il était également chargé de vous proposer un projet de décret pour enjoindre au pouvoir exécutif de donner des ordres pour que les procès-verbaux qui ne sont pas encore parvenus soient remis aux archives sans délai. Il est intéressant, en elfet, que la liste soit composée de tous ceux qui ont été nommés.
En conséquence, je propose de charger le pouvoir exécutif de donner incessamment des ordres
pour que les procès-verbaux d'élection des hauts-jurés soient remis incessamment aux archives.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Voysin de Gartempe.)
Un membre : ,Si l'Assemblée se décide à faire imprimer la liste, je la supplie de vouloir bien suspendre l'impression jusqu'à demain, attendu que je suis très certain que le procès-verbal du Puy-de-Dôme a été envoyé, même ert trois expéditions, et qu'il paraît bien étonnant qu'il ne s'en trouve pas une de remise au comité. Je me charge d'en déposer une demain, afin que ce département puisse être compris dans la liste.
Un membre : L'ajournement à huitaine de l'impression de la liste !
(L'Assemblée décrète qu'elle ajourne l'impression de la liste des hauts-jurés jusqu'à ce que les procès-verbaux manquants lui aient été remis.)
Suit la rédaction de ce décret, telle qu'elle a été adoptée lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, décrète qu'elle tient pour valables et vérifiées les nominations faites en chacun des départements dénommés en l'état ci-après, des deux hauts-jurés également dénommés audit état.
« A l'égard des départements de l'Allier, des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Corse, de l'Hérault, de l'Ille-et-Vilaine, de l'Isère, de la Haute-Loire, de la Moselle, de Paris, du Puy-de-Dôme, du Haut-Rhin et du Var, qui n'ont point encore envoyé le procès-verbal ae nomination des hauts-jurés, l'Assemblée nationale décrète que l'état en sera envoyé au pouvoir exécutif, chargé de faire les diligences nécessaires pour en faire faire la remise dans le plus court délai.
« Décrète au surplus, l'Assemblée nationale, qu'elle ajourne l'impression et la publication de la liste des hauts-jurés, prescrite par l'article 3 de la loi du 15 mai dernier, jusqu'à ce qu'elle ait pu être perfectionnée sur les procès-verbaux manquants, et dont la remise est ci-dessus exi-
LlSTE des départements qui ont envoyé leur procès-verbal de nomination de hauts-jurés, avec Vétat nominatif dès personnes nommées, et dont les pouvoirs sont déclarés vérifiés.
DÉPARTEMENTS. NOMS DES HAUTS-JURÉS.
î Charpentier. Ain...----------------} Càlouchet.
î Leradde. Aisne............ Guillot.
( Bontoux. Hautes-Alpes.........Rossignol.
,, ( Trabuc.
Basses-Alpes..... « -j Béroard.
, ( Raux.
Ardèche........... Leroy.
( Castel aîné. Ariège.... » — -\ Lasserre.
( Vouillemont. Aube.Garnier-Berthelin.
( Théron. Aude...,. v »Rumengous.
DÉPARTEMENTS.
NOMS DES HAUTS-JURÉS.
i Carbon-Molinier. Aveyron..............j Molinière.
( Loisel de Boismare. Calvados..,...........j Le Got.
( Armand. Cantal.................j Daude.
( NérstC
Charente-Inférieure....} Raoult, ( Trottier.
Cher............''{ Alasœur.
( Ousfaure. Gorrèze...............j Yvernat aîné.
(Vaillant. Côte-d'Or.........} Petit.
, ' , ( Bouttier. Côtes-du-Nord.........j Le Rétif.
- ( Peyrat. Creuse................ j Darfeuil.
( Cavailhon. Dordogne.............J Mazerat.
( Louvot. Doubs...............} Mugnier.
( Freycinet. Drôme................\ Morm.
(Bûché.
Eure.................. Lemaréchal.
( Petit-Jean. Eure-et-Loir........Le Brun.
( Le Thon. Finistère............. j Le Broussort.
( Plaurol.
Gard.................j Campel.
( Doumère. Haute-Garonne........j Crouzier.
( Pérès.
Gers.................j Daubous.
( Saige.
Gironde..........Feuilhe.
( Douhard. Indre.................j Taillandier.
T . { Nioche. # Indre-et-Loire.........\ Payen-Boisneuf.
i Dolard.
Jura.........»........) Courbe.
( Raymon-Cannègre. Landes...............{ Domenger aîné.
( Pothée. Loir-et-Cher..........{ Druillon.
("Giraud. Loire-Inférieure.......j Baco.
( Tristan. Loiret................(Coeur.
( Lostange. Lot.................Revellat.
( Claverie.
Lot-et-Garonne.......} Laurens..
( Pagezy. . Lozère.... — .........\ Bès ae Bère.
Brevet.
Maine-et-Loire........ Reveilière.
DEPARTEMENTS.
NOMS DES HACTS-JIRÉS
««cl»........{ DupW.
................i gggg
Hantp-Marnp f Guillaume. Haute-Marne..........j Gaulcher.
Mavpnnp J Lair-Delamotte. Mayenne..............j Provost du Bourion.
Mpnrthp C Pierrard. Meurme...........'"i Malglaive.
Mphqp ( Cressonnier. Meuse................] Christophe.
Morbihan.............j
ivrî^r-û ' $ Michault-Laronde. mevre;.............Grangier.
( Lesage-Senault. mm...............--iDoutfan.
Omp i Stilières.
urne.................1 Lelièvre delaProvatière.
n;CÛ ( Poaquier de Vaux. uise..................\ Tezonesme.
Pas-de-Calais.........i ^nquart.
......... Beaurepaire.
Hautes-Pyrénées......j gjjjg^.,
Basses-Pyrénées ......j ^rttTe Bidache.
Pyrénées-Orientales...j
Bas-Rhin —........ j Sp^dmnn.m^ammer'
Rhône-et-Loire........j ®f™ard de Gharpieux.
Haute-Saône........ J fressaud.
{ Villequez.
Saône-et-Loire. ....... j Merle.
( Joffroy.
Sarthe............/;. j ^.Camuza.
( Bnchet.
Seine-et-Oise..........\ ïe^rd
( Belot.
Seine-et-Marne........ Crespin.
' ( Hervieux.
Seine-Inférieure.....fe .Bpucher-Dutrouche.
( Guisier.
Deux-Sèvres.........J §aSïet"
. \ Boddin.
Somme......................£sseli.n-
{ Gressier.
Tarn................. i Laforgue.
( Jalbert.
Vn«!j»p«5 '"'S Chantère. Vosges..............{ Petit-Mengin.
Vendée.........:.;...5 g?*™-
( Biaille.
Vipnnp ( Albert Préveil. vienne..............Michault.
Haute-Vienne......... Longean.
( Meuret.
Yonnp J Haie-Luci. lonne...............-j Joubleau-Pamery.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les remplacements dans les emplois vacants de Varmée.
, rapporteur. Je vais d'abord vous donner lecture des deux articles qui ont été décrétés (1).
Art. 1er
« L'exécution des articles du décret du 28 septembre dernier, qui fixent le mode de l'examen aux emplois de sous-lieutenants de l'armée, demeure suspendue jusqu'au 1er février prochain. Sont exceptés de la présente disposition les remplacements à faire dans l'artillerie et le génie. Le ministre de la guerre sera tenu d'effectuer tous les remplacements d'ici au Ie* février prochain.
Art. 2.
o Les places d'officiers vacantes dans l'armée seront données, à dater du 15 octobre jusqu'au 1er février prochain, moitié aux sous-officiers des troupes de ligne, et l'autre moitié aux gardes nationales du royaume. »
Je demande à proposer un article additionnel à l'article 2 du projet de M. Jaucourt, que vous avez déjà décrété à la séance du 10 de ce mois; il est ainsi conçu :
« Tout garde national dans l'âge où son engagement serait reçu dans les troupes de ligne, sera susceptible d'être promu aux sous-lieutenances vacantes. »
Messieurs, vous avez cru devoir déclarer également admissibles aux sous-lieutenances vacantes, et les gardes nationaux enrôlés pour combattre nos ennemis extérieurs, et ceux qui sont destinés à maintenir l'ordre dans l'intérieur de l'Empire; mais vous n'avez point fixé à quel âge un garde national peut être promu à une sous-lieutenance vacante. Je ne puis croire, Messieurs, que vous laissiez subsister la distinction établie par les articles 9 et 10 du décret du 1er août, qu'on vous propose de proroger. Suivant ces articles, les jeunes citoyens de 16 à 24 ans seraient seuls susceptibles des sous-lieutenances, dont la moitié est accordée aux gardes natio-nales. J'ose croire que vous n'attribuerez point à l'âge seul une faveur que vous avez cru ne pouvoir accorder au patriotisme, et qu'après avoir appelé tous les gardes nationaux sans distinction, aux emplois militaires vacants, il puisse être dans l'intention de l'Assemblée d'exclure tous les citoyens âgés de plus de 24 ans. Mais il faut une loi positive et sans équivoque qui manifeste cette intention. Autrement, le ministre serait fondé à dire : L'Assemblée nationale a bien réglé que la moitié des emplois vacants appartiendrait aux gardes nationales ; mais le décret du 1er août, qu'elle a en même temps adopté, fixe l'âge pendant lequel un citoyen est susceptible d'emploi, et cet âge est celui ae 16 à 24. Ainsi se trouverait écartée la majeure partie des citoyens appelés, par votre décret, aux sous-lieutenances vacantes.
Un citoyen de 25, 30, et même 40 ans, peut s'engager dans les troupes de ligne en qualité, de simple soldat ; dès qu on recevrait son engagement comme soldat, peut-on bien lui enlevèr le droit de concourir, comme les autres çitoyens, aux emplois vacants dans l'armée? Pourrait-pn décréter qu'un citoyen de 25 à 30 ans sera nécessairement obligé de servir; en qualité desol-
dat, pour parvenir aux emplois militaires, tandis que aes jeunes gens de 16 à 18âns pourraient obtenir les mêmes grades, sans avoir passé par les grades inférieurs?
Toute la nation a réclamé, avec raison. Contre les abus de l'ancien régime, qui condamnaient une portion de citoyens à ne servir dans les troupes de ligne, qu'en qualité de simple soldat, et on vous propose de renouveler aujourd'hui cette injustice contre la majeure partie des gardes nationaux! On ne laisse aux hommes de 25; 30 et 40 ans, que la liberté de servir comme soldats dans les troupes de ligne, sans pouvoir être choisis pour les sous-lieutenances vacantes. Messieurs, il n'y a point de milieu: ou ces citoyens sont en état de servir, ou ils sont incapables de service. Dans le dernier cas, leur engagement, comme soldats, ne doit point être admis. Dans le second, ils doivent jouir de tous les droits accordés aux autres citoyens.
C'est au Corps législatif, sans doute, à déterminer l'époque; ôu. la capacité est naturellement présumée; mais il ne doit y avoir rien d'arbitraire dans cette détermination, et les, bornes qu'il a droit d'apposer, doivent lui être présentées par la nature. Il ne lui est pas permis de dire qu'un homnie de 31 ans, dans la force de l'âge, ne peut concourir à un emploi, lorsque cet âge même serait un sûr garant de son aptitude à le remplir.
Je demande donc que la limitation portée par le décret du 1er août, soit levée, et que l'époque à laquelle l'engagement d'un citoyen ne (serait plus admis comme soldât, soit la seule où il ne lui soit plus permis dé concourir aux emplois militaires vacants. Je demande que des citoyens, qui ont généreusement servi la patrie dans les gardes nationales, ne soient pas, en raison de quelques années de plus, privés de l'honneur de la servir plus fructueusement encore ; je demande que, dans les troupes de ligne, ils puissent continuer d'être les plus fermes soutiens de notre Constitution, et que, par le décret que vous allez rendre, il n'y ait, conformément à l'acte constitutionnel, d'exclusion prononcée que contre l'incivisme et l'incapacité.
Un membre : Je demande que l'on admette aussi les grenadiers royaux, les officiers de milice qui ont déjà fait leur apprentissage militaire.
jeune. Les officiers retirés sont, par le décret du lei août, admis à être replacés dans le grade de capitaine; mais il faut qu au lieu d'un certificat de district, ils aient un certificat bien plus sûr, celui dé leur service dans les gardes nationales.
Un membre : Comment un vieux soldat qui a blanchi sous le harnais, obéira-t-il à un jeune échappé de collège? Comment un parent qui a un peu de tendresse, consentira-t-il à envoyer son fils, âgé de 16 ans, dans des villes de garnison, où les mœurs sont dissolues? {Murmures.) Comment un père patriote enverra-t-il un jeune homme, encore sans principe, dans des corps infectés d'aristocratie?
Un membre : Je suis d'autant plus porté à approuver la motion qui vous est faite par M. Gohier, que parmi les gardes nationaux qui sont actuellement aux frontières, il est un nombre considérable de sous-officiers qui joignent à la bravoure l'expérience, et qui se trouveraient exclus des sous-lieutenances, si vous limitiez l'âge à 24 ans. Je demande donc que l'Assemblée veuille bien.
accueillir la proposition et qu'elle soit mise aux voix.
Quand l'Assemblée constituante a décrété que la. moitié des places d'officiers seraient accordées aux fils de citoyens actifs, elle a voulu qu'il y eût un certain nombre d'officiers qui fussent capables d'un long service, parce qu'on ne pouvait pas espérer que le soldat de troupes de ligne qui parvenait, par son ancienneté de service, au grade d'officier, pût encore faire un long service. C'est la seule raison qui a déterminé l'Assemblée nationale à décréter que la moitié des places d'officiers seraient données aux fils de citoyens actifs, et vous retomberiez dans le même vice que l'Assemblée nationale a voulu éviter par là, si vous décrétiez que la place de sous-lieutenant serait donnée au-dessus de l'âge de 30 ans.
fl y a néanmoins une distinction à faire, la voici : Je Voudrais que le décret distinguât ceux qui auraient servi un certain temps dans les troupes de ligne, et qui, se trouvant à présent dans la garde nationale, quoiqu'ils eussent passé l'âge de 30 ans, pourraient néanmoins être propres à être nommés sous-lieutenants; mais je Voudrais aussi qu'on ne pût donner aucune place de sous-lieutenant, que jusqu'à l'âge de. 30. ans, à compter de l'âge de 18 ans.
jeune. Je demande qu'on fixe l'âge de 18 ans pour le minimum, et qu il n'y ait point de maximum.
Si l'Assemblée adopte la disposition proposée que les sous-lieutenances puissent être données à des hommes même de 40 ans pour l'infanterie, cette disposition, quoique vicieuse, peut du - moins s'exécuter, mais elle est physiquement impossible pour toutes les troupes à cneval, et je crois qu'il faudrait demander par amendement, que les troupes à cheval fussent exceptées, et que ce ne fut qué jusqu'à 24 ans qu'on pût être nommé sous-lieutenant dans cette arme.
Un membre : Je demanderai au préopinant si, dans le temps des grenadiers à cheval qui formaient une partie ae la maison du roi, on ne prenait pas les grenadiers de l'infanterie, sans distinction d'âge, pour composer cette troupe. Je lui demanderai encore si, à tout âge, un homme n'est pas susceptible de monter à cheval ?
Je répondrai à M. Jaucourt que l'Assemblée nationale a autorisé les directoires de département à prendre indistinctement, parmi les gardes nationales, ceux qui doivent lormer la gendarmerie nationale. Pourquoi alors ne pas laisser au pouvoir exécutif la faculté de nommer indistinctement dans les troupes de ligne et dans la cavalerie? Voici , en tenant compte de l'amendement de M, Lacuée, la réw daction que je propose :
« Tout garde national, depuis 18 ans et au-dessus, mais dans l'âge où son engagement est admissible comme soldat, sera susceptible d'être promu aux sous-lieutenances vacantes. »
Voici, d'après les principes que j'ai exposés, la rédaction que je propose :
« Les gardes nationaux ne pourront être reçus comme sous-lieutenants que depuis, l'âge de 18 ans jusqu'à 30. Seront exceptés de la disposition de cet article, tous ceux qui auront servi l'espace de 6 années dans les troupes de ligne, èt depuis la Révolution dans les gardes nationales. .»
Mon observation porte principalement sur la nécessité d'exiger des officiers retirés un Certificat de service actif daiis les gardes nationales. Il faut fermer la porte à l'aristocratie ; s'il y a le moindre petit trou, elle s'y glissera. (Rires et applaudissements.) Je demande qu'aucun citoyen actif ou fils de citoyen actif ne puisse prétendre aux emplois dévolus à la garde nationale s'il n'a pas lait un service actif et personnel dans la garde nationale dès le 1er janvier 1790. Nous savons tous, Messieurs, qu'à l'époque du 21 juin, beaucoup d'aristocrates sont entrés dans la garde nationale^ les uns par peur, lés autres dans de mauvaises intentions. Si nous ne prenons pas le soin de fixer cette date du 1èr janvier 1790, nous aurons des aristocrates, et voilà ce que nous ne voulons pas.
J'adopte la motion de M. Dubois-de-Bellegarde avec la modification que l'on exemptera de cette formalité les Français des villes où la formation de la garde nationale est postérieure à cette époque.
(Théodore). Je demande la question préalable sur la motion de M. Dubois-de-Bellegarde, et je vous donne pour raison que les jeunes gens qui n'ont atteint l'âge de 18 ans que postérieurement au 1er janvier 1790, n'ont pas pu servir avant cette époque, et cependant vous vous priveriez, par la, de la possibilité de choisir parmi les jeunes gens très capables de remplir ces fonetipns.
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix ! la proposition de M. Dubois-de-Bellegarde.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et adopte la proposition de M. Dubois-ae-Bellegarde, sauf rédaction.)
, secrétaire. Voici la rédaction de M. Dubois-de-Bellegarde :
« Ne pourront prétendre aux emplois réservés aux gardes nationales, par l'article précédent, que les citoyens et fils de citoyens qui auront fait un service actif et personnel dans les gardes nationales, depuis et compris le 1er janvier 1790 jusqu'à ce jour. »
Je demande que le même avantage soit accordé aux sous-officiers et soldats des troupes de ligne qui, s'étant retirés du service postérieurement au 1er janvier 1790, sont entrés immédiatement après dans la garde nationale.
Beaucoup de citoyens actifs n'étaient pas entrés au Ie* janvier 1790 dans la
tarde nationale, mais se sont inscrits, en vertu
u décret du 21 juin dernier, pour aller aux frontières, et y sont même à présent.
Je demande que ceux qui se sont inscrits pour aller aux frontières ou qui sont partis pour les frontières sans se faire remplacer, soient admis aux sous-lieutenances, quand bien même iis ne serviraient pas depuis le 1" janvier 1790 ; car, certes, ils ont donné en cela une grande preuve de leur patriotisme et de leur zèle pour la chose publique.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! la motion de M. Becquey.
(L'Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Becquey.)
Un membre : De tous les amendements proposés, il n'y en a pas un qui soit admissible; je demande que dans la rédaction de M. Dubois-de-Bellegarde on ajoute après les mots : « actif et personne : » ceux-ci, « et sans interruption ».
Lorsque le roi fut arrêté à Vârennes, tous les militaires ci-devant nobles vinrent se faire inscrire dans là garde nationale, et ils y servent depuis cette époque. Ils ont même servi ën 1790, au mois de janvier, mais comme ils prétendirent avoir éproîivé quelques désagréments, et qu'ils ne voulurent point servir en qualité de simples soldats, pour maintenir, disaient-ilsj leur prépondérance, il résulte de là ; qu'ils ont servi, mais qu'ils n'ont point fait un service continuel. Je demande donc que les mots : « et sans interruption » ou plutôt que le mot continuel soit inséré dans la rédaction.
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
J'ai proposé d'ajouter au décret un-amendement, dont je présente la rédaction en ces termes :
« Sont également admissibles auxdits emplois tous les sous-officiers et soldats qui, à l'époque de la formation des gardes nationales, étaient dans les troupes de ligne, et qui, depuis, ayant obtenu leur congé absolu, se sont fait inscrire, dans le délai d'un mois, après i'obtentioh dudit congé, dans la garde nationale, et ont fait un service actif et continu. » '
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Merlin, sauf rédaction.)
jeune. Je fais la motion expresse que nous décrétions, sans désemparer, ce qui concerne le remplacement des officiers.
C'est le moyen de faire de très mauvaises lois; je demande la question préalable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Carnot-Feuleins.)
Il vous reste, Messieurs, à statuer sur les limites d'âge entre lesquelles on pourra être appelé aux sous-lieuténances vacantes. Je rappelle qUe M. Lacuée a proposé de fixer à 18 ans le minimum et qu'il n'y ait pas de maximum. M. JaUCourt propose 16 et 24 ans et M. Rouyer 18 et 30 ans.
(Mathieu). S'il était question d'organiser une armée qui nè ' durerait qu'un certain temps, et qui seraitlicenciée à une époque fixe, j'adopterais le système qui consiste à n'admettre au service queles hommes lesplus formés, les plus en état de servir en ce moment ; mais l'Assemblée nationale doit porter plus loin sa prévoyance, et, quel que sott le terme qu'elle fixera pour l'admission des citoyens actife qui auront servi dans les gardes nationales, comme la moitié des sous-lieuténances est accordée aux sous-officiers, il est clair qu'elle sera remplie d'hommes très âgés. Si, d'un autre côté, vous prenez dans les Citoyens actifs qui ont servi dans les gardes nationales, des sous-lieutenants au-dessus de 25, 30 ans et indéfiniment comme on l'a exprimé, vous voyez que dans fort peu d'années, le corps même des sous-lieutenants, à cause de la lenteur de l'avancement, sera extrêmement vieilli.
Tout le monde sait qu'il est impossible de faire la guerre avec un corps d'officiers très vieux, que si le bon exemple des vieillards est nécessaire, la verdeur et la force de l'âge ne le sont pas moins, et que les législateurs doivent surtout peser l'effet des lois dans l'avenir. Je conclus donc à ce qu'on ne dépasse pas le terme de 30 ans.
Un membre : Si l'on admet la réflexion du préopinant, l'Assemblée va commettre une injustice a l'égard de plusieurs citoyens qui se sont sacri-
fiés pour l'éducation des gardes nationales. Quels sont ceux qui nous ont appris à manier le fusil? Des vieux militaires, des vieux caporaux. En conséquence, il est juste que ces citoyens puissent parvenir aux sous-lieutenances. Je soutiens donc la rédaction de 18 ans et au-dessus indéfiniment.
Si vous adoptiez la proposition de M. Dumas, il en résulterait que vous mettriez une distinction entre les sous-officiers et les citoyens actifs. En effet, on vous propose de donner la moitié des sous-lieutenances aux sous-officiers, et il est très possible que dans ces sous-officiers il y ait des nommes âgés de plus de 30 ans. D'un autre côté, vous ne devez pas supposer qu'un garde national, qui aura 40 ou 45 ans, se présente pour avoir une place de sous-lieutenant. Ainsi j appuie la rédaction qui a été proposée pour dire : « de 18 ans et au-dessus. »
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
D'autres membres : La priorité pour la motion de M. Lacuée !
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Lacuée et décrète que les limites d'âge sont 18 ans pour le minimum, et qu'il n'y a pas de maximum.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture de la rédaction suivante, résumant les diverses motions et amendements qui ont été adoptés et qui forment les articles 3 et 4 du décret sur le remplacement des officiers :
Art. 3.
« Ne pourront prétendre aux emplois réservés aux gardes nationaux par l'article précédent, que les citoyens et fils de citoyens, de 18 ans et au-dessus, qui auront fait un service personnel et continu dans les gardes nationales, depuis et compris le 1er janvier 1790 jusqu'à ce jour, à moins qu'ils ne se soient fait inscrire pour aller à la défense des frontières, en vertu du décret du 21 juin dernier, et ne soient entrés dans les bataillons sans s'être fait remplacer. »
Art. 4.
« Seront également admissibles auxdits emplois, tous les sous-officiers et soldats qui, à ladite époque du 1er janvier 1790, étaient dans les troupes de ligne, et qui, depuis, ayant obtenu leur congé absolu, se sont fait inscrire dans le délai d'un mois après l'obtention dudit congé, sur le registre de là garde nationale, et y ont fait un service actif et continu. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
La parole est à M. le ministre de Vintérieur pour rendre compte de l'état actuel des districts d'Avignon et de Carpentras.
, ministre de l'intérieur. C'est pour obéir à un décret de l'Assemblée que ie lui demande un instant d'attention. Elle a décrété
3ue je lui rendrais compte de l'état d'Avignon et e Carpentras, et des dispositions faites pour y rétablir l'ordre et faire punir les auteurs et Complices des meurtres qui viennent de s'y commettre. La première mesure, la seule qu'il ait été possible de prendre, consiste, d'une part, dans le renvoi de 3 commissaires civils nommés par le roi, en exécution du décret du 14 septembre dernier, sanctionné par Sa Majesté ; de l'autre, dans le rassemblement des troupes de ligne en nombre suffisant pour protéger les opérations des com-
missaires relatives à l'exécution de cette loi.
En exécution du décret du 23 septembre, sanctionné par Sa Majesté le 2 octobre, concernant l'organisation provisoire du ci-devant État d'Avignon et du Qomtat-Venaissin, des commissions ont été expédiées le 6 octobre, deux des commissaires sont arrivés le 21 à Orange, où on leur a confirmé la réalité des meurtres commis le 16 à Avignon, dont la nouvelle leur Etait parvenue dans la route. Les trois commissaires m'ont mandé, le 25, qu'ils faisaient imprimer le décret de réunion et leurs pouvoirs, afin de les faire notifier à toutes les communes le même jour ou le lendemain. On ignorait encore jusqu'où s'était étendue la fureur du parti dominant à Avignon.
Carpentras jouissait d'une tranquillité au moins apparente ; cependant il s'y était formé une assemblée de citoyens, soi-disant actifs, dite de Saint-Symphorien. parce qu'elle tenait ses séances dans une église de ce nom. Elle avait invité, par une circulaire, les communes à se coaliser. On voit que le but de cette coalition était de venger les catastrophes sanglantes d'Avignon et d en empêcher le renouvellement. Cette présomption, est confirmée par une adresse au roi, dans laquelle elle dénonce à Sa Majesté la conduite du sieur Jourdan et de ceux qu'il commande. Les inquiétudes qui subsistent encore ne seront dissipées que par le compte que les commissaires doivent rendre de leur entrée à Carpentras et Avignon, et des mesures qu'ils auront prises pour le rétablissement de la paix et de la tranquillité et pour la punition des coupables. J'attends tous les jours de leurs nouvelles.
ministre de l'Intérieur, demande encore à M. le Président un moment d'attention pour parler à l'Assemblée d'une affaire qui concerne les travaux du RhOne à Valence.
Les entrepreneurs des travaux du Rhône à Valence ont été accusés d'avoir voulu tromper l'administration sur la quantité de pierres employées à ces travaux. Cette affaire, par sa nature, m'a fait naître des doutes sur la question de savoir si elle doit être jugée par les tribunaux, où si elle doit être portée devant les corps administratifs .
L'article 3 du titre XIV de la loi sur l'organisation judiciaire est ainsi conçu :
« Les entrepreneurs de travaux publics, etc... »
Les termes très précis de cet article paraissent devoir résoudre la question en faveur des corps administratifs du département de la Drôme, et il me semble qu'ils seraient les seuls compétents pour statuer sur les difficultés qu'on a élevées relativement à l'exécution des clauses du marché fait avec les entrepreneurs des travaux du Rhône à Valence. On pourrait penser, cependant, que ces difficultés ne peuvent avoir de rapport qu au marché fait par les entrepreneurs de travaux publics, avec leurs sous-traitants et autres chargés d'exécuter lesdits marchés ; mais qu'elles ne peuvent pas concerner ceux passés entre les entrepreneurs et lés directoires ou les anciens corps administratifs. On pourrait donner pour raison que les départements, étant alors partie contre les entrepreneurs ils ne pourraient pas en devenir les juges, et que les tribunaux doivent seuls statuer sur la demande du procureur général syndic du département, et à la poursuite et diligence du procureur-syndic du district. C'est ce que le département a pensé.
Comme il s'agit d'interpréter la loi, j'ai cru devoir soumettre cette affaire à l'Assemblée nationale.
(L'Assemblée renvoie au comité des pétitions le rapport du ministre sur Avignon et Carpentras, et au comité de législation le mémoire sur la question de compétence entre les administrateurs au département de la Drômeetles entrepreneurs des travaux du Rhône à Valence.)
J'ai une dénonciation à faire; rien n'est plus intéressant : c'est l'honneur de l'Assemblée qui est blessé par un des agents du pouvoir exécutif. Je demande à M. le président de consulter l'Assemblée pour savoir si elle veut m'entendre.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Brival sera entendu demain à l'ouverture de la séance.) (Voir ci-après, page 86.)
J'invite l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour la nomination d'un vice-président et de deux secrétaires.
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
présidence de m. vi énot-.vaublanc
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 15 novembre.
Un de MM. les secrétaires annonce une pétition des huissiers-priseurs de Paris, qui demandent qu'on s'occupe incessamment de leur sort.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse du deuxième bataillon des volontaires nationaux du département de Rhône-et-Loire, qui ambitionnent l'honneur de faire partie des secours qui doivent être envoyés à Saint-Domingue ; cette adresse est ainsi conçue :
« A nos augustes Représentants,
« Messieurs, vous venez de décréter un secours de 2,300 hommes pour nos malheureux frères de Saint-Domingue. Le deuxième bataillon des volontaires nationaux du département de Rhône-et-Loire ambitionné l'honneur de faire partie de ce secours. L'amour de la patrie nous a rassemblés et formés. Veuillez, Messieurs, ordonner notre embarquement. La patrie est pour nous dans tous les lieux où il existe des Français. Leurs foyers, quelque lointains qu'ils soient, deviennent lés nôtres lorsqu'il s'agit de. les défendre. Le climat de l'Amérique est propice à la liberté. Nos enné-mis qui ont secrètement machiné la perte de nos colonies, ont cru que les troubles intérieurs qu'ils nous avaient déjà suscités, ne nous permettraient pas de voler à la défense des colonies; ils ont calculé comme sous le règne du despotisme et seront étonnés de ce que la France peut sous le règne de la liberté. Que les corps américains soient étonnés en voyant des citoyens français d'Europe sous l'uniforme aux trois couleurs, se joindre aux troupes de ligne pour aller y affermir le drapeau chancelant de la liberté. (Applaudissements.)
« A Lyon, ce 12 novembre 1791. »
(Suivent les signatures.)
Je demande qu'il soit fait mention
honorable de l'offre des volontàires de Lyon au procès-verbal, et que M. le président soit chargé par l'Assemblée de répondre à ces braves militaires. (Applaudissements.)
Un membre ; Je demande qu'on choisisse dans le nombre de ces braves gardes nationales ceux qui doivent faire partie des forces à envoyer à Saint-Domingue. J'ai l'honneur de vous observer, Messieurs, que si vous envoyez à Saint-Domingue des gardes nationales pour rétablir la paix avec les troupes de ligne, elles agiront de concert, partageront les dangers et partageront aussi la gloire. Au lieu que si l'on n'envoie que des troupes de ligne, elles seront entièrement subordonnées aux chefs (Rires.); elles ne suivront d'autre mouvement que celui que leur donnera le chef. Au contraire, avec des gardes nationales en moitié nombre, les gardes nationales partageront la confiance des citoyens, serviront utilement la patrie et ne porteront point la désolation dans ces contrées.
Plusieurs membres : L'ordre du jour sur cette motion !
Je demande le renvoi de l'adresse au pouvoir exécutif et mention honorable au procès-verbal. ,
(L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)
J'ai à vous faire part d'une lettre du département du Morbihan, qui annonce de nouveaux malheurs arrivés sur son territoire à l'occasion de l'installation d'un nouveau curé que des séditieux ont voulu Chasser. Le curé constitutionnel qui avait été nommé à la cure de Guis-criff, l'une des plus considérables du district du Faouet, devait prendre dernièrement possession de cette paroisse. Des méchants avaient préparé les cordes des cloches. Au moment où le prêtre allait faire la cérémonie, les cloches sonnèrent de toutes parts le tocsin ; l'alarme fut générale. Cependant à force de courage de la part de la gendarmerie nationale, le nouveau curé prit possession. On dressa procès-verbal de tous ces malheurs ; et ils n'eurent pas plutôt disparu, que l'on se jeta sur le presbytère. Le curé fut obligé de céder la place, et ne dut son salut qu'à la fuite.
Au même instant, à quelques lieues de là, un autre curé d'une paroisse non moins considérable, Plouguernevel, du même district, prenait possession du bénéfice. Il est arraché de l'autel par les cheveux, maltraité et laissé dans l'état le plus effroyable. La garde nationale d'une petite ville voisine accourut et donna mille preuves de valeur pour dissiper les mutins. Pour effrayer les révoltés, elle fit une décharge de mousquete-rie en l'air, et deux hommes furent tués (Rires.) contré l'intention sans doute de ces braves militaires.
Les peuples, dans l'alarme et la consternation, se réunissent aujourd'hui pour supplier l'Assemblée nationale.de leur rendre la paix en éloignant de leurs cantons les prêtres réfractaires, auxquels ils attribuent leurs malheurs. Ils vous demandent de déporter ces curés à huit lieues de leur résidence actuelle, avec défense d'aller dans leurs familles, hors le cas de maladie constatée.
Cette nouvelle pièce, ajoutée à mille autres, doit prouver à l'Assemblée qué chaque jour, chaque instant qu'elle diffère de prendre un parti rigoureux contre les perturbateurs du repos public, coûtent des malheurs incalculables a la patrie. Vous savez que les conjurations sont mille fois plus à craindre quand le peuple s'en mêle, et le peuple soutient les prêtres réfractaires; vous con-
naissez le mal, attaquez-le dans sa source ; bientôt elle tarira. Je demande, en attendant, le renvoi de ces pièces au comité de législation.
(L'Assemblée renvoie la pétition et les pièces annexées au comité de législation.)
Dans la même séance, j'ai entendu deux motions capables de faire perdre tout espoir à la patrie. L'une, d'abandonner nos colonies ; l'autre, d'expulser du royaume quiconque n'a pas notre opinion religieuse. Dans ce moment où nous agitons le dé dont la sortie va nous donner la paix ou la guerre intérieure, dans ce moment où les clameurs populaires tendent à nous faire substituer l'opinion vulgaire à celle du législateur, craignons de nous laisser conduire à une loi qui serait plus funeste que la révocation de l'édit de Nantes, puisque si on persécute, le prêtre et le sectaire fuiront l'Etat persécuteur. Encore quelques principes pareils, et l'on nous écartera des principes de sagesse qui doivent nous diriger. Je répète avec le chancelier de l'Hospital : Excidat illa dies. que ce jour de calamité s'éloigne; et que, s il arrive, les maux qu'il occasionnera puissent un jour retomber sur la tête de leurs auteurs ! Quand une nation qui a renoncé aux conquêtes tire l'épée, c'est son sang qu'elle fait couler. Je déclare, pour mon compte, que ie n'abandonnerai pas le rôle honorable de son législateur pour celui de son persécuteur, et je fais la motion que toute proposition incendiaire tendant à faire perdre l'aplomb et le calme d'esprit, source pure de toute loi, ne soit pas même écoutée, et soit rejetée comme contraire au bien et à la paix.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
J'avais demandé la parole à la fin de la séance d'hier pour présenter des réflexions fort importantes sur un projet d'intérêt public, l'Assemblée m'a renvoyé à aujourd'hui pour être entendu Je la demande de nouveau.
La parole est à M. Brival.
Nous avons juré de maintenir la Constitution de tout notre pouvoir, et de ne rien consentir pendant toute la législature qui puisse y porter atteinte. Le roi a prêté le même serment, et cependant sa proclamation du 12 de ce mois (1), relative au refus qu'a fait Sa Majesté de sanctionner le décret sur les émigrés, quoique belle et séduisante, est contraire à la Constitution. (Murmures.) C'est ce que je vais établir.
Je demande l'ajournement de cette affaire.
Messieurs, vous ne pouvez vous dispenser... (Murmures.)
C'est par des. motions incidentes qu'on fait perdre le temps de l'Assemblée. Je demande qu'avant toutes choses on passe à l'ordre du jour. {Appuyé! appuyé!)
Je demande pourquoi l'on passerait à l'ordre du jour, puisque nous ne savons pas ce que Monsieur peut avoir à nous dire, (j Murmures.)
Plusieurs membres : Nous l'avons entendu !
La nature delà dé-
Voix diverses : L'ajournement! — L'ordre du jour! — La priorité pour l'ordre du jour!
Je demanda à ceux qui veulent passer à l'ordre du jour sans savoir... (Bruit.)
On demande la priorité pour l'ordre du jour? (Oui! oui !)
Plusieurs membres : La discussion fermée!
Je ne crois pas que M. le Président ait accordé la parole sans connaître les motifs qui ont déterminé Monsieur à la solliciter. Je prie M. le Président, afin que tout le monde soit en état de statuer en connaissance de cause, de vouloir bien dire quel est l'objet dont Monsieur veut nous occuper.
M. Brival a demandé la parole à l'Assemblée sans me dire sur quel sujet. On demande d'une part l'ajournement, d'autre part l'ordre du jour. Là-dessus s'élève une discu-sion tumultueuse. Plusieurs membres demandent que cette discussion soit fermée ; je vais mettre cela aux voix, et ensuite l'Assemblée décidera.
Je demande à l'Assemblée si l'on peut fermer une discussion qui n'est pas ouverte? Je demande que l'on consulte l'Assemblée pour savoir si l'opinant sera entendu.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Brival ne sera pas entendu.)
Un membre du comité des assignats et monnaies se présente pour lire un rapport.
Je demande l'ajournement de cette question à demain.
(L'Assemblée ajourne à demain la lecture du rapport du comité des assignats et monnaies.)
Un membre, au nom du comité des décrets : Votre comité m'a chargé de référer à l'Assemblée une difficulté relative à la forme des décrets, pour être présentés à la sanction du roi Pour résoudre cette diffficulté, il vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des décrets, décrète que, conformément à la disposition de l'article 11 de la section II du chapitre III, titre III de l'acte constitutionnel, tout décret pour lequel la matière aura été décrétée urgente, en énoncera les motifs et qu'il en sera fait mention dans le préambule du décret définitif, et cependant les deux décrets seront inscrits sur la même feuille, à la suite l'un de l'autre. »
Ce décret est inutile; il ne faut ici qu'une attention particulière de MM. les secrétaires et de la part de MM. les commissaires. Il est bien certain que quand il y a un décret d'urgence on doit ie mettre à la tête du décret définitif. Je demande la question préalable sur le tout.
Plusieurs membres : Non! non! l'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des assignats et monnaies sur le brûlement des assi-gnats fautes ou surnuméraires, qui appartiennent à l'émission des 100 millions d'assignats ue 5 livres, décrétée le 6 mai 1791.
, au nom du comité des assignats et monnaies. Messieurs, les commissaires du comité avaient commencé le comptage des bouts de sé-
ries qui appartiennent aux 100 millions d'assignats de 5 livres qui ont été décrétés le 6 mai. Ils croyaient que cette annonce suffisait pour opérer le brûlement de ces bouts de séries qui ne doivent plus servir, l'émission des 100 millions étant absolument parfaite. Cependant votre comité a observé que, relativement à l'émission des 400 millions, les commissaires chargés de la surveillance des assignats avaient toujours pris un décret de l'Assemblée nationale qui les y autorisait. En conséquence, le comité m'a chargé de vous proposer le décret suivant :
« Le comité des assignats, chargé de suivre les opérations et la surveillance attribuée par le corps constituant aux commissaires établis par le décret des 21 et 22 mai dernier, pour la fabrication des assignats de 5 livres créés par le décret •du 6 dudit mois, fera le compte et le recensement des assignats délivrés à l'imprimerie, remis au timbre et au numérotage,et qui, lors du numérotage ou de l'application du timbre, ont été mis hors d'état de servir par quelque vice dans l'application du timbre ou des numéros, ainsi que aé ceux qui se trouveraient excéder la quantité qui a été nécessaire pour fournir les 100 millions. Après ledit recensement ou âu fur et à mesure, lesdits assignats qui n'ont pu servir, et tous ceux qui se trouveraient excéder le nombre qui a rempli l'émission de 100 millions, seront brûlés dans la cour de la Caisse de l'extraordinaire, en présence des commissaires de ladite caisse et du public; il sera dressé procès-verbal desdits Compte, recensement et brûlement d'assignats, et il sera rendu public par la voie de l'impression. »
J'ai l'honneur de vous Observer que le décret doit être porté à la sanction, et qu'il n'y a d'autre motif d'urgence que l'empressement du comité à éteindre des représentations de valeur dont la nation ne peut plus faire usage; mais son respect pour la Constitution l'a conduit à proposer à l'Assemblée le décret d'urgence.
Plusieurs membres : L'urgence ! l'urgence î
(L'Assemblée décrète qu'il y a urgence,)
Un membre : Je ne vois pas quel motif on peut invoquer pour le décret d'urgence; je demande qu'il soit rapporté.
Je soutiens que le décret d'urgence doit être maintenu, car tson effet n'est que de dispenser des trois lectures. Nous pouvons aujourd'hui décréter qu'il y a urgence, et néanmoins faire imprimer et distribuer demain le projet de décret. Nous pourrons alors le discuter dans deux ou trois jours.
Plusieurs membres : La question préalable sur la demande d'impression.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable;)
Un membre : J'insiste sur le rapport du décret d'urgence.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le rapport du décret d'urgence, ajourne à samedi prochain la discussion et ordonne cependant l'impression du projet de décret et la distribution pour le lendemain matin.)
, au nom du comité d'instruction publique, demande àl'Assemblée que la discussion du projet de décret sur la répartition des encouragements à accorder aux artistes,
discussion qui, dans la séance d'avant-hier, avait été ajournée à aujourd'hui, soit commencée.
(L'Assemblée ajourne cette discussion à vendredi prochain.)
,secrétaire, fait lecture d'une lettre du ministre de la guerre à M. le Président, par laquelle ce ministre soumet à l'Assemblée la demande qui lui est faite par les commissaires des guerres, de conserver, par des motifs d'économie, leur ancien uniforme, au lieu de prendre celui qui leur est assigné par le décret du 20 septembre dernier.
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre et le mémoire des commissaires des guerres au comité militaire.)
Messieurs, le scrutin pour la nomination d'un vice-président a réuni 213 votants. La majorité absolue est de 107 voix. M. Brissot de Warville en a obtenu 76 ; M. Le-montey, 50 ; M. Lacépède, 44 ; il y a eu 43 voix perdues. Personne n ayant obtenu la majorité, il y aura lieu de procéder à un second scrutin.
Pour les seçréta,iresî plusieurs buréaux ii'ont pas remis leur scrutin, doit-on passer outre? {Oui ! oui !)
Les deux membres qui ont obtenu le plus de voix sont M. Guadet, 85 voix; M. Lacretelle, 81. En conséquence, je les proclame secrétaires.
, secrétaire. Voici Une lettre écrite à l'Assemblée nationale par l'Assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
« 100,0J0 noirs sont révoltés dans la partie du Nord....
Plusieurs membres : La date ?
, secrétaire ;
« Le
« 100,000 noirs sont révoltés dans la partie du Nord. Plus de 200 sucreries sont incendiées; les maîtres sont massacrés, et si quelques femmes se. trouvent épargnées, leur captivité est un état pire que la mort même. Déjà les nègres ont gagné les montagnes. Le fer et le feu y montent avec eux ; un nombre immense de cafeières est aussi la proie des flammes; celles qui restent touchent au moment de leur destruction. De toutes parts, femmes, enfants, vieillards, échappés au carnage, abandonnent leurs retraites, et cherchent sur les vaisseaux le seul asile qui leur soit assuré.
« Trop faibles pour résister à ce torrent, nous avons demandé des secours aux insulaires les plus voisins ; s'ils arrivent assez tôt pour prévenir notre anéantissement, ils ne ramèneront pas la source de nos richesses, elle est tarie pour jamais.
« Nous ne vous dirons pas quelle cause a produit nos malheurs ; vous devez assez la connaître : tout ce que nous piouvons vous jurer en ces cruelles circonstances, c'est que, s'il faut périr, nos derniers regards se tourneront encore vers la France; nos derniers vœux seront pour elle. » (Applaudissements.)
« Signé : Lecadrette, président ; pousignon,
vice-président ; Petit des Champceaux, secrétaire; Pluz, secrétaire. »
Plusieurs membres : Renvoi de la lettre au comité des colonies et mention honorable au procès-verbal !
Un membre : L'attachement que l'assemblée de Saint-Domingue témoigne à la mère-patrie, mé-
rite une réponse directe. Je propose en conséquence, de charger M. le Président.de faire une réponse au nom de l'Assemblée.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée décrète que M. le Président fera une réponse qui exprimera la douleur profonde de l'Assemblée.)
Un membre : Il a été adressé à l'Assemblée nationale une pétition signée de plus de 1,600 citoyens de Rennes, relativement à la question des prêtres ; je demande qu'il en soit fait lecture avant de passer à la discussion.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de législation sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.
Conformément à un décret rendu dans la séance d'avant-hier, le comité de législation s'est divisé hier en quatre sections pour présenter chacune un projet de décret sur les troubles du royaume.
La parole est à M. François de Neufchâteau.
, au nom de la 3® section dû comité de législation, lit le projet de décret suivant :
Projet de décret relatif aux troubles excités sous le prétexte de religion.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des commissaires civils envoyés dans le département de la Vendée, les pétitions d'un grand nombre de citoyens, et le rapport du comité de législation civile èt criminelle, sur les troubles excités dans plusieurs départements du royaume, par les ennemis du bien public, sous prétexte de religion ;
u Considérant que le contrat social doit lier, comme il doit également protéger tous les membres de l'Etat ;
« Qu'il importe de définir, sans équivoque, les termes de cet engagement, afin qu'une confusion dans les mots n'en puisse opérer une dans les idées, que le serment purement civique est la caution que tout citoyen doit donner de sa fidélité à la loi, et de son attachement à la société, et que la différence des opinions religieuses ne peut être un empêchement de prêter ce serment, puisque la Constitution assure à tout citoyen liberté entière de ses opinions en matière de religion, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre, ou ne porte pas à des actes nuisibles à la sûreté publique.
« Que le ministre d'un culte, en refusant de reconnaître l'acte constitutionnel qui l'autorise à professer ses opinions religieuses, sans lui imposer d'autres obligations que le respect pour l'ordre établi par la loi et pour la sûreté publique, annoncerait, par ce refus-là même, que son intention n'est pas de les respecter;
« Qu'en ne voulant pas reconnaître la loi, il abdiquerait volontairement les avantages que cette loi seule peut lui garantir;
« Que la voix de tous les citoyens éclairés
fïroclame dans l'Empire cette grande vérité, que a religion n'est pour les ennemis de la Constitution qu'un prétexte dont ils abusent, et un instrument dont ils osent se servir pour troubler la terre au nom du ciel ;
« Que leurs délits mystérieux échappent aisément aux mesures ordinaires, qui n'ont point de prise sur les cérémonies clandestines, dans lesquelles leurs trames sont enveloppées, et par
lesquelles ils exercent sur les consciences un empire invisible ;
« Qu'il est temps enfin de percer ces ténèbres, afin qu'on puisse discerner le citoyen paisible et de bonne foi, du prêtre turbulent et machina-teur qui regrette les anciens abus, et ne peut pardonner à la Révolution de les avoir détruits;
« Que l'obligation même d'assurer la liberté des opinions religieuses, garantie par l'acte constitutionnel, exige impérieusement que le Corps législatif prenne des grandes mesures politiques pour réprimer les factieux qui couvrent leurs complots d'un voile sacré.
« Qu'il faut à cet égard fixer précisément le sens et l'exécution des lois antérieures, et, si elles sont insuffisantes, en préparer de nouvelles ;
« Qu'enfin, c'est surtout aux progrès de la saine raison, et à l'opinion publique bien dirigée, qu'il est réservé d'achever le triomphe de la loi, d'ouvrir les veux des habitants des campagnes sur la perfidie intéressée de ceux qui veulent leur faire croire que les législateurs constituants ont touché- à la religion de leurs pères, et de prévenir pour l'honneur des Français, dans ce siècle de lumière, le renouvellement des scènes horribles dont la superstition n'a malheureusement que trop souillé leur histoire dans les siècles où l'ignorance des peuples était un des ressorts du gouvernement.
« L'Assemblée nationale, ayant décrété préalablement l'urgence,, décrète définitivement ce qui suit :
« Art. 1er. Dans la huitaine, à compter de la publication du
présent décret tous les ecclésiastiques, autres que ceux qui se sont conformés au décret du 27
novembre dernier, seront tenus de se présenter par devant la municipalité du lieu de leur
domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la
Constitution, et de signer le procès-verbal, qui en sera dressé sans frais.
« Art. 2. A l'expiration du délai ci-dessus, chaque municipalité fera parvenir au directoire du département, par la voie du district, un tableau des ecclésiastiques domiciliés dans Son territoire, en distinguant ceux qui auront prêté le serment et ceux qui l'auront refusé. Ces tableaux serviront à former les listes dont il sera parlé ci-après.
« Art. 3. Ceux des ministres du culte catholique, qui ont donné l'exemple de la soumission aux lois, et de l'attachement à leur patrie, en prêtant le serment de fidélité, tel qu'il était prescrit par le décret du 27 novembre, seront dispenses de toute formalité nouvelle. lis seront invariablement maintenus dans les places qu'ils occupent et dans les traitements dont ils jouis—-sent.
« Art. 4. Quant aux autres ecclésiastiques, aucun d'eux ne pourra désormais toucher, réclamer ni obtenir de pension ou de traitement sur le Trésor public, qu'en représentant la preuve de la prestation du serment civique conformément à l'article 1er ci-dessus. Les trésoriers, receveurs ou payeurs, qui auront fait des payements contre la teneur du présent décret, seront condamnés à en restituer le montant, et privés de leur état. (Applaudissements.)
« Art. 5. Outre la déchéance de tout traitement, les ecclésiastiques qui auront refusé de prêter le serment civique seront, par ce refus même, réputés suspects de révolte contre la loi et de mauvaises intentions contre la patrie, et comme tels, particulièrement soumis et recommandés à
la surveillance de toutes les autorités constituées. (Applaudissements.)
« Art. 6. En conséquence, tout ecclésiastique ayant refusé de prêter le serment civique, qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seraient la cause ou le prétexte, pourra être éloigné provisoirement du lieu de son domicile ordinaire, en vertu d'un arrêté du directoire du département, sur l'avis de celui du district, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux, suivant la gravité des circonstances. (Applaudissements.)
« Art. 7. En cas de désobéissance à l'arrêté du directoire du département, les contrevenants seront poursuivis et punis d'une année de détention.
« Art. 8. Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir troublé l'ordre public par ses discours, ses actions ou ses écrits, sera puni de deux ans de détention ; et si ces actions, ces discours ou ces écrits ont donné lieu à quelque meurtre, pillage ou incendie, le coupable sera puni des peines portées dans le Code pénal contre le meurtre, le pillage ou l'incendie. (Applaudissements.)
« Art. 9. Si, à l'occasion de troubles religieux, il s'élève, dans une commune, des séditions qui nécessitent le déplacement de la force armée, les frais avancés par le Trésor public pour cet objet seront supportés par la commune, sauf le recours de cette dernière contre les chefs et les instigateurs des émeutes. (Applaudissements.)
« Art. 10. Le directoire de chaque département fera dresser deux listes, la première comprenant lés noms et demeures des ministres du culte catholique sermentés, avec la note de ceux qui seront sans emploi, et qui voudront se rendre utiles ; la seconde, comprenant les noms et demeures de ceux qui auraient refusé de prêter le serment civique, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront été dressés contre eux. Ces deux listes seront arrêtées incessamment de manière à être ' présentées, s'il est possible, aux conseils généraux de département, avant la fin de leur session annuelle.
« Art. 11. A la suite de ces listes, les procureurs généraux syndics rendront compte auxdits . conseils de département, des diligences qui ont été faites dans leur ressort pour ï'exécufion des décrets de l'Assemblée nationale constituante, des 12, 24 juillet et 27 novembre 1790, concernant l'exercice du culte catholique salarié par la nation. Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois et la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés, par prévarication ou par négligence.
« Art. 12. Le conseil général de chaque département prendra sur cé sujet un arrêté motivé, qui sera adressé sur-le-champ à l'Assemblée nationale, avec les listes des prêtres sermentés et non assermentés, et les observations du département sur la conduite individuelle de ces derniers, ou sur leur coalition séditieuse, soit entre eux, soit avec les Français transfuges et déserteurs.
« Art. 13. Le Corps législatif se formera en comité général pour examiner ces différents procès-verbaux, listes et arrêtés, et, sur le vu du tout, aviser au dernier parti qu'il doit prendre, en proportionnant ses mesures, et à 1 étendue des maux qu'occasionne l'obstination des rebelles,
et à la grandeur de la nation forcée de les punir. (Applaudissements.)
« Art. 14. Il est enjoint expressément à tous les fonctionnaires publics du royaume, chacun en ce qui le concerne, de concourir avec l'activité la plus soutenue, à l'exécution stricte et littérale du présent décret, et à celle des lois déjà existantes contre les perturbateurs de l'ordre public, auxquelles il n'est pas dérogé par ce même décret.
» Art. 15. Les décrets de l'Assemblée nationale constituante des 12, 24 juillet et 27 novembre 1790_, ci-dessus rappelés, continueront aussi d'être suivis et exécutés suivant leurs forme et teneur, mais avec les modifications suivantes, que l'achèvement de la Constitution rend aujourd'hui nécessaires :
1° La formule du serment civique, portée en l'article 5 du titre II de l'acte constitutionnel, sera substituée au serment provisoire qui avait été prescrit par lesdits décrets ;
2° Le titre de constitution civile du clergé n'exprimant pas la véritable nature de ces lois, et rappelant une corporation qui n'existe plus (Applaudissements.) sera supprimé et remplacé par celui de lois concernant tes rapports civils et les règles extérieures de l'exercice du culte catholique en France;
3° Les évêques, curés et vicaires ne seront plus désignés sous la qualification de fonctionnaires publics, mais sous celle de ministres du culte catholique salariés par la nation. (Applaudissements.)
« Art. 16. Au moyen des dispositions précédentes, il ne pourra plus y avoir lieu à aucune dissidence réelle en ce royaume dans l'exercice du culte catholique, et comme il importe surtout d'éclairer le peuple sur les pièges qu'on ne cesse de lui tendre à ce sujet, l'Assemblée nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts et à multiplier leurs instructions contre le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public les bons ouvrages à la portée des citoyens des campagnes, qui lui seront adressés sur cette matière importante et d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'Etat,et récompensera leurs auteurs. » (Vifs applaudissements dans VAssemblée et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Bravo! bravo!
, au nom de la première section du comité de législation. La première section de votre comité de législation me charge de vous présenter le projet de décret suivant sur le même objet :
« Tous les citoyens doivent obéissance à la loi. Ceux qui abusent des opinions religieuses pour égarer le peuple, l'exciter à la sédition et au mépris des autorités constituées, sont les plus dangereux ennemis de la société, l'intérêt général exige qu'ils soient connus et réprimés ; en conséquence l'Assemblée nationale décrète :
« Art. 1er. Tout ecclésiastique qui n'a pas encore prêté le
serment civique, sera tenu dans la quinzaine, à compter de la publication du présent décret,
de le prêter dans les termes prescrits par l'article 5 du titre II de l'acte constitutionnel.
Ce serment sera reçu par la municipalité du domicile. L'acte en sera inscrit sur un registre,
et signé de celui qui aura satisfait à la loi.
« Art. 2. Le refus du serment civique emportera la déchéance de toutes pensions et traitements sur le Trésor public. Ceux qui l'auront
refusé seront regardés comme suspects. Toutes fonctions ecclésiastiques leur seront expressément interdites, et, dans le cas dé contravention, ils seront poursuivis comme coupables de déso-béissanceàla loi. punis de trois mois de prison, et d'un an en cas de récidive.
« Art. 3. Tout ecclésiastique qui, par ses écrits, ses discours ou ses actions engagera le peuple à la violation des lois de l'Etat, ou a porter atteinte au libre exercice du culte, sera puni d'un an de détention pour la première fois, et de deux ans en cas de récidive.
« Art. 4. Dans le cas d'attroupement, émeute ou sédition pour cause de religion, le ministre d'un culte qui y aura participé, ou qui l'aura favorisé, en sera réputé Te principal auteur.
« Art. 5. Seront, conformément à la loi dû 3 août 1791, réputés attroupements séditieux, et punis Comme tels, tous rassemblements de plus de 15 personnes qui auraient pour objet d'attenter à rétablissement d'un ministre du culte ou à la liberté des opinions religieuses. En conséquence, si les discours, les écrits ou les actions mentionnées au précédent article ont occasionné un pareil rassemblement, l'auteur sera puni de deux ans de détention.
» Art. 6. Si la sédition a eu lieu, et s'il en est résulté meurtre, incendie ou pillage, l'auteur de l'émeute sera puni de mort. Dans le même cas, les délits moins graves seront assujettis aux peines prononcées par le Code, pénal ou par celui de la police - orrectionnelle. L'auteur des violences et ses complices seront, en outre, ,solidairement condamnés à la réparation et aux dommages et intérêts des parties offensées.
« Art. 7. Si, à l'occasion d'une personne déclarée suspecte par le refus du serment civique, il y a émeute, sédition ou attroupement dans une paroisse, le conseil général de la commune pourra lui enjoindre provisoirement de s'éloigner à la distance de 6 lieues.
« Art. 8. Le Conseil général de la commune sera tenu d'envoyer, dans trois jours, copie de la délibération, au directoire de district, qui la fera passer dans le même délai, avec son avis motivé, au directoire de département.
» Art. 9: Si, après avoir vérifié les faits, le directoire de département juge indispensable au maintien de la tranquillité publique d'éloigner la personne suspecte^, il pourra lui interdire le retour dans la paroisse pendant le temps qui paraîtra nécessaire, en lui indiquant une maison où il pourra se retirer et où il sera fourni à sa subsistance, dont le maximum ne pourra excéder 500 livres par année.
« Art. 10. Si la personne présenté refuse d'obéir à l'injonction dans le délai qui leur aura été prescrit, elle sèra arrêtée, mise èn priison, et y restera pendant le temps déterminé pour son eloigriement.
« Art. 11. Les municipalités préviendront, dans trois jours, les directoires de district des troubles survenus dans leur arrondissement. Les directoires de district en instruiront, dans le même délai, les directoires de département, qui en donneront connaissance, dans la huitaine, au ministre dé l'intérieur. Le ministre de l'intérieur en mettra, tous les mois, les tableaux sous les yeux du Corps législatif.
« Art. 12. Les municipalités et les directoires sont spécialement chargés de dénoncer les auteurs des troubles aux accusateurs publics près des tribunaux. Les commissaires du roi rendront compte, tous les 15 jours, au ministre de la jus-
tice des poursuites qui auront lieu. Le ministre de la justice en instruira, tous les mois, le Corps législatif.
« Art. 13. Si les informations établissent qu'il y a complot contre la sûreté de 1 Etat, il en sera envoyé des expéditions au Corps législatif, qui décidera s'il y a lieu à accusation a la haute cour nationale.
« Art. 14. Si dés corps ou des individus revêtus de fonctions publiques refusent ou négligent d'employer les moyens que la loi leur confie pour prévenir une sédition, ils en seront personnellement responsables. S'il est nécessaire d'employer la force pour dissiper les troubles, les dépenses que cet emploi aura occasionnées seront réparties sur des habitants de la commune, au marc la livre de leurs contributions, sauf son recours solidaire contre les auteurs, fauteurs et complices de la sédition»
« Art. 15; Tout prêtre qui aura prêté le serment civique, pourra, conformément au décret du 7 mai 1791, célébrer la messe dans les églises paroissiales, succursales et oratoires nationaux, hors les heures du culte salarié par l'Etat.
« Art. 16. Tous ceux des ci-devant religieux ou religieuses qui ont opté pour la vie commune, et qui auront satisfait aux dispositions de la présente, loi, pourront ouvrir leurs chapelles au public, et y admettre ceux des prêtres qui justifieront avoir prêté le serment civique. »
, au nom de la deuxième section du comité de législation: yoici le. projet de décret adopté par la deuxième section du comité de législation sur le même objet : , « L'Assemblée nationale, considérant que si les principes du droit naturel et de la Constitution française consacrent la liberté des opinions et des cultes religieux, ces mêmes principes réprouvent et condamnent tout acte qui, sous prétexte de religion, trouble l'ordre public établi par la loi: considérant que l'exercice des droits naturels, civils et politiques, garantis à tous les Français par la Constitution, doit être restreint et motivé relativement aux citoyens qui refusent d'obéir à la loi ; considérant enfin qu'il est de son devoir et de sa sollicitude d'arrêter, par tous les moyens que la souveraineté nationale lui a transmis, les troubles qui agitent l'Empire, décrète ce qui suit :
«Art. 1er. Tout ecclésiastique français; recevant de l'Etat un
traitement, salaire ou pension, à quelque titre etsous quelque dénomination que ce soit, sera
tenu, dans la quinzaine qui suivra la publication du présent décret, de prêter, écrire et
signer de sa main, devant le conseil général de la commune du lieu de sa résidence, ou devant
le directoire de son district, le serment civique, prescrit par l'article II du titre 2 de la
Constitution, et de faire sa déclaration qu'il ne troublera en aucune manière les opinions
religieuses, et n'excitera jamais les citoyens à la désobéissance aux lois.
{Applaudissements.)
« Art. 2. Le procès-verbal qui constatera la prestation de serment et la déclaration ci-dessus sera déposé, dans les trois jours, au directoire, du département, lequel en enverra de suite une expédition en forme, au ministre de l'intérieur, qui en instruira, sans délai, le Corps législatif.
« Art 3. Tout ecclésiastique qui ne se sera pas conformé aux dispositions ae l'article lor, dans le délai prescrit, est, par Cela seul, déclaré suspect de rébellion à la loi, et privé de tout traitement et pension sur l'Etat. En conséquence,
il est défendu à tout receveur et caissier de lui faire aucun payement, à peine de responsabilité personnelle, et d'être poursuivi et puni comme prévaricateur.
« Art. 4. Si, par ses discours, ses écrits, ou par toute autre voie, directe ou indirecte, l'ecclésiastique non-sermenté excite quelque trouble, ou porte les citoyens à la désobéissance aux lois, il en sera, sur-le-champ, dressé procès-verbal par la municipalité, ou par le juge de paix du canton ; et sur ce procès-verbal, envoyé dans les trois jours au directoire du département, celui-ci, sur sa responsabilité, dénoncera à l'accusateur public l'auteur du trouble, et, dans le cas de dénonciation, l'ecclésiastique sera tenu provisoirement et jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par les tribunaux, ae s'éloigner de quatre lieues au moins de l'endroit où le trouble aura été commis.
« Art. 5. Faute, par l'ecclésiastique prévenu* de s'éloigner, ainsi qu'il est dit à l'article précédent, dans les trois jours de la sommation, qui lui en éera faite par le procureur général syndic, il sera de nouveau dénoncé Comme rebelle à la loi, et puni de deux ans de détention.
« Art. 6. Dans les cas de dénonciation portés en l'article 4 ci-dessus, les ecclésiastiques convaincus seront punis pour la première fois de deux années de détention, en cas de récidive, de trois années de gêne, et, à la troisième fois, ils seront bannis du royaume à perpétuité.
« Art. 7. Les dispositions de l'article précédent sont indépendantes des lois pôrtées dans le Gode
Bénal contre les perturbateurs du repos public, ans les cas de délits plus graves, les corps administratifs, tribunaux, accusateurs publics et officiers de police, chacun en ce qui les concerne, veilleront, avec une sévère exactitude, à l'exécution de ces lois ainsi qu'à celle du présent décret, à peine de forfaiture et de destitution.
« Art. 8. Les édifices nationaux destinés à l'exercice du culte dont les frais ont été déclarés à la charge du Trésor public, seront exclusivement réservés aux ecclésiastiques fonctionnaires salariés par l'Etat. Pourront néanmoins y célé-brer la messe, ceux des ecclésiastiques non fonctionnaires qui auront prêté le serment et fait la déclaration énoncée à 1 article du présent déeret, de même que ceux qui en auront obtenu la permission expresse du ministre du culte desservant.
« Art. 9. Le comité de législation est chargé de présenter incessamment un projet de décret ; qui fixe un mode uniforme de constater les naissances, mariages et décès pour tous les citoyens, sans distinction, et désigner les officiers civils qui en dresseront et conserveront les actes.
« Le comité d'instruction publique présentera aussi incessamment un projet de loi relatif à la suppression des congrégations qui existent sous diverses dénominations dans le royaume; »
, au nom de la quatrième __ section du comité de législation. Voici le projet de décret de la quatrième section de votre comité sur le même objet :
« L'Assemblée nationale, instruite des troubles qui agitent différentes parties de l'Empiré ; considérant que la religion qui les réprouve n'en est que le prétexte; que l'èxercicé des fonctions purement civiles par les ministres du culte pour constater les naissances, mariages et décès, peut en être aussi, dans plusieurs endroits, le prétexte,
mais que la haine de la Constitution, l'esprit de révolte en sont la principale cause; que cette conspiration intérieure paraît intimement liée avec la conjuration des émigrés ; que ces désordres ne peuvent avoir des motifs religieux lorsque le culte des religions est généralement permis, également protégé par la Constitution; que cette liberté doit cependant être restreinte et même réprimée d'après la Constitution même, là où la manifestation des opinions religieuses tro blerait l'ordre public établi par la loi; qu'ainsi il est instant de séparer de l'ordre religieux ce qui appartient essentiellement à l'ordre civil, et de reprimer, par des mesures sages et sévères, les attentats qui tendent à cétte subversion criminelle, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera incessamment pourvu au mode dont les
naissances, mariages et décès seront constatés à l'avenir, et reconnus par la loi ; et ce
mode sera en pleine activité; à compter du 1er janvier prochain. '
« Art. 2. L'Assemblée nationale n'entend interdire à aucun culte la faculté de tenir pour son usage particulier la note des registres de baptêmes ou naissances et mariages. (Murmures.)
« Art. 3. Les frais et traitements des ministres des diverses cultes seront à la charge des citoyens qui professeront ces cultes ; il n'y a d'exception que le culte catholique desservi par les prêtres sermentés, dont les frais et le traitement ae ses ministres continueront, aux termes de la Constitution, de faire partie ae la dette nationale.
« Art. 4. Les prêtres non sermentés, qui voudront exercer les actes de la religion ailleurs que dans les églises desservies par les prêtres assermentés, ne pourront le faire, dans les maisons particulières, que pour les personnes v demeurant. (Murmures.) Ils seront tenus de se pourvoir de lieux publics pour l'exercice commun de leurs actes de religion, et d'en donner avis à la municipalité du lieu,'ainsi que des temps et heures de leurs exercices.
« Art. 5. Toute personne tenant de la nation, pension, traitement, grade, offices ou fonctions à exercer, et en général toutes espèces d'avantages au delà des droits communs aux simples citoyens en sera complètement déchu, si, dans le mois de la publication du présent décret, elle n'a déposé à la municipalité son serment civique par écrit et signé par elle, ou bien authenti-quement. écrit sous sa dictée, dans le cas où elle ne pourrait écrire elle-même.
« Art. 6. Tout ministre ou officier d'un culte quelconque ne pourra en exercer les fonctions s'il n'a, au préalable, prêté son serment civique dans le délai ci-dessus, et s'il n'y a joint sa soumission par écrit de ne jamais troubler directement ni indirectement les autres religions ou croyances. >
« Art. 7. Toute personne qui exercerait le ministère ou les actes d'un , culte avant d'avoir rempli les conditions présentees dans l'article précédent, ou qui, après avoir pris ce double engagement, viendrait à y manquer, subira la peine de déportation hors du royaume, sans déroger aux peines plus graves prononcées par la loi.
« Art. 8. Le comité de législation présentera dans huitaine un projet de.toi pour développer et étendre les lois déjà faites contre les attroupements, séditions, troubles publics, écrits ou discours provoquant à la désoDéissance à la loi dans le cas où la religion et les cultes en seraient la cause ou le prétexte, et en distinguant les
prêtres ou autres ministres des autres citoyens délinquants.
« Art. 9. Les officiers et fonctionnaires publics chargés de dresser les procès-verbaux et de faire les premières instructions pour constater les délits, les accusateurs publics, les commissaires du roi dans les tribunaux, et les tribunaux eux-mêmes, seront, chacun à leur égard, responsables des défauts de poursuites. Dans les cas où les délits leur seront connus, ils encourront la peine de destitution.
« Art. 10. Les procureurs généraux des départements, les procureurs-syndics des districts, les procureurs des communes, et en général, les corps administratifs, auront la concurrence,'tant pour dénoncer les crimes et délits ci-dessus mentionnés, que pour poursuivre la responsabilité et la destitution des officiers publics, accusateurs et juges négligents aux termes du précédent article. »
Plusieurs membres : La priorité pour le projet de M. François de Neufchâteau.
Vautres membres : La seconde lecture du premier projet de décret! {Murmures.)
Un membre : Monsieur le Président, au nom de plusieurs de nos collègues, je demande la priorité sans une seconde lecture.
aîné. La mesure que nous avons dessein de prendre dans ce moment-ci, doit porter un coup bien important et très utile; mais il faut savoir bien profondément de quelle manière nous porterons le coup; c'est pourquoi je demande que les quatre projets soient imprimés.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression !
Les mesures à prendre pour faire enfin cesser les troubles qui agitent le royaume ont été suffisamment développées par ces quatre projets de décret. Il s'agit de savoir maintenant auquel de ces quatre projets on accordera la priorité. Sans doute, aucun d'eux ne contient toutes les dispositions nécessaires; cependant il faut, dès cet instant, décréter la priorité pour l'un des quatre ; parce qu'après avoir adopté les articles qui vous auront paru les plus sages, vous pourrez ajouter ceux qui vous paraîtront utiles, et vous les puiserez, s il le faut, dans lès trois autres projets de décret auxquels vous aurez refusé la priorité. {Applaudissements.)
Nous ne serons pas embarrassés pour choisir celui qui paraît le plus complet, quand même il ne le serait pas autant qu'il pourrait l'être. Or, le premier projet qui a été lu,, est certainement celui gui embrasse le plus les mesures que la sagesse indique, et que la justice peut adopter pour porter enfin remède aux troubles qui nous désolent. Je demande donc la priorité pour celui-là.
(L'Assemblée accorde, à l'unanimité, la priorité au projet de M.François de Neufchâteau.(Vifs applaudissements.)
Un membre : Je demande que le projet soit adopté sans désemparer.
Plusieurs membres : L'impression des quatre projets de décret !
D'autres membres : L'impression du premier projet seulement !
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression !
Je demande la question préalable sur la motion qui a été faite d'imprimer les quatre projets de décret. Les projets présentés
par le comité de législation ne doivent être envisagés que comme une simple rédaction. Il y a déjà eu une foule de projets de décret, et certainement on ne peut plus porter de jour sur cette matière ; elle est coulée à fond.
Je demande que l'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, livre à la discussion, article par article, le projet auquel elle a accordé la priorité, sauf les amendements qui pourront être adoptés.
Plusieurs membres : Appuyé ! Aux voix ! aux voix ! Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion, décide que les projets ne seront pas imprimés, que la discussion du premier commencera immédiatement article par article et décrète l'urgence sauf la rédaction des motifs.)
J'annonce à l'Assemblée que M. le ministre de l'intérieur demande la parole.
, ministre de l'intérieur, ministre des affaires étrangères par intérim. C'est, comme chargé par intérim du département des affaires étrangères, que ie vais avoir l'honneur de parler à l'Assemblée (1).
Messieurs,
Le roi m'a autorisé à donner conaissance à l'Assemblée nationale,-des réponses que Sa Majesté a reçues de diverses puissances, depuis celles que M. de Montmorin a communiquées à l'Assemblée. Je commencerai parla réponse de l'empereur. Cette réponse est en latin : mais la traduction que je vais lire est, je crois fidèle (î).
Vienne, le
Très sérénissime et très puissant prince, monsieur, notre très cher frère, cousin et allié,
l'ambassadeur de Votre Majesté nous a remis les lettres par lesquelles Elle nous certifie son
acceptation de la nouvelle Constitution qui lui a été présentée. Plus nous sommes étroitement
unis par les liens du sang, de l'amitié, de l'alliance et au voisinage, plus nous avons à cœur
la conservation de Votre Majesté et de sa famille royale, de même que la dignité de la
Couronne et le salut de la monarchie française. Ainsi nous désirons avec une affection
sincère, que le parti que Votre Majesté a cru devoir prendre dans l'état actuel des choses,
ait le succès qu'elle en attend, qu'il réponde à ses vœux pour la félicité publique ; et en
même temps, que les causes qui sont communes au roi et aux princes, et qui, par ce qui s'est
passé dernièrement, ont donné lieu à de sinistres augures, cessent pour l'avenir, et que
Réponse du grand-duc de Toscane au roi, datée de Florence, le
Monsieur mon frère, cousin et oncle, je prie Votre Majesté de recevoir mes remerciments les plus vifs de la part qu'il lui a plu de me donner de son acceptation de l'acte constitutionnel qui lui a été présenté par l'Assemblée nationale. Votre Majesté pénétrera aisément mes intentions, et me rendra la justice que ie mérite, en demeurant persuadée de l'intérêt ardent que je prends à tout ce qui regarde sa personne sacrée. Elle m'assure que les innovations qui sont arrivées n'apporteront aucune altération aux liens d'amitié et de réciprocité parfaites entre nos deux nations respectives; je me ferai, de mon côté, un devoir aussi agréable que constant de les cultiver et de les resserrer de plus en plus ; non seulement en considération de l'avantage public qui en doit résulter, mais encore pour prouver à Votre Majesté les sentiments de respect et de tendresse avec lesquels je suis, etc. (Applaudissements.)
Réponse du roi de Sardaigne, au roi, datée de Turin, le
Monsieur mon frère et cousin, j'ai reçu la lettre qu'il a plu à Votre Majesté de m'écrire le 25 du mois de septembre proche passé. La justice qu'elle rend à mes sentiments, en ne doutant pas de l'intérêt que je prends constamment sur tout ce qui la concerne personnellement, ainsi qu'au bonheur de sa maison et de ses sujets (Murmures et rires) me sera toujours de la plus grande satisfaction. Je prie Votre Majesté d'être également persuadée de ma sensibilité aux nouvelles assurances qu'elle veut bien me donner de la continuation de son amitié. Celle que je lui ai vouée ne saurait jamais se démentir ni s'altérer, et rien ne pourra diminuer mon empressement à l'en Convaincre.
Réponse du roi de Pologne, au roi, datée de Varsovie, le
Très sérénissime et très puissant prince, seigneur, notre très cher frère ; notre désir le plus sincère a toujours été de conserver entièrement et inviolablement l'ancienne amitié et la bonne harmonie qui régnent entre nous, et Votre Majesté très sérénissime concevra donc facilement que nous avons reçu avec un grand plaisir sa lettre en date du 20 septembre dernier, par laquelle Votre Majesté royale nous marque son amitié. Nous nous faisons un devoir de rendre à Votre Majesté les plus tendres actions de grâce de cette bonne disposition, dont nous sentons d'autant mieux le prix clans les circonstances présentes, qu'il n'est personne qui fasse plus que nous des vœux pour la gloire de Votre Majesté et pour la prospérité de la nation française. (Applaudissements.) Il ne me reste plus rien à désirer, si ce n'est que celui par qui les rois régnent et les législateurs décernent la justice, conserve par sa toute puissance le roi de France et toute la nation française. (Applaudissements.)
Réponse du duc de Saxe-Gotha au roi, datée de Gotha le
Infiniment sensible à l'attention flatteuse que Votre Majesté a daigné me témoigner par la lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire le 19
du mois passé, j'ai celui de lui en faire mes très humbles actions de grâces, en vous suppliant, Sire, de me conserver votre bienveillance, dont le prix m'est inestimable.
J'y joins le vœu sincère que Votre Majesté jouisse d'un long et glorieux règne, et je ne cesserai de prendre à tâche de lui prouver les sentiments de l'attachement respectueux et inviolable avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc.
Ernest.
Réponse de la ville de Danlzick au roi.
Sire, nous sommes pénétrés du plus profond respect pour la faveur signalée que Votre Majesté a bien voulu nous accorder en nous donnant connaissance des lois constitutionnelles suivant lesquelles elle s'est engagée de gouverner désormais son Empire. Nous osons regarder les termes pleins de bonté dont Votre Majesté a bien voulu accompagner ce témoignage de sa suprême clémence, comme une marque de l'intérêt constant qu'élle conserve pour cette république, qui n'a pas oublié, et qui n'oubliera jamais que les rois très chrétiens lui ont toujours accordé leur bienveillance dans les circonstances favorables, et leur appui dans les mauvaises. Plus les conjectures actuelles donnent de prix à ce motif de consolation, plus nous sentons les hautes obligations que nous devons à Votre Majesté. Nous essayerions inutilement de lui exprimer toute l'étendue de notre reconnaissance; c'est pourquoi nous nous bornons à adresser au ciel les prières les plus ferventes pour qu'il lui plaise de conserver longtemps Votre Majestér le père de ses peuples, le sage modérateur du pouvoir absolu, l'ornement du siècle, l'exemple des races futures, et pour qu'il la rende heureuse du bonheur et de la gloire de la nation. Nous nous recommandons, nous et notre république, à la suprême protection de Votre Majesté (1).
Après avoir fait connaître à l'Assemblée nationale la situation des choses relativement à la
notification de l'acceptation du roi, de l'acte constitutionnel, je dois lui faire part des
mesures prises par le roi, concernant les Français sortis du royaume. Les rassemblements
qu'ils ont formés ont eu lieu, principalement, dans 4 points différents : dans les Pays-Bas
autrichiens, à Coblentz, à Worms et à Ettenheim. Du moment où ils ont causé de l'inquiétude,
le roi s'est occupé des moyens de la raire cesser; le voisinage des Pays-Bas a dû fixer plus
particulièrement l'attention de Sa Majesté, et les rapports d'alliance, d'amitié et de parenté
qui régnent entre le roi et l'empereur, ont procuré à Sa Majesté la facilité d'exercer une
influence dont on n'a pas tardé à ressentir les effets. Dès le mois de mars et le mois d'avril
de cette année; l'empereur a fait donner les ordres les* plus précis à cet égard; ces ordres
ont été renouvelés par une ordonnance du mois d'août, qui défend toute espèce d'enrôlement, et
qui prescrit d'éloigner les réfugiés français qui s'en rendraient: suspects, et généralement
de veiller à ce qu'il ne soit rien donné ou fabriqués par les sujets autrichiens auxdits
réfugiés, ou à leurs gens, qui pût servir à leur armement ;, enfin, de nouveaux ordres ont été
donnés au mois d'octobre dernier, par le gouvernement des Pays-Bas, pour disper-
La Constitution de l'Empire, la position des lieux et la différence des relations n'ont pas permis au roi d'agir d'une manière aussi directe, relativement aux autres lieux dans lesquels Al s'èst formé des rassemblements; mais Sa Majesté, en remerciant l'empereur du soin qu'il a
§ris de faire cesser tout ce qui pouvait nous causer e l'inquiétude, a demandé a ce prince d'inter-
§ oser ses bons offices et son autorité à l'effet 'assurer dans toute l'étendue de l'Empire le respect dû au droit .des gens, ainsi qu'aux lois et aux traités qui garantissent la paix et la tranquillité générale. Indépendamment de cette démarche, le roi a fait demander, directement à l'électeur de Trêves, de faire cesser les rassemblements et les préparatifs qui existent dans ses Etats, et d'empêcher soigneusement qu'il ne s'en forme de nouveaux à Avenir ; le roi a adressé la même démande à l'électeur de Mavence/en sa
Qualité d'évêque de Vorms; enfin, Sa Majesté a onné des ordres pour qu'en suivant les formes constitutionnélles du Corps germanique, il soit fait de toutes parts les déclarations et réquisitions nécessaires pour dissiper et pour prévenir toute espèce de rassemblements, pour s'opposér aux enrôlements, pour empêcher qu'il , ne soit fourni des armes ou des munitions de guerre; pour faire cesser, en un mot, tout ce qui pourrait avoir l'apparence de projets hostiles. Sa Majesté veillera avec le plus grand soin à ce que ses ordres soient fidèlement exécutés; elle emploiera tous les moyens de confiance et d'autorité qui sont en son pouvoir : et comme elle aura partout à faire valoir l'exemple imposant du chef de l'Empire, elle espère que le succès de ses mesures répondra au désir qu'elle a de procurer efficacement la sûreté et la tranquillité de l'Etat. {Applaudissements.)
J'ai présentement un rapport particulier, relatif à une affaire traitée dans le comité diplomatique de la précédente Assemblée, et qui mérite l'attention de l'Assemblée nationale.
Une somme de 480,000 livres en espèces, expédiée de Paris pour Soleure, fut arrêtée à Bar-sur-Aube, dans les derniers jours du mois de juin. L'Assemblée nationale, après s'être assurée que cette somme était le remboursement d'un prêt fait par l'état de Soleure, à des banquiers de Paris, et qu'il avait été stipulé que ce remboursement serait fait en espèces, rendit, le 1" août, sur le rapport du comité diplomatique, un décret portant que cette somme serait conduite à sa destination, et que les intérêts, ainsi que les frais occasionnés par le retard du transport, seraient payés par le Trésor public.
J'envoyai ce decret, le 2 août, au directoire du département de l'Aube, et j'en donnai avis, en même temps, aux directoires des autres départements par lesquels cet argent devait passer. Je recommandai particulièrement au directoire du département de l'Aube, de prendre des mesures pour protéger ce convoi, et de le faire surveiller par un officier ou un cavalier de la gendarmerie nationale.
Le directoire du département de l'Aube s'est conformé exactement au décret et aux ordres que je lui avais transmis. Il a fait partir l'argent sous l'escorte du sieur Martin, brigadier de la gendarmerie nationale. Ce convoi a traversé sans
obstacles les départements de la Haute-Marne et de la Haute-Saône ; mais il a été arrêté de nouveau, le 15 août, au village d'Essort, département du Haut-Rhin, et de là on l'a conduit à Belfort.
Aussitôt que i'en. fus instruit, j'écrivis le 24 août au directoire au département du Haut-Rhin, et de ne rien négliger pour l'exécution du décret qui autorisait la sortie de cet argent. Ce directoire avait pris, dès le 21 août, un arrêté par lé-quel il enjoignait à la municipalité de Bèlfort d'employer les moyens que la loi a mis en son pouvoir pour faire exécuter' le décret. Il avait ordonné que la gendarmerie nationale escorterait le convoi de brigade en brigade jusqu'à la frontière, et requis autant que de besoin, les Commandants des gardes nationales et des troupes de ligne de prêter main forte à cet effet. II avait déclaré rendre la municipalité responsable des suites de sa négligence, et enfin il avaii nommé un commissaire pour vérifier la conduite de là municipalité.
Mais comme je n'avais point de nouvelle que cet arrêté éût été exécuté, et que cependant l'Etat de Soleure demandait de la manière la plus pressante que son argent lui fût rendu, j'écrivis de nouveau le 9 et le 16 septembre au directoire du département, pour qu'il eût à prendre les mesures les plus efficaces afin que cet argent ne fût pas retenu plus longtemps.
Le directoire me répondit, le J 7 septembre, que tout ayant été préparé la veille, pour le départ du convoi, le sieur Martin, brigadier de la gendarmerie nationale, chargé de l'escorter depuis Bar-sur-Aube jusqu'à la frontière, et qui était demeuré à Belrort, avait demandé que ce départ fût différé jusqu'à ce qu'il eût reçu des ordres qu'il avait demandés sur la conduite qu'il avait à tenir relativement aux menaces et aux insultes auxquelles il se trouvait exposé, pour raison de la mission qui lui avait été confiée.
Le directoire ajoutait que l'on n'avait trouvé personne qui voulût charger sur les voitures les caisses qui contenaient l'argent; et ces faits étaient légalement énoncés, dans deux procès-verbaux de la municipalité, joints à la lettre du directoire.
Il m'envoyait, au surplus, la copie d'un arrêté du 26 septembre par lequel il ordonnait que, par un membre du district de Colmar, nommé commissaire à cet effets il serait pris les mesures les plus convenables pour effectuer le Chargement, soit par les portefaix, soit par d'autres personne^ ainsi que le départ aes espèces, et qu'en conséquence, les commandants des gardes nationales, troupes de ligne et gendarmerie nationale seraient requis de prêter main forte.
Par une autre lettre du 29 septembre le directoire me marqua que, malgré les mesures qu'il avait prises, les obstacles continuaient; que son commissaire lui avait mandé qu'il avait tro.uvé une résistance marquée dans les personnes appelées par la municipalité pour effectuer le chargement; qu'il régnait une grande fermentation parmi le peuple, auquel on avait persuadé que cet argent était destiné pour les ennemis du dehors ; que même l'on ne pouvait pas compter sur les troupes de ligne pour le convoi de ces espèces: et qu'enfin le commissaire appréhendait une effusion de sang, si l'on persistait à réaliser lé départ.
Le directoire n'àvàit pas voulu ert conséquence prendre de lui-même aucune détermination à cet égard.
Par deux réponses que je fis au directoire, le
5 et le 6 octobre, je lui témoignai toute ma surprise de voir apporter une pareille résistance à toutes les autorités réunies, et je lui enjoignis de nouveau d'employer, puisqu'il; était nécessaire,, la plus grande fermeté et même dé faire agir la force pour l'exécution de la loi. .
Le directoire m'envoya, le 16,octobre, un nouvel arrêté qu'il avait pris pour ordonner l'exécution de celui du 26 septembre, et requérir de nouveau les commandants des gardes- nationales, des troupes de ligne et de la gendarmerie, de prêter main forte suffisante au commissaire.
Le directoire me marquait que ce commissaire s'étant transporté à Strasbourg pour se concerter avec le général Luckner, et que ce général avait pensé, qu'avant de déployer la force, il convenait d'user d'une dernière précaution, en faisant publier de rechef, dans les environs de Belfort, la loi du 1er août, avec une adresse tendant à ramener les citoyens au respect et à l'exécution de la loi ; après quoi il ferait protéger suffisamment le transport du numéraire jusqu'à la frontière.
Le directoire a adopté cette mesure, mais elle n'a produit aucun effet, et il me marque enfin, par une lettre dii 27 octobre, que cette affaire prend une tournure extrêmement sérieuse; qu'on a répandu dans le public que M. Fréteau avait dit dans son rapport, sur lequella loi du 1er août a été rendue, que les banquiers dé Paris avaient offert en espèces, sans y être provoqués, un remboursement que l'Etat de Soleure ne leur demandait pas. Que, quoique ces offres eussent paru invraisemblables, on n'a pu ôter de l'esprit de la multitude que cet argent était destiné aux émigrants, et que le • gouvernement était dans le secret. Que tous les efforts du directoire n'ont pu réunir à détruire cès impressions, et que malgré l'adresse qu'il a fait publier, la fermentation, dans la ville de Belfort, a été portée au point que le sieur Martin, brigadier de la gendarmerie, chargé d'escorter 1 argent jusqu'à la frontière, et qui était demeuré dans cette ville, a été obligé de s'enfuir à Golmar, pour mettre ses jours en sûreté. Que des malveillants n'ont pas craint de déclarer hautement qu'ils entendaient me rendre responsable de tous les événements sinistres qui pourraient résulter de l'exécution de la loi du 1er août, qu'ils regardent comme une surprise faite à l'Assemblée constituante, et qu'au surplus ils disent que cette loi se trouve révoquée par celle du 2e septembre, qui donne mainlevée des matières d'or et d'argent, autres que des espèces monnayées au coin du royaume, retenues en vertu des précédents décrets.
Le directoire m'ajoute que le seul moyen de faire cesser la résistance que l'on continue de mettre à l'exécution de la loi du 1er août, est que l'Assemblée nationale déclare formellement que cette loi n'est pas révoquée par celle du 28 septembre.
L'Assemblée jugera si l'on a pu faire sortir des expressions de cette loi les inductions qu'on en, a tirées, et si c'est le cas de rendre le nouveau décret que l'on demande. L'Assemblée jugera aussi sur qui doit tomber la responsabilité dune inexécution si marquée; et j'observai que cette responsabilité ne semble pas devoir demeurer sans effet, attendu qu'il faudra nécessairement payer des frais considérables auxquels a donné lieu l'arrestation. La loi du Ie* août a mis à la charge du Trésor public les frais de l'arrestation de Bar-sur-Aube, et de la conduite hors du
royaume des espèces arrêtées ainsi que des intérêts. L'obstacle apporté à Belfort à l'exécution du décret, augmentant considérablement les frais qui ne peuvent être supportés par l'Etat de Soleure, l'Assemblée nationale décidera par qui les frais occasionnés par la résistance éprouvée à Belfort doivent être définitivement supportés.
Relativement à cette affaire, j'ai su, Messieurs, que M. Richot, officier municipal, alors qu'il était en Suisse, s'est trouvé dans une maison de commerce où il à été dit et arrêté que cét argent sortirait de la maison Rouge-mont, et qu'il en sortirait pour les émigrés. (Murmures.)
aîné. Je demande le renvoi au comité diplomatique.
Messieurs, ce négociant suisse a écrit les faits à une maison de commerce de Versailles, et M. Richot, son frère, qui était alors à Versailles, est venu à l'Assemblée constituante, avec la déclaration.
M. Fréteau a exigé de M. Richot qu'il signât sa déclaration, ce qu'il a fait. M. Richot a dit, ét les faits doivent être prouvés par les pièces,'qu'avant douze jours l'argent sortirait de chez M. Rouge-mont. 11 est extrêmement intéressant que l'Assemblée nationale législative revoie cette affairé,, parce que constamment, ceux qui ont dénonce ces faits sont des citoyens dignes de foi, qui ont prévu la sortie de ces 480,000 livres. Je demande que cette affaire soit revue par le comité diplomatique.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport du ministre, ainsi que des deux versions française et latine dé là réponse de l'Empereur, et renvoie au comité diplomatique le rapport du ministre relatif à l'affaire de Soléure.)
La discussion du projet de décret du comité de législation sur les troubles religieux, qui a obtenu la priorité, est reprise.
, rapporteur. Voici l'article premier :
« Art. ler.Dans la huitaine, à compter de là publication du
présent décret, tous les ecclésiâstiqués, autres que ceux qui Se sont conformés au décret du
27 novembre dernier, seront tenus de se présenter par devant la municipalité du lieu de leur
domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la
Constitution, et de signer le procès-verbal qui en sera dressé sans frais. »
Je "propose- un amendement pour le premier article. Je crois que l'Assemblée nationale adoptera avec empressement le serment civique que le comité de. législation veut imposer à tous les ecclésiastiques 'r mais vous manquerez votre but si vous laissez prêter ce serment devant la municipalité, du lieu au domicile. .
J'ai un abus à vous dénoncer à cet égard. Plusieurs municipalités ont inscrit sur leurs registres, la prestation de serment des ecclésiastiques, én leur présence, et sans avoir leur, signature. Plusieurs aussi ont inscrit ce serment purement et simplement, lorsque les ecclésiastiques l'avaient prêté avec des restrictions, ou même ne l'avaient pas prêté du tout.
D'après cela, Messieurs, je demande que les ecclésiastiques des campagnes et des Bourgs, — j'excepte les villes, — soient tenus de. prêter leur serment civique à midi, le dimanche, dans les chefs-lieux de canton. (Murmures.) .
Plusieurs membres : II vaudrait mieux le prêter au district.
On m'observe qu'il conviendrait encore davantage que ce serment fût prêté au district. J'adopte cette mesure, mais par une conséquence nécessaire, je ne voudrais pas admettre 1 exception que M. le rapporteur a établie en faveur des ecclésiastiques qui ont déjà
frété le serment, parce qu'eA tenant compte de abus que je vous ai signalé, Messieurs, vous sentez que nous ne sommes pas sûrs de la manière dont ils l'ont prêté.
Je défendrai le décret si quelqu'un se présente pour le combattre et je prie l'Assem-blee de me réserver la parole pour cela.
Je n'arrive à la tribune que pour proposer un amendement, mais cet amendement est une mesure générale que je crois sage et digne de législateurs philosophes. Il peut servir de préface à toutes les lois que vous porterez. Si elles sont sévères et rigoureuses, il les justifiera; si elles sont douces et indulgentes, il concourra avec elles à maintenir la paix, et on assurera davantage l'exécution. Je n'ai pas eu le loisir de rédiger par écrit les idées que je vais vous développer, j'espère que vous m'accorderez votre attention.
Vous n'avez point à norter une loi de vengeance, car elle serait affreuse. Ce n'est pas seulement en effet une poignée de prêtres rebelles que vous avez à réduire, Car autrement il eût été assez inutile de vous en occuper aussi longtemps. Mais on ne peut pas se dissimuler que la contagion du fanatisme a fait des progrès, qu'elle a infecté un grand nombre des habitants des campagnes. (Murmures.)
Plusieurs membres : Mais la discussion générale est fermée !
Le droit de proposer des amendements entraîne celui de les discuter.
Ce n'est pas non plus une loi de parti que vous avez à porter ; car l'expérience Vous a assez appris combien, en matière religieuse, il est important que le législateur reste impartial ; mais c'est une loi de paix, une loi qui puisse calmer les orages qui se sont élevés dans la France entière. Je n'ai pas besoin de vous dire que vous n'y parviendrez pas par des lois intolérantes.
Plusieurs membres : Au fait ! au fait !
Je prie l'Assemblée de croire que je n'ai qu'un amendement à proposer.
Plusieurs membres : Eh bien, proposez-le !
Mais cet amendement est une mesure absolument nouvelle. Je ne puis vous en donner crûment la lecture, car il tient à une chaîne d'idées qu'il est important que je développe. (Murmures.) Je crois que la tolérance que nous avons à adopter est la tolérance des orateurs. J'arrive ici avec la conviction d'un homme de bien qui propose une mesure que je crois indispensable pour le salut de l'Empire.
Au milieu des troubles qui ont agité le royaume, j'ai remarqué des paroisses, des cantons entiers qui avaient conservé le calme le plus parfait J'en ai cherché les causes, et je vais tâcher de les expliquer.
D'abord, il faut bien nous garder de ranger dans la même classe les habitants des villes et les habitants des campagnes. Les premiers sont détournés des querelles religieuses par leurs affaires
particulières ; les autres font une affaire essentielle de la religion, ayant besoin des émotions et des jouissances qu'elle leur donne. Ainsi, désespérez de jamais pouvoir faire prendre le change aux habitants des campagnes. (Murmures.)
Voix diverses : Ce n'est pas notre intention. — A l'ordre ! — C'est insulter l'Assemblée! Votre amendement !
Une seconde considération, c'est que tous les pasteurs non assermentés ne sont pas à la tête de la faction qui trouble l'Etat. Beaucoup n'en sont que les instruments plus dangereux peut-être par leur bonne foi même. Enfin vous ne vous êtes pas dissimulé qu'une foule de pasteurs ont été entraînés par une suite de vieux préjugés, qui les faisaient regarder leurs évêques comme les dépositaires des traditions évangéliques. Aux yeux de beaucoup, les lois réglementaires, faites par l'Assemblée constituante, sous le nom de constitution civile du clergé, ont plutôt paru un ouvrage de parti, qu'un ouvrage de philosophie. Qu'en est-il résulte? C'est qu'un grand nombre de curés, citoyens excellents, mais catholiques tftporés, n'ont voulu prêter le serment qu'avec une réserve religieuse absolument étrangère à l'ordre civil. Il y a eu surtout, dans les municipalités des campagnes, des officiers municipaux vraiment sages, vraiment philosophes, et plus philosophes que d'autres qui en portent le nom, qui ont reçu le serment prêté avec ces réserves religieuses. Qu'est-il arrive? Le serment s'est prêté dans la paroisse, la paix s'y est maintenue ; la Constitution y a été aimée, et l'impôt a été payé... (Bruit.)
Plusieurs membres : Votre amendement!
S'il y avait un décret qui portât l'obligation de ne pas développer un amendement, je le ferai exécuter ; mais je n'en connais pas. Celui qui fait un amendement a le droit de le motiver. Je maintiendrai la parole à l'opinant.
Il n'y a qu'à mettre l'amendement aux voix.
Un membre : La discussion est ouverte sur l'article en général. Ainsi, je soutiens que M. Lemon-tey, s'il le juge à propos, n'est pas obligé de se restreindre à proposer un amendement, mais qu'il peut discuter l'article.
J'ai, Messieurs, à examiner avec vous, et je le ferai en peu de mots...
Plusieurs membres : Allons! allons!
si le serment, tel qu'il a été prêté dans les municipalités avec ces réserves religieuses, est conforme aux principes et à l'intérêt général de l'Etat. D'abord, je crois que tout homme, qui veut profiter des bienfaits des lois d'un pays, doit commencer par prêter le serment qui en est la condition. Ainsi, j'adopte les disposition qui assujettissent les fonctionnaires, les pensionnaires, l'irai même plus loin, je dirai tous les citoyens de l'Etat, à prêter le serment civique. Mais maintenant, je dois examiner avec vous, si, en prêtant le serment civique, celui qui le prête peut faire des réserve religieuses pour sa Conscience. (Exclamations.) Je me suis trompé dans les mots : ce ne sont pas des réserves, c'est une déclaration. (Murmures prolongés.)
Je demande que M. Lemontey soit rappelé à l'ordre.
Je demande la question préalable
sur l'amendement que doit proposer M. Lemontey et je demande à la motiver.
M. Rouyer demande que M. Lemontey soit rappelé à l'ordre.
Et moi, je demande qu'il continue et soit entendu avec patience.
Ce n'est qu'en écoutant tout le monde que nous parviendrons à nous éclairer. La liberté de la société repose sur la liberté des opinions (Applaudissements.), et je suis étonnéque, dans ce sénat du peuple le plus grand de l'univers, on exerce de l'intolérance sur les opinions. Songez, Messieurs, que chaque fois que nous murmurons mal a propos, la France murmure aussi avec raison au temps que nous perdons. (Applaudissements.) Je réclame que l'orateur soit entendu. (Oui! oui!)
A Dieu ne plaise, Messieurs» que j'aie jamais eu l'intention de proposer quelques dispositions équivoques sur le serment civique en lui-même ! Si l'on eût voulu m'entendre jusqu'au bout, on eût vu qu'au contraire c'est pour le purifier, c'est pour légitimer les mesures que l'Assemblée doit prendre contre les perturbateurs du repos de l'Etat, que je propose un amendement nécessaire, que je propose après une réflexion mûre et profonde, avec la conviction, comme je l'ai annoncé* d'un homme de bien, d'un citoyen qui croit parvenir, par ce moyen, à apaiser les troubles de l'Etat. Ainsi, je prie l'Assemblée de m'écouter avéc indulgence.
Après avoir prouvé que la prestation du serment civique est Un devoir rigoureux, j'ai à examiner si l'homme faible ou timoré qui doit le prêter, ne peut pas, pour l'acquit d'une conscience troublée, commencer par déclarer que son cultefque sa foi, ne sont pas intéressés dans les dispositions du serment civique.
Je mexplique. D'abord cette déclaration de sa croyance religieuse ne fait absolument aucun mal. Le principe de toutes les lois, tiré de la Déclaration des Droits de l'homme, est que la loi ne peut empêcher ce qui ne nuit à personne. Il ne faut pas qu'une loi soit minutieuse; et du moment où un prêtre Viendra vous dire : « Je prête le serment de maintenir la Constitution, d'y être fidèle ; mais je réservé ma croyance religieuse », je crois qu'alors vous ne pouvez pas plus refuser ce serment (Murmures.) que celui d'un musulman qui, avant de prêter votre serment civique, se réserverait la faculté de faire le voyage de la Mecque. Cette déclaration, en effet, ne choque aucune de vos lois, aucun principe de la Constitution de l'Etat, puisque vous avez spécialement reconnu la liberté des cultes, la tolérance des religions indistinctement II y a plus, et je le dis avec vérité, c'est que cette déclaration est devenue nécessaire par les projets de décrets que l'on v ous a présentés.
On vous propose le serment civique. On croit, par ce mot, rassurer tous les esprits ; on croit que les ecclésiastiques s'empresseront de le prêter. Mais, Messieurs, il y a une erreur proronde et invétérée, c'est que, par une ruse des prêtres perturbateurs, on a constamment confondu le serment civique exigé dès fonctionnaires publics avec le serment de la constitution civile au clergé; c'est que malheureusement le peuple a partagé cette confusion, et plus malheureusement encore, c'est qu'elle existe dans la loi elle-même. Mais il n'existe point de loi qui engage à maintenir la constitution civile du
clergé. Le serment des prêtres n'est autre chose que le serment civique ; c'est donc sur celui-là que nous devons raisonner.
C'est le serment qui, contre l'attente des législateurs, est devenu le prétexte de tous les troubles ; c'est avec le serment qu'on est parvenu à rallumer la discorde dans les campagnes, à tromper leurs malheureux habitants, et je demande maintenant que la philosophie trace une démarcation beaucoup plus profonde entre la Constitution politique ae l'Etat et les règlements de police sur la religion. Je ne demande pas autre chose. L'effet de cette disposition serait, d'abord, de mettre devant les yeux du peuple une grande distinction entre 1 ordre politique de l'Etat et les lois sur la police religieuse. Elle ôtera tout prétexte religieux de résistance aux prêtres, à tous les ecclésiastiques qui, jusqu'à présent, n'ont pas voulu prêter le serment, et qui ont préféré abandonner leurs places et se montrer persécutés et dans un dénûment propre à exciter la fermentation du peuple.
Mais, surtout, la disposition que je propose, donne la solution du problème que nous cherchons tous de bonne roi : c'est la distinction à faire entre le prêtre faible et trompé, et le prêtre perturbateur et malintentionné. Si, jusqu'à présent, les mesures sages et rigou reusés qu'on a proposées ont éprouvé de la répugnance de la part d'un très grand nombre ae membres de cette Assemblée, c'est parce qù'on a craint que des mesures générales, frappant également et l'innocent et le coupable, ne fussent de nouveaux brandons ajoutés à l'incendie. On n'a pas voulu que vous frappiez sans motif des vieillards à qui 60 ans de vertus pouvaient faire pardonner de n'avoir pas voulu renoncer en un instant aux préjugés de leur vie entière.
Ainsi, du moment où l'ecclésiastique pourrait, non pas simultanément et dans la contextUre du serment lui-même, mais auparavant, se satisfaire par une déclaration, ridicule si vous voulez, mais qui enfin contenterait un homme faible, que dirait-il par cette déclaration? Qu'il croit à la religion catholique, apostolique et romaine. Après cela, il déclarera qu ilest bon citoyen, qu'il veut maintenir la Constitution de l'Etat qui, encore une fois, n'est pas la Constitution civile du clergé. Alors de quel droit voudriez-vous le poursuivre?
Il y a mieux. Après une pareille facilité donnée aux ecclésiastiques, celui qui, avec la faculté de cette déclaration antérieure, refuserait encore de prêter le serment, s'annoncerait alors non pas seulement pour, attaché, à des opinions religieuses, mais pour énnemi de l'Etat, et les mesures rigoureuses que ; j'approuve alors, que je conseille, que je soutiendrai de tout mon pouvoir, ces mesures rigoureuses seront justes ; la France y applaudira (Murmures.)-, elle né le regardera plus comme une atteinte aux consciences, car la conscience de l'homme est une propriété sacrée.
Je finis, Mèssieurs, en observant que cette mesure conservant beaucoup d'ecclésiastiques bien intentionnés, et éloignant les prêtres pervers, finira par enlever aux ennemis de la Constitution leurs plus chères espérances. Il existe une objection à faire au projet que ie propose; je ne me le dissimule pas : c'est quil se développera une opposition déclarée entre les prêtres ainsi conservés et l'évêque qui sé trouvera leur supérieur ; mais i'évêqùe a entre ses mains les pièces canoniques pour les réduire; (Murmures) ; ce n'est -point l'affaire de l'Etat. D'ailleurs^ cette
proposition ne pourrait troubler l'Etat...(Murmuras.)
Un membre : Vous voulez allumer la guerre civile dans le royaume ! * Plusieurs membres: Votre amendement!
Je demande que l'on mette aux voix si M. Lemontey sera autorisé à renouveler la discussion, ou s'il doit se réduire à proposer son amendement. Il est évident que la majorité de l'Assemblée est décidée à ne pas l'entendre.
M. Lemontey a la parole : je ne comnais pas d'article du règlement qui puisse me forcer à la lui ôter.
Voix diverses : C'est l'Assemblée qui vous y force Rappelez-le à l'ordre !
Un membre : M. Lemontey avait la parole pour son amendement. L'Assemblée la lui a accordée, mais il doit se renfermer dans les motifs de son amendement.
Un membre : Il est sans doute de principe que la majorité fait la loi à là minorité. Or, ici, la majorité demandé que vous consultiez .l'Assemblée pour savoir si M. Lemontey sera autorisé à ouvrir de nouveau la discussion générale.
J'invite M. Lemontey à conclure, et j'invite l'Assemblée à l'entendre.
Je cède, Messieurs, à l'impatience de l'Assemblée: {Murmures.) J'ai pensé que dans un moment où la France était aussi agitée....
Plusieurs membres : Ce n'est pas là un amendement!
Puisque l'Assembléele veut, elle va décider ce que le Président n'a pas le droit de décider. Aussi je vais mettre aux voix si l'Assemblée veut que M. Lemontey propose son amendement dûment ou non. {Oui! oui!)
Plusieurs membres : La question préalable sur cette proposition!
(L'Assemblée rejette la question préalable.) \
met aux voix la proposition principale.
C'est une atteinte à la liberté des opinions ; il vaudrait mieux ne pas l'entendre du tout. (Bruits prolongés.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre 1
Je soutiens que vous n'avez pas le droit d'empêcher un orateur d'énoncer son opinion. (Murmures prolongés.)
Un membre : Je demande que vous mettiez aux voix la question de cette manière. « M. Lemontey sera-t-il entendu, oui.ou non ?»
Un membre : Je demande la question préalable sur cette proposition. C'est un despotisme affreux qui ne peut pas être supporté dans l'Assemblée.
C'est engager l'Assemblée que de décréter qu'un membre ne pourra pas motiver son opinion.
Un membre : Je demande que M. Lemontey soit tenu de proposer son amendement purement et simplement.
(Cette motion est mise aux voix et décrétée.)
Je ne veux point exciter des troubles dans l'Assemblée, lorsque je cherche à apaiser les troubles du dehors. En conséquence, je me soumets à la volonté de l'Assemblée; mais je délègue aux hommes sages et philosophes de faire valoir l'amendement que je vais énoncer
aux bons citoyens, aux amis de la Constitution.
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre! — Votre amendement !
Je lègue mon amendement aux amis dé la liberté. Le voici :
« L'Assemblée nationale décrète que tout citoyen à qui la loi demande le serment civique, pourra le faire précéder de ladéclaration qu'il jugera convenable, relativement à sa croyance religieuse. » (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : La question préalable!
Vous ne devez pas souffrir qu'on combatte cette motion : elle n'est pas appuyée.
Je dois mettre aux voix la question préalable, mais auparavant, je dois accorder la parole à M. Lacretelle, pour proposer sur cet amendement, sans l'appuyer,, une rédaction différente.
Un grand nombre de membres : Non ! non ! (Bruit prolongé.)
(L'Assemblée, consultée, décrété à l'unanimité
au'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement e M. Lemontey.)
Je propose un sous-amendement à l'amendement de M. Hérault-de-Sechellés. Il est constant que plusieurs ecclésiastiques pourront se trouver très éloignés du chef-lieu de district. Alors, pour prévenir des inconvénients, je propose que la prestation du serment civique ait lieu dans le chef-lieu de district, mais que, pour les lieux éloignés, l'administration du district ait la faculté d'indiquer des chefs-lieux de canton.
Je soutiens que l'amendement de M. Hérault-de-Séchelles et le sous-amendement de M. Joilivet sont inutiles et illusoires, et voici comment ie le prouve: Lorsque les prêtres tenus de prêter le serment civique, l'auront prêté dans leur municipalité, et qu'ils auront également signé la déclaration de leur serment qui sera envoyé, au directoire du district pour être imprimé dansle chef-lieu, il est fort inutile que ce prêtre ait prêté le serment devant le directoire du district. Il sera, au contraire, plus édifiant pour les braves habitants des campagnes que ces prêtres soient tenus devant eux de leur donner cet exemple de civisme. Si, au contraire, vous leur faisiez prêter ce serment devant le directoire de district, tous les, paysans, tous les braves laboureurs pourraient ignorer cet acte solennel de la Constitution. Je demande la question prélable sur les amendements de MM. Hérault-de-Séchelles et Joilivet. (Applaudissements.)
Je ih'oppose à la question préalable. Il est possible que certaines municipalités soient séduites, ou que l'ignorance de quelques-unes les rende faciles à se laisser tromper par certains prêtres.
Je demande que la formule entière du serment soit écrite de la main de l'ecclésiastique qui le prêtera-. (Oui! oui!)
J'ajoute aux observations qui ont été faites, qu'il est essentiel que les prêtres qui n'ont pas prêté le serment, trouvent un moyen de recouvrer la considération qu'ils ont perdue. C'est pourquoi j'appuie la proposition de faire prêter le serment à la municipalité du lieu du domicile, et je demande la question préalable sur l'amendement de M. Hérault-de-Séchelles.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je rappelle l'état de la question. M. Hérault-de-Séchelles a proposé de faire prêter le serment devant le directoire de district. M. Jollivet a présenté lin sous-amendement tendant à ce que, pour les paroisses trop éloignées, le directoire de district ait la faculté de désigner des chefs-lieux de canton. Sur ces deux amendements on a demandé la question préalable. Je la mets aux voix.
(Après deux épreuves, l'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Hérault-de-Séehelles et le sous-amendement de M. Jollivet.)
je propose, par amendement, de remplacer les mots : « tous les ecclésiastiques, » par ceux-ci : « tout prêtre et tninistre supérieur et inférieur d'un culte quelconque, » parce què votre loi doit être générale. Par ce moyen, on ne pourra plus faire croire au peuple qu'on n'en veut qu'à la religion catholique. En second lieu, s'il est de votre devoir de maintenir l'exercice de tout culte, ce devoir-là vous en impose encore un autre, celui de vous assurer que ce culte n'est pas contraire aux lois constitutionnelles de l'Etat. En outre, il est intéressant qu'avant qu'un culte s'introduise, on s'assure que sa manifestation ne troublera point l'ordre public; par la déclaration, que doivent faire ses ministres, de se soumettre aux lois.
Vous y trouverez encore cet avantage ; c'est de détruire, comme vous l'a expliqué M. Lemontey, les scrupules qui pourraient naître. En effet, aucun sèctateùr de ces prêtres ne pourra croire que ce serment est lié à des idées religieuses, lorsqu'il Verra que vous l'exigez d'un juif, d'un musulman. .. (Murmures.) Plusieurs membres : Là question préalable!
Je demande qu'on substitue le mot quinzaine au mot huitaine.
La question préalable sur tous les amendements !
Je demande à développer mon amendement.
Plusieurs membres : Non! non! La question préalable !
. (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement ae M. Castel.)
Messieurs, je demande à faire un sous-amendement. Je pense que votre loi péchera dans sa racine, si elle porte sur telle ou telle qualité de prêtres. Si vous voulez agir en législateurs ; si vous voulez faire des lois qui ne sèment pas la discorde entre les prêtres des différents cultes; si vous voulez vous élever à la hauteur des principes, il faut que vous décrétiez que tous les prêtres et ministres d'un culte quelconque, même du culte salarié, seront tenus de prêter le serment civique. (Murmures.)
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre! 11 parle contre un décret!
Je mets aux voix l'article 1er; il est ainsi cbnçu :
« Art. 1er.
« Dans la huitaine, à compter de la publication du présent décret, tous les ecclésiastiques autres que.ceux qui se sont conformés au décret du . 27 novembre dernier, seront tenus de se prësen-
ter par devant la municipalité du lieu de leur domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la Constitution, et de signer le procès-vérbal, qui en sera dressé sans frais. » (L'Assemblée décrète l'article 1er.)
Je demande qu'on adopte mon amendement par article additionnel, et voici la rédaction que je propose :
« La formule du serment décrété au précédent article, sera écrite eti entier, et signée de la main de celui qui l'aura prêté. » Plusieurs membres : La question préalable ! (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
Il n'y a rien de plus sacré que le serment civique. Il ne peut pas être prêté d'une manière plus solennelle, plus respectable et plus sacrée elle-même que par devant les officiers de la loi. Si vous v ajoutez une formalité ultérieure, vous avez rair de discréditer tous ceux qui font prêté moins solennellement. Plus vous ajouterez ae- solennité extérieure, plus vous diminuerez la solennité intérieure, qui est dans la chose elle-même. (Murmures.) Une autre raison encore. Je Crois qu'il est extrêmement important dé ne point chercher de difficultés à la prestation du serment civique. Quand il sera signé de la main de l'individu et des officiers municipaux, il aura toute l'authenticité nécessaire.
Je demande donc qu'on rejette l'article additionnel.
L'article additionnel est d'autant plus nécessaire que, je le dis à la honte de notre département,: il y a 30 municipalités qui n'ont point fait prêter le serment. Des gens des campagnes qui sont absolument séduits, qui croient hien faire en ne recevant pas le . serment... (Bruit.)
Un membre : Le procès-verbal étant souscrit du ministre s.ermentaire, l'amendement devient absolument inutile.
Dans plusieurs paroisses, les curés Ont accusé les municipalités d'infidélité, en portant sur leurs registres un serment pur et simple, lorsqu'ils prétendaient l'avoir fait avec des restrictions. (Applaudissements). J'en ai été témoin, comme procureur général syndic du département d'Eure-et-Loir. Lorsque des nominations ont été faites, nous avons vu ces curés venir réclamer contre le procès-verbal de leur prestation, sous prétexte qu'ils l'avaient fait avec restriction. Il faut donc. Messieurs, prévenir un pareil inconvénient, et le seul moyen de le prévenir est de décréter que le curé sermentaire écrira lui-même la prestation de son serment.
, rapporteur. Ce n'est pas'sans avoir balancé les avantages et lesinconvénients de l'amendement de M. Saladin, que la troisième section de votre comité de législation s'est décidée à le rejeter. D'abord il estinu-tile; il suffit que l'individu signe le procès-verbal de prestation. En second lieu, quel est l'objet de l'article premier du comité ? C'est d'assimiler les ecclésiastiques aux autres citoyens, or, pour les assimiler aux autres citoyens; on leur fait prêter le serment civique par devant la municipalité. Et l'article additionnel qu'on vous propose est défectueux, en ce qu'il distingue d'une manière aggravante la condition des ecclésiastiques de celle des citoyens. Quelques inconvénients locaux ne doivent pas
influer sur la rédaction d'une loi générale, et nous avons nous-mêmes encore aggravé la condition des prêtres par rapport aux citoyens, puisque, par une espèce de défiance qu'ils pourraient trouver injurieuse, nous les avons obligés à signer, ce à quoi les autres citoyens ne sont pas assujettis. Je demande donc le rejet de l'amendement de M. Saladin. {Applaudissements.)
Un membre : En appuyant l'amendement" de M. Saladin par des raisons qui ont été développées par M. Delacroix, je demande que le serment soit prêté par les ecclésiastiques purement et simplement, sans qu'ils puissent se permettre aucun préambule, déclaration ou restriction. {Applaudissements.)
Je demande que la discussion soit fermée.
Si nous voulons détruire toute la sagesse de la loi du comité de législation, c'est d'adopter là disposition qu'on vous propose. Rien n'est plus dangereux que de supposer, pour un décret, qu'il pourra y avoir des restrictions au serment civique. Nous ne sommes plus, Messieurs, dans la situation.Où nous étions lorsque l'Assemblée nationale constituante avait décrété l'organisation civilè du clergé, comme article constitutionnel. L'Assemblée constituante ayant détaché tout ce qui tient aux cultes de la Constitution, ce serait une folie que de laisser supposer qu'il puisse y avoir des restrictions. Il ne faut pas laisser dans notre délibération, encore moins dans notre décret, quelque chose qui puisse donner de l'existence ace préjugé, qu'on peut établir des restrictions à un serment purement civique, abstraction faite de toute opinion religieuse. Je dé'mande que l'Assemblée nationale consacre cela par la question préalable. Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la question préalable sur le sous-amendement qui tend à restriction.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le sous-amendement qui tend à restriction ; elle rejette ensuite l'article additionnel de M. Saladin.)
, ministre de l'intérieur. H m'est échappé un. objet important dans le compte que j'ai rendu des réponses faites par les puissances étrangères (1J. ;
L'Electeur de Mayence a aussi fait une réponse ; mais la copie qui en a été remise en même temps au ministre du roi, ainsi que cela est d'usage, ayant mis Sa Majesté à portée de connaître que cette réponse contenait le renouvellement des protestations que l'Electeur avait déjà faites au commencement de cette année, Sa Majesté a pensé qu'ayant voulu simplement donner à ce prince une marque d'égards en lui notifiant son acceptation de la Constitution, il n'avait pas dû, dans une semblable circonstance, renouveler de pareilles protestations; et, en conséquence, Sa Majesté a jugé à propos de renvoyer la lettre de l'Electeur sans rouvrir. {Vifs applaudissements.)
Cet éclaircissement m'est échappé. Si vous- le trouvez bon, je le mettrai dans le rapport à la place où-il doit être. {Oui! oui! Applaudissements.)
(L'Assemblée décide que le passage du rapport du ministre relatif à l'Electeur de Mayence sera rétabli à la place où il doit être.)
La parole est à M. le ministre de la guerre.
, ministre de la auerre. Je viens fixer un instant l'attention de l'Assemblée, sur un objet qui doit exciter son plus vif intérêt, ainsi que celui de tout le royaume, et auquel par ces raisons j'ai toujours donné beaucoup de soin et consacre plus de travail qu'on ne paraît le supposer: c'est l'organisation de lajendar-merie nationale. Malheureusement, différentes circonstances ont fait que cette organisation, au lieu d'être le résultat d'un plan général combiné dans son ensemble, n'a été faite que par partie. D'un autre côté, on a cru devoir faire concourir plusieurs autorités à son exécution. De là est née une multitude de difficultés qu'il a fallu vaincre l'une après l'autre,. et dont quelques-unes restent encore à surmonter ainsi que l'Assemblée va le reconnaître.
La loi du 18 septembre porte que les directoires enverront au ministre de la guerre un état des brigades actuellementexistantes qui seront maintenues provisoirement, et qu'ils enverront ensuite l'état des brigades d'augmentation. Pour faciliter cette opération, la loi a chargé le ministre de la guerre d'envoyer aux directoires les tableaux à remplir, et faute par les directoires d'envoyer ces états sous trois semaines, elle a autorisé le ministre de la guerre à présenter lui-même au Corps législatif l'état des brigades, ainsi que les augmentations et les placements à faire, le tout sur l'avis des colonels.
Je n'ai pas perdu un instant pour pourvoir à l'exécution des articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la loi
à tous les départements, aux colonels de la gendarmerie et même à leurs lieutenants-colonels, pour qu'ils puissent les suppléer, en cas d'absence, les exemplaires imprimés du décret, les lettres circulaires instructives sur tous les moy ens d'exécution, et les tableaux à remplir des brigades existant dans tous les départements et de celles d'augmentation à leur accorder. " On a yu que le décret avait fixé aux départements le délai de trois semaines pour satisfaire aux opérations exigées. D'après les indications qui m ont été données sur l'époque à laquelle cliaque département a pu avoir une connaissance officielle de cette loi, le délai prescrit est présentement expiré. Cependant, sur la totalité des départements, il n'y en a, jusqu'à ce jour, que 60 qui m'aient envoyé leur travail.
Selon l'article 6 du décret du 18 septembre, je dois suppléer, en me concertant avec les colonels, au travail des départements qui sont en retard, c'est-à-dire qu'il faudrait recommencer sur nouveaux frais, avec les colonels, une opération déjà fort avancée, sans doute, dans les départements. On aperçoit combien elle pourrait en être retardée, et j'imaginè que l'Assemblée jugera plus convenable d'attendre le travail des autres départements. ; V
Maintenant il est question de savoir ce qu'il serait à propos de faire à l'égard des départements qui ont envoyé leurs propositions. L'idée qui se présente d'abord est de faire la formation de la gendarmerie dans les départements qui ont envoyé leur travail ; mais je ne crois pas qu'il soit avantageux de faire en ce moment cette opération d'une manière définitive. En effet, pour peu qu'on y réfléchisse, on sent qu'il
n'est pas possible de déterminer, avec justesse et précision, le nombre et l'emplacement des brigades d'un département, sans les déterminer en même temps dans les départements voisins, puisque ces brigades doivent correspondre, et que feûrs arrondissements doivent être combinés les uns par rapport aux autres. Cette opération, pour être vraiment bonne et permanente,, doit être faite, ce me semble, à la rois dans la totalité du royaume. Mais, comme pour opérer ainsi, il faudrait attendre que tous les départements eussent envoyé leur travail, voici ce que je propose : c'est de faire une opération provisoire. L'Assemblée nationale pourrait, je crois, décréter qu'il sera établi, le plus tôt possible, dans chaque département, 15 brigades; j'excepte ceux qui ont eu davantage jusqu à présent, et qui les conserveront.
J'ai dit que 60 départements m'avaient envoyé leurs propositions : il ne s'ensuit pas cependant que l'on peut exécuter tout d'un coup la formation des 15 brigades dans les 60 départements; car, malheureusement, il y en a un -grand nombre dont le travail est défectueux. Presque tous ont dépassé le maximum de brigades que l'Assemblée constituante avait déterminé. Ce maximum est de 18, et l'on en a demandé jusqu'à 30 et 36. Il y a même des départements [qui ont déjà nommé les sujets qui doivent entrer dans les brigades qu'ils demandent en augmentation.
Avec cela l'arbitraire se montre dans les choix. Sans se concerter d'ailleurs avec les colonels, quoique cela leur eût été expressément enjoint par la loi, d'anciens sujets de la ci-devant maréchaussée ont été écartés dans quelques endroits sans raisons suffisantes et légales. Quelques directoires envoient la liste des individus qu'ils ont nommés sans faire passer les extraits de baptême, certificat de service, et autres pièces qui peuvent mettre en état ae juger s'ils ont les conditions exigées par la loi pour être sous-officiers ou gendarmes.
Dans cet état de choses, il serait sans doute nécessaire d'écrire à ces directoires de fournir un travail plus régulier ; mais on pourrait s'occuper sur-le-champ de la formation des 15 brigades dans les départements dont les propositions sont, dès ce moment, telles qu'elles devaient être ; et à mesure que les autres se mettraient en règle, on poursuivrait l'opération jusqu'au dernier. C'est après que tous les départements seront pourvus provisoirement d'au moins 15 brigades, et que le service public se trouvera assuré, que l'on examinera les demandes des départements pour les brigades en surplus, et qtfon pourra prendre tout le temps nécessaire pour la fixation absolue du nombre et de l'emplacement des brigades.
Je demande le renvoi du mémoire du ministre de la guerre au comité militaire.
Je demande que le ministre donne les noms des départements en retard, et que l'Assemblée improuve formellement leur conduite.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de la guerre au comité militaire et décrète que le ministre de la guerre lui fera connaître les 23 départements qui sont en retard pour, d'après cette connaissance, décréter ce qu'il appartiendra.)
, ministre de la justice. L'Assemblée nationale a désiré avoir des éclaircissements ultérieurs sur Y exécution de la loi d'amnistie; en ce
qui me concerne, j'ai déjà eu l'honneur de lui rendre compte de la partie de l'exécution qui tenait à la célérité. Quelque temps après que la loi de l'amnistie eut paru, je me suis aperçu que la brièveté de ses dispositions pouvait donner lieu à beaucoup de difficultés. J'avais d'abord eu l'idée de proposer au roi une proclamation qui expliquât l'intention et les dispositions de la loi. Après y avoir bien réfléchi, je me suis abstenu de proposer au roi cette mesure, parce que j'ai senti que la proclamation ressemblait trop à une loi, et c'est ce que j'ai voulu éviter. Je me suis borné, en conséquence, à répondre à toutes les questions qui mont été faites, et, certes, j'y ai mis une grande activité, car peut-être plus de 300 lettres ont été écrites sur l'explication de cette loi. Il y a mieux, il serait assez difficile de me supposer l'intention de ne pas vouloir exér cuter promptement cette loi, car i'ose vous dire que je suis un de ceux qui y ont le plus contribué, ou au moins qui l'ont sollicitée.
Relativement à l'affaire de Périgueux, le commissaire du roi m'a écrit, en m'envoyant un état de procédures sur lesquelles il ma consulté. Cette lettre m'est parvenue un peu tard, parce-qu'elle a été remise à M. le procureur général-syndic du département de la Dordogne, qui a peut-être, mis plus de temps à son voyage qu'il ne croyait, de manière qu'elle n'est pas arrivée aussi vite que par la poste.
Voici ce que je répondis au commissaire du roi :
« Vous me demandez. Monsieur, par votre lettre du 5 novembre, quels genres d'accusations sont compris dans l'abolition prononcée par la loi du 15 septembre, et si vous avez dû, sans instruction préalable ae ma part, et contre ce que me semble prescrire l'article 3 de cette loi, vous empresser à faire prononcer l'abolition.
« L'article 1er de la loi du 15 septembre dernier abolit irrévocablement toutes les procédures sur des faits relatifs à la Révolution, quel qu'en soit l'objet ; l'article 2 défend aux juges de commencer aucune procédure pour les faits mentionnés dans l'article 1er, et de continuer aucune de celles qui ont commencé. De pareilles expressions ne peuvent pas laisser de doute sur la nature des accusations comprises dans ces dispositions de loi. L'abolition s'étend évidemment à tous les faits relatifs à la Révolution, et antérieurs à la loi du 15 septembre. Les détenus pour raison de ces faits doivent être mis en liberté sur-le-champ en vertu d'un jugement du tribunal, portant déclaration que -les délits dont ils sont prévenus sont relatifs à la Révolution.
« Cette amnistie, cependant, en imposant silence à la partie publique, ne prive pas les parties privées des aommages-intérêts qu'elles peuvent être dans le cas d'obtenir ; elles ont incontestablement le droit de les répéter ; mais alors, c'est par action civile qu'elles doivent se pourvoir.
« P. S. Je n'ai pas bien su quelle était l'affaire de 60 à 65 détenus pour faits compris dans l'amnistie dont il a été question à l'Assemblée nationale, ainsi que vous l'avez pu voir par les papiers publics. Je vous serai obligé de m'éclairCir ce fait, afin que je puisse être prêt, s'il était nécessaire de donner des éclaircissements. En général, l'esprit de la loi est d'effacer, autant qu'il serait possible, les traces des maux de la Révolution. Au moment oû la Constitution a été terminée, elle doit être prise dans un sens étendu ; et c'était aux tribunaux à voir si chaque affaire était susceptible de l'application de cette loi de
bienfaisance. Je vous prié de donner tous vos soins à son exécution prompte et complète. >•
Comme les questions se multipliaient à l'infini, j'ai cru alors devoir prendre une mesure générale, mais qui eût moins de solennité:
J'ai, en conséquence, adressé à tous les tribunaux la lettre circulaire que voici :
« Paris, le
« Les difficultés qui s'élèvent journellement, Messieurs, sur l'application de la loi d'amnistie du 15 septembre aecette année, m'engagent à vous présenter quelques réflexions qui puissent éclaircir vos doutes et fixer vos idees sur cet objet.
« Il me paraît que les incertitudes naissent, en général, au sens que l'on doit donner à ces mots ae l'article 1er : toutes procédures instruites sur des faits relatifs à la Révolution. Consultez la loi elle-même, vous trouverez dans son objet et dans son esprit la solution que vous cherchez. Ouel est son objet? D'annoncer la fin de la Révolution et des desordres qui en sont inséparables, l'établissement de la Constitution et le respect dû auxautoritéslégitimes. Quel est son ésprit ?De ramener le calme et la paix, d'étouffer jusqu'au souvenir des anciennes discordes, et dé signaler, par un grand acte de clémence, les premiers moments du règne des lois. Autant il serait désormais coupable, dit-elle, de résister aux autorités constituées et aux lois, autant il est digne de la nation française d'oublier les marques d'opposition dirigées contre la volonté nationale, quand elle n'était pas encore généralement reconnue ni solennellement proclamée.
« Une Révolution aussi générale que celle qui vient .de s'opérer dans le gouvernement français, des mouvements aussi vastes et aussi rapides, qui, dans l'espace de deux ans, ont changé tous les rapports entre les citoyens, n'ont pu s'effectuer dans cet ordre constant et inaltérable qui constitue l'harmonie sociale. Le brusque passage de l'ancien état à l'état de liberté, a été nécessairement accompagné de secousses violentes, et par conséquent de grands désordres. Dans le choc de tant de passions et d'intérêts opposés, qui a pu entraîner au delà des bornes les meilleurs citoyens, il est impossible qu'un grand nombre de crimes n'aient été commis; mais l'intérêt de la société qui prononce la mort du criminel, lorsque son pardon pourrait compromettre la sûreté de l'Etat ou celle de ses membres, prononce sa grâce lorsque le nombre des coupables et la nature des circonstances rendront la terreur du supplice plus préjudiciable pour elle que l'espoir de l'im-
Ïiunité. Quand la clémence peut ramener à 'amour et au respèct des lois, ceux qu'une inflexible sévérité tiendrait armée contre elle, elle est commandée par la grande loi du bien public, fin essentielle de tout gouvernement.
« Tel est le principe qui a dirigé l'Assemblée nationale et le roi. Ils ont voulu que les erreurs passées demeurassent ensevelies dans une nuit éternelle. Conspirations, désordres de toutes espèces, fanatisme, rébellion, enfin tous les délits relatifs à la Révolution, de quelque manière que ce soit, ils ont tout oublié. Ils n ont mis à l'amnistie aucune restriction; leur vœu est de lui donner une étendue indéfinie, leur but est de tout pardonner .
« Mais en remettant les peines dues à la vindicte publiquë, ils n'ont point prétendu priver de leurs droits ceux qui auraient des réparations particulières à poursuivre; mais alors, l'adjonc-
tion du ministère public doit cesser, l'information être convertie en enquête et les parties renvoyées à l'audience; en un mot, toute action publique est éteinte. L'Assemblée nationale et le roi veulent que l'union et la paix succèdent aux haines et à la discorde. Le temps est vènu, dit la loi, d'éteindre toutes les dissensions dans un sentiment commun de patriotisme, de fraternité et d'affection pour le monarque qui a donné l'exemple de cet oubli généreux.
« C'est à vous, Messieurs, qu'est confiée l'exécution de cette loi de clémence et de réconciliation. Je ne doute pas que lé sentiment qui l'a dictée et celui du bien qu'elle doit produire, ne vienne souvent vous consoler au milieu des peines inséparables des austères fonctions de juge. Il est' si doux d'avoir à exercer un ministère de grâce, que je crois inutile de vous recommander de le remplir avec célérité, èt de donner la plus grande latitude aux disposition paternelles du législateur. » (Applaudissements.)
Le commissaire du roi. de Périgueux, qui est un des plus exacts dans l'exercice de ses fonctions, n'aurait pas retenu sans Cause les prisonniers, d'après les mouvements que cette affaire a occasionnés dans l'Assemblée. Voici la lettre que je lui ai adréssée.
« Paris,
« M. le président de l'Assemblée nationale législative, Monsieur, vient de m'adresser un mémoire par lequel les membres de la société, dite de la Constitution, et la garde nationale de Périgueux, exposent qu'au mépris de la loi du 15 septembre dernier, les juges du tribunal retiennent dans les prisons de cette ville, 61 laboureurs qui ont été égarés par un excès de patriotisme. •
« Je vous envoie ce mémoire, avec une am-pliation de l'extrait, qui y était joint, du procès-verbal de l'Assemblée nationale, et la copie d'une sommation qui vous a été signifiée, à la requête d'un capitaine de la garde nationale, de faire jouir ces 61 prisonniers des effets de la loi du 15 septembre. Je vous prie de me donner, sur la cause de la détention de ces laboureurs et sur les circonstances dé leur arrestation, tous les éclaircissements nécessaires. Vous voudrez bien, en me les adressant, me renvoyer les pièces que je vous communique, et cependant faire mettre en liberté ces 61 laboureurs s'ils ont été arrêtés pour des faits relatifs à la. Révolution. » (Applaudissements.)
Voilà, Messieurs, tous les éclaircissements que je pouvais donner à l'Assemblée, relativement à PérigUeux.
Il a été aussi question d'une affaire arrivée dans le département de la Charente; j'avoue que je n'en ai absolument aucune connaissance. Il né m'est parvenu aucune réclamation de la part des prisonniers détenus dans les prisons de ce département. Si le membrè qui a cru faire cette observation à l'Assemblée nationale eût pris la peine de vouloir s'eji entendre avec moi, j'aurais, dès ce moment, écrit au commissaire du roi près le tribunal, et peut-être aurais-je aujourd'hui tous les renseignements. La voie qu'il a jugé à propos dé prendre était la plus lenté. En général, je crois que la mesure dé confiance est celle qui convient le mieux aux deux pouvoirs. Certes, je crois l'avoir bien méritée, je ne crois pas qu'on puisse me supposer d'avoir, dans aucune occasion, voulu arrêter l'exécution des lois, et il eût peut-être été désirable pour les
prisonniers que cette mesure eût été prise. (Applaudissements.)
Quant aux citoyens qui étaient détenus dans la ville d'An-goulême et dans la ville de Périgueux, voilà une lettre du département qui m'annonce qu'ils ont été mis éh liberté. (Applaudissements.)
Je demande l'impression du projet de décret lu par M. François de Neufchâteau au nom de la troisième section du comité de législation.
(Cette motion est adoptée.)
l'invite l'Assemblée à se rendre dans les bureaux pour procéder à un deuxième scrutin pour Vélection du vice-présidents
La séance est levée à quatre heures.
A la séance de l'assemblée nationale législative du mercredi 16 novembre 1791.
nouvelle proclamation du roi concernant les émigrants.
Le roi n'a point attendu jusqu'à ce jour pour manifester son improbation sur le mouvement qui entraîne et qui retient hors du royaume un grand nombre de citoyens français.
Mais après avoir pris les mesures convenables pour maintenir la France dans un état de paix et de bienveillance réciproque avec les puissances étrangères, et pour mettre les frontières à l'abri de toute invasion, Sa Majesté avait cru que les moyens de la persuasion et de la douceur seraient les plus propres à ramener dans leur patrie des hommes que les divisions politiques et les querelles d'opinion en ont principalement écartés.
Quoique le plus grand nombre des Français émigrés n'eût point paru changer de résolution depuis les proclamations et les démarchés du roi, elles n'avaient cependant pas été entièrement sans effet; non seulement l'émigration s'était ralentie, mais' déjà quelques-uns des Français expatriés étaient rentrés dans le royaume, et le roi se flattait de les voir chaque jour revenir én plus grand nombre.
Le roi, plaçant encore son espérance dans les mêmes mesurés, vient de refuser sa sanction à un décret de l'Assemblée nationale, dont plusieurs articles rigoureux lui ont paru contrarier le but que la loi devait se proposer, et que réclamait l'intérêt du peuple, et ne pouvoir pas compatir avec les mœurs de la nation et les principes d'une Constitution libre.
Mais Sa Majesté se doit elle-même, et à ceux que ces actes de la prérogative royale ^pourrait tromper sur ses intentions, d'en renouveler l'ex-prèssion positivé, et de remplir, autant qu'il est en elle, 1 objet important de la loi. dont elle n'a pas cru devoir adopter les moyens.
Le roi déclare donc à tous ceux qu'un esprit d'opposition pourrait entraîner, rassembler ou retenir hors des limites du royaume* qu'il voit non seulement avec douleur, mais avec un profond mécontentement, une conduite qui trouble la tranquillité publique, objet constant de ses efforts, et qui paraît avoir pour but d'attaquer
les lois qu'il a consacrées par son acceptation solennelle.
Ceux-là seraient étrangément trompés, qui supposeraient au roi une autre volonté que celle qu'il a publiquement manifestée, et qui feraient d'une telle erreur le principe de leur conduite et la base de leur espoir, de quelque motif qu'ils aient pu la couvrir à leurs propres yeux. Il n'en existe plus aujourd'hui. Le roi leur donne, en exerçant sa prérogative sur des mesures de rigueur dirigées contre eux, une preuve de liberté, qu'il ne leur est permis ni dé méconnaître, ni de contredire; et douter de la sincérité de ses résolutions, lorsqu'ils sont convaincus de sa liberté, ce serait lui faire injure.
Le roi n'a point dissimulé la douleur que lui ont fait éprouver lés désordres qui ont eu lieu dans le royaume, et il a longtemps cherché à croire que 1 effroi qu'ils inspiraient pouvait seul retenir nors de leurs foyers lin si grand nombre de citoyens ; mais on n a plus le droit d'accuser les troubles de sa patrie, lorsque, par une absence concertée et par des rassemblements suspects, on travaille à entretenir dans son sein l'inquiétude et l'agitation. Il n'est plus permis de gémir sur l'inexécution des lois et sur la faiblesse du gouvernement, lorsqu'on donne soi-même l'exemple de la désobéissance, et qu'on ne veut pas reconnaître pour obligatoires les volontés réunies de la nation et de son roi.
Aucun gouvernement ne peut exister, si chacun ne reconnaît l'obligation de soumettre sa volonté particulière à la volonté publiqué. Cette condition est la base de tout ordre social et la garantie de tous les droits ; et; soit qu'on veuille consulter ses devoirs et ses intérêts, peut-il en exister de plus réels pour des hommes qui ont une patrie, et qui y laissent dans son sein leur famille et leur propriété, que celui d'en respecter la paix, d'en partager les destinées, et de prêter son secours aux lois qui veillent à sa sûreté ?
La Constitution qui a supprimé les distinctions et les titres, n'a point exclu ceux qui les possédaient des nouveaux moyens d'influence et des nouveaux honneurs qu'elle a créés; et, si, loin d'inquiéter le peuple ae leur absence et par leurs démarches, ils s'empressaient de concourir au bonheur commun, soit par la consommation de leurs revenus au sein de la patrie qui les produit, soit en consacrant à l'étudè dés intérêts publics, l'heureuse indépendance des besoins que leur assure leur fortune, ne seraient-ils pas appelés à tous les avantages que peuvent départir l'estime publique et la confiance de leurs concitoyens ?
Qu'ils-abandonnent donc les projets que réprouvent la raison, le devoir, le bien général et leur avantage personnel. Français qui n'avez cessé de publier cet attachement pour votre roi. c'est lui qui vous rappelle dans votre patrie ; il vous promet la tranquillité et la sûreté au nom de la loi dont l'exécution suprême lui appartient; il vous les garantit au nom de la nation avec laquelle il est inséparablement uni, et dont il a reçu des preuves touchantes de confiance et d'amour. Revenez, c'est le vœu de chacun de vos concitoyens, c'est la volonté de votre roi ; mais ce roi qui vous parle en père, et qui regardera votre amour comme une preuve d'attachement et de fidélité, vous déclare qu'il est résolu de défendre, par tous les moyens que les circonstances pourraient éxigér, et là sûreté de l'Empire qui lui est confiée, et les lois au maintien desquelles il s'est attaché sans retour.
Il a notifié ses intentions aux princes, ses frères; il en a donné connaissance aux puissances sur le territoire desquelles se sont formés des rassemblements de Français émigrés. Il espère que ces instances auront auprès de vous le succès qu'il a le droit d'en attendre ; mais s'il était possible qu'elles fussent vaines, sachez qu'il n'est aucune réquisition qu'il n'adresse aux puissances étrangères ; qu'il n'est aucune loi juste, mais rigoureuse, quil ne soit résolu d'adopter plutôt que cte voir sacrifier plus longtemps à une coupable obstination le bonheur de vos concitoyens, le vôtre et la tranquillité de votre pays.
Fait à Paris, le-12 novembre 1791.
Signé : LOUIS.
Et plus bas : Delessart.
A la séance de l'assemblée nationale législative du
Lettre du roi à Louis-Stanislas-Xavier,prince français, frère du roi.
Paris, le
Je vous ait écrit, mon frère, le 16 octobre dernier, et vous avez dû ne pas douter de mes véritables sentiments. Je suis étonné que ma lettre n'ait pas produit l'effet que je devais en attendre. Pour vous rappeler à vos devoirs, j'ai employé tous les motifs qui devaient le plus vous toucher. Votre absence est un prétexte pour tous les malveillants,.1 une sorte d excuse pour tous les Français trompés, qui croyent me servir en tenant la France entière dans une inquiétude et une agition qui font le tourment de ma vie. La Révolution est finie, la Constitution est achevée ; la France la veut, je la maintiendrai ; c'est de son affermissement que dépend aujourd'hui le salut de la monarchie. La Constitution vous a donné des droits ; elle y a mis une condition que vous devez vous h^ter de remplir. Croyez-moi, mon frère, repoussez les doutes qu'on voudrait vous donner sur ma liberté. Je vais prouver par un acte bien solennel, et dans une circonstance qui vous intéresse, que je puis agir librement. Prouvez-moi que vous êtes mon frère et Français, en cédant à mes instances. Votre véritable place est auprès de moi. Votre intérêt, vos sentiments vous conseillent également de venir la reprendre ; je vous y invite, et, s'il le faut, je vous l'ordonne.
Signé : Louis.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Lettre du roi à Charles-Philippe, prince français, frère du roi.
Paris,
Vous avez sûrement connaissance du décrét que l'Assemblée nationale a rendu relativement
aux Français éloignés de leur patrie; je ne crois pas devoir y donner mon consentement, aimant à me persuader que les moyens de douceur rempliront plus efficacement le "but qu'on se propose, et que réclame l'intérêt de l'Etat. Les diverses démarches que j'ai faites auprès de vous ne peuvent vous laisser aucun doute sur mes intentions ni sur mes vœux. La tranquillité publique et mon repos personnel sont intéressés a votre retour. Vous ne pourriez prolonger une conduite qui inquiète la France et qui m'afflige, sans manquer à vos devoirs les plus essentiels. Epargnez-moi le regret de concourir à des mesures sévères contre vous ; consultez vos véritables intérêts ; laissez-vous guider par l'attachement que vous devez à votre pays, et cédez enfin au vœu des Français et à celui de votre roi. Cette démarche ae votre part sera une preuve de vos sentiments pour moi, et vous assurera la continuation de ceux que j'ai toujours eus pour vous.
Signé: louis.
présidence de m. viénot-vaublanc, président, et de m. lacépède, vice-président. Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
J'ai à faire part à l'Assemblée nationale des plaintes qui lui sont adressées par les volontaires de mon département, qui sont aux frontières. Elles sont contenues dans l'adresse suivante :
«Unministre ira-t-il donctoujourssouiller, par d'indignes mensonges, le sanctuaire des lois ! Des phrases tournées avec art vous toucheront-elles davantage que le cri impérieux du besoin et de la vérité?
« Nous nous sommes rendus à notre poste, vous le savez. Nous n'avons cessé de demander des armes : on nous en a refusé. Nous avons imploré votre appui, et vous avez interpellé le ministre : il vous a répondu qu'il, avait donné des ordres ; il vous a encore trompés. Nous avons rèçu à la vérité 250 fusils, la plupart mal conditionnés ; mais le ministre nous avait annoncé que l'arsenal de Lafère devait nous armer, et le directeur de cet arsenal nous a écrit qu'il n'a reçu aucun ordre. Lisez la lettre du ministre, lisez celle du directeur de Lafère, et vous jugerez de quel côté sont les coupables. Nous vous l'avons ait, nous vous le répetons, la mort n'a rien qui nous effraye, mais la seule pensée de la recevoir sans pouvoir nous défendre nous fait frémir. Encore si nos cadavres entassés pouvaient $tre un rempart inaccessible aux traîtres, nous péririons sans regret. » (Applaudissements.)
«. Nous sommes avec respect, etc.
« Signé : Les volontaires composant le bataillon du département de l'Aube. »
(Suivent les signatures de l'état-major, des officiers et sous-officiers de ce bataillon.)
Je pourrais vous faire lecture des deux lettres mentionnées en cette adresse. Par l'une, qui est du ministre de la guerre, vous verriez qu il annonce aux volontaires de l'Aube, qu'il a donné des ordres au directeur de l'arsenal de Lafère pour qu'il leur soit fourni des armes. Par
l'autre, qui est de ce directeur, vous verriez qu'il annonce n'avoir reçu aucun ordre à cet effet. Je n'abuserai point des moments de l'Assemblée ; je me bornerai donc à demander que cette adresse, contenant une dénonciation précise et motivée contre le ministre de la guerre, et les pièces y jointes, soient renvoyées à votre comité militaire, pour en faire incessamment son rapport.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité militaire.)
Unmembre: Par son décret du 30 juillet dernier, l'Assemblée nationale constituante supprima tous les ordres de chevalerie. Or, de grandes possessions, de grands biens appartiennent à ces ordres, et l'Assemblée constituante n'a rien prononcé, ni sur la propriété, ni sur l'administration de ces biens dans l'étendue du royaume. Une grande partie des baux des domaines qui appartenaient au ci-devant ordre de Saint-Lazare, sont expirés; on demande aujourd'hui par qui ces baux seront renouvelés, et à qui le prix en sera payé ?. Il est de notre devoir de porter nos regards sur cet objet. Ce que je dis relativement a l'ordre de Saint-Lazare peut s'appliquer à l'ordre de Malte ; je propose donc à l'Assemblée de charger son comité des domaines de lui faire un rapport concernant les biens possédés par les ci-devant ordres de chevalerie ; et j'offre, en mon particulier, de donner au comité des domaines tous les renseignements nécessaires sur ceux de l'ordre de Saint-La-zare.
(L'Assemblée décrète le renvoi au comité des domaines pour en faire son rapport.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre suivante annonçant le décès de M. Téalier, député du Puy-de-Dôme.
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir que M. Téalier, mon collègue, âgé de 33 ans, vient de rendre le dernier soupir. Veuillez bien en instruire l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Guel, député du département du Puy-de-Dôme. »
(L'Assemblée décrète qu'une députation de 25 membres assistera aux obsèques de M. Téalier.)
demande un congé d'un mois.
(L'Assemblée accorde le congé.)
Un membre : Je demande que tous les membres qui obtiendront des congés, seront privés de leur traitement pendant la durée de leur congé.
Je demande que l'on puisse s'absenter pendant huit jours, mais que ceux qui voudront s absenter plus longtemps soient tenus de prendre des congés.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire. Le comité de la marine demande à être autorisé à prendre deux nouveaux secrétaires, qui seront mis sur l'état de ses dépenses. Le comité des contributions publiques vous fait la même demande.
(L'Assemblée donne à ces deux comités l'autorisation demandée.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 16 novembre.
Un membre : Je demande à rectifier la rédaction du procès-verbal sur la manière dont est
annoncé le refus d'entendre la dénonciation de la proclamation du roi.
Je m'établis moi-même le dénonciateur (Murmures.) de cette proclamation. L'Assemblée ne peut refuser d'entendre des explications, sur une proclamation inconstitutionnelle, et c'est avec les pièces de conviction dans mes mains, que j'appuierai ma dénonciation. Le ministère vous les a fournies lui-même puisqu'il a eu l'impudence de vous la faire distribuer par votre bureau même. (Murmures prolongés.) Je demande qu'il soit mis dans le procès-verbal que la question a été ajournée.
Je demande que celui qui a pris aussi légèrement le nom de dénonciateur, soit rappelé a l'ordre. On attire ainsi une défaveur sur une qualification qui a été mal entendue jusqu'à ce jour. Il faut bien se garder d'avilir ce qui tient à l'exercice d'une fonction publique et qui est si nécessaire à la sûreté de l'Etat. Il faut désormais que celui qui remplira les fonctions de dénonciateur ne les dégrade point par une fausse démarche.
Un membre : Sur le fond de la question j'observe que puisque l'Assemblée n'a pas passé à l'ordre du jour, c'est qu'elle a été ajournée.
Un membre : Voici les faits tels qu'ils se sont passés. M. Brival a demandé lui-même l'ajournement de sa dénonciation, et non seulement l'Assemblée n'a pas voulu prononcer sur cette demande, mais elle a décrété que M. Brival ne serait pas entendu.
Plusieurs membres : La discussion fermée I L'ordre du jour !
(L'Assemblée ferme la discussion et passe à l'ordre du jour.)
Je désirais proposer un changement de rédaction à l'article premier qui fut adopté hier sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.. L'Assemblée s'empressa d'éloigner tous les amendements ; cependant il en a été fait un qui, je l'avoue, a été proscrit; mais qui est parfaitement dans l'esprit ae la loi, et, je ne crains pas de l'affirmer, dans l'esprit de l'Assemblée. Je demande qu'on remplace les mots « tous les ecclésiastiques » par ceux-ci : « les ministres de tout culte. »
Un membre : Si M. Lacretelle veut proposer un changement à l'article d'hier, il faut qu'il attende que tous ceux qui ont voté pour l'article soient ici.
L'article a été décrété hier après une longue discussion. Je demande qu'il reste tel qu'il est et que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires fait la lecture d'une lettre d'un Député qui renvoie un assignat de 90 livres, qu'il a reçu de trop sur son indemnité, pour être restitué à la Trésorerie nationale.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cet assignat à la Trésorerie nationale.)
, au nom du comité de division. Je demande, au nom du comité de division, d'avoir l'honneur
de vous faire la seconde lecture d'un projet de décret, qui a été imprimé et distribué et qui
est relatif a la circonscription des paroisses de Romans (Drômé). Voici ce projet de décret
(1): ; '/;/V;g
« Art. 1er. Les trois Daroisses de la ville de Romans appelées
Saint-Bernard, Saint-Nicolas et Saint-Romain, sont réunies pour n'en former qu'une seule, qui
est celle de Saint-Bernard, suivant les limites désignées au procès-vérbal du directoire du
district du 30 juin 1791, et annexées au présent décret. :
« Art. 2. L'église dé Saint-Nicolas et célle des ci-devant RécoMets, situées hors l'enceinte de la ville, sont conservées pour oratoires. • « Art. 3. La paroisse de Mours, dépendant de \ la municipalité de Peyrins, est .également sup-
Erimée, et unie en partie à la paroisse Saint-ernard de Romans, suivant les limites désignées ] au dit procès-verbal et annexées au présent décret. »
Je vous prie, Monsieur le Président, de demander à l'Assemblée qu'elle veuille bien décréter que la seconde lecture du projet de décret dont il s'agit ayant été faite, et la discussion étant ouverte, la troisième lecture est ajournée à huitaine.
(L'Assemblée décrète que la discussion reste ouverte sur cet objet, et que la troisième lecture est ajournée à huitaine.)
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport sur les secours à accorder aux Acadiens et Canadiens, et s'exprime ainsi :
Votre comité des secours publics me charge de vous présenter ses réflexions sur les réclamations multipliées que font les Acadiens qui sont en France. Vous lui avez renvoyé plusieurs propositions, et il en a reçu de divers départements.
Vous savez qu'après une guerre de 6 ans, la France céda à l'Angleterie, en 1763, ses possessions dû nord dé l'Amérique septentrionale. Les officiers civils et militaires du Canada et de l'Aeadie revinrent alors en France, ainsi que plusieurs familles attachées aux Français, lin grand nombre d'habitants dû pays cédé ou conquis, abandonna sa fortune et quitta le sol qu'il cultivait pour suivre des aLies ou amis et se soustraire aux lois d'une puissance étrangère. Ils débarquèrent dans divers ports, à Roehet'ort, Cherbouig et Morlaix; chacun d'eux obtint un traitement. Les-officiers civile et militaires eurent des pensions ; les naturels du Canada furent taxés à la modique somme de 6 sols par jour; les vieillards et les infirmes furent cependant un peu mieux traités..
Dans lés premiers moments, les fonds de ces pensions et traitements furent confiés au ministre de la marine; mais bientôt, sous le prétexte que son département était plus charge de dépenses, . il fit porter sur le Trésor royal les fonds affectes au traitement des Canadiens, et il obtint un bon de 50,000 livres pour les pensions des officiers civils et militaires et leurs familles, tous gens distingués dans ce temps-là, et par cela même privilégiés. Aussi ne se presenié-t-il aucune réclamation sur le paiement de cespensions, - Les pauvres habitants de l'Amérique septentrionale, devenus Français pour leur malheur, ont été bien différemment traités. Plusieurs, ont été envoyes pour detricher des landes dans le Poitou. Sans force pour un travail si penible et si ingrat, plusieurs y ont péri de faim et de fati-
gue. Quelque temps après, il en fut embarqué pour la Louisiane, dans l'intention sans doute de diminuer le nombre de ces habitants. Ce second calcul perfide et barbare coûta la vie à la plus grande partie de ces malheureux Acadiens, et n'améliora pas le sort de ceux qui restèrent en France : leur solde fut même réduite à moitié; et ceux qu'un âge plus avancé et des infirmités avaient du mettre à mêmé d'obtenir un meilleur sort se virent réduits à la plus étroite subsistance. Plusieurs, depuis 1774, n'ont rien touché, et par l'état nominatif que m'a remis la municipalité du Havre, il est dû aux familles acadiennes de cette ville, depuis cette époque jusqu'au Ie! juin 1790, une somme de 99,684 livrés 6 sols d'arrérages, à raison de la modique somme de 6 sols par jour.
Telle est, Messieurs, la position où se trouvent depuis longtemps les infortunés Acadiens que de longues vexations et un oubli impardonnable n'ont cependant pas entièrement découragés. Ils sé sont adressés à l'Assemblée constituante qui, frappée de leurs justes Téelamations, a rendu, le 21 février 1790, un décret en leur faveur.
Qui croirait, cependant, que, malgré ces dispositions et ces titres, il est un grand nombre a'Àcadiens et de Canadiens, qui sont dans ce moment réduits à la plus affreuse indigence. Le directoire du département de l'Ille-et-Vilaine, le di trict de Saint-Malo et plusieurs autres municipalités demandent que vous veniez au secours de ces infortunés. Ils réclament l'exécution de la loi; et,certes, les sècours qu'ils demandent sont bien modiques. Messieurs, abandonnerons-nous des malheureux qui se sont donnés à nous, qui nous aiment malgré notre oubli, malgré notre ingratitude, lorsque nous avons payé pendant si longtemps des Français qui nous haïssent et qui conjurent notre perte. Le comité des secours publics vous présente le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des secours publics^ décrète ce qui suit :
« Le ministre de l'intérieur rendra compte, dans trois jours, des causes et des motifs qui ont retardé et suspendu l'exécution du décret du 21 février 1790, qui conserve aux Acadiens et Canadiens les secours qui leur avaient été ci-devant accordés. 1;
Un membre : Je demande que, préalablement, on fasse des fonds pour faire pa^er ces traitements et pensions.
Un membre : Il est révoltant qu'une disposition de bienséance si légitime soit restee si longtemps sans exécution. Soit que cette inexécution tienne à la négligence des corps administratifs, soit qu'elle tienne à la négligence du pouvoir executif, elle n'en est pas moins blâmable, et l'Assemblée doit s'empresser d'en connaître lés causes afin de les faire cesser; j'appuie donc la proposition du comité.
Un membre : Je suis Acadien moi-même, et intéressé au/sort de mes concitoyens, quoique je n'aie point de traitement. J'ai rempli, pour un grand nombre d'entre eux, lès formalités prescrites par le décret de l'Assemblée constituante; les fonds n'ont pas été faits : je demande qu'au lieu de trois jours l'Assemblée Ordonne que, sous 24 heures, le ministre de l'interieur soit tenu de rendre Compte des causes du retard apporté à la loi.
(L'Assemblée adopte le projet de décret dû comité de secours publics.)
Un membre : J'observe que l'urgence doit nécessairement être décrétée.
Un membre : J'insiste pour que le ministre soit entendu dans les 24 heures.
(L'Assemblée rejette cette motion.)
, au nom du comité des contributions publiques, fait un rapport sur une demande. a emprunt de 600,000 livrés par la ville de Nantes,pour achat de grains, et s'exprime ainsi :
Je. viens, au nom de votre comité aes contributions publiques, vous proposer un décret d'autant plus nécessaire, qu'il doit en dépendre l'existence et la tranquillité d une de vos principales villes commerçantes. Le conseil général de la commune de Nantes, justement alarmé de la disette de grains qui s'est manifestée dans le département de la Loire-Inférieure, s'est occupé sans relâche des moyens d'approvisionner la ville de Nantes et les environs. Il a envoyé deux de ses membres à Orléans, pour suppléer par de nouveaux achats à ceux qu'il a faits dans le voisinage. Les envoyés ont rempli leur commission ; mais la municipalité, épuisée par des dépenses de tout genre, et essentielles dépuis la Révolution, privée d'une branche considérable de ses revenus, par la suppression de ses octrois, se voit hors d'état de subvenir à ce nouveau fardeau, et d'empêcher les horreurs de la famine; et les désordres qu'elle entraîne après elle, si le Corps législatif ne vient à son secours.
Dans cet état de choses, le conseil général de la commune de Nantes, extraordinairement assemblé, le 23 septembre dernier, a pris une délibération par laquelle il charge la municipalité d'obtenir en forme de prêt, de la caisse patriotique de Nantes, une somme de 600,000 livres pour subvenir à l'achat des grains dont elle a absolument besoin. Cette délibération a été adressée au directoire du département, par l'intermédiaire de celui du district; et l'un et l'autre ont approuvé la sollicitude du conseil général, et la démarche qu'elle lui dictait.
Quant à votre comité des contributions publiques, il s'est convaincu par l'examen des pièces, par les conférences qu'il a eues avec les députés de la commune de Nantes, et avec des citoyens de Nantes, que la demande du conseil général de la commune de Nantes était fondée, urgente, et méritait d'être accueillie avec d'autant moins de difficulté que cette commune, ayant acquis pour plusieurs millions de biens nationaux, offrait un gage plus que suffisant pour ses créanciers, dans le seizième de la vente qui doit lui revenir. Il a cru devoir vous proposer le décret d'urgence. Dans la circonstance où nous sommes, la commune n'a pas un moment à perdre pour compléter ses approvisionnements. Voici le projet de décret :
premier projet de décret (1).
« L'Assemblée nationale, considérant que la commune de Nantes n'a pu, jusqu'à ce jour, se
procurer .toutes les subsistances qui lui sont nécessaires, et qUe la saison avancée ne lui
"permet pas de perdre un instant pour compléter ses approvisionnements, et pour leur
embârquément et transport, décrète qu'il y a urgence. »
« L'Assemblée nationale, vu la délibération du conseil général de la Commune de Nantes, du 23 septembre dernier, les avis des directoires du district de la même ville et du département de la Loire-Inférieure, des 14 et 24 octobre suivant; ouï le rapport de , son comité des contributions publiques ; et après avoir rendu le décret d'urgence :
« Autorise la municipalité de Nantes à emprunter la somme de 600,000 livres pour l'achat des grains nécessaires à la subsistance de ses habitants, sous la garantie du seizième, qui lui reviendra dans le prix des reventes des biens nationaux, pour lesquels elle a fait sa soumission, à la charge par elle de rembourser au fur et à mesure de la rentrée des fonds empruntés, et de rendre compte du tout au diréctoire du département. »
Un membre : Je demande que conformément au règlement, l'Assemblée ordonne l'impression du projet du comité et ajourne la discussion.
(L'Assemblée décrète l'impression et ajourne la discussion à samedii)
Un membre fait une motion tendant à faire décréter si les députés seront payés depuis la date de leur enregistrement aux archives, ou seulement depuis le 1er octobre.
(Cette motion n'a pas de suite.)
Un membre : La commune de Toulouse, qui a donné tant de preuves de patriotisme et d'amour pour la liberté, ne jouirait qu'imparfaitement des bienfaits de la Révolution, si elle n'avait pris des mesures pour faire exécuter la loi. Par un arrêté autorisé par 1e. conseil général du département de la Haute-Garonne, elle a établi une garde soldée; elle demande que 1 Assemblée l'autorise à la conserver. Je demande le renvoi au comité militaire.
(L'Assemblée renvoie la pétition de la commune de Toulouse au comité militaire.)
, au nom du comité des pétitions, fait un rapport sur les secours à accorder aux marins de Calais, victimes d'événements de mer, et s'exprime ainsi :
L'Assemblée nationale a entendu le récit (1) de la bravoure des marins de Calais qui se sont exposés pour sauver des pêcheurs prêts à périr à bord crun navire à demi-submergé par une forte tempête, de ceux qui s'étaient attachés à la charpente d'une baliae sans cesse couverte par les flots de la mer. Deux de ces citoyens ont péri et laissent leur famille dans lé désespoir et l'indigence, et six autres ont réussi par leur courage à en sauver vingt-six d'utfé mort qui. paraissait inévitable. Le comité des pétitions que l'Assemblée a chargé de l'exàmen des procès-verbaux envoyés par la municipalité de la ville de Calais, pour proposer les récompenses dues à des citoyens qui ont si bien mérité de la patrie, vous présente, Messieurs, lé projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu lé procès-verbal de là municipalité de Calais, en date du 18 octobre 1791, et le rapport de son comité des pétitions, décrète ce qui suit : .
« Art; 1er II sera payé une pension viagère de 300 livres à la
veuve Maréchal dont le fils unique a péri dans le port de Calais en voulant sauver
« Art. 2. Il sera aussi payé des deniers de l'Etat, à la veuve Gravée, qui a perdu aussi un fils dans la même action, une pension viagère de 200 livres, dont la moitié sera réversible au deuxième fils qui lui reste.
« Art. 3. Jean Malosquer, Bartelet, Charles..., Louis Deroteux, Le Gros et Barthélémy Desvaux ont bien mérité de la patrie, en sauvant du naufrage vingt-six de leurs concitoyens ; et il sera payé par le Trésor public à chacun de ces six braves marins 300 livres de gratification.
« Art. 4. Le directoire du département de Pas-de-Calais accordera, sur l'avis de la municipalité et du district de Calais, aux familles des marins qui ont péri sur la charpente de la balise où ils étaient réfugiés, les secours qu'ils trouveront convenables, sur les sommes allouées chaque année aux départements pour cet usage.
« Art. 5. Expédition du décret sera remise à chacun des ci-dessus nommés par le maire, en présence du conseil général de la commune, et ce dans une séance publique qui se tiendra à cet effet. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des secours publics !
D'autres membres : Le renvoi au comité de liquidation.
jeune. Je demande l'im-pression et l'ajournement à samedi.
Le comité des pétitions n'a autre chose à faire que de présenter l'analyse des pétitions et d'en préparer le renvoi aux divers comités.
Un membre : Je repousse les objections qui ont été faites par M. Goujon et j'appuie la demande de l'impression et de l'ajournement.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Aux termes de l'Acte constitutionnel, c'est au pouvoir exécutif à faire dresser la liste des pensions et gratifications; je demande le renvoi au pouvoir exécutif!
établit l'état de la délibération.
Plusieurs membres : La priorité pour le renvoi au pouvoir exécutif:
(L'Assemblée accorde la priorité au renvoi au pouvoir exécutif.)
Je mets aux voix le renvoi au nouvoir exécutif.
(Une première épreuve a lieu ; elle est douteuse.)
(Après une seconde épreuve, l'Assemblée décrète le renvoi au pouvoir exécutif.)
MM. Champion, Crestin, Charlier et Chassagnac sont nommés commissaires pour portér plusieurs décrets à la sanction du roi.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret de la troisième section du comité de législation, concernant les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.
Avant de passer à l'ordre du jour, je demande à l'Assemblée si elle veut m'autorisera donner la parole à plusieurs membres qui proposent des articles additionnels au premier article du projet de décret de M. François de Neufchâteau ?
Lorsque l'on à lu le projet qui a été soumis à la discussion, on y a trouvé une harmonie parfaite. Proposer des articles addition-
nels, c'est pour ainsi dire vouloir détruire à l'instant cette harmonie qu'il faut y conserver.
Je propose à l'Assemblée, pour ne pas perdre de temps en débats inutiles, de vouloir bien arrêter que l'on discutera successivement article par article, et que, lorsque le dernier sera décrété ou rejeté, on pourra alors proposer des articles additionnels. (Applaudissements.)
(L'Assemblée adopte la motion de M. Thuriot.)
Un membre : Je propose à l'Assemblée de décider que le projet dont on va lui continuer la lecture sera décrété sans désemparer. (Non! non!)
Plusieurs membres : La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 ainsi conçu :
Art. 2.
« A l'expiration du délai ci-dessus, chaque municipalité fera parvenir au directoire du département, par la voie du district, un tableau des ecclésiastiques domiciliés dans son territoire, en distinguant ceux qui auront prêté le serment civique et ceux qui l'auront refusé. Ces tableaux serviront à former les listes dont il sera ci-après parlé. »
Un membre : Au lieu du mot refusé, je propose de mettre : « ceux qui ne l'auront pas prêté » ; car il faudrait constater le refus.
, rapporteur. Nous avons mis le mot refusé parce que nous avons pensé que les municipalités auraient le soin d'avertir les ecclésiastiques de prêter leur serment.
Un membre : Au lieu des tableaux dont il est parlé dans l'article et qui doivent être envoyés par les municipalités aux directoires de département, je désirerais que les municipalités fussent tenues d'envoyer les minutes originales ou des expéditions de leurs procès-verbaux.
aîné. Je demande que, par l'article, il soit indiqué un délai, dans lequel la municipalité fera parvenir les tableaux dont il est question.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
, (L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte l'article 2.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :
Art. 3.
« Ceux des ministres du culte catholique qui ont donné l'exemple delà soumission aux lois et de l'attachement a leur patrie, en prêtant le serment de fidélité tel qu'il était prescrit par le décret du 27 novembre, seront dispensés de toutes formalités nouvelles; ils seront maintenus invariablement dans les places qu'ils occupent et dans les traitements dont ils jouissent. »
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
D'autres membres : La question préalable !
Un membre : Il est de la justice de la nation de maintenir dans les places qu'ils occupent ceux qui, résistant aux perfides insinuations des ennemis du bien public, n'ont écouté que la voix de leur conscience et de leur patriotisme, et ont prêté le serment exigé par la loi. Il me paraît également juste de faire jouir de même avantage
les prêtres légalement nommés à des places vacantes et qui ont pu en prendre possession à raison des troubles qui ont existé. En conséquence je jpropose d'ajouter,aux aux mots : « dans les places qu ilsoccu-pent » ceux-ci : « ou auxquelles ils ont été légalement nommés. »
Plusieurs membres : C'est juste îjc'est juste !
, rapporteur. Alors, je propose de substituer aux mots : « dans les places quils occupent et dans les traitements dont ils jouissent » ceux-ci : « Dans les places auxquelles ils ont été nommés et dans les traitements dont ils doivent jouir. »
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
Pourvu, toutefois, qu'ils ne se soient pas rétractés.
Je demande la question préalable sur l'article, et voici comment je la motive. Cet article contient deux dispositions: la première n'est qu'une répétition de la disposition contenue dans l'article 1er que vous avez voté, qui exempte de la formalité du serment ceux qui l'ont déjà prêté. Pour cette raison elle doit être écartée, car la loi ne doit pas se répéter. Par la seconde disposition, cet article confirme la jouissance des ecclésiastiques nommés par le peuple dans les places et traitements dont ils jouissent. Cette deuxième disposition ne fait que confirmer une disposition de la Constitution, et vous n'avez pas le droit de confirmer des dispositions contenues dans l'Acte constitutionnel. Je demande donc la question préalable sur l'article. {Appuyé ! appuyé!)
, rapporteur. La question préalable est demandée sur les deux dispositions de l'article ; sur la première, Comme inutile, et étant comprise dans l'article 1", sur la deuxième comme étant comprise dans la Constitution et se trouvant surabondante. Certainement, Messieurs, lorsque le comité s'est déterminé à adopter l'ensemble et le système du décret, il s'est fait cette objection et voici les raisons qui l'ont déterminé cependant àinsérer l'article 3.
Il est bien vrai qu au moyen du premier article, il semble qu'il deviendrait superflu de dispenser de formalités nouvelles ceux qui ont prêté ce serment. Mais comme les deux serments ne sont pas les mêmes, aux yeux de quelques gens, comme l'intention du présent décret est de substituer, pour ,1a tranquillité publique, le serment civique au serment provisoire qui est exigé par la loi du 27 novembre et qui a excité tant de réclamations dans le sein même de l'Assemblée constituante, on a cru qu'en exigeant des ecclésiastiques qui n'ont pas prêté le premier serment, le serment civique seulement, il pourrait rester des doutes, soit dans quelques municipalités, soit dans quelques administrations, sur ce qui concerne les ecclésiastiques qui ont donné la première preuve de l'attachement aux lois et de l'attachement à leur partie, dans des circonstances difficiles. Votre comité a pensé en outre qu'il était de son devoir, à cause de l'exemple donné par ces bons patriotes, de rappeler de la manière la plus précise, l'obligation que l'Assemblée nationale avait prise envers eux? et que le silence sur cet objet serait un acte d'ingratitude {Applaudissements.) ; que quand même l'article pourrait paraître superflu, il était nécessaire, indispensable de le dire. {Applaudissements.)
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable.)
Plusieurs membres : Aux voix, l'article !
Je demande qu'on supprime de l'article le mot invariablement, parce qu il y a un décret précis de l'Assemblée nationale constituante qui porte qu'il y aura des réunions de curés. Je demande qu'il soit dit : « que même en cas de suppression, les ecclésiastiques fonctionnaires pumics auront toujours le même traitement jusqu'au remplacement ». {Murmures.)
, rapporteur. Il y a un amendement proposé par M. Lagrévol que j'adopte volontiers, c'est d'ajouter les mots : « et qui ne Von pas rétracté. »
Cet amendement tend à prévenir la trop dangereuse complaisance des municipalités qui, principalement dans les campagnes, seront enchantées de trouver le plus léger prétexte2 afin de comprendre sur les listes, les prêtres qui ont prêté le serment, et qui ensuite se sont rétractés. Il n'est pas dans notre esprit de faciliter à ces mauvais citoyens un prétexte pour être payés, tandis que d'autres ne le seront pas. J'appuie l'amendement. {Applaudissements.)
(L'Assemblée adopte l'amendement ae M. La-, grévol.)
U\membre : J'appuie l'amendement dé M. Thuriot qui consiste à retrancher le mot invariablement, et je demande que l'on mette : « ils y seront maintenus, ainsi qu'il est dit dans Vacte constitutionnel.
, rapporteur. Voici une nouvelle rédaction de l'article 3 :
Art. 3.
« Ceux des ministres du culte catholique qui ont donné l'exemple de la soumission aux Llois et de l'attachement à leur patrie, en prêtant le serment de fidélité prescrit par le décret du 27 novembre 1790, et qui ne Pont pas rétracté, seront dispensés de toute formalité nouvelle. Ils seront invariablement maintenus dans les droits qui leur sont accordés par les décrets précédents. » {Aux voix ! aux voix!)
Je propose un nouvel amendement infiniment essentiel : Je demande que le décret qui défend tous préambules et restrictions soit relaté dans l'article.
Un membre : Il suffit maintenant aux ministres du culte catholique pour avoir éligibilité accordée par la loi, et en même temps pour posséder toute autre place, de prêter le serment civique prescrit par l'article 1M ; or, je propose d'ajouter à l'article 3 que les ecclésiastiques qui, n'ayant pas prêté le serment, ne sont pas encore remplacés, soient maintenus dans leurs places s'ils se conforment aux dispositions de l'article 1 (Exclamations!)
Plusieurs membres : Non ! non ! Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur tous les amendements !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements non compris dans la nouvelle rédaction de l'article 3 et adopte cette nouvelle rédaction.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi concu :
Art. 4.
« Quant aux autres ecclésiastiques, aucun d'eux
ne pourra désormais toueher, réclamer ni obtenir de pension ou de traitement sur le Trésor public, qu'en représentant la preuve de la prestation du serment civique, conformément à l'article 1er ci-dessus. Les trésoriers, receveurs ou payeurs qui auront fait des payements contre la teneur du présent décret, seront condamnés à en restituer le montant et privés de leur état. »
Plusieurs membres : Aux voix % aux voix !
Messieurs (1), ie crois qu'il est nécessaire au repos de l'Etat d écarter, par la question préalable, l'article 4 du comité, en ce qu'il propose la déchéance de tout traitementecclésias-tique pour peine du refus de prêter le serment civique, même dans le cas ou il ne serait pas prouvé que l'insermenté a eu quelque part à des troubles publics. (Bruit.) Il m faut, sans doute, un grand courage pour lutter ici contre une opinion qui parait être l'opinion dominante de l'Assemblée; mais, rien n'ébranlera l'invariable fidélité qui m'attache aux pri ncipes.
Si je me trompe, Messieurs, c'est l'erreur de la modération, de l'humanité, de la bienfaisance {Murmures et exclamations.) \ et votre cœur lui fera grâce.
Enfin, pour la,gloire de votre décret, il faut qu'il ait été fortement combattu ; il faut que vous m'ayez paisiblement entendu. L'Europe ne pourra yoUs reprocher alors, ni une précipitation, ni une impatience, ni une horreur des contradictions qui déshonore le législateur, et qui discrédite la loi. (Applaudissements.)
On peut considérer l'ecclésiastique insermenté sous trois rapports : comme simplement insermenté, eomne suspect de conjuration contre 'a patrie, à raison seulement de son état, ou comme ayant donné lieu à une accusation légale par son influence sur des troubles portés à l'ordre public. Je ne le considère maintenant que sous le premier rapport.
rCeci entendu, si je ne me fais illusion sur-la Constitution française, elle distingue le régnicole du citoyen actif On est régnicole quoiqu'on n'ait pas prêté le serment civique. (Murmures.)
Plusieurs membres : C'est faux!
Mais de cela seul qu'on ne l'a pas prêté, on n'est pas citoyen actif.
Voilà précisément ce. que sont, sous le premier rapport, lés ecclésiastiques insermentés. Aux yeux de la Constitution, ils ne sont pas, il est vrai, citoyens actifs ; mais de droit, ils sont régniColes...
* Plusieurs membres: C'est faux!
Un membre : Je demanJe à lire la Constitution.
et la patrie, les assimilant à des étrangers, leur refuse, à la vérité, l'honneur dé la
servir, mais sàns les bannir de son. sein. Toute autre peine serait, pour l'insermenté, une
peine ajoutée à celle prononcée par la Constitution, sans qu'il y eût, de sa part, aucun
accroissement de délits ou de crimes. . ,
pour prêter ce serment; c'est donc là où votre sévérité doit s'arrêter nécessairement. (Bruit.)
Le refus du serment proposé par la Constitution n'est pas un délit, puisque ce serment n'est pas, ordonné. Ce n'est donc pas la vengeance de la loi que ce refus appelle, mais seulement la défiance. Le citoyen qui ne se présente pas pour prêter le serment Civique (Murmures et exclamations.)... (1)
Je demande que Monsieur soit rappelé à l'ordre pour avoir transgressé Un article de la Constitution. (Oui! oui!)
Un membre : Il est dangerereux d'entendre de pareils discours.
Un membre : Monsieur le Président, l'opinant qui est à la tribune ne fait que prêcher des hérésies constitutionnelles, des principes parfaite» ment contraires à la Constitution ; il est de notre devoir de le rappeler à l'ordre dès qu'il s'en écarte.
Pulsieurs membres à droite : C'est intolérable; respectez la liberté des opinions !
(L'Assemblée, est dans une vive agitation.)
Les interruption continuelles font perdre un temps considérable à l'Assemblée. Je prie les membres qui interrompent de considérer que lé silence de l'Assemblée n'est pas une preuve d'approbation de ce que dit l'opinant. Lorsqu'un membre a la parole, il faut l'entendre jusqu'à la fin ; s'il a eu le malheur de s'écarter de la Constitution, après qu'il aura terminé son opinion, la question préalable sera certainement invoquée sur-le-champ contre ses principes, et je crpis qu'alors il. faudra le rappeler à l'ordre. (Murmures prolongés.)
(Le tumulte recommence.)
Plusieurs membres demandent que M. le Président soit rappelé à l'ordre.
Un membre : Monsieur le Président, vous devez rappeler l'opinant à l'ordre ;;. faites votre devoir. Nous avons tous juré de ne rien proposer de contraire à la Constitution. Je demande la parole contre vous.
Messieurs, on demande la parole contre moi, je l'accorde. (Vives réclamations.)
Le même membre : M. le Président vient de nous dire que lorsqu'un membre avait la parole, s'écartàt-t-il même des principes de la Constitution, il fallait le laisser parler jusqu'à la fin, sauf ensuite à invoquer la question préalable contre lui. Il résulterait de ce principe, Messieurs, que l'Assemblée serait tenue de perdre toutes ses séances pour entendre, du soir au matin, des hérésies continuelles contre la Constitution', et certainement nous ne sommes pas ici pour cela. Je dis donc que lorsqu'un opinant a posé à la tribune des principes anticonstitutionnels, il ne faut pas l'entendre jusqu'au bout, mais il faut le rappeler à l'ordre.
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! l'ordre du jour!
Le seul reproche qu'on puisse faire au Président, c'est de ne pas rappeler à l'ordre ceux qui prennent la parole sans cesse, et n'interrompent que pour reculer la délibération.
Messieurs, mon intention n'était
3e demande que l'on passe à l'or-ire du jonr. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
jeune. Voilà la cinquième ou la sixième fois qu'on discute cette matière ; je demande que la discussion soit, fermée.
Plusieurs membres à droite : Non! non! elle n'est pas encore ouverte.
Un membre à droite: Je demande que tout membre qui interrompit l'opinant soit rappelé à l'ordre.,(Cette proposition est accueillie par des huées de la part des tribunes du coté droit.)
Plusieurs membres à droite : Monsieur le Président, réprimez l'insolence des tribunes!
Levez la séance !
Un membre : Je demande qu'on maintienne la parole à chaque orateur, afin qu'il puisse émettre librement son opinion. Si l'on propose quelque chose qui soit contraire à la Constitution, eh bien, Messieurs, vous ne l'adopterez pas. (Murmures.) ïe demande à l'Assemblée elle-même, comment elle peut décréter librement un article si l'on n'a pas la liberté de proposer les raisons qui peuvent le combattre. (Bruit.)
Sur les réclamations qui se sont elevées à l'occasion dé ce que l'opinant avait dit d'inconstitutionnel, l'Assemblée nationale a passé à l'ordre du jour, d'après l'aveu de fopinant qu'il s'était trompé. Je demande pourquoi on n'exécute pas ce décret, et pourquoi ïl y a eu tant dé tumulte dans le côté que je ne veux pas appeler le côté droit? (Murmures à droite.)
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre ! D'autres membres : Cela vient dès tribunes.
Je prends l'Assemblée à témoin que ce sont ces Messieurs qui, par leur.tumulte, nous ont fait perdre un temps précieux. (Applaudissements J)
l Comme nous ne devons point méttre notre volonté à la place de celle de l'Assemblée, je demande que vous mettiez aux voix si l'Assemblée fermera la discussion, nonobstant la proposition contraire du préopinant. (Murmures.) C'est le seul moyen de nous mire sortir de ce tumulte. (Appuyé! appuyé!)
Je suis fâché de la dépense de poumons que M. Delacroix vient de faire, sur un fait dont probablement il n'était pas informé. Il s'est imaginé que le tumulte qui se faisait de ce côté (L'orateur montre le côté droit; murmures), était occasionné par l'impr bation dé ce que vient de décréter l'Assemblée; mais point du tout, ce n'est pas ça. Le tumulte a eu lieu parce qu'un membre du côté droit ayant fait une proposition, la tribune de droite l'a hué. C'est là-dessus que nous nous sommes élevés pour vous demander de rappeler celte tribune à l'ordre, et non pas les tribunes, parce qu'il n'y en a qu'une qui ait insulté l'Assemblée.
jeune. Monsieur le Président, je dè-mande la parole contre vous; vous entretenez le tumulte, en ne cédant pas au vœu de la majorité. J'ai demandé que la discussion soit fermée ; il y a longtemps que ma proposition est appuyée ; vous ne devez pas livrer l'Assemblée à l'agitation en refusant de la, mettre aux voix.
Monsieur le Présidént, mettez donc la motion aux voix !
Je déclare à M. Chabot qu'un président n'est tenu à mettre une proposition aux voix, que lorsque l'Assemblée est dans lé silence. On ne peut pas exiger de lui qu'il fasse des efforts contre nature pour surmonter lé tumulte. Depuis un quart d'heure je déclaré que J'attends le silence. Je rappèlle M. Chabot à l'ordre. (Applaudissements et murmures.)
Vous n'en n'avez pas le droit !
jeune. Vous êtes juge et partie ! Un membre : Je demande la parole Contre vous, Monsieur le Président !
Ayant de mettre aux voix si la discussion est fermée, je prie l'Assemblée d'écouter Monsieur qui demande la parole contre moi.
La séance ne peut pas être employée en contestations personnelles.
Le même membre : Jè demande la parole contre vous, Monsieur le Président !
Voix diverses : L'ordre dii jour ! — Laissez-le donc parler! — La question préalable !
Un membre : Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si on sera entendu contre vous.
L'Assemblée, consultée, décidé à une très grande majorité que le membre qui a demandé là parole contre le président ne sera pas entendu.)
Je vais mettre aux voix si la discussion sera fermée.
et plusieurs autres membres demandent à parler contre la clôture de la discussion.
Je ne crois pas que ce soit sérieusement que M. Delacroix ait proposé de fermer la discussion, puisqu'elle n'a pas été ouverte. .
Plusieurs membres : Consultez l'Assemblée pour savoir si Monsieur sera entendu.
jeune. Je vais demander un autre président, si vous ne marchez pas.
On a demandé que la discussion soit fermée, j'allais mettre cette proposition aux voix. Plusieurs membres ont demandé la parole contre la clôture de la discussion. Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si les membres qui ont demandé la parole contre la proposition de fermer la discussion, seront entendus.
(L'Assemblée décrète que ces membres seront entendus.)
Plusieurs membres : Non! non ! il y a doute; -une seconde épreuve !
(Après une seconde épreuve, l'Assemblée décrète qu'ils seront entendus.)
Il ne me paraît pas soutenable de proposer de fermer la discussion sur un article qui est le plus important de tous ceux du projet de décret, lorsqu il est notoire que cette discussion n'a pas même été ouverte. M. Tomé a commencé a ouvrir cette discussion. Quelques-uns de sès arguments ont déplu à une grande partie de l'Assemblée. On a demandé qu'il soit rappelé à l'ordre. Beaucoup de membres ont pensé qu'il était beaucoup plus dans les usages d'une Assemblée, qui connaît
l'ordre et qui le veut, d'attendre que M. Tomé ait fini son discours. Toute la partie de l'Assemblée... (L'orateur montre la droite. Murmures et exclamations.) Toute la partie de l'Assemblée où j'étais a désiré que M. Tomé fût entendu justni'au bout, afin que l'on pût lui répliquer plus victorieusement; et l'Assemblée l'a ainsi décidé. Ainsi je demande que M. Tomé continue son discours, sauf à lui répondre lorsqu'il aura terminé, sur les objets qui ont paru inconstitutionnels à l'Assemblée. Mon vœu, en outre, est que la discussion soit continuée sur l'objet principal du quatrième article du comité, et je pense que c'est une plaisanterie que de demander de fermer la discussion, quand elle n'a pas été ouverte.
(L'Assemblée, consultée, décrète que la discussion sera continuée.)
Voici le résultat du scrutin pour Vélection du vice-président. Sur 225 votants dont la majorité absolue est 113, M. La-cépède a obtenu 114 voix. Je le proclame vice-président.
, secrétaire. Voici une lettre des députés des citoyens actifs de la, ville de Bordeaux, actuellement à Paris ; Cette lettre, relative aux troubles de Saint-Domingue, est ainsi conçue :
Paris, le
« Nous recevons, dans l'instant, un courrier extraordinaire qui nous apprend l'arrivée, à Bordeaux, du navire La Basse-Pointe, parti du Cap le 9 octobre, et qui nous apporte diverses pièces relatives aux désastres arrivés à Saint-Domingue, dans la partie du Nord. Nous sommes chargés de remettre ces pièces sous les yeux de l'Assemblée, et nous vous prions de nous transmettre, à cet égard, ses ordres.
« Nous sommes avec respect, etc...
« Signé : Les députés des citoyens actifs de là ville de Bordeaux. »
A cette lettre est jointe une adresse de la municipalité de Bordeaux.
Bordeaux, le 14 novembre 1791, « Messieurs,
« Le navire La Basse-Pointe, appartenant à MM. David Granis et fils, négociants de cette ville, parti du Cap-Français le 9 octobre dernier, et entré aujourd'hui dans la rivière de Bordeaux, apporte la confirmation des nouvelles désastreuses des colonies: Nous vous adressons, Messieurs, la déclaration du capitaine. Diverses autres pièces seront mises sous vos yeux par les députés de l'assemblée particulière des citoyens actifs qui sont allés déposer dans votre sein les alarmes que les Bordelais avaient si justement conçues sur le sort de nos frères. Non, Messieurs, les vœux que nous formons pour eux ne seront pas stériles. Nous en avons pour garants votre respect pour l'humanité, votre amour pour la patrie, et votre zèle pour la gloire de la nation.
« Nous sommes avec respect, etc...
« Signé : les maire et officiers municipaux de bordeaux. »
Voici le procès-verbal...
Je demande la parole relativement à la lecture de ce procès-verbal. Il contient la déclaration qui a été faite par le capitaine du vaisseau La Basse-Pointe, entré dans la rivière
de Bordeaux. Cette déclaration, quoique conforme en beaucoup de points aux diverses lettres qui ont été écrites par plusieurs habitants du Cap, à des négociants de Bordeaux, et dont copies ont été envoyées et doivent vous être remises par les députés aes citoyens actifs de Bordeaux, plusieurs de ces lettres donnent des espérances que ne donne pas cette déclaration. Je crois, Messieurs, que si vous vous déterminez à entendre la lecture ae ce procès-verbal, il faut que vous entendiez aussi sur-le-champ a la barre les députés des citoyens actifs de Bordeaux qui nous feront la lecture de leurs pièces, afin que ce procès-verbal ne laisse pas des impressions plus fâcheuses qu'il n'en doit laisser. Sinon, je aemande que ce procès-verbal et les diverses pièces, dont les députés de Bordeaux sont chargés soient renvoyés aux comités colonial et de commerce réunis, pour en être fait demain matin un rapport détaillé (Murmures. ) et que tous les députés des villes maritimes, qui font actuellement à Paris, soient invités à se rendre au comité, pour y apporter tous les renseignements qu'ils peuvent avoir. Alors vous ne donnerez pas aux citoyens qui vous entendent, et vous ne recevrez pas vous-mêmes des impressions fâcheuses.
Plusieurs membres : Le renvoi aux comités réunis !
Un membre : Nous demandons ici'la lecture d'une pièce annoncée, et, ensuite, on verra ce qu'il nous restera à faire.
J'appuie la motion de M. Vergniaud. Les deux comités vous rendront compte de faits qui ne seront pas douteux, et je crois, Messieurs, qu'il est très important de ne pas laisser circuler des nouvelles qui pourraient ne pas paraître parfaitement authentiques. L'Assemblée doit prendre toutes les précautions possibles pour éclairer l'opinion publique d'une manière bien positive et ne pas perdre son temps à la lecture de pièces dont la véracité peut être contestée. Je demande le renvoi aux comités colonial et dé commerce réunis.
Un membre : Les deux préopinants vous ont dit précisément tout ce qu'il fallait pour procéder sur-le-champ à la lecture. Je prends d'abord les motifs de M. Vergniaud. D'après lui, il est à craindre que de la lecture du procès-verbal, il ne résulte des impressions fâcheuses. Voilà déjà une raison pour en faire la lecture, car l'allégation apportée à la tribune par M. Vergniaud est suffisante pour produire l'impression fâcheuse dont il a parleet qui a déjà été ressentie dans l'Assemblée.
En ce qui concerne M. Gensonné, il vous observe que la lecture des pièces ferait perdre un temps précieux àl'Assemblée, et moi, je maintiens que ses soins les plus importants sont de veiller sur le sort de nos colonies.
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur le renvoi aux comités !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Vergniaud et renvoie les pièces aux comités colonial et de commerce reunis pour en faire le rapport demain.)
M. le ministre de l'intérieur demande la parole pour remettre une dépêche des commissaires envoyés dans le ci-devant pays d'Avignon et Comtat Venaissin, pour en opérer la réunion à la France.
aîné. Je demande la parole : on ne pourra jamais finir une discussion, si, dès qu'elle est ouverte, un ministre peut la traverser en demandant la parole pour un objet étranger.
J'observe qu'un décret a demandé çompte des mesures prises par le roi pour la réunion d'Avignon et du Gomtat Venaissin à la France. Je demande donc qu'on entende le rapport sur Avignon, puisqu'on ne peut pas finir aujourd'hui la discussion sur l'affaire des prêtres.
, ministre de Vintérieur. L'Assemblée s'est montrée empressée d'avoir des nouvelles de ce qui se passe à Avignon et dans le Comtat. Il vient d'arriver à l'instant un courrier extraordinaire. Je viens de mettre ces pièces sous les yeux du roi, et Sa Majesté m'a chargé de les communiquer à l'Assemblée. Je vais les remettre pour que l'Assemblée en fasse faire lecture si elle le veut.
Plusieurs membres : La lecture! la lecture!
(L'Assemblée ordonne la lecture.)
, secrétaire, donne lecture de cette dépêche :
« Avignon, le
« Monsieur,
« Notre arrivée à Garpentras était si prochaine, notre entrée à Avignon si pressante et toutes deux pouvaient et devaient même produire des effets si importants, qu'il nous parut indispensable de remettre le départ du courrier extraordinaire après ces événements.
« Le général partit le 3 pour Carpentras, à la tête de deux bataillons d'infanterie et de 200 dragons ; il y fut reçu avec la déférence et le respect dus a l'acte solennel qu'il allait y préparer au nom du roi. Nous nous y rendîmes, nous-mêmes, le lendemain pour prendre possession du comtat Venaissin. Les troupes avaient pris les armes, la municipalité en écnarpe nous attendait aux portes, et nous présenta les clefs que nous reçûmes pour la nation au nom du roi. Conduits à la maison commune, aux acclamations du peuple, nous y reçûmes de la municipalité le serment décrété par l'Assemblée constituante. Tout se passa avec la dignité qui convenait à la cérémonie, et le peuple, satisfait de voir ses vœux accomplis par une réunion longtemps désirée, fit souvent retentir l'air des cris de : vive la nation, et vive le roi.
« Carpentras est dans un état très tranquille, mais il était temps d'y arriver. Un foyer de dissension commençait à s'y établir, et l'ambition particulière, en fomentant des haines privées, y préparait, comme à Avignon, des malheurs publics. Un parti qui avait longtemps dominé dans cette ville y avait soutenu de sa fortune et de ses bras la guerre contre Avignon. Ceux qui avaient longtemps et constamment désiré la reunion à la France avaient d'abord été éloignés des affaires par des moyens peu honorables.
« On avait envoyé les 24 principaux à l'assemblée électorale. Leurs concurrents à la nomination avaient profité de cette absence pour attaquer sourdement puis ouvertement leur popularité. Bientôt maîtres d'un peuple d'autant plus aisé à égarer qu'il est ignorant, ils étaient venus aisément à bout de lui persuader que ces hommes, jadis ses idoles, étaient ses ennemis. Profitant de sa haine aveugle pour les Avignonnais, on lui faisait voir des traîtres dans des hommes qui
vivaient avec les électeurs depuis longtemps abhorrés, et le peuple perdant de vue le mandat qu'il leur avait donne, et qu'ils n'étaient là que par ses ordres, fut facilement conduit à les appeler brigands, puisqu'ils vivaient avec ceux qu'ils étaient accoutumés à appeler ainsi. Les nouveaux membres ne négligeaient rien pour fomenter et entretenir des erreurs. A cet effet, ils avaient converti le club en assemblée de citoyens actifs, et comme, dans l'anarchie, on marche à pas de géants, les motions les plus incendiaires, les principes les plus absurdes furent bientôt adoptés. L Assemblée devint bientôt permanente. Elle dicta des lois à la seule autorité légitime existante, à la municipalité. Douze membres de cette assemblée étaient tuteurs de ce corps administratif subjugué. L'administration, la justice, rien ne s'opérait plus que par son influence, et la nombreuse classe de citoyens patriotes avait été bannie de la ville ou s'en était éloignée par frayeur.
« Tel était l'état de Carpentras. lorsque nous signifiâmes le décret de réunion à la France et que nous en prîmes possession pour incorporer le comtat Venaissin à l'Empire français. Nous n'éprouvâmes aucune résistance en rétablissant les autorités légitimes et constitutionnelles, et en détruisant cette assemblée monstrueuse en politique, par laquelle le peuple exerçait lui-même des droits déjà délégués. Les effets ont cessé avec la cause. Les patriotes émigrants sont rentrés, l'ordre s'est rétabli, et Garpentras jouit de la plus entière tranquillité.
« Nous avons l'honneur de vous adresser copie des procès-verbaux d'incorporation de cet Etat à l'Empire français.
« Avignon nous appelait à grands cris. Toutes les familles errantes et vagabondes nous demandaient, de tous côtés, et le petit nombre de celles qui n'avaient pu s'échapper, faisait craindre de nouveaux attentats de ces hommes de sang, qui, seuls armés dans la ville, y exerçaient un empire absolu : mais les préparatifs hostiles qui se faisaient dans le palais ou château, les provisions de toutes espèces que l'on portait dans le palais, la volonté déjà exprimée par les révoltés de ne recevoir que des gardes nationales, et de ne livrer le château ou le palais qu'à elles seules, tout faisait craindre de la résistance.
« Il fallut attendre l'arrivée des régiments demandés par M. de Choisy, pour servir notre opération, et nous crûmes, en attendant, devoir commencer par Carpentras. Cependant le régiment de la Mark arriva, et aussitôt, pour prévenir tout désordre ou compromis des troupes, nous fîmes annoncer à l'administration que M. de Choisy se rendrait à Avignon le 7, que tous les postes seraient évacués d'avance afin qu'il pût les occuper en arrivant, et qu'il ne se présentât alors aucune personne armée. Le général se porta effectivement sur Avignon à la tête de 4 bataillons d'infanterie, de trois compagnies d'artillerie et de 500 chevaux.
« Tout avait été exécuté conformément à notre réquisition. Le lendemain nous nous y rendîmes nous-mêmes, et l'administration provisoire nous apporta les clefs dans une des rues qui conduit à la maison commune. Les troupes étaient sous les armes. Nous nous rendîmes à la maison commune où nous trouvâmes l'administration dans un état de désordre conforme à l'anarchie dominante. Nous ne crûmes pas devoir nous permettre aucun acte, puisqu'il était impossible ae le remplir avec des formes légales, et nous nous con-
tentâmes de faire prêter Le serment à ceux que nous trouvâmes.
« Le lendemain, le maire «t les officiers municipaux, que la force avait chassés et que notre présence a fait reparaître, firent convoquer le conseil général de la commune et nous invitèrent à nous y rendre. Formant alors l'autorité légitime, nous nous transportâmes à la maison commune où nous fîmes enregistrer de nouveau le décret de réunion jet nous âmes les jactes de prise 4e possession de l'Etat d'Avignon. La muni-cipalité prêta entre nos mains le serment décrété par l'Assemblée constituante.
« Mous avons l'honneur de vous adresser copie de notre procès-verbal.
« Cependant un crêpe funèbre semblait couvrir cette cité malheureuse. Les pères, les époux, les enfants noyés de larmes se jetaient à nos pieds et nous redemandaient leurs parents, arrachés de leurs bras, traînés en prison par leurs tyrans, et depuis égorgés. Nous avions espéré jusqu'à notre arrivée que tant de prisonnière innocents, tant eeux qui étaient arrêtés depuis le 51 août, aarmi lesquels étaient 4 officiers municipaux, a dame Niel et son fils, que ceux qui avaient été arrêtés le 16 octobre, existaient encore dans le palais; que quelques exécutions peut-être auraient été exagérees, mais que, pour leur propre défense, les chefs auraient réservé de nous en remettre 25, comme le portait le compte rendu par l'administration provisoire. Mais, espérance vaine, tous ont été égorgés (Mouvement d'horreur dans L'Assemblée.), tous ont été sacrifiés au délire d'une barbarie dont il est impossible de rendre encore raison, si ce n'est que dans les instants d'une anarchie cruelle, des chefe avides de satisfaire quelque vengeance particulière, erurent devoir ainsi abandonner à leurs satellites, les victimes «rue chacun désirait de sacrifier. Le massacre de 50 à 60 personnes, dont la liste nous a été fournie par le concierge, n'a pas été le seul forfait de ce jour de sang. Les meurtres exercés dans l'exécution font frémir. Le père tué sous les yeux du fils, la mère égorgée sur ses fils palpitants., une femme enceinteéventrée... » (Mouvement d'mdignatwni)
Plusieurs membres s'adressant à M. Lemontey, très ému : Arrêtez votre lecture et remettez-vous.
, en pleurant. Monsieur Isnard, voulez-vous me remplacer?
Qui est-ce qui voudrait vous remplacer, cela n'est;pas plu6 agréable pour moi que pour vous.
, continuant : « Tels sont Les horribles détails que nous fournissent nos recherches, et dont nous sommes forcés de vous faire frémir. Toutes ces malheureuse victimes hachées, tronquées et amoncelées dans un trou...» (Mouvement d'horreur.) .
Plusieurs membres demandent, dans l'agitation qui règne, qu'on interrompe la lecture.
«dans un trou très profond, et n'ont point été recouvertes d'assez de chaux vive pour être consumées... »
(M. Lemontey se trouble, prononce encore quelques mots entrecoupés et abandonne la continuation de la lecture à M. Isnard.)
, secrétaire. « Dès que les troupesont été maîtresses du palais, on a fait les visites de précaution que la prudence exigeait. Aussitôt? la carias rte, dirigée par des renseignements publics,
a trouvé l'endroit nouvellement muréqui couvrait le trou appelé.glacière. Des soldats ont rouvert le passage, et une vapeur méphitique et pestilentielle exhalée de cet amas de corruption, appelle de prompts moyens d'en prévenir les fâcheux effets. Il eut été bien avantageux sans doute de constater le nombre des morts, ce qui aurait pu se faire par le nombre des têtes, mais il paraît que cela serait dangereux. La municipalité vient ae nommer, par notre ordre, des gens de l'art pour dresser procès-verbal de l'état de la fosse de destruction et des moyens à employer.
« Ge spectacle aussi effrayant que terrible, les cris des parents des victimes, les narrations multipliées, répétées de tous côtés, des cruautés exercées, le cri de vengeance de 300 familles rentrées avec nous dans l'épouvante de ces nouvelles, douteuses jusqu'alors, et réalisées par leur retour, ont inspiré à nos troupes une telle horreur, qu'il est devenu instant de mettre en état d'arrestation toutes les personnes qui, à l'époque des crimes, avaient l'autorité. En conséquence, nous avons reçu les dépositions d'un grand nombre de personnes, et nous avons donné à M. de Choisy l'ordre de faire arrêter les personnes prévenues, les Mainville, Tournai, Jourdan (Ah! ah! Bravo! bravo!), Petavin et autres personnes moins connues, ont été saisies et mises en état d'arrestation.
« Le jeune Mainville a tiré un coup de fusil sur l'offieier qui le poursuivait, mais heureusement sans effet. Il a cherché à gagner les toits, mais des coups de fusil, tirés par les soldats, l'ont apparemment effrayé, il est tombé dans une cour et s'est cassé la cuisse. C'est le seul accident qui soit arrivé. Jourdan a été arrêté, à une lieue d'Avignon, par un détachement de hussards. Plusieurs autres, entre lesquels se trouve le jeune L'Ecuyer, qui à 16 ans, a tué, lui seul, 7 prisonniers, ont été saisis du côté de Château-Renard; les Duprat .et Menée sont échappés; on est à leur recherche. Le peuple, malgré son désir de vengeance, a respecté les lois, et, satisfait de ces annonces de justice^ il se contenue de bénir la main puissante qui vient le délivrer. Ces citoyens s'embrassent en pleurant de douleur et de joie, et l'on aperçoit tout ce qu'il est possible à des cœurs opprimés de montrer d'allégresse.
•« Tels sont les faits, Messieurs, qui ont précédé notre arrivée, et les mesures que nous avons employées; telles sont les horreurs dont nous avons été occupés.
« La liste des personnes arrêtées le 16, faite à mesure qu'on les amenait au palais, et qui nous a été remise par le eoncierge, porte le nombre des hommes a 35, et celui des femmes à 12. Les officiers municipaux, déjà au palais depuis le 21 août, étaient au nombre de 4, plus Mme Niel et son fils; en tout, 53 personnes; de ce nom-, bre, 5 ont été soustraites par des amis, le reste a été massacré. Quant aux personnes tuées le matin, dimanche 16, près de l'église des cor-deliers, après l'assassinat de L'Ecuyer, et qui furent fusillées indistinctement par le détachement de palais, qui y futenvoyé avec des canons, nous n'avons pu en savoir le nombre, les cadavres ont été jetés dans la rivière de Sorgue.
« Il est donc constant que, dans cette malheureuse journée du 16 octobre, un premier assassinat fut commis dans l'église des cordeliers, dans la personne du sieur L'Ecuyer, l'un des chefe de l'assemblée électorale, et du parti qui, le 21 août, avait cassé la municipalité et s'était emparé de la ville. Cet assassinat fut puni d'une fusillade
sur tous ceux qui se trouvaient dans les environs de cette église, par un détachement du palais, et que les cadavres furent jetés dans la Sorgue. 11 est constant que, depuis une heure jusqu'à environ 9 heures du soir, tous les gens de famée de Monteux, débandés dans la ville, arrêtèrent successivement 50 personnes, hommes et femmes, qu'ils arrachèrent de leurs maisons,, et qu'ils traînèrent au palais; que vers 9 heures du soir, on commença à les tirer successivement de6 divers lieux où on les avait mis; qu'on les massacra de sang-froid, et qu'on précipita leurs cadavres mutilés dans un trou appelé /a glacière»
« H reste constant que, le lundi, on vint en prendre deux qui restaient encore dans la prison, et qu'on les massacra également; il reste constant qu'un grand nombre de vols ont accompagné ces horreurs; qu'un curé, M. de Nothiot, âge de 78 ans, regardé comme le père du peuple, en raison des aumônes qu'il faisait, riche par lui-même, et dépositaire ae beaucoup d'effets appartenant à des particuliers, a été égorgé, et que, depuis, on a présenté en payement des billets faits à son profit et dont un est entre nos mains. Il reste constant encore que les églises ont été dépouillées, que jusqu'aux cloches'ont été brisées et enlevées, et que nous avons fait arrêter des tonneaux déjà embarqués sur le Rhône et prêts à partir.
« Cependant, entourés de tant de crimes, d'arrestations, et sans ordre judiciaire, la position est pour nous embarrassante et difficile. Il faut entendre les dépositions, il faut interroger les prévenus. Attendre l'organisation du tribunal de district décrétée, ce serait exiger la tenue des assemblées primaires, celle d'une assemblée électorale, et 15 jours ou trois semaines s'écouleraient avant qu'on pût .préparer l'information. Dans cet embarras, et désirant ne point nous écarter des bases de la Constitution, nous avons arrêté d'assembler les sections et de leur proposer de nommer trois juges enquêteurs provisoires, qui, en présence de deux notables, rece-vront les dépositions et prépareront l'information ; par là, nous suivrons les principes de la Constitution, qui veut des juges nommés par le peuple, et les prisonniers ne pourront se plaindre de rester en état d'arrestation, d'une manière arbitraire et sans inculpation motivée. Permettez-nous, en finissant, Messieurs, quelques plaintes sur le sort des personnes employées pour rétablir l'ordre dans un pays où il faut le courage du plus ardent amour de la liberté, pour risquer son repos et sa vie.
« Au milieu des forfaits, suffira-t-il donc longtemps de colorer ces crimes du nom de patriotisme, pour trouver crédit même au sein de l'Assemblée nationale, et l'Assemblée qui ordonne que des commissaires seront chargés d'une mission aussi distinguée qu'importante, ne doit-elle pas à sa justice et à sa propre gloire, d'attendre d'eux des comptes authentiques pour former une opinion?
« Un intrigant, sans mission, désavoué de tout le monde, se présente à l'Assemblée avec des dénonciations; il parle d'un seul assassinat, lorsque son parti, dans un même jour, en a commis 60 ; il inculpe un des médiateurs, resté dans ce pays, et dans cette dénonciation, il amalgame le nom d'un des commissaires de la nouvelle mission, qui se trouvait à Paris, pendant que tous ces crimes se commettaiènt, et dans ce tissu de mensonges et de calomnies, on ne voit pas le crime qui en impose, quoiqu'il se montre
à découvert. L'honneur seul soutient, au milieu de tant de raisons de découragement; et l'Assemblée nationale, -effrayée de tant de crimes, fera honte à ceux de ses membres qui ont eu la faiblesse de se Laisser prévenir.
« Nous vous prions instamment, Messieurs, de nous faire parvenir le plus promptement possible, des instructions pour notre conduite. *
« Les commissaires nommés par le rot ; Signé : CHAMPION DE VILLENEUVE, D'ALBIGNÀC, LE SCÈNE DES MAISONS.
« Par MM. les commissaires : Signé : BUISSION, secrétaire de la commission* »
Vous venez d'entendre une grande et terrible leçon sur les effets de l'anarchie. Il me semble que nous devons, dès le premier moment où des instructions plus positives nous sont données, rapporter le décret qui porte que M. Mulot sera entendu à la barre.
Un membre : À l'ordre du jour!
Comme commissaire du roi, son rapport doit être fait au .roi, et -ensuite âl vous sera communiqué. C'est ainsi que cela a déjà été liait. Comme député, il ne peut pas être entendu à la barre.
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question.
Monsieur le Président, je crois que Fusage que l'on doit faire des renseignements qui viennent de nous être fournis est de rapporter le décret qui concerne M. Mulot. {Murmures.)
L'Assemblée nationale vient d'entendre avec douleur le récit des brigandages et des massacres horribles qui ont été commis dans Avignon. Je crois qu'il est digne d'elle de témoigner le sentiment qu'elle a éprouvé. Nous devons consoler les malheureux parents des victimes que la barbarie et la scélératesse ont immolées. Nous devons faire une adresse au peuple avignonnais et comtadin et surtout à ceux dont les malheurs crient vengeance, pour leur témoigner la douleur que nous avons ressentie, pour les exhorter à l'obéissance à la loi, pour les assurer que les morts seront vengés, que, désormais, les nouveaux concitoyens des Français seront à l'abri de semblables maux sous la protection de la loi, et surtout pour leur protester que, dorénavant, ils seront préservés des pièges malheureux des ennemis qui cherchent à troubler l'ordre public, et des noirs complots des assassins. {Applaudissements.)
Un membre : Sur la dénonciation qui vous 8 été faite à la barre par un commissaire du peuple avignonnais 1), vous avez décrété que M. Mulot serait mandé et entendu à la barre (2). J'ai entendu demander le rapport de ce décret. Je ne crois pas qu'il soit possible de le décréter.
Il ne suffît pas de s'attendrir sur les malheurs qu'ont occasionnnésles crimes commis
dans la ville d'Avignon : il faut encore .que ces crimes soient punis, mais il faut qu'ils le
soient légalement par l'érection d'un tribunal. Les commissaires paraissent avoir pris des
mesures pour cela. Ils annoncent qu'ils vont réunir le corps électoral, afin de faire nomnMsr
une commission provisoire, qui, avec la réunion de quelques ad-
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
D'autres membres : La question préalable !
Je demande à parler contre la question préalable. C'est dans un pays livré aux passions inséparables de la guerre civile, que l'on veut laisser à un corps électoral le droit de choisir les juges ; cela ne se peut pas.
Vous pouvez arrêter que les cinq tribunaux les plus voisins d'Avignon fourniront chacun un juge pour composer le tribunal qui sera saisi de cette affaire. (Applaudissements J)
Je demande que toutes ces propositions soient renvoyées au comité de législation pour en faire son rapport demain.
, ministre de la justice. Je pense que de toutes les propositions qui ont été faites, celle gui peut convenir le mieux au système de l'ordre judiciaire, est celle qui vient d'être faite par M. Saladin. Il est certain que cette procédure extrêmement considérable, si elle est portée devant un seul tribunal, devantle tribunal d'Orange, par exemple, aura l'inconvénient de retarder beaucoup les affaires qui sont portées à ce tribunal. En conséquence, il me paraît très simple d'adopter une mesure prise par l'Assemblée constituante de former un seul tribunal provisoire, composé des membres de plusieurs tribunaux. Je crois que c'est le véritable moyen de donner au tribunal plus de dignité, plus de force, plus de caractère, et de remplir plus efficacement l'objet de l'Assemblée.
Un autre objet sur lequel je prierai l'Assemblée de vouloir bien se fixer, ce serait de déterminer quel sera le sort de la procédure qui aura été commencée. Si cette procédure, par laquelle MM. les commissaires du roi ont cherché a suivre, autant qu'il était possible, l'analogie des principes constitutionnels, est déclarée complètement nulle, peut-être sera-t-il difficile de revenir à des renseignements aussi justes, aussi positifs, que ceux qui viennent d'être donnés; en tout cas cela pourrait faire une difficulté. Je désire que l'Assemblée veuille bien s'en expliquer positivement et qu'elle statue sur le sort des pièces de justification déjà rassemblées, afin d'accélérer la distribution ae la justice.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation!
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Saladin au comité de législation pour en faire son rapport demain et ne donne pas suite à la motion qui a été faite d'envoyer une adresse au peuple d'Avignon.)
annonce des lettres officielles de M. Blanchelande, sur les troubles de Saint-Domingue, transmises à l'Assemblée par le ministre des colonies.
Plusieurs membres demandent le renvoi de ces pièces au comité.
Gomme l'on cherche à égarer le peuple dans les villes maritimes en exagérant les désastres d'une importante colonie, il est nécessaire que l'on soit instruit du véritable état des choses : je demande donc la lecture des lettres envoyées par M. Blanchelande.
Les lettres que l'Assemblée a renvoyées au comité étaient des lettres particulières; ici il s'agit de lettres officielles. Je crois qu'on ne peut en refuser la lecture.
(L'Assemblée, consultée, ordonne la lecture des lettres annoncées.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de ces lettres ; elles sont ainsi conçues (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser quatre dépêches de M. Blanchelande, des 13, 14, 25 et 29 septembre. Elles me sont parvenues hier au matin avec une proclamation du 23, par laquelle ce commandant ordonnait aux nègres révoltés de rentrer dans la soumission. L'Assemblée nationale y verra combien étaient pressants les secours envoyés par le roi à Saint-Domingue, et que 6 commissaires de la colonie arrivés à Samt-Malo depuis 2 jours viennent solliciter.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : bertrand. »
Première lettre.
« Au Gap, le
« Monsieur,
« A la demande de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, j'expédie un aviso du commerce, pour porter ses dépêches en France ; j'en joins ici une expédition.
« Vous sentirez, Monsieur, mieux que je ne pourrais le dire, combien ma position est délicate. J'agis de concert avec rassemblée générale, et je crois cette conduite la seule que je doive suivre, d'autant que jusqu'à présent ses arrêtés m'ont paru sages et combinés avec prudence, d'après les circonstances.
« J'ai l'honneur de vous adresser le duplicata d'une dépêche que je vous ai envoyée par la voie de la Jamaïque. N'ayant, à la date de cette dépêche, aucun bâtiment ici en état de vous être expédié, je profitai d'une occasion qui partait pour cette île anglaise, et je priai le gouverneur de la faire passer en Angleterre, pour de là vous parvenir en France.
« Depuis cette époque, l'état des choses dans la province du Nord est à peu près le même,
avec la différence cependant que la terreur est un peu moindre parmi les habitants des
campagnes. Ceux du Port-Margot, commandés par M. Vallerot, se conduisent avec infiniment de
valeur, et ont journellement des avantages marqués sur les révoltés, à la ête desquels il
paraît qu'il y a plusieurs blancs. Ils en ont déjà battu 5 ou 600. Ceux du Mornet qui est le
débouché de la plaine, aux montagnes ou mornes de la Marmelade, ont eu pareillement des
succès. Ils ont à leur tête M. Dubuisson, d'un rare courage. Les habitants du Dondon gardent
de leur mieux leurs débouchés ; mais ceux de la grande rivière, faute de moyens sans doute, et
surtout d'un bon chef, ont abandonné successivement leurs gorges, passages et possessions, et
se sont retirés dans la partie espagnole avec leurs familles; il y en a eu plusieurs d
égorgés. Ces révoltés se sont emparés de ce riche quartier, dont ils tirent la plus grande
partie de leurs vivres pour la plaine.
« J'ai formé un corps d'environ 1,500 hommes, tant du régiment du Cap, troupes patriotiques et mulâtres. Je divise ce corps de manière à harceler sans cesse les révoltes. M. de Rouvray marchera pour se réunir à moi, et opérer le même effet ainsi que d'autres commandants de divers partis. J'ai pris, d'un autre côté, les mesures convenables pour éviter tout événement à la ville du Cap.
« Il y a longtemps que j'aurais dû mettre ce projet a exécution, mais vous verrez, par le duplicata ci-joint, que les habitants cfe la ville étaient trop saisis de crainte, qu'ils le témoignaient aux assemblées, et que celles-ci m'engageaient à les satisfaire. J'étais donc contraint de voir des maux que j'aurais peut-être pu arrêter si ma volonté n'eût point rencontré d obstacles. Ces habitants ont enfin reconnu le danger qu'il y avait à laisser ces révoltés dans la plaine sans les combattre. Ils ont l'expérience que la surveillance qu'ils exigent porte atteinte à leurs affaires, à leur repos et a leur santé, et qu'en n'exterminant point les révoltés, non seulement ils peuvent se fortifier dans leurs mauvaises intentions, mais encore leur nombre s'augmenter, et devenir, par la suite, plus dangereux qu'ils ne peuvent 1 être aujourd'hui.
« L'assemblée générale a senti la nécessité d'une proclamation ; je lui ai remis la mienne, à laquelle je ferai les changements qu'elle désirera. Je la ferai connaître, et expliquer clairement aux premiers prisonniers que je ferai, et
prend-, qu'ils commencent à se lasser du despotisme de leurs chefs. Ce sera d'ailleurs, selon moi, un moyen d'éviter le carnage. J'espère ne pas rentrer au Cap que tout ne soit soumis, et que l'ordre ne soit rétabli dans la plaine, ce qui influera sur les ateliers des mornes en révolte ouverte, d'autant que par les lettres que je reçois des différentes paroisses, il paraît que les nègres trouvent une résistance majeure de la part des citoyens blancs, gens de couleur et nègres libres réunis.
« J'avais, ainsi que je vous en rends compte par mon numéro 148, donné ordre à M. de Saul-nois d'envoyer aux Gonaïves 300 hommes de la
garnison du Port-au-Prince; mais par une lettre que je reçus au même instant de ce commandant, ainsi qu'une autre de l'assemblée provinciale de l'Ouest, je fus informé que 150 hommes de cette garnison, trente patriotes et de l'artillerie étaient déjà partis pour Saint-Marc, à bord du vaisseau le Borée, d'après la réquisition qui en avait été faite par la municipalité de Saint-Marc.
« Je ne suis pas à me repentir d'avoir pensé à cette garnison du Port-au-Prince. Je ne puis vous dissimuler que les détachements de Normandie et d'Artois n'ont pas perdu de l'esprit qui les animait à leur arrivée dans la colonie, et qu'ils continuent de se permettre des discours dangereux et des inculpations contre moi et contre le colonel du régiment du Cap. Je ferai en sorte que ces corps ne se joignent pas; car de deux choses l'une, ou le régiment du Cap sévirait contre les détachements, ou ceux-ci parviendraient à renverser la discipline de ce régiment en lui communiquant leur dangereuse doctrine. Ces deux événements seraient également contraires au bon ordre et à la réunion des esprits, si nécessaire pour agir de concert contre les révoltés.
« Par les lettres du commandant pour le roi, et de l'assemblée provinciale de l'Ouest, il ne paraissait pas que les gens de couleur de cette partie fussent tranquilles. J'appris par de secondes lettres que je reçus deux, 2 heures après, que ces mêmes gens de couleur, mêlés avec des nègres esclaves, s'étaient rassemblés en armes aux environs du Port-au-Prince, et avaient même commis quelque acte hostile, peu considérable à la vérité, sur certaines habitations; il avait été pris des mesures pour les arrêter ; et les choses dans cet état, je n'ai plus eu de nouvelles de cette partie. Je pense que lorsque les gens de couleur auront connu les* dispositions ae l'assemblée générale à leur égard, consignées dans l'arrêté dont je joins ici copie, ils se seront réunis aux citoyens Jblancs.
« Par les lettres du Sud, cette partie était tranquille.
« Le vaisseau le Borée se trouvant à Saint-Marc, j'ai écrit à M. de Grimoire de se rendre au Cap ou il pourra être d'un grand secours. En effet, ce vaisseau peut mettre à terre, dans un pressant besoin, 200 ou 250 hommes, et les canon-niers de son bord devenir essentiels sur nos batteries.
« La plaine de Léogane paraissait un peu agitée d après certaines lettres. Les premières dépêches que je recevrai de cette partie me feront connaître l'état des choses au vrai.
« D'après cë récit, je ferai peu de réflexions sur l'état affreux de cette partie de la colonie qui est menacée tout entière d'une subversion totale si les révoltés se portent en nombre au Cap ; je ne dois pas douter, par la terreur qui y règne, que les esclaves se révoltant aussitôt, la ville ne soit incendiée. Tous les blancs sont ici, à l'exception de notre portion de troupes de ligne, d un découragement dont on ne peut se faire une idée; d'ailleurs, il ne faut pas en douter, cette ville renferme un très grand nombre de blancs malintentionnés et pauvres, qui n'attendent que le moment du désordre, par l'espérance d'améliorer leur sort par le pillage. Je n'en donnerai pour preuve que le rems formel que cette classe fait pour sortir de la ville, pour combattre les révoltés et la proposition qu'elle a faite de se mettre en campagne au
nombre de 2, 3 à 4,000, pour chasser les révoltés sr. l'on voulait leur accorder tes deux, tiers des denrées qui se trouveraient dans les habitations incendiées; ce qui a été rejeté avec horreur. (Mouvement tf indignation dans VAssemblée.) Je vous dirai de plus, Monsieur, que l'on a voulu accuser le gouvernement d'avoir voulu susciter cette révolte pour opérer une contre-révolution ; mais cela n'a pas pris, d'après ma conduite et celle de mes subordonnés, qui ne peut être soupçonnée. U n?y a pas d'horreurs que l'on n'imagine, pour rompre L'accord entre le pouvoir exécutif et les assemblées générales et provinciales-: donc il y a des hommes intéressés au désordre. Ces assemblées oint la plus grande confiance; en moi : cela fait notre force; mais elle n'est pas soutenue par l'énergie, et, je tranche le mot, par la bravoure que je désirerais trouver parmi les citoyens armés, de- sorte que notre position ne peut être plus critique. Mon courage ne m'abandonnera pas, mais- il se peut suffire-»
« Je suis, avec respect, Monsieur, etc.
« Signé : De Blanchelande. »
Deuxième lettre.
« Au Cap, le
« Monsieur,
« Les jours, les nuits, les heures sont remplis d'événements, et rien de satisfaisant depuis ma lettre d'hier. Il nous est arrivé un bateau du Port-au-Prince, avec des nouvelles très fâcheuses. Dans cette partie, ce sont les; gens de couleur qui sont à, la tête de la révolte;. La garnison a fait quelques sorties avec les troupes patriotiques, a eu des désavantages marqués. Dans un engagement,, il y a eu* mande-t-on, 33 patriotes de tués et 24 soldats. Ces gens de couleur demandent l'exécution du. décret du 15 mai, que nous ne connaissons point encore officiellement. L'assemblée générale se dispose à être très favorable à cette classe d'hommes. Il paraît que son projet est même d'étendre les dis-
gositions de ce decret dont la connaissance a ouleversé la colonie ;V adresse ou avis de Vabbé Grégoire, à V appui r en occasionnera la perte. Les révoltés demandent la liberté. Le bourg du Don-don, dans les montagnes, a été forcé la nuit dernière. La Marmelade, Plaisance et le Port-Margot tiennent toujours. Si nous ne recevons pas de secours des îles voisines, comme il y a apparence, la pelote se grossira, le mal sera bientôt à son comble. Les Espagnols de Sain-Domingo garnissent leurs frontières, et attendent des ordres de leur gouverneur. Je prévois qu'ils: s'en tiendront à leur surveillance. Les Anglais de la Jamaïque paraissent n'avoir pas de moyens pour nous secourir; cependant on m'annonce trois frégates parties de. cette île pour venir mouiller ici et qu'elles nous apportent 500 fusils et 500 sabres.
« Je suis avec respect, Monsieur, etc.
« Signé : De blanchelande. »
Troisième lettre
« Au Cap, le
« Je pourrais débuter dans cette lettre, comme
je l'ai fait dans mon numéro 450; et je vous avouerai avec franchise qu'il serait plus aisé de commander 100,000homm.es de l'ancienne armée, que deux mille de troupes patriotiques. (Murmures.) Je suis cependant à la chose, et loin que mon zèle et mes soins se ralentissent, je redoublerai d'efforts pour parvenir, s'il m'est possible, à faire rentrer les révoltés dans le devoir, et à rétablir l'ordre et !a tranquillité
« Depuis le 14 de ce mois, il s'est fait plusieurs sorties sur les nègres j où, dans; toutes, il en a été tué un nombre considérable ; mais ils se recrutent, et la pelote, loi® de diminuer,, semble augmenter. J'ai envoyé une division de 800 hommes au moins, commandée par M. de Touzard, se réunir, le 19 de ce mois, à celle de M. de Roravray;; et ensemble j ils ont chassé les révoltés réfugiés sur l'habitation du Plaa, Bullet et autres voisines, après; en avoir tué «ne quantité; mais ces avantages n'en rendent pas notre position plus favorable. Je compte fiarre une attaque sur les* habitants d'Agoust et GalUsset, où ils sont très en forcer et où ils ont de l'artiMerie. Cette attaque doit être décisive; je vous rendrai compte de ses effets.
* Nous avons perdu M. de Neufvi, chevalier de Saint-Louis, capitaine au Corps royal d'artillerie, officier distingué. Il y a eu plusieurs dragons patriotes- de tués aussi.
« La santé de M. de Rouvray, maréchal de camp, commandantles troupes patriotiques de la partie de l'est de la province, ne lui ayant plus permis de continuer de commander dans cette1 partie, j'ai nommé à sa place M. le chevalier a'Assas, major du régiment du Cap.
Un membre : C'est un beau nom!
M. Secrétaire, continuant la lecture :
« D nous est arrivé trois frégates anglaises, aux ordres du commodore Assight : elles nous ont apporté cinq cents fusils, des munitions de guerre^ et des vivres en très petite quantité, mais non des hommes qui étaient le secours dont nous avions le plus besoin ; elles-mêmes ne peuvent point agir offensivement, de manière que leur secours est à peu près nul. Deux de ces frégates partiront demain pour l'Europe; j'en profite pour vous faire passer cette lettre, et les duplicata des numéros 148, 149 et 15©.
« Je n'ai point reçu de nouvelles, ni de la Havane, ni des Etats-Unis, ni de San-Domingo à une seconde lettre que j'ai écrite à dom Joachiro Garcia», d'après une réponse équivoque qu'il m'avait faite sur les secours que je lui avais demandés. Je vous rendrai compte particulièrement de notre correspondance lorsque j'aurai reçu sa dernière réponse.
« La province de l'Ouest s'est vue au moment d'éprouver les mêmes malheurs que celle du Nord ; mais, là, ce sont les gens de couleur à découvert, qui avaient joint à eux quelques ateliers et qui ont demandé, à main armée, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale rendus en leur faveur. La commune du Port-au-Prince a été obligée de capituler, après des sorties malheureuses et quelques habitations incendiées. Le concordat est impératif et exigeant de1 la part des gens de couleur. Tous les articles ont été acceptés.
« La paroisse de Mirebalais a pareillement passé un concordat avec les gens de couleur, qui paraît plus sage. Lorsque j'aurai à ma disposition: ces différentes pièces, je m'empresserai de vous lès transmettre.
« l'ai demandé des secours aux hommes de couleur de Mirebalais ; je les ar engagés à se nôrter, en plus grand nombre possible, au camp de M. de Fontanges, dans la partie des Gonaïves. Cet officier général a été grièvement blessé d'une balle à l'épaule. « La partie du Sud est encore tranquille. / « J'oserai croire que le décret du i5 mai occasionne tous l'es maux qui s'opèrent ici.
Un membre : Parce quron ne lTa pas bien, exécuté!
M. le Secrétaire,, cêntirvucmt Im lecture :
«- Vousf jugerez. Monsieur, combien» les-secours queje vous ai demandés par ma lettre n° 148 nous deviennent de plus en plus nécessaires; car nos soldats et troupes patriotiques commencent à, ètre cxuettement fatigués. »»
« Jai; l'honneur d'être, Monsieur,, avec respect, etc., etc.
« Signé r BlÀtfCHEEANbE. " Quatrième' lettré.
« Au Cap, le
« Je profite, pour vous Mre passer cette dépêche, du déparf dfer six commissaires' que l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue- députe auprès dé l'Assemblée natiô-* nafe et. dtr ror.
« Vous avez vu1, par mon numéro 152*, écrit à la hâte, dont je joins icr un duplicata, quel était l'état des choses dans les parties du Nord et de l'Ouest. Je vous annonçais aussi, Monsieur, une attaque sur les habitations d'Agoust et dé Gâlus-set, dans le quartier de la petite Anse, que j?ima-ginais devoir produire un grand effet par la multitude des nègres qui s'y étaient réfugiés et qu'on m'avait assuré s'y être fortifiés. Je pensais que, trouvant là réunie la majeure partie des révoltés, les avantages, que l'on remporterait seraient, considérables, et que ce qui s'échapperait ne pourrait plus se- reformer, et demanué-rait grâce. J'étais d'autant plus persuadé de cette dernière réflexion, que, le 22; if y eut un entretien entre des dragons patriotes et quelques révoltés, d'après lequel il parut à ces dragons-qu'une proclamation de ma part pourrait produire un bon effet
« L'idée que j'en avais d'abord eu, m'occupait sans cesser je fa témoignai de nouveau à l'assemblée générale, ie lui ajoutai l'entretien de nos dragons. Elle se décida alors à ne plus contrarier mes désirs à cet égard. Cette proclamation, dont je joins ici des copies, fut imprimée sur-le-champ et remise le 23 en un lieu convenu avec les révoltés. Les mêmes dragons furent chargés de cette mission ; mais leur espérance ne fut pas accomplie. Ils dépassèrent le lendemain de beaucoup, le lieu fixé pour recevoir la réponse. Cette imprudence occasionna un petit combat. Nos dragons, en très petit nombre, furent enveloppés par un parti considérable, à cheval, ils voulurent se faire jour le sabre à la main, et 5 dragons en furent les victimes.
« Je me. disposai , lè 26, à attaquer les révoltés sur les habitations* d'Agoust et'Gaiusset. Ma petite armée, composée d'environ1 1,200 hommes de troupes patriotiques et dé ligne, formait dèux divisions, commandées chacune par MM. de Cambefort et Touzard. Je marchaiy le 27, à la
pointe du. jour, sur deux colonnes, avec 6 pièces de canon de campagne; J'attaquai d'abord d'Agoust, ensuite Gaiusset : dans une heure1 de temps je fias maître de ces deœ habitations, oû les révolté® avaient & pièces de canon, mai dirigées et très mal) servies. Je n'ai eu dans cette expédition qu'un chasseur du régiment du Cap de blessé; lés révoltés ont perdu à peu près 100 des leurs; le reste a fui à travers^ des pièces de canne et les halliersy oô il n'a pas été possible ■à-raa cavalerie dé les poursuivre; ils ont gagné le» Mornes rapprochés.
* On a trouvé beaucoup d'effets sur les deux habitations Galesset conttguës, et sur celle die d'Agoust; le pillage s'en est mêlé, eoraawe cela se pratique. Voyant l'impossibilité de continuer mon expéditiont pour en tirer un plus grand avantag®, j'ai pris le parti dé faire mettre lé. feu aroc bâtiment® et établissements de ces trois habitat sons, d'enctouer 61 pièces! de canon, d'en emmener deux, smsiqse beaucoup de bestiaux, et de me retirer au haut du Caps, où; je laissai -la division deMideCambefort. Celte de fife Touaard rentra au Cap pour se reposer^ ayant; passé 10' jours en expéditions..
« Dans la soirée dé cette journée dus 27, M. de Cairobefo-rt, ayant étés informé que quelques fuyards: de Galusset s?étaient réfugiés a® Morne rougje, où: ils avaient feint les révoltés' de cette partie, qui se trouve a portée d» poste du haut d® Gap, proposa à Ha cavaleriey au nombre de 150» environ, d'aller les attaquer. Sa proposition acceptée, il y futret surprit un camp sur l'habitation Le Normand, où il y avait une pièce de canon- Il tua 30 à 40. révoltés, entre autres, un de leurs chefs, connu très dangereux. li se porta de suite dans la pfeiwe du Nord; sur les habitations d'Héricourt et Buttlet, où il: fit mettre le feu comme il avait fart sur l'habitation Le Normand.
« Cette: journée n'a sûrement pas réduit les révoltés,, mais die les a au- moins fort; interdits. Je voudrais espérer qu'après quelques sorties encore un peu-vigoureuses et importantes, et las réunion de tous les gens de couleur, qui me paraît devoir s'effectuer, que les révoltés-, pour la plupart, demanderont (sans doute £ l'exclusion des cnefs) à> rentrer dans le devoir. Quelques lettres trouvées sur les habitations d'Agoust et Galusset, écrites par les chefs des bandes, annoncent qu'ils sont fatigués et qu'ils manquent de munitions; En les harcelant, il faut croire qu'ils se dégoûteront et demanderont grâce.
« L'on m a communiqué hier une lettre par laquelle on mande que les gens de couleur sîé-talent réunis aux blancs à Plaisance, en nombre considérable. Si cela esty non: seulement la communication avec la partie de l'Ouest sera impossible aux révoltés, mais encore ils seront obi igés de refluer dans la plaine, oû, de concert avec les forces des Mornes, nous pourrons les réduire facilement, pour peu qu'il nous arrive ici des secours en nommes ; car nous sommes excessivement fatigués.
« J'en espère un peu' de la Martinique; j'ai dépêché, pour en demander, un aviso à M. de Bénague, sur les nouvelles que nous avons eues que tout était fort tranquille aux îles du Vent, Je n'ai plus d'espoir du côté des Espagnols. M. de Liégara, mon aide de camp, que j'avais envoyé à la Havane, est de retour aepuisdeux jours. Les réponses du gouverneur Las Casas m'annoncent qu'il ne peut rien faire pour nous. Je n'ai pas encore reçu de réponse de dom Joachim Garcias,
gouverneur de Santo-Domingo, à ma seconde lettre; par celle du commissaire français (M. de la Vigerie), il paraît que l'on n'a point intention de nous aider et que les Espagnols se tiendront seulement à leurs frontières, sur la défensive ; cette conduite est incroyable d'après l'article 9 du traité entre les deux nations.
« L'assemblée générale est très disposée en faveur des gens de couleur, dont la plus grande partie se sont présentés pour aider les citoyens blancs à combattre les révoltés. Ceux de l'Ouest, au quartier de la Charbonnière, joints par un nombre assez considérable des environs, ont forcé les habitants de la Croix-des-Bouquets et du Port-au-Prince, de traiter avec eux. Je joins ici le concordat dont j'ai eu l'honneur de vous parler.
« Nous avons aussi beaucoup d'inquiétude sur la conduite des mulâtres de la Grande Rivière et du Trou. Il est prouvé qu'ils se sont joints aux révoltés : ce sont les contumaces et parents d'iceux à ce que l'on croit. L'assemblée générale a rendu des arrêtés en leur faveur, que j ai acceptés, par lesquels elle les relève provisoirement au jugement rendu contre eux, et s'engage de solliciter leur grâce auprès de l'Assemblée nationale et du roi; c'est le sujet de ma dépêche n° 153, dont ie joins ici le duplicata; mais, le mal, c'est que les gens de couleur, mêlés avec les nègres esclaves révoltés, sont très inférieurs; et ils n'ont point d'autorité sur les révoltés ; les chefs de ceux-ci sont tous pris parmi eux, et pas un parmi les gens de couleur.
« Vous voyez, Monsieur, un aperçu bien déplorable de notre position; les commissaires de l'assemblée générale vous en feront les détails, et je ne doute pas que vous n'employiez tous vos moyens pour nous envoyer des secours de troupes, de munitions de guerre, de canons de montagne, d'artilleurs, dont nous manquons. En attendant, nous nous soutiendrons tant que nous pourrons. La partie du Sud est saine; mais le mal peut aisément gagner ; elle est sans troupes et nous ne pouvons lui en envoyer.
« J'espère toujours que vous obtiendrez du roi l'ordre ae faire passer en France les troupes d'Artois et de Normandie qui sont au Port-au-Prince, où elles continuent à se comporter avec une licence démesurée; elles parlent aux assemblées coloniales et à la municipalité d'une manière impérative. L'équipage du Borée est dans les mêmes principes ; les uns et les autres ne sont un peu retenus que par l'excellente conduite et la fermeté de MM. de Saulnois et de Grimoard, qui ne parent qu'aux licences les plus atroces.
« Jetez donc, Monsieur, un coup d'œil de compassion sur nous, et secourez promptement cette superbe colonie, qui est dans le danger le plus > évident; faites partir les forces les unes après les autres, à mesure qu'elles seront prêtes ; l'arrivée successive, rendra le courage, l'espoir fera le reste. »
« Je suis avec respect, Monsieur, etc.
« Signé : De blanchelande.
P. S. . Je joins ici, Monsieur, une proclamation que j'ai publiée, pour faire connaître aux
cirï/\ aaiiIaiih maa oanl! m nntc niinû moniûVû
Sour leur faire sentir qu'ils s'en étaient écartés ans les demandes iniérées dans leur concordat. »
Proclamation de Philibert - François Rouxel de
Blanchelande, représentant du roi à Saint-Domingue, aux nègres en révolte dans la province
du Nord.
« Le représentant du roi vous demande, au nom de la nation, de ce même roi que vous aimez, et de l'humanité, de cesser vos désordres, de rentrer chacun sur vos habitations, et d'y reprendre vos travaux.
« Vous vous êtes rendus bien criminels ! Vos maîtres massacrés par vos mains, leurs terres et leurs bâtiments incendiés, sont des crimes atroces. Ecoutez vos consciences, et vous jugerez que Dieu et les hommes doivent être bien irrités; vous penserez que vous méritez sur la terre une grande punition, en attendant celle que le ciel vous prépare, si vous persistez dans vos mauvaises intentions.
« Je vous engage donc de vous retirer sur vos habitations, avec la ferme résolution d'y vivre paisiblement et soumis à vos maîtres; je vous déclare, en ma qualité de. représentant du roi, qu'il ne vous sera rien fait.
« J*engage les bons nègres, qui ont été trompés par leurs camarades fourbes et méchants, de s en emparer sur-le-champ et me les remettre, de rejoindre leurs maîtres qui, malgré le mal qui leur a été fait, les recevront en pères et en bienfaiteurs, et leur feront grâce.
« Je vous jure sur ce qu'il y a de plus saint, que je vous tiendrai fidèlement la parole sur tout ce que je vous promets, si après avoir entendu les ordres que le roi vous donne par ma bouche, vous vous y soumettez sur-le-champ
« Si vous persistez, au contraire, dans votre affreuse révolte, tremblez, malheureux ! plus de grâce pour vous. Partout, les troupes que je commande, et celles qui m'arrivent de San-Domingo, de la Havane, de la Jamaïque, de la Nouvelle-Angleterre ; et ainsi que des nègres et mulâtres libres qui viennent d'être armés pour marcher contre vous, vous extermineront sans pitié. Ainsi, ou la mort, ou votre pardon, choisissez !
« Je vous donne d'ici à demain au soir pour me répondre. Vous pourrez m'énvoyer des nègres pour venir me parler, à qui je vous promets qu'il ne sera rien fait; je vous en donne ma parole, qui est aussi sacrée que celle du roi.
« Au Cap, le 23 septembre 1791. »
« Signé : De Blanchelande. » f
Plusieurs membres : Le renvoi au comité colonial !
Un membre : Je demande la lecture du concordat !
Plusieurs membres : Le renvoi de toutes ces pièces au comité !
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité colonial.)
, fatigué, quitte le fauteuil.
, vice-président, l'y remplace.
Présidence de M. Lacépède, vice-président.
Plusieurs membres demandent la levée de la séance et l'ajournement de la suite de la discussion sur les prêtres non assermentés.
. Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ajourner la discussion.)
Je demande qu'on décrète le. 4e article du projet sans désemparer.
Plusieurs membres à droitè : Non! non! La question préalable !
Nous prions la minorité, la très petite minorité, de se soumettre à la majorité.
, s'adressant au côté droit. Votre but est d'empêcher qu'on ne statue sur le 4e article.
Demander de décréter l'article 4 sans désemparer, c'est vouloir le décréter sans examiner
Un membre : Je demande qu'on mette aux voix tout ce que demandent ces messieurs, afin qu'ils ne nous fassent plus perdre notre temps.
Un membre : C'est mettre la patrie en danger que de fermer la discussion aujourd'hui. Je demande que la discussion soit ouverte, qu'elle soit continuée demain afin que chacun puisse proposer ses vues.
Monsieur le Président, veuillez mettre aux voix la question préalable sur la motion de décréter le 4e article sans désemparer, car toutes ces motions ne sont que des petites ruses de guerre pour arrêter la délibération. (Vifs applaudissements dans les tribunes.— Murmures prolongés dans le côté droit de VAssemblée.)
Plusieurs membres à droite : Rappelez à l'ordre M. Delacroix!
D'autres membres : Aux voix la question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de statuer sans désemparer. (.Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande à faire un amendement.
Plusieurs membres : Non ! non !
Je demande la question préalable sur l'amendement que Monsieur va faire.
Mon amendement est qu'on ne ferme point la discussion sans avoir accordé un temps suffisant pour discuter la question et sans avoir entendu un second des orateurs qui se proposent de combattre l'article. (Murmures.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement.
Je consulte l'Assemblée. ~ Un membre : Tout le monde sera témoin crue la majeure-partie de l'Assemblée ne veut entendre personne.
Ce sont les bons patriotes. (Murmures.)
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
La parole est à M. Tomé pour continuer son opinion.
Je continue mon opinion (1).
Le citoyen qui ne se présente pas pour prêter le serment civique, fait soupçonner des
intentions d'indocilité à la loi de l'Etat ; mais il n'y est pas encore indocile. Il s'est
rendu indigne de la confiance publique, mais il n'a pas encouru la peine de l'incivisme. Il
ne doit avoir aucune part aux bienfaits de la loi, mais il n'en a pas
Voulez-vous maintenant punir l'insermenté comme suspect par état, sans s'être rendu tel par sa conduite personnelle? Ah! détournons les yeux d'une telle horreur. Soumettez ce citoyen quoique si légèrement suspect, à une surveillance particulière ae la police. A la bonne heure : j'applaudis à cette mesure de précaution, qui fait un des articles du projet, mais commencer par le punir, sous prétexte qu'il ne fait pas ce que la Constitution ne lui commande pas de faire, c'est blesser en lui les droits de l'homme ; et le traiter ainsi d'après des soupçons uniquement fondés sur son costume ou sur la tournure de ses cheveux, ce serait la honte de la législation.
L'insermenté devient-il personnellement perturbateur de l'ordre public, je le livre, Messieurs, à toute votre sévérité; et j'aggraverai s'il le faut les lois répressives imaginées par votre comité? La tolérance que je professe n'est pas la tolérance des crimes.
Mais grâce, Messieurs, grâce pour l'insermenté à qui on ne peut reprocher que son ignorance, son scrupule et son rabat. Ce citoyen suspect a subi sa peine. La patrie lui refuse toute confiance, l'exclut de tous ses pouvoirs tutélaires ; et sans le vomir de son sein, sans entendre le punir de l'absurdité de son jugement sur le mérite d'une loi qu'il observe, elle l'a condamné à une honteuse inactivité. Pourquoi donc venez-vous le rechercher encore ? Pourquoi présenter à la stupidité le même hameçon auquel il s'est déjàpris, pour ajouter la souffrance a l'ignominie aune existence inutile?
Proposez-lui, je Je- veux, une seconde fois le serment à prêter. Ayez l'indulgence de substituer le simple serment civique au serment du 25 novembre; cette modération est digne de vous, redoublez ainsi l'ignominie de son refus, mais n'aggravez pas son sort, quand ses torts ne sont pas aggravés.
Non bis in idem. Cet axiome de droit ne sera pas sans doute méconnu par une Assemblée de qui l'Europe attend un code civil supérieur à celui de l'ancienne Rome. Ne serait-il pas affreux que des législateurs fissent renaître l'occasion d'un délit, pour avoir un prétexte de le punir avec plus de sévérité?
On m'opposera que les dangers vont croissant ; qu'il faut punir ceux qui. mettent de plus en plus en danger la chose publique : oui, sans doute s'il est prouvé qu'ils la troublent de plus en plus ; mais le simple refus du serment restant le ' même, et les preuves de l'influence d'un grand nombre d'insermentés sur les troubles publics restant toujours nulles, pourquoi leur infliger aujourd'hui un accroissement de peine?,Entendez-vous les provoquer par une loi nouvelle à un délit nouveau pour avoir le plaisir de les punir une seconde fois? Ah ! cette idée seule serait un outrage pour la législation d'un peuple même à demi policé.
Les dangers vont croissant. Eh bien! faut-il pour cela recourir à d'injustes rigueurs? Oh ! qu'il serait indigne d'une grande nation de justifier l'injustice par la crainte et de devenir cruelle à force d'être pusillanime!
J'entends dire de toutes parts : la Constitution
doit-elle épargner ©eux qui veulent la renverser? Le contrat social peut-il être invoqué en faveur de ceux qui ont une intention ferme de le violer? Un père de famille peut-il laisser subsister dans son champ des reptiles qui ne cessent de faire à ses enfants des morsures envenimées? Ce sont les objections que nous oppose l'intolé-rance politique; mais ces objections ne sont que des paralogisme».
Il faut épargner ceux qu'épargne la Constitution. ou du moins il' ne faut pas les grever plus qu'elle ne lès grève elle-^nême.
On ne peut sans outrer le contrat social,, aggraver lies» obligations qu'il' impose aux citoyens.
La comparaison des reptiles mènerait à la déportation nors du royaume, de tous les ennemis de la Révolution, ou à les exterminer dans le royaume, comme le père de famille doit exterminer lès vipères dans son champ; et rien ne décrie autant une maxime que l'absurdité de ses conséquences»
Encore un mot pourfaire absolument évanouir le sophisme.
La loi n'avait nullement réduit le traitement des ecclésiastiques qui refuseraient de prêter le serment civique : elle s'était bornée à les priver des droits de' citoyen actif. Il est vrai que postérieurement, elle a réduit à 500 livres le traitement des curés qui ne prêteraient pas le serment du 25 novembre^ mais en même temps elle a laissé subsister tout entier le traitement de tous autres ecclésiastiques non ministres du culte^ qui se refuseraient à ce dernier serment.
Et vous, Kfessieurs, après avoir renoncé à faire prêter le serment du 25> novembre, pour n'y substituer que le serment civique, vous voulez décréter que tous ecclésiastiques ei-devant insermentés, qpi ne prêteront pas le serment civique, perdront, les uns, le misérable reste de leur traitement, les, autres leur traitement tout entier. Vous voilà donc convaincus de contrarier ouvertement le vœu de la. loi, en étendant les peines sur ceux qu'elle ne voulait pas atteindre, et en aggravant lès peines de ceux qu'elle voulait punir. Cessez donc d'étayer de la loi le projet ae disposition pénale que je combats, et convenez qu il. est l'étrange iruit de lai sévérité du moment, et, ce qui est pis encore, d'une illégale sévérité.
Les grands principes de droit public viennent ici à l'appui de toutes les moralités.
Distinguons le contrat social tait par une agrégation d'individus qui se forme pour la première fois, d'un nouveau contrat social que fait le législateur pour une société déjà très ancienne et qui vivait sous un régime différent de celui «qu'on veut établir.
Dans le premier cas, le contrat social peut forcer chaque individu, qui veut faire partie de l'association nouvelle, d'en adopter le régime ou refuser de l'admettre.
Dans le second cas, le législateur peut inviter tous les- membres de la société à jurer qu'ils seront fidèles à la loi nouvelle ; mais il ne peut les contraindre à ce serment. Ce droit supposerait le pouvoir de punir ceux qui refusent de le prêter; et nulle peine ne peut, pour cette raison, leur être infligée. Le nouveau régime ne peut -que les priver ae ses bienfaits.
Dans la révolution qu'éprouve un rassemblement ancien d'individus, chacun peut persister dans sa prédilection pour le premier état des choses, et nulle autorité ne peut le forcer au
serment de concourir à le renverser. Ce serait De procédé violent d'une inquisition politique.
Chaque membre attaché par goût ou par intérêt à l'ancien régime, est-il pour cela en droit de s'opposer à l'établissement au nouveau? Non, sans doute ;.le législateur ou, ce qui est la même chose, la volonté générale ; ou, ce qui est la même chose encore, la majorité dès volontés individuelles peut dire à chaque membre delà majorité : nous ne vous forcerons pas d'approuver le nouvel ordre de choses; nous ne vous exclurons pas non plus d'une société où vous avez prescrit le droit de rester; mais nous vous punirons si vous osez opposer quelque résistance à la> loi, lui désobéir, et méconnaître, ou braver quelqu'une des autorités nouvellement constituées. S'il n'est pas juste de vous châtier par anticipation, si nous ne pouvons punir le refus dîun sermentr nous pouvons du> moins marquer notre horreur pour votre schisme politique, en vous privant des bienfaits de la loi nouvelle. Soyez citoyen, ou pour mieux dire, soyez régni-coie; nous n'àvons pas le droit de l'empêcher, mais vous ne serez pas citoyen actif.
Qui, Messieurs, voilà l'esprit, le véritable esprit de la Constitution française.
On vous, inspire djonc de mettre le comble à l'injustice de vos mesures, quand on vous propose d'attacher au refus chr serment dès peines communes à la classe entière des ecclésiastiques qui ne se seront pas présentés pour prêter le serment civique; c'est-à-dire qu'on vous propose de frapper du même anathème l'erreur paisible et l'erreur factieuse, la conscience timorée et l'horrible conscience, le serupule et la scélératesse.
Pourquoi, Messieurs, abandonneriez-vous dans la cause des prêtres ce discernement que vous avez porté dans vos débats sur les émigrés et dans la loi que vous avez faite?
Emigrer, avez-vous dit, n'est pas un crime. Ce n'est qu'en se rassemblant près de nos frontières, que les émigrés se sont rendus suspects de conjuration contre la patrie. C'est à la marche des procédures à constater, pour chaque individu, qu'il a fait partie de ce rassemblement suspect.
Pourquoi ne dites-vous pas aussi : Refuser un serment civique que la Constitution propose, sans le commander,, n'est pas un délit social? Ce refus tout seul, peut donc tout au plus, rendre le prêtre, suspect de conjuration contre la patrie. Mais ce n'èst que par dès procédés fàctieux, légalement prouvés d'après une accusation légale, qu'il peut encourir la peine du. conjuré; Loin ae nous cette discordance ae lois, qui déshonore des législateurs.
Vous renoncez donc, Messieurs, à l'idée d'infliger la même peine? à tous les insermentés indistinctement.
Et combienjplus grau de sera votre répugnance^ en considérant l'espèce de peines qu'on vous propose pour un simple refus du serment civique 1 Icir c'est une déportation provisoire sans accusation, sans procédure et sur des conjectures aussi faibles qu'incertaines. Là, c'est une. déchéance absolue ae tout traitement, et pour vous engager à cette rigueur, on met un art singulier à vous dénoncer les troublés.
Mais supposons le mal et le. danger aussi grands qu on vous les a peints : je n'ai, Messieurs, qu'une chose à vous dire. Sous prétexte de péril voulez-vous être injustes? Voulez-vous être.atroces? Voulez-vous prononcer contre nos troubles, des peine» qui les augmenteront au
lieu de les cahner? C'est là cependant le caractère et ce seront là les fruits de cette loi pénale qu'on vous propose avec une dureté qui serait inexcusable, si die ne partait d'un zèle ardent pour le maintien de la tranquillité publique.
Une déportation générale sans procédure individuelle et sans jugement, que seraifeelle,, sinon une grande tyrannie telle qu'il n'en fut jamais de semblable dans l'ancien régime? Et que peut en être le fruit? Certes, je n'y vois qu'un moyen dé doubler les troubles qu'on veut prévenir. Ici, ce seront des âmes» exaltées par la déportation de l'ancien pasteur. Là ce sera l'esprit de discordé et de rébellion que Fînser-menté portera dans son domicile et qui étendra ainsi ses ravages.
On vous a dît, Messieurs, qu'il Mlârt purger les campagnes de ces fléaux politiques, et les entasser danst les chefs-lieux de département; c'est-à-dire qu'on vous, propose die former avec d'innombrables germes de petits trouMe&jteu importants, de cela seul qu'ils sont épars, 82 foyers de guerre civile, capables par leur grande masse et leur intensité de bouleverser FEsapire.
Où serait encore la prudence de l'Assemblée, si elle pouvait adopter comme un remède aux troubles du royaume une déchéance de tout traitement à l'égard de. ceux qu'on! en suppose les secrets instigateurs, sans en. avoir dés preuves légales?
Est-ce en affamant une classe éTrommes imposante par le nombre, répandue dans tout le royaume, tenant dans sesm&insd'innombrables familles par son. ascendant sur les consciences,, que vous calmerez la partie factieuse de cette classe de prêtres? Ne rendrez-vous pas plutôt, factieuse; celle qui ne L'est pas. encore? Oubliez.-vous donc que. 1 extrême indigence, succédant tout, à coup au bien-être,, dénature les âmes,engendre le désespoir, porte le fanatisme au délire, et commande le crime à des âmes mêmes nées pour la vertu? (Applaudissements, & dsoite..) Que sera-ce si à ce besoin même se joint F idée que par ces excès séditieux on sert l'a religion,, et on venge le ciel? Quel législateur pourrait sans opprobre,, dire à la faim : Je te commande d'être lé bourreau de l'erreur? Combien cette infamie serait contraire à la. Constitution?. Lisons :
« Le traitement des ministres du culte catholique pensionnés, conservés,, élus ou nommés en vertu des décrets de l'Assemblée nationale constituante,. fait partie de la dette nationale. »
Ici, je vois marquées très distinctement trois classes de ministres du culte catholique,, dont les insermentés forment évidemment la première;, c'est celle des ministres pensionnés sans être ni conservés, dans leurs anciennes places, ni élus à de nouvelles.
Il est donc décrété par la Constitution que le traitement des insermentés fait partie de la dette nationale.
On veut mettre à ce traitement une condition que la Constitution n'y a pas mise et on a voulu ersuader à l'Assemblée qu'elle est fa maîtresse e l'Imposer. Mettre après coup des conditions à l'acquit d'une dette nationale reconnue sans condition; en mettre même à un simple bienfait, après l'avoir solennellement accordé* ce, serait pour un particulier un procédé honteux et déshonorant : mais pour une Assemblée de législateurs, ce serait un opprobre éternel.
Plusieurs membres à droite : Bravo L bravo i
Les représentants d'une loyale et
grande nation ne règlent point par de misérable» substilités des procédés que commandent la droir ture et l'honneur. Laissons aux bancs de l'école cet ergotisrne immoral.
Voulez-vous absolument adopter cette doctrine sophistique? vous le pouvez : mais avant tout il faut rayer de l'Acte constitutionnel l'article que je viens de citer, et vous résoudre au: parjure.
Non, aucun palliatif, aucun subterfuge ne saurait déguiser cette défection à nos engagements. Le peuple ne sait pas subtiliser àla façon des docteurs.
Qfoelle doit être votre force, Messieurs? Pensez-y bien, ce n'est pas cette force des passions quii vous fera décréter des lois sévères avec atrocité. Cette force est celle du malade en délire ; elfe finit par un excès de faiblesse. Votre force est celle do l'opinion publique, et ne croyez pas encore que ce soit l'opinion du moment. L'opinion publique a ses accès fébriles, sur lesquels le législateur se garde bien de se régler. là n'est en mesure, il n'est tout puissant, que lorsque fermant les yeux sur les chocs tumultueux; des cabales qui sagitent autour de lui, il ne parle qu'à la Iroide, à l'impartiale postérité, et lorsqu'il ne se dirige que par la raison universelle. Une loi injuste sera d autant plus faible qu'elle sera plus fortement prononcée : alors la gloire du législateur ne sera que la gloire éphémère du factieux, applaudi par le parti bouillant dont il flatte les passions, en lui proposant des mesures effrénées. {Applaudissements.)
Vos lumières, Messieurs, c'est le flambeau delà philosophie ; vos armes, c'est la justice; votre rempart, c'est l'opinion te sages. Le législateur qui croit avoir repoussé une théorie en disant que ce n'est là que la théorie d'un philosophe^ commet l'imprudence de celui qui, voulant; se guider au sein de- la. nuit, dans des routes difficiles, éteindrait son flambeau. La saine politique n'est que la philosophie des nations;. En un mot,, soyons justes, soyons modérés {Murmures."} m, tôt ou tard, nous serons perdus dans l'opinion publique.
Encore, s'il ralliait être injuste ou périr, s'il fallait absolument sacrifier & gloire de la M et l'honneur du Corps législatif au salut du peuple; si cet opprobre de la législation était la seule mesure de précaution ou de répression qui vous restât pour assurer la tranquillité publique, je ne saurais que répondre à ces orateurs impérieux qui vous entraînent à d'extrêmes sévérités» Mais combien de grands moyens de maintenir la tranquillité publique n?avea-vous pas à mettre en œuvre avant d'être injustes?
Je n'entrerai pas ici, Messieurs, dans les détails de cette multitude de moyens répressifs que vous pourriez employer sans injustice. Les projets de votre comité fournissent, de ces mesures. Cet objet est étranger à mon opinion, ou n'y aurait pas du moins un rapport direct.
Il me suffira, Messieurs, d'arrêter votre confiance sur Fimmensité de la force publique que la Constitution a mise sous la main des corps administratifs et municipaux; plus de 3 millions de soldats-citoyens sont à leurs ordres. Avec un peu de civisme et cette grande force publique, quelle masse de factieux ne serait pas réprimée? Quels soulèvements ne seraient pas étouffés? Quels attroupements ne seraient pas dispersés? S'il est des municipalités faibles, parce que la force publique^ à leurs ordres, est en partie suspecte d'incivisme* s'il en est de coupables qui
fassent de leur force l'usage inverse de leur destination, les municipalités d'alentour, même à de grandes distances, coalisées pour leur commune sûreté, par un sentiment de civisme ; plus liées encore par le sentiment de leur danger commun, n'enverront-elles pas de toute part des détachements de leurs gardes nationales, pour éteindre en tous lieux les premières étincelles de la guerre civile?
C'est en réprimant ainsi, par de grandes masses de la force publique, les sourdes manœuvres ou les éclats des factions intestines, que vous retiendrez au delà du Rhin, ces hordes de croisés féodaux qui sont sortis du royaume, pour reconquérir leurs châteaux et leurs terres, avec plus ae barbarie qu'ils n'en eurent en conquérant les Gaules pour la première fois.
Pendant que nous leur opposons, sur nos frontières, un front menaçant, c'est dans le sein du royaume qu'il faut déjouer par la paix ces émigrés ; car ils ne fondent leur espoir que sur leurs conjurés intérieurs, et ils n'oseraient tenter une incursion, avant d'en avoir vu le signal dans les feux de la guerre civile allumés en cent lieux du royaume à la fois.
Aux grands moyens de répression sagement réunis, ajoutez ce grand calmant des troubles publics, la tolérance indéfinie de tous les cultes. (Murmures.) La sagesse de cette mesure pour apaiser tous les troubles actuels et pour prévenir les troubles futurs, ne peut être méconnue d'aucun politique ni d aucun philosophe.
Quelle est, je ne dis pas la vraie cause, mais la cause simulée des troubles excités par certains prêtres insermentés? Ce sont les entraves mises à l'exercice du culte distinct et séparé du nôtre, que vous leur refusez et qu'ils vous demandent en invoquant votre Constitution.
Accordez-leur cette liberté de culte dans toute la latitude, et vous anéantirez le prétexte le plus dangereux de nos troubles. La majeure partie des insermentés, satisfaite de cette mesure, se livrera aux douceurs de la paix : les plus factieux (Applaudissements.), déconcertés par une intolérance inattendue, et manquant tout à coup de ce grand levier qui soulevait des communes entières, à peine pourront-ils troubler une famille.
Alors vous punirez sans danger le prêtre factieux dont la cause ne sera plus liée avec celle de la religion ; et le peuple, au lieu de révérer en lui le martyr de sa foi, n'y verra que la peine justement infligée à l'ennemi de la patrie.
Si, au lieu de ces mesures de précaution ou de mesures sagement répressives, vous adoptez les remèdes violents qu'on vous propose avec la confiance des empiriques et l'éloquence des passions, bientôt ce bel Empire tombera dans des convulsions étranges. Oui, Messieurs, je vous l'annonce en versant des larmes amères sur les dangers de la Constitution et de la patrie, vous aurez la guerre civile par ces mêmes moyens qu'on vous propose pour vous en préserver. Cet oracle est plus sûr que celui des Calchas.
jeune. L'opinant avait dit qu'il finissait; voilà qu'il recommence.
Tels sont les motifs de la question préalable que j'invoque contre l'article 4 du projet, en ce qu'il inflige d'autres peines que celles de la déchéance des droits de citoyen actif pour le simple refus de prêter le serment civique, quand il n'est pas prouvé que ce refus soit joint à des procédés factieux, et que l'insermenté ait eu quelque part à des troubles publics.
Plusieurs membres à l'extrémité gauche de la salle : Aux voix l'article !
Je demande l'impression du discours de M. Tomé, pour que l'Assemblée consacre d'avance les seuls principes qu'elle doit adopter. (Applaudissements à droite.)
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Lacretelle.)
(Un grand nombre d'orateurs se présentent à la tribune, concurremment avec le rapporteur, pour répondre à M. Tomé. Après quelques débats sur l'ordre de la parole, elle est accordée à M. le rapporteur.)
Un membre : Je demande que la discussion soit fermée après que M. le rapporteur aura été entendu.
Plusieurs membres : La question préalable.
Décréter que la discussion sera fermée après que M. le rapporteur aura été entendu, c est décréter l'infaillibilité de M. le rapporteur. Cela n'est pas possible, car il est sujet à l'erreur comme ceux qui ont parlé avant lui. ;
(L'Assemblée, consultée, décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
, rapporteur. Messieurs, il y a un mois que cette question s'agite. Je n'imagine pas que le reproche d'éloquence empirique puisse tomber sur le rapporteur du comité. Ma santé et le temps ne m ont pas permis d'y penser. Je crois que pour avoir raison, comme l'a dit le célèbre Jean-Jacques, on n'est pas obligé de parler le dernier. En conséquence, je pourrais lire le préambule du décret, et dire que M. Tomé y trouverait la réponse à son discours. Je conviens cependant, que si j'avais l'honneur d'être, comme lui, évêque, je me serais fait un devoir de plaider la cause des prêtres non assermentés, et de réclamer pour eux l'indulgence de l'Assemblée nationale. Mais, il ne s'agit pas d'examiner la beauté du procédé louable de M. l'évêque du Cher, il s'agit de savoir si l'article est juste et voilà tout.
Qu'oppose-t-on, Messieurs, à cet article ? On invoque la Constitution en faveur de ceux qui ne veulent pas reconnaître la Constitution. On invoque le pacte social en faveur de ceux qui refusent de souscrire le pacte social. On invoque une portion des contributions publiques en faveur de ceux qui anéantissent et empêchent, autant qu'il est en eux, le recouvrement des contributions publiques. (Applaudissements.) On invoque enfin. Messieurs, une portion de la substance du peuple en faveur des plus grands ennemis de la nation. Je compare la nation à un père de famille qui aurait dans son champ des reptiles venimeux, et au lieu de les mettre dehors, on voudrait qu'il prît le sang de ses enfants pour alimenter et faire la proie de ces reptiles. (Vifs applaudissements dans VAssemblée et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion ! (Oui ! oui! Non ! non!)
Plusieurs membres à droite demandent que l'on entende encore des orateurs pour parler contre l'article.
On propose pour amendement à la proposition de fermer la dicussion, d'entendre quelques orateurs auparavant.
Plusieurs membres à gauche : Non ! non! la question préalable !
In membre : Je ne plaide pas la cause des prê-
très non assermentés, mais je crois qu'il est de la dignité de l'Assemblée d'entendre encore un orateur contre le projet. (Bah ! bah!)
La délibération prend un tel caractère d'impatience et de rapidité... (Murmures prolongés à gauche.)
(M. Hua monte à la tribune, il est accueilli par des huées et par des cris de : A l'ordre. ! chaque fois qu'il veut parler.)
Je mets aux voix la question préalable sur la question de savoir si un orateur sera entendu contre l'article.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : Aux voix l'article !
Gomme il y a des étrangers dans la salle et qu'il s'agit de savoir si nous consentirons à une violation des lois constitutionnelles, je demande qu'il soit procédé à la délibération par un appel nominal. (Il s'élève un grand tumulte.)
Un membre : Je demande que le membre qui vient de parler soit censuré et son nom inscrit au procès-verbal. On procède à l'appel nominal lorsque la délibération par assis et levé est douteuse : autrement c'est une infamie que de le demander, puisque cela ne peut avoir pour but que de faire perdre le temps de l'Assemblée, ou de distinguer, par des listes, ceux qui ont voté pour telle ou telle opinion. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent à faire des amendements.
, s^adressant aux membres assis dans la partie gauche : Messieurs, on cherche à nous fatiguer ; mais attendons jusqu'au bout, et fati-guons-les eux-mêmes par notre patience. (Applaudissements.)
Plusieurs membres à droite : La question préalable sur l'article !
Messieurs, on vient de demander à faire des amendements. On demande aussi la question préalable sur l'article ; elle est appuyée ; mais je préviens l'Assemblée qu'on demande l'appel nominal pour juger cette question. (Non ! non ! — Murmures prolongés.)
(L'Assemblée devient tumultueuse.)
jeune. Je propose d'adopter l'article sauf rédaction.
Lorsque j'ai réclamé l'appel nominal, ie n'ai eu intention de le réclamer que lorsqu'il sera question de voter l'article, et voici ma raison. Il est impossible que M. le Président, que MM. les Secrétaires et que les huissiers puissent rectifier l'état actuel ne l'Assemblée. (Bah ! bah ! Murmures prolongés et exclamations.)
Un membre : Il y a des étrangers dans la salle !
Plusieurs membres : Indiquez-les !
Le même membre : S'il y a des étrangers, nous n'avons aucun moyen de nous en assurer. Je demande qu'on laisse aux membres de l'Assemblée les moyens de dénoncer leur opinion à la face de la nation entière. C'est pourquoi je réclame l'appel nominal. (Les clameurs redoublent.)
D'après la réclamation du préopinant, je charge les nuissiers de faire sortir tous les étrangers qui peuvent s'être introduits dans la salle.
Un membre : Il n'y .en a aucun ; cette motion
insidieuse est digne de la mauvaise foi du côté droit.
J'ai demandé la parole pour faire quelques observations sur lâ ridicule motion d'un appel nominal, que l'on n'a pas rougi de vous présenter. Jusqu'à quand délibérerons-nous dans le sein des orages ; jusqu'à quand nous laisserons-nous troubler dans nos travaux par les petites passions de quelques hommes qui avilissent le caractère des représentants de la nation, et s'efforcent de dégrader en eux la majesté du Corps législatif? (Murmures à droite. — Le reste de VAssemblée applaudit.) Vous m'entendrez, Messieurs, car c est votre devoir d'écouter, comme c'est celui de chacun de nous de vous dire la vérité. Il est inconcevable qu'une minorité, qui improuve l'article qu'on discute, ait osé soulever, avec une affectation aussi marquée, tant de misérables incidents, propose tant d amendements sur la motion de fermer la discussion, tant de questions préalables sur les propositions qu'eux-mêmes venaient de faire, et consommer, par cette perfide tactique, un temps infiniment precieux. Je le dis hautement, ceux qui entravent ainsi votre marche sont les plus grands ennemis de la chose publique. (Une grande partie de V Assemblée et les tribunes applaudissent.) Leurs étranges motions, leurs cris tumultueux sont plus dangereux pour la patrie que les rassemblements de Worms et de Coblentz. (Applaudissements.) Il importe enfin de les réprimer, et je proposerais à cet égard une motion d'ordre. Je demanderais que lorsque le président ne pourra, par les moyens ordinaires, faire cesser le tumulte, il invite les amis de l'ordre et de la patrie à se tenir en silence. Je demanderais que les noms de ceux qui ne céderont pas sur-le-champ à cette invitation soient inscrits sur le procès-verbal ; et qu'en cas d'une nouvelle insistance ou d'une récidive dans le même séance, ils soient envoyés pour 24 heures à l'Abbaye. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
Je demanderais que, pour assurer l'exécution de ce règlement, le président nommât chaque jour deux commissaires qui dénonceront nominativement les perturbateurs de l'ordre. Et comme je ne suis pas animé du même esprit que ceux qui voudraient empêcher de délibérer sur l'article dont il est question et qui va infailliblement être rendu; comme je suis éloigné de vouloir leur procurer la satisfaction de détourner sur un objet moins urgent l'attention de l'Assemblée, je me borne, pour aujourd'hui, à l'énonciation de ma motion d'ordre ; je me réserve de la reproduire, et ie demande qu'en méprisant la proposition de l'appel nominal, qui ne peut avoir lieu que lorsque les épreuves sont douteuses, on mette aux voix l'article. (Vifs applaudissements.)
Un membre ; J'invite, Messieurs, tous les fidèles amis de la Constitution qui veulent marcher sur sa ligne, qui n'est jamais ni en deçà, ni en delà, à se réunir enfin contre ceux qui veulent nous écarter du but. (Murmures à droite.)
, le jeune. Mon intention n'est pas de suspendre votre délibération. J'ai deux amendements à vous proposer. Si vous ne voulez pas les entendre avant de décréter l'article, je demande que l'Assemblée veuille bien décréter qu'elle les entendra demain, comme articles additionnels.
Un membre : L'Assemblée a décrété que tous
les-articles additionnels seraient entendus après l'adoption du projet entier.
Aux termes -du règlement, les amendements doivent être mis aux voix avant l'article, et cette précaution est très sage, car souvent un amendement détermine à adopter l'article.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'article 4 î
(L'Assemblée décrète qu'il y a lién a délibérer sur l'article 4.)
Je crois qu'il suffit d'énoncer mon amendement pour qu'il soit adopté. Je demande que l'on fasse une exception en faveur des infirmes et des vieillards, et que l'on ne prononce pas la déchéance des traitements et pensions contre ceux de ces ecclésiastiques qui refuseraient de prêter le serment. Au reste, j'observe que mon amendement peut être également admis comme article additionneL 11 est intéressant que l'on sache, lorsque la nouvelle de votre décret arrivera, que vous vous occupez des exceptions que l'humanité réclame en faveur de la vieillesse et de l'infirmité. Je demande l'ajournement à demain (1) de l'article additionnel que je propose à cet égard.
Un membre : A 80 ans comme à 20 on est citoyen, et l'on ne peut refuser à la nation un témoignage de sa soumission aux lois. (Murmures et quelques applaudissements.)
J'observe que M. Becquey réserve sa proposition comme article additionnel.
Je demande que le décret soit rendu en exceptant les ministres du culte dont la-Constitution a garanti le traitement comme dette nationale. (Exclamations et murmures prolongés.)
et plusieurs autres membres. La question préalable!
Je témoigne une grande surprise de ce que l'Assemblée demande la question préalable sur la réclamation d'un droit garanti par la Constitution.
(L'Assemblée décrète, à la presque unanimité, qu'il n'y a pas lieu à déliberer sur l'amendement.)
jeune. Il y a un terme à tout. Je demande qu'on ne présente plus d'amendements ; l'Assemblée en a assez entendu.
Je rappelle à Fordre ceux qui interrompent, et j'observe qu'il m'est impossible d'interdire la parole à ceux qui veulent proposer des amendements. J'ai besoin pour cela de la volonté de la majorité. Je la consulte pour savoir si elle veut, sur tout amendement, fermer la discussion.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur tous les amendements !
(L'Assemblée ferme la discussion sur tous les amendements, et décide qu'il ne pourra plus en être présenté sur l'article 4.)
Jemets aux voix l'article 4 ; il est ainsi conçu :
Art. 4.
« Quant aux autres ecclésiastiques, aucun d'eux ne pourra désormais toucher, reclamer ni
obte-
(L'Assemblée décrète l'article 4 et renvoie à demain la suite de la discussion.)
(La séance est levée à six heures, au milieu des applaudissements de l'Assemblée et des tribunes.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
DÉVELOPPEMENTS de l'amendement proposé par
le 17 novembre 1791 (1), et qui sera discuté comme article additionnel au projet du, comité de législation sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés (2).
Le jour où. l'Assemblée nationale a décrété l'article 4 du projet du comité de législation^ j'ai proposé un amendement qui n'a pas été discute, l'Assemblée ayant cru ne devoir l'examiner que comme article additionnel. L'objet de cet amendement est de réserver une pension alimentaire aux ecclésiastiques vieillards ou infirmes, quand même ils ne prêteraient pas le serment civique qui va leur être demandé. L'humanité, la justice, la politique même me semblent d'accord pour faire adopter cette disposition; mais comme plusieurs de mes collègues m'ont déjà fait connaître une opinion contraire, je publie quelques développements sur ma motion, que je réitérerai après la discussion des articles du comité.
Le serment exigé est purement politique, cependant il est possible que des ecclésiastiques de bonne foi commettent l'erreur de croire leur conscience intéressée à le refuser; si l'ecclésiastique qui refuse est encore jeune, il peut, soit en quittant la France, soit en y Testant,-trouver l es moyens de subsister. La loi, toute rigoureuse qu'elle est, ne lui enlève pas toute espèce de ressources ; mais le vieillard, mais l'infirme que deviendront-ils, si on ne leur assure un revenu quelconque ? Je les vois livrés à la misère, au désespoir; et la privation entière de leur traitement serait pour eux comme un arrêt de mort.
En vain repondra-t-on qu'ils peuvent éviter' tous ces maux en se conformant à la loi.
J'observe que s'il est une époque où l'homme soit exposé a l'influence des préjugés et des
fausses craintes, c'est surtout quand il est courbé sous le poids des années ou des
maladies. Plus d'un vieillard, n'en doutons pas, s'alarmera de la condition du serment qu'on
lui impose : ce sera sans doute une grande erreur; mais son erreur ne sera pas un crime, et
s'il vit en paix sous le règne des nouvelles lois, pourrait-on enlever tout secours à cet
homme, qui d'abord jouissait de biens abondants, qui ensuite a été réduit à une pension et
qui se trouverait enfin dans un dénuement absolu ?
Je soutiens d'ailleurs que l'égalité de peine serait maintenue avec l'exception que ije propose. En privant de tout traitement le vieillard dont je parle, on rendrait son sort bien plus fâcheux que celui d'un ecclésiastique plus jeune, qui peut travailler encore, qui peut se transporter au loin et se procurer des ressources. Ainsi, pour traiter avec égalité, et le jeune prêtre et le prêtre invalide, il faut encore laisser à ce dernier un secours alimentaire.
Qu'on ne dise pas que cette mesure tend à rendre illusoire l'article 4 du décret, à cause >de la facilité qu'auront les ecclésiastiques de se procurer des brevets d'infirmités D'abord il .faut se tenir plus en garde contre l'excès des mesures sévères, que contre tout antre excès; car on est presque toujours à temps d'aggraver les peines. Mais je propose de confier aux directoires de département l'examen des certificats qui constateront l'état des ecclésiastiques; et puisqu'on a cru pouvoir, sans inconvénient, attribuer aux -corps administratifs le droit de prononcer les exils et les déportations, on peut, sans doute, s'en fier également à eux pour la dispensation des bienfaits de la loi.
Jusqu'ici j'ai parlé des motifs d'humanité et de justice sur lesquels repose ma proposition, et ceux-là doivent me dispenser d'expliquer tous les autres. Mais si je voulais m'appuyer sur des moyens politiques, je dirais que si la loi n'est pas accompagnéedel'adoucissement que j'indique, son exécution multipliera à l'infini les ennemis de la Révolution.
Quel est le citoyen, quel est l'homme sur la terre qui verrait sans éprouver l'émotion de la pitié, un vieillard égaré, mais vertueux, réduit tout à coup à l'indigence, après soixante ans de travaux utiles? 11 a partage toute sa vie ses revenus avec les pauvres, et demain il sera le plus pauvre de tous.
Certes, ce n'est pas ainsi qu'on éteint le feu du fanatisme. Ce n'est pas ainsi que l'on ramènera les habitants des campagnes, trompés jusqu'à présent sur le sens de nos lois. Je crains au contraire de les voir s'irriter d'avantage et s'attacher plus encore, par les souvenirs de la reconnaissance et par le sentiment puissant qu'inspire le malheur, à ces prêtres dépositaires de leurs plus secrètes pensées, qui les ont si longtemps consolés dans leurs besoins et dans leurs peines.
Un moyen d'adoucir ces funestes effets serait, je crois, d'adopter l'article que je propose, placé après l'article 4 du décret : - « Néanmoins, les ecclésiastiques âgés de 60 ans et ceux qui justifieront, au directoire de leur département, qu'ils sont dans un état d'infirmité, recevront annuellement une pension alimentaire de 500 livres, quand même ils ne rapporteraient pas de certificat de la prestation du serment prescrit par l'article premier. »
Je ne dois pas non plus garder le silence sur une omission dangereuse du projet du comité qui est presque décrété dans son entier : il ne xomprend aucune disposition pour faire jouir en-
fin les Français Fde l'entière liberté religieuse. Tout le monde sait que, dans plusieurs contrées, le peuple aveugle s'oppose, et souvent avec violence, à l'ouverture des temples de ceux qui ne veulent pas communiquer avec le nouveau elergé. Les législateurs d'une société dlhommes libres doivent assurer à chacun de ses membres le libre exercice du culte qui lui plaît ; et d'ailleurs, c'est une mesure de prudence à suivre dans le moment actuel, si 1 on veut calmer des troubles qui ont pour cause la différence des opinions religieuses. La liberté, voilà le véritable fléau du fanatisme et de la superstition.
Je répéterai ici ce que j'ai déjà dit à l'Assemblée nationale le jour oû s est ouverte la discussion sur cette matière intéressante. « Posez une barrière solide contre les excès du zèle religieux et contre ceux de la licence; servez à la fois par une grande et même mesure ceux qui sont attachés à l'organisation civile du clergé, et ceux qui s'en tiennent éloignés, puisqu'ils sont tous des citoyens et des hommes. Si vous n'adoptiez que des dispositions partielles, si par exemple, lorsque vous êtes instruits de l'inexécution des lois rendues pour la liberté des cultes on vous voyait indifférents sur cet objet; si vous necombattiez, si vous ne faisiez punir que les torts des non-conformistes, alors on vous reprocherait une partialité coupable : loin de ramener la paix, l'objet de vos vœux, loin d'apaiser tous les désordres, ceux qui les commettent se croiraient autorisés à les perpétuer, les uns par le silence, les autres par l'injustice de la loi. »
Ce que je pensais, le premier jour de la discussion, je le pense encore aujourd'hui. Je compte donc proposer aussi à l'Assemblée nationale des articles additionnels sur ce point important.
Séance du
présidence de m. lacépède, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 17 novembre.
Un membre : Je rappelle la motion pleine de sagesse qui a été faite hier par M. Vergniaud (1) pour conserver au Corps législatif la dignité qui lui convient, et je demande qu'on la mette aux voix.
Un membre : L'ordre se rétablira sans le moyen des commissaires imaginés par M. Vergniaud, je m'oppose à toute délibération sur cet objet; nous nous compromettions par de semblables mesures. Je demande qu'il n'en soit pas même fait mention dans le procès-verbal.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
Je vous rappelle la motion que je fis hier sur une adresse au peuple avignonnais. Vous
n'ignorez pas qu'on cherche à nous ravir le quatre-vingt-quatrième département ; on veut en
.faire un foyer de contre-révolution et un point de correspondance avec les rassemblements
Je demande l'ajournement de cette motion jusqu'après le rapport du comité de législation sur l'affaire d'Avignon.
Je demande que l'on renvoie au comité de législation. Il nous fera sur cette matière un rapport, et dans la discussion l'adresse sera lue.
Un membre : J'observe que les commissaires civils qui ont été envoyés à Avignon, ont été nommés par le pouvoir exécutif sur la présentation de l'abbé Maury. Ils ne sont pas entièrement dignes de la confiance publique. En conséquence, je demande que l'Assemblée examine attentivement et s'occupe sans délai des instructions criminelles commencées par les sections et par les ordres des commissaires.
Un membre : Je crois, Messieurs, qu'il ne suffit pas de se .montrer sensibles, par des phrases, sur le sort malheureux des Avignonnais. Je crois qu'il serait encore plus digne de la sensibilité française, de la générosité ae la nation, de s'occuper du sort des familles des victimes infortunées de la fourberie monacale qui a porté tant de troubles dans le Comtat et à Avignon. Ainsi, je fais la motion additionnelle que l'Assemblée prenne en considération le sort des malheureuses familles qui sont actuellement sans moyens de subsistance, ayant perdu les unes, leur père, les autres, leurs frères ou leurs fils, et je demande que ma proposition soit renvoyée au comité des secours publics.
Plusieurs membres : Le renvoi de toutes ces motions au comité de législation !
(L'Assemblée renvoie ces motions au comité de législation.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du ministre de Vintérieur, qui remet à l'Assemblée nationale deux paquets qui lui ont été envoyés de Caen, par retour du courrier extraordinaire expédié conformément au décret -de l'Assemblée. Ces pièces sont ainsi conçues :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer des paquets qui ont été apportés hier au soir de Caen, parle
courrier que j'y avais expédié, en exécution du décret de l'Assemblée nationale. « Je suis avec respect, etc.
« Signé : Delessàrt. »
« Lettre du Conseil général de là ville de Caen.
« Caen, le
« Le conseil général de la commune, assemblé hier à 7 heures du matin, a trouvé un paquet
3ui lui était adressé de la part du directoire du épartement du Calvados, contenant avec la lettre d'envoi, datée d'une heure du matin, le décret que le courrier avait apporté.
« Les grandes occupations dont nous sommes surchargés et à chaque moment troublées par les personnes dont il faut dissiper les inquiétudes, ne nous ont pas permis de prendre les déclarations de toutes les personnes mises en état d'arrestation, et de celles qui ont connaissance des faits qui sont particulièrement l'objet de nos recherches. Nous avions cru devoir attendre à prendre les déclarations de ceux qui nous paraissaient les plus suspects, jusqu'à ce que nous fussions à même de nous procurer ce qui pouvait résulter des déclarations des autres personnes mises en état d'arrestation; mais dès l'instant que nous avons su que vous désiriez avoir une connaissance, plus détaillée de cette affaire, nous nous sommes promptement occupés du soin d'interroger MM. d'Héricy et le Vaillant, afin de vous mettre à portée, Messieurs, de comparer les pièces avec les déclarations qu'ils ont faites.
« Nous avons l'honneur de vous adresser, Messieurs, les copies collationnées des projets, notes et lettres qui ont été apportés dans notre greffe, lors et depuis les arrestations. Nous y joignons aussi les copies collationnées des déclarations qui nous ont paru les plus importantes. L'empressement que nous avons de mettre ces pièces sous vos yeux, nous fait différer l'envoi d'un grand nombre de déclarations. Nous allons continuer nos opérations, avec l'activité qui nous anime pour la chose publique. Aussitôt qu'elles seront terminées, nous reprendrons la suite de notre procès-vernal du 5 de ce mois , que nous aurons l'honneur de vous envoyer avec les pièces qui y sont relatives; nous allons, au surplus, nous conformer ponctuellement à votre décret, et redoubler nos efforts et nos veilles pour le maintien de l'ordre, de la paix et de la tranquillité publique. »
A cette lettre est joint un état des pièces remises par la municipalité de Caen, le 16 novembre 1791, au courrier envoyé par l'Assemblée nationale. Au nombre de ces pièces sont les co-
Sies d'une lettre sans signature, adressées à . d'Héricy, cote marquée n° 6, et d'une autre lettre adressée à M. le Vaillant. Il y a dix-huit pièces environ qui ne sont point analysées. Plusieurs membres : Le renvoi au comité! M. le Secrétaire. Voici une lettre du directoire de département du Calvados :
« Caen,
« Messieurs,
« Les papiers publics nous ont appris que l'Assemblée nationale avait été mal informée de notre conduite relativement aux malheureux événements arrivés à Caen le 5 de ce mois,; nous
vous devons une explication à ce sujet, nous nous le devons à nous-mêmes. Les législateurs d'une grande nation n'auront pas condamné sur de simples récits des administrateurs irréprochables. C'est dans votre sein que doit résider la souveraine justice, c'est là que nous irons la chercher avec confiance.
« Dès le dimanche 6 de ce mois, nous nous sommes empressés d'instruire le ministre de l'intérieur des événements de la journée du 5 ; nous n'y avons vu qu'une simple rixe entre quelques particuliers inconsidérés, des prêtres assermentés, et quelques citoyens du parti contraire. Nous soupçonnions bien quelque préméditation de cette scène, d'après l'effervescence qui régnait de part et d'autre; nous vîmes aussi, par un fragment de lettre écrite à la municipalité, les traces d'un projet de réunion, mais rien alors ne nous y montrait un complot alarmant, une coalition dirigée contre la loi, et arrangée en forme d'attaque contre-révolutionnaire; Nous nous bornâmes à instruire le ministre des faits de la journée du 5 comme d'un trouble momentané ; et soupçonnant que lés insurgents avaient provoqué à dessein le départ d'un bataillon de troupes de ligne en garnison à Caen, nous le demandâmes avec instance, dans la persuasion que sa présence était nécessaire pour rétablir l'ordre et pour assurer notre propre tranquillité.
« Nous n'avions rien autre chose à mander alors, le calme était d'ailleurs parfaitement rétabli; mais le lundi, et les jours suivants, des recherches multipliées et des interrogatoires subis par les personnes emprisonnées, ont donné de grandes lumières qui doivent avoir mis en évidence le projet d'une grande coalition; c'est alors que nous avons jugé qu'il était indispensable d'informer l'Assemblée nationale de 1 état des choses ; mais il nous était impossible de le faire sans lui envoyer les détails constatés par les interrogatoires et procès-verbaux, et nous ne pouvions nous les procurer que par la municipalité. Nous lui avons écrit deux fois à cet effet ae la manière la plus instante ; deux fois, dans nos conférences verbales, nous avons exposé la nécessité d'avoir ces renseignements pour vous les communiquer, elle nous les a promis. Nous devons vous dire que dans ce moment la municipalité est surchargée de travaux et d'occupations très multipliés ; quoi qu'il en soit, elle ne nous a rien fait parvenir, sinon une expédition de son jprocès-verbal du 5, qu'elle nous a adressée ce matin 16.
« Telles sont les seules causes de notre silence; nous avons lu avec étonnement dans les papiers publics que nous avions refusé de signer le procès-verbal que la municipalité a rédigé de la journée du 5. Avec la moindre réflexion, on aurait vu que cet acte ne devait être signé que par le corps qui lé rédigeait. Il n'a pas même été présenté au département.
« Un des articles de la délibération concernait les étrangers résidant dans la ville, et présentait des précautions très sages que le directoire a adoptées unanimement; mais quant aux demandes concernant les ecclésiastiques, les membres qui refusaient de signer ne crurent pas pouvoir y adhérer parce qu'elles étaient une violation formelle de la loi, parce qué tous aiment à suivre la loi, et qu'ils ont toujours été convaincus qu'il n'y aura en France ni Constitution, ni liberté, du moment oùl les hommes préposés au maintien de la loi pourront se permettre d'en raisonner l'exécution, et de la subordonner aux
circonstances. Le directoire proposait pour tempérament d'accorder une ou deux églises aux prêtres non assermentés, et de leur interdire alors la faculté de dire la messe dans les églises constitutionnelles, en leur interdisant également, vu la fermentation, cette faculté pour le lendemain dimanche, mais on voulut l'arrêté absolu, et tel qu'il a été pris. Le directoire du département, à l'exception d'un membre et du procureur général syndic, qui était absent pour le moment, crut devoir se retirer sans signer, après avoir demandé si sa présence était encore utile.
« Telle est, Messieurs, la conduite qu'ont tenue les administrateurs du département, et ils aiment à penser qu'ils obtiendront votre approbation. (Murmures.) Ils ne connaissent dautre manière de manifester leurs intentions que d'exécuter religieusement la loi, d'employer tous les moyens qu'elle a mis en leur pouvoir pour la faire aimer. Ils donnent publiquement un défi formel aux délateurs qui osent les accuser , de citer une seule circonstance où ils se soient écartés de ce plan. Nous serions indignes de l'intérêt que nous croyons vous inspirer, Messieurs, si vous étiez indifférents aux déclamations et aux clameurs injurieuses auxquelles nous sommes en proie depuis longtemps. L'Assemblée nationale peut adopter un moyen qui fera cesser tous ses doutes, et que nous sollicitons de sa justice, avec la plus vive sollicitude, c'est de vouloir bien envoyer à Caen un ou deux commissaires qui examineront notre conduite administrative, et examineront jusqu'à nos moindres actions. Alors le Corps législatif sera à portée de prononcer sur les vrais coupables. Il importe autant au maintien de l'ordre de punir les détracteurs de l'autorité, que de sévir contre les administrateurs qui en abusent.
« Nous sommes avec respect, etc., etc.
« Signé : Les administrateurs composant le directoire du département du Calvados. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Un membre: Je demande qu'on fasse la lecture des pièces qui sont adressées à MM. d'Héricy et Le Vaillant.
Je demande le renvoi de toutes ces pièces au comité de législation pour en faire son rapport demain.
Un membre : Je prie l'Assemblée d'observer que les pièces exigeront au moins huit heures de lecture. Je demande que ce rapport soit renvoyé à trois jours.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité de législation pour en faire le rapport incessammént.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Lé tombe, consul de France à Boston, qui fait part à l'Assemblée que la Société humaine du Massachussetts a voté une médaille d'or pour M. Duroutoir, officier de la marine de Frauce, pour avoir exposé sa vie au milieu d'une tempête en sauvant un brigantin américain. Cette lettre est ainsi conçue :
«Boston, le
« Messieurs,
« J'ai payé une Contribution patriotique; j'ai prêté le serment civique, je suis citoyen français : voilà les titres qui semblent me permettre l'honneur de vous écrire. L'occasion de ma lettre, monsieur le Président, la voici :
« La Société humaine du Massachussetts, dont
i'e suis membre, a voté une médaille d'or pour
I. Duroutoir, officier de la marine de France, comme la récompense d'une bonne action. Elle m'a chargé de la lui faire parvenir; mais c'est à vqus, Monsieur le Président, que je prends la liberté d'adresser cette médaille, persuadé qu'en la faisant parvenir, vous-même à M. Duroutoir, vous donneriez encore plus d'éclat à cette récompense. C'est la seconde médaille depuis vingt mois, que cette société décerne. La première l a été à M..., lieutenant du vaisseau le Léopard, et je regarde comme le plus beau des droits de la place que j'ai l'honneur d occuper ici, celui de vous dénoncer ces actions, qui honorent le nom français. La récompense des belles actions fera naître toutes les vertus, et sans doute la plus flatteuse serait celle donnée par la main de l'illustre chef du Sénat français.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : Létombe, consul de France à Boston. »
, secrétaire, fait également lecture de la lettre d'envoi de cette médaille à M. Duroutoir.
Je transforme la pétition en motion et je demande que M. le Président soit chargé d'écrire à cet officier français et de lui faire parvenir la médaille qui lui est adressée par la Société du Massachussetts.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Lecointe-Puyraveau.) si} L
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la lettre de M. Létombe, et je crois qu'il serait convenable que M. le Président, en répondant au consul général de France à Boston, témoignât à la Société du Massachussetts, par une lettre, la gratitude de l'Assemblée nationale envers cette société.
Je demande qu'au lieu du mot gratitude, on dise: les sentiments d'amitié fraternelle de la nation française envers la Société du Massachussetts.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable, dans le procès-verbal, de la lettre de M. Létombe, et que le Président écrira à M. Létombe, pour le charger d'exprimer à la Société humaine du Massachussetts, les sentiments d'amitié fraternelle de la nation française envers la Société.)
Un membre : Je demande à être entendu pour faire un rapport très pressant sans lequel les comités ne peuvent pas être pleinement organisés.
Un membre : Pour ne point faire perdre les moments de l'Assemblée, je demande que vous fixiez une séance extraordinaire du soir pour cet objet.
Les comités travaillent beaucoup et se trouvent surchargés d'une multitude de rapports qui sont en retard. Ils ne peuvent les faire aux séances du matin qui ne commencent
11 règlement de nationale en
prescrive l'ouverture a neui. En décrétant qu'il y aura deux séances du soir par semaine, cela mettra les comités à portée de vous présenter leurs rapports.
Je demande qu'il y ait trois séances du soir par semaine ; nous nous reposerons le dimanche.
Sans avoir besoin de séances du soir, qui auront toujours de grands inconvé-
nients, l'Assemblée peut faire beaucoup de travail, si les séances commencent le matin à neuf heures et sont prolongées jusqu'à quatre heures,
Un membre : J'observe que pour se dégoûter des séances du soir, il suffit d'examiner les décrets qui ont été rendus dans ces séances par l'Assemblée constituante. Je conclus à la question préalable sur la demande des séances du soir.
Plusieurs membres : Non ! non !
(L'Assemblée, consultée, décrète, après deux épreuves, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de tenir des seances le soir.)
Un membre : Je demande qu'au lieu des séances du soir, vous décidiez que la séance du matin, à quelque heure qu'elle commence, durera au moins six heures.
La question préalable!
(L'Assemblée reste un moment dans l'agitation et plusieurs membres font diverses motions).
Un membre : On nous fait perdre beaucoup plus de temps par ces diverses propositions que ces mesures ne nous en feraient gagner. Je demande que l'Assemblée passé à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Saillant, médecin de Vhôpital général de la Salpêtrière, qui se plaint d'avoir été renvoyé de cet hôpital, arbitrairement et au mépris de la loi, par le directoire de département ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur lé Président,
« L'Assemblée nationale a arrêté de n'entendre les pétitionnaires que le dimanche ; mais nous osons la solliciter de déroger à cette disposition en faveur des pauvres qui toujours furent l'objet de sa sollicitude. Il s agit de rétablir le calme dans l'hôpital de la Salpêtrière. Le despotisme vient d'y déployer toutes ses fureurs ; nous n'arrêterons pas longtemps les moments de l'Assemblée nationale; mais le mal fait des progrès, il est instant d'y remédier.
« Nous sommes avec respect, etc...
« Signé : Saillant, médecin de la Salpêtrière, Polly, chirurgien-major, etc...
C'est une affaire d'administration ; il faut renvoyer au département.
On devrait renvoyer au département, mais j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que, aans la lettre, on se plaint d'un despotisme qui vient d'être exercé dans ce moment. Je ne crois pas que l'on puisse hésiter d'entendre sur-le-champ les pétitionnaires, parce qu'il est peut-être nécessaire d'y apporter un prompt remède.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle entendra sur-le-champ la députation.)
' La députation, composée de M. Saillant, de jeunes élèves en chirurgie et en pharmacie et d'employés de Vhôpital de la Salpêtrière,, est introduite à la barre. .
, orateur de la députation, s'exprime ainsi-: Messieurs, expulsés, avant-hier soir, d'un vaste hôpital, où, établi par l'ancienne administration, je me sacrifiais gratuitement, en qualité de médecin, au soulagement des pauvres malades, je viens implorer la protection de la loi.
« Ce n'est pas pour moi que je vous parle ; ma demande n'a d'autre but que la continuation de mon dévouement à la chose publique. Mais voici les élèves en chirurgie et en pharmacie, à qui cet acte d'autorité arbitraire enlève leur honneur et leur existence, et on n'a d'autre reproche à leur faire, qu'un attachement constant à leur devoir; je dirai même,pour l'un d'entre eux, aux dépens de sa santé et presque de sa vie, j'en suis témoin. Cette protection de la loi, je la demande au nom de l'équité, au nom de la Constitution, au nom des lois saintes de la liberté; je la demande au nom de 7,000 pauvres qui, dans la consternation, attendent que vous suspendiez l'exécution de cet ordre perturbateur. Voici cet ordre qui m'a été signifie, après avoir été exécuté:
« Le Directoire, Monsieur, a arrêté, le 4 de ce mois, que, désormais, le médecin en chef de l'hôpital général sera chargé seul du soin de toutes les infirmeries particulières, tant des différentes maisons, que de l'infirmerie générale de la Sal-pêtrière. II me charge de vous prévenir de cet arrangement nécessité par les circonstances, et vous prie d'agréer les témoignages de sa reconnaissance pour les soins que vous avez donnés jusqu'ici aux pauvres.
« Signé : Garnier, suppléant du Procureur général syndic. »
« Mais, Messieurs, si je viens, comme médecin de l'hôpital solliciter la protection de la loi en faveur de l'innocence persécutée, je me présente aussi comme citoyen, et j'invoque la justice des législateurs. C'est à ces deux titres que j'ose espérer, Messieurs, que vous voudrez bien suspendre l'exécution de tous les changements ordonnés par les commissaires des hôpitaux. »
Monsieur, tout ce qui peut contribuer au soulagement et au bien-être des citoyens pauvres et malheureux sera toujours le devoir le plus sacré des représentants d'un peuple libre. L'Assemblée nationale prendra en grande considération votre demande, et vous invite à sa séancq. (Applaudissements.)
Un membre : L'Assemblée nationale ne perdra pas de vue que le pétitionnaire remplit gratuitement ses fonctions à la Salpêtrière, que, cependant il serait arraché à ses fonctions et expulsé, j'ose le dire, d'une manière odieuse. Je demande donc, Messieurs, que l'Assemblée nationale renvoie sa pétition au comité des secours publics, et que, provisoirement, elle suspende les ordres arbitraires. (Murmures.)
Je demande qu'on renvoie au pouvoir exécutif l'examen de cette pétition, parce qu'on dénonce à l'Assemblée nationale une délibération du directoire du département; et certes, Messieurs, le pouvoir exécutif a, par les lois, le droit de confirmer ou de réformer les arrêtés ou délibérations des corps administratifs sauf le recours au Corps législatif.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
Un de MM. les secrétaires àonne lecture d'une lettre des Directeurs de l'Imprimerie du cercle social, qui font hommage à l'Assemblée nationale du premier cahier patriotique des auteurs de la Chronique du mois. Les principaux Collaborateurs de cet ouvrage sont MM. Condorcet, Clavière et Brissot de Warville.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet ouvrage dans le procès-verbal.
, au nom des comités de commerce et colonial réunis, fait un rapport sur les troubles de Saint-Domingue, et s'exprime ainsi : .
Messieurs, vous avez décrété hier que les comités de commerce et des colonies réunis prendraient communication de diverses pièces remisés, relativement aux troubles de Saint-Domingue, par le ministre de la marine, la municipalité de Bordeaux et dès députés extraordinaires des citoyens actifs de la même ville. Les comités réunis nier au soir ont pris communication de cès différentes pièces ; comme elles ne sont pas très étendues ni très nombreuses, ils ont cru qu'ils ne pouvaient vous donner une idée plus exacte de l'état des choses dans les colonies, qu'en vous donnant lecture des pièces mêmes (1).
Lettre de M. de Blanchelande au ministre de la marine, datée du Cap, le 14 septembre 1791.
« Monsieur,
« Les jours, les nuits, les heures sont remplis d'événements, et rien ae satisfaisant depuis ma lettre d'hier. Il nous est arrivé un bateau du Port-au-Prince, avec des nouvelles très fâcheuses. Dans cette partie, ce sont les gens de couleur qui sont à la tête de la révolte. La garnison a fait quelques sorties avec les troupes patriotiques, et ont eu des désavantages marqués. Dans un engagement, il y a eu, mande-t-on, 33 patriotes de tués et 24 soldats. Ces gens de couleur demandent l'exécution du décret du 15 mai, que nous ne" connaissons point encore officiellement. L'assemblée générale se dispose à être très favorable à cette classe d'hommes. Il paraît que son projet est même d'attendre les dispositions de ce décret, dont la connaissance a bouleversé la colonie; l'adresse ou avis de l'abbé Grégoire, à l'appui, en occasionnera la perte. Les révoltés demandent la liberté.
Le bourg du Dondon, dans les montagnes, a été forcé la nuit dernière. La Marmelade, Plaisance et le Port-Margot tiennent toujours. Si nous ne recevons pas ae secours des îles voisines, comme il y a apparence, la pelote se grossissant, le mal sera bientôt à son comble. Les Espagnols de San-Domingo garnissent leurs frontières et attendent des ordres de leur gouverneur. Je prévois qu'ils s'en tiendront à leur surveillance. Les Anglais de la Jamaïque paraissent n'avoir pas de moyens pour nous secourir; cependant, on m'annonce trois frégates parties de cette île pour venir mouiller ici, et qu'elles nous apportent 500 fusils et 500 sabres.
« Je suis, etc.,
« Signé : blanchelande. »
Concordat des commissaires de la garde nationale des citoyens blancs du Port-au-Prince, avec ceux des citoyens de couleur.
« L'an mil sept cent quatre-vingt-onze, et le onze du mois de septembre.
« Les commissaires de la garde nationale des citoyens blancs du Port-au-Prince d'une part.
« Et les commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur, d'autre part, iceux
fondés
« Assemblés sur la place d'armes du bourg de la Croix-des-Bouquets, à l'effet de délibérer sur les moyens les plus capables d'opérer la réunion des citoyens de toutes les classes, et d'arrêter les progrès et les suites d'une insurrection qui menace également toutes les parties de la colonie.
« L'Assemblée, ainsi composée, s'étant transportée dans l'église paroissiale du dit bourg de la Croix-des-Bouquets, pour éviter l'ardeur dù soleil, il a été procédé ae suite, des deux côtés, à la nomination d'un président et d'un secrétaire.
« Les commissaires de la garde nationale du Port-au-Prince ont nommé pour leur président M. Gamot, et pour leur secrétaire, M. Hacquet; et les commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur ont nommé pour leur président, M. Pinchinat, et secrétaire, M. Daguin fils.
« Lesquels présidents et secrétaires ont respectivement accepté les dites charges, et ont promis de bien et fidèlement s'en acquitter.
« Après quoi, il a été dit, de la part des citoyens de comeur, que la loi faite en leur faveur en 1685, avait été méprisée et violée par les progrès d'un préjugé ridicule, et par l'usage abusif et le despotisme ministériel ae l'ancien régime ; ils n'ont jamais joui que très imparfaitement du bénéfice de cette loi.
« Qu'au moment où ils ont vu l'Assemblée des représentants de la nation se former, ils ont pressenti que les principes qui ont dicté la loi constitutionnelle de l'Etat, entraîneraient nécessairement la reconnaissance de leurs droits qui, pour avoir été longtemps méconnus, n'en étaient pas moins sacrés.
Que cette reconnaissance a été consacrée par les décrets et instructions des 8 et 28 mars 1790, et par plusieurs autres rendus depuis ; mais qu'ils ont vu avec la plus vive douleur que les citoyens blancs des colonies leur refusaient avec obstination l'exécution de ces décrets, pour ce qui les y concerne, par l'interprétation injuste qu'ils en ont faite.
« Qu'outre la privation du bénéfice desdits décrets, lorsqu'ils ont voulu les réclamer, on les a sacrifiés à 1 idole du préjugé, en exerçant contre eux un abus incroyable des lois et de l'autorité du gouvernement, au point de les forcer d'abandonner leurs foyers.
« Qu'enfin, ne pouvant plus supporter leur existence malheureusê, et étant résolus de l'exposer à tous les événements pour se procurer l'exercice des droits qu'ils tiennent de la nation, et qui sont consacrés par les lois civiles et politiques, ils se sont réunis sur la montagne de la Charbonnière, où ils ont pris les armes le 31 août dernier, pour se mettre dans le cas d'une juste défense.
« Que l'envie d'opérer la réunion de tous les citoyens indistinctement, leur fait accueillir favorablement la députation de MM. les commissaires blancs de la garde nationale du Port-au-Prince; qu'ils voient avec une satisfaction difficile à exprimer le retour des citoyens blancs aux vrais principes de la raison, de la justice, de l'humanité et de la saine politique ; qu'ayant tout lieu de croire à la sincérité de ce retour, ils se.réuniront de cœur, d'esprit et d'intention aux citoyens blancs, pourvu que la précieuse et sainte égalité soit la base et le résultat de toute opération ; qu'il n'y ait entre eux et les citoyens blancs d'autre différence que celle qu'entraînent nécessairement le mérite et la vertu, et que la frater-
nité, la sincérité, l'harmonie et la concorde cimentent à jamais les liens qui doivent les attacher réciproquement : en conséquence, ilsont demandé l'exécution des articles suivants, auxquels les susdits commissaires ont répondu ainsi qu'il est mentionné à la fin de chaque article :
Demandes des commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur.
« Art. 1er. Les citoyens blancs feront cause commune avec les
citoyens de couleur et contribueront de toutes leurs forces et de tous leurs moyens à
l'exécution littérale de tous les points et articles des décrets et instructions de
l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et ce, sans restriction et sans se permettre
aucune interprétation, conformément à ce qui est prescrit par l'Assemblée nationale qui
défend d'interpréter ses décrets. (Accepté.)
« Art. 2. Les citoyens blancs promettent et s'obligent de ne jamais s'opposer directement où indirectement à l'exécution du décret du 15 mai dernier, qui, dit-on, n'est pas encore parvenu officiellement dans cette colonie; de protester même contre toutes protestations et réclamations contraires aux dispositions du susdit décret, ainsi que contre toutes adresses à l'Assemblée nationale, au roi, aux 83 départements, et aux différentes Chambres de commerce de France, pour obtenir la révocation de ce décret bienfaisant. . (Accepté.)
« Art. 3. Ont demandé les susdits citoyens de couleur, la Convocation prochaine et l'ouverture des assemblées primaires et coloniales par tous les citoyens actifs, aux termes de l'article 4 des instructions de l'Assemblée nationale du 28 mars 1790. (Accepté.)
« Art. 4. De députer directement à l'Assemblée coloniale, et de nommer des députés choisis parmi les citoyens de couleur qui auront, comme ceux des citoyens blancs> voix consultative et délibérative. (Accepté.)
« Art. 5. Déclarent les susdits citoyens blancs, et de couleur protester contre toute municipalité provisoire ou non, de même contre toute assemblée provinciale et coloniale; lesdites municipalités, assemblées provinciales et coloniales n'étant pas formées sur le mode prescrit par les décrets et instructions des 8 et 28 mars 1790. (Accepté.) j
« Art. 6. Demandent les citoyens de couleur qu'il soit reconnu par les citoyens blancs que leur organisation présente, leurs opérations récentes et leur prise d'armes n'ont eu pour but et pour motif que leur sûreté individuelle, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, la réclamation de leurs droits méconnus et violés, et le désir de parvenir par ce moyen à la tranquillité publique: qu'en conséquence, ils soient déclarés non inculpables pour les événements qui ont résulté de cette prise d'armes, et qu'on ne puisse dans aucun cas exercer contre eux, collectivement ou individuellement, aucune action directe ou indirecte pour raison de ces mêmes événements ; qu'il soit, en outre, reconnu que leur prise d'armes tiendra jusqu'au moment où les décrets de l'Assemblée nationale Seront ponctuellement et formellement exécutés ; qu'en conséquence, les armes, canons et munitions de guerre, enlevés pendant les combats qui ont eu lieu, resteront en la possession de ceux qui ont eu le bonheur d'être vainqueurs ; que, cependant, les prisonniers (si toutefois il en est) soient remis en liberté de part et d'autre. (Accepté.)
« Art. 7. Demandent lesdits citoyens de cou-
leur, que, conformément à la loi du 11 février dernier, et pour ne laisser aucun doute sur la sincérité de la réunion près de s'opérer, toutes proscriptions cessent, et soient révoquées dès ce moment; que toutes les personnes proscrites, décrétées, et contre lesquelles il serait intervenu des jugements ou condamnations quelconques pour raison des troubles survenus dans la colonie depuis le commencement de la Révolution, soient de suite rappelées et mises sous la protection sacrée et immédiate dé tous les citoyens, que réparation solennelle et authentique soit faite à leur honneur; qu'il soit pourvu, par des moyens convenables, aux indemnités que nécessitent leur exil, leurs proscriptions et les décrets décernés contre eux ; que toutes confiscations de leurs biens soient levées, et que restitution leur soit faite de tous les objets qui leur ont été enlevés, soit en exécution des jùgements prononcés contre eux soit à main armée, demandant que le présent article soit strictement et religieusement observé par tous les citoyens du ressort du Conseil supérieur de Saint-Domingue, et surtout à l'égard des sieurs Poisson, Desmares, les frères Regnauld et autres, compris au même jugement que ceux-ci, tous les habitants de la paroisse de la Croix-des-Bouquets, de même qu'à l'égard du sieur Jean Baptiste La Pointe, habitant ae l'Ar-cahaye, contre lequel il n'est intervenu un jugement sévère que par une suite de persécutions exercées contre les citoyens de couleur et qui, proscrit par les citoyens de Saint-Marc et de l'Arcahaye, n'a pu se dispenser d'employer une juste défense contre quelqu'un qui voulait l'assassiner et qui l'assassinait en effet; se réservant, les citoyens de couleur, de faire, dans un autre moment et envers qui il appartiendra, toutes protestations et réclamations relatives aux jugements prononcés contre les sieurs Ogé et Cha-vannes, et autres compris dans lesdits jugements, regardant dès à présent les arrêts prononcés contre lesdits sieurs par le conseil supérieur du Cap, comme infâmes, digne d'être voués à l'exécration contemporaine et future, et comme la cause fatale de tous les malheurs qui affligent la province du Nord. (Accepté en ce qui nous concerne.)
« Art. 8. Que le secret des lettres et correspondance soit sacré et inviolable, conformément aux décrets nationaux. (Accepté.) i
« Art. 9. Liberté de la presse, sauf la responsabilité dans les cas déterminés par là loi. (Accepté.)
« Art. 10. Demandent en outre, les citoyens de couleur, qu'en attendant l'exécution ponctuelle et littérale des décrets de l'Assemblée nationale, et jusqu'au moment où ils pourront se retirer dans leurs foyers, MM. les citoyens blancs de la garde nationale de Port-au-Prince, s'obligent de contribuer à l'approvisionnement de l'armée des citoyens de couleur, pendant tout le temps que durera son activité contre les ennemis communs et du bien public, et de faciliter la libre circulation des vivres dans les différents quartiers de la partie de l'Ouest. (Accepté.)
« Art. il. Observent en outre, les susdits citoyens de couleur, que la sincérité dont les citoyens blancs viennent de leur donner une preuve authentique, ne leur permet pas de garder le silence sur la crainte dont ils sont agités : en conséquence, ils déclarent qu'ils ne perdront jamais de vue la reconnaissance de leurs droits et de ceux de leurs frères des autres quartiers ; qu'ils verraient avec beaucoup de peine et de douleur
que la réunion près de s'opérer au Port-au-Prince et autres lieux de la dépendance, souffrît des difficultés dans les autres endroits delà colonie; auquel cas ils déclarent que rien au monde ne saurait les empêcher de se réunir à ceux dès leurs qui, par une suite des anciens abus du régime colonial, éprouveraient des obstacles à la reconnaissance de leurs droits, et par conséquent à leur félicité. (Accepté.) (Applaudissements dans les tribunes.)
« Après quoi, l'assemblée revenue à la place d'armes, la matière mise en délibération, mûrement examinée et discutée, l'assemblée considérant qu'il est d'une nécessité indispensable de mettre en usage tous les moyens qui peuvent contribuer au bonheur de tous les citoyens qui sont égaux en droits ;
« Que la réunion des citoyens de toutes les classes peut seule ramener le calme, la tranquillité si nécessaires à la prospérité de cette colonie, qui se trouve aujourd'hui menacée des plus grands malheurs.
« Que l'exécution ponctuelle et littérale de tous les articles des décrets et instructions de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, peut seule opérer cette réunion désirable, sous quelque point de vue qu'on l'envisage :
« Il a été arrêté, savoir : de la part des citoyens blancs, qu'ils adoptent tous les articles insérés au présent concordât;
« Et de la part des citoyens de couleur, que, vu l'acceptation de tous les articles, sans restriction, insérés au présent concordat, ils se réuniront et se réunissent en effet de coeur et d'esprit et d'intention aux citoyens blancs, pour ramener le calme j et la tranquillité, pour travailler de concert à l'exécution ponctuelle des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et pour employer toutes leurs forces et tous leurs moyens contre l'ennemi commun.
« A été arrêté par MM. les citoyens blancs et MM. les citoyens de couleur, que, ce jour devant éteindre toute espèce de haine et de division entre les citoyens de la colonie en général, les citoyens de couleur de Port-au-Prince qui, par une fausse pusillanimité ne se sont pas réunis à leurs frères ae l'armée, seront compris dans l'amnistie générale; que jamais reproche aucun ne leur sera fait de leur conduite : entendant qu'ils participent également aux avantages que promet notre heureuse réunion contre toutes les personnes et tous les citoyens indistinctement.
« De plus, que protection égale devant être accordée au sexe en général, les femmes et filles de couleur en jouiront de même que les femmes et filles blanches, et que mêmes précautions et soins seront pris pour leur sûreté respective.
« Arrêté que le présent concordat sera signé
Far l'état-major de la garde nationale de Port-au-rince.
« Il a été arrêté que le présent concordat sera rendu public par la voie de l'impression; que copies collationnées d'icelui seront envoyées à l'Assemblée nationale, au roi, aux 83 départements, à toutes les Chambres de commerce de France, à M. le lieutenant général, au gouvernement et à tous autres qu'il appartiendra.
« Arrêté que, mercredi prochain, 14 du présent mois, MM. les citoyens blancs de Port-au-Prince se réuniront à l'armée de MM. les citoyens de couleur en la paroisse de la Croix-des-Bouquets ; qu'il sera chanté, dans l'église de cette paroisse, à 10 heures du matin, un Te Deum, en action de grâces de notre heureuse réunion; que MM. des
bataillons de Normandie et d'Artois, et des corps d'artillerie, de la marine royale et marchande, seront invités à s'y faire représenter par des dé-putations particulières ; que de même les citoyens, en général, de la Groix-aes-Bouquets, du Mireba-lais, et autres endroits circonvoisins, seront invités à s'y rendre, afin d'unir leurs vœux aux nôtres pour le- bonheur commun.
« Arrête, en outre, que le présent concordat sera passé en triple minute, dont la première sera déposée aux archives de la municipalité future; la seconde, entre les mains des chefs de l'armée des citoyens de couleur ; et la troisième, dans les archives de la garde nationale de Port-au-Prince.
« Fait triple entre nous et de bonne foi, les jours, mois et an que-dessus. » (Applaudissements.)
Signé : FOURNIER, NlVARD, ARNOUX, DEMARE, Rodrigue, Dubuisson, Talazac, Lunley, Sul-juzan, Ratteau, Medun, Mèynardié, Rigaud, Guieu, Baudamant, Labastille, Prudot, Bel-lenton, Sollier, Papalier, Epoigny, Lauzier, Getin,Saint-Bazille, Vidie, Cambre, Mayéur, Reucné,Faubert,Lafleur,Ribie, J. Coustard, Doyon, Turin, Massac, Renier, Gaffé, Saint-Laurent, Dubois-Martin, Comte, Plaizance, Corazam, J. Rev, J.Nagonne. Pierre Rivière, Pinganneau, Wokkacein, Bautran, Pelle-. rin; le baron de Montalembert, Guoin-du-Fiéf, Massotte, Duvivier, Bruache, J.-B. Perrin, Kerlegand, Monta, Légal, M. Bosno, Forest, J. Demarè, Manlo, Elie, Laborde, Boisson, Mesnard, Langoumôis, Harley, Os-terval, Saignelonge, le comte de'Lafitte de Gourey, Labastille fils, Couppé, Court, Des-coussa, Raoul, Perrin, Pettion, Degance ; Fabre-Pinchinat, président ; Daguin, fils, secrétaire des citoyens de couleur ; Gamot, président, et Hacquet, secrétaire des citoyens blancs. »
Nous avons à vous donner lecture présentement de diverses pièces qui ont été adressées par la municipalité de Bordeaux et par les députés extraordinaires des citoyens actifs de cette ville.
Voici le procès-verbal rédigé sur la déclaration du capitaine Dupin, parti au Gap le 9 octobre, arrivé le 14 novembre à Bordeaux ;
« Ce jourd'hui 14 novembre 1791, le conseil municipal étant assemblé dans la salle du conseil de la maison commune, a comparu M. Joseph Dupin, capitaine du navire la Basse-Pointe, appartenant à MM. David Granis et fils, négociants de cette ville, lequel nous a dit être parti du cap Français, île Saint-Domingue, le 9 octobre dernier, et nous a déclaré que les nègres avaient i commencé à être en insurrection le 4 août dans le quartier Limbé, et qu'on ne l'avait appris au Cap que le 23; que, depuis ce jour, jusqu'au moment où il est parti, les noirs n'ont cessé de ravager la plaine; qu'ils ont détruit toutes les sucreries depuis le Limbé jusqu'à Limonade, c'est-à-dire dans un espace de dix lieues; que cet espace contenait environ 200 sucreries dont les bâtiments et plantations ont été consumés par les flammes ; que les brigands avaient également pénétré dans les Mornes qui bordent cette étendue du pays ; qu'ils y avaient commis le même ravage ; que, comme il n'était pas facile de parcourir ces montagnes, on ne pouvait pas fixer le nombre des cafiéières qui ont été détruites, mais qu'on en connaît 200; qu'ils ont impitoyablement massacré tous les blancs qu'ils ont rencontrés ; que les malheu-
reux habitants du quartier de la Grande-Rivière et celui du Dondon, forcés de quitter leurs demeures, ont voulu se réfugier chez les Espagnols, qui les ont repoussés (Mouvements d'indignation) et qu'ils sont ainsi devenus les victimes de la férocité des noirs ; que tous les citoyens se sont réunis autour d'eux, et se sont armes pour les combattre ; que l'on compte environ 5 à 600 blancs tués dans le combat, ou égorgés par les noirs ; que l'on porte à 4 ou 500 le nombre des noirs tués ; que déjà, soit que la fatigue ait épuisé les habitants, soit que l'air soit infecté par le grand nombre de cadavres épars sur la terre, la ville du Gap contenait un nombre considérable de malades ; qu'il meurt beaucoup de blancs, et qu'il est à craindre, si les secours n'arrivent promptement. que la plupart des blancs aient péri dans 1 impuissance d'opposer des forces aux noirs; que le Cap était cependant palissadé, et se mettait en état de défense ; que les habitants ne pouvant plus envoyer des forces contre les révoltés, se contentaient cependant d'entretenir l'armée du quartier de Limonade, qui coupe la communication avec le fort de Pôt-de-Feu, et de se préserver de l'incursion des noirs ; que, le jour de son départ, ils étaient encore en armes dans toute la plaine, et qu'il était impossible de prévoir le terme de ces malheurs. Laquelle déclaration M. Dupin nous a affirmé être sincère et véritable. A Bordeaux, les jour et an susdits. »
« Signé : BASTERRE, secrétaire-greffier.
Voici maintenant, Messieurs, l'extrait des diverses lettres apportées de Bordeaux par le même navire : la Basse-Pointe, capitaine Dupin.
Extrait d'une lettre du Cap, du 9 octobre.
« Depuis la rentrée de l'armée de M. Bouyard, on n'a pas fait de nouvelle sortie contre les brigands, dont quelques-uns ont témoigné "le désir ae rentrer dans le devoir ; j'attends ce soir leur réponse à une nouvelle amnistie accordée par le général, qui peut-être produira un meilleur effet que la première proclamation. Il serait bien à Souhaiter que nos malheurs finissent là, et que nous puissions sortir des dangers qui nous environnent; mais, quoiqu'il en soit, les revenus de là province du Nord seront presque totalement perdus pour cette année, et il faudra bien des années pour que les choses rentrent dans le premier état. »
« P.-S. La réponse des révoltés n'a pas été favorable, puisqu on a trouvé au rendez-vous trois blancs assassinés. D'après cela, j'espère qu'on ne se souciera pas de capituler avec cette canaille .qu'il faut faire rentrer dans le devoir à coups ae canon et de baïonnettes ; mais malheureusement nous manquons de force, et notre mal sera long V
Extrait d'une autre lettre du
« Il y a jusqu'à présent, et cela n'est pas fini, 150 sucreries, dans cette dépendance, et un nombre infini de caféteries brûlées, puisque les quartiers du Dondon, des Mornes et les Péngour-dines, etc., sont tous pris par les nègres ou brûlés. On dit que depuis deux jours leur camp demande à rentrer ; mais les préparatifs d'aujourd'hui annoncent le contraire. Tous les blancs en général qui étaient sur les habitations, et fort
peu s'en sont retirés, sont égorgés, au moyen de quoi lesdites habitations sont livrées aux nègres.
« P. S. du 8. Rien de nouveau pour notre tranquillité. Depuis hier les malheureux révoltés ont assassiné trois soldats qui allaient en maraude prendre du sucre ; ils les" ont coupés en morceaux et exposés de suite sur le chemin. Que de peines et de chagrins nous éprouvons^ depuis le commencement de ces événements, encore sans savoir quand cela finira. Nous vous écrivons à la hâte, ne pouvant le faire qu'à des moments perdus. » ,
Extrait d'une troisième lettre de Port-au-Prince du 8 octobre.
« Je vous ai écrit hier, cher frère, par le navire le Cap-Français, pour vous apprendre que les nègres continuent toujours leur révolte, et que l'espérance que l'on avait eue, pendant quelque temps, de les voir se soumettre, était évanouie. La guerre va donc continuer, et, par conséquent, les malheurs continueront.
« J'ai reçu hier une lettré de M. Gabol, qui me marque que le calme règne à Port-au-Prince. Les arrangements que l'on a pris avec les mulâtres dans ce pays-là, contribueront beaucoup à y ramener la paix. Les hommes de couleur font des patrouilles scrupuleuses, et jusqu'à présent nous leur devons l'avantage de voir les ateliers tranquilles autour de Port-au-Prince. »
Extrait d'une quatrième lettre du Cap. « Le 8 octobre.
« Je vous confirme les deux dernières que ié vous ai écrites par la voie d'Angleterre; le 26 au mois passé et le 4 du courant, pour vous apprendre les malheurs dont nous étions environnés.
« A présent, nous sommes tranquilles depuis
Sue l'assemblée générale a promulgué le décret
e l'Assemblée nationale, relatif au gens de couleur. Il paraît que les nègres veulent se rendre ; ils ont mit dès signaux pour parler, de manière qu'un particulier a été assez hardi pour aller, sans armes, près de leur camp. Ils ont réclamé la paix et la grâce que leur avait promise le général ; disant qu'us étaient au desespoir de tout ce qu'ils avaient fait contre nous; qu'un blanc était l'auteur de leur révolte. Le lendemain, le même particulier leur a porté quantité d exemplaires delà proclamation du général ; ils ont demandé deux jours de délai pour la communiquer à tout leur monde. Il faiit espérer que tout ceci nous ramènera la paix. Déjà chacun songe à ses affaires et on a commencé à rouvrir quelques magasins. Il faut espérer que les affaires reprendront leur cours. »
« P.-S. Je reçois en ce moment une lettre de Laffite, de. Port-au-Prince; il me marque que la tranquillité est rétablie dans ce quartier, j?
Un membre : Le nom du premier qui a été vers les nègres?
, rapporteur. C'est Jean-Baptiste Ga-meau.
Voici une lettre originale du,- Cap, le S octobre.
« Nous vous donnions unelueur d'espérance par la lettre que nous avons eu l'honneur de vous écrire, le .30 du passé, mais malheureusement elle se trouve déçue aujourd'hui par la réponse des brigands à une nouvelle proclamation du
général qui accordait une amnistie à tous les. révoltés, s'ils rentraient dans les habitations de leurs maîtres. C'était hier qu'on attendait la réponse de ces brigands, lorsqu'en allant la chercher, on a trouvé trois blancs assassinés dans le milieu du chemin, preuve que ces gens-là ne rentreront dans l'obéissance que par la force des armes. Il est même, en quelque façon, honteux d'avoir employé vis-à-vis d eux une espèce de capitulation ; car c'est peut-être ce qui les enhardit à continuer leurs cruautés, en prenant cela pour crainte ou pour faiblesse de la part des blancs.
«line nous reste donc d'autres ressources à employer que la force des armes. La lenteur du gouvernement à prendre ce parti, et à s'y décider, fait jeter des soupçons sur son compte; et il n'est pas douteux que si on s'était mis en marche, dans le commencement de l'insurrection, le mal n'aurait pas été aussi général. La prudence exige peut-être, dans ce moment, cette temporisation, afin de donner le temps aux! paroisses de se renforcer, afin de pouvoir repousser les brigands qui ne manqueront pas de faire une sortie sur les blancs, lorsqu'on leur donnera une chasse vigoureuse dans la plaine; mais voilà la saison des pluies qui empêcheront notre armée de sortir; et notre mal, par cette raison, au lieu de diminuer, s'accroîtra de plus en plus, et notre position deviendra plus cruelle. Nos forces s'affaiblissent tous les jours par les maladies et les mortalités;, et nous ne prévoyons pas pouvoir recevoir des secours assez prompts pour pouvoir être efficaces.
« Le système de l'Assemblée nationale sur les colonies ne laisse pas non plus que de jeter quelques inquiétudes; mais l'on compte beaucoup sur les places de commerce, gui ne manqueront point de faire des représentations et de demander les forces nécessaires'pour notre tranquillité.
« Nous avons marqué que les gens de couleur libres du bas de là côte avaient fait la loi aux blancs, et qu'ils avaient non seulement demandé le bénéfice du décret du 15 mai, mais au delà. On nous annonce depuis longtemps plus de 800 hommes de couleur qui devaient marcher pour aller renforcer le camp de Plaisance; niais cette nouvelle ne se confirme pas. Il serait cépendant bien à souhaiter qu'elle fût vraie, ayant besoin de forces plus que jamais, et ces gens-là étant plus en état de résister à la fatigue que les blancs.
« L'armée qui était commandée dans le principe par M. de Rouvray et par suite par M. d'Assas, empêché que les brigands ne portassent d'incursion plus loin que la paroisse de Limonade, de sorte que ce n'est que depuis Limonade jusqu'au pont Margot que la plaine a été incendiee. Toutes les cafeteriestles quartiers de Plaisance, de la Grande-Rivière, du Dondon et partie de la Marmelade ont été aussi la proie des brigands qui ont formé un camp considérable à la Grande-Rivière et au Dondon. Les habitants qui auront le bonheur dé conserver leurs habitations intactes, auront bien de la peine à faire leur récolte, par la désertion de leurs ateliers et les précautions qu'ils sont obligés de prendre pour se préserver ae l'armée des brigands ; de façon que, incendiés ou non incendiés, il sera bien difficile de se faire payer cette année, en supposant que notre position ne devienne point plus dangereuse et que le terme de nos malheurs soit près d'arriver. »
Vos comités réunis ne vous présenteront, quant à présent, aucune réflexion suràles*diverses pièces qui viennent de vous être. lues. As croient qu'il n'est pas nécessaire de prendre en ce moment
.d'autres mesures que celles proposées par le roi et approuvées par l'Assemblée nationale. Lorsque les députés de la colonie de Saint-Domingue, qui sont arrivés en France et qui doivent paraître incessamment, auront présenté leur vœu, l'Assemblée délibérera pour la conservation de cette portion importante de l'Empire français : mais, en attendant, Messieurs, vos comités réunis croient devoir fixer votre attention sur l'infraction des Espagnols à l'article 9 du traité du 3 juin 1777; infraction dénoncée par la lettre de M. de Blan-chelande en date du 29 septembre dernier. Vos comités vous proposent de décréter que les comités diplomatique et colonial se réuniront pour en conférer et pour vousen faire leur rapport dans le plus court délai possible. Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé ! (L'Assemblée adopte, à l'unanimité, la proposition des comités de commerce et colonial réunis.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des bouchers de Paris qui demandent à être admis à la barre, pour porter des plaintes contre un arrêté de la municipalité ; cette lettre est ainsi conçue^:
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Les marchands bouchers détailleurs de cette ville sont dans une cruelle détresse, et il leur est instant de réclamer la sollicitude de l'Assemblée nationale. Nous sommes 6 députés de leur part. Notre mission tend à donner une pétition. Veuillez, Monsieur le Président, considérer cette pétition comme très conséquente, et nous admettre à la barre de l'Assemblée. « Nous avons l'honneur d'être, etc. » (Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Dimanche! Un membre : Pour éviter que l'Assemblée ne perde son temps à écouter les députés des marchands bouchers, j'aurais l'honneur de vous dire seulement qu'ils réclament contre un arrêté de la municipalité de Paris. Leur recours naturel et légal est vers le département de Paris.
(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif pour qu'il la renvoie au département.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre et de l'arrêté suivants : .1° Lettre des administrateurs du directoire du département du Morbihan, qui demandent l'interprétation de deux lois.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division pour en faire le rapport demain.)
2° Arrêté du département aes Basses-Pyrénées, en date du 30 octobre dernier, relatif à des approvisionnements de grains et à des primes à accorder pour encourager l'importation de cette denrée.
(L'Assemblée renvoie cet objet au comité des contriljutions publiques pour en faire son rapport lundi prochain.)
L'ordre du jour est la suite da discussion du projet de décret du comité de egislation sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.
, rapporteur. Nous nous sommes arrêtés à l'article 5 ; il est ainsi conçu :
Art. 5. « Outre la déchéance de tout traitement, les ecclésiastiques qui auront refusé de prêter le
serment civique seront, par ce refus même, réputés suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie, et comme tels plus particulièrement soumis et recommandés à la surveillance de toutes les autorités constituées. »
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Les discussions qui ont eu lieu sur ce projet de décret, l'assentiment presque général donné à son philosophique préambule et toutes les considérations multipliees dans plusieurs séances consacrées à cet Objet, en ont enfin développé la nature. Permettez-moi d'en parcourir les différentes nuances.
Plusieurs membres : Discutez l'article.
La mesure proposée dans le cinquième article, mesure destinée à compléter l'article 1er concernant le serment civique me paraît incomplète elle-même. Il ne s'agit point de prêtres ni de ministres religieux, ou du moins ils ne peuvent être considérés que sous le rapport ae leur influence dans les troubles qui se sont élevés dans diverses parties de l'Empire. La religion en a été le prétexte et le véhicule. Ces perturbateurs séditieux peuvent donc être nommés séditieux fanatiques; et c'est sous ce rapport combiné que l'article 5 doit les prévenir.
Ceci posé, les moyens curatifs sont possibles, je les tire des principes suivants, pour lesquels je demande deux minutes d'attention.
Tout homme civilisé est membre d'une société quelconque. A ce dernier titre il se soumet à des devoirs en échange desquels il reçoit des droits. Il est hors de doute, quoiqu'en ait dit M. l'évêque du Cher, que celui qui se refuse à ses devoirs ne peut pas réclamer les droits qui en dérivent; que la distinction entre le citoyen qui adhère et le citoyen qui n'adhère pas est une contradiction dans les termes.
J'admets donc que l'individu ait la liberté de professer telle opinion ; mais alors, à moins de rester seul, il faut nécessairement qu'il contracte un engagement avec la société. Il faut que cette société qui le tolère, puisse exiger qu'il la tolère elle-même ; que dis-je ? la sûreté de cette société, la prudence et l'intérêt lui commandent d'éloigner l'homme qui se refuse à toute garantie. Il serait absurde et profondément inhumain d'attribuer à l'individu le droit de rester dans telle aggrégation civile qu'illui plairait sans l'astreindre à respecter les principes constitutifs de cette aggrégation!
Ainsi, Messieurs, vous voyez que le refus du serment civique ne dispense pas de tout engagement ultérieur, et que s'il est libre de se soustraire aux devoirs de tous les citoyens, il ne l'est pas de se soustraire aux devoirs sociaux, qu'en renonçant à la société ; d'où il suit que la société générale veut de tout individu une déclaration qui la garantisse.
On me dira que cette garantie est implicite et commune à tous. A cela je réponds que dans un régime où la volonté ne doit être asservie que par la volonté générale, cet engagement doit être solennel, ou ne laisser aucun retour à la fraude.
Les lois pénales, me dira-t-on, tiennent leur glaive levé sur la tête du violateur. La peine doit être proportionnée au délit, et c'est ici le cas de différencier le simple perturbateur de l'ordre, d'avec celui à qui les opinions religieuses servent de prétextes pour les troubler.
L'article 5 du projet de décret du comité ne va point à ce but; il vous propose de déclarer suspect celui qui refuse le serment civique. Effaçons-les au nom de l'humanité, ces dispositions vagues qui, trop souvent; furent l'asile du crime et récueil de l'innocence : qu'il n'y ait aux yeux de la loi que deux positions, l'infraction et la soumission. L'homme aveuglé, qui rejette les droits de cité, est astreint à 1 engagement social ; s'il s'y refuse ou s'il le viole, il est ennemi de la société, ou lui est étranger.
Le même article 5 vous propose de soumettre plus particulièrement, de recommander à la surveillance des autorités constituées, l'ecclésiastique non assermenté. Vous sentez qu'une peine mieux prononcée est surtout mieux proproportionnée au genre du délit. Il serait en effet plus qu'insuffisant de recommander à la surveillance de la société, l'homme qui voudrait demeurer sans aucun engagement dans la société, y demeurer ayant en main cette arme terrible, le prétexte de la religion, que n'a jamais pu fausser" le bouclier des lois sociales.
Qu'est-il besoin de retracer à vos cœurs affligés les plaies profondes que le fanatisme a occasionnées? Hier, vous avez frémi d'horreur au récit des malheurs d'Avignon. Leur tableau est notre histoire : c'est le fanatisme qui a excité ici la scélératesse (Applaudissements) ; le ciel s'est irrité, les idoles ont rougi, et les victimes n'ont été massacrées qu'au nom du Dieu de paix, et le sang humain teint les marches des autels.
Depuis l'époque présente jusqu'au premier moment de la civilisation, la rage sacrée a deshonoré par des taches de sang toutes les pages de notre histoire. C'est là-dessus que la punition doit être calquée. Le premier intérêt des lois constituées est leur propre conservation, et c'est se jouer de la clémence qu'invoquer les lois pour qui les méprise, pour qui les attaque,
Four qui les outrage. L'homme audacieux et hypocrite qui, par le mobile d'une opinion vénérée, conduit le peuple à la révolte, attire le feu à la discorde, et persuade aux fanatiques qu'il égare, que Dieu le voit et l'approuve ; cet nomme, dis-je, se rend coupable du plus grand délit qui puisse blesser la société. Ce n'est plus là une simple perturbation de l'ordre, c'est Cet attentat aux volontés générales, qui peut en lin' instant la subordonner aux volontés particulières. et nous enchaîner au despotisme.
Voilà le crime dans son atrocité que'nous avons à punir. Voilà le crime que nous avons à prévenir par l'adoption d'une disposition formelle qui attache au pacte social celui qui se refuse au contrat civil.
Ces principes me conduisent naturellement au projet de décret suivant, en. remplacement de l'article 5.
Indépendamment de la déchéance d'un traitement national, et des droits de citoyen, encourue par celui qui refuse le serment civique, le ministre religieux, qui se trouvera dans ce cas, sera tenu de faire par écrit la déclaration suivante ;
« Je m'engage à ne pas troubler l'ordre établi par la loi.
« Dans le cas de refus de cette déclaration, ou d'infraction, après l'avoir consentie, la peine sera la déportation. (Applaudissements.) »
L'opinion que je. vais essayer d'établir contre la proposition du comité démontrera, je l'espère, combien je suis loin d'adopter la motion du preopinant. (Murmures,)
D'après les lois de la constitution civile, celui qui refuse le serment civique est privé de ses fonctions publiques; d'après votre decret d'hier, article 4, il est même privé de la pension ou traitement que la Constitution lui accordait, quoique sous aucun prétexte, dit l'article 2 du titre 5 de l'Acte constitutionnel, le traitement ne puisse lui être refusé ni suspendu. Voici donc deux peines; l'article proposé en.inflige une troisième qui n'atteint pas seulement l'état et la fortune, mais qui atteint la sûreté même de l'individu, son existence civile et morale.
Avant que de vous exposer le danger de cette loi, et peut-être sa dureté, permettez-moi de vous demander si la Constitution l'approuve. L'homme est libre de parler, dit la Constitution, d'aller, de venir comme il veut. Est citoyen français celui qui est né en France d'un père français, celui qui, né en France, d'un père étranger, a fixé sa résidence dans le royaume ; celui qui né en pays étranger d'un père français est venu s'établir en France et a prêté le serment civique; enfin celui qui, né en pays étranger, et descendant, à quelque degré que ce soit, d'un Français ou d une Française expatriés pour cause de religion, vient demeurer en France et prête le serment civique. (Il lit Varticle 2 du même titre.)
Le surplus de la Constitution ne soumet pas les citoyens à une peine s'ils refusent le serment civique. (Murmures.) Aucun article n'exige point, comme je le disais, le serment civique, l'article 5 de l'Acte constitutionnel en prescrit la forme et rien de plus.
Je sais que la Constitution veut que toutes les autres lois soient exécutées tant qu'elles ne seront pas supprimées, et qu'ainsi votre décret d'hier, qui a réduit le serment du 27 novembre 1790 au simple serment civique, est une bienfaisance, et que votre décret aussi, article 4, est une condition à celui qui veut jouir de notre société politique et vivre dans nôtre pays ; mais les deux premières peines que vous avez imposées au refusant ne vous autorisent pas à en infliger une troisième; cette sévérité me paraîtrait contrarier la Constitution. D'ailleurs, trois peines pour un même délit sont inconciliables avec les peines de tout Code pénal connu. En effet, réputer suspect de révolte contre la loi celui qui naturellement n'y désobéit pas, celui qui, dans un silence respectueux, la laisse exécuter, je vous avoue, Messieurs, que cette disposition n'a pas le caractère de sagesse et de justice qui doivent distinguer nos lois.
Une loi injuste est une barbarie et un germe de révolte. Pour porter une loi aussi exnorbi-tante, il faudrait au moins que la Constitution vous y autorisât, et loin de là, son silence paraît improuver la loi proposée. Comment la raison, qui est la force des lois, n'improuverait-elle pas cette loi ? A quoi exçoseriez-vous le citoyen que vous frapperiez ainsi d'anathème ? Ne l'expose-riez-vous pas à la vengeance, je ne dis pas seulement des forcenés, mais a celle d'un peuple trop souvent aveuglé par les ennemis de la paix? Lorsque, d'ailleurs, vous le livrez plus particulièrement à la surveillance des autorités constituées, n'est-ce pas le jeter au milieu des dangers du pouvoir arbitraire, au lieu de protéger son paisible silence ?
Vous voulez que le premier traître dénonciateur l'arrache à la paix dont il jouit avec le sentiment intime de sa consciençe ! D'ailleurs, que signifie le serment que, par cet article, vous arracheriez au citoyen, soit en annulant son
existence civile, soit en le livrant à la famille, soit enfin en imprimant sur son front les noms affreux de suspect, de révolté, tandis que son cœur forme peut-être des vœux secrets pour la tranquillité de l'Empire. (Rires ironiques.) Non, Messieurs, cette loi ne peut être accueillie parle Sénat de la France. Les sages qui y président la rejetteront. Ils se diront r il est ae 1 essence, de la validité d'un serment que le consentement soit libre, que le cœur ne condamne pas ce que la bouche prononce. Un pareil serment ne peut lier. Il faut, je le : répète, qu'il soit librement prêté, et il ne peut avoir cette liberté quand il est commandé par l'impérieuse nécessite d'avoir du pain ou de ne pas promener après soi le caractère d'opprobre qu'entraîne la peine violente proposée par l'article 5 contre celui qui ne prête pas son serment civique, outre celle de n'être plus citoyen actif.
Je demande la question préalable contre cet article. (Murmures.)
Un membre: Tout homme qui professe une doctrine d'intolérance, et qui, par ses opinions tend à soulever les peuples, est tout au moins suspect. En conséquence, jé pense qu'on ne doit pas regarder comme uùe punition d exiger qu'un prêtre s'éloigne d'un lieu où sa présence peut causer des troubles.
, rapporteur. Je ne ferai qu'une simple observation relativement à l'article 5 qui nous jette dans une discussion si difficile. La section du comité de législation qui a proposé le projet de décret, en a mûrement pesé tous les articles ; elle a marché sur la ligne qu'elle devait suivre, et je crois qu'elle a adopté le parti le plus sage. Car, d'un côté, M. Debry propose des peines plus sévères que celles portées par l'article, et d'un autre, M. Thorillon les regarde comme injustes. La déclaration exigée par M. Debry semble établir une distinction entre les prêtres et les autres citoyens. Quant à la surveillance des autorités constituées, elle est juste parce que les prêtres, par leur genre de délits, peuvent plus facilement échapper à la vigilance des pouvoirs. Certainement, Messieurs, c'est le parti moyen qui est celui de la raison et de la justice et c'est celui qu'a pris votre comité.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Avant de mettre aux voix la question préalable, il paraît qu'il faut mettre aux voix la priorité. Je la demande pour la rédaction de M. Debry.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Chabot!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Chabot et accorde la priorité à l'article du comité.)
Un membre : J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée qu'il n'y a de traitement que pour les, fonctionnaires publics, que le mot traitement doit être rayé de l'article et que l'on y doit substituer celui de pension.
, rapporteur. Je propose de mettre : « Outre la déchéance de tout traitement ou pension. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Je demande la parole pour prouver que l'article 5 implique contradiction
ayec lui-même. Le premier article fait du serment une obligation impérieuse ; ainsi ceux qui refusent de le prêter ne peuvent pas être seulement réputés suspects, us doivent être déclarés coupables de révolte. Je propose donc de supprimer de l'article les mots : « réputés suspects de révolte contre la loi » et d'y substituer ceux-ci : « seront suspects de mauvaises intentions contre la patrie et proscrits. » (Murmures.)
Je combats l'article et le dernier amendement. Je dis que nous ne devons pas répéter ce que porte la Constitution qui ordonne aux municipalités de veiller à la sûreté et à la tranquillité desindividus. Je prétends encore que lorsqu'on parle de l'effet de la loi que nous allons porter au sujet des non assermentés, on ne doit pas se servir du terme de proscrit.
Plusieurs membres proposent divers amendements.
Un membre : Je demande la question préalable sur tous les amendements.
(L'Assemblée décrète qu'il n'a pas lieu à délibérer sur les amendements.)
Un membre : Je demande que l'on modifie la rédaction de l'article et que l'on mette : ceux qui auront refusé de prêter le serment ou qui Vauront rétracté ».
, rapporteur. J'adopte cet amendement et je le mettrai dans tous les articles. Voici alors comment je propose de rédiger l'article 5 :
Art. 5.
« Outre la déchéance de tout traitement ou pension, les ecclésiastiques qui auront refusé de prêter le serment civique, ou qui le rétracteront après l'avoir prêté, seront, par ce refus ou cette retractation même, réputés suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie, et comme tels plus particulièrement soumis et recommandés a la surveillance de toutes les autorités constituées. »
Plusieurs membres : La question préalable sur l'article! , 1 ' : '
(L'Assemblée rejette la question préalable et adopte l'article 5 a une grande majorité.)
, rapporteur. Voici l'article 6 :
« En conséquence, tout ecclésiastique ayant refusé de prêter le serment civique, qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seront la cause ou le prétexte, pourra être éloigné provisoirement du lieu de son domicile ordinaire, en vertu d'un arrêté du directoire du département, sur l'avis de celui du district, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux, suivant la gravité des circonstances. »
Je demande une nouvelle rédaction. Le serment civique est la base principale du projet de décret qui vous est présenté. J aurais pensé qu'ayant à reprimer les désordres des prêtres factieux et conjurés; j'aurais pensé, dis-je, que cet acte civique et solennel, n'eût dû être employé que comme mesure secondaire, car il me semble que l'Assemblée nationale témoigne beaucoup trop de confiance dans la moralité du prêtre, et je tremble que des mesures aussi peu sévères, dans les circonstances réellement orageuses où nous nous trouvons, ne compromettent la sûreté publique. Quelque vaste
et exercée que puisse être la conception de l'homme vertueux, elle ne peut encoré atteindre jusqu'à la profondeur du cœur des prêtres factieux qui combattent, à leur façon, pour l'orgueil et la richesse.
La sainteté des mœurs des prêtres non assermentés est-elle donc telle qu'il faille absolument se reposer sur leur foi et n'exiger d'eux d'autre garantie que le serment? Croyez, Messieurs, qu'il est instant de prendre des mesures sévères. Un grand danger menace la patrie. Dès que les législateurs connaissent les causes et les effets réels des maux, ils doivent s'empresser de porter une loi précautionnelle et répressive, afin que les autorités constituées puissent à chaque instant réprimer les désordres et les crimes.
Voici la rédaction que je propose :
« Si un ou plusieurs prêtres assermentés, ou non assermentés, troublaient l'ordre public; les municipalités et conseil de district réunis, en dresseront un procès-verbal circonstancié. Ils enverront sans délai au directoire de district, qui sera tenu de donner sur-lé-champ son avis et de l'envoyer au directoire du département, lequel, après l'avoir examiné, ordonnera la translation et même la déportation des coupables dans l'endroit qu'il jugera convenable, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux. »
Plusieurs membres : La question préalable 1
La disposition portée par cet article présente deux vices essentiels.
D'abord, Messieurs, elle contient une mesure faible, incertaine, et ouvre une voie à l'arbitraire qui assurerait presque toujours l'impunité au coupable et serait infiniment dangereux sous tous les rapports :
Voici sur quoi je fonde cette première observation :
L'article porte, que l'ecclésiastique non assermenté, qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles sous le prétexte de religion, « pourra être éloigné provisoirement du lieu de son domicile ordinaire, en vertu d'un arrêté du directoire du département... «Cette précaution est sage et d'une utilité très urgente ; mais par la manière dont elle est ici indiquée, Messieurs, elle dépendrait absolument de 1 opinion, de la volonté du directoire du département et ce serait sans doute un inconvénient très réel; car s'il existe, comme j'aime à la croire et à le publier, beaucoup d'administrations de départements dirigées par un patriotisme ardent et pur, il en est aussi un très grand nombre où l'intrigue a placé des ci-devant privilégiés, des hommes qui ne croiront jamais à l'égalité des droits, et au jugement desquels les officiers municipaux et autres habitants des campagnes qui se permettront de dénoncer, ne seront que des turbulents et des factieux... Ces hommes-là, Messieurs, voudraient rétrograder s'ils l'osaient; ils trouveront donc toujours qu'on va trop loin, qu'on est trop ardent pour le nouveau régime, et par suite de l'insouciance résultant, de ce préjugé, ou par des motifs plus répréhensibles encore, ils toléreront des attentats multipliés contre la Constitution. (Applaudissements.)
Messieurs, dans toute mesure répressive, la peine doit être dans la loi et jamais dans la volonté de l'homme... Ce principe fondamental, seul fruit du despotisme et garant de notre liberté, doit être religieusement suivi, non seulement dans les lois générales, mais dans toutes celles que la volonté nationale peut porter. Loin '
d'autoriser l'arbitraire, nous devons le rechercher comme une plante parasite ou empoisonnée et le détruire partout où il se trouve. Sans cette règle invariable, notre code ne serait jamais celui d'un peuple libre.
Je pense donc, Messieurs, qu'il est indispensable de changer, ou au moins de modifier dans la disposition de l'article 6, tout ce qui pourrait donner Heu à l'impunité, en laissant à la volonté arbitraire du. directoire de département de prononcer ou de ne pas prononcer l'éloignement provisoire;
Sous un autre rapport, Messieurs, cette disposition me paraît vicieuse, en ce qu elle n'est pas exactement conforme aux principes de la Constitution.
Je sais bien que les administrations de département sont chargées d'agir pour le maintien de la tranquillité publique ; mais leurs fonctions, à cet égard, doivent avoir pour objet dés mesures générales d'ordre, et non point des jugements particuliers et individuels, même pour faits de police.
Telle est la nature de leur organisation. Elle est écrite dans les" lois particulières qui ont établi les corps administratifs ; elle l'est dans la Constitution, et il serait infiniment dangereux de détruire la ligne qui sépare leurs fonctions de celles des juges. • ,
Cette ligne de démarcation est très distinctement et très formellement tracée.
Serait-il bien sage.Messieurs,d'accorder, par des attributions particulières aux corps administratifs, des fonctions que la Constitution désigne comme essentiellement distinctes de celles qui leur sont attribuées? Serait-il sage d'introduire, même dans des cas particuliers, une confusion de pouvoirs que la loi regarde comme tendant à amener l'anarchie ?
Je crois, Messieurs, que cette mesure serait imprudente, et qu'elle doit être écartée, surtout lorsqu'elle est inutile.
Or, il me paraît ici de tout certitude, non seulement qu'elle est inutile, mais qu'elle est vicieuse, en ce qu'elle rend, comme je l'ai déjà observé, l'effet ae la loi presque nul, en la soumettant à l'arbitraire du juge d'attribution.
Je propose, par amendement, la rédaction suivante. «Lorsque, dans uhe commune, il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seront la cause ou le prétexte, la municipalité ou le juge de paix en dresseront procès-verbal, et dénonceront le trouble à l'accusateur public » ; {Murmures.) «et jusqu'à ce qu'il ait été prononcé définitivement, parles tribunaux, sur cette dénonciation, l'ecclésiastique non sermènté qui sera trouve dans cette commune, sera tenu provisoirement, sur la première sommation qui lui en sera faite, sans délai, par le procureur de la commune, de s'éloigner de quatre lieues au moins de l'endroit où le trouble aura été commis. »
L'article est inconstitutionnel. Le partage des pouvoirs ne peut pas être ainsi transgressé. Je demande à cet égard que si l'article subsistait, ce ne fût pas le directoire mais bien les tribunaux à qui la faculté d'éloigner fût attribuée. Ce sont les termes de la loi, et je doute que l'Assemblée nationale veuille détruire ce que la loi a institué, c'est-à-dire les tribunaux pour punir les délits. D'abord une des lois constitutionnelles porte : « La loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. » Donc cette première disposition de la Constitution réprouve
l'indication particulière et nominale, s'il est permis de parler ainsi des ecclésiastiques.
Or, vous voyez, Messieurs, que la contexture de votre article contrevient aux lois constitutionnelles. Cet article, au lieu de dire : « tout ecclésiastique », doit dire : « tout perturbateur ou tout citoyen qui troublera, etc. »
On propose ensuite d'éloigner l'ecclésiastique qui n aura pas prêté le serment, par la raison, ait-on, qu'il se trouverait dans un trouble. Je demande si cette disposition vague, si cette disposition qui conduit a l'arbitraire, n'est pas du plus grand danger? Le premier ennemi d'un ecclésiastique, sous prétexte de punir le réfractaire, l'entourera dans la rue, donnera lieu à une émeute, et l'on prononcera l'exil, qui d'ailleurs est contre les principes. {Murmures.) Gela est trop dangereux ; la loi veut que celui-là qui l'offense soit dénoncé à elle dans ses organes, ie veux dire aux tribunaux; et pourquoi rétablir ce que le despotisme ancien avait aboli ? Vous voulez exiler, et, comme le disait un philosophe : « Ne voyez-vous pas que vous voulez faire passer dans la maison de votre voisin le chien enragé qui était près de vous dévorer. » Ce n'est point un exil que l'on doit prononcer ; ainsi je repousse encore cette disposition de l'article.
Cet article dit ensuite : « Sans préjudice de la dénonciation, etc. » Vous voyez que pour un même délit, vous doublez la peine. Voilà déjà que, sans information, par le seul fait du hasard, qui peut-être a conduit cet ecclésiastique dans un trouble, vous le punissez de la déportation, de l'exil ; et Vous réservez encore la dénonciation aux tribunaux. Qu'en résultera-t-il? C'est qu'en le dénonçant encore, vous aurez le plaisir Barbare de le faire condamner par contumace. Y a-t-il de la conséquence?
Je dis que l'article doit être absolument réformé, et qu'il doit être tout au plus réduit à ces mots :
« Tout citoyen perturbateur du repos public, soit pour le cas d'opinions religieuses ou non, etc. •> comme vous voudrez ; mais ne prononcez pas de peines illégales, qui tendent à renverser la Constitution de l'Empire.
Il serait en effet injuste et imprudent de laisser à l'arbitraire des corps administratifs la faculté d'éloigner les prêtres suspects. Je crois que c'est dans la loi que doit se trouver le soin de cet éloignement. Je demande que dans l'article 6, au lieu de ces mots : « pourra être éloigné... en vertu d'un arrêté du directoire du département » on mette ceux-ci : « sera tenu de s éloigner provisoirement de quatre lieues au moins du lieu de son domicile, sans préjudice de la... »
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Je demande à parler contre la clôture de la discussion. Cet article est véritablement le point fondamental de la question. On vous objecte qu'il est inconstitutionnel; ie me réunis à ceux qui le trouvent tel dans l'état présent. Le seul moyen de le rendre plus conforme aux principes ae la Constitution est d'en entendre plusieurs rédactions. La Constitution garantit, non pas aux citoyens, comme on dit, mais à tout homme, le droit d aller, de rester, de venir, sans qu'il puisse être arrêté ni détenu. Par la Constitution, il ne peut donc y avoir de moyen de priver quelqu'un de ce droit. (Murmures). Je propose donc cette rédaction :
« En conséquence,-4out ecclésiastique ayant
refusé de prêter le serment civique, sera tenu de donner caution de sa bonne conduite (Murmures.) jusqu'à la somme de......? faute de quoi il sera
tenu de s'éloigner de la distance de......, à peine
d'être puni, sur la dénonciation, d'une année de détention. » (Murmures.)
Plusieurs membres . La discussion fermée !
L'amendement de M. Couthon me paraît impraticable. Il porte que l'ecclésiastique sera tenu de s'éloigner, et je soutiens que cette mesureest premièrement imprudente, parce qu'elle laisse à l'arbitraire de l'ecclésiastique la faculté de s'éloigner. En second lieu, elle contient quelque chose de barbare, parce qu'elle force 1 ecclésiastique à se dénoncer comme perturbateur du repos public, par cela même qu'il aura obéi à la loi en s'éloignant d'un mouvement spontané. Vous ne devez donc point adopter la rédaction de M. Couthon.
Quant à celle du comité, je combats la disposition qui laisse aux municipalités la faculté d'éloigner ou de ne pas éloigner les prêtres suspects. En cas de trouble, lorsque la tranquillité est menacée, rien ne doit être laissé à l'arbitraire. Je demande donc qu'aux mots : « pourra être éloigné... » on substitue ceux-ci : « sera éloigné... »
J'ai encore un mot. L'article porte qu'il pourra être éloigné du lieu de son domicile ordinaire. Ce mot n'est pas clair, il faut mettre : « du lieu où le trouble se sera élevé » autrement, la loi serait continuellement éludée. (Applaudissements.)
, rapporteur. Les principales objections qui sont faites à la rédaction de l'article portent sur les mots : « pourra être éloigné » et sur'ce que le comité attribue aux directoires de département, de préférence aux tribunaux, de prononcer l'éloi-gnement dans ces circonstances.
Quant à la première objection, je prends la réponse qui la détruit dans l'article 5 que vous avez précédemment décrété. L'article 6 laisse aux corps administratifs la faculté de décider l'éloignement, faculté que les uns voudraient aggraver en disant : « Vecclésiastique sera tenu » et que d'autres veulent au contraire adoucir. Ce n'est pas sans raison que votre comité s'est servi du mot pourra. Remarquez la liaison et l'enchaînement de cet article avec le précédent. Vous avez décrété, par l'article 5, que l'ecclésiastique qui avait refusé de prêter le serment était en état de suspicion : par cela seul il n'est pas dit qu'il soit l'auteur des troubles qui s'élèvent dans la commune où il réside. Gela dit qu'il peut en être soupçonné, mais pour juger ce soupçon, il faut nécessairement quelqu'un. Qui donc doit juger ce soupçon? Qui donc doit décider de l'éloignement? Le corps administratif supérieur sans doute, et voilà pourquoi le comité laisse aux directoires de département la simple faculté de prononcer. La rédaction de M. Couthon, pas plus que celle de M. Vergniaud, ne peut s adapter avec cette liaison.
La seconde objection consiste en ceci : qu'il est inconstitutionnel d'attribuer aux directoires de département cette faculté; mais la loi du 3 août rend les départements et les districts responsables des précautions à prendre contre les attroupements et du maintien de la tranquillité publique. Ainsi nous avons suivi à cet égard la loi qui, en sa faveur, à l'expérience des départements patriotes, dans lesquels les directoires ont déjà pris la mesure qui est indiquée par cet
article. Partout où on l'a prise, elle a parfaitement réussi, et il n'y a pas eu de troubles.
Nous avons cependant, comme vous le voyez par la fin de l'article, admis la concurrence des administrateurs et des tribunaux, parce qu'il y a deux objets dans l'article : d'abord les précautions à prendre vis-à-vis de l'ecclésiastique prévenu de troubles, précautions qui ne peuvent être prises que par le directoire ae département chargé de veiller à la tranquillité publique. Les peines, les dispositions pénales, doivent être prises par les tribunaux. Ainsi, je persiste à soutenir la rédaction de l'article.
Plusieurs membres : La question préalable sur tous les amendements !
Je propose un amendement à la rédaction du comité. Il est dans l'intention de l'Assemblée de faire à la fois une loi sévère et une loi juste. Si vous laissiez l'article du comité tel qu'il vous a été présenté, vous feriez une loi sévère et vous ne feriez pas une loi juste ; car vous livreriez à l'arbitraire des corps administratifs les ecclésiastiques placés dans la commune où il y aurait du trouble. Il faut ajouter que les corps administratifs seront tenus de les dénoncer sur-le-champ aux tribunaux.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres demandent la priorité pour les différentes rédactions proposées.
(L'Assemblée accorde la priorité à l'article du comité.)
Plusieurs membres : La question préalable sur tous les amendements !
, rapporteur. Votre comité adopte le deuxième amendement de M. Vergniaud, qui consiste à remplacer les mots : « du lieu de son domicile ordinaire » par ceux-ci : « de la paroisse où les troubles seront survenus » et rejette tous les autres.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Vergniaud et rejette tous les autres par la question préalable.)
, rapporteur. Voici la nouvelle rédaction de l'article 6 en tenant compte de l'amendement relatif à la rétractation du serment :
Art. 6.
« En conséquence, tout ecclésiastique ayant refusé de prêter le serment civique, ou qui le rétractera après l'avoir prêté, qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seront la cause ou le prétexte, pourra, en vertu d'un arrêté du directoire du département, sur l'avis de celui du district, être éloigné provisoirement de la paroisse où les troubles seront survenus, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux, suivant la gravité des circonstances. » (Adopté.),-
La discussion est interrompue pour donner lecture d'une lettre de M. Vabbé Mulot, qui demande que VAssemblée lui assigne une séance pour paraître à la barre.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de cette lettre ; elle est ainsi conçue.
« Monsieur le Président,
« Quoique je sois arrivé peu de jours après le décret qui m ordonne de paraître à la barre, et quoique je n'aie appris ce décret que par les journaux, je me suis mis en état de paraître à l'Assem-
blée. Je vous prie donc de demander une séance dans laquelle je puisse faire mon rapport et répondre à la dénonciation qui a été faite contre moi. Mon travail est un peu long ; j'ai cru qu'il était nécessaire de lui donner tout le développement que demandait cette importante affaire. J'attends la réponse de l'Assemblée. Agréez, je vous prie, mon respect et mon dévouement.
« Je suis, etc.
« Signé : Mulot, député de Paris à l'Assemblée nationale. »
(L'Assemblée décrète qu'il y aura demain soir une séance extraordinaire pour entendre M. Mulot.)
La discussion du projet de décret du comité de législation sur les prêtres non assermentés est reprise.
, rapporteur. Voici l'article 7 de notre projet :
Art. 7. « En cas de désobéissance à l'arrêté du directoire de département, les contrevenants seront poursuivis dans les tribunaux, et punis d'une année de détention. »
Je propose, par amendement, que la peine d'une année de détention soit remplacée par celle de deux années d'exil; parce que je crois que cette mesure est à la fois plus douce et plus efficace ; et je pense, en outre, qu'à même degré d'efficacite, vous ne balanceriez point à prononcer la peine la plus douce. Or, celle que je propose l'est beaucoup plus en effet que celle du comité, parce qu'il vaut mieux errer à son gré durant deux années hors du royaume, que de demeurer pendant une année entre quatre murailles.
Je dis, de plus, qu'elle est plus efficace et plus sûre aussi, parce que si vous séparez, par une grande distance, l'ecclésiastique perturbateur du peuple qu'il égare, ce peuple aura bientôt oublié l'ecclésiastique expatrié. Tandis que si vous retenez ces prêtres dans le royaume, les fanatiques qu'ils ont créés, les verront sans cesse dans les fers; la détention des prêtres sera, aux yeux des habitants égarés des campagnes, un commencement de martyre; la fermentation continuera et cette fermentation, excitée de plus en plus par les malveillants, peut devenir telle que, dans quelques départements, des hommes enivrés de fanatisme, entraînés par les sentiments énergiques qui l'accompagnent toujours, tentent d'enlever à main armée les prêtres emprisonnés. Alors la force du peuple sera aux prises avec la force des lois, et nous pourrons être entraînés dans de très grands malheurs.
Le but de tout législateur, en créant des lois pénales, ne doit pas être seulement de punir les délits commis, mais encore de prévenir ceux à commettre, et pour cela il faut que les peines soient appropriées aux délits.
Or, lorsqu il s'agit comme ici de perturbateurs conjurés qui sont soutenus par un grand nombre de prosélytes, l'expulsion hors du royaume est le moyen le plus efficace ; c'est celui que l'on employa contre les Jésuites, et les Jésuites furent oubliés. Plus loin de nous, ils seront moins à craindre.
Cicéron, en parlant au Sénat romain, de Gati-lina et de ses conjurés, disait : « Mettons entre ces hommes et nous l'épaisseur de nos murs. » Suivons, Messieurs, les mêmes principes ; mettons entre ces prêtres séditieux et nous, une barrière qui nous en sépare à jamais. Sans cela, je crains
que nous ne puissions les retenir dans leurs prisons, et que du fond de leurs cachots, ils ne soufflent encore la guerre civile! (Applaudissements.)
Je n'aime pas la déportation, et c'est la déportation que le préopinant vous propose. Il se pourrait que les puissances voisines, pour nous remercier de nos présents, nous envoyassent par le même moyen des prêtres fort mauvais sujets (Rires et murmures.), et sûrement nous n'en avons pas hesoin. Je demande donc que l'article soit adopté tel qu'il est présenté, en ajoutant seulement que les poursuites seront faites à la diligence des procureurs-syndics.
J'appuie la proposition de M. Isnard. Je soutiens que si nous faisons mettre les prêtres fanatiques en prison, leurs partisans iront y faire des pèlerinages. (Rires et applaudissements.) Il y a des départements où, en parlant des prêtres emprisonnés, on a dit: Voilà les prisonniers de Jésus-Christ, et autres choses semblables. En les exilant hors du royaume, vous préviendrez ces abus. Il ne faut pas tant se livrer au mouvement de la philosophie ; il faut encore calculer les effets du fanatisme. Il est dans les principes d'une administration sage et clairvoyante d'ôter du milieu d'un peuple égaré ces loups destructeurs qui ne peuvent que le conduire à sa perte.
Il y a encore un amendement à faire à l'article. En prévoyant le cas de désobéissance, on prévoit le cas ae révolte, car c'est être révolté que d'être en état de désobéissance à la loi. Or, comme dans l'intervalle qui séparera l'énoncia-tion de la peine, du moment du délit, les prêtres incriminés pourraient susciter des troubles, il n'y a pas d'inconvénient, et il y a un grand avantage à dire que les contrevenants seront d'abord mis en état d'arrestation; la poursuite viendra après.
Un membre : Je réclame contre la'proposition qui vous est faite. Ce serait une barbarie atroce de condamner des malheureux qu'on aurait privés de tout traitement et de toute pension à languir exilés dans un pays étranger, loin des secours de leursfamilles. (Murmures.) Le massacre de la Saint-Barthélemy, les persécutions de Louis XIV, toutes ces atrocités ont-elles changé
différence. On vous menace avec raison des fureurs du fanatisme, et pourquoi emprison-neriez-vous, pourquoi exileriez-vous des hommes sur de simples soupçons?... (Les murmures couvrent la voix de l'orateur et l'empêchent de continuer.)
Les dispositions de l'article me paraissent suffisantes pour remplir le but que l'Assemblée se propose ; la peine est proportionnée au délit. Je demande que l'article soit adopté tel qu'il est présenté..
jeune. J'observe que la peine de la détention emporte avec elle une espèce d'infamie. Je demande que le mot détention soit remplacé par le mot emprisonnement.
aîné. J'appuie de toutes mes forces l'amendement de M. Isnard. Le préopinant a appelé atroce et barbare cette mesure devenue nécessaire ; et moi j'appelle barbares et atroces les sophismes qu'oppose à cet article une fausse philosophie. Si vous souffrez que des prêtres,
convaincus de troubler l'ordre public, restent dans l'intérieur du royaume, vous exposez le peuple à se porter de plus en plus à toutes les horreurs du fanatisme.
, rapporteur. Je crois, Messieurs, que la proposition qui a été faite d'infliger la peine de l'exil est prématurée, et dans l'ordre de la discussion, et dans l'ordre des temps.
Elle est prématurée dans l'ordre de la discussion, parce que, dans notre projet, il y a une gradation de peines qui est proportionnée aux différents délits, et ce serait peut-être dans l'article 8 qu'on pourrait employer ce moyen.
Je dis, de mus, que la proposition est prématurée dans Pordre des temps, parce qu elle est une des mesures générales, qui vous sont réservées après avoir entendu les comptes que vous demandez aux directoires de département. Ainsi, Messieurs, je crois que ce n est pas le lieu d'adopter cette peine dans ce moment ; mais je proposerai moi-même, d'après les réflexions qui viennent de m'être suggérées, un adoucissement à la peine du comité.
m'a observé avec raison que la peine de détention emportait une espèce d'infamie. Ça n'a pas été notre intention, surtout voulant mettre dans les peines une gradation. Je crois donc que, pour ne laisser aucun arbitraire, il suffirait ae aire qu'en cas de désobéissance à l'arrêté du directoire du département, les contrevenants seront punis d'un emprisonnement dont le terme ne pourra excéder une année.
Plusieurs membres ? Aux voix ! aux voix !
On peut concilier toutes les opinions en adoptant a la fois l'exil et l'emprisonnement. (Applaudissements dans les tribunes. Rires dans l'Assemblée.) Oui, je dis la prison et l'exil, et je m'explique. Je demande que les prêtres perturbateurs soient transférés dans une prison éloignée au moins de dix lieues de leur résidence. Je crois qu'alors ils ne seront plus visités, et l'on ne verra pas des pèlerinages se porter à ces prisons.
Un membre : J'appuie l'amendement du préopinant et je demande que les prêtres perturbateurs soient renfermés dans les prisons du chef-lieu de département. (Appuyé! appuyé!)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets siux voix l'amendement de M. Isnard tendant à remplacer la peine de là détention par celle d'un exil de deux années.
(L'Assemblée, consultée, rejette l'amendement de M. Isnard.)
Je mets aux voix l'amendement tendant à ce que les prêtres perturbateurs soient renfermés dans la prison du chef-lieu du département.
(L'Assemblée, consultée, adopte cet amendement.)
, rapporteur.En ce cas, voici quelle serait la nouvelle rédaction de l'article 7 :
Art. 7.
« En cas de désobéissance à l'arrêté du directoire du département , les contrevenants seront poursuivis dans les tribunaux ? et punis de l'emprisonnement dans le chef-lieu du départe-
ment. Le terme de cet emprisonnement ne pourra excéder une année. »
Plusieurs membres à droite : La question préalable!
(L'Assemblée rejette la question préalable et adopte la nouvelle rédaction de l'article 7.)
rapporteur. Avant de lire le huitième article, j observé que j'ai changé quelques expressions, selon le vœu de plusieurs membre? qui ont cru remarquer, dans l'article du projet qui a été imprimé et distribué, un attentat contre la liberté de la presse. J'ai donc remplacé le mot discours par le mot prédications et le mot écrits par les mots écrits religieux.
Un grand nombre de membres : Non! non! Lisez l'article du projet imprimé !
, rapporteur. Soit. Voici 1 article 8 :
« Art. 8. Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir troublé L'ordre public par ses discours, ses actions ou ses écrits, sera puni de deux années de détention; et si ses actions, ses discours, ou ses écrits ont donné lieu à quelque meurtre, pillage ou incendie, le coupable sera puni des peines portées dans le Gode pénal contre le meurtre, le pillage ou l'incendie. >»
Je crois que vous devez étendre la-disposition de l'article à tous les ministres perturbateurs et changer la rédaction qui vous est proposée. La voici telle que je la propose : « Tout ministre d'un culte quelconque... Plusieurs membres : Gela a été rejeté! v M. I^equinio. «... convaincu d'avoir par ses discours ou écrits, cérémonies, gestes... (Exclamations et rires.}
On voit bien, Messieurs, que vous ii'avez jamais habité dans lès départements comme les nôtres. (Murmures.) Au reste, vous supprimerez le mot gestes; je continue : 1
« .....convaincu d'avoir, par ses discours ou
écrits, cérémonies..... Plusieurs membres : Le question préalable !
« ..... insinué ou provoqué la désobéissance aux lois, sera condamné chaque fois à deux années de détention s'il n'y a pas eu de troubles; et s'il y a eu des troubles, il sera condamné aux peines portées au Gode pénal, et aux réparations civiles. »
Je trouve dans l'article, qui vous est présenté par votre comité une disposition qui contrarie tous les principes, parce qu'en législation, on ne doit jamais faire porter une disposition pénale sur une caste particulière.
Un membre: Il n'y a plus de caste particulière !
La peine doit porter suf tous ceux qui troublent l'ordre public. Enfin, je trouve que l'article n'est pas suffisant, en ce que les peines ne sont pas suffisamment graduées. L'article ne parle que de la peine de la détention, il s'en suivrait qu'un délit qui ne mériterait pas une peine aussi grave resterait impuni. Je ne veux pas changer cette peine, je veux seulement prévoir les cas où cette peine ne serait pas méritée. Je propose, en conséquence, la rédaction suivante:
« Toutes personnes, de quelque qualité ou profession qu'elles soient, qui, par des discours, des écrits ou des actions, chercheraient à jeter des doutes ou à répandre des inquiétudes sur le culte
religieux d'autrui, seront regardées comme perturbateurs du repos public, et comme telles seront arrêtées sur-le-champ sur la réquisition des juges de paix ou des accusateurs publics, et même, en flagrant délit, par les gendarmes nationaux, et seront remises aux tribunaux, qui sous peine de forfaiture, seront tenus de commencer l'instruction sous 24 heures, et delà faire passer au ministre de la justice^ qui sera tenu d'en rendre compte tous les 8 jours à l'Assemblée nationale. »
Je propose de substituer à la peine de détention celle du bannissement; et je demande à motiver ce changement.
Vous êtes chargés, Messieurs, de maintenir la Constitution, de conserver la liberté publique, d'assurer et de consolider le repos et le bonheur de la nation. Eh bien ! j'ose vous prédire, et vous devez être sûrs de voir s'anéantir entre vos mains la Constitution, dépérir la liberté (Murmures.), si vous prononcez que deux années de détention punissent suffisamment les ministres d'une secte quelconque, s'àrrogeant le droit d'interpréter les principes de notre Constitution et d'en contrarier les bases.
Quelles seraient les intentions de ces ministres? N'élèveraient-ils pas, autant qu'il serait en leur pouvoir, une puissance qui, sans cesse opposée aux lois par lesquelles la société a déclare vouloir être gouvernée, bientôt fortifiée par une crédulité qui, pour être ridicule n'en est pas moins dangereuse ; qui pour mieux dominer a pris et prendrait encore, sans s'y restreindre, le titre de puissance purement spirituelle ; qui tout en disant que son royaume n'est pas de ce monde, s'emparerait sans Scrupule des richesses du monde entier.
Plusieurs membres: Bah ! bah! Au fait, au fait!
Messieurs, il est difficile d'énoncer son avis; je vous citerai cependant encore l'autorité de l'homme auquel nos prédécesseurs ont décerné la première place dans le temple de l'immortalité, je vous parle de Rousseau ; son témoignage vaut bien celui d'un autre. Eh bien ! Messieurs, Rousseau, vous dit que « dans un gouvernement toute religion doit être tolérée, pourvu qu'elle tolère les autres ; » et la secte contre laquelle j'ai pris la parole ne tolère personne. » (Bruits et applaudissements.) Et lorsqu'une secte dit : hors de l'Eglise, il n'y a point de salut; c'est-à-dire, en d'autres termes: hors de mon opinion, point de paix, point de liberté, il faut qu'elle apprenne que, hors de la société, il n'y a ni pension, ni protection quelconque de la loi à espérer.
Plusieurs membres : Au fait, au fait !
Je conclus à ce que les deux années de détention soient commuées en deux années de bannissement.
Messieurs, vous voulez frapper sur des factieux, mais non pas sur la liberté de la presse ; vous voulez réprimer la sédition des prêtres, mais vous ne voulez pas faire une loi générale pour tous les discours et tous les écrits. Vous voulez faire des lois précises et justes, et non pas des lois vagues et arbitraires. Or, si vous adoptez l'article tel qu'il vous est présenté par le comité, vous ferez une loi vague, vous prêterez des armes contre la liberté de la presse que vous devez défendre de tout votre pouvoir.
Qu'est-ce, en effet, que les premières paroles
que je trouve dans cet article? Qu'est-ce que ces expressions d'avoir troublé l'ordre public par ses discours, ses actions ou ses écrits f Ne prêtent-elles pas à toutes les interprétations qu'on voudra leur donner? Ne livrent-elles pas le prêtre à toutes les fureurs du parti dominant? La mesure de la liberté de la pensée est illimitée. Le crime ne commence que là où des faits troublent l'ordre, que là où le discours ou l'écrit amènent la sédition. Souvenez-vous, Messieurs, que, sous le despotisme, Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau furent accusés d'avoir troublé l'ordre public par ces mêmes ouvrages, à qui les nations devront un jour leur liberté, pour ces ouvrages à qui nous devons ce que nous sommes. (Applaudissements.)
Rappelez-vous encore qu'au moment où les ennemis de la liberté de la presse voulurent l'enchaîner dans un projet de décret, ils y présentèrent précisément les mêmes expressions que vous trouvez dans cet article, et qu alors un aes plus infatigable défenseurs de la liberté démontra tous les dangers attachés à ces mots : Troubler l'ordre public; » qu'alors il proposa des mots clairs, des mots qui représentent des faits tels que ceux de provoquer formellement à la désobéissance. Depuis, la Constitution a consacré elle-même ces termes ; car, dans lès articles qui concernent la liberté de la presse, vous y trouverez les perturbateurs désignés sous les mots d'hommes qui provoquent, par leurs écrits, à la désobéissance a la loi, à la désobéissance aux pouvoirs constitués. Ainsi, Messieurs, je propose à cet égard de supprimer les mots : « troubler l'ordre public », et de mettre : « Tout ecclésiastique qui seta convaincu d'avoir provoqué à la désobéissance à la loi par ses discours... »
Ma seconde réflexion porte sur le défaut de caractérisation des écrits ou des discours que l'on veut punir. Je le répète, vous ne voulez pas faire de loi générale contre les discours ou les écrits coupables ; car la loi générale est faite. Vous voulez faire une loi contre les discours et les écrits des prêtres parce que, vous le savez, l'arme de la religion est l'instrument le plus terrible dans la main du fanatisme et de l'hypocrisie. Du moment où vous portez une loi particulière contre un délit particulier, il faut le caractériser et le bien définir. En conséquence, je propose de substituer au mot discours le mot prédications, et d'ajouter au mot écrits le mot religieux, en l'entendant dans ce sens, que ce sont des écrits qui concernent les matières religieuses.
Plusieurs membres : La question préalable !
Messieurs, j'ai cité la loi pénale existant contre ceux qui provoquent à la désobéissance aux lois par leurs écrits. Ainsi donc, un prêtre qui écrit un ouvrage purement politique, tombe dans le cas de cette loi ; et ici, vous ne devez faire de loi que contre les écrits où l'on emprunte l'arme de la religion pour égarer le peuple.
J'attaque aussi la troisième partie de cet article. On y lit : « si ses actions, ses discours ou ses écrits ont donné lieu, etc... ». Ces mots sont encore ou trop insignifiants ou trop signifiants. Donner lieu suppose qu'il existe une connexion évidente entre les discours et les écrits d'un prêtre fanatique, et les malheurs qui peuvent en être la suite ; mais il n'y a rien de si difficile à prouver que cette espèce de connexion ; et, en adoptant ces mots, vous fourniriez une occasion
très favorable au coupable qui voudrait échapper à la punition que la loi prononcèra contre lui. En conséquence, je propose de substituer à ces mots des expressions qui peignent un fait incontestable; je mettrais : « si ces discours sont immédiatement suivis de quelque trouble, meurtre, pillage ou incendie ». (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche.)
Je me résume en vous proposant de rédiger ainsi l'article :
« Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir provoqué à la désobéissance à la loi par ses prédications, ses actions ou ses écrits religieux, sera puni de deux années de détention (Murmures.)... »
Si vous l'aimez mieux, je mettrai sur des matières religieuses.
« ... et si ces prédications, ces actions ou ces écrits sur des matières religieuses sont immédiatement suivis de quelque trouble, du meurtre, etc... » Le reste comme à l'article du comité. Un membre: Je propose par amendement à la nouvelle rédaction de dire : « Tout ecclésiastique ou tout journaliste qui sera convaincu... » Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande la question préalable sur l'article et sur tous les amendements. Je vais la motiver. M. Brissot a démontré d'une manière incontestable les inconvénients de l'article proposé ; mais il n'a pas démontré les désavantages de sa rédaction, car cette rédaction donnera lieu à l'arbitraire. Il est évident que si l'on peut punir un prêtre pour les troubles qui suivront des discours ou des écrits répréhensibles sans en être l'effet, les tribunaux frapperont souvent l'innocent au lieu du coupable. Je crois donc que la question préalable doit être invoquée et sur l'article et sur la rédaction. (Exclamations à gauche.)
Il serait bien étonnant que nous fissions ici une loi contre la liberté ae la presse. Le comité n'a pas vu, je me plais à le croire, le danger de cette proposition ; et je pense lui rendre justice en appuyant la question préalable. Plusieurs membres à droite : Appuyé ! appuyé ï (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
Je demande que l'article soit restreint à ces mots :
« Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir provoqué à la désobéissance aux lois, par ses actions et prédications, sera puni de deux années de détention. »
Le Code pénal a prévu toutes les punitions contie le meurtre, le pillage et l'incendie. Je demande la question prealable sur la fin de l'article.
Je demande la question préalable sur l'article, il n'est que la répétition des dispositions du Code pénal. (Murmures.)
Il est très vrai qu'il y a un grand rapport entre le Code pénal et la nouvelle rédaction de l'article 8 proposée par M. Brissot. Il y a cependant une différence : le Gode pénal n'applique à ce genre de délit que la seule peine de la dégradation civique. Le comité de législation a cru que la peine de la dégradation civique, peine générale appliquée aux perturbateurs, était, dans le cas dont il s'agit^ une peine
évidemment illusoire. Vous concevez aisément que frapper un prêtre perturbateur de la seule peine de la dégradation civique, c'est en quelque manière l'inviter de nouveau à troubler le repos public. Le comité a donc pensé qu'il fallait une loi nouvelle.
Je demande donc que l'on dise, conformément à la Constitution :
« Tout ecclésiastique qui aura provoqué formellement et à dessein la désobéissance aux lois, sera puni de la peine de deux années de détention. »
Je demande enfin que la dernière partie de l'article soit supprimée comme étant comprise dans la loi générale.
Par là, Messieurs, vous ne faites que rappeler une loi déjà existante ; mais vous y appliquez une peine, qui, pour le délit qui vous occupe, ne sera pas une peine illusoire. (Appuyé! appuyé!)
, rapporteur. Messieurs, cet article est vivement attaqué. J'avais adopté d'abord la première partie de la proposition de M. Brissot, et je suis bien aise que mon adoption n'ait pas passé, car nous eussions été prives du plaisir ae l'entendre développer ses observations. (.Murmures et rires ironiques à droite.)
J'adopte la rédaction proposée par M. Genson-né pour la première partie de 1 article. Je suis loin, et mes collègues aussi, de vouloir briser l'égide sacrée de notre liberté, ou de livrer aux décisions de l'arbitraire un citoyen quelconque.
J'adopte également la question préalable sur la seconde partie, si l'Assemblée veut bien motiver dans son procès-verbal qu'elle rejette cette seconde partie, parce que le Code pénal y a pourvu en prononçant des peines contre les instigateurs de pillage et d'incendie.
Plusieurs membres : Oui! oui! Le vote par division !
(L'Assemblée décide qu'elle votera sur l'article par division.)
, rapporteur. Voici comment je propose de rédiger la première partie de Varticle 8.
Art. 8.
« Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir provoqué la desobéissance à la loi et aux autorités constituées, sera puni de deux années de détention. «
(L'Assemblée décrète cette rédaction.)
Je mets aux voix la question préalable sur la seconde partie de Vartiele avec les restrictions de M. le rapporteur.
(L'Assemblée adopte la question préalable sur la seconde partie de l'article comme ayant été prévue par le Code pénal.)
Voix diverses : On n'a pas entendu la question préalable ! — Mettez aux voix, Monsieur le Président, si c'est la question préalable qui a été admise avec ou sans motif.
Je déclare que j'ai mis aux voix la question préalable sur la seconde partie, en la motivant dans le procès-verbal. Je recommence l'épreuve.
(Une seconde épreuve donne le même résultat.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Un petit mot à M. Torné, évêque de Bourges, sur sa tolérance (Y), par Louis-François François, cultivateur, négociant et député du département du Pas-de-Calais à l'Assemblée nationale (2).
De longues, souvent pénibles, mais aussi de fort belles phrases ont été faites par M. Torné, zélé propagateur de la tolérance. Nous aurions du plaisir à le reconnaître comme un chaud partisan du système exclusivement adopté par le vertueux auteur du conciliateur (3), s'il avait été question de religion, de culte et d opinions religieuses ; mais, qu'il me soit permis de le représenter à M. Torné, il ne s'agit dans ce moment de rien moins que de cela ; et M. Torné a, j'ose le dire, divague ; il a même attristé l'Assemblée, en s'opiniâtrant à lui faire entendre son opinion sur ce qui est étranger aux troubles intérieurs de l'Empire français. On ne sait que trop que tous ces malheurs sont les fruits des trames ourdies sourdement, et souvent même à découvert, par les plus grands ennemis de notre Révolution, je veux dire les prêtres insermentés. Mais enfin, Monsieur Torné, de quoi s'agit-il aujourd'hui? De mettre fin aux troubles, de pourvoir aux moyens de les détruire ; et certes, Monsieur Torné, ce ne sera jamais avec votre tolérance, tout au plus admissible dans 20 ans, que vous y parviendrez. Ce système de philosophie est trop neuf; et il a besoin du temps, pour venir à sa maturité ; c'est un système de tolérance que, sans être soi-même intolérant, j'ai maudit cent fois depuis quelque temps, parce que cette tolérance a déjà fait plus d'une brèche a notre glorieuse Révolution.
La loi doit être une, Monsieur Torné, et celui qui la déchire, celui-là seul provoque l'anarchie.
Sans doute, les opinions religieuses sont libres par essence quant aux actes ; mais cette liberté cesse là où elles sont suivies d'actes extérieurs qui nuisent à la chose publique. Je ne m'arrêterai pas à le prouver ; cela n est malheureusement que trop démontré. Mais il y a plus, mon cher évêque; on ne dispute point sur le fond de la religion ; son dogme n'est pas changé. Dieu reste aux yeux des insermentés, comme aux nôtres, le créateur du ciel et de la terre ; en un mot, il ne s'agit que de discipline. Enfin, ce ne sont pas des sectaires que nous avons a combattre, mais des ennemis de la Constitution, des perturbateurs, des brigands, des monstres couverts du manteau de notre sainte religion, outragée par cette horde de mystiques souillés de tous les vices, livrés à toutes les passions, s'ho-norant même des vœux les plus atroces, et comptant pour rien le sang de nos frères (des Français enfin) pour qu'ils obtiennent ou qu'ils reprennent leurs cnapeaux rouges, leurs mitres, leurs crosses, leurs bonnets de docteurs, leurs petits rabats, et, avant tout, leurs biens immenses.
S'il en est qui voient, qui pensent autrement que moi, qu'ils parlent ! aussitôt, je leur dirai : vous êtes des législateurs dont la pusillanimité contraste étrangement avec les qualités qu'impose ce titre sacré; de ces législateurs indignes d'avoir obtenu, et criminels (ravoir accepté une mission pour laquelle on ne devait, on ne pouvait apporter des dispositions contraires au Jbien général et au vœu de tous les Français. Eh ! Monsieur Torné, et vous Messieurs, qui êtes partisans de ce faux, mais souple et ruse politique qui ne saurait échapper ici a nos regards sévères, mais justes, dites-moi: avez-vous, comme lui, à chercher bassement à concilier la méprisable faveur des insermentés, avec l'estime honorable des ser-mentés?
Voilà le système politique de M. l'évêque de Bourges; mais qu'il ne s'y trompe pas ! nous saurons toujours qu'il est ici l'aimant entre deux fers qu'il veut attacher à lui : aura-t-il le talent de les unir? Jadis orateur de la cour, il en a conservé la politique et le faux brillant : nous le verrons, et il ne saura jamais nous en imposer.
Enfin, que M. Torné apprenne que nous savons, que nous saurons toujours le voir, le reconnaître pour M. Torné pour le partisan d'un système inadmissible dans ce moment; aussi à peine l'Assemblée nationale a-t-elle daigné l'honorer de la question préalable.
Mais moi, toujours franc et sincère, toujours esclave du vœu de mes commettants, invariablement soumis et fidèle à celui de toute la nation, je dirai à M. Torné, et à ses chauds patisans (en très petit nombre, il est vrai), que jamais ils ne furent à l'ordre, que jamais ils ne parlèrent des causes des troubles intérieurs de l'Etat; je dis à M. Torné et à tous ses pervers partisans, que je les crois parjures, coupables au crime de lèse-Constitution, de lèse-vœu national; je dis enfin qu'ils se sont rendus criminels par le grand scandale, par l'affreux tumulte qu'ils firent et causèrent dans la séance d'hier ; et je conclus, avec tous les vrais amis de la Constitution, a ce qu'ils soient censés déclarés rebelles à la loi, et rappelés à l'ordre.
Séance du
présidence de m. viénot-vaublanc.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les Secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 18 novembre.
Un de MM. les Secrétaires fait lecture d'une adresse des citoyens de Riom, à VAssemblée nationale. Elle est conçue en ces termes :
« L'œil de la France était ouvert sur vous. La nation attendait dans un respectueux silence un décret qui répondît à la dignité d'un grand peuple. Ce décret est rendu. Les citoyens libres de la ville de Riom, département du Puy-de-Dôme, offrent à l'Assemblée législative le tribut d'hommages et de respect que lui mérite la mâle énergie qu'elle vient de développer. Fiers de l'attitude majestueuse des représentants du peuple français, aucune terreur ne saurait les atteindre, aucuns moyens de séduction ne pourraient altérer
leur attachement à la Constitution, leur soumission à la loi.
« Puissent les princes français, par un prompt retour au sein de leur patrie, prouver qu'ils peuvent encore devenir dignes de la confiance ae la nation !
« Puissent tous nos frères égarés, se rappeler qu'au milieu de nous respirent leurs femmes leurs enfants, tous ceux qui leur sont unis par les liens du sang et de l'amitié, et qu'il est cruel de compter au nombre de ses parents ou amis, des traîtres à sa patrie.
« Législateurs, la sagesse du décret que vous avez rendu, garantit à tous les Français votre fidélité à la loi, votre courage à en surveiller l'exécution, votre attention à tout ce qui intéresse l'ordre et la paix du royaume. Déjà vous aviez notre confiance, aujourd hui vous avez acquis les droits les plus sacrés à notre reconnaissance. » (Applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membre : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
L'ordre du jour et la discussion du projet de décret du comité des assignats et monnaies sur le brû-lement des assignats fautés ou surnuméraires appartenant à Vémission des 100 millions d'assignats de cinq livres, décrétés le 6 mai 1791.
, au nom du comité des assignats et monnaies. Messieurs, le 16 de ce mois, (1) vous avez rendu un décret d'urgence fondé sur l'empressement qu'on devait avoir à éteindre, le plus tôt possible, les bouts de série appartenant aux assignats gui ontété décrétés et qui sont maintenant en émission. Vous en avez ajourné le projet de décret à aujourd'hui. Je propose d'y ajouter qu'ils seront brûlés dans la cour de la caisse de l'extraordinaire, en présence des commissaires de l'Assemblée, du commissaire du roi et du public. C'est une omission que j'ai faite lors de la rédaction du décret. Le voici avec l'addition :
« L'Assemblée nationale, après avoir rendu, le 16 de ce mois, le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Le comité des assignats, chargé de suivre les opérations de la surveillance attribuée par
le Corps constituant aux commissaires établis par le décret des 21 et 22 mai dernier, pour la
fabrication des assignats de 5 livres, créés par le décret du 6 dudit mois, fera le compte et
recensement des assignats délivrés à l'imprimerie, remis au timbre et au numérotage, et qui,
lors du numérotage, ou de l'application du timbre, ont été mis hors d'état de servir par
quelque vice dans l'application du timbre ou des numéros, ainsi que de ceux qui se
trouveraient excéder la quantité qui a été nécessaire pour fournir lesdits 100 millions.
Après ledit recensement, ou au fur et à mesure, lesdits assignats qui n'ont pu servir, et
tous ceux qui se trouveraient excéder le nombre qui a rempli l'émission de 100 millions,
seront brûlés dans la cour de la caisse de l'extraordinaire, en présence des commissaires de
la dite caisse, du commissaire du roi et du public; il sera dressé procès-verbal desdits
compte, recensement et brûlement d'assignats, et il sera rendu public par la voie de
l'impression. »
au nom du comité de division, a la parole pour faire un rapport sur la question de savoir s'il y a compatibilité entre les fonctions de percepteur des droits d'enregistrement et celles d'administrateur; il s'exprime ainsi (1) :
Le même individu peut-il exercer simultanément les fonctions de percepteur des droits d'enregistrement et celles d'administrateur de district ou de département ? Telle est, Messieurs, la question soumise à la décision au Corps législatif, vous avez chargé votre comité de division, de vous présenter, a cette séance, un projet de décret. Je viens vous proposer ce projet en son nom, et vous exposer, en très peu de mots, les principes qui lui servent de bases.
Les décrets de l'Assemblée nationale constituante n'établissent rien de positif sur cet objet. La seule loi qui ait trait à la question, est l'instruction du 12 août 1790. L'article 11 de la section 6 du chapitre l,r de cette instruction porte que les contrôleurs des actes ne sont pas inéligibles aux fonctions municipales ou administratives.
Vous remarquerez d'abord, Messieurs, que l'éligibilité et la compatibilité sont deux choses de nature absolument différente ; et que, par conséquent, l'instruction du 12 août ne jette aucun lour sur la difficnlté qui nous occupe. Vous voudrez bien observer ensuite que l'état des percepteurs du droit d'enregistrement a totalement changé depuis cette époque. Au mois d'août 1790, les con-trôl eurs des actes n'étaient subordonnés et comptables qu'à l'administration générale des domaines. En ce moment, au contraire, les percepteurs du droit d'enregistrement et préposés à la régie des domaines nationaux sont immédiatement sous les ordres et la surveillance des corps administratifs. C'est la disposition textuelle de l'article 3 du titre 1er de la loi du 27 mai dernier, et du premier article de la loi du 12 septembre aussi dernier.
La position actuelle de ces percepteurs ainsi fixée, il me suffira de rappeler à l'Assemblée deux principes incontestables :
Il importe au bien public que nul ne soit en même temps surveillant et surveillé ;
Il importe au bien public que nul ne possède en même temps deux emplois, dont un seul doit absorber tout son temps.
La réunion de ces deux principes s'oppose à ce qu'un percepteur du droit d'enregistrement occupe une place dans un directoire.
Le premier de ces principes doit l'exclure même des conseils généraux des administrations. Son sort doit être le même que celui des receveurs de district. La loi les déclare éligibles aux places d'administration, à la charge d'opter.
Où il y a parité de cause, il doit y avoir parité d'effet.
Voici, Messieurs, le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division du royaume, décrète ce qui suit :
« Art. 1er Les fonctions de percepteur des droits d'enregistrement, de préposé à fa régie des domaines nationaux sont incompatibles avec celles d'administrateur de district ou de département.
« Art. 2. Dans le cas où ces percepteurs ou préposés seraient nommés par la suite à des
places
« Art. 3. Seront pareillement tenus d'opter ceux des percepteurs ou préposés qui auraient été élus à aes places d'administration, antérieurement au présent décret.
« Art. 4. Ceux desdits percepteurs ou'préposés qui n'auraient pas fait l'option ci-dessus dans la huitaine de leur élection, ou dans la huitaine de la publication du présent décret, seront censés démissionnaires de leurs recettes et emplois, et seront remplacés d'après les formes établies par le titre III ae la loi du 27 mai dernier. » ,
Je propose, pour remplir les formes constitutionnelles le décret qui suit :
« L'Assemblée nationale décrète que la discussion est ouverte sur le projet présenté par le comité de division. La lecture faite en ce moment est réputée première lecture : le projet sera imprimé et distribué, et l'Assemblée ajourne la seconde lecture à huitaine. »
Il me semble qu'on devrait étendre l'article sur ceux qui occupent des places dans les tribunaux, car je sais qu'il y a dans ce moment des contrôleurs d'enregistrement qui se trouvent avoir été nommés juges dans les tribunaux, et qui ne savent comment faire ; ils ignorent si les deux places sont incompatibles.
Je demanderai que l'Assemblée s'expliquât aussi sur cet objet.
, rapporteur. Nous l'insérerons dans le projet ae décret, si l'Assemblée le veut.
L'Assemblée adopte l'amendement et ordonne l'impression, la distribution et l'ajournement à huitaine de la seconde lecture du projet de décret dont la teneur suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division du royaume, décrète ce qui suit :
« Art. 1er Les fonctions de percepteurs des droits d'enregistrement et des préposés à la régie des domaines nationaux sont incompatibles avec celles de juges et d'administrateurs de district ou de département.
« Art. 2. Dans le cas où ces percepteurs ou préposés seraient nommés par la suite à des places de iudicature ou d'administration, ils seront tenus ae faire incessamment leur option.
« Art. 3. Seront pareillement tenus d'opter ceux desdits percepteurs ou préposés qui auraient été élus à des places de juges ou d'administrateurs, antérieurement au présent décret.
« Art. 4. Ceux desdits percepteurs ou préposés qui n'auraient pas fait l'option voulue, dans la huitaine de leur élection, ou dans la huitaine de la publication du présent décret, seront censés démissionnaires ae leurs recettes ou emplois ; et seront, comme tels, remplacés dans le mode prescrit par le titre III de la loi du 27 mai dernier.
Un membre du comité de division demande que ce comité soit autorisé à se procurer les cartes topographiques dont il a besoin.
(L'Assemblée accorde cette autorisation.)
Un membre : Je demande que le comité de division présente incessamment un projet de décret sur le mode à employer pour que les administrés et les administrateurs fassent connaître leur vœu, relativement à la réduction des circonscriptions nouvelles des districts et municipalités.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret du comités des contributions publiques sur une demande d'emprunt de 600,000 livres par la ville de Nantes pour achat de grains.
, au nom du comité des contributions publiques. La commune de Nantes est sur le point de manquer des subsistances qui lui sont nécessaires. Cette commune aurait déjà fait ses approvisionnements si elle avait eu les fonds nécessaires pour en acheter; et elle demande instamment que vous l'autorisiez à faire un emprunt de 600,(XX) livres. Votre comité vous a présenté, ces jours derniers (1), un projet de décret pour autoriser la ville de Nantes à emprunter la somme nécessaire à ces achats. Cette autorisation est extrêmement urgente. J'ai eu l'honneur de vous dire, au nom du comité des contributions publiques, qu'il n'y avait aucune espèce de difficulté. Le projet a été imprimé et distribué ; je ne pense pas que l'Assemblée ait besoin de plus de lumières pour statuer définitivement a cet égard. En conséquence, je vais vous lire successivement le décret d'urgence et le projet de décret :
Premier projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que la commune de Nantes n'a pu, jusqu'à ce jour, se procurer toutes les subsistances qui lui sont nécessaires, et que la saison avancée ne lui permet pas de perdre un instant pour compléter ses approvisionnements, et pour leur embarquement et transport, décrète qu il y a urgence.
Deuxième projet de décret.
« L'Assemblée nationale, vu la délibération du conseil général de la commune de Nantes, du 23 septembre dernier, les avis du directoire du district de la même ville et du département de la Loire-Inférieure, des 14 et 24 octobre suivant ; ouï le rapport de son comité des contributions publiques ; et après avoir rendu le décret d'urgence.
« Autorise la municipalité de Nantes à em-
Srunter la somme de 600,000 livres pour l'achat
es grains nécessaires à la subsistance de ses habitants, sous la garantie du 'seizième qui lui reviendra dans le prix des reventes des biens nationaux, pour lesquels elle a fait sa soumission, à la charge par elle de rembourser au fur et à mesure de la rentrée des fonds empruntés, et de rendre compte du tout au directoire du département.
Le premier soin d'un gouvernement est de veiller aux subsistances. Un coup d'œil
politique, jeté sur les approvisionnements, nous fait voir qu'on peut les doubler, sans qu'il
en coûte davantage. Ce moyen économe et multiplicateur consiste à distinguer les
approvisionnements des ports de mer d'avec ceux des villes de l'intérieur; ces dernières,
situées au milieu des terres, ne peuvent guère tirer de secours que des campagnes ou des pays
qui les avoisinent; si elles les tirent de plus loin, ses frais de transport rendent ce
secours trop onéreux. Il n'en est pas de même des villes maritimes qui, ayant des relations
au loin, et sachant dans quelle contrée de l'univers le grain est à bon compte, peuvent aller
s'en procurer ; en se pourvoyant chez l'étranger, elles laissent les
Brocurer. Si, au contraire, elle va en acheter à antzig, et dans les Etats-Unis, en Sicile ou en Barbarie, les environs de la Loire seront alimentés sans inquiétude, sans frais extraordinaires. Ainsi, je demande qu'en accordant à la ville de Nantes la somme qu'elle sollicite en avance, il soit décrété que cette même somme sera employée à acquérir des blés étrangers; et je demande, en outre, que la motion que je fais aujourd'hui soit renvoyee aux comités de commerce et des contributions publiques réunis afin qu'ils présentent un décret portant des moyens suffisants pour favoriser l'achat des blés ohez
l'étranger, afin de pouvoir laisser les blés, dans l'intérieur du royaume, aux habitants de
vinces centrales. des pro-
, rapporteur. La commune de Nantes, d'après son arrêté pris en conseil général, expose qu'elle a fait toutes les démarches possibles dans les pays du Nord, notamment en Pologne, en Russie, et dans d autres contrées semblables, pour en tirer des grains; que de ses correspondances actives, il en résulte qu'elle ne peut point espérer une quantité suffisante pour subvenir pendant toute 1 année à la subsistance de la commune de Nantes et des environs, et qu'en conséquence, elle a envoyé des commissaires à Orléans pour faire des achats de grains pour 300.000 livres. Il ne serait pas dans votre intention de vouloir exclure une ville importante de l'achat des grains dans l'intérieur du royaume; ce serait nuire à la fois à la liberté du commerce et contrevenir à la loi qui ordonne la circulation libre des grains; ce serait manquer à la foi publique, et ce serait en même temps nuire essentiellement à la ville de Nantes, puisqu'elle a déjà fait des achats. Je demande donc, si l'on a à porter une loi, que cette loi n'ait point d'effet rétroactif; que la commune de Nantes puisse librement contracter, et que toutes les obligations qu'elle a contractées jusqu'à ce jour soient maintenues.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il y a urgence.)
J'ai un amendement à proposer. Il me semble que le décret rend la nation sol-vable des pertes qui se feront sur les blés, et voici ce qui me le fait croire :
Par le décret sur les dettes des municipalités, il est dit que les municipalités sont autorisées à vendre leurs biens patrimoniaux pour payer leurs dettes; et si ces biens ne suffisent pas, l'excédent sera pris sur le seizième du bénéfice des ventes des biens nationaux. Ce même objet doit être employé à acquitter les dettes particulières, et, ensuite, la nation doit se charger des dettes qui resteraient à acquitter. Si actuellement, vous hypothéquez le bénéfice de la vente des biens nationaux que peut faire la ville de Nantes, vous aurez une plus grande masse de ses dettes particulières à payer. Je demande donc qu'on autorise la commune de Nantes à emprunter; mais à la charge, pour la municipalité, de rembourser sur ses biens, si elle en a, ou, si elle n'en a pas, par des sols additionnels.
Un membre : Je demande qu'on fixe pour ce remboursement un délai, soit de dix-huit mois, soit de deux ans; mais qu'il soit bien spécifié qu'il ne pourra dépasser trois années.
jeune. Soyons circonspects à donner aux municipalités le droit d'imposer des sols additionnels; cette ressource est extrême, et on ne doit y avoir recours que dans de pénibles circonstances.
Voix diverses : La priorité pour le délai de 18 moisi — La priorité pour le délai de deux ans!
(L'Assemblée accorde la priorité à la proposition qui fixe le délai à 18 mois et adopte ensuite cette proposition, ainsi que le projet de décret et l'amendement de M. Cambon.)
Suit la teneur de ce décret tel qu il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
L Assemblée nationale, considérant que la commune de Nantes n'a pu, jusqu'à ce jour, se procurer toutes les subsistances qui lui sont nécessaires, et que la saison avancée ne lui permet pas de perdre un instant pour compléter les approvisionnements et pour leur embarquement et transport, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, vu la délibération du conseil général de la commune de Nantes, du 23 septembre dernier, les avis du directoire du district de la même ville et du département de la Loire-Inférieure, des 14 et 24 octobre suivant : ouï le rapport de son comité des contributions publiques, et, après avoir rendu le décret d'urgence, autorise la municipalité de Nantes à emprunter la somme de 600,000 livres pour l'achat des grains nécessaires à la subsistance de ses habitants, à la charge par elle de rembourser au fur et à mesure de la rentrée des fonds empruntés, et à la charge de rembourser le déficit, s'il y en a, avec le produit de ses revenus particuliers, ou d'un impôt en sols additionnels ; à la charge, enfin, de rendre compte de tout au directoire du département, et de faire le remboursement dans le délai de 18mois au plus tard.
« Décrète, en outre, que le présent decret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Un membre : Il est nécessaire que nous connaissions la situation de toutes les municipalités du royaume. Il en est peu qui aient rendu leurs comptes aux corps administratifs, et elles pourraient, comme celle de Nantes, dans des circonstances malheureuses, venir vous demander des secours ; vous seriez encore obligés de rendre un décret de confiance. Pour éviter cet inconvénient, je demande que vous chargiez un de vos comités de vous présenter un projet de loi qui tende à vous faire connaître la situation de toutes les municipalités, car elles ne la connaissent pas elles-mêmes.
Un membre : Si les municipalités ne connaissent pas leur situation, c'est leur faute; elles ont eu assez de temps pour cela. Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité colonial, a la parole pour faire un rapport sur Vadmission de M. Bertrand comme député de Vile Bourbon au Corps législatif; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, il est superflu, je crois, de citer à des législateurs des lois qu'ils doivent
connaître. Vous savez, en effet, que 1 Acte constitutionnel dit
Votre comité colonial a donc pensé qu'il serait tout à la fois contraire à la justice et à la saine politique de né pas adopter ces principes ; l'intérêt ae la France, l'intérêt des colonies sollicitent leur exécution. C'est d'après ces principes incontestables que le députe de l'île Bourbon demande à s'asseoir parmi vous. Il a soumis ses titres à notre examen. Nous allons, Messieurs, les exposer rapidement à vos yeux, sans nous appesantir plus longtemps sur une question de droit que nous croyons décidée en faveur des colonies.
L'assentiment général de l'île Bourbon est en faveur de son député; mais il n'a pas réuni tous les suffrages. Il paraît que de chauds partisans de l'ancien régime, effrayés de sa nomination, ont protesté et fait protester vivement contre elle. Est-il étonnant que la liberté française ait trouvé des ennemis dans des lieux flétris par l'esclavage? Il s'agit de déterminer quel degré de confiance on doit accorder à des protestations partielles et jusqu'à quel point elles peuvent balancer le vœu de la grande majorité des colons, qui députent un représentant à cet immense éloignement de leur patrie, témoignage éclatant de leur attachement à nos lois.
L'assemblée coloniale'avait, sans contredit, le caractère exigé par la loi du 8 mars ; et c'est en vain qu'on prétend invalider ses opérations. Ainsi, Messieurs, après avoir attentivement examiné ses travaux, après avoir pris une connaissance approfondie de toutes ses délibérations ralatives a l'élection d'un député, nous pensons que la nomination du premier suppléant sur la démission du député ne peut être annulée par les réclamations de quelques paroisses que l'ordonnateur de la marine a Brest vous a fait' parvenir. Ces réclamations partielles contiennent d'ailleurs des faits inexacts ; des femmes même les ont signées, et l'on a poussé l'impudeur jusqu'à les charger aussi du seing d'un particulier qui réside à Paris depuis plusieurs années ; elles attaquent indécemment le mérite du député; tandis que la grande majorité de ses concitoyens lui rend hommage, ainsi qu'il est prouvé par des pièces authentiques, par les messages et les félicitations de la presque totalité des paroisses, par les récompenses mêmes accordées à son patriotisme et à ses talents.
Au surplus, Messieurs, ces réclamations semblent être le fruit de la haine, de la jalousie, et tranchons le mot, de l'intérêt personnel. Elles ont été mendiées par les membres du conseil de l'île Bourbon, ce corps judiciaire insolemment despotique, qui, lui-même, a fait une protestation dans laquelle perce, à travers une morgue puérile, toute la fierté, tout l'esprit dominateur de nos ci-devant parlementaires. C'est à la chambre même du conseil qu'ils ont arrêté de protester contre les opérations de l'Assemblée coloniale et contre le départ du député.
Remarquez ici, Messieurs, que cette protestation dérisoire a eu lieu dès l'instant où l'assemblée coloniale a voulu introduire dans l'île les réformes relatives à l'ordre judiciaire. Rien n'a plus été sacré pour ces magistrats hautains lorsqu'ils ont pressenti que leur règne était passé. Ëh! n'ont-fls pas excité, dans certaines paroisses, quelques habitants inconsidérés à émettre un vœu pour la conservation de l'ancienne magistrature? Plusieurs de ces habitants, officiers de
milice et commandants de quartier, avait d'ailleurs eux-mêmes le plus grand intérêt au maintien de l'ancien régime, qui récompensait leur paresse et leur inutilité par des grades, des commandements et des décorations.
Voilà, Messieurs, l'unique source des réclamations partielles qui vous sont parvenues, non pas officiellement, mais par des voies particulières.
Rien, Messieurs, ne nous paraît, conséquem-ment, devoir s'opposer à l'admission de M. Bertrand, député de 1 île Bourbon, envoyé par cette colonie à une distance de 5,000 lieues, pour la représenter dans le Corps législatif, soutenir ses droits, et vous exposer le tableau fidèle de ses besoins. Votre comité a vérifié ses pouvoirs avec la plus scrupuleuse exactitude ; ils lui ont paru très réguliers; il vous propose en conséquence de rendre le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, adoptant l'avis de son comité colonial, a jugé légitime la députation du sieur Bertrand au Corps législatif, pour la colonie de Bourbon; elle a déclaré ses pouvoirs vérifiés et l'a admis dans son sein. »'M
Le rapport qu'on vient de vous faire concerne une question très importante. Le Corps législatif doit-il admettre dans son sein des députes des colonies ? Comme cette matière exige de mûres réflexions, et que, d'ailleurs, M. le rapporteur n'a pu se faire entendre, je demande l'impression et l'ajournement du rapport.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Brissot de Warviile.)
Un membre : Vous avez rendu, la semaine dernière, un décret sur le remplacement des officiers aux emplois vacants dans Varmée de ligne. Parmi les dispositions sages qu'il renferme, il en est une qui est susceptible de diverses interprétations, ce qui pourrait donner lieu à des difficultés. Il est nécessaire, Messieurs, de fixer les idées sur son vrai sens, afin que cette question ne soit pas arbitrairement interprétée. Quand vous avez prononcé que ceux qui remplaceraient les officiers déserteurs ou 1 démissionnaires seraient pris, moitié parmi les gardes nationales, moitié parmi les sous-officiers des troupes de ligne, avez-vous entendu comprendre sous cette dernière dénomination les sous-officiers de la gendarmerie nationale?
Je crois qu'il est inutile que l'Assemblée nationale s'explique là-dessus, parce qu'il est hors du doute que la gendarmerie nationale fait partie de 1 armée de ligne. Je demande la question préalable.
Un membre : Je demande le renvoi au comité militaire, parce qu'autrefois la gendarmerie ne faisait pas partie de l'armée.
(L'Assémblée décrète qu'il y a lieu à délibérer et renvoie la motion au comité militaire.)
, au nom du comité de liquidation, fait une troisième lecture (1) du projet de décret tendant à assujettir à la retenue d'impositions les intérêts des capitaux liquidés ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, après avoir entendu^
les trois lectures du projet de décret dans les séances des 25 octobre, 3 et 19 du présent
mois, et après
« Considérant que l'intérêt des capitaux, valeur des offices supprimés, doit supporter une retenue représentative des impositions que les offices en nature auraient supportées ;
« Considérant que la nation, succédant aux dettes des divers corps supprimés, n'en doit les intérêts qu'au taux auquel ces corps les auraient payés, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'intérêt des sommes dues aux titulaires d'offices et aux créanciers des corps et communautés ecclésiastiques pour dettes exigibles, à compter du jour où cet intérêt est dû suivant les lois antérieures, continuera d'être calculé à 5 0/0, mais sera sujet à la retenue des 2 vingtièmes et 4 sols pour livre du premier vingtième jusqu'au 1er janvier 1791, et, depuis cette époque, à la retenue du cinquième, conformément a la loi du 10 juin dernier.
Art. 2.
« L'intérêt des sommes adjugées judicielle-ment, soit aux créanciers de l'État, soit à ceux des corps et communautés ecclésiastiques ou laïques, sera calculé sur le même pied, et sujet à la même retenue.
Art. 3.
« Cette retenue sera pareillement faite sur les intérêts dus pour raison des contrats souscrits par les communautés religieuses, les corporations judiciaires, les communautés d'arts et métiers, les pays d Etats, et généralement sur tous intérêts dus par la nation comme succédant au débiteur originaire, dans tous les cas où les débiteurs n'auraient pas été autorisés, par lettres patentes dûment enregistrées, à stipuler la non-retenue d'impôts, ainsi que sur tous intérêts moratoires.
Art. 4.
« Les rentes à 4 0/0 seront exemptes de la retenue, lorsque les parties l'auront ainsi stipulé. »
jeune. Le décret qu'on vous propose a été rejeté dix fois par l'Assemblée constituante. Elle donne plus d avantage aux titulaires d'offices non liquidés qu'à ceux qui le sont. Vous ne pourriez l'adopter aujourd'hui sans donner un effet rétroactif à la loi. Sous ce rapport, je demande la question préalable sur ce projet, jusqu'à ce quelle comité de liquidation vous présente un état de la liquidation des finances.
La question qui a été présentée plusieurs fois au corps constituant, ne portait pas sur le même objet. Elle concernait les intérêts des effets au porteur; et l'Assemblée constituante a eu raison de regarder ces intérêts comme sacrés. Ici, ce sont des créances hypothéquées sur des biens fonds. Il n'y a aucune injustice de la part de la nation, qui paye à 5 0/0 l'intérêt des offices dont elle s'est engagée à payer les capitaux, à faire, sur cet intérêt, la même retenue à laquelle ont droit les débiteurs vis-à-vis de leurs créanciers particuliers. Le comité ne fait qu'exécuter la loi relative à la contribution foncière. La retenue qu'on vous propose aujourd'hui ne fait donc aucun tort aux créanciers des officiers de judicaturé. puisque, d'après cette loi, ils l'auraient eux-mêmes supportée.
Un membre : Dans l'ordre]des titulaires, il en est qui ont présenté leurs titres pour leur liqui-r dation ; ceux-là ont touché leur remboursement,
sans aucune retenue. D'autres n'ont point présenté leurs titres et n'ont pu être liquidés. Or, ferez-vous éprouver aux derniers une réduction que les premiers n'ont point supportée? Ce serait donner à la loi un effet rétroactif; ce serait faire une injustice.
, rapporteur. Je ne serais pas embarrassé d'établir que le projet du comité repose sur une base de justice. Mais, pour ne pas faire perdre le temps à l'Assemblée, je propose l'ajournement! *
Comment peut-on ajourner un projet de décret, lorsqu'on l'a discuté quatre fois, et qu'on est obligé de payer tous les jours des intérêts considérables?
(L'Assemblée ordonne l'ajournement à lundi.)
Un membre : Je demande, au nom du comité diplomatique, à lire un rapport qui a été ajourné à aujourd'hui.
Je demande la parole, au nom du comité de la Trésorerie nationale, pour présenter un projet de décret sur la comptabilité des ministres. Cette question est très urgente.
Un membre : Ce n'est pas à l'ordre du jour.
jeune. Pour épargner aux comités des finances la peine d'être renvoyés lorsqu'ils ont à proposer quelque projet de décret, je demande qu'il soit fixé deux jours par semaine destinés à entendre les rapports des divers comités de finance.
Un membre : Les finances sont à l'ordre du jour pour toutes les séances; en conséquence, je demande que M. Cambon soit entendu.
J'appuie cette observation, c'est là le principal objet de notre mission, et je demande, qu'après ce rapport, l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Cambon sera entendu.)
, au nom du comité de la Trésorerie nationale, a la parole pour faire un rapport sur les comptes à rendre par les ministres ; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, vous avez chargé votre comité de la Trésorerie nationale d'examiner un projet de décret qui vous a été présenté, tendant à demander aux ministres l'exécution de l'article 7 de la section IV du chapitre II de la Constitution.
Vous l'avez aussi chargé d'examiner si les ministres sortant de place, soit par démission ou par révocation, doivent être tenus de rendre compte au Corps législatif de leur administration, et de l'emploi des sommes affectées à leur département.
Enfin, vous l'avez chargé d'exécuter le décret du 1er mars dernier, qui ordonnait au comité des finances de présenter à l'Assemblée constituante l'état de la radiation des traitements, etc.,
?ui avait dû être faite d'après les décrets des
janvier dernier, et 18 décembre 1790.
Je vais vous présenter les vues de votre co-ihité sur ces trois questions, et vous proposer un projet de décret.
1° Des qu'il s'est élevé une voix dans l'Assemblée pour réclamer l'exécution de l'article 7
de la section IV du chapitre II de la Constitution, portant que les ministres sont tenus de
présenter, chaque année, au Corps législatif, à l'ouverture de fa session, l'aperçu des
dépenses à faire
Mais on n'a pas été également d'accord sur la nature et l'époque de ce compte, les uns ayant prétendu quil devait être rendu de suite; les autres, qu'il ne devait être rendu qu'à la fin de l'année ; enfin, il s'est élevé la question de savoir si, lorsqu'un ministre donnait sa démission, ou lorsqu'il plaisait au roi de le révoquer, le Corps législatif devait exiger le compte du ministre récédé.
Pour bien décider ces questions, il faut se fixer sur ce qu'on entend par les mots compte et comptabilité; ces expressions servant dans des acceptations fort différentes. Un compte rendu par des commissaires, n'est pas un compte de gestion ; un compte de gestion sans maniement de deniers, ne^ constitue pas proprement comptable celui qui doit le rendre; celui qui a administré, qui a ordonné des dépenses, doit un compte d'ordonnateur, c'est-à-dire qui serve à justifier que les dépenses ont été bien et légitimement ordonnées : enfin, celui qui a le maniement des deniers, est véritablement le comptable.
Il serait peut-être essentiel de distinguer ces espèces de comptabilités par des dénominations différentes, parce que plusieurs citoyens les confondant, il résulte souvent des réclamations mal fondées, qui peuvent avoir les suites les plus funestes. Nous en avons l'exemple dans l'application que les ennemis du bien public en ont faite à la fin de la session du corps constituant.
La loi décrétée le 27 avril dernier, et sanctionnée le 25 mai suivant, en déterminant les fonctions attribuées à chaque ministre, règle la nature et l'époque de leur comptabilité.
Chargés de l'exécution des lois relatives à leur département, les ministres doivent rendre compte de tout ce qui est relatif à leur administration. Cette partie méritant la plus grande surveillance, le Corps législatif aie droit d'exiger à tout instant les comptes qu'il juge être nécessaires; et les ministres sont en outre obligés, par le décret du 27 avril dernier, de les rendre chaque année à l'ouverture de la sesion du Corps législatif.
Ces comptes, qu'on peut appeler de gestion, vous ont été déjà rendus : vous les avez renvoyés à l'examen de vos comités ; il ne vous reste qu'à déterminer l'époque pour entendre leur rapport, afin de vous assurer s'ils remplissent toutes les obligations imposées par le décret du 27 avril dernier.
Les ministres, outre les comptes de gestion, doivent rendre compte de l'emploi des deniers affectés à leur département. L'Acte constitutionnel ne laisse aucun doute à cet égard, puisqu'outre l'article 7, cité ci-devant, on trouve l'article 3 du titre V, chapitre V, qui porte : « Les comptes détaillés de la dépense des départements ministériels, signés et certifiés par les ministres ou ordonnateurs généraux, seront rendus publies, par la voie de l'impression, au commencement des sessions de chaque législature ; il en sera de même des états de recette des diverses contributions et de tous les revenus publics : les états de ces dépenses et recettes seront distingués suivant leur nature, et exprimeront les sommes touchées et dépensées année par année dans chaque district. »
Il résulte évidemment de ces dispositions, que le compte que doivent rendre les ministres, n est pas simplement un compte de leur administration, tel qu'ils vous Pont rendu, mais un compte de la destination qu'il leur aurait plu de faire des fonds remis à leur disposition par le Corps législatif.
Ce compte, à la vérité, ne doit pas être confondu avec celui du payeur, dont la connaissance est renvoyée à un bureau de comptabilité chargé d'examiner les quittances et acquits comptables ; ce n'est pas non plus un simple état au vrai, qui sert momentanément pour connaître la fixation de la fortune publique ou d'une caisse particulière, mais qui ne peut éclairer la nation sur la légitimité des dépenses ; mais un compte détaillé des ordonnances qu'ils ont fournies, et c'est ce qu'on doit appeler un compte d'ordonnateur.
Il n'est pas nécessaire que ce compte embrasse les détails des parties rappelées nominativement dans chaque ordonnance : ces détails, qui ne serviraient qu'à multiplier les calculs, devront être fournis par les ministres aux comités qui seront chargés de la vérification.
Ces comptes qui, dans ce moment, paraîtront peu instructifs à plusieurs personnes, parce que les décrets qui ont déterminé et réglé les dépenses de l'année 1791 ont été rendus dans un temps où tous les détails n'étaient pas suffisamment connus, seront très intéressants à l'époque que la Constitution a eu en vue, c'est-à-cure lorsque les dépenses auront été réglées d'avance par le Corps législatif, sur un aperçu exact, et surtout lorsque les ministres auront exécuté l'article 26 du décret du 27 avril dernier, qui porte : « Au commencement de l'année, chaque ministre sera tenu de dresser un état de distribution, par mois, des fonds destinés à son département, et de communiquer cet état au comité de Trésorerie, qui le présentera au Corps législatif avec ses observations. Cet état sera arrêté par le Corps législatif, et il ne pourra plus y être fait de changement qu'en vertu d'un décret. »
Si le passage de l'ancien régime au nouvel ordre de choses ne permet pas encore cette précision dans les aperçus, cette régularité dans les états de distribution, cette invariabilité, du moins, dans les grandes masses des dépenses publiques, on ne doit pas moins tendre à ce but si désirable, et préparer les moyens de l'atteindre, en suivant la route indiquée par la Constitution, puisqu'à cette époque le Corps législatif et tous les citoyens pourront juger si les dépenses ont été légitimes, si elles se rapportent aux bases invariables indiquées par les décrets d'assignation de fonds, et si l'on n'a négligé aucune économie ; puisque c'est à cette époque qu'il ne sera plus facile aux ministres de détourner les fonds de la destination qui leur était affectée, ou que s'ils le tentaient les commissaires de la Trésorerie nationale, qui auront des bases certaines, desquelles ils ne pourront s'écarter sans s'exposer aux peines de la responsabilité, leur opposeront une surveillance toujours active, et seront forcés de refuser le payement des sommes que les ministres voudraient employer par anticipation, ou qui n'auraient pas été décrétées ; puisqu'enfin c'est à cette époque heureuse que 1 ordre renaîtra dans les finances, que la chose publique sera en sûreté, que la confiance sera entière, et que la Constitution sera consolidée.
Il existe encore une dette arriérée dans tous
les départements ; il importe que le montant en soit connu de la nation, afin que, l'état une fois, arrêté par le Corps législatif, les ministres ne puissent plus se servir ae ce prétexte pour fournir des ordonnances non décrétées sur le Trésor public.
L'Assemblée nationale constituante avait prévu la nécessité d'acquérir cette connaissance, puisque, par son décret du 22 janvier 1790, article 7, elle avait ordonné que les administrateurs de chaque département, et ordonnateurs de toute dépense remettraient, dans un mois, un état certifié des dépenses arriérées dans leurs départements.
Le 7 avril suivant, autre décret, qui ordonne l'exécution de cet article ; cependant, cet état n'a pas été remis. Votre comité pense que vous devez en exiger la prompte exécution.
2" L'époque de la reddition des comptes par les ministres est assez clairement déterminée par la Constitution, et par la loi du 27 avril dernier. Les ministres sont comptables toutes les fois qu'ils en sont requis par le Corps législatif ; mais ils sont tenus de les rendre à l'ouverture de chaque session : c'est à cette époque qu'ils doivent être rendus publics par l'impression.
Inutilement voudrait-on mettre en contradiction ces expressions avec celles qui se rapportent à chaque année : ces derniers mots supposent seulement que le Corps législatif peut interrompre ses séances, et les reprendre par une ouverture de session : il n'en résulte donc autre chose sinon qu'il doit y avoir dans le courant de chaque année un compte rendu et public ; et la preuve sans réplique que l'époque de ce compte n'est pas fixée au commencement de l'année, c'est que l'ouverture de la session qui détermine l'époque de la reddition du compte, est fixée au 18P mai de chaque année.
II ne doit donc exister aucun doute que les ministres auraient dû vous rendre les comptes indiqués par la Constitution : mais, comme, dans un nouvel ordre des choses, il peut exister quelque difficulté sur l'interprétation des mots, votre comité a cru que vous deviez réclamer l'exécution de la loi, et que les ministres vous présenteront d'ici au 1er décembre prochain le compte qu'ils doivent vous rendre de l'emploi des sommes affectées à leur département ; compte qu'on doit appeler compte d'ordonnateur.
Ces comptes, qu'il est urgent d'exiger, serviront de base pour régler d'une manière certaine l'ordre de comptabilité que vous devez établir.
L'aperçu des dépenses que les ministres doivent fournir à l'ouverture ae la session, n'est pas moins important, puisqu'il est nécessaire à vos comités pour régler les dépenses de l'année 1792, qu'il est urgent de déterminer ; aussi votre comité a-t-il pensé que vous deviez l'exiger d'ici au 1er décembre prochain, époque déjà peut-être trop éloignée pour préparer le travail que vous avez à faire dans cette partie.
Votre comité a pensé aussi qu'outre les comptes et l'aperçu des dépenses que les ministres seront tenus de vous fournir d'ici au 1er décembre prochain, qui doivent servir de bases au travail de vos comités, vous deviez décréter que les ministres seront tenus d'exécuter, dans le mois de mai prochain, l'article 7 de la section IV du chapitre IV ae la Constitution. Par ce moyen, vous établirez l'époque de la reddition des comptes annuels, vous observant que c'est à cette époque que le renouvellement au Corps législatif s'opère.
Cette époque est très avantageuse, puisqu'elle
accorde aux ministres un délai de quatre mois pour se procurer les pièces nécessaires, et que les comités auront huit mois pour régler les dépenses de l'année suivante.
3° Les ministres étant obligés de rendre compte toutes les fois qu'ils en sont requis par le Corps législatif, la question de savoir si le Corps législatif doit exiger des comptes à chaque renouvellement de ministre, présente peu d'intérêt; cependant votre comité a pensé qu'il importait d'éclairer l'opinion publique sur cet objet. Les agents du pouvoir exécutif peuvent chan-
ger, sans que les fonctions que leur attribue la onstitution doivent être regardées comme interrompues ou divisées, ni dans leur principe, ni dans les effets de la responsabilité : autrement, à chaque changement ou démission, le Corps législatif serait obligé d'apurer de nouveaux comptes d'un même ordonnateur, d'un même département; il serait obligé de s'assembler ex-traordinairement lorsque les ministres seraient renvoyés ou se retireraient pendant l'époque de ses vacances; et le moindre inconvénient qui
Sût en résulter serait, en procèdent à l'examen e semblables fractions de comptes, de s'exposer à prononcer une absolution précipitée, sur des renseignements incomplets, laquelle néanmoins suffirait pour anéantir la responsabilité en cette partie, et du ministre entrant et du ministre remplacé.
Quand on se renferme étroitement dans les principes constitutionnels, la solution de la question se présente naturellement. L'époque ae la reddition des comptes arrivée, c'est au ministre en place à le rendre, en quelque temps qu'il ait commencé d'administrer; parce qu'alors il a dû lui-même s'assurer de l'état dans lequel l'ordonnateur auquel il succède a laissé les finances dont il avait la disposition pour les dépenses de son département; parce que, s'il eût découvert quelque malversation, son devoir eût été d'en informer lui-même le Corps législatif sous sa responsabilité : non que l'on puisse dire qu'en se chargeant de ce compte, ou plutôt en transmettant au Corps législatif la partie de ce compte qui lui a été rendu, il devienne responsable en son propre nom, de la légitimité des dépenses ordonnées par son prédécesseur, ce qui serait aussi inutile qu'injuste, puisque le prédécesseur n'est pas lui-même déchargé de la responsabilité de ses faits personnels, et que l'action, pour s'exercer utilement, ne souffre aucun retard, dans la supposition où les dilapidations n'ont pas été reconnues et constatées au moment de sa sortie du ministère.
C'est d'après ces principes que l'Assemblée constituante a rendu le décret du 8 août dernier, qui porte : « Que les ordonnateurs de divers services ne seront tenus de certifier que les dépenses et recettes qu'ils ont dirigées, qu'ils rappelleront pour les gestions qui leur sont étrangères les états de situation fournis par leurs prédécesseurs. »
4° Quant à l'état des appointements, traitements ou pensions des fonctionnaires publics et pensionnaires de la nation, absents du royaume sans mission expresse du gouvernement, ou qui, étant employés clans les pays étrangers, n'ont pas prêté le serment civique dans le délai prescrit, supprimés d'après les décrets des 4 janvier et 18 décembre 1790, et que vous avez chargé votre comité de vous présenter; il a pensé que c était du ressort du pouvoir exécutif, et que vous deviez décréter que les ministres vous en rendront compte d'ici
au 1" décembre prochain, chacun pour ce qui concerne son département.
Cet état sera très intéressant puisqu'il vous présentera le tableau des économies faites sur les ennemis de la patrie qui ont déserté leur poste; ces économies remplaceront, en partie, les dépenses extraordinaires qu'ils ont occasionnées.
Votre comité a pensé qu'il conviendrait que les comités auxquels vous avez renvoyé les comptes de gestion qui vous ont été rendus par les ministres, fissent incessamment leurs rapports à l'Assembléej afin de déterminer s'ils remplissent tous les obligations qui sont imposées par la loi du 27 avril dernier, et il a arrêté le projet de décret suivant, pour lequel il pense qu'il n'est pas nécessaire de procéder à trois lectures, ni de décréter l'urgence, puisqu'il n'est relatif qu'à une reddition des comptes et à la responsabilité des ministres.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la Trésorerie nationale, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Les ministres présenteront à l'Assemblée, d'ici au 1er décembre prochain, l'aperçu des dépenses à faire pour l'année 1792 dans leur département.
Ils rendront compte, dans le même délai, de l'emploi des sommes affectées à leur département pour l'année 1791, d'après les décrets de l'Assemblée nationale constituante, en fournissant un état détaillé de la nature et des sommes des ordonnances qu'ils auront expédiées jusqu'au 1er décembre prochain pour en autoriser le payement.
Ils indiqueront à l'Assemblée, dans le même délai, les abus qui auraient pu s'introduire dans les différentes parties du gouvernement.
Art. 2.
Les ministres fourniront aussi, dans les mêmes délais, un état de ce qui pourra rester dû dans leur département, tant sur l'année 1790 que sur les années antérieures. Cet état indiquera la nature et l'époque de chaque article des dépenses arriérées.
Art. 3.
Les ministres seront en outre tenus d'exécuter, dans le mois de mai prochain, ce qui leur est prescrit par l'article 7 de la section IV du chapitre II, et par l'article 3 du titre V du chapitre V de la Constitution.
Art. 4.
Les ministres présenteront aussi à l'Assemblée, d'ici au 1er décembre prochain, l'état de radiation qui a dû être faite en exécution des décrets des 4 janvier et 18 décembre 1790, des appointements, traitements et pensions des fonctionnaires publics ou pensionnaires de la nation qui, à cette époque, étaient absents du royaume, ou qui s'en sont absentés depuis, sans mission expresse du gouvernement; et de ceux qui, étant employés dans les pays étrangers, n'auraient pas prêté le serment civique dans le délai prescrit.
Votre comité n'a pas cru devoir vous proposer actuellement l'impression des comptes demandés aux ministres ; il a pensé que vous deviez examiner auparavant s'ils rempliraient les vues indiquées par la Constitution.
Messieurs, j'ai à vous présenter au nom du comité des dépenses publiques un rapport qui se lie essentiellement à celui
que l'Assemblée vient d'entendre. Je vous prie d'en ordonner la lecture.
(L'Assemblée décide que M. Lafon-Ladebat sera entendu.)
, au nom du comité des dépenses publiques, a la parole pour faire un rapport sur le travail de ce comité; il s'exprime ainsi (1) : Messieurs, vous avez chargé votre comité des dépenses publiques de vous présenter l'état des fonds nécessaires pour satisfaire, pendant 1792, aux intérêts de la dette nationale, et aux dépenses, ou déjà fixées par la loi, ou devant être déterminées chaque année.
Nous avons cru, Messieurs, que notre premier devoir était de mesurer l'étendue du travail que vous nous avez confié; de nous rendre compte de l'ensemble des dépenses publiques et de leurs principales divisions, afin d en embrasser le système entier.
Il est temps que la nation connaisse les charges qu'elle doit supporter; et le premier vœu de votre comité a été rengagement sacré de porter le plus grand ordre et la plus grande clarté dans cette partie importante de l'administration.
L'Assemblée nationale constituante n'avait pas de comité des "dépenses publiques : nous n'avons donc trouvé, ni dans les archives nationales, ni dans les secrétariats des comités, aucun papier particulier de quelque importance qui pût nous guider dans le travail que nous avions à entreprendre.
Lesprocès-verbaux de l'Assemblée constituante, et les divers rapports qui lui ont été faits pour décréter les dépenses, et les moyens de 1791, ont été les seuls éléments du tableau systématique de dépenses publiques, que nous avons cru devoir adopter.
L'Assemblée constituante, entraînée par les circonstances et par l'immensité de ses travaux, n'a pu répandre sur les finances publiques la lumière qu'elle aurait sans doute désiré d'y porter.
La nation attend de nous ce que nos prédécesseurs n'ont pu faire; et nous aurons assez mérité de la patrie, si les finances ordonnées par nos soins, assurent à tous les créanciers de l'Etat le payement de leurs créances ; au crédit public, des "bases certaines ; à toutes les parties ae l'administration, l'activité qu'elles doivent avoir.
La discussion des moyens est étrangère à votre comité des dépenses publiques ; il doit se borner à vous présenter le tableau des fonds nécessaires pour les dépenses qu'exigent l'organisation de l'Empire, sa force publique, et le développement rapide de tous les bienfaits de la liberté. Cependant, Messieurs, votre comité ne perdra pas de vue les moyens actuels: et il se fera une loi sévère de l'économie que lui prescrivent les efforts que la nation a déjà faits, ceux qu'elle a encore à faire, et la masse des dettes que l'ancien régime avait accumulées, et que le peuple français a eu la justice et la loyauté de vouloir acquitter.
Tels sont les principes qui guideront votre comité des dépenses publiques : et il ne doute pas que ce ne soit aussi ceux de cette Assemblée entière.
Cette marche est la seule qui puisse nous apprendre à distinguer les projets utiles de ceux que des vues particulières auront dictés.
Ces premières bases posées, nous avons cru
devoir demander aux ordonnateurs généraux l'état de leurs dépenses pour 1792 en distinguant les dépenses ordinaires des dépenses extraordinaires, et en indiquant les décrets qui les ont autorisées, afin que nous puissions comparer ces deux années, et ne vous proposer que dés dépenses dont la nécessité avait déjà été reconnue par l'Assemblée constituante, ou que nous pourrons nous-mêmes vous démontrer.
Par un décret général , vous avez autorisé vos comités à demander, dans les bureaux de l'administration, tous les renseignements nécessaires à leurs travaux ; et la Constitution impose aux ministres de rendre leurs comptes, et de présenter l'état de leurs dépenses au commencement de chaque mois : ainsi, nous avons cru nous conformer à vos intentions et à la loi; nous n'avons pas encore reçu les états que nous avons demandés. M. Delessart, chargé, par intérim, des affaires étrangères, est le seul qui nous ait remis un état général des dépenses de 1791 pour ce département.
Malgré ce défaut d'instruction, nous avons tracé le plan de division des dépenses de l'Etat, et nous y avons rapporté celles qui ont été décrétées pour 1791.
Un tableau, semblable dans ses divisions, pour 1792, complétera notre travail, et vous mettra en état de comparer la dépense de ces deux années, et de porter les décrets que vous jugerez nécessaires.
Votre comité a jugé qu'il devait d'abord diviser les dépenses publiques en dépenses ordinaires et en dépenses extraordinaires.
Les dépenses ordinaires peuvent elles-mêmes être divisées en dépenses fixes et en dépenses variables ; enfin, dans toutes ces natures de dépenses, on peut distinguer celles qui sont payées par le Trésor public, celles qui sont payées par la caisse de l'extraordinaire, et celles qui sont à la charge des départements, des districts ou des municipalités.
Nous observerons, Messieurs, que, dans un grand Empire, il est impossible qu'il n'y ait chaque année une masse considérable de dépenses extraordinaires. Il faut donc que les moyens ordinaires puissent pourvoir non seulement aux dépenses ordinaires, mais aussi à cette partie des dépenses extraordinaires qui se reproduit chaque année sous différentes formes, quoiqu'elle présente toujours une masse commune de dépenses qu'il faut acquitter. Cette observation est importante, car peut-être l'Assemblée constituante n'a pas donné aux moyens ordinaires toute la latitude qu'ils devraient avoir.
Nous diviserons les dépenses ordinaires en dépenses fixes et en dépenses variables, et nous distinguerons celles que les décrets de l'Assemblée constituante ont mises à la charge du Trésor public, de celles qui doivent être acquittées par les départements, les districts et les municipalités, et enfin celles qui doivent être payées par la caisse de l'extraordinaire.
Sept divisions principales présenteront l'ensemble de ces dépenses :
1° Dépenses de culte ;
2° Dépenses d'administration intérieure ;
3° Dépenses de justice ;
4° Dépenses de la guerre ;
5° Dépenses de la marine ;
6° Dépenses des affaires étrangères ou des relations extérieures ;
7° Pensions, rentes, intérêts et remboursements de la dette publique.
C'est dans le même ordre que nous vous présenterons le tableau des dépenses extraordinaires.
Ces deux sections divisées ensuite en autant d'articles particuliers que l'exigent les diverses natures de dépenses, vous présenteront l'ensemble et les détails de celles de chaque partie de l'administration publique. C'est ainsi que vous pourrez comparer; c'est ainsi que chaque citoyen pourra connaître le véritable état des dépenses publiques, et proposer les moyens de les simplifier, de les réduire, de les rendre plus utiles à la prospérité de l'Empire.
Nous avons pensé qu'il était essentiel de remettre sous vos yeux le tableau de ces dépenses, tel qu'il a été arrêté par l'Assemblée constituante pour l'année 1791. Nous le divisons dans l'ordre que nous venons de vous proposer :
1° Dépense du culte............. 153,847,600 1. » s, » d.
Sur cette somme 81,226,600 livres sont destinés au payement des ministres desservant le culte, et 72,621,000 livres pour les pensions, traitements, etc. : cette dernière partie est variable et décroissante. 2° Dépenses in-)
térieures........(
3° Dépenses de(
justice...........j
Nous réunissons ces deux articles, parce qu'ils n'ont pas été encore parfaitement divisés.
Sur cette somme 59,807,687 livres doivent être payés par les départements, et perçus par sous additionnels aux impositions principales. 4° Dépenses de
la guerre........
5° Dépenses de la
marine...........
Les dépenses des départements delà guerre et de la marine n'ont pas été définitivement fixées. Il est essentiel que les deux comités que vous avez chargés de ce qui a rapport à ces deux parties de la force publique, examinent tous les moyens de réduction que la sûreté de l'Etat peut permettre. En s'occu-pant du remplacement des officiers
100,712,000 40,500,000
A reporter... 407,861,487 h » s. » d.
Report.....
de l'armée, on aurait pu peut-être vous proposer d'en diminuer le nombre. En organisant* toutes les parties de la marine, on pourrait aussi vous proposer des moyens d'économie pour les dépenses d'entretien.
6° Dépenses des affaires étrangères.... £..........
7° Pensions, rentes et intérêts—
407,861,487 1. » s. » d.
6,300,000 227,753,577
Ensemble..... 641,915,064 1. » s. » d.
Dans un rapport fait à l'Assemblée constituante, en février 1791, les dépenses extraordinaires étaient fixées à........... 79,591,248 » »
Nous travaillons à un état exact de ces dépenses, dont quelques parties peuvent avoir été augmentées.
Depuis, l'Assemblée nationale constituante, ou vous-mêmes, Messieurs, en avez décrété pour.......
Total des dépenses ordinaires et extraordinaires .....
Les remboursements et liquidations faites le 31 octobre, s'élevaient
Dans la même proportion, les liquidations et rem-Èoursements à faire jusqu'au 31 décembre, -s'élèveront à...........
23,770,912 » »
745,277,224 1. » s. » d.
554,157,063 16 9
10,000,000
Ensemble..... 1,399,434,287 1. 16 s. 9 d.
Telle est la masse des dépenses arrêtées par l'Assemblée constituante, pour l'année 1791. Sur cette masse doivent être payés par les contributions foncière, mobilière, patriotique, et par les autres parties du revenu ordinaire.
495,000,000 1. » s. » d.
A reporter... 495,000,000 1. » s. » d.
36 [Assemblée nationale législative.] . ARCHIVES PAR LEMENTAIRES. [12 novembre 1791.]
Report.....
Par le produit du sel et du tabac...
Par les départements, au moyen des sous additionnels gui doivent fournir à leurs états particuliers de dépenses......
Ensemble......
Ainsi la caisse de l'extraordinaire doit fournir......
Sur815,626,6001. 16 s. 9 d. on pourrait déduire 60,000,000 livres que la caisse de 1 extraordinaire devait fourni r pour le produit des fruits des biens nationaux ; mais la vente des objets les plus productifs a certainement réduit beaucoup au-dessous de cette somme le produit de ces biens. D'ailleurs, la caisse de l'extraordinaire a dû fournir, conformément au décret l'Assemblée constituante, à l'insuffisance des recettes ordinaires, rendues presque nulles par les retards qu ont éprouvés rétablissement et la recette des nouvelles contributions, et dont l'effet a été tel, que le 31 octobre, sur 524 millions de contributions ordinaires qui doivent être versées au Trésor public, il n'en était encore entré que........
En supposant que, de ce jour au 31 décembre, la recette sur 1791 s'élève à 80,000,000 livres, la caisse de l'extraordinaire serait toujours en avance
de................
qui joints aux— somme dépensée par évaluation jus-
495,000,000 h ». s. » d, 29,000,000 »> ».
59,807,687 »» » 583,807,687 1. »» s. ». d.
815,626,600 16 9 1,399,434,287 1. 16 s. 9 d.
64,047,060 1. »» s. »» d.
380,000,000 1. ». s. ». d. 815,626,600 »» »>
A reporter... 1,195,626,600 1. >» s. » d.
Report.....
qu'au 31 décembre 1791, et environ.. de reconnaissances provisoires de liquidation, pour être employés au payement de domaines nationaux qui ont été délivrés, ou qui le seront jusqu'au 31 décembre, forment une somme totale de......
Pour avance faite par la caisse de l'extraordinaire en 1790..............
1,195,626,600 1. »» s. »» d. 26,000,000 >»
1,221,626,600 1.
562,734,210
d.
Ensemble........ 1,784,360,810 1. >» s. »> d.
Tel est l'aperçu des fonds de la caisse de l'extraordinaire qui seront consommés au 31 décembre, sauf les répétitions à former sur le Trésor public pour l'arriéré des revenus ordinaires de 1790 et 1791.
C'est à vos comités de la Trésorerie nationale, des contributions, et de la caisse de l'extraordinaire, à porter le plus grand jour sur toutes les parties des payements et des recettes. Ils doivent vous faire connaître par quel enchaînement de causes les recettes ordinaires, qui dans l'ancien régime devaient s'élever à environ 48 millions, et dans le nouveau, à environ 40,000,000 de livres par mois, ne se sont élevées, du 1er mai 1789 au 31 octobre 1791, ou pendant 30 mois, qu'à environ 11,500,000 livres par mois; ce qui présente un déficit, dans les recettes ordinaires, de plus de 900 millions (1).
D'après ce tableau-aperçu de la situation des finances, vous jugerez, Messieurs, combien il est important de connaître le montant exact de l'arriéré des revenus publics, la possibilité d'en assurer la rentrée, et les moyens de l'obtenir en totalité, ou seulement en partie, si la situation des peuples exige des sacrifices ; de fixer le montant des créances de l'Etat, et de faire rentrer tout ce qui peut être dû par les anciens comptables ; dfe connaître ensuite la véritable valeur des propriétés nationales qui ont été aliénées, et de celles qui restent à aliéner; de déterminer enfin la dette de la nation d'une manière précise.
La fixation de la dette publique est une des parties les plus importantes du travail de vos comités de finance : le devoir le plus sacré des ressentants de la nation est de lui faire connaître a masse de ses engagements, et les moyens certains et progressifs de les remplir, afin que le crédit s'affermisse, et que toutes les forces de l'Etat puissent concourir à sa prospérité.
Ainsi, Messieurs, votre comité des dépenses publiques ne peut établir les projets qu'A vous présentera, que sur une connaissance approfondie des moyens qui restent à votre disposition.
Nous sommes loin encore de ce temps heureux, où les législateurs du peuple français n'auront
qu'à consulter l'utilité des dépenses publiques pour les décréter.
Voilà le but où doivent tendre tous leurs travaux. Mais enchaîné aujourd'hui sous le poids accablant des dettes publiques que des suites de désordres ont accumulées, par les dépenses extraordinaires que la Révolution a causées et nécessite encore, nous devons avant tout calculer la possibilité des dépenses que nous vous proposerons.
Il est donc essentiel, Messieurs, que vos comités se concertent, pour porter dans toutes les parties des finances la clarté nécessaire pour en bien connaître l'ensemble et les détails : mais ils n'y parviendront jamais, si un même plan de travail, si les mêmes vues ne les dirigent pas, si le tableau des objets dont chacun en particulier doit s'occuper n'est pas déterminé par vous-mêmes, si vous ne les autorisez pas à se réunir toutes les fois que des objets qui tiennent à l'ensemble des finances, doivent être soumis à votre discussion.
Jusqu'à présent, la compétence de vos comités est incertaine. Plusieurs pétitions nous ont été remises par le bureau, avant que les comités ne fussent organisés ; et ces pétitions nous sont absolument étrangères. Nous les renverrons au comité des pétitions, qui a été autorisé, par votre décret du 15 de ce mois, à en faire la distribution et le renvoi.
Plusieurs objets de dépenses publiques ont été décrétés sans que les demandes nous aient été communiquées, sans que nous ayons été entendus.
Nous avons pensé que les seules pétitions qui pouvaient nous être remises, étaient celles relatives à l'ensemble des dépenses ordinaires ou extraordinaires, et à toutes celles dont les fonds n'ont pas été décrétés ; mais sur toutes ces parties de dépenses, il serait essentiel que nous pussions nous concerter avec les comités auxquels elles ont quelque rapport.
Premier décret.
Voici, Messieurs, les projets de décrets que nous vous présenterons.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des dépenses publiques, décrète :
1° Qu'elle adopte le plan que son comité lui a présenté pour fixer l'état des dépenses publiques, ordinaires et extraordinaires ; et qu'elle le charge de s'occuper sans délai de ce travail, pour la fixation des dépenses de 1792;
2° Que toutes les demandes de dépenses publiques ordinaires ou extraordinaires, dont les fonds n'ont pas été décrétés, seront renvoyées au comité des dépenses publiques, pour être statué sur son rapport ;
3° Que ce comité est autorisé à demander aux autres comités de l'Assemblée nationale, et aux ordonnateurs généraux des fonds publics, tous les états nécessaires pour compléter son travail.
Second décret.
L'Assemblée nationale, voulant donner plus d'ensemble et d'activité au travail de ses comités, décrète :
1° Que tous les comités qu'elle a déjà formés, nommeront deux commissaires pris dans leur sein pour former un bureau central, qui sera chargé de dresser un tableau détaillé du travail de chaque comité, de manière à embrasser l'ensemble de l'administration, et à fixer d'une ma-
nière précise, la compétence de chaque comité, et les rapports qu'ils doivent avoir ;
2° Que ce tableau sera imprimé et distribué, pour être ensuite définitivement décrété ;
3° Que ce même bureau central présentera à l'Assemblée nationale un plan pour l'ordre du travail ordinaire de ses séances, pendant toute la durée de sa session.
jeune. Les deux projets qui viennent de vous être présentés n'ont certainement; pas le même objet. L'un s'occupe d'un avenir, l'autre revient uniquement sur le passé; l'un vous présente un aperçu des dépenses déjà faites, l'autre demande qu'on les vérifie ; l'un présente le mode que les comités doivent employer pour travailler efficacement sur les objets qui leur sont confiés ; l'autre présente un mode de responsabilité des ministres.
a dit que le projet qu'il proposait n'était pas soumis a la formalité des trois lectures, qu'il était inutile de rendre le décret d'urgence. J'observe que la Constitution y est absolument contraire, car elle porte expressément que les décrets sur les contributions et sur les finances, quoique non soumis à la sanction, seront cependant soumis aux trois lectures ; je demande en conséquence l'impression et l'ajournement des projets de décret de MM. Cambon et Lafon-Ladebat, et les trois lectures.
J'observe encore que le rapport de M. Cambon se lie essentiellement à la question que vous avez déjà renvoyée à votre comité de législation sur le mode de responsabilité à exercer envers les ministres. Il est essentiel de prononcer l'ajournement en invitant le comité de législation à se réunir aux deux autres comités pour présenter enfin ce mode de responsabilité. En outre, pour empêcher que l'ordre du jour ne soit ainsi coupé tousles jours, je demande qu'il soit fixé trois séances par semaine pour entendre les rapports des divers comités des finances.
J'aurai à faire quelques observations sur le rapport que vient ae vous présenter M. Lafon-Ladebat; mais tout d'abord îe combats la demande d'ajournement qui a été faite par M. Basire. parce que le projet de décret que je vous ai présenté n'est que l'exécution des décrets rendus sur la comptabilité des ministres. Il est de la plus grande importance de ne pas ajourner cette reddition de comptes; il faut d'ailleurs que nous connaissions l'aperçu des dépenses pour 1792. Je demande donc, attendu l'urgence, que le décret soit adopté sans délai. Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)
Je viens d'énoncer un fait à l'Assemblée. Je sais de science certaine que sur la liste des officiers pensionnés sur le Trésor public, on a porté un certain M. de La Mothe, major du régiment ci-devant Boulonnais, qui s'est retiré avec le brevet de lieutenant-colonel et une pension de 1,500 livres. Je suis sûr, comme de mon existence, que cet officier est mort depuis 30 ans, et que depuis trente ans M. de La Motne ne cesse d'être porté sur la liste des pensions. C'est un fait que l'Assemblée peut facilement éclaircir en vérifiant la liste des pensions. Je demande donc que le ministre soit tenu de nous apporter cette liste et la dernière quittance de M. ae La Mothe. (,Applaudissements dans les tribunes. )
Plusieurs membres demandent l'impression des rapports et l'ajournement à mardi de la dis-
cussion des projets de décrets présentés par MM. Cambon et Lafon-Ladebat.
Il n'y a pas besoin d'ajournement pour demander au ministre un aperçu de dépenses. Je demande la question préalable.
J'appuie la demande d'ajournement. Je suis chargé, au nom du comité de Vexamen des comptes, de vous présenter un rapport (1) dont l'objet se lie également aux deux premiers. Je suis prêt à vous en donner lecture, à moins que vous ne préfériez en ordonner l'impression. Je demande également l'ajournement de la discussion à mardi avec les projets de MM. Cambon et Lafon-Ladebat.
J'observe qu'il importe, non pas de faire beaucoup, mais de faire bien. J'appuie la demande d'impression des rapports et 1 ajournement à mardi de la discussion des projets de décrets.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression des rapports et ajourne la discussion des projets de décrets à mardi.)
Je représente à l'Assemblée qu'il est nécessaire d'avoir un plan suivi sur le travail des finances. Tout travail partiel sera insuffisant et ne donnera que des résultats qui n'apprendront rien. Je fais la motion, que tous les jours, à l'ordre de midi, on s'occupe de cet important objet, jusqu'à ce que l'Assemblée puisse présenter a la nation un tableau général et exact de l'état des finances.
jeune. En applaudissant aux motifs de la demande de M. Tarbé, je crois qu'il y a d'autres objets aussi urgents que les finances, et que s'en occuper exclusivement jusqu'à la fin du travail qui les concerne, ce serait laisser en souffrance des parties très intéressantes. Il serait également avantageux et peut-être plus sage de ne destiner aux finances que trois jours par semaine. En conséquence, je demande que les mardis, jeudis et samedis de chaque semaine on entende les rapports des divers comités des finances.
Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Basire !
(L'Assemblée accorde la priorité pour la motion de M. Basire et décrète cette motion.)
Je demande à l'Assemblée sous quel point ae vue elle a envisagé ma dénonciation. Me prend-elle pour un vil calomniateur ou pour un défenseur ae la liberté et de la Constitution ? L'Assemblée se tait sur la motion intéressante que je lui ai faite ! Je lui ai dénoncé un délit commis, il faut venir à la source et connaître ce délit. Je demande que la dernière liste qui a été donnée des pensionnaires de la nation, soit apportée demain sur le bureau, afin que l'Assemblée puisse se convaincre si ma dénonciation est fausse ou vraie. Si elle est fausse, je mérite d'être inculpé, et je dirai alors quel est le véritable dénonciateur; si elle est vraie, on doit statuer contre le délinquant. A quoi servirait la responsabilité des ministres, si vous ne sévissez pas contre les coupables? C'est à présent qu'il faut sévir, parce que je suis sûr des détails. J'ai la pièce authentique, et je demande que l'on dépose aussi
les quittances données par M. de La Mothe, ou son procureur-fondé. (Applaudissements.)
jeune. Je demande le renvoi de la motion de M. Rouyer au comité de liquidation.
Un membre : J'observe que la proposition de M. Rouyer n'atteint pas le but qu'il se propose, puisque la déposition sur le bureau, de la dernière liste des pensions et des quittances de M. de La Mothe, depuis 30 ans, ne prouvera rien.
J'appuie la demande de renvoi au comité de liquidation.
Je demande que le comité auquel on renverra la dénonciation de M. Rouyer soit chargé de présenter à l'Assemblée nationale ses vues sur les moyens de faire payer, dans leurs districts respectifs et par les receveurs de district, les rentiers et pensionnaires de l'Etat. C'est encore un des agiotages auxquels il faut porter la hache.
J'appuie la proposition du préopinant, et puisqu'il est question de cet objet, je demande que l'Assemblée renouvelle et charge le ministre d'exécuter le plus prompte-ment possible le décret non sanctionnable, par lequel, en s'occupant des émigrants, elle a ordonné qu'il lui serait remis un état de la radiation de toutes les pensions supprimées par les précédents décrets.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
J'ai fait ma dénonciation à l'Assemblée, parce qu'il était de mon devoir de dénoncer un abus dont j'ai la certitude; j'en garantis la vérité, et je dois avoir le droit de la prouver. Je demande donc que, demain matin, un exemplaire de la dernière liste des pensions soit apporté sur le bureau, afin qu'il soit patent que la pension que j'ai indiquée y est portée, et j y déposerai les pièces de ma dénonciation.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Rouyer !
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer et adopte successivement les motions de MM. Rouyer, Merlin et Grangeneuve.)
Je viens de recevoir une lettre du sieur Varnier, détenu dans les prisons de VAbbaye en vertu du décret d}accusation porté contre lui par le Corps législatif : On va vous en donner lecture.
Un membre : Je m'oppose à ce que cette lettre soit lue. Depuis que 1 Assemblée a mis le sieur Varnier en état d'accusation, elle ne peut plus rien sur lui.
D'autres membres : La lecture !
(L'Assemblée décide que la lettre sera lue.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je pensais que la loi voulait qu'un accusé fût interrogé dans les vingt-quatre heures de son arrestation. Je me suis sans doute trompé, puisque depuis huit jours que je suis à l'Abbaye, je n'ai pas encore subi d'interrogatoire. Je le sollicite avec d'autant plus d'empressement que les motifs de ma détention ne me sont pas encore connus, et que le secret auquel je- suis gardé, ne me permet pas de porter à ma mère quelques consolations sur les chagrins que ma situation lui donne.
« Je vous prie, Monsieur le Président, d'ordon-
ner la levée du secret où je suis tenu, en attendant que ma conduite ait reçu les éclaircissements qu'elle me paraît demander.
« J'ai l'honneur d'être...
« Signé : Varnier. »
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
Vautres membres s'élèvent avéc chaleur contre cette proposition.
Ce qui se passe en ce moment tient au défaut d'ensemble delà loi sur les fonctions de grand-juré que l'Assemblée nationale exerce pour les délits de lèse-nation ; cette loi n'est pas complète. Je propose le renvoi de la lettre du sieur Varnier au comité de législation pour faire incessamment un rapport, et présenter une loi qui règle dans quelle forme le Corps législatif décrétera qu'il y a lieu à accusation.
jeune. Il me semble que l'arrestation qui suit immédiatement le décret d'accusation rendu par l'Assemblée nationale, ne doit pas avoir sur l'accusé précisément le même effet qu'un décret de prise de corps qui serait rendu par des iuges après une information plus complète. L arrestation n'a d'autre objet que de s'assurer que l'accusé ne s'échappera pas avant que la haute cour nationale ne puisse être en activité pour le juger; mais je ne crois pas que cette arrestation entraîne avec elle le malheur d'être mis au secret jusqu'à ce que la haute cour soit convoquée. Il n y a pas de situation plus cruelle que celle d'un homme pour qui toutes les voies de communication avec tous les individus de la société, demeurent rompues. La loi ne peut vous mettre dans un état violent, que lorsqu'après une information, vous êtes déjà jugé coupable en quelque façon, ou très prévenu du crime, et parce que la condamnation qui doit s'ensuivre ne peut tarder longtemps. Mais aujourd'hui M. Varnier resterait au secret pendant un temps considérable; je demande que le 'secret soit levé pour lui. (Murmures.)
Le décret d'accusation a l'effet de livrer le prévenu entre les mains des juges de la haute cour nationale.
Plusieurs membres : Donnez-lui en donc!
Si le prévenu est livré, par votre décret, à la haute cour nationale, il est évident
3ue l'Assemblée nationale en est dépouillée ; et ès lors les réclamations que M. Vârnier peut faire ne doivent être adressées qu'à ses juges naturels.
Un membre : Mais, il n'en a pas : il vous en demande ; donnez-lui én !
Je demande donc que l'Assemblée, qui doit des égards humains à tous les hommes, ordonne promptement, et très promptement, la formation delà haute cour nationale, afin que M. Varnier soit entendu par ses juges.
Je demande que vous vous occupiez promptement de former le haut jury; en Conséquence, je propose que lundi matin le conseil de législation fasse son rapport sur la formation de la haute cour nationale. En attendant, les quatre grands juges qui doivent composer la haute cour pourront procéder à l'interrogatoire. Je pense aussi que dès à présent on doit donner a l'accusé la liberté de voir sa famille. Le premier caractère des lois d'un peuple libre est d'être douces et humaines.
La situation de M. Varnier, qui n'est
pas convaincu, doit intéresser tous ceux qui aiment à présumer l'innocence ; il n'est pas
publicité
favorable à l'innocence; je ne crois donc pas qu'il doive souffrir de l'absence de ses juges, et ie crois qu'il faut ordonner tout à l'heure que le secret sera levé. (Rires à l'extrémité gauche de la salle.)
C'est une situation triste, sans doute, qUe celle d'être au secret; mais il est très important qu'un homme accusé d'un grattd complot n'ait, avant son interrogatoire, aucune communication avec ses complices.
Si on lui permettait des communications extérieures, il pourrait recevoir des renseignements qui non seulement pourraient soustraire le coupable à la 'justice, mais encore ses complices.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je crois que l'Assembléé, qui n'est pas un tribunal, ne doit s'occuper que du moyen d'accélérer la formation delà naute cour nationalej et ce moyen est très simple : il consiste à faire sur-le-champ, dans l'Assemblée, le tirage au sort des hauts jurés parmi ceux des 63 départements dont les procès-verbaux, sont arrivés ; par-là, vous donnerez promptement des juges à M. Varnier, et il n'aura point à souffrir de la lenteur d'un département.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion).
Je réclame l'exécution d'un décret que l'Assemblée nationale a rendu il y a quelques jours et qui porte qu'on tirera au sort les quatre membres du tribunal de cassation qui aoivent former les quatre grands juges. Si ce moyen avait été employé, M. Varnier aurait pu être interrogé par ces quatre grands juges, et je demande qu'à la séance de demain, ce tirage ait lieu. Jusque-là, le secret est nécessaire pour que le coupable ne puisse recevoir aucun renseignement.
Un membre : Je demande que les tirages au sort proposés par MM. Delacroix et Gensonné aient lieu ce soir.
(Cette proposition est adoptée.)
J'observe notamment qu'aux termes de la loi du 15 mai relative à la haute cour nationale, le tirage au sort des quatre membres du tribnnal de cassation doit se faire en présence de deux commissaires du roi. Je demande en conséquence que le décret que vous venez de rendre soit envoyé sur-le-champ au pouvoir exécutif, afin qu'il choisisse promptement les deux' commissaires.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Thoril-lon.)
Les quatre grands juges' ne pourront opérer que sur les poursuites des deux grands procurateurs généraux. Je demande qu'ils soient nommés demain avant la séance.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Crestin.)
Un membre : Je demande aussi que le cortiité de législation s'occupe de nous présenter le projet de la proclamation qui doit être faite en suite du décret d'accusation pour la convocation de la haute cour nationale.
(L'Assemblée adopte cette motion et charge
le comité de législation de rédiger les différents décrets rendus.)
Voici une lettre du nouveau maire de Paris, M. Pétion. (Applaudissements dans les tribunes et dans VAssemblée.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre :
« Paris, le
« Monsieur le Président.
« La commune de Paris vient de m'élever à la place de maire; j'ai l'honneur d'en faire part a l'Assemblée nationale. Je la supplie d'honorer de quelques bontés celui que les citoyens de Paris ont honoré de leur confiance. Représentant de là nation, j'ai constamment défendu dans l'Assemblée constituante la cause de la liberté ; maire de Paris, je ferai exécuter les décrets que votre sagesse aura dictés, et je bénirai ma destinée, qui me permet de contribuer à éterniser l'empire de la liberté, en établissant le règne de la loi, sans laquelle il ne peut y avoir de bonheur public.
« Je suis avec respect,
« Monsieur le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé: pétion. » (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres demandent la mention honorable et l'insertion de cette lettre dans le procès-verbal.
Je demande que M. le président soit chargé de répondre à la lettre du nouveau maire.
Voix diverses : Non! non! Oui! oui!
L'élévation d'un homme connu par ses bons principes à la place de maire de Paris, est un bienfait public, et l'Assemblée nationale ne doit pas voir cette nomination avec indifférence. Je demande donc que la lettre soit insérée dans le procès-verbal, et que M. le Président soit autorisé d'écrire... (Non! non!)... d'écrire à M. Pétion une lettre de satisfaction-de ce que les citoyens de Paris l'ont choisi pour maire. (Vifs applaudissements dans les tribunes, quelques murmures dans VAssemblée.)
Plusieurs membres : La question préalable !
Je suis d'accord avec le préopinant sur l'estime que mérite M. Pétion; mais je ne crois pas qu'il convienne à la dignité de l'Assemblée d'entrer en correspondance avec un simple maire de la ville ae Paris. Tous les maires des autres villes et villages auraient le même droit. En applaudissant avec tous les bons citoyens à l'élévation de M. Pétion, je m'oppose à ce que l'Assemblée nationale fasse une démarche qui serait au-dessous de sa dignité. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : La division !
(Cette motion est adoptée.)
(L'Assemblée, consultée, ordonne l'insertion de la lettre de M. Pétion au procès-verbal et passe à l'ordre du jour sur la proposition d'autoriser son président à écrire au maire de Paris.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.
, rapporteur. Nous nous sommes arrêtés à l'article 9 ; le voici :
« Art. 9. Si, à l'occasion de troubles religieuXj il s'élève dans une commune des séditions qui
nécessitent le déplacement de la force armée, les frais avancés par le Trésor public pour cet objet, seront supportés par la commune, sauf le recours de cette dernière contre les chefs et les instigateurs des émeutes. »
Je demande la question préalable sur cet article. Votre intention est que la loi que vous allez rendre, soit juste, utile et répressive. Il est certain, et j'espère le démontrer, que l'article 9 du projet de votre comité serait injuste dans son exécution; par conséquent, vous ne pouvez l'admettre. En effet, Messieurs, il existe dans toutes les sociétés une force publique chargée essentiellement du maintien de l'ordre général, et dont le salaire est payé par tous les membres qu'elle protège. Si la commune, qui a contribué dans une certaine proportion au payement de cette force publique, était obligée de la payer une seconde fois par une contribution particulière, vous conviendrez que ce serait injuste.
Habitant paisible au fond d'un village, citoyen patriote ét vertueux, j'ai cherché par mes conseils et mes exemples à maintenir le bon ordre; et parce qu'il est troublé par de mauvais citoyens, vous voudriez que je fusse tenu à payer une double contribution! Cette loi serait une monstruosité dans la législation d'un peuple libre.
Votre comité vous a proposé une mesure qui pourrait empêcher cette injustice générale, c'est ae donner une garantie contre les perturbateurs et contre leurs chefs. Mais, Messieurs, cette mesure est illusoire, parce que souvent les perturbateurs sont sans moyens et leurs chefs presque toujours inconnus.
De deux choses l'une : ou la commune ainsi imposée exercera son recours elle-même, ou elle sera tenue de se faire rendre justice par les tribunaux. Dans le premier cas, vous adopteriez un arbitraire bien dangereux. Dans le second cas, cette commune, après avoir éprouvé les pertes d'une insurrection, après avoir payé la double imposition à laquelle vous l'imposeriez, serait assujettie aux frais d'une procédure longue, dispendieuse et souvent incertaine. Des rebelles ont réduit une habitation en cendres, voulez-vous qu'après avoir supporté des pertes par cette émeute qu'elle n'a pu réprimer, la commune paye encore les frais considérables des mouvements des troupes de ligne et des gardes nationales? D'après cela, Messieurs, je ne crois pas que vous puissiez adopter cet article.
J'ai encore une réflexion à faire. Il y a quelques jours, un membre vous proposa de raire payer aux Américains la dépense des secours quon leur a donnés; cette proposition fut rejetée avec l'indignation qu'elle méritait. Je ne vois pas pourquoi une loi serait plus injuste dans un coin du royaume que dans un autre. J'espère, Messieurs, que vous adopterez la question préalable que je vous propose; j'ose dire que j en suis sûr, car je connais la pureté de vos intentions et la bonté de vos principes.
, secrétaire. Je demande la permission d'interrompre la délibération pour faire lecture de la loi du 15 mai, relative à la formation de la haute cour nationale et du grand juré : elle renferme des formalités qu'il est impossible que vous remplissiez d'ici à ce soir; les voici :
« Art. 5; La naute cour nationale ne se formera que quand le Corps législatif aura porté un décret d'accusation.
« Art. 10. Lorsque le Corps législatif aura décrété qu'il se rend accusateur, il fera une pro-
clamation solennelle jpour annoncer la formation d'une haute cour nationale, et fera rédiger l'acte d'accusation de la manière la plus précise et la plus claire ; et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de ^accusation.
« Art 11. Les quatre grands juges qui présideront à l'instruction seront pris parmi les membres du tribunal de cassation, leurs noms seront tirés au sort dans la salle où la législature tiendra publiquement ses séances : le plus .ancien d'âge présidera. Le roi sera prié d'y envoyer deux commissaires. »
Un membre : Il est nécessaire que le roi envoie deux commissaires pour assister au tirage qui aura lieu ce soir.
Il faut que le tirage soit fait en présence de deux commissaires du roi ; mais vous pouvez sur-le-champ envoyer un message au roi pour le prévenir de nos intentions et pour le prier de nommer ces commissaires.
Il faudrait que les députés portassent au roi le décret et la proclamation ; or, ni l'un ni l'autre ne sont rédigés. Il faut ordonner au comité de législation de se rassembler ce soir, et vous faire, demain matin, son rapport à l'ouverture de la séance, afin que toutes les formalités soient remplies.
Je demande que l'on envoie un message au roi, en attendant que le comité de législation vous propose d'autres mesures.
Un membre: Je demande que l'exécution des différents décrets que nous avons rendus tout à l'heure soit renvoyée à demain, pour nous permettre de remplir toutes les formalités prescrites par la loi.
Un membre : Il est d'autant plus nécessaire de renvoyer à demain les tirages au sort, qu'il faut du temps pour que les commissaires au roi soient pourvus de leurs provisions.
(L'Assemblée, consultée, charge le comité de législation de lui faire, dans la séance de demain, un rapport sur cet objet, et de lui présenter en même temps, soit le projet de la proclamation de la convocation de la haute cour nationale, soit l'accusation contre le sieur Varnier.)
Plusieurs membres : Il faut envoyer un message au roi.
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
La suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés est reprise.
Je n'abuserai pas de votre patience, et je vous démontrerai en peu de mots que l'article ne peut subsister tel qu'il est. En effet, il est de principe que tout homme est réputé innocent s'il n'est pas convaincu d'être coupable; il est de principe que chacun de nous n'est tenu de répondre que ae ses faits personnels; et cependant, en renversant ces principes, le comité de législation condamne les particuliers d'une commune, dans laquelle se seront élevées des séditions pour causes religieuses, à payer les frais de déplacement des troupes de ligne ou des gardes nationales, quoique ces particuliers n'eussent d'autre reproene à se faire que d'habiter le lieu où le crime aura pu se commettre. Pourquoi donc aller chercher si loin des garants pour l'exécution de la loi, quand la loi vous les
donne, quand les municipalités sont établies pour surveiller l'exécution de la loi?
On me répond que dans bien des campagnes les municipalités sont incapables d'agir, qu'elles sont peu expérimentées; mais j'aurai l'honneur de vous représenter que ce ne serait pas encore là une raison pour contrevenir aux principes, et que vous pouvez suppléer au défaut d'activité et au défaut d'expérience des municipalités, en chargeant tous les fonctionnaires pu-Jblics, qui peuvent être répandus dans les campagnes, de dénoncer les délits qui pourraient s'y commettre. Sous l'ancien régime, comment ces délits étaient-ils connus? Par les huissiers qui étaient répandus dans les campagnes. Vous avez à présent des juges de paix, des assesseurs, des huissiers; chargez ces différents fonctionnaires de veiller à la tranquillité publique; mais ne forcez pas l'ouvrier, l'artisan paisible de payer les frais extraordinaires de l'emploi de la force publique, parce qu'il n'a pas pu indiquer les auteurs d'une sédition. J'appuie donc la question préalable sur l'articlc.
Plusieurs membres demandent à parler sur l'article.
D'autres membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.) .
Je n'ai qu'un amendement à proposer. Il est certain qu'en rejetant sur la commune , sans aucune distinction, les frais du déplacement de la force publique, les municipalités pourraient se tromper et les mettre par sols additionnels aux impositions foncières ; d'où il résulterait que les non résidants et possédants des biens clans la commune, se trouveraient compris dans l'imposition. Je demande donc qu'il soit simplement dit que les frais seront supportés par les habitants résidant dans la commune.
Au lieu de dire que les frais seront supportés par la commune, je demande qu'on mette : « seront supportés par le conseil général de la commune {Murmures.)... s'il ne les a pas dénoncées dans les vingt-quatre heures. » Les officiers municipaux sont chargés spécialement de veiller avec soin à la tranquillité publique. Vous ne devez pas confondre l'innocent avec le coupable. Vous ne pouvez pas faire supporter les frais des troupes à des gens qui auront, pris les armes, à la réclamation de la municipalité, pour combattre les factieux.
Un membre : Je demande la question préalable sur l'article 4 et j'offre de la motiver.
Plusieurs membres : Bah! bah!—La discussion est fermée!
, rapporteur. Il y a un amendement qui me paraît juste et que j'adopte volontiers, c'est celui de M. Crestin tendant à substituer aux mots : « par la commune » ceux-ci : « par les habitants résidant dans la commune », afin de remplir le véritable sens de l'article, et de ne pas faire supporter la peine par ceux qui n'y sont pas domiciliés.
Quant à l'amendement proposé par M. Delà-, croix, je crois qu'il serait mieux placé dans l'ar-, ticle 14, par lequel il est enjoint a tous les fonctionnaires du royaume, de concourir à l'exécution de la loi.
L'article que nous vous avons proposé, et que l'on veut dénaturer ici, me paraît une des plus belles lois que l'on puisse faire chez un peuple libre. Jugeons-en par l'exemple de l'Angleterre où l'on trouve cette institution extrêmement sage qui^
nous a servi de modèle. Elle a des lois encore plus sévères ; car depuis le règne d'Alfred le Grand, suivant Rapin de Thoiras, les citoyens de chaque comté de TAngleterre sont partagés en dizaines qui sont enregistrées, et ces 10 habitants sont responsables les uns pour les autres, dans les cas d'émeute. Cette loi de l'Angleterre a servi de modèle à une disposition de la loi martiale, sur laquelle l'article 9 est calqué.
Vous devez sentir combien il est important d'assujettir les citoyens qui aiment véritablement leur patrie, à une responsabilité réciproque, à une espèce de surveillance les uns sur les autres. C'est la meilleure manière de les intéresser à la chose publique, de les tirer de l'indolence où ils ne sont que trop souvent à cet égard, et de faire en sorte qu'ils se garantissent mutuellement les lois sous l'empire desquelles ils vivent. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix l'article!
D'autres membres : La question préalable sur tous les amendements ! ,r- La division de la question préalable!
(L'Assemblée, consultée, adopte la division et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Delacroix.)
jeune. Je fais remarquer à l'Assemblée qu'il y a des communes qui ont toujours une force armée à leur disposition; il y en a d'autres qui n'en ont pas. Il en résulterait, si on laissait subsister la rédaction de l'article 9, que les premières ne seraient jamais punies, quoi qu'il arrive dans leur sein...
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix l'article!
jeune. Je propose, en conséquence, de dire que la commune qui aura une force armée et où il se produira des troubles sera imposée à une double contribution foncière et mobilière pendant une année.
Plusieurs membres : La question préalable !
Je demande à relever un fait qui a été avancé à cette tribune. M. le rapporteur vous a cité la loi martiale comme contenant un article semblable à celui qu'on vous propose... (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion est fermée ! —• Aux voix ! aux voix l'article !
De tous côtés, on me crie: aux voix l'article; mais j'Observe a l'Assemblée que je ne m'acquitterais pas de mon devoir si je n'accordais pas la parole lorsqu'on me la demande pour des amendements seulement; toutefois l'Assemblée décidera si elle veut les entendre. Quant à M. Garran, je lui ai accordé la parole d'après le règlement qui porte qu'on ne pourra la refuser pour un fait.
Ce fait est d'autant plus important, que M. le rapporteur l'a cité pour justifier l'article. Il vous a ait qu'il y avait dans la loi martiale une disposition semblable, et qu'en Angleterre on suivait la même loi d'une manière plus sévère encore. J'observe qu'en Angleterre c'est tout le comté, c'est-à-dire la représentation d'un de nos départements ou de plusieurs districts qui supporte les frais de déplacement de la force publique. Gela est si vrai qu'il est obligé d'employer, pour réprimer les émeutes, ce qu'on appelle en loi anglaise hosce eomitatus. On a senti qu'une commune ne pou-
vait pas seule arrêter une émeute qui pouvait être très considérable, et que, par conséquent, elle ne devait pas en être responsable. En Angleterre, c'est donc le comté. En France, la loi martiale porte seulement, si je ne me trompe, que ceux qui refuseront le service à la réquisition des officiers municipaux, seront dégradés et punis d'un an de prison. Il est un autre article qui porte que les officiers municipaux seront responsables de leur négligence, mais qui ne charge pas les habitants de cette responsabilité.
En conséquence, j'invoque la question préalable contre 1 article.
, rapporteur. Je réponds que, soit dans la loi martiale, soit dans les articles additionnels qui ont été décrétés depuis le 8 mai ou le 3 août, il y a un article qui établit la responsabilité graduelle. (Oui! oui!)
Plusieurs membres : La discussion fermée sur les amendements !
(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'article!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article.)
Puisqu'il y a lieu à délibérer, je demande que l'on mette aux voix mon amendement que je regarde comme essentiel ; il consiste à ce qu'aux mots de commune, on substitue ceux de citoyens domiciliés dans la commune.
Un membre : Je m'oppose à cet amendement, qui favoriserait les ci-devant grands propriétaires féodaux, qui sont précisément les auteurs de toutes les séditions.
, rapporteur. Dans le cas "où les propriétaires non domiciliés auraient été les instigateurs de l'émeute, les domiciliés pourront exercer le recours contre eux. J'adopte donc l'amendement de l'ante-préopinant. Quant à ce qui a été dit de la garantie contre les municipalités qui auraient négligé les moyens de rétablir la tranquillité publique, j'observe qu'il y a une loi qui établit la responsabilité graduelle des corps adminis-tratifc.
Je prie l'Assemblée de statuer sur l'amendement de M. Crestin que j'adopte, et qui consiste à mettre au lieu de ces mots : « seront supportés par la commune » ceux-ci : « seront supportés par les citoyens domiciliés dans la commune. »
Plusieurs membres : Mais il a été rejeté par la question préalable !
, rapporteur. Cet amendement n'a été ni adopté ni rejeté. M. le Président l'a excepté de la question préalable, lors du vote sur l'amendement de M. Delacroix, parce que j'avais déclaré l'adopter.
Plusieurs membres : Alors nous demandons la question préalable sur l'amendement de M. Crestin.
( L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et adopte l'amendement.)
, rapporteur. En conséquence, voici quelle serait la rédaction de l'article 9 :
Art. 9.
« Si, à l'occasion de troubles religieux, il s'élève dans une commune des séditions qui né-
cessitent le déplacement de la force armée, les frais avancés par le Trésor public pour cet objet, seront supportés par les Citoyens domiciliés dans la commune, sauf leur recours contre les chefs, instigateurs et complices des émeutes. »
(L'Assemblée, consultée, adopte cette rédaction de l'article 9.)
L'exception que j'ai à proposer à l'Assemblée est si juste que je ne doute pas qu'elle l'adopte. Je demande qu un article additionnel excepte les citoyens qui auront pris les armes et employé tous les moyens qui étaient en leur pouvoir pour faire cesser la sédition et le désordre. Il n'est pas besoin de prouver la justice de cet article ; mais au milieu de l'enthousiasme qui règne dans l'Assemblée, il est peut-être bon d'observer que la politique vous commande d'intéresser le citoyen à prêter force à la loi. (Murmures.)
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la propostion de M. Merlin.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
rapport fait à VAssemblée nationale, au nom du comité deV examendes comptes, par M. Boisrot-de-Lacour (1) et dont la discussion a été ajournée au mardi 22 novembre.
Messieurs, vous avez décrété, le 13 octobre dernier, l'établissement du comité de l'examen des comptes.
Vous avez décrété le 14 que ce comité ne commencerait son travail qu'après vous en avoir présenté le plan.
Ce plan est, Messieurs, dans les lois déjà faites ; il ne s'agit donc que de vous les remettre sous les yeux.
Ces lois sont elles-mêmes de deux espèces. Les unes déterminent les différents comptes qui doivent être présentés au Corps législatif pour être jugés et arrêtés par lui.
Les autres déterminent le mode de la présentation et de l'examen de ces comptes qui doivent lui être rendus.
J'entre, Messieurs, dans rénumération des lois qui déterminent la nature et l'espèce des comptes soumis à l'examen du Corps législatif.
Dès le 30 janvier 1790, l'Assemblée constituante avait décrété que les trésoriers ou receveurs généraux remettraient à la vérification leurs comptes définitifs tant de l'exercice de 1790 que des années antérieures, devant qui, et ainsi qu'il serait ordonné par l'Assemblée nationale.
Le 21 juin de la même année, l'Assemblée décréta: l'que le minisire des finances remettrait, le 15 juillet prochain au plus tard, le compte détaille des recettes et dépenses du Trésor public, depuis le lw mai 1789 jusqu'au Ie' mai de l'année 1790;
2° Qu'il fournirait, dans Ta huitaine, un état dé-
taillé et précis des dépenses auxquelles étaient destinés tant les 30 millions accordés par le décret du 19 juin, que les revenus provenant des autres recettes, et qu'il fournirait aussi, dans le cours de juillet, l'état détaillé de l'emploi de ces sommes ;
3* Qu'il en serait usé de même de mois en mois, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût déterminé le nouvel ordre qu'elle se proposait d'établir dans la comptabilité du Trésor public;
4° Que les états des dépenses de chaque mois seraient imprimés et distribués à tous les membres de l'Assemblée.
Le 22 décembre 1790, un autre décret suspendit toutes présentations aux chambres des comptes.
Par celui du 31 de ce même mois de décembre, il fut sursis au jugement des comptes de l'année 1789, qui pouvaient avoir été présentés aux chambres, jusqu'à l'organisation ae la comptabilité.
Enfin, Messieurs, le 4 juillet 1791, l'Assemblée constituante a supprimé toutes les chambres des comptes du royaume.
Le même jour, elle a décrété, comme principe constitutionnel, que le corps législatif verrait et apurerait par lui-même définitivement les comptes des finances de la nation.
11 résulte évidemment, Messieurs, de ces différents décrets, non seulement que les comptes des finances de la nation devaient être définitivement arrêtés par le Corps législatif, mais encore qu'ils devaient être arrêtés et vérifiés par lui, d'après un mode de comptabilité qui n'était pas encore établi.
Mais, Messieurs, ces comptes sont de deux espèces :
Les premiers sont les comptes anciens non encore jugés ni apurés ;
Les seconds sont les comptes de l'année courante :
Ces comptes anciens, non encore jugés ni apurés, ne sont pas seulement ceux de MM. Necker et Durresne, depuis le 15 mai 1789, jusqu'au premier janvier 1791 ; et ceux rendus par la caisse de l'extraordinaire ou la Trésorerie nationale, jusqu'au premier septembre de la même année.
Il en existait d'autres, non moins intéressants, soumis au jugement des chambres des comptes, lors de leur suppression.
Nous voUs citons, par exemple, Messieurs, les comptes des payeurs des rentes et ceux des recettes générales des finances des exercices 1786 et 1787, qui devaient être présentés le dernier décembre 1790. Nous vous eitons les comptes de ces exercices pour les années 1788 et les premiers mois de 1780.
On distingue encore, Messieurs, parmi les comptes anciens, ceux sur livres et registres, de ceux sur pièces.
Dans les premiers, il ne s'agit que de comparer les registres ou journaux de recettes et dépenses entre eux, et de présenter le résultat de. leur différence ;,
Dans les seconds, il s'agit de vérifier, sur les pièces, si tout ce qui est porté en dépense sur les registres des payeurs se trouve réellement justifié par le rapport des quittances.
Les comptes sur livres et registres sont, phrs particulièrement ceux des ordonnateurs; ceux sur pièces concernent les comptables en sous-ordre.
Mais i est évident, Messieurs, que pour acquérir une connaissance exacte sur la comptabilité i des finances de la nation, il faut absolument
comparer entre eux les résultats des vérifications sur livres et registres, avec les résultats des vérifications sur pièces.
Si donc, Messieurs, par votre décret du 13 octobre dernier, vous n'avez établi votre comité de l'examen des comptes que pour vérifier sur registres et journaux les seuls comptes du 15 mai 1789 au 1er septembre 1791, il s'ensuit, ou que vous devez étendre ses fonctions à l'examen aes comptes antérieurs au 1er mai 1789 non encore jugés ni apurés, ou que vous devez établir un autre comité chargé de l'examen de ces autres comptes.
Vous ne pouvez en effet. Messieurs, avoir eu l'intention de ne pas vérifier et juger tous les comptes anciens qui sont arriérés; et il en est un très grand nombre.
Vous concevrez facilement de quelle importance il est pour la nation que l'apurement et la vérification de ces comptes arriérés soient promptement effectués. Considérez, d'abord, qu'ils présentent très probablement de gros débets.
En second lieu, par un décret du 18 février dernier, qui fixe les sommes à verser au Trésor public pour les dépenses de 1791, l'Assemblée constituante a orcfonné qu'il serait fait à la caisse de l'extraordinaire un fonds de vingt millions,, pour suppléer aux dépenses résultant, y est-il dit, de l'apurement de tous les comptes. Or, Messieurs, plus tôt ces comptes arriéres seront jugés, plus tôt on pourra disposer du bénéfice, sans doute très considérable, qui va se trouver sur cette réserve de 20 millions.
Les comptes anciens antérieurs au 15 mai 1789, et ceux du 15 mai 1789 jusqu'au premier septembre 1791, ne sont pas encore les seuls soumis à la vérification définitive du Corps législatif.
Il doit aussi vérifier ceux des 4 derniers mois de cette année, à une époque qui n'est pas bien éloignée.
Il faut donc encore, Messieurs, que vous preniez des mesures à cet égard : votre comité vous proposera bientôt celles qu'il a jugées convenables.
Mais il faut qu'avant de vous lire son projet de décret, je vous rappelle encore les dispositions de quelques lois qui déterminent le mode d'après lequel les comptes au moins ceux sur pièces doivent être présentés à l'examen et à la vérification du Corps législatif.
C'est, Messieurs, le 15 septembre seulement (1) que l'Assemblée constituante a décrété ce mode.
Je vous lirai, si vous le jugez à propos, tout le titre second du décret; mais plusieurs articles ne sont pas relatifs à la discussion actuelle. Pour économiser un temps qui vous est précieux, je pense qu'il vaut mieux vous lire les seuls qui s y rapportent : voici, Messieurs, l'article 1er.
Art. 1er.
« Il sera établi un bureau de comptabilité composé de 15 personnes, qui seront nommées par le roi. Ces 15 commissaires seront divisés en 5 sections composées de 3 membres chacune, lesquelles alterneront tous les ans, sauf à augmenter leur nombre si l'accélération des travaux et l'utilité publique l'exigent.
Art. 2.
« Lesdits commissaires recevront tous les comptes dont il va être fait mention ci-après, et en prépareront le rapport.
« Chaque rapport sera signé par 3 commissaires qui demeureront responsables des faits qu'ils auront attestés.
Art. 7.
« Le caissier général, les payeurs principaux de la trésorerie nationale, le trésorier de l'extraordinaire, les administrateurs des domaines, ceux des douanes, ceux de la régie des droits d'enregistrement et de timbre, ainsi que tous préposés généraux à la recette de droits perçus dans toutes les parties du royaume, présenteront les comptes de l'universalité des recettes qu'ils auront faites ou dû faire, et de l'emploi qu'ils en auront fait au bureau de comptabilité, pour être, lesdits comptes, après l'examen qui en aura été fait au bureau de comptabilité, vus et apurés définitivement par l'Assemblée nationale législative, aux termes du décret du 4 juillet.
Art. 8.
« Si, en procédant à l'apurement dudit compte, l'Assemblée nationale législative reconnaît que quelques articles sont sujets à contestation, elle ordonnera la communication des comptes à l'agent du Trésor public.
Art. 10
« Tous receveurs particuliers comptables à la" Trésorerie nationale ou à la Trésorerie de l'extraordinaire, pour des objets postérieurs au premier janvier 1791, seront tenus, sous les peines portées par l'article 6 du titre 3 du décret du 4 juillet aernier, de remettre leurs comptes aux-dits trésoriers au premier juin de chaque année au plus tard, pour l'année qui aura fini au 31 décembre précédent. A l'égara des objets antérieurs au premier janvier 1791, lesdits comptes seront remis dans les délais et de la manière exprimés au décret du 4 juillet dernier. »
Il est indispensable que je vous rapporte ici, Messieurs, la partie du titre III de ce décret sur les délais et la présentation de ces comptes an-, térieurs au 1er janvier 1791: «
Art. 1er.
« Dans le délai d'un mois après l'organisation, du bureau de comptabilité, tous individus ou compagnies qui comptaient de la recette ou dé-, pense des deniers publics, soit pardevant les chambres des comptes, soit pardevant le conseil du roi; tous héritiers et ayants cause d'individus comptables, comme aussi les receveurs, économes, séquestres, régisseurs ou administrateurs
tenus de rendre compte pardevant le Corps législatift aux termes des décrets, adresseront au bureau de comptabilité un état de situation de leur comptabilité, contenant :
« î°La date de leur dernier compte jugé, apuré, et corrigé avec le certificat de quitus ou décharge à l'appui ;
« 2» La date de leurs comptes jugés, mais non encore apurés, ni corrigés, avec copie des jugements;
« 3° La date des comptes par eux présentés et qui n'ont pas encore été juges; . « 4° La date des années de leur exercice dont ils n'ont pas encore présenté le compte, jusques et compris l'année 1790. »
Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 du même titre prononcent seulement des peines contre les coupables qui seraient en, retard de produire leurs comptes et leurs états au bureau de comptabilité.
Je reprends, Messieurs, la suite des articles décrétés le 15 septembre dernier, et je vous ne rappelle toujours que ceux relatifs au mode de comptabilité établis par l'Assemblée constituante. L'article 12 est ainsi conçu : « Le caissier général de la trésorerie nationale et autres comptables dénommés en l'article 7 ci-dessus (1), seront tenus, sous la même peine, de remettre au bureau de comptabilité le compte de chaque année, le 1er octobre au plus tard de l'année suivante. » Enfin, Messieurs, l'article 14 est ainsi conçu : « Dans le cas où, lors de l'examen des comptes, il paraîtrait qu'il y a lieu à exercer l'action de responsabilité contre quelques-uns des ministres ou autres agents du pouvoir exécutif, le bureau de comptabilité en rendra compte à l'Assemblée nationale législative, et lui proposera, s'il y a lieu, les éclaircissements préalables qu'il paraîtra convenable de prendrex même la vérification sur les lieux par des commissaires nommés à cet effet. L'Assemblée nationale décidera, après la vérification des faits par le bureau de comptabilité, s'il y a lieu à l'action de responsabilité : alors cette action sera intentée à la requête de l'agent du Trésor public, devant le tribunal dans le territoire duquel le ministre ou agent du pouvoir exécutif sera domicilié. »
Les différentes natures de comptabilité soumises à la vérification définitive du Corps législatif, le mode de leur présentation et de leur examen sont donc déterminés, Messieurs, par les différentes lois que j'ai eu l'honneUr de vous rappeler.
Le roi doit établir un bureau de comptabilité composé de 15 personnes, qui seront chargées de vous présenter au moins tous les comptes sur pièces des finances de la nation, après qu'elles les auront précédemment vérifiées.
Votre commission, Messieurs, a pensé ne pouvoir examiner aucuns comptes, avant qu'ils eussent passé par le bureau de comptabilité. Il s'est empressé de savoir s'il était formé. Il a écrit à ce sujet, le 4 de ce mois, au ministre des contributions publiques.
Voici, Messieurs, la réponse qu'il a faite au président du comité :
Paris, ce 4 novembre 1791. « Je m'empresse, Monsieur, de vous procurer
les éclaircissements que vous désirez sur la formation du bureau de comptabilité.
« Le décret de l'Assemblée nationale, du 15 septembre 1791, ayant été présenté très tard à la sanction du roi, n'a été sanctionné que le 23 octobre dernier. Sa Majesté s'est occupée ensuite du choix des 15 commissaires-vérificateurs. Ils ont été nommés le 2 de ce mois. M. Delessart leur a annoncé leur nomination le 3; et je les réunis chez moi, demain samedi, à 7 heures du soir, pour leur donner connaissance des nouvelles lois relatives à la comptabilité, et pour fixer leurs idées sur les premiers objets dont ils ont à s'occuper sur-le-champ, pour le mettre en état d'entrer sous très peu ae jours en activité. Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien transmettre ces éclaircissements à Messieurs du comité de l'examen des comptes.
u Le ministre des contributions publiques, « Tarbé. »
Les comptables, comme vous l'avez vu. Messieurs, ont le délai d'un mois, à compter de l'organisation du bureau de comptabilité, pour y présenter les états que le décret les astreint a fournir. Il est, par conséquent, infiniment intéressant qu'elle soit bientôt complète. Votre comité donnera tous les soins à cet objet.
Je me résume, Messieurs, avant de vous lire le projet de décret arrêté par votre comité de l'examen des comptes.
J'ai eu l'honneur de vous prouver par le texte et les conséquences des lois faites jusqu'à ce jour sur la comptabilité:
1° Que c'était au Corps législatif à arrêter définitivement tous les comptes des finances de la nation;
2° Qu'il existait des comptes à vérifier sur pièces, et qu'il y en avait à vérifier sur livres et registres;
Qu'au moins ceux, à vérifier sur pièces devaient passer, avant tout, au bureau de comptabilité établi par la loi du 15 septembre dernier.
Je vous ai démontré qu'il existait des comptes non jugés, antérieurs au 15 mai 1789;
Qu il y en avait d'années échues; qu'il y aurait bientôt ceux de l'année courante ;
Qu'il y en avait de définitifs, qu'il y en avait de partiels ;
Que tous étaient également soumis à la vérification et au jugement du Corps législatif;
Que cependant votre décret du 13 octobre dernier n'avait établi le comité de l'examen des comptes que pour vérifier sur registres tous ceux rendus depuis le 15 mai 1789 jusqu'au 1er septembre 1791 ;
Qu'il était, par conséquent, nécessaire que vous prissiez des mesures ultérieures sur ces différents objets.
J'ai eu l'honneur de vous annoncer que votre comité vous proposerait celles qui lui auraient paru convenables.
Voici donc. Messieurs, son projet de décret qui, si vous l'agréez, lui tracera, pour l'avenir, le plan de son travail:
projet de décret.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'examen des comptes, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Les fonctions du comité de l'examen des
comptes consistent à vérifier et arrêter sur registres, livres, journaux et pièces, tous les comptes définitifs non jugés ni apurés, qui sont ou doivent être présentés au Corps législatif d'après les décrets existants.
Art. 2.
Tous les comptes qui doivent être vérifiés et arrêtés par le Corps législatif, passeront préalablement par devant le bureau de comptabilité, établi par la loi du 15 septembre dernier.
Art. 3.
Le comité présentera toujours à l'Assemblée nationale le résultat des vérifications qu'il est chargé de faire.
Art. 4.
Il se concertera avec le ministre des finances pour accélérer le plus possible la reddition de tous les comptes des finances de la nation, qui sont arriérés, toujours en se conformant au mode décrété.
Observations particulières du rapporteur.
Tous comptes sur pièces à vérifier par le Corps législatif doivent être préalablement vus et lui être présentés par le Taureau de comptabilité, composé de 15. personnes nommées par le roi.
Les décrets sont positifs à cet égard. Sur cet objet, il n'y a pas eu deux avis au comité.
Mais en est-il de même des comptes sur registres. livres et journaux ? Sur cette question, le comité n'a pas été d'un seul avis.
La majorité d'un ou deux membres au plus a décidé l'affirmative.
La minorité pensait, au contraire, que les comptes sur registres, livres et journaux devaient être examinés par le comité, sans l'intermédiaire du bureau de Comptabilité.
Les comptes sur livres et registres sont ceux des ordonnateurs. Ceux sur pièces regardent les payeurs. Il ne faut pas perdre de vue cette distinction ; et il faut se rappeler que les ordonnateurs sont les ministres.
Cette difficulté étant sérieuse et importante à décider, voici les différents motifs des opinions opposées :
Raisons pour Vavis de la minorité du comité.
Les comptes des ministres passeraient sous les yeux de ceux qu'ils auraient choisis pour les examiner. Or, cela paraît répugner.
La Constitution, chapitre II, section IV, article 7, porte que les ministres seront tenus de présenter chaque année au Corps législatif, à Vouverture de la session, Vaperçu des dépenses à faire dans leur département, de rendre compte de Vemploi des sommes qui y étaient destinées. .
Cet article ne fait aucune mention de ^intermédiaire du bureau de comptabilité ; donc ces sortes de comptes ne doivent point y passer.
L'Assemblée nationale paraît avoir décidé la question par son décret au 13 octobre dernier, qui charge son comité de vérifier seulement sur registres et livres, sans faire aucune mention du bureau de comptabilité.
La vérification préalable par ce dernier bureau, pour les comptes sur livres et registres, ne peut servir à rien : il n'y a pas là d'ordre à établir dans des pièces de dépenses, point de
faits à vérifier ou à certifier; elle opérerait seulement, en pure perte, un retard considérable dans l'exécution au décret du 13 octobre relatif aux comptes de mai 1789 à septembre 1791.
Raisons pour l'avis de la majorité.
Les décrets des 30 janvier, 22 et 31 décembre 1790, celui du 4 juillet 1791, tous ceux en un mot qui prescrivent une comptabilité quelconque (1) vis-à-vis du Corps législatif, soit aux ordonnateurs, soit aux payeurs, renvoient sur le mode de cette comptabilité au décret qui l'a déterminé.
Ce décret est celui du 4 juillet 1791 : il ne détermine qu'un seul mode, sans distinguer en aucune façon les comptes sur livres et registres de ceux sur piètes.
L'article 1er du titre II de cette dernière loi, qui fut décrété le 15 septembre, porte que tous individus ou compagnies qui comptaient de la recette ou dépense des deniers publics, soit par-devant les chambres des comptes, soit par devant ie conseil du roi, doivent envoyer leurs états des'derniers comptes rendus par eux et autres pièces, au bureau de comptabilité, dans le délai d'un mois à compter ae son organisation.,
Or, tous les ordonnateurs, tous les ministres quelconques étaient certainement comptables, soit aux chambres des comptes, soit au conseil du roi.
Donc leurs comptes, c'est-à-dire les comptes sur livres et registres, doivent passer par devant le bureau de comptabilité.
L'article 14 porte encore que, si lors de l'examen des comptes, le bureau de comptabilité croit qu'il y a lieu à exercer l'action de responsabilité contre les ministres ou autres agents du pouvoir exécutif, il en rendra compte à l'Assemblée nationale législative ;.......................
que l'Assemblée nationale décidera, après la vérification des faits par le bureau de comptabilité, s'il y a liéu à l'action de responsabilité.
Or, comment le bureau pourrait-il découvrir s'il y a lieu à cette responsabilité, comment pourrait-il vérifier les faits, si les comptes sur livres et registres ne lui étaient pas présentés ainsi que ceux sur pièces ?
L'article de l'Acte constitutionnel ne fait pas mention du mode ' dans lequel la comptabilité qu'il prescrit aura lieu, parce que ce mode ètait déjà décrété dès le 15 septembre : il suffit qu'il n'en présente point Un nouveau pour qu'on se conforme à l'ancien.
La preuve de ce que l'Assemblée nationale n'a pas décidé la question par son décret du 13 octobre, c'est que le lendemain 14, elle a ordonné à son comité de lui présenter, avant tout, le plan de son travail sur le mode d'exécution de son décret par lequel elle lui prescrit une vérification sur livres et registres.
De èe qu'un ministre aurait nommé les membres du bureau de comptabilité, il ne s'ensuit pas que Ce bureau n'ait pas le droit d'examiner ses comptes.
C'est au roi que la loi donne le droit de nommer les membres de ce bureau. Or, le roi qui a le droit incontestable d'exiger des comptes de
ses ministres, peut, sans que cela répugne, déléguer ce droit à 15 personnes choisies par lui ; ces dernières considérations sont les bases de l'article 2 du décret proposé par le comité.
Si l'Assemblée nationale pensait que les comptes sur livres et registres ne dussent pas passer par le bureau de comptabilité comme ceux sur pièces, ils suffirait d'ajouter ces deux derniers mots à l'article 2, après ceux-ci : tous les comptes ; le sens alors rentrerait dans l'avis de la minorité (1).
Au reste, l'Assemblée nationale n'est probablement pas à s'apercevoir des relations qu'ont nécessairement entre eux les différents comités qui ont trait aux finances; elle sentira vraisemblablement la nécessité d'une marche; d'un plan à combiner, pour que cette partie si délicate et si essentielle qui lui est confiée, puisse acquérir la consistance qu'une trop grande diversité dans les projets ae ses comités pourrait lui enlever. L'Assemblée nationale réunirait alors, sous la seule dénomination de comité des finances, les différentes sections qu'elle en avait formées. Il est facile de prévoir qu'elle sera forcée de prendre ce parti, ou qu'elle se verra souvent arrêtée dans des opérations dont la prompte exécution importe si essentiellement à la chose publique.
En supposant que l'Assemblée prît ce dernier parti, il ne serait pas moins essentiel qu'elle adoptât l'une des deux rédactions du projet de décret qui lui sont présentées ici.
Si elle adopte la rédaction du comité, il faut qu'il presse le bureau de comptabilité de commencer ses fonctions, et qu'il attende que ce dernier ait examiné les comptes de mai 1789 à septembre 1791, avant de s'en occuper.
Si l'Assemblée nationale adoptait, au contraire, l'opinion de la minorité du comité, il pourrait sur-le-champ commencer son travail conformément au décret du 13 octobre dernier. D'après celui du 14, le comité ne peut rien faire sans que l'Assemblée se soit déterminée pour l'une ou l'autre de ces deux opinions opposées.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture de la notice des décrets sanctionnés par le roi, envoyée à l'Assemblée nationale par le ministre de la justice. Cette notice est ainsi conçue :
« Le ministre de la justice a l'honneur de transmettre à M. le Président de l'Assemblée nationale, la note des décrets sanctionnés par le roi.
ret qui charge le ministre de la guerre d'adresser, à l'As-lée, 1 état des maréchaux de France en activité.
note des décrets.
Assemblée nationale constituante.
Décret relatif à l'organisation de la Trésorerie nationale.
Décret qui charge le garde des Archives nationales de remettre, au ministre de la justice, des copies collationnées, soit des minutes, soit des expéditions en parchemin, des décrets qui manquent aux archivres du sceau. Décret relatif au régiment des Gardes suisses.
Décret semblée,
Décret qui maintient provisoirement l'exécution des anciens règlements relatifs aux mines, ateliers ou fabriques dans les villes.
Décret relatif aux citations devant les bureaux de conciliation de Paris.
Décret qui révoque les ajournements réservés et exceptions relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique. 28 septembre. Décret relatif aux juifs de la province d'Alsace. 28 septembre. Décret qui fixe le mode d'admission aux emplois de sous-
lieutenant dans l'armée, à dater du 15 octobre. 28 septembre. Décret portant que le tableau représentant le serment du Jeu de Paume sera fait, aux frais du Trésor public, par Jacques-Louis David.
28 septembre. Décret sur la manière de fixer l'état des officiers généraux
employés dans les colonies.
29 septembre. Décret relatif aux gardes nationales des départements de l'in-
térieur, qui n'ont pas été compris dans la répartition fixée pour la défense des frontières.
dates des décrets.
30 juin, 11 juillet et 16 août.
11 septembre.
15 septembre.
17 septembre.
21 septembre.
21 septembre.
27 septembre.
dates des sanctions.
13 novembre.
13 novembre.
13 noveipbre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
dates des décrets.
23 octobre.
7 novembre.
11 novembre.
7 novembre.
11 novembre.
12 novembre.
12 novembre.
12 novembre.
note des décrets.
Assemblée nationale législative.
Décret relatif au payement des gages arriérés de 1790.
Décret relatif à la résidence des sept nouveaux corps qui vont être formés de la garde nationale parisienne soldée.
Décret portant qu'il sera délivré au caissier de la caisse de l'extraordinaire, la somme de 10 millions en assignats de 5 livres.
Le même secrétaire fait lecture d'une autre notice, dont la teneur suit, et qui comprend les décrets non sujets à la sanction, et dont le roi a ordonné l'exécution.
Décret qui charge le pouvoir exécutif de prendre des informations sur la conduite de plusieurs officiers du régiment d'Ernest, inculpés par la municipalité de Marseille.
Décret relatif aux troubles excités dans la ville de Caen et dans le département du Calvados.
Décret portant qu'il y a lieu à accusation contre le nommé Varnier, et qu'il sera mis en état d'arrestation.
Décret pour s'assurer des papiers et autres effets du sieur Varnier.
Décret qui déclare en état d'arrestation les nommés Tardy et Noireau.
« Paris, le
dates des sanctions.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
dates de l'exécution.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
13 novembre.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, en date du 16 de ce mois.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des contributions publiques.)
2° Lettre de M. Duport ail, ministre de la guerre, qui demande un règlement pour la gendarmerie nationale parisienne soldée. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur te Président,
« I^e directoire du département de Paris m'écrit pour me demander le règlement annoncé par l'article 9 du titre VI de la loi du 28 août dernier, relative à la nouvelle organisation de la gendarmerie nationale parisienne soldée. Les corps qui doivent être formés de cette troupe étant sur le point d'être organisés, le directoire désire que le règlement qui doit fixer le mode de leur service et tous les rapports qui existeront, soit entre eux réciproquement, soit entre les chefs et les troupes ae la ville de Paris, puissent être formés en même temps. Vous jugerez sûrement ce désir bien fondé, Monsieur le Président, et je me persuade que, si vous voulez bien en donner connaissance a l'Assemblée nationale, elle ne tardera pas de s'occuper d'un objet aussi pressant et aussi important.
« Je suis, avec respect, etc.
« Signé : duport ail. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
3° Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, relative aux hôpitaux militaires ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'avais adressé à l'Assemblée constituante un plan général des hôpitaux militaires ; mais le
temps ne lui ayant pas permis de s'en occuper, j'ai l'honneur d'en adresser un nouveau à l'Assemblée nationale qui peut l'éclairer sur l'objet de ma demande. Je vous prie, Monsieur le Président, de l'engager à s'en occuper le plus promp-tement possible, car il est instant ae mettre fin au régime actuel des hôpitaux dont la dépense ne peut être suivie comme elle devrait l'être, par l'instabilité continuelle des troupes. J'aurai l'honneur de vous observer que, pour que cette partie de l'administration soit réglée a'une manière avantageuse pour le 1er janvier prochain, il est nécessaire que le décret à ce sujet soit rendu à la fin de ce mois.
« Je suis, avec respect, etc.
« Signé : duportail. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et des secours publics réunis.)
4° Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre„ sur les subsistances ae Varmée.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de la trésorerie nationale.)
, commissaire civil envoyé par le roi dans les ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat Venaissin, mandé à la barre de l'Assemblée nationale par décret du 4 novembre 1791, est introduit.
Monsieur, le 4 novembre dernier l'Assemblée nationale a rendu le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des pétitions, sur les faits imputés à M. l'abbé Mulot, par M. Rovère, chargé à cet effet des pouvoirs de l'assemblée électorale, séant à Bédarides, et de l'administration provisoire de la commune d'Avignon, décrète :
« Art. 1er.
« Le sieur Valentin Mulot est mandé à la barre pour y être entendu, dans la quinzaine au plus
tard, avant qu'il soit statué s'il y a lieu ou non à accusation contre lui.
« Art. 2.
« Dans trois jours, le ministre de l'intérieur rendra compte à l'Assemblée nationale de l'état actuel des districts d'Avignon et de Carpentras, et lui fera connaître les dispositions faites pour y rétablir l'ordre, et faire punir les auteurs et complices des meurtres qui viennent de s'y commettre. »
Je vous donne la parole.
(1). Messieurs, chargé d'exécuter, au nom du roi. le décret du 25 mai dernier (2), concernant les peuples d'Avignon et du Comtat Venaissin, de remplir auprès d'eux la plus importante des missions, d'exercer les fonctions de commissaire-médiateur, ie devais de ma conduite un compte public et solennel qui fixât l'opinion générale sur les opérations auxquelles j'avais concouru, ou que j'avais faites seul; qui raffermît la confiance que m'avait donnée la ville de Paris, en me désignant pendant mon absence pour un des membres de cette auguste assemblée, qui éloignât les moindres nuages que l'ingratitude, la vengeance et l'envie srétaient plu à répandre sur moi; et qui écartât enfin jusqu'au plus léger soupçon que les patriotes français, égarés par les échos trop faciles du mensonge, avaient puisé dans des feuilles où ils trouvent si souvent l'erreur en cherchant la vérité.
J'apportais avec moi dans la capitale ce compte, aussi impartial que ma conduite. Pour vous prouver, Messieurs, que j'étais digne de siéger parmi vouSj je me préparais à vous demander la permission de vous le rendre, avant même d'avoir prêté mon serment, lorsqu on m'apprit que, d'après une dénonciation formelle, un decret me mandait à la barre pour y être entendu. La paix de mon âme ne fut pas altérée par cette nouvelle. En vous, Messieurs, j'ai vu des juges qui demandaient à connaître la vérité; et j'ai vu dans mon dénonciateur un homme au moins séduit, et qui l'avait été d'autant plus facilement qu'il était absent, et que je pouvais confondre plus facilement encore ; et quoique le doute élevé sur la loyauté de ma conduite fût pénible à mon cœur, tel est mon amour pour la Constitution, que j'en bénissais les auteurs qui avaient trouvé le moyen de soumettre les agents du pouvoir à la responsabilité devant la loi, qui du moins pouvait enfin les atteindre.
Je n'ai pas cessé, depuis mon retour, d'employer tous les instants à accélérer mon rapport, et la connaissance nécessaire des bases sur lesquelles mon adversaire avait appuyé sa dénonciation, a pu seule y apporter quelque retard ; mais enfin, le voici fait avec la franchise de l'âme honnête qui ne trouve en elle rien à cacher, parce qu'elle ne se reproche rien.
Pour mieux vous faire saisir les faits, je vais en placer l'ensemble sous vos yeux : je
serai, s'il est possible, aussi rapide que les événements. Je ne m'étendrai pas sur des
objets traités déjà par mes collègues; seulement je n'oublierai pas quelques détails échappés
au pinceau véridique et énergique de M. Le Scène (3), et j'en retoucherai
Première époque.
Vous connaissez déjà, Messieurs, comment la conquête de la liberté, faite par les Français en juillet 1789, échauffant les esprits des Avienon-nais et des Comtadins, les fit, dès le mois d'août suivant, sortir de la léthargie de l'esclavage dans laquelle les retenait comme endormis la politique de la cour romaine.
Vous savez que ces peuples, prenant leur essor et s'élevant à la dignité de 1 homme, demandèrent la convocation des Etats généraux et la Constitution française au prince dont un prédécesseur, dans un temps d'ignorance et de barbarie, les avait achetés, comme de simples troupeaux, d'une femme faible et criminelle, pour des absolutions qu'il profanait, et pour quelques pièces de monnaie qui, sur aucun point de la terre, n'eussent iamais dû devenir le prix des hommes. Vous vingt endroits sant régime féodal.
Je laisse à l'histoire à tracer sur le livre du temps le détail de cette première époque que suivit l'établissement de la liberté avignonnaise et comtadine. C'est là que l'on verra toutes les tergiversations italiennes repoussées par les franches secousses de l'homme débarrassé de ses fers. C'est là que l'on verra le vice-légat promettre et ne pas accorder la modération des octrois dans Avignon; faire lancer contre les citoyens qui réclament ses promesses, des décrets de prise de corps ; faire exécuter ces décrets et en annoncer la suite terrible avec tout l'appareil du despotisme, les canons et les gibets, précautions que bientôt des mouvements populaires rendent inutiles ; consentir enfin qu'Avignon forme une municipalité, suivant la Constitution française, à la place des consuls qu'une administration provisoire avait déjà remplacés sur leur démission.
Le pape, dans ce livre inraturable, paraîtra faible et incertain, cherchant à retenir ou à
rattraper l'extrémité des rênes d'un gouvernement qu'on lui arrachait avec tant de raison ;
refusant les Etats généraux aux demandes pressantes des
Sur les pages éternelles de ce livre seront tracées toutes les causes qui auront fait mouvoir les divers agents de cette révolution ; et si l'on y voit des hommes de bonne foi se sacrifier au bien général, on n'en verra que trop n'agir que pour eux, pour rétablir les débris oe leurs fortunes épuisées, ou pour s'en procurer une toujours trop tardive à leurs yeux avides. La plume variée de l'histoire nuancera les différents caractères. Les habitants d'Avignon et ceux du Comtat en présenteront chacun un constamment opposé, et des antipathies, des haines, des jalousies réciproques : tout n'offrira chez les premiers que l'effet de | l'explosion de leurs sentiments volcaniques, et chez, les seconds, que le fruit des réflexions les plus combinées.
La division des opinions sur la Constitution française, heureux fléau des despotes et des privilégiés, paraîtra avec ses suites funestes. On verra se succéder les mouvements de la ville d'Avignon, tour à tour plongée dans la joie que lui causent les progrès qu'elle fait vers rétablissement de cette Constitution, ou nageant dans le sang que font couler ses ennemis, ou, se déshonorant pas des exécutions populaires, que le peuple cependant, quoiqu'en effervescence, laissait faire à des bourreaux (1) ; il n'avait point encore accoutumé son cœur aux barbaries des Sarrians, ni à manger les entrailles de ses ennemis, comme à Mazan; ou plaçant avec allégresse au milieu des Français qui vinrent arrêter ces cruautés, les armes de France, et faisant briller sur les murs, au lieu de la triple thiare du despote de Rome, le simple bonnet de la liberté, ainsi que les lys où paraissaient les clefs, emblème trop énergique de l'esclavage.
Carpentras, moins susceptible, par son caractère, de cette versatilité, offrira le grave développement de sa marche et de ses combinaisons. On verra ses habitants et ceux du Comtat, dont elle était la capitale, se réunir en Assemblée représentative, calculant les fruits du bonheur que pouvait, que devait leur procurer la Constitution française et les suites qu elle pouvait avoir, mais gardant un attachement sévère au pape, lui déclarer qu'ils le conserveront pour prince, s'il veut consentir à l'adoption des lois françaises que l'irrésistible besoin d'être heureux leur fait admettre et que le silence seul de sa part, sur ce point important, sera à leurs yeux le signal de leur indépendance et de la rentrée du peuple comtadin dans les droits de son inaliénable souveraineté.
Stables dans leurs principes, les Carpentrassiens paraîtront toujours courant à. leur But,
combattant les Cavaillonnais, trop prompts, suivant eux, à secouer les poids de la thiare;
faisant arracher des murs des petites villes comtadines les armes françaises qu'elles avaient
arborées, avant que l'Assemblée représentative les ait cru déliées du serment de fidélité au
pontife romain ; correspondant cependant avec les clubs des patriotes français, jusqu'à Paris
même, pour entretenir leur amour pour la Constitution, en assurer même l'établissement parmi
eux, enfin sur le soupçon bien fondé du silence astucieux de leur prince ultramontain,
confiant à trois conservateurs le pouvoir exécutif qu'ils avaient ôté provisoirement aux
agents de la cour de Rome.
Ici, Messieurs, je vais reprendre moi-même le fil des événements :
Deuxième époque.
La deuxième époque de la Révolution avignon-naise et Comtadine s'ouvre : un détachement considérable de soldats du régiment de Soissonnais et de dragons de Penthièvre venait de renforcer la garde nationale d'Avignon ; les émigrants de Cavaillon lui offraient leurs bras, et lui demandaient vengeance ; le siège de Cavaillon est décidé; cette ville est prise, elle est pillée, et il faut que des mains avares et cruelles aient spécialement désigné les victimes, puisque des vieillards paisibles, qui n'avaient participé en rien aux affaires publiques, n'ont obtenu la vie qu'au prix de l'or qu'ils avaient acquis par de longs travaux; puisque des femmes respectables par leur sexe, par leurs vertus et leur bienfaisance, échappées à des balles lancées sur elles, n'ont dû leur salut qu'à la fuite la plus dangereuse, et n'ont survécu que pour voir leur fortune anéantie; puisque des absents ont eu leurs meubles brisés, leurs effets enlevés, leurs maisons dévastées. Excusez, Messieurs, si je pèse sur ces faits , mais il m'a paru nécessaire de mettre dans tout son jour ce coup d'essai de l'armée avignonnaise, afin que vous puissiez en apprécier la marche. Et, d'ailleurs, les tracesde ces malheurs, que j'ai vues toutes fraîches, se sont tellement gravées dans ma mémoire, que je n'ai pu les oublier en ce moment où je vous en rends compte.
Effrayée parle succès des armes avignonnaises, l'Assemblée représentative se dissipa, et Carpentras arbora les lys de la France, talisman heureux en toute autre occasion, mais insignifiant contre la haine de sa rivale, que tâchèrent en vain d'adoucir les députés pacificateurs de la ville d'Orange.
Les tentatives que fit l'armée des Avignonnais furent, il est vrai, aussi inutiles que l'avaient été les démarches des hommes de paix qu'ils avaient refusé d'entendre, et tout se ligua pour les faire échouer; les éléments se déchaînèrent contre eux, et furent secondés par l'impéritie des soldats, et surtout par celle de Patrix, leur chef, qui fut cependant assez sage pour les faire rentrer dans leurs murs.
Alors s'imagina, dans Avignon, le fameux pacte fédératif, ouvrage fatal et monstrueux qui
réunissait dans les mêmes mains tous les pou-
Les deux Etats réunis par le pacte fédératif, ne devaient faire qu'un tout organisé comme les départements français, sous la dénomination agréablement choisie de Département de Vaucluse. Le siège devait être placé a Avignon, et jusqu'à la décision de l'Assemblée nationale, à qui l'on demandait la réunion, les électeurs, destinés à former l'organisation générale, devaient être les uniques dépositaires et les seuls agents de la souveraineté.
Les habitants deCarpentras, en grande majorité, voulaient sincèrement la Constitution française qu'ils aimaient ; mais l'amour qu'ils avaient pour elle n'étouffait pas la haine qu'ils nourrissaient depuis des siècles contre Avignon, et que ce plan ne pouvait qu'irriter. Cet éloignement pour son acceptation était entretenu sourdement par. les ci-devant privilégiés, ennemis jurés de nos lois, et dont abondait cette ville capitale du Comtat, centre d'un diocèse, siège des tribunaux majeurs du pays, et repaire aes receveurs des deniers publics. On refusa donc toute association avignon-naise, et Carpentras entraîna après elle une grande partie, quoique la moins peuplée des communes du Comtat.
Les chefs du parti avignonnais, calculant alors d'après le nombre des individus, et non d'après celui des communes, poursuivirent leurs projets et menacèrent d'un nouveau siège cette ville, qu'ils peignaient à leur armée comme réfrac-taire à la volonté générale, comme ennemie de la liberté ; et ce ne fut que par les soins, les travaux et l'éloquence d'une députation des amis de la Constitution de Valence, qu'enfin Carpentras, dans une délibération expresse, consigna son adoption du pacte fédératif, qu'elle avait d'abord repoussé. Elle fit plus; sa délibération se sentait, par sa sécheresse, de ses premiers sentiments; elle en prit une seconde où les motifs de son adhésion furent librement et solennellement manifestés.
Hélas ! de combien peu de durée fut cette alliance que la passion avait combattue, et que malheureusement les circonstances seules avaient fait se former.
Troisième époque.
Ici, Messieurs, je placerai la troisième époque de la Révolution opérée sur les terres ci-cfevant sujettes à la domination papale.
L'aristocratie carpentrassienne, outrée de l'adhésion que les patriotes venaient de donner au pacte fédératif, résolut d'en empêcher le succès : elle forme une assemblée contre-révolutionnaire à Sainte-Cécile ; et, pour tromper plus facilement le peuple, elle donne à chacun des membres le nom imposteur de commissaires de l'union.
Cependant, en vertu du pacte fédératif, l'assemblée électorale et souveraine du soi-disant département vauclusien se formait; les communes fédérées à Avignon lui envoyaient des députés, et ne regardant plus les autres que comme des absents volontaires dûment convoqués, elle procéda à l'organisation générale. L'am-
bition des chefs se dévoila dans cette circonstance, et l'impudeur de leurs prétentions montra combien peu le patriotisme avait été le mobile de leurs actions. Trois familles réunirent toutes les places majeures, etquelques amis obtinrent ensuite les autres. L'injustice de ce choix fut d'autant plus sentie par ceux qui, dans Avignon, pouvaient y prétendre, crue leur amour-propre était blesse. Ils jouirent de la liberté pour s en plaindre ; leurs plaintes furent méprisees, et ce mépris fut une semence de divisions funestes qui tôt ou tard, ne pouvaient manquer d'éclore.
Un événement cruel vint faire diversion aux ressentiments particuliers, et sembla rallier tous les esprits. Il les rallia tous en effet pour opérer une vengeance commune: le malheureux Anselme, le trop infortuné Lavillasse (1) venaient de périr victimes de l'aristocratie barbare, peu délicate dans le choix de ses moyens, et qui avait préféré de commettre deux assassinats, plutôt que de voir ses projets balancés par le crédit de ces deux électeurs. Aux armes ! ne fut qu'un cri dans Avignon et sur tous les points du Comtat où respiraient les amis de la Révolution. Il ne faut plus parler à ces monstres qu'avec des bouches a feu, disait-on hautement dans les assemblées des patriotes ; les canons se préparèrent et l'armée se mit en marche.
Cette armée n'était plus l'armée avignonnaise, c'était l'armée vauclusienne ; elle était échauffée par l'espoir de la vengeance, l'amour de la Constitution et la flamme de la liberté. Tous ses membres, à l'exception de nos déserteurs que l'erreur avait sans doute égarés, et qui, suivant les drapeaux de la Constitution, croyaient suivre les nôtres, tous étaient novices dans l'art de la guerre. La liberté fait des héros ; leurs premiers pas furent des victoires; et l'armée des antirés volutionnaires, quoique double en nombre, fut mise en fuite dans les plaines de Sarrians. Ainsi disparaîtront devant nos troupes patriotes ces légions que l'aristocratie française rassemble près de nos frontières et dont nous menacent nos jongleurs émigrants; mais notre armée ne se souillera pas par des crimes qu'ont commis et qui déshonoreront à jamais les vainqueurs de Sarrians.
Je les passerai sous silence, Messieurs, ces crimes dont l'histoire ne conservera que trop le souvenir; ces meurtres commis sur des vieillards qui demandaient qu'on leur laissât paisiblement terminer leurs derniers jours ; sur des enfants que recouvraient inutilement les bras de leurs mères, ou qu'elles cachaient en vain près du sein qui les allaitait encore; ces assassinats commis sur des corps attendrissants, dont les meurtriers venaient de jouir; ces repas barbares de cœur et d'entrailles humaines; oui, je les voilerai ces atrocités qui ont été si grandes, que dans ces récits, quelque affreux qu'ils paraissent, l'aristocratie elle-même n'a pu les grossir (2).
Des troupes plus expérimentées, mieux disciplinées, moins avides, commandées par des chefs
moins avàres, ne se fussent pas arrêtées longtemps
Oui, si Patrix eût su contenir dans les bornes l'armée qu'il conduisait; si trop accoutumé aux
Srofits de la guerre par ceux qu'il avait faits à availlon, il n'eût pas voulu jouir des produits du pillage, il eût complété sa victoire et terminé cette guerre, qui est devenue la cause de la ruine du pays ; il eût épargné à ses soldats le surnom de brigands qu'inutilement ils ont voulu ennoblir ; il eût échappé à la tentation de l'or dont lui fît une promesse signée du sieur de Tourreau ; il eût conservé sa vie, qui lui fut arrachée autant par politique que par justice ; il n'eût pas été la victime de ceux qui, en le fusillant, se défirent plutôt d'un complice que d'un traître ; qui ne cherchaient qu'à se débarrasser d'un homme qu'ils concevaient ne pas pouvoir toujours conduire et qui voulaient en imposer aux soldats par l'exemple d'une apparente sévérité.
Patrix mort, Jourdan lui succéda; Jourdan, homme nul par lui-même, sans principes, sans connaissances, sans éducation, grossier comme les mules qu'il conduisait, tiré du milieu d'elles pour être capitaine avignonnais, et de capitaine fait lieutenant général, puis général, par la politique des chefs qui, régissant tout à la fois rassemblée électorale et 1 armée, voulaient donner les ordres, les exécuter eux-mêmes, en mettant sur un autre la responsabilité. Jourdan n'est pas le coupe-tête malheureusement trop fameux dans l'histoire de notre Révolution, ainsi que l'a prouvé M. Le Scène, mon collègue ; mais en vain il a tenté de le définir; c'est un être sans caractère; il paraît naturellement sensible, et d'une grosse bonhomie ; mais quand on l'excite il est féroce, et dès qu'il a vu le sang, c'est un bourreau, c est un tigre.
Le nouveau général se cantonna à Monteux ; de là il ordonna ces exactions qui ont occasionné tant de plaintes. Sortie sans fonds, sans autre caisse militaire que les seules promesses d'une solde extravagante, que l'assemblée électorale avait fixée pour s'attirer des soldats, son armée avait besoin de secours et de vivres ; toutes les villes, tous les villages, tous les Etats, tous les individus furent mis à contribution, et de là ces dettes énormes, dont les commissaires civils nouvellement nommés vont bientôt vous présenter l'effrayant tableau ; ils ne vous les offriront pas toutes justifiées par des mandats, plus d'une fois ils auront à constater de véritables larcins.
Cependant, à Carpentras, on se préparait à soutenir les attaques dont on était menacé. L'aristocratie avait non seulement fui avec l'armée de Sainte-Cécile, mais elle avait formé ces groupes d'émigrants qui, longtemps éloignés de leur patrie où leur retour a ramené le trouble, ont laissé presqu'aux seuls patriotes carpentrassiens le soin de la défendre. Ils la défendirent bien, et dans cette guerre qui, de guerre pour la liberté, pour la Constitution, était dégénérée en guerre de rivalité, ils firent des prodiges de valeur; heureux si leurs soldats n'eussent pas trop souvent imité les cruautés de leurs ennemis. Ces ennemis formés et grossis par les détachements que les chefs de Monteux prenaient dans toutes les communes
et forçaient à marcher (1), firent une espèce de blocus de la ville de Carpentras et lui livrèrent des attaques journalières. Mais on peut dire que la Providence qui, protectrice de notre Révolution avait si évidemment secondé les armes vau-clusiennes, lorsqu'elles défendaient la Constitution française à Sarrians, ne se mêla plus de leur succès lorsqu'elles ne servirent que les haines, les jalousies, les ressentiments.
Les divisions entre les Avignonnais, que l'intérêt général avait assoupies, reprirent vigueur. Avignon, épuisé par mille frais, laissa demander inutilement, par l'armée, la poudre et les munitions avec lesquelles celle-ci se flattait d'exterminer Carpentras, que secourait plus efficacement un département voisin. Les chefs de l'assemblée électorale et l'armée désiraient avoir à leur disposition la caisse municipale, et ne pouvant l'obtenir, ils taxèrent d'une manière exorbitante et arbitrairement les citoyens qu'ils désignaient par le nom d'aristocrates, et les émi-grants. De son côté la municipalité voulut rappeler son détachement : elle tenta même d'user ae son influence sur l'assemblée électorale qui, sous ce prétexte et malgré les clauses du pacte fédératif, voyagea tantôt à Sorgues, tantôt à Pernes, tantôt à Lisle, tantôt à Cavaillon, suivant le désir de ses chefs. La minorité de l'assemblée resta dans le lieu qui lui avait été solennellement assigné ; et à cette séparation, commencèrent à éclater les troubles affreux de cette ville infortunée dont les malheurs vont bientôt vous tirer des larmes. Il se fit une guerre de mauvais traitements, de vexations, de calomnies; et, comme autrefois les antipapes se lançaient des excommunications réciproques, on se lança de part et d'autre, sur ces terres encore pontificales, des pamphlets, des injures, des calomnies, des délibérations contradictoires, et jusqu'à des décrets de prise de corps. Les décrets frappèrent spécialement les sieurs Mainville, Tournai et L'Ecuyer^qui perdit en outre sa place de secrétaire de la commune, à laquelle il n'a jamais renoncé, et pour laquelle on le verra tout oser. Les chefs vauclusiens ajoutèrent la menace de faire marcher contre la ville d'Avignon ses propres habitants qui formaient le plus fort détachement de l'armée, et ils se disaient toujours les patriotes avignonnais.
Deux mois de blocus avaient fatigué Carpentras : cette ville voulut essayer un dernier
effort. Vers le mont Ventoux et vers celui de Luberon, elle savait qu'il existait des ennemis
du peuple avignonnais : elle oublie que ses sentiments ne sont pas entièrement conformes aux
leurs, et elle les appelle à son secours. Ce ne fut pas en vain. On vit sortir de Brantes, et
descendre de ces montagnes, éternel séjour des frimas, des hommes endurcis à la fatigue et
brûlant de vengeance. Le sieur Raxis, l'un des généraux, avait ae son autorité fixé aux
soldats qu'il commandait une solde semblable à la solde monteuxinne, et bientôt il chassa du
Barroux les Vauclusiens, auxquels il prit plusieurs pièces de canon. Le sieur Grégoire
Samt-André conduisait à Lagnes, et faisait camper, près de la tour de Sabran,le corps de
troupes qu'il commandait, et les forces combinées de Brantes, de Lagnes et de Carpentras
n'attendaient plus que le moment de fondre de trois côtés sur Monteux et d'y anéantir l'armée
vauclusienne.
Quatrième époque.
Cette quatrième époque de la Révolution avi-gnonnaise et comtadine offre d'abord des tableaux riants comme la saison avec laquelle elle a commencé. Que ne s'est-elle aussi heureusement terminée !
Je parcourrai d'autant plus rapidement les faits qui se sont succédé pendant le cours de cette époque, que déjà cette salle en a retenti : que la conduite des médiateurs y a été applaudie, malgré tous les efforts d'un prêtre comtadin, qui, par ses correspondances, avait soulevé contre eux sa patrie, que la cour de Rome peut bien récompenser du zèle qu'il a montré pour sa défense ; mais que les bons Français ne placeront jamais sur la liste impérissable des patriotes. (Applaudissements.)
Les médiateurs, placés à Orange comme dans un lieu neutre, y appelèrent tous les partis, rapprochèrent les* prétentions réciproques. L'assemblée électorale y fut reconnue: il était de
Erincipe de l'admettre, elle offrait les procès-ver-aux ae 68 communes sur 84, dont elle avait recueilli l'adhésion, soit avant, soit pendant la guerre. La désigner comme un point central, c'était un besoin. Réduire ses pouvoirs illimités et absolus dont elle n'avait que trop abusé, c'était un devoir, et ils furent restreints à la satisfaction et pour la tranquillité de tous.
Là, dans cette même ville d'Orange, après plusieurs jours et plusieurs nuits de conférences, de travaux, de peines, furent signés les préliminaires de paix (1) que l'Assemblée nationale constituante a confirmés, qui ont fait le bonheur du pays, tant que ses habitants ne s'en sont çoint écartés, et qui ont mérité aux envoyés ae la France cette honorable approbation qui a fait leur plus douce récompense.
Une violation du territoire français par des soldats du haut Comtat, a déterminé l'arrivée des troupes que les médiateurs avaient, par les décrets, le droit de requérir. Le licenciement de l'armée vauclusienne, la dispersion des rassemblements d'hommes armés de Brantes et deLagnes, furent encore des travaux dont ils firent précéder leur entrée sur les terres papales.
Il serait impossible de vous peindre, Messieurs, les douces sensations qu'ils .éprouvèrent en parcourant ce pays. Les habitants des campagnes accouraient à leur rencontre et leur montraient avec reconnaissance leurs moissons qu'ils allaient récolter, et que, par leurs soins, ne menaçaient
Elus la flamme et la guerre dévastatrice, ils les énissaient comme des anges de paix, comme
des consolateurs, comme des pères. Les citadins leur présentaient des couronnes formées des
fruits qu'ils conservaient, et réunissaient au chêne civique le froment nourricier et
l'olivier pacificateur. Les Avignonnais leur firent des fêtes, où les plus ingénieux emblèmes
annonçaient qu'ils les regardaient comme des êtres tutélaires qui venaient opérer leur
liberté. Les Carpentras-siens ne leur présentèrent point d'allégories; ils leur offrirent tous
les prisonniers faits pendant la guerre et les leur remirent pour être libres
Je ne vous rappellerai point ici, Messieurs, les moyens employés pour gagner la confiance de tous les partis, ces lettres qui recommandaient aux troupes l'impartialité, la protection, la sûreté pour tous ; la liberté que nous fîmes donner à plusieurs prisonniers et notamment à MM. de Samte-Croix, intéressants par leur âge, par cet âge où l'on est incapable, pour l'ordinaire, d'un grand crime tel que celui dont on les accusait; liberté que l'on nous reproche, et qui, cependant, était signée par tous les contractants dans les préliminaires de paix (2).
Les décrets de réunion et d'organisation provisoire, prononcés les 14 et 23 septembre dernier par l'Assemblée constituante, ont été rendus d'après la connaissance et le recensement des vœux des habitants d'Avignon et du Comtat. Je ne vous parlerai donc point de ces assemblées primaires où ces vœux se sont librement recueillis : ces vœux qui, pour qu'ils fussent plus solennels, ont été, dans plusieurs endroits, exprimés le jour même de la fédération des Français.
A ce moment, les circonstances appelèrent les médiateurs à des occupations différentes. M. Le Scène alla dans le haut Comtat que l'aristocratie ; trompait par des écrits incendiaires et imposteurs : sa conduite, que mon dénonciateur a cherché à vous rendre suspecte, lui attira les déclamations de M. l'abbé Maury, les applaudissements des amis de la réunion, et força les ennemis de la Constitution française à révérer son impartialité, à admirer ses vertus douces et ses talents pacificateurs.
M. de Verninac se retira près de Sorgues, à Brantes,d'où il se rendrait à Bedarrides, lieu
fixé pour les séances de l'assemblée électorale. Ses fonctions étaient de surveiller cette
assemblée, toujours prête à jouir de cette souveraineté, dont on se dessaisit si
difficilement, dont l'abusif exercice l'avait pourtant rendue si odieuse et toujours prompte à
s'échapper des liens que la justice et la prudence lui avaient donnés dans les préliminaires
de paix. Par les arrêtés qu'elle prit en diverses circonstances, on peut juger combien la
présence de M. de Verninac était nécessaire ; elle en abusa même une fois de cette présence,
et le nom de M. de Verninac, placé en tête d'une délibération, dont il avait été témoin,
servit à en autoriser deux autres, auxquelles il n'avait pas été présent et que lui-même avait
dit ne pas pouvoir consentir (3). Je lui rendrai publiquement ce témoignage, qu'il signa,
concurremment avec M. Le Scène et moi, une lettre par laquelle nous rassurions Carpentras sur
les inquiétudes que cette ville nous témoignait au sujet des entreprises des électeurs, et
nous déclarions unanime-
Quelquefois ce médiateur quittait Brantes pour venir m'aider à soutenir les fatigues que les affaires générales me donnaient à Avignon qui en était le centre et qui m'accablait encore par le détail de ses affaires et de ses divisions particulières. Le séjour d'Avignon avait été mon partage.
Ce fut pendant que nous étions ensemble en cette ville, M. de Verninac et moi, que commencèrent à éclater les effets malheureux de haines invétérées.
Le temps de l'exercice des fonctions de l'état-major de la garde nationale était expiré : on l'avait renouvelé, et la cabale monteuxienne, disons-le avec franchise, l'avait emporté sur la cabale municipale: je puis, Messieurs, d'autant plus me servir de cette expression que, témoin au dépouillement des scrutins de plusieurs sections, je ne vis que deux listes répétées, sur lesquelles les partisans de l'armée ou ceux de la municipalité avaient placé leurs créatures. Ainsi, la garde nationale avait à sa tête ceux qui avaient commandé l'armée vauclusienne. Ces hommes qui rentrant, après la paix, dans Avignon, leur patrie, pour y consommer le licenciement ordonné par la loi, avaient décoré leurs soldats, orné leurs chevaux, paré leurs têtes d'un papier insultant, portant cette incroyable inscription : « Braves brigands de l'armée de Vau-cluse », inscription que cette main prudente et patriote eut le soin et le bonheur d'enlever avant qu'elle eût irrité les regards. Enfin cette force militaire qui, conformément à la loi, conformément à la raison, doit toujours être subordonnée à la municipalité, devint sa rivale, sa dominatrice, et bientôt vous verrez ses membres en être les accusateurs, les geôliers, les bourreaux.
A la vérité, nous avions encore des troupes de ligne pour contenir les soldats de Monteux ; je désigné ainsi la garde nationale d'Avignon, parce que les citoyens paisibles, vrais amis de la Constitution française et de la nation, ne pouvant plus souffrir leur alliage avec des nommes qu'ils méprisaient, avaient, par une erreur bien impolitique, laissé les fonctions des gardes nationaux et le service public à ceux qui n'avaient pas
3uitté le camp de Monteux jusqu'au licenciement
e l'armée vauclusienne. Nous avons aussi des gardes nationales nîmoises, dignes de tout
éloge, qui, commandées par M. d'Aubri, étaient, par leur régime, leur discipline et leur zèle,
émules des troupes de ligne, et pouvaient puissamment nous seconder; mais les difficultés que
nous éprouvions pour avoir assez de détachements que la prudence nous conseillait de placer
sur différents points du Comtat, nous ayant fait appeler des soldats citoyens du département
des Bouches-du-Rhône, et les oppositions que nous trouvions dans celui du Gard pour renouveler
ses propres détachements, nous ayant obligés de faire séjourner à Avignon les gardes
nationales de Marseille et d'Aix, ce fut de leur séjour que les malveillants abusèrent pour se
débarrasser des armes impo-
Vous connaissez, Messieurs, le patriotisme des habitants d'Aix et de Marseille. Il est délicat, il est sensible, il est irritable; l'ombre de l'aristocratie l'éveille et l'enflamme ; les chefs de la garde nationale avignonnaise, insinuants Protées, séducteurs habiles, lui persuadèrent aisément que deux régiments que les délices de leur ville et mille tentations n'avaient pu corrompre, n'avaient pu même rendre un peu moins sauvages, presque tous composés ae Suisses et d'Allemands, étaient essentiellement peu patriotes, et que leurs officiers sûrement étaient aristocrates, un accident facilita la persuasion. En défilant la parade, quelques chevaux de hussards passèrent trop près du piquet des gardes nationales d'Aix, et les querelles commencèrent. Enfin, Messieurs, sans notre vigilance, sans nos démarches, sans la noble impassibilité surtout des officiers de ligne, le sang français ruisselait sur un sol où la France nous avait envoyés comme médiateurs.
Une circonstance particulière ajoutait dans ce momentmême à la fermentation, et tout paraissait avoir été combiné.
Depuis longtemps, la solde inconcevable de 40 sous promise aux soldats vauclusiens par l'assemblée électorale, était l'objet des demandes réitérées par la garde nationale à la municipalité, et des refus de celle-ci. Une discussion solennelle et chaude avait déjà eu lieu sur ce point, et l'on en avait remis la décision à ce même moment. Un attroupement de soldats avignon-nais avait été jusqu'à Brantes chercher M. de Verninac, mon collègue, et l'avait déterminé à venir (1).
Jamais l'assemblée ne fut si tumultueuse. Tous les témoins étaient intéressés. Deux des chefs, moteurs du peuple, les sieurs Mainville aîné et Tournai, voulaient que l'on traitât des prétentions qu'ils avaient à des places municipales, avant 1 objet pour lequel l'assemblée avait été convoquée : ils avaient persuadé à leurs agents qu'une fois municipaux, ils favoriseraient tellemeut leurs demandes et leurs désirs, que tout leur serait accordé. L'ajournement prononcé sur leur pétition causa la commotion la plus dangereuse. Dans la salle même de la commune, il se fit une insurrection ; et au moment où je m'efforçais de l'apaiser, je fus moi-même menacé de la fatale lanterne, et je recueillis les injures de cette factieuse cohorte que ces chefs animaient sous mes yeux, ces chefs dont les dispositions hostiles, les vues ambitieuses et la noirceur enfin n'avaient plus de voile.
Par une fenêtre de la maison commune, pendant ce tumulte, on ne sait quelle voix avait crié : « aux armes ». Toutes les gardes nationales se mirent en bataille. Les troupes de ligne étaient, par prudenee, consignées dans leurs quartiers, et la nuit entière se passa dans la plus vivé inquiétude. M. de Verninac, avant que l'assemblée se fût séparée, avait néanmoins obtenu que la solde serait réduite à 15 sous, et qu'on donnerait une gratification en argent ou en habits.
La caisse municipale ne pouvait pas même fournir les 15 sous. On les demanda les armes à la main ; et, pour les donner, il fallut recourir à un emprunt forcé.
Le lendemain de cette étrange séance, les offi-
Nous comptions bien, sous peu de jours, rap-
Eeler les fidèles Suisses de Sonnenberg et les ussards patriotes ; mais un enchaînement de circonstances, des lettres de la Suisse, adressées au bataillon de Sonnenberg, ne nous permirent d'avoir que les derniers. Ils rentrèrent à la grande satisfaction du peuple avignonnais, qu'il faut bien se garder de confondre avecceuxqui l'onttrompé, qui l'ont tyrannisé, qui l'ont en partie immolé.
Pendant l'absence des troupes de ligne, dont la municipalité et le peuple demandaient le retour, que les factieux ne voulaient point laisser revenir, ces derniers avaient fait leurs combinaisons, et les refus obstinés du département du Gard, sourd à nos pressantes réquisitions, les avaient trop heureusement secondés. Ils avaient satisfait leurs premiers désirs ; ils étaient devenus, par ruse, les maîtres du palais, qui est tout à la fois fort, prison et arsenal ; ils s'étaient emparés des magasins des poudres, dont ils avaient enfoncé les
Sortes, ce que je puis prouver par un procès-ver-al authentique (1). Ils avaient placé les canons de toutes parts, pour en imposer d'un côté à la multitude, et de l'autre pour se défendre, si, usant de nos pouvoirs, nous eussions exigé qu'ils remissent cette forteresse entre des mains françaises.
Enfin, Messieurs, le 21 août arriva, jour mémorable dans les fastes d'Avignon, jour malheureux, qui n'était que l'aurore d'un jour plus affreux encore.
Le 21 donc, le sieur Duprat aîné, colonel de la garde nationale, fit revivre un usage que son cœur abhorrait, il feignit, après la messe militaire, d'aller avec l'état-major rendre hommage à la municipalité ; mais il n'y allait en effet que pour soutenir puissamment les demandes des sieurs Mainville et Tournai, qui se présentèrent sous le prétexte de solliciter, auprès des officiers municipaux, communication d'un arrêté inconstitutionnel, par lequel ceux-ci avaient, en violant le greffe criminel, fait enlever les minutes de la procédure, d'après laquelle ces deux citoyens avaient été décrétés pendant la guerre. M. Cou-let, officier municipal, se trouva seul à la maison commune avec M. Aymé, l'un des juges nationaux, odieux aux chefs de la faction, parce
3u'il avait lancé les décrets d'après la spoliation e la Chartreuse de Bompas. On le força de communiquer les registres ; on les parcourut ; on trouva non seulement la délibération que l'on cherchait, mais on en vit d'autres qui Servirent bientôt de prétexte pour échauffer les esprits avignonnais.
On venait se plaindre de la violation du temple de la justice; jon.viole le temple de la li-
Le tocsin m'appelle à la maison commune, et M. de Verninac se porte au palais. Au milieu du sanctuaire de la loi, je vis réunis tous les chefs et les auteurs des mouvements populaires, les sieurs Duprat frères, les sieurs Mainville frères, le sieur Meudes, le sieur L'Ecuyer, le sieur Tournai, le sieur Peytavin, et autres de cette nature, patriotes à les entendre, tyrans et assassins comme vous allez les juger par leurs actions. Je ne saurais vous peindre la fermentation qui régnait parmi eux et qu'ils communiquaient à tous ceux qui survenaient à la maison commune. Ces imposteurs surent feindre cependant, et je crus leur rage apaisée. J'allai même calmer l'inquiétude du peuple en parcourant les rues de la ville, et j'eus l'occasion de faire sortir la malle des lettres qu'en violant les lois, qu'en violant les établissements français, et par haine pour la directrice des postes, qui demande des comptes au sieur Tournai, son ancien commis, on retenait dans les murs.
Je remplissais cette fonction, lorsqu'on me remit un billet de M. de Verninac, qui m'annonçait, qu'après être parvenu à faire cesser le tocsin, il avait été retenu au palais, d'où l'on ne voulait point le laisser sortir (1). Je volai dès lors au palais, j'entrai même au delà des grilles de cette prison ; mais reconnaissant mon imprudence, je me retirai avec adresse, et promettant d'amener mon troisième collègue. Le nombre des baïonnettes dont ie me vis environné, quoiqu'il n'y eût aucune foule autour de moi, m'ouvrit les yeux sur les projets qu'on pouvait avoir. Loin d'amener M. Le Scène, je m'unis à lui pour redemander M. de Verninac ; et ce ne fut ni à la première, ni à la seconde instance que nous l'obtînmes.
Pendant qu'il était au palais, on avait à notre insu commencé les emprisonnements arbitraires. Le jeune Niel, qui n'était point membre de la municipalité, qui n'avait jamais été comptable, fut la première victime, et peut-être des ce moment, sans M. Clarenthal, capitaine de hussards, qui logeait chez lui et qui reçut un coup de sabre, dont heureusement son habit seul fut coupé, eût-il péri sous leurs coups et sous les yeux du seul médiateur de la France, pour qui l'on eût conservé l'ombre de la vénération et quelque attachement.
Pendant toute la soirée de ce jour fatal, nous apprenions à chaque instant que les
incarcérations se renouvelaient ; que les officiers municipaux étaient saisis, jetés dans les
cachots ; que l'on allait les chercher jusque dans leurs maisons de campagne, au sein de leurs
familles ; qu'on les traînait au fort avec barbarie et que mille autres citoyens étaient
traités comme eux. Nous vîmes à nos pieds, malgré nos instances, la mère infortunée du jeune
Niel, qui ne pouvait encore que pousser des cris, tant était vive sa douleur, et qui nous
demandait son fils ; et le sieur Tournai, complice de son emprisonnement, se frotter les mains
de plaisir et sourire à sa peine.
On ne se bornait pas, Messieurs, à traduire en prison, sans aucune forme légale, les citoyens ; on établissait chez eux des gardes qui n épargnaient ni leurs provisions de bouche, ni même leurs effets. Un chef de patrouille, un capitaine élu à la majorité des suffrages, le sieur Nibus (déjà flétri par le fer de la justice, si l'on en croit la renommée), fut surpris muni d'un vol d'argent et d'assignats ; il fut, à la vérité, puni ; mais la politique des chefs ne leur permit pas de le livrer à la justice conformément aux lois que nous réclamâmes en vain, et nous obtînmes seulement qu'il ne fût pas mis à mort.
On a peint, Messieurs (1), cette sévérité des chefs comme un « fait qui pouvait mériter l'estime et contribuer à faire absoudre la garde nationale avignonnaise, de certains reproches
Su'elle a partagés avec l'armée de Vaucluse ». ais « on ignorait », et l'on n'a pu vous dire que celui qui avait dénoncé le capitaine coupable, avait été obligé, par ordre ae Jourdan, de payer ce qui manquait à la somme volée, ce qu'avait consommé Nibus. En vain l'on nierait ce fait : j'en ai la déclaration authentique entre les mains (2).
De pareils tableaux ne pouvaient être mis sous les yeux des médiateurs de la France, sans que leur cœur en fût révolté, sans qu'ils déployassent leur autorité pour faire cesser ces malheurs. Hélas ! Messieurs, la seule autorité qu'eussent pu connaître les auteurs de ces maux, eût été celle de la force, et nous n'en avions point. De tous côtés, nos réquisitions avaient été méconnues, et l'on eût dit qu'il y avait une conspiration générale pour faire échouer les opérations dont nous étions chargés (3).
Nous essayâmes, dès lors, la seule ressource qui nous restait ; et? pour me servir d'une expression que la malignité m'a si souvent reprochée, nous « portâmes le seul coup » qui fût en notre pouvoir. A la place des officiers municipaux emprisonnés, dispersés et cachés, on avait mis des administrateurs provisoires, que les notables seuls avaient nommés, et qui étaient tellement désignés par les factieux, que le sieur Vicari, médecin, notable (4), fut mis en prison, crainte qu'il n'eût quelque influence et qu'il n'obtînt son élargissement, que nous demandions, après avoir donné sa démission de notable.
Nous requîmes donc les administrateurs provisoires de rendre, en vertu de la loi du 4
juillet (5), tous les citoyens détenus arbitrairement
Il fallait à cette arrestation illégale et continuée malgré nos réquisitions, un motif au moins légal en apparence ; et l'on fabriqua une dénonciation ae deux cents citoyens actifs, parmi lesquels on ne voit aucun qui puisse répondre, par la fortune, de son accusation et que 1 on sera fort étonné d'apprendre avoir été souscrite par des déserteurs français, qui, quelques mois auparavant, avaient obtenu leur amnistie et ne pouvaient, certes, être réputés citoyens actifs de la ville d'Avignon.
Cinquième époque.
Ici se termine la quatrième époque de la Révolution avignonnaise. et commence la dernière, pendant laquelle j eus à soutenir seul tout le poids des affaires et à être témoin des plus grands malheurs.
Le 25 août, M. Le Scène, muni de mon consentement, était parti pour Paris, où il était important que l'un ae nous vînt éclairer le ministère sur la position du pays, détourner les traits que la calomnie aiguisait, en parer les coups et presser l'Assemblée nationale de prononcer sur le sort de cette contrée, que nous ne voyions que trop menacée de nouveaux troubles que la reunion seule pouvait empêcher, et qu'elle eût en effet arrêtés, si le décret obtenu eut aussitôt été mis à exécution.
Le 27, je m'éloignai d'Avignon où ne se faisaient que des actions contraires aux lois, déchirantes pour tout homme sensible ; où je ne pouvais voir de sang-froid violer les droits de l'homme, et laisser mépriser et avilir le caractère dont j'étais révêtu.
Le 28, M. de Verninac partit pour accompagner les députés de l'assemblée électorale, et venger, disait-il, son honneur que les journaux attaquaient. Mes réflexions ne purent le retenir, et j eusse cru injuste de m'opposer au départ de mon collègue qui se disait guidé dans sa démarche par l'honneur outragé.
Je restai donc seul ; je ne pouvais me cacher à moi-même combien délicate et difficile était ma position ; je me retraçai la situation du pays, mes devoirs et les moyens que j'avais pour les remplir.
D'un côté, je voyais plusieurs villes du haut Comtat agitées par des mouvements
aristocratiques, qu il fallait réprimer : je sentais avec quelle adresse il faUait agir pour
empêcher le succès de ces mouvements qui pouvaient nuire à la réunion de ce pays à la France,
source unique de la félicité de ces contrées, que je sollicitais et pressais, comme on
pourrait s'en convaincre par ma correspondance ministérielle. Vous ver-
D'un autre côté, j'apercevais une assemblée jalouse de la souveraineté qu'elle avait abjurée dans nos mains, à Orange; ambitieuse; avide de la disposition des biens nationaux, ressource de la France pour couvrir la dette du pays qu'elle allait adopter; excitant sans cesse les plaintes du Comtat par ses entreprises journalières. Je me pénétrai de la teneur de ses engagements, et lisant, article III des préliminaires de paix : « Cette assemblée ne s'occupera que d'objets relatifs à la médiation pendant tout le temps de sa durée » ; ami de la justice, de la paix, de la France qui m'avait envoyé, je vis que, pour l'intérêt de tous, je devais me livrer à la surveillance même la plus importune, et empêcher, par tous les moyens qui étaient entre mes mains, que cette assemblée ne sortît des bornes qu'elle s'était imposées elle-même par sa signature, et qui avaient été la principale base du consentement donné au traité par les contractants avec elle.
La faction de Monteux, dont le centre était dans Avignon, me causait aussi les plus vives inquiétudes. Arrêter partout ses desseins, empêcher le succès de ses efforts, tel fut mon but. La loi du ^juillet m'en faisait un devoir et m'en eût fourni les moyens si les troupes eussent pu me seconder. Faire ce que je pouvais pour le bien, fut mon unique plan, mon unique ressource.
Guidé par la loi, par le vœu d'un pays dont le bonheur était uni au mien, j'entrepris, avec courage, les travaux que mes collègues me laissaient à remplir.
Lisle avait demandé ma présence, par une délibération qu'une députation m'avait remise et j'eus l'agrément d'éprouver qu'elle n'était pas désagréable à cette ville. J'avais eu le bonheur d'y apporter,, quelque temps auparavant, le calme; ae faire déposer les armes à ceux qui les avaient prises contre les patriotes, et ne laissant armés que ceux qui composent la garde nationale, je m'étais attiré le blâme des journaux aristocratiques que j'avais bravés (1).
J'eusse désiré pouvoir rester quelque temps en cet endroit, où je sentais que je pouvais faire quelque bien; mais mon séjour ne put pas y être de longue durée.
L'assemblée électorale, se voyant sans un surveillant spécial, crut pouvoir secouer le joug des préliminaires acceptés par elle, et de toutes parts me vinrent des plaintes. Les chefs d'Avignon, toujours les mêmes que ceux de l'assemblée, furent facilement d'accord pour secouer aussi toute gêne et toute autorité, et dès lors, à l'occasion aune rixe particulière, il fut fait au commandant des hussards la demande insultante et bien constamment prouvée, celle de faire marcher ses soldats sans armes (2).
Aux plaintes contre les excès de l'assemblée, je répondis par une réclamation formelle
contre ses entreprises que mes collègues avaient déjà condamnées dans une lettre écrite à
Carpentras ; et cette réclamation, je la fis imprimer et remettre à toutes les communes. G est
cet acte conforme à la justice, cet acte fondé sur les engagements de l'assemblée électorale,
cet acte con-servatif des biens nationaux et toutes les réquisitions faites ensuite comme en
étant une éma-
Je fus tellement' frappé de la proposition insultante faite aux hussards, que j'écrivis au général Ferrier, pour savoir s'il ne pouvait pas faire marcher vers Avignon des soldats français, qui pussent se joindre à nos braves hussards, et empêcher, sans compromettre (1) les troupes françaises, que les vexations et les insultes continuassent. La réponse du général, fondée sur le peu de forces qu'il avait à sa disposition, fut un ordre aux hussards de se retirer à Cour-taison, et une lettre d'invitation pour moi, de me rendre sur les terres françaises (2) : je me rendis à cette invitation, et Courtaison lut le lieu de ma retraite.
A Orange, nous avions pacifié le Comtat ; de Courtaison je pouvais facilement y maintenir la paix, si la paix eût dû régner sur cette contrée.
A peine y fus-je, que des lettres pressantes m'a-larmèrent sur la situation de Carpentras. J'y volai et je fus assez heureux pour y sauver de la colère du peuple M. l'abbé Escoffier, qui venait de commettre l'imprudence (3) de tirer le couteau contre un citoyen qui l'avait insulté dans la salle même de la maison commune. J'obtins que rien ne fût arbitraire à son égard et que tout se passât conformément aux lois. Sans doute, cet abbé patriote a souffert dans les diverses prisons où la vengeance, le fanatisme et l'aristocratie l'ont traîné successivement; mais il ne peut m'imputer ses souffrances, et il me doit la vie.
Quelque joie que m'eût fait éprouver la réception flatteuse qui m'avait faite le peuple carpen-trassien et le bonheur que j'avais eu ae sauver la vie à l'abbé Escoffier, je ne pus m'aveugler sur l'existence, d'une assemblée qui se tenait à Saint-Siffrein. Je m'y rendis : j'eus le courage de lui. prouver son illégalité et celle de sa conduite. J'y plaidai avec chaleur et fermeté la cause des électeurs de Carpentras, que l'on avait facilement persuadé au peuple, dont la haine pour le peuple avignonnais durera peut-être encore plusieurs générations, avoir participé aux excès de l'assemblée électorale.
Je demandai que, sans risques, ils pussent rentrer dans leurs foyers dont la frayeur les
avait écartés; ce qui me fut accordé généreusement. Je m'aperçus que les principaux agents de
l'assemblée étaient des hommes mûs par les privilégiés qui s'en servaient utilement ; que le
but de rassemblée était de ramener petit à petit l'ancien régime, sous prétexte que les lois
françaises n'étaient pas encore en vigueur, et qu'insensiblement elle irait jusqu'à attaquer
la légitimité de son vœu pour la reunion. Je sentis que cette assemblée était chaudement
soutenue par le régiment de Soissorinais, dont les chefs, quoique estimables par leurs talents
militaires, quoique s'étant (4), en plusieurs circonstances, conduits
Je pris donc mon parti ; je mis sous la sauvegarde de la loi l'abbe Escorfier; je me fis remettre copie des procès-verbaux; je le plaçai sous la responsabilité de M. Despeyron, et conséquem-ment j'assurai sa vie en la liant aux intérêts mêmes du colonel et à l'amitié du peuple pour lui. Je fis plus ; dans une correspondance suivie, je combattis les principes de l'assemblée de Saint-Siffrein : je la démontrais contraire à toutes les lois; et comme il fallait, ou la dissiper par la force que je ne pouvais demander sans danger, où la laisser expirer par elle-même en parant ses coups, je menai de manière ma correspondance, que je ne répondis à la dernière lettre qui appuyait la légitimité de l'assemblée sur la légitimité du vœu pour être Français, ce dont on sent la finesse et le danger, que par le décret de réunion auquel je travaillais par mes lettres et mes rapports au ministre, à qui je dévoilais la position critique de cette ville, qui rendait la mienne si embarrassante; de sorte que la suppression de cette assemblée aura été l'effet de l'exécution de la loi du 23 septembre, qu'il n'était point en mon pouvoir de notifier, au lieu qu'en l'attaquant avec violence, le feu de la guerre civile eût pu se rallumer.
J'ai, Messieurs, à vous présenter, si vousl'exigez, et les lettres de l'assemblée de Saint-Siffrein, et les minutes de mes réponses (2). C'est alors que vous verrez dans tout son jour la droiture de mes vues, la pureté de mon patriotisme et la hardiesse de mon dénonciateur, qui ose me dire le soutien de l'aristocratie et le persécuteur des patriotes.
Vous y verrez quel courage il me faut pour-vous peindre, avec des couleurs vraies, cette assemblée de Saint-Siffrein après les menaces que ses dernières lettres contenaient contre moi (3).
Cavaillon éprouvait, de son côte, des secousses particulières. M.de Verninac y avait placé des Sois-sonnais qui avaient empêché qu'une insurrection formée dans ses murs ne devînt funeste à cette ville, deux fois si maltraitée pendant le cours de la révolution du Gomtat ; mais, au milieu des partis qui divisaient les habitants, le calme ne pouvait pas être parfait.
Je fus appelé à Cavaillon par une députation delà municipalité, en vertu d'une délibération
du 12 septembre, à laquelle avaient assisté les officiers municipaux connus pour patriotes, et
par une députation de l'état-major qui ne pouvait
Ce fut dans cette ville que je reçus la nouvelle du décret de réunion et j'interrompis tout pour en envoyer copie à Avignon et à Garpentras.
Ce fut dans cette cité que je vis mes peines couronnées par le succès, et que mon cœur s'ouvrit à l'espérance de voir ce décret fixer la félicité dans ces belles contrées arrosées de mes sueurs. Je partageai la satisfaction des habitants sur cet événement ; je mêlai ma voix à la leur pour remercier l'Eternel de cet inappréciable bienfait; je reçus les bénédictions données à l'Assemblee nationale ; j'entendis les bouches à feu seconder les cris au peuple qui ne savait comment témoigner son allégresse. Ce bon peuple fit entre mes mains le serment d'être fidèle à nos lois, qui devenaient les siennes ; et, pendant le petit discours que je crus devoir lui adresser, moi que l'on vous a peint si indifférent au décret de réunion, je fis couler leurs larmes avec lesquelles les miennes furent bientôt confondues.
Enfin, je partis le 18 septembre, accompagné du témoignage le moins suspect au regret des patriotes et du peuple cavaillonnais. Ce serait dans cet endroitque je devrais placer cequiarriva à Sorgues, ce qui a servi de prétexte aux inculpations monstrueuses de mes calomniateurs, mais, pour ne point séparer l'ensemble de ma conduite, permettez que je vous parle encore d'un événement arrivé à Cavaillon. Ce fut à Brantes-les-Sorgues que j'en appris la nouvelle. Les gardes nationales vinrent m'y porter des plaintes contre les Soissonnais, dont cependant ils aimaient le lieutenant-colonel, M. Duchevalier, à qui ils se plurent à rendre un bon témoignage. Ils me présentèrent les traces d'un coup de sabre donné par un soldat sur l'officier des gardes nationales, et des linges imbibés de sang. Loin d'en rire, comme l'ont osé dire des hommes accoutumés au mensonge, je leur témoignai toute la peine que je ressentais d'un tel malheur que les dispositions dans lesquelles j'avais laissé la ville ne semblaient pas présager. J'écrivis au colonel des Soissonnais de se transporter à Cavaillon pour faire cesser les plaintes des habitants, qu'à la vérité des détails particuliers atténuaient.
Je remis aux députés de Cavaillon même, une lettre pour le général Terrier, afin qu'il fit cesser les sujets de plaintes dont je l'instruisais. « Je vous prie, lui écrivais-je, de bien pesér les plaintes des habitants de Cavaillon ; de juger ce que vous aurez à faire ; de vous faire rendre compte, par les officiers qui commandent, de leur conduite, et de prendre les moyens nécessaires pour que la paix ne soit plus altérée par les troupes qui doivent la faire régner. Je me rappelle ce que vous me disiez encore hier, que vous répondie» des troupes qui sont sous vos ordres. Comme pouvoir civil, je vous demande de faire régner le calme et la paix ; les moyens militaires, je vous les abandonne. »
Si donc, Messieurs, les Soissonnais que l'on accusait d'avoir ensanglanté les fêtes de Cavaillon, étaient réellement coupables et n'ont pas été punis, il est évident qu'on ne peut pas m'accuser d'une aveugle et coupable indulgence.
Je suis parvenu maintenant à l'événement de Sorgues. Cet événement, si dénaturé par mes détracteurs, est une des opérations les plus simples de ma mission, dans laquelle vous me verrez l'organe de là loi. J'en ai consigné tous les détails, toutes les pièces justificatives, dans un mémoire en réponse à la dénonciation qui a été imprimée contre moi, mémoire qûe j'avais
adressé à M. le Président de cette Assemblée, qui n'a été remis à M. le rapporteur qu'à l'instant même où, d'après les seules pièces de mes accusateurs, il vous faisait un rapport nécessairement incomplet. Je garde entre mes mains les pièces originales qu'il renferme, et j'abrège ainsi tes faits.
Le 11 septembre, sous le prétexte d'une contre-révolution imaginaire, les citoyens se disant patriotes de Sorgues (1), secondés par le sieur Peyta-vin, major de la troupe soldée d'Avignon, accompagné d'un sieur Gérard, de Nîmes, et de deux gendarmes nationaux d'Avignon, firent conduire en prison un domestique des Gélestins de Gentilly-lès-Sorgues, accusé d'avoir voulu armer les contre-révolutionnaires avec des fusils déposés dans la maison par l'armée de Monteux, fors de son licenciement, fusils dont il est tellement constant qu'il n'avait pas la clef, que depuis il a été relâché sans aucune peine, ce que ne se fussent jamais permis les chauds amis de la Révolution.
Les mêmes personnages ont fait enlever le même jour tous les fusils et les munitions qui étaient dans le même lieu ; j'en ai le reçu entre les mains (2). »
Le même jour encore, les mêmes personnages, toujours sous le même prétexte de contre-ré-volution, et à l'occasion d'une dispute entre deux femmes, sont entrés chez les particuliers qu'ils nomment aristocrates, et jusqu'au milieu de la nuit ils ont été chez ces citoyens pour les désarmer tous. On a fait descendre de Ghâteauneuf des patriotes du même genre, que l'on a placés chez eux, et en les y plaçant on a eu soin de les faire paver au prix des soldats de Monteux, c'est-à-dire à 40 sols, et c'était le maire lui-même, le sieur André, qui signait l'ordre de cette solde arbitraire et exorbitante. J'ai l'un de ces ordres (3).
Les patriotes de Sorgues ne se sont pas bornés à ce désarmement et a la position arbitraire de gardes chez leurs concitoyens, gardes qui, outre les 40 sols de paye, devaient encore être nourris, et qui, s'ils ne se trouvaient pas assez bien hébergés, allaient, aux frais de l'imposé, se bien traiter chez les aubergistes patriotes du lieu; mais ils ont encore imposé des amendes de 24 livres, de 100 livres, sans le payement desquelles les citoyens ne pouvaient pas rentrer dans leur domicile, ce qui est évidemment prouvé par un certificat signé de mes propres accusateurs, qui attestent queces sortes d'amendes furent imposées « par toutes les gardes nationales du lieu » ; comme si les gardes nationales avaient le droit de chasser des citoyens de leurs foyers, et de leur imposer des amendes pour obtenir le droit d'y rentrer (4).
Ces exactions continuèrent pendant plusieurs jours : elles occasionnèrent les plaintes que
me firent les particuliers, qui les supportaient ; et le désarmement surtout fait de tous les
citoyens qui n'étaient pas de l'armée de Monteux, par des Avignonnais, fit naître les
réclamations de la ville ae Carpentras, qui ne voyait pas avec indifférence les entreprises
avignonnaises, après le licenciement des armées, après la loi au 4 juillet, qui assurait la
tranquillité aux individus et à leurs propriétés (5). La loi m'autorisait à faire marcher
Je fis au général Ferrier la réquisition de faire porter à Sorgues une force suffisante ou d'infanterie ou de cavalerie, pour mettre le calme dans cette commune (1). Le général était fâché d'être forcé de diviser Boulonnais, xjui était le seul régiment dont il pouvait disposer; mais il m'annonça qu'il enverrait 100 hommes à Sorgues, avec 50 hussards. Je fis partir pour la municipalité de Sorgues, la réquisition (2), qui, en l'avertissant de l'arrivée des troupes, lui demandait l'étape et le logement nécessaires. Les troupes, d'aprèsl'ordre du général, partirent pour Sorgues. Le bruit de leur arrivée les avait précédés, et on avait battu la générale pour réunir les patriotes, comme cela est prouvé par les réponses aux interrogatoires, par les dépositions des témoins, par les pièces mêmes que mon dénonciateur a fournies au comité contre moi.
Ces patriotes, les prétendus amis de la nation française, réunis au pont, tirèrent sur les troupes de cette nation qui venait de les réunir à elle. J'offre la preuve dé ces faits, dans une lettre du sieur Barbier (3), capitaine de hussards, qui m'en rendit compte à deux heures du mar tm; dans les certificats des officiers et soldats qui composaient le détachement ; dans ceux des citoyens de la ville de Sorgues ; dans les dépositions des témoins ; dans les déclarations faites à Avignon par les émigrants suspects, qui attribuent aux aristocrates ces hostilités, dès lors très réelles, commises envers les Français ; dans les aveux de quelques-uns de ces émigrants, qui croyaient, disaient-ils, que le détachement était composé ae Soissonnais.
Ce fut dans cette circonstance que fut tué Jérôme Pochy, officier municipal qui, comme il est facile de le vérifier, àprès avoir manqué deux fois de tirer son fusil, l'amorce seule ayant pris, monta sur les toits, non pour fuir, mais pour jeter des tuiles sur les troupes, dont un soldat moins patient l'atteignit, à ee que l'on croit ; car, dans une des dépositions fournies par mes adversaires, il est dit qu'il était impossible de l'atteindre de la rue, et qu'il a été tué par une lucarne, d'où la visé run des citoyens de Sorgues, désigné comme aristocrate (4).
Ainsi, Messieurs^ moi, que la calomnie par les cent bouches de la renommée publiait être un
général antirévolutionnaire qui, marchant à la tête des hussards et de 3,000 nommés,
investissait la ville de Sorgues, massacrait ou laissait massacrer sous ses yeux un officier
municipal qui\ revêtu de son echarpe, demandait de quel droit entraient les troupes : j'étais
un pacinca-
Les nouvelles que je reçus m'alarmèrent : j'écrivis au général Ferrier de faire marcher des renforts ae troupes : je l'invitai à venir lui-même, supposé qu'il trouvât sa présence nécessaire, pour donner les ordres qui ne pourraient pas être de ma compétence (1). Comme on avait envoyé des détachements à Avignon, ainsi que me le marquait la lettre du commandant, ie le requis de Taire marcher l'artillerie et de faire, vu mon défaut de connaissances militaires, tout ce que les circonstances exigeraient. En attendant l'exécution de ma demande, je me rendis à Sorgues, où j'entrai avec un seul officier, qui m'accompagna jusqu'à la maison commune. J'y trouvai les prisonniers que l'on avait faits, et on m'annonça que beaucoup de coupables avaient fui. Je connaissais trop la loi pour que ces prisonniers restassent sans être interrogés et je fis, à la municipalité de Sorgues, une réquisition qu'il est important de connaître, parce qu'elle comprend toutes les mesures que j'ai prises, afin d'avoir la connaissance légale des délits. La voici :
« Nous, etc., requérons M. le maire et MM. les officiers municipaux de faire dresser procès-verbal des événements qui se sont passés depuis et au moment de l'arrivée des troupes françaises placées à Sorgues sur notre réquisition, pour y assurer la garantie stipulée dans les préliminaires de paix. Les requérons, en outre, de faire dresser procès-verbal des interrogatoires et réponses des personnes arrêtées, soit les armes à la main, tirant sur les troupes françaises, soit agissant contre elles: d'entendre les témoins, de dresser procès-verbal de leurs dires, le tout en présence de deux notables, conformément à la loi.
« Ce 20 septembre, etc. »
Cette réquisition était à l'abri de toute atteinte de la part de mes (calomniateurs : ils en ont calomnié l'exécution. En le faisant, ils avaient un double avantage : ils me noircissaient, faisaient de moi un scélérat, abusant des choses les plus sacrées, et atténuaient autant la force des preuves que pouvait fournir contre leurs amis ce commencement de procédure.
C'est ici le lieu de réfuter ces calomnies;voici, Messieurs, les principales : On m'accuse
d'avoir fait mettre dans le procès-verbal que M. l'abbé Pochy, l'un des principaux accusés,
avait tiré sur les troupes, de lui avoir imposé silence lorsqu'il me priait de ne pas écrire
ce mensonge, d'avoir ri lorsqu'on l'insultait, et d'avoir pris ainsi plaisir à le faire
charger dans les dépositions. Messieurs, vous allez avoir une. réponse bien simple à ces
inculpations. Il n'y avait à la maison commune qu'une salle où étaient à la fois le maire, les
officiers municipaux, les notables, les adjoints, les accusés, les accusateurs, les témoins,
et le corps de garde des soldats chargés de surveiller les prisonniers. Une petite chambre
voisine était remplie des fusils qui avaient été recueillis dans la ville. Conséquemment, les
On m'accuse d'avoir écrit moi-même la procédure; l'inspection seule de la pièce originale suffira pour détruire cette mensongère assertion. J'ai été présent en partie : ma présence était nécessaire pour que tout se passât avec ordre, et toutes les fois que je ne pouvais m'y trouver, je faisais prier le juge de paix de s'y rendre : plusieurs interrogatoires sont signés de lui.
Que M. l'abbé Pochy ait été insulté par les soldats, cela n'est point extraordinaire : cet abbé avait été saisi un fusil à la main, un pistolet à la poche et muni de trois paquets de cartouches de dix chacun, ce qui est confirmé par son propre témoignage et par sa signature ; et, dès lors, toute la troupe voyait en lui un homme qui avait voulu tirer sur elle; mais que je n'aie mit que rire des insultes qui lui ont été laites, c'est une fausseté qu'il me serait facile de faire détruire par le témoignage de ceux des citoyens qui assistaient aux dépositions et à la procédure, et attesteraient sans doute combien ae soins je prenais pour qu'il n'y eût aucun tumulte dans cette salle, où la multitude qui y était rassemblée, ne permettait pas que la paix fût parfaite. L'affaire de Sorgues ayant servi de base à mes adversaires pour toutes les accusations qu'ils ont accumulées les unes sur les autres, il est essentiel que je porte, jusqu'à l'évidence, les preuves de mon innocence dans tous les points qui m'ont été reprochés, avant de passer à d'autres obejts. Je le ferai le plus brièvement possible; et comme une des pièces les plus solennelles, fournies par mon dénonciateur, est la déclaration faite par le maire, faite par l'état-major de la garde nationale, par plusieurs citoyens évadés de Sorgues ; comme cette pièce, souscrite de trente-deux signatures, contient les inculpations les plus graves, c'est elle précisément que je veux détruire. Il y est dit que c'est sans réquisition et annonce préalables, sans aucune nécessité, que les troupes françaises ont été envoyées à Sorgues; qu'il n'est point venu à la connaissance des déclarants qu'aucun citoyen ait tiré sur les troupes ; que le sieur Pochy, tué sur son toit au moment ou il cherchait à fuir, en a été descendu avec des cordes, a été placé . devant la porte de la maison commune, où il demeura dix-huit heures, où il a été outragé, mutilé indignement; qu'il a été inhumé sans prêtres, sans cérémonies religieuses; que 14 prisonniers qui furent faits dans cette circonstance ont été détenus sans accusation préalable et sans le concours de la municipalité, qui les reconnaît pour hommes de probité et de civisme ; que les citoyens sont vexés, leurs maisons pillees. Le maire de Sorgues ajoute qu'il désavoue toutes les signatures qu'il a données ; que ces signatures ont été extorquées par moi, et . que je ne lui
laissais pas la liberté de lire ce que je lui faisais signer.
Au récit de ces accusations, votre cœur équitable et sensible a frémi ; on ne savait, dans la tribune de cette Assemblée, quel nom donner à mes crimes; on voyait en moi un Français, un frère, un médiateur, et un ange de paix que la nation envoyait à ses amis, et qui, abusant de la confiance de la nation entière, secouait la torche de la discorde d'une main, et de l'autre portait le poignard dans le sein des patriotes, et versait à flots le sang de nos alliés. On appelait sur ma tête les foudres de la justice, et l'on voulait que, convaincu tout à la fois d'avoir violé les droits de l'honneur et de la probité, je devinsse, par un supplice solennel, l'effroi de tous les agents du pouvoir.
Honteux de moi-même, odieux à mon propre cœur; si j'étais souillé de ces atrocités, je souscrirais volontiers à l'arrêt de mon supplice, que je regarderais comme le terme de mes remords et et l'expiation bien faible encore de mes crimes ; mais, heureusement la capitale, en me donnant naissance, n'a pas créé un monstre : le roi, en me choisissant pour médiateur, n'a pas choisi un monstre : les électeurs, pendant mon absence, ne vous ont pas donné un monstre pour collègue ; et j'ose me flatter que vous frémirez de l'audace de mes calomniateurs et de la témérité du sieur Rovère, leur organe.
Voici, Messieurs, des pièces triomphantes, et qui vous convaincront tout à la fois et de mon innocence et de l'atrocité de mes calomniateurs. C'est, dit-on, sans réquisition préalable que je suis venu, sans nécessité que j'ai envoyé des troupes, et vous avez déjà vu qu'elles n'ont marché que pour faire cesser les exactions, les vexations commises par mes accusateurs, et attestées par leurs propres signatures. Voici, de plus, l'attestation de ceux qui sont venus requérir ces secours ; elle est passée devant notaire (1). % . , '
II n'est point venu à la connaissance de mes accusateurs que l'on ait tiré sur la troupe ; et, comme vous l'avez déjà vu, Messieurs, ils accusent les aristocrates de l'avoir fait; on peut s'en convaincre par l'inspection des pièces déposées au comité contre moi. Voici d'ailleurs, Messieurs, un certificat des officiers, sous-officiers et soldats, tant du 5d régiment de hussards, ci-devant colonel-général, que du 79e régiment d'infanterie, ci-devant Boulonnais, formant le détachement envoyé à Sorgues, certificat revêtu de 34 signatures, qui atteste que la troupe a été accueillie, sur le pont de Sorgues, par des coups de fusil tirés par des habitants.
On dit que le sieur Pochy n'avait point tenté de tirer sur la troupe ; qu'il fuyait par son toit, qu'il ne jetait point de tuiles. Vous pouvez voir Messieurs, les dépositions des témoins qui assurent le contraire; l'une de ces dépositions est dans la procédure, l'autre est à la suite du pro-cès-verbal dressé par le juge à la reconnaissance du cadavre.
On a imprimé, on a publié, on vous a dénoncé que le cadavre du même Jérôme Pochy avait été
exposé pendant plusieurs jours dans la rue, même sous mes yeux, puis mutilé de la plus indigne
manière, puis enterré sans les cérémonies de l'Eglise. Je ne rapprocherai point, Messieurs,
pour confondre mes calomniateurs, les contradictions des procès-verbaux qu'ils ont
Certificat du chirurgien. « Je soussigné Jean Gouisseaud, chirurgien au lieu du pont de Sorgues, et par ordre de MM. les maire et officiers municipaux dudit lieu, j'ai été convoqué au rapport sur ce qui a été la cause de la mort du nommé Jérôme Pochy | et d'après examen fait sur son corps, je lui ai trouvé différentes blessures dont deux mortelles, l'une située à la partie supérieure latérale droite de la poitrine, laquelle blessure a été faîte par un coup de fusil cnargé à une seule balle, et laquelle balle a été portée de droite à gauche, a pénétré dans la poitrine et dans les parties abdominales gauches. La seconde blessure examinée a été faite par la même balle qui, ayant été portée de droite à gauche, comme j'ai dit ci-devant, a pénétré dans la poitrine et l'abdomen, et ladite balle s'est donnée par la seconde blessure située dans la région partie épigastrique et lombaire gauche. Ce qui a été la cause de la mort de cet nomme, c'est que la balle ayant trouvé dans son trajet les vicères du poumon, du cœur, du diaphragme qui sépare la poitrine d'avec le bas-ventre, a blessé le foie et peut-être quelque portion d'intestin, ce qui a été l'effet d'un épancnement dans la poitrine et dans le bas-ventre. En foi de quoi j'ai signé le présent rapport à Sorgues, le 20 du mois de septembre 1791. Signé : Gotjisseaud.
Voici, Messieurs, le procès-verbal du juge de paix :
« L'an mil sept cent quatre-vingt-onze et le vingt-un du mois de septembre, pardevant M. François Delort, juge de paix de ce lieu du pont de Sorgues, a comparu sieur André Cisseri, officier municipal dudit lieu, lequel a dit et exposé que hier matin, sieur Jérôme Pochy, autre officier municipal de ce lieu, a été trouvé mort sur son toit, que sur cela la municipalité requit le sieur Gouisseaud, chirurgien, d'accéder sur les lieux pour faire la vérification .du cadavre ; que par son rapport, il constate qu'il est mort d un coup de fusil à balle, qu'ensuite ladite municipalité fit descendre ledit cadavre et le fit mettre dans la cuisine de la maison dudit feu Pochy, où il est encore, c'est pourquoi ledit sieur Cisseri a requis ledit juge d'accéder à ladite maison pour dresser procès-verbal sur ledit cadavre, et tout de suite ledit sieur juge, en compagnie du sieur Cisseri, de moi, notaire et greffier, et des témoins après nommés, s'est transporté à la maison dudit feu Pochy, où arrivés, nous aurions trouvé ledit corps étendu pàr terre, et ledit sieur Cisseri aurait montré audit juge et à nous dits notaires et témoins, ainsi qu'il nous a apparu à tous, que ledit cadavre a reçu un coup ae fusil près de l'épaule droite, et que tout son visage est ensanglanté. De quoi et ae tout ce dessus ledit sieur Cisseri a requis, acte, qu'a été fait où que dessus en présence des sieurs Joseph Bernard, Etienne Faure, Jean Simon et Louis Fusil, habitants de ce lieu, témoins requis et signés avec ledit sieur juge et ledit sieur Cisseri. Signé : Delort, juge
de paix, André Cisseri, officier municipal : Bernard, Louis Fusil, Etienne Faure, j. Simon, Nourry, notaire-greffier. »
Attestation des citoyens de la ville de Sorgues, donnée à M. Mulot, l'un de MM. les médiateurs de la France.
« Nous, citoyens de la ville de Sorgues soussignés, attristés d'avoir vu dans une déclaration signée pardevant un juge d'Avignon, tant par notre maire que par nos émigrants, que M. l'abbé Mulot avait souffert en sa présence le pillage des maisons, les mauvais traitements faits aux citoyens, l'assassinat d'un officier municipal; attestons à qui il appartiendra, que M. Mulot n'a envoyé à Sorgues des troupes que sur la demande de beaucoup d'entre nous vexés, tant , par le maire que par la garde nationale, qui se renforçait du sieur Peytavin, du sieur Gérard de Nîmes, de plusieurs Avignonnais, de soldats de Châteaunéuf, de gendarmes nationaux; qu'il n'est venu que le 20 au matin, d'après ce qui s'était passé la rnîit contre la troupe française ; qu'il n'y a eu aucun pillage, aucune atrocité commise; que le cadavre du sieur Jérôme Pochy, officier municipal, tué au moment où il jetait des tuiles sur la troupe, n'a point resté plusieurs jours ni plusieurs heures dans la rue, qu'aussitôt descendu il a été entré dans sa maison, et a été enterré par M. le curé, sans avoir été insulté, ni mutilé; certifions, en outre, que nous n'oublierons jamais le servicé important que M. le médiateur nous a rendu; que nous l'avons vu avec peine se retirer à Courtaison, quoiqu'il nous ait promis de revenir; et nous le prions au nom de l'humanité, au nom de la France qui nous a promis la garantie pour nos personnes et nos biens, de nous laisser des troupes qui nous préservent des meurtres, dont nous font menacer chaque jour nos émigrants, accoutumés maintenant au carnage dont ils ont été témoins à Avignon ; et afin que nos sentiments soient à jamais perpétués, nous prions la municipalité de consigner ce présent certificat dans nos registres, çomme un témoignage éternel de notre reconnaissance.
Fait à Sorgues, ce
Signé : André Cisseri, officier municipal ; Via-nés, officier municipal; Lambert, procureur de la commune; D. E. Pern, euré; Bédouin, Louis Rallino, J. Tartonne, Joseph Dumas, François Bezet, Joseph Pont, Theodore Gui-gue, Jérôme Simon, Louis Fusil, Joseph Giry, François-Xavier Lambert, Etienne Léonardet, Buffier, Lazare Amen, Louis Ronès, P. E. Long, Jean Félix, Joseph Taxy, f, Henri Mes-tre, Nicolas Mestre, Sébastien Cruvellier, J.-Simon Bourdy, J.-N. Crozeau, Michel Beis-sier, Pierre Perrin, f ; Antoine Dumas, Jean-Baptiste Bezèt, N. Guichard, André Perrin, Antoine Achara, Jacques Bezet, Joseph Perien, j-, Jacques Perrin, f, Gaspard Sounier, Joseph Pons, François Jean, André Simon, Thomas Valentin, notable; Churibin Taxis, J.-P. Garcin, Emeric, Joseph Rousset, Joseph-Jacques Giry, Gaspard Armand, D. Girard, Thon, Bernard Remondon, François Gonnet, -j-, Jacques Giry, Antoine Pont, Blache, Hicroine Sinard, Paul Perret, Gaspard Pochi, +, A. Jean, Jean Guichard, Antoine Fusil, J.-Vincent Roux, Charasse, Georges Raymon, François Gleize, f, André Lambert, Joseph Cruminion, Charles Perrin, Mathieu Lai,
J. Grinaud, C. Bernard, M. Mathieu, François Brunei, Biaise Perrin, Jean-Pierre Gue-rallet, f, J.-J. Huracard, J. Achard, Noël Philip, f, Pierre Cruvélier, Claude Uggues, Maurice Porte, François Porte, Jean Girard, Nicolas Bon, Jean-Antoine Martin, François Fusil, André Simon, Jacques Philip, Mathieu Martin, J.-B. Brunei, J. Bernard, Joseph Perrin, Thomas Perrin, f, Guillaume Juflien, Imbert Perrin, François Julien, Marchelin Achard, f Pierre Mouri-sard, Louis Mourisard, f, Biaise Roux, Pierre Coumin, f, P. Jullient, Vincent Romane, Pierre Lambert, Jean-Joseph Ainbert, f, Nicolas Goné, f, J. Vachette, Michel Charasse, f, Etienne Cruvillier, Simon Laurent, Pierre Pascal, f, Jacques Josserand, -j;, Joseph Pont, f, Mathieu Forment, Alexis Taxy, notable, Ofifand, Joseph Perrin : ainsi signé à l'original.
« Atteste moi, Benoît Nourry, .notaire-secrétaire-greffier de la commune de ce lieu du pont de Sorgues, avoir pris copie de la susdite déclaration et desdites signatures dans un registre dé la commune, à la réquisition du procureur de la commune/qui m'a déclaré, que les signatures où il y a dès f sont des personnes illettrées, qui les ont fait mettre par des personnes à elles de confiance, en foi de quoi me suis soussigné et ai apposé aux présentes, le sceau de la commune ; à Sorgues, le vingt-un octobre mil sept cent quatre-vingt-onze, Nourry, notaire-secrétaire-greffier, ainsi à l'original. »
Déclaration de MM. les officiers, sous-officiers et soldats, en garnison à Sorgues :
« Nous officiers,; sous-officiers et soldats, tant du 5e régiment des hussards, ci-devant colonel-général, que du 39° régiment d'infanterie, ci-devant Boulonnais, envoyés en détachement à Sorgues, le 19 septembre, certifions y être arrivés sur les 10 heures du soir, tambour battant, trompettes sonnantes ; avoir été accueillis sur le pont de Sorgues, par des coups de fusil, tirés par des habitants dudit Sorgues; être ensuite entrés dans la ville, et près de la maison commune avoir été assaillis d'une grêle de tuiles, que jetait sur nous le nommé Jérôme Pochy, qui, après avoir voulu deux fois faire feu, et ne l'ayant pas pu, l'amorce seule ayant prise, avait eu recours a ce stratagème, et que le dit Pochy fut tiré sur son toit par un soldat d'infanterie, qui, sans voir, tira du côté où les tuiles venaient et qui l'atteignit ; certifions en outre que les citoyens n'ont point été maltraités, que le seul abbé Pochy, saisi avec un fusil, un pistolet et trois paquets de cartouches, avait été attaché pour être amené à la maison commune ; enfin, devons à la vérité d'attester que M. l'abbé Mulot ne sut tous ces faits que vers les 2 ou 3 heures du matin, par une lettre que lui adressa l'un de nous et qu il ne vint qu'avec 50 hussards, qu'il laissa à la porte de Sorgues où. il entra seul avec un de nous ; nous pouvons ensuite rendre à M. le médiateur cette justice, qu'il s'est conduit avec un zèle infatigable, tant pour ramener l'ordre, que pour calmer les esprits, et pour jprocurer à la troupe ce qui lui était nécessaire. En foi de quoi nous avons signé.
« A Sorgues, ce 20 octobre 1791.
« Signé : Lamarche, officier de hussards; Thirion, sergent; Arbey, sergent; Audibert,
Saint-Maurice, sergents ; Brin-d'Amour, caporal ; Bourjeraut, Lacoup, caporaux; Jolicœur, caporal; Lavarenne, caporal; Laramée, caporal ; Boulon, caporal ; Levêtue, caporal-, Sène, lieutenant de hussards; Séhofs, capitaine de hussards ; Dupond, capitaine, commandant le dit détachement; Barbier, capitaine; Duruel, sous-lieutenant; L. Dereboul, lieutenant; Badda, officier de hussards ; Gobi-net, commandant l'avant-gardedes hussards ; Gaëty, maréchal-des-logis en Ghef ; Franoux, hussard; Neimest, sergent; P. Goinberg; Mavling; Gruber; Vartinstor; Michaux; Jo-saunir,lieutenant ; Jaffard ; Saucerotte, maréchal des logis. Ainsi à l'original. » -Voici le certificat du curé qui atteste avoir enterré le corps avec les ornements et les cérémonies ordinaires :
« Nous prêtre, curé régulier de l'ordre de Cluny, de la paroisse de Sainte-Sauveur, du lièudit du Pont de Sorgues, certifions que sùr la demande de M. Pierre André, mairé, et de M. Vianès, officier municipal, requis, nous ont-ils dit, par M. l'abbé Mulot, commissaire-médiateur de France d'enterrér dans le cimetière de la paroisse le corps du sieur Jérôme Pochy, officier municipal, tué Favant-veille et qui était dans sa maison; nous nous y sommes transporté, l'avons trouvé, sans que son cadavre ait été mutilé ou insulté, et l'avons enterré avec les ornements et cérémonies usitées de l'Eglise. En foi de quoi nous avons signé, le 16 octobre 1791. N. Pern, curé. » « Nous officiers municipaux de Célieu du Pont de Sorgues, dans le comtat Venaissin, certifions à tous qu'il appartiendra, que M. Pern, qui a èxpédié et signé l'attestation que dessus, est curé de l'a paroisse de ce lieu, tel qu'il se qualifie, aux seing et écriture duquel foi est et doit être ajoutée, tant en jugement que dehors ; attestons ae plus que le papier marqué ni le contrôle ne sont point d'usage èn ce pays. En foi de quoi nous avons signé les présentes avëc le secrétaire-greffier de notre municipalité, qui a apposé le sceau d'icelle à Sorgues, le 16 octobre J791. Signé : Vianès, officier municipal ; Antoine Lam-bert, procureur de la commune ; André Gissery, officier municipal ; Nourry, secrétaire-greffier. »
J'aurais pu joindre à ces pièces le certificat du maire, contre lequel il a réclamé en vain, puisque ce certificat est en outre signé du procureur de la commune, et d'un officier municipal (ce qui formait toute la municipalité) (1).
Mais si j'ai cru inutile de produire cette pièce, ce qui ne l'est pas, c'est de vous prouver que sa signature n'avait pas été extorquée par la force, ni même par la peur; et je le prouve par l'attestation de deux personnes qui ont signé avec le maire ; je le prouve par le témoignage non suspect de deux habitants de Lisle, qui. par hasard se trouvaient en députation auprès de moi, lors-qu'après la publication du libelle, qui a été recopié depuis dans la dénonciation du sieur Rovere, je m'informai de ce maire parjure s'il était vrai que le sieur. Pochy eut été mutilé, et qu'il me promit de le certifier ."Voici les deux attestations :
Certificat de MM. Cissery, officier municipal, et Lambert, procureur de la commune du
lieudit Pont de Sorgues.
Certificat de MM. Liotard,prêtre, et Roulet,méde-r cin, citoyens de Lisle.
« Nous soussignés, citoyens de Lislé, attestons que nous trouvant en députation auprès de M. Mulot, médiateur de la France entre le peuple d'Avignon et du Comtat, nous fûmes témoins que M. le médiateur demanda à M. André, maire de Sorgues, s'il était vrai, ainsi qu'il était imprimé dans une dénonciation dont il venait de recevoir un exemplaire, que le cadavre du sieur Jérôme Pochy fût resté plusieurs jours exposé dans la rue, qu'il eût été mutilé et qu'il n'eût pas été enterré par un prêtre ; qu'a cette demande, M. le maire répondit qu'il était faux que le cadavre eût été mutilé, qu'il n'était point resté dans la rue, et que M. le curé l'avait enterré ; réponse que M. Mulot pria M. le maire de lui donner par écrit, ce que M. le maire-promit. En foi de quoi nous avons signé. A Orange, le 23 octobre 1791. Signé : Liotara, prêtre, et Roulet, médecin. »
Qui de vous, maintenant, représentants augustes d'un peuple souverain, n'est pas ému à la vue de ces preuves évidentes de ma droiture et de mon innocence? Qui de vous ne sent pas son cœur attristé d'avoir accueilli, quoique par zèle et par amour pour la loi, la dénonciation la plus atroce faite contre un citoyen dont le patriotisme ne s'était jamais démenti ; qui, par la Révolution, resté pour ainsi dire à la société, n'avait cesse de consacrer tous ses moments à la chose publique, sans autre intérêt, sans autre ambition que celle de contribuer au bonheur de ses concitoyens ; de l'avoir accueillie cette dénonciation, lorsqu'aucune pièce n'était fournie pour sa défense? Qui de vous enfin, Messieurs, ne frémit pas à la seule idée-d'avoir, par cet accueil, concouru à flétrir dans l'opinion publique, l'honneur d'un de vos collègues, qu'un moment plus tard vous eussiez reconnu n'avoir point reçu d'atteintes? Je reprends, Messieurs,le récit des faits.
Sur la réquisition que j'avais faite au général Ferrier de mire marcher des forces vers Sorgues, il crut bien faire de venir avec tout ce qu'il avait de troupes, ce qui pourtant, y compris celles déjà arrivées, ne montait au plus qu'à 1,000 hommes. j'en fus averti avant qu'il fût arrivé, et comme le nombré m'eft'rayait, à raison de la subsistance et du logement, je lui écrivis, par une ordonnance, pour le prier de laisser partie de ses soldats à Bédarrides, lui alléguant la difficulté de les nourrir et de les loger à Sorgues. Le général, averti trop tard, à ce qu'il m'a dit, n'a pu suivre cette disposition, qui aurait évité aux troupes les désagréments qu elles ont éprouvés et que j'ai eu toutes les peines du monde à diminuer. Il vous paraît peut-être étonnant, Messieurs, que je vous parle des peines que j'ai eues pour des objets purement militaires; mais tel était mon sort, qu'il fallait que tout roulât sur
moi. Parce que nous n'étions pas sur des terres françaises, le général me renvoyait les moindres détails, pain, vin, viande et bois, ne se fournissait que sur mes réquisitions et, pour me servir d'une expression heureusement employée par un écrivain de cette ville, j'étais à la fois et médiateur et fourrier. C'est cette nécessité de me mêler de tous ces détails, qui m'a forcé de recourir aux communes voisines, pour les prier d'envoyer des secours, soit pour nourrir, soit pour loger les soldats (1) qu'elles eussent logés chez elles s'ils y eussent été répartis. Ce sont ces demandes que l'on a travesties en contributions, dont on n'a pas eu honte de m'accuser. Les communes se sont prêtées à me seconder autant qu'elles l'ont pu. J ai les lettres de leurs maires, qui attestent leur zèle et l'honneur que je mettais dans mes demandes. J'ai requis, dit-on, des légumes et des moutons. Fallait-il laisser périr de faim les troupes ? Ces légumes, d'ailleurs, ces moutons étaient payés par le soldat consommateur, et les provisions paient si peu à la charge de ceux qui les fournissaient, que j'ai payé moi-même deux bœufs pour que la Viande ne manquât pas, et que le jour où je me retirai deSorgues, je payai le bois nécessaire au corps de garde.
Je préviens l'objection qui pourrait m'être faite sur ce que je gardais autant de troupes dans un aussi petit endroit, des troupes surtout qui effrayaient l'assemblée électorale et la ville d'Avignon. D'abord l'assemblée électorale ne devait pas être effrayée, et quoiqu'elle ait feint postérieurement de l'être, je lui avais écrit de manière à calmer toutes ses inquiétudes, même avant que le général arrivât. Cette assemblée était réellement si tranquille, que le sieur Canon (2), son président, dans une lettre déposée a votre comité par mon dénonciateur, écrivait : « Nous n'avons rien à craindre d'après la lettre de l'abbé Mulot. »
La ville d'Avignon ne pouvait pas non plus avoir de crainte, d'après la réponse que j'avais faite à la lettre que ses administrateurs m'avaient envoyée.
Cette lettre, Messieurs, est essentielle à connaître, parce qu'elle contient les principes d'après lesquels j agissais, et les assurances que je donnais à la ville d'Avignon, sur mes dispositions réelles et que mes adversaires se sont bien gardé de la citer en aucune manière.
Brantes-les-Sorgues, le
« Messieurs,
« Les médiateurs de la France ont été requis par MM. les députés de l'assemblée électorale, des municipalités d'Avignon ét de Carpentras, article 5 des préliminaires de paix, de placer dans les deux villes d'Avignon et de Carpentras, et dans tous les autres lieux où besoin serait? des troupes françaises, pour prévenir tout ce qui se ferait contre 1 ordre public.
« Par la loi du 4 juillet, les médiateurs sont autorisés à requérir soit les gardes
nationales, soit les troupes de ligne françaises pour assurer l'exécution ae tous les articles
et préliminaires
La même loi du 4 juillet, confirmative de la garantie donnée dans les préliminaires de paix à tous les citoyens, oblige spécialement et directement les médiateurs, tant que cette loi ne sera point abrogée par une subséquente.
« G est en vertu ae cette loi que j'ai requis d'abord une compagnie d'infanterie et de hussards pour aller à Sorgues rétablir l'ordre que plusieurs citoyens y avaient troublé par un désarmement tumultueusement fait, par des contributions et des exactions arbitraires, en y faisant venir des citoyens des communes étrangères comme d'Avignon ou de Châteauneuf-de-Pape, ou le Calcernier.
« C'est d'après la conduite incroyable de ces mêmes citoyens de Sorgues, qui se sont permis de tirer, de jeter des tuiles sur les détachements français que j'avais envoyés, et qui les ont forcés de repousser la violence par la force, que j'ai requis M. de Ferrier, de joindre au premier détachement, des forces capables de faire respecter les troupes françaises et d'empêcher une coalition nouvelle avec les communes voisines.
« J'ai donc exécuté la loi. Les troupes françaises se sont conduites avec loyauté. Les prisonniers arrêtés ne le sont pas par elles. Mais au moins recueille-t-on, avec autant de soin et de légalité qu'il est possible, les dépositions, les interrogations et ce qui doit assurer leur liberté, ou les faire rester en état d'arrestation; ils ne sont point dans les cachots et ils sont jusqu'à présent dans la maison commune.
« Je pourrais vous demander. quels sont ces. préparatifs de canons sortis à Avignon, près dé la porte Royale; mais j'aime mieux m'arrêter à l'idée que vous me donnez de votre soumission anticipée aux lois ultérieures que la France vous prépare.
« Quant au plan que vous soupçonnez avoir été formé par moi d'intercepter la communication entre l'assemblée électorale séante à Bédarides et Avignon : vous ignoriez sans doute que j'avais, écrit au président de cette assemblée une lettre honnête pour prévenir ses inquiétudes.
« J'ai réclamé, quand je l'ai dû, contre l'assemblée! j'eusse voulu plusieurs fois empêcher l'exécution de quelqûes-uns de ses arrêtes pris contre la teneur des préliminaires de paix. Je me suis mis en mesure par des déclarations qui me débarrassaient de la responsabilité; mais je n'ai jamais voulu interrompre sa communication et surtout au moment où la force liée par le pacte fédératif au décret qui prononcerait sur le sort politique de ce pays, est sur le point de s'évanouir.
« Je suis incapable d'un coup de main, et ne suis pas de ces hommes qui troubleraient une ville et feraient répandre du sang pour un intérêt qui flatterait leurs cœurs. L'un des médiateurs de la France,
« Signé : mulot. »
D'après la manifestation de mes sentiments; contenus dans cette lettre, Avignon n'avait donc plus de frayeur à avoir. D'ailleurs, si les troupes étaient aussi nombreuses, c'était une suite des principes militaires du général, qui ne voulait pas diviser le régiment de Boulonnais dans les communes voisines. C'était une suite de sa prudence, qui ne lui permettait pas de renvoyer les soldats dans un moment où il craignait pour le calme de Sorgues.
Je sais que la malignité a voulu m'opposer une réquisition faite au général pour que les Boulonnais allassent successivement à Orange chercher leurs sacs, comme une preuve que la totalité des troupes n'était à Sorgues que sur ma réquisition; mais j'ai déjà imprimé, et j'ai la minute de la réquisition faite au général le 21, pour faire repartir ce qu'il croirait n'être pas nécessaire, et laisser ce qui serait suffisant pour contenir la ville de Sorgues dans le calme et la tranquillité, la préserver de lout trouble, assurer la garantie donnée par la France aux propriétés et aux personnes.
J'ai prouvé, dans la réponse que j'ai faite au libelle avignonnais, comment les choses se sont passées; et comme j'y ai joint toutes les pièces a l'appui de mes assertions, la malignité a été forcée de se taire. Je pourrais la confondre par la lecture d'une pièce nien précieuse que m'ont fournie mes propres adversaires et qui est à votre comité ; mais on pourrait m'accuser d'avoir voulu inculper le général, et je la tais (1).
Pour épuiser l'affaire de Sorgues, il ne me reste plus qu'à vous parler de la patrouille arrêtée sur le territoire de cette municipalité, du gendarme battu, et du sieur Molin, que la clameur publique avait fait saisir.
Quant au sieur Molin, qui a paru ici, m'a-t-on dit, près de mon dénonciateur, dont il a appuyé les calomnies, et qui devrait partager le sort ae Jourdan, dont il a partagé les crimes, un seul mot va vous instruire sur ce qui le concerne : il revenait de Bédarides avec des meubles qui lui avaient servi pour tenir une espèce d'auberge où il traitait plusieurs des électeurs. La bouchère à qui il devait, et quelques autres de ses créanciers le firent arrêter avec un nommé Blayer d'Orange. On le leur amena. Il reconnut paisiblement ses créances. J'obtins qu'on n'en exigeât le montant, que lorsqu'il serait payé de ce qui lui était dû par l'assemblée électorale ; et afin qu'il ne fût insulté par personne, j'engageai M. le colonel de Boulonnais à le faire escorter, par quelques soldats de son régiment, jusqu'au delà du territoire de Sorgues; ce qui rut fait, et dont je donnerais facilement la preuve. Un bienfait accordé, voilà tout mon crime à son égard.
Le gendarme battu fut attaqué, lorsque, chargé de mon message, il repartait pour Avignon,
par des émigrants avignonnais qui se trouvaient sur la route et qui, par vengeance, se
permirent des excès que la loi condamne. Cette vérité est consignée dans sa propre
déclaration; mais il fut bientôt débarrassé dé leurs mains par les soins de M. Aymé, faisant
les fonctions de secrétaire de la médiation, et par ceux de mon domestique qui passèrent
heureusement dans ce moment; par M. Aymé : remarquez-le bien, Messieurs, c'est le fils d'un
juge national d'Avignon qui, regardé comme l'ennemi des chefs avignonnais, depuis que son
ministère l'avait forcé d'en décréter plusieurs pour la spoliation de la
Char-treuse-de-Bon-Pas, avait été assassiné sur les terres françaises par quatre scélérats
sortis d'Avignon, qui lui coupèrent à coups de sabre l'artère temporale, lui brisèrent ros de
la pommette, le laissèrent, pendant toute la nuit, dans un bateau, perdant son sang,
l'enveloppèrent
Serais-je plus coupable d'avoir mis en état d'arrestation, jusqu'à la réponse du ministre, les 8 soldats arrêtes sur le territoire de Sorgues et venus sans que la municipalité les eût requis? Non, Messieurs. Le sieur Jourdan s'était permis de me faire faire invitation, le matin, ae venir dîner avec lui dans le fort. Il avait fait lui-même des courses dans le même lieu, la veille. Ces hommes se disant gardes-vignes, avaient des fusils presque tous chargés à double charge. Quelque suspects qu'ils fussent, ce n'était pas sans doute le cas de les mettre en état d'arrestation; mais la majeure partie de ces hommes étaient déserteurs français, et plusieurs d'entre eux avaient eu l'amnistie pour avoir servi dans l'armée de Monteux ; et la proclamation du roi, qui nous avait été envoyée par le ministre et que nous avions publiée en son nom, portait, qu'après cette amnistie, ceux qui ne seraient pas hors d'Avignon dans le mois, « seraient traités comme déserteurs à l'étranger » (2). Je n'ai donc, en les mettant en état d'arrestation, fait autre chose qu' « exécuter la loi » dont j'étais porteur. J'en ai écrit sur-le-champ au ministre de la guerre que cela regardait spécialement; et si ie n'ai point reçu de réponse sur ce point, ce n est pas moi qu'il faut accuser.
Je ne relèverai pas, Messieurs, les plaintes qu'on vous a faites des mauvais traitements que I on prétendait que je faisais éprouver aux prisonniers dans les prisons de Sorgues. J'avais plusieurs fois prié le maire de veiller à leurs besoins. Je leur avais fait proposer des adoucissements dans leur nourriture, ils m'avaient refusé; à la femme de l'un d'eux, prête d'accoucher, j'ai remis moi-même la valeur de 15 jours de paye de garde nationale, pour la dédommager de ce que gagnait son mari. On m'a peint comme leur refusant la consolation de voir leurs femmes, et ils les voyaient si facilement, que je reçus mille fois des plaintes des officiers sur celles qui, venant les voir, sous le nom d'épouses, venaient ensuite corrompre leurs soldats. Tous ces faits sont vrais, je les atteste sur mon honneur; je vous en fournirais les preuves écrites, si le temps, qui me restait depuis mon arrivée jusqu'à ce jour, pour paraître devant vous, m'eût permis d attendre une réponse venue des lieux mêmes.
Je ne vous parle point du complot qu'on l'on a publié, que j'avais concerté contre Sorgues
et contre Avignon, et dont on prétendait avoir, comme par une espèce de miracle,, trouvé des
preuves dans ma correspondance avec Mm0 Niel et son fils. Quand mes ennemis auront imprimé
Cet intérêt, Messieurs, était bien naturel ; son caractère, sa gaîté, ses talents en divers genres me l'avaient fait estimer et aimer à Paris ; c'était la seule personne que je connusse en arrivant à Avignon, et l'attachement qu'il me prouva, ainsi que sa famille, pour la nation française et ses lois, me le firent chérir davantage. On trouve bien grandes les inquiétudès que je manifestais pour sa mère et pour lui, lorsqu'ils étaient dans les fers. Mes inquiétudes sont bien justifiées : ils-sont assassinés par mes accusateurs. Ils sont assassinés! et je dois à leur mémoire de ne pas laisser croire que ce soient des victimes immolées à raison a aristocratie.
« Je m'attache aux lois, Monsieur, m'écrivait la mère; les saintes lois françaises exigent qu'un prisonnier soit interrogé dans les 24 heures après sa capture. Je suis donc fondée en droit à vous demander l'interrogatoire de mon'estimable fils; il y a 50 heures 1/2 qu'il est prisonnier ; puisqu'il n'est nullement accusé pour aucun crime, faites-moi, je vous supplie, la galanterie de me le rendre ; ayant ma cinquantaine, cette galanterie ne vous compromettra point; et ma reconnaissance sera éternelle. »
« Mon bien cher Monsieur, vive la nation, la loi et lè roi, m'écrivait le jeune Niel (le lendemain de la connaissance donnée par moi du décret de réunion), vive l'Assemblée à jamais mémorable qui nous a rendus Français, vive le roi qui a acccepté solennellement une si belle Constitution... On! je ne me possède plus; j'ai passé la nuit à mettre des cordes à mes violons, au milieu de mes odieux et de mes affreux gardes du corps, qui ne me quittent pas d'un instant. De grâce, débarrassez-moi de cette odieuse engeance; le décret les a consternés, il y a de quoi mourir de rire. Ma pauvre mère est sérieusement malade depuis hier; le moment de la trop grande joie lui a fait un mal affreux. »
Ces lettres, Messieurs, ont sans doute, dans votre esprit, vengé leur mémoire. J'offre maintenant de déposer chez un homme public la collection de celles que j'ai reçues de toute la famille ; et ceux qui, d'après les déclarations perfides ae mes adversaires, auraient suspecte la pureté de mes mœurs et de mes intentions, pourront, en les consultant, s'y éclairer sur l'un et sur l'autre de ces points.
Il ne me reste plus, Messieurs, qu'à justifier ma conduite à l'égard ae la ville d Avignon, après que j'aurai dit quelques mots sur la ville de Lisle. Mes accusateurs prétendent que j'ai laissé vexer les patriôtes de cette ville par les Soissonnais ; que, sur la demande de leur rappel, je les ai doublés; que j'ai fait désarmer ces mêmes patriotes; que j'ai souffert dans ses murs une assemblée constitutionnelle de la même nature que celle de Carpentras, sans la dissoudre, et que même je l'ai fait réunir par mes ordres.
Un simple exposé des faits, soutenu des pièces justificatives, va facilement faire disparaître cette accusation. J avais requis, pour garnison à Lisle, des gardes nationales du département des Bou-
ches-du-Rhône. Ces gardes nationales étaient arrivées à Lisle. Faute du payement du prêt que j'avançai moi-même plus d'une fois, je fus obligé de les rendre à leurs municipalités respectives. Alors, je m'adressai au général Ferrier ; je lui peignis les scissions qui existaient à Lisle, la nécessité des troupes françaises peut maintenir la paix, le danger qu'il pourrait y avoir à y placer des Soissonnais, la peine qu'il aurait à diviser les Boulonnais, ce qui serait cependant utile, et je finis par lui demander pour Lisle une compagnie d'infanterie, de quel corps il jugerait à propos. Il s'en tint a son opinion, ne divisa pas les Boulonnais, et s'accorda avec M. Despevron pour faire porter à Lisle la compagnie de M. Découssin. A son arrivée, il y eut quelques difficultés qui s'ap-planirent à l'aide des décrets de l'Assemblée nationale. Obligé d'aller à Carpentras, comme vous l'aVez vu, Messieurs,_ j'appris de M. Despeyron que ce que je croyais à Lisle être une compagnie, ne formait qu'un total de 37 hommes. Il me demanda d'y faire porter ce qui était à En-traygues, et j'y consentis. Daignez remarquer qu'en ce moment, il n'y avait aucune espèce de plaintes qui m'eussent été portées par aucun habitant de Lislè contre les Soissonnais, puisque j'étais à Carpentras dans les premiers , jours de septembre, et que les premières plaintes qui m aient été faites, n'ont eu lieu que le 20. Ces plaintes, comme elles contenaient un délit militaire, je les ai remises au général Ferrier, avec les procès-rverbaux qui m'avaient été remis; et il faut croire que le délit n'était pas réel, puisqu'il n'y a pas eu de punition.
Je n'ai point fait désarmer les patriotes à Lisle: je n'y ai même fait désarmer personne. J'ai seulement requis la municipalité de faire rentrer dans l'arsenal les fusils qui lui appartenaient; et i loin de faire désarmer les patriotes gardes nationaux, je lui ai recommandé de constater les fusils qui se trouveraient entre leurs mains.
Ma surveillance sur Lisle était si grande, crainte que le parti que l'on désigne sous le nom d'aristocrate ne l'emportât, qu'ayant appris qu'un jeune diacre constitutionnel, en faisant ses fonctions de catéchiste, avait été insulté et que parmi les injures qui lui avaient été prodiguées, on s'était servi d'expressions fanatiques et de reproches anti-constitutionnels, j'écrivis sur-le-champ à la municipalité pour faire constater les faits, pour que justice lui fût rendue et que respect lui fût porté dans ses fonctions ; et si ce jeune ecclésiastique n'a pas eu la satisfaction la plus solennelle, c'est qu'on lui attribua, dans une plainte présentée à la municipalité et accompagnée de dépositions de témoins, que le même jour où les insultes lui furent faites, elles n'avaient eu lieu que parce que cet abbé avait donné un coup à la tête d'un enfant qui en tenait un plus petit encore, et que l'on a prétendu que la révolution occasionnée à cet enfant malade, par les cris de sa sœur, avait causé sa mort.
Enfin, Messieurs, quant à cette assemblée inconstitutionnelle qui s'était, dit-on, établie à Lisle, j'ai eu le bonheur, non seulement de ne point souffrir ses principes, mais de les combattre, mais de les détruire, d'anéantir sa permanence, et d'obtenir des Lislois, que j'avais fait revenir de leurs erreurs, les témoignages les moins suspects de leur reconnaissance. J'ai copié des procès-verbaux où ces remercîments sont consignés.
Me voici enfin, Messieurs, arrivé à l'affaire
d'Avignon. Le décret de réunion semblait devoir m'assurer, même à l'égard de cette ville, un reste de mission paisible. Le vœu de la grande majorité des habitants venait d'être rempli ; mais le décret avait devancé les calculs des avares déprédateurs avignonnais. Alors, une coalition entre l'assemblée électorale et les administrateurs d'Avignon, se forme malgré mes réclamations les plus expresses, fondées sur les préliminaires et sur la loi du 4 juillet. On imprima un arrêté de cette assemblée, dans lequel on constata mes pouvoirs; on l'envoya dans tout-le Comtat, on ne fit aucun cas de la loi du 4, qui devait toujours être en vigueur ; on s'empara des biens ecclésiastiques, partout où l'on put, et surtout à Avignon, où les déprédations furent portées à, leur comble. Des procès-verbaux inexacts aidaient à les voiler; et les soi-disant patriotes avignonnais, ces prétendus amis de la Constitution française, après le décret de réunion,, après même le décret d'organisation provisoire, pillaient les églises, vendaient jusqu'au métal des cloches à un prix au-dessous de sa valeur, et Se plaisaient à épuiser les sources où la France bienfaitrice devait trouver naturellement de quoi couvrir la dette immense qu'ils lui laissent payer. Toutes les pièces à l'appui de ce que j'avance sont, partie entre les mains du ministre de la justice et partie entre les miennes.
Je sais que les sieurs Duprat, Tournai, Main-ville et le jeune L'Ecuyer ont fait mettre dernièrement dans les papiers publics, que les biens nationaux,, recueillis par ordre de l'assemblée électorale, étaient encore en nature et non vendus. Mais comment palliçroht-ils les ventes faites pendant plusieurs jours, à Saint-Laurent, ces encans successifs qui y ont eu lieu et qui ont occasionné les murmures des canoniers qu'ils n'avaientpas soldés, et qu'ils n'ont apaisés qu avec le produit de ces ventes? Comment cacheront-ils la vente des vases saints que des juifs ont achetés et dont ils ont fait à l'instant un usage si révoltant que l'on a été obligé d'en mettre un en prison? Comment représenteront-ils les sommes qu'ils ont prises chez les fermiers des ecclésiastiques à qui ils ne laissaient pas de pain, et dont ils prenaient les revenus, échus même avant la Révolution?
Encore s'ils n'avaient fait que des larcins ! mais de quels crimes ne se sont-ils pas souillés ? Les emprisonnements arbitraires étaient les moindres : les assassinats étaient leurs jeux. En voici, Messieurs, une preuve éclatante :
Le 4 octobre, les sieurs Duprat, l'abbé Rovère, Mainville l'aîné et plusieurs citoyens d'Avignon vinrent demander, à 11 heures du soir, au bureau des postes, les lettres adressées à l'administration provisoire. Sur le refus qui leur en fut fait, ils se retirèrent en disant des injures. Ils firent plus, Messieurs; le sieur Mainville aîné et un autre, au moment où le sieur Bertrand, commis des postes, se retirait, fondirent sur lui le sabre à la main. Heureusement un jeune homme qui l'accompagnait, para le coup qu'il reçut sur la main gauche, dont il eut l'index coupé. Vous croyez peut-être que la vengeance est assoupie ? Non : le lendemain, les administrateurs provisoires font incarcérer le sieur Bertrand, qui sortit heureusement sur la réclamation de la demoiselle Le Blanc, directrice des postes, qui le demanda comme attaché à un établissement français. Ce fait, Messieurs, est consigné dans une déclaration que j'ai entre les mains, signée du sieur Bertrand lui-même, qui
me l'a remise en attendant l'établissement de» tribunaux (1).
D'après de pareils traits, je ne dois pas avoir à me disculper des calomnies répandues contre moi. A qui ne suit pas la voie de l'honneur,, l'honneur d'autrui n est rien, et la langue de l'homicide ne peut rien contre celui qui le dévoile.
Qu'ils disent donc, qu'ils fassent répéter par les crieurs soldés du mensonge, qu'ils fassent redire aux murs par les -affiches, les folles productions de leur génie calomniateur; qu'ils me dtsent aristocrate, tyran, contre-révolutionnaire ; je resterai patriote, ami des lois et de l'humanité. Qu'ils se disent patriotes et vous les jugerez, Messieurs, d'après leurs actions. Je suis obligé de vous les dévoiler, .ces actions atroces qui ont jeté l'amertume sur les derniers jours de ma mission, et dont ils n'ont point hésité de tenter de me faire soupçonner l'auteur.
Les spoliations des temples se multipliaient sous l'autorisation de l'assemblée électorale, au mépris de mes réclamations, et d'après l'encouragement que donnaient aux administrateurs d'Avignon et aux électeurs, leurs députés à Paris, les sieurs Duprat, Cadet et Rovère, comme îe l'ai prouvé à M. le ministre dè la justice, par la copie de/leurs propres lettres (2), ces. députés qu'il ne faut pas confondre avec le" sieur Tissot, ce citoyen connu par ses soins pour la réunion, par cette fermeté ae l'honnête homme, qui lui a rait refuser de signer la dénonciation contre moi, que son silence rendait suspecte; et remettre le même jour à ses commettants, souillés de sang, l'emploi qu'il ne croyait plus pouvoir conserver avec honneur. Ces spoliations avaient tout épuisé. Il restait encore au Mont-de-Piété une malle énorme que la municipalité y avait déposée, èt qui contenait les effets les plus précieux enlevés à la cathédrale. Elle tenta les spoliateurs, et elle fut, avec toutes lès apparences des formes juridiques, transportée chez le trésorier de la municipalité. Cette maUe fut bientôt confondue avec les effets librement portés à ce lieu de ressource. Une fermentation sourde agita les Avignonnais, et surtout les femmes ; on s assemble à l'église des Cordeliers ; on fait ^venir le sieur L'Ecuyer que l'on regardait comme un des principaux agents des déprédations de la municipalité provisoire; on lui demande compte des effets du sanctuaire, de ceux du Mont-de-Piété. Le peuple échauffé ne saisit pas bien ses raisons, et plusieurs mains à là fois sacrilèges et barbares, le frappent au pied de l'autel même. Hélas ! ils étaient coupables, les assassins de leurs frères ; mais combien plus coupables devinrent ceux qui, par des crimes nouveaux et réfléchis, prétendirent vouloir venger la mort du secrétaire de la commune.
J'avais reçu, pour ainsi dire, au même moment, la nouvelle de la mort du sieur L'Ecuyer, par
une lettre des administrateurs provisoires, et la demande des émigrants avignonnais, qui, dans
une pétition nombreusement signée, me sollicitaient d'envoyer des secours à Avignon pour
empêcher les malheurs que le son au tocsin annonçait. Aux premiers, j'avais répondu par une
lettre, dans laquelle je peignais ma douleur sur le sort de la victime immolée cruellement par
un peuple égaré, et je les invitais à retenir la vengeance
11 était plus difficile de satisfaire aux demandes des émigrants (2). Je pris la loi et j'écrivis au général Terrier (3) pour m'informer s'il se sentait en force pour faire exécuter, dans Avignon, la garantie promise à tous les citoyens. Une réponse du général, qui ne contenait que le nombre aes soldats qui étaient à ses ordres, nécessita une demande plus pressante, et semblait me préparer une réponse dont néanmoins le résultat était que, dans le cas de résistance qu'il supposait, il ne pourrait répondre d'une attaque, s'il était commandé (4).
Une nuit désastreuse nécessita, de ma part, le lendemain, une réquisition pour l'assemblée d'un conseil de guerre qui statuât, s'il était possible, de porter des secours aux malheureux Avignonnais : mais il n'y fut rien décidé, et l'on convint verbalement que, suivant les règles de l'art, on ne pouvait répondre de rien.
Je me vis donc placé dans cette alternative cruelle, ou de compromettre inutilement le peu de troupes françaises qui étaient à ma disposition, ou de laisser exercer des vengeances criminelles sur des hommes à qui la France avait •promis sûreté individuelle et garantie.
Cetté courte explication de ma part, prouvée par des pièces authentiques, suffit sans doute pour me disculper à vos yeux de la double accusation qui m'est faite. Ceux qui, avec les assassins, mes accusateurs, me blâment d'avoir tenté de faire marcher vers Avignon les troupes qui étaient à ma disposition, trouvent leur réponse dans les préliminaires ae paix, article V, et dans la loi du 4 juillet dernier, article II (5).
Ce cas malheureux, prévu par la loi, se présentait, certes, dans la circonstance où l'on égorgeait des citoyens ! La loi me commandait donc, mais était-il possible de l'exécuter dans la position où je me trouvais? Non ; et c'est ma réponse à ceux qui me reprochent de n'avoir pas fait marcher les troupes.
Le général, le conseil de guerre croient et me disent qu'ils ne peuvent répondre du succès en cas de résistance. Le général écrit et imprime qu'il n'a que 800 hommes à pouvoir employer. Il ne me restait de ressources que celle de réquérir des gardes nationales ou troupes de ligne.
Les troupes de ligne? j'en avais requis inutilement quelque temps auparavant, auprès de M. de Coincy, commandant à Toulon. Je n'avais pu obtenir même deux compagnies, placées à Villeneuve-lès-Avignon, et qui n'avaient que l'eau à passer. Je ne pouvais pas accélérer, par ma volonté seule l'arrivée de celles que je demandais depuis longtemps au ministre de la guerre et qu il m'avait promises (6).
Je ne pouvais tirer des gardes nationales du Gard : le directoire m'avait déclaré ne vouloir plus m'en fournir (7).
Je ne pouvais pas employer les gardes nationales organisées ; M. le ministre de l'intérieur
m'avait écrit qu'elles avaient une destination
LaDrôme etlesBouches-du-Rhône eussent peut-être pu m'en donner; mais je n'avais pas de quoi les solder. D'après un décret de l'Assemblée, défense était faite au trésorier des troupes de procurer des avances ; et les départements s'y prêtaient si peu, que je fus obligé, dans le mois ae septembre, de faire, faute de prêt, retourner dans leurs communes respectives quelques détachements tirés des Bouches-du-Rhône.
Je me vis donc réduit à tenter les seuls moyens qui me restaient entre les mains : j'envoyai à Avignon un trompette avec une réquisition dont voici la teneur :
« Nous, etc., requérons les administrateurs provisoires, sur leur propre responsabilité, de faire cesser les meurtres qui déshonorent leur ville ; d'en faire arrêter les auteurs, de laisser entrer les troupes françaises que requièrent les habitants propriétaires d'Avignon, et de leur laisser la garde des portes et les postes que l'on croira nécessaires pour assurer la tranquillité publique. Nous attendons sur-le-champ, et par écrit, la réponse. Fait à Sorgues, ce 17 octobre, etc... »
Ces meurtres, je ne les connaissais que par des rapports vagues : mais ils n'étaient pas moins réels. Eh bien! Messieurs, les administrateurs provisoires, que l'on avait dit avoir été, le matin même où je leur écrivais, pour se présenter aux prisons ; qui avaient vu le sang et les victimes, m'écrivent froidement :
« Monsieur, nous sommes parvenus à rétablir la tranquillité : il n'y a de nouveaux émigrants que les auteurs et complices de l'affreux complot qui a produit l'assassinat inoui du patriote L'Ecuyer. La loi est en vigueur : nous avons, pour témoins de notre conduite, des membres de l'Assemblée nationale constituante. Nous serons toujours en état de le justifier... »
Pendant que le trompette était à Avignon, je reçus des dépositions qui me faisaient frémir par leurs détails : à son retour, recevant une réponse aussi insignifiante que celle que vous venez d'entendre, je renvoyai un tambour, avec une réquisition plus pressante. La seconde réponse fut plus insignifiante encore :
« Nous vous avons écrit ce matin, me marquait-on, que la tranquillité était rétablie; elle n'a pas été troublée depuis. Des procès-verbaux ont été dressés et envoyés à l'Assemblée nationale ; nous attendons sa décision. »
Alors, je me vis dans la triste nécessité d'être le témoin impuissant des atrocités avignonnaises, d'en écrire à M. le ministre de la justice pour l'en instruire ; pour presser l'arrivée des commissaires qui devaient me remplacer, et que j'espérais devoir être revêtus de tels pouvoirs qu'ils ne pussent être contestés, et qu ils en imposassent au crime et fissent respecter la vertu.
Le 21 octobre, ils sont arrivés. Le plus tôt qu'ils ont pu, ils ont fait notifier leur
pouvoir; et déjà, Messieurs, ils vous ont instruits qu'une hécatombe humaine avait été immolée
aux mânes du sieur L'Ecuyer; ils vous ont écrit eux-mêmes que ces prisonniers sacrés, ces
électeurs, ce prêtre, constitutionnel, ces membres de la municipalité, que l'on vous avait
annoncé à cette barre devoir être remis aux tribunaux, avaient péri par un fer assassin : ils
vous ont dit que la mère avait expiré
Encore quelques jours, Messieurs, et puisque l'on tient les scélérats auteurs de ces crimes, vous apprendrez de nouvelles horreurs (1). Je ne doute plus que l'on ne découvre, par des voies légales, que ce sont ces mêmes assassins qui, ne pouvant m'associer aux victimes qu'ils avaient égorgées, faisaient mouvoir ici leur agent pour me traîner, s'ils eussent pu, sur l'échafaud où le criminel seul doit périr; que ce sont eux qui ont dicté les procès-verbaux envoyés contre moi, comme ils en avaient dicté un à l'un de leurs prisonniers, qui, quelques jours avant le massacre général, n'a obtenu sa liberté qu'au prix de ce parjure ; j'ai sa déclaration entre les mains (2).
Les commissaires vous apprendront encore que ce sont leurs propres mains qui ont peint cette vierge dont les couleurs attribuées à des pinceaux fanatiques, ne sont que leur ouvrage; que l'insurrection a été méditée par eux, les victimes frappées par eux et que le sang répandu par ces bourreaux est une libation faite, moins sur le tombeau d'un de leurs anciens complices, qu'un sacrifice à la vengeance et à l'ambition.
Vous croyez peut-être que le ressentiment personnel me porte à calomnier à mon tour mes calomniateurs? Non. Je serais indigne de paraître devant vous, si j'étais capable de ce crime. Mais, Messieurs, saisissez l'ensemble des faits, et vous jugerez de mes conjectures.
Les chefs avignonnais commencent la révolution avec des vues intéressées. Les richesses et
la domination exclusive, voilà leur but. La guerre leur procure d'utiles pillages; le pacte
fédératif leur donne la suprême puissance. Des spoliations d'autels, et quelques crimes
particuliers excitent des murmures : la municipalité les accueille : un juge prononce des
décrets : voilà une procédure à enlever, des officiers municipaux dont il faut se venger, Un
juge qu'il faut punir de sa témérité, des places échappées qu'il faut reprendre; et une
insurrection se combine, s'exécute, la procédure est enlevée, les officiers municipaux sont
emprisonnés, le juge est assassiné sur les terres françaises, le sieur L'Ecuyer redevient
secrétaire de la commune. Mais, malgré leurs efforts, les officiers municipaux reparaîtront;
ils pourront avoir l'amour du peuple, ils seront élus peut-être de nouveau aux places
municipales ; il faut s'en défaire. Une nouvelle insurrection a lieu ; ils sont égorgés : mais
la peine de tant de crimes ne doit-elle pas être infligée? Les coupables s'aveuglent : une
amnistie est annoncée; ils se l'appliquent. M. Le Scène est un homme à craindre; lia ae la
probité : il sera calomnié ; on vous le dénonce. J'étais trop clairvoyant, je les gênais trop
dans leurs déprédations ; j'étais le rapporteur trop fidèle de toutes leurs actions auprès du
mo-
Mes successeurs, les commissaires civils, ont levé le voile qui couvrait les meurtres de mes accusateurs. Je vous ai démontré le néant et la cause de leurs calomnies. Prononcez maintenant, Messieurs, entre ces bourreaux et celui que sa probité vous a fait donner pour collègue. (Applaudissements.)
Monsieur, vous avez satisfait au décret de l'Assemblée; elle pèsera, dans sa justice et dans sa sagesse, la vérité des faits que vous avez présentés. Elle sera flattée d'avoir à prononcer la justification d'un citoyen et de se convaincre qu il n'a jamais cessé d'être digne de la confiance dont ses compatriotes l'ont honoré. Elle vous invite à vous retirer.
se retire au milieu des applaudissements d'une partie de l'Assemblée.
Il a été fait contre M. Mulot l'accusation la plus grave. Si M. Mulot s'est rendu coupable des horreurs dont il est accusé, il mérite les plus grands supplices, et nous devons le renvoyer aux tribunaux. Si M. Mulot est innocent, il doit être justifié d'une manière éclatante. Je demande que l'Assemblée renvoie à son comité de législation le rapport de M. Mulot et les pièces justificatives sur lesquelles il l'a établi; et je demande que M. Mulot ne puisse être admis à prendre sa place de représentant de la nation qu'après le rapport du comité de législation.
Les pièces que vient de vous lire à la barre M. Mulot, doivent être remises sur-le-champ au comité des pétitions, qui a déjà connaissance de cette affaire et qui vous a, pour cela, entamé son rapport. Je demande, en outre, qu'il soit fixé un jour dans la semaine prochaine pour que le comité puisse vous faire son rapport, parce qu'il est juste, ou que M. Mulot soit absous> s'il n'est pas coupable, ou qu'il soit puni, s'il est coupable.
Je ne m'oppose pas au renvoi au comité de législation, mais je soutiens, qu'en attendant, M. Mulot doit jouir de l'intégrité de son état de représentant de la nation. Vous ne pouvez pas, quand il n'y a pas eu contre lui de décret porté, quand il n'y a qu'une simple dénonciation à laquelle il veut bien répondre, vous ne pouvez pas, dis-je, le préjuger coupable, en le privant de son état. Les titres de M. Mulot ont été vérifiés avec ceux de tous les députés du département de Paris. Il avait le droit, il a encore le droit de siéger parmi nous. S'il a paru à la barre, c'est qu'il ne parlait point comme député, mais en qualité de commissaire du roi dans le comtat Venaissin. Je demande donc qu'en renvoyant le mémoire et les pièces justificatives au comité de législation, il soit déclaré expressément que M. Mulot a le droit de siéger parmi nous. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande la question préalable ; M. Garran s'est trompé en pensant que M. Mulot avait le droit d'être admis avant de s'être justifié.
Un membre: La dénonciation faite contre M. Mulot est trop capitale, et il faut attendre le rapport avant de l'admettre.
Un membre : Je respecte beaucoup trop la position de M. Mulot, pour le juger sur la lecture d'un mémoire très intéressant dans certaines parties, et peut-être assez extraordinaire dans
d'autres. Je conviens qu'il est de la dignité de l'Assemblée nationale, qu'il est de l'intérêt même de M. Mulot de produire sa justification ; mais, Messieurs, je vous supplie de distinguer, dans M. Mulot, deux qualités bien essentielles. En sa première qualité, comme commissaire du roi dans le comtat Venaissin, il a dû vous rendre compte de sa conduite: il n'en était pas plus exempt que les autres agents du pouvoir executif; c est en cette qualité que vous l'avez appelé à la barre. Mais il réunit une qualité bien plus importante, bien plus précieuse, et à laquelle on peut encore moins porter atteinte, celle de représentant du peuple français. En cette qualité, ses pouvoirs ont été vérifiés. Il serait odieux, il serait au-dessous de la dignité de l'Assemblée nationale de suspendre l'un de ses membres, sur une simple suspicion, dans une qualité aussi imposante. (Applaudissements.) Je demande la question préalable sur la motion de M. Garran-de-Coulon, parce qu'il n'y a pas lieu de déclarer que M. Mulot doit prendre séance.
Par le même principe que lui, je soutiens que M. Mulot n'a pas besoin d'une déclaration de l'Assemblée pour se présenter à la tribune. Je demande que sa défense soit renvoyée au comité des pétitions, et que, sur le reste, on passe à l'ordre du jour.
Un membre : Si M. le Président n'avait pas dit à M. Mulot de se retirer, j'appuierais l'avis du préopinant; mais...
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix le renvoi !
(L'Assemblée renvoie le mémoire et les pièces justificatives au comité de législation et, sur le surplus, passe à l'ordre du jour.)
rentre dans la salle au milieu des applaudissements, monte à la tribune et prête, comme député du département de Paris, le serment individuel prescrit par la Constitution.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de la liste des pétitionnaires qui demandent à être admis demain à la barre.
Un membre : Je fais la motion de renvoyer toutes les pétitions au comité des pétitions et de n'admettre désormais aucun pétitionnaire à la barre.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
La séance est levée à dix heures.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
ANNEXES au compte rendu par M. L'ABBÉ MU-~ LOT (1) à VAsssemblée nationale, comme commissaire du roi à Avignon, le 19 novembre 1791 (2).
REMARQUES ESSENTIELLES.
I
Le sieur Rovère, et ceux dont il est l'agent, ne1 cessent de dire que les « vertueux patriotes » les
amis de la Constitution française sont dans les fers à Avignon ; qu'ils y ont été mis par les aristocrates « émigrés », qui ne sont rentrés qu'avec les troupes françaises. Il est essentiel de remarquer qu'il y avait deux sortes « d'émigrants » à Avignon; ceux qui avaient fui le 10 juin 1790, auxquels on reprochait leur attachement à l'ancien régime. Ces émigrants étaient, pour la plupart, réfugiés à Villeneuve-les-Avignon. Les autres « émigrants » ne sont sortis de cette ville que depuis le 21 août dernier : ce sont des amis de la Constitution qui ont voté pour être réunis à la France, lesquels n'ont fui que pour se soustraire aux fureurs des chefs de la faction avignonnaise, qui ont arbitrairement enfermé, puis massacré tant les membres de la municipalité que les autres citoyens qui pouvaient leur porter ombrage. Ces émigrants étaient réfugiés, pour la plus grande partie, dans la petite île de la Bathalasse entre Avignon et Villeneuve. Lors donc que le sieur Rovère présente sous le nom d'aristocrates tous les émigrants, c'est une imposture dont il faut se méfier; et il est important de se convaincre que si, à la faveur des troupes, quelques personnes attachées à l'ancien régime sont rentrées à Avignon, elles ne forment qu'un très petit nombre, et que les émigrants a la Bathalasse, qui sont aussi rentrés avec les troupes, sont de vrais patriotes, que la peur seule avait éloignés de leurs demeures. Il est bon de remarquer encore que, parmi les citoyens égorgés pendant la nuit du 16 octobre, il en est qui peuvent d'autant moins être soupçonnés d'aristocratie, qu'ils n'ont pas quitté l'armée de Monteux.
II
Parmi les différentes objections qui ont été faites pour prouver que j'étais l'ennemi des patriotes, on a cité l'élargissement que j'ai accordé aux prisionniers de Caromb, accusés d'avoir tiré sur les citoyens de la même ville à leur retour de l'armée. Si je n'ai pas répondu à cette objection, pendant le cours de mon rapport, ce n'est point pour y échapper, mais parce qu'elle avait échappé elle-même à ma mémoire. Il suffira sans doute a ceux qui doivent prononcer entre mes adversaires et moi, de savoir que parmi les quatre prisonniers retenus sans decret préliminaire, il y en avait un qui, par erreur, avait été arrêté pour son frère, et que la liberté lui était due ; que les autres ne sont sortis que d'après plusieurs pétitions faites en leur faveur, avec les précautions qui peuvent assurer qu'ils n'échapperont pas à la sévérité de la loi s ils sont coupables ; ils se sont engagés en effet à reparaître devant les tribunaux qui doivent être établis; et quoiqu'ils soient restés soumis ainsi à la loi, dans la ville même de Caromb, j'ai exigé d'eux des obligations de se représenter et des cautions pécuniaires dans le cas où ils ne se représenteraient pas. Ces actes souscrits par ceux qui savaient écrire, passés pardevant notaire par ceux qui ne le savaient pas, sont entre les mains de mes successeurs, MM. les commissaires civils.
Ces prisonniers qui ne pouvaient être retenus dans les prisons que par une infraction à la loi, ne sont donc pas soustraits à la justice, comme le prétendent mes adversaires. Ce serait en vain que l'on voudrait opposer à la liberté provisoire que je leur ai rendue la captivité de quelques citoyens de Sorgues et des soi-disant gardes-vignes d'Avignon, Ceux-ci n'ont été retenus en état a'ar-
restation que jusqu'à la réponse que j'avais demandée aux différents ministres, concernant la conduite que je devais tenir à leur égard. Je ne suis, certes, pas plus répréhensible d'avoir élargi conditionnellement les prisonniers de CaromB, que ne le seraient, soit les gardes nationales d'Orange, soit tous autres citoyens français qui auraient mis sous leur sauvegarde les sieurs Du-prat, Mendes, etc., que le sieur Rovère est bien loin d'inculper; je le serais même moins d'après les moyens employés par moi pour qu'ils se représentent.
III
Il est essentiel de remarquer encore que les inculpations répandues contre moi se détruisent réciproquement. Si le sieur Rovère m'accuse d'avoir désarmé les patriotes, un certain M. Ducros, agent de l'aristocratie carpentrassienne, m'accuse de son côté de n'avoir laissé armés qu'eux : ainsi la vérité triomphe par les efforts mêmes de ceux qui cherchent à la voiler. Ce M. Ducros a fait imprimer un petit ouvrage où M. Le Scène et moi sommes calomniés et dans lequel M. de Verninac, mon troisième collègue, n'est pas mieux traité que nous.
Cet ouvrage de M. Ducros, fait au moment où l'assemblée ae « Saint-Siffren » tenait ses séances, prouve combien j'avais raison de regarder cette assemblée comme inconstitutionnelle, et ses chefs comme amis de l'ancien régime.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
N- I.
Loi relative aux troubles d'Avignon et aux moyens d'y faire cesser les hostilités, donnée à Paris, le 27 mai 1791.
Louis, par la grâce de Dieu etjpar la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français, à tous présents et à venir, salut. L'Assemblée nationale a décrété, et nous voulons et ordonnons ce qui suit :
Décret de l'Assemblée nationale du 25 mai 1791.
« L'Assemblée nationale décrète que le Président se retirera par devers le roi, pour le prier :
« 1° D'envoyer des médiateurs qui interposent les bons offices de la France entre les Avignonnais et les Comtadins, et fassent tous leurs efforts pour les amener à la cessation de toute hostilité, comme un provisoire nécessaire avant de prendre aucun parti ultérieur relativement aux droits de la France sur ce pays ;
« 2° D'employer les forces qui sont en son pouvoir, pour empêcher que les troupes qui se font la guerre dans le comtat Venaissin fassent aucune irruption sur le territoire de France ;
« 3° De réclamer tous les Français qui ont pris parti dans l'une ou l'autre des deux armées, et ae faire à cet effet une proclamation qui fixe un délai et assure une amnistie aux militaires français qui rentreront dans le délai prescrit, et qui déclare déserteurs à l'étranger ceux qui ne rentreraient pas.
« 4° De faire punir et poursuivre comme em-baucheur, tout homme qui ferait en France des recrues, soit pour un parti, soit pour l'autre.
« Mandons et ordonnons à tous, les tribunaux, corps administratifs et municipalités,'que ces présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs ressorts et départements respectifs, et exécuter comme loi du royaume. En foi de quoi nous avons signé ces dites présentes auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat.
« A Paris, le vingt-septième jour'du mois de mai, l'an de grâce mil sept cent quatre-vingt-onze, et de notre règne le dix-huitième. Signé : Louis, et plus bas : M. L.-T. Duport. Et scellées du sceau de l'Etat. »
Commission du roi, en exécution du décret du 25 mai 1791, relatif aux troubles d'Avignon.
« Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de llïtat, roi des Français, à notre cher et bien-aimé le sieur Mulot, salut.
« L'Assemblée nationale, par son décret du 25 mai dernier, par nous sanctionné le 27, a décrété entre autres dispositions que nous serions priés d'envoyer des médiateurs qui interposassent les bons offices de la France entre les Avignonnais et les Comtadins. A ces causes, connaissant votre zèle, votre capacité et votre sagesse, nous vous avons nommé et député, vous nommons, commettons et députons pour, conjointement avec le sieur Le Scène-des-Maisons et Verninac-Saint-Maur, que nous avons pareillement nommés en qualité de médiateurs, vous transporter dans le comtat Venaissin et y faire tous vos efforts pour amener les Avignonnais et les Comtadins à la cessation de toute hostilité, comme à un provisoire nécessaire, avant de prendre aucun parti ultérieur, relativement aux droits de la France sur ce pays ; d'employer les forces qui sont en notre pouvoir pour empêcher que les troupes qui se font la guerre, fassent aucune irruption sur lé territoire ae Çrance; de réclamer, en notre nom, tous les Français qui ont pris le parti dans l'une ou l'autre des deux armées. Vous autorisons à faire, à cet effet, une proclamation qui fixe un délai et assure une amnistie aux militaires français qui rentreront dans le délai prescrit, et déclare déserteurs à l'étranger ceux qui ne rentreraient pas, et de faire poursuivre et punir,comme embaucheur, tout homme qui ferait en France des recrues soit pour un parti, soit pour l'autre.
« Mandons tant aux corps administratifs qu'aux municipalités, qu'aux commandants des gardes nationales, aux officiers généraux commandant les troupes de ligne, et à tous autres qu'il appartiendra, de vous reconnaître en qualité de médiateurs envoyés par nous, et de vous prêter toute assistance nécessaire dans le cas de l'article 2 du décret. En foi de quoi nous avons signé et fait contresigner ces présentes auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat. A Paris, le premier jour au mois de juin mil sept cent quatre-vingt-onze, et de notre règne le dix-huitième. Signé : Louis, et plus bas : M. L.-F. Duport.
N° II.
Etat de l'argenterie de la Chartreuse de Bonpas, prise par MM. Minvielle, officier municipal, le chevalier Patrix et Minvielle cadet, le M janvier.
Deux gros bustes, dont la base était garnie de huit écussons et de quatre pieds de lion serrant une bille.
Deux statues, en petit, dont une sur un piédestal.
Un encensoir et sa navette.
Six chandeliers, assortis de la croix pour le maitre-autel.
Une grande croix de procession et son arbre.
Une petite croix pour le prêtre, aux processions.
Quatre reliquaires, plaqués ; plus deux corbeilles à bouquets, plaqués.
Six vases a bouquets.
Un calice, très riche et fort pesant, quoique sans pierreries, avec sa patène.
Trois paires de burettes et trois bassins, dont une paire et son bassin en vermeil.
Une coupe pour l'ablution, pour la communion générale.
Une boîte pour les grandes hosties.
Un pied de reliquaire, en forme de petit chandelier.
Un bénitier et l'aspersoir.
Une clochette.
Deux instruments de paix.
Quatre lampes, dont une beaucoup supérieure en masse et en travail.
Plus, ornements sacerdotaux et linges.
Quatre chasubles, assorties de tout, dont deux en drap d'or, la troisième en velours de Messine violet, enrichie d'une broderie en or, relevée en bosse; la quatrième en velours cramoisi, avec un double galon en or.
Quatre aubes, dont la pente en grandes et belles dentelles.
Une nappe du maître-autel, à pente de même dentelle.
Le susdit état extrait sur l'état remis par D. Matthias Terris, sacristain.
Les effets dont il est question d'autre part, ont été enlevés avant qu'il y eût d'assemblée électorale. Les trois Messieurs qui présidaient à cet enlèvement se présentèrent à la tête de 60 à 80 Soissonnais déserteurs, dont 10 furent laissés à ladite Chartreusejusqu'aul6mars, pour y faire le service à ses frais et dépens; ceux-ci, remplacés par une garde bourgeoise avi-gngnnaise de 5 hommes jusqu'au 21 juin, également aux frais de la Chartreuse. Quelques Soissonnais de la garde assurèrent que le plan d'enlèvement des effets, ci-devant mentionnés, était formé avant le dernier siège de Cavail-lon, et que le produit leur était promis avant le départ de l'armée, pour servir à leur rançon.
Les commissaires nommés par l'assemblée électorale n'ont reçu en argent, de la vente des blés que 1,876 livres, dont 500 livres pour leurs députés à Paris, et le reste pour le premier quartier de pension de 8 religieux ou frères sortis, pour lesquels on s'est engagé, en outre, de 130 livres, ce qui fera en total 2,006 livres.
N- III.
Ordre donné par le sieur Jourdan, général de l'armée de Vaucluse, à la municipalité de Cade-rousse, le 16 juin 1791.
De l'ordre du général et du conseil de guerre de l'armée du département de Vaucluse, il est enjoint à la municipalité de Caderousse, pour la dernière fois, de venir au camp, au nombre de 100 hommes avec ses munitions débouché; il ne peut y avoir des excuses aujourd'hui ; si vous n'exécutez le présent ordre sur-le-champ, je vous enverrai 600 nommes à discrétion.
Donné au camp de Monteux, le 16 juin 1791. Signé : Jourdan, général; Bonard, lieutenant général; Béridon, lieutenant général; Feste, secrétaire ; ainsi à l'original.
(Il est bon de remarquer que cet ordre est donné deux jours après la signature des préliminaires de paix.)
N° IV.
Préliminaires de paix et conciliation arrêtés et signés par MM. les députés de rassemblée électorale, des municipalités d'Avignon et de Carpentras, et de Varmée de Vaucluse, pardevant MM. les médiateurs de la France, députés par le roi.
Procès-verbal.
Ce jourd'hui, quatorze juin mil sept cent quatre-vingt-onze, MM. les députés de l'assemblée électorale des municipalités d'Avignon et de Carpentras, et de l'armée de Vaucluse, étant réunis en présence de MM. les médiateurs de la France, députés par le roi, sont convenus de ce qui suit, et ont pris l'engagement formel, pour ce qui concerne leurs commettants respectifs, envers MM. les médiateurs de la France :
Art. 1er.
Chaque députation s'engage, en droit soit à suspendre dès à présent toute nostilité, à licencier toutes les forces qui ont été armées par la guerre, à établir et à protéger la liberté et la sûreté des campagnes, et la récolte des moissons.
Art. 2.
Il est convenu, entre toutes les parties contractantes, que l'assemblée électorale se réunira dans un lieu qui ne soit soupçonné d'aucune influence de parti, le plus propre à la liberté des suffrages et qui sera choisi par MM. les médiateurs.
Art. 3.
Pour hâter les succès des intentions bienfaisantes de l'Assemblée nationale de France, les députés de l'assemblée électorale arrêtent qu'elle ne s'occupera que d'objets relatifs à la médiation pendant tout le temps de sa durée.
Art. 4.
II. a été arrêté par toutes les parties que, pendant tout le temps que l'assemblée électorale s'occupera de la décision de l'état politique du pays, tous les corps administratifs seront circonscrits dans les droits qui sont de leur essence, et qu'ils ne s'attribueront aucun de ceux qui appartiennent exclusivement au corps représentatif de la nation.
Art. 5.
Pour assurer l'exécution des présents préliminaires, pour rendre à ceux qui auraient pu être violentés ou intimidés par la force , leur liberté entière et absolue ; enfin, pour prévenir les désordres de ceux qui, près le licenciement de l'armée, pourraient se répandre dans les campagnes pour y exercer des vexations, MM. les députés de rassemblée électorale des municipalités d'Avignon et de Carpentras demandent unanimement à MM. les médiateurs de la France :
1° De se porter garants envers et contre chacun des contractants, comme aussi contre toute asso-
ciation ou attroupement faits dans le Comtat pour s'opposer à 1 ordre public, de tous les engagements ci-dessus mentionnés?
2° De placer dans les deux villes d'Avignon et de Garpentras et dans tous les autres lieux où besoin serait, des troupes françaises pour prévenir les maux prévus dans le présent article, bien entendu que les armées ne seront licenciées qu'après qu'on aura pris lesdites sûretés pour établir l'ordre.
Art. 6.
Il a été convenu, entre toutes les parties, que les présents préliminaires seront envoyés a toutes les communes de l'Etat d'Avignon et du Comtat Venaissin, à l'effet de nommer chacun un député muni de pouvoirs suffisants pour contracter et souscrire les présents engagements.
Art. 7.
Il a été arrêté, enfin, que tous les prisonniers respectivement faits seront rendus mutuellement Sans rançon, et à l'instant du licenciement des armées.
Les présents préliminaires ont été arrêtés et signés par les députés ci-dessus désignés, pour être exécutés aussitôt après la ratification des commettants respectifs de chaque députation, en présence de MM. les médiateurs de la France, députés par le roi, lesquels ont signé avec les contractants comme garants et témoins des présentes.
Fait à Orange, les jour et an que dessus.
Signé : Duprat, président de l'assemblée électorale du département de Vaucluse, séante à Ga-vaillon; J.-S. Rovère, lieutenant général; Ro-vère, prêtre, électeur; Waton, électeur; Les-cuyer, électeur; Laugier, électeur; Sabin-Tournal, aide-de-camp; Minvielle, lieutenant général; Richard, maire d'Avignon; Éydoux, député de Carpentras ; Guillaume, officier municipal d'Avignon; Barjavel le jeune, député de Carpentras; Escoffier, député de Carpentras.
Et MM. les médiateurs de la France : Le Scène-des-Maisons; Mulot, Verninac-de-Saint-Maur.
Certifié conforme à l'original resté aux archives de la médiation de France. A Orange, ce 14 juin 1791. Fortair, docteur en médecine, secrétaire de la médiation.
Loi qui confirme les préliminaires de paix d'Avignon, du 4 juillet 1791.
Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français à tous présents et à venir, salut : l'Assemblée nationale et nous, voulons et ordonnons ce qui suit :
Décret de l'Assemblée nationale du 4 juillet 1791.
1° L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités diplomatique et d'Avignon, déclare qu'elle approuve la conduite des trois commissaires qui, en exécution du décret du 25 mai dernier, ont été envoyés à Avignon et dans le comtat Venaissin, pour y offrir aux différents partis belligérants, la médiation de la France et pour y concourir au rétablissement de l'ordre public et de la tranquillité.
2° L'Assemblée nationale décrète que, conformément au vœu exprimé par MM. les députés de l'assemblée électorale, ceux des municipalités
d'Avignon et de Carpentras et ceux de l'armée de Vaucluse, dite Avignonnaise, dans l'article 5 des préliminaires de paix et de conciliation arrêtés et signés le 14 juin dernier dans la ville d'Orange, par les parties ci-dessus mentionnées, et pardevant les médiateurs de la France, les dits commissaires médiateurs sont autorisés à requérir soit les gardes nationale^, soit les troupes de ligne françaises, pour assurer l'exécution de tous les articles et préliminaires de paix, arrêtés et signés à Orange, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et notamment pour prévenir et empêcher toute violence qui pourrait être faite soit aux personnes soit aux propriétés; pour assurer le licenciement des troupes belligérantes actuellement répandues dans les pays d'Avignon et comtat Venaissin; pour arrêter le désordre de ceux qui, après le licenciement, pourraient se répandre dans les campagnes et y exercer des vexations ; pour dissiper toute association ou attroupement qui pourraient se former avec intention de s'opposer à l'ordre public, et enfin pour placer dans les deux villes d'Avignon et de Carpentras, et dans tout autre lieu où besoin serait, une force publique suffisante pour le maintien et l'exécution (les lois.
3° L'Assemblée nationale déclare qu'elle confirme la garantie donnée par les trois commissaires médiateurs pour l'exécution des articles et péliminaires de paix arrêtés et signés à Orange, le 24 juin dernier.
Mandons et ordonnons à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités, que les présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs ressorts et départements respectifs, et exécuter comme loi du royaume. Mandons et ordonnons pareillement à tous les officiers généraux et autres qui commandent les troupes aé ligne dans les différents départements du royaume ; comme aussi à tous les officiers, sous-officiers et gendarmes de la gendarmerie nationale, et à tous autres qu'il appartiendra, de se conformer ponctuellement a ces présentes ; en foi de quoi nous avons fait apposer a ces présentes le sceau de l'Etat. A Paris, ce 4 juillet 1791. En vertu des décrets des 21 et 25 juin dernier, pour le roi. Signé : M.-L.-F. Duport.
N° V.
Délibération de la municipalité de Bonnieux. du 2 juillet 1791.
M. le maire a dit que, dans les temps malheureux où l'anarchie exerçait ses ravages dans le Comtat, la municipalité se voyant menacée publiquement de la part des ci-devant électeurs de cette commune illégalement élus et ensuite désavoués, ayant à leur tête le sieur Joseph-Sta-nislas Rovère, se disant lieutenant général de la prétendue armée de Vaucluse, comme il consiste par sa lettre sous la date du 3 mai dernier, qui avait excité une fermentation parmi les citoyens, capable de les porter à des excès vis-à-vis lesdits électeurs.
La municipalité, renforcée de l'état-major, crut alors devoir rendre une ordonnance le 10 mai dernier, autant pour procurer la tranquillité du pays, que pour empêcher lesdits électeurs d'y paraître, crainte qu'il ne leur mésarrivât, portant ladite ordonnance pour les motifs y énoncés ; « que défenses étaient faites auxaits ci-devants électeurs d'entrer dans cette, ville sans
une permission expresse de la municipalité, à peine d'être fusillés » ; mais maintenant que la tranquillité commence à être rétablie dans le pays, grâce aux soins et aux bontés de MM. les commissaires du roi ; « il est à propos de révoquer cette ordonnance, » et d'inviter tous les citoyens à la paix, sous peine, contre ceux qui voudraient la troubler, d'être traités et poursuivis suivant la rigueur des lois, et a requis être délibéré.
La matière mise en délibération, ouï M. le substitut du procureur de la commune, MM. les maire et officiers municipaux et de l'état-major réunis, ont révoqué et revoquent ladite ordonnance du 10 mai, et invitent tous les citoyens à la paix, à peine contre les contrevenants d'être traités et poursuivis suivant la rigueur des lois sans préjudice à la municipalité de tous dépens, dommages et intérêts civils qu'elle a à répéter contre lesdits ci-devant électeurs et tous autres qu'il appartiendra. A Bonnieux, ce deux juillet mil sept cent quatre-vingt-onze ; Brès, maire ; Guyon, officier municipal; Audibert, officier municipal ; Julien, colonel ; Artaud, lieutenant-colonel; Delapeyre, major; ainsi signés à l'original.
Par mandement, Delapeyre, notaire-secrétaire-greffier.
N° VI.
Arrêtés de VAssemblée électorale du département de
Vaucluse, concernant Vadministration provisoire
des biens ci-devant ecclésiastiques.
Séance du 9 août.
L'assemblée électorale, sur la proposition qui lui a été faite par M. de Verninac-Saint-Maur, l'un des médiateurs de la France, a arrêté : qu'attendu qu'il n'existe point de corps administratifs qui puissent régir les « biens ci-devant ecclésiastiques », l'administration en fera provisoirement remise aux ci-devant titulaires, pour par eux prélever sur les revenus de ces biens les traitements qui leur sont alloués par les décrets de l'Assemblée nationale, et rendre compte de l'excédent à qui il appartiendra (1). L'Assemblée charge son comité de lui présenter un mode de rédaction et d'exécution du présent arrêté, et de lui faire un rapport sur les bénéfices supprimés, auxquels le présent arrêté n'est point applicable.
Séance du 13 août.
M. Lescuyer, un des membres du comité nommé par l'Assemblée pour lui présenter un mode de rédaction et d'exécution ae l'arrêté du 9 de ce mois et lui faire rapport sur les bénéfices supprimés, auxquels le ait arrêté n'est point applicable, a exposé à l'Assemblée « que n ayant pu être d'accord avec les autres membres du comité » sur les objets dont ils avaient été chargés, il a dressé un projet d'arrêté dont l'assemblée a demandé lecture.
Lecture faite dudit projet d'arrêté, et après une longue discussion sur son contenu, et quelques changements, il a été adopté de la manière suivante :
L'Assemblée électorale a arrêté que les ecclésiastiques fonctionnaires publics, et les communautés religieuses de l'un et de l'autre sexe, « jouiront seuls » du bénéfice du susdit arrêté, et qu'en conséquence l'administration des biens dont ils avaient la jouissance, leur sera provisoirement remise pour, par eux, prélever sur les revenus de ces biens leurs traitements ou pensions qui leur sont alloués par les décrets de l'Assemblée nationale, et rendre compte de l'excédent à qui de droit.
Arrêté déplus, que, néanmoins, l'administration sera inspectée et surveillée par les commissaires déjà nommés pour cette partie par l'assemblée électorale, qui sont autorisés à prendre toutes les mesures et précautions prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale, pour la conservation des titres et archives concernant les biens mentionnés dans l'article précédent.
Arrête encore que lesdits commissaires, en continuant les opérations dont ils sont chargés par les précédents arrêtés, seront expressément tenus de pourvoir au paiement du salaire de ceux desdits ecclésiastiques fonctionnaires publics qui ne jouissaient d'aucun bien, et dont le dit salaire était à la charge des chapitres ou autres béné-ficiers supprimés ; comme aussi de ceux desdits fonctionnaires publics, dont les revenus ne consistaient qu'en droits supprimés par les décrets de l'Assemblée nationale.
Arrête qu'il sera cependant fait une exception à l'égard des communautés religieuses, « qui ne seront pas composées au moins de six religieux prêtres ; » comme aussi à l'égard des religieux qui auront fait leur déclaration et se trouveront pensionnés en France, lesquels ne pourront prétendre aucune administration ni pension sur les biens ci-devant ecclésiastiques de ce département, quand même ils auraient fait profession ou seraient affiliés dans une maison religieuse dudit département.
Arrête que les commissaires de l'assemblée électorale de chaque district seront autorisés à requérir, si besoin est, la force publique pour son exécution, et que le présent arrêté sera imprimé, publié et affiché dans tout le départemeift et envoyé à toutes les municipalités, avec injonction de s'y conformer.
Séance du 24 août..
L'assemblée électorale a arrêté que toutes les communautés religieuses qui ne sont pas composées de « six religieux prêtres, seront supprimées dès à présent ».
Il est enjoint à tous ci-devant corps et communautés ecclésiastiques, séculiers et réguliers, et à tous ci-devant bénéficiera, de faire parvenir au « comité de liquidation » établi par arrêté du 13 de ce mois, dans le délai de 15 jours s'ils sont domiciliés dans le département, et dans le délai d'un mois, s'ils sont domiciliés en France, l'état estimatif des biens et revenus dont ils jouissent ou doivent jouir, des arrérages qui peuvent leur être dus, de leur mobilier, et des charges dont ils sont grevés, à peine de privation d'un tiers des pensions des refusants ou négligents, d'être tenus de tous les dépens qu'ils pourraient occasionner.
Ceux qui ont des créances à répéter, ou des prétentions à former contre le département, soit a raison des frais de la guerre, soit à raison de l'assemblée électorale, sont invités à faire remettre au plus tôt leurs titres et mémoires au « comité de liquidation ».
Les titulaires d'offices de judicature et autres qui ont été financés sont pareillement invités à remettre incessamment leurs contrats d'acquisition, quittances de finances, et autres titres qui peuvent donner lieu à des prétentions de leur part, avec des mémoires instructifs à ce sujet, audit « comité de liquidation. »
Ledit comité s'occupera sans relâche de la liquidation de tous ces objets.
L'assemblée électorale va donner tous ses soins à rétablir la circulation et ranimer lë commerce et l'industrie, en s'assurant des moyens de payer incessamment toute la dette exigible du département, et d'assurer la prompte liquidation des fonds. Les connaissances générales qu'elle s'est déjà procurées, lui donnent l'heureuse assurance que l'avoir du département est fort au-dessus des charges, tant foncières que courantes et avérées.
L'assemblée électorale fait également savoir qu'elle a pris, par un autre arrêté, des mesures pour assurer provisoirement le payement des salaires des ecclésiastiques fonctionnaires publics, et des pensions de ceux qui ne sont point dans cette classe, en attendant la fin des opérations ci-dessus mentionnées, et que les décrets de l'Assemblée nationale puissent être entièrement exécutés pour tout ce qui concerne les biens ci-devant ecclésiastiques, et lesdites pensions et salaires.
Collationné par nous, président et secrétaires de l'assemblée électorale du département de Vau-cluse, séante à Bédarrides, et trouvé conforme à l'original. Signé ; Duprat, président; Autheman, Waton, secrétaires; Ruchon, secrétaire-archiviste.
Extrait des registres des délibérations de rassemblée électorale du département de Vaucluse, séante à Bédarrides.
Séance du jeudi 11 août 1791, à neuf heures du matin.
Un membre a observé que, dans la séance du jeudi 28 juillet dernier, MM. L'Ecuyer, Lescuyer, Rey de Gavaillon, Deburges, Wadon et Rovère aîné, avaient été nommés pour présenter dans la séance du lendemain, un plan des travaux dont l'Assemblée doit s'occuper ; qu'effectivement les commissaires auraient présenté divers plaîis, et d'après la discussion, l'assemblée aurait unanimement arrêté, dans sa séance du 29 juillet dernier, de s'occuper :
1° De l'organisation de la justice, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale ;
2° De la régie des biens nationaux, ci-devant ecclésiastiques et domaniaux, des moyens de pourvoir au payement des individus composant le clergé séculier et régulier;
3° De la liquidation des dettes du département, soit pour les frais de la guerre et autres frais, soit pour le salaire des électeurs ;
4° Des moyens à prendre pour la perception du quart des revenus des seigneurs feudataires;
5° « De la suite de l'organisation des corps administratifs; » et que cependant, ce plan des tra-
vaux serait présenté à MM. les médiateurs, pour donner leur avis sur cet objet; que ces mêmes commissaires auraient présenté à M. de Verninac, l'un des médiateurs, cet ordre de travail; qu'il « leur aurait répondu que la médiation ne pou-« vait donner son avis sans s'être réunie et « concertée. »
En conséquence, après de longs débats, l'assemblée électorale a unanimement arrêté de charger son président d'écrire une lettre à la médiation pour qu'elle veuille bien se réunir et donner son avis sur le plan.
Pour copie conforme à l'original: Duprat, président; Ruchon, secrétaire ; ainsi signé audit extrait.
N° VII.
Lettre écrite à MM. les médiateurs, par MM. les officiers municipaux de Carpentras, le 15 août 1791.
Notre devoir nous oblige de vous instruire de ce qui se passe dans notre ville, au sujet de l'assemblée électorale. Nous vous dirons, avant toute chose, que le peuple n'avait consenti à ratifier, dans une assemblée générale, les articles préliminaires, que d'après les assurances que lui donnèrent nos collègues, députés auprès de vous, que notre intention était que l'assemblée électorale ne s'occuperait absolument que d'objets relatifs à la médiation, suivant l'article 3.
Que toutes les opérations antérieures de cette assemblée étaient regardées comme nulles, son principal but ne devant être que la manifestation du vœu de réunion, ainsi qu'il en conste dans votre lettre reçue le 17 juin dernier, dont nous vous envoyons copie, ainsi que la délibération de notre conseil général du 14 juin aussi dernier.
Nous croyons vous avoir assez dépeint l'horreur de nos concitoyens, pour tous les actes de despotisme de cette assemblée, qui n'a pu être considérée comme légale que du moment que les articles préliminaires ont été ratifiés.
Ces actes de despotisme ne peuvent être regardés que comme les seules causes de la guerre affreuse que vous êtes venus faire cesser.
Pleins de confiance en vos bontés, attendant leur bonheur des effets salutaires de votre médiation, nos concitoyens avaient vu partir avec plaisir les électeurs chargés de vous ouvrir leurs plaies, et de porter ce vœu unanime de réunion après laquelle ils soupirent depuis si longtemps. Leur surprise a été extrême en apprenant que l'on s'occupait dans cette assemblée d'objets iort étrangers à la médiation; que le mot d'une réunion si désirée n'avait pas même été proféré, et que les séances actuelles ne semblent êtrfcàlitre chose que la continuation des séanl Jjfdentes, tenues dans diverses villes et lieifcîiïtfGomtat, sans stabilité.
Nous avons cru ne devoir pas vous cacher, que nos citoyens disent hautement qu'ils n'ont jamais prétendu attribuer à cette assemblée la cumula-tion des pouvoirs ; que dès le moment qu'ils ont manifesté le vœu de réunion, ils ne prétendent recevoir des lois d'organisation que de la part de l'Assemblée nationale. L'opinion est formée là-dessus; tout ce que l'assemblée électorale pourra faire de contraire, ne pourra jamais acquérir de la confiance.
Nous sommes, avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les officiers municipaux de la commune de Carpentras :
Damian, officier municipal; Barjavel, officier municipal ; Flandrin, officier municipal ; Durand, officier municipal; Barjavel le jeune, officier municipal ; Achard, officier municipal. Ainsi signé à l'original.
Certifié conforme à l'original : Gilles, notaire, secrétaire-greffier-substitut.
Lettre écrite par MM. les médiateurs, à la municipalité de Carpentras.
Monsieur le.Maire et Messieurs,
La confiance avec laquelle vous vous adressez à nous sera toujours accueillie avec l'attention qu'elle mérite et l'appui que la justice exige. Ce n'est pas sans raison que vos citoyens s'opposent à tout ce que l'assemblée électorale pourrait faire d'étranger à la médiation. C'est à cette seule opération que doivent se rapporter tous ses travaux. Le reste serait nul puisqu'il serait contraire aux préliminaires de paix.
Ces préliminaires ont été consentis et ratifiés par toutes les parties. Un décret les a sanctionnés et ils sont devenus loi du royaume. Vous sentez que d'après les formes authentiques et légales, il est impossible, il est hors de notre puissance d'y rien changer. Mais si votre réclamation est inadmissible dans sa forme, elle est parfaitement juste pour le fond, et nous maintiendrons vos réclamations sous ce rapport. L'assemblée électorale ne doit s'occuper et ne s'occupera, aux termes des préliminaires de paix, que d'objets de la médiation. Nous en sommes garants, et les citoyens de Carpentras peuvent compter sur une garantie que nous saurons bien ne pas laisser illusoire.
Ainsi, Messieurs, nous vous répétons et nous vous confirmons ce que nous avons écrit et dit à ce sujet, que des alarmes sans fondement ne produisent jamais, de votre part, une scission; ce que vous craignez sera également réprimé, s'il y a lieu, par les médiateurs qui veulent la paix, l'exécution des préliminaires et le bonheur du pays.
Nous avons chargé l'assemblée électorale de faire ses comptes et de dresser l'état des réclamations des individus qui ont été lésés dans la guerre ; cette mesure est humaine et nécessaire, puisque son but est de venir au secours des malheureux.
Nous vous visiterons dans un très court délai. Les médiateurs de la France : Mulot, Le Scène-des-Maisons. Ainsi signé à l'original.
Avignon, le
Lettre écrite à MM. les médiateurs de la France,
par les officiers municipaux de Carpentras.
Messieurs,
Un sentiment dont la manifestation nous presse est celui de la reconnaissance pour les expres- j sions rassurantes dans lesquelles est conçue la lettre que vous nous avez fait l'honneur de nous écrire aujourd'hui.
Les faits ne justifient que trop nos alarmes, et il faut toute notre confiance en vos soins conciliants pour atténuer les dangers qu'ils présentent. Nous avons senti tout le bien que nous promettaient les préliminaires de paix ; mais les écarts qui nous en éloignent nous mettent dans le cas de recourir à vous avec d'autant plus d'instance, que le peuple de Carpentras a montré quelque
méfiance sur la vigilance de ses administrateurs, à ce sujet.
Permettez-nous, Messieurs, de vous exposer les faits contre lesquels nous réclamons.
Nous avons reconnu, surtout d'après les éclaircissements que vous avez eu la bonté de nous donner, que, par les préliminaires de paix, « Messieurs les médiateurs » amis de l'humanité, votre premier soin a été de faire disparaître le fléau de la guerre (art. lor).
Que, lumineux dans vos principes autant que justes dans vos procédés, vous vous êtes ensuite attachés à rectifier l'existence d'un corps politique qui avait manqué jusqu'alors du principal moyen de légalité par les influences qui gênaient la liberté de ses membres (art. 2).
Qu'éclairés par les faits, vous aviez voulu contenir le prétendu corps politique et le faire convenir qu il devrait se borner à concourir au rétablissement de l'assiette du pays, en ne s'oCcupant que des objets de la médiation (art. 3).
Que, soucieux du succès de votre mission, vous désiriez l'application des principes, et que chaque corps se circonscrit dans le cercle de ses attributions (art. 4).
Que vous vouliez encourager le faible, croiser l'ambitieux, arrêter l'entrepreneur en nous accordant une protection efficace par les armes (art. 5).
Que, montrant une affection égale à tous, vous vouliez que tous participassent aux bienfaits dont l'Assemblée nationale vous avait faits les dispensateurs (art. 6).
Que, par le dernier article, vous acheviez de vous convaincre de votre amour impartial pour l'humanité (art. 7).
Complètement rassurée par les explications que vous eûtes la condescendance de lui donner j notre commune s'empressa, à l'instant du premier avis qu'elle en reçut de vous, d'envoyer des électeurs à l'assemblée; malgré l'improbation qu'elle reçut, elle s'honore de sa précipitation, mais elle ne s'attacha pas plus que de raison a la légitimer; il lui suffit d'en retirer le moyen de vous faire connaître le zèle qu'elle met à remplir vos vues; il lui fut dit que les opérations devaient être recommencées; elles le furent le même jour, et de là, sans perdre un instant, elles furent conduites à une fin approuvée. Le o de ce mois, nos électeurs furent reçus et admis; ils nous ont envoyé un journal des séances auxquelles ils avaient assisté.
Nous vous devons, Messieurs, et nous nous devons à nous-mêmes, de vous présenter le jugement que nous avons porté sur les griefs qui en résultent et ce que nous croyons pouvoir nous promettre de votre précieuse médiation.
H fut traité, à la première séance, de la question des biens nationaux, et il fut proposé ensuite un arrêté sur leur administration, par lequel on supposait des districts établis, un état politique déterminé.
Cela nous a paru contraire aux préliminaires, puisqu'après avoir pourvu, pars le premier article, à là tranquillité du pays; par le second, à la légalité de l'assemblée ; il a été, par le troisième, déterminé la circonscription de ses opérations, et laissé entrevoir, par le quatrième, que le principal objet devait être de décider de notre état politique.
Ce mode n'est point suivi ; et, cependant, il est si impératif que chacune des parties a désiré, pour l'exécution, d'être assurée de la garantie de la France; l'article 5 en est la preuve.
Nous nous croyons donc autorisés à recourir à vous, Messieurs, et à vous exposer que, pour éteindre le droit par le fait, on cherche, en nous faisant prendre part à ces arrêtés, en présence de l'un de vous, Messieurs, à se prémunir d'un consentement réciproque, pour intervertir l'ordre convenu.
Nous nous sommes bien attendus, Messieurs, que la grande question de notre état politique ne serait pas traitée avant que le concours de ceux qui doivent composer l'assemblée fût complet, les principes s'y opposent. Nous n'en avons, cependant, pas conclu que les membres présents dussent rester dans l'inaction. Les travaux de la régénération d'un peuple sont si compliqués, si difficiles, il faut tant de circonspection et ae maturité dans les décisions relatives à l'ordre social que les membres présents auraient fait un travail très profitable, en s'occupant, de concert avec vous. Messieurs, ou en corps, ou divisés en bureaux, de la préparation des matières, en s'éclai-rant mutuellement par les discussions sur les objets, pour assurer la justesse des arrêtés au moment où l'Assemblée pourrait les prendre avec toute légalité.
Le respect qu'on aurait montré pour les articles convenus, en s'astreignant à cela jusqu'au moment où on aurait pu émettre, avec une consistance politique, le vœu de notre réunion, aurait attiré la confiance générale, à laquelle le succès est nécessairement attaché. Vainement se le promettrait-on de la violence : l'expérience de tous les siècles nous l'apprend.
Nous attendons. Messieurs, de votre justice et de votre impartialité, que vous rappellerez à l'assemblée, les bornes de ses opérations, les objets de la médiation que vous voudrez bien nous donner connaissance de ceux-ci, pour que nous vous soumettions les observations que vous nous permettrez sans doute de faire, et principalement que vous ferez apercevoir à l'assemblée électorale, du moment où le concours des électeurs permettra la décision de l'état politique, par l'émission du vœu de réunion à la France, consigné dans tous les mandats.
Les citoyens de Carpentras nous sauront bien bon gré, quand ils apprendront que nous vous avons témoigné, en leur nom, le plus grand désir de vous voir.
Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les officiers municipaux de la commune de Carpentras : Barjavel, officiel municipal ; Aymé, officier municipal; Durand, officier municipal; Barjavel le jeune, officier municipal. Ainsi signé.
Carpentras, le 16 août 1791.
Extrait d'une lettre de MM. les médiateurs de la France, à la municipalité de Carpentras.
Messieurs,
Nous avons lu avec plaisir l'analyse très bien faite des préliminaires de paix que vous nous avez adressée ; mais nous ne pouvons nous dispenser de vous observer que 1 arrêté de l'assemblée électorale dont vous parlez, loin de supposer des districts établis et un état politique déterminé, porte au contraire une dénégation absolue de toute organisation administrative, et la décision que l'Assemblée nationale seule peut déterminer ces objets. Au reste, nous nous en référons à nos deux lettres précédentes, et nous garantissons que l'Assemblée ne s'écartera point
des articles de préliminaires de paix, « ou que ses actes seront nuls... »
Signé : Les médiateurs de la France : Mulot, de Verninac-Saint-Maur, Le Scène-des-Maisons. — D. Fortair, secrétaire D. M. de la médiation.
N° VIII.
Articles convenus entre M. l'abbé Mulot et M. de Verninac, pour servir de base au rapport qui sera fait à l'Assemblée nationale et aux ministres, touchant les affaires du Comtat.
Du
1° La formation des deux Etats d'Avignon et du Comtat en département ; 2° « Renouvellement du corps électoral »; 3° Le placement du directoire de département dans une ville qui ne soit ni Avignon, ni Car j pentras;
4° En conséquence des articles ci-dessus, la réunion des deux Etats d'Avignon et du Comtat à la France ;
5° Si l'Assemblée nationale ne jugeait pas possible de former sur-le-champ les deux Etats en département, il serait à désirer comme chose indispensable , que la réunion s'opérât sous quelque forme que cela pût être.
Signé : Verninac-Saint-Maur, Mulot.
Ainsi à l'original.
N° IX.
Lettre de M. Verninac-Saint-Maur à M. Mulot.
Il vient de m'arriver, mon cher collègue, une « députation de citoyens de l'armée, au nombre de 60 », pour me supplier de me trouver ce soir au conseil général de la commune. Mon premier mouvement a été de refuser, donnant pour motif que vous vous trouveriez à ce conseil et que cela suffirait pour que justice fût rendue. Ils ont très bien senti ma délicatesse, et ils m'ont protesté que leur confiance en vous était sans bornes, mais qu'ils désiraient, attendu les calomnies dont ils avaient été chargés, que je fusse témoin de leur justification. Cette explication et la crainte que, si l'événement de ce procès leur était défavorable, ils ne l'imputassent à mon refus, ont fait que j ai cru devoir me rendre. Je partirai donc ce soir, aprèfe mon dîner, et je serai à Avignon à 5 heures. Adieu, mon cher collègue, je vous embrasse. Signé : Verninac-Saint-Maur. Lundi à midi. Ainsi à l'original.
N° X.
Preuves du bris des portes de Varsenal d'Avignon par les gardes nationales, commandées par le sieur Jourdan.
Ce jourd'hui 17 août 1791, pardevant les médiateurs de la France et M. le maire de la ville d'Avignon, assistés des sieurs Gérard et Mouvans, officiers municipaux, est comparu vers les 10 heures du soir, le sieur André Amalric, sergent-major du détachement de la garde nationale de Nîmes, en quartier dans le palaiSj lequel a dit qu'après la scène séditieuse dont il a été témoin vers les sept heures, lorsque M. Le Scène-des-Maisons,
médiateur de la France, s'est transporté au palais et y a été indécemment et violemment reçu par la garde d'Avignon, en la personne du sieur Jourdan, commandant le poste et portant la parole, une troupe de gens armés et non armés sont entrés en foule dans le palais ; et pour mettre en exécution la menace déjà faite par ladite troupe, de forcer les portes de l'arsenal, ils ont tous ensemble et malgré la représentation de la garde nationale de Nîmes, chargée de la garde au palais, brisé les portes dudit arsenal, enlevé plusieurs canons, lesquels ils ont placés d'une manière hostile contre la ville : lecture à lui faite de sa déclaration, a dit icelle contenir vérité et a signé avec nous : Richard, maire; J. Gérard, officier municipal; Mouvans, prêtre de l'Oratoire, officier municipal; AndréAmalric ; Le Scène-des-Maisons. Ainsi à l'original.
N° XI.
Lettre adressée à M. Mulot, médiateur de la France,
par M. de Verninac-Saint-Maur, autre médiateur,
le 21 août 1791.
J'étais venu au palais, mon cher collègue, pour faire cesser le tocsin, ainsi que nous en étions convenus; après ma mission remplie, je m'en retournais à la commune, lorsqu'aux portes il m'a été signifié honnêtement jue j'étais prié de rester dans le palais. J'ai insisté, mais inutilement. Quel est le but, quelle est la cause de tout ceci ? Venez me délivrer afin que nous puissions nous expliquer avec le peuple. Signé : Verninac-Saint-Maur. Ainsi à l'original.
N° XII.
Déclaration faite par le nommé Vincent Cromet, le 8 septembre 1791.
Le 8 du mois de septembre, s'est présenté devant nous le nommé Vincent Grouzet père? lequel nous a déclaré que son fils s'étant trouvé dans la patrouille que commandait le sieur Nibus, qui a été condamné à passer par les verges le jour de Saint-Louis dernier, a dénoncé au sieur jourdan le. sieur Nibus comme ayant volé chez Mme d'Eyragues de l'argent et des assignats ; que son fils mis en prison avec le sieur Nibus, interrogé, malgré sa dénonciation, comme coupable, et menacé de la corde suspendue devant lui dans l'intérieur de la prison, innocenté enfin par le jugement du conseil de guerre, « n'avait pu obtenir sa liberté, qu'autant qu'il remplacerait les sommes que le sieur Nibus avait consommées sur son vol » : et, en conséquence, lui, Vincent" Crouzet père, avait été obligé de vendre deux sommées de bled, la montre d'or, les boucles d'argent et l'habit d'uniforme de son fils, afin de former la somme de 30 louis, qu'il a payée au sieur Jourdan, dans sa salle, au palais, en présence de M. Vacher, savoir : en argent, 150 livres, en assignats, 450 livres, et deux lettres de change de 96 livres chacune, l'une payable au 4 décembre, et l'autre au 4 du mois après. En foi de quoi il nous a prié de dresser procès-verbal de la présente déclaration y ajoutant que, « si son fils avait voulu ne pas déposer contre le sieur Nibus, il n'aurait point été forcé de payer cette somme »; mais que son fils innocent n'avait point voulu s'en aller. C'est M. Bernard, procureur fondé de M. d'Eyragues, qui a reçu le mon-
tant de la somme qu'il a été obligé de payer. Les témoins étaient le sieur Rabesan, limonadier; le sieur Vacher, et Joseph Feste, qui faisait fonction de secrétaire. Fait à Courtaison le 8 septembre 1791. Signé : Grouzet. Ainsi à l'original.
N° XIII.
Lettre adressée à MM. les médiateurs par M. Coincy,
lieutenant général, commandant la huitième
division des troupes militaires.
Messieurs,
M. de Luckner, par sa lettre du 28 juillet dernier, me prévient que, par de nouveaux arrangements, il ne me fera pas demander d'envoyer des troupes pour Avignon et le Comtat : il m'avait ci-devant annoncé que MM. les commissaires du roi pourraient avoir le dessein d'en requérir; « à quoi je lui ai répondu que les circonstances ne me permettaient pas de me rendre à leur réquisition », dans la position où nous étions, et devenue plus gênante et fâcheuse : ce qui vient d'arriver à Monaco depuis ce temps, ne peut que retarder d'une quinzaine de jours, au plus tard, le départ d'un régiment de la garnison de Toulon, pour être porté au-dessus d Antibes-sur-le-Var. Si cependant nous recevions pour le département du Var l'augmentation de trois régiments que nous avons demandés, d'accord avec les administrateurs dudit département, alors nous pourrions en prêter un bataillon et peut-être un régiment, pour protéger « les projets sur Avignon et le Comtat, bien moins intéressants pour l'Etat que la partie du Var », frontière de conséquence, pour Avignon, le Comtat et la France.
Une prévoyance, Messieurs, que j'espère que vous trouverez juste, ne me permet pas de vous envoyer les secours que vous me' demandez ; ce refus forcé me contrarie, mais ma position le. nécessite.
Je connais, Messieurs, les troupes des différentes armes dont vous disposez dans la partie d'Avignon et même de Tarascon, que vous requérez sans doute très sagement; mais vous n'ignorez pas que dans le département du Var, je n'ai que de l'infanterie, sans dragons ni hussards, pas même de gardes nationales sous les armes, comme vous en avez reçu des Bouches-du-Rhône.
Le lieutenant général des armées du roi, commandant la huitième division des troupes militaires, Goincy. Ainsi signé à l'original.
N° XIV.
Lettre de M. d'Albignac à M, Mulot.
Montpellier, le 14 août 1791.
Je reçois, Monsieur, dans l'instant, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire hier, avec une réquisition, à l'effet de faire marcher à Avignon, dans le plus court espace de temps possible, le régiment d'infanterie ci-devant Bourgogne. Il y a longtemps que j'ai fait con-r naître au ministre mon embarras pour satisfaire aux demandes multipliées qui me sont faites, et j'ai eu l'honneur de lui mander qu'il était indispensable de faire remplacer, au moins dans la neuvième division, le bataillon de Soissonnais, qui en est sorti d'après votre réquisition.
Personne n'étant plus jaloux que moi, Mon-
sieur, de me conformer aux lois, et de concourir, par tous mes moyens, au bonheur général, je serais très empressé ae remplir vos vues ; mais je dois vous observer que le cinquante-neuvième régiment, ci-devant Bourgogne, fournit neuf détachements, dont partie à l'extrémité de trois différents départements, tels que ceux du Gard, de l'Ardèche et de la Lozère, éloignés considérablement les uns des autres.
Les emplacements de ce corps, ainsi morcelé, ont été requis : leur utilité est d'une nécessité impérieuse, commandée par l'autorité des circonstances, et outre que j'éprouverais certainement de l'opposition ae la part des corps administratifs, à faire sortir ces détachements, c'est que leur réunion serait beaucoup trop tardive pour les secours urgents que vous désirez.
Le seul corps que j'ai le plus réuni, est à Nîmes : c'est celui du trente-huitième régiment, ci-devant Dauphiné, qui est presque sans officiers.
Au surplus, il y a deux compagnies du quarantième régiment au Saint-Esprit, pour lesquelles j'ai écrit plusieurs fois à M. de Ferrier, a l'effet de leur adresser ses ordres pour passer dans le Comtat.
J'ai l'honneur d'être, avec un inviolable attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Le commandant des troupes de ligne de la neuvième division. Signé : d'àl-bignac.
Lettre du département de l'Hérault aux médiateurs de la France.
Messieurs,
Nous avons reçu, avec la lettre que vous nous avez fait l'honneur de nous écrire, la réquisition qui y était jointe, par laquelle vous demandez un détachement de 250 hommes de la garde nationale pour se rendre à Avignon, et y rester pendant 15 jours. Nous nous serions empressés ae déférer a vos réquisitions, Messieurs, si des obstacles invincibles ne s'opposaient à nos désirs.
La municipalité de Montpellier, qui a eu connaissance de votre demande, nous a observé qu'il serait du plus grand danger de dégarnir la ville dans ce moment où des bruits les plus alarmants nous viennent de toutes parts : nos frontières sont menacées et nous sommes actuellement occupés à former les bataillons qui doivent se transporter sur les côtes.
D'ailleurs, les troubles intérieurs qui agitent notre ville, nécessitent absolument de conserver tontes nos forces, d'autant mieux que nous avons encore besoin d'un certain nombre de troupes pour la tenue très prochaine de l'assemblée électorale.
Les administrateurs composant le directoire du département de l'Hérault. Signé : G. Duf-fours, président ; Dérives ; Garnery ; Peyro-nel ; Renouveire ; Dupon ; P.-G.-S.. Bougette, secrétaire-greffier (1).
N° XV.
Lettre de M. Vicary, médecin notable de la commune d'Avignon, du 22 août.
Messieurs les médiateurs,
Je me suis rendu à quatre heures à la commune, comme la médiation mé l'a ordonné ; cependant j'ai eu la douleur de m'y voir arrêter et conduire dans les prisons de cette ville. Je réclame la garantie ae la France et celle de la médiation. J'ose espérer de votre justice que vous vou drez bien me rendre à mes fonctions publiques et à celles de médecin. Accordez-moi cette grâce avec celle de me croire avec respect, votre très obéissant serviteur. Signé ; Vicary, médecin. Des prisons, à 4 heures du soir. Ainsi à l'original.
Démission de notable de M. Vicary, médecin.
Je soussigné déclare que je me démets de ma place de notable de la ville d'Avignon.
A Avignon, le 22 août 1791, Signé : Vicary, médecin. Ainsi à l'original.
N° XVI.
Réquisition.
Nous, médiateurs de la France entre les peuples d'Avignon et du comtat Venaissin, députés par le roi, chargés de la garantie que la France a accordée aux personnes et aux propriétés par la loi du 4 juillet dernier, réclamons tous les citoyens retenus arbitrairement dans les prisons d'Avignon et qui y ont été conduits d'une manière non conforme aux lois; requérons qu'ils soient mis en liberté dans le jour, et rendons responsables^ les administrateurs provisoires de la commune d'Avignon, qui n'ordonneraient pas leur sortie et le chef de la garde nationale, et tous autres qui y opposeraient ou laisseraient y opposer de la résistance, nous réservant de rendre compte à l'Assemblée nationale et au roi des Français de la réponse ultérieure et des atteintes portées à la garantie accordée par la France à ce pays.
Fait à Avignon, le 27 août 1791. Les Médiateurs de la France : Signé : Verninac-Saint-Maur, Mulot.
N° XVII.
Extrait du conseil général de la commune de la ville d'Avignon, du 27 août.
Atteste, je Nicolas-Jean-Baptiste Lescuyer, notaire-secrétaire-greffier de la commune d'Avignon, soussigné, que dans le conseil général de ladite commune, tenu publiquement le vingt-sept août mil sept cent quatre-vingt-onze, il a été unanimement délibéré sur la réquisition de MM. les médiateurs de la France, d élargir tous les prisonniers contre lesquels il n'existe point d'accusation, et d'en faire part aux dits sieurs médiateurs ; comme aussi de ce que les administrateurs provisoires donneront des ordres pour retenir ou faire mettre en état d'arrestation ceux qui se trouvent compris dans l'accusation formée par environ deux cents citoyens actifs de cette ville, le 25 du courant comme appert du procès-
[Assemblée nationale législative.]. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1791. J 131
verbal dudit conseil général où je me rapporte. En foi, etc. Signé : Lescuyer, notaire-secrétaire-greffier. Ainsi à l'original.
Liste des prisonniers accusés et détenus en état d'arrestation, en exécution de la délibération du conseil général du 27 août 1791.
MM. Coulet )
Mouvans offîciers municipaux.
Gérard j
Niel fils, imprimeur.
Pierre Hugues, chirurgien.
Fortias, perruquier.
La nommée Laratapiole.
Liste des prisonniers relâchés en suite de la réquisition de MM. les médiateurs de la France, le 27 août 1791.
MM. Borel. Bonoure. F. Rolland. Bernard. Audibran. Claude Aubin. Rivière.
Jaufferand père. Morgues. Delange. André.
Nous soussignés, administrateurs provisoires de la ville d'Avignon, certifions les listes ci-dessus véritables ; en foi de quoi nous avons signé : A Avignon, le 28 août 1791. Signé: Bergin, administrateur; F. Combe, administrateur; Ju-lian, administrateur provisoire. Ainsi à l'original.
N° XVIII.
Lettre de M. Schomberg, capitaine du cinquième régiment de hussards, commandant les escadrons de ce corps, en garnison à Avignon, à M. Mulot, du 29 août 1791.
Monsieur,
Saucerote vous rendra compte verbalement de l'événement malheureux qui me vient d'arriver. Je vous rendrai compte moi-même verbalement et par écrit, du moment où je vous verrai, ou quand j'aurai le temps de vous l'écrire, d'après ce qui vient de m'arriver, qu'on me menace, qu'on me prescrit une loi honteuse que les hussards ne doivent plus porter leurs sabres; je ne peux rester ici, ni même passer la nuit sans verser du sang. Ordonnez où je me dois retirer avec le détachement ; et si la garde nationale de France doit venir avec moi ; cette digne garde nationale s'est conduite comme de vrais Français. Gardez-les avec nous. Envoyez-moi réquisition pour sortir, je suis pressé.
J'ai l'honneur d'être, avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Schomberg. Ainsi à l'original.
N° XIX.
Lettre de M. Mulot à M. de Ferrier, maréchal de camp, commandant général des troupes françaises réparties dans Avignon et le Comtat.
Lisle, ce 29 août 1791.
Monsieur,
J'avais 'honneur de vous écrire ce matin que
nous étions sans forces ; que quatre compagnies que vous demandiez pour Orange, nous ne pouvions les lui refuser, mais qu'elles nous feraient faute. L'arrivée tardive du bataillon de Languedoc ne peut nous garantir de tout ce que les circonstances ont de désastreux dans Avignon. Hier, un hussard s'est querellé, a frappé quelqu'un, a déserté. Aujourd'hui, des factieux sans chefs, sans ordres, ont osé aller demander à M. de Schomberg que les hussards ne portassent plus de sabres ; je ne souffrirai point que l'on insulte ainsi les troupes françaises. Ainsi, Monsieur, « vous prie de me faire savoir par votre réponse, ce que votre expérience militaire vous conseillerait de faire, si vous ferez marcher ce que vous avez de forces, ou si nous retirerons ce que nous en avons à Avignon ». Alors, si vous ne vous sentiez pas dans le cas, à raison du peu de troupes, de faire respecter à Avignon les armes de la France, j'enverrais une réquisition aux gardes nationales de se retirer, et vous donneriez ordre aux hussards de venir m'entourer à Lisle et à Gavaillon, d'où l'on retirerait les Soissonnais; à moins que vous jugiez plus convenable que je me retire avec eux à Courtaison sur les terres françaises. Je suis seul : M. Verninac m'a quitté hier au soir pour aller se défendre à Paris : « ce n'est point une conquête que ie suis chargé de faire, c'est une médiation que l'on m'a confiée. » Et si je ne craignais que les bons citoyens d'Avignon ne fussent victimes des mauvais qui entretiennent, fomentent et conduisent l'insurrection, je n'hésiterais pas à vous faire requérir sur-le-champ de faire retirer les hussards. J'attends vos avis; et pour accélérer la marche, consentez qu'après votre réponse, je requière directement les hussards.
Un des médiateurs de là France. Signé : Mulot.
N° XX.
Ordre donné par M. de Ferrier aux deux escadrons de hussards, le 29 août 1791.
En suite de l'avis qui vient d'être donné par M. Mulot, l'un de MM. les médiateurs de la France, il est ordonné aux deux escadrons du cinquième régiment de hussards (ci-devant colonel Gérard) de partir au vu du présent ordre, que mondit sieur l'abbé Mulot leur fera parvenir pour se rendre immédiatement sur le territoire français, à Courtaison ou à Orange? suivant ce qui leur sera indiqué pour le choix de l'une de ces deux villes, par mondit sieur l'abbé Mulot. M. le commandant de ces deux escadrons m'enverra une ordonnance au moment de son départ, pour me rendre compte de la manière dont il aura été effectué, et une autre ordonnance pour me rendre compte de son arrivée à Courtaison.
A Orange, le
Maréchal de camp, employé dans la septième division et commandant par intérim les troupes de cette division. Signé: De Ferrier. Ainsi à l'original.
N° XXI.
Rétractation des Soissonnais.
Nous, officiers du régiment de Soissonnais, soussignés, certifions « que nous avons proteste le 11 juillet contre le serment décrété le
22 juin . et que nous ne nous sommes soumis à la formule dudit serment que parce qu'étant séparés dans différentes villes du comtat Venais-sin, notre départ du régiment aurait exposé tous les honnêtes habitants auxquels nous servons de sauvegarde, à devenir les victimes des brigands; que, d'ailleurs, la conduite soutenue et distinguée des braves soldats que nous commandons exigeait de notre attachement les plus grands sacrifices*.
Nous déclarons donc à la France entière qu'aucune autorité ne nous fera jamais enfreindre le serment de fidélité que nous avons juré à notre roi ; que « c'est à lui seul que nous serons fidèles jusqu'au tombeau » ; et que nous sommes prêts a mourir pour sa personne sacrée et pour notre patrie dont elle est inséparable.
La pureté de nos principes et de nos sentiments nous avait déterminés à ne point les rendre publics, bien certains de l'estime des amis du roi et de l'ordre ; mais d'après l'esprit républicain qui se propage, nous n'avons pas cru devoir garder un plus long silence.
Et ont signé : MM. de Coussin, dé Longraye, de Joannis, de Forbin, Le Prévôt-dlraye, d'Artus, de Montferre, Duchevalier, de la Bovère, de Raissac, de Gaillard, de Bonne-fond, de Girard, d'Alphéran, de Bour-deilles, de Valès, de Villeneuve, de Gitre.
Lettre au roi.
Sire,
Permettez que les officiers de votre régiment de Soissonnais déposent aux pieds de Votre Majesté les sentiments d'amour, de fidélité et de respect qu'ils n'ont cessé d'avoir pour sa personne sacrée,
Mourir pour notre roi et son auguste famille, voilà le serment volontaire que nous renouvelons à chaque instant, et que nous supplions Votre Majesté d'agréer.
Nous sommes, avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, les très humbles, très obéissants et très fidèles serviteurs et sujets.
Et ont signé : MM. d'Espeyron; de Boisdelle; de Saint-Hilaire ; de Kerninon ; de Loubat ; d'Arandel ; chevalier d'Arandel ; d'Artus ; de Joannis; Desquin-Court; chevalier d'Espeyron ; Le Prévôt d'Iraye ; de Grégeois ; Bouvier ; Bonin ; Taranger ; Duchevalier ; de la Bovère; de Raissac; de Coussin; de Gaillard; de Bonnefond; de Girard; d'Alphéran ; de Bourdeilles ; de Valès ; de Villeneuve ; de Bonne ; de Longraye ; de Citre ; de Montferré; de Forbin; de Belliard.
A Cavaillon, le 10 septembre 1791.
N XXII.
Procès-verbal sur les journées des 11 et 12 septembre 1791.
L'an mil sept cent quatre-vingt-onze, et le douze septembre avant midi, dans une salle de la maison commune, pardevant MM. les maire, officiers municipaux et officiers de l'état-major de la garde nationale de ce lieu, du pont de Sorgues, soussignés, sur les plaintes qui nous ont été portées de la part de plusieurs citoyens patriotes dudit lieu, que des malveillants avaient formé les complots ae s'emparer des fu-
sils qui étaient dans le couvent desCélestins pour en faire usage contre les patriotes amis ae la Constitution ; et, pour déjouer ces complots nous nous sommes transportés au couvent des C éles-tins où nous avons trouvé le sieur Alexis, natif de la ville d'Avignon, domestique de ce couvent, et l'ayant interrogé sur ce qui nous avait été rapporté, il nous répondit que, le 10 du courant, le nommé Joseph Perrin, maçon, l'avait prié de lui remettre un des fusils qui étaient dans le couvent, ainsi que les cartouches.
D'après cet aveu, l'état-major, sur la réquisition de la municipalité, a fait mettre ledit Alexis en état d'arrestation dans le couvent, et a fait prévenir le président de l'assemblée électorale de ce qui venait de se passer, et lui a fait demander la conduite qu'il doit tenir et craignant une sédition populaire. Il a fait prévenir aussi M. Pey-tavin, major de la garde soldée d'Avignon en l'absence du général, des faits ci-dessus, en lui disant qu'il s en rapportait à sa sagesse. M. Pey-tavin étant arrivé sur les 4 heures du soir, accompagné de quatre gendarmes nationaux et de M. Girard, garde national de la ville de Nîmes et l'un des trois sollicités par l'administrationpro-visoire de la ville d'Avignon à y rester jusqu'à la prochaine réunion du Comtat à l'Empire français, a jugé à propos de faire transporter les fusils et cartouches du couvent dans l'arsenal d'Avignon, après en avoir fait son changement en chef du couvent; lesquels fusils étaient au nombre de 161, et des cartouches renfermées dans une petite caisse, ainsi que 13 gibernes et quelques bayonnettes. »
II a été requis, vu le péril imminent, par la municipalité de Sorgues, de faire traduire de suite ledit Alexis dans les prisons d'Avignon pour y être dénoncé à l'accusateur public; ce qui a été fait.
Après cette expédition, M. Peytavin, major, fut instruit par un patriote de l'attroupement qui s'était formé dans Sorgues, d'environ cent personnes au-devant la porte et dans la maison du nommé François Gonnet, aubergiste. Il s'empressa d'y accourir, et fut témoin d'une partie des mauvais propos et insultes faites à des patriotes, à leurs épouses et particulièrement à celles du sieur André Feren, ancien colonel; ce qui lui fit présumer l'affreux complot formé par ces contre-révolutionnaires de massacrer les patriotes, puisqu'ils voulaient s'emparer des armes dont le dépôt était sous la sauvegarde et confié à *la garde nationale de Sorgues ; le jour était fixé, le signal donné, le tocsin devait sonner, et cet affreux projet devait s'exécuter, lorsque M. Peytavin, qu'ils croyaient éloigné, parut à la tête de quelques patriotes de Sorgues, et parvint, par sa fermeté et son courage, non sans éprouver de la résistance, à dissiper cet attroupement de factieux ; mais craignant, de leur part, un nouveau ralliement, il fut expédié de suite sur un courrier extraordinaire à la garde nationale de Chateauneuf d'Avignon, pour leur demander du secours, qui nous fut accordé avec le plus grand empressement; et pour enlever aux malveillants les moyens de nuire à la chose, ils furent désarmés sur la réquisition de la municipalité, et leurs armes déposées dans la maison commune : cette sage précaution a rétabli le calme et la tranquillité dans Sorgues et nous avons dressé le présent procès-verbal, duquel nous avons envoyé une expédition à l'assemblée électorale, à l'administration provisoire de la ville d'Avignon et à M. l'abbé Mulot, l'un des médiateurs ae la
France, pour en faire l'usage qu'ils croiront convenable.
En foi de quoi la municipalité et l'état-major se sont signés ainsi que MM. Peytavin et Girard. Le présent procès-verbal sera déposé chez MM. Pochy, notaire à Sorgues, pour y avoir recours en cas de besoin. Pierre André, maire ; André Gissery, officier municipal; Vianès, officier municipal; Jérôme Pochay, officier municipal; Pochy, colonel ; Sixte Pochy, lieutenant-colonel ; Antoine Simond, aide-major, Peytavin, major de la troupe du centre d'Avignon; Girard, garde national de la ville de Nîmes : ainsi signes à l'original, où je me rapporte en foi.
Collationné sur l'original par nous, notaire et dépositaire de l'original.
Signé : Pochy, notaire, secrétaire-greffier.
N° XXIII.
Reçu en présence de MM. de l'état-major de la garde nationale de Sorgues, la quantité de 161 fusils, compris trois carabines en mauvais état.
Plus une caisse contenant quelques paquets, cartouches et boîtes à mitraille du calibre d'un ; plus une longue caisse contenant 12 gibernes complètes, un sac contenant quelques baïonnettes et quelques paquets de cartouches que je certifie avoir reçus le onze septembre 9 heures et quart, dans la maison ci-devant Gentillv. Donné à Sorgues, en présence des soussignés, le onze septembre mil sept cent quatre-vingt-onze,
Signé : Peytavin, major; Pochy, colonel; S. Pochy, lieutenant-colonel, J. Girard, témoin de la véracité de ce que dessus.
N° XXIV.
Sieur François Fusil vous legeré deus solda de garde national de Châteaunef, et leur peyira à quarante sous par jour à Sorgues, le 11 septembre 1791.
Signé : Pierre André, maire.
N° XXV.
A Sorgues, le 16 septembre 1791.
Nous, officiers de l'état-major de la garde nationale du lieu du pont de Sorgues, attestons à tous qu'il appartiendra que les nommés François et Gaspard Gonnet, frères, habitants de ce lieu, peuvent se rendre en toute sûreté dans Sorgues, ayant satisfait à l'amende qui leur avait été imposée à raison du train qui s'était passé dimanche dernier dans la maison dudit François Gonnet, laquelle amende fut imposée par toutes les gardes nationales dudit lieu, pourvu toutefois qu'ils soient tranquilles. et n'insultent pas les patriotes ; ainsi délibéré par le comité assemblé. En foi de quoi nous nous sommes soussignés.
S igné : Pochy, colonel ; Pochy, lieutenant-colonel; Ossand fils, secrétaire et quartier-maître ordonnateur.
N° XXVI.
... Vous êtes sans doute instruit, et nous avons été vivement affectés de la voie de fait commise dans la nuit d'avant-hier par une horde sortie d'Avignon, qui s'est permis de désarmer une partie des citoyens, d'en enlever deux et d'y établir garnison à discrétion. La conduite des
Avignonnais prouve le peu de cas qu'ils continuent de faire de la médiation, de la garantie de la France et avec quelle audace ils enfreignent les préliminaires de paix qu'ils devraient infiniment respecter. Une telle violence mérite sans doute votre indignation. Vous avez seul le pouvoir de les faire rentrer dans leur devoir et d'empêcher de pareils désordres. Nous espérons avec confiance que vous déploierez toute votre autorité pour les réprimer.
J'ai l'honneur d'être, avec respect, votre, etc. Le président de l'assemblée des citoyens actifs de Carpentras.
Signé : Guyon, président; Vitalis père, secrétaire ; Devillarie père, secrétaire.
N° XXVII.
Courthezon, le 19 septembre 1791.
Monsieur,
J'arrive de Cavaillon... j'avais eu l'honneur de vous prévenir qu'il était indispensable, d'après les mouvements de Sorgues, de placer quelques forces dans cette ville. On m'apprend à l'instant que l'on a menacé les habitants d'une descente de cavaliers et d'Avignonnais.
Je croirais manquer à la prudence et à mon devoir, si je n'envoyais pas du monde à Sorgues. Comme vous m'avez dit que dans une ville des hussards sans infanterie, c'était contre tout principe militaire, et néanmoins comme il n'y a point de Soissonnais à la portée de Sorgues, je vous prie de voir de quels moyens vous userez pour établir au moins jusqu'à nouvel ordre, une garnison à Sorgues, qui puisse assurer la tranquillité des habitants.
Il serait facile, je pense, d'y faire porter cinquante hussards et la compagnie drinfanterie que vous jugeriez à propos de désigner. J'ai 1 honneur de vous prévenir que, dès ce soir, avant la nuit, il serait intéressant qu'il v eût du monde à Sorgues à raison des menaces faites.
D'après votre combinaison, je ferai les réquisitions que vous m'indiquerez, je me contente d'une réquisition générale de forces.
Ce sera à vous, dans votre sagesse, à juger si de l'artillerie ne serait pas nécessaire. Si je croyais que les Avignonnais fussent assez fous pour en amener, je vous en demanderais ; mais je ne crois pas qu ils fassent cette folie.
Vous connaissez mes sentiments pour vous : ils seront toujours les mêmes, votre patriotisme les a fixés.
L'un des médiateurs de la France,
Signé : Mulot.
Réquisition.
Nous, etc..., réquérons M. de Ferrier, maréchal des camps et armées du roi, commandant en chef les troupes françaises réparties dans les ci-devant Etats d'Avignon et du comtatVenaissin, de « faire porter à Sorgues une force suffisante d'infanterie, ou d'infanterie et de cavalerie, pour mettre le calme dans cette commune ».
Fait à Courthezon, ce 19 septembre 1791.
L'un des médiateurs de la France,
Signé : Mulot.
Et plus bas : Aymé, pro-secrétaire de la médiation
N° XXVHI.
Nous, etc.,., requérons M. le maire et MM. les officiers municipaux de Sorgues de recevoir ce soir, fournir aussitôt le logement nécessaire, et donner l'étape, soit en nature, soit en argent, à cent hommes d'infanterie et cinquante-un hussards du cinquième régiment d^s troupes françaises qui arriveront incessamment.
Fait à Courthezon, ce 19 septembre 1791.
L'un des médiateurs de la France, Signé : mulot.
Et plus bas : Aymé, pro-secrétaire de la médiation.
N' XXIX.
De Sorgues, à 2 heures du matin.
Monsieur,
J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il est de la plus grande nécessité que vous arriviez le plus tôt possible : mon avant-garde a reçu plusieurs coups de fusil ; nous avons saisi quatre de ces mauvais sujets, qui sont tenus à la maison de ville. Au moment que la troupe devait entrer dans les logements j le lieutenant-colonel des gardes nationales a tiré un coup de fusil sur la troupe ; j'ai fait environner la maison et nous sommes sous les armes pour nous surveiller jusqu'à votre arrivée. J'ai celui de vous prévenir qu'ils ont envoyé un homme à cheval à Avignon pour demander des secours, suivant le rapport que l'on m'a fait.
J'ai l'honneur d'être, etc., votre très humble, etc.
Signé : Barbier, capitaine de hussards.
P. S. — L'infanterie n'a aucune munition de guerre.
N6 XXX.
Nous, etc., requérons M. de Ferrier, maréchal des camps et armées du roi, commandant les troupes réparties dans les ci-devant Etats d'Avignon et du comtat Venaissin, de faire marcher des renforts de troupes vers Sorgues, où il vient de se passer une espèce d'action : quatre prisonniers sont faits ; on est allé une seconde fois à Avignon.
Nous l'invitons à marcher lui-même, supposé qu'il trouve sa présence nécessaire pour donner les ordres qui ne peuvent jamais être de notre compétence ; le requérons de faire marcher l'artillerie nécessaire.
Nous le prévenons que, vu la nécessité, nous venons de requérir les hussards d'aller renforcer leurs camarades ; enfin, vu notre défaut de connaissances militaires, le requérons de faire tout ce que les circonstances exigent.
Fait à Courthezon, ce 20 septembre 1791.
L'un des médiateurs de la France,
Signé : mulot.
Et plus bas : Aymé, pro-secrétaire de la médiation.
N° XXXI.
Attestation des citoyens de Sorgues.
L'an mil sept cent quatre-vingt-onze, et le
quinze du mois d'octobre, par devant moi Benoît Nourry, notaire de ce lieu du Pont de Sorgues, soussigné, et en présence des témoins à la fin nommés furent présents, le sieur Joseph Perrin, maçon, et Marie Perrin, son épouse ; sieur François Gonnet et Françoise Pons, mariés ; sieurs Gaspard Gonnet, Georges Gonnet, François Fusil, Charles Perrin, Jean-Baptiste Gloupet, Nicolas Girard, Jean-Louis Achard, André Simon, Christophe Girard, François Brunet, Biaise Perrin, Jacques Giry et Joseph Porte, tous habitants du présent lieu, lesquels informés que des gens malintentionnés ont accusé M. l'abbé Mulot, l'un des médiateurs de la France entre Avignon et le Comtat, d'être venu avec des troupes au présent lieu sans aucune réquisition ; et voulant a cet égard, pour la décharge de leur conscience, rendre témoignage à la vérité de leur gré, avec serment par chacun séparément prêté en mains de moi dit notaire, les écritures touchées, ont dit et déclaré, disent et déclarent, en faveur ou contre tous qu'il appartiendra absents, moi notaire, comme personne publique, dûment sti- " pulant, que tous lesdits susnommés déclarants ayant été cruellement vexés au présent lieu, les onze, douze et treize septembre dernier, se portèrent plusieurs fois, et notamment le dix-neuf dudit mois, dans l'après-midi, à la ville de Courthezon, auprès dudit sieur Mulot, médiateur, pour le requérir d'envoyer des troupes au présent lieu pour y établir 1 ordre et la tranquillité , conformément à la garantie de la France; que lesdits sieurs Charles Perrin et François Gonnet avec leurs épouses, plus maltraités que les autres, séjournèrent audit Courthezon depuis ledit jour douze septembre jus-qu'audit jour dix-neuf, toujours priant et sollicitant auprès du sieur médiateur d'envoyer des troupes au présent lieu pour leur garantir sûreté personnelle ; mais que ledit sieur médiateur ne se rendit aux instances desdits déclarants que lorsqu'il les vit tous réunis autour de lui ledit iour dix-neuf septembre ; qu'il envoya un détachement de troupes françaises au présent lieu le soir même dudit jour, pour assurer la tranquillité dans le pays ; que ee détachement ayant été accueilli à coups de fusil à son arrivée au présent lieu, le lendemain les troupes qui restaient encore audit Courthezon et à Orange se rendirent au présent lieu, ainsi que ledit sieur médiateur ; ae quoi et de tout ce que dessus lesdits déclarants ont requis acte, qui a été fait et passé audit Sorgues, dans mon étude, en présence des sieurs François Sounier et Thomas Ossand, fils de feu François, habitants de ce lieu, témoins requis et signés avec lesdits déclarants, excepté lesdits trois frères Gonnet, ledit Porte et lesdites deux femmes, qui ont dit être illettrés ; François Fusil, Girard, François Brunet, Jacques Giry, Biaise Perrin, André Simon, Joseph Perrin, Charles Perrin, Christophe Girard, J.-L. Achard, Clôupet, Thomas Ossand, François Sounier, Nourry, notaire. Ainsi signés à l'original des présentes.
Nous , officiers municipaux de ce lieu du Pont de Sorgues dans le comtat- Venaissin, en absence du maire, certifions à tous qu'il appartiendra que M. Benoît Nourry, qui a expédié et signé l'extrait d'acte de déclaration que dessus, est notaire du présent lieu, tel qu'il se qualifie; au seing et écritures duquel foi est et doit être ajoutée, tant en jugement que dehors ; attestons de plus que le papier marqué ni le contrôle ne sont point en usage dans ce pays. En foi de quoi
nous avons signé les présentes, et y avons fait apposer le sceau des armes de ïiotre municipalité.
A Sorgues, le 16 octobre 1791. Signé : Vianès, officier municipal ; André Cissery, officier municipal.
N° XXXII.
Attestation des maire et officiers municipaux de Sorgues.
Nous, maire et officiers municipaux du lieudit du Pont de Sorgues, certifions à qui il appartiendra que le cadavre du sieur Pochy, officier municipal, tué le 19, n'a reçu aucune insulte et qu'il n'a été aucunement mutilé, ainsi que faussement il est dit dans un imprimé intitulé : « Dénonciation d'un complot de l'abbé Mulot, l'un des médiateurs de la France, contre les patriotes. »
Nous attestons que c'est M. l'aDbé Mulot lui-même qui, dès la première nouvelle qu'il a reçue, que le cadavre audit Pochy était descendu du lieu où il était mort, nous a requis de faire dresser procès-verbal par le juge et par un chirurgien, ce qui a été exécuté en présence d'un officier municipal. Attestons encore qu'il n'est pas venu à notre connaissance que la maison dudit Pochy ait été pillée.
Nous pouvons assurer qu'il est de toute fausseté que M. l'abbé Mulot se soit permis aucune imposition arbitraire dans notre commune.
Fait à Sorgues, le 28 septembre 1791. Signé: Pierre André, maire ; Antoine lambert, procureur de la commune ; André Cissery, officier municipal.
Certificat de MM. Cissery, officier municipal, et
Lambert, procureur de la commune du lieudit
Pont de Sorgues.
Nous, André Cissery, officier municipal et Antoine Lambert, procureur de la commune de ce lieu du Pont de Sorgues, déclarons à tous qu'il appartiendra que nous avons signé librement le certificat par nous donné, avec M. le Maire, le vingt-huit septembre dernier, au sujet du cadavre du sieur Jérôme Pochy, officier municipal, tué le dix-neuf. En foi de quoi nous avons signé les présentes, avec le secrétaire-greffier de notre commune qui a apposé le sceau des armes d'icelle.
A Sorgues, le 16 octobre 1791, Signé : Antoine Lambert, procureur de la commune ; André Cissery, officier municipal ; et Nqurry, secrétaire-greffier.
Certificat de MM. Liotard, prêtre, et Roulet, médecin, citoyens de Lisle.
Nous, soussignés, citoyens de Lisle attestons que nous trouvant en députation auprès de M. Mulot, médiateur de la France entre le peuple d'Avignon et du comtat Venaissin nous fûmes témoins que M. le médiateur demanda àM. André, maire de Sorgues, s'il était vrai, ainsi qu'il était imprimé dans une dénonciation dont il venait de recevoir un exemplaire, que le cadavre du sieur Jérôme Pochy fût resté plusieurs jours exposé dans la rue, qu'il ait été mutilé et qu'il n'eût pas été enterré par un prêtre ; qu'à cette demande, M. le maire répondit qu'il était faux que le cadavre eût été mutilé, qu il n'était point
resté dans la rue et que M. le curé l'avait enterré; réponse que M. Mulot pria M. le maire de lui donner par écrit, ce que M. le maire promit. En foi de quoi nous avons signé :
A Orange, le 23 octobre 1791. Signé : Liotard, prêtre, et Roulet, médecin.
N°XXXIII.
Lettre de MM. les officiers des gardes nationales françaises, en garnison à Avignon, à M. Mulot.
Avignon, ce 5 septembre 1791.
Monsieur,
Nous partons d'Avignon ; mais avant de quitter cette ville nous devons vous témoigner le regret que nous avons de ne pouvoir y contribuer plus longtemps au maintien de l'ordre et de la tranquillité. Toujours sages et patients, nous avons eu souvent mille désagréments personnels sans nous plaindre. Une seule occasion s'est présentée d'exiger le respect dû à la nation française, nous l'avons saisie et nous avons pensé que notre seul devoir était alors une fermeté inébranlable. Le territoire français avait été violé par les Avignonnais dans l'enlèvement illégal du sieur Aymé, citoyen d'Avignon, traduit dans les prisons de cette ville, après avoir été arrêté dans le district de Tarascon; munis d'un extrait des registres de la municipalité de Châteaurenard et des autres pièces qui constataient cet attentat contre le droit des nations, nous avons demandé hautement l'élargissement de celui à qui la France devait protection. Notre demande, appuyée par une réclamation du district de Tarascon, a produit, auprès de l'administration provisoire, l'effet que nous devions en attendre.
Le sieur Aymé a été déclaré libre, et un piquet de nos détachements vient de le reconduire sur les terres de France. Voilà, Monsieur, tout ce que nous avons fait pour la patrie, pendant notre séjour ici, et nous emportons le regret de n'avoir pu faire davantage pour le bonheur de la ville que nous quittons. L'honneur de servir notre pays est devenu un besoin de notre cœur, et nous vous prions d'accepter l'assurance du plus entier dévouement à la cause publique et a la cause de la [Constitution.
Nous sommes avec respect, les officiers des détachements des gardes nationales du Gard, en garnison à Avignon. Signé: Domergue, lieutenant; Saint-Marc, lieutenant; Allard, capitaine; Valette, capitaine-commandant; Lecalair, lieutenant ; Félix Devaulx, capitaine-commandant : Valette cadet, sous-lieutenant ; Pépin, adjudant des trois détachements; Malandron, capitaine-commandant; de Roquemaure, Joseph Marin, sous-lieutenants ; L. Granger, sous-lieutenant secrétaire. Ainsi à l'original.
Lettre des administrateurs du district de Tarascon à M. Mulot, du 3 septembre 1791.
Monsieur,
A la première nouvelle de l'enlèvement du sieur Aymé, avocat du ci-devant parlement d'Aix et Français d'origine, saisi au tènement du sieur Deville, dans le territoire de Mailliane, nous nous sommes empressés de le réclamer au nom de la France et de demander justice d'un attentat aussi atroce par une lettre portée par un exprès,
adressée au maire, officiers municipaux et commandant de la garde avignonnaise. Cet exprès arriva hier au soir au directoire de ce district, et nous a remis, pour toute réponse, un bout de papier où il est attesté uniquement que notre lettre a été reçue.
Ce crime commis sur le territoire français contre le droit des gens et des nations alarme justement tous les habitants des environs et les pénètre d'indignation et d'horreur.
Hier, nous informâmes le directoire du département, de la violence exercée par quatre hommes armés de la garde avignonnaise sur la personne du sieur Aymé qui fut. par force, enlevé des terres de France et traduit a Avignon. Le directoire du département considérant la grandeur de cet attentat, nous a envoyé aujourd'hui un exprès par lequel il nous charge expressément de faire vérifier et constater les faits et circontances de cet événement, soit auprès de ceux qui exercent l'autorité dans la ville d'Avignon, soit auprès du commissaire médiateur qui se trouve aujourd'hui à Gourthezon. Nous remplissons avec la plus grande célérité un devoir dicté par la justice et "autorité, en vous instruisant d'un délit aussi surprenant et aussi odieux.
Nous vous prions et requérons de réclamer à Avignon le sieur Aymé, de ceux qui l'y ont transféré, de lui faire rendre la liberté, d'employer tous les moyens qui sont en votre pouvoir pour le délivrer de la cruelle oppression où il gémit et de faire arrêter tout de suite les coupables qui l'ont enlevé et ont commis des excès sur sa personne pour qu'ils subissent les peines qu'ils méritent.
Vous êtes prié, Monsieur, d'agir en toute diligence et de nous faire part, sans délai, de toutes les découvertes que vous ferez à ce sujet et du succès de vos démarches, afin que nous les communiquions au ministre et au département.
Les administrateurs composant le directoire du district de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône. Signé : Moublet-Gras, président ; Reynaud, secrétaire.
N° XXXIV.
Proclamation du roi.
L'Assemblée nationale, par l'article 3 de son décret du 25 mai dernier, relatif aux troubles d'Avignon, et que le roi a sanctionné le 27 du même mois, a prié Sa Majesté de réclamer tous les Français qui ont pris parti dans les armées avignonnaises et des Comtadins et de faire, à cet effet, une proclamation qui assure une amnistie aux militaires français qui rentreront en France dans le délai qu'il prescrira, et qui déclare déserteurs à l'étranger ceux qui n'y rentreront pas.
En conséquence, Sa Majesté enjoint aux médiateurs par elle choisis en vertu de l'article dudit décret, de réclamer en son nom tous les Français qui ont pris parti dans l'armée d'Avignon et dans celle du comtat Venaissin, accorde à tous les militaires français qui servent dans l'une ou dans l'autre de ces armées, un délai de 8 jours pour rentrer dans le royaume, délai qui courra à compter du jour que la présente proclamation aura été publiée, tant à Avignon que dans ledit Comtat ; assure amnistie absolue a ceux de ces militaires qui, dans ce délai, seront rentrés en France, les autorise à se retirer partout où ils jugeront à propos, nonobstant tous engagements
par eux contractés, lesquels seront regardés comme non-avenus.
Entend que ceux qui ne seraient pas rentrés dans le royaume dans le délai fixé, soient réputés déserteurs, poursuivis et jugés comme tels.
Mande, ordonne Sa Majesté aux dits médiateurs, de prendre les mesures nécessaires pour faire publier la présente proclamation.
Mande, en outre, à tous les officiers généraux et autres qui commandent les troupes de ligne dans les différents départements du royaume, ainsi qu'aux commissaires des guerres, de se conformer aux dispositions de la présente proclamation et de tenir la main, chacun en ce qui le concerne, à ce qu'elle soit ponctuellement exécutée.
Fait à Paris, ce cinq j uin mil sept cent quatre-vingt-onze. Signé : Louis. Et plus bas : Dupor-tail.
N° XXXV.
Déclaration faite par devant M. Mulot, médiateur de la France, par le frère Meyer, du collège Saint-Nicolas d'Avignon.
Pardevant nous, médiateurs de la France entre les peuples d'Avignon et du comtat Venaissin, députés par le roi, s'est présenté le frère Pierre Meyer, de la congrégation de la mission du Collège Saint-Nicolas, à Avignon nous a déclaré que le 19 du mois de septembre dernier, les commissaires de l'assemblée électorale, entre lesquels il a reconnu les sieurs Lescuyer de Châteauneuf, de Pape et Mendes, habitants d'Avignon, accompagnés d'un porteur et d'un orfèvre, sont venus dans ladite maison de Saint-Nicolas, où, depuis le 3 janvier, on avait apposé les scellés, et que les dits commissaires n'ay ant point apporté les clefs et ne voulant point attendre au lendemain quoiqu'il fût 9 heures du soir, ils envoyèrent chercher le sieur Benoit fils aîné, serrurier, lequel enfonça les portes, malgré la déclaration audit réclamant; qu alors les commissaires s'emparèrent de toute l'argenterie; que cependant avant de la faire emporter, ils la firent peser et que ayant dit qu'elle pesait 8 marcs, lui déclarant leur avait fait remarquer qu'elle pesait davantage et qu'alors l'un des commissaires, le sieur Mendès, ait: « Mettez onze marcs », et effectivement on écrivit onze marcs, trois onces. Le déclarant observe que, vu l'ostensoir et la pesanteur de deux calices, il croit que cela doit peser davantage. Il a encore observé qu'au moment où on dressait le procès-verbal qu il a exigé, quoi-
au'on lui eût ait que l'on n'étaij pas dans l'usage 'en faire, on allait écrire qu'il y avait un petit et un grand calice, et que ce fut lui qui fit remarquer qu'ils étaient égaux, ce qui alors fut constaté; ce qui le confirme dans son idée que
l'on n'a point pesé juste. Ledit frère Pierre Meyer
a déclaré, en outre, que le 29 du même mois de septembre, est venu un huissier dont il ne sait pas le nom, vu qu'on ne lui a pas laissé l'acte ; lequel huissier lui a signifié un ordre de sortir; qu'ensuite, sur la demande que lui et son confrère avaient faite avec ifistance qu'on les laissât dans la maison, il était allé à la maison commune avec le frère Bobon et en était revenu sur les 5 heures du soir, accompagné de Minvielle ; lesquels huissier et Minvielle lui signifièrent définitivement de partir ; sur quoi, lui déclarant, réclama l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, qu'il dit n'avoir aucunement prononcé contre la congrégation de la Mis-
s10i1, dont il était membre et que d'ailleurs c'était une maison de charité où il était : maison sur laquelle le roi de France, le roi de Sardaigne avaient des droits ; que sa réclamation fut vaine et qu'il reçut pour toute réponse que la maison se détruisait d'elle-même ; à quoi, lui, déclarant, répondit que les supérieurs étaient seulement absents, parce que leurs revenus étaient arrêtés; mais qu'eux les représentaient; que sur cette réplique, l'huissier répartit que s'ils ne voulait pas sortir de bonne grâce, il le ferait conduire par six fusiliers ; que, d après cette menace, il fut obligé de faire ses malles, ce dont à peine on lui laissa le temps ; que même il éprouva des difficultés pour de petits effets qui étaient dans sa chambre et à son usage, quoiqu'aux termes des décrets concernant les maisons supprimées, on laisse du moins à l'individu ce qui est à son usage et qu'entre autres on ne voulut jamais lui laisser emporter une paire de bottes que le recteur de la maison lui avait confiée.
Le même frère Pierre Meyer déclare encore qu'hier, premier du mois d'octobre, le matin, un voisin lui dit qu'on le demandait à la maison commune ; qu'il se rendit ; parla avec le sieur Ecuyer de Châteauneuf en présence du sieur Rapnel, juge, et un sieur Benoit frère du serrurier, qui écrivait ; qu'alors le sieur Ecuyer lui a écrit et donné un billet pour aller chez le sieur Joseph Minvielle chercher la somme de 75 livres pour premier quartier de la pension qu'il lui assignait et qu'il spécifiait devoir être consommée à Lyon, vu que sur la demande qui lui avait été faite où il se retirerait, lui, déclarant avoir répondu que, puisqu'on le renvoyait, il se retirerait à Lyon sa patrie, dans l'une des maisons de sa congrégation ; mais comme avant de toucher l'argent on exigeait qu'il signât une déclaration pardevant le greffier de la commune, et que le livre ne se trouva pas, on le remît à 4 heures et demie ou 5 heures du soir ; qu'alors il se rendit à l'heure marquée à la commune, où il a attendu jusqu'à 6 heures et demie du soir, qu'arriva le sieur LescUyer, notaire greffier de la commune, lequel lui présenta à signer une déclaration contenant qu'il ne voulait plus suivre la vie commune, pour se retirer dans le monde, ne pouvant plus vivre dans sa maison ; que, sur la présentation de cette déclaration, lui, déclarant, fit toutes les observations possibles ; dit qu'il n'avait rien demandé, qu'il aurait vécu dans sa maison, si on ne l'en avait pas chassé; qu'il ne venait recevoir de l'argent que parce que, chassé de sa maison, il lui fallait un morceau de pain ; qu'ensuite, intimidé par les menaces dudit sieur Lescuyer, qui lui disait qu'il le ferait enfermer dans la maison des Picpus, il avait signé ; mais en disant au secrétaire qu'il signait faux ; signature contre laquelle il réclame, à moins que l'Assemblée nationale ait prononcé sur le sort de la congrégation de la Mission ; réclamation qu'il espère renouveler à MM. les commissaires civils, qui doivent être envoyés en exécution du décret de réunion, et a signe.
Fait devant nous, à Gentilly-les-Sorgues, le deuxième octobre mil sept centquatre-vingt-onze. Signé : Frère Pierre Meyer. Ainsi à l'original.
Lettre écrite à M. Mulot, médiateur de la France, par le frère Bobony lazariste.
Monsieur,
Ayant appris de mon confrère que vous aviez eu la bonté de recevoir sa plainte au sujet de
la déclaration que MM. Lescuyer, Mainville, Mendes et Escoffier, maire de Châteauneuf, m'ont présentée et exigé de moi que la signasse, quoique opposé à mes intentions ; et lui ayant représenté que je ne voulais point signer des faussetés : à quoi m'ont répondu que si je m'y refusais, je n'aurais point de pension ; et que ça est la volonté de l'Assemblee nationale ; mais ayant réfléchi sur la fausseté de ce que je venais de signer contre mon devoir et ma conscience, et que j'estimerais mieux de renoncer à ma pension : c'est pourquoi je prends la liberté de vous adresser ma protestation, en vous priant d'y apporter le remède convenable ; et, de plus, je ratifie la déclaration que mon confrère, Pierre Meyer, a eu l'honneur de vous faire, comme étant en tout la pure vérité ; en foi de quoi, à Avignon le deuxième octobre 1791. Signé : Frère Bobon, lazariste. Ainsi à l'original.
N0 XXXVI.
Déclaration faite par le sieur Bertrand, commis
des postes à Avignon, pardevant M. Mulot, médiateur de la France.
Pardevant nous, médiateurs delà France entre les peuples d'Avignon et du comtat Venais-sin, députés par le roi. Ce jourd'hui, six octobre mil sept cent quatre-vingt-onze, est comparu le sieur Bertrand, commis au bureau des postes d'Avignon, lequel nous a déclaré que le 4 du courant, entre 10 et 11 heures du soir, se sont présentés les sieurs Duprat, l'abbé Font-vielle , Rovère, Minvielle aîné et plusieurs autres dont il ne se rappelle pas les noms, pour demander au bureau les lettres adressées à l'administration provisoire ; auxquels aurait répondu le domestique de MUe Le Blanc, directrice des postes, que sa maîtresse était couchée, et cette réponse ne les ayant pas satisfaits, ils voulurent savoir qui était dans le bureau : ledit domestique, forcé de les introduire jusqu'à la poste, ils y furent reçus, par ledit sieur Bertrand, qui leur dit qu'il ne pouvait pas ouvrir les paquets ni les recevoir dans le bureau ; attendu qu'il est défendu, par les ordonnances, de remettre des lettres pendant la nuit. Ils se retirèrent en répondant des injures contre le bureau, auxquelles on ne se permit aucune réponse.
Ledit sieur Bertrand continue à expédier le courrier et son travail fini, il s'est retiré chez lui, accompagné d'un petit jeune homme qu'il a chez lui. A peine fut-il arrivé chez lui, qu il fut arrêté par le sieur Minvielle aîné et un quidam ; le sieur Minvielle l'approche et lui porte un coup de sabre, qui fut pare par le jeune homme qui se mit aussitôt entre les sieurs Bertrand et Minvielle, et qui le reçut sur la main gauche ; lequel coup de sabre lui coupa l'index et la seconde phalange et tomba à plat sur la tête et l'épaule gauche dudit sieur Bertrand. Aussitôt ledit sieur Bertrand crie : à la garde, à l'assassin, ce qui fit prendre la fuite à ces scélérats, qui furent suivis par le sieur Bertrand dans la rue de Fromagerie, jusqu'au cimetière Saint-Pierre et par le jeune homme jusqu'à la rue de la Peyrolerie, allant au Palais. Leur poursuite fut inutile parce qu'ils ne rencontrèrent aucune patrouille ni d'un côté ni de l'autre.
Ledit sieur Bertrand, après avoir fait panser le jeune homme, par le sieur Clément, chirurgien, fut se coucher; et le lendemain, à 8 heures, il
fut sommé par le sieur Chaussy, brigadier de la gendarmerie nationale, accompagné de quatre gendarmes nationaux, de le suivre en prison, de l'ordre de MM. les administrateurs provisoires : lequel dit Chaussy eut tous les égards possibles pour ledit sieur Bertrand, auquel il se plaignit d'être forcé d'exécuter une pareille commission envers lui. Ledit sieur Bertrand les suivit avec la plus parfaite soumission, et arrivés dans la cour du Palais, le sieur Jourdan se qualifiant de commandant au fort, dit aux gendarmes nationaux de faire monter chez lui ce
b..... là, à quoi ils obéirent, et entrés dans
l'appartement audit sieur Jourdan, celui-ci reprocha audit sieur Bertrand d'avoir fait des motions contre l'armée de Monteux : le sieur Bertrand lui répondit d'une manière à ne laisser aucun doute sur sa conduite. Ledit sieur Jourdan demanda encore audit sieur Bertrand pourquoi il n'avait pas voulu donner la veille les lettres adressées a l'administration provisoire ? A quoi ledit sieur Bertrand lui répliqua que les ordonnances le lui défendaient, et il lui expliqua les motifs de la loi. Le sieur Jourdan lui reprocha aussi d'avoir traité de brigands les sieurs Duprat, Fontvielle et Minvielle : ce reproche fut repoussé d'une manière victorieuse par ledit sieur Bertrand, qui lui offrit de prouver ce qu'il avançait.
Après ce, il fut conduit dans les prisons et mis dans un cachot, où il fit venir le chirurgien pour obtenir sa transaction dans un endroit plus salubre, que son état exigeait, attendu que les différents coups qu'il avait reçus lui avaient occasionné la fièvre. Le chirurgient vint, et sortit pour en aller faire son rapport à l'administration provisoire. Ledit sieur Bertrand, sans savoir le résultat de ce rapport, reçut l'ordre par lequel on lui accordait son élargissement, et il sortit entre 8 et 9 heures du soir : et il est venu cejourd'hui nous en faire la déclaration, laquelle lui a été lue : il y a persisté et a signe les jours et an qûe dessus. Bertrand, commis des postes. Ainsi à l'original.
N° XXXVII.
Lettre à MM. les administrateurs de la commune d'Avignon. Paris, le
Nous avons appris, Messieurs, par vos dépêches d'hier, les nouvelles persécutions que vous éprouvez de la part de l'abbé Mulot. Nous y sommes sensibles ; mais nos regrets diminuent en vous annonçant que notre sort sera fixé au premier jour.
L'affaire est engagée pour samedi ; peut-être la discussion tiendra-t-elle plus d'une séance. Nous vous dépêcherons des courriers extraordinaires qui vous seront certainement agréables. Nous applaudissons toujours aux mesures sages et prudentes que vous avez employées contre l'égarement d un des médiateurs. Employez tous vos moyens pour faire régner l'ordre et la tranquillité dans la ville, qui a placé à juste titre sa confiance en vos vertus.
Nous sommes extrêmement occupés des mémoires et des discours relatifs à la séance de samedi, nous n'avons que le temps de vous réitérer l'estime et la cordialité avec lesquelles nous sommes, Messieurs : Duprat, député, Rovère, député.
Nota. — Il est bon de remarquer que M. Tissot, député d'Avignon, et M. Aymé, électeur de Carpentras, aussi député de l'assemblée électorale, n'ont signé ni ces lettres ni ces dénonciations contre moi : je ne devais être attaqué secrètement que par la faction Monteuxienne.
Lettre écrite au président de l'assemblée électorale. Paris, le
Monsieur le président,
Les occupations multipliées, occasionnées par le prochain rapport de notre affaire, fixé à samedi prochain, après-demain, ne nous permettront pas d'entrer dans beaucoup de détails. Nous ne pouvons qu'applaudir à la manière sage et mesurée de l'assemblée que vous présidez, contre M. Mulot, l'un des médiateurs. Il est authentique-ment improuvé par tous les amis de la Constitution et de la liberté.
Nos maux et nos malheurs vont être terminés. M. de Menou, notre rapporteur, est chez nous dans ce moment; il nous assure que notre affaire ira.
Nous vous renouvelons, Monsieur le président, et tous nos collègues, les sentiments d'estime et de cordialité avec lesquels nous sommes, Monsieur le président. Signé : Rovère, député, Duprat, député.
Lettre des mêmes. Paris, le er
octobre 1791
Messieurs,
Nous n'avons rien négligé pour faire retentir l'Assemblée nationale 'des crimes et délits commis par M. Mulot. Tous les cœurs honnêtes en sont indignés. Nous aurions obtenu une satisfaction prompte et complète sans le changement de la législation, qui s'effectue aujourd'hui. La nouvelle Assemblée paraît disposée à exécuter les lois et à punir les prévarications. Nous n'avons pu être entendus à la barre. Notre dénonciation est prête. M. Tissot ne veut pas la signer sans une délibération de la commune d'Avignon, et un arrêté de l'assemblée électorale. Nous ne sommes pas si scrupuleux. Vos lettres et vos procès-verbaux, que vous nous avez fait passer, sont pour nous une assurance assez forte des crimes au médiateur Mulot.
Cependant, pour agir avec plus d'exactitude, veuillez bien nous faire passer cette délibération. Nous avons parole du ministre de la justice, Messieurs, que MM. Mulot et Le Scène ne seront point employés dans notre pays comme commissaires civils : les troupes et leurs commandants seront changés; et les patriotes pourront reprendre courage et recouvrer leur liberté.
Nous vous exhortons à continuer de mettre en pratique cette fermeté qui caractérise un peuple libre, et qui vient d'être réuni à une grande nation qui a conquis sa liberté. Nous allons faire tous nos efforts auprès du ministre pour accélérer l'exécution de la promesse qui nous a été faite hier. Nous vous écrirons demain pour vous annoncer les opérations ultérieures. Nous sommes cordialement : Rovère, Duprat.
P. S. Il ne faut pas s'alarmer de la disposition de certains articles au dernier décret; la faiblesse de l'Assemblée agonisante dans ses vieux jours étant tombée en consomption, n'a pas permis de mieux
faire : c'est une merveille qu'elle ait eu la force de réussir, et très heureux que le décret ait été rendu quelques minutes avant l'acceptation de la Constitution. Cette circonstance la met hors du cas d'avoir besoin d'une sanction que le roi eût refusée. — La nouvelle législature nous rendra plus de justice, si surtout nous y sommes représentés par des patriotes éclairés.
N° XXXVIII.
Lettre des administrateurs provisoires d'Avignon, à M. Mulot. Avignon,
Monsieur,
Il s'est formé une insurrection dans notre ville. Les auteurs ou les agents avaient égaré une partie de nos citoyens par des affiches calomnieuses et incendiaires et par des propos séditieux. Un attroupement s'est formé dans l'église des Gordeliers ; on y a sonné le tocsin. Un patriote reconnu et qui a été tant de fois l'objet d atroces calomnies, M. Lescuyer, y a été conduit par des gens armés; il y a été indignement assassiné devant l'autel du Seigneur.
Les bons citoyens seront ralliés sous les drapeaux de la loi; ils ont marché et l'attroupement a été dissipé.
Les factieux avaient eu l'audace de s'emparer des portes de la ville ; d'en enlever les clefs ; et quelques-uns d'entre eux ont pris le chemin de Sorgues.
La prudence nous conduit à croire que ces gens vous auront fait des rapports contraires à la vérité. Nous avons cru devoir vous instruire, et nous vous prions de donner, autant qu'il sera possible, de la publicité à cette lettre, afin de prévenir l'effet des faux bruits. Nous avons fait des dispositions qui nous assurent que . la tranquillité publique ne sera plus troublée et les amis de la Constitution ne seront plus assassinés. Dans ce moment tout est dans l'ordre.
Nous sommes bien cordialement, Monsieur, les administrateurs provisoires de la commune d'Avignon.
Signé : F. Combes, administrateur provisoire;
Bourges, administrateur provisoire ; Bergin,
administrateur.
P. S. — Nous vous requérons, au nom de la loi outragée, de faire arrêter les citoyens d'Avignon qui peuvent s'être rendus ce matin à Avignon.
Réponse de M. Mulot aux administrateurs provisoires.
Gentilly-les-Sorgues, 16 octobre 1791.
Les nouvelles que vous m'annoncez, Messieurs, pénètrent mon âme, et la mort de M. Lescuyer devant l'autel du Seigneur, est une de ces barbaries sacrilèges que feront sans doute venger mes successeurs par les organes des lois qu ils vont établir au nom de la France.
Ce nom n'a pas été assez respecté dans vos murs, et si les troupes françaises y avaient été, conformément à la loi du 4, si mon autorité y avait été reconnue, j'ose me flatter que les malheurs que vous déplorez n'y seraient pas arrivés.
Mais ce n'est pas l'instant de laisser échapper un reproche : c est l'occasion de vous rappeler à la loi. Ce n'est pas assez que vous ayez pris des mesures pour le maintien de la tranquillité, trouvassiez-vous des coupables, il ne faut pas vous laisser aller à la vengeance; livrez-les à celles de la loi.
Je fais passer à MM. les commissaires civils, que l'on m'annonce être arrivés à Orange, copie de votre lettre : et je leur remettrai volontiers mes pouvoirs, qui n'expireront qu'au moment où je connaîtrai les leurs.
Je partage sincèrement votre douleur et vais donner au général la réquisition nécessaire pour remplir vos vues.
Signé : Mulot, médiateur, député à l'Assemblée nationale.
N° XXXIX.
Réquisition des citoyens émigrants à la Bartha-lasse, à M. Mulot, du
Monsieur,
C'est dans le cœur d'un médiateur de la France, d'un ministre de paix, que nous venons déposer nos inquiétudes, nos alarmes sur le sort de nos familles, de nos propriétés.
La ville d'Avignon, dont nous sommes éloignés pour avoir voulu le bien public, la Constitution française dans toute son intégrité, est en ce moment en proie à de nouvelles dissensions. Le peuple avignonnais vient enfin d'ouvrir les yeux, il s'est réuni en assemblée dans l'église des Au-gustins et des Cordeliers, pour demander à ses administrateurs infidèles, disons mieux, à ces factieux, un compte sévère de leur conduite.
Sans doute que, peu disposés à satisfaire ce peuple juste dans ses demandes, mais facile à être égaré, les meneurs repousseront la force par la force ; les portes de la ville .sont fermées et occupées par les vrais patriotes ; la cloche d'argent, le tocsin, sonne pour les brigands effrénés ; enfin, Monsieur, nous redoutons les plus grands malheurs dans cette ville infortunée, l'anarchie et le désordre ; le remède à ,tant de maux pour-rait-il être éloigné? vous êtes près de nous.
Les soussignés réclament donc, Monsieur, la protection de la France; nous vous supplions et requérons, en tant que de besoin, d'apporter à nos malheurs le remède que vous suggérera votre sagesse ; l'entrée des troupes ne saurait rencontrer un obstacle ; les portes d'Avignon, depuis ce matin, enlevées par les amis de l'ordre, leur assureront une entrée sans aucun risque à courir.
De grâce, Monsieur, que la garantie de la France consignée dans les préliminaires de paix, ne soit pas illusoire, nos concitoyens la réclament avec la plus grande confiance; votre humanité nous est un sûr garant de votre empressement à venir au secours des malheureux.
Nous avons l'honneur d'être, avec la plus parfaite considération, Monsieur, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Toussain neveu; Blet fils; Ferrier le jeune; Malet, Joseph Sabat, Jean la Place,Palourdin fils: Bertrand, Pevre aîné, notable ; Peyre cadet ; Sau-van aîné, officier municipal; Vidal, Fortiat, Bi-gonet fils ; Mille, Bonoure, Regnâut, Boret père et fils : Niel, Pitoy, Girard, Bigonet père ; Blavet, Audififret fils. Je crains pour les prisonniers. Vernet.
Lettre de M. Mulot à M. de Ferrier, maréchal des camps, commandant les troupes de ligne
réparties dans le Comtat. Gentilly-lès-Sorgues,
Général,
Les citoyens fuyant à la Barthalasse entendent le tocsin : le sort de leurs familles, de leurs maisons, les anime; ils me requièrent de leur donner des secours. Les secours français, je ne puis qu'en disposer; je ne puis en connaître la force, la valeur, que par vous (j'entends la puissance, car je ne doute pas du courage des Français). J'attends une réponse précise ae vous, qui vous rende responsable de ce qui peut arriver, dès que vous aurez décidé que vous aurez assez de forces : qui me disculpe, si vous n'en avez pas assez.
Votre réponse, que j'attends sur-le-champ, va partir à 1 Assemblée nationale; et si vous ne m'en donnez pas avant un quart-d'heure, je vp.is le faire constater.
Signé : mulot.
Réponse de M. de Ferrier, général, à Sorgues, le
Monsieur,
Je reçois, dans l'instant, la lettre que vous m'avez rait l'honneur de m'écrire, et je ne perds pas une seule minute pour y répondre : vous me demandez de vous donner l état des troupes qui peuvent être employées, et je dois présumer que vous n'avez pas entendu parler de celles qui ont été placées dans le comtat Venaissin, sur un état de répartition arrêté par MM. les médiateurs, ou en conformité de leurs réquisitions ultérieures.
Je pense donc que vous désirez savoir positivement ce qui est à Sorgues et à Orange, et je vais vous en donner l'état : celui de la situation du 79e régiment d'infanterie, qui m'a été remis le 1er de ce mois, annonce 587 nommes présents; celui qui m'a été remis aujourd'hui pour les deux escadrons du 5e régiment de hussards (ci-devant colonel Girard) annonce 210 hommes en état de faire le service ; en outre, nous avons à Sorgues, 25 dragons et une compagnie d'artillerie destinée à faire le service de 4 pièces de canon du calibre de 4 qui sont également à Sorgues.
A Orange, le second bataillon du 67e régiment, d'infanterie, ci-devant Languedoc, qui y a été placé, doit avoir 434 hommes présents, suivant l'état de situation au 1er de ce mois, qui m'a été envoyé par le commandant de ce bataillon. Voilà au plus juste, Monsieur, au moins sauf erreur de calcul, les forces qui se trouvent soit à Sorgues, soit à Orange.
Le maréchal de camp, employé dans la 7e division : de Ferrier. Ainsi signé.
N° XL.
Lettre de M. Mulot à M. de Ferrier.
Gentilly-lès-Sorgues, le
Général,
Je ne vous demande pas le nombre de vos troupes. On sonne le tocsin à Avignon. La loi du 4, portant garantie, subsiste encore; pouvez-vous ou
non donner cette garantie aux citoyens d'Avignon-qui la réclament ? Je ne suis pas militaire : Pou-vez-vous ou ne pouvez-vous pas ? Voilà Ce qui nous met à l'abri, vous et moi, et c'est cette réponse que j'attends.
Signé : Mulot, encore médiateur de la France.
Réponse de M. de Ferrier. Sorgues, le
Monsieur,
En réponse à votre première lettre je vous ai envoyé l'état des troupes françaises qui étaient à Sorgues et à Orange, et M. Borye vous a dit, ainsi qu'il vient de m'en assurer, qu'il ne pouvait pas me donner plus de 500 combattants; il m'assure aussi, d'après ce qui lui est revenu, que je ne pourrais pas en tirer plus de 300 d'Orange, total : 800 hommes d'infanterie.
Dans votre seconde lettre, vous me demandez de vous dire, par oui ou par non, si je puis faire jouir les citoyens d'Avignon de la garantie accordée par la loi du 4 juillet dernier. Il m'est impossible, dans l'état des choses, de faire une réponse aussi brève. Pour faire jouir les citoyens d'Avignon de la garantie accordée par la loi du 4 juillet, il faudrait que je fusse à Avignon ; et il s'agit de savoir si on ouvrira les portes de cette ville aux troupes françaises, et si on leur livrera le jpalais, ou si elles seront obligées de s'emparer à fùrce ouverte, en cas de résistance de cette même ville. Comme je dois, dans ma qualité de général, supposer le cas de résistance et qu'il nous importe à l'un et à l'autre de ne pas compromettre la dignité de la nation ni la gloire des armes françaises, je dois nécessairement vous observer d'abord que d'attaquer une ville dans la vue de s'en emparer à force ouverte, est une mesure qui demande beaucoup de réflexions tendant à assurer si elle doit être adoptée; mais cette mesure tient absolument à la politique.
Quant à l'objet militaire dans lequel je me renfermerai je ne puis, Monsieur, que vous rappeler quel est le nombre des combattants dont je puis disposer; que je n'ai que 4 pièces de canon de campagne du calibre ae 4 ; vous savez ce qu'est la ville d'Avignon, et je ne puis ni ne dois répondre du succès d'une attaque qui me serait commandée, telle chose n'ayant jamais été demandée à un général chargé d'executer; mais ce que je puis vous répondre, c'est que je serai, dans le cas où une attaque serait résolue, ce que j'ai été toute ma vie, et que je ne doute en aucune manière que les troupes ne secondent parfaitement le zèle et le courage dont je leur donnerai l'exemple.
Le maréchal de camp, employé dans la 7e division : de Ferrier.
Lettre de M. Mulot à M. de Ferrier. Gentilly-lès-Sorgues, le
Général,
Votre lettre contient une double réponse ; mais ni l'une ni l'autre n'étant catégorique, vous me mettez dans l'impossibilité de vous requérir. Ce n'est pas sur des hypothèses que peut se baser une réquisition; je ne commettrai jamais l'imprudence de dire à un générai : marchez, quand, sur cette question, pouvez-vous ou ne pouvez-vous
pas, par la force de vos troupes, assurer à la ville d'Avignon la garantie stipulée dans la loi du 4 juillet : il me répond qu il ne pourrait pas me donner plus de 500 hommes, quand, sans que je lui parle de ville à emporter de force ouverte, il me renvoie à la politique, comme s'il appartenait à la politique de connaître les forces et les mouvements militaires. Il me semblait qu'il appartenait à la politique de savoir s'il était convenable ou non d^entrer dans une ville, et qu'il était du ressort militaire de savoir ce qu'il fallait pour y entrer.
Au surplus, votre lettre me suffit pour couvrir ma responsabilité, la minorité de vos forces ne vous permettant d'exécuter la loi de garantie.
Quant aux canons, j'aurai l'honneur de vous représenter que je vous avais écrit pour que nous en eussions, au besoin, de plusieurs calibres. Vous n'avez pas cru que cela fut apparemment nécessaire; et je n'aurai point dès lors à me reprocher que dans cette occasion nous n'ayons que 4 pièces de campagne (1). ^
Vous avez reçu d'Avignon la nouvelle attristante de la mort de M. Lescuyer; les administrateurs provisoires me demandent de vous requérir pour que les mesures soient prises, afin que si les couT pables s'y réfugiaient, 1I3 ne trouvassent pas l'impunité; je vous prie donc et vous requiers, en tant que de besoin, de prendre ces mesures, observant seulement qu'elles n'ouvrent pas la porte à l'inquisition.
Signé .-Mulot, médiateur de la France.
N° XLI.
Lettre de M. le ministre de la guerre à M. Mulot. Paris, le
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 23 aece mois, relativement au nouveau renfort de troupes que vous demandez pour assurer la tranquillité générale soit à Avignon, soit dans le comtat Venaissin; je m'étais flatté que l'Assemblée nationale compléterait, avant son départ, tous les arrangements qui étaient une suite indispensable de leur réunion à la France. Le peu de temps qui lui reste jusqu'au moment de sa séparation et la multiplicité des objets essentiels qu'elle a encore à régler, ne permettent plus de croire qu'il lui soit possible de déterminer tout ce qui est relatif à ce pays ; mais pour ne pas laisser les choses plus longtemps en souffrance^ je proposerai incessamment à Sa Majesté d'y faire passer le nombre de troupes qu'elle jugera suffisant pour y rétablir entièrement l'ordre et la paix.
Le ministre de la guerre, Signé : Duportail.
, N° XLII.
Lettre du département du Gard à M. Mulot. Nîmes, le er septembre 1791
Monsieur,
Nous ne pouvons absolument déférer à la réquisition que vous nous faites en date du 31 du
mois dernier; le régiment des ci-devant chasseurs de Roussillon va partir pour Perpignan; 1,150 volontaires gardes nationaux de ce département vont passer, dans deux jours, sous les ordres de l'officier général qui commande les troupes de ligne, et il ne nous reste plus aucun moyen non seulement de porter à 500 hommes le détachement qui est à Avignon, mais de l'y laisser encore un peu dè temps.
Ce corps de volontaires dont nous allons être privés pour la sûreté intérieure du département, nous rend les secours des citoyens soldats qui nous restent, d'une nécessité indispensable.
Signé : Les membres composant le directoire du département du Gard : P. Vigier, V. P. et Rigal, secrétaire général.
N° XLIII.
Lettre de M. Delessarty ministre de l'intérieur, à M. Mulot. Paris,
.....A l'égard des ordres que vous désirez que
je donne au département du Gard de faire passer dans le Comtat 600 gardes nationales du nombre de celles qui sont destinées à défendre la frontière, je vous prie d'obsérver que je ne peux prendre sur moi de changer la destination de ces gardes, décrétée par 1 Assemblée nationale.
Signé : Le ministre de l'Intérieur, Delessart.
N° XLIV.
Déclaration faite par le sieur Vincent.
L'an 1791, et le 17 octobre, pardevant moi Benoît Nourry, notaire du présent lieu du Pont de Sorgues, soussigné, et en présence des témoins à la fin nommés, fut présent le sieur Antoine Vincent, demeurant- ci-devant à Avignon, et établi depuis peu à la ville d'Aubenas, lequel, de son gré, avec serment par lui prêté en mains de moi dit notaire, les écritures touchées, a dit et déclare, dit et déclare, pour la décharge de sa conscience, que la déclaration ou déposition par lui faite à Avignon, le 6 du courant, est fausse en tous ses points : qu'il ne la fit ainsi que pour sortir des prisons où il était détenu depuis dix jours ; qu'il fut forcé à la faire par le nommé Chaussy, brigadier de la gendarmerie nationale, qui fut deux différentes fois le voir en prison, lui disant que s'il ne faisait pas cette déclaration, il ne sortirait de prison que pour être fusillé ; et qu'au contraire, s'il la faisait, on le mettrait en liberté, et on lui rendrait la somme de 588 livres qu'on lui avait prise en prison, et de laquelle présente déclaration ledit Vincént a requis acte qui lui a été fait et passé audit Sorgues dans notre étude, en présence des sieurs Jacques Giry et François-Xavier Lambert, habitants de, ce lieu, témoins, requis et signés : ledit déclarant a aussi signé quoiqu'il ait déclaré ne savoir signer à sa dite déclaration du 6.
Signé : Vincent, Jacques Giry, François-Xavier, Lambert, Nourry, notaire, ainsi à l'original.
Collationné, Nourry, notaire.
Nous officiers municipaux de ce lieu du Pont de Sorgues, dans le comtat Venaissin, en l'absence du maire, certifions à tous qu'il appartiendra, que M. Benoît Nourry, qui a expédié et
signé l'extrait d'acte de déclaration que dessus, est notaire de cedit lieu, tel qu'il se qualifie au seing et écriture, duquel foi est et doit être ajoutée tant en jugement que dehors. Attestons de plus que le papier marqué ni le contrôle ne sont point en usage dans ce pays ; en foi de quoi nous avons signé les présentes et y avons fait apposer le sceau de notre municipalité.
A. Sorgues, le 17 octobre 1791.
Signé : Vianès, officier municipal ; André Cifery, officier municipal.
N° XLV.
Pièces envoyées par la commune d'Avignon à M. l'abbé Mulot. Avignon, le
Monsieur,
II est aujourd'hui bien consolant et bien agréable pour ceux auxquels vous servîtes d'égide dans ces jours d'horreur, qui ne furent alors que le présage des grands forfaits commis depuis dans notre patrie, d'avoir à vous annoncer que leur opinion et leur reconnaissance particulière est tout à coup devenue en votre faveur, l'opinion et la reconnaissance unanime de toute la cité. En lisant les adresses et les délibérations de nos concitoyens nous vous prions d'être bien convaincu qu'elles ne renferment point tout ce que nos cœurs et nos devoirs nous dictent pour l'ange tutélaire et pour le libérateur de notre patrie.
Nous sommes, avec respect et reconnaissance, les maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon.
Richard, maire, Cluchier, Bernard, L. Sau-yan, aîné, Paysant, Descours, Ferrier, Guigue, Guillaume, officiers municipaux.
Lettre de la municipalité d'Avignon à l'Assemblée nationale. Avignon, le
Monsieur le Président,
Une insurrection faite par des factieux ennemis de leur patrie, le 21 août dernier, toutes les autorités légitimes renversées, les yeux des médiateurs de la France souillés par des arrestations illégales, la municipalité chassée ou emprisonnée, nous forcèrent de nous rendre à Paris, de porter à l'Assemblée nationale nos doléances et de solliciter surtout une réunion que nous regardions comme le, terme tant désiré de l'anarchie la plus funeste.
Nos vœux furent accomplis ; la réunion fut décidée ; nous crûmes toucher enfin au moment de l'extinction de haines privées et des crimes qui désolaient nos murs. Nous reportions à nos concitoyens vos bienfaits', des cœurs contents et l'oubli de toutes les injures qui nous étaient personnelles,: mais il était dans les malheureuses destinées d'Avignon d'effrayer l'Europe par une somme de forfaits jusques alors inouïe. 60 citoyens arrêtés arbitrairement, le 16 octobre, et consignés dans le palais ; des officiers municipaux qui, depuis deux mois, sous la sauvegarde ae la loi, y attendaient la restauration d'une liberté garantie par la loi du 14 juillet, et qui avait été ravie par la force armée, des femmes et des enfants, tous ont été, de sang-froid, et dans le
cours de deux nuits successives, égorgés de la manière la plus barbare. Un crêpe funèbre couvrait la malheureuse cité d'Avignon. A l'arrivée des commissaires civils, députés par le roi, des gémissements et des sanglots ont accompagné leur entrée et la nôtre. Mais, le croira-t-on. Monsieur le Président, et quelle ne sera pas l'inaigna-tion de l'Assemblée nationale, lorsqu'en apprenant ce tissu d'horreurs, elle se rappellera quime dénonciation fabriquée par les auteurs et fauteurs de tant de crimes, encore couverts du sang de tant de victimes, a été présentée par un homme, le sieur Bovère, l'un des chefs au parti criminel, et qui se dit faussement député d Avignon ; que cette dénonciation isolée a presque surpris la religion de quelques membres de l'Assemblée; qu'elle a inculpé M. Mulot, qui a tant fait pour prévenir leurs crimes; qu'elle a demandé le rappel de M. Le Scène-des-Maisons, dont la sagesse éclairée et ferme a su contenir les malveillants et maintenir l'ordre tant qu'il a été médiateur, qui a rendu à l'Assemblée nationale un compte avoué par tous les partis, qui, par la victoire sur M. Fabbé Maury, contribua tant à nous rendre Français et dont le retour dans ces contrées a rendu à tous l'espoir d'une paix qui nous fuyait depuis si longtemps, et, quel ne serait pas le malheur de cette ville infortunée, si une erreur aussi désastreuse eût pu trouver accès auprès des législateurs qui nous ont adoptés pour leurs enfants ? Ah ! Monsieur le Président, c'est la confiance générale dans les commissaires civils que le roi nous a envoyés, c'est l'action déjà si meritée par M. Le Scène, et partagée depuis par ses sages collègues, qui ramène à Avignon des citoyens épars et fugitifs, qui, sans eux iraient porter ailleurs leurs malheurs et leur désespoir.
Mais, Monsieur le Président, ce qu'ils ont déjà fait pour la justice nous est un sûr garant du retour de l'ordre ; et l'auguste Assemblée, par une juste sévérité envers ceux qui se sont souillés de tant de crimes, sans doute assurera la tranquillité d'une ville désolée.
Nous avons l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale la triste certitude des forfaits que nous avons dénoncés, et nous la supplions de nous continuer une protection, sans laquelle nous ne pourrions exister.
Signé : les maire et officiers municipaux d'Avignon.
Adresse à l'Assemblée nationale.
Législateurs,
Il est sans doute du devoir du véritable peuple avignonnais, de celui qui respecte vos lois et les aime, de celui qui a frémi d'indignation au spectacle horrible (Tune province ensanglantée, saccagée par une horde de scélérats altérés de sang humain, et qui, bientôt après, s'étaient réfugiés dans les murs d'Avignon, viennent d'y commettre des forfaits tellement atroces, que leur impunité serait regardée par l'histoire comme le plus grand attentat à l'ordre social, qu'ait transmis son burin à la postérité, et pour nous comme le plus grand opprobre pour notre cité et pour la France. Il est de son devoir de se purifier dans l'opinion publique, et. c'est pour y parvenir qu'il s'adresse a vous qui en êtes les organes en vous priant de faire faire lecture, dans la tribune de la nation, de toutes les délibérations qu'il vient de prendre pour sa réhabilitation,d'éûordonner l'im-
pression aux frais de l'Etat, et l'envoi dans tous les départements.
Il vous prie encore d'approuver, par un décret kt conduite humaine et prudente de MM. les commissaires, du général et nominativement des braves soldats patriotes composant les régiments qu'il commande dans les murs d'Avignon.
Daignez, législateurs, daignez, représentants, par cet acte éclatant de justice, entretenir et perpétuer en nous l'enthousiasme de la vertu, surtout celui de la reconnaissance que nous vous devons, principalement parce que, dans votre sagesse, vous avez rejeté, le 4 novembre, un projet de loi présenté par votre comité de pétitions, qui avait été sollicité et obtenu sans doute par les sieurs Rovère... et autres instruments de nos calamités, projet qui était un véritable plan de conspiration contre la patrie, puisqu'il tendait à improuver nos libérateurs, à les éloigner de nous et a livrer tout le midi (un peuple doit tout dire, jusqu'à ses présomptions, lorsqu'il s'agit du salut ae l'Etat) à une faction républicaine, à l'anarchie et au despotisme du crime.
Vous apprendrez avec plaisir que nous sommes à présent tous unis ; que l'acte constitutionnel a été solennellement proclamé au milieu des témoignages de l'allégresse publique; que nous l'aimons, que nous l'observerons et le maintiendrons jusqu'à la mort.
Vous apprendrez enfin que nous n'avons plus qu'une âme, que nous ne formons plus qu'un vœu, celui de l'exécution des lois, celui delà punition des assassins, des bourreaux de nos frères et nous l'obtiendrons.
Les présidents de 10 sections composant la commune de la ville d'Avignon :
Signé : Aymé, président de la section des Cordeïiers ; Sannier, président de la section de la Congrégation des hommes; Hugues, président de la section des Géles-tins; Bellanger, président de la section des Dominicains; Veyrier, président de la section des Petits-Carmes; Carbonel, prêtre, président de la section des Grands-Carmes ; Martin, président de la section de Saint-Pierre ; Lautier, président de la section de Morières; F. Yves, capitaine, président de la section de Montfavet ; Escoffier, président de la section des Grands-Augustins ; ainsi signé sur l'original existant dans les registres de la maison commune dudit Avignon.
Collationné par nous, secrétaire-greffier de la commune; à Avignon, le 17novembre 1791, Faulcon, secrétaire-greffier.
Délibération du peuple Avignonnais.
Le seize novembre mil sept cent quatre vingt-onze, en suite de la rémission faite par MM. les présidents et secrétaires de chaque section de cette ville d'Avignon, des délibérations respectivement prises dans les 10 sections composant la commune dudit Avignon, le lundi 14 du courant, il a été procédé par nous, maire et officiers municipaux audit Avignon, au recencement des dites délibérations en présence des présidents de chaque section, à ce présent et requérant maître Gabriel Vinay, homme de loi, substitut du procureur de la commune ; et le dépouillement desdites délibérations ayant été fini, il en est résulté que la délibération a été unanimement
prise par les citoyens actifs au nombre (1) de 3,335. De mot à mot comme suit :
Considérant que, depuis longtemps, leur patrie gémissait sous la plus cruelle anarchie; que cette anarchie avait été la source des plus noirs attentats et des atrocités les plus horribles ; que le gouvernement avait été usurpé par une horde de factieux et de scélérats, qui avaient à leur solde une troupe de brigands étrangers pour faire exécuter tous les complots que leur noire malice ne cessait de leur suggérer;
Que, depuis cette usurpation, on n'a cessé de vexer tous les citoyens honnêtes qui, par des propos, des signes et même par leur silence paraissaient improuver leur odieuse conduite; que les factieux se sont portés aux plus grands excès, en immolant des citoyens innocents, en soumettant à des contributions révoltantes et arbitraires tous ceux qu'ils croyaient leur être opposés ;
Qu'ils ont pillé, dévasté toutes les églises et grand nombre de maisons particulières ; qu'ils ont poussé l'avidité et la férocité jusqu'à porter la guerre la plus cruelle et la plus barbare dans le Comtat, ou l'on rencontre à tous les pas les traces de vols, des pillages, des incendies et des assassinats les plus affreux ;
Que cette guerre si désastreuse n'a cessé que par l'entremise de MM. les médiateurs envoyés au mois de juin dernier par le roi, d'après un décret de l'Assemblée constituante ;
Que cette médiation a été empêchée de rétablir la paix et la tranquillité par les menées perfides et atroces de ces mêmes factieux qui avaient conspiré contre la chose publique;
Que le 21 août dernier, la municipalité aurait été en partie emprisonnée, et en partie dispersée par les agents de ces scélérats ;
Qu'ils auraient mis le comble à toutes leurs horreurs par les massacres qu'ils ont ordonnés et fait exécuter le 16 octobre dernier et jours suivants, d'abord sur tous les prisonniers détenus sans décretdepuis le 20 août dernier, parmi lesquels on compte quatre officiers municipaux et plusieurs notables, et ensuite -sur une roule de citoyens de tout âge et de tout sexe :
Que la ville d'Avignon était à la veille d'essuyer de plus grands malheurs et de voir égorger tout ce qui restait de citoyens honnêtes, si les troupes ae ligne et ensuite MM. les commissaires civils, dont le patriotisme et la sagesse sont généralement reconnus, n'eussent prévenu, par leur arrivée, tous les maux dont nous étions encore menacés.
Qu'après avoir éprouvé tous les genres d'infortune et avoir répandu les larmes les plus amères sur le sort de ces malheureuses victimes, qui ont tombé sous les coups de ces cannibales, il est bien naturel de se livrer aux doux sentiments de joie et de reconnaissance envers l'Assemblée nationale et le roi des Français qui ont tendu une main protectrice et secourable à une ville désolée, envers MM. les commissaires civils, M. le général et les braves militaires dont le zèle infatigable et le patriotisme éclairé nous ont rendu la liberté et la paix.
Considérant, en outre, que la ville d'Avignon a de nouvelles grâces à rendre à l'Assemblée
(1) Il n'y avait que 2,795 votants quand Avignon a exprimé son vœu pour être réuni à la France, et ce vœu a paru suffisant : combien doit être plus forte contre les calomnies l'expression de 3,385 citoyens de la même ville.
nationale, pour avoir, par son décret du 4 courant, rejeté le projet du comité des pétitions, surpris par les menées et les adresses mensongères d un sieur Rovère, se disant faussement député du peuple Avignonnais, individu sans caractère et sans mission;
Ont unanimement délibéré de voter des remerciements:
1° A l'Assemblée nationale de ce qu'elle a rejeté, le 4 du courant, le projet de décret présenté par M. le rapporteur du comité des pétitions, et dont l'adoption aurait replongé notre malheureuse contrée dans le deuil et l'anarchie, et de présenter sur les deux objets ci-dessus, une adresse à l'Assemblée nationale et au roi qui leur transmette l'expression de la plus vive reconnaissance pour les bienfaits dont ils les ont comblés ; lesquelles deux adresses ont été lues et approuvées par les délibérants ;
2° Au roi, sur le choix de M. Le Scène-des-Maisons, Champion de Villeneuve et Dalbignac, commissaires civils, et de M. de Choisi, général, et sur l'envoi des troupes de ligne ;
3° De rendre un témoignage éclatant à la conduite de MM. Le Scène-des-Maisons et Mulot, ci-devant médiateurs entre le peuple d'Avignon et du Comtat, et désavouer à cet effet toutes délibérations, pétitions et adresses injurieuses et calomnieuses présentées par quel individu que ce soit, et notamment par le nommé Rovère, qui n'a jamais reçu aucun pouvoir du peuple avignonnais (1) ;
4° De témoigner, par une députation de deux d'entre les délibérants, à MM. les commissaires civils et aux troupes de ligne, dans la personne de M. de Choisi, leur général, et des commandants de chaque corps, leur juste sensibilité sur la conduite noble, ferme et généreuse qu'ils ont tenue, depuis leur arrivée pour rétablir l'ordre et la paix.
Ladite députation sera chargée, en outre, de remercier MM. les commissaires civils des ordres qu'ils ont donnés pour s'assurer de la personne de ceux qui ont horriblement désolé Avignon et le Comtat, et qui viennent tout récemment de se rendre coupables des plus infâmes massacres, et de les prier d'ordonner la continuation des recherches de tous les prévenus qui n'ont pas encore été saisis, comme un préalable nécessaire pour consolider la tranquillité de cette ville, de tout le Comtat et dés départements environnants, intéressés à la punition exem-
Slaire de tous ces hommes atroces qui ont éshonoré l'humanité par des forfaits inconnus jusqu'à nos jours ;
5° De députer provisoirement et attendu l'urgence du cas, MM. Collet, Emeré et Verger, nommes de loi, conjointement avec M. Michel, pour la section de Samt-Pierre ; M. Paul, homme ae loi, pour celle de la congrégation aes hommes ; M. Catelany, notaire, et M. d'Ors, son sup-
pléant, pour celle des Grands-Augustins ; M. Ver-net, pour celle des Célestins ; M. Clément, homme de loi, pour celle des Dominicains; M. Dominique Aubert, pour celle des Petits-Carmes ; M. Grie-net et M. Frontin, son suppléant, pour celle des Grands-Carmes; M. Gaudibert cadet, pour celle de Montfavet ; et M. Lautier, pour celle de Morières? citoyens actifs, notables adjoints, qui ont réuni la majorité absolue des suffrages, ensuite du dépouillement du scrutin, à l'effet de procéder à l'information des vols, assassinats, crimes et délits quelconques qui n'ont aucun trait à la Révolution, et qui ont été commis depuis le 21 août dernier, de dresser tous procès-verbaux requis et nécessaires, et de recevoir les déclarations, dénonciations et dépositions de témoins et de procéder à l'interrogatoire des prévenus ;
6° D'envoyer des députés aux citoyens de Carpentras à l'effet de leur témoigner la vive reconnaissance des délibérants pour les marques publiques de sollicitude fraternelle qu'ils ont données et les démarches généreuses qu'ils ont faites pendant la crise horrible que la ville d'Avignon vient d'éprouver ; de charger ces députés d'assurer les citoyens de Carpentras que ceux d'Avignon, librement assemblés, s'empressent à désavouer la guerre injuste et barbare qui a désolé leur ville et une partie du Comtat, et de leur déclarer solennellement que cette guerre et les horreurs qui l'ont suivie, n'ont été 1 ouvrage que de quelques monstres presque tous étrangers à Avignon;
7° De fonder une fête annuelle à chaque dixième novembre, jour de notre délivrance, pour transmettre à la postérité les senti ments dont nous sommes pénétrés envers les commissaires et les troupes de ligne qui l'ont opérée ;
8° Que la municipalité donnera des ordres nécessaires pour le transport des victimes massacrées et pour leur dépôt dans un lieu particulier ; que le convoi se fera avec toute la pompe et la décences requise ; qu'il sera élevé un monument sur lequel on gravera le nom de ces mêmes victimes, et la sentence définitive qui sera prononcée contre les assassins, leurs fauteurs et complices, pour éterniser l'horreur qu'ont excitée de tels forfaits, de même que les regrets qu'inspire aux délibérants la perte de leurs concitoyens ;
9° Qu'il sera fondé un service funèbre qui sera célébré annuellement à chaque 17 octobre auquel la municipalité assistera ;
10° Que la municipalité s'occupera incessamment des moyens nécessaires pour venir au secours des familles indigentes dont les chefs sont tombés sous les coups des bourreaux ;
11° Que l'horloge des Cordeliers sera incessamment réparée pour la commodité des habitants voisins;
12° Que la présente délibération sera imprimée, publiée et affichée dans tous les lieux accoutumés ae la ville ; qu'il en sera envoyé des exemplaires à chaque commune du Comtat, attendu l'intérêt commun qui les lie avec Avignon, les invitant d'y adhérer pour le bien général, et en outre qu'il en sera envoyé un extrait en probante forme à l'Assemblée nationale et au roi, par un courrier extraordinaire et à tous les départements du royaume, pour leur faire connaître les sentiments des véritables Avignonnais ;
13° Qu'un exemplaire en forme légale des délibérations et adresses serait porté, par le courrier extraordinaire à M. l'abbé Mulot, comme un nouveau témoignage de la confiance qu'il a inspirée
au peuple avignonnais, qui le regarde en ce moment, comme son représentant à Paris;
14° Un membre de l'Assemblée ayant dénoncé une lettre contenue dans divers papiers publics, signée Durand de Maillane, comme injurieuse, infectée de calomnies contre le véritable peuple avignonnais, lecture en ayant été faite, l'assemblée considérant que, par respect pour l'ancien caractère de son auteur, qui était membre de l'Assemblée constituante, elle devait présumer qu'il avait été séduit et trompé par des fausses relations sur les événements atroces qu'il semble approuver, a délibéré que, pour lui faire connaître les véritables sentiments des, citoyens d'Avignon et lui manifester leurs intentions, il lui sera envoyé un exemplaire de toutes les délibérations et adresses qu'ils ont unanimement adoptées, l'invitent en leur nom, à se rétracter de sa lettre et à convenir de son erreur d'une manière authentique, et que, faute par lui de ce faire dans le délai convenable, il sera dénoncé, par toute la cité, à l'accusateur public et au tribunal de l'opinion, comme un calomniateur et un partisan du crime;
15° Que la, municipalité; fera toutes ses diligences pour rétablir les frères des écoles chrétiennes et gratuites pour l'éducation des enfants ;
16° Enfin, que la cloche d'argent sera ôtée de
l'endroit où elle est, et transportée dans un autre lieu, pour effacer le souvenir de l'usage horrible auquel elle a été employée lors du massacre du 16 octobre.
Et ledit recensement étant fini, lesdits sieurs présidents de chaque section nous en ont requis acte, que nous, dits maire èt officiers municipaux, leur avons concédé et ordonné la publication, affixion et l'impression de ladite délibération pour être envoyée et distribuée ainsi et comme il est porté par icelle; et se sont lesdits sieurs présidents, soussignés avec nous dits maire et officiers municipaux.
Signé : Hugues* président de la section des Gélestins; Saunier, présidènt de belle de la congrégation des hommes ; Yeyrier, président de celle des Petits-Carmes ; Aymé, président de celle des Cordeliers ; Bellan-ger, président de cèlle des Dominicains; Carbonel, prêtre, président de celle des Grands-Carmes ; Martin, président de celle de Saint-Pierre; Escùrfier, président de celle des Grands-Augustins ; Lautier, président de celle de Morières; F. Yves, capitaine, c.uré et président de celle de Mont-favet; Richard, maire ;L. Sauvan, Ferrier, Bernard, Guigne, Paysant, Guillaume, Glu-chier, officiers municipaux; Gabriel Vi-nay, substitut du procureur ae la commune. Ainsi signé a l'original.
Collationné par nous, secrétaire greffier, soussigné : A Avignon, le 17 novembre 1791.
Faulcon, secrétaire-greffier.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
MÉMOIRE contre le sieur llulot, ci-devant commissaire-médiateur entre les peuples d'Avignon et du Comtat, en réponse à sa prétendue justification (1) prononcée à la barre de l'Assemblée ■nationale (2).
Si une éloquence dénuée des faits et des élans qui caractérisent l'homme vertueux et innocent servait de justification, le sieur Mulot serait lavé des inculpations aussi vraies que graves contenues dans la dénonciation faite contre lui. U est bien loin d'avoir prouvé qu'il n'avait pas tyranniquement abusé ae ses pouvoirs. A-t-il pu excuser ses forfaits à Sorgues? A-t-il pu pallier ses projets criminels sur Avignon dont les suites sont devenues si horribles et si dangereuses? A-t-il demandé que ses dénonciateurs fussent punis-comme calomniateurs? A-t-il accepté le défi proposé de paraître devant un tribunal? Non. Il a craint le danger dont il est menacé.
Son discours annonce que son âme connaît les crimes et qu'elle est inaccessible aux regrets. Il n'entrevoit que la terreur des coupables a la vue des tribunaux. Il veut écarter l'œil perçant juste et vengeur des lois, en se couvrant de l'égide qu'il réclame comme représentant de la nation, tandis que les amis de la Constitution, que les hommes probres ne voient en lui qu'un agent du pouvoir exécutif, abusant criminellement de ses pouvoirs, les armes à la main, machinant des complots, provoquant des assassinats, se décla- ï rant le protecteur des meurtriers des patriotes, violant les droits des gens et des nations, sans cesse occupé, avec son digne collègue, Le Scène, à persécuter les amis de la Constitution à Avi-gnon et dans le Comtat,
La générosité, ce sentiment inné dans le cœur des Français porta l'Assemblée constituante à décréter que des commissaires-médiateurs se- ■ raient envoyés à Avignon et dans le Comtat pour faire cesser les hostilités,: suite d'une guerre occasionnée par des rassemblements aristocratiques à Sainte-Cécile, par des asssassinats commis à Vaison sur les personnes des amis de la Constitution. ■ : • ;
Le pouvoir exécutif nomma, pour le complément des malheurs du Comtat, les sieurs Mulot, Le Scène et de Verninac. Les calomnies que les ennemis du bien public se permettent contre ce dernier sont la preuve qu il n'a jamais été ni leur ami ni leur protecteur. Quelques patriotes, échappés aux atroces persécutions qu'exercent en ce moment le sieur Le Scène, à Avignon et dans le Comtat, prouveront à la France et à l'Europe entière combien cet homme eût été digne de figurer parmi les ministres de Phalaris, des Néron, des Héliogabale, de Brunehaut et des Louis XI.
La conduite du sieur Mulot a déjà été esquissée. Une infinité de pièces légales, produites au comité des pétitions, constatent ses délits et ceux qu'il voulait commettre. Ci-devant moine de Saint-
Victor, nourri dans les basses intrigues de la capitale, il connaissait les routes tortueuses qui conduisent au crime sans arriver à l'échafaud. Les registres criminels du Ghâtelet font une mention honorable de ses occupations avant la Révolution.
La mission des médiateurs était d'empêcher la violation du territoire français, de faire retirer les déserteurs* et d'employer les moyens de conciliation pour faire cesser les hostilités. Les Gom-tadins étaient les maîtres d'accepter ou de refuser les offres qui leur étaient faites. Libres et indépendants, la France n'avait aucun droit coercitif sur eux. La reconnaissance et le désir d'être Français étaient dans leur âme. Ils s'empressèrent d'aller au devant des médiateurs. Des députationsde' l'assemblée électorale, de Farmée, leur furent envoyées à Orange. Des préliminaires de paix y furent signés le 14 juin. Il fut arrêté « que tout acte d'hostilité serait suspendu; que les armées respectives seraient licenciées; que la liberté et la sûreté seraient protégées; que les représentants du souverain s'occuperaient de la médiation pendant sa durée; que les corps administratifs seraient circonscrits dans les droits qui sont de leur essence, pendant que le corps représentatif s'occuperait de la décision de l'état politique du pays. Les médiateurs, de leur côté, se rendent garants de l'exécution de ces articles contre tout attroupement. Ils s'obligent à placer des troupes à Avignon, à Carpentras et partout ailleurs où le cas le requerrait pour établir l'ordre et la sûreté. Les prisonniers respectifs rendus sans rançon. »
L'Assemblée constituante confirma la garantie par son décret du 4 juillet 1791.
Voilà les titres à 1 appui desquels le sieur Mulot est entré les armes à la main dans le Comtat, s'en est rendu le maître pour y exercer un despotisme mille fois plus odieux que celui, des vice-légats.
jj Si les amusements avant la Révolution lui ont permis de lire Machiavel, il y aura sans doute puisé l'infernale doctrine qu'il a mise en pratique. Voulant favoriser les vues de l'évêque de Rome, le remettre en possession du Comtat, il a voulu prouver aux habitants de cette malheureuse contrée, que les aristocrates avaient raison de leur dire qu'ils étaient heureux sous leur ancien régime, et que le nouveau serait par eux la source? de toutes les horreurs. Il a pleinement certifié cette assertion par ses excès audacieux et ses barbaries. Les. médiateurs parcourant le Comtat avec des détachements des troupes à cheval, semblables à des satrapes asiatiques, donnaient des ordres, jugeaient des procès, décriaient les représentants du peuple, suspendaient l'exercice des droits qu'ils, tenaient de lui. Les pouvoirs judiciaires étaient anéantis; toutes les, autorités étaient usurpées par deux hommes envoyés pour ramener l'ordre et la tranquillité. Jamais anarchie n'a été plus complète.
Le sieur Mulot instruit des excès commis par les frères Sainte-Croix à Vaison, les demande. C'est en vain qu'on lui objecte qu'ils sont sous les mains de la justice, qu'ils sont décrétés dé prise dè corps, qu ils n'ont pas été pris les armes a la main, qu'une violation aussi manifeste des lois protectrices de la vie des citoyens pourrait avoir les suites les plus funestes ; ilgprononce les mots de représentants d'une grande nation, de refus, d'affronts fait à la France; il est appuyé de 3,000 baïonnettes ; il arrache les assassins ae la Vilasse et d'Anselme ; ceux qui ont occasionné
la guerre, ceux dont le crime ne pouvait trouver des protecteurs que parmi des assassins. 1
L'armée de Vaucluse observant scrupuleusement les articles du traité souscrit par ses députés, déposa, le 4 juillet, sescànôns dans l'arsenal d'Avignon. Elle était composée des détachements des gardes nationales du Comtat. La plus grande tranquillité et l'ordre le plus exact régnèrent dans cette ville pendant la nuit et le lendemain, époque où chaque Citoyen retourna dans sa patrie, pour y revoir sa famille et ses possessions, après trois mois de combats pour la Constitution française. Des haines invétérées, des menaces réitérées de la part des aristocrates étaient des présages sinistres pour des patriotes. Déjà quatre citoyens passant à cheval, sur le territoire de Gigondas, district d'Orange, enclavé dans le Comtat, avaient été attendus et surpris dans un chemin creux, par 50 hommes embusqués. Un capitaine de la garde nationale de Mor-nères avait reçu 22 balles ; un gendarme national avait eu le bras cassé, et les deux autres échappés à ce feu, encore plus traîtres qiie meurtriers, cherchant un asile à Ségurèt, avaient été dépouillés de leurs vêtements et jetés dans les cachots.
Les médiateurs se transportèrent sur les lieux. Ils furent témoins du Spectacle affreux qu'offrait le corps de ce défenseur de la liberté, lâchement assassiné par des hommes instruits du traité de paix, et dont lé crime est demeuré impuni. 11 citoyens de Caromb, à la tête desquels se trouvait le sieur Durand, membres du Corps représentatif, voulant rentrer dans leurs foyers, les médiateurs, si jaloux d'exercer leur prétendue autorité, sont requis de leur donner des passeports, des sauvegardes, et d'employer des troupes de ligne appelées pour assurer la liberté et la tranquillité. Ils partent lé 5 juillet, accompagnés d'un détachement du quarantième régiment (ci-devant Soissonnais). Ils passent sous les murs de Carpentras, deux y sont assassinés, malgré la protection qu'ils devaient attendre de la garnison et du détachement que les médiateurs leur avaient donné. Les neuf Garombiens continuent leur marche en pleurant le sort de leurs frères d'armes. Ils ignoraient celui plus affreux encore qui les attendait. A leur arrivée, les Soissonnais les abandonnent. La municipalité et un détachement d'artillerie se retirent au château. Les ennemis du bien public s'emparent de leurs personnes. Ils sont condamnés à être fusillés. Ce supplice ne paraît pas satisfàire leur atroce vengeance. Ils obligent les pères, les mères, les épouses de ces infortunés de venir assister à cette scène digne des tigres. Ces patriotes sont conduits hors de la ville, dans un champ appartenant à l'un deux^le sieur Durand.' On creuse leurs fosses en leur présence. On leur offre pour toute consolation un prêtre réfrac-taire. Ils invoquent la clémence céleste et la vengeance de la justice. Ils sont fusillés, et la mort se rend tardive à leurs vœux; plusieurs respirent encore, et ils sont enterrés vivants.
Le sieur Mulot qui a dit à la barré que la ville de Paris n'avait pas donné naissance à un monstre, s'avoue le protecteur de ces assasins atroces. Il paralyse les tribunaux et le corps représentatif. Il prétend que la haute cour nationale d'Orléans est seule compétente pour juger ce forfait commis sur une terre étrangère a l'Empire français. Il fait mettre en état d'arrestationh maire, le procureur de la commune et deux municipaux. Il les relâche quelques jours après
et défend toute poursuite juridique. Les patriotes sont impunément égorgés à Caromb, à Gigondas ; et le sieur Mulot et toute cette cohue ministérielle, si criarde lorsqu'une juste vengeance touche les aristocrates, demeurent muets et dans l'inaction. Un détachement de la garde nationale d'Aix relève la garnison de Caromb. Ces soldats de la liberté, indignés du crime et de la protection de deux des médiateurs, s'emparent de quatre des assassins, s'applaudissant d'avoir barbare-ment tué leurs concitoyens. Des ordres sont donnés aux gardes nationales d'Aix de quitter Caromb ; ils obéissent, mais ils ne lâchent pas ces scélérats, qu'ils croyaient réservés à servir d'exemple à leurs pareils. Ils le conduise à Lisle. Ils sont incarcérés et soigneusement gardés.
Quelques jours après, le sieur Mulot, fatigué du zèle, du patriotisme et de la vigilance de ce détachement, le renvoie. Il est remplacé par des Soissonnais. Il force alors par des réquisitions appuyées de baïonnettes la municipalité de donner la liberté à ces monstres comme il l'a déjà donnée aux frères Sainte-Croix. Les mères, les veuves des infortunés patriotes de Caromb se présentent à Courthison, devant Mulot, pour demander vengeance des horreurs qui jettent l'alarme et l'épouvante dans le Comtat et dans les départements voisins; elles sont menacées de la prison si elles ne se retirent.
Voilà la conduite de ce médiateur impartial ; voilà cet homme qui s'est voué à la Constitution; voilà ce représentant d'une grande nation juste et loyale ; -voilà ce moine que les aristocrates veulent déifier en fondant une fête en son honneur, pour chanter des hymnes qui rappellent les noms et le nombre des patriotes qu'il a fait massacrer.
Quatre lettres, écrites par cet homme exécrable, prouvent ce fait que notre plume ne trace qu'avec l'effroi et les déchirements des âmes sensibles. Pareilles scènes de sang se commettent à. Bédouin, au Barroux; partout les assassins trouvént des protecteurs dans les médiateurs; et le sieur Le Scène force la commune de Malau-cène à Salarier ces bourreaux à quinze sous par jour. Il les assimile à ces généreux citoyens qui quittent leurs foyers pour défendre l'Empire et fa liberté. Les lois sont partout suspendues dans le Comtat, par ceux qui en ont garanti l'exécution au nom de la France. Les représentants du peuple, déjà assassinés dans les personnes de la Villasse, d'Anselme et Durand. Trois de leurs collègues sont menacés du même sort ou de la prison. Les pouvoirs qui leur ont été confiés par le vrai souverain sont réduits à une vaine représentation. Mulot s'entoure de factieux, parle de la France, maintient dans le Comtat de .satellites qui attentent journellement à la vie et à la liberté des citoyens.
Les décrets de l'Assemblée nationale, devenus la loi d'Avignon et du Comtat, sont suspendus
§ar ses ordres. L'assemblée électorale, chargée
e les faire exécuter, lui envoie une députation pour avoir une explication sur une conduite aussi contraire aux droits des nations, au vœu de la France, et aux pouvoirs qu'elle a délégués à ses médiateurs. Les députés sont outragés, indignement renvoyés; et le sieur Le Scène déclare qu'il ne veut plus reconnaître le corps représentatif. Le soir même, ces deux despotes, dignes de remplacer les Italiens, signent la suspension et la dissolution de ce corps, dont les membres ont été nommés dans les assemblées primaires de chaque commune ; de ce corps
avec lequel ils ont traité, à l'aide duquel ils sont entrés dans le Comtat, sur la réquisition duquel ils ont introduit des troupes dans ce pays. Ces deux médiateurs refusent ae faire retirer le régiment de Soissonnais, instrument de leur tyrannie contre les patriotes.
Les plaintes et les délits qui les ont occasionnés leur sont constatés ; ils répondent que c'est outrager la France, que de se plaindre des excès commis par ses troupes. La résistance, quoique modérée, que leur oppose l'assemblée électorale, devient un crime à leurs yeux. Ils donnent des ordres aux communes et aux citoyens pour ne pas exécuter les lois déjà promulguées, ils forcent les séquestres à payer les moines et les membres du clergé supprimés. Les gardes nationales sont désarmées. Le sieur Mulot autorise l'officier commandant le détachement de Soissonnais au Thor, de-menacer le maire de cette ville, de le mettre aux fers. Il lui fait enlever les clefs des portes et réduit les patriotes dans l'état affreux de voir renouveler à chaque instant la scène horrible du colonel Bressi, fusillé par les aristocrates, parce qu'il veut être Français. Ces monstres, qui lui ont arraché la vie, menacent et sont applaudis par Mulot. La garde nationale de Lisle éprouve le même sort que celle de Thor, sa vçisine. Les patriotes sont assaillis, obligés à chercher leur sûreté sur des terres étrangères.. L'abbé Escoffier à Garpentras, est processé, incarcéré par l'ordre de l'évêque italien supprimé. Le sieur Mulot annonce que tout va bien dans cette ville, que tout s'y fait par ses ordres. Il s'oppose à Avignon au payement du détachement de la garde nationale ; il met tout en œuvre pour empêcher la rentrée des deniers publics; il soulève les créanciers de l'Etat ; il souffle de toutes parts le feu de la discorde, la haine, la dissension ; il provoque partout le meurtre, l'assassinat; il fait du Comtat le théâtre de la plus déplorable anarchie; c'est le vœu de son cœur et le fruit de ses intrigues. Il veut avoir un motif de détruire les amis de la Constitution, de pallier l'abominable conduite qu'il n'a cessé de tenir depuis son entrée dans le Comtat, l'oppression dans laquelle il a fait gémir les amis de la Constitution ; la protection, la faveur continuelle qu'il a accordées aux assassins exigent de lui une grande tactique pour engager les patriotes à quelque fausse démarche pour tonner ensuite contre eux, les dénigrer dans les journaux, et y faire insérer les articles favorables à ses vues, après les avoir rédigés lui-même.
Les amis ae la Constitution soutenaient les persécutions du sieur Mulot et de son collègue Le Scène avec ce courage froid qu'ils avaient opposé aux armes des aristocrates à Sarrians et dans toutes les occasions où ils avaient osé se présenter devant eux. Cette contenance déconcertait les projets des machinateurs. La rage impatiente, les intrigues criminelles de ces deux médiateurs ne purent produire qu'une légère commotion à Avignon. L'expulsion du maire et de quelques officiers municipaux dénoncés, accusés, suspendus de leurs fonctions, et mis en état d'arrestation, à,la suite des prévarications et des projets les plus funestes, dictés, autorisés et projetés parle sieur Mulot.
Ils étaient convenus d'introduire dans cette ville une partie du régiment de Soissonnais, un train d'artillerie pour traiter encore plus durement les patriotes d'Avignon que ceux du Thor, de Lisle et de Cavaillon. Ce complot fut découvert; ils surent se préserver du sort qui leur
était préparé. Le sieur Mulot nia dabord avoir donne les ordres de faire entrer cette troupe. On lui présenta l'expédition originale signée de sa main. Il entra en fureur et jura la perte des chefs de l'assemblée électorale et de l'armée. 11 les a dépeints, dans sa prétendue justification, comme des ambitieux, des factieux, des hommes avides de carnage. Il avait sans doute oublié la lettre qu'il avait adressée, trois jours avant le licenciement de cette armée, le 1er juillet, à M. de Ferrier, général de la septième division, commandant les troupes introduites dans le Comtat. Voici comment il s'exprimait :
c Cependant, il ne faut pas oublier que ceux qui reviennent de l'armée de Monteux sont des citoyens qui ont tout sacrifié à la liberté, qu'ils méritent estime et considération. On doit surtout éviter toutes désignations de parti, toujours odieuses, mais moins pardonnables encore, quand elles portent sur ceux qui ont eu le courage de verser leur sang pour maintenir leur liberté. »
Ces citoyens, sieur Mulot, sont les mêmes aujourd'hui qu'ils étaient à cette époque où vous les avez reconnus dignes d'estime et ae considération. Ils ont fidèlement exécuté le traité dont vous étiez garant ; ce que vous êtes bien loin d'avoir fait. Ils se sont séparés et ne se sont plus réunis. C'est donc en vain que vous avez employé votre éloquence monachale et mensongère pour les représenter sous les couleurs les
§lus odieuses. Vous avez permis que plusieurs
e ces citoyens qui avaient empêché une contre-révolution dans le midi de l'Empire français, fussent froidement égorgés en rentrant dans leur patrie. Vous êtes courroucé de ce qu'ils n'ont
Èas voulu individuellement ployer sous le joug
umiliant de votre despotisme et qu'ils n'ont pas présenté leur tête au cordon que vous leur présentiez comme un pacha asiatique. Si ces amis de la Constitution, ces défenseurs de la liberté, eussent été moins modérés, ils vous auraient chassé d'une terre libre, où vous donniez l'exemple d'une tyrannie cent fois plus cruelle, plus redoutable que celle des ultramontains. Ils ont respecté en vous l'envoyé d'une nation généreuse et loyale dont ils voulaient devenir membres. Vos persécutions ne ralentirent pas leur zèle, leur activité pour parvenir à ce bonheur. Vous versez sur eux à pleines mains le poison de la calomnie : vous employez cette arme familière aux lâches et aux pervers. Votre âme inaccessible à la honte, ose attaquer l'âme errante de Lescuyer, de l'assassinat duquel vous êtes le premier auteur. Vous accusez vos dénonciateurs de vous calomnier; justifiez-vous des prévarications dont ils vous accusent ; traduisez-les devant les tribunaux. Ils ne suivront pas votre marche fugitive. Forts de leur conscience, ils paraîtront, ils vous répondront, vous confondront. Vos conseils, vos protecteurs doivent connaître les lois. Elles défendent toute récrimination. Tout ce que vous direz contre eux ne les atteindra pas dans l'opinion publique, jusqu'à ce que vous soyez justifié.
Le sieur Mulot, brûlant du désir criminel de perdre les patriotes, crut avoir trouvé un prétexte spécieux, dans quelques dissensions, aussitôt assoupies que connues.
A Sorgues, quelques vieux fusils de chasse et des cartouches déposés au couvent des Célestins de cette ville, avaient irrité les désirs de vengeance de quelques aristocrates, réduits au désespoir en apprenant que l'Assemblée constituante
allait enfin prononcer cette réunion tant désirée par les amis de la Constitution, et si détestée par leurs adversaires. Ils croyaient, en s'emparant de ces armes, occasionner une commotion et profiter de l'état de détresse où le sieur Mulot avait réduit les patriotes. Ils en voulaient particulièrement au maire et aux officiers municipaux, fermes, depuis les premiers moments de la Révolution, dans le chemin de la liberté. Leur plan fut découvert. Les fusils furent déposés à l'Arsenal d'Avignon; les mutins amendés. Ils se plaignirent au sieur Mulot, leur protecteur. La délicatesse de ce médiateur, cette conscience timorée, cette scrupuleuse rigidité, cet attachement sans borne, dont il était animé pour exécuter le traité de paix du 14 iuin, toutes ces sublimes qualités restées engourdies lors du massacre des patriotes, dans la moitié des communes du Comtat, se réveillèrent avec impétuosité. Le zèle saint de la justice s'empara de son âme. Elle fut déchirée en apprenant qu'un maire, que des officiers municipaux avaient condamne à des amendes de 40 sous, des aristocrates rebelles aux lois. Son bras vengeur s'arme de toutes les forces militaires que le pouvoir exécutif avait loyalement placées à sa disposition. Des administrateurs d'une commune, usant des droits que la loi et la société leur donnent, pour réprimer un germe de contre-révolution, sont à ses yeux des criminels qui doivent perdre la vie, la liberté; leurs maisons doivent être livrées au pillage, et leurs champs à la dévastation. Cette sentence est prononcée dans l'âme de l'équitable Mulot, et bientôt exécutée. Elle vient faire taire les sons joyeux des instruments qui, depuis trois jours, annonçaient dans Avignon et dans le Comtat, l'heureuse nouvelle de la liberté, par la réunion à l'Empire français. La joie des bons citoyens est le tourment des méchants. Les cris de mort succèdent aux chants et aux danses. La ville de Sorgues est surprise, dans la nuit du 19 au 20 septembre, par des détachements d'infanterie et de cavalerie. Les aristocrates, amendés par le maire, servent d'indicateurs à cette troupe. Elle ne s'annonce par le son d'aucun instrument. Elle enlève la sentinelle, s'empare du corps de garde. Les amendés assurent que ces gardes nationales sont des brigands. Un coup de fusil tiré à poudre sur la troupe de ligne, par un homme apposté par le sieur Mulot, devient le signal du massacre, de l'emprisonnement, du pillage et de toutes les horribles calamités d'une ville prise d'assaut. Le sieur Pochi, officier municipal, malade depuis deux mois, quitte son lit pour chercher un abri sur le toit de sa maison, dont la porte était brisée : il est fusillé. L'hôtel commun regorge des prisonniers saisis dans leurs lits. Les femmes et les filles sont insultées. Les pères et les époux craignant eux-mêmes la mort, les abandonnent à la fureur des soldats. Plusieurs se sauvent en franchissant les murs de la ville. Les maisons sont souillées, pillées : la mince vaisselle d'argent des patriotes leur est ravie. Ceux qui ont combattu trois mois pour être libres et Français, sont mis à mort, sont saccagés par les envoyés d'une nâ- , tion protectrice, qui voulait faire cesser leurs malheurs.
Le général Mulot était à Courtheson, à une lieue ae Sorgues. Des courriers lui apprenaient à chaque instant les succès de ses armes. Un officier municipal tué, des femmes et des filles violées, des maisons pillées et 25 prisonniers pris dans leurs lits, étaient des débuts glorieux pour un moine devenu tacticien. Aussi, voulut-il, comme
les généraux romains, jouir de son triomphe,voir les captifs à ses pieas et entreprendre de nouvelles conquêtes. Il fit une réquisition à M. de Ferrier, pour qu'il fit avancer toutes les troupes et toute l'artillerie à Sorgues. Le mouvement ordonné fut exécuté. Le sieur Mulot, entouré de 100 hussards, le sabre nu, prit son quartier-général au château de Brantes, à un quart de lieue de Sorgues. Sur ces entrefaites, le sieur Rovère, vicaire épiscopal du département du Gard, membre du Corps représentatif, séant à Bédar-rides, était invité à s y rendre pour célébrer la messe et chanter le Te Deum, en actions de grâces de la réunion à l'Empire français. Il passe devant la porte de la ville de Sorgues. Des aristocrates, mêlés avec des militaires, dont un était décoré, l'insultent grièvement, il leur répond avec la modération caractéristique de son état. Il apprend que la maison commune regorge de patriotes détenus prisonniers, exposés aux fers meurtriers de leurs gardiens. 11 voie auprès d'eux, les embrasse, leur porte des paroles de consola^-tion et d'espérance. On lui demande s'il connaît ces gens-là. Il se fait un devoir de déclarer qu'ils sont de ses amis et ceux de la Constitution. Le sieur Rovère est fait prisonnier : un rang de sabres et de baïonnettes s'oppose à sa sortie. Il représente à ces satellites égarés, avec cette force, cette énergie de l'homme libre et vertueux, que la France le vengera de la violation du droit des. gens qu'on exerce sur sa personne. Les rangs s'ouvrent : il sort, il monte à cheval pour se rendre à sa destination. Le sieur Mulot arrive pour contempler les suites de sa victoire. On lui rend compte que le sieur Rovère a été un moment prisonnier. Pourquoi l'avez-vous laissé échapper? répond saint Mulot; c'eût été une excellente capture ! Les regrets excitent le zèle intrépide de 8 assassins, quatre des amendés et quatre hussards montent à cheval et courent après le sieur Rovère. Des femmes qui fuyaient en pleurs, leurs dieux pénates, jettent des cris et des hurlements, en voyant ces hommes prêts à fondre sur une innocente victime de la rage du sieur Mulot. 11 s'aperçoit du péril ; il tâche de l'éviter. La vitesse ae son cheval le sauve. Il arrive à Bédarrides, ayant des actions de grâces multipliées à rendre à l'Etre suprême. Les coupe-jarrets du sieur Mulot retournent confus. Ils assurent le médiateur de tous les efforts qu'ils ont fait pour atteindre le sieur Rovère ; ils protestent que leur résolution était d'apporter sa tête, s'ils n'avaient pu amener sa personne. Le sieur Mulot, que les aristocrates d'Avignon veulent canoniser, témoigna sa rage et son regret. Voilà cet homme bénin qui a assuré que la ville de Paris n'avait pas donné naissance à un monstre, en lui donnant le jour. Cartouche et Desrues l'avaient précédé dans la carrière des crimes; mais ils ne l'avaient pas surpassé.
Le cadavre du municipal Pochi fut exposé à toutes les horreurs dont les cannibales auraient pu être susceptibles. Mulot passa vingt fois devant son ouvrage, sans daigner donner des ordres pour le fàire inhumer. Les prisonniers furent traités avec une inhumanité digne des Saletins et de tous les barbaresques réunis; mauvais traitements dont quelques-uns sont restés estropiés pour le reste de leur vie; menaces de mort j insultes les plus dégoûtantes, rien ne fut épargné. Le général Mulot témoignait, par dés ris immodérés, les sensations délicieuses que goûtait son âme atroce. Le sieur Pochi, ex-bénédictin assermenté, parent du municipal assassiné, était principale-
ment l'objet sur lequel portaient sesvengeances.il força le greffier d'écrire, lors de l'interrogatoire de ce prisonnier, qu'il s'avouait coupable d'avoir tiré sur la troupe de ligne, tandis qu'un soldat de Boulonnais attestait le contraire, et que l'interrogé répondait qu'il n'avait jamais tiré sur la troupe,* ni eu intention d'y tirer.
Muni de cette pièce qu'il croyait servir à pallier ses forfaits, tandis qu'elle en était un nouveau, le sieur Mulot fit transporter les patriotes captifs au château de Sorgues, où ils ont été privés de tout, et continuellement menacés d'être égorgés. Ils ont été laissés au despotisme du sieur Le Scène qui les a mis au cachot à Avignon. Ils n'ont cessé de réclamer les lois françaises qui assurent la liberté des citoyens. Leur persécuteur leur a écrit que leurs fers tomberaient lorsque les ministres donneraient des ordres. Nous imprimons sa lettre pour que l'Assemblée nationale et le public soient instruits des violations du droit des gens que les agents du pouvoir exécutif se sont permises sur une terre libre, étrangère à la France, jusqu'à la promulgation du décret de réunion.
Il restait encore, un crime à commettre au Néron de Sorgues : celui de forcer le maire et les officiers municipaux de s'avouer coupables des meurtres, des emprisonnements, du pillage et et des dévastations commis depuis le 1 y septembre; c'est ce qu'il a fait les armes à la main. 11 a tenu, pendant 15 jours, les administrateurs de cette commune sou s le fer, toujours menaçant leur tête,du même sort que le sieur Pochi,t leur confrère : il leur a fait signer des réquisitions, des ; déclarations qu'ils n'ont pas eu la permission de lire. Une situation aussi cruelle; leur était devenue aussi odieuse que la mort dont ils étaient menacés à chaque instant; mourir ou s'en délivrer fut leur résolution. Ils échappèrent à. la vigilance; de leur tyran, se rendirent à Avignon, le 8 novembre, où ils ont protesté, au, nombre de 32 citoyens, le maire en tête, contre tous les actes souscrits de leur part, comme arrachés par la force et la crainte. Retirés ensuite ,à Saint-Remi, Bouches-du-Rhône, ils ont été arrêtés par ordre du sieur Le Scène et mis aux fers dans les prisons d'Avignon. Leur crime est d'avoir dénoncé le sieur Mulot et d'avoir dévoilé une partie de ses scélératesses. L'ancien régime, quelque despotique qu'il pût être, n'offrirait pas un tableau aussi déchirant. Une persécution aussi indécente, aussi outrageante eût été réprimée par les parlements; et les sieurs Le Scène et Mulot seraient déjà, eux-mêmes, aux fers pour y avoir mis des citoyens sans décrets., Cette conduite est. terrible pour ceux qui en sont les victimes, et menaçants pour tout être qui aime la justice et la liberté. Le sieur Mulot a cru se laver de ces abominations, en présentant, en lisant à l'Assemblée des attestations louangeuses, souscrites par les aristocrates de-Sorgues et par ceux qui ont été em-. ployés au pillage. Les bons citoyens ont cru Voir le chef d'un attroupement de bandits amené devant des" juges, après avoir volé, assassiné, pillé, leur présentant des certificats de bonne vie et mœurs, délivrés par ses complices aussi criminels que lui. ii . ..
Nous n'avons pas entendu la nomenclature de ces dignes signataires; mais nous présumons et nous osons soutenir que M. de Ferrier, maréchal de camp n'est pas du nombre. Cet officier général connaissait à fond les menées et les intrigues du sieur Mulot; il les détestait dans son cœur; et c'est son patriotisme et son amour pour la
Constitution qui ont porté les ministres à l'éloigner d'Avignon et du Comtat, où il aurait constamment refusé de se prêter à égorger les amis de la Constitution, comme d'autres l'ont mis en pratique.
Le succès fatal du sieur Mulot à Sorgues et son impunité lui inspirèrent le dessein de traiter les patriotes d'Avignon avec la même férocité
3ue ceux de Sorgues. Sa correspondance avec la
ame et le sieur Niel, les délibérations incendiaires écrites sous, sa dictée, par la municipalité proscrite, les menaces des officiers et des soldats ae son armée contre les Avignonnais, les insultes faites au sieur Mollin, passant à Sorgues; au gendarme national porteur de lettres officielles; les jactances des aristocrates, la nouvelle nomination du sieur Le Scène, faite par le pouvoir exécutif malgré les réclamations de toutes les autorités constituées, la permanence du médiateur à Sorgues avec une armée de troupes de ligne, un train d'artillerie, violation manifeste du traité dont il était garant et des présages funestes pour les amis de la Constitution de tous les pays. Aussi, les Orangeois, profondément affectés de l'excès du malheur dont les patriotes du Comtat étaient environnés, députèrent ' à Bé-darrides, pour offrir aux électeurs un asile assuré dans leurs murs. Divers membres du corps représentatif, fatigués et tourmentés de l'oppression et du danger manifeste auquél ils, se voyaient exposés, quittèrent cette terre de sang et d'infortune : ils trouvèrent à Orange un abri contre la tyrannie du médiateur qui, venu pour apporter la paix, forçait les représentants du peuple à fuir leur patrie.
L'impunité enhardit le crime. Les plaintes portées contre le sieur Mulot, quoique appuyées des procès-verbaux les plus authentiques, ne produisirent d'autre effet qu'une assurance ae le rappeler. Le ministre de la justice dit qu'il fallait l'entendre; et celui de l'intérieur app'rouva hautement sa conduite, en disant que sa façon de voir (à lui Delessart) était bien différente de celle des plaignants. Un officier municipal assassiné, mutilé ; une Ville livrée aux mêmes horreurs que si elle eût été prise d'assaut, des patriotes détenus arbitrairement dans des cachots, n'offraient qu'un spectacle insignifiant à ces prétendus amis de l'ordre et de la paix. Ils auraient bientôt sonné le tocsin dans le sein de l'Assemblée même si quelque aristocrate avait souffert des torts réels ou mérités ; ils auraient invoqué alors la rigueur de ces lois qu'ils laissent si lâchement enfreindre lorsqu'il s'agit d'opprimer ou de massacrer les amis de la! liberté.
Le sieur Mulot, fier de la protection qu'il trouvait auprès de ceux qui, les premiers, auraient dû le faire rentrer dans son devoir, oubliant que deux de ses collègues étaient à Paris, que sa commission était indivisible, que les lettres patentes attributives de ses pouvoirs étaient formelles sur cet obj et, continuait à tyranniser le petit nombre de patriotes de Sorgues et ceux des environs; chaque jour voyait éclore quelque réquisition pour Torcer les municipalités voisines à fournir à l'armée du médiateur du pain, du vin, des paillasses. Il était toujours prêt à fondre sur Avignon, sur lequel ses regaras étaient continuellement fixés.
Il n'était cependant pas appelé à une si haute destinée : la destruction de Sorgues était le maximum de ses exploits : celle des patriotes d'Avignon et du Comtat était réservée au sieur
Le Scène, dont il n'était que le précurseur. La protection qu'il accordait aux assassins, aux factieux, aux prêtres réfractaires dont il était sans cesse entouré ; ses jactances d'entrer à Avignon , d'y exercer des vengeances terribles, étaient des motifs bien propres à soulever les aristocrates, et à leur faire concevoir le noir projet d'assassiner les patriotes.
Le 16 octobre, des placards incendiaires, des stratagèmes fanatiques mis en œuvre sur la statue de la Vierge, le bruit répandu au même instant dans tous les quartiers de la ville, que les hussards du sieur Mulot étaient aux portes ; les clefs de ces portes furtivement enlevées par les factieux et portées à Sorgues où les troupes étaient sous les armes, avant qu'on sût ce qui se passait à Avignon, produisirent l'effet désiré par celui qui était chargé de donner la paix au Comtat. Le tocsin sonne aux Gordeliers ; les ennemis du bien public y accourent en foule ; la Vierge Marie pleure de douleur , disent les scélérats ; vengeons le ciel irrité. Les sieurs Lami et Guillaume, suspendus des fonctions municipales, ordonnent à six de leurs complices d'aller s'emparer du sieur Lescuyer. Il est amené. On l'oblige de monter en chaire. Ces deux chefs des conjurés l'interrogent. Il répond avec l'assurance et la vérité de l'innocence. On lui impose silence. On l'appelle auprès de l'autel ; il y est massacré ; et Guillaume, revêtu à présent ae l'écharpe na-1 tionale, est le premier à porter une main parricide sur la personne de ce patriote estimable. On le force, avant de l'assassiner, d'écrire un billet aux administrateurs provisoires, pour les inviter à se rendre auprès de lui, pour donner des éclaircissements. La loi martiale est proclamée ; la garde nationale s'avance avec le drapeau rouge. M. Camille.de Rossilli, citoyen français, la devance. Il veut s'opposer au meurtre abominable qui va; se commettre sous ses yeux. On lui annonce le même sort, après que Lescuyer sera exterminé ! Ces bourreaux, auxquels les commissaires civils ont décerné l'apothéose, annoncent qu'il leur reste douze victimes à immoler. La garde nationale arrive, mais trop tard. Lescuyer respire encore; mais ce n'est que pour éprouver tous les tourments les plus cruels. Ses lambeaux sanglants sont emportés à l'Hôtel-Dieu, pour enlever ce spectacle déchirant à sa famille. Le sieur Mulot est instruit, par ses émissaires, de cette scène horrible. Il écrit aux administrateurs qu'ils se gardent bien de permettre aucune vengeance. Il demande à faire entrer des troupes pour augmenter ■ sans doute le désordre. Il qualifie la mort de Lescuyer du nom d'assassinat-vengeur ; ce sont ses propres expressions. Quelles inductions n'est-on pas dans le cas de tirer de ce qui a précédé, et-de la lettre d'un hommeqii appelle Un crime aussi horrible assassinat-vengeur? Les excès commis par le sieur Le Scène sur tous les dénonciateurs, sur tous les témoins, mis aux fers pour sauver le sieur Mulot, font frissonner de rage et d'horreur.
Les administrateurs de la commune, les officiers de la garde nationale, consternés de ce qui venait de se passer sous leurs yeux, craignant des suites encore plus funestes, s'entourent des Français voyageurs à Avignon. Ils les prient de les aider de leurs conseils, et d'employer avec eux tous les moyens dictés par leur civisme, pour calmer le courroux du peuple, f, MM. Gassendi et Mévolhon, membres ae 1 Assemblée constituante, et plusieurs autres citoyens
français, connus par leur patriotisme, se rendent à la maison commune ; mêlent leurs larmes à celles des Avignonnais. Ils rappellent la garde nationale aux sentiments de modération. On s'assure de quelques-uns des factieux, ils sont conduits aux prisons. On a soin d'annoncer que l'état de Lescuyer n'est pas désespéré ; qu'il laisse des espérances d'être rappelé à la vie. Le calme renaît pendant quelques heures ; mais l'orage reprend avec plus de force, lorsque la nouvelle de la mort de l'apôtre de la liberté vient frapper les oreilles et porter la douleur la plus amère dans les cœurs patriotes. Le peuple s'irrite, se rassemble; la fureur s'empare de chaque individu ; les administrateurs de la commune, les officiers de la garde nationale et des citoyens estimables emploient les menaces, les prières, les représentations; le peuple répond : « Vos efforts, vos menaces, vos prières, vos promesses sont inutiles ; la mort de Lescuyer restera impunie; ses assassins trouveront des protecteurs, comme ceux de Vaison, de Caromb, de Bédouin, de Barroux, de Gigondas, de Carpentras, de Sorgues. Déjà le sieur Mulot la qualifie du nom d'assassinat-vengeur. Puisque la justice est refusée aux patriotes, nous allons la faire nous-mêmes ; et si vous insistez plus longtemps, vous serez les premiers sacrifiés. »
Les prisons sont forcées quelques moments après, et les prisonniers sont immolés aux mânes de Lescuyer. Nous sommes loin de vouloir excuser ce crime ; mais si quelque chose a pu le provoquer, c'est la conduite et la lettre du sieur Mulot. Il arme le bras séculier; il saccage Sorgues parce qu'on a condamné des aristocrates à quarante sous d'amende. Une conjuration, précédée de tous les caractères les plus effrayants, se manifeste à Avignon : l'apôtre de la liberté est égorgé aux pieds des autels ; c'est une bagatelle, un assassinat-vengeur ; c'est le quatre-vingt-unième patriote assassiné depuis la médiation ; c'est le quatrième membre du corps représentatif d'un peuple libre et indépendant. La philosophie du sieur Mulot n'est pas émue ; il tente, au contraire, le lendemain, une expédition sur Avignon. Le général de Ferrier se refuse à ses plans ; il est dénoncé et il quitte enfin ces contrées qu'il a teintes du sang humain, où il a déshonoré la mission dont il était chargé. Spécialement envoyé pour faire cesser les hostilités, il les a remplacées par les meurtres et les lâches assassinats, plus dangereux que des batailles. Médiateur, il a mis le trouble et la dissension dans toutes les communes ; garant d'un traité qui assurait l'exécution des lois, il les a toutes violées pour satisfaire ses passions criminelles ; au lieu de porter le baume salutaire que la France croyait présenter aux comtadins, il a porté le fer et le feu, et rendu leur état si déplorable, que les patriotes gémissent dans les fers ou demandent l'aumône, tout moyen de subsistance leur ayant été ravi.
Un peuple qui a combattu deux ans pour être libre et Français, est fondé à croire qu'il sera vengé des noirs attentats que le sieur Mulot n'a cessé de se permettre contre lui. L'honneur de la nation française, du Corps législatif et les lois l'exigent impérieusement;
Signé : J.-S. ROVÈRE, Député des ci-devant États-Unis d'Avignon et du Comtat Ve-naissm auprès de l'Assemblée nationale.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. N° 1. Lettre écrite par les médiateurs à M. de Ferrier. A Avignon,
le er juillet 1791
La mission dont nous sommes chargés, général, est tellement hors des mesures ordinaires aux troupes de lignes que nous avons cru nécessaire de vous faire cette lettre pour être communiquée à MM. les officiers de l'armée afin que tous concourent au succès de notre négociation.
L'Assemblée nationale et le roi ont voulu rétablir la paix dans une contrée sur laquelle la France a laissé ses droits indécis jusqu au rétablissement de cette paix ; il est donc indispensable pour obtenir cet effet, que les troupes françaises chargées du maintien de l'ordre, accordent à tous, sûreté des personnes et des propriétés, qu'elles évitent avec scrupule aucun acte qui annonce partialité et prédilection pour aucun parti.
On doit protection à ceux appelés émigrants ; mais il faut bien se garder de donner à leur retour, l'air du triomphe, puisque ceux qui sont assez faibles pour abandonner la chose publique en danger, n'ont point le droit de reparaître avec un orgueil insultant pour les citoyens qui l'ont défendue.
Il ne faut pas, non plus, que les citoyens qui ont combattu pour leur patrie en abusent pour vexer ceux qui reviennent et qui ont toujours droit à la protection de la loi ; cependant il ne faut pas oublier que ceux qui reviennent de l'armée de Monteux (1) sont des citoyens qui ont tout sacrifié à la liberté et qui méritent estime et considération. ~
On doit surtout éviter les désignations de parti, toujours odieuses, mais moins pardonnables encore quand elles portent sur ceux qui ont eu le courage de verser leur sang pour maintenir leur liberté : enfin protection à tous, conduite égale envers tous, et aucune distinction des personnes, telles sont les mesures exigées par la médiation" des officiers et soldats français, celles que la loi commande, et qui sont à la charge de la responsabilité individuelle de tous les officiers employés dans le Comtat et à Avignon.
Nous connaissons, général, votre patriotisme et celui des troupes de ligne ; nous ne doutons point de l'empressement a remplir nos vues ; mais il était de notre devoir de prévenir les troupes contre les préjugés trop répandus par les divers partis et qui pourraient les induire en erreur.
Les médiateurs de la France : Signé : Le Scène-des-Maisons ; Mulot ;
Verninac-Saint-Maur.
Pour copie conforme à l'original, Signé : Defortair, D. M., Secrétaire de la médiation.
Il est ordonné à MM. les commandants des troupes françaises réparties dans les différentes communes de l'État d'Avignon et du Comtat Venaissin, de se conformer au contenu de la lettre ci-dessus, et de prendre les vues qui y sont
présentées pour base de leur conduite et des dispositions qu'ils auront à faire dans les différentes circonstances qui pourront se présenter.
A Avignon, le 3 juillet 1791.
Signé : de ferrier, Maréchal de camp, commandant général des troupes françaises réparties dans l'Etat d'Avignon et le Comtat Venaissin.
n° II.
Médiateurs de la France, entre les peuples d'Avignon et du Comtat Venaissin, députés par le roi.
Préliminaires de paix et de conciliation arrêtés et signés par MM. les députés de Vassemblée électorale, des municipalités d Avignon et de Carpentras et de Varmée de Vaucluse, pardevant MM. les médiateurs de la France, députés par le roi.
procès-verbal.
Cejourd'hui quatorze juin mil sept cent quatre-vingt-onze, MM. les députés de l'assemblée électorale des municipalités d'Avignon et de Carpentras et de l'armée de Vaucluse étant réunis en présence de MM. les médiateurs de la France, députés par le roi, sont convenus de ce qui suit, et en ont pris l'engagement formel pour ce qui concerne leurs commettants respectifs envers MM. les médiateurs de la France.
Art. 1er.
Chaque députation s'engage en droit foi à suspendre dès a présent toute hostilité, à licencier toutes les forces qui ont été armées pour la guerre, à établir et à protéger la liberté, la sûreté des campagnes et de la récolte des moissons.
Art. 2.
Il est convenu entre toutes les parties contractantes que l'assemblée électorale se réunira dans un lieu qui ne soit soupçonné d'aucune influence de parti,1e plus propre a la liberté des suffrages, et qui sera choisi par MM. les médiateurs.
Art. 3.
Pour hâter le succès des intentions bienfaisantes de l'Assemblée nationale de France, les députés de l'assemblée électorale arrêtent qu'elle ne s'occupera que d'objets relatifs à la médiation, pendant tout le temps de sa durée.
Art. 4.
Il a été arrêté par toutes les parties que, pendant tout le temps que l'assemblée électorale s'occupera de la décision de l'état politique du pays, tous les corps administratifs seront circonscrits dans les droits qui sont de leur essence, et qu'ils ne s'attribueront aucun de ceux qui appartiennent exclusivement au corps représentatif de la nation.
Art. 5.
Pour assurer l'exécution des présents préliminaires, pour rendre à ceux qui auraient pu être violentés ou intimidés par la force, leur liberté entière et absolue, enfin pour prévenir les désordres de ceux qui, après le licenciement de l'armée, pourraient se répandre dans les campagnes pour y exercer des vexations, MM. les députés de l'assemblée électorale, des munici-
palités d'Avignon et de Carpentras demandent unanimement à MM. les médiateurs de la France :
1° De se porter pour garants envers et contre chacun des contractants, comme aussi contre toute association ou attroupement faits dans le Comtat pour s'opposer à l'ordre public, de tous les engagements ci-dessus mentionnés ;
2° De placer dans les deux villes d'Avignon et de Carpentras, et dans tous les autres lieux où besoin serait, des troupes françaises pour prévenir les maux prévus dans le présent article, bien entendu que les armées ne seront licenciées qu'après qu'on aura pris lesdites sûretés pour établir l'ordre.
Art. 6.
Il a été convenu entre toutes les parties que les présents préliminaires seront envoyés à toutes les communes de l'Etat d'Avignon et du Comtat Venaissin, à l'effet de nommer chacun un député, muni de pouvoirs suffisants pour contracter et souscrire les présents engagements.
Art. 7.
Il a été arrêté enfin que tous les prisonniers respectivement faits seront rendus mutuellement sans rançon, et à l'instant du licenciement des armées.
Les présents préliminaires ont été arrêtés et signés par les députés ci-dessus désignés, pour être executés aussitôt après la ratification des commettants respectifs ae chaque députation en présence de MM. les médiateurs de la France, députés par le roi, lesquels ont signé avec les contractants, comme garants et témoins des présentes.
Fait à Orange, les jour et an que dessus.
Signé : Duprat, président de l'assemblée électorale du département de Vaucluse, séante à Cavaillon; J.-S. Rovère, lieutenant général; Rovère, prêtre, électeur; Waton, électeur ; Lèscuyer, électeur ; Laugier, électeur; Sabin-Tournal, aide de camp; Minvielle, lieutenant général ; Richard, maire d'Avignon ; Eydoux, député de Carpentras; Guillaume, officier municipal d'Avignon; Barjavel le jeune, député de Carpentras; Escoffier, député de Carpentras.
Et MM. les médiateurs de la France : Le Scène-des-Maisons, Mulot, de Verninac - Saint-Maur.
Certifié conforme à l'original, resté aux Archives de la médiation de la France. A Orange, ce 14 juin 1791.
Signé : Forlair, docteur en médecine, secrétaire de la médiation.
N° III.
Lettre de M. l'abbé Mulot à M. l'abbé Pochi, à Sorgues.
Vous devez croire, Monsieur, que je ne me fais pas un jeu de votre captivité. Votre caractère de prêtre m'aurait porté sans doute à l'indulgence, si vous n'aviez pas été si violemment accusé. Je vous aurais rendu aux instances des patriotes Orangeois, si je n'avais pas attendu réponse des ministres à qui j'ai écrit pour ce qui concerne tous les prisonniers. Votre élargissement dépend d'eux. Aussitôt qu'ils auront parlé, vos fers pour-
ront tomber; mais je ne puis les rompre avant qu'ils l'ordonnent. Les commissaires civils vous apporteront peut-être l'amnistie ; je le souhaite pour vous ; et ce serait un plaisir pour moi de vous l'annoncer. J'ignore s'il manque quelque chose aux prisonniers ; je l'ai demandé plusieurs fois au maire, il m'a dit qu'il pourvoyait à tout; et même les offres que j'ai faites ont été refusées.
Signé : L'abbé Mulot, député à l'Assemblée-nationale.
Ce 8 octobre 1791.
A M. l'abbé Pochi, à Sorgues.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Supplément nécessaire au compte rendu par
M. Mulot (1), comme commissaire du roi à
Avignon (2)
Messieurs,
J'apprends, à l'instant où se termine l'impression de mon compte rendu à l'Assemblée nationale, que le sieur Rovère, se disant faussement député d'un corps qui n'existe plus, conformément et au pacte féaératif et à la loi du 23 septembre dernier, a fait paraître un mémoire contre moi ; qu'il m'y prodigue des injures que son éducation devrait lui interdire (3) et dont la défense de sa cause, si cette cause était bonne, n'aurait pas besoin ; qu'il m'y compare aux ministres des Phalaris, des Néron, des Héliogabale, des Brune-haut et des Louis XI; qu'il m y met au nombre des bas intrigants qui connaissent les routes tortueuses qui conduisent au crime, sans arriver à l'échafaud; et qu'enfin, dans cet écrit délicat, il s'écrie éloquemment que Cartouche et Desrues m'ont précédé dans la carrière des crimes, mais qu'ils ne m'ont pas surpassé.
Le sieur Rovère n'obtiendra pas de moi une réponse dans son style : je n'ai jamais cru qu'urte injure fût une raison. Mais je vais dire quelques mots sur diverses allégations calomnieuses qu'il a froidement combinées avec les grossièretés dont sa plume s'est souillée.
Croyant que ses calomnies doivent faire effet sur mon cœur, il ose donner d'abord pour preuve de la réalité de ses assertions, le peu de cas que j'en ai fait, et mon silence sur- le défi qu'il m'a proposé de paraître devant un tribunal. Sieur Rovère, écoutez et pesez ma réponse : je méprise des calomnies dont vous n'êtes en partie que Yécho : il me suffit d'avoir prouvé que ce sont des calomnies, et je vous abandonne à votre honte. Chez une nation régénérée, l'opprobre du crime en est la plus forte punition. Je ne suis pas descendu dans l'arène pour vous combattre corps à corps, devant , un tribunal : je ne suis
plus maître de ma personne, pour accepter cette espèce de cartel ; j'appartiens a la France entière, et il ne vous est pas libre de me faire descendre du siège où m'a placé la nation, pour obéir à vos lubies : mais en dédaignant vos caprices, je n'ai point fui l'œil de la loi. Si j'eusse été coupable, je ne serais point revenu en France; j'aurais été me réfugier chez cet êvêque de Rome, dont vous prétendez que j'ai favorisé les vues : j'aurais eu même des esperances en faisant cette démarche; et celui qui récompense d'une manière si éclatante, l'abbé qui a seulement défendu, par son éloquence, ses droits prétendus sur le Comtat et sur Avignon, n'eût pas pu mal accueillir l'autre abbé qui aurait voulu remettre ces terres entre ses mains.
Je n'ai point fui l'œil de la loi ; et j'ai remis au comité des pétitions toutes les pièces qui attestent mon innocence et votre noirceur. Je n'ai point fui l'œil de la loi... Il est actuellement en activité, ce tribunal d'Avignon où doivent être vengés les crimes qui ont affligé cette ville malheureuse; ces crimes dont vous demandez avec impudeur l'impunité, et que votre âme froidement atroce rejette sur moi. Eh bien! si les juges me trouvent coupable, comme vous le dites, ae la moindre complicité avec les assassins du sieur Lescuyer? du moindre complot de contre-révolution, du plus petit projet criminel sur Sorgues et sur Avignon; d'avoir voulu remettre dans les mains du pape des terres que la no tion venait de reconnaître pour françaises; d'avoir trempé mes mains, doublement sacrilèges, dans le sang d un seul homme ; s'ils reconnaissent que j'ai renversé les lois, empêché des tribunaux légalement constitués et généralement reconnus, de rendre la justice ; s'ils voient que j'ai tyran-niquement abusé de mes pouvoirs : conformément à l'article 8 de la section 5 du chapitre Ier du titre III de la Constitution française, ils lanceront contre moi le mandat d'arrêt, et l'Assemblée nationale, en reconnaissant par un décret qu'il y a lieu à accusation, m'enverra devant eux si c'est d'un crime privé que je suis prévenu ; ou devant la haute cour nationale, si, c'est d'une crime de haute trahison. Mais, en attendant, je resterai dans son sein, j'y dévoilerai ce cœur patriote que voùs peignez en vain gangrené d'aristocratie; et j'y ferai enfin entendre cette voix pure que j'ai peut-être à me reprocher d'avoir trop longtemps condamnée au silencé. Je laisserai japper autour de moi la haine, la vengeance et l'envie, sans redouter leur morsure ; et si je prends la peine de répondre quelques mots à votre nouvelle diatribe, sieur Rovère, ne vous enorgueillissez pas de ma condescendance : ce n'est point pour vous que j'écris; C'est pour consoler de bons citoyens, de "bons patriotes qui prennent intérêt à moi, et qui pourraient s'alarmer sur ma personne, en me croyant blessé de vos traits,
V pensez-vous, sieur Rovère, en me reprochant d'avoir été moine de Saint-Victor? Apprenez que c'est mon éloge que vous faites; sachez que jpai honoré cet habit monastique qui m'honorait ; sachez que c'est sous cet habit, qu'au jour du réveil de la liberté, ma section a trouvé un patriote ; sachez que c'est sous cet habit que seul j'ai soutenu le chqc de 500 furieux, dont le chef me tenait la pointe de son épée sur le cœur ; sachez que c'est sous cet habit que, par trois élections différentes, j'ai présidé la commune provisoire de Paris, dont j ai partagé tous les dangers ; sachez que c'est sous cet habit
que j'ai, le premier, au nom de cette même commune, accueilli, le juif et le comédien, et prouvé que la tolérance civile était une vertu essentielle de l'homme dégagé de l'esclavage des tyrans et des préjugés ; sachez enfin que cet habit monastique, je ne l'ai changé qu'au moment où la dissolution de ma maison s'est; opérée, et contre l'éçharpe municipale que je ne devais pas à l'intrigue, mais à la confiance de mes concitoyens, et que je leur ai remise sans tache, pour m'asseoir sur le siège des législateurs, où ils m'avaient placé pendant mon absence.
J'ai, dites-vous, déployé, un faste asiatique dans le Comtat, 014 ie suis entré plutôt en conquérant qu'en médiateur. Sieur Rovère, vous confondez avec le faste ce qu'exigeait la nécessité : et vous ne prenez pas garde que, sans le vouloir, vous inculpez avec moi, celui des trois médiateurs qui a conservé votre amitié; il ne fut ni moins ni plus, fastueux que moi : lorsque l'on sé porte dans les villes où la division règne, où les habitants se fusillent, pour y apaiser ces désordres, ce n'est pas par une garde personnelle, ce n'est pas par une fastueuse escorte dont on s'environne, cest une force protectrice que l'on conduit.
Vous me reprochez d'avoir demandé la liberté des deux frères Sainte-Croix, sieur Rovère, nous avons signé tous les trois cette demande ; et celui des médiateurs que vous dites n'avoir jamais été ni l'ami ni le protecteur des ennemis du bien public, a signé la lettre qui, en exécution de farticle dernier des préliminaires, contenait la demande de ces prisonniers sans rançon; ainsi, ces prétendus meurtriers d'Anselme et de Lavillasse, qui ne pouvaient, suivant vous, être protégés que par des assassins, ont trouvé cette protection dans celui dont vous vantez les vertus. Ne vous aveuglez donc pas au point de m'attribuer comme crimes des actes que s'est permis l'homme vertueux, et qui n'étaient que l'exécution de vos propres conventions.
Dans les remarques essentielles qui suivent mon compte rendu, j'ai répondu à vos inculpations sur ma conduite à I égard des prisonniers -dé Caromb. Consultez cette réponse, et vous verrez que, fidèle à la loi, j'ai fait tout ce que je devais faire, et que mes précautions me mettent à l'abri ae vos reprochés. J'ai déposé au comité les weuves de la conduite commnnè des médiateurs, es procès-verbaux de Carpentras, les pétitions des habitants de Caromb, et j'ai, par un simple exposé, mis en évidence la pureté de ma conduite particulière. Le dépôt que vous avez fait vous-même au comité, des réquisitions pour le transport de ces prisonniers à Sorgues et à Lisle donne un démenti formel à la plupart de vos assertions, et ce que vous présentez comme une preuve du zèle et du patriotisme des gardes d'Aix, se démontre, par vos propres soins, être l'effet de mes précautions, que, dans une autre circonstance, vous appeliez abus tyrannique du pouvoir. J'ai renvoyé, suivant vous,le détachement d'Aix, dont le zèle, le patriotisme et la vigilance me fatiguaient. Je vais déposer au comité la lettre du commandant de ce détachement, qui me demande son départ. J'interpelle de plus ici solennellement M. Pellouvier, qui le commandait, de dire que lui-même m'a demandé la liberté de l'un de ces prisonniers qu'il regardait comme innocent, qui l'était en effet, qui n'était point chargé dans les déclarations qui avaient été faites; et que, cette liberté, il la considérait comme une récom-
pense accordée à son détachement. Il en a porté lui-même la réquisition à la municipalité et ça a été une fête pour ces braves gardes nationales, de faire tomber les fers d'un citoyen innocent. Rougissez donc une fois, sieur Rovère, de l'impudence de vos mensonges.
Vous prétendez que nous avons paralysé les tribunaux. Je le sais, nous n'avons pas cru devoir livrer un seul citoyen à votre cour criminelle, formée au milieu de vos camps^ rai n'était reconnue de personne, et dans laquelle les accusés ne voyaient que des ennemis particuliers; si c'est un crime à vos yeux, c'est un acte d'équité et de médiation aux yeux^de tout homme juste; et le vertueux médiateur^ votre ami, en est le complice. Une preuve bien évidente que je n'ai point paralysé les tribunaux, c'est la réintégration du sieur Raphel, que j'ai signée, ainsi que MM. Le Scène et de Verninac. n
Quant à . ce que vous me reprochez sur ma conduite à l'égard de l'abbé Escof/ier, peu m'importent vos déclamations, j'ai la conscience de lui avoir sauvé la vie. Les procès-verbaux, mes lettres, mes réquisitions déposées au comité, prouveront que je n'ai point voulu l'abandonner au pouvoir arbitraire de l'officialité épiscopale, et que je ne trouvais pas bien ni fait par mon ordre, ce qu'on lui faisait approuver.
J'ai prouvé, dans mon compte rendu, que je m'étais opposé à tous les arrêtés de l'assemblee électorale, pris en contravention aux préliminaires de paix; et j'aurais mis ma gloire à en empêcher partout les effets, j'étais garant des préliminaires, et je n'étais pas, comme vous, un parjure.
Vous m'accusez d'avoir voulu faire entrer des Soissonnais dans Avignon, d'avoir été confondu par ma propre réquisition, d'avoir juré la perte ae ceux qui m'avaient ainsi prouvé clairement ma démarche. Oui, d'après un conseil tenu entre les trois médiateurs, nous avions jugé nécessaire de faire rentrer dans Avignon des troupes, conformément à l'article 5 des préliminaires pour y remplacer les Suisses et La Fère. Nous avions écrit à MM. de Coincy et d'Albignac pour en avoir : nous né pûmes en obtenir; et sur la demande qui nous fut faite par vous-même, de ne pas laisser entrer les Soissonnais, vous savez que nous leur donnâmes contreordre... Je n'ai donc pas pu me regarder comme confondu par cette représentation de ma réquisition, ni jurer votre perte. .
Vous vous servez d'une lettre favorable, écrite pour vous, afin de m'attaquer plus fortement, et de détruire ce que j'ai pu dire contre l'armée de Monteux. Quelle lâcheté! Nous voulions vous soustraire au couteau de la vengeance, et nous vous placions sous la protection de la loi. L'estime et la considération que nous disions que vous méritiez, vous la mériteriez encore si vous aviez toujours été fidèle aux préliminaires de paix, comme vous l'étiez alors. Nous avions tiré un voile sur votre conduite passée. Nous n'avions considéré que le motif que vous aviez mis en avant pour faire la guerre ; mais vous n'étiez pas sans reproche, même d'après le témoignage du médiateur.que vous chérissez. Et certes! n'en eût-on eu aucun à faire à l'armée dont vous étiez l'un des généraux, les assassinats dont ses chefs et ses membres se sont rendus coupables, leur feraient perdre cette estime que vous réclamez en vain pour eux. Vous regardez comme des calomnies ce que j'ai dit sur cette armée; faites donc taire les cris de ceux qu'elle a ruinés, et
jusqu'à la voix du sang des victimes qu'elle a égorgées hors du champ de bataille.
Je ne parlerai pas ici ae ma conduite à Sorgues, elle est mise dans tout son jour par mon mémoire publié à Sorgues même, et par mon compte rendu, ferez-vous paraître, pour m accuser, les soi-disant patriotes échappés ae Sorgues, et que vous dites estropiés pour la vie ? leurs propres déclarations déposent contre vous ; il y est constaté qu'ils ne peuvent plus trouver les traces des coups qu'ils ont reçus.
Demanderez-vous si, parmi les signatures qui attestent ce qui s'est passé, dans la nuit, à Sorgues, se trouve celle de M. de Ferrier 11l ne pouvait pas me la donner, puisqu'il n'était pas cette nuit-la, à Sorgues, et malgré tout ce que Blayer, d'Orange, dans une certaine déclaration que vous avez déposée au comité, lui a fait dire contre moi, je n'aurais qu'à lui demander sa signature, pour détruire cette même déclaration : son honneur lui défendant de me la refuser. Blayer a pu, dans cette lâche déclaration, compromettre ce général jusqu'à lui attribuer une correspondance secrète avec certains chefs des factieux d'Avignon dont il se disait le porteur. Le général ne pourrait que nier cette affreuse conduite qu'il lui prête, et me rendre, à moi, la justice qu'il me doit.
Vous prétendez, sieur Rovère, que la commission étant indivisible dans ses opérations, je ne
Pouvais rien faire seul. Pourquoi donc l'Assem-lée électorale entière se contentait-elle de la présence de M. de Verninac seul, si elle la croyait indivisible, pourquoi voulut-elle faire partir M. de Verninac seul pour Paris ? Pourquoi, lorsque j'étais seul, les administrateurs provisoires d'Avignon me requéraient-ils de faire arrêter des fuyards ? Pourquoi tout le pays me venait-il demander des actes de médiation? Comment le ministre lui-même, qui connaissait sans doute l'étendue de mes pouvoirs, m'écrivait-il comme à un médiateur, lorsque j'étais seul, et comment pouvait-il flxér la fin de ma mission à l'arrivée de mes successeurs ?
Je me tairai, sieur Rovère, sur ce barbouillage sanguinolent d'une statue de Vierge que vous me prêtez; sur ces clefs des portes d'Avignon, que vous dites m'avoir remises; je vous ferais le défi de donner des preuves de ces faits, si je ne croyais pas m'avilir en me mesurant avec vous ; mais encore un instant, et le flambeau de la justice va percer les ténèbres qui couvrent les scélérats auteurs de ces faits, et toute la France verra que je ne suis pas de leur nombre.
Cette réponse, sieur Rovère, est ma dernière à toutes vos diatribes ; et je les dédaignerai désormais comme le sifflement des serpents.
Signé : MULOT.
QUATRIÈME ANNEXE
a la séance de l'assemblée nationale législative du 19 novembre 1791,
au soir.
EXTRAIT de la correspondance de F. Mulot avec les ministres, pendant le cours de sa mission à Avignon et dans le Comtat (1).
Je crois avoir, dans mon compte rendu (2), évidemment, établi mon innocence contre les inculpations accumulées sur moi par les sieurs Duprat et Rovère. Comme, cependant, je me suis aperçu qu'il restait encore dans quelques esprits des ténèbres qui les empêchaient de me voir tel que je suis, j'ai cru devoir ne pas m'en tenir seulement aux témoignages étrangers que j'ai apportés, aux raisonnements que j'ai faits, quelque concluants qu'ils puissent être, et j'ai voulu qu'on lût dans mon cœur. J'ai pris ma correspondance avec les ministres; j'ai fait l'extrait de mes propres lettres, de ces lettres que je leur avais écrites depuis le 21 août, et dans lesquelles je leur parlais, non pas en style diplomatique, mais avec cette effusion qui caractérise l'âme honnête, avec cette énergie qui convient à l'homme libre; avec cette franchise, enfin, que n'étouffait point la crainte de la publicité, puisque je ne pouvais pas croire qu'elles vissent jamais le jour. J'ai communiqué cet extrait aux comités chargés ae l'examen de l'affaire d'Avignon. Ses membres en ont paru satisfaits, mais ont désiré que je reprisse plus haut ma correspondance, et qu'à mes lettres ie joignisse les réponses. Je remplis leurs désirs. Puissent-ils être tous complètement éclairés sur mes vrais sentiments ! Puissent-ils ne voir en moi qu'un patriote zélé, qui n'a jamais dévié dans la route que lui traçait la Constitution ; qui, loin de partager ou de favoriser des projets de contre-révolution, les dévoilait, qui désignait avec courage les lieux, les personnes suspectes, et découvrait les antres où le fanatisme et l'aristocratie combinaient et préparaient leurs poisons; qui demandait de tous côtés des secours promis ou autorisés, et ne les obtenait pas, ou ne pouvait pas les conserver; qui n'avait d'autre boussole que la loi, et qui n'agissait jamais qu'avec elle ; qui, abandonné des uns, menacé par les autres, est toujours resté néanmoins inviolable ami de la liberté et de la Constitution, pour lesquelles il a juré de mourir!
Signé: MULOT.
A M. Duportail, ministre de la guerre.
Orange,
Monsieur,
Arrivés à Orange, sans y rencontrer le général Luckner, sans pouvoir Les médiateurs se recueillir des ^gnnaissances certaines sur les forces portées dans les environs fixent à Orange pour du Comtat, voyant d'ailleurs l'anarchie et les haines qui divisent et déchirent éviter les rivalités, cette contrée, nous crûmes qu'il serait imprudent peut-être, et contraire au succès de notre négociation, de nous rendre dans f une des villes ennemies, puisque c'eût été leur fournir une nouvelle cause de rivalité et d'envie.
En conséquence, nous résolûmes de nous fixer à Orange, et d'inviter tous les partis opposés à nous y envoyer des députés, afin ae préparer, loin du trouble et des factions, les préliminaires de la paix. En effet, les municipalités d'Avignon et de Carpentras députèrent vers nous, et nous reçûmes aussi une députation de l'assemblée électorale et de l'armée de Yaucluse dite avignonnaise. I!
Ici, Monsieur, nous devons dire que l'opinion, à Paris, sur cette assemblée idée de l'assemblée électorale nous a paru erronée. électorale.
A l'instant où les peuples d'Avignon et du Comtat ont déclaré leur indépendance, il s'est fait une confédération des quatre-vingt-quatre communes qui composent les deux Etats; elle eut lieu le 7 février 1791. Carpentras, qui avait souscrit à cette fédération, ne tarda guère à s'en éloigner ; elle n'y envoya point ses électeurs. Egarée par quelques esprits avides ae pouvoirs, et partisans de systèmes opposés par l'ancien esprit de rivalité qui toujours a divisé ces deux villes, elle chercha à former un parti opposé à celui des communes, ayant Avignon à leur tête. L'armée de Sainte-Cécile en fut le résultat; puis les meurtres des sieurs Lavillasse et Anselme ; puis tous les crimes publics et particuliers qui se multiplient depuis si longtemps dans cet état d anarchie et de guerre civile. A la tête d'une armée et sans moyens, l'assemblée électorale, sans doute, a souvent abusé. Ces abus ont servi à fortifier ensuite le parti de Opposition de Car-Carpentras, qui abusait à son tour ; et tout ce qu'on appelle ici les émigrants pentras contre elle, et les mécontents, c'est-à-dire les ordres privilégiés, ont profité de ces abus pour fortifier un parti qui soutenait leurs espérances.
Toutefois, malgré ces tentatives et ces oppositions de la part de Carpentras, il existait une majorité de soixante-dix-huit communes sur quatre-vingt-quatre,
2ui reconnaissaient l'assemblée électorale, et qui, depuis, l'ont encore cori-rmée, comme il conste par les procès-verbaux mis sous nos yeux et déposés à notre secrétariat.
Ainsi, devant traiter avec les parties belligérantes pour ramener la paix, et la partie principale étant cette assemblée électorale qui dirige et dispose de l'armée dite avignonnaise, il nous était impossible, et d'après les principes et d'après la position même des affaires, de ne pas reconnaître ce corps représentatif des peuples des deux Etats réunis par 1 acte de déclaration.
Nous admîmes donc ces députés aux conférences,, et comme il s'élevait de Toutes les parties leur part quelque difficulté de traiter avec des corps administratifs, qui, traitent entre les mains d'après les principes de la fédération, leur sont soumis, nous prîmes le parti, des médiateurs, pour faciliter la négociation, de faire contracter toutes les parties directement avec nous et sous notre garantie.
Après avoir passé deux jours et une nuit en discussions, nous parvînmes Préliminaires signés, enfin, le 14, à arrêter et faire signer, sauf ratification, les préliminaires que nous avons l'honneur de vous adresser.
Ce fut au milieu de ces négociations que nous apprîmes que le territoire de France venait d'être violé par des hommes armés et de l'association de Car- Territoire français pentras. Nous crûmes indispensable d'aller nous-mêmes vérifier les faits sur violé, les lieux, et nous y dressâmes le procès-verbal que nous avons l'honneur de vous adresser.
Cependant nous attendions la ratification des préliminaires que les députés étaient allé chercher auprès de leurs commettants respectifs ; celle de l'assem- Difficulté à la rati-blée électorale nous est parvenue incontinent ; mais nous avons éprouvé, de fication des prélimi-la part de Carpentras, des difficultés dont le prétexte était l'ancien système de naires. ne vouloir pas reconnaître l'assemblée électorale.
Courthezon,
Monsieur,
Nous avons l'honneur de vous informer qu'eu égard à des considérations dont nous venons de rendre compte à M. le ministre de la justice, nous avons lacé des troupes de différentes armes dans diverses communes des Etats 'Avignon et du comtat Venaissin. Nous vous envoyons ci-joint, Monsieur, Troupes placées dans l'état de position de ces troupes ; vous verrez, en l'examinant, qu'il atteint le diverses communes, double but de faire cesser les hostilités entre les deux Etats, et de couvrir nos
frontières contre toute violation de territoire, conformément aux vœux du décret de l'Assemblée nationale du 27 mai.
Les médiateurs de France entre les peuples d'Avignon et du comtat Ve-naissin.
Signé : Le Scène-des-Maisons, Verninac-Saint-Maur, Mulot.
Au même.
Depuis la clôture de notre dernière dépêche, un grand événement nous a frappés, et presse davantage encore l'entrée des troupes françaises dans les deux Etats. Les mouvements et préparatifs de guerre qui se faisaient de tous côtés, et que nous avions annoncés, nous avaient donné de justes alarmes ; nous sentions bien qu'il y avait un plan, sans toutefois en avoir les véritables Enlèvement du roi. données ; mais l'enlèvement du roi rend raison de toutes ces dispositions, et il est évident que c'était autant de chaînons de la grande affaire. La posture dans laquelle nous avons mis les troupes a tout décontenancé; et, sur notre réquisition, les chefs ont licencié leurs rassemblements d'hommes armés ; cependant, comme le système pourrait reprendre, nous croyons important de faire entrer sur-le-champ les forces françaises qui sont requises. Vous sentez, Monsieur, combien les communications du Comtat avec la Savoie d'un côté, avec les mécontents et les malveillants de nos départements méridionaux de l'autre, rendent ce poste dangereux. Tous les émigrants rentrent dans le Comtat, après avoir jeté dans nos villes voisines, où ils s'étaient retirés, des semences bien opposées à l'esprit de notre Constitution. Enhardis par les événements actuels, ils pourraient oser, comme déjà il nous est prouvé qu'ils l'ont fait, et il est de la plus grande importance d'arrêter leurs intrigues et les mouvements qu'ils pourraient exciter encore. Veuillez, Monsieur, appuyer les mesures que nous avons crues indispensables! Vous connaissez notre patriotisme et notre zèle, rien ne saurait le ralentir.
Nous avons l'honneur "de vous adresser la copie de la lettre que. dans ces ' circonstances, nous avons cru devoir adresser à M. le Président de l'Assemblée nationale.
Nous y joignons copie de notre circulaire aux communes des deux États.
Recevez, Monsieur, les assurances de notre respectueux dévouement.
Copie de la lettre écrite à M. le Président de VAssemblée nationale.
Monsieur le Président,
Chargés de l'exécution du décret de l'Assemblée nationale, relatif aux troubles d'Avignon et du Comtat, nous avions heureusement amené toutes les parties à signer la paix, lorsque nous avons appris la nouvelle qui aurait consterné l'Empire, sans la sage fermeté de ses immortels représentants.
Nous devions nous étonner, sans doute, que, depuis notre arrivée, à l'instant même où les parties belligérantes s'en remettaient à notre médiation, il se fit de nouveaux rassemblements d'hommes armés, qu'en parlant de paix, qu'après avoir signé les préliminaires qui l'assurent, on fit partout des préparatifs de guerre. D'après leur distribution, leur correspondance, les noms des chefs, des menaces même, dont l'effet était indiqué à un terme très prochain, il était clair qu'il existait un plan dont on préparait l'exécution, et les troupes que nous fîmes avancer sur la frontière du Comtat étaient destinées à fe faire échouer, quel qu'il fût.
Aujourd hui, Monsieur le Président, les soupçons se changent en certitude ; tant d'efforts de la part des partisans des ordres privilégiés, pour remuer les peuples, pour empêcher la paix et lever des forces nouvelles, tenaient sans doute au grand système de l'enlèvement du roi ; et le Comtat, par ses communications avec la Savoie d'un côté, de l'autre avec les environs de Jalès, et sa position au milieu des départements méridionaux qui déjà se partageaient sur ses intérêts, le Comtat était destiné à être le foyer d'un grand incendie.
Toutes ces circonstances. Monsieur le Président, nous déterminent à céder aux réquisitions du corps électoral et des principales municipalités qui veulent la paix, réclament l'exécution du décret du 20 novembre dernier, qui n'a
S oint été renvoyé, sollicitent des garnisons françaises pour leur propre sûreté.
ien déterminés à une réunion, après laquelle ils soupirent, ils nous conjurent de ne pas les exposer à des secousses dont les funestes effets peuvent se communiquer à l'Empire qu'ils regardent déjà comme leur mère patrie.
Nous espérons que l'Assemblée nationale daignera approuver des mesures dictées par le plus ardent patriotisme.
Au même. er juillet 1791
Monsieur,
Nous avons eu l'honneur de vous instruire de la position dans laquelle nous nous étions vus depuis le commencement de notre médiation entre les peuples d'Avignon et du comtat Venaissin, que nous n'avions point trouvé les troupes que l'on nous avait annoncé devoir faire un cordon sur les frontières que, vu les circonstances, la violation du territoire français en plusieurs lieux, surtout à Gigondas, la réquisition des principales communes du Comtat, d'avoir des forces françaises pour maintenir le calme, et empêcher les vengeances après la signature de la paix et licenciement de l'armée de Monteux, principalement d'après des rassemblements combinés par les contre-révolutionnaires comtadins avec les contre-révolutionnaires français, rassemblements d'où pouvait résulter une commotion méditée qui aurait ébranlé nos départements au Midi, nous avions été obligés de requerir des troupes de tous côtés, pour assurer le succès de nos opérations, et faire respecter la France. Comme les moments pressaient, les troupes ont eu une marche accélérée, se sont trouvées dans des lieux où elles avaient à peine ce qui est nécessaire; les soldats étaient sans lits, couchaient sur du foin nouvellement récolté, ce qui a manqué leur causer des maladies ; ils ne pouvaient point se déshabiller en plusieurs circonstances; nous avons été forcés de nous porter de plusieurs côtés, avec des escortes nombreuses, pour y rétablir le calme, que des émigrants, rappelés par la paix, troublaient par les horreurs auxquelles ils se livrent, envers les patriotes dont, en divers endroits, plusieurs ont été égorgés. Les courses précipitées, les mauvaises positions eussent peut-être fait périr des chevaux, si Précautions pour le» on n'eût eu soin de leur faire donner un supplément de foin; et le méconten- troupes, tement se fût emparé des soldats, si au milieu de leurs fatigues,-ils n'eussent eu quelque adoucissement; et conséquemment, sur les représentations qui nous ont été faites, nous avons requis cette augmentation de fourrage pour les chevaux, et de nourriture pour les hommes. M. de Ferrier n'a donc aucun ordre particulier, et il ne pouvait être ni inculpé ni responsable sur ce point; et il n en est aucun sur lequel nous n'ayons à nous louer de son activité, de son zèle pour maintenir l'ordre et la discipline dans les différents corps de troupes qu'il commande, et pour concourir aux succès de notre médiation. *
Signé ; Le Scène des maisons, verninac de SaïNT-MaUR et Mulot, médiateurs de la France.
Au même.er juillet 1791
Monsieur,
Nous avons l'honneur de vous envoyer ci-joint l'état de position des troupes que l'intérêt de la médiation dont nous sommes chargés a exigé que nous fassions placer dans différentes villes du Comtat et de rEtat d'Avignon ; vous verrez. Monsieur, en l'examinant, que nous avons rempli en cela le double vœu de l'Assemblée nationale, celui d'assurer notre territoire contre toute violation, et celui de faire cesser toute hostilité entre les peuples d'Avignon et du comtat Venaissin.
Les Médiateurs de la France, etc.
Au même.Avignon, ce
Monsieur,
Votre lettre, en date du 6 de ce mois, nous est parvenue, et vous nous y annoncez que, quoique nous ne vous ayons pas prévenu, vous approuverez cependant les dispositions que nous avions cru nécessaires, relativement à l'augmentation de fourrage pour les chevaux, et de nourriture pour les hommes.
Si nous ne vous avons pas prévenu, c'est que cela nous était impossible. C'était au moment même où la troupe demandait, où les chefs nous présentaient les besoins, nous faisaient connaître les dangers d'un refus, que nous faisions les réquisitions nécessaires, et conséquemment ce ne pouvait être qu'après coup que nous pouvions vous en informer.
Maintenant, Monsieur, afin que vous n'ayez pas un pareil reproche à nous faire, nous allons vous peindre la situation successive dans laquelle nous nous sommes trouvés avec les troupes, tant de ligne que les gardes nationales.
D'abord, Monsieur, en arrivant à Montélimar, nous avions cru trouver
M. Luckner, de qui nous devions, nous avait-on promis à Paris, recevoir les renseignements nécessaires, relativement à un cordon de troupes qui devaient ceindre le Comtat pour qu'il ne se fit aucune violation du territoire français ; Point de troupes à nous ne trouvâmes ni M. Luckner à Montélimar, ni le cordon sur les fron-l'arrivée des média- tières; nous commençâmes à Orange nos opérations, et nous y fîmes signer teurs. pardevant nous, les préliminaires de paix, tant par les députés d'Avignon que
ae Carpentras, ainsi que des chefs de l'armée ae Yaucluse et de l'assemblée électorale.
Pendant que nous travaillions à ces préliminaires de paix, il se formait des rassemblements militaires à Brantes, près du Vantoux, jusqu à Aubignan, ville très voisine de Carpentras ; il s'en formait au Leberon qui s'étendaient jusqu'à Saint-Jean-de-Grès et la Tour de Lagne : Carpentras, coalisé avec les chefs de ces rassemblements combinés, devait faire une sortie, et, soutenue par les troupes de Brantes et de Lagne, envelopper l'armée de Monteux, et dévaster le pays; nous venions licencier cette dernière armée, apporter la paix dans la contrée. Nous n'avions point de troupes pour en imposer, pour empêcher les dévastations ; nos pouvoirs ne nous permettaient rien, qu en cas de violation de territoire. Cette violation eut lieu, et un détachement du parti carpen-trassien, embusqué à Gigondas, y massacra un capitaine de l'armée de Vau-cluse, en blessa un autre, fît un troisième prisonnier. Arrivée de M. de Nous écrivions alors à M. Luckner à Grenoble ; mais nous adressâmes notre Ferrier lettre à Montélimar sous le couvert de M. de Ferrier. M. de Ferrier, autorisé
par M. Luckner, ouvrit notre lettre, et sentant notre position, accourut avec un bataillon de Sonnemberg, deux escadrons de hussards, et fit appeler ensuite le régiment de La Fère, deux bataillons de Soissonnais et quelques compagnies de dragons Penthièvre.
Les préliminaires de paix promettaient la tranquillité. Après le licenciement de l'armée de Monteux, les communes d'Avignon et de Carpentras nous demandèrent des forces qui pussent assurer cette tranquillité ; et tout à la fois les communes et la violation du territoire, et le licenciement nécessaire de l'armée de Monteux nous déterminèrent à placer des Soissonnais et des dragons à Carpentras ; La Fère, le bataillon de Sonnemberg et des artilleurs de Grenoble que M. de Ferrier avait fait marcher avec lui, et les hussards à Avignon.
Ces dispositions faites, nous licenciâmes l'armée de Vaucluse à Monteux; elle ramena l'artillerie à Avignon et les différents détachements fournis à cette armée, se disposèrent à rentrer dans leurs foyers.
Toutes ces opératians furent approuvées par l'Assemblée nationale, dans la loi du 4Juillet, qui nous autorise à appeler les gardes nationales au besoin, et qui confirme la garantie que nous avions donnée à toute la contrée. Meurtres à la ren- Cependant le licenciement de l'armée, en faisant rentrer dans chaque com-trée des détachements, mune le détachement qu'on avait fourni, y apportait la division, y ranimait les haines; à Caromb, et dans plusieurs autres endroits, les meurtres et les assassinats en furent les effets.
Nous appelâmes, pour contenir le pays, et assurer la garantie donnée aux personnes et aux propriétés, les gardes nationales de trois départements voisins.
Le département de la Drôme ne fit aucune difficulté ; celui des Bouches-du-Conduite des déta- Rhône nous refusa d'abord, puis, sur d'itératives réquisitions, nous en accorda; chements voisins. le Gard consentit premièrement à nous en donner, puis nous avons éprouvé de sa part des contradictions qui nous ont mis dans le plus grand embarras, embarras que, dans l'instant, nous allons vous peindre. *
Mais avant, nous devons vous dire que, par vos ordres, le régiment de La Fère étant reparti d'Avignon pour marcher vers la Corse, des gardes nationales de Nîmes vinrent les remplacer en partie ; des gardes nationales de Marseille, avant d'être réparties sur le Comtat et retenues plus longtemps qu'elles ne devaient l'être, parce que le département du Gard ne nous aonnait aucune réponse, .se trouvèrent en même temps à Avignon ; il s'éleva quelques diffi-Gardes nationales cultés entre elles, le bataillon de Sonnemberg et les hussards. Les menaces d'Aix et de Marseille succédèrent aux insultes; le sang eût coulé sans le noble mépris des injures et les troupes de ligne que montrèrent les officiers de ces deux corps, et comme ils n'eussent peut-peu d'accord. être pas pu contenir leurs soldats, comme les suites d'une action entre les
gardes nationales et les troupes de ligne eussent été incalculables, comme elles eussent pu se communiquer à toutes les frontières françaises, nous fûmes obligés de faire retirer les troupes de ligne jusqu'à Orange.
Nous fîmes porter les gardes nationales de Marseille sur les points du Comtat où nous les avions destinées.
Et nous nous trouvâmes alors avec les seules gardes nationales du Gard, entre les mains de qui nous avons remis le Palais et l'Arsenal.
Dans ce moment, nous n'avons donc dans ce pays qu?environ 1,500 gardes nationales réparties ; 2 bataillons de Soissonnais, moins 2 compagnies qui sont au Saint-Esprit, 2 demi-compagnies de dragons Penthièvre, 2 demi-compagnies d'artilleurs de Grenoble ou de Valence.
Le Gard, malgré toutes nos réquisitions, nous retire ses gardes nationales, et même celles des communes des districts de Sommières et de Nîmes.
De sorte, qu'après-demain mercredi, Avignon n'aurait pas un seul soldat étranger ; le Palais rentrerait entre les mains de la garde nationale d'Avignon qui n est composée que de personnes qui reviennent de Monteux, l'artillerie une fois entre leurs mains, rien ne pourrait inspirer la confiance, assurer la paix, et le pays serait perdu, la garantie de la France illusoire, et l'honneur français compromis.
Considérant cette position délicate, nous avons requis : 1° M. de Ferrier, de nous envoyer à Barbantane tous les hussards, et mercredi matin ils seront à Avignon; nous venons de le requérir de nous rendre les artilleurs qu'il avait emmenés, et cela pour mercredi. Sonnemberg ayant des lettres du canton de Lucerne qui l'empêchent de rentrer à Avignon, nous l'avons requis de nous l'échanger contré un régiment, en le priant seulement de ne point envoyer Boulonnais, qui est dans cette exaltation de liberté qui nuirait ici.
D'après les conseils de M. de Ferrier, nous avons requis : 2° M. d'Albignac de nous donner 2 bataillons de Bourgogne, et, 3° M. de Coincy de nous en donner autant de la division qu'il commande; nous désirerions bien que ce pût être la Marck.
Quand nous aurons ces forces, qui nous suffiront à peine, à raison des divisions d'intérêt et des haines, et des antipathies et du sommeil des lois, qui sont muettes dans toute cette contrée, nous élaguerons en grande partie les gardes nationales qui nous étaient nécessaires, au défaut des troupes de ligne, et dont le paiement nous a mis et nous met encore dans le plus grand embarras.
Au sujet de ce paiement, nous avons écrit à l'Assemblée nationale, il y a près d'un mois; nous nous sommes adressés aux comités diplomatique et d'Avignon et à M. de Menou, pour que ces gardes nationales fussent comprises parmi celles décrétées pour être sur les frontières, et qu'on ordonnât un versement dans la caisse de M. le trésorier des guerres, qui n'a payé que contraint et forcé, et maintenant s'y refuse entièrement, d'après le décret du 10 de ce mois.
Si l'on connaissait parfaitement notre position, le grand intérêt qu'a la France, les succès que nous pouvons tirer de notre médiation, les dangers auxquels l'expose le défaut de forces dans lequel nous laisse le département du Gard, et la pénurie des fonds, on ne concevrait pas comment, bravant les périls dont nous avons été personnellement menacés, nous pouvons résister à la fatigue, et presqu'à l'abandon où l'on nous laisse ; mais le courage qui nous a soutenus jusqu'à ce moment ne peut pas plus longtemps tenir lieu ae moyens : il faut payer les gardes nationales, qui aujourd'hui n'auraient pas eu de prêt, si nous n a^ons pas emprunté personnellement de quoi y suffire pour trois ou quatre iours, terme pendant lequel nous espérons avoir quelque réponse des demandes que nous avons faites à M. le garde du sceau, à M. de Menou et aux comités diplomatiques et d'Avignon.
Nous apprenons par les papiers publics, que nous sommes calomniés à Paris de toutes les manières ; mais nous sommes prêts à rendre tous comptes de notre conduite et de la moindre de nos démarches.
Le département du Gard nous a livré une guerre ouverte et il se vante même d'avoir des lettres favorables des ministres : nous ne pouvons pas croire que personne nous ait condamnés sans nous entendre. Déjà, un courrier extraordinaire a porté à Paris toutes les preuves de notre innocence, et nous avons cette confiance en l'Assemblée nationale qu'inspire la justice et notre bonne conduite.
Nous nous flattons, Monsieur, que vous plaindrez l'abandon où on laisse les commissaires médiateurs de la France dans un pays encore étranger ; que vous contribuerez à le faire cesser, et que vous approuverez nos démarches, qui n'ont jamais eu d'autre but que de répondre a l'honorable mission dont nous étions chargés, et à rendre heureux et paisible un pays où l'on nous a dit de ramener la paix et le bonheur.
Signé : Les médiateurs de la France.
Demande des troupes à M. de Ferrier.
Prêt des gardes nationales demandé aux comités diplomatiques d'Avignon.
Calomnies contre les médiateurs, répandues à Paris.
Abandon des média» teurs.
Au même.Courthezon, le
Monsieur,
Je suis très sensible au reproche que vous faites aux médiateurs de la France, d'avoir agi contre la loi, en tirant du trésorier des troupes, le paiement des gardes nationales qu'ils ont été forcés d'employer. Je partage ce reproche et je vais, en leur nom et au mien, m'efforcer de le repousser.
Du moment où le décret du 4 juillet a paru, qui nous permettait l'emploi des gardes nationales au défaut de troupes de ligne, nous avons été forcés d'en requérir : il fallait les solder, attendre, pour en avoir, que les fonds nous eussent été donnés, c'eût été manquer la pacification qui n'a reçu d'échec que depuis que nous ne pouvons plus avoir ces gardes nationales à notre gré, et depuis les
difficultés que l'on éprouve pour leur paiement, ainsi que depuis que les troupes de ligne sont en trop petit nombre pour que M. de Ferrier croie les faire agir.
Ne sachant où prendre le paiement des gardes nationales, nous avons écrit au comité diplomatique, à M. le ministre ae la justice, à M. Delessart; nous avons annoncé que nous nous étions adressés a la caisse du trésorier de la guerre, sur le refus des départements. Nous avons pressé une réponse; aucun reproche ne nous a été adressé; nous avons continué jusqu'au moment où M. Chambry a fait défense de nous rien donner, et à compter de cette époque, j'ai eu l'honneur d'écrire à M. le ministre de la justice et à vous, Monsieur, des lettres précises où notre conduite était exposée. Faites-vous représenter, Monsieur, celle que j'eus l'honneur de vous écrire le 15 août dernier, et vous y verrez que nous ne cachions pas nos actions ; nos réclamations pour le paiement des gardes nationales étaient formelles, et j'avais l'honneur de vous y prévenir que, pour ne pas laisser manquer leur prêt, qu'en vertu du décret du 10 du mois, nous refusait M. Donis, par ordre de M. Chambry, nous avions emprunté sur notre tête les sommes nécessaires pour y subvenir. Ce n'est donc point par la lettre du trésorier principal de la guerre à Toulon que vous avez dû apprendre ce que nous avions fait, mais bien par nous-mêmes, à moins que par quelque infidélité ou quelque oubli du bureau, notre lettre vous soit demeurée inconnue, malgré l'importance dont elle était. J'en ai la minute sous les yeux en vous écrivant celle-ci.
Je me flatte, d'après cet exposé et d'après la lecture que vous aurez faite de ma lettre du 15, que vous serez convaincu de la loyauté de notre conduite.
Depuis ces lettres, M. le ministre de la justice m'a annoncé que l'on donnerait des ordres pour le paiement des gardes nationales. M. Delessart nous l'a écrit lui-même, et cependant le peu que nous avons gardé est payé par nous sur les sommes affectées à nos besoins personnels. Il est impossible d'avoir une mission plus délicate à remplir que la nôtre, et de s'être vu, comme nous l'avons été, abandonnés de toutes parts; sans argent pour les gardes nationales, sans troupes de ligne, en assez grand nombre pour que M. de Ferrier se croie en force pour agir ; être armes de deux décrets favorables à la mission, et ne point trouver d'obéisSance à ces décrets dans les départements à qui le ministre même écrit d'obéir, dans les commandants des divisions voisines, qui refusent les troupes qu'on leur demande : telle a été jusqu'à ce moment notre position, qu'ont rendue plus désagréable encore les calomnies les plus insignes que les deux partis ont lancées contre nous. 1 '
M. Le Scène des Maisons est à Paris, où il est allé nous défendre. Je suis à lutter contre l'orage; j'ose espérer que la vérité luira, et que loin de mériter des reproches, qui nécessairement affligent l'homme honnête qui se sacrifie pour sa patrie, j obtiendrai, par le suffrage de l'Assemblée nationale, une justice qui me dédommage de mes peines, éloigne mes chagrins ét me paye des dangers que ma vie a courus par amour pour la Constitution française, au milieu de ce pays, au bonheur duquel j'ai travaillé sans relâche. L'un des commissaires médiateurs de la France entre Avignon et le Comtat,
Signé : Mulot.
Au même. Courthezon, le
..... Nous avions couvert les points du Comtat, où nous ne pouvions pas placer des troupes de ligne avec des gardes nationales tirées des départements du Gard, de la Drôme et des Bouches-du-Rhône. Depuis les ordres que vous avez donnés pour ne rien laisser tirer de la caisse des troupes de ligne, j'ai payé sur les fonds envoyés pour nos besoins personnels ; mais ces fonds épuisés eux-mêmes, j'ai été forcé de renoncer aux gardes nationales, et, à compter de demain, il n'y en aura plus dans le Comtat. Ainsi, dans un des moments les plus délicats, par le défaut de troupes de ligne, occasionné par le refus fait à nos réquisitions, soit par M. de Coincy, soit par M. d'Albignac, par le défaut d'ordres donnés à temps, quoique promis par deux ministres depuis le 14 août, et demandés par nous plus d'un mois avant, nous nous trouvons sans gardes nationales et sans un nombre suffisant de soldats français pour garnir les 131 lieues que renferme le Comtat. Avignon, cette ville si intéressante, que la France a mise sous sa sauvegarde, n'a pas un soldat français qui la protège. Les 300 gardes nationales du Gard, qui veillaient sur les établissements français, en ont été retirés hier par leur département ; et fussent-elles restées, nous n'eussions pas pu les payer. M. de Ferrier, que j'ai consulté, ne se trouve pas assez fort avec les Bourbonnais et les hussards pour se présenter à Avignon, qui, depuis que, par ses ordres, les hussards en sont sortis, est en proie aux dévastations de toute espèce, de sorte que la garantie française, accordée au Comtat par la loi du 4 juillet, est devenue illusoire. Sans doute, ce tableau vrai de cet abandon fait des personnes des médiateurs de la France, les justifiera aux yeux de la nation, mais ils auront la douleur de voir leurs premiers succès,
couronnés de l'approbation de l'Assemblée, s'évanouir par le défaut de forces et de moyens qu'ils ne pouvaient que requérir et qu'ils ont en vain requis... J'ai cru, Monsieur, devoir vous présenter cet état de situation, afin que, connaissant notre impossibilité d'agir efficacement, vous puissiez donner des ordres pour que des troupes viennent à notre secours. Si ces mêmes secours tardent, il sera dangereux qu'ils n'arrivent que lorsque il n'y aura plus de remède.
Signé : mulot.
Au même. Brantes-lès-Sorgues, le
.....Sous prétexte de la garde des fruits dans les champs, les patrouilles, de
leur part (des Avignonnais), ont circulé ; une d'entre elles s'est portée sur le territoire de Sorgues sans réquisition ; elle a été arrêtée, et comme elle est presque entièrement composée de déserteurs de nos régiments, même de ceux qui ont obtenu l'amnistie, conformément à la proclamation au roi, j'ai cru devoir les faire mettre en état d'arrestation, jusqu'à ce que je vous en eusse rendu compte, et que j'eusse obtenu votre réponse à leur sujet. Je vous prie de me guider sur ce que je dois faire à leur égard.
Je crois devoir vous prévenir, Monsieur, que,.de-jour en jour, la haine générale contre le régiment de Soissonnais augmente visiblement. A Lisle, à Cavail-lon, à Vaison, tout ce qu'il y a de patriotes demande qu'il soit retiré. J'ai communiqué au général les motifs des plaintes sur lesquelles les habitants fondent leurs demandes... Je ne saurais trop insister auprès de vous pour vous prier de mettre sous le commandement de M. de Ferrier le nombre suffisant de troupes, pour qu'embrassant dans un point de vue général tous les ci-devaiit Etats d Avignon et du comtat Venaissin, il puisse y fixer le calme sans que le pouvoir civil soit sans cesse troublé par des demandes partielles^ les unes d'entrées, les autres de sorties de troupes.
Signé : mulot.
Arrestation de la patrouille avignonnaise à Sorgues, annoncée. — Ordres du ministre demandés.
Plaintes contre le régiment ci-devant Soissonnais.
Demande de troupes.
Copie des lettres de M. Duportail, ministre de la guerre, à MM. les médiateurs de la France.
Paris, le
J'ai l'honneur, Messieurs, de vous adresser une copie certifiée de moi, d une proclamation du roi, expédiée en conséquence de l'article 3 de la loi du 27 du mois dernier, relative aux troubles d'Avignon, et aux moyens d'y faire cesser les hostilités.
Sa Majesté ne doute nullement que vous ne vous empressiez de faire, pour l'exécution de cette proclamation, tout ce que vos lumières, votre zèle pour le bien public et les circonstances vous suggéreront.
Le ministre de la guerre, Signé : Duportail.
Paris,
Je pense, Messieurs, que les vues qui ont fait rendre la loi du 27 mai dernier, relative à Avignon et au comtat Venaissin, seront d'autant plus sûrement remplies, que les déserteurs français, qui sont dans ces deux pays, trouveront plus de facilités pour revenir en France, et qu'il convient de fournir de quoi se rendre dans les lieux où ils jugeront à propos d'aller, à ceux qui n'en auraient pas les moyens. Vous pouvez, en conséquence, Messieurs, délivrer à ceux qui se présenteront à vous, des passeports, où, après avoir rappelé l'amnistie qui leur est accordée, vous énoncerez les lieux qu'ils vous auront eux-mêmes indiqués, et vous déclarerez que l'intention du roi est qu'ils reçoivent trois livres par lieue, par les soins des commissaires des guerres qu'ils trouveront sur leur route jusqu'à ces lieux. Je vous prie de leur faire des avances sur ce pied, pour mettre chacun d'eux en état d'aller jusqu au lieu de la résidence d'un commissaire
des guerres. Vous en serez remboursés sur l'état que vous voudrez bien m'envoyer.
Le ministre de la guerre, Signé : DUPORTAIL.
Paris, le
J'ai reçu, Messieurs, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, le 8 au mois dernier, par laquelle vous exposez que, vu la position où vous vous êtes trouvés depuis le commencement de votre médiation entre les peuples d'Avignon et du comtat Venaissin, vous avez été obligés de requérir des troupes de tous côtés pour assurer le succès de vos opérations ; que ces troupes ont fait des marches forcées dans des lieux où elles avaient à peine le nécessaire, et qu'attendu ces courses précipitées, et les mauvaises positions qui eussent peut-être fait périr des chevaux, si on ne leur eut donné un supplément de foin, et si pour adoucir le sort des soldats, dont le découragement s'était emparé, on ne leur eût aussi donné un supplément de nourriture : vous avez en conséquence, d'après les représentations qui vous ont été faites, requis cette augmentation de fourrage pour les chevaux, et de nourriture pour les hommes.
Quoique, dans tous les cas, ces suppléments n'auraient dû être accordés qu'après m'avoir donné connaissance des motifs qui les nécessitaient, je ne puis qu'approuver les dispositions que vous avez cru devoir prendre à cet égard.
Le ministre de la guerre, Signé : DUPORTAIL.
Paris, ce
Je n'ai pas reçu sans surprise, Messieurs, la
lettre que vient de m'adresser le payeur principal de mon département, avec celle du trésorier principal de la guerre, à Toulon, qui m'apprennent que vous vous êtes permis de contraindre le trésorier à vous délivrer une somme de 22,000 livres, pour subvenir aux dépenses de 2,500 hommes de gardes nationales, que vous avez appelés près de vous.
J'aurais cru, Messieurs, que l'article 5 du chapitre II de la proclamation du roi, du 20 août 1790, rendue sur une instruction de l'Assemblée nationale, concernant les fonctions des assemblées administratives,-en date du 12 dudit mois d'août, et que l'article 57 du titre III de la loi du 10 juillet dernier, parlaient assez puissamment pour vous interdire une semblable entreprise. Vous n'avez pas senti combien cette infraction aux lois était grave, puisqu'elle détruit d'abord essentiellement les dispositions que je suis sans cesse obligé de faire pour pourvoir à la subsistance des troupes de ligne et ensuite puisqu'elle rend illusoire la responsabilité de mon ministère; comment, en effet, pourrais-je raisonnablement répondre d'un service qui se trouverait ainsi exposé à être dérangé par un pouvoir étranger à mon administration ?
D'après ces observations, qui sont fondées sur la loi, que je n'ai pu me dispenser de vous rappeler, j ose croire, Messieurs, que voUs ne distrairez plus aucun fonds des caisses de mon département sans mon aveu immédiat, et je vous préviens d'ailleurs que j'ai donné des ordres pour qu'il ne vous en soit plus délivré ; mais je dois en même temps vous avertir que j'ai donné avis de votre position à M. Delessart, ministre de Vin-térieur, sur qui repose entièrement le soin de vous mettre en état de poursuivre votre mission, et de faire face aux dépenses qu'elle nécessite. Je ne doute pas qu'il ne prenne les mesures les plus promptes à cet effet, et je vous invite à lui écrire, afin de ne plus vous trouver dans un embarras qui, tel qu il puisse être, ne peut jamais vous dispenser de prêcher, par votre exemple, l'obéissance et la soumission a la loi.
Le ministre de la guerre, Signé : DUPORTAIL.
Paris, le
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 23 de ce mois, relativement au nouveau renfort de troupes que vous demandez pour assurer la tranquillité générale, soit à Avignon, soit dans, le comtat Venaissin; je m'étais flatté que l'Assemblée nationale compléterait, avant son départ* tous les arrangements qui étaient une suite indispensable de leur réunion à la France. Le peu de temps qui lui reste jusqu'au moment de sa séparation, et la multiplicité des objets essentiels qu'elle a encore à régler, ne permettent plus de croire qu'il lui soit possible de déterminer tout ce qui est relatif à ce pays ; mais pour ne pas laisser les choses plus longtemps en souffrance, je proposerai incessamment à Sa Majesté d'y faire passer le nombre de troupes qu'elle jugera suffisant pour y rétablir entièrement l'ordre et la 'paix.
Le ministre de la guerre, Signé : DUPORTAIL.
A M. Duport, ministre de la justice.
Orange,
Monsieur,
Nous sommes arrivés aujourd'hui à Orange, et nous nous empressons de vous rendre compte du petit nombre d'aperçus que notre entrée dans le Comtat nous procure.
Hier nous trouvâmes à Valence des députés de la municipalité, de la garde nationale et de la Société des Amis de la Constitution de la ville d'Avignon, qui nous y attendaient. Nous fûmes vivement sollicités de nous rendre directement dans cette dernière ville; mais apprenant que Carpentras est toujours assiégé, que les escarmouches sont journalières, nous crûmes devoir, avant tout, conférer avec le général Luckner. Notre marche fut déterminée pour Montélimar. Le général n'y a point encore paru. Cependant, en arrivant à Orange, nous apprenons que hier il y eut une affaire sérieuse entre les assiégés et les assiégeants. Nous avons pris le parti de dépêcher un courrier au général Luckner, à Grenoble. 11 viendra nous joindre, ou il nous fera donner les renseignements que nous lui demandons. De ces connaissances, de celles que nous avons acquises ou que nous nous occupons à recueillir, nous obtiendrons des résultats qui fixeront le plan de nos opérations.
Tous les partis paraissent fatigués de la guerre. La paix est le vœu et le cri de tous ; nous espérons beaucoup.
Signé : Les médiateurs de la France, etc... Le Scène-des-Maisons, Verninac-Saint-Maur, Mulot.
P. S. Le détachement du 40e régiment (Soissonnais) a éprouvé hier beaucoup de fermentation; il était question de renvoyer ses officiers. La Société des Amis de la Constitution de la ville de Montélimar a réussi à l'apaiser, au moins momentanément.
Au même.Courthezon,
Monsieur,
Arrivés à Orange, sans y rencontrer le général Luckner, sans pouvoir recueillir des connaissances certaines sur les forces portées dans les environs du Comtat ; voyant d'ailleurs l'anarchie et les haines qui divisent et déchirent cette contrée , nous crûmes qu'il serait imprudent peut-être, et contraire au succès de notre négociation, de nous rendre dans l'une des villes ennemies, puisque c'eût été leur fournir une nouvelle cause ae rivalité et d'envie.
En conséquence, nous résolûmes de nous fixer à Orange, et d'inviter tous, les partis opposés à nous y envoyer des députés, afin de préparer, loin du trouble et des factions , les préliminaires de la paix. En effet, les municipalités d'Avignon et de Carpentras députèrent vers nous, et nous reçûmes aussi une députation de l'assemblée électorale et de l'armée de Vaucluse, dite avignonnaise.
Ici, Monsieur, nous devons vous dire que l'opinion à Paris, sur cette assemblée, nous a paru erronée.
A l'instant où les peuples d'Avignon et du
Comtat ont déclaré leur indépendance, il s'est fait une confédération de 84 communes qui composent les deux Etats ; elle eut lieu en février 1791. Carpentras. qui avait souscrit à cette confédération, ne tarda guère à s'en éloigner; elle n'y envoya point ses électeurs. Egarée par quelques esprits avides de pouvoir, et partisans de systèmes opposés, par l'ancien esprit de rivalité qui toujours a divisé ces deux villes, elle chercha à former un parti opposé à celui des communes, ayant Avignon à leur tête. L'armée de Sainte-Cécile en fut le résultat; puis les meurtres des sieurs Lavillasse et Anselme, puis tous les crimes publics et particuliers qui se multiplient depuis si longtemps dans cet état d'anarchie et de guerre civile. A la tête d'une armée, et sans moyens, l'assemblée électorale, sans doute, a souvent abusé. Ces. abus ont servi à fortifier ensuite le parti de Carpentras, qui abusait à son tour, et tout ce qu'on appelle ici les émigrants et les mécontents, c'est-à-dire les ordres privilégiés. Ils ont profité de ces abus pour fortifier un parti qui soutenait leurs espérances.
Toutefois, malgré ces tentatives et ces oppositions de la part de Carpentras, il existait une majorité de 78 communes sur 84, qui reconnaissaient l'assemblée, et qui, depuis, l'ont encore confirmée, comme il conste par les procès-ver-baux mis sous nos yeux, et déposés a notre secrétariat.
Ainsi, devant traiter avec les parties belligérantes pour ramener la paix, et la partie principale étant cette assemblée électorale qui dirige et dispose de l'armée appelée avignonnaise, il nous était impossible, et d'après les principes et d'après la position même des affaires, de ne pas reconnaître ce corps représentatif des peuples des deux Etats réunis par la fédération.
Nous admîmes donc ses députés aux conférences, et comme il s'élevait de leur part quelque difficulté de traiter avec des corps administratifs, qui, d'après les principes de la fédération, leur sont soumis, nous prîmes le parti, pour faciliter la négociation, de faire contracter toutes les parties directement avec nous et sous notre garantie.
Après avoir passé deux jours et une nuit en discussion, nous parvînmes enfin, le 14, à arrêter et faire signer, sauf ratification, les préliminaires que nous avons l'honneur de vous adresser.
Ce fut au milieu de ces négociations que nous apprîmes que le territoire de France venait d'être violé par des hommes armés de l'association de Carpentras. Nous crûmes indispensable d'aller nous-mêmes vérifier les faits sur les lieux, et nous y dressâmes le procès-verbal que nous avons l'honneur de vous adresser.
Cependant nous attendions la vérification des préliminaires de paix que les députés étaient allé chercher auprès de leurs commettants respectifs; celle de l'assemblée électorale nous est parvenue incontinent; mais nous avons éprouvé, de la part de Carpentras, des difficultés, dont le prétexte était l'ancien système de ne vouloir pas reconnaître l'assemblée électorale.
Si nous jugeons de ce refus par les discours des députés de Carpentras eux-mêmes, il est bien évident que le peuple de cette malheureuse ville est égaré par quelques personnes dont les intérêts privés et les passions désordonnées le subjuguent et le sacrifient. Le procès-verbal de réponse qu'ils nous ont apporté prouve encore cette vérité, puisqu'il avait été arrêté qu'on assemblerait
la commune pour obtenir sa ratification et que les membres qui dominent dans ce conseil ont refusé de l'assembler. Leurs espérances - sont évidemment fondées sur deux rassemblements d'hommes armés faits l'un à Brantes, et s'étendant jusqu'à Malaucènes, Baroux, et l'autre formé au Luberon, et s'étendant par Bonnieux, Menèbre, Oppède et Lagne, où il campe dans la plaine dite de Saint-Jean de Grey. Ce qui prouve un plan et une intention dangereuse, c'est que ces camps se sont formés à l'instant même de l'arrivée des médiateurs de la France, dans le temps où nous exigions que tous missent bas les armes, et lorsque le général de l'armée dite d'Avignon, s'était engagé d'honneur envers nous de ne plus commettre d'hostilités. On projetait probablement de faire marcher ces deux armées de concert pour tomber ensemble sur celle d'Avignon, campée à Monteux; tandis que d'un troisième côté, ceux de Carpentras fondraient sur elle. Ainsi, en égorgeant ceux que l'on appelle patriotes, le parti opposé aurait dominé un instant ; mais pour voir renaître une guerre plus funeste encore et plus difficile à éteindre.
Les députés d'Avignon nous ont également, à leur tour, fait éprouver de nouvelles difficultés : celles-là portent sur d'autres prétentions. La municipalité d'Avignon et le corps électoral, au nombre de 14, sont restés en cette ville, et comme ils sont presque tous membres de la municipalité, ils ont prétendu que cette section forme la véritable assemblée, sous prétexte que les autres n'ont pas dû quitter la ville ; comme si une majorité ae 150 membres réunis ne décidait pas clairement la question.
Cette guerre de petites prétentions, de vanité et de vieilles haines, n'en désole pas moins cette malheureuse contrée, où il n'est plus possible d'aller d'un village à l'autre sans risquer d'être assassiné.
D'après cette position alarmante, les meurtres qui se commettent, et la violation du territoire ae France, nous avons cru devoir faire approcher d'Orange le peu de troupes de ligne qui se trouvaient dans les environs. Le général Luckner auquel nous avons écrit, nous a adressés à M. de Ferrier, qui commande au département de la la Drôme, et il vient de se rendre à Orange.
A peine était-il arrivé que l'assemblée électorale nous a envoyé un arrêté pris dans son séin, par lequel elle nous requiert, pour la liberté, la sûreté et l'ordre du pays, et surtout pour empêcher tous ces nouveaux rassemblements d'hommes armés qui menacent d'augmenter les troubles et les maux des habitants, de faire entrer des troupes dans le Comtat. Après y avoir mûrement délibéré, nous avons cru qu'il était important de dissiper tous ces attroupements nouveaux par un montre de forces capables d'en imposer aux malveillants ; mais pour nous assurer qu'aucun abus ne puisse compromettre la mesure que nous avons adoptée, nous accompagnerons nous-mêmes les forces, et nous nous arrêterons avec ces forces sur la frontière de France, d'où nous exigerons que l'on dépose les armes.
Les médiateurs de la France, etc...
Au même. d'Orange, le
Monsieur,
Les mesures dont nous avons eu l'honneur de vous faire part et que nous avions cru néces-
saires au succès de notre mission, ont réussi au delà de notre attente, l'espèce d'impartialité que notre petit congrès d Orange a offert à tous les partis, leur a inspiré la plus entière confiance. Nous avons eu un grand nombre de conférences avec les divers députés, et, malgré l'aigreur des deux parties belligérantes nous avons enfin, à force ae bonnes raisons, obtenu la ratification des préliminaires déjà signés par les députés, et il était temps : en effet, il se misait des rassemblements d iiommes armés dans tous les points du Comtat, à Brantes, sous les ordres de M. Mo-racet et de Mme d'Aleslac, nouvelle amazone, qui ne se montrait qu'armée,de pistolets et d'un sabre; au Lubron, Tour-de-Sabran et Lagne, sous les ordres de M. Grégoire-Saint-André, à Saint-Romain, sous le nom du sieur Saint-Romain : cette confédération ayant pour chef général le sieur Raxy, père ; elle offrait un noyau, fort de quatre mille nommes, et qui aurait indubitablement fait la boule de neige.
Ceux qui avaient intérêt à perpétuer les troubles, avaient un champ bien avantageux; l'armée avignonnaise, brouillée avec la municipalité d'Avignon, obligée par honneur de continuer le siège de Carpentras, qui se trouve sans ressource, était forcée, pour subsister, de commettre des exactions journalières qui avaient révolté nombre de communes ; on profitait de ces circonstances et du prétexte de les défendre, pour anéantir contre elle ces communes, qui n'auraient pas tardé à se voir pressurées par le nouveau parti : et l'expérience ne l'a que trop prouvé, comme il constate par les réclamations qui nous ont été faites, et qui sont nombreuses, au sujet des exactions. Si notre médiation et ces nouvelles levées, si la promptitude avec laquelle nous avons brusqué les opérations, en nous en occupant jour et nuit, n'eût pas déjoué les nouveaux projets, c'en était fait dés deux Etats. Les nouvelles forces, en se réunissant au nombre de 26,000 hommes, égorgeaient l'armée avignonnaise, promenaient la destruction et la mort de tous cotés ; et Dieu sait où cela se serait arrêté, puisqu'il est bien constant que les patriotes de Marseille, et de plusieurs autres villes des départements des Bouches-du-Rhône, de la Drôme et du Gard, n'attendaient qu'un signal pour accourir au secours des Avignonnais ; et Tes suites en sont incalculables.
Mais nous n'avons pas donné un instant à'res-pirer à ces nouveaux concurrents. Réunissant à Orange tous les députés des parties principales, nous n'avons rien épargné pour faire céder les petites passions, les haines ou les prétentions particùlières à l'intérêt général. Déjà on recevait de tous côtés les nouvelles multipliées des vols, des brigandages, des assassinats mutuels, suites inévitables diine guerré civile faite de ville à ville, 'r et presque d'homme à homme : les chemins n étaient plus praticables. Ce tableau effrayant et terrible était fortement crayonné par nous à tous les députés, et nous fîmes valoir surtout l'assassinat commis à Gigondas, la violation du. territoire français et les suites qu'elle pouvait avoir. Nous crûmes, conformément à nos instructions, et pour l'avancement de la paix, devoir profiter de cette circonstance pour faire avancer le peu de forces que nous avions sous la main vers la frontière du Comtat ; M. de Ferrier seconda parfaitement nos vues. Un bataillon de Sonnemberg, deux compagnies de "Soissonnais, 150 hussards et 50 dragons, avec 6 pièces de campagne, se rendirent à Courthezon, où
s'établit le quartier général, et d'où l'on forma un petit cordon jusqu à Jonquière. Cette posture ne tarda pas à effrayer les nouveaux cnefs de parti, à ralentir leur turbulente activité, à mettre de la mesure dans leurs menaces et leurs actions, et à rendre aux citoyens honnêtes et amis de la paix de leur pays, la liberté d'en chercher et (fen proposer les moyens. Ainsi ces préliminaires de paix, qui d'abord avaient été signés par les députés et arrêtés ensuite par l'intrigue des malveillants, furent acceptés et ratifiés par le Conseil général de la commune d'Avignon, par celui de Carpentras, et presque aussitôt par 10 des villes les plus considérables du Comtat. Toutes demandèrent la paix à grands cris, toutes demandèrent d'être Français, se mettant sous la protection du roi, et nous suppliant de leur donner garnison pour la sûreté de leurs biens et de leurs personnes.
On nous faisait les plus vives instances de nous présenter dans leur pays, de venir nous montrer à des peuples désolés qui attendaient leur salut de la France, et qui doutaient encore que nous fussions réellement arrivés.
C'était là le résultat que nous espérions de nos opérations, le voeu que nous avions préparé et que nous attendions. Les députés ne nous quittaient plus à Courthezon, ils avouaient même qu'ils n'osaient plus retourner chez eux sans nous, par crainte des excès et du désespoir d'un peuple qui se croirait encore trompé : alors nous décidâmes de nous rendre à Avignon avec une garde d'honneur de 50 hussards.
Il serait difficile de peindre, Monsieur, l'allégresse générale, les expressions vives et passionnées de ce bon peuple, de ce peuple tout Français par le sentiment, et qui ne savait comment donner à son expression l'énergie de ce sentiment. Les chemins, les portes, les remparts et les rues étaient garnis d'un peuple immense ; mille cris de : vive la nationl vive le roi ! faisaient retentir les airs. Toutes les rues étaient parées et portaient les emblèmes de la liberté et de la réunion à la France. Vivre Français ou mourir était écrit sur toutes les. rues, sur toutes les maisons, sur tous les visages, et 25,000 individus le répétaient ensemble, séparément à chacun de nous, et faisait retentir 1 air de ce cri de ralliement : ce délire d'un désir immodéré et général s'est soutenu jusqu'à notre départ, et on ne nous a laissé disparaître qu'en nous faisant promettre que la grande famille accueillerait des enfants qui préfèrent la mort à une séparation ; que le bon roi des Français serait leur prince et leur père. Entre les embellissements qui ornaient la ville, il existait une espèce de labyrinthe en feuillage, dont nous ne pouvons nous empêcher de parler. Au centre était un 'péristyle aboutissant à un temple où le buste du roi aes Français était sur l'autel de la liberté. Si le monarque eût pu être spectateur, il aurait éprouvé de bien douces sensations.
Le lendemain, nous nous transportâmes à Carpentras et nous y vîmes le même bonheur renaître à l'aspect des médiateurs, qui, au nom de la France, leur promettaient la paix et la fin de leurs maux. L'expression n'était pas si vive, si tendre,si immodérée; le ton était plus froid,plus mesuré, plus réfléchi ; mais avec ces caractères distinctifs de la nation, il n'en disait pas peut-être d'une manière moins convaincante : Vivre libre ou mourir. La différence qui distingue ces deux peuples est extraordinaire pour être à une distance de 6 lieues seulement. L'un vif, gai,
emporté, se livrant aisément à l'ivresse et exprimant tout ce qu'il sent avec une sorte d'enthousiasme ; l'autre modéré, mesuré, penseur et ne montrant que la moitié de ce qu'il faut, excepté peut-être quand il s'agit de sa haine pour Avignon ; et remarquez, Monsieur, que cette haine est une vieille habitude devenue une seconde nature. Elle est entrée pour beaucoup plus dans les discussions des deux villes, que la différence des partis ; et c'est le cas surtout de dire d'un Carpentrassien, qu'il refuserait d'aller en paradis, s'il croyait y trouver des Avignonnais; mais il est bien constant que leur désir d'être réunis à la France, n'est pas moins senti, n'est pas moins prononcé que celui d'Avignon.
Tandis que les deux villes principales et ennemies ratifiaient les préliminaires, les autres villes, en très grand nombre, nous apportaient, par des députés, leur vœu pour la paix, leur désir d'être Français, et d'instantes prières de leur donner des forces pour les protéger.
En conséquence de ces préliminaires arrêtés et des vœux de diverses communes, le moment est donc arrivé de licencier cette armée avignon-naise qui pèse sur tout; la proclamation du roi, qui nous a été envoyée par le ministre de la guerre, et la nôtre sont sous presse, mais il est une mesure que les circonstances rendent impérieuse, et qu'il est indispensable de remplir provisoirement pour éviter des malheurs qui pourraient ramener la guerre. Cette armée, comme nous avons eu l'honneur de vous le dire, a été aliénée de la municipalité, à raison des querelles et de la rivalité de l'assemblée électorale avec ce corps administratif. Les chefs de l'armée sont tous électeurs. Si, après le licenciement, ces troupes rentraient dans Avignon, opposant leurs intérêts, leurs prétentions, leur orgueil avec ces mêmes passions de la part de la municipalité et ses partisans, sans aucun frein pour les contenir, il serait à craindre que la guerre civile ne se rallumât.
Les citoyens qui ont des vengeances à craindre, ceux même qui, voués à la tranquillité, ne devraient avoir rien à craindre ; tous redoutent un retour qui nécessairement produira à Avignon un conflit d'opinion dont les suites pourraient devenir terribles. C'est d'après des considérations aussi importantes, c'est pour éviter les effets de ce premier choc d intérêt et d'opinion, que la municipalité nous a suppliés, nous a requis même, en vertu du décret qui n'a point été abrogé, de garnir la ville d'une force française suffisante pour imposer à ceux qui pourraient causer un nouvel incendie. Nous avons cru que, sur une pareille réquisition, d'après la presque incertitude des troubles, si la ville était livrée à elle-même dans ces premiers instants, nous ne devions, nous ne pouvions nous refuser
assurer la paix que nous promettions, et qui n'était faite qu à la faveur de notre médiation. En conséquence, nous avons arrêté de faire entrer quelques troupes à Avignon et à Carpentras, qui les demande également. Dès que les assemblées primaires s'assembleront pour émettre leur vœu, nous aurons soin de faire retirer les troupes, afin d'ôter jusqu'au prétexte d'aucune influence.
Signé : Les médiateurs de la France : Le Scène, verninac, muloti
Nota. Il y a une lettre écrite le 2 juillet, mais elle ne roule que sur des détails de dépenses particulières.
Au même. Avignon, le
Monsieur,
Notre position est infiniment délicate en ce moment. Nous avons fait finir la guerre, mais les inimitiés particulières produisent des effets incalculables, et les menées de l'aristocratie qui nous environne, et qui est honteuse de nous voir lui arracher sa proie, sont inconcevables. Les départements voisins, le peu d'émigrants qui ne sont pas rentrés dans leurs foyers nous tourmentent. Nous vous ferons, sous quelques jours, l'exposé naïf de notre situation et des moyens dont on se sert pour arrêter le cours de nos succès, et nous rendre suspects même à l'Assemblée nationale. Nous vous prouverons, Monsieur, que nous n'avons pas cessé, au prix du sommeil, de nos sueurs, au péril même de notre vie, dé prouver que votre confiance en nous n'avait point été mal placée, et nous vous prions" de nous servir d'appui. Nous avons fait passer au comité diplomatique et d'Avignon une partie des pièces nécessaires pour qu'il ne soit point surpris par de faux rapports... (1)
Signé : Les médiateurs, etc...
Au même. Avignon, le
Monsieur,
Nous avons été forcés d'écarter quelques compagnies du régiment de Penthièvre cavalerie, de resserrer presque entièrement dans Carpentras le régiment de Soissonnais dont il n'y a plus que quelques parties de compagnies éparses dans de petites villes du Comtat. Le régiment de la Fère nous avait été enlevé pour aller en Corse, et nous restions avec le seul bataillon de Sonriem-berg en garnison à Avignon, avec 200 hussards. Cette force de troupes de ligne était insuffisante, nous avions appelé à notre secours des gardes nationales des trois départements voisins. Pour les obtenir, les garder et les solder, nous eûmes et nous avons encore toutes les peines du monde.
Le département des Bouches-du-Rhône nous fit les plus grandes difficultés d'abord, puis après une itérative réquisition, céda, mais actuellement coalisé avec le département du Gard, il écrit au ministre contre nous, et confie sa correspondance à des journauxdiscrédités pour leurs principes aristocratiques, afin de détruire l'opinion publique que nous avions en notre faveur : cette même lettre quelegazetier B... imprime avec empressement, on la fait encore circuler manuscrite et accompagnée de lettres anonymes.Nous attribuons au département des Bouches-du-Rhône cette publicité donnée aux dépêches secrètement envoyées au ministre, parce que si cette lettre n'était pas vraie, depuis le 23; qu'elle est dans les papiers publics, le directoire l'aurait sûrement désavouée.
Le département du Gard se conduit plus mal encore. A nôtre première demande, il nous avait
envoyé 300 gardes nîmoises, qui se conduisaient de manière a seconder parfaitement nos opérations, et qui, par leur tenue, par leur soumission à l'ordre, par leur discipline exacte, valaient nos troupes ae ligne. Cependant, ils nous étaient insuffisants, et nous requîmes quelques autres gardes nationales du même département, prises et choisies dans les différents bourgs où il y avait le plus de force, le plus d'aisance. Dès ce moment, nous éprouvâmes toutes les difficultés, tous les refus, nous pourrions dire même que le département prit à tâche de nous contrarier et d'empêcher toutes nos opérations (1) ; d'abord il s'était, comme nous venons de le dire, conformé à notre réquisition, puis il a feint ensuite de ne pas avoir une connaissance officielle de la loi, parce qu'il ne la connaissait que par nous, et qu il ne l'avait pas reçue ministériellement. Nous lui rappelâmes les principes, nous les lui expliquâmes avec l'énergie que nous inspiraient et la violation de la loi, et la position critique dans laquelle cette désobéissance à la loi nous mettait. Alors, nous fûmes traités de despotes, de tyrans, lorsque nous ne faisions qu'exécuter la loi, pour maintenir l'honneur de la France et la garantie individuelle que l'Assemblée nationale avait confirmée, et que réclamaient de toutes parts les habitants de ces contrées, et pour les individus, et pour les propriétés. Toute notre correspondance est entre les mains de M. de Menou et du comité diplomatique et d'Avignon.
Il est bon de remarquer que nous avions été obligés de rendre à leurs petites communes de différents départements, de petits détachements que leurs travaux, les besoins de leurs familles, ou le défaut d'armes, nous avaient déterminés a ne pas retenir.
Parmi les Nîmois, beaucoup avaient aussi besoin de rentrer dans leurs foyers, mais ce fut longtemps en vain que nous demandâmes qu'ils fûssent relevés par d'autres. Nous ne pouvions rien obtenir que tles menaces de plaintes à l'Assemblée nationale contre nous.
Cependant, nos besoins de forces continuaient toujours à être les mêmes, les Marseillais étaient arrivés, ainsi que ceux qu'Aix, après différentes difficultés aplanies, nous avait fait passer. Ces deux derniers renforts étaient destinés à être répartis sur divers points du Comtat. Leur présence devenait de jour en jour plus indispensable. Le refus du département du Gard ne nous permettait pas de nous en séparer; et cette réunion des Marseillais à Avignon, faillit devenir bien funeste à la ville d'Avignon à nos troupes de ligne, et à la paix que nous venions d'établir, et que nous n'avions plus qu'à consolider.
Dans les dernières lettres que nous avons eu l'honneur de vous écrire, nous vous marquions que, dans Avignon, deux partis toujours en activité se faisaient une guerre sourde, et employaient, pour se vaincre et se nuire, tous les moyens que le ressentiment, la vengeance et
la haine peuvent suggérer. L'un de ces partis, celui de 1 armée qui est aussi celui de quelques chefs de l'assemblée électorale que nous avons heureusement si fort restreinte dans nos préliminaires de paix, profitèrent des refus du Gard et de la réunion des Marseillais pour tâcher de se défaire de nos troupes de ligne, dont la protection assurée faisait rentrer les émigrants, qui affaiblissaient d'autant la puissance dont ce parti ne voulait point qu'on le dépouillât. Les Marseillais sont ae ces patriotes intolérants, que l'ombre de l'aristocratie fait mettre sous les armes, ce sont des boulevards inébranlables qu'elle tenterait en vain de franchir; mais 1 exaltation du patriotisme prépare à la séduction. Ils furent séduits et bientôt ils ne virent plus dans les troupes de ligne, et surtout dans les officiers, que des aristocrates qu'il fallait au moins évincer. Depuis le moment de cette erreur, les officiers suisses et les officiers hussards furent insultés, les soldats ne furent pas épargnés ; et nous pouvons dire que c'est a la prudence et au courage impassible et au mépris noble des injures qu'ont manifesté les officiers de ces deux corps, que nous sommes redevables de ce qu'aucun malheur n'est arrivé. Cependant, à chaque instant nous étions menacés de voir ruisseler le sang et si celui de quelques soldats de ligne ou de quelques volontaires eût coulé, les suites de ce malheur eussent été incalculables. On consigna les troupes de ligne, et nous consentîmes que le lendemain elles se retireraient à Orange jusqu'à nouvelle réquisition. Cette disposition ne fut pas plutôt arrêtée, que nous reçûmes enfin des nouvelles du département du Gard, qui nous accordait les Nîmois que nous avions demandés pour relever les premiers. Nous fûmes contents ae cette circonstance, parce qu'elle nous facilitait les moyens de partager enfin, dans différentes villes du Comtat, les Marseillais et les volontaires d'Aix, qui n'étaient qu'en attendant à Avignon, ce que nous fîmes dès le lendemain ; de sorte qu'actuellement nous n'avons au moins aucune troupe rivale dans l'enceinte des mêmes murs.
Mais si cet avantage est réel, il a fait naître un désavantage auquel nous ne pouvons remédier que par notre courage, notre fermeté, et par des proclamations souvent insuffisantes, jusqu'à ce que nous ayons fait rentrer les troupes de ligne.
Nous n'avons en effet pour toute garde à Avignon, que les Nîmois et quelques détachements des gardes nationales d'autres petits lieux du Gard, entre les mains desquels nous avons remis le Palais où est l'arsenal.
Les chefs, tant de l'assemblée électorale que de l'armée, qui sont les mêmes, veulent profiter de l'absence des forces pour faire réussir leurs projets; mais ils n'obtiendront rien que ce que les préliminaires leur accordent : on nous a assuré que deux d'entre eux devaient aller à l'Assemblée nationale pour faire valoir leurs prétentions, et que, se présentant avec l'extérieur et la voix des patriotes, ils se flattaient de pouvoir obtenir, pour le bien général, l'organisation des tribunaux, des juges de paix, etc. Cette organisation est nécessaire sans doute ; mais il est nécessaire aussi qu'elle soit précédée du décret de réunion, et qu'elle ne soit pas faite par eux; on sent qu'ils trouveraient dans leur choix la récompense qu'ils prétendent leur être due personnellement pour leurs travaux dans la Révolution. Puisque nous en sommes à parler de la nécessité d'une organisation qui détruise l'anarchie dans Avignon et
le Comtat, c'est le moment de vous faire la peinture de l'horrible situation de cette contrée.
Il n'y a point de tribunal où l'on puisse poursuivre le débiteur négligent ou de mauvaise foi : il n'en est pas où l'on puisse punir les crimes, et cette terre est souillée de vols, de meurtres et d'assassinats. Les plus petites municipalités commettent des exactions, des violences et répandent tous les maux de l'arbitraire. Toutes les caisses de ces municipalités sont épuisées par les frais de la guerre qui a désolé le pays. Les biens ecclésiastiques sont arrêtés, saisis, séquestrés, même partagés, sans qu'on ait pourvu aux pensions des fonctionnaires publics, aux frais de culte et à la nourriture des religieuses. Les biens seigneuriaux ont le même sort ; les dépenses de la guerre ne sont pas soldées, et des foules de citoyens qui ont fait des fournitures n'ont pas de quoi se nourrir. Comme la tranquillité est encore troublée par quelques mouvements, les riches ne reparaissent point, et l'on ne voit de tous côtés que la perspective de la misère.
Hélas! disent tous les habitants raisonnables de ce pays, quand donc viendra le décret de réunion à la France? cette réunion est demandée par la majorité des communes; dont nous avons les procès-verbaux, et celles qui n'émettent pas le vœu pour être réunies, ne feront que prouver la liberté des assemblées qui auront été formées à cet effet. Cette réunion est devenue tellement indispensable, que si elle n'avait pas lieu, il faudrait déserter ce pays où l'on s'égorgerait, où l'on se pillerait mutuellement les propriétés, où la misère ferait naître tous les crimes : nous disons plus, si elle n'a pas lieu incessamment, le pays sera perdu et les secousses que l'on y éprouvera seront ressenties par nos départements voisins.
Voilà, Monsieur, la situation réelle de cette contrée; mais revenons à notre position particulière.
Le département du Gard, en nous accordant les Nîmois pour relever les autres, ne leur a donné que jusqu'au 14 de ce mois pour rentrer ; il leur a fait lire au moment de leur départ, son arrêté, pour qu'ils eussent à s'y conformer : de sorte que s'il n'arrivait point un ordre de l'Assemblée pour que ce départementet les départements voisins se conformassent à vos réquisitions, nous ne serions jamais certains de vos opérations; et au moment où nous compterions sur des forces, elles nous seraient enlevées, la garantie accordée par la France deviendrait nulle, et l'honneur français serait compromis.
C'est principalement pour obtenir à temps cet
ordre qui rappelle le département du Gard à la soumission à la loi, que nous avons fait partir un courrier extraordinaire.
Si nous avons tant de peine pour obtenir des gardes nationales et pour conserver celles que nous avons obtenues, nous n'en avons pas moins pour les faire payer. Les caisses de districts ne veulent point fournir, ou ne fournissent que pour peu de jours, et nous ne pouvons avoir des secours que du trésorier des troupes, qui, fort du décret qui lui défend de se dessaisir de ses fonds, ne paye que comme contraint et forcé. Il y a plus de 15 jours que nous avons demandé au comité diplomatique et d'Avignon de prendre un parti et de proposer un décret sur cet objet. Nous l'attendons avec impatience.
En nous donnant pouvoir d'appeler des gardes nationales, l'Assemblée a entendu sans doute qu'il serait pris un moyen pour qu'elles fussent payées. Et ces gardes nous sont d'autant plus nécessaires, que nous n'avons plus en troupes de lignes que le régiment de Soissonnais, qui, lui-même a éprouvé une petite insurrection ces jours derniers, et dont les officiers ne sont pas sûrs, avec quelques dragons de Penthièvre : nous nous flattons, il est vrai, que le bataillon de Sonnemberg et les hussards dont nous ne nous sommes séparés qu'à raison des circonstances, ne se refuseront pas aux demandes de tout le pays et à nos réquisitions.
Ces troupes, comme vous voyez, Monsieur, seraient absolument insuffisantes pour garder un pays trop proche d'un côté de la Savoie, et coupé de 84 communes, dont chacune est di-visee, ou par l'opinion, ou par la diversité des intérêts, ou par les haines et les dissensions ; un pays ou ceint, ou coupé par des montagnes, dont les habitants ont les habitudes les plus sauvages, et poursuivent leurs semblables avec leurs fusils, comme ils poursuivraient des bêtes faUves; un pays enfin où nous avons des preuves sûres que des correspondances de Paris entretiennent la fermentation.
Nous vous prions de Communiquer cette lettre pressante à l'Assemblée ou au comité diplomatique.
Nous succombons sous le poids des travaux et des difficultés. M. Le Scène-des-Maisons parcourt avec dè grandes fatigues le Comtat ; M. ae Verni-nac-Saint-Maur surveille l'assemblée électorale, et s'occupe des plaintes des fonctionnaires ecclésiastiques ; et M. Mulot est à Avignon, où la présence d'un de nous est indispensable.
Au même. Avignon, le
Monsieur,
Nous avions eu l'honneur de vous marquer que, pour peu que la réunion du Comtat et d'Avignon à la France tardât à s'effectuer, on verrait naître de nouveaux troubles... Aujourd'hui nous allons vous exposer les troubles-réels qui se renouvellent dans le Comtat, et surtout à Avignon, vous en montrer une des sources dans le dénuement de troupes de ligne, et dans la conduite obstinée du département du Gard.
Depuis quelque temps les esprits, sourdement échauffés, machinent dans le Comtat une contre-revolution. Ce pays, placé près de la Savoie, et presque entouré de terres françaises, anciennement dominé par le clergé romain, dont les agents avaient apporté l'avidité, les ruses, les intrigues italiennes dans toutes les places qu'ils occupaient, reçoit tout à la fois les commotions que lui donnent les aristocrates émigrants à Chambéry et autres lieux de la Savoie : ceux qui, ramassés avec les prêtres réfractaires qu'ils soutiennent, infestent le Buis, le comté de Saulx, Apt, Arles et autres villes françaises, a'où le pa-
Machinations des aristocrates dévoilees. Coalition des émigrants français à Chambéry avec les aristocrates du Comtat, d'Arles , du Ruis, d'Apt, du comté de Saulx, annoncée.....
triotisme fuit, chassé par le fanatisme et l'intrigue ; et enfin ces hommes anticonstitutionnels, qui, correspondant avec les ennemis de la France, animés par eux, soutenus par leurs lettres, ne vivent, au milieu de leurs frères comtadins et avignonnais, que par l'espoir de jouir de cette Constitution française, que chacun réclame, et qu'eux voudraient voir anéantir. Au milieu de ces commotions, il se fait encore des mouvements que la diversité des intérêts, l'esprit de parti, les haines réciproques occasionnent. De ce dernier genre est le mouvement qui a eu lieu dimanche dernier à Avignon.
(Suit la description de l'affaire du 21 août.)
... A Carpentras, au Thor, à Cavaillon, à Lisle et dans le haut Comtat il y a eu aussi des mouvements ; M. Le Scène-des-Maisons est allé pacifier Carpentras, et ses soins doivent s'étendre sur le Thor. A Cavaillon, les choses commencent à s'apaiser. La présence du régiment de Soissonnais a causé du chagrin à ceux que l'on distingue par le nom de patriotes. Nous avons une grande quantité de vœux pour la réunion à la France, émis bien librement. On recueille tous ces vœux pour vous les faire parvenir, et nous ne cesserons de vpus assurer que le midi de la France et tout le pays des deux comtés d'Avignon et Venaissin sera de nouveau ravagé par la guerre civile et mille autres fléaux qui en sont la suite, s'ils ne sont pas très incessamment réunis à la France.
Signé : Mulot et Verninac.
Au même.
Monsieur,
Chaque jour notre position devient plus critique (Suivent les annonces de la punition infligée par la garde nationale au sieur Nibus, dont il est parlé, page 28, de mon èompte rendu, et de l'accusation de la municipalité, par 50 citoyens actifs. Il en est parlé, page 30 du même compte rendu). Comme la réunion seule à la France peut terminer les maux de ces contrées, les vœux vont vous être envoyés et présentés à l'Assemblée nationale. Elle y reconnaîtra ce caractère qu'imprime partout la liberté, lorsqu'elle n'éprouve aucune atteinte... Que Réunion pressée. 1 °n prononce toujours la réunion... Voilà ce que nécessite la situation malheureuse de ce pays, dont la majorité des habitants veut être française ou mourir; sur lequel la France a des droits incontestables, et qui, s'il: n'est pas" à la France, sera perpétuellement un foyer de contre-révolution à portée de la Savoie, et dont nos départements méridionaux auront toujours à craindre le voisinage. Cette vérité est si frappante, que, dans ce moment-ci, nous éprouvons, dans les paroisses françaises qui touchent au Comtat, des mouvements occasionnés par des prêtres fanatiques; c'est parce que ces prêtres et leurs dévotes peuvent facilement, sur une terre étrangère, établir leur culte privé et y attirer les Français faibles qu'ils éloignent des curés constitutionnels... Il paraît que je vais rester seul quelques instants. Ma position sera dure je succombe en partie à mes travaux. Je préférerais siéger modestement au milieu des électeurs de Paris ; mais je sens qu'il est encore indispensable que je me sacrifie à ma mission, à ma patrie, à la Révolution française, à laquelle le sort de ce pays est plus qu'on ne pense lié.
Signé : Mulot.
Au même. Lisle, le
Les événements se succèdent dans ce pays d'une manière et avec une rapidité inconcevables. Vous serez instruit déjà, lorsque ma lettre vous parviendra, d'une grande partie de ce qui s'est passé ; mais elle vous apprendra de nouveaux faits, et quelle est ma conduite dans ces moments délicats, où cependant je me trouve seul.
Depuis longtemps nous nous plaignions de ce que nous étions sans forces militaires, et de ce que, par ce moyen, nous ne pouvions pas donner à la ville d'Avignon cette protection efficace qu'elle était en droit de demander, d'après les préliminaires de paix, sanctionnés le 4 juillet, par l'Assemblée nationale. Les citoyens paisibles et honnêtes, qui ne connaissaient point les refus qui. nous avaient été faits par MM., de Coincy et d'Albignac, et la pénurie des troupes dans laquelle se trouvait M. de Ferrier ; qui même ignoraient les détails de la conduite du département du Gard qui se refusait à nos réquisitions, et retirait, au moment où nous lui annoncions les plus grands malheurs dont il allait être cause, les gardes qu'il nous avait confiées : ces citoyens honnêtes, nous jugeant d après l'extérieur, nous accusaient de les abandonner, et de laisser trop de puissance à une faction qui, chaque jour, grossissait, et ainsi nous calomniaient au moment même où nous gémissions de ne pouvoir les
secourir. Nous nous consolions, par le témoignage de notre conscience, sur les efforts que nous avions faits, et que nous espérions vous faire connaître en vous administrant les preuves, lorsque l'explosion du dimanche 21 août arriva. Cette explosion, combinée par les chefs de l'armée vauclusienne et les chefs de l'assemblée électorale, et quelques particuliers qui leur sont constamment unis, vous a été peinte dans une de mes dernières lettres.
(Suit un abrégé de l'affaire du 21 août.)
Quelques mouvements arrivés à Carpentras et auThor y appelèrènt M. Le Scène et M. Fortair. Nous avions souvent parlé tous ensemble de notre position, des calomnies qui assaillaient à Paris notre réputation, et que nous confirmaient les détails aans lesquels vous avez bien voulu entrer avec nous. Nous avions unanimement conclu qu'il était indispensable qu'un de nous se rendît à Paris. M. Le Scène me paraissait personnellement devoir être celui de nous trois à qui nous devions donner notre confiance. Cependant l'assemblée électorale, sans nous en prévenir, nommait trois députés pour se rendre à Paris, et avait fait un arrêté qui, expressément, demandait que M. de Verninac les accompagnât. D'ailleurs, M. de Verninac était plus spécialement inculpé dans tous les papiers publics, et il brûlait de partir pour se justifier. Je ne balançai pas dans cette Comment M. Mulot incertitude, l'intérêt général me parût préférable aux intérêts particuliers. Je est resté seul à Avi-donnai par écrit mon consentement à M. Le Scène, qui accepta, de même par £non-écrit, de se charger à Paris de notre défense. Je prouvai de plus, en particulier à M. de Verninac, que s'il se rendait à Paris en même temps que les députés de l'assemblée électorale, il donnerait l'idée complète d'une coalition "avec elle, qui était précisément ce qu'on lui reprochait plus spécialement jmaisM.de Verninac sentait son honneur attaqué, il se flattait de repousser facilement toute idée de coalition, et il ne demandait qu'à partir : alors, je ne pus m'opposer à son départ : il est au commencement de sa carrière et ne croit pas devoir livrer ses jours à la honte d'une désapprobation de l'Assemblée nationale, qu'il peut écarter par sa propre défense. Je me dévouai donc à rester seul a mon poste, à me livrer avec courage à la suite de mes importants travaux, et à lutter de manière, au sein des orages, que l'honneur français et le mien ne fussent pas compromis. Si je n'ai pas eu d'autres forces que les miennes, et si j'ai fait tout ce que je pouvais faire dans les circonstances les plus critiques, je me flatte que vous et ma nation me rendrez au moins justice pour mes efforts.
(Suivent les détails sur la position du pays; la suite des mouvements du 21 août, et les difficultés avec l'assemblée électorale des arrêtés de qui se plaignaient plusieurs communes du Comtat.)
Signé : Mulot.
Au même. Courthezon, le
Monsieur,
Je vous dois d'autant plus compte de mes démarches, qu'étant seul, ma responsabilité me pèse singulièrement, et qu'il semble qu elle s'allège par les comptes que je vous rends...
(Suit une peinture de la situation FAvignon, des émigrations, de l'établissement du sieur Jourdan chez le vice-légat, de l'assassinat de M. Aymes par quatre hommes de l'armée sur les terres françaises à Maillane, et de différents désordres commis chez divers particuliers d'Avignon, etc.)
... On nous promet des compagnies de Languedoc pour le 10 de ce mois, j'ignore si M. ae Ferrier se trouvera assez de monde pour entrer dans Avignon... Sile sieur Jourdan veut oser défendre le fort, quel parti faudra-t-il prendre? Je vous prie instamment dé m'envoyer des instructions, et de me prescrire ce qu'il faut que je fasse... Pour moi, si mes faibles lumières pouvaient me permettre de hasarder une proposition, je dirais qu'il est indispensable de prononcer la réunion d'Avignon à la France, qui a, sur cette ville, les droits les Demande aux minis-plus clairs,, et dont le vœu ne peut être douteux; d'ordonner que les clefs de très d'instructions pour la ville et au fort seront remises à la France en la personne de ceux que l'on se conduire à Avignon, jugerait à propos d'en charger ; que la garnison française sera placée à Avignon, le fort mis entre les mains de cette garnison; que tous les citoyens remettront plan de conduite proleurs armes, et que la garde nationale sera ensuite formée suivant les décrets ; posé, qui prouve l im-d'indiquer, jusqu'à l'organisation des tribunaux, un tribunal français voisin, partialité de M. Mulot, auquel serait attribuée la connaissance des crimes commis à Avignon, le bris des portes de l'arsenal, par les ordres et les soins des sieurs Jourdan, Pey-tavin. etc., etc., et qui prononcerait sur les chefs d'accusation portés contre les officiers municipaux.
(Suivent d'autres détails sur Avignon et sur les opérations de l'assemblée électorale,, relativement aux biens nationaux; peinture ae son insatiabilité et de sa voracité et de la consommation qu'elle fait de ses biens.)
Carpentras a éprouvé des secousses qui peuvent, si elles ont des suites, devenir très dangereuses pour le Comtat. Je m'y suis transporté le 2 de ce mois,
et j'ai été assez heureux pour empêcher qu'un citoyen ne fût victime d'une insurrection populaire.
(Suit l'affaire des frères Escoffier, patriotes, et une notice sur l'assemblée de Saint-Siffrein.)
Annonce de l'esprit Si je juge bien cette ville, elle est agitée en sens contraire à la Révolu -anticonstitutionnel de tion. Il y a une foule de personnes étrangères à Carpentras, qui y fomentent ; Carpentras. j] paraît qu'il y a eu de l'argent romain promis et même donné ; c est un foyer
dont je redoute l'éruption prochaine. De nos prêtres réfractaires s'y sont réfugiés; beaucoup d'ecclésiastiques y demeurent; l'évêque travaille. Tout ce que l'on a fait à MM. Escoffier, et mille autres tracasseries que l'on s'est permises à l'égard des électeurs, qui pourtant se sont parfaitement conduits, est une suite de cette fermentation anticonstitutionnelle dont je crains l'explosion. Je puis vous assurer, Monsieur, qu'il se couve quelque chose dans le Comtat, et que je vois que, pour peu que la réunion tarde, la guerre civile se rallume et se communique a nos départements du Midi, qui ne sont pas, je vous en assure, de froids spectateurs.
Aristocratie de M. Despeyron et son régiment ne sont bien qu'à Carpentras. Beaucoup de M. Despeyron et autres soldats en désertent, en criant à l'aristocratie contre leurs officiers. Je nose chefs Soissonnais dé- prononcer affirmativement sur ce régiment et sur son chef, mais Carpentras vo"ee- est en majeure partie aristocrate; c'est un foyer d'aristocratie; et M. Des-
peyron, qui a toujours passé pour en être entaché, qui vient d'être nommé colonel, est tellement chéri, que, quoique la prudence semblât demander qu'il en sortît,- ce serait peut-être accélerer la commotion que de l'en tirer à ce moment; d'ailleurs, où le poster? Avignon l'a en horreur; s'il est aristocrate, il ne vaudrait rien au Buis et à tous les environs du Comtat qui sont suspects. D'après cet exposé, Monsieur, vous voyez combien ma présence dans le Comtat est toujours nécessaire; mais combien ma position est pénible!... Je vous avoue que je succombe sous la fatigue, et que si la vérité que vous porte M. Le Scène des Maisons ne perce point, si l'on prête l'oreille aux séducteurs députés de l'assemblée électorale, j'aurai été une victime immolée, et que mon amour pour la Constitution française aura placée sous le couteau.
Signé : Mulot.
Au même. Courthezon,
(Peinture de ce qui se passait à Lisle au sujet des Minimes ; plaintes sur le petit nombre de troupes de ligne, sur le défaut de fonds pour le prêt des gardes nationales; quelques détails sur Avignon et sur les assassins de M. Aymes.) La réunion pressée. ..... Il est on ne peut plus instant de prendre un parti. J'ai prié M. le ministre de la guerre d'envoyer des troupes. La réunion, Monsieur, ou ce pays est perdu. Demande d'instruc- Des instructions précises sur ce qu'il me faut faire à Avignon. Carpentras est tions- toujours en fermentation : les patriotes, qu'il faut bien distinguer ae ceux de
Distinction des émi- Monteux, sont obligés de fuir. Les émigrants aristocrates d'Avignon sont à grants entre eux. Villeneuve. Les bons patriotes émigrants sont à la Barthalasse, et les patriotes de Monteux sont à Avignon, qu'ils désolent.
Signé : Mulot.
Au même. Courthezon,
Monsieur,
J'ai eu l'honneur de vous demander des instructions sur la conduite que j'aurais à tenir à l'égard de la ville d'Avignon, lorsque nous aurions assez de troupes pour y entrer, non pas à mon jugement, car je ne suis pas militaire, mais à celui du général de Ferrier, qui, jusqu'à ce moment, ne s en trouve pas Demande d'instruc- assez Pour Ie faire; ces instructions me sont essentielles... J'ai prié M. le mitions. nistre de la guerre de nous faire passer quelques troupes encore. Nous avons 131 lieues de superficie à garder, et par faute d'ordre ou par la mauvaise volonté des départements, nous n'avons plus que 130 hommes des gardes nationales du département de la Drôme, qui seul a fait les frais de ses détachements. Le général de Ferrier ne croit pas devoir même, en attendant notre entrée dans Avignon, répartir dans le Comtat aucune compagnie, soit de Boulonnais, soit de Languedoc, crainte qu'avec du vin on ne les débauche ; il veut les avoir tout neufs (pour me servir de son expression), lorsqu'il les fera marcher pour Carpentras centre Avignon. J'attends avec la plus vive impatience des nouvelles sur le parti qui de contre-révolution, sera pris relativement 'à cette ville, qui est toujours dans une position fâcheuse... Carpentras est toujours en fermentation. Vous vous rappelez sans doute ce que j'ai eu l'honneur de vous écrire dernièrement, que je regardais cette ville comme un centre de contre-révolution prochaine. Nous y avons beaucoup de nos prêtres réfractaires français, beaucoup de nos
émigrants. Des hommes, soldés tout à la fois et par la cour de Rome et par les ennemis de notre Constitution, y fomentent et font mettre en avant quelques-uns de ces hommes intrigants qui ne demandent qu'à paraître ; ils ont fait former par le peuple entier une assemblée de citoyens actifs qui se réunit tous les jours. Cette assemblée fait emprisonner, dénonce, décrète, gouverne enfin, et emploie l'extérieur des formes ae pétitions à la municipalité trop faible pour pouvoir refuser et qui, si elle l'osait, ne s'en trouverait pas bien. L'évêque de Carpentras a fait rouvrir son officialité, et l'on veut, à ce qu'il paraît, y juger un des patriotes que d'abord on voulait tuer et à qui j'ai sauvé la vie ; que la municipalité, par police correctionnelle, avait placé dans le séminaire, que le
Seuple a transporté dans les prisons publiques et qui est maintenant dans celles e révêque.
Je mets tout mon art à empêcher une explosion anticonstitutionnelle. La situation de Carpentras elfraie ou dirige les villes du Comtat et cause même des mouvements dans nos villes françaises. Comme la force publique consiste en quelques détachements d'artillerie, de dragons de Penthièvre, et dans la majeure partie du régiment de Soissonnais, et que toute cette garnison et surtout M. Despeyron sont suspects, les clubs et les gardes nationales d'Orange, de Nyons, de Marseille et d'Aix, font des motions contre le régiment et le colonel qu'ils regardent comme un des plus fameux soutiens de l'aristocratie. Du côté ae Brantes, on est sur le point de prendre les armes au moindre mouvement que fera la garde nationale avignonnaise, que l'on ne regarde de toutes parts que comme 1 armée vauclusienne ressuscitèé. Dans quelques villes, on ruine absolument les châteaux, on se partage les terres, l'anarchie est à son comble. J'ai arrêté quelques-uns de ces désordres ; mais comment soutenir ces opérations sans forces qui les appuient ? La démarche que je vous âi écrit avoir été faite à Lisle par le sieur Tyran, n'est pas telle que je vous l'avais peinte. Il ne voulait pas entièrement renvoyer les Minimes et prendre leurs biens au nom de l'assemblée-électorale; mais il demandait que trois d'entre eux, qui ont des pensions comme religieux français, ne vinssent pas encore prendre part aux biens des Minimes de Lisle. Il voulait ensuite, sans que la France eût rien prononcé, borner la pension des Minimes restants au taux fixé par ses décrets et faire verser le reste des biens dans la caisse de l'assemblée électorale; je crains bien que cette caisse ne soit le tonneau des Danaïdes.
Il n y a pas dans le Comtat que ces trois seuls religieux pensionnés en France : il y en a a Carpentras, à Aubignan. Je vais faire une recherche sur Cet abus, d'autant plus criant, que ces religieux n'ont pas encore des sentiments bien patriotiques.
Tous les détails que je vous donne, Monsieur, vous prouvent combien il est essentiel que l'Assemblée nationale prononce la réunion.
Signé : Mulot.
Efforts pour empêcher une explosion anti-constitutionnelle.
M. Despeyron et les Soissonnais suspects.
Dénonciation des religieux qui touchaient des pensions en France et partageaient encore avec leurs confrères dans le Comtat.
Au même. Cavaillon, ce
Monsieur,
Peut-être, au moment où vous recevrez ma lettre, il y aura quelque chose de décidé sur Avignon et le Comtat. Oh! si je pouvais apprendre que le décret de réunion a été prononcé ! comme c'est le seul remède à tous les maux de ce pays, je ne saurais vous peindre la joie que je ressentirais. En attendant cette heureuse nouvelle, permettez que je vous rende compte de la position du pays et de la mienne propre.
(Suivant les détails sur Avignon et sur ce qui s'y passait à cette époque, sur le Thor, sur Lisle et sur Cavaillon, etc., l'annonce des vexations commises par les sieurs Peytavin, etc., à Sorgues.)
.....Carpentras est toujours agité : un incident survenu avant-hier paraît
tourmenter les administrateurs de cette municipalité. On est venu y chercher de la poudre pour Arles, où vous savez, Monsieur, que se forme un noyau de discordes civiles, qui pourra peut-être occasionner la guerre dans nos départements du Midi. La municipalité m'a écrit : je connais le fait, et j'avais requis les dispositions nécessaires pour empêcher le passage de la Durance dans toute l'étendue du territoire de Cavaillon, où je me trouve, à toute personne suspecte et porteuse de poudre, sans avoir les permis et les déclarations exigées par les décrets. Nos précautions ne paraissent pas avoir réussi. La municipalité de Carpentras a découvert l'envoyé d'Arles, l'a mis en état d'arrestation, et m'a demandé comment elle devait se conduire? Je lui ai répondu que l'état d'ar-
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Poudres vendues à Carpentras pour Arles.
je vous faisais part ae l'événement. J'ai l'honneur de vous le présenter, Monsieur, j'ai peine à croire Carpentras de connivence avec Arles; mais le fonds des deux villes est à peu près le même, et je n'ai pas tort quand je crains que le foyer où se forge le fer de nos contre-révolutionnaires ne soit en cette !*• SÉRIE. T. XXXV.
Instances pour la contrée. L'ardeur des Marseillais, gardes nationales, peut accélérer l'explosion, réunion. La réunion, la réunion, voilà mon vœu, parce qu elle peut opérer le plus
grand bien pour la France et pour ce pauvre peuple vers qui vous nous avez envoyés.
Quant à ma position personnelle, elle est cruelle ; ma santé se détruit, et voilà trois jours que je suis presque incapable de travailler...
Signé : mulot.
Au même. Courthezon, le
Monsieur,
Joie de la nouvelle A peine ma lettre du 17 était-elle arrivée au bureau, qu'un courrier m'a de la réunion. apporté des lettres et les nouvelles du décret de réunion. Ma joie a été à son comble.
(Suit la nouvelle des signes de joie donnés à Cavaillon, auThoret à Bédarrides.)
.....Une lettre de Carpentras m'a annoncé la joie que cette ville avait de voir
son vœu couronné ; mais elle se flatte que dans l'administration provisoire, l'Assemblée nationale ne laissera pas subsister une assemblée électorale contre laquelle elle a été forcée de faire la guerre, et qui, comme l'a fort bien dit M. Le Scène dans son rapport, est l'objet de la haine d'une grande partie du Comtat...
(Suivent les détails sur la dévastation des biens d'Eglise à Avignon, sur rétablissement d'une compagnie, armée de nerfs de bœufs, sur la conduite despotique des sieurs Jourdan, Tournai, etc., et sur la nécessité de former des tribunaux provisoires, et de ne pas accorder une amnistie qui comprenne les crimes particuliers distincts de ceux de la guerre.)
Demande de hâter vous renouvelle le témoignage de ma joie sur l'arrivée du décret, ou du l'arrivée des commis- moins sur la nouvelle que 1 Assemblée l'a rendu; je crois sincèrement que saires. nos travaux pour le bonheur de ce pays ne seront pas inutiles. Maintenant, je
vous prie de hâter l'arrivée des commissaires décrétés, et au moins l'organisation
provisoire. L'entrée des troupes dans Avignon est aussi très urgente.....Je ne
puis mieux vous peindre mes sentiments pour vous, qu'en consacrant^ jusqu'à mon rappel, mes travaux à l'affaire dont vous m'avez chargé.
Signé : mulot
Au même. Brantes-lès-Sorgues, le
(Détails de ce qui s'est passé à Sorgues et de ce qui se passait à Avignon, arrestation de la patrouille avignonnaise.)
Arrestation de la Comme la majeure partie de cette patrouille est composée de déserteurs, patrouille, annoncée au j'ai cru devoir les placer dans la tour de Sorgues (en état d'arrestation, jusqu'à ministre, ' etc. Ordres ce que je vous en eusse rendu compte, et que vous eussiez pu en conférer avec le demandés à cet égard, ministre de la guerre, pour savoir comment je devais me comporter).
Je vous avoue, Monsieur, qu'il m'eût été impossible de m'écarter de cette mesure, tant étaient animés contre eux les habitants, qui reconnaissent en quelques-uns les exacteurs dont on s'était servi pour les désarmer et percevoir les amendes injustes qu'on leur avait imposées. D'après tous ces détails, vous pouvez juger, Monsieur, combien critique est ma position, combien instant est le décret qui réglera ma conduite et celle de mes successeurs au sujet d'Avignon. J'allais vous envoyer un courrier extraordinaire qui pût me rapporter à l'instant une instruction ministérielle, lorsque l'un de MM. les commissaires des guerres, qui va de jour et de nuit à Paris, a bien voulu se charger de ma dépêche et vous la remettre. J'ose me flatter que par un courrier
chargé d'ordres exprès, vous voudrez bien m'instruire et me guider.....Les
haines sont toujours en vigueur, les rivalités toujours actives, rien de plus
Demande de l'orga- urgent que l'organisation provisoire. Hâtez-la donc, Monsieur, autant qu'il est nisation provisoire. en vous : accélérez le bonheur d'un pays régénéré à la France, et faites y régner les lois, vous qui en êtes le premier dépositaire, et qui en connaissez si nien la bénigne influence.
Quant à moi qui, seul de mes collègues, me trouve dans les moments les plus chauds de la mission qui nous était confiée; qui seul me vois forcé a'employerun reste de pouvoir pour contrebalancer celui des factions dissidentes, qui seul témoin des maux que versent sur leur patrie des monstres qu'elle a
nourris, que les gâteaux de la Sibylle ne sauraient endormir.....qui seul me
trouve au milieu d'une armée qu'il faut retenir, et près d'un général qu'il faudrait guider, je ne sais où trouver en moi les ressources que le moment exige. L'idée de ma responsabilité étouffe souvent le germe ae mes actions, et j'ai eu plus d'une fois à soutenir le choc de deux volontés contraires. Ne m'abandonnez donc point entièrement, tirez-moi de l'embarras dans lequel les
circonstances les plus délicates me jettent, et qu'un courrier promptement expédié, promptement arrivé, m'apporte l'instruction nécessaire pour empêcher le vice de tourmenter les âmes honnêtes, et qui mette la médiation de la France à l'abri de l'avilissement et du mépris que lui prodiguent des êtres qu'elle a peut-être trop ménagés. Je vous reponds jusqu'à la fin de mon zèle, il se soutiendra tant que durera ma mission.....
Signé : Mulot.
Au même. Gentilly-lès-Sorgues, le
Le courrier extraordinaire doit être arrivé depuis près de 10 jours, et je n'ai aucunes nouvelles; cependant je vous peignais d'une manière bien vraie la cruelle position dans laquelle ie me trouvais..... Déjà la tourbe de ces gens, dont vous avez à Paris deux chefs dans les personnes des sieurs Duprat et Fonvielle Rovère, ont fait imprimer et distribuer avec profusion un libelle atroce intitulé : Dénonciation de Vabbé Mulot et de son complot contre les patriotes. Cet écrit absurde a circulé dans lès clubs des villes voisines... etc., quoique je n'en craigne point l'effet auprès des gens sensés, il n'en est pas moins bien dur de voir payer mes peines et mes travaux par cette noire ingratitude.
(Suivent des détails sur les spoliations des biens nationaux, sur les ventes qui s'en faisaient à vil prix.)
Les articles (de l'organisation- provisoire) sont parvenus je ne sais par qui à Avignon ; j'en ai une copie, et je vois avec plaisir que le premier est la suppression de l'assemblée électorale ; mais j'ai vu avec peine qu'on n'ait point mit un article spécial de ce qui regarde la garnison qu il est indispensable de placer dans Avignon, et la reddition du fort ou du palais entre les mains de cette garnison. Ces gens-là feront quelques scènes, s'il n'y a pas de décret précis, et je crains que le sang ne coule...
(Détails sur l'esprit des troupes, discipline exacte des hussards ; patriotisme des Boulonnais, mais crainte de séductions par les Monteuxiens: Languedoc presque sans officiers; diversité dépenser entre les deux bataillons de Soissonnais; position affreuse des troupes à Sorgues*)
Pour moi, j'attends avec la plus grande impatience l'arrivée dés décrets et des commissaires civils : on ne veut pas me laisser partir qu?ils ne paraissent; je suis néanmoins tellement fatigué, mon sang est tellement enflammé, que je ne puis plus y tenir; et comme on me dispute mon autorité, et que je ne puis faire du bien qu'avec elle, j'ai l'honneur de vous déclarer que si d'ici au 12 ou 13 de ce mois je ne reçois pas des pouvoirs tels q>ue je puisse, avec eux, arrêter le mal et faire le bien, ou si je ne reçois pas des nouvelles, je regarderai ma mission comme terminée par votre silence, et que je me rendrai à Paris comme l'ont fait mes collègues, pour peindre à l'Assemblée nationale la situation horrible dé ce pays et la mienne qu'il n'est plus possible de supporter... Ceux qui ont été arrêtés, faisant patrouille sur le terrain de Sorgues, sont toujours en état d'arrestation. Je vous ai prié, ainsi que M. Duportail, de me faire connaître vos intentions. Je désire que la réponse arrive bientôt, afin de faire cesser leur détention.
Signé : mulot.
A u même. Gentilly-lès-Sorgues, ce
Monsieur,
Si j'en crois les bruits publics, les commissaires civils sont en route pour arriver. Leur présence est de toute nécessité, et ie ne doute pas que,, munis d'instructions et de pouvoirs, bien secondés par les troupes françaises, ils ne parviennent à réduire enfin le caractère barbare, la propension au pillage et l'indiscipline des factieux Avignonnais, ainsi que la duplicité de la majeure partie des Carpentrassiens.
(Suivent des détails sur la spoliation du collège de Saint-Nicolas, et l'assassinat du sieur Bertrand.)
... Les préparatifs hostiles des Avignonnais sont toujours les mêmes; mais il faut espérer que l'arrivée des commissaires civils les fera disparaître; et que l'on ne verra plus une ville, devenue française, d'après son propre Vœu, méconnaître les députés de la France, mépriser leurs pouvoirs, s armer contre les troupes de la nation qui la protège et l'adopte, et commettre enfin, sous les yeux de ses envoyés, toutes les horreurs et tous les crimes.
(Plaintes sur la perfidie avec laquelle Vaffaire de Sorgues est dénaturée dans les papiers publics.)
Signé : mulot.
P. S.... Une lettre de Paris, me dit-on, annonce qu'une rivalité de nomina-
assurer la tranquillité publique en partant.
Au même. Gentilly-lès-Sorgues, ce
(Affaire du sieur Bertrand, dont il est parlé, page 72, du compte-rendu; sa sortie de prison; instances faites pour que je ne sorte point du pays; vente des effets nationaux continuée à Avignon.)
...Il y a près d'un mois que le décret de réunion est rendu; il y a 15 jours que le décret d'organisation provisoire est adopté. Du même jour 23 septembre, j ai eu l'honneur de vous écrire par mon courrier extraordinaire, pour vous annoncer ma position, celle des troupes, celle d'Avignon, celle de Sorgues, celle de tout ce pays. J'ai écrit à M. le ministre de la guerre pour ce qui le concerne et relativement aux prisonniers dont je vous ai parlé. J'ai eu hier une réponse de M. Duportail qui me promet de demander au roi des troupes et ne me parle point des prisonniers. Je n'ai pas reçu un mot des bureaux mêmes; cet oubli, dans lequel je suis laissé, ajoute au poids des calomnies dont on m'accable, et Plaintes de silence double encore mon impuissance. Cette impuissance, opposée aux promesses dé gardé par le ministre, la France de garantir efficacement tous les biens et les individus, donne de la force aux ennemis de la Constitution, sous quelque nom qu'ils se cachent, et je suis réduit à voir sous mes yeux le meurtre et le pillage sans pouvoir y porter aucun remède ; je ne puis sauver que dé petits villages, et 25,000 Avignonnais gémissent de ne pouvoir obtenir de moi que des vœux stériles.
Non, Monsieur, il ne m'est plus possible de voir la France promettre une garantie qu'elle ne donne pas ; laisser se déchirer, se voler des hommes qu'elle , vient d'agréer au nombre de ses enfants, et me forcer d'être son agent impuis-
sant et le témoin de ses malheurs. J'attends donc au moins une réponse. J'ose dire que vous me la devez, à raison surtout de mon dévouement. Puisse-t-elle m'apprendre, et l'arrivée de mes successeurs, et mon retour à Paris.
P. S. Comme j'allais fermer ma lettre, j'en reçois une de Paris, qui m'apprend que l'on a crié dans toutes les rues : la grande trahison de l'abbé Mulot. Il est donc indispensable que je revienne pour rappeler l'opinion publique sur moi : j'en ai plus besoin dans la nouvelle carrière que j'ai à parcourir. Je voudrais écrire à l'Assemblée nationale; je ne me retiens que dans l'espérance que je vais repartir : c'est une grâce que vous m'accorderez en m'accordant mon retour.
Signé : mulot.
Au même. Gentilly-lès-Sorgues, le
Monsieur,
(Différents détails sur Avignon; annonce de la perfidie avec laquelle on fait donner à un prisonnier une signature contre le sieur Gérard : soupçon de la même conduite à mon égard; le maire de Sorgues; copie de la procédure contre le sieur Pochi, etc., envoyée; envoi d'une lettre à VAssemblée nationale et communication de cette lettre; Boulonnais tourne à la séduction; détails sur Lisle.)
J'attends avec la plus vive impatience l'ordre de mon retour. Ah ! dans quel pays vous m'avez envoyé! C'est la terre de la duplicité. L'italianisme y a poussé de longues racines, et je crains qu'elles ne soient vivaces.
Signé : mulot.
Nota. J'ai passé la lettre 'du 11 octobre 1791, comme peu importante. Elle ne contient que quelques détails sur l'affaire du sieur Molin, à Sorgues, dont il est parlé dans le compte rendu et quelques indications sur le peu de sûreté des grandes routes.
Au même. Gentilly-lès-Sorgues, le
Monsieur,
J'ai reçu hier la lettre que vous avez eu la
bonté de m'écrire, et qui était nécessaire à mon âme attristée de tous les rapports qui m'arrivaient de Paris. Les marques d'intérêt que vous m'y donnez, me consolent. Enfin, aussitôt que MM. Le Scène-des-Maisons et Champion de Villeneuve seront arrivés et que j'aurai pu leur faire connaître l'état actuel du pays, qui est bien différent de celui dans lequel M. Le Scène l'a laissé, je repartirai pour la capitale, où il est nécessaire que j'arrive et que je lasse tomber tous les nuages dont la calomnie a voulu me couvrir pendant mon absence.
Signé : mulot.
Les autres lettres ne contiennent que les détails successifs des affaires d'Avignon, et la dernière n'est, pour ainsi dire, que la table des pièces envoyées sur la terrible nuit du 16 octobre à Avignon.
Copie des lettres de M. Duport, ministre de la justice.
Nota. Gomme je n'ai point tous les papiers de la médiation entre les mains, je ne puis que citer les deux lettres suivantes, et je remarquerai que celle dont nous parle M. le ministre de la justice, dans le cours de la première des deux, ne nous est pas parvenue. Je crois encore devoir faire observer que les reproches qui nous sont faits par ce ministre, sont les suites des inculpations que
le département du Gard, en refusant de reconnaître la loi faisait contre nous, ainsi que l'aristocratie du pays, jalouse de la protection de la France, que nous accordions, en vertu de la loi, à l'armée de Monteux, comme nous l'accordions à tous les partis en vertu de la même loi.
Paris, le
J'ai reçu, Messieurs, votre lettre en date du 6 de ce mois, dépêchée par un courrier extraordinaire, et à laquelle vous me demandez une prompte réponse. Vous l'auriez reçue plus tôt, si, au milieu des circonstances importantes, et des grandes discussions qui absorbent aujourd'hui l'attention et les moments de l'Assemblee nationale, au milieu des occupations dont je suis surchargé, ainsi que mes collègues, il m'eût été possible réunir, aussi promptément que je l'aurais voulu, les comités, ou de consulter directement l'Assemblée nationale, tant sur l'objet des reproches qu'on vous fait ici, et vos réponses à ces reproches, que sur votre position, l'état actuelle de médiation qui vous a été confiée, et les déterminations ultérieures qu'il convient de prendre.
Quant aux reproches, les voici : ils se divisent en trois classes : ceux que vous font une partie des habitants d'Avignon et du Comtat.
Ceux des corps administratifs des départements voisins; ceux que le ministre ne croit pas pouvoir s'empêcher de vous faire.
Les premiers vous accusent d'une partialité ouverte en faveur des principaux auteurs des troubles d'Avignon et du Comtat; d'une prédilection indiscrètement manifestée pour les chefs de cette armée de Vaucluse, qui n a pas craint de s'intituler, sous vos yeux, les Braves Brigands ; d'avoir toléré l'oppression exercée par ce parti contre ceux qui avaient été, depuis le commencement de la Révolution, les victimes de ces brigandages, d'avoir constamment oublié le véritable objet de votre mission, et de ne vous être occupés que des moyens de forcer la réunion à la France, au lieu de chercher à calmer les esprits, à rapprocher des partis violemment aigris les uns contre les autres, à donner aux émigrants les moyens et le désir de rentrer dans leur pays pacifié et rappelé à l'ordre, pour y émettre ensuite un vœu libre sur la Constitution politique. Je ne puis croire à toutes ces inculpations. Il est clair qu'il y a de l'exagération dans ces plaintes .; mais il est difficile de les croire aussi absolument dénuées de fondement; et, comme je le disais dans ma dernière lettre, votre correspondance tout entière annonce, d'une manière beaucoup trop prononcée, l'envie absolue d'opérer la réunion, et une véritable partialité pour ces mêmes hommes, dont, vous remarquez, dans plusieurs passages de votre lettre, les vues ambitieuses et intéressées ; pour ces hommes qui ne veulent pas se laisser dépouiller de leur puissance, qui ont intrigué pour se défaire de vos troupes de ligne, qui ont séduit les Marseillais, qui ont manqué les mettre aux prises avec nos régiments, et faire verser dans Avignon le sang français par des mains françaises; le tout afin de parvenir à faire seuls la réunion, et à provoquer une organisation qui leur procurera, par les choix qu'ils attendent, la récompense qu'ils prétendent leur être due solennellement pour leurs travaux dans la Révolution. Il me paraît clair, Messieurs,, que voyant la difficulté de pacifier un pays depuis longtemps en proie à la
violence, au brigandage et à l'anarchie, et de l'amener par la voie lente et peut-être impossible de la conciliation, à un état de choses qui lui permettrait enfin d'émettre un vœu libre, et trop pleins de ce système de réunion, qui n'était cependant ni dans les décrets, ni dans vos instructions verbales, vous avez voulu marcher vite à cette réunion, et que, pour y parvenir, vous avez trop favorisé le parti qui avait intérêt à la brusquer. Ce système vous met aujourd'hui dans une position embarrassante. Vous avez éloigné les troupes de ligne et les régiments que vous croyiez trop favorables au parti oppose à celui qui entrait le mieux dans vos vues de réunion. Il a fallu leur substituer d'autres forces, et vous avez appelé les gardes nationales du département du Gard et de celui des Bouches-du-Rhône; c'est-à-dire que vous avez remplacé des troupes dont on pouvait diriger l'action par des hommes qu'il vous était impossible de maîtriser. Aussi, qu'est-il arrivé? Le parti qui veut trouver dans les élections la récompense de ses travaux pour la Révolution, a cherché à vous priver du peu de troupes qui vous restaient, et dont la protection assurée faisait rentrer les émigrants, qui affaiblissaient d'autant la puissance dont ce parti ne voulait pas qu'on le dépouillât; il a travaillé la garde nationale marseillaise. Ces patriotes intolérants, que vous avez indépendamment appelés, vous ont forcés à éloigner les troupes de ligne. Le parti est resté le maître, et, aujourd'hui, il veut forcer la réunion sans le vœu des émigrants ; il veut organiser le pays lui-même; et pour s'emparer de tous les avantages de l'organisation, il vous force à demander la réunion et l'organisation prompte pour les prévenir; il vous a mis fyors ae mesure; il vous a enlevé votre caractère de médiateurs et de pacificateurs ; il vous fait la loi, il la fait à ses concitoyens ; il vous mène à son but, non par le chemin qui vous convient, mais par celui qu'il vous a tracé, et tout cela pour vous être écartés de cette impartialité ferme et noble qui convenait à votre mission, et qui lui aurait donné un si beau caractère. Telles sont, Messieurs, les réflexions que je puise dans votre correspondance même. Je désire me tromper, je vous aime, je vous estime, et il m'est dur de désapprouver.
Je n'entrerai pas dans de longs détails sur les plaintes des départements. Je m'en réfère à cet égard à la lettre que vous a écrite M. le ministre de l'intérieur. Je ne puis qu'être entièrement de son avis. Si vous aviez absolument besoin de ces nombreux détachements de gardes nationales, il fallait les demander aux corps administratifs supérieurs ; mais la réquisition directe à telles ou telles municipalités est absolument contraire aux principes. M. Delessart écrit au reste pour que vous n'éprouviez pas d'obstacles pour toutes les réquisitions que vous pourrez faire conformément à la loi. Il donne en même temps des ordres pour l'acquit des dépenses de la garde nationale faites et à faire, quand elles seront réglées.
Au total, le conseil croit avoir besoin d'éclaircissements sur la marche de votre négociation, pour pouvoir apprécier au juste votre conduite. Il désire, Messieurs, être dans le cas de lui donner toute son approbation. Mais il a reçu beaucoup de plaintes qui, à la vérité, ne sont pas assez nettement articulées ! Mais chacun de nous en particulier, dans les choses qui ont des rapports avec son département, croit apercevoir des erreurs
qui ont au moins besoin d'explications. M. Delessart, d'après les plaintes des départements, pense que vous auriez pu mettre plus de régularité dans les réquisitions, moins de hauteur dans le ton; il croit surtout que M. Verninac n'aurait pas dû écrire au directoire du Saint-Esprit, une lettre propre à faire perdre, à cette administration inférieure, le respect et la confiance qu'elle doit à l'administration du département. M. Du-portail voit avec peine l'effet qu'a produit la combinaison des gardes nationales de Marseille, avec les troupes de ligne ; tous, nous désapprouvons ce choix qui n'était pas indiqué par la nature des choses, à dés médiateurs et des pacificateurs. En mon particulier, il m'est difficile de ne pas apercevoir cette envie d'accélérer et de brusquer la réunioii, si contraire à mes instructions verbales conformes au décret. Mais nous savons qu'il ne faut pas être prompt à juger, et surtout a condamner, loin des objets et aU milieu de prétentions et de préventions qui se combattent. En mdn particulier, je dois être plus circonspect, car je sais quels ont été mes motifs de confiance en vous, et'jé suis sûr de ne m'être pas trompé. J'attends dés éclaircissements
?ui ne manqueront pas de justifier èette opinion, aites tout ce qui sera possible pour pacifier,
Eour rapprocher les esprits, pour éteindre les aines, et donner prise à aucun soupçon de partialité. Je vais, de mon côté, rédiger un mémoire pour l'Assemblée nationale, dans lequel, sans énoncer aucune opinion sur la marche de l'affaire, je tâcherai d'en bien fixer la situation, afin de mettre l'Assemblée nationale en état de prendre un parti. Le comité a des documents que vous lui avez adressés, et qui m'auraient été utiles. Je ne conçois pas bien encore pourquoi, surtout après ma dernière lettre, toute cette correspondance n'est pas avec moi, et comment vous ne vous ressouvenez pas que vous n'êtes point les commissaires de 1 Assemblée nationale et des comités.
Le ministre de la justice, Signé : M. L. J. DUP0RT.
P. S. M. Delessart a donné des ordres pour vous faire toucher les 12,000 livres qui vous sont nécessaires, et le payement de votre courrier.
Paris, le
Le peu de temps, Monsieur, que me laisse le cours dés affaires publiques que les circonstances multiplient à l'infini, l'espoir d'envoyer promp-tement dans le Comtat des commissaires pour mettre à exécution la loi de la réunion, sont les motifs de mon silence sur les dernières lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser. Je vois, par les détails affligeants que m'offre votre dernière du 23 septembre, qu'il sera bien difficile de ramener à l'ordre, de soumettre à l'empire des lois, un pays où la division règne depuis si longtemps, où les passions et les intérêts ont pris une si grande activité. Tant de désordres appellent un prompt remède. Les commissaires sont choisis et vont partir. Je n'ai pas cru pouvoir vous déléguer plus longtemps des fonctions dans lesquelles une expérience de plus de trois mois, la connaissance des mœurs, du caractère des habitants vous auraient rendu utile. La confiance de vos concitoyens, dont vous avez reçu pendant votre absence un éclatant témoignage, me défend de vous tenir plus longtemps éloigné de l'Assemblée nationale législative dont vous êtes membre.
Ainsi, vous pourrez revenir aussitôt que MM. les commissaires seront arrivés.
Le ministre de la justice, M. L.-F. Duport.
P. S. Au milieu des incertitudes, des doutes et des nuages qu'on a cherché à répandre sur votre mission d'ailleurs si délicate, il m'était impossible, surtout dans une affaire qui avait été entièrement conduite par le comité diplomatique de la dernière Assemblée nationale, de vous donner des instructions précises et les décisions que vous demandiez. Il eût été peu raisonnable ae prescrire à cette distance ce qu'il doit faire, a un homme sage qui est sur les lieux, et qui peut seul convenablement observer une scène si mobile. Aujourd'hui tout a changé par les commissaires qui vous remplaceront. Ds ont un but certain, des moyens assurés. Ils savent au juste ce qu'ils ont à faire. Cette position est bien meilleure, et l'un deux, M. Le Scène-des-Maisons,1 connaît bien le terrain. Il sera accompagné de M. Champion de Villeneuve et d'un commissaire militaire. Je vouis souhaite le bonjour, mon cher abbé, et vous fais mille compliments sur votre nomination qui répond à bien des injures.
A monsieur le ministre de Vintérieur (Delessart).
Nota. Malgré mes recherches, je n'ai pu trouver dans mes papiers, les lettres écrites à M. De lessart avant le 4 septembre 1791. Il est possible qu'elles soient restées parmi les papiers que j'ai laissés à M. Le Scène. Si les comités et l'Assemblée les désirent, il sera facile d'en avoir communication par le ministre lui-même.
Courthezon, ce
Monsieur,
J'ai reçu, le 27 août, la somme de 12,000 livres que vous nous avez fait passer, et je vous remercié de la bonté que vous avez eue, en envoyant des assignats, ae les faire choisir de 5 livrés, cela est un avantage pour nous et pour ce pays qui n'en avait encore vu que très peu à la foire de Beaucaire.
Vous nous aviez fait l'honneur de nous promettre que vous donneriez des ordres pour que les dépenses faites pour les gardes nationales fussent acquittées, ainsi que celles qui seraient à faire. Vous les aurez donnés sans doute ; mais ou ils ne sont pas parvenus, ou ils sont envoyés à d'autres personnes qu'à celles qui ont fourni la majorité des fonds, car, àctuellement même, c'est moi qui suis obligé de prendre sur ce que vous m'avez envoyé pour fournir le prêt aux aé-tàchements qui servent dans le Comtat.
M. Ghaubry, trésorier des troupes à Toulon, a défendu absolument à M. Donis, qui est à Avignon, de nous fournir, que l'on ne lui ait fait passer des fonds et fait faire le versement de ce qu'il a avancé, de sorte que c'est un embarras cruel pour moi ; Cela épuise ce que vous m'avez fait passer pour dépenses personnelles. Je vous prie donc, avec les plus grandes instances, de donner les ordres nécessaires à M. Chaubry, et de faire verser dans la caisse les fonds employés par lui ; ou par M. Donis ; c'est une des choses les plus instantes que cet ordre.
Je me flatte que la défense que fera pour nous M. Le Scène-des-Maisons auprès de vous et de M. le ministre de la justice, vous fera revenir
sur les mauvaises impressions que le département du Gard vous a données contre nous.
Signé : Mulot.
Au même. Courthezon, ce
Monsieur,
Vous nous aviez promis de donner des ordres pour le paiement des gardes nationales que nous avions employées ou que nous emploierions encore. Ces ordres ne sont parvenus à personne; le caissier des troupes dé ligne nous ferme la caisse, le ministre de la guerre nous fait un crime d'y avoir puisé. A l'exception du département de la Drôme, les autres départements se refusent à tout paiement. Je me suis vu forcé de payer sur les 12,000 livres que vous avez eu la bonté de m'envoyer, entre quatre et fiinq mille livres, pour le prêt de ces gardes nationales, et comme cette dépense extraordinaire, jointe à ce qu'il a fallu payer ce qui s'était arriéré pendant que nous attendions ce que nous avions prié M. le ministre de la justice de vous demander, épuisait les 12,000 livres arrivées le 27; j'ai cru ne pas devoir continuer le prêt que j'eusse pu payer au plus pendant 3 ou 4 jours encore, et j'ai remercié les gardes nationales, que le département des Bouches-du-Rhône ne faisait que de relever, et je vous avoue que je Vai fait avec le plus grand regret à raison du besoin que j'en avais, et de Vexcessive modicité des troupes de ligne avec lesquelles notre général ne peut pas même s'exposer à garder Avignon.
Je vous prie donc instamment, Monsieur, de vouloir bien donner des ordres pour le paiement des gardes nationales, de me faire connaître à qui vous les aurez donnés; peut-être serait-il plus simple de charger M. Donis, à Avignon, de ce paiement ; trésorier des troupes de ligne, il est au fait de ce genre de détail; au surplus, je me repose avec confiance sur ce que vous ferez, je vous demande seulement de m'en faire part.
D'après l'exposé que j'ai eu l'honneur de vous faire de l'emploi des fonds que vous m'avez envoyés pour nos besoins personnels, je vous prierais de vouloir bien me faire remplacer au moins ce que j'ai employé pour les gardes nationales, afin que je ne me trouve point à court.
J'aurais encore une demande à vous faire ; en faisant mouvoir tant des troupes de ligne que des gardes nationales, dans le Comtat, nous avons été forcés de requérir l'étape des diverses municipalités. Mais ces municipalités, n'étant point françaises, né peuvent avoir recours à des districts; par qui nous ferons-nous payer? Epuisées par la guerre malheureuse qui a dévasté le Comtat et qui, s'il n'est pas réuni a la France, est prête à renaître et à l'anéantir, ces municipalités ont besoin d'être remboursées.
Vous m'avez toujours témoigné des bontés, Monsieur, je n'ai changé en aucune manière, et j'ose me natter que je les mérite encore.
Par votre lettre au département du Gard, qui la montre à tout le monde, vous avez cependant blâmé la conduite de mes collègues et la mienne, et vous m'avez enlevé cette considération que je m'étais acquise dans ce département par mes travaux, mes peines et ma loyale conduite. Mes collègues se défendent à Pans; moi, je suis à 200 lieues de cette ville, où la calomnie me porte des coups perfides; couvrez-moi de votre
égide, Monsieur, et j'ose vous affirmer que vous en aurez couvert l'innocence.
Signé : MULOT.
Au même. Courthezon, ce
Monsieur,
Nous sommes embarrassés pour avoir des gardes nationales et pour les payer. J'apprends à l'instant que, dans le Gard, 1,200 hommes sont réunis pour se porter ensuite sur les frontières; ces gardes nationales sont payées d'après les décrets; il serait plus avantageux sans doute qu'ils fussent employés dans le Comtat, que l'on peut, certes, regarder comme frontières, que d'être à attendre une destination qui- peut encore être éloignée; ce serait une épargne considérable pour l'Etat. Si ma proposition pouvait, être goûtée,.cela me ferait d'autant plus plaisir, que je suis à tout moment embarrassé pour porter des secours aux villes du Comtat, dont plusieurs fermentent, et que je ne puis les garnir, faute de troupes et d'argent pour solder les gardes nationales; un ordre de vous au département du Gard pour faire passer sur-le-champ 600 de ces gardes nationales dans le Comtat, accompagnés d une note pour le paiement, me procurerait tout l'avantage dont je suis privé au détriment de ce pays, qui,, par ce défaut de forces, n'a réellement, pas la protection efficace que la France lui a promise...
Je désire bien ardemment, Monsieur, que la réunion de ce pays à l'Empire français s'opère : plus elle tarde et plus je vois le feu s'étendre ; nos départements du Midi en sentiront la chaleur; je ne suis point tranquille du tout sur la position du pays où l'anarchie ne peut cesser que parl'établissement deslois françaises et son union a la France.
Signé : MULOT.
Lettre de M. Delessart à M. Mulot.
Nota. — Je n'ai dans les mains que la lettre suivante, de celles que M. Delessart a écrites à la médiation. Il nous en avait adressé une le même jour que M. Duport nous écrivit celle qui se trouve page 46. Ma mémoire me rappelle qu'il nous reprochait de n'avoir pas adressé nos réquisitions au seul département : d'avoir déterminé dans nos réquisitions les lieux d'où nous désirions tirer spécialement les gardes nationales ; il nous exhortait à donner plus de latitude à nos réquisitions ; nous prévenait qu'il écrivait au département du Gard de céder à nos réquisitions (ce que le département ne fit qu'une fois et incomplètement), etc. Il nous annonçait qu'il allait pourvoir aux dépenses des gardes nationales. Le ministre ne refuserait pas sans doute communication de cette lettre. Je ne cite que le dernier article de la seule lettre de M. Delessart que j'aie. Comme cette lettre est entre les mains de M. le rapporteur de l'affaire d'Avignon, je. n'ai pu reprendre la totalité de la lettre, j'en cite ce qui est analogue à la demande des gardes nationales autorisées : le commencement regarde la demande que j'avais faite dans mes lettres relativement à mes avances pour le prêt des gardes nationales.
Paris, 23 septembre 1791..
.....A l'égard des ordres que vous désirez
que je donne au département du Gard, de faire passer dans le Comtat les 600 gardes nationales au nombre de celles qui sont destinées à défendre la frontière, je vous prie d'observer que je ne peux prendre sur moi de changer la destination ae ces gardes, décrétée par l'Assemblée nationale.
Le ministre de Vintérieur, Signé : delessart.
Séance du
présidence de m. lacépède, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des procès-verbaux des séances du samedi 19 novembre au matin et au soir.
présente diverses observations qui tendent à reproduire les amendements au projet de décret au comité de législation sur les prêtres non assermentés, amendements qui ont été rejetés hier.
, au nom du comité d'instruction publique. Messieurs, votre comité d'instruction publique serait arrêté dès les premiers pas dans la carrière que vous l'avez chargé de parcourir, si vous n'adoptiez pas le projet de décret qu il m'a chargé d avoir l'honneur ae vous présenter. Ce décret est conçu en un seul article, et il suffira de l'énoncer pour vous en faire sentir l'importance. Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique, décrète qu'il est autorisé à correspondre directement avec les administrations de département et de district, et les municipalités sur le territoire desquelles se trouvent les divers établissements consacrés jus-
3u'à présent à l'enseignement, à l'avancement es sciences, des lettres ou des arts, ainsi qu'avec les directeurs, administrateurs et dépositaires de tous les monuments qui concernent les arts et les sciences, et à leur demander directement et immédiatement tous les renseignements dont il pourra avoir besoin pour ses travaux, et particulièrement les catalogues ou états détaillés des bibliothèques, collections de tout genre, bâtiments, biens territoriaux, revenus et autres objets relatifs à l'instruction publique. »
Je demande que la correspondance demandée par le comité d'instruction publique soit étendue à tous les autres comités.
J'appuie la motion du préopinant, mais je propose par amendement que, dans aucun cas, les comités ne puissent rendre de décision à moins aue l'Assemblée ne l'ait ordonné
expressément. Voici la rédaction que je propose: « L'Assemblée autorise les différents comités à correspondre, dès ce moment, avec tous les corps administratifs et les établissements publics, pour se procurer les éclaircissements qui leur seront nécessaires, sans pouvoir en aucun cas rendre de décision. »
Je demande une exception pour le comité diplomatique : il ne doit point avoir de correspondance.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : Le décret d'urgence !
D'autres membres : Non! non! C'est un décret de discipline.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix, sauf rédaction.)
Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale autorise ses comités à correspondre directement avec les corps administratifs et autres établissements pour se procurer les renseignements et éclaircissements qu'ils croiront nécessaires, sans, dans aucun cas, pouvoir donner ni avis, ni décision. »
Les députés nommés par le département de la Corse viennent d'arriver et demandent que l'Assemblée charge le comité de division de vérifier leurs pouvoirs.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
, secrétaire, donne lecture des lettres et adresses suivantes :
1° Lettre de M. Tissot, procureur de la commune d'Avignon, contenant une demande de secours pour les habitants d'Avignon qui se trouvent ruinés par suite des troubles survenus dans cette contrée.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des secours publics!
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des secours publics.)
2° Lettre de M. Vindsor, par laquelle il prie l'Assemblée d'agréer l'hommage qu'il lui fait d'un tableau en grand de la déclaration des droits; cette lettre est ainsi conçue.
« Monsieur le Président,
« J'offre à l'Assemblée nationale un hommage digne d'elle, c'est la déclaration des droits ae l'homme et du citoyen, gravée en grands caractères. Daignez, Monsieur le Président, agréer cet hommage comme une preuve du patriotisme qui m'anime.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : vlndsor. »
Un membre : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée accepte l'hommage, en décrète la mention honorable au procès-verbal et accorde les honneurs de la séance à M. Vindsor qui avait été admis à la barre. (.Applaudissements.)
Un membre : J'ai appuyé la demande d'une mention honorable au procès-verbal, mais je demande que l'on donne des ordres pour faire enlever ce tableau qui empêche une partie de la salle de voir l'autre. (Rires.)
(Les huissiers enlèvent le tableau et le portent aux archives.)
3° Adresse ae félicitations de la municipalité de Montreuil; elle est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Nous croyons devoir vous témoigner nos vœux et les témoignages de sentiment de reconnaissance, de sincérité et de respect que nous vous portons. Nous prions Dieu qu'il vous comble de toutes sortes de satisfactions et de bonheur dans vos travaux, et de fairè transpirer tous vos désirs (Rires.), votre courage, votre Donne volonté dans une félicité heureuse, et qu'il vous donne le courage de vivre, et de surmonter toutes les peines
et les erreurs que plusieurs personnes tentent contre vous. Nous espérons que l'Etre suprême ne vous favorisera pas moins que la première législature. Soyez persuadés que nous sommes prêts à répandre jusqu'à la dernière goutte de notre sang pour le maintien de vos décrets. » (Applaudissements.)
. (Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans son procès-verbal.)
donne la parole à M. Gossuin pour faire un rapport sur diverses pétitions adressées à V Assemblée.
, au nom du comité des pétitions. Messieurs, votre comité des pétitions a examiné très attentivement différents mémoires qui lui sont parvenus ; il a proposé sur chacun d'eux un rapport détaillé ; mais comme l'Assemblée nationale jugera peut-être convenable de s'occuper d'affaires beau coupplus intéressantes, votre comité se contentera, Messieurs, si vous le trouvez bon, de vous exposer en peu de mots l'objet de ces pétitions. Le comité a pensé qu'il devait les diviser en trois classes : la première, celles à renvoyer au pouvoir exécutif; la seconde, celles à renvoyer aux départements, et la troisième, celles sur lesquelles il n'y a pas lieu à délibérer
M. le Rapporteur donne lecture d'une notice de ces pétitions, et, parmi celles de la première classe, fait mention d'une plainte du sieur Martin contre le ministre des contributions publiques, M. Tarbé, qu'on accuse d'avoir donné des places à des hommes sans instruction et qui n'y avaient aucun droit, parce qu'ils n'ont point travaillé dans la partie où le ministre les a employés.
On ne peut renvoyer au pouvoir exécutif des plaintes contre les agents du pouvoir exécutif. Ce serait le vrai moyen de priver les pétitionnaires d'obtenir gain de cause, puisqu'on les renverrait vers ceux-là mêmes que leurs torts particuliers autorisent à refuser toute justice.
Un membre : Il faut suivre la hiérarchie des pouvoirs. Souvent les ministres sont accusés des fautes de leurs subalternes. Il peut arriver qu'instruits de quelque imputation pareille, ils réparent à l'instant ce qu on leur reproche à leur insu. S'ils refusent d'entendre les justes plaintes qui leur sont adressées, ils deviennent alors vraiment coupables et donnent prise à une accusation fondée.
Un membre : Je ne crois pas non plus qu'il soit possible de renvoyer des pétitions aux directoires de départements. Les pétitionnaires ont suivi la marche qui leur est indiquée par la Constitution, relativement à la hiérarchie des pouvoirs.
, rapporteur. Je pense que lorsque l'Assemblée prononce le renvoi aux départements, elle ne renvoie pas elle-même, mais elle indique aux pétitionnaires qu'ils doivent s'adresser aux départements.
L'Assemblée ne ©eut renvoyer aux corps administratifs que pour les fonctions qui les subordonnent directement à l'Assemblée nationale. Pour le reste, elle doit renvoyer au pouvoir exécutif.
Plusieurs membres : La question préalable sur toutes les pétitions !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à
délibérer sur les différentes pétitions dont M. Gossuin a fait le rapport.)
, rapporteur. Je demande que le comité des pétitions soit autorisé à renvoyer les différentes pétitions sur lesquelles l'Assemblée a décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer aux différents pétitionnaires, et qu'il soit fait mention de ce renvoi à la marge, ainsi que de sa date, et de l'indication des ministres et corps constitués auxquels les pétitionnaires devront s'adresser.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Gossuin.)
Un membre : Je demande, par amendement, que le même droit soit accordé à tous les comités, comme un moyen d'épargner à l'Assemblée un temps précieux.
(L Assemblée adopte également cette motion.)
Suit l'extrait des pétitions sur lesquelles l'Assemblée a décidé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer et dont elle a prononcé le renvoi aux pétitionnaires:
« 1° Précis imprimé du sieur Jean-Joseph-Louis Delatre, curé de Bouresche, qui réclame contre un sieur Choin 30 perches de terrain.
« 2° Pétition au directoire du département de la Haute-Garonne qui demande si les électeurs seront payés, et si la loi du 9 septembre dernier s'étend aux électeurs de 1789.
« 3° Adresse du sieur Mouillac qui reproche à l'Assemblée nationale de n'avoir pas fait lecture de l'Acte constitutionnel.
« 4° Démission du sieur Tissot, député extraordinaire d'Avignon. Il donne pour motifs les nouveaux troubles qui ont eu lieu dans cette ville.
« 5° Pétition des marchands habitués d1 étaler sur les boulevards de Paris, pour se plaindre de l'arrêté de la municipalité qui leur interdit cet usage.
« 6° Pétition du procureur-syndic du district de Tulle qui demande qu'il soit permis au conseil de ce district, de jouir de la quinzaine qui lui est accordée par les lois.
« 7° Mémoire du sieur Pierre Bouc, dit Dubois, pour revendiquer la propriété d'une maison vendue par sa mère.
« 8° Adresse de la municipalité de Limoges ; elle se plaint de l'insuffisance des revenus de sa commune et demande des secours.
« 9° Lettre du sieur Thomas pour tracer à l'Assemblée le chemin à suivre, et si elle ne le fait pas, il lui dit d'avance des injures.
« 10® Adresse de prétendus citoyens de Rennes ; ils déclarent ne vouloir reconnaître de prêtres que ceux canoniquement institués.
« 11° Pétition ae la veuve Serve de Mornand qui prie l'Assemblée de renvoyer une affaire qui lui est personnelle au juge de paix de Lyon.
« 12° Pétition des membres du bureau de paix de Corbeil qui se plaignent que la municipalité ne subvient pas à la dépense de leurs frais de bureau.
« 13° Prétendue lettre des princes français. Ils menacent la France s'ils ne parviennent pas à être remis dans leurs anciens droits.
« 14° Pétition des sieurs Meyer et autres qui se plaignent de ce que les juges ont refusé tout sursis à une saisie.
«150 Lettre de M. Cour jolies; il se plaint des prétendus commissaires qui se sont fait présenter au roi, attendu, dit-il, qu'il n'y a que lui et le sieur Gorard qui ont cette qualité.
« 16° Supplique, remplie ae fausses signatures, de soi-disant officiers municipaux et habitants de
plus de 200 paroisses du Lyonnais et Forez. Ils demandent que les prêtres non assermentés soient maintenus dans leurs places.
« 17° Pétition des officiers municipaux de la Rivière qui se plaignent d'un jugement et d'une mainlevee, qui a été donnée de saisie faite sur les frontières.
» 18° Adresse non signée, qui contient différentes réflexions insidieuses contre les décrets sur le ci-devant clergé.
» 19° Pétition du sieur Guillaume Ducasse, citoyen de Bordeaux, qui demande une sursëance à un jugement par corps.
» 20° Pétition des religieuses du monastère de Sàint-Bernard de Monasque qui së plaignent de ce qu'on a fait fermer leurs églises.
» 21° Lettre du sieur Renevey, prêtre, directeur de l'Hôpital de la Charité, qui témoigne de l'inquiétude sur le choix de la supérieure de cet hôpital.
» 22° Lettre du procureur de la commune de Moisy qui se plaint de la turbulence du curé, qui ne s'occupe qu'à intenter des procès aux habitants. Il demande son remplacement.
» 23° Pétition du sieur abbé Collet qui implore la protection de l'Assemblée pour être installé dans une cure à laquelle il a été nommé par les électeurs du district de Valenciennes.
» 24° Pétition du sieur Pierre Guérin, ancien agréé au consulat de Brioude, qui se plaint d'une emprise faite sur son terrain pour la construction de deux chaussées.
» 25° Pétition du sieur Fontaine qui demande que le maire de Noyon soit tenu de lui faire passer l'état nominatif des tanneurs et peaussiers de la même ville, dont il a besoin pour sa liquidation.
» 26° Pétition du sieur Latyl, curé de Saint-Thomas-d'Aquin, qui se plaint de ce qu'on veut le faire sortir d'un appartement qui lui avait été accordé provisoirement par les citoyens de sa paroisse.
» 27° Pétition du sieur Chamond qui se plaint d'un vol fait à son fils dans une maison de jeu à Paris.
» 28° Pétition du sieur Sarrazin, costumier des théâtres et des peintres, qui réclame une indemnité pour l'enlèvement de plusieurs espèces d'armes antiques qui lui a été fait le jour de la prise de la Bastille.
» 29° Pétition du sieur Pierre Lallemand, habitant d'Equainville, qui se plaint de ce que la municipalité dudit lieu l'a privé de sa place; il demande d'être employé aussitôt la formation des écoles d'éducation publique.
» 30° Pétition du juge de paix du canton de Rocroy. Il prie l'Assemblée de renvoyer au tribunal de cassation les pièces d'une affaire qui le concerné.
» 31 "Lettre et mémoire du sieur Moreau, homme de loi; il demande pour le sieur Duville, qui a 37 ans de service, une place d'officier dans la gendarmerie nationale.
_ » 32° Le sieur Cordier, juge de paix à Coutances, se plaint des atteintes portées au libre exercice de ses fonctions par le président du tribunal dudit lieu.
» 33° Adresse du sieur Durival; il réclame une indemnité pour le mauvais traitement qu'il essuie, ainsi que sa femme et ses enfants, dans les prisons où ils sont détenus.
» 34° Lettre des sœurs de la Charité de la Chapelle de Riboulet; elles se plaignent des vexations qu'elles disent éprouver parce qu'elles n'ont pas
prêté leur serment ; elles demandent d'être mises à l'abri de ces vexations.
» 35° Adresse du directoire du département de la Haute-Marne qui rend compte de la conduite qu'il a tenue dans l'émeute populaire arrivée au bourg de Voisy, et de sa dénonciation, au tribunal du district de Bourbonne, des faits qui semblent avoir provoqué ce désordre.
» 36° Affaire du sieur Hemery, citoyen de Gan-nat, et titulaire de la ci-devant abbaye ; qui réclame contre la vente de la ci-devant abbaye de ce nom. 11 dit que la construction des bâtiments dont il prétend être propriétaire, lui a coûté 120,000 livres, et quiï n'a reçu encore que 50,000 livres.
» 37° Adresse de Marie Zeiges, qui supplie l'Assemblée d'enjoindre à l'accusateur public d'Alt-kirch de lui rendre justice.
» 38° Pétition de la municipalité de Gué d'Hous-sut qui demande que les effets saisis dans son territoire soient distribués ou vendus.
» 39° Pétition de sept1 personnes détenues à Bi-cêtre qui demandent leur sortie.
» 40° Mémoire du sieur Levanière, ancien capi-pitaine de navire, qui sollicite une place dans les ports ou les arsenaux.
» 41° Lettre du sieur Flourens, juge de paix du canton de Visac, par laquelle il dénonce un imprimé qui a pour titre: Journal général de France.
» 42° Lettre des administrateurs du département de la Drôme. Us demandent si, en fixant un traitement aux curés, la nation entend demeurer grevée des pensions réservées sur des cures, en vertu de résignation. Ils demandent, en outre, si les vicaires qui desservent les cures abandonnées, doivent jouir du même traitement que les curés.
» 43° Projet du sieur Reyber, pour détruire les abus qui se propagent dans la négociation des effets.
» 44° Le sieur Dufraisne, vicaire à Clermont, demande de jouir du même droit que les autres religieux, en lui accordant le traitement fixé par la loi.
» 45° Lettre du directoire du département du Lot. Il demande que les personnes qui ont été employées aux travaux de la liquidation et au payement des pensions et traitements des ecclésiastiques, soient payées.
» 46° Mémoire du sieur Millou, pour être payé du travail qu'il a fait pour le gouvernement dans la direction de M. Gormeré.
» 47° Pétition de Marie-Louise Dariou, femme de Jean Pillard, pour être comprise dans les secours accordés aux malheureux du Canada incendiés en 1759.
» 48"Adresse de Guillaume Barbet, de Charenton-Saint-Maurice. Il demande la liquidation de sa traite sur M. d'Artois.
» 49° Pétition du sieur Bezard, ci-devant entrepreneur des dépêches de Paris à Orléans ; il se plaint de ce que le siéur Gérard, chef d'un des bureaux de M. de Saint-Léon, ne lui rend pas justice.
» 50° Pétition du sieur Regnault, greffier à la Rochelle, pour être payé de ses expéditions de
Êrocédure criminelle contre les auteurs des trou-les de Saint-Jean-d'Angely.
>» 54° Pétition du sieur Joseph Requet, gendarme national dans le département du Finistère, qui demande à être juge par le tribunal du district de Brest, et non par la prévôté de la marine.
» 52(> Pétition du sieur François-Chrysostéme Duhattay pour être autorisé à transporter en son domicile, au delà de la frontière, ses grains et
autres denrées, provenant de ses propriétés si tuées en France.
» .53° Pétition d'un sacristain de la Peyratte, qui se plaint de l'arrêté du directoire du département des Deux-Sèvres, par lequel il ne lui est accordé que 72 livres d'appointements. Il demande à être augmenté.
» 54° Dénonciation du sieur P. F. Martin, ancien employé aux impositions, contre M. Tarbé. Il se plaint de ce qu'au mépris des décrets, ce ministre accorde des places-à des personnes qui n'ont jamais servi la nation.
» 55° Lettre du sieur Marnat, laboureur. Il réclame ses chevaux et ses charrettes qui ont été saisis à Belfort.
, » 56° Lettre du sieur Julien du Saint-Cyr, caporal au 12e régiment, compagnie de Saint-Surin. Il demande d'être dédommagé de la perte qu'il a fait de ses effets, lors de sa traversée sur mer.
, ministre de la justice, a la parole pour faire une communication relative aux sieurs Tardi et Noireau, mis en accusation par-idécret du 12 novembre 1791 (1) ; il s'exprime ainsi
Je crois que l'Assemblée nationale jugera convenable- de délibérer, sur-le-champ, sur l'objet qui m'amène ici. Le 13 de ce mois, le roi m'a remis le décret de l'Assemblée nationale, ayant force de loi, relativement à l'arrestation des npm-més Tardi et Noireau; sur-le-champ, j'ai pris à la
f>oste un courrier extraordinaire, j'ai mit faire es expéditions du décret et j'ai cru devoir l'adresser au procureur-général-syndic du dépar-tementj pour les raisons qui sont développées dans la lettre que je vais lire ; la voici :
« Monsieur,
« J'ai l'honneur de vous envoyer, par un courrier extraordinaire, un décret qui met en état d'apcusation les nommés Tardi de Dijon et Noireau. La minute du décret porte Pontarlier, c'est Pontailler, département de fa Côte-d'Or. Vous voudrez bien prendre les mesures que vousjugerez les plus convenables pour vous assurer delà personne ae ces deux accusés. Je vous prie de m'adresser, en m'accusant la réception de cette loi, une expédition du procès-verbal de leur arrestation. Il n'est pas bien certain que l'adresse au procu-reur-général-syndic soit complètement régulière, car ces deux particuliers étant accusés par un décret du Corps législatif, cette exécution est judiciaire. Mais je ne connais pas de pouvoir public qui puisse plus facilement, plus sûrement et plus promptement exécuter le décret. La forme, à cet égard, n'est pas suffisamment établie ; mais il ne faut pas s'appesantir sur les formes, lorsqu'il s*agii d'un grand danger public, et quand les accusés peuvent s'éloigner et emporter les preuves.
Il sera nécessaire de faire passer promptement aux juges de paix des domiciles, l'ordrè d'apposer les scellés; et afin qu'il n'y ait pas de difficulté, je crois qu'une mesure à prendre serait d'envoyer cette apostille collationnée sur ma lettre qui pourra leur servir d'ordre de ma part. » 1 ■"'
M. le procureur général m'a écrit :
« Monsieur le Ministre, « Le courrier extraordinaire, par lequel vous m'avez envoyé le
décret du 12 de ce mois, sanctionné le 13, est arrivé à Dijon le 15. La lecture du décret et
de la lettre qui l'accompagne, m'a
« En me conformant au décret, je devrais faire arrêter les sieurs Tardi père et fils, et les trois frères Noireau.
« J'ai senti combien il serait injuste d'arrêter trois innocents avec les deux accusés, mais j'ai dû considérer aussi la grandeur du délit par la qualité seule de l'accusation, importance désignée d'ailleurs par les précautions que le Corps législatif a cru devoir prescrire au pouvoir exécutif et fortifiée par 1 observation contenue dans votre lettre ; qu'il ne faut pas consulter sur les formes lorsqu il s'agit d'un grand danger public. J'ai cru devoir communiquer aux membres du directoire du département, dans une conférence secrète, la perplexité où je me trouvais. Je m'y suis décidé avec d'autant plus de raison que l'exécution de la loi leur est confiée comme à moi. Nous avons pensé que le caractère du délit et la nécessité impérieuse de s'assurer des prévenus et des preuves, ne nous permettaient ni de différer l'exécution du décret, pour demander des éclaircissements, ni de manquer l'objet principal de la mission, en ne faisant arrêter qu'un seul Tardi et un seul Noireau. Nous avons senti combien il était cruel d'exiger des citoyens innocents le sacrifice que l'intérêt de la patrie les forçait de s'imposer, puisque des poursuivis, deux seulement sont accusés.
« J'ai pris sur-le-ehamp toutes les (mesures nécessaires pour que le décret fût ponctuellement exécuté. Les sieurs Tardi père et fils sont domiciliés à Dijon, et le père passe une partie
de l'année à sa campagne, canton de......(1)
et le fils à Nuits, où fî possède un domaine considérable. Nous ignorons s'ils étaient l'un et l'autre à la ville ou à leur campagne. J'ai fait expédier le décret par les juges de paix de Nuits, de______ (l), de Pontailler et Dijon. M. Legrand,
(1) Le journal logographique auquel nous empruntons ce document, tome IV, pages 7 et suiv., mentionne ici la ville de Saint-Louis-do-la-Salle ; il a été impossible de trouver trace d'une localité portant ce nom. — Quant à la ville de Buitz ; il y a également erreur ; c'est de Nuits qu'il s'agit évidemment.
capitaine de la gendarmerie nationale, que j'ai chargé spécialement de l'exécution, est parti à six heures.
« A six heures et demie précises, la gendarmerie est partie pour Pontailler, Nuits et Dijon. M. Legrand s'est transporté au même instant chez le sieur Tardi père, l'un de ses officiers au domicile du fils, l'un et l'autre accompagnés d'un iuge de paix. Les sieurs Tardi étaient absents l'un et l'autre.
« Les scellés ont été apposés sur leurs papiers, et leur maison recommandée à la vigilance de la garde nationale. Cette première opération s'est faite sans aucune espèce de rumeur, et a été terminée à 11 heures au soir. »
« Dans l'intervalle d'hier, jusqu'aujourd'hui, j'ai appris que le sieur Tardi fils avait été arrêté a NUits, ainsi que le sieur Noireau de Pontailler. L'un et l'autre sont au secret, dans les prisons de l'hôtel commun,- que, j'ai cru préférables à celles du ci-devant parlement, parce qu'ils sont sous l'inspection de la garde nationale de cette ville. Je n'ai encore aucun avis du succès de la mission de la gendarmerie, pour s'assurer des autres personnes qui lui ont été désignées. »
« A 2 heures.
« Le sieur Noireau l'aîné a été écroué aux mêmes prisons, et à l'instant consigné au secret. C'est le seul des trois frères que les gendarmes aient rencontré à Pontailler. Sur les informations prises depuis hier, j'ai fait envoyer un brigadier de la gendarmerie a Auxonne,pour s'assurer de la personne du sieur Noireau, receveur des gabelles, s'il était dans cette ville. Je reçois à l'instant des papiers publics, et j'y trouve des éclaircissements qui m auraient épargné bien des inquiétudes s'ils eussent accompagné l'envoi du décret. Il me paraît en effet qu'il n'y a que deux accusés, l'un ci-devant receveur des gabelles et entreposeur du tabac à Auxonne, et que l'autre doit être un fils du sieur Tardi, employé dans les douanes aux frontières, et, dont je n'ai connu l'existence que par les renseignements que je viens de prendre. J'ignore le lieu où réside le sieur Tardi; on présume qu'il est parti sur la frontière de... »
«
« Je reçois ce matin, par le retour des gendarmes envoyés à Auxonne, l'avis que celui des frères Noireau qu'ils avaient cru arrêter en cette ville, en était sorti hier sur la rumeur de l'arrestation de son frère aîné; j'apprends en même temps qu'on a expédié de cette ville un courrier avec son signalement pour le faire arrêter à Chalon-sur-Saône s'il prend sa route par le midi.
« A l'instant, M. Legrand vient de m'assurer que le sieur Noireau est parti hier soir pour Dijon, qu'il en est sorti cette nuit en prenant une marche détournée, mais que son signalement vient d'être envoyé sur toutes les routes. Je présume que sa prison sera à Chalon.
« Au moment du départ du courrier, les gendarmes envoyés à la maison du sieur Noireau ne sont pas encore de retour. J'ai l'honneur de tous envoyer, Monsieur, les extraits des procès-verbaux des arrestations et des appositions de scellés faites à Dijon, Pontailler, Nuits et Auxonne. Je vous prie de vouloir bien donner prompte-ment les ordres relativement aux sieurs Noireau
père et fils. Il serait bien douloureux pour eux de perdre leur famille, et bien affligeant pour l'humanité que deux citoyens honnêtes et véritablement patriotes, soient victimes d'une méprise. »
Je crois, Monsieur le Président, que l'Assemblée nationale sentira l'indispensable nécessité de prendre sur-le-champ des mesures pour donner l'indication précise de ceux qui ont été l'ob-jet du délit. Il m'a été impossible d'agir d'après les renseignements trouvés dans les papiers publics, parce qu'il eût été par trop imprudent, sur une simple dénonciation des papiers publicSj de désigner tel ou tel individu, n'ayant pas ici une connaissance particulière ae l'affaire, des circonstances et des personnes désignées ; mais ie crois qu'il est important de ne pas laisser plus longtemps au secret ceux qui ne sont pas compris dans le décret. Je crois même et je soumets cette idée à l'Assemblée nationale que si des citoyens sont dans le cas de faire un pareil sacrifice à leur patrie, je crois qu'il est important aussi de trouver une forme qui les mette à l'abri des soupçons de toute espèce, une manière enfin de les récompenser du sacrifice qu'ils ont fait.
Et moi, j'en fais la motion expresse.
Plusieurs membres: Appuyé! Appuyé!
Un membre : Je propose à l'Assemblée de décréter que le comité ae législation se retirera sur-le-champ pour faire, séance tenante, un rapport sur cet objet important.
Il faut que le dénonciateur aille au comité pour donner tous les renseignements qui sont en son pouvoir.
Le comité de législation est actuellement occupé à rédiger la proclamation relative à la formation de la haute cour nationale, et à l'acte d'accusation contre le sieur Varnier. Il doit avoir sous les yeux les pièces indicatives des véritables coupables contre lesquels le décret d'accusation a été porté. Je demande donc qu'on renvoie au comité de législation la rédaction du projet de décret, parce que nul autre que le comité de législation ne peut donner les indications qui sont contenues dans les pièces qu'il a maintenant sous les yeux. J'ajoute qu'il ne peut plus y avoir de doute sur les vrais coupables : leur fuite les a trahis. (Murmures.) Ainsi je crois qu'on peut faire mettre sur-le-champ hors de prison les personnes détenues, parce que si elles avaient été coupables, elles auraient pris la fuite. (Murmures.) . •
Je sors à l'instant du comité de législation. Je dois observer à l'Assemblée que pour la rédaction de la proclamation et de l'acte d'accusation, et pour la désignation des coupables, il est très important que les procès-verbaux soient remis au comité de législation. Je demande qu'en prononçant le renvoi, on invite MM. les secrétaires à les y faire parvenir à l'instant.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
(L'Assemblée décrète le renvoi de toutes les pièces au comité de législation pour faire son rapport séance tenante et décrète, en outre, que M. le Président témoignera la satisfaction de l'Assemblée aux personnes qui ont fait à la patrie le sacrifice de leur liberté.)
(Les membres du comité de législation se réunissent sur-le-champ.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, a la parole pour faire un rapport sur l'estampille qui sert à annuler les assignats versés dans les caisses de district ; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, les receveurs de district doivent annuler les assignats provenant des recettes qui appartiennent à la caisse de l'extraordinaire; c'est la disposition des articles 10 et 11 du décret du 6 décembre 1790.
Le commissaire du roi, administrateur dé cette caisse, pour s'assurer de l'exactitude des receveurs à observer les dispositions de la loi, leur a adressé une estampille portant le mot annulé, et il y a joint une lettre du 4 février 1791 sur l'usage qu'ils devaient en faire.
Quelques receveurs ont négligé l'observation de la loi ; et plusieurs difficultés en ont été la suite.
Il y a eu des erreurs dans les envois d'assignats annulés ; et l'expérience a prouvé que le mode d'estampille adopté était insuffisant.
En effet, elle ne suffit point à la vérification des bordereaux adressés par les receveurs de districts ; et cette vérification exige que l'estampille serve à faire connaître le receveur qui en a fait usage.
Le comité des assignats et monnaies a donc pensé que l'estampille devait porter en outre le mot annulé, celui du chef-lieu du district où le receveur fait sa résidence.
Cette manière garantira l'identité des assignats annulés par chaque réceveur, et en assurera la vérification jusqu à l'instant où ils entreront dans les brûlements.
Chaque jour on reconnaît à la caisse de l'extraordinaire la nécessité d'une amélioration dans cette partie du service, et on doit désirer qu'elle soit exécutée sans délai, tant pour reconnaître le receveur qui aurait pu adresser de faux assignats, si cette falsification avait pu échapper aux commis du bureau des remises, et n'était aperçue que par ceux qui préparent le brûlement, que pour servir de comparaison avec les bordereaux des remises des receveurs de district.
Le comité vous propose donc. Messieurs, de rendre un décret qui prévienne les erreurs, assure la vérification, et facilite les moyens de reconnaître les remises des différents receveurs.
Comme ce nouvel ordre, très important, ne peut être trop tôt adopté, le comité a pensé qu'il y avait urgence; et, en conséquence, il vous propose le décret suivant :
Projet de décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des assignats et monnaies sur Imperfection des estampilles actuelles en usage dans les caisses des district, sur les erreurs qui ont été la suite de l'inexactitude de certains receveurs qui n'en ont pas fait usage; sur la nécessité de reconnaître par l'estampillage les différentes caisses de district qui ont annulé les assignats destinés au brûlement, reconnaît qu'il est de la plus grande importance de perfectionner sans délai ce régime, et en conséquence décrète qu'il y a urgence.
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il est urgent de statuer sur la forme des
es-
Art. Ier
« Les estampilles dont les receveurs de district feront usage pour l'annulement des assignats, porteront le nom du chef-lieu des districts, avec le mot annulé.
Art. 2.
Le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, fera faire sans délai, et adressera incontinent auxdits receveurs, les estampilles dont ils devront faire usage en exécution de l'article précédent, et les dimensions s de ces estampilles seront telles, qu'elles puissent couvrir l'assignat d'une manière suffisante pour qu'aucune de ses parties ne puisse conserver une valeur dans la circulation.
Art. 3.
« Lés receveurs de district ne pourront, sous aucun prétexte, négliger l'usage de cette estampille, ni en substituer une autre, à peine de supporter les pertes provenant des erreurs relatives aux assignats qui n'auraient pas été annulés conformément à la loi.
Art. 4.
« Les receveurs de district ne pourront se servir pour cet annulement, d'autre encre que celle d'imprimerie.
Art. 5.
« Les directoires de districts veilleront exactement, lors des vérifications qu'ils doivent faire des caisses des receveurs des districts, et notamment des envois que ces receveurs font par la poste à la caisse de l'extraordinaire, à ce que iesdits receveurs se conforment scrupuleusement aux dispositions ci-dessus.
Art. 6.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(L'Assemblée, consultée, décrète l'urgence et adopte le projet de décret.)
, secrétaire. Voici une lettre de M. Bouger, auteur de la Monarchie française, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage destiné à éteindre le feu de la guerre civile et dont il demande la lecture en séance; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Voudriez-vous être mon organe auprès de l'Assemblée nationale pour la supplier de recevoir l'hommage que j'ai l'honneur de lui faire, d'un ouvrage sur le pape, les cardinaux, les évêques et les prêtres non assermentés. J'ai cru nécessaire, dans les circonstances actuelles, de répandre ce petit écrit. Le désir de contribuer à éteindre le feu de la guerre civile que cherchent à allumer partout les prêtres réfractaires et séditieux, m'en a fait un devoir. Les maladies de l'opinion se guérissent encore plus par les lumières que par les lois. Mais j'aurais vainement travaille à opérer ce bien, si l'Assemblée nationale ne daigne pas seconder mes efforts. Je vous supplie donc, Monsieur le Président, de vouloir bien proclamer au milieu de cette Assemblée, le titre et l'épigraphe de cette petite brochure, et de vouloir bien en réclamer la lecture a la tribune par un de Messieurs les sécrétai-
res. Je demande cette grâce au nom de la tranquillité générale, au nom du sang innocent que des prêtres factieux et barbares font verser. Cet ouvrage est très court. Sa lecture ne peut pas être longue ; et si elle peut contribuer a opérer le bien, certainement 1 Assemblée ne perdra pas son temps.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : bouyer. »
Je vais vous lire le titre et l'épigraphe. Le titre est : Du pape, des cardinaux et des évêques, par M. Bouyer, auteur delà Monarchie française. Voici l'epigraphe : « Dans la doctrine de l'Evangile, des conciles et des canons, le pape, les cardinaux, les évêques ne sont que des intrus. » (.Applaudissements dans les. tribunes.)
Il est possible que de l'ouvrage qui vous est présenté, il puisse résulter un très bon effet; mais par le titre seul et par son épigraphe, nous'sommesautorisés à croire que l'auteur est entré dans des discussions'théo-logiques. Ceci, Messieurs, n'est point de notre compétence, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) .
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. l'abbé Rotrou, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai été nommé juge de paix dans le canton de... département ae l'Eure. Sur une lettre de M. Delessart, le département doit convoquer une Assemblée pour nommer à ma place : le motif démon exclusion est ma qualité de prêtre.Comme n'exerçant aucune fonction ecclésiastique, je demande si je suis dans le cas d'exclusion. L'affaire étant urgente, je prie l'Assemblée de prononcer.
« Je suis, etc.,
« Signé : rotrou ».
(L'Assemblée renvoie au comité de division.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport sur les secours à accorder aux employés supprimés ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, par un décret du 8 mars dernier, l'Assemblée nationale constituante a décidé qu'il serait dressé un état nominatif de tous les employés supprimés. L'article 4 de ce décret règle les secours à accorder à certains de ces employés, il est ainsi conçu :
« Jusqu'à ce que les employés compris dans les états qui doivent être dressés en exécution du premier articlej aient été remplacés, ou qu'il ait été statué définitivement sur les secùurs qui leur seront accordés, ceux d'entre eux qui ne perçoivent pas au delà de la somme de. 50 livres par mois d'appointements fixes, continueront à être payés, a compter du jour de leur suppression ou de leur réforme, soit de ladite somme de 50 livres, soit de toute autre somme inférieure qu'ils percevaient précédemment.
« Ceux dont les appointements fixes excédaient la somme de 50 livres, toucheront jusqu'à concurrence de ladite somme de 50 livres par mois, le tout provisoirement, sans tirer à conséquence pour l'avenir, et sans que lesdits paiements puissent se prolonger au delà du 1er juillet, sans un nouveau décret de l'Assemblée. »
Le 31 juillet, l'Assemblée nationale a fixé le mode définitif des secours à accorder aux employés, et elle a prolongé le secours provisoire lusqu'au 1er octobre. Le comité vous propose de
prolonger jusqu'au 1er janvier prochain, les secours provisoires accordés par le décret du 8 mars; en conséquence, je vous propose les projets de décret suivants :
Décret d'urgencs.
« L'Assemblée nationale, considérant la nécessité de pourvoir promptement à la subsistance du grand nombre des employés supprimés et non replacés, jusqu'à la liquidation définitive des indemnités qui leur sont accordées par le décret du 31 juillet dernier, décrète qu'il y a urgence. »
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation et vu son décret d'urgence,
u Décrète que les employés, dénommés au décret du 31 juillet dernier continueront de jouir, jusqu'au 1er janvier prochain, des secours fixés par le décret du 8 mars précédent, à la charge ae l'imputation de ce secours provisoire, sur ce qui leur sera accordé définitivement. »
J'ai la connaissance que plusieurs des employés supprimés, auxquels l'Assemblée nationale avait accordé un secours provisoire, n'ont encore rien reçu. Je demande que l'Assemblée s'informe pourquoi on a cessé ae payer les employés.
Un membre. Je demande qu'au lieu de mettre : « et vu son décret d'urgence », on mette : « après avoir rendu le décret d'urgence, décrète, etc... »
, rapporteur. J'adopte.
Je crois que l'observation qui a été faite par M. Merlin est absolument inutile, parce que le ministre a été réduit à l'impossibilité d exécuter le décret de l'Assemblée nationale, qui porte expressément que les secours provisoires seront accordés sur la rentrée des fonds arriérés; or, les arriérés ne sont pas rentrés, par conséquent, les ministres n'ont pu faire les paiements aux employés. Je demande donc la question préalable sur cet article-là, et que l'on détermine sur quels fonds l'Assemblée veut que soient affectés les secours qu'elle accorde.
M. Delacroix est dans Terreur, et je relève le fait. Les fonds ont été fournis, et je demande, et j'insiste pour que, par un article additionnel, il soit ordonné au ministre de l'Intérieur de fournir les raisons pour lesquelles les employés n'ont pas reçu leur indemnité.
Un membre : Je demande que les employés soient désormais payés dans leurs districts respectifs.
Ce matin, 30 employés sont venus me faire le tableau de leur position. Ils m'ont assuré qu'ils n'avaient rien touché. J'ai même reçu des lettres de la province par lesquelles on m'assure également qiie l'on n'a rien touché. Or, je dis que, dans ce moment-ci, nous avons le plus grand intérêt que l'on touche, car on emploie tous les moyens possibles pour tâcher d'indisposer les anciens employés et les mettre du côté des ennemis de la Révolution. Je demande donc que l'on prenne une mesure sur-le-champ pour que le ministre chargé de cette partie fasse les paiements qu'il est naturel de faire.
J'ai des preuves qu'au méprisdes décrets, plusieurs anciens employés réunissent deux places et deux traitements. Je demande que le comité de liquidation se fasse mettre incessamment sous les yeux le tableau des places données et des noms et titres de ceux qui les ont obtenues, pour vérifier si elles l'ont été conformément a la loi.
Plusieurs membres : Appuyé 1 appuyé !
Je demande qu'on ajoute qu'il faudra des certificats du temps de service.
, rapporteur. Les observations que l'on fait sont étrangères au projet de décret, j'en demande le renvoi au comité.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
(L'Assemblée, consultée, adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif, et renvoie les différentes autres motions au Comité de liquidation pour en faire le rapport incessamment.)
Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, considérant la nécessité de pourvoir promptement à la subsistance du grand nombre des employés supprimés et non replacés, jusqu'à la liquidation définitive des indemnités qui leur sont accordées par le décret du 31 juillet dernier, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, et rendu le décret d'urgence.
« Décrète que les employés dénommés au décret du 31 juillet dernier, continueront de jouir, jusqu'au 1er janvier prochain, des secours fixés par le décret du 8 mars précédent, à la charge de l'imputation de ce secours provisoire, sur ce qui leur sera accordé définitivement. »
Un membre : Il s'est élevé une difficulté sur le décret du 31 juillet, par lequel il est dit que les employés aux octrois des villes recevront une pension. On a prétendu que ces mots : « employés aux octrois » ne devaient pas comprendre les employés aux octrois qui étaient destinés à des objets particuliers. Je demande que ces sortes d'employés soient compris parmi ceux qui étaient employés aux administrations de l'Etat.
(L'Assemblée renvoie cette motion au comité de liquidation.)
Le 1er novembre, l'Assemblée nationale a décrété le renvoi au comité d'agriculture, de la portion du rapport du ministre de Vintérieur,, fait le même jour, concernant les mines et les ponts et chaussées, et les réclamations faites à ce dernier égard par les élèves des écoles des ci-devant provinces de Bretagne et de Languedoc; la pétition que j'ai présentée pour les élèves de celle de Bretagne, a été jointe au même renvoi; cependant, on n'a fait aucune mention de ce double renvoi dans le procès-verbal, ce qui empêche que le comité ne s'occupe d'un objet qui intéresse plusieurs départements. Je demande le rétablissement de ce renvoi, et son insertion dans le procès-verbal d'aujourd'hui.
(L'Asiseihblée nationale décrète le renvoi demandé au comité d'agriculture, pour en faire son rapport incessamment, et en ordonne l'insertion dans le procès-verbal de ce jour.)
. Un membre: Je demande que l'Assemblée fasse exécuter ses décrets : elle a décidé que les pétitionnaires seraient entendus le dimanche. Il est ûne heure ; je demande qu'ils soient introduits.
(Cette proposition est adoptée.)
Une députation des citoyens de la section des Lombards est admise à la barre. L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Législateurs, pendant trois mois FaFrance a soupiré après votre nomination et votre réunion. Nous avions de grandes raisons pour le désirer, nous croyions avoir secoué nos fers pour toujours ; mais tout à coup s'est fait entendre le bruit sourd qu'on nous en préparait de nouveaux. Les maux que nous commençons à sentir, les tristes et funestes conséquences qui pourraient en résulter, nous ont réveillés d'un assoupissement imputé ; injustement à la mollesse, ce qui ne devait 1 être qu'à ce sentiment de confiance auquel les âmes courageuses se livrent trop facilement.
Le lion, fier de sa force, peut s'endormir ; mais, quand on l'outrage, son réveil est terrible. Vous arrivez; votre sagesse suspend votre juste fureur, jusque-là concentrée, prête à faire explosion. On se dit : les représentants du souverain sont ici, agiront-ils comme ils le doivent, ou le souverain sera-t-il obligé d'agir lui-même?
Un membre : Ce n'est pas constitutionnel cela, Messieurs.
Plusieurs membres : Silence donc ! à l'ordre !
L'orateur de la députation : Paris, les départements, tout l'Empire français ont les yeux fixés sur la nouvelle assemblée ; la nation et ses représentants étant, pour ainsi dire, en regard, semblaient se mesurer, et attendaient pour se juger réciproquement.
Enfin, une grande question, la question sur les émigrés se présente. Le salut de l'Empire y est attaché. Les ennemis s'agitent en tous sens^ pour nous décourager. Déjà, ils affectent une joie qui suppose un triomphe, tandis qu'ils tremblent en secret. Les vrais amis de la patrie, qui ne tremblent jamais, attendent la décision avèc cette anxiété qu'une.tendresse filiale inspire pour une mère chérie, et avec ce courage calme qui ne s'effraie d'aucun obstacle, sûrs de les renverser tous. (Applaudissements.)
Vous la discutez, cette question, avec autant de sagacité que de sagesse. Vous la pesez avec la; prudence qui tient le milieu entre un enthousiasme trompeur et une faiblesse meurtrière. Enfin, ce décret est rendu et tout-à-coup partent, de cette enceinte, des applaudissements bien précieux; car ils furent inspirés par des cœurs purs et désintéressés. Paris et toute la nation après lui répètent: Vivent nos nouveaux législateurs i Ils sont dignes de nous. (.Applaudissements,). La section des Lombards"ne vient point témoigner sa reconnaissance d'un décret que la tranquillité publique...
Messieurs, on ne vient pas....
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Laissez parler nos commettants.
, Vous ne voulez pas entendre le langage de la vérité.
Une section ne peut faire de pétitions.
Lorateur reprend : La section des Lombards ne vient point vous témoigner sa reconnaissance d'un décret que la prospérité publique, l'intérêt dé l'Etat, enfin les grands principes de cette justice éternelle, qui ne fait acception de personne, vous prescrivaient impérieusement. Remercier des hommes honorés ae la confiance de leurs concitoyens ; les remercier d'avoir obéi à leur
conscience et rempli leurs devoirs, c'est les outrager, c'est s'avilir, (.Applaudissements.). Votre récompense est en vous-mêmes, dans ce sentiment ineffable et délicieux que l'homme de bien éprouve quand il a été assez heureux pour être utile. Ni le sourire passager de la fortune, ni les faveurs mensongères de la cour, ni les perfides caresses des ministres, rien, en un mot, ne peut suppléer ce sentiment. Mais si quelque chose
{>eut ajouter à cette satisfaction intime, ce sont es suffrages des citoyens libres que rien n'invite à l'erreur, parce que rien ne peut les séduire ni les corrompre.
Tels sont les citoyens de la section des Lombards qui s'empressent de venir se féliciter sous vos yeux, du bonheur d'avoir trouvé en vous la prudence, la sagesse, l'énergie, enfin tout ce qu'une nation franche et loyale avait le droit d'attendre de ceux qui ont 1 honneur de la représenter.
Sans doute, tous nos frères de Paris et des départements nous suivront de près; mais nous avons ambitionné l'avantage d'être les premiers à vous présenter nos remerciements.
Un malheureux événement que nous voudrions effacer de l'histoire, un attentat contre quelqUes-uns de vous, un crime de lèse-majesté nationale, a été commis dans le sanctuaire de laliberté, dans le temple de la nation, et il est resté impuni. Nos frères des départements ont pu nous soupçonner : Ah ! s'ils savaient quel prix nous mettons à leur estime, ils sentiraient combien ce soupçon est pénible et douloureux pour nous; mais vous leur direz que c'est votre indulgence qui a enchaîné nos bras sans pouvoir étouffer notre indignation. La clémence n'est que le second des devoirs du souverain qui ordonne ; le premier, le plus saint des devoirs, c'est la sévérité contre ceux qui refusent d'obéir.
Les décrets les plus sages font espérer le bonheur de nous livrer au doux espoir qu'il se réalise par l'exécution de ces décrets. Représentants d'un peuple libre, vous n'oublierez pas qu'il vous a investis du droit de surveiller le pouvoir exécutif et dé forcer ses ministres à agir. C'est ce que la France attend de vous ; c'est par là que vous vous élèverez au-dessus de vos prédécesseurs. Certes, il n'est pas nécessaire de vous encourager ; mais si jamais vous aviez besoin d'être soutenus par la force, jetez un regard autour de vous, voyez tous les citoyens de la section des Lombards s'élever pour vous faire de leurs corps un rempart impénétrable ; voyez-les, secondés de leurs frères des autres sections et des départements, prêts à verser, s'il le fallait, jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour la défense de la Constitution et pour la votre ; en un mot, ils jurent de se montrer dignes de vous, et, que pourraient-ils vous dire de plus ? (Applaudissements.)
Messieurs, votre amour pour la liberté dont vous avez, tant de fois, donné-des marques, est la garantie des représentants de la nation française, de votre soumission à la loi, sans laquelle il n'est point de liberté. L'Assembléena-tionale, dont le premier devoir est de maintenir la liberté et la loi, vous invite â assister à sa séance et reçoit, avec sensibilité, vos vœux. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de cette adresse.
Voix diverses : Appuyé!-—Non! non!
Un memPre : Je demande la parole sur cela.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il sera fait
mention honorable de cette adresse dans le pro-çès-verbal, et la députation est'admise à la séance.)
(Pendant les deux épreuves l'Assemblée est dans une vive agitation. î)es réclamations s'élèvent. Quelques membres prétendent n'avoir pas entendu le décret.)
J'observe que la loi défend toutes les pétiti ons et adresses en nom collectif et s'oppose à ce qu'une section fasse autre chose que ae délibérer sur l'objet pour lequel elle est convoquée. Nous ne pouvons pas constater, par notre procès-verbal, qu'une section ne s'est pas conformée à la loi. Je m'oppose à ce qu'il en soit fait mention au procès-verbal. Monsieur le Président vous avez eu tort d'admettre cette députation. (Oui! oui!)
Plusieurs membres : L'ordre du jour! l'ordre du jour !
Un membre : La décret est rendu : au surplus la loi défend de faire des pétitions en corps, mais la loi ne défend pas à des citoyens de faire une adresse pour protester de leur soumission à la loi:..
Elle s'est annoncée comme section.
Le même membre : J'ai une motion d'ordre à faire ; je demande que toutes les fois que l'Assemblée nationale aura décrété d'admettre des citoyens, M. le Président rappelle à l'ordre tous ceux qui ont le courage... je ne sais comment les qualifier...
Plusieurs voix : Dites l'audace !
Le même membre... tous ceux qui ont le courage ou l'audace de les interrompre. (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres: L'Assemblée entend-elle décréter la mention au procès-verbal ? (VAssemblée est dans le plus grand tumulte.)
(Le calme se rétablit.)
Si l'Assemblée avait voulu me permettre de parler, il y a longtemps que le tumulte aurait cessé. On a fait la motion de la mention honorable ; je l'ai mise aux voix au milieu de l'agitation de l'Assemblée. Plusieurs membres ont demandé la parole contre la mention, contre moi,etpour l'ordre du jour. Pour éviter tous les doutes, ie vais remettre aux voix la mention honorable...
Et l'insertion au procès-verbal.
Voix diverses: L'ordre du jour! — La question préalable sur la demande de mention honorable !
Un membre : Monsieur le Président, faites exécuter le règlement en rappelant à l'ordre tous ceux qui vous interrompent.
Je mets aux voix la question préalable sur la motion de la mention honorable. Que ceux qui sont d'avis d'adopter la question préalable veuillent bien se lever.
Plusieurs membres à droite se lèvent.
Ce sont les esclaves qui se lèvent
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la demande de mention honorable (Vifs applaudissements à gauche de VAssemblée et dans les tribunes) et décrète la mention honorable de l'adresse dans le procès-verbal. (Les applaudissements recommencent.)
, directeur de Vécole de
Nanterre, est admis à la barre; il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée constituante, en recommandant à la vigilance des jeunes citoyens l'acte constitutionnel, avait sagement prévu que c'est dans les principes de l'éducation nationale que réside le germe dii bonheur des Empires. J'ai calqué sur les principes de la tolérance et de l'égalité un cathéchisme national que j'ai l'honneur d'offrir à l'Assemblée ; c'est un code religieux, moral et civil. Si vous le jugez digne de concourir à l'instruction publique, vous aurez récompensé mon zèle par le seul motif qui l'anime. (Applaudissements.)
Messieurs, je viens en même temps réclamer la justice de l'Assemblée nationale contre un arrêté du directoire du district de Saint-Denis et du département de Paris, lesquels me privent d'une propriété qui m'est légitimement due.
M. Puységur, pendant son ministère, me chargea, par un brevet, d'établir une école militaire a Nanterre, pour la jeune noblesse, dans un local appartenant à l'ordre de Sainte-Geneviève. Cette maison, abandonnée depuis trente années, se trouvait dans le plus grand délabrement. M. Puységur m'autorisa à faire les réparations et constructions nécessaires. A peine avais-je achevé la reconstruction du collège, que la Révolution arrivée, détruisant l'ordre de la noblesse, changea dès lors la destination de mon établissement. Le malheur de ma position, Messieurs, ne fît qu'augmenter mon zèle. Cependant tous les fournisseurs et entrepreneurs qui ont été employés pour la construction de ce collège demandent aujourd'hui, à grands cris, le montant de leurs mémoires. Je me suis adressé dans le temps au comité d'aliénation qui m'a renvoyé au département de Paris, celui-ci au Directoire de district.
Enfin, après une infinité de démarches, et des demandes inutiles pour être entendu, je viens d'avoir la douleur d être débouté de mes demandes par un arrêté du district de Saint-Denis, en date du 7 août dernier, et approuvé sans m'avoir entendu encore, par le directoire du département. Je demande, en conséquence, que cette décision, qui à préjugé la question sans la motiver, soit réputée nulle ; je demande, attendu que le collège de Nanterre est devenu propriété nationale, que la nation se charge de payer les réparations; je demande à être remboursé de mes avances, et à être continué dans la direction de cet établissement.
Un membre: Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de l'hommage de M. Hasard.
Un membre: Je connais l'établissement de M. l'abbé Hasard, il fait honneur à son patriotisme. Mais il ne faut pas violer les principes, c'est au roi à casser, s'il y a lieu, les arrêtés des directoire de départements. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
Un membre : Je demande en premier lieu mention honorable de l'hommage de M. l'abbé Hasard. En second lieu, je propose a l'Assemblée de charger le comité de 1 instruction publique, de lui aire à quelle époque il pourra lui présenter son travail sur cette partie.Les campagnards languissent, les paysans restent sans éducation, on ne souffle que le'feu de la discorde. Je demande que, si le plan qui a été renvoyé au comité lui paraît insuffisant, il nous déclare s'il pourra nous en présenter un meilleur.
(L'Assemblée renvoie au pouvoir exécutif la
demande de M. Hasard, et décrète mention honorable de son hommage au procès-verbal et le renvoi de son Catéchisme au comité de l'instruction publique.)
, secrétaire. M. Rovère, ci-devant député des Etats d'Avignon, adresse une lettre contenant différentes imputations contre MM. Mulot et Le Scène-des-Maisons. (Exclamations.) L'Assemblée veut-elle en entendre . la lecture ? (Oui! oui!)
Monsieur le Président, j'en demande lecture.
, secrétaire. Voici cette lettre.
« Messieurs,
« Chaque jour voit arriver de tous les coins du royaume des plaintes amères contre les malversations des agents du pouvoir exécutif; chaque jour vos oreiHes sont frappées des tristes réclamations des victimes des agents du pouvoir exécutif; chaque jour ces murs sont témoins des rubriques des agents du pouvoir exécutif pour vous empêcher de connaître leurs réclamations et de statuer sur les moyens de rétablir l'ordre ; chaque jour ces voûtes retentissent de leurs lâches impostures contre les amis de la liberté, les défenseurs de la patrie. Comment dès hommes qui affichent partout le respect pour les lois, ne savent-ils que les fouler aux pieds? Comment dès hommes qui ne parlent que de leur droiture ont-ils encore le front de paraître devant vous ? Ils se vantent sans pudeur de conduire le Sénat de la nation. J'aime à croire que les représentants de la nation sont les amis de la patrie, les protecteurs de ses enfants ; quelles que soient les assurances des ministres, ils ne me persuaderont jamais que parmi les membres du Corps législatif il s en trouve un autre que l'abbé Mulot qui ait fermé son cœur à la voix de la vérité, de la justice, de l'humanité et de l'honneur. Ce sont ces divinités de l'homme de bien que j'invoque aujourd'hui auprès de vous en faveur de mes commettants, des patriotes d'Avignon lâchement tyrannisés par les agents du pouvoir exécutif. Ces citoyens s'adressent à vous par ma voix ; ils se jettent avec la confiance dans vos bras, comme les enfants poursuivis par les bêtes féroces se jettent dans les bras de leurs pères.
« Ce soir, Messieurs, doit paraître devant vous l'abbé Mulot. Ce prêtre atroce envoyé dans le comtat Venaissin pour y amener la paix, n'y a excité que des désordres, des séditions, des massacres, Caromb, Cavaillon, Lisle, Sorgues, ont été tour à tour le théâtre de ses fureurs. Longtemps Avignon a été celui des trames de ses émissaires, il est enfin devenu celui de la férocité.
« Malgré les faux bruits répandus dans le public, malgré les chantres soudoyés, la vérité s est fait jour. On connaît aujourd'hui cet horrible complot, formé par des prêtres séditieux, des membres des anciennes municipalités et des ennemis de la Révolution, de pousser une aveugle multitude à massacrer les patriotes d'Avignon. On connaît le placard atroce affiché sur la porte de l'Eglise des Cordetters, à dessein d'ameuter les citoyens indigents contre des membres de l'administration municipale, qu'il accusait perfidement d'avoir pris la fuite, après avoir pillé les effets les plus précieux du Mont-de-Piété et de la sacristie d'Avignon.
On connaît les efforts des ennemis de l'humanité pour enivrer de fanatisme une populace
effrénée, en lui montrant cette statue de la vierge, récemment peinte en rouge, pour lui persuader qu'elle suait du sang d'indignation de ce que de pareils crimes restaient impunis. On connaît l'affreux stratagème employe par des scélérats apostés pour attirer le sieur L'Escuyer, secrétaire de la commune, qu'ils ont égorgé sur les marches de l'autel. On connaît le piège qu'ils avaient essayé de tendre à ses confrères pour leur faire partager son déplorable sort. On connaît les sages mesures prises par l'administration municipale pour dissiper les attroupements séditieux qui menaçaient Avignon d'une ruine entière et arrêter les assassins de L'Escuyer. On connaît la fureur dont le peuple fut transporté lorsqu'il entendit les cris de désespoir d'un fils inconsolable d'avoir perdu son père. On connaît les efforts qu'a vainement opposés la garde du palais pour empêcher de forcer les prisons et de laver cet exécrable forfait dans le sang des meurtriers. On connaît la douleur des administrateurs municipaux à la vue de ces scènes sanglantes et des dangers auxquels ils seront exposés pour dégager des mains de ces furieux plusieurs prisonniers prêts à en devenir les victimes. Ces scènes ont rempli de douleur tout ce qu'Avignon renferme de citoyens sensibles. Les bons patriotes en ont gémi, et personne ne les a plus déplorés que moi.
« Après cet excès de fureur qu'avait excité le souvenir de tant d'atrocités commises par les ennemis de la Révolution et le sentiment de tant de scélératesse autorisée par les agents ministériels, la tranquillité s'était enfin retablie par la vigilance de l'administration municipale et les soins de la garde nationale. Depuis trois semaines, le calme régnait dans Avignon ; mais cette malheureuse ville était destinée à devenir bientôt le théâtre des vengeances des agents du pouvoir exécutif. Le ministre de l'interieur, qui avait gardé le silence sur le malheur de douze patriotes de Garomb, assassinés par les aristocrates, sous les yeux des médiateurs de la France après la signature des articles de paix; sur celui de quinze patriotes assassinés par les aristocrates, dans les prisons de Garomb; sur celui des officiers municipaux de Vaison, sur celui d'un officier municipal de Sorgues, et sur celui de L'Escuyer, a jeté les hauts cris sur celui des brigands d'Avignon. Après avoir tout préparé pour arranger leur funeste vengeance, il vient nous faire lire une description artistement mensongère de ces scènes sanglantes, où il cherche à déchirer vos âmes par la pitié, pour tourner ensuite votre sensibilité contre des innocents qu'il opprime, contre les amis des lois qu'il veut immoler.
« Daignez, Messieurs, considérer avec moi tous les avantages des oppresseurs sur les opprimés, dans la lutte douloureuse des peuples contre leurs tyrans, des tyrans ont beau défendre leurs droits et leurs jours, toute voie de fait de leur part est repoussée et réputée un délit punissable; au lieu que les agents de l'autorité commettent impunément tous les crimes au nom des lois. C'est au nom de la liberté qu'ils tyrannisent les citoyens; c'est au nom de la patrie qu'ils égorgent ses enfants. Quelle que soit l'audace des agents ministériels, ils n'en imposeront point au public éclairé, ils ne vous en imposeront pas, Messieurs ; je vais dévoiler sous vos yeux leurs nouvelles impostures.
« Le 7 de ce mois, 3,000 hommes, presque tous stipendiés étrangers, sont entrés dans Avignon
avec l'appareil menaçant de la guerre : le ministre prétend que c'est pour y rétablir le calme ; mais le calme y régnait dès le lendemain du massacre de L'Escuyer et de ses assassins, ces troupes n'ont donc été appelées que pour appuyer les vengeances ministérielles : et comment en douter, puisque, dans la nuit, quatre-vingts citoyens ont été arbitrairement traînés dans les prisons sans aucun mandat d'amener, sans aucun ordre judiciaire ? Le sieur Le Scène, essayant de colorer un pareil attentat, ose vous dire que cette arrestation a été ordonnée pour soustraire ces personnes à la fureur du peuple. Cette imposture est avérée par les faits : d'abord ie peuple était parfaitement tranquille ; et puis l'arrestation a eu lieu pendant la nuit, lorsque le peuple était livré au sommeil. Elle a été accompagnée d'actes de férocité ; les hussards qui en étaient chargés, accoutumés à massacrer sans pitié les citoyens d'Avignon, ont poursuivi à coups de sabre, jusque sur les toits, plusieurs de ceux qui n'ont été arrêtés que pour être bientôt jetés dans les cachots. Quelques-uns même ont été arrêtés à deux lieues d'Avignon, sur les départements voisins, par les hussards mis à leurs trousses. Enfin, c'est le sieur Le Scène qui a donné ordre de poursuivre les sieurs Mandé et Duprat, qui ont eu le bonheur d'échapper.
« Ce n est pas tout : les prisonniers, dont les administrateurs provisoires de la commune et les officiers des gardes nationales d'Avignon, dans le nombre de soixante-cinq, ignoraient absolument le sort tragique des assassins de L'Escuyer, qu'ils n'ont appris que plusieurs heures après la catastrophe. Quel est donc leur crime aux yeux des commissaires royaux?C'est uniquement d'avoir été les dénonciateurs des malversations des sieurs Le Scène et Mulot : voilà le véritable motif de leur arrestation. Par ce coup d'autorité, on a donc voulu soustraire à la justice les témoins irréprochables, et s'assurer de ces défenseurs de la liberté, que les ministres veulent immoler. Pourriez-vous, Messieurs, en douter encore, après la proposition que celui de la justice n'a pas rougi de vous faire, il y a deux îours, de former une commission des cinq tribunaux voisins? Me permettrez-vous, Messieurs, de vous dire un mot de moi-même ?
« Le sieur Le Scène m'accuse d'être un intrigant; la preuve qu'il ment contre sa conscience, c'est qu il n'ignore pas qu'au lieu d'avoir intrigué comme lui pour devenir l'un des agents du pouvoir exécutif, j'ai préféré cent fois m exposer au ressentiment ministériel pour en garantir mes infortunés concitoyens.
« C'est au nom de la vérité outragée, de la liberté foulée aux pieds que je vous demande justice des prévarications du sieur Mulot et des nouveaux attentats du sieur Le Scène. En attendant que mes concitoyens lâchement calomniés aient été entendus, aient fourni des preuves éclatantes de leur innocence, je vous supplie de leur accorder un tribunal pour y traduire les agents atroces du pouvoir exécutif.
« Daignez, Messieurs, me permettre de vous rappeler ici les cruels regrets qu'ont éprouvés vos prédécesseurs, pour s'être laissés aller trop légèrement aux clameurs mensongères des ministres corrompus de Louis XVI, et pour avoir fulminé avec précipitation un décret barbare contre la garnison ae Nancy. Le partie des patriotes d'Avignon qui gémissent actuellement dans les fers, loin (ravoir le moindre délit à se reprocher, n'a que des actes de civisme à mon-
trer. Le cabinet ministériel n'est si ardent à les poursuivre qu'afin de s'autoriser de leur défaite pour machiner celle de tous les patriotes des départements et surtout de celui ae Marseille. Il se plaît à vous arracher un décret sanguinaire pour couvrir ses attentats ; mais, Messieurs, vous êtes les défenseurs de la patrie, vous devez en être les protecteurs.
« Je suis, etc.
« Signé : Rovère. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Un membre : Comme la lettre de M. Rovère est une réponse au mémoire de M. Mulot, je demande le renvoi au comité de législation.
J'ai demandé moi-même la lecture de la lettre de mon adversaire...
Voix diverses : A la barre ! à la barre ! A l'or-? dre ! à 1 ordre !
Plusieurs membres : Non! non! A la tribune!
s'avance vers la barre.
Plusieurs membres : Non! non! à la tribune!
monte à la tribune.
Un membre : Je prie l'Assemblée d'observer que M. Mulot, comme partie dans l'affaire, ne doit parler qu après un rapport du comité. Je demande que la lettre soit renvoyée au comité.
En ce cas, je demande moi-même le renvoi de la lettre au comité de législation.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre au comité de législation.)
, citoyens de Sainte-Menehould, sont admis à la barre.
D'après les promesses de l'Assemblée constituante, nous nous sommes décidés à demander des places dans la gendarmerie nationale à cheval de notre département. L'aristocratie a répandu le bruit que l'examen de notre vie passée avait ralenti la bienveillance nationale à notre égard. En conséquence, nous nous adressons à vous, Messieurs, pleins de confiance en votre justice, munis de pièces authentiques qui certifient le temps de notre service et la jpureté de nos mœurs, pour vous prier de remplir avec nous les engagements sacrés de vos prédécesseurs. (Applaudissements.)
Cette enceinte a souvent retenti des applaudissements donnés à votre dévouement pour le service de la patrie. L'Assemblée nationale a la même satisfaction que l'Assemblée constituante à vous exprimer la reconnaissance de la nation. Elle fera la plus grande attention à votre demande et vous invite a assister à sa séance.
Je sollicite encore un instant votre attention, pour vous prier, au nom de tous les maîtres de poste depuis Sainte-Menehould jusqu'à Paris, ae leur payer leur salaire des postillons et le prix de la course des chevaux qu'ils ont employés au ' service de l'escorte du roi, au mois de juin dernier.
Plusieurs membres : Le renvoi à la liste civile !
Ils le demandent d'autant plus que l'Assemblée a décrété que les maîtres de poste ne feraient plus de corvées pour la cour. Ils vous prient instamment, Messieurs, que des frais qui auraient dû être remboursés sur-le-champ, leur soient remboursés à leur domicile, sur le mémoire qui sera visé par les directoires de leurs districts. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande le renvoi de là première pétition au comité militaire et le renvoi de la seconde au comité dès dépenses publiques.
(L'Assemblée renvoie au comité militaire la première pétition ainsi que les certificats de services et de bonnes mœurs, et au comité des dépenses publiques la réclamation des maîtres de poste.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de plusieurs citoyens ae Bordeaux, membres de la société des Amis ae la Constitution, envoyée par un courrier extraordinaire ; cette lettre relative aux troubles des colonies, est ainsi conçue :
« Messieurs,
« C'est de vous seuls que les colonies peuvent attendre leur salut ; vous êtes leur espoir comme celui de tout l'Empire. C'est donc par vous que doivent se diriger toutes les lumières, toutes les instructions, tdu& les renseignements qui peuvent servir à développer les causes et les progrès de la trame la plus odieuse. Nous recevons à l'instant des pieces qui offrent à ce sujet des détails intéressants : nous nous empressons de vous les adresser par un courier extraordinaire, si elles ne vous présentent rien de nouveau, elles serviront du moins à multiplier les témoignages, et à les fortifier les uns par les autres. D après ce que nous avons pu acquérir de renseignements jusqu'à ce jour, l'assemblée coloniale nous paraît lien coupable; elle est grandement suspecte d'avoir provoqué elle-même cette insurrection, pour appeler à son secours les puissances étrangères (Exclamations!) et leur livrer cette précieuse colonie dans l'espoir criminel d'affranchir les colons envers la métropole et de priver à jamais les gens de couleur de l'égalité et de l'activité civique. Le vrai moyen, Messieurs, de remédier à ces maux, est d'en détruire la source en punissant les coupables. Plus de composition avec des perfides qui oublient tout, qui sacrifient tout, qui sacrifient tout hors les intérêts de leur fol orgueil. La liberté méconnue, la Constitution violée, la nation Outragée vous crient vengeance. Frappez! le salut de la patrie en dépend, car l'impunité enhardit les scélérats et multiplie les complots. Frappez! déployez la justice et la puissance nationale, et nos ennemis attérés rentreront dans le néant.
« Les colons réclament des secours ; nous nous confions, à cet égard, à votre sagesse; mais, si nous nous livrions a des conjectures, à des craintes trop fondées peut-être, ces secours ne pourraient-ils pas devenir infiniment dangereux, s'ils restaient à la disposition de l'assemblée coloniale et des autres dépositaires des pouvoirs dans les colonies ? Nous tremblons pour cette classe précieuse de citoyens, dont la générosité confond si hautement l'injustice de leurs oppresseurs, pour ces braves gens dont le civisme est le vrai boulevard de la colonie, et qui, après l'avoir sauvée, ont fait le serment de la conserver à la mère-patrie, au prix de leur fortune et de leur sang. Nous ne sommes pas rassurés par cette condescendance que commanda la nécessité. Qui garantira ces traités passés au milieu des périls et des alarmes ? L'orgueil s'est tu devant la crainte, il oubliera ses promesses après le danger. Quoi qu'il en soit, Messieurs, il est une mesure de la plus grande importance que l'état des choses dans les colonies semble exiger expressément; C'est l'envoi de commissaires pris dans votre sein ; nous n'aurons point la présomp-
tion de vous indiquer la marche que vous devez leur prescrire, ni les fonctions dont il est instant de les charger ; nous vous dirons que toute la confiance de la nation repose sur eux, et qu'ils tiendraient entre leurs mains le sort de la colonie. Sans eux, rien n'est sûr, rien n'est utile, tout est illusion, tout est danger. Telles sont du moins les alarmes d'une multitude de citoyens, au nom desquels nous vous écrivons à la hâte.
« Nous sommes, avec respect, etc. Les citoyens de Bordeaux soussignés, amis de la Constitution : Delpech, etc. » (Exclamations, murmures dans une partie de la salle ; applaudissements dans Vautre.)
A cette lettre en sont jointes plusieurs autres dont la lecture serait fort longue ; cependant en voici une remarquable qui contient un modèle de billet qu'on prétend avoir été trouvé sur plusieurs nègres faits prisonniers :
« Messieurs,
« Tandis que la France donnait aux nations de l'Europe le spectacle sublime de la fermeté dans les dangers, de la modération dans les succès, des Français calomniaient en Amérique et leur patrie et ses législateurs. Il fut un temps où la vengeance eût signalé le pouvoir des tyrans ; aujourd'hui un peuple libre et souverain excuse les préjugés, et se glorifie de la clémence. Eternisez parmi vous ces nobles sentiments : persuadés ae votre zèle, nous vous adressons une relation fidèle des événements.
« Nous sommes, etc.
Signé ; Le Bago et Le Pair. »
A cette lettre est jointe un modèle de billet trouvé sur des nègres prisonniers ; c'est un carré partagé en quatre, à la première case se trouve aès lettres moulées M. D. M. ; dans la seconde : « Le préjugé vaincu. La verge de fer brisée. Vive le roi ! » et au bas, dans la case de gauche, les lettres majuscules J. B. ; dans celle de droite, les majuscules M. N. entrelacées et surmontées d'un cœur.
Le moment n'est pas éloigné où la lumière va éclairer les menées ténébreuses qui menacent la colonie de Saint-Domingue de sa perte. J'ai fait trois fois dans ce mois la motion que le comité colonial fût chargé de vous présenter un rapport sur les troubles ae Saint-Domingue et sur les moyens d'y remédier; je demande qu'il soit tenu de le faire au premier de décembre, et si le comité ne le fait pas, je prends l'engagement de le faire moi-même. Je demande en outre le renvoi des pièces au comité.
J'ai moi-même appuyé la motion
3ui a été faite par divers membres de l'Assemblée e recueillir tous les matériaux qui pouvaient éclairer l'Assemblée nationale sur les désordres de Saint-Domingue et des autres colonies ; mais je crois qu'il ne serait pas prudent de fixer au premier décembre la demande d'un rapport exact sur la totalité des causes, des effets et des remèdes à employer pour réparer les malheurs qui ont eu lieu dans les colonies, car telle est la demande qui a été faite originairement.
J'ajoute que le comité colonial s'est déjà occupé de cette demande très importante, qu il a déjà réuni les matériaux relatifs aux désordres arrivés dans les différentes colonies ; mais que ne voulant pas vous présenter un travail partiel pour chaque colonie, parce qu'il y a un fil général à indiquer pour parvenir à un résultat sûr, le comité, en appuyant la motion qui a déjà été faite, sollicite 1 Assemblée de ne pas mettre un
terme si rapproché à son rapport, à moins que l'Assemblée ne veuille réduire le comité à la nécessité de lui présenter des conjectures pour des faits et des récits de gazettes pour des pièces authentiques.
J'appuie donc la motion de renvoi, mais je prie l'Assemblée de s'en rapporter à son comité sur l'époque où le rapport devra être fait, ou bien, en adoptant la motion faite par M. Brissot de rédiger ce rapport, je conclurai à ce que ce rapport soit renvoyé au comité colonial, afin qu étant comparé aux autres pièces qui y sont déposées et à celles qui surviendront d'ici a cette époque, le comité colonial puisse présenter à l'Assemblée un travail exact et vrai qui puisse motiver les mesures qu'il vous proposera.
J'ai reçu hier, par le courrier, la nouvelle que les députés extraordinaires de Saint-Domingue étaient partis de Saint-Malo, conséquemment ils doivent arriver bientôt à Paris et peut-être y sont-ils déjà. Ils ne manqueront pas, dès qu'ils seront ici, de paraître devant vous, et ie crois qu'il n'est pas indifférent d'avoir d'eux-mêmes dés détails, afin que le comité, réunissant tous les éclaircissements nécessaires, puisse vous faire un rapport exact. En conséquence, je demande que l'Assemblée fixe un délai un peu plus long que le premier décembre.
Je demande à répliquer, et ie demande surtout si l'on veut amuser l'Assemblée législative, comme on a amusé l'Assemblée constituante par des mesures adroites. (Murmures.) On vous dit que des députés de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue sont près d'arriver : si vous attendez la lumière, ne croyez pas que ces députés vous l'apporteront ; ce serait des mulâtres que vous pourriez la recevoir, et il n'en arrivera pas de si tôt. Je crois qu'il existe assez de matériaux pour découvrir la vérité, et pour connaître la nature des remèdes qu'il convient d'apporter au mal. Je répète encore une fois, que si le comité colonial ne veut pas faire ce rapport, je demande qu'on ajourne au premier décembre, et je le présenterai moi-même.
J'appuie la motion de M. Brissot : ses relations dans nos colonies peuvent nous apporter la lumière.
Lorsque le danger est imminent, tous les délais peuvent être funestes. Je pense cependant, comme un des préopinants, que si on pouvait espérer d'obtenir des députés, dont l'arrivée à Paris est très prochaine, des éclaircissements propres à porter un jour sur le rapport du comité colonial, u faudrait attendre l'arrivée de ces députés. Mais, Messieurs, les députés envoyés par l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, en sont partis avant le capitaine Dupin, avant l'aviso expédié par M. Blanchelande. Vous remarquerez, par conséquent, que ces députés ne peuvent pas vous apporter d'éclaircissements nouveaux, qu ils ne vous présenteront pas le dernier état de la colonie ; enfin, vous remarquerez qu'en écoutant les députés de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, vous courez le grand risque d'entendre des députes livrés à un parti dans la colonie. Je ne prononcerai rien à leur égard, mais je dis que la colonie de Saint-Domingue est dans un tel état, que tout retard apporté par l'Assemblée nationale sur le sort de cette colonie, est un retardement coupable.
Je demande donc, puisque nous avons des dépêches officielles de M. Blanchelande, puisque
nous ayons les lettres remises à l'Assemblée nationale soit par les députés de Bordeaux, soit par la municipalité de la même ville, que le comité colonial fasse, le premier décembre prochain, un rapport sur le dernier état de cette colonie, sur les moyens les plus propres à y ramener la paix et d'empêcher que, par les manœuvres des contre-révolutionnaires de France, la contre-révolution ne s'opère dans la colonie. En effet, Messieurs, ne vous le dissimulez pas, toutes les lettres sont uniformes sur ce point. Le foyer des troubles de Saint-Domingue est au delà du Rhin et dans Paris. (Oui ! oui ! Applaudissements.)
Ainsi j'appuie la mqtion de M. Brissot, et surtout je prie l'Assemblée nationale de considérer que ce député prenant l'engagement de faire le rapport au premier décembre, l'Assemblée nationale pourra en ajourner le résultat si elle pense que l'ouvrage de notre collègue ne lui fournisse pas toutes les lumières qu'elle est en droit d'attendre, ou statuer définitivement, si elle le regarde comme complet. J'appuie donc la motion de M. Brissot.
Le comité colonial a paru désirer un délai plus long pour vous faire un rapport surtoutes les colonies et pour vous découvrir le fil de tout ce qui s'y est passé. Je désire, comme vous, connaître tout ce qui s'est passé dans les Colonies ; il est important que la nation ait une connaissance exacte de toutes les manœuvres qu'on a employées ; mais cette connaissance ne nécessite pas le retard particulier de l'affaire de Saint-Domingue. Il y a une insurrection désastreuse, le commerce de la France se ressentira de, cette insurrection. Il y a eu un concordat entre les gens de couleur et les blancs. Nous savons qu'il y a un déeret qui anéantit l'effet de ce concordat, qu'il y a des commissaires civils envoyés à Saint-Domingue, que nous avons des forces qui sont à la veille darriver à Saint-Do-mingùe. Craignons, Messieurs, que ce décret du Corps législatif n'apporte de nouveaux troubles dans cette colonie ; craignons que les commissaires qui sont chargés d'exécuter la loi, qui auront des forces, ne soient la cause indirecte de cette insurrection.
C'est sur ces détails, Messieurs, que je demande que l'Assemblée soit instruite, et, en conséquence, que, sur les concordats qui vous ont été envoyés, par M. Blanchelande, et sur toutes les pièces qui y sont jointes, il y ait un rapport particulier, pour que nous puissions prendre cet objet en considération, et que la perte de nos colonies ne soit pas entraînée par 1 exécution qui est peut-être désastreuse. Je demande ce rapport pour le premier décembre.
Il n'est pas douteux que la grande question des colonies ne tienne absolument à la prospérité publique ; il y va du commerce de la France entière, et il est digne de l'Assemblée nationale de la prendre en très grande considération. Je vois (Tailleurs, dans la motion qui a été faite de présenter un rapport le lar décembre, et que j'appuie, un moyen sûr d'arriver à un résultat. Il n est pas douteux que M. Brissot, par la disposition où il se trouve de faire un prompt rapport, a des correspondances actives dans les colonies, et qu'il peut vous faire connaître un côté de la vérité couverte par un rideau encore très obscur. D'autre part, il n'est pas douteux que les députés de l'assemblée coloniale qui arrivent de Saint-Malo, apportent aussi une portion de lumière, puisque déjà, par un
certain murmure que j'ai entendu, on semblait craindre leur esprit de prévention. En adjoignant M. Brissot au comité des colonies pour cette affaire seulement, il nous communiquera toutes les lumières qu'il aura reçues et comblera le déficit ; on jugera alors la solidité de créance que l'on peut accorder à ce qu'il fait. II n'est pas douteux encore que, dans le comité, lorsqu on aura écouté les députés extraordinaires, on ne soit conduit, par des comparaisons et des dissertations contradictoires à des résultats satisfaisants.
Vous ne devez pas être en peine de savoir pourquoi les colonies sont dâhs un état aussi douloureux pour les vrais amis de la France. Dabord, Messieurs, les lois longtemps attendues par les colonies ont été contradictoires ; elles ont jeté une grande fluctuation dans les esprits; le commerce s'est effarouché; les propriétaires ont craint. Dé ces divers sentiments, devaient nécessairement résulter une grande irrésolution dans la marche du commerce, Enfin, un décret arrive, et c'était, je crois, le 28 septembre 1791. Ce décret porte des promesses satisfaisantes pour les propriétaires. Les véritables amis de l'humanité ont pu en gémir; je n'entre point dans cette discussion philanthropique, et mon cœur a senti ce sentiment comme tout autre. Bref, arrive un décret qui dit qu'on ne toucherait point aux personnes ; arrive un autre décret, grande fluctuation dans les esprits.....
Je demande qu'on rappelle à l'ordre l'opinant ; ce n'est pas là la question.
J'arrive, et d'un pas très actif. Bref, les lois qui refusaient/et ensuite qui rendaient certains droits, ont dû néessaire-ment laisser une grande irrésolution dans les esprits; ensuite, de l'aristocratie,du patriotisme raisonnable, du patriotisme exagéré, tout enfin a pu mettre en fermentation des têtes qui sont sous la zone torride. J'arrive maintenant, Messieurs, à la nécessité de tout connaître, et, d'après cette nécessité sur laquelle j'appuie fortement, je désire que M. Brissot soit adjoint au comité colonial, pour préparer son rapport.
jeune. Je demande que la discussion soit fermée; peut-être sans s'en apercevoir......
Plusieurs membres: Vous n'avez pas la parole.
Il n'est pas douteux que M. Brissot n'ait de grandes lumières à répandre sur cette question, et je ne vois pas pourquoi M. Brissot ne serait pas invité à faire connaître tout ce qu'il sait au comité colonial. Je demande donc qu'on attende l'arrivée des députés de Saint-Malo, et que M. Brissot donne connaissance de ce qu'il sait au comité. (Applaudissements.)
C'est quand le sang coule de tous côtés à Saint-Domingue, dans la plus belle de nos colonies, que l'on vous demande un ajournement prolongé que l'on ne demanderait pas pour le plus petit objet qui serait sous vos yeux. Vous savez, Messieurs, que c'est par les lenteurs affectées qui ont eu lieu relativement à l'exécution du décret du 15 mai 1791, que les troubles des colonies ont éclatés . (Applaudissements.) Nous serons responsables envers la France, envers les colonies, envers l'humanité entière, des délais que nous apporterions dans une affaire de cette importance, nous le serions
comme ceux qui ont été les auteurs des mêmes retards dans l'Assemblée constituante sont responsables envers la nation et envers l'humanité des troubles qui ont lieu en ce moment. Je demande donc que, sans s'arrêter aux motions incidentes relatives à M. Brissot, on fixe au plus tard au 1er décembre le rapport du comité, ou, à défaut de rapport, la discussion de la question.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assembléé ferme la discussion.)
Je demande que l'on mette aux voix la proposition de M. Aubèrt-Dubayet, d'adjoindre M. Brissot au comité colonial. (Non! non !)
Je demande la question préalable sur la motion de M. Aubert-Dubayet.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Aubert-Dubayet.)
Je propose d'ajouter à la proposition, d'ajourner le rapport au 1er décembre, que si le comité ne fait pas son rapport à cette époque, il me soit permis de le faire moi-même. (Non!non!)
: Quand vous aurez décrété que votre comité fera un rapport à jour fixe, vous ne pouvez pas dire, sans l'injurier; que s'il ne le fait pas, M. Brissot le fera.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le comité colonial fera son rapport au 1" décembre prochain.)
Je demandé, qu'indépendamment du rapport du comité, la discussion sur Tes troubles des colonies soit ajournée à la même date.
jeune. J'appuie la motion de M. Grangeneuve, car on n a ajourné que le rapport.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je soutiens que cet amendement n'est pas raisonnable puisqu il est impossible de présenter le rapport sans qu'il y ait une discussion subséquente.
Un membre : Il est possible que d'ici lé premier décembre, le comité ne puisse faire son rapport, et alors l'Assemblée ne doit pas se priver de recevoir les recherches faites par chacun de ses membres.
(L'Assemblée, consultée, ajourne aupremier décembre la discussion sur les troubles des colonies et renvoie au comité colonial les pièces qui viennent d'être lues.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport sur la mise en arrestation des sieurs Tardi et Noir eau; il s'exprime ainsi.
Messieurs, le 12 de ce mois, l'Assemblée nationale a mis eh état d'accusation les sieurs Tardi et Noireau, désignés dans l'article de M. Varnier. Dans l'exécution de ce décret est arrivée une méprise bien douloureuse ; les sieurs Tardi père et fils, et un sieur Noireau, ont été arrêtés et constitués prisonniers à Dijon, et il se trouve qu'ils ne sont point coupables. Les coupables sont évadés, et les innocents en prison. Les dispositions trop vagues du décret ont donné lieu à cette erreur. D après la lecture des pièces adressées par le procureur général syndic du département de la Côte-d'Or, vous avez renvoyé au comité de législation le projet de décret à rendre pour mettre en liberté les sieurs Tardi et Noireau, qui sont actuellement détenus dans les prisons de Dijon.
Votre comité de législation s'est occupé de ce décret, et m'a chargé de vous le présenter :
« L'Assemblée nationale déclare que. par son décret du 12 de ce mois, elle n'a entenau mettre en état d'accusation, que le sieur Tardi, de Dijon, receveur des douanes nationales aux frontières, et le sieur Noireau, ci-devant receveur du grenier à sel d'Auxonne ;
« En conséquence décrète que les sieurs Tardi, père et fils, et le sieur Noireau, actuellement détenus dans les prisons de Dijon, en vertu du décret dudit jour 12, seront mis en liberté, et que les scellés apposés chez eux seront brises ; qu'il sera remis, par le procureur général syndic du département de la Cote-d'Or, auxdits sieurs Tardi, père et fils et Noireau, à l'instant de leur sortie des prisons, une expédition du présent décret, auquel l'Assemblée nationale charge le pouvoir executif de donner la plus prompte exécution. »
Et publicité.
Je désirerais que la réparation faite à ces citoyens soit authentique et je voudrais, puisqu'ils ont été obligés de faire momentanément le sacrifice de leur liberté, que M. le Président leur écrivît une lettre de satisfaction de la part de l'Assemblée nationale.
Un membre : Je demande que le décret soit imprimé à Dijon et dans lé département de la Côte-d'Or.
Un membre : Je demande qu'il soit envoyé un courrier extraordinaire. Toute minute qu'ils souffrent doit être affreuse pour nous.
J'observe que tout cela n'est que la suite d une faute de l'Assemblée et que, par conséquent, il faut que les frais soient supportés par ses membres. En conséquence, je propose d'en prélever le montant sur nos mandats. (Murmures.) :
Je crois que la motion de M. Léopold est une mauvaise plaisanterie. Je demande qu'il en soit fait mention au procès-verbal et qu'elle soit mise aux voix,* je l'appuie.
Il me semble qu'on, ne peut pas mettre aux voix une motion qui tend à improuver la conduite de l'Assemblée nationale ; mais on peut rappeler à l'ordre l'homme qui fait une pareille motion, et voilà la mienne.
Je pense comme M. Gérardin, et je regarde comme une insulte à l'Assemblée la motion qui a été faite.
Je viens d'être inculpé. Je déclare à la face de l'Assemblée nationale que je n'ai eu
juste. Si ie mérite d'être rappelé à Tordre, je me soumets a la censure de l'Assemblée.
Un membre : Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Léopold et sur les motions incidentes'.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Léopold.)
Je mets aux voix l'amendement de M. Lemontey et un autre membre tendant à donner la plus grande publicité au décret et à l'imprimer dans le département de la Côte-dPOr.
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
Je mets aux voix l'amendement de M. Lacombe-Saint-Michel tendant à ce que le Président soit chargé d'écrire une lettre
aux sieurs Tardi, père et fils et au sieur Noireau, arrêtés et détenus à Dijon.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. La-combe-Saint-Michel.)
Un membre ; fi est inutile de décréter l'envoi d'un courrier extraordinaire ; le ministre de la justice prendra sans doute les mesures les plus promptes pour faire parvenir le décret.
Un membre : Il ne faut point parler d'économie quand il s'agit de rendre la liberté à un citoyen innocent. (.Applaudissements.)
^L'Assemblee décrète l'envoi d'un courrier extraordinaire.)
, rapporteur.Voici, en tenant compte des amendements, la rédaction que je propose :
« L'Assemblée nationale déclare que par son décret du 12 de ce mois, elle n'a entendu mettre en état d'accusation que le sieur Tardi, de Dijon, receveur des douanes nationales aux frontières, et le sieur Noireau, ci-devant receveur du grenier à sel d'Auxonne; en conséquence, décrète que les sieurs Tardi père et fils et Noireau actuellement détenus dans les prisons de Dijon, en vertu du décret dudit jour 12, seront mis en liberté, et que les scellés apposés chez eux seront brisés ; qu'il sera remis par le procureur général syndic au département de la Côte-d'Or, auxdits sieurs Tardi et Noireau, à l'instant de leur sortie des prisons, une expédition du présent décret, auquel l'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de donner la plus prompte execution; pourquoi il sera envoyé un courrier extraordinaire à Diion.
L'Assemmée nationale décrète, en outre, qu'il sera écrit par son président aux sieurs Tardi et Noireau, qui ont été constitués prisonniers, et que le présent décret sera publié et affiché dans tout le département de la Côte-d'Or.
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 20 novembre.
Un membre: J'observe à l'Assemblée que c'est avec beaucoup de raison que la pétition des citoyens de la section des Lombards a excité des réclamations. J'ai remarqué qu'elle est signée du président et des secrétaires. Or, la Constitution prohibe toute espèce d'adresses ou de pétitions faites en nom collectif. Je demande donc qu'on supprime du procès-verbal les mots : « Adresse de la section des Lombards » et qu'on les remplace par ceux-ci : « Des citoyens de la section des Lombards ont offert leurs nommages à l'Assemblée. (Murmures.)
Plusieurs membres à gauche: Non! non!
On ne cesse d'attaquer ici le droit sacré de pétition. Il a été fait hier une vive opposition à la demande faite de la mention
honorable de l'adresse de la section des Lombards. L'Assemblée n'y a eu aucun égard et a décrété cette mention. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Un membre: L'Assemblée n'a décrété qu'il serait fait mention honorable de cette adresse que parce qu'elle a cru, sans doute, qu'elle était signée individuellement. Je soutiens qu'elle est signée par un président et des secrétaires ; je demande à vérifier le fait. Plusieurs membres: L'ordre du jour! M. le Président. Aux termes du règlement, je ne peux refuser la demande faite de vérifier un fait.
(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour J
Un membre: Ces messieurs ont beau faire, ils n'empêcheront pas la nation d'énoncer un vœu. (Applaudissements à gauche.)
Personne dans l'Assemblée ne peut vouloir et ne peut empêcher la nation d'énoncer un vœu .
Ce sont de pures chicanes qu'on soulève.
Nous ne demandons que le maintien de la Constitution que tous nous avons juré de défendre.
Sans doute, il faut respecter la Constitution ; sans doute, il faut fléchir devant elle, mais l'intention de la Constitution n'a jamais été de fermer l'entrée... (Murmures.) ni de fermer tout accès auprès de l'Assemblée. Ce serait manquer son but. Je demande que les citoyens puissent librement et facilement rendre leurs hommages à l'Assemblée et protester de leur respect à la loi. Je réclame l'ordre du jour.
Monsieur le Secrétaire, je demande que vous lisiez les premières lignes de l'adresse, ainsi que les signatures.
, secrétaire, relit l'adresse en entier ; elle se termine par ces mots : « Pour extrait conforme à la délibération de la section des Lombards, réunie en assemblée générale, signé: Poulur, secrétaire. » Plusieurs membres : L'ordre du jour ! Un membre à droite: On ne peut passer à l'ordre du jour sur une infraction faite à la Constitution.
Je demande le rapport du décret : l'Assemblée n'aurait pas décrété la mention honorable si elle avait su que l'adresse était signée en nom collectif.
Qu'on lise le procès-verbal pour faire connaître la vérité à ces messieurs.
: Un membre de l'Assemblée constituante qu'on a regardé comme célèbre, comme un des plus fermes appuis de notre liberté naissante, a dit une fois dans cette tribune: « Lorsqu'ici on parle de nation et de liberté, il semble que l'on répande l'eau à grands flots sur des hydrophobes. »> (Vifs applaudissements dans les tribunes et à gauche ae V Assemblée.) Peut-être serait-ce ici l'occasion de dire que dans cette Assemblée, lorsqu'on parle d'amis de la Constitution, lorsqu'on parle de citoyens qui manifestent leur vœu pour le bonheur et la prospérité publiques, on répand à grands flots , l'eau sur les hydrophobes. (Murmures à droite.)
Les murmures qui se manifestent sont sans doute l'effet d'une fausse interprétation de mon
opinion. Hier, quand on a lu une lettre signée par des citoyens de Bordeaux se disant amis de la Constitution, on a entendu, de je ne sais quelle part, ce cri : Ah ! Ah ! (Applaudissements et murmures.) Oui, Messieurs, je soutiens que ces sociétés patriotiques, connues sous le nom de Sociétés éCAmis de la Constitution, ont répandu et propagé, dans tout l'Empire, les principes de liberte.
L'Acte constitutionnel à la main, je vais maintenant vous prouver la grande différence qu'il y a entre les adresses et les pétitions, et que les citoyens ont le droit d'offrir des hommages de félicitation.
L'Acte constitutionnel porte que les citoyens ne pourront présenter que des pétitions individuelles ; mais il porte aussi au titre Ier qu'ils pourront s'assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police. Eh bien, ce droit de s'assembler paisiblement et sans armes pour-rait-il être mis à exécution, si, lorsque les citoyens sont assemblés, ils ne nommaient pas un chef, et que deviendrait ce droit s'ils ne pouvaient pas faire un travail quelconque, prendre une délibération, manifester un vœu? L Assemblée législative qui doit exprimer le vœu de la nation ne doit-elle pas recevoir des hommes qui viennent lui dire : « Nous formons une partie considérable du peuple souverain, et nous vous annonçons que ceux qui nous envoient, reconnaissent que vous avez parfaitement rempli votre mission et vous félicitent de ce que vous avez fait..» (Murmures à droite. Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
Il s'élève tous les jours, à la lecture du procès-verbal, des réclamations contre les délibérations qui ont été prises la veille. Aujourd'hui on renouvelle encore la question de savoir si une délibération qui a été prise à une très grande et très absolue majorité, doit subsister dans le procès-verbal.
Un membre : On ne prescrit pas contre l'erreur.
Hier, après la lecture de cette adresse, M. Goujon et ses voisins s'opposèrent à ce qu'il en fût fait mention au procès-verbal. L'Assemblée décréta que cette mention serait faite malgré toutes les réclamations. L'Assemblée a fait, par là, une grande différence entre les adresses et les pétitions, et je demande qu'il soit passé à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : J'observe à l'Assemblée que la suppression du traitement des employés de la gabelle a eu lieu dans plusieurs'parties le premier avril 1790, et que cependant le décret du 31 juillet 1791 ne leur accorde leurs pensions et indemnités qu'à compter du premier juillet 1791, d'où il résulte qu'ils sont restés sans traitement pendant 15 mois. Je demande, en conséquence, le renvoi de cette affaire au comité de liquidation.
(L'Assemblée renvoie cette affaire au comité de liquidation.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. de Bertrand. ministre de la marine sur divers objets relatifs a la marine ; cette lettre est ainsi conçue ;
« Paris, le
- « Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous adresser un mémoire relatif à un des objets dont j'ai fait mention dans le compte que j'ai rendu à l'Assemblée nationale le 31 octobre. Ce mémoire concerne l'exécution de la loi du 31 août, relative à la police de la navigation, et au pacte de commerce, ainsi que le projet de décret présenté par le comité de marine de l'Assemblée constituante, sur les droits de navigation établis en remplacement de ceux de l'amirauté.
« J'ai l'honneur de vous envoyer aussi un projet de congé ou passeport national, qui devra être donné dorénavant aux bâtiments de commerce, conformément à la loi du 13 août. J'observerai, Monsieur le Président, qu'il serait à désirer ne l'Assemblée voulût bien prononcer sans élai sur la forme de ce congé. C'est la pièce qui établit pour les navires de commerce la qualité de Français, et qui leur donne le droit de porter le pavillon national. Il sert encore à les faire reconnaître dans les ports étrangers, et à la mer. Les modèles des anciens congés, qui étaient délivrés par l'amiral de France, sont joints aux traités de paix avec les puissances étrangères auxquelles il est par conséquent nécessaire de notifier le changement de forme.
« Je dois, Messieurs, ajouter que la loi du 15 mai dernier a déterminé que les anciens congés continueraient à être expédiés jusqu'au 1er janvier dernier; mais en supposant que la nouvelle forme fût incessamment décidée, le travail de la gravure et du tirage de ces congés exigera quelque temps, et il faudra encore, pour les notifier à toutes les puissances maritimes, donner le délai nécessaire pour qu'elles puissent faire passer des ordres dans tous les ports, et aux commandants de leurs bâtiments de guerre, afin que ces congés soient reconnus. En précipitant trop cette mesure, on risquerait d'exposer quelques bâtiments français à des difficultés embarrassantes, et de compromettre le pavillon national. Ces motifs me déterminent à demander à l'Assemblée nationale de vouloir bien prolonger de 6 mois le délai porté par l'article 6 de la loi du 15 mai, relatif au code de la marine. « Je suis, etc.
« Signé : de Bertrand. »
A cette lettre sont joints un mémoire concernant la police de la navigation et des ports de commerce, en ce qui concerne l'expédition des navires et la délivrance des congés, et des observations sur le projet de décret du comité de la marine, relativement aux droits de navigation en remplacement des droits d'amirauté.
(L'Assemblée renvoie toutes ces pièces au comité de marine.)
M. le secrétaire donne lecture de trois lettres de M. Delessart, ministre de l'intérieur, dont la teneur suit :
Première lettre. « Paris, le
« Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous envoyer une lettre du directoire du département de l'Aisne, qui demande un décret pour convoquer extraordinairement les électeurs, à l'effet de nommer aux cures vacantes. Il demande aussi s'il faut remplacer
les curés qui ont publiquement et notoirement rétracté leur serment civique. {Oui! oui!) Ils se plaignent en même temps de cé que les tribunaux du département, et spécialement celui, du district de Guise, ne font droit sur aucune dénonciation. « Je suis avec respect, etc.
« Signé : Delessart. »
Il y a une loi formelle à cet égard qui porte que ceux qui ont rétracté seront remplaces.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de division !
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de division.)
Deuxième lettre. « Paris, le
« Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous envoyer une lettre du
Procureur général syndic du département du ord, avec un mémoire concernant la revendication faite de la maison des ci-devant capucines ae la ville d'Orchies.. Vous verrez qu'il s'agit de rendre un décret interprétatif, non seulement sur cette revendication, mais encore
3ui prévienne une multitude d'autres difficultés e même nature. Je ne puis que m'en rapporter à la sagesse et à l'équité de l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Delessart. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre avec lespièces qui l'accompagnent au comité des domaines.)
Troisième lettre.
« Paris, le
« Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous envoyer mon avis, avec les pièces nécessaires pour mettre l'Assemblée nationale en état de prononcer sur Remplacement du tribunal et au bureau de paix du district de Confolens, département de la Charente, dans les bâtiments de l'hôpital de cette ville, et sur la translation de cet hôpital dans la maison des religieuses de Sainte-Claire. « Je suis avec respect, etc.
Signé : delessart. »
Plusieurs membres : Le renvoi des pièces au comité de division !
D'autres membres : Le renvoi au comité des domaines !
Un membre : Je demande le renvoi au comité des domaines à charge de se concerter avec le comité de division.
L'Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité à la demande de renvoi au comité des domaines, renvoie les pièces à ce comité, et rend le décret suivit:
« L'Assemblée nationale décrète que toutes les demandes des corps administratifs et tribunaux relatives à des emplacements, qui avaient été présentées à l'Assemblée nationale constituante et qui pourraient l'être par la suite, seront définitivement attribuées au comité des domaines. »
Un membre, au nom du comité de division, propose et l'Assemblée décrète le projet de décret suivant," pour la vérification des pouvoirs des députés du département de la Corse :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, décrète qu'elle tient pour valables et vérifiées les nominations faites par le procès-verbal de l'assemblée électorale du département de la Corse du 13 septembre dernier et jours suivants, des personnes de MM. Félix-Antoine Léonetti, François-Marie Pietri, Charles-André Pozzo-di-Borgo, Don Pierre-Jean-Thomas Boërio, Barthelemi Arena, et Marius Peraldi, pour députés à cette législature, et qu'en conséquence ils seront admis au serment requis par la loi. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Patrin, qui demande à être admis à la barre pour faire hommage à l'Assemblée d'une collection de minéraux; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de demander à faire hommage à l'Assemblée nationale d'une collection de minéraux de Sibérie, que j'ai formée moi-même à grands frais, et que M. Daubenton et d'autres minéralogistes ont jugée d'une grande importance. Daignez, Monsieur le Président, m'accor-der la faveur de m'admettre à la barre de l'Assemblée nationale dimanche prochain ou tel autre jour qu'il vous plaira de me prescrire, pour y présenter l'adresse ci-jointe.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : patrin. »
Plusieurs membres: A dimanche!
(L'Assemblée décrète que M. Patrin sera admis, dimanche, à la barre.)
jeune, au nom du comité militaire, demande qu'il y ait,demain soir, une séance extraordinaire pour présenter un rapport sur l'organisation de la garde nationale.
(1/Assemblée décide qu'il y aura demain soir une séance extraordinaire.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre écrite à M. le Président par M. Lavoisier, l'un des commissaires de la Trésorerie nationale, qui, pour s'acquitter du devoir qui lui est imposé par l'article 11 du titre II du décret d'organisation de cette Trésorerie et de l'article 20 ae la loi du 30 mars 1791, présente à l'Assemblée le bordereau sommaire dés recettes et des dépenses faites, pendant les 15 premiers jours du mois de novembre 1791.
(L'Assemblée renvoie ce compte au comité de la Trésorerie nationale.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport sur l'établissement à Beaucaire d'un tribunal chargé de connaître des crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le ministre de l'intérieur vous a communiqué, le 17 de ce mois, une dépêche des commissaires envoyés dans le pays d'Avignon et dans le comtat Venaissin, pour l'exécution de la loi du 14 septembre dernier, qui prononce la réunion de ce pays à la France.
Vous ressentez encore cette consternation profonde, ces déchirements que vous fit éprouver le tableau des attentats commis dans la ville d'Avignon.
On vous proposa d'attribuer la connaissance
de ces crimes au tribunal du district d'Orange, ou de composer un tribunal particulier pour cet objet, auquel seraient appelés des juges pris dans les tribunaux environnant le pays d'Avignon. Vous avez renvoyé cet objet a votre comité de législation ; il m a chargé de vous faire le rapport d'un projet d'un décret et des motifs sur lesquels il est établi.
Les premiers effets de l'anarchie sont de faire disparaître la justice. Les anciens juges d'Avignon avaient été destitués sans forfaiture jugée, la municipalité en avait nommé de nouveaux ; méconnus par une partie des citoyens, ils ont été sans force et sans pouvoir contre les autres.
Le décret du 23 septembre dernier ordonne l'établissement provisoire des autorités civiles, judiciaires et administratives qui doivent régir les deux pays réunis d'Avignon et du comtat Venaissin jusqu'à leur organisation définitive. Cette loi supprime les corps civils et judiciaires qui y avaient été établis depuis le mois de septembre 1789 ; elle ordonne qu'il sera créé dans chacun des deux nouveaux districts, dont les chefs-lieux sont Avignon et Carpentras, une administration et un tribunal, dont la composition sera conforme à ce qui est prescrit par les décrets de l'Assemblée. Plus les forfaits outragent la nature et la société, plus il est difficile d'en avoir les preuves, si on ne les recherche et si on ne les rassemble promptement. Les commissaires ont senti cette nécessité; la formation du tribunal exigeait d'abord la tenue des assemblées primaires, et ensuite celle du corps électoral. Ils ont vu qu'un long délai s'écoulerait avant que l'on pût commencer l'information : ils ont cru ne pas s'écarter des bases de la Constitution en faisant assembler les sections, et en leur proposant de nommer trois juges enquêteurs qui, en présence de deux notables, recevraient provisoirement les dépositions. Ils ont pensé que cette nomination par le peuple donnerait à ces juges momentanés un caractère suffisant : ils ont voulu éviter l'inconvénient de laisser les prisonniers en état d'arrestation sans accusation régulière.
Les circonstances peuvent seules excuser cette démarche des commissaires, elle aura même des effets utiles : mais leur opération n'est pas conforme aux lois sur la nomination des juges. Cette nomination est confiée, par délégation du peuple, aux assemblées électorales. Vous ne pouvez donc pas reconnaître ni maintenir comme juges les citoyens que les habitants d'Avignon, rassemblés en sections, auraient nommés. Il sera indispensable que les procédures faites par ces citoyens soient de nouveau commencées: elles ne peuvent même pas être jointes à la procédure. Une instruction, à laquelle tiennent l'honneur et la vie des hommes, ne peut se former par des juges et par des actes dont la légalité pourrait ensuite être contestée, et que la Constitution ne vous permet pas de légitimer.
Dans la classe des actes réguliers seront les procès-verbaux qui auront été dressés par les gens de l'art sur l'état des cadavres et par les officiers publics légalement nommés. Les actes faits par les citoyens élus comme juges dans les sections, seront, entre les mains dfe Faccusateur public, des renseignements utiles.
En reconnaissant la nécessité d'un tribunal régulier, le comité a partagé votre empressement pour qu'il fût formé sans délai, Avignon est sans juges, et les airs y retentissent des cris de citoyens, sans nombre, qui réclament la justice
et elle sera inefficace si elle n'est sur-le-champ mise en activité.
11 s'agit aussi de calmer et de punir les fureurs d'une guerre civile ; ne doit-on pas désirer que des juges étrangers à tous les partis, leur inspire à tous le respect et la crainte? Ces deux motifs ont déterminé votre comité à vous proposer de convoquer, pour la formation du tribunal de premier ressort, des juges pris dans des tribunaux, à une certaine distance d'Avignon.
La Constitution défend de distraire les citoyens des juges que la loi leur assigne, par aucune commission ni par d'autres attributions et évocations que celles qui sont déterminées par les lois.
Si Avignon avait des juges il faudrait sans doute que leur récusation précédât le renvoi à des juges étrangers, et cette partie de l'ordre judiciaire est attribuée au tribunal de cassation. Mais la réunion de cette ville à la France n'a été prononcée que par la loi du 14 septembre : elle n'a été effectuee que par l'acte de possession, des commissaires civils du 8 du présent mois. Cet acte ne vous est connu que depuis quelques jours. Lès corps administratifs et judiciaires n'y sont point encore constitués. Il est un intervalle de temps pendant lequel ces autorités ne pourront être opposées à 1 anarchie ; un état plus affreux que celui d'un pays qui, au milieu des haines et des factions, ne peut implorer ni la perfection, ni la vengeance de la justice.
Son retour dans cette malheureuse cité, ne doit donc pas être retardé par les lenteurs de la formation d'un tribunal ordinaire. Il ne s'agit point de distraire les citoyens d'Avignon des juges que la loi leur assigne; ils n'en ont point encore, et ils demandent que la loi, qui va être prononcée, leur en donne provisoirement. La Constitution autorise les évocations et les attributions qui sont déterminées par les lois. Jamais l'Assemblée nationale n'aura d'attribution plus importante à prononcer : la loi sera celle de la nécessité.
Le décret du 23 juin porte : que les commissaires du roi feront exécuter, dès à présent, celles des lois françaises que comporte l'état actuel des deux pays réunis. La loi qui vous est proposée est celle que comporte et qu'exige cet état actuel.
Il faut donc écarter toute idée d'atteinte à la Constitution. Elle ne pourrait être violée que par l'interruption de la justice et par l'impunité des plus grands forfaits.
Votre comité a vu dans un temps prochain l'établissement dés jurés. L'intervalfe très court qui se trouve entre cette époque et celle où nous sommes, eût pu faire regarder comme convenable de ne pas établir dans ce pays deux régimes dont l'un doit succéder presqu'immédiatement à l'autre. Mais des obstacles insurmontables s'opposent à ce que les procédures criminelles dont il s'agit soient faites par des jurés. Leur établissement est subordonné à des opérations qui seront de longue durée et qui ne sont point encore faites. II est décidé, par le décret au 23 septembre, que les deux districts d'Avignon et ae Carpentras ne pourront former un quatre-vingt-quatrième département, et qu'ils seront divisés entre les départements environnants. Cette division n'a point encore été déterminée, et elle doit l'être avant que l'on puisse former le juré. Il serait d'ailleurs imprudent de recommencer, au milieu des convulsions politiques, et avant que l'esprit de parti soit calmé, l'essai d'un établis-
sement qui est une des bases de la Constitution.
Votre comité n'a pas cru convenable d'attribuer au tribunal d Orange la connaissance des crimes commis dans la ville d'Avignon. Si les juges de ce tribunal étaient chargés d'une aussi grande instruction, il serait possible que tout leur temps y fût employé; les citoyens du district d'Orange auraient à se plaindre d'être privés 4ela justice. Vous préféreriez, sans doute, un parti avec lequel vous remplissez le vœu des Avignon-nais sans que le cours de la justice soit ailleurs interrompu. Peut-être même le voisinage de la ville d'Orange vous laisserait-il encore de l'in-
3uiétude sur des rapports de famille, d'intérêt ou e parti. Il est de votre dignité d'écarter jusqu'à la possibilité des méfiances, surtout lorsque vous donnez des juges d'attribution.
C'est ce désir de concilier les esprits par votre scrupuleuse attention à chercher tous les moyens d'inspirer la confiance qui a déterminé votre comité à ne prendre les juges, soit de premier ressort, soit d'appel, qu'à une certaine distance d'Avignon. Il lui a paru convenable que l'Assemblée nationale fût instruite des résultats de la procé-cédure lorsque les informations seront faites, afin de connaître quelles sont la nature et l'origine des attentats dont on vous a présenté le tableau. C'est un compte que le ministre de la justice vous rendra aux époques qui seront fixées.
Il restait encore à déterminer la compétence du tribunal que vous allez ériger. Le décret du 23 septembre porte que l'amnistie prononcée le 13 du même mois par l'Assemblée nationale aura son effet dans les territoires d'Avignon et du comtat .Venaissin ; l'époque du 23 mars a paru à votre comité celle où l'amnistie défend pour ce pays la recherche des crimes antérieurs et relatifs à la Révolution.
Il vous propose les décrets suivants (1) :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 2 octobre dernier a supprimé tous les corps civils, judiciaires et administratifs formés dans la ville d'Avignon depuis le mois de septembre 1789, et que le tribunal que l'on doit y établir conformément aux décrets, ne peut l'être aussi promptement que l'exige la poursuite des crimes qui y ont été commis, décrète qu'il y a urgence. »
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale, voulant pourvoir à ce que les procédures sur les crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon, depuis le 23 septembre dernier, soient commencées et poursuivies sans aucun délai, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera établi à Beaucaire un tribunal composé de
cinq juges, un accusateur public, un commissaire du roi et un greffier pour instruire et juger
les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire d'Avignon,
depuis le 23 septembre dernier.
« Art. 2. Pour former ce tribunal, les tribunaux des districts de Montpellier, Sommières,
Saint-Hippolyte, Montélimart, Valence et Romans enverront chacun un juge, lesquels se rendront
« Art. 3. Le roi sera invité à nommer un commissaire pour servir près ce tribunal.
« Art. 4. Les cinq juges nommeront entre eux celui qui fera fonctions de président, et ils choisiront leur greffier.
« Art. 5. Ce tribunal entrera en fonctions, au plus tard le 10 décembre prochain, et il sera installé par le conseil général de la commune de Beaucaire.
« Art. 6. Les actes d'instruction dressés par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans la section de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure.
« Art. 7. L'indemnité accordée aux juges, à l'accusateur public et au commissaire au roi sera, y compris leur traitement ordinaire, de 300 francs par mois ; et celle du greffier sera des deux tiers.
« Art. 8. L'appel des jugements rendus par ce tribunal, sera porté, dans les formes prescrites par les décrets, à l'un des sept tribunaux ci-après nommés, savoir : ceux des districts de Die, Vil-leneuve-de-Berg, Privas, Annonay, Alais, Vienne et Béziers. Les suppléants, et à leur défaut des gradués, seront appelés pour juger en dernier ressort.
« Art. 9. Le ministre de la justice rendra compte à l'Assemblée nationale ae l'état de la procédure aussitôt que les informations seront laites. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet et ajourne la discussion à mercredi procnain.)
Un membre, au nom du comité de législation, fait un rapport sur les moyens de mettre en activité la haute cour nationale; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez chargé votre comité de législation de vous proposer les moyens les plus prompts de mettre en activité la haute cour nationale quidoitconnaîtredesdélits de lèse-nation, dont sont prévenus les sieurs Varnier, Tardi et Noireau contre lesquels l'Assemblée nationale a rendu un décret d'accusation. La loi relative aux jurés porte que chaque nouvelle législature fera dresser la liste des hauts jurés nommés dans chaque département. Vous vous êtes déjà occupés, Messieurs, de la formation de cette liste, mais 13 départements n'ayant pas envoyé les noms des hauts jurés qu'ils ont dû nommer, vous avez ordonné, le 15 de ce mois, que l'état des départements en retard serait envoyé au pouvoir exécutif. Vous l'avez chargé de faire les diligences nécessaires pour que ces nominations fussent promptement effectuées, et vous avez ajourné l'impression et la distribution de la liste,v jusqu'à ce qu'elle ait pu être complétée.
Cependant, Messieurs, le décret d'accusation rendu contre le sieur Varnier, la juste demande qu'il fait pour avoir promptement des juges, vous forcent de mettre la naute cour nationale en activité. Le comité a pensé que la négligence des départements à envoyer les noms de leurs jurés, ne devait point arrêter le cours de la justice dans une affaire surtout où l'Etat paraît intéressé; mais ensuite, il a considéré que les accusés ne pouvaient être privés d'aucun de leurs avantages, et qu'ils auraient le droit de se plaindre, si "on restreignait le nombre des jurés parmi lesquels leurs juges doivent être tirés au sort. Cette dernière considération a fait penser à votre comité, qu'avant de dresser la listé des jurés,
il était indispensable d'attendre effet des diligences que le pouvoir exécutif a été chargé de faire pour rendre cette liste aussi complète qu'elle pourra l'être. Lorsqu'elle sera faite, elle sera envoyée au pouvoir exécutif, pour qu'il en fasse faire l'envoi et la publication dans tous les départements.
Votre comité vous propose ce mode d'exécution comme le plus simple et le plus naturel, mais il est persuadé que le Corps législatif a le droit de faire exécuter par lui-même, et sans intermédiaire, les actes qui lui sont propres et que la Constitution lui défère. Quant au lieu où doit résider la haute cour nationale, votre comité est d'avis que ce soit la ville d'Orléans, parce qUe tous les arrangements nécessaires à cet établissement y ont déjà été faits à l'occasion du tribunal provisoire qui y a tenu ses séances, parce que sa communication est facile avec toutes les parties du royaume, et parce que cette ville réunit encore dans son sein une force publique suffisante, et
Êlusieurs autres avantages très utiles pour cet éta-lissement.
Votre comité croit devoir vous proposer quelques moyens d'exécution sur la nomination des deux grands procurateurs de la nation, et des quatre grands juges. L'article 11 de la loi du 15 mai 1791 semble présenter quelque obscurité dans sa rédaction. Cet article n'explique pas si le tirage au sort des quatre grands juges doit être fait non seulement dans la salle des séances de la législature, mais encore dans l'Assemblée même.
11 ne dit point s'il est nécessaire d'appeler dans le sein de l'Assemblée nationale.
Des membres qui composent le tribunal de cassation, parmi lesquels les quatre grands juges doivent être pris, l'article dit que le plus ancien d'âge sera président. Quelques personnes croyaient voir une désorganisation momentanée du Corps législatif, réduit pour cette opération à une espèce de comité général, sous la présidence de son doyen d'âge, et enfin on doutait si les deux commissaires du roi, dont il estparlé, étaient pour assister au tirage au sort, ou s'ils devaient remplir quelques fonctions auprès de la haute cour nationale. Tous ces doutes se sont aisément résolus par l'examen plus approfondi de la loi, par la comparaison de ses différents articles, et par l'analogie de cette loi avec celle qui a institué les jurés ordinaires, dont la haute cour nationale est une application, à un genre de délit d'une espèce particulière. En conséquence, votre comité s'est convaincu que les quatre grands juges doivent être tirés au sort dans une séance ordinaire de l'Assemblée nationale, en présence de deux commissaires envoyés par le roi, et que le plus ancien d'âge dont parle la loi, est le plus ancien des grands juges, qui doit les présider lorsqu'il sera en fonctions.
Quant à la formation de la liste, composée de 24 membres aux termes de l'article 12 de la même loi, elle sera faite dans les formes indiquées par la loi, et par le titre XI de celle sur l'institution du juré ordinaire. Ces deux lois ayant réglé tous les moyens d'exécution à cet égard, l'Assemblée nationale n'a plus à s'en occuper. D'après ces réflexions, votre comité va vous pro-poserquelques articles qui lui ontparu nécessaires pour mettre en activité la haute cour nationale.
«L'Assemblée nationale, voulant mettre promp-tement en activité la haute cour nationale, pour juger les sieurs Varnier, Tardi et Noireau, contre lesquels elle a rendu son décret d'accusation le
12 ae mois, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Aussitôt que l'Assemblée nationale
aura pu recevoir les noms des jurés qui n'ont pas encore été envoyés, et qu'elle a fait demander par son décret du 15 de ce mois, elle dressera laliste des hauts jurés élus par les départements. Cette liste sera sur-le-champ envoyée au pouvoir exécutif, pour la faire imprimer et publier dans tous les départements du royaume.
« Art. 2. L'Assemblée nationale charge son comité de législation de rédiger et de lui présenter, demain, la proclamation solennelle qu elle doit faire pour annoncer la formation de la haute cour nationale, ainsi que l'acte d'accusation contre le sieur Varnier et ses complices; conformément à la loi du 15 mai, relative à la haute cour nationale.
« Art. 3. A l'issue de la présente séance, les membres de l'Assemblée se retireront dans les bureaux, pour nommer au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, les deux grands procurateurs de la nation pris dans le sein de l'Assemblée, pour faire, auprès de la haute-cour nationale, la poursuite de l'accusation aux termes de l'article 10 de la loi du 15 mai 1791.
« Art. 4. Il sera, dans la séance de demain, procédé à l'élection par la voie du sort, et parmi les membres du tribunal de cassation, des quatre grands juges qui doivent présider à l'instruction. Le roi sera invité à envoyer deux commissaires pour assister à cette opération.
« Art. 5. La haute cour nationale se réunira dans la ville' d'Orléans ; les quatre grands juges, les deux grands procurateurs de la nation seront tenus de s'y rendre aussitôt après leur élection. Le sieur Varnier, ou ceux de ses complices décrétés d'accusation, ou qui le seraient par la suite, y seront transférés sur-le-champ pour y subir le premier interrogatoire.
« Art. 6. Le présent décret sera envoyé, dans le jour, au pouvoir exécutif, pour le mettre à exécution en ce qui le concerne. »
Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement de ce projet !
Un membre: Je prie l'Assemblée d'observer que M. Varnier n'a pas subi l'interrogatoire, qu'il demande des juges. L'Assemblée avait décrété que le comité de législation lui présenterait hier son rapport, il ne le présente qu'aujourd'hui ; on en demande l'impression, ce qui produira un nouveau retard. Je prie l'Assemblée d'aller aux voix sur le projet du comité.
Plusieurs membres : La question préalable sur la demande d'impression et d'ajournement !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande d'impression et que le projet de décret sera discuté sur-le-champ. )
M. le rapporteur donne lecture du préambule qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, voulant mettre promp tement en activité la haute cour nationale, pour juger les sieurs Varnier, Tardi et Noireau, contre lesquels elle a rendu son décret d'accusation le 12 de ce mois, décrète ce qui suit: (L'Assemblée adopte le préambule.)
M. le rapporteur donne lecture de l'article 1er qui est ainsi conçu:
Aussitôt que l'Assemblée nationale aura pu recevoir les noms des jurés qui n'ont pas encore été envoyés, et qu'elle a fait demander par son décret du 15 de ce mois, elle dressera la liste des hauts jurés élus par les départements. Cette liste sera sur-le-champ envoyée au pouvoir exé-
cutif, pour le faire imprimer et publier dans tous les départements du royaume. »>
Le comité VOUS propose de ne faire le tirage au sort qu'au moment où l'Assemblée aura tous les noms des hauts jurés; moi, je propose qu'on le fasse de suite. (Murmures.)
Quoique les procès-verbaux de tous les départements ne soient pas arrivés, il y auraitunmoyen d'éviter la lenteur que ce retard peut apporter à la formation de la haute cour nationale et de faire concourir cependant au tirage au sort les 83 départements. En conséquence, je propose que l'on tire au sort, sans délai, les hauts jurés, et que, pour les départements qui n'ont pas encore envoyé leurs procès-verbaux, on mette dans l'urne des numéros, par exemple, premier ou second juré de tel département. De cette façon, tous les départements concourront à la nomination, et la formation de la haute cour nationale n éprouvera point de retard.
Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!
Je demande la question préalable sur la proposition. Elle est impraticable,
earce qu'avant ae procéder à la nomination des
auts jurés, il faut vérifier leurs pouvoirs.
J'ajoute que ce que dit M. Chéron est contraire a la loi, et pour le prouver, il suffit d'en faire lecture. La voici : « Chaque nouvelle législature, après avoir vérifié les pouvoirs de ses membres, dressera la liste des jurés élus par les départements du royaume, et elle la fera publier. » Il faut donc que la vérification des pouvoirs précède la publication, et c'est dans l'ordre des choses, comme l'a dit M. Delacroix, parce qu'il pourrait très bien arriver que ceux qui sortiront au tirage, ne soient pas éligibles ; peut-être même seraient-ils morts.
D'ailleurs les hauts jurés appartiennent de droit à: l'accusé ; tous ces hauts jurés doivent donc nécessairement concourir pour le tirage, afin de former le jury, si vous élaguez certains départements parce qu'ils n'ont pas envoyé leurs procès-verbaux, vous contrevenez à la loi, et vous enlevez à l'accusé des personnes qui doivent nécessairement entrer dans la liste de ceux qui doivent le juger. Je dis donc que vous ne pouvez prendre ce parti, et que celui qui est proposé par le comité est le seul acceptable.
Je fais une observation sur la
rédaction. L'article porte: « Aussitôt que.....».
Je demande que l'on mette: « Au reçu des noms...»
aîné. Il me semble que l'on devrait dire que les départements dont les procès-verbaux d'élection des jurés ne sont pas parvenus à l'Assemblée nationale, seront tenus de les faire parvenir dans un délai.
Du moment où il y a une loi rendue, il n'est sûrement pas dans votre intention d'en rendre une différente. Or, la loi sur la convocation de la haute cour nationale porte textuellement que la publication de la liste des hauts jurés sera l'ouvrage de l'Assemblée nationale, et non pas du pouvoir exécutif. En conséquence, je demande que l'on supprime dans l'article proposé la disposition par laquelle on laisse au pouvoir exécutif le soin de faire cette publication qu'il pourrait retarder et que, conformément à la loi déjà rendue, la publication soit faite par le Corps législatif.
Le premier devoir et le pre-
mier désir de l'Assemblée nationale doit être d'assurer la justice à l'accusé ; mais son dernier désir doit être encore de lui assurer une justice prompte. Je dis qu'en admettant le mode proposé par le comité d'attendre, pour présenter la liste des jurés, que vous ayez les procès-verbaux de tous les départements, vous vous exposez à différer indéfiniment le moment où vous pourrez faire obtenir justice à l'accusé.
Je dis d'ailleurs que ce mode est absolument illusoire. Sur 83 départements vous n'en avez que 13 qui n'ont pas envoyé leurs procès-verbaux. Ces 13 départements priveront donc l'accusé de pouvoir choisir parmi, 26 jurés. Mais il faut considérer qu'il a le droit d'en récuser un tiers ou un quart. La loi s'expliqué la-dessus puisqu'elle lui laisse le double de récusations accordées par le décret sur la procédure par jurés. Donc, si sur les 24 jurés que vous lui proposez il en refuse un certain nombre, pendant ce délai, les 13 départements qui n'ont pas encore nommé les hauts jurés auront produit leur liste, et l'accusé sera maître de faire, parmi ces nouveaux jurés, le premier choix qui fui est accordé par la loi. Je demande, en conséquence, qu'on procède au tirage au sort sur la liste des départements qui ont envoyé leurs procès-verbaux.
Un membre : On a fait l'objection que la proclamation devait être faite par le Corps législatif etrnon par le pouvoir exécutif, et moi je soutiens le contraire. C'est au pouvoir exécutif à faire publier la proclamation, et c'est à vous à prendre les précautions nécessaires. Vous l'avez déjà décidé pour les lois qui n'avaient pas besoin de sanction. Je demande le maintien absolu de l'article et la question préalable sur l'amendement proposé.
Plusieurs membres': La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voix diverses : La question préalable sur tous les amendements ! — La division des amendements 1
(L'Assemblée décide qu'il y a lieu à la division des amendements.)
M. le rapporteur. Je n'ai rien adopté, Messieurs, mais c'est une autre rédaction que je vais soumettre à l'Assemblée. La voici :
Art. 1er
« Aussitôt que les procès-verbaux d'élection des jurés qui n'ont pas encore été envoyés, seront parvenus à l'Assemblée nationale, elle dressera la liste des hauts jurés élus par les départements; cette liste sera sur-le-champ envoyée au pouvoir exécutif, pour la faire imprimer et publier dans tous les départements du royaume.
(L'article 1er ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.)
M. le rapporteur. Voici l'article 2 :
« L'Assemblée nationale charge son comité de législation de rédiger et de lui présenter, demain, la proclamation solennelle qu'elle doit faire pour annoncer la formation de la haute cour nationale, ainsi que l'acte d'accusation contre sieur Vernier et ses complices, conformément à la loi du 15 mai, relative à la haute cour nationale. »
Je demande la question préalable sur cet article parce qu'il est absolument inutile; c'est une mesure de police qui ne doit pas entrer dans le décret. (Oui! oui!)
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 2.)
M. le rapporteur. Voici l'article 2 qui est l'ancien article 3 :
« A l'issue de la présente séance, les membres de l'Assémblée se retireront dans les bureaux, pour nommer au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, les deux grands procurateurs de la nation pris dans le sein de l'Assemblée, pour faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de 1 accusation aux termes de l'article 10 de la loi du 15 mai 1791.»
Je demande encore la question préalable ; la nomination dés grands procurateurs a été décrétée par l'Assemblée nationale et est absolument une mesure d'exécution.
J'avoue que l'article proposé est une mesure de police qui pourrait être également écartée par la question préalable; mais j'observe qu'il n'est peut-être pas indifférent de laisser, par un décret, la trace du mode d'élection des deux grands procurateurs de la nation dans cette importante occasion. C'est pourquoi, Messieurs, je demande le maintien de 1 article.
En établissant le mode de nomination de deux grands procurateurs, nous ferions une disposition parfaitement inutile, et c'est le cas d appliquer la question préalable; mais nous devons fixer seulement le temps-où cette nomination doit être faite.
La nomination à demain ! Plusieurs membres : Non ! non ! aujourd'hui !
J'observe que la proclamation doit précéder la nomination.
Un membre: M. Goujon a raison; voilà l'article 10 de la loi du 15 mai :
« Lorsque le Corps législatif aura décrété qu'il se rend accusateur, il fera une proclamation solennelle pour annoncer la formation d'une haute cour nationale, et fera rédiger l'acte d'accusation de la manière la plus précise et la plus claire ; et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de 1 accusation. » Plusieurs membres : La discussion fermée I (L Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix l'article avec l'amendement qui renvoie l'élection à demain. Plusieurs membres : La division !
Alors je vais mettre seulement aux voix l'amendement tendant à ce que l'élection ait lieu demain.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement !
(L'Assemblée rejette la question préalable, adopte l'amendement, puis rarticle.)
Suit la rédaction de cet article telle qu'elle a été adoptée lors de la lecture du procès-verbal :
Art. 2.
« Dans la séance de demain les membres de l'Assemblée se retireront dans les bureaux, pour nommer, au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, les deux grands procurateurs de la nation, pris dans le sein de l'Assemblée, pour faire, auprès de la haute cour nationale. la poursuite de l'accusation aux termes de l'article 10 de la loi du 15 mai 1791. »
Un membre : J'observe que toutes les élections faites à la sortie des séances, ne le sont qu'à une très petite majorité. Je demande que 1 élection des deux grands procurateurs, ainsi que toutes les élections à venir de présidents, secrétaires, membres de comités, etc... auxquelles il sera procédé par les membres de l'Assemblée, se fassent à l'heure de midi, séance tenante, (L'Assemblée décrète cette motion.) M. le rapporteur donne lecture de l'article 3 (ancien art. 4), qui est ainsi conçu :
Art. 3.
« Il sera, dans la séance de demain, procédé à l'élection par la voie du sort, et parmi les membres du tribunal de cassation, des quatre grands juges qui doivent présider à l'instruction. Le roi sera invité à envoyer deux commissaires pour assister à cette opération. »
(Après un amendement non appuyé, l'Assemblée ferme la discussion et décrète l'article 3.)
M. le rapporteur donne lecture de l'article 4 (ancien art. 5), qui est ainsi conçu :
« La haute cour nationale se réunira dans la ville d'Orléans; les quatre grands juges, les deux grands procurateurs de la nation seront tenus ae s'y rendre aussitôt après leur élection. Le sieur Varnier, ou ceux ae ses complices décrétés d'accusation, ou qui le seraient par la suite, y seront transférés sur-le-champ pour y subir le premier interrogatoire. »
Le décret doit porter exclusivement sur ceux contre lesquels le décret d'accusation est rendu. Il ne faut pas laisser subsister les mots : « ses complices » ; il faut dire : les sieurs Varnier, Tardi et Noir eau, etc. » et ne point parler de complices qui ne sont pas en état d'accusation.
Un membre : J'appuie l'amendement de M. La-grévol et je demande que l'on mette : « et les sieurs Tarai et Noireau, aussitôt qu'ils seront arrêtés, » puisque nous avons appris hier^qu'il n'y en a aucun d'arrêté.
M. l'e rapporteur. J'adopte et voici comment je propose ae rédiger l'article 4 :
Art. 4.
« La haute cour nationale se réunira dans la ville d'Orléans. Les 4 grands juges, les 2 grands procurateurs de la nation seront tenus de s'y rendre aussitôt après leur élection. Le sieur Varnier y sera transféré sur-le-champ, et les sieurs Tardi et Noireau, aussitôt qu'ils seront arrêtés. »
(L'Assemblée décrète l'article 4 ainsi rédigé.) M. le rapporteur donne lecture de l'article 5 (ancien art. 6), qui est ainsi conçu :
Art. 5.
« Le présent décret sera envoyé, dans le jour, au pouvoir exécutif, pour le mettre à exécution en ce qui le concerne. » (L'Assemblée décrète l'article 5.)
nomme les 4 commissaires qui doivent présenter le décret au pouvoir exécutif.
Avant de passer à l'ordre du jour, j'annonce à l'Assemblée que M. Gensonné demande la parole pour rendre compte de nouveaux troubles survenus dans le département de la Vendée.
(L'Assemblée décide que M. Gensonné sera entendu.)
Ce serait bien vainement que vous vous occuperiez des moyens de répression contre les prêtres séditieux et perturbateurs, si vous ne rappeliez en même temps à l'exécution de la loi les fonctionnaires publics qui ont la bassesse de se déshonorer par une lâche connivence avec eux. Des avis sûrs m'ont annoncé que les troubles qui ont agité le département de la Vendée étaient prêts à recommencer et a reprendre une nouvelle énergie. Un membre : Ils n'ont point cessé.
Déjà, dans plusieurs paroisses, l'indifférence des corps administratifs est telle que des paysans attroupés ont dissipé les assemblées primaires, ont désarmé la garde nationale, desarmé des sentinelles de troupes de ligne, et chassé les prêtres constitutionnels.
Je provoque une juste sévérité contre la municipalité de Montaigu, dans le même département. Cette municipalité entière a donné sa démission la veille au jour où le curé constitutionnel devait être installé, pour ne pas concourir à la prestation de son serment. Cette installation a été accompagnée d'une foule de faits qui annoncent à quel point le fanatisme est exalté dans cette ville ; les assemblées des citoyens actifs se sont formées pour la réélection des officiers municipaux ; et, vous aurez peine à le croire, on a renommé ceux qui avaient donné leur démission quelques jours auparavant, et ils ont accepté.
Messieurs, si vous ne mandez pas, sur-le-champ, à la barre le maire et le procureur de la commune de cette municipalité, je demande au moins que l'Assemblée décrète que le directoire du district où ressortit la commune de Montaigu, lui enverra le procès-verbal de la démission de ces officiers municipaux, le procès-verbal de l'installation du curé, et ceux de la réélection et de l'acceptation de ces mêmes officiers municipaux, pour, sur le vu de ces pièces, être statué ce qu'il appartiendra. (Applaudissements.) Plusieurs membres ; Appuyé ! appuyé 1
Jesuis de Montaigu, Messieurs. J'ai des faits particuliers à vous dire, et je puis vous assurer que les détails que vous a donnés M. Gensonné sont de la plus exacte vérité.
Je puis vous assurer que des 48 municipalités qui composent le district, celle de Montaigu x pendant 15 mois que j'ai été procureur-syndic du district, m'a donne le plus de peines, que c'est elle qui m'a le plus contrarié dans l'exécution des lois, et qui a manifesté le plus d'opposition aux principes de la Constitution.
Le maire de Montaigu, à cette qualité, réunit celle de principal du collège : il était tenu au serment prescrit par la loi du 27 novembre 1790; il ne m'a pas été possible de l'y contraindre.
Le procureur de la commune réunissait à cette qualité celle de secrétaire du district, et jamais nomme plus inconstitutionnel ne pouvait remplir une place si constitutionnelle; aussi, vient-on de lui ôter cette place, qu'il était indigne de remplir.
C'est ce maire, c'est ce procureur de la commune qui devaient donner l'exemple de la soumission à la loi, et qui, la veille de l'installation du curé, donnent leur démission, pour se dispenser de faire un acte de civisme... Ce sont eux qui se font réélire après, qui font élire avec eux un régisseur, un homme a gage, d'un ci-devant rand seigneur, un autre jeune nomme qui, tous eux, n'ont pas un pouce ae terrain et qui ne sont
ni l'un ni l'autre citoyens actifs. Mais pourquoi les ont-ils fait élire? parce qu'ils sont surs de les trouver d'accord avec leurs principes.
Croyez-vous, Messieurs, que des officiers municipaux qui donnent ainsi au peuple un exemple aussi scandaleux, soient amis de notre Constitution; croyez-vous que s'ils restent dans leurs places, ce soit pour prêcher l'obéissance aux lois, pour protéger le curé constitutionnel dont l'installation les a fait démettre, pour le garantir des insultes journalières qu'on se plaît à lui faire.
Non, Messieurs, c'est pour prêcher la révolte aux lois ; c'est pour outrager ce vertueux curé, c'est pour le harceler, pour le forcer de céder sa place au curé inconstitutionnel, qu'ils protègent au mépris de la loi.
Certainement, ils sont indignes de la confiance publique, ils l'ont usurpée, à l'aide de leurs fonctions, ils doivent en être destitués; mais avant tout, il est de la justice de les entendre, de leur faire rendre compte de leur conduite, et je fais la motion qu'ils soient mandés à la barre.
Rien, Messieurs, ne peut suspendre votre décision; il faut qu'elle soit aussi prompte que sévère, je crains qu'elle soit trop tardive.
Nous apprenons qu'à l'occasion d'un renouvellement de municipalité, les prêtres réfractaires ont soulevé les habitants de la campagne du Bois-de-Cené,à 4 ou 5 lieues de Montaigu, que les gardes nationales et les troupes de ligne, sentinelles à la porte des assemblées primaires ont été désarmées et assommées par eux, et il est à craindre que, dans ce moment, le sang ne coule à grands flots.
D'un autre côte, M. Dumourier, que nous avons le bonheur d'avoir pour général dans le département de la Vendee, dont rien ne surpasse le zèle, l'activité et le patriotisme, marque que sa patience est à bout, qu'il n'a plus d'espérance de maintenir la paix, et qu'il est à la veille de faire le coup de fusil.
Il est donc pressant de prendre un parti sévère, ou c'en est fait de la Constitution et de la liberté dans le département de la Vendée. (Applaudissements.)
Les faits qui viennent de vous être présentés par M. Gensonné et par M. Gou-pilleau déterminent sans doute, de la part du Corps législatif, un acte de sévérité nécessaire ; mais cet acte de sévérité ne doit être porté que lorsque le Corps législatif sera parfaitement instruit des faits. (Murmures.) C'est peut-être parce que je ne propose pas de suite un moyen violent, qu'on se permet de m'interrompre. Je ne m'oppose pas a des mesures sévères et même violentes, mais il faut qu'elles soient justes. (Des murmures prolongés couvrent la voix de Vorateur.)
Je demande à faire lecture d'une lettre qui m'a été écrite par M. Boursier; procureur syndic du district de Challans, dans le même département.
« Le canon du district de Challans marche, au moment où je vous écris, contre les rebelles de Bois-de-Cené, qui, hier, ont dissout à main armée l'assemblée dont le but était le renouvellement des officiers municipaux. Ces citoyens égarés ont désarmé les sentinelles des troupes ae ligne posées à la porte de la chapelle où se tenait l'assemblée. Les délits commis par cette troupe effrénée sont majeurs : escalader les murs au presbytère pour assassiner le curé constitutionnel qui, heureusement, s'était absenté, spolier les registres des délibérations, assassiner des sentinelles, les désarmer avec des coups meurtriers.
« Nous voilà aux prises; mais ce qui nous console, c'est qu'il nous reste encore quelques patriotes pour nous défendre dans chaque paroisse.
« Je vous écris à la hâte, pour vous prévenir de notre situation, et combien il serait intéressant que nos représentants prissent un parti définitif contre les prêtres réfractaires. Jeudi prochain, vous recevrez tous les procès-verbaux et autres pièces annexées. »
Avant de prononcer, il faut savoir si les corps administratifs ont fait ce que la Constitution leur prescrivait. Ainsi, Messieurs, en demandant la priorité pour le projet de M. Gen-sonné, pour que le Corps législatif se fasse remettre, parle district, toutes les pièces,, je crois, Messieurs, qu'il n'est pas possible de mandèr, dès à présent, à la barre, la municipalité de Montaigu.
Plusieurs membres : La discussion fermée I
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voici quel est l'état de la délibération. M. Gensonné demande que le directoire de district soit chargé d'envoyer à l'Assemblée les procès-verbaux de la démission et de la réélection des officiers municipaux de Montaigu, ainsi que celui de l'installation du curé constitutionnel ; M. Goupilleau a demandé que la municipalité soit traduite à la barre, et M. Saladin réclame la priorité pour la motion de M. Gensonné. Je mets aux voix cette priorité.
Il n'y a pas lieu de demander la priorité sur deux motions qui peuvent être décrétées en même temps. On peut à la fois réclamer les procès-verbaux et mander la municipalité à la barre.
Tous les officiers municipaux ne peuvent pas être mandés à la barre, parce que l'un d'eux, M. Richard, médecin, officier municipal, n'a point donné sa démission. Il n'y a de coupable dans cette municipalité, Messieurs, que le maire et le procureur-syndic de la commune.
L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Gensonné et la décrète en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que le district de Montaigu enverra, dans le plus bref délai :
1° Le procès-verbal de la démission des officiers municipaux ;
2° Le procès-verbal de l'installation du curé constitutionnel de la ville de Montaigu;
3° Le procès-verbal de la nomination des nouveaux officiers muLi^ipaux.
Aux oix la motion de M. Goupilleau
Je vais mettre aux voix la motion de M. Goupilleau de mander à la barre le maire et le procureur-syndic de la commune de Montaigu. (Oui ! oui!)
Je demande la question préalable sur la motion très inconstitutionnelle de M. Goupilleau. Il serait étrange que sur la dénonciation d'un fait, l'Assemblée nationale mandât à la barre des officiers municipaux. Pour punir, il faut des preuves. (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
Je demande, en conséquence, la question préalable sur cette motion, jusqu'au moment où les pièces seront parvenues. Je remarque qu'il est extraordinaire que les agents du pouvoir exécutif ne rendent jamais compte à l'Assemblée des troubles excités par les prêtres
il est temps de faire cesser leur inaction. Je demande que M. le ministre de l'intérieur soit tenu de vous donner des renseignements sur les troubles qui ont eu lieu dans le département de la Vendée et sur les moyens pris pour les réprimer.
Plusieurs membres : Aux voix la question préalable sur la motion de M. Goupilleau !
(L'Assemblée, consultée, décrété qn'il y a lieu à délibérer sur la motion de M. Goupilleau.)
Un membre : Je demande l'ajournement de la motion de M. Goupilleau jusqu'à ce qu'il vous soit fait un rapport sur ce sujet. (Appuyé ! appuyé!)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement 1
(L'Assemblée est consultée; la première épreuve est douteuse.)
(Après une seconde épreuve, l'Assemblée rejette la question préalable sur l'ajournement et adopte l'ajournement jusqu'au moment où les pièces seront produites.)
Je demande qu'on ajoute au décret rendu sur la proposition de M. Gensonné : « et attendu qu'il s'agit de troubles concernant l'ordre public, le pouvoir exécutif sera chargé d'employer tous les moyens de répression et d'en rendre compte. »
La Constitution le charge de cela ; il est inutile de faire des lois qu'on n exécute pas ; il est paralysé, votre pouvoir exécutif |
C'est que nous le paralysons nous-mêmes.
Je demande que le comité de législation fasse son rapport à jour fixe sur le mode d'exercer la responsabilité contre les ministres et les fonctionnaires publics. Il est temps enfin que cette inaction dans l'administration cesse : il est temps que la tranquillité publique soit rassurée, et elle ne le sera pas, tant que vous n'aurez pas contre le pouvoir exécutif un moyen coercitif.
Je mets aux voix la motion de M. Chéron-La-Bruyère.
Plusieurs membres à Vextrême gauche réclament à grands cris la question préalable.
(s'adressant à V extrême gauche}. Permettez-moi de vous observer, Messieurs, qu'il est hors de la dignité de l'Assemblée et hors de toute honnêteté d'interrompre sans cesse le président lorsqu'il rappelle l'état de la délibération. Je vais mettre aux voix la question préalable sur la motion de M. Chéron-La-Bruyère.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Chéron-La-Bruyère.)
Je mets maintenant aux voix la motion de M. Gérardin tendant à ce que le ministre soit tenu de venir, demain, rendre compte des troubles de la Vendée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre au jour sur la motion de M. Gérardin.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés (1).
, rapporteur, donne lecture de l'article 10 qui est ainsi conçu :
L'article 10 du projet du comité de législation ne présente aucun intérêt ni présent ni futur. Je propose un amendement et une nouvelle rédaction ainsi conçue :
« Le directoire de chaque département fera dresser deux listes des tableaux mentionnés en l'article 2.
« La première, contenant les noms et demeures de ceux qui ont refusé de prêter le serment civique, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront été dressés contre eux.
« La seconde, comprenant les noms, âges et demeures des ministres du culte catholique qui auront satisfait à l'obligation du serment, ainsi que des prêtres sermentés sans emploi.
« Cette dernière liste sera déposée dans chaque district, pour que les curés et vicaires à remplacer y soient choisis avec la liste de ceux au-dessus de l'âge de soixante ans et valides. »
Par ce moyen, ceux qui auront traitement ou pension sur le Trésor public, et qui se trouveront choisis, seront tenus d'opter.
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la quèstion!
, rapporteur. Cet article additionnel n'est qu'une répétition de l'article.
Je demande qu'au lieu des mots : « ministres du culte catholique » on mette : « ecclésiastiques. »
Il y a des clercs qui ne sont pas dans les ordres et qui ont déjà des pensions.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion, puis adopte l'amendement de M. Thuriot.)
Un membre : Je demande que l'on introduise dans l'article les mots : « ou qui Vauront rétracté après l'avoir prêté. »
, rapporteur. C'est juste. J'ajouterai après les mots : « le serment civique » ceux-ci : « et de ceux qui l'ont rétracté après V avoir pTété» ®
(L'Assemblée, consultée, décrète l'article 10 avec l'amendement.)
(Suit 4a teneur de l'article 10 tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal) :
Art. 10.
« Le directoire de chaque département fera dresser deux listes : la première, comprenant les noms et demeures des ecclésiastiques sermentés avec la note de ceux qui seront sans emploi, et qui voudront se rendre utiles; la seconde, comprenant les noms et demeures de ceux qui auront refusé de prêter le serment civique, et de ceux qui l'auront retracté après l'avoir prêté, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront été dressés contre eux. Ces deux listes seront arrêtées incessamment de manière à être présentées, s'il
est possible, aux conseils généraux de département avant la fin de leur session actuelle. »
, secrétaire. MM. les députés du département de la Corse demandent à prêter le serment.
, députés du département de la Corse, montent successivement à la tribune et prêtent le serment individuel prescrit par la Constitution.
La suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés est reprise.
, rapporteur, donne lecture de l'article 11 qui est ainsi conçu : Art. il.:
« A la suite de ces listes, les procureurs généraux syndics rendront compte auxdits conseils de département, des diligences qui ont été faites dans leur ressort, pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale constituante, des 12,24 juil let et 27 novembre 1790, concernant l'exercice du culte catholique, salarié par la nation. Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, et la dénonciation de ceux qui, -depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés, par prévarication ou par négligence. »
Messieurs, parmi ses différentes dispositions, l'article 11 porte : « Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, et la dénonciatiou de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés par prévarication ou par négligence » ; mais ceux qui ont apporté ces obstacles ne se divisent qu'en deux clasgfes, savoir : en prêtres factieux ou intrigants, et en administrateurs modérés ou aristocrates. Vous avez tout prévu par l'article précédent pour la première classe ; et à l'égard de la seconde, je regrette bien que votre comité de législation ne vous ait pas proposé un meilleur moyen que de charger des administrateurs de se dénoncer eux-mêmes. Certainement la dénonciation du procureur général du Calvados, ou, si vous le voulez, celle du procureur général de la Moselle, ne vous apportera pas des renseignements fort étendus, à moins que ces messieurs n'aient la générosité de parler d'eux-mêmes (Applaudissements); mais, puisque la série des articles du projet du comité est telle que, sans rompre quelques-uns des anneaux qui en forment l'en-chaînemeYit, il n'est pas possible de confier cette dénonciation à d'autres qu'aux procureurs généraux syndics de départements, je demande que l'obligation où ils seront de faire cette dénonciation soit expresse, qu'ils sachent que les administrateurs eux-mêmes n'en seront pas exceptés, et qu'il soit, en conséquence, ajouté que le compte rendu présentera le détail qu'a pu éprouver l'exécution de ces loiSj la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, et des administrateurs qui les ont favorisés par prévarication ou par négligence. Il n'est personne de versé dans les détails de l'administration qui ignore qu'on peut attri^ buer pour beaucoup, et la faiblesse des prêtres assermentés, et l'insolence de leurs adversaires, à la faveur que des administrateurs ont donnée aux uns, et à l'espèce d'insouciance, pour ne rien dire de plus, qu'ils ont gardée envers les autres. Je propose donc la rédaction suivante :
« A la suite de ces listes les procureurs généraux syndics rendront compte, au conseil de département, des diligences qui ont été faites, dans leur ressort, pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale constituante des 12, 24 juillet et 27 novembre 1790, concernant l'exercice du Culte catholique, salarié par la nation. Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, et des administrateurs, qui les ont favorisés par prévarication ou par négligence. »
, rapporteur. L'amendement du préopinant est inutile ; car l'article que je vous ai proposé étant général, renferme aussi les administrateurs.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Regnault-Beaucaron.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Regnault-Bauca-ron et adopte l'article 11 tel qu'il a été présenté.)
,. rapporteur, donne lecture de l'article 12, qui est ainsi conçu :
Art. 12.
« Le conseil général de chaque département prendra, sur ce sujet, un arrêté motivé, qui sera, adressé sur-le-champ à l'Assemblée nationale, avec les listes des prêtres sermentés et non assermentés, et les observations du département sur la conduite individuelle de ces derniers, ou sur leur coalition séditieuse soit entre eux, soit avec les Français transfuges et déserteurs. »
Je demande qu'au lieu de renvoyer à l'Assemblée nationale, on renvoie aux tribunaux et aux accusateurs publics; j'espère qu'on écoutera mes motifs. Plusieurs membres : La question préalable ! (L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Thorillon, et adopte l'article 12.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 13, qui est ainsi conçu : « Le Corps législatif se formera en comité général pour examiner ces différents procès-verbaux, listes et arrêtés, et, sur le vu cfu tout, aviser au dernier parti qu'il doit prendre, en proportionnant ses mesures, et à l'étendue des maux qu'occasionne l'obstination des rebelles, et à la grandeur de la nation forcée de les punir. » Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! D'autres membrés : La question préalable !
Cet article porte que vous vous formerez en comité général pour examiner les divers procès-verbaux, les listes et les arrêtés des départements relatifs aux prêtres séditieux. Je pense, Messieurs, que cette disposition ne peut être admise. Des législateurs patriotes doivent user avec la plus grande circonspection de la ressource du comité général qui leur est accordé par la Constitution. Le comité général exclut la publicité, et si la publicité est la meilleure sauvegarde de la liberté, c'est encore la meilleure sauvegarde de la justice. On est plus juste quand on agit et qu'on discute sous les yeux du peuple. Dans les circonstances présentes, que craignons-nous en délibérant sur cet objet publiquement? Craignez-vous de livrer au peuple les noms des prêtres réfractaires? Ce serait, j'ose le dire, un ménagement coupable puisque ce serait un ménagement accordé a des
coupables. (Applaudissements à l'extrémité gauche de la salle et dans les tribunes.) Craignez-vous, Messieurs, que le peuple connaissant ces prêtres réfractaires, ne se porte à des excès contre eux? Cette idée serait un outrage pour le peuple. Il respecte la loi quand elle lui promet justice. Ainsi, en demandant la question préalable sur cet article, c'est rendre hommage aux principes, et c'est écarter une insulte qu'on veut faire au peuple.
Quant à la deuxième partie de cet article, elle me paraît complètement inutile. On propose que l'Assemblée nationale prononce, sur le vu de toutes les pièces, des mesures, d'après les arrêtés des directoires. C'est décréter que l'on chancellera à chaque pas que l'on voudra faire. Je demande donc la question préalable sur la totalité de l'article. (Murmures et applaudissements.)
Je conviens de l'avantage de la publicité de vos séances ordinaires, et comme le préopinant, je serai toujours d'avis de la maintenir. Personne ne respecte plus que moi les droits du peuple ; mais je suis bien éloigné de penser que ce soit manquer au peuple, que de vous proposer un comité général, que d adopter un mode de discussion établi par l'Acte constitutionnel. Des législateurs, sans doute, ne doivent pas «chercher à couvrir de ténèbres leurs opérations, et ce n'est qu'avec la plus grande , circonspection et dans les cas extraordinaires qu'ils peuvent user de la faculté de se former en comité. Peut-être avons-nous à regretter que relativement à une matière tout à la fois si délicate et si importante, tout ce qui a été dit dans cette Assemblée ait pu être recueilli et transmis au public. Songeons que nos ennemis abusent de tout, corrompent tout dans l'intention de renverser tout. Voilà, puisqu'il faut le dire, les considérations qui nous ont suggéré l'article 13.
Votre comité de législation a pensé que, s'a-gissant de déterminer les grandes mesures que le salut de l'Etat prescrivait de prendre, la formation en comité général serait plus convenable, plus imposante, plus propre à effrayer des coupables déjà tourmentés par le cri de leur propre conscience ; qu'elle pouvait nous fournir un plus sûr moyen de les atteindre. Oui, Messieurs, les mesures répressives auxquelles vous serez obligés de recourir, seront pour eux d'autant plus redoutables qu'ils pourront moins les prévoir,soit que vous vous déterminiez à lancer des décrets d'accusation, soit que les complots des ennemis de la chose publique exigent une disposition gé néralequi enveloppe tous les factieux; dans tous les cas, il est intéressant que vos dernières résolutions ne soient connues qu'au moment où il faudra rendre des décrets, et qu'il faudra les mettre à exécution. Le comité de législation a considéré la mesure qu'il présente, comme un des moyens de répression les plus efficaces ; en effet. Messieurs, le moyen ïe plus sûr de réprimer les attentats contre la chose publique, est de convaincre ceux qui seraient tentés de les commettre, que ces attentats ne resteront pas impunis ; or, l'ajournement du Gorps législatif en comité général, pour aviser au parti qu'il doit prendre, est un engagement solennel que prend l'Assemblée nationale de les poursuivre, en proportionnant ces mesures à l'étendue des maux qu'occasonnerait leur obstination, et de la grandeur de la nation forcée de les punir.
Une pareille annonce qui laisse au Gorps législatif toute la latitude de son pouvoir et fait connaître que la force qu'il est résolu à déployer,
sera bien autrement effrayante que la menace d'être traduits dans les tribunaux, devant la haute cour nationale même.
Des hommes qui n'agissent que par des moyens secrets et invisibles, peuvent plus facilement échapper à une conviction juridique qu'à des mesures politiques prises pour venger le pacte social méprisé ; le pacte social qu'un citoyen ne peut se refuser de souscrire, qu'il ne peut méconnaître sans rompre tous les liens qui l'attachent à la société, sans la dégager de la protection même qu'elle ne lui doit qu'en vertu ae ce contrat, puisque sans lui il n'y aurait pas de société.
Au reste, l'effet que la première lecture de l'article a produit dans l'Assemblée, est un sûr garant que le Corps législatif a senti, dès le premier moment, tous les motifs qui ont déterminé le comité de législation à vous le proposer ; je conclus à ce qu'il soit adopté. (Applaudissements.)
aîné. Proposer en ce moment que le Corps législatif s'assemblera en comité général pour aviser aux moyens à prendre pour arrêter les querelles et les coupables-efforts des fanatiques, et pour mieux dire des ennemis de la Constitution,c'est déclarer aujourd'hui hautement à toute la France que les mesures que vous prenez sont inutiles. (Murmures )
Il est contraire à la raison de dire à des hommes déjà coupables : Nous vous punissons, mais nous ne vous punissons pas défait. Nous savons que vous irez plus loin : c'est alors que nous vous surprendrons dans le crime, et que nous verrons s'il faut vous punir. Je m'oppose formellement à ce que l'article 13 soit adopté. D'ailleurs, Messieurs, il cache un danger très grand. (Murmures.) Messieurs, si les ennemis de la chose publique ont jamais formé un souhait, c'est celui de voir l'Assemblée nationale délibérer en secret et se soustraire aux regards du peuple et à l'influence de l'opinion. (Murmures.)
Les plus grands intérêts de la nation sont ceux du peuple, c'est devant lui que nous devons travailler. Il ne faut pas prendre l'habitude de nous former en comité général, nous nous y formerions trop souvent. Je conclus donc à la question préalable sur l'article.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Voix diverses : Oui ! oui !
Comme on propose un article qui tend à violer la Constitution, je demande à parler contre la clôture de la discussion. La Constitution porte, Messieurs, que votre police intéreure dépend de vous. Or, ici, on vous propose, contre toute règle, contre toute liberté, d'insérer dans une loi sujette à la sanction un article relatif à la formation en comité général ; d'où il résulterait que si la sanction était refusée, vous vous seriez dépouillés vous-mêmes du droit que vous avez de vous former à chaque instant en comité général. (Applaudissements.) J'ai donc raison de dire que cet article est inconstitutionnel, qu'il est contraire à tous les principes, et qu'il tend à nous lier par une loi sur notre police intérieure.
Mais il est encore contraire à la Constitution qui porte que toutes nos délibérations seront publiques et qu'on ne pourra se former en comité général que sur la demande de 50 membres. Il Faudra donc, toutes les fois que nous voudrons nous former en comité général, qu'il y ait 50 membres présents pour demander cette formation.
Par toutes ces considérations, et surtout par les premières que j'ai développées, qui tendent à la liberté de la nation et àlalibertéde cette Assemblée, je conclus à ce que l'article soit rejeté par la question préalable. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ferme la discussion.) ;
Je demande la division de la question préalable. Cet article renferme deux mesures : l'une de se former en comité général, et je demande la question préalable sur cette disposition, ainsi que les autres opinants ; l'autre, que l'Assemblée nationale reçoive toutes les listes avec les notes, additions et renseignements fournis par les administrations, et qu'elle y délibère : je demande que cette partie soit mise aux voix.
Plusieurs membres : La question préalable sur la division de la question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la division de la question préalable.)
Je mets aux voix la question préalable sur l'article 13.
Une première épreuve est douteuse.
(Après une seconde épreuve, l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 13. — Applaudissements dans les tribunes et dans une partie de VAssemblée.)
(Il s'élève contre cette décision quelques réclamations qui n'ont pas de suite.)
, rapporteur, donne lecture de l'ancien article 14, qui devient article 13, et qui est ainsi conçu:
« IL est enjoint expressément à tous les fonctionnaires publics du royaume, chacun en ce qui le concerne, de concourir, avec l'activité la plus soutenue, à l'exécution stricte et littérale du présent décret, et à celle des lois déjà existantes contre les perturbateurs de l'ordre public, auxquelles il n'est pas dérogé par ce même décret. »
Un membre : Je demande la question préalable sur l'article; il ne fait que rappeler les dispositions de diverses lois déjà émises.
Messieurs, toutes les lois précédemment décrétées, et l'Acte constitutionnel lui-même, recommandent à la vigilance des pouvoirs constitués le maintien de la tranquillité publique. Ainsi, Messieurs, ou il faut rejeter cet article, ou il faut le rédiger d'une autre manière, vous voulez rappeler à ces divers fonctionnaires publics leurs obligations, et en même temps leur remettre sous les yeux les peines qu'ils auraient encourues. Je propose la rédaction suivante, qui se trouve dans le projet de décret de l'une des sections du comité de législation :
Art. 13.
« Si des corps ou des individus revêtus de fonctions publiques, négligent ou refusent d'employer les moyens que la loi leur confie pour prévenir ou pour réprimer une sédition, ils en seront personnellement responsables, et, comme tels, poursuivis et punis ae la manière indiquée par la loi du 3 août 1791. »
, rapporteur, J'appuie cette dernière rédaction.
Voix diverses : La question préalable sur la nouvelle rédaction ! La priorité pour la nouvelle rédaction!
(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Tardiveau; puis décrète cette rédaction qui devient l'article 13.)
, rapporteur, donne lecture de l'ancien article 15, qui devient l'article 14 ; il est ainsi conçu :
« Les décrets de l'Assemblée nationale constituante des 12, 24 juillet et 27 novembre 1790, ci-dessus rappelés, continueront aussi d'être suivis et exécutés suivant leur forme et teneur, mais avec les modifications suivantes, que l'achèvement de la Constitution rend aujourd'hui nécessaires :
« 1° La formule du serment civique, portée en l'article 5 du titre II de l'Acte constitutionnel, sera substituée au serment provisoire qui avait été prescrit par lesdits décrets.
« 2° Le titre Constitution civile du clergé n'exprimant pas la véritable nature de ces lois, et rappelant une corporation qui n'existe plus, sera supprimé et remplacé par celui de Lois concernant les rapports civils et les règles extérieures de Vexercice du culte catholique en France.
« 3° Les évêques, curés et vicaires ne seront plus désignés sous la qualification de fonctionnaires publics, mais sous celle de ministres du culte catholique salarié par la nation. »
aîné. On pense que, pour affermir la Constitution, il faut adopter l'article qu'on vous propose, qu'il faut supprimer le serment du 27 novembre ; et moi, je pense tout le contraire: je crois que, pour l'affermir, il faut que vous frappiez le dernier coup contre ceux qui l'attaquent si violemment; qu'il faut nous ménager les amis que ce serment nous a faits, et les maintenir dans leurs droits. Or, si vous détruisez le serment du 27 novembre, vous verrez tous les prêtres constitutionnels devenir les victimes de tous les ennemis de la Constitution.
Oui, Messieurs, vos prêtres réfractaires ne manqueront pas d'aller aire dans les campagnes, dans tous les villages : On avait prescrit un serment: nous avons bien dit qu'il n'était pas bon, et que l'Assemblée constituante avait eu tort de le prescrire; mais l'Assemblée nationale, plus sage aujourd'hui, vient de le proscrire. C'est nous qui pensions bien ; et tous ces prêtres qui l'ont prête ne sont que des intrus et des schématiques.
Voilà ce qu'ils iront dire aux habitants des campagnes; voilà ce qu'ils iront dire à ceux qui ne saisissent que les mots et ne voient jamais les choses.
Messieurs, j'aime la philosophie, mais je crois qu'il faut en faire un usage prudent et approprié aux circonstances. (Murmures prolongés.)
Messieurs, je connais les prêtres rebelles; oui, voilà ce qu'ils diront au peuple: Nous vous avions dit que la constitution civile du clergé était contraire aux principes que nous vous enseignons. Nous vous avons dit que l'Assemblée nationale constituante avait eu tort de l'élever; nous venons vous dire qu'elle est détruite.
Le peuple ne pénétrera pas plus loin; en voyant que le mot est détruit, il croira que la chose est détruite; voyant le serment du 27 novembre anéanti, il croira que ceux qui l'avaient prêté n'avaient pas prêté un bon serment et que le véritable, le meilleûr, est celui qui va être prêté par les prêtres réfractaires.
Messieurs, je n'ai qu'une question à vous faire. Elle est simple; le serment que vous exigez des irêtres rebelles est-il le même que celui du 7 novembre, ou est-il différent? S'il est le même, ils ne le prêteront pas davantage; car ils diront toujours : vous exigez que nous recon-
naissions les lois relatives au culte religieux, et nous ne le voulons pas ; s'il est différent, vous mettez une différence dangereuse entre les prêtres constitutionnels qui ont prêté le premier serment et les prêtres qui prêteront le second. (Applaudissements.)
Messieurs, je voudrais avoir une éloquence assez forte pour vous persuader : je sens la vérité, mais je n ai pas les moyens de l'éxprimer aussi vivement que je la sens.
Avec tout l'art qu'emploie la philosophie à la mode, qui croit parvenir à la supériorité, et qui ne veut pas considérer notre position, songez bien que le peuple français aime la liberté, mais qu'il n'est pas encore philosophe ; qu'au demeurant, les prêtres rebelles sont des ennemis que nous devons combattre avec des armes vigoureuses, et non pas avec des mots. (Murmures.) Oui, Messieurs, les prêtres réfractaires tireront de cet article les armes les plus fortes contre vous. Vous allez les mettre à même d'être nommés à toutes les cures. Ils vont être les ministres des mêmes paroissiens dont ils ont gangrené l'esprit.
Ces hommes-là ne sont pas seulement des fanatiques, ils sont encore les ennemis de la Révolution. Et vous voulez mettre dans leurs mains la conscience et les opinions d'hommes simples, qui suivront avec avidité l'impulsion qu'on leur donnera ? Je demande la question préalable sur l'article 15.
(1). Messieurs, le moindre défaut de l'idée que le comité de législation a eue d'ôter aux ministres assermentés leurs dénominations de « constitutionnels » et de « fonctionnaires publics », c'est d'être un hors-d'œuvre dans une disposition législative où il ne s'agit pas d'eux.
Le peuple s'était accoutumé à qualifier ainsi les pasteurs élus, parce que leur existence est une branche de la Révolution, parce qu'ils sont élus par une loi constitutionnelle de l'Etat, parce qu'ils sont nommés aux places qu'ils occupent par les mêmes corps électoraux qui nomment tous les fonctionnaires publics, et enfin parce qu'il est contradictoire que les ministres d'un culte public qui est suivi par la majorité de la nation, n'exercent pas une fonction publique, et ne puissent être appelés « fonctionnaires publics ».
C'est là, Messieurs, une mesure vraiment épi-sodique qui étonnera, qui mécontentera
peut-être l'immense multitude de ceux des citoyens qui se sont attachés à leurs nouveaux
pasteurs, et qui n'ont mis en eux leur confiance qu'à cause de leurs rapports avec la
Révolution, qu'à cause qu'ils leur ont été présentés au nom de la Constitution, qu'à cause
que, pour la première fois, ils ont trouvé dans les pasteurs de la religion des ennemis du
despotisme et des appuis de la liberté publique, que vont-ils penser de ce rétrécissement
d'existence auquel vous les condamnez? A quoi pourront-ils attribuer cet isolement et cetie
nullité politique où vous les. voulez réduire? Ne voyez-vous pas qu'en neutralisant ainsi les
affections religieuses du peuple, vous neutralisez du même coup toute l'ardeur qui les
attachait à la Constitution, et que ne sachant plus où vous en voulez venir par des mutations
si inattendues et si insignifiantes, ils douteront si vous voulez vous-mêmes sincèrement la
stabilité a'une Constitution dont vous écartez ceux
Ne voyez-vous pas que si vous ne pouvez paralyser 1 activité nuisible et turbulente des prêtres opposés à la Constitution, sans paralyser dans la même proportion l'influence salutaire et civique des prêtres dévoués à la Constitution, vous manquez votre but ou plutôt vous augmentez la force qui vous est contraire, puisque la classe des prêtres que vous vouliez réprimer redeviendra forte de toute la faiblesse que vous ferez contracter à l'autre ?
L'Assemblée constituante avait cru que c'était une grande pensée que d'enchaîner le sacerdoce à la Constitution. Vous, Messieurs, èn adoptant des idées disloquantes et destructives d'une unité qui avait paru si précieuse à la sûreté de la régénération publique, comment ne craignez-vous pas que de cet acte solennel de séparation que vous vous préparez à notifier aux pasteurs de la loi et de la liberté, il ne résulte pour eux une tendance à se remouvoir selon l'esprit de la corporation, et à rechercher dans leur réunion avec leur ancien sacerdoce le supplément ou le dédommagement du caractère politique que vous leur retranchez ?
J'expliquerais bien, Messieurs, si c'en était le temps, et si c'était nécessaire, comment l'invention de cette étrange mesure tient à un profond dessein, dont on espère l'exécution pour des époques un peu plus reculées. Je ne sais si ce vœu, dont je n approfondis ni le motif ni le caractère, aura jamais son accomplissement dans un Empire comme le nôtre, et si le peuple sera jamais mûr pour ce théisme, {Murmures.) auquel on se propose de l'amener par des gradations successives et ménagées, et qu'on regarde, selon les apparences, comme la perfection de la Révolution française. (Murmures.) Mais il y a dans ce calcul plus philosophique que législatif, une erreur centrale dont on a tout à craindre. Cette erreur, c'est de croire à la destructibilité d'un système religieux, qui contient éminemment dans son sein toutes les bases du pacte social et tous les éléments qui consacrent les principes de l'égalité et de la liberté des hommes.
Voilà par où le christianisme a provoqué la fureur des Césars, et excité le déchaînement de la puissance romaine. C'est sous le coup d'œil d'une force qui minait sourdement les trônes des tyrans que les maîtres du monde l'ont envisagé, lorsqu ils en jurèrent la ruine. Cette puissance formidable qui avait abattu tant de couronnes et englouti tant de royaumes, n'a pu détruire une doctrine dont la plus faible portion du genre humain était dépositaire. Forte de sa solidité et surtout de sa tendance essentielle à réintégrer le genre humain dans ses droits, et à enlever le sceptre des oppresseurs de la terre, elle est toujours res-sortie plus invincible et plus triomphante des flots de sang qu'on a fait couler, et des flammes des bûchers qu'on a allumés pour en effacer la trace.
Qu'a fait alors cette puissance ? Elle a recherché l'alliance de l'ennemi qu'elle n'avait pu vaincre; elle l'a fait asseoir sur son trône. Ellea entrepris de le convertir à ses mœurs et à son despotisme ; elle lui a ordonné de sanctionner la tyrannie; elle a donné un grand pouvoir, de grands titres, cie grandes possessions à ce sacerdoce, qui dénatura la démocratie évangélique, et qui encroûta ce grand et universel système d'unité, de liberté et d'égalité dans cette rouille théologique et aristocra-
tique qui l'a rendu méconnaissable jusqu'à nos jours.
Votre sage et douce tolérance, Messieurs, ne sera pas plus forte pour détourner les hommes du christianisme, que ne le fut la sanguinaire et farouche intolérance de la puissance romaine. Mais imitez sa politique profonde' mettez le christianisme du parti de votre Constitution* vous n'aurez pas à le séduire et à lé faire dégénérer de ce qu'il est, pour lui faire allouer et consacrer votre nouveau gouvernement, puisqu'il est de son essence de le soutenir, et que vos lois constitutives semblent avoir été puisées dans les sources les plus saintes et les plus pures de son enseignement. (Applaudissements.)
Ce qui exposera un grand nombre de philosophes de cette Assemblée à l'injustice de proposer des dispositions irréfléchies sur le ministère ecclésiastique, c'est qu'ils confondent la religion de la théologie, qui est l'œuvre de l'aristocratie, avec la religion de l'évangile, qui est encore plus démocratique que la Constitution même des Français (.Applaudissements.), puisqu'elle joint à 1 inestimable avantage d'établir les lois de l'égalité, la vertu de les faire aimer et observer, et qu'il n'y a qu'elle qui sache vaincre les tyrans jusque dans le cœur.
Il ne serait pas difficile, Messieurs, de prouver par de bons monuments que c'est aux idées et aux maximes de ce grand et profondément politique système, appelé « l'Evangile », que le genre humain est redevable du premier réveil de la raison, sur l'horreur de voir tout un univers à la discrétion d'une poignée de licteurs appelés « Rois ». Je me chargerais bien de démontrer très péremptoirement que c'est là une vérité qui peut défier toutes les réclamations de la pius inexorable critique ; et que, par conséquent, cette Constitution, dont vous attendez le bonheur de cet Empire, et celui de toutes les nations, descend, en dernière analyse, de cette riche et étonnante philosophie qui, au milieu de l'esclavage du monde entier, vint avertir les hommes de leur abrutissement et de leur opprobre, et insinuer dans l'âme des dieux de la terre les premiers soupçons de leur unité avec le reste des mortels. (Applaudissements )
Séparez donc, Messieurs, je le veux et le désire autant que vous ; séparez la Constitution de la théologie qui date de Constantin, c'est-à-dire de l'époque ou Rome, vaincue par l'impossibilité d'étouffer les principes lumineux de la démocratie chrétienne, a Tait sa paix avec l'évangile, afin de « l'aristocratiser » et de travestir le sage de Nazareth, cet ami vrai du peuple, en une divinité protectrice des ravisseurs du monde, et ouvrit d'éternels abîmes sous les pas de quiconque songerait à briser les fers de sa servitude. (Applaudissements.)
Mais vouloir séparer de la Constitution le système évangélique lui-même, et tel que nous l'a laissé son inimitable et immortel auteur, ne serait-ce pas là, Messieurs, une rupture contre nature? Ne serait-ce pas détacher le tronc et tous les rameaux de vos lois de leur racine antique et indéfectible? Ne serait-ce pas décider que l'ancienne et légitime mère de la famille ne doit plus être soufferte dans la maison? (Applaudissements.)
C'est en partant de cette parenté si sensible et si intime qui unit, par des nœuds sacrés et indissolubles, la vraie religion de l'évangile à la Constitution; c'est, dis-je, en partant de ces idées primaires et pures, que nous, pasteurs élus
par le peuple, avons réussi à lui inspirer le respect des lois, à l'affermir dans l'amour de la Révolution, à le rassurer contre les insinuations de ceux qui lui disaient que la Constitution détruisait la religion, et qu'il fallait, par conséquent, détruire la Constitution. Nous avons fait servir, pour l'enchaîner à la loi, les mêmès liens qui l'enchaînaient à leur croyance. C'est de là bien plutôt que de la « constitution civile du clergé •», que nous venait la dénomination de pasteurs « constitutionnels ». On nous appelait! ainsi, parce que nous ne parlions jamais ae Dieu et de la religion, sans parler de la Constitution. (Applaudissements.)
Si vous allez nous ôter cette arme qui était plus forte dans nos mains que ne le serait jamais l'artillerie et les baïonnettes nationales dont vous pourvoyez les généreux citoyens qui volent à la défense de vos frontières; si vous nous rendez étrangers à la Constitution, si nous devenons incompétents pour concourir au maintien de la régénération publique, si vous ne voulez plus que nous montrions au peu pie comment vos principes d'unité, de liberté, d'égalité se trouvent posés sur les inébranlables bases de l'éternité et de l'infini, il est évident que vous licenciez tout à coup, et l'on ne sait pourquoi, l'une des grandes forces qui ont soutenu et garanti la Révolution. Mais si vous voulez que nous soutenions ce rôle important et sublime, avec quelle bienséance pouvez-vous donc nous arracher notre titre le plus honorable et le plus cher, celui de « pasteurs constitutionnels »? Si l'influence de notre ministère est aussi directe au maintien des lois et de l'ordre public, que celle de tous les fonctionnaires de FEtat, et si c'est aussi solennellement, aussi publiquement et aussi continûment qu eux, que nous servons nos concitoyens et la patrie, quelle apparence de justice et de raison y a-t-il à nous interdire la qualification de « fonctionnaires publics » ? Certes, si ce changement peut être bon à quelque chose, ce n'est pas au moment où nous sommes. Je ne vois pas qu'il puisse, quant à présent, produire un autre effet que de ménager un très beau et très consolant triomphe à ceux dont on se proposait d'arrêter les mouvements perturbateurs. (Applaudissements.) C'est donc un changement au moins très précoce, et dont la prématurité peut perpétuer le mal dont on cherche le remède.
En conséquence, je demande l'ajournement de l'article 15.
Un membre : J'appuie l'ajournement, et je demande l'impression et la distribution du discours de M. Lamourette.
demandent la parole contre l'impression.
Voix diverses : Aux voix l'impression! —> Aux voix l'article !
D'autres membres : Non! la continuation de la discussion.
Je m'oppose de toutes mes forces à la demande d'impression qui a été faite, et je me fonde d'abord sur une règle invincible, qui est l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale. J'ai entendu prononcer à cette Assemblée le décret qu'on ne pouvait pas parler à cette tribune ni comme ministre ae 1 évangile, ni comme ministre d'un culte quelconque... (Les murmures empêchent l'orateur de continuer.)
Plusieurs membres : Aux voix l'impression !
D'autres membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'impression.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression !
(L Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'impression.)
Je demande l'ajournement de la motion d'impression du discours.
Voix diverses : La question préalable sur l'ajournement ! — L'ordre du jour ! (Bruit prolongé.)
Je mets aux voix la question préalable sur l'ajournement.
Je demande la parole pour combattre la question préalable sur l'ajournement. (Exclamations et bruit.) "
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ajournement et décrète l'impression du discours de, M. Lamourette.)
Plusieurs membres : La discussion fermée sur l'article! (Non! non!)
(L'Assemblée, consultée, décrète que la discussion sur l'article continuera.)
(1}. Messieurs, je rends hommage à la religion et j'aime à entendre un prêtre sage nous la représenter comme la fondatrice ae l'heureuse égalité que consacre notre immortelle Constitution; mais, sans toucher à la religion, on peut mettre ses ministres à la place qu'ils doivent occuper ; et l'intérêt de cette religion sainte, comme celui de l'Etat, demandent qu'on ne confonde jamais ce qui doit être constamment distingué. Laissons aux despotes, qui ont besoin de commander au nom de Dieu ce qu'ils ne peuvent exiger au nom des lois, la ressource dangereuse de la théocratie. Un peuple qui veut être libre respecte tous les cultes et n'en identifie aucun avec sa constitution, il ne recourt point, il n'a pas besoin de recourir à des moyens surnaturels, les bases immuables de son gouvernement sont la justice et la raison.
L'article 15, qu'attaquent les préopinants, se subdivise en trois dispositions :
Par la première, le serment civique est substitué au serment qu'avaient prescrit les décrets des 12, 24 juillet et 27 novembre.
Par la seconde, le titre de loi « concernant les rapports civils et les règles extérieures de l'exercice du culte catholique en France », remplace l'intitulé très impropre de « constitution civile du clergé ».
La troisième, enfin, porte que les évêques, curés et vicaires ne seront plus désignés sous la qualification de fonctionnaires publics, mais sous celle de « ministres du culte catholique, salariés par la nation ».
11 me sera très facile, Messieurs, de vous prouver la nécessité d'admettre la totalité de cet article, sans lequel tout le but que vous devez vous proposer serait manqué. Il est, j'ose le dire, une conséquence immédiate des articles précédents que vous avez adoptés. Rejetez une seule des dispositions que celuirci renferme, et les décrets que vous avez rendus ne soutiennent plus les regards d'un législateur philosophe.
Ce n'est point sans un extrême étonnement que j'ai entendu déclamer dans cette tribune
contre la philosophie, et, pour combattre un projet; de loi, parler le langage des préjugés.
Vous avez fait, Messieurs, un grand acte du pouvoir législatif, lorsque, par l'article 1er, vous avez imposé à tous les nommes qui exercent un empire invisible sur les consciences, à tous les ecclésiastiques français, l'obligation de reconnaître l'Acte constitutionnel, sous la protection duquel ils doivent remplir leurs fonctions religieuses, l'obligation de prêter le serment civique ; mais ce serment qui donne à celui qui l'a prêté, tous les décrets garantis par le pacte social, ne doit pas être réputé insuffisant pour une classe particulière de citoyens. Ce serait l'avilir. Lui seul doit suppléer tous les autres sans pouvoir être suppléé par aucun.
Et qu'on ne dise pas qu'il est dangereux de revenir sur des lois de cétte importance, et de rétrograder. Je réponds que ce qui est dangereux est de laisser subsister des lois qui présentent au peuple un sens indéterminé ou équivoque, je réponds que corriger des erreurs n'est point rétrograder, mais avancer à grands pas dans la carrière législative. (Applaudissements )
Il ne faut pas nous le dissimuler, Messieurs, à l'époque des décrets des 12, 24 juillet et 27 novembre, une foule d'actes du corps constituant se trouvaient au rang des articles constitutionnels, et n'y sont plus aujourd'hui. Le titre seul de la « Constitution civile du clergé » annonce celui qu'elle était originairement destinée à occuper dans le Gode français.
La revision de la Constitution a mis tous ces décrets à leur place. La Constitution est faite ; il n'y a plus de corporation du clergé ; il n'y a plus conséquemment de constitution civile du clergé ; il ne doit donc plus y avoir de serment particulier, qui ne servirait qu'à en rappeler le souvenir. (Applaudissements. )
On semble craindre que l'abolition du serment ecclésiastique ne forme deux classes de prêtres assermentés; et moi, je soutiens au contraire que c'est le seul moyen pour qu'il n'y ait qu'une seule classe de ministres ail culte catholique. Quand tous tiendront à la Constitution ; quand tous auront contracté l'obligation de respecter la loi et de s'y soumettre, quelle différence existera-t-il entre eux ?
Les ministres qui vont prêter le serment civique, reconnaîtront bientôt qu'ils n'ont d'autre reproche à faire aux prêtres qui ont déféré aux décrets du corps constituant, que celui d'avoir été par eux précédés dans la carrière du patriotisme. Tous auront également le titre de citoyen; et ce titre est le seul dans lequel tous les autres doivent se confondre, le seul Ren commun qui doive unir tous les Français. (Applaudissements.)
Il ne peut s'élever aucune difficulté sur la seconde disposition. Lorsqu'il n'y a plus de corporation du clergé; lorsque les décrets réunis sous le titre de « constitution civile du clergé » ne se retrouvent plus dans l'Acte constitutionnel, personne ne peut raisonnablement prétendre que l'on doive continuer de laisser à ces décrets 1 intitulé de « constitution civile du clergé ». Autrement il faudrait soutenir qu'on peut appeler constitution ce qui ne peut être regardé comme constitutionnel.
La troisième disposition est une conséquence de ces mêmes principes. Votre comité de législation vous propose de supprimer la qualification
de « fonctionnaires publics », parce qu'effectivement les évêques, les curés et les vicaires ne peuvent pas plus être considérés comme fonctionnaires publics, en leur qualité de ministres du culte catholique, que la constitution civile du clergé ne peut être envisagée comme faisant partie de l'Acte constitutionnel.
Ecartons, d'abord, le prétexte tiré des actes momentanément confiés aux curés et qui concernent l'état des citoyens : outre que vous êtes déterminés à les.débarrasser de ces fonctions qui n'ont rien de commun avec leur état, elles ne pourraient servir qu'à les faire envisager comme des fonctionnaires civils ; et il s'agit uniquement de savoir si les évêques, les curés et les vicaires, en ces seules qualités, peuvent être considérés comme fonctionnaires publics, c'est-à-dire s'il peut y avoir des fonctionnaires publics ecclésiastiques en France.
On voudrait vainement se prévaloir du mode d'élection établi par nos lois. De ce que le peuple a le droit de choisir les ministres de son culte, et les choisit en effet, il n'en résulte pas que ces ministres soient des fonctionnaires pu-Iblics. Ce n'est point la manière dont ils doivent être élus, mais la nature même de leurs fonctions, qu'il faut consulter pour savoir si cette qualification leur appartient. Or, pour démontrer qu'elle ne peut convenir aux ministres du culte catholique en France, il suffit de définir ce qu'on doit entendre par fonctionnaire public.
Qu'est-ce qu'un fonctionnaire public? Celui dont les fonctions intéressent tous les membres de la cité ; celui dont le titre imprime un caractère qu'il n'est permis à aucun citoyen de méconnaître. C'est ainsi qu'un juge est fonctionnaire public, parce qu'il est le juge de tous ; qu'un administrateur est fonctionnaire public, parce qu'il administre au nom de tous ; que l'officier municipal est fonctionnaire public, parce qu'il est le magistrat du peuple et que tous les membres de la commune sont soumis à son autorité (Applaudissements.) ; au lieu que le ministre du culte catholique n'est que le ministre de son culte. La puissance publique protège ce culte comme tous les autres, mais ce n'est point de cette puissance que le prêtre tient le droit d'exercer le pouvoir purement spirituel que lui donne son saint ministère; il le tient de la volonté de ceux qui, en adoptant le culte catholique, se confient a la direction du prêtre choisi pour être leur pasteur. 0r? on ne peut sans heurter tous les principes, qualifier de fonctionnaire public celui qui n'a qu'un pouvoir purement spirituel dont l exercice précaire est subordonné à la volonté des citoyens toujours libres du choix de leur culte.
Le caractère distinct du fonctionnaire public est l'indépendance de la volonté individuelle : il réside dans l'obligation des particuliers, forcés de le reconnaître en vertu de la loi. Quiconque n'a de puissance que sur ceux qui s'y soumettent volontairement, et qui pourraient s'y soustraire, n'est que le fontionnaire de ceux qui l'emploient, n'est qu'un fonctionnaire privé. (Applaudissements.) Or, tels sont constamment les ministres du culte catholique : on ne doit, on ne peut donc pas les qualifier de fonctionnaires publics. Le titre de ministres « du culte catholique, salariés par l'Etat » est donc le seul qui leur convienne.
Il faut bien peu connaître la dignité de leurs fonctions pour imaginer que d'une qualification purement civile dépende la considération dont jouissent les ministres du culte catholique. Sous
quelque nom qu'on les désigne, la nation n'oubliera jamais ce qu'elle doit aux prêtres citoyens; mais on peut être reconnaissant sans trahir la vérité, sans violer les principes.
Je conclus à ce que l'article 15 soit entièrement adopté. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix l'impression du discours !
Un membre : L'Assemblée nationale, en décrétant l'impression du discours de M. Lamourette, a préjuge qu'on ne devait point prononcer au-jourd hui sur le principe en son entier. Je demande que l'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Gohier et l'ajournement de l'article à demain.
(L'Assemblée, consultée, ordonne l'impression et la distribution du discours de M. Gohier.)
Plusieurs membres : L'ajournement de l'article à mercredi !
Voix diverses : Fermez la discussion ! — La question préalable sur l'ajournement !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ajourner 1 article à mercredi.)
Voix diverses : Aux voix l'article! — La question préalable sur l'article 1 — Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'article.)
Plusieurs membres : Aux Voix l'article !
Un membre : Je demande la division des différents paragraphes de l'article.
Plusieurs membres : La question préalable sur la division !
La division est de droit ; on ne peut délibérer à la fois sur trois paragraphes. (Murmures.)
Un membre : Cet article renferme trois dispositions. Je demande que l'Assemblée en adopte deux et rejette la troisième. Je suis d'accord que les mots : « Constitution civile du clergé » sont à retrancher, puisque cette classe a été retranchée de la Constitution ; mais j'observe que vous ne pouvez pas retrancher les mots « fonctionnaires publics » à moins que vous ne révoquiez les lois en vertu desquelles les personnes désignées sous le nom ae fonctionnaires publics ont -été élues et pourvues de leurs places. Je demande donc la suppression du dernier paragraphe.
Le premier paragraphe de l'article est absolument inutile puisque la disposition qu'il renferme est décrété dans le premier article. (Bruit.) P urquoi voulez-vous annuler le serment du 27 novembre? C'est pour faire croire au peuple qu'il existe une différence. Voilà ce qu'il ne faut pas...
Plusieurs membres : La discussion est fermée !
Vous allez mettre le feu dans le royaume. (Murmuresr) La Constitution est perdue ; tout est annulé. Je demande la radiation du premier objet de cet article. (Bruit.)
Je demande la question préalable sur le tout. C'est un piège abominable qu'on vous tend. (Il s'élève un grand tumulte; l'Assemblée reste plusieurs minutes dans une vive agitation.)
Je vous demande la cause des troubles terribles qui dévastent l'Empire, et dont le tableau effrayant est tous les jours sous vos yeux. C'est aux prêtres non assermentés qu'il faut évidemment les attribuer. — Ils sont donc
vos plus cruels ennemis; leur amitié ne se.re-gagne pas à force de bienfaits, la rancune de prêtre est éternelle. (Vifs applaudissements dans les tribunes.) Ils seront donc toujours vos ennemis; décrétez aujourd'hui que le serment que vous exigez d'eux est différent que celui prêté par les prêtres assermentés; décrétez qu'ils pourront, avec le serment purement civique, rentrer dans leurs fonctions, vous perdez les prêtres assermentés sans espoir de regagner les autres.
Je vous le prédis, leurs relations avec les citoyens ont tant de connexité, que formant un parti terrible contre vous, ils engloutiront la Constitution dans le gouffre que creusent sous vos pas les mécontents. J'invoque l'ajournement de l'article. (Bruit.)
Un membre : Je demande l'ajournement indéfini.
Plusieurs membres : Il a été rejeté.
Un membre : On a rejeté l'ajournement à mercredi, mais pas l'ajournement indéfini.
Je demande la priorité pour l'ajournement indéfini, et voilà mes motifs :
On ne peut pas réclamer la priorité pour la question préalable parce que ce serait, en quelque sorte, préjuger la question d'une manière définitive, et que l'Assemblée ne me paraît pas vouloir prendre un parti en ce moment. (Non! non! Oui! oui!) Nous nous occupons dans ce moment d'une loi répressive contre les délits que fait commettre le fanatisme ; il faut donc que les mesures que nous allons prendre ne donnent pas occasion au fanatisme de commettre de nouveaux délits. (Applaudissements.)
Il n'est pas question en ce moment dé discuter sur les principes qui viennent de vous être suffisamment développés, et je ne crois pas qu'il S'élève dans la raison de chacun de nous le moindre nuage à cet égard. Mais il s'élève une grande question de fait, c'est de savoir, si en consacrant aujourd'hui les mêmes principes, vous ne donnez pas lieu, comme je viens de le dire, au fanatisme de secouer ses torches. (Applaudissements.)
Je vous observe encore, Messieurs, que la rédaction de cet article tient à la réformation d'une grande partie des lois recueillies sous le nom de constitution civile du clergé. Peut-être est-il vrai de dire que les ministres du culte salarié sont encore fonctionnaires publics, puis-qu'en effet ils exercent quelques fonctions publiques. Vous ne pouvez pas maintenant adopter cet article, sans ordonner cette réformation, et si j'avais obtenu pour cela la parole, j'aurais indiqué les réformes à faire. Mais que faut-il faire aujourd'hui? Comme il y a une liaison essentielle entre l'article qu'on vous propose et la réformation des lois sur le clergé; comme la réforme des lois du clergé n'est pas une mesure répressive et qu'elle n'est pas nécessaire en ce moment, qu'elle pourrait être dangereuse, la seule mesure que vous puissiez adopter est l'ajournement ae cette discussion jusqu'au moment où l'on revisera les lois de la constitution civile du clergé. (Applaudissements.)
Voici l'état de la discussion. M. Cambon demande la radiation du premier objet de cet article ; un autre membre la suppression du dernier paragraphe. M. Dubois-de-Belle-garde la question préalable sur le tout et M. Merlin l'ajournement indéfini. Je mets d'abord aux voix la priorité sur l'ajournement demandé par M. Yergniaud.
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion d'ajournement, puis décrète l'ajournement.)
M. le ministre de l'intérieur a demandé la parole ; je la lui accorde.
, ministre de l'intérieur. L'Assemblée a décrété que je rendrais compte des motifs qui ont suspendu Vexécution du décret du 21 février dernier qui conserve aux Acadiens les secours qui leur étaient ci-devant accordés.
Je vais expliquer ces raisons.
Les Acadiens passés en France à la paix de 1763, par le résultat d'une négociation tenue à cette epoque avec l'Angleterre par M. de Niver-nois, alors ambassadeur de France à Londres, furent d'abord placés dans le département de la marine : En 1772, ils passèrent au département des finances. Il ne resta à celui de la marine que les officiers militaires et civils, avec les seuls habitants de Louisbourg, à qui un fonds annuel de 50,000 livres fut assigné, pour être distribué, soit à vie, soit jusqu'à 1 âge de 20 ans, en pensions et subsistances, de manière que ce
3ui s'éteignait chaque année, s'appliquât à 'autres individus qui obtenaient des augmentations à leurs traitements ou pensions.
Ce traitement de 50,000 livres se faisait à Rochefort, et l'intendant de la marine adressait chaque année des états pour faire connaître les sommes dont il pouvait disposer en faveur des individus qu'il indiquait. Le décret du 21 février a statué sur le sort de tous les Acadiens, tant de ceux qui étaient passés au département de la finance, que de ceux qui étaient restés au département de la marine : ceux-ci doivent être payés par le Trésor public, et les 50,000 livres assignées pour leur dépense au département de la marine, devaient cesser à compter du 1er janvier dernier.
Aux termes de l'article 2, les Acadiens doivent jouir, comme ils jouissaient dans les proportions tracés jusqu'ici, savoir : 6 sous de secours aux pères et mères de famille ou veuves, et 4 sous aux enfants et orphelins, jusqu'à l'âge de 20 ans. Ces secours doivent commencer à courir du premier janvier 1790, et doivent s'éteindre par la mort des individus, sans pouvoir être recréés et portés en augmentation en faveur de qui que ce soit. Les Acadiens, qui prétendent avoir droit à cette solde, doivent se présenter à la municipalité du lieu de leur résidence, qui doit en dresser l'état. . Cet état doit être envoyé au directoire de district, qui le vérifiera et l'enverra ensuite au directoire du département, avec les observations qu'il jugera convenables.
D'après l'article 2 du décret qui ne regarde que la partie des Acadiens, par le département de la marine, ceux-ci se présentèrent au département de la marine pour toucher plus vite le quartier échu; mais on pensa alors que puisque le plus grand nombre des secours accordés à ces Acadiens ne passait pas 200, que quelques-uns étaient de 110 livres, plusieurs de 78 et de 64, qu'en général les individus qui en jouissaient n'avaient point d'autre fortune, qu'ils habitaient pour la plupart les environs de Rochefort; on a pensé que le décret ne les obligeant pas à recevoir leurs pensions à Paris, il serait plus avantageux pour eux que le trésorier de la marine, à Rochefort, fût chargé de continuer les payements pour le compte du Trésor public, attendu la connaissance parfaite qu'il en avait. En conséquence, par décision du directeur général du Trésor public, le 16 août dernier, le trésorier de la ma-
rine, à Rochefort, a été autorisé à continuer de faire ces payements comme il les avait toujours faits, sauf àlui faire passer tous les trois mois les acquits des pensionnaires au premier commis du Trésor public, et à expédier un mandat pour le remplacement de ces avances.
Cet ordre a toujours été suivi depuis, et je n'ai pas connaissance que le payement ait été refusé à aucun des Acadiens de cette classe qui se sont présentés pour toucher-ce qi^on leur devait.
Quant aux Acadiens de la seconde classe qui touchent les sommes portées dans l'article 2 du décret, l'article 4 ne prescrit pas les formalités nécessaires pour leur payement. Les administrateurs du département de l'Ille-et-Vilaine ont fait passer, dans le mois dernier, à l'Assemblée nationale, la liste des Acadiens résidant dans leur département. Ils m'en ont envoyé le double, en demandant un secours provisoire qui les mette à portée d'attendre le décret définitif, que doit rendre à cet égard l'Assemblée nationale ; mais malgré mon désir de seconder le zèle de ce département et de venir au secours des malheureux Acadiens, je n'ai pas cru pouvoir ordonner ce payement sans y être autorisé par le Corps législatif. C'est la conduite que j'ai toujours tenue vis-à-vis des autres départements dans lesquels il y a des Acadiens, et je n'ai fait à cet égard que ce que voulaient les dispositions du décret, puisque l'article 4 porte que les directoires de département doivent faire passer à l'Assemblée nationale les états des Acadiens résidant sur leur territoire, avec les observations qu'ils jugeront convenables. J'aurais cru, d'après cela, écarter l'esprit du décret, si jusqu'ici j'eusse fait autre chose que de faire passer ces états à l'Assemblée. J'attendrai donc qu'elle veuille bien me faire connaître ses intentions. J'ajoute qu'indépendamment des raisons que je viens de fournir à l'Assemblée nationale, j'ai rassemblé dans un mémoire beaucoup de détails qui concernent les Acadiens. La lecture de ce mémoire emploierait dans ce moment-ci un temps précieux, mais je l'ajouterai au petit rapport que je viens de vous faire, afin que l'Assemblée nationale en fasse l'usage qu'elle jugera convenable.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des secours publics!
(L'Assemblée renvoie l'affaire au comité des secours publics.)
, ministre de Vintérieur. Je demande encore un moment d'attention de l'Assemblée nationale pour un objet qui en est digne. Il s'agit du sort de 4 ou 500 ouvriers qui sont occupés dans la manufacture de Bourges.
Je vais faire connaître à l'Assemblée les détails de cette affaire.
Un arrêt du conseil du 1er mars 1757 portait établissement, dans la ville de Rourges, d'une manufacture d'étoffe en laine, en soie et coton, qui fut postérieurement convertie en une manufacture d indiennes ou toiles peintes. Depuis 1757 jusqu'en 1775, cette manufacture a reçu en encouragements, payés tant par l'administration de la province du Rerry que par la caisse du commerce, une somme de 228,655 livres, ce qui fait, pour un espace de 18 années, 12,703 livres, année commune. Il fut promis aux entrepreneurs qui se soumirent à renouveler leur traité pour 15 ans, une gratification annuelle de 15,000 livres, dont 2,000 furent payables par la ci-devant province de Rerry, et 13,000 par la caisse du commerce. Le traité renouvelé par les entrepre-
neurs, en vertu dudit arrêt, n'a commencé que le 1er mars 1792, par l'effet d'arrangement entre ces entrepreneurs. M. Lesage, l'un d'eux, est devenu seul propriétaire de la manufacture ; se trouvant près du terme de l'expiration de l'arrêt du 30 mars 1775, il demande soit la prorogation, pour 10 années, des encouragements accordés à sa manufacture, soit une décision négative, afin d'être à même de prendre ses mesures selon la prolongation ou le refus des encouragements.
M. Lesage fait entièrement abstraction de son intérêt personnel ; mais il sera forcé de mettre bas sa manufacture s'il n'obtient pas la continuation des encouragements tels qu'ils ont eu lieu jusqu'à présent, c'est-à-dire à raison de 2,000 livres seulement sur le département du Cher, et de 13,000 livres sur la caisse de l'extraordinaire ou de la trésorerie nationale, car si ces 13,000 livres étaient rejetées sur le département, M. Lesage annonce qu'il ne voudra pas en profiter, attendu la pauvreté du pays auquel il lui répugnerait d'occasionner une augmentation d'impôt.
M. Lesage fonde sa demande en prorogation sur l'utilité dont sa manufacture est pour le département du Cher, par le nombre des ouvriers et des bras qu'il emploie. Cette demande est appuyée de l'avis de chacun des directoires de département du Cher et de l'Indre-et-Loire, de celui du directoire de district de Bourges, et de celui du conseil général de la commune de la même ville. Ces quatre avis attestent l'avantage que procurera au publie le maintien de la manufacture de M. Lesage et la nécessité de lui Continuer l'encouragement dont elle jouissait. Enfin l'objet ayant été soumis à la discussion et à la décision du comité de commerce et d'agriculture, et de celui des finances de l'Assemblée nationale constituante, ce dernier a donné son avis, le 29 septembre dernier, dont voici la teneur :
« M. Condorcet a fait le rapport d'une demande formée par l'entreDreneur d'une manufacture de Bourges ; sur le renvoi qui en a été fait par le comité d'agriculture et de commerce, le comité des finances a pensé que cette manufacture ne pourrait être detruite sans de grands inconvénients et que le ministre de l'intérieur doit prendre autant qu'il est en son pouvoir, pour la soutenir, tous les moyens, en ménageant, autant qu'il serait en lui, les intérêts de la nation. »
M. Lesage vient d'adresser une soumission par laquelle il promet et s'oblige, aux conditions incluses dans sa soumission, d'entretenir 150 métiers, battant en ouvrages de coton, fil et soie, et des filatures pour les alimenter, et seulement 75 métiers dans le cas où il ne serait accordé qu'une prorogation d'un an. Les conditions de la soumission sont: 1° l'exemption de toutes charges pour l'entrepreneur, ses commis et contremaîtres; 2° la continuation des 3,000 livres, pour l'entretien des bâtiments, à charge d'entretenir les bâtiments de la manufacture ; 3° la continuation de 13,000 livres de gratification sur le Trésor public, et la continuation des 2.000 livres employées sur le département du Cher.
Voici maintenant les observations que je crois devoir faire. Il s'agit d'une forte manufacture, dont la conservation paraît très importante pour le département du Cher, à raison du nombre considérable de bras qu'elle occupe, et de l'argent qu'elle jette dans un pays pauvre. L'utilité
de cette consommation est constatée par les avis des corps administratifs des deux départements du Cher et de l'Indre-et-Loire, et par l'avis du comité des finances de l'Assemblée nationale constituante. On ajoutera que, depuis 1757, le gouvernement a dépensé plus de 150,000 livres pour le maintien de cette manufacture, et qu'il y a lieu de continuer, avant qu'il ait été définitivement statué sur les principes et les règles qui doivent régir les encouragements à donner au commerce et aux manufactures. Il est néanmoins très instant de prononcer sur la demande de M. Lesage, à qui il ne reste plus que 4 mois de jouissance des avantages accordés à sa manufacture par l'arrêt du 30 mars 1775.
1° Les matières manquent, et il ne peut s'en procurer que quand il sera assuré d'une prorogation ;
2° 11 ne doit pas attendre au dernier moment pour renvoyer ses ouvriers; il est bon de les prévenir un mois à l'avance, pour leur donner les moyens, s'il est possible, de trouver de l'ouvrage ailleurs ;
3° Enfin, s'il n'obtient pas de prorogation, il n'a pas un instant à perdre pour disposer des marchandises et effets qui sont dans la manufacture, afin de rendre les lieux vides pour le 1er mars 1792.
Dans cet état des choses, quel est le parti que la prudence semble conseiller? D'un côté on pense, comme le comité de l'Assemblée constituante, que la manufacturé de M. Lesage, surtout dans le moment actuel, ne pourrait être supprimée Bans de grands dangers; de l'autre, je ne pense pas qu'il convienne d'insister sur une prorogation de 6 où 9 années. Mais on estime qu'il y a lieu d'en accorder une pour un an seulement, et de faire rendre un décret qui ordonne provisoirement, et sans tirer à conséquence, que M. Lesage, entrepreneur de la manufacture de Bourges, continuera de jouir, pour une année seulement à compter du 1er mars 1792, jusqu'au 1er mars 1793:
1° Des bâtiments et terrains situés à Bourges, et qui ont servi jusqu'à présent à l'exploitation de la manufacture ;
2° de la gratification annuelle de 15,000 livres, accordée a ladite manufacture, par arrêt du 30 mars 1775, dont 2,000 livres seront imposées sur le département du Cher, et les 13 autres 1,000 livres seront acquittées par la Trésorerie nationale, à la charge; par M. Lesage, conformément audit arrêt du 30 mars 1775 , d'entretenir les bâtiments de grosses et menues réparations, et de les rendre en bon et suffisant état à la fin de sa jouissance, comme aussi d'entretenir, ainsi qu il s'y est obligé par sa soumission du 15 octobre présent mois et de fournir les objets indiqués en ouvrages de coton, fil, soie et filature en quantité suffisante pour les alimenter.
Plusieurs membres : Le renvoi aux comités réunis de commerce et des dépenses publiques.
(L'Assemblée renvoie l'affaire aux comités réunis de commerce et de dépenses publiques.)
,ministre de l'intérieur. J'ai l'honneur d'observer que l'affaire est pressée, et je la prie de ne pas refuser d'entendre le rapport des comités lorsqu'il sera prêt.
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du mercredi 21 novembre 1791.
OBSERVATIONS (1) de M. Joseph Cornndct, député du département de la Creuse, sur l'article 15 du projet de décret présenté par le comité de législation, relatif aux troubles dits religieux (2).
Messieurs,
L'on vous propose de faire un pas rétrograde sur l'organisation d'un pouvoir terrible; mais cette proposition a-t-elle été bien fondée ?
Veuillez, Messieurs, réfléchir que l'une des ratiques essentielles du culte catholique, que a presque totalité de la nation suit, est la confession, dont l'exercice ne peut être assujetti à aucune comptabilité; que lun des principaux points de la doctrine de cette religion, est l'unité de croyance avec un pontife étranger devenu un prince de la terre, qui souvent a insurgé contre les autres gouvernements; que selon l'enseignement des ministres de cette religion n'y ayant pas de salut hors de son sein il est facile de porter ses sectateurs à l'intolérance.
L'Assemblée nationale constituante a donc dû, en réglant la forme du gouvernement, organiser l'existence du clergé de cette religion, sublime sans doute, mais infiniment dangereuse si ses ministres étaient de mauvais citoyens.
Veuillez, Messieurs, réfléchir que la Constitution, en plaçant parmi les dépenses nationales les frais du culte catholique, a évidemment lié ce culte à l'Etat, y a perpétué la foi de Jésus-Christ, a fait une loi au gouvernement d'établir en chaque commune un ministre de cette foi, n'y aurait-il qu'un seul citoyen qui la professât.
Et jugez ensuite si vous pouvez, avec sagesse, vous relâcher de la rigueur de cette organisation!
On vous propose de décréter : 1° que la formule du serment civique, portée en l'article 5 du titre II de l'Acte constitutionnel, sera substituée au serment qui avait été prescrit par les lois des 12, 14 juillet et 24 décembre 1790.
Mais d'abord, vous ne voulez pas, apparemment, que vos pasteurs inférieurs ou supérieurs reconnaissent dans le pape une puissance exté-
rieure sur eux. Le serment civique porté en l'Acte constitutionnel n'est donc pas suffisant dans la bouche du ministre du culte catholique : if est donc nécessaire qu'il en prête un précis, qui se réfère à votre organisation du département civil de la religion dans cet Empire.
Ensuite, voyez quel dommage cette substitution apportera à ces prêtres, courageux citoyens, à qui vous devez de la reconnaissance, qui ont remplacé les évêques, curés et vicaires rebelles à la loi! Pourront-ils, en effet, se maintenir dans leurs places, si les remplacés, qui ont pour eux l'ascendant de l'habitude, les vœux secrets, prêtent le serment substitué?La qualification odieuse d'intrus n'acquerra-t-elle pas alors une apparence de vérité, je dis plus, de sanction, par la substitution du serment que vous aurez faite, laquelle
justifiera le refus du remplacé, de prêter celui prescrit par les lois des 12, 24 juillet et 27 décembre 1790?
On vous propose de décréter : 2° que le titre de « constitution civile du clergé » sera supprimé et remplacé par celui de « Lois concernant les rapports civils et les règles extérieures de l'exercice du culte catholique en France ».
N'étant pas convenable d'employer la même expression pour rendre deux idées qui ne sont pas les mêmes, j'approuve volontiers que l'expression de « constitution ». dont on s'est servi dans l'intitulé des lois des 12 et 24 juillet 1790 soit réformée; et je me propose d'y substituer l'expression d'« organisation ».
Mais je dis que le titre de ces lois ne peut pas être remplacé par celui de « Lois concernant les rapports civils et les règles extérieures de l'exercice du culte catholique en France ».
En effet, ce nouveau titre ne donnerait-il pas une fausse idée de ces fameuses lois, l'ouvrage peut-être le plus complet, le mieux combiné ae l'Assemblée nationale constituante? ne convien-drait-il pas de l'incompétence si reprochée sur leurs dispositions? Or, certes, vous ne révoquez pas en doute que les suppressions, les rappels aux usages primitifs, les extensions et restrictions, les divisions de territoire juridictionnel prononcées par ces lois, n'aient été ordonnées par une légitime autorité. : v
L'on vous propose, enfin, de décréter que les évêques, curés et vicaires ne seront plus désignés sous la qualification de « fonctionnaires publics ecclésiastiques », mais sous celle de « Ministres du culte catholique, salariés par la nation ».
Je pourrais dire ici, Messieurs, que l'État ayant intérêt à ce que chaque citoyen professe l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme, l'existence d'une autre vie, les ministres chargés de maintenir ces dogmes, et d'en imprimer les conséquences pour le bien de la société, exercent une véritable magistrature, et ne paraissent devoir être rangés, aussi justement que les jugeurs* parmi les fonctionnaires publics.
Mais je demande, si vous supprimez cette qualification de « Fonctionnaires publics ecclésiastiques » dans les évêques curés et vicaires, à quel titre désormais les corps administratifs veule-ront-ils à ce qu'ils observent la résidence? à ce que chaque département, chaque paroisse soient pourvus de pasteurs supérieurs et inférieurs? à quel titre les assemblées électorales les éliront-elles? à quels titres les tribunaux connaîtront-ils des refus dè la confirmation canonique?
Je conclus donc à ce que l'expression « constitution » qui se trouve dans le titre des lois des 12 et 24 juillet 1790, soit supprimée, et remplacée par celle-ci, « organisation », et à la question préalable sur le surplus de l'article.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Tomé, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 21 novembre.
Plusieurs membres font quelques légères observations sur la rédaction du procès-verbal.
Voici le projet de lettre que vous avez chargé votre Président d'écrire à rassemblée coloniale de Saint-Domingue :
« L'Assemblée nationale, Messieurs, instruite des malheurs arrivés dans la colonie de Saint-Domingue, a gémi sur la suite de la révolte des nègres, et a voté une somme de 10 millions pour les frais de l'armement destiné à vous porter des secours. La lecture de votre lettre a renouvelé sa douleur; elle a décrété que son président serait chargé de vous exposer l'intérêt qu'elle prend aux malheurs de la colonie. Elle a été sensiblement émue de la manière noble et touchante dont vous exprimez votre attachement à la France. Vos derniers regards, dites-vous, sont constamment tournés vers elle; croyez, Messieurs, que ceux de l'Assemblée nationale sont constamment fixés sur vous, et qu'elle n'épargnera pas ce qui pourra réparer vos pertes et adoucir vos malheurs.
« Les villes de commerce se sont disputé la gloire et l'honneur de fournir à la patrie les moyens de vous secourir; de toutes parts des offres généreuses ont été faites à l'Assemblée. Elle a montré, par la manière dont elle les a accueillies, combien elle s'estimait heureuse de voir la générosité des négociants français s'empresser de secourir leurs frères de Saint-Domingue. Le roi, à qui elle a renvoyé ces offres, n'aura que l'embarras du choix; et sans doute, Messieurs, l'intérêt qu'a pris toute la France à vos malheurs, peut prouver combien elle est digne de l'attachement de ses colonies. L'Assemblée nationale espère apprendre bientôt que la révolte a cessé; elle esjpère que les forces déjà parties pour la colonie et celles qui vont les suivre, hâteront cet heureux moment. C'est le plus ardent de ses vœux ; et le jour où elle apprendra cette agréable nouvelle, sera pour elle celui de la plus vive satisfaction ; elle me charge de vous assurer, Messieurs, de sa constante bien-x veillance. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée approuve la rédaction de cette lettre.)
, député du département des Basses-Alpes, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, relative à des réclamations faites par le sieur Guillaume-Auguste Baudouin, entrepreneur des transports militaires; cette lettre est ainsi conçue:
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée constituante a décrété, le 24 septembre dernier, que les marchés passés par le département de la guerre, le 2 mai 1789, au sieur Guillaume-Auguste Baudouin, pour l'entreprise des transports militaires, seraient résiliés a dater du mois de janvier prochain. J'ai notifié, en conséquence, cette résiliation à l'entrepreneur; mais sa réponse a été une demande en indemnité pour le temps qu'il lui reste à jouir de son marché. Je crois devoir représenter à l'Assemblée nationale, que le marché a été passé par le conseil de la guerre, pour 3, 6 ou 9 années, et que la première époque échoit au 1er juillet prochain. Je pense qu il serait bien moins onéreux au Trésor public, de suspendre la résiliation jusqu'au 1er juillet 1792, que d'accorder une indemnité pour les 6 mois de non-jouissance. D'ailleurs, si l'Assemblée nationale
désire avoir des renseignements plus étendus à cet égard, je m'empresserai de les lui donner. J'attendrai sa détermination avant de prendre un parti définitif sur ce service.
« Signé : duportail. »
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
2° Lettre de M. Delessart, ministre de Vinté-rieur, qui adresse à l'Assemblée toutes les pièces relatives à la translation du directoire du département de l'Hérault dans la ville de Montpellier.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser, avec mon avis, toutes les pièces relatives à la demande formée par le département de l'Hérault, pour obtenir l'autorisation de l'établissement qu'il a fait de son administration dans la maison commune de- la ville de Montpellier, et l'état des dépenses qu'il a nécessitées.
Signé : Delessart. »
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des domaines.)
3e Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui remet un mémoire sur une question relative au droit d'enregistrement des quittances qui sont données par des particuliers à d'autres particuliers.
« Monsieur le Président,
« Je crois devoir soumettre à l'Assemblée nationale une* question relative aux droits d'enre-. gistrement. Le mémoire que j'ai l'honneur de vous adresser sur cette question contient tous les détails nécessaires pour que l'Assemblée nationale soit à portée de statuer. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien le mettre sous ses yeux.
« Signé : Tarré. »
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des contributions publiques.)
4° Adresse des citoyens composant la garde nationale de Saint-Claude, qui offrent à la nation une compagnie complète, prête à partir pour les frontières.
« Législateurs,
« S'il est permis aux tyrans et à leurs esclaves de se coaliser contre la plus belle et la plus heureuse des révolutions, il doit être permis aux bons citoyens de se coaliser contre eux, et ils doivent y être autorisés. Les citoyèns de la garde nationale de « Saint-Claude », d'accord avec tous les bons citoyens de Saint-Claude, ont juré de vivre et mourir libres ; et persistent de plus en plus dans cette résolution, ils offrent à la nation une compagnie complète, armée et équipée à leurs frais (.Applaudissements.), prête à partir dans le plus court délai, et réclamant près du Corps législatif, l'honneur inappréciable de joindre les bataillons du département de la Charente qui sont déjà sur la frontière ; leur civisme, leur dévouement à la chose publique, manifestés dans les temps des plus grands troubles, leur permettent d'espérer que le Corps législatif, adhérant à leur demande, autorisera le courage pur et ardent de ces soldats-citoyens. » (Vifs applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
L'adresse renferme entre autres signatures
celle d'un chevalier de Saint-Louis et celles de deux prêtres. (Applaudissements.)
Je demande qu'il soit fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal, parce que c'est un exemple pour tous les bons citoyens. - m, - . ,
(L1 Assemblée adopte la motion de M. Gossuin.)
Un membre : Je demande quf l'Assemblée charge son Président d'écrire à la garde nationale du canton de Saint-Claude pour lui exprimer combien elle est satisfaite de son offre géné-reuse.
(L'Assemblée adopte cette motion, puis renvoie l'adresse au comité militaire.)
, secrétaire, Voici une pétition du sieur Jean-Baptiste Souton, directeur de la monnaie de Pau, qui se plaint à l'Assemblée d'un acte arbitraire; cette pétition est ainsi conçue :
« Messieurs, je dépose sur le bureau une lettre du ministre des contributions publiques en date du 12 de ce mois, qui m'ordonne, de par le roi, de me rendre à Pau, le 25 de ce mois, et me menace de nommer à ma place si je ne suis pas rendu à Pau à cette date, et si avant le 6 décembre il n'a pas reçu de moi une lettre datée de Pau, qui lui annonce mon arrivée dans cette ville. Je vais prouver : 1° que cet ordre est inexécutable; 2° que le ministre n'ignore pas que ma présence n'est nullement nécessaire àPau ; 3° que le prétexte dont le ministre colore cet acte de despotisme est la mauvaise foi la plus caractérisée ; 4° que cet ordre doit être révoqué ; 5° que ma présence à Paris est d'une très grande utilité pour la nation, et que le ministre a un grand intérêt à ce que je parte.
« Il y a impossibilité d'exécuter l'ordre du ministre parce qu'il m'a été remis le 13 de ce mois. Je ne m'y étais pas attendu et ie ne devais pas m'y attendre. Il n y a donc que l'autorité la plus vexatoire qui puisse me forcer à quitter Paris sans avoir réglé au moins provisoirement les affaires importantes qui m y retienn|pt. Quoi qu'il en soit, l'ordre existe, et l'obéissance m'a paru le premier devoir. Je m'y disposais lorsque j'ai été arrêté par la réflexion qu'il y avait impossibilité d'exécuter l'ordre du ministre. En effet, il était impossible d'amener une voiture pour aller en poste, parce que cette manière de voyager...
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
, secrétaire. C'est un citoyen qui se plaint d'un ordre vexatoire; je ne sais pas?....
Plusieurs membres : Continuez !
, secrétaire (continuant la lecture) :
« Les plaintes du ministre contre moi prouvent sa mauvaise foi : il dit qu'il a reçu des plaintes des départements des Hautes-Pyrénées, du Gers, de l'Ariège, sur l'inaction persevérante de la monnaie de Pau. D'abord les plaintes des départements du Gers et de l'Ariège seraient un peu prématurées, puisqu'ils n'ont pu m'envoyer des cloches. En ce qui concerne les Hautes-Pyrénées, j'offre de prouver que c'est mon père et moi qui avons engagé non seulement le directoire du département des Hautes-Pyrénées, mais encore celui des Basses-Pyrénées, à se plaindre de cette inaction, afin de forcer le ministre à fournir le cuivre et tout ce qui est nécessaire à la fabrication, et dont il laisse manquer la monnaie de Pau. Mais je vais prouver que la persévérante inaction de la monnaie de Pau est un délit grave du ministre des contributions ; il me
force de déchirer le voile qui cache son incapacité, ou les vues les plus criminelles. Je réclame toute votre attention.
« Les procès-verbaux des séances de l'Assemblée nationale relatent une lettre du ministre qui, le mardi 19 juillet, disait à l'Assemblée, qu'une très grande quantité de cuivre, provenant du doublage des vaisseaux, allait être transférée dans les hôtels des monnaies, en a-t-il envoyé à Pau? Pas une once. Toutefois, si l'Assemblée daigne lui ordonner de mettre sous ses yeux la lettre du 24 juillet dernier, la lettre du département des Basses-Pyrénées du 5 août, la lettre des amis de la Constitution du 8 août, l'extrait des registres des procès-verbaux des Hautes-Pyrénées du 25 août, elle y verra les preuves successives que persévéramment j'ai sollicité le ministre de faire porter à Pau une très grande quantité de ce vieux cuivre qu'il destinait aux monnaies. Si le ministre osait dire qu'il m'en a envoyé, je le démentirais formellement. On ne pouvait pas se livrer à la fabrication de la monnaie à Pau, avant d'avoir reçu les décrets d'une manière légale, avant d'avoir les instruments et modèles auxquels on exigeait que l'on se conformât. Or, le décret du 3 août sanctionné le 6, qui devait être envoyé sans délai, n'a été remis à la monnaie de Pau qu'un mois après, le 4 septembre. C'est la faute du ministre ; s'il osait le nier, je ferais venir la lettre de Pau, du 7 août, qui le démentirait.
Le ministre, par une lettre du 12 août, demandait si je voulais me charger de fondre et allier le métal des cloches conformément aux vœux de l'Assemblée, et de le convertir ensuite en flaons par le moyen du moulage. La lettre du même ministre du 27 août annonçait à mon père l'envoi très prochain de deux instructions relatives à ce moulage, et le départ de la matière de cloche et des modèles.
Or, quand mon père a-t-il reçu les modèles auxquels il devait se conformer? 2 mois, oui, Messieurs, 2 mois et plus, après, c'est-à-dire le 20 octobre; et on ose m'imputer l'inaction persévérante de la monnaie de Pau ! L'Assemblée nationale se persuadera difficilement que malgré les instances de mon père, il n'ait pas encore reçu, en ce moment, des éclaircissements indispensables pour l'ordre de la comptabilité monétaire, de sorte qu'il ne sait pas quels sont les déchets et les frais de fonte de matière des cloches...
Plusieurs membres : Bah ! bah ! l'ordre du jour!
D'autres membres : Suspendez la lecture!
(L'Assemblée, consultée, décrète que la lecture de la pétition de M. Souton ne sera pas continuée.)
Voix diverses : L'ordre du jour ! — Le renvoi au comité des assignats et monnaies !
, J'appuie le renvoi au comité et je demande que l'exécution de l'ordre du ministre soit suspendue.
Le cas est urgent.
Nous nous plaignons souvent de l'inaction du pouvoir exécutif et nous voyons une lutte indécente entre un fonctionnaire public que le ministre veut forcer à remplir ses devoirs ; il incidente, il accuse l'agent que l'Etat a chargé de le faire agir : comment peut-il dire que le ministre n'a pas fait parvenir à Pau les instructions nécessaires, et les métaux propres
à la" fabrication de la monnaie, lui qui en est absent depuis plusieurs mois? Les réclamations d'un fonctionnaire public ne doivent jamais se faire entendre que ae sa place : et quand M. Souton y sera, à tous égards, on l'entendra. Jusque-là sa pétition ne doit pas même être admise, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Un membre : Je m'oppose au renvoi au comité, parce que le renvoi pourrait faire croire à M. Souton que l'Assemblée a tacitement suspendu l'exécution de l'ordre du ministre, et qu'il est fondé à rester à Paris. Pour éviter toute difficulté, je demande que l'on passe à l'ordre du jour, mais si l'Assemblée ordonne le renvoi au comité, je demande qu'il soit dit que c'est sans préjudice de l'obéissance que M. Souton doit aux ordres du ministre.
Je prie l'opinant d'observer que M. Souton, en ce moment, est remplacé à la monnaie de Pau par son père. D'ailleurs, il lui est impossible de s'y rendre d'ici au 25. Il y a 8 jours que M. Souton demande à être entendu relativement à cette intimation de sortir de Paris, et il n'a pu obtenir de vous cette faveur. S'il est encore à Paris, c'est, puisqu'il faut le dire, pour travailler à une dénonciation très détaillée et très constatée contre le ministre. (Exclamations dans VAssemblée. Applaudissements dans les tribunes.) et celui-ci, pour y répondre, lui ordonne de se retirer. Voilà le fait, et si les ministres renvoient comme cela dans leurs départements et à 200 lieues d'ici, les citoyens assez courageux qui se trouvent à Paris pour faire la guerre aux abus, nous n'aurons jamais de dénonciations en forme. (Applaudissements dans les tribunes)
Je demande que cette dénonciation soit renvoyée au comité des assignats et monnaies, non que je croie y voir quelque importance. Nous savons que M. Souton s occupe perpétuellement de dénonciations. M. Souton a dénoncé à l'Assemblée constituante son comité des monnaies, il a dénoncé la commission des monnaies, il a dénoncé le ministre, et M. Charles Lameth disait à la tribune, peut-être en plaisantant : « Le sieur Souton dénoncerait le Père éternel. » (Rires et applaudissements.) Nous-mêmes deviendrons bientôt l'Objet de ses dénonciations. Hier, il a remis sa première et sa seconde pétitions au comité des assignats et monnaies. Nous devons, Messieurs, éclairer la nation entière sur toutes les dénonciations. Cependant, pour ne pas perdre un temps précieux en d'inutiles discussions, je demande le renvoi au comité qui consentira à sacrifier quelques instants pour faire un rapport, le plus tôt possible, sur cette dénonciation.
La vérité est qu'il y a à Paris, en ce moment, beaucoup de directeurs des monnaies, qui se proposent de circonvenir le comité des monnaies et de lui faire faire des opérations qui leur soienttrès profitables, j'en suis sûr. Le travail des monnaies est ainsi en retard, et je dénonce ce fait à l'Assemblée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
M. Fauchet a la parole.
J'avais demandé la parole pour appuyer la réclamation de M. Souton. M. Isnard m'a prévenu, ainsi je n'ai plus rien à dire.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L,'Assemblée ferme la discussion et renvoie la
pétition de M. Souton au comité des assignats et monnaies.)
Mais je demande qu'au moins l'ordre donné à M. Souton par le ministre, pour se rendre à Pau, soit suspendu. (Rires ironiques et murmures.) ,
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblé® passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui fait part à l'Assemblée nationale d'une pétition des marins et ouvriers de l'arsenal de Toulon, tendant à çb-tenir pour eux et leurs familles une distribution journalière de pain, pareille à celle qu'obtiennent les ouvriers employés dans les arsenaux de Brest et Rochefort ; cette lettre est ainsi conçue:
Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien engager l'Assemblée nationale à prendre une détermination sur l'objet de cette lettre. Il me paraît d'un très grand intérêt pôur l'économie des finances de l'Etat, pour la sûreté du service, et pour la tranquillité des ports. Ces importantes considérations méritent assurément toute l'attention de l'Assemblée. Cet objet pourra paraître, au premier aspect, ressortir uniquement au pouvoir exécutif, mais je pense que les développements dont il est susceptible, et que je vais présenter le plus brièvement qu'il me sera possible, feront sentir la nécessité du concours que je réclame instamment du Corps législatif, ^éviterai constamment et avec le plus grand soin tout ce qui pourrait tendre à la confusion des pouvoirs. Nul motif ne ralentira jamais mes efforts pour donner à l'autorité légitime du roi toute l'énergie qu'elle doit avoir ; mais lorsqu'après avoir mesuré la force de mes moyens avec celle de la résistance qu'ils peuvent éprouver, j'aurai reconnu qu'ils seraient insuffisants s'ils agissaient seuls, je recourrai franchement à l'Assemblée nationale, bien persuadé qu'elle rendra pleinement justice à la pureté de mes intentions : c'est, Monsieur le Président, ce que je fais aujourd'hui.
« L'ordonnateur de la marine de Toulon m'a fait passer tout récemment une pétition des marins et ouvriers employés dans cet arsenal, tendant à obtenir pour eux et leurs familles une distribution journalière de pain par le munition-naire de la marine. Cette pétition est fortement appuyée par la municipalité qui, en faisant valoir la position touchante de ces marins, l'utilité de leur service, et les difficultés qu'ils éprouvent à pourvoir à leurs besoins, les présente comme ayant autant de droits aux sëcours du gouvernement que les marins et ouvriers employés dans les arsenaux de Brest et de Rochefort, auxquels les munitionnaires font effectivement fournir le pain, dont la valeur est acquittée par des retenues périodiques sur la valeur de leurs journées. Au moment où cette pétition m'est parvenue, je m'occupais non seulement de faire cesser les distributions de pain qui se font aux marins et ouvriers de Brest et de Rochefort, mais même toutes celles dont l'usage s'est introduit dans les différents ports, au profit des diverses personnes attachées au service, qui les regardaient en quelque sorte comme des attributions de leurs places ; ces dernières ne devaient pas obtenir plus de ménagements que les autres.
« J'avais été frappé des inconvénients graves et multipliés qu'avait produits cette condescendance de l'administration, et que les circon-
stances présentes aggravaient encore. Je voyais le munitionnaire obligé de donner à ses achats une extension dispendieuse pour l'Etat, et souvent alarmante pour le peuple dans les lieux où ils s'opéraient, ces deux abus semblent exiger une repression d'autant plus prompte, que ce n'était réellement pas l'intérêt au service public qu'on pouvait mettre en avant pour les faire tolérer. Il m'avait été démontré qu'il n'avait jamais été possible de porter exactement à sa valeur le pain ainsi distribué, que, conséquemment, la plus-value tombait à la charge de l'Etat, et que la somme en était considérable chaque année. La multiplication des établissements de divers genres, celle des agents que çe service extraordinaire rend nécessaires, sont de nouveaux maux, de nouvelles sources d'abus, dans nos ports, où le local est à peine suffisant aux opérations du service, et où il est si important de ne rassembler que le nombre d'hommes dont la présence peut y être véritablement utile. C'est surtout dans les grands mouvements que ces inconvénients, et ceux que j'ai précédemment indiqués, prennent un caractère infiniment dangereux, qu'ils multiplient les embarras et les inquiétudes de l'administration, qu'ils diminuent sensiblement l'action de la surveillance, et donnent aux dépenses un accroissement incalculable.
« Enfin, et c'est la première réflexion que j'avais faite, j'avais senti que ces distributions de pain par les munitionnaires de la marine étaient autant d'atteintes portées aux droits des boulangers établis dans les villes où existent nos ports ; qu'il était injuste que le gouvernement les dépouillât du bénéfice qu'ils avaient dû attendre en formant des établissements dans des lieux où ils savaient que le service public attirait un grand nombre de consommateurs ; que c'était entraver la liberté du commerce, à laquelle il est essentiel I de n'apporter aucune restriction, surtout à l'égard des objets de subsistance ; j'ai donc vu avec peine arriver la pétition de Toulon. Ma première intention était ae répondre négativement, en développant les motifs que je viens d'exposer, et en observant que les ouvriers des ports pouvaient également assurer leur subsistance par la fourniture des boulangers, et qu'ils leur présenteraient les billets de l'administration, qui deviendrait aussi garante des payements et les effectuerait au moyen des retenues sur le montant des journées ; mais réfléchissant ensuite à la disposition actuelle des esprits, pensant que l'intervention de la municipalité et l'exemple de ce qui se pratique à Brest ainsi qu'à Rochefort, prêtait une nouvelle force à cette réclamation, J'ai craint, je l'avoue, d'exposer l'autorité à une démarche mefficacè et conséquemment dangereuse; j'ai senti que j'agirais plus sûrement, si je pouvais me fonder sur une loi expresse, et c'est pour l'obtenir, que j'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous prier de soumettre l'objet de cette lettre à la délibération de l'Assemblée; je désirerais qu'elle voulût bien rendre un décret qui défendît formellement aux munitionnaires ae la marine toute fourniture de pain qui n'aurait pas pour objet direct le service dont il est et doit être chargé. Ce serait ensuite à moi à prendre, pour l'exécution de cette loi, les mesures ae prudence et de ménagement que je croirai convenables pour éviter les inconvénients d'un changement trop subit, et prévenir des réclamations justes.
« Je suis, Monsieur le Président, etc.
« Signé : bertrand. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, qui est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il sera brûlé vendredi prochain, à la caisse de l'extraordinaire, 6 millions en assignats, lesquels, joints aux 330 millions déjà brûlés, forment un total de 336 millions. Je vous prie, Monsieur le Président, d'en donner connaissance à l'Assemblée.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : AMELOT. »
Je crois devoir annoncer à l'Assemblée que j'ai reçu une lettre du procureur général syndic du département de la Côte-d'Or, qui me marque que M. Noireau, le véritable accusé, vient d'être arrêté; qu'il est transféré dans ce moment dans les prisons de la Conciergerie à Dijon, et qu'il y est mis au secret. En même temps, il m'envoie copie d'une adresse à l'Assemblée nationale des citoyens notables de Pontarlier. L'Assemblée trouvera peut-être nécessaire qu'elle soit lue.
, secrétaire, fait lecture de cette adresse qui est ainsi conçue :
« Les citoyens de Pontarlier soussignés, qui ont toujours été animés du plus pur patriotisme, et pénétrés d'admiration et de soumission pour notre sublime Constitution, qu'ils soutiendront jusqu'à la dernière goutte de leur sang, de même que les décrets qu'il plaît à votre sagesse de rendre, croient ne point manquer à leur serment , en vous exposant avec sensibilité l'extrême étonnement qu'ils ont éprouvé en voyant enlever nuitamment, comme criminel de lèse-nation, au milieu d'une famille désolée, François Noireau, leur maire. Leur étonnement a été d'autant plus grand, qu'ils ne lui ont jamais vu commettre aucune infraction à la loi, et qu'ils l'ont considéré comme un zélé patriote, au point qu'ils l'ont réélu maire de Pontarlier. Nos vœux et nos espérances se portent à le croire innocent. Puissiez-vous, Messieurs, le juger tel.
« Fait et rédigé à Pontarlier, le 18 novembre 1791, l'an troisième de la Liberté. »
(Suivent les signatures.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui remet à l'Assemblée les copies des traités de la nation avec la régence d'Alger; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale ne m'ayant pas encore fait connaître ses intentions relativement à l'affaire d'Alger, je présume qu'elle sera bien aise de prendre connaissance ae notre traité avec cette régence, et j'ai l'honneur de vous en envoyer des copies certifiées.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : bertrand. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité diplomatique.)
2° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur,
relative à une demande du directoire du district de Poligny, cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président, « Le directoire du district de Poligny a besoin d'un emplacement pour ses bureaux et tenir ses séances. Il demande à être autorisé à acheter une portion de la maison des ci-devant dominicains de la même ville, et remet les pièces relatives à cette affaire. « Je suis avec respect, etc.
« Signé : delessart. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
3° Lettre de MM. les commissaires de la Trésorerie nationale; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président, « Par décret du mois de décembre 1790, il a été ordonné que les erreurs dans les contrats de rentes viagères seraient rectifiées par le Corps législatif, sur la proposition des commissaires de la Trésorerie nationale.
« En conséquence de ce décret, nous avons l'honneur de vous adresser la demande faite par la dame Méliancour, à l'effet d'obtenir un décret de l'Assemblée nationale pour rectification d'erreur faite dans une quittance de finance. « Nous sommes, etc. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
4° Deuxième lettre de MM. les commissaires de la Trésorerie nationale, renfermant un mémoire sur les difficultés résultant des erreurs ou. défaut de forme qui arrêtent les payements, la transmission ou la conversion des titres des diverses créances sur l'Etat, ainsi que toutes les opérations nécessaires pour la règle de la comptabilité.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
o° Troisième lettre de MM. les commissaires de la Trésorerie nationale; elle est ainsi conçue :
« Nous avons l'honneur d'adresser à 1 Assemblée nationale un mémoire énonciatif des opérations que nous avons faites depuis le commencement de notre administration jusqu'au 1er novembre, relativement à l'achat du numéraire. A l'appui de ce mémoire sont des états détaillés qui indiquent la nature, le montant et le prix des matières. « Nous sommes, etc. >
(Suivent les signatures.)
Je demande le renvoi de la lettre et du mémoire au comité de la Trésorerie nationale.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité de la Trésorerie nationale.)
Un membre : Je demande que l'oh fasse imprimer cet état, afin de connaître l'influence que ces achats peuvent avoir sur le prix de l'argent.
Je crois qu'on ne peut décréter cette impression, qu'après que le comité de la Trésorerie nationale vous aura fait un rapport à ce sujet. Ainsi, je demande l'ajournement de la proposition du préopinant.
Les représentants du peuple doivent toujours connaître, par la voie de l'impression, le prix de l'argent. Il est infiniment intéressant que l'impression proposée soit décrétée, alors nous verrons les comptés des ministres... (Murmures.)
(L'Assemblée adopte la motion de M. Dorizy tendant à l'ajournement de l'impression jusqu'après le rapport du comité dé la Trésorerie nationale.)
Un membre : Messieurs, la dame Jeanne-Luce AntoinetteMarsac, ci-devant religieuse à Limoges et relevée de ses vœux par sentence du tribunal, se plaint du retard de liquidation d'une créance de 2,800 livres qu'elle a sur le Trésor public. Les directeurs de la liquidation ont trouvé une légère difficulté dans le remboursement de sa dette. Mariée aujourd'hui au sieur Jean Dubrouillet de la Boissière, elle est mère de famille et prie l'Assemblée d'avoir égard à sa qualité de mère. (Applaudissements. )
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
Un membre : Une dame religieuse, dans le département d'Indre-et-Loire, rentrée dans le monde, se plaint de la modicité de sa pension.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité des pétitions.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse de la ci-devant communauté des Procureurs de la sénéchaussée de Ville/ranche, département de Rhône-et-Loire, relative à aes liquidations d'office.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de liquidation.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des administrateurs composant le directoire du département du Nord, par laquelle ils rendent compte des divers arrêtés pris relativement à la circulation des grains.
« Monsieur le Président.
« Nous n'avons négligé aucun des moyens qui pouvaient assurer la libre circulation djes grains, et empêcher que l'on ne puisse en porter à " l'étranger; les mesures que nous avions adoptées semblaient ne devoir laisser aucun sujet d'inquiétude ; cependant, nous avons vu avec douleur, qu'elles n'ontpas toujours suffi à dissiper les alarmes qui s'étaient emparées des esprits et se renouvellent en ce moment. Elles semblent se fortifier par le renchérissement survenu dans le prix des grains. Il est déjà résulté des désordres tant dans le département du Pas-de-Calais que dans le nôtre, et ils auraient certainement des suites funestes si nous ne cherchions à les arrêter dans leur principe. Ce sont ces considérations qui nous ont portés, Monsieur le président, à nous réunir à l'administration du département du Pas-de-Calais, pour solliciter l'Assemblée qu'elle veuille bien nous autoriser à adjoindre un second commissaire à celui qui a été établi à Dunkerque pour surveiller le transport des grains dans l'intérieur du royaume, et empêcher qu'il ne puisse s'en exporter à l'étranger; indépendamment de ces commissaires, il nous a paru aussi nécessaire d'en établir dans quelques autres villes. Ces précautions, et celles qui sont indiquées par les arrêtés dont nous joignons ici copie, sont indispensables pour ramener la tranquillité ; nous avons lieu d'espérer, M. le Président, que vous les approuverez, et que vous voudrez bien engager l'Assemblée nationale à s'occuper de cet objet important, et à rendre le plus tôt possible le décret que nous sollicitons à cet égard.
« Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : Les Administrateurs composant le directoire du département du Nord. »
Je demande le renvoi aux comités de commerce et d'agriculture réunis pour qu'ils nous fassent à jour fixe, un rapport, sur les subsistances.
Ces mesures ont besoin d'une extension assortie à l'importance de la demande, et à l'intérêt du sujet, car il s'agit de l'approvisionnement des villes et des provinces, situées sur les côtes de la mer. Le ministre dans son rapport vous a exposé que les provinces du Midi étaient dans un grand état de disette, que celles du Nord étaient dans l'abondancéqui résulte d'une riche récolte, et que l'intérieur du royaume était dans un état tel qu'il pouvait se passer des secours des deux autres parties. Dunkerque, cet entrepôtdes grains desprovinces du Nord, effrayé de la multiplicité des demandes qui lui venaient du Midi, et sentant l'impuissance d'y satisfaire, a eu recours à vous, et a imploré les moyens dont se servent la sagesse et la prévoyance pour multiplier les subsistances, et les concentrer dans un pays qui est menacé d'en manquer, et que les craintes agitent, il vous a proposé de donner des primes. On vous a proposé, il y a deux jours, de renvoyer aux comités d'agriculture et de commerce une motion qui avait été faite au suiet de la ville de Nantes : elle tendait, comme celle du département du Nord, à aviser aux moyens de rétablir l'abondance des grains dans le royaume, par le moyen des primes, on sait que c'est le seul moyen d'attirer les grains de l'étranger, d'établir l'équilibre des grains entre les différentes contrées maritimes, et de les faire concourir à leur prospérité et au bien du genre humain. Ainsi j'appuie la motion du renvoi aux comités d'agriculture et de commerce, pour qu'ils aient à nous présenter un projet de décret dont la prudence fasse cesser nos inquiétudes et ramène l'abondance dans tous les pays de disette.
Vos comités d'agriculture et de commerce se sont réunis pour cet objet, et ils vous en feront le rapport général incessamment.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la lettre du directoire du département du Nord aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
Un membre : Je propose que tous les marchés de blés soient prohibés à la distance de trois lieues des frontières.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette motion aux mêmes comités.)
D'après votre décret d'hier, le roi a nommé deux commissaires pour assister au tirage des quatre grands juges du tribunal de la haute cour nationale (1). Ils sont arrivés et attendent vos ordres. Voulez-vous que je les fasse entrer. (Oui! oui!)
(L'Assemblée décide que les commissaires seront introduits.)
, commissaires du roi, sont introduits. Ils remettent leurs pouvoirs et prennent place sur les sièges des ministres.
, secrétaire, fait lecture de leurs pouvoirs.
« Commission de M. Duveyrier.
« Louis, par la grâce de Dieu, et par la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français,
au
« L'Assemblée nationale, ayant par son décret du 12 novembre, décrété que dans la séance du lundi suivant, il serait procédé en présence de vos commissaires à la nomination des quatre juges du tribunal de cassation qui doivent remplir les fonctions de grands juges, il est nécessaire que nous fassions choix de deux personnes.
« A ces causes, connaissant votre zèle, et bien informé que vous êtes digne de notre confiance, nous vous avons commis et député, vous nommons, commettons et députons pour, conjointement avec le sieur Bertholio, être présent à la nomination des 4 juges du tribunal ae cassation qui doivent remplir les fonctions de grands juges. Vous donnons à cet effet pouvoir et mandement spécial par ces présentes. En foi de quoi nous avons signé et fait contresigner les présentes, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat.
« Donné à Paris, le vingtième jour de novembre, l'an de grâce 1791, et de notre règne le dix-huitième.
Signé : LOUIS.
Par le roi : Signé : DUPORT-DUTERTRE.
M. le secrétaire donne lecture d'une commission analogue de M. Bertholio, substitut du commissaire du roi.
Je crois, Messieurs, d'après le décret de l'Assemblée constituante, que l'Assemblée doit être présidée par son doyen d'âge,
Je demande la permission de donner là-dessus une explication. Il avait paru douteux, d'après le texte de la loi, si ces mots : « doyen d'âge », se rapportaient ou au doyen d'âge de 1 Assemblée nationale, ou au doyen d'âge des quatre juges du tribunal de cassation. M. Camus est venu hier au comité de législation avec le manuscrit original de la loi, qui porte que le doyen d'âge des 4 grands juges sera le président de la haute cour nationale. Il est arrivé cependant, Messieurs, que, lorsqu'on a imprimé le décret, on lit seulement les mots « le doyen d'âge présidera ». Vous voyez que, d'après le texte original, il n'y a pas de doute que ce ne soit le doyen d'âge des 4 grands juges. (Oui! oui!)
Un membre : Je demande que l'on procède au tirage, parce que l'on ne peut pas continuer la délibération en présence des commissaires du roi, qui sont ici seulement pour le tirage.
(L'Assemblée décrète qu elle va procéder au tirage, et qu'elle suspend toute délibération.)
(Un huissier apporte sur le bureau une boîte de carton, percée au-dessus, et disposée en forme, de tronc.)
, serétaire. Messieurs, le tribunal de cassation est composé de 42 juges nommés par les départements, qui ont été tirés au sort dans l'Assemblée constituante. Nous n'avons pas sous les yeux la liste nominale de ces 42 juges, mais nous avons celle des départements. En conséquence, au lieu de mettre le nom des juges fournis par chacun des départements, on a mis le nom du département lui-même. Le résultat sera parfaitement égal.
Monsieur le Président, voulez-vous demander à MM. les commissaires s'ils n'ont pas d'objections à faire sur cette façon de procéder.
Messieurs les commissaires, avez-vous des réclamations à faire sur ce mode?
, commissaire du roi. Je demanderai à l'Assemblée si son intention est de faire participer au tirage au sort ceux des juges du tribunal de cassation quisiègentaujourd hui dans l'Assemblée.
Un membre : J'observe que ceux des membres de l'Assemblée qui font partie du tribunal de cassation sont en état de suspension tant qu'ils ont le titre de représentants au peuple français. Ils ont d'ailleurs des suppléants.
Plusieurs membres : Consultez l'Assemblée.
(L'Assemblée décide que si le sort appelle à la place de grand juge un juge du tribunal de cassation, qui se trouve membre de l'Assemblée nationale, il sera remplacé, dans ses fonctions de grand juge, par son suppléant à la place de j uge du tribunal de cassation.)
Un membre : Nous venons d'entendre que M. Ber-holio est l'un des commissaires ; ie demande si, d'après la Constitution, un ecclésiastique peut être nommé commissaire du roi... (Murmures.)
Voix diverses : Oui! oui! — Non ! non! L'ordre du jour !
Un membre : J'observe que ce choix du roi ne contredit aucune loi constitutionnelle.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, compte les 42 bulletins et les met dans la boîte.
, secrétaire, tire par l'ouverture de la boîte quatre bulletins.
MM. les commissaires du roi examinent successivement les bulletins.
Voici les noms des départements sortis : La Vienne, la Meuse, l'Aude et la Manche.
En conséquence, je proclame pour grands juges de la haute cour nationale :
MM. Greuzé de la Touche, pour le département de la Vienne,
Marquis, pour le département de la Meuse, Albaret, pour le département de l'Aude, Caillemer, pour le département de la Manche.
, s'adressant aux commissaires du roi. Messieurs, vous pouvez vous retirer. On dressera procès-verbal du tirage au sort, et on vous avertira du moment où vous pourrez le signer.
(MM. les commissaires du roi se retirent.)
Le décret que vous avez rendu hier vous appelle dans vos bureaux pour nommer les deux grands procurateurs de la nation qui doivent remplir les fonctions d'accusateurs publics auprès de la haute cour nationale.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et rentre en séance à une heure et demie.)
demandent la parole.
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir à qui elle veut accorder la parole.
Le rapport que j'ai à vous lire est aussi court qu'urgent. D'ailleurs, ce que M. Brua doit faire connaître à l'Assemblée ne servira qu'à démontrer combien il est urgent de prendre les mesures que je vais vous proposer au nom du comité diplomatique. Vous avez chargé votre co-
mité diplomatique, par l'article 44 de votre décret sur les émigrés, de vous proposer sous trois jours les mesures à prendre vis-à-vis des puissances étrangères qui souffrent sur leur territoire des rassemblements suspects. Votre comité a répondu avec zèle aux Ordres qui vous lui avez donnés; c'est à sa réquisition que vous avez fixé définitivement au 17 de ce mois, le rapport qu'il doit vous faire. Il n'est pas nécessaire de vous dire que la sûreté des frontières et le salut de l'Empire dépendent de la justesse et de la célérité des mesures que vous prendrez à cet égard. Depuis 8 jours, je fais de vains efforts pour obtenir la parole. Je prie l'Assemblée de décider quand elle voudra m entendre.
(L'Assemblée décide que M. Koch sera à l'instant entendu, et que M. Brua aura la parole après lui.)
, au nom du comité diplomatique (1). Messieurs, par l'article 14 de votre décret du 8 de ce mois, vous avez chargé votre comité diplomatique de vous proposer des mesures à prendre relativement aux puissances étrangères limitrophes, qui souffrent sur leur territoire les rassemblements des Français fugitifs.
Le comité a cru mieux remplir vos intentions en vous rendant compte en même temps des renvois que vous lui avez faits par vos décrets antérieurs des 27 et 28 octobre dernier, de l'adresse de la municipalité de Strasbourg, de celle de plusieurs citoyens, amis de la Constitution, de celle du directoire du département du Bas-Rhin, toutes relatives à ces mêmes rassemblements, ainsi qu'aux violences que des Français fugitifs ont exercées sur le territoire de l'Empire contre des Français patriotes.
Il résulte, Messieurs, de ces différentes adresses des procès-verbaux et des pièces
justificatives, dont elles sont accompagnées, qu'il existe toujours un foyer de
contre-révolution sur nos frontières, qu'il est formé d'une foule de Français transfuges,
fomentés et entretenus par quelques princes étrangers, et par les ennemis de la Révolution en
dedans ; qu'il y a dans les terres de l'évêché de Strasbourg, de l'autre côté du Rhin, un
petit corps de troupes d'environ 600 hommes, commandé par le sieur Mirabeau, et connu sous le
nom d'armée des noirs ; qu'il y a pareillement aux environs de Worms et sur les terres de
l'électeur de Mayence de nombreux rassemblements de Français transfuges, sans armes, sous les
ordres immédiats du ci-devant prince de Condé ; que la même chose s'observe à Coblentz et aux
environs de cette ville, dans l'électôrat de Trêves, où les princes français ont établi leur
siège ; que la rage de ces ennemis de la Constitution les porte à des violences de toutes
espèces, qu'ils se permettent à chaque instant contre des citoyens français patriotes que le
soin de leur négoce et leurs affaires particulières attirent journellement en Empire; que
c'est principalement sur les terres dépendant de l'évêché de Strasbourg, de l'autre coté du
Rhin, et contre des citoyens de la ville de Strasbourg, connus par leur zèle pour la
Constitution française, que ces excès se commettent avec le plus grand scandale et le plus
d'audace ; qu'ils sont consignés dans les procès-verbaux des 10 et 11 mai, et du 10 octobre
dernier, qui se trouvent joints à l'adresse de la municipalité de Strasbourg, et à celle du
directoire du département du Bas-Rhin; que, dès le mois de
Il est, Messieurs, de la dignité de la nation française de ne pas souffrir plus longtemps de pareilles vexations, qui se commettent au mépris des droits les plus saints de l'hospitalité et au bon voisinage.
Le comité diplomatique, en délibérant sur l'objet des différents renvois, que vous lui avez faits, s'est posé les questions :
1° Les attroupements, les enrôlements et les violences qui se commettent sur le territoire de l'Empire ne doivent-ils pas être envisagés comme une lésion du droit des gens et des lois publiques de l'Empire germanique?
2° Quels moyens conviendrait-il d'employer pour dissiper ces attroupements et pour réprimer ces violences?
Je dois d'abord vous observer, Messieurs, que le comité, se bornera, quant à présent, à vous entretenir de ce qui concerne les puissances germaniques, et quant aux torts et outrages, que des Français citoyens ont reçus dans les autres parties ae l'Europe, il se propose d'en faire l'objet d'un rapport particulier.
G est en vain, Messieurs, qu'on chercherait à concilier avec les principes du droit des gens, ces rassemblements, ces enrôlements et ces violences, que quelques princes d'Empire tolèrent sur leurs territoires ; ils se réduisent en dernière analyse à une lésion de ce même droit, que toutes les nations policées ont constamment respecté entre elles.
En effet, les Français transfuges n'affichent-ils pas, du fond de leur retraite et a la face de toute l'Europe, des desseins hostiles contre nous? Est-ce à leur modération, ou bien à leur impuissance et à celle de leurs protecteurs, que nous devons nous en prendre, s'ils n'ont pas déjà porté le flambeau delà guerre au sein de leur patrie!
Ces attroupements et ces enrôlements ne nous ont-ils pas nais dans , la nécessité de faire de grands et, puissants efforts pour mettre notre frontière en état de défense? Quelles sommes n'avons-nous pas prodiguées pour la fortification de nos places, pour la marche de nos troupes de ligne et des gardes nationaux, pour approvisionner nos magasins, et pour les pourvoir d'armes et de munitions de guerre ?
Mais quelles sont donc les puissances, qui nous présentent ce simulacre de guerres qui nous causent toutes ces alarmes? Sont-ce des princes qui, dépositaires d'une souveraineté indépendante, ne connaissent d'autres lois que cette raison d'Etat, dont les gouvernements ont si longtemps abusé, d'autres arbitres que le sort de la guerre ? Non, Messieurs, ce sont trois prélats, trois membres, trois vassaux du corps germanique; les archevêques de Mayence et de Trêves et le ci-devant évêque de Strasbourg; connus tous par leur aversion pour la nouvelle Constitution française, et n'ayant d'autre prétexte pour colOrer leurs démarches que la perte de quelques droits hiérarchiques ou féodaux.
Mais, ces princes peuvent-ils permettre ces attroupements et ces enrôlements a des rebelles, en contravention manifeste des lois sacrées du droit des gens? Non la Constitution de l'Empire leur refuse cette triste prérogative.
Les lois de l'Empire, Messieurs, ont fixé d'une
manière positive les bornes du droit de guerre et de paix dont jouissent les membres de l'association germanique.
Tout traité, toute alliance, qui tendrait à entraîner la France dans une guerre étrangère, leur est sévèrement interdit, ce n'est qu'à des princes souverains qu'ils peuvent permettre de faire des recrues dans leurs tèrritoires respectifs. Il y a plus : par la capitulation de l'empereur actuellement régnant, ainsi que par les capitulations précédentes, cette faculté ne peut être accordée qu'à des princes qui possèdent en Allemagne de grands territoires immédiats.
Les termes de la capitulation sont formels à cet égard : « Nous ne permettrons nullement, y est-il « dit, aux puissances qui n'ont jpas elles-mêmes « de grandes possessions dans l'Empire, d'y faire «• des levées sans notre concession et le consente tement des électeurs, princes et États. »
Cependant, les Français transfuges, sans être avoués par, aucune autorité légitime, recrutent publiquement et avec une audace inouïe, pour ce qu'ils appellent l'armée des princes, dans les villes impériales d'Offembourg et Gengenbach, ainsi qu'à Kehl ; ils se répandent de là dans les terres des évêchés de Strasbourg et de Spire et dans plusieurs principautés voisines.
Et, chose inconcevable, ils obtiennent, dans ces différents territoires, pour le recrutement de leur prétendue armée, des facilités auxquelles la France elle-même ne saurait prétendre.
Il n'est pas douteux, Messieurs, que ces désordres ne soient1 contraires aux lois qui régissent les États qui forment l'Empire germanique; et quant aux violences que plusieurs de ces princes tolèrent, dans leurs territoires, contre des citoyens français patriotes, il est, sans doute, inutile d observer qu'elles sont diamétralementopposées à la .loi de ïapaix publique, qui fait une des principales bases de la Constitution germanique.
Les lois publiques de l'empire d'Allemagne coïncident donc avec les lois éternelles du droit des gens pour condamner la conduite que tiennent, à notre égard, les princes chez qui les ennemis de notre Constitution ont obtenu accueil.
Et quels sont les moyens qu'il conviendrait d'employer pour dissiper ces attroupements et pour réprimer ces violences ?
Nous venons de le démontrer, Messieurs ; ces rassemblements, ces enrôléments et ces violences sont Une infraction au droit des gens, et des contraventions manifestés aux lois publiques de l'empire.
Ne serait-il donc pas de la dignité de notre gouvernement de faire, par le ministre des affaires étrangères, dés démarches vigoureuses auprès de ces princes qui persistent a vouloir accorder leur protection à des ennemis de la chose publique, à l'effet de faire cesser ces attroupements scandaleux, et d'obtenir des réparations convenables des violences exercées contre nos concitoyens? serait-il donc si difficile de faire comprendre à ees princes, qu'il est de leur intérêt et de leur propre gloire de ne pas souffrir plus longtemps ces attentats ni de préférer des liaisons qui finalement leur deviendraient funestes, aux justes égards qu'ils doivent à une grande nation *et aux devoirs que leur imposent les lois de l'Empire dont ils sont membres?
Cette première mesure ne devrait-elle pas être j soutenue par des réquisitions formelles et officielles que ferait le ministère auprès des princes | qui composent les cercles du Haut et au Bas-i Rhin, et celui de Souabe, par les ministres qui
sont accrédités auprès d'eux, afin de dissiper, par l'autorité des cercles et en exécution des fois de l'Empire, les attroupements, les rassemblements et les enrôlements, dont nous sommes fondés à nous plaindre, et de prévenir ainsi toute violation au territoire de 1 Empire qui en serait une suite inévitable? Les princes d'Empire ne sont-ils pas subordonnés à la police générale des cercles, dont ils font partie? et le plus grand nombre des membres du corps germanique, n'est-il pas visiblement intéressé au maintien du bon ordre et à la conservation de la paix et la bonne intelligence avec la France?
Enfin, ne conviendrait-il pas aussi de faire des déclarations authentiques à la cour impériale et à la diète de Ratisbonne, par lesquelles, en protestant de notre désir de maintenir la paix et l'union avec l'Empire germanique, nous exposerions nos justes griefs contre les princes, qui, pour satisfaire à des ressentiments particuliers, tolèrent des désordres qui ne peuvent qu'altérer le bon voisinage, et faire craindre "une guerre que le corps germanique a le plus grand intérêt d'éviter?
Et pourrait-on douter un instant de la sincérité d'un pareil aveu, puisque notre heureuse Constitution nous impose l'obligation de n'entreprendre jamais aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes ? mais elle ne nous empêche pas de venger les outrages faits aux droits sacrés des nations ; elle ne nous commande pas de souffirir sur nos frontières des armées de traîtres qui nous menacent, qui 'insultent, qui maltraitent nos concitoyens, et qui s'avouent publiquement ennemis d'une Constitution que nous avons tous juré de défendre jusqu'à la dernière goutte de notre sang.
On nous objectera, vraisemblablement, à la diète germanique, l'infraction des traités à l'égard des princes d'Empire, qui, par une suite naturelle et indispensable de notre Révolution, se croient lésés dans leurs droits dans la ci-devânt province d'Alsace; mais la nation, en faisant valoir les droits imprescriptibles de la souveraineté, n'a-t-elle pas témoigné son respect pour les traités, et ne s est-elle pas offerte à indemniser les princes de leurs pertes? Ces princes n'auraient-ils pas dû profiter de ces offres généreuses ; loin de chercher à allumer une guerre qui, injuste dans son principe, ne ferait que tourner à leur propre préjudice? L'engagement, d'ailleurs, que nous avons contracté à la face de l'univers de cultiver la paix avec tous nos voisins renonçant à tout système de conquête, ne serait-il pas déjà une compensation plus que suffisante de la perte de ces droits féodaux, qu'on fait aujourd'hui sonner si haut?
Et les Etats d'Empire, éclairés sur leurs yrais intérêts, verraient-ils donc à regret les Français adopter une Constitution libre et paisible, qui, par la protection qu'elle accorde à tous les étrangers, par les avantages inappréciables qu'elle leur présente, ne peut que cimenter 1 union entre les deux nations, en assurant leur repos et leur prospérité réciproques?
Ces considérations nous font croire que les mesures dont nous venons de parler, si elles étaient déployées avec force et ayec énergie, ne laisseraient pas de produire leur effet ; et qu'en prenant enfin une attitude fière et conforme à fa dignité de la nation et à la majesté du peuple français, l'on parviendrait à déloger les émigrés de leurs retraites, et à dissiper leurs attroupements.
Déjà, Messieurs, les principales puissances de l'Europe repoussent loin d'elles ces projets insensés de contre-révolution, que la rage impuissante des ennemis de la Constitution cherche en vain à nous faire redouter.
Que nos voisins apprennent donc à respecter notre indépendance, comme notre intention est de respecter la leur ; que des vassaux de l'Empire cessent d'enfreindre les lois de leur patrie pour combattre celles de la nôtre ; et qu'ils préfèrent, au désir insensé de renverser notre Constitution, l'amitié d'une nation généreuse qui a été le plus ferme appui de leur liberté et le garant de leur bonheur.
Votre comité diplomatique me charge, Messieurs, de vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité diplomatique, considérant que les rassemblements, les attroupements et les enrôlement des fugitifs français, que favorisent des princes d'Empire, dans les cercles du Haut et Bas-Rhin, de même que les violences exercées en différents temps contre des citoyens français sur le territoire de l'évêché de Strasbourg, au delà du Rhin, sont des attentats contre le droit des gens, et des contraventions manifestes aux lois publiques de l'Empire, qu'ils ne sauraient non plus se concilier avec l'amitié et le bon voisinage que la nation française désirerait d'entretenir avec tout le corps germanique, décrète que le pouvoir exécutif sera invité de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces vis-à-vis les puissances étrangères pour faire cesser ces désordres, rétablir la tranquillité sur la frontière, et obtenir des réparations convenables des outrages dont les citoyens de Strasbourg ont été plus particulièrement les victimes. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement à vendredi !
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à vendredi prochain.)
J'annonce à l'Assemblée que personne n'a réuni la pluralité absolue des suffrages pour les les plus grands procurateurs de la nation et qu'il y aura lieu de procéder à un deuxième tour de scrutin.
M. Brua a la parole pour fait de subornation de la part des princes émigrés.
Messieurs, une proposition a été faite à un général français de la part des princes émigrés , pour qu'il leur assurât Neufbrisac, ville frontière, que l'on peut regarder comme une des clefs du royaume. Ce général en a fait sa déclaration au directoire du département : il en a écrit au commandant en chef, et lui a communiqué la réponse qu'il a faite à ces propositions. (Applaudissements.) Voici, Messieurs, ce que les administrateurs du directoire du département du Haut-Rhin en écrivent à la députation, dans une lettre qui contient encore d'autres détails :
« Par surcroît d'inquiétude, M. de Wimpffen, général, nous a dit hier (c'était le 14 novembre) en plein directoire, qu'on lui avait fait, de la part des princes français émigrés, la proposition de livrer Neufbrisac, et qu'il avait fait part de cette proposition et de sa réponse à M. le général Luckner.
« Nous ne pouvons donc plus douter que les troubles de l'intérieur se fassent de concert avec des traîtres qui nous menacent de l'extérieur.
Le directoire du département du Haut-Rhin soupçonne, et il a les plus grandes raisons pour le croire, que les princes ne sont pas sans partisans dans ce département; il a même la douleur de voir que des administrateurs se refusent dans certaines occasions de concourir à l'exécution des lois relatives à la constitution civile du clergé, notamment sur l'aliénation et la vente des biens nationaux. En conséquence, le département du Haut-Rhin regarde, non point comme une affaire particulière de prendre et d'adopter une mesure a l'égard de ceux qui ont l'audace de déclarer de ne pas vouloir concourir à la loi, mais il regarde comme indispensable de proposer une loi générale à l'Assemblée nationale. »
Voici, Messieurs, la lettre que ce directoire a écrite à l'Assemblée nationale, et je suis surpris qu'elle ne lui soit point encore parvenue, elle est du 15 novembre 1791.
« M. Kœchlin, membre du directoire du district de Colmar, ayant déclaré ne vouloir pas participer aux délibérations relatives à l'exécution des lois concernant la constitution civile du clergé, le conseil général de district a invité, le 16 au courant, d'enjoindre à tous les administrateurs inférieurs de coopérer avec tous les membres de leur corps à 1 exécution soit de la loi ou des arrêtés du département, sous peine de suspension.
« Le directoire du département n'a pas cru devoir prendre sur lui de déférer à cette invitation, quoique bien fondée qu'elle lui paraisse, parce que le sieur Kœchlin était muni d'une lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, en date du 26 juillet dernier, qui, selon lui, a décidé le cas en sa faveur, et voici à quelle occasion: il y avait eu de violents troubles a Colmar, au mois de mai dernier ; les membres des différents corps administratifs avaient tenu une conduite plus propre à les favoriser qu'à les réprimer. L Assemblée nationale, après avoir suspendu quelques membres du directoire du département, et après avoir autorisé les membres restants à s'adjoindre aux autres administrateurs pris dans le conseil à leur choix, pour se compléter ; ordonné par l'article 3 du 1er juin, qu'aussitôt que le directoire ainsi forme serait réuni, il s'occuperait de l'examen de la conduite du directoire de district et de la municipalité de Colmar et qu'il suspendrait ceux des membres de ces administrations dont la conduite aurait compromis la sûreté publique. Le directoire du département suspendit en conséquence de cette loi quelques officiers municipaux ; mais ayant hésite de suspendre le sieur Kœchlin, membre du directoire de district, quoiqu'il eût déclaré positivement qu'il avait refusé a vouloir continuer de participer aux délibérations relatives à l'exécution des lois concernant la constitution civile du clergé, M. Delessart, informé de la difficulté, répondit qu'on avait pensé avec raison que le sieur Kœchlin n'avait pas encouru la peine de suspension, qu'en effet la loi du 1er juin ne la prononçait que contre ceux qui compromettaient la sûreté publique ; et c'est en conséquence de cette opinion du ministre de l'intérieur que le sieur Kœchlin est resté et veut rester en place.
« Nous n'avons pas besoin de vous faire remarquer qu'il était question alors de troubles religieux, que son inaction pour les réprimer n'était que trop bien exprimée par son refus à remplir une partie de ses fonctions, quoiqu'il en ait contracté par serment l'obligation, quelles que fussent d ailleurs ses opinions religieuses,
que c'était précisément cette inaction qui avait pu enhardir les séditieux, qu'ainsi elle aurait pu compromettre la sûreté punlique ; et, ce qui est encore d'une plus grande importance, c'est que les membres du conseil général du district ont observé, que s'il était permis à un membre de directoire de refuser de coopérer à l'exécution, des lois relatives au clergé, ce qui s'étend jusqu'à l'administration et à la vente des biens ecclésiastiques. ; les autres membres du directoire, ainsi que tous ceux des directoires des départements et districts du royaume pourraient tenir la même conduite; qu'ainsi le salut de l'Empire serait évidemment compromis.
« Malgré ces observations décisives, le directoire de département du Haut-Rhin se ressouvenant avec quelle sévérité M. Delessart s'était porté à faire casser par le roi l'arrêté du département du Bas-Rhin, qui avait ordonné aux moines d'ôter leur froc, parce qu'il était le signe de ralliement des mécontents, n'a pas voulu, en prononçant un arrêté contraire a l'opinion du ministre de l'intérieur, s'opposer à une proclamation...
Un membre : Ce n'est pas pour cet objet-là que vous avez la parole.
Plusieurs membres : Continuez !
«.. .qui, dans les circonstances difficiles où se trouve la France, aurait atténué son autorité, à un point qu'il aurait été obligé d'en abandonner les rênes.
« C'est donc à vous qu'il s'adresse pour obtenir que tout membre de corps administratif qui refusera de coopérer à l'exécution des lois et arrêtés relatifs au clergé, est censé avoir renoncé à ses fonctions, et doit être remplacé. Cette décision doit être d'autant plus prompte, que le même ministre vient de nous adresser une lettre en date du 31 octobre, par laquelle il demande à être informé particulièrement des dispositions des esprits, par tout Ce qui est relatif à la constitution civile du clergé.
« Si vous daignez, Messieurs, seconder notre zèle nous pourrons lui répondre que nous ne comptons pas les factieux, et que force restera à la loi. »
D'après cette lettre et le résumé de celle qui a été écrite en particulier à la députation, je remarquerai trois objets essentiels : le premier est la déclaration faite au directoire par le général de Wimpffen, des propositions qui lui ont été faites de la part des princes émigrés. Cette déclaration, Messieurs, n'est peut être pas prouvée dans cé moment, comme elle devrait 1 être. Je demanderais donc à cet égard, que cette lettre soit renvoyée à votre comité diplomatique, pour prendre sur le département du Haut-Rhin, des renseignements nécessaires ; le comité, ensuite, présentèra à l'Assemblée, ce qu'il croira convenable sans doute aussi. Ce sera le moment où votre comité diplomatique s'occupera de vous faire un rapport sur une motion qui avait été faite d'envoyer des commis pris dans le sein de l'Assemblée nationale, pour prévenir les désordres. „
Le second objet dont je n'ai pas cru devoir parler, est une réclamation faite par le directoire au Haut-Rhin, pour avoir une caisse d'échange de petits assignats, qui perdent considérablement. Je demanderais le renvoi de cette lettre également au comité des assignats et monnaies.
Enfin, je fais la motion expresse, que tous membres des corps administratifs, municipalités et tribunaux qui refuseraient de coopérer al'exé-
cution des lois relatives à la constitution civile du clergé... (Murmures.)
Plusieurs membres : Dites de toutes les lois !
qui refuseraient de concourir à l'exécution des lois, notamment de celle... (Non ! non.')
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1 (Le bruit couvre la voix de Vorateur.)
Lorsque nous nous occupions des émigrés, on nous disait qu'il n'y avait de rassemblé au delà du Rhin que quelques aventuriers sans culottes et sans argent. (Rires.) Aujourd'hui les craintes augmentent, les rapports se multiplient et prennent de la consistance. Les inquiétudes populaires annoncent des attaques très prochaines; le comité nous annoncé des armements, des attroupements. Dans le même moment, le département du HaUt-Rhin nous fait une dénonciation relative à la subornation d'un officier général commandant une de nos places. Ce dernier délit est prévu par le Gode pénal. Nous n'avons rien à prononcer, il faut exécuter la loi. Nous n'avons pas à la vérité de preuves certaines pour porter l'accusation, mais nous avons des indices, et nous serions .coupables si nous les négligions et si nous ne donnions pas suite à cette affaire. Le département nous dénonce un fait, il nous dit qu'il n'a pas de preuves authentiques, mais il ajoute que M. de Wimpffen l'a communiqué à son général. M. Luckner n'a pas dû garder le silence sur un objet de cette importance. 11 a dû en rendre compte au ministre de la guerre et le ministre, comme premier agent du pouvoir exécutif, devait en rendre compte à l'Assemblée nationale, puisque, s'il y a des preuves, c'est vous seuls qui devez porter l'accusation contre les coupables.
Si le ministre a eu connaissance de cet objet, il est coupable lui-même du silence. Si M. Luckner ne lui en a pas rendu compte, c'est lui qui est coupable. Voilà, Messieurs, des séries naturelles ; il faut qu'enfin la responsabilité s'exécute, il faut que nous montrions qu'elle n'est pas une chimère. Ne nous le dissimulons pas, Messieurs, on paralyse le gouvernement ; on veut faire voir que la machine politique ne peut aller pour que le pouvoir du roi soit accru. On veut que nous transgressions la Constitution. Sur ce point, Messieurs, apportons un terme à ce projet. Par conséquent, je me résume et je demande que le directoire du département du Haut-Rhin prenne les informations relatives à la dénonciation qu'il vous a faite et qu'il vous envoie un procès-verbal de la déclaration du général de Wimpffen ; qu'en attendant, M. le ministre de la guerre soit tenu de vous rendrè compte, et séance tenante, des nouvelles qu'il doit avoir reçues sur cette affaire. (Applaudissements.)
Il est temps enfin que l'Assemblée nationale prenne des mesures efficaces pour rompre la chaîne qui unit les rebelles du dedans et ceux du dehors. Voici ce que j'en pense : Vous ne devez pas craindre d'invasion, tant que les prêtres du dedans ne seront pas parvenus à gagner les habitants des départements frontières. Mais prenez-y garde, quand ils seront parvenus à égarer la majorité des citoyens, il ne sera plus nécessaire de suborner les généraux pour s'emparer des places fortes. Vous savez qu'il n'existe plus qu'un petit nombre d'armes dans vos magasins. C'est des arsenaux qui les renferment qu on s'emparera ; et comme vos arsenaux de l'intérieur sont vides, vous serez sans défense. Il est donc
nécessaire que vous proclamiez votre loi sur les prêtres. (Applaudissements dans les tribunes.)
J'appuie la motion de M. Cambon qui tend à demander au ministre de la guerre un compte de ce qu'il aura appris par sa correspondance avec le général Luckner; mais j'ai une observation à vous faire. M. le général de Wimpffen ne peut avoir été sollicité de livrer Neuf-brisach aux princes que de deux manières : ou de vive voix par des envoyés, ou par lettres. Je trouve fort étonnant que dans le premier cas, M. de Wimpffen n'ait pas fait arrêter sur-le-champ l'homme qui lui aurait été envoyé par les princes pour le suborner. Je trouve encore plus étonnant que, dans le second cas, M. de Wimpffen n'ait pas donné au général Luckner, auquel il est subordonné, ou au directoire du département du Haut-Rhin, lesoriginaux des lettres par lesquelles on a tenté de le rendre traître.
Je demande donc par addition que le général de Wimpffen soit tenu de déclarer si c'est par des envoyés qu'on lui a fait cette proposition ou par écrit, et que, dans ce second cas, il soit tenu de remettre lés lettres au directoire du département du Haut-Rhin.
Plusieurs membres : L'ajournement de cette proposition à vendredi lors de la discussion du rapport de M. Koch !
Deux propositions vous sont faites. La première, qui est celle de M. Cambon, doit être adoptée sur-le-champ. Quant à la seconde, comme il est question d'une affaire relative à la sûreté de l'Etat, et que, si l'on avait des preuves, il y aurait véritablement lieu à accusation contre ceux qui ont tenté de suborner M. de Wimpffen, je demande, Messieurs, que pour réfléchir sur cet objet et obtenir un résultat qui soit digne de vous et qui ne compromette point le salut de la patrie, on renvoie au comité.
Un membre : Il est temps enfin de prendre cette attitude imposante qui convient à des hommes libres, de prouver que la souveraineté du peuple français n est pas une chimère. Il est temps enfin de faire mordre la poussière à ces vils conspirateurs (Bah ! bah !) qui veulent percer le sein d'une patrie qui les a comblés d'honneurs et de biens, bln conséquence, je fais la motion, pour le moment qui suivra la discussion du rapport du comité diplomatique, de mettre en question quels sont les grands criminels qui doivent à l'instant être mis en état d'accusation.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je renouvelle ma motion et je prie l'Assemblée de statuer sur les deux points suivants : l'un tendant à ce que le directoire du département du Haut-Rhin soit tenu de prendre toutes espèces de renseignements sur cette affaire, et l'autre, tendant à mander sur-le-champ le ministre pour rendre compte séance tenante.
J'appuie la motion de M. Cambon, mais je demande à y faire une addition. Il est important que le ministre de la guerre vous rende également compte de l'état des négociations qu'il doit avoir faites pour les armes. Il vous a annoncé qu'il n'y avait pas plus de 60,000 fusils dans les arsenaux de France, et je demande à tous les militaires de cette Assemblée, si ce nombre est suffisant pour soutenir une guerre. Il est essentiel aussi qu'il vous rende compte du prix de ses achats. (Murmures.) Je ne m'explique pas davantage; j'ai des pièces en mains pour le confondre
lorsqu'il nous aura rendu ce compte. (,Applaudissements dans les tribunes.)
J'appuie la partie de la motion de M. Cambon, tendant à ce que le département du Haut-Rhin fasse, le plus tôt possible, parvenir à l'Assemblée nationale, le procès-verbal et tous les renseignements qu'il pourra ajouter à l'avis qu'il à donné; mais ce que je trouve de plus instant, c'est que le ministre de la guerre soit, dès ce moment, chargé de recueillir tous les renseignements relatifs à la subornation qui a été tentée vis-à-vis du général de Wimpffen. L'Assemblée nationale recueillera ces indices, et je suis d'avis qu'elle y donne suite, parce que rien n'est plus important. (Applaudissements.)
Je demande la division des propositions qui vous sont faites. Je crois qu'il est indispensable que le ministre soit mande sur-le-champ ; et, sur le reste, je demande l'ajournement à vendredi.
Je suis étonné que les préopinants n'aient remarqué que l'affaire de M. de Wimpffen et ce qui regarde le ministre de la guerre.
J'ai remarqué encore, dans la lettre du directoire du département du Haut-Rhin dont on a donné lecture, deux choses bien importantes : La première est une lettre écrite par le ministre de l'intérieur pour connaître l'intention de ceux qui s'opposent à l'exécution du décret contre les prêtres. Les citoyens de ce pays sans doute sauront exécuter la loi et sauront la faire exécuter ; mais nous devons particulièrement connaître si les intentions du ministre ne sont pas équivoques et si elles n'ont pas un autre but que celui que le ministre a paru leur donner. En conséquence, je demande que le département soit tenu ae vous envoyer cette lettre.
Le second point sur lequel je désire appeler l'attention de l'Assemblée est celui relatif à la lettre écrite par M. Delessart au directoire de département pour lui dire qu'il a bien fait de ne pas suspendre M. Kœchlin. Je vous avoue, Messieurs, qu'il est bien étonnant que M. Delessart ignore qu'un officier municipal, qu'un administrateur qui se refuse à exécuter la loi, est par le fait privé de sa place. C'est l'exécution d'un décret rendu par 1 Assemblée constituante à l'occasion du département de la Lozère. Ce décret porte expressément que tous les fonctionnaires publics qui auront refusé de prêter le serment civique seront déchus de toutes leurs places, de toutes leurs fonctions. Qui est le plus coupable de celui qui refuse de prêter le serment civique, ou de celui qui, après l'avoir prêté, le viole aussi ouvertement que l'administrateur dont il s'agit? C'est sans doute celui qui le , viole après l'avoir prêté.
Je demande en conséquence que dans la motion de M. Cambon on y ajoute la demande de ces deux lettres.
Il paraît, Messieurs, que le directoire du département...
Plusieurs membres : La discussion est fermée !
que le directoire du département du Haut-Rhin a recueilli en conversation seulement la déclaration qui a été faite par le général de Wimpffen. Alors je demande à l'Assemblée nationale de décréter que le général sera invité par le directoire du département à se rendre dans le lieu de ses séances pour y passer une déclaration précise dont sera dressé procès-verbal et dont expédition sera envoyée
au Corps législatif. Cette mesure qui est indispensable ne doit pas, je crois, empêcher d'admettre la proposition qui a été faite de demander dès à présent au ministre de la guerre s'il a quelques connaissances relatives à ce fait, et pour cela, Messieurs, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de mander séance tenante le ministre de la guerre, mais qu'il suffit de lui demander une réponse par écrit. Il faut nous accoutumer à avoir des réponses écrites des ministres. Lorsqu'une fois nous aurons ces réponses, on ne pourra pas avancer qu'ils ont dit telle ou telle chose, parce que leur réponse constatera le Compte qu'ils auront rendu au Corps législatif. (Applaudissements.)
Plusieurs membres: La priorité pour la motion de M. Delacroix!!
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Delacroix et la décrète sauf rédaction.)
propose un amendement qui est rejeté par la question préalable.
jeune. Ce qui vient de se passer montre combien il est nécessaire d'organiser promptement la haute cour nationale où vraisemblablement on aura bien du monde à envoyer. ' Je demande qu'on procède sur-le-champ au 2e tour de scrutin pour l'élection des grands procurateurs de la nation.
Un membre demande que la motion décrétée de M. Delacroix soit précédée du décret d'urgence-
Le décret d'urgence n'est pas nécessaire, parce qu'il ne s'agit que de demander des éclaircissements qui puissent mettre l'Assemblée à même de porter un décret d'accusation.
Plusieurs membres: La question préalable sur l'urgence !
(CAssemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande d'urgence.)
(Suit la teneur du décret rendu sur la motion de M. Delacroix, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal.)
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Immédiatement après la réception du présent décret, M. de Wimpffen, maréchal de camp, sera invité, par le directoire du département du Haut-Rhin, à se rendre dans le lieu de ses séances, pour y passer une déclaration précise des faits relatifs aux propositions de séduction qui lui ont été faites de la part des princes français émigrés, et dont il a entretenu les administrateurs du directoire du département. Il joindra à sa déclaration les lettres et autres pièces de conviction s'il en a reçu; et, dans le cas contraire, il donnera les renseignements; les instructions, même les indices capables de préparer la preuve des faits par lui avancés. Il sera, du tout, dressé par le directoire de département, un procès-verbal, dont une expédition en forme sera adressée au ministre de 1 intérieur, qui la fera parvenir sur-le-champ à l'Assemblée nationale.
« Décrète, en outre, que le ministre de la guerre lui fera passer dans le jour, et par écrit, la connaissance qu'il peut avoir des faits relatifs aux propositions faites à M. de Wimpffen. »
Plusieurs membres demandent la lecture de la lettre écrite par le ministre de l'intérieur au directoire du département du Haut-Rhin, avant de passer à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, décide que cette lettre sera lue.)
La voici :
« Paris, le
« Parmi les tableaux de la situation actuelle du royaume que je mets, Messieurs, sous les yeux au roi, Sa Majesté a paru désirer que je lui en présente un sur l'état au clergé. Comme les lois gui ont eu lieu pour la circonscription des paroisses et le remplacementj sont depuis longtemps en vigueur, les opérations qui en résultent doivent être presque entièrement terminées, et je crois que vous pourrez me donner des éclaircissements précis sur le nombre des paroisses et succursales conservées et des églises supprimées, sur celui des curés constitutionnels, et ae ceux qui n'ont pas été remplacés. Je vous prierais aussi d'y ajouter quelques détails sur ce qu'il existe maintenant de communautés religieuses et sur celles où l'on a usé du bénéfice ae la loi ; mais ce dont il importe particulièrement à Sa Majesté, c'est d'être informée des dispositions des esprits pour tout ce qui est relatif a la constitution civile du clergé et de la faveur ou de l'opposition que trouve dans le royaume le libre exercice du culte.
« Je pense que vous voudrez bien. Messieurs, seconder le désir que j'ai de satisfaire, le plus promptement possible, aux volontés du roi sur cet objet. >
« Signé : Delessart. »
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'Assemblée leve sa séance à trois heures et demie et se sépare dans les bureaux pour procéder au second tour de scrutin pour la nomination des deux grands procurateurs de la nation.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Procès-verbal (1) de la nomination des quatre grands juges de la haute cour nationale.
L'an troisième de la liberté et le 22 novembre 1791, à une heure après-midi, M. le Président de l'Assemblée nationale a annoncé que MM. Duveyrier, secrétaire général du département de la Justice, et Bertholio, substitut du commissaire du roi, près le tribunal de cassation, tous deux commissaires nommés par le roi pour assister au choix des quatre juges du tribunal de cassation,
3ui doivent remplir les fonctions de grands juges
ans la haute cour nationale, demandaient l'entrée de la salle • ils ont été introduits, leurs commissions ont été vérifiées et ils se sont assis sur les sièges où se placent les ministres.
Un huissier a apporté sur le bureau une boîte de carton, percée au-dessus et disposée en forme de tronc.
Un secrétaire a observé que l'Assemblée n'ayant pas les noms des 42 juges qui doivent former le tribunal de cassation, on allait mettre les noms des 42 départements qui ont fourni chacun un juge pour ledit tribunal de cassation et que les juges des 4 départements, que le sort ferait sortir de la boîte, feraient proclamés grands juges de la haute cour nationale.
Il a été préalablement décidé et convenu que si le sort appelait à la place de grand juge, un juge du tribunal de cassation, qui se trouvât membre de l'Assemblée nationale, il serait remplacé dans ses fonctions de grand iuge, par son suppléant, à la place de juge du tribunal de cassation.
Il a été déposé dans la boîte, par un secrétaire 42 billets, dont chacun contenait le nom d'un des 42 départements, désignés par la loi, savoir:
1° Des Deux-Sèvres;
2° Du Lot;
3° Du Cantal;
4° De la Gironde;
5° D'Eure-et-Loire ;
6° De l'Aude;
7° Du Finistère;
8° Du Doubs;
9° De l'Eure;
10° Des Ardennes;
11° Du Gard;
12° De' Saône-et-Loire ;
13° De la Creuse;
14° De l'Aisne ;
15° Des Bouches-du-Rhône ;
16° De la Vienne;
17° Du Bas-Rhin;
18° De Seine-et-Marne;
19° De la Seine-Inférieure;
20° De l'Isère ;
21° De l'Aveyron;
22° Du Morbihan;
23° De l'Oise;
24° De la Côte-d'Or;
25° De l'Aube;
26° Du Calvados;
27° Du Pas-de-Calais;
28° De la Dordogne;
29° Des Hautes-Pvrénées ;
30° De Seine-et-Oise;
31° Des Hautes-Alpes ;
32° De l'Ain;
33° De la Meurthe;
34° De la Meuse ;
35° Des Basses-Alpes ;
36° De la Drôme;
37° De Rhône-et-Loire;
38° De la Manche :
39° De l'Allier;
40° De la Moselle ;
41° De la Haute-Saône;
42° De la Marne.
On a vérifié le nombre des billets qui ont été ensuite remués à plusieurs reprises dans cette boîte ; après quoi un des Secrétaires a tiré, par l'ouverture du dessus de la boîte, quatre billets qui portaient : le premier, le département de la Vienne ; le second, le département de la Meuse ; le troisième, le département de l'Aude ; le quatrième, le département de la Manche.
En conséquence, M. le Président a proclamé pour grands juges de la haute cour nationale :
MM.
Greuzé de la Touche, pour le département de la Vienne,
Marquis, pour le département de la Meuse,
Albaret, pour celui de l'Aude,
Caillemer, pour celui de la Manche.
S igné : Viénot, Président ; Max. Isnard, Torné, Lemontey, Guadet, Lacretelle, G. Gouthon, Secrétaires.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
A l'ouverture de la séance une discussion s'engage pour savoir si l'on rendra à un citoyen le capital d'une créance sur l'Etat. Ce citoyen prétend qu'il n'a entendu faire un don patriotique que des intérêts.
Un membre : Il est ridicule de s'occuper si longtemps d'un semblable objet; il ne faut retenir pour la patrie que ce qui lui est offert de bonne grâce, et non pas discuter sur l'intention du donateur.
, au nom du comité de division, propose un projet de décret relatif à Vemplacement de la paroisse Notre-Dame de la ville de Nantes et ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par son comité de division :
« 1° De la pétition des habitants de la paroisse Notre-Dame de la ville de Nantes, tendant à faire rapporter le décret rendu par l'Assemblée nationale constituante le 11 septembre dernier, sur l'emplacement à donner à leur église ;
« 2° De la teneur de ce décret qui prouve l'omission d'une formalité préparatoire essentielle, l'avis du directoire du département ;
« 3° De la lettre du ministre de l'intérieur, du 23 octobre 1791, qui, en exécution de la loi du 11 septembre, enjoint au directoire du département de la Loire-Inférieure de faire exécuter les plans et devis nécessaires pour la construction ae la nouvelle église dans l'emplacement désigné;
« 4° Et enfin de l'arrêté du directoire du département du 28 octobre dernier, par lequel, en témoignant sa surprise de ce que le decret ait été rendu sans son avis, ordonne l'exécution de ce décret \
« Ajourne la question relative au rapport du décret du 11 septembre dernier, jusqu au moment où le ministre aura rapporté l'avis du département de la Loire-Inférieure. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
, le jeune, au nom du comité militaire, a la parole pour faire un rapport relatif à la dénonciation faite par un membre de l'Assemblée nationale (1) de la non-exécu-tion de la loi d'amnistie du 14 septembre 1791 envers 4 soldats du 58e régiment d'infanterie, détenus à Blois ; il s'exprime ainsi (2) :
Messieurs, l'Assemblée nationale, par son décret du 19 octobre, a renvoyé au comité militaire une dénonciation faite par un de ses membres, de l'inexécution de la loi sur l'amnistie, décrétée le 14 septembre par l'Assemblée constituante, et relative à 4 soldats du 58° régiment d'infanterie, détenus à Blois.
Votre comité militaire n'a pas cru pouvoir se dispenser, Messieurs, de faire précéder son
rap-
Il en résulte que, depuis très longtemps, il régnait entre les officiers et les soldats du 2e bataillon du 58e régiment d'infanterie, une défiance et une aigreur réciproques, qui ne se sont manifestées que trop souvent en différentes occasions.
La loi d'amnistie du 14 septembre avait été rendue dans l'espérance d'un rapprochement fraternel entre des citoyens que l'intérêt et l'opinion n'avaient que trop longtemps séparés ; c'était principalement dans les troupes qu'on devait en attendre les plus heureux effets. L'armée était divisée en deux partis bien caractérisés, qui ne prenaient pas même le soin de déguiser leurs espérances, ni leurs projets. La très grande partie, la classe entière des sous-officiers et des soldats, à l'exception de quelques hommes trop vils pour être comptés parmi les défenseurs de la patrie, étaient sincèrement attachés à la Constitution, et décidés à mourir pour la défendre.
L'autre, celle des officiers, a la réserve d'un très petit nombre d'entre eux, qui avaient eu le courage d'abandonner leur titre d'esclavage, pour s'élever à la qualité de citoyens, ne respiraient que vengeance ; les plus modérés d'entre eux consentaient à oublier les efforts que les Français avaient faits pour recouvrer leurs droits,
Sourvu qu'ils reprissent leurs chaînes et leur
ohnassent les moyens de punir, d'une manière exemplaire, les hommes hardis qui avaient essayé ae les briser.
Les soldats armés pour la liberté donnaient à la nation une force pnysique immense, eu égard à celle de ses ennemis; mais la force morale était tout entière entre les mains de ceux-ci; l'obéissance passive était commandée aux premiers, les seconds seuls avaient le droit de la faire mouvoir.
Il serait difficile, Messieurs, de se faire une idée précise des désordres qui devaient naturellement résulter d'une pareille situation, si l'on n'avait continuellement sous les yeux, les prodiges de tout genre, qui ont amené, commencé et achevé la Révolution.
En effet, si la force militaire permanente est un établissement contre nature chez un peuple jaloux de sa liberté, si elle ne doit être adoptée que lorsqu'elle se trouve nécessitée par les circonstances les plus impérieuses, si son organisation doit y être maniée d'après la forme au gouvernement et avec une profonde connaissance du cœur humain, que n'avions-nous donc pas à redouter lorsque cette force imposante se trouvait confiée tout entière entre les mains d'une caste privilégiée, s'y trouvait confiée dans le moment même où les Français se servaient de leurs fers pous briser le joug sous lequel cette caste les tenait asservis, eux et leur roi depuis des siècles?
La force armée, sans doute, doit être essentiellement obéissante ; mais cette condition nécessaire, sans laquelle elle ne pourrait subsister, en exige une autre, c'est qu'elle soit composée par des hommes qui aient, entre eux, une confiance méritée et réciproque ; c'est à vous à juger, Messieurs, si depuis le commencement de la Révolution, jusqu'à présent, cette première condition essentielle a été remplie.
Ces réflexions ne vous paraîtront point étrangères à l'affaire que vous avez renvoyée à votre comité militaire, lorsqu'elles seules peuvent vous
faire envisager la nature du crime et le caractère de la punition de la plupart des soldats de l'armée depuis la Révolution.
Votre comité ne craint pas d'assurer que plusieurs d'entre eux ont été la victime de leur dévouement à la chose publique, et que beaucoup de ceux qui les ont ainsi immolés au nom de la loi en étaient les plus sanglants ennemis; ce n'est pas, Messieurs, et il s'en faut, xjue tous les soldats qui ont été punis depuis le commencement de la Révolution fussent innocents ; mais il est vrai que la vengeance des chefs est presque toujours tombée sur les plus zélés défenseurs de la Constitution.
Le comité militaire évitera d'appliquer particulièrement ces observations à l'affaire des 4 soldats du 58e régiment d'infanterie emprisonnés à Blois ; il ne rappellera pas à l'Assemblée nationale, que la principale cause de leur détention était d'avoir ouvert les yeux sur la conduite de quelques-uns de leurs officièrs, qui, après avoir refusé de prêter le serment ordonné, étaient venus tranquillement reprendre des places dont la loi les avait dépossédés.
L'amnistie a jeté un voile épais sur ce dédale de faits, et de tant d'autres semblables, que votre comité n'essayera point de soulever.
Il suffit de savoir qu'à l'époque de l'amnistie, au 14 septembre dernier, 4 soldats du 58* régiment d'infanterie étaient détenus dans les prisons de Blois et devaient en être élargis en vertu de la loi ; rien ne pouvait, rien ne devait s'y opposer. Le désir que le roi avait manifesté de voir rendre cette loi salutaire, qui devait être un signal de paix et de fraternitér entre tous les Français, annonçait que son exécution ne souffrirait pas le plus léger retard ; cependant, 3 des 4 soldats du 58» régiment d'infanterie détenus à Blois y gémissaient encore le 22 octobre, et le quatrième n'en était sorti que le 14 du même mois.
Le ministre de la guerre avait adressé le 29 septembre la loi d'amnistie à tous les commandants de division, et commissaires ordonnateurs des guerres; il y avait joint l'ordre précis de la faire exécuter sur-le-champ, en suivant les précautions indiquées dans sa lettre-circulaire, datée du même jour, écrite aux colonels de la gendarmerie nationale ; les précautions consistaient :
1° à faire remettre aux soldats détenus, sur accusation de désertion, un certificat qui constatât qu'ils avaient joui de l'amnistie, et qui leur servît à recevoir en route 3 sous par lieu pour leur subsistance ;
2° A ne faire sortir des prisons « où il y aurait beaucoup de militaires réunis, que deux ou trois d'entre eux ensemble, en ayant soin de remettre l'élargissement des autres, aux jours suivants, observant encore de donner la préférence à ceux qui auraient été arrêtés les premiers. »
Si ces ordres eussent été ponctuellement exécutés, les prisonniers auraient pu profiter du bénéfice de la loi dans les premiers jours du mois d'octobre, et rentrer dans leur régiment, comme ils en avaient l'espoir ; mais ce ne fut que le 14 de ce mois que le premier des quatre soldats détenus à Blois, le sieur Orosmane, fut élargi ; il reçut en même temps ordre de sortir de la ville, avec une route, pour se retirer à Avignon, lieu de sa naissance, tandis que son régiment était à Toul ; on ne lui fit aucun décompte, on ne lui délivra aucun congé, malgré ses réclamations, on lui expédia seulement un
certificat d'amnistie, dont la formule avait été envoyée par le ministre pour les soldats accusés de désertion seulement, et auquel on se contenta d'effacer le mot « désertion » pour y substituer ceux de « faute d'insubordination ». Tel fut le certificat qui fut délivré au sieur Orosmane après 21 ans de service, et après une amnistie qui devait tout remettre aans le premier état.
Ses trois camarades restèrent encore en prison, et le dernier d'entre eux n'en est sorti que le 24 ; il leur a été délivré à tous trois des certificats pareils au premier, contenant des routes différentes de celle de leur régiment.
Tel est exactement l'état de l'affaire qui vous a été dénoncée le 18 de ce mois par un des membres de cette Assemblée.
Votre comité militaire a pensé que cette dénonciation portait nécessairement sur trois chefs : le premier, sur le retard dans l'exécution de la loi de l'amnistie du 14 septembre; le deuxième, sur l'ordre arbitraire donné le 14 octobre au sieur Orosmane de sortir de la ville de Blois ; le troisième, sur lé renvoi illégal de ces quatre soldats, qui avaient droit de rentrer dans leur régiment, renvoi effectué par la nature même des certificats qu'on leur a délivrés, sans qu'il leur ait été donné de congé, ni sans qu'on ait fait droit sur leurs réclamations pécuniaires.
Le premier chef est évidemment prouvé, puisque l'ordre donné le 29 septembre, par le ministre de la guerre, n'a été mis définitivement en exécution que le 24 octobre, après des plaintes réitérées, portées à l'Assemblée nationale; l'amnistie n'était point conditionnelle, elle ne souffrait point d'interprétation ultérieure; l'officier de la gendarmerie est donc coupable de ne l'avoir pas mise à exécution, comme il en avait reçu l'ordre du ministre.
Quant au second chef, il paraît certain, par l'aveu même de cet officier, qui dit que le sieur Orosmane « refusait de partir et paraissait vouloir faire la loi », qu'il l'a au moins invité d'une manière très pressante de sortir de la ville^cle Blois ; à l'appui de cet aveu existe la déclaration d'un particulier, qui dit avoir entendu cet officier ordonner le départ du sieur Orosmane; mais cette déclaration n est point revêtue de formes qui puissent la faire admettre comme une pièce authentique ; et d'ailleurs il est très essentiel de remarquer qu'il n'y a aucune preuve quelconque de voie de fait. Votre comité pense donc qu'il ne peut y avoir lieu à accusation sur ce second chef.
Le troisième, qui est le renvoi illégal des quatre soldats, est appuyé sur un fait constant: la délivrance des certificats portant route pour différents lieux, autres que celui de leur régiment, sans mention de congé ni décompte; mais il n'a pas encore été possible au comité de connaître les motifs précis de ce renvoi ; il ne peut donc assurer qu il soit réellement illégal, ni que les sommes réclamées par les soldats ne leur seront pas remises.
Le seul délit prouvé, quant à présent, est la suspension de la loi d'amnistie faite par l'officier de la gendarmerie de Blois; votre comité militaire a pensé, après les plus mûres réflexions, que le délit de cet officier pouvait être envisagé d'après les éclaircissements qu'il a cru devoir demander à ses chefs et ceux-ci au ministre de la guerre, comme le résultat de son incertitude sur le mode d'application de la loi d'amnistie, et ne pouvait l'être sans injustice, ou au moins sans une extrême rigueur comme un ordre arbitraire
d'emprisonnement, punissable de peines capitales.
Votre comité a donc regardé ce délit comme très grave et devant être sévèrement réprimé, mais seulement par des peines correctionnelles ou de discipline militaire.
C'est ici, Messieurs, que le comité a été arrêté, lorsqu'en conséquence de cette opinion, il a essayé de vous présenter un projet de décret. Le défaut de lois positives applicables, par les tribunaux à ce genre de délits très fréquents, n'a fait que redoubler son embarras ; il s'est bientôt aperçu qu'à la décision de cette question particulière tenait essentiellement celle si importante de la responsabilité des agents du pouvoir exécutif.
Il a senti l'insuffisance de cette loi de responsabilité telle qu'elle a été décrétée par l'Assemblée constituante, en ce qu'elle n'a laissé aucun intervalle, aucun milieu quelconque entre le décret d'accusation auprès de la haute cour nationale, et le renvoi pur et simple de toute accusation ; votre comité militaire s'est convaincu du besoin qu'avait d'être perfectionnée ou plutôt achevée cette loi salutaire, pour qu'elle ne fût pas presque toujours inutile.
En effet, ne serait-il pas aussi absurde de décréter qu'un ministre sera mis en état d'accusation, parce .qu'un soldat, par exemple, aura été mis à la salle de discipline injustement par ses chefs, sans que ceux-ci aient été punis, que de soutenir qu'il doit y avoir lieu à un renvoi pur et simple, lorsqu'il sera prouvé qu'il a apporté de la faiblesse ou de la négligence à punir, par les moyens que la loi lui a.confiés, ceux qui s en seraient écartés.
Faute de lois de détail suffisantes à cet égard, celle de la responsabilité des ministres demeurera toujours illusoire.
L'Assemblée nationale constituante, en consacrant le principe, n'a pu s'empêcher d'apercevoir qu'il fallait des moyens prompts et faciles d'en assurer les effets ; le principe seul devait entrer dans l'Acte constitutionnel : c'est à vous, Messieurs, qu'il est réservé de compléter les lois réglementaires qui doivent en assurer l'exécution. Celles sur la responsabilité des ministres dans les circonstances actuelles, où une surveillance éclairée et continue est nécessaire, sont celles qui ont paru les plus urgentes à votre comité militaire, et dont il a pensé que l'Assemblée nationale ne pouvait s'occuper trop promp-tement.
Rien, en effet, n'est plus capable de porter le découragement dans l'ame des bons citoyens, et le désordre dans l'Assemblée nationale, que de n'avoir aucun mode facile et certain de s'assurer que les lois faites sont ponctuellement exécutées, ou que ceux qui en entravent l'exécution seront sévèrement punis.
Les dénonciations et les plaintes journalières qui sont portées à l'Assemblée nationale contre les agents du pouvoir exécutif, et notamment contre le ministre de la guerre, sollicitent une loi précise et claire à cet égard; une loi qui, en réglant le mode de correspondance de l'Assem-blee nationale avec les ministres, lorsqu'elle désire des éclaircissements, puisse, en conservant toute sa dignité, éviter d'avilir le pouvoir exécutif dans ses principaux agents et les obliger de lui fournir tous les renseignements dont elle peut avoir besoin.
Votre comité militaire a pensé, Messieurs, que le seul moyen, pour y parvenir, était de rendre
les ministres personnellement et seuls responsables envers l'Assemblée nationale, chacun dans leur département respectif, sans qu'ils pussent jamais s'excuser sur les agents inférieurs, à moins qu'en justifiant au Corps législatif des punitions qu'ils leur auraient infligées ou des poursuites qu'ils auraient exercées contre eux en raison de leurs délits.
Il est aisé de sentir que pour assurer l'efficacité d'une pareille loi, il est nécessaire de bien graduer les peines qu'encourront les agents inférieurs de l'autorité pour tous les genres de délits, dont ils pourraient se rendre coupables.
Le Code pénal manque à cet égard de plusieurs lois essentielles, qui ne peuvent être que l'effet du temps et de l'expérience ; quant aux ministres, c'est dans la nature même et dans l'importance de leurs fonctions, que votre comité a pensé qu'il fallait chercher la peine à leur infliger pour tous les délits qui seraient jugés, par le Corps législatif, ne pas devoir donner lieu à accusation contre eux devant la haute cour nationale.
Votre comité n'a pas vu, dans ce cas, de meilleurs moyens, de moyens plus convenables à la dignité nationale, plus assortis aux fonctions importantes dont les ministres sont chargés par le chef suprême du pouvoir exécutif, que de décréter que, dans ces cas, il sera envoyé un message au roi pour lui déclarer qué tel délit a été commis dans le département de tel ministre, et que ce délit est resté impuni. La formule de la déclaration du roi devrait changer, suivant que l'Assemblée nationale jugerait le délit plus ou moins grave; elle pourrait même mander le ministre prévenu, et après lui avoir demandé des explications par l'organe de son président, décréter, s'il y a lieu, soit un message au roi, soit l'état d'accusation.
Votre comité militaire a pensé que cette forme imposante de mander les ministres ne devait être employée qu'avec une extrême circonspection et dans les cas seulement où l'Assemblée nationale aurait des sujets très gravés de plaintes contre eux, mais surtout jamais sans ajourner à une autre séance la proposition qui en serait faite, ni sans entendre le rapport du comité auquel l'examen de l'affaire, qu'aurait provoqué cette proposition, serait renvoyé.
Votre comité militaire a pensé que les éclaircissements à demander aux ministres dans toutes les circonstances devait toujours l'être par écrit, comme le seul moyen d'en avoir de certains, et surtout d'éviter une perte de temps si précieux à l'Assemblée.
Il a pensé aussi, Messieurs, que toutes les fois qu'un ministre rend un compte susceptible d'être examiné, il doit être imprimé, renvoyé à un cor mité pour en faire son rapport, et être débattu à jour fixe, pour être dressé, s'il y a lieu, un mémoire en demande.
Votre comité pense que les moyens qu'il vient de vous développer, sont les seuls qui puissent assurer la parfaite exécution des lois, la responsabilité des ministres, et l'emploi légal et prompt de toutes les forces de la nation confiées entre leurs mains.
D'après ce développement que votre comité militaire a cru nécessaire pour motiver son opinion, il a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, sur la dénonciation d'un de ses membres, relative à une déten-
tion arbitraire de quatre soldats du 58e régiment d'infanterie, emprisonnés à Blois ;
« Déclare qu'il a été commis une infraction aux droits de l'homme et du citoyen, qui doit être réprimée ; que, dans aucun cas, le pouvoir exécutif ne peut se permettre de suspendre, interpréter, ou modifier la loi, même sous des prétextes de prudence ; et cependant, présumant bien des intentions du ministre de la guerre, pour la mesure qu'il a indiquée dans sa lettre aux colonels de la gendarmerie nationale, en date du 29 septembre, relative à la loi d'amnistie ; décrète u'il n'y a lieu à accusation contre lui ; décrète e plus que le pouvoir exécutif rendra compte sous quinze jours, à l'Assemblée nationale, des peines de discipline militaire, qui auront été infligées aux auteurs de la détention prolongée, dans les prisons de Blois, des 4 soldats du 58e régiment d'infanterie, et des mesures qu'il aura prises pour faire droit à leurs réclamations.
« Décrète, en outre, qu'une copie du rapport du comité militaire, en date de ce jour, 22 novembre, sur l'affaire de Blois, sera remise au comité de législation, qui sera tenu de présenter le plus tôt possible un projet de loi, propre à déterminer et assurer la responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir exécutif, et notamment une loi pénale contre tous ceux qui se permettraient de suspendre, modifier ou interpréter la loi. »
Je suis très éloigné de croire que le ministre de la guerre soit en rien inculpable dans cette affaire, et je suis parfaitement de l'avis du comité, lorsqu'il dit qu'il n'y a pas lieu à accusation contre lui, pour fait de la détention pendant un mois, des quatre soldats ; mais dois-je en même temps croire que le ministre de la guerre a pu donner ordre de faire éloigner les quatre soldats de leur régiment sans leur donner un décompte? Sans doutet Messieurs, l'exil de la ville de Blois peut fort bien n'avoir pas paru à votre comité militaire assez constaté pour exercer l'accusation de crime national, comme j'ose appeler crime national tout attentat contre la liberté individuelle, puisque cette liberté est garantie par la Constitution ; mais supposons, pour un moment, que le comité militaire n'ait pas eu assez de preuves pour constater ce fait, n'en a-t-il pas eu pour constater, je ne dis pas un congé, mais un ordre, pour Orosmane, de ne pas aller à Tours, mais a Avignon, qui, à cette époque, n'était pas réuni à l'Empire français, à Avignon qui, par conséquent, était un pays étranger, à Avignon, qui était une terre du pape, où il faudrait exiler tous les prêtres perturbateurs du repos public. (Rires.)
En un mot, Messieurs, le comité militaire est convenu avec moi qu'il a vu la pièce originale d'un ordre, où le mot désertion seulement était effacé; est-ce pour les soldats, ou n'est-ce pas plutôt pour les officiers que cette loi a été modifiée? Or, je dis que lorsque la loi a prononcé que ceux qui profiteraient de l'amnistie n'avaient pas droit aux places qu'ils occupaient ci-devant, cette loi, dis-je, doit s'appliquer aux officiers, et non point à des soldats dont le patriotisme est exactement le seul crime.
Je le demande à tous les membres de l'Assemblée, à leur conscience, un soldat doit-il être
S lus soumis à la loi que son officier? Eh bien! Messieurs, le colonel avait prêté son serment avec restriction ; ce serment a été porté au comité militaire de l'Assemblée constituante qui le déclara nul. M. deBeauharnais, M. Alexandre de La-
meth et M. de Menou constatèrent cette nullité.
Il faut encore que je relève un mensonge du ministre qui vous dit, dans une lettre qu'il vous a écrite, que ces soldats ne sont pas sortis ensemble et qu'on n'a pas permis à Orosmane de rester dans Blois, parce qu'ils étaient les auteurs d'une insurrection arrivée dans le deuxième bataillon du cinquante-huitième régiment : cela est consigné dans ses lettres : Eh bien ! je dis que c'est une erreur et je le démontre : d où vient cette insurrection prétendue du second bataillon? De ce que les 4 soldats étaient depuis 7 à 8 jours détenus dans les cachots. Ce ne sont donc pas eux qui ont fait soulever le régiment, puisqu ils étaient retenus dans les cachots à l'époque de cette insubordination, dont se plaint le ministre de la guerre : mais encore une fois, qu'est-ce que c'est que cette insubordination?
Plusieurs membres : Au fait! au fait! Abrégez !
Je défends ici les victimes du despotisme.
Si je les avais défendus devant un ci-devant parlement, on m'aurait permis d'être même prolixe ; et je suis étonné que vous, qui êtes les dieux tutélaires de la Constitution, refusiez de m'en-tendre. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je soutiens qu'il y a lieu à accusation contre ceux qui ont donné l'ordre arbitraire ; de plus il a été dénoncé au comité militaire, que ces soldats avaient été chassés de leur régiment, sans qu'on leur donnât leur décompte, et il leur revenait à chacun environ 40 à 50 livres.
Le comité militaire a raison de dire que cette pétition ne nous regarde pas, qu'il faut s'adresser aux agents du pouvoir exécutif; mais puisque le ministre garde4e silence, il faut au moins, et j'y conclus, que le comité militaire enseigne à ces soldats les moyens de constater le refus du ministre, et quand il sera constaté, ils viendront à l'Assemblée nationale pour demander justice.
Je demande donc, en me résumant :
1* Que sur la lettre du ministre, qui convient que l'ordre d'exil a été donné à Orosmane, vous déclariez qu'il y a lieu à accusation contre ceux qui l'ont donne ;
2° Je demande que ceux qui ont donné un congé dans un moment où la France a besoin d'hommes tels que ceux-là, soient obligés d'en déclarer les motifs, et en troisième lieu que si l'on ne veut pas forcer le ministre à donner le décompte demandé, on donne au moins à ces soldats les moyeus de faire constater ce refus.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux jvoix ! Le décret!
jeune, rapporteur. Je demande à relever des faits qui ne sont pas exacts.
Plusieurs membres : Bah! bah! Ce n'est pas appuyé!
jeune, rapporteur. Je crois inutile de faire observer à l'Assemblée que M. Chabot a presque toujours été hors de la question. Il ne s'agissait pas desavoir pour quelles causes les soldats de la Rouergue avaient été mis en prison, mais pourquoi ils n en étaient point sortis en vertu du décret de l'amnistie. Le comité militaire a fait voir à l'Assemblée qu'il y avait eu nécessairement un abus d'autorité de la part de l'officier de la gendarmerie nationale qui avait reçu l'ordre du ministre que voici : il avait été donné ordre au sieur Orosmane de sortir de la ville de Blois. Si l'Assemblée veut en entendre la lecture?...
Plusieurs membres : L'ajournement!
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement.)
D'après le décret d'ajournement, l'impression du rapport et du projet de décret est de droit. (Oui! oui!)
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret du comité militaire.)
Je demande l'impression et Fa-journement des articles additionnels que j'ai proposés.
(L'Assemblée n'a point délibéré sur cette motion et M. Chabot a repris ses articles.)
Un membre : J'observe que M. Baudoin imprime aussi des opinions et des rapports dont l'Assemblée n'a pas ordonné l'impression ; par ce moyen, il pourra en coûter beaucoup d'argent à la nation.
jeune. En qualité de commissaire de l'Imprimerie j'observe une fois pour toutes à l'Assemblée nationale que M. Baudoin n'imprime aux frais de la nation, que ce dont l'Assemblée ordonne l'impression. Pour le reste des imprimés qui se distribuent. M. Baudoin ou les auteurs en font don aux membres de l'Assemblée. -
tJn de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de la municipalité de Caen, accompagnée de différentes pièces relatives aux troubles de cette ville et aux particuliers détenus dans le château. Elle promet d'envoyer incessamment des nouvelles.
(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces au comité de législation.)
Messieurs, voici le résultat du scrutin pour la nomination des deux grands procurateurs de la nation. Le nombre des votants était de 400 : MM. Garran-de-Coulon et Pellicot ont obtenu le plus de voix, mais il n'y a pas eu de majorité absolue. Il faudra donc procéder à un nouveau tour de scrutin.
, au nom du comité militaire, a la parole pour faire un rapport sur la manière dont les officiers et sous-officiers, tant des troupes de ligne que de la maréchaussée, prendront rang entre eux dans la formation de la gendarmerie nationale; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, l'Assemblée nationale constituante s'est occupée dans les séances des 22,23 et 24 décembre 1790, et 16 janvier suivant, de l'organisation de la gendarmerie nationale. Elle a fixé la formation et la composition première de ce nouveau corps. Les emplois de colonels et lieutenants-colonels ont été exclusivement réservés à des personnes attachées à la ci-devant maréchaussée. Ceux de capitaines, de lieutenants et sous-officiers, ont été accordés en partie aux officiers de ce corps supprimé, et le surplus a été conservé à des citoyens ayant servi dans la ligne.
Le mode d'avancement pour l'avenir est fixé par les articles 10 et 11 du titre II de cette loi, le premier est conçu dans ces termes : « les lieutenants parviendront à tour d'ancienneté au grade de capitaine. » L'autre porte que « les capitaines parviendront à tour d'ancienneté au grade de lieutenants-colonels. »
Ces deux articles, rédigés avec autant de clarté que de précision, ont besoin d'être
expliqués : car ils n'indiquent point de quelle manière les officiers et les sous-officiers
doivent actuellement prendre rang entre eux, afin de parvenir ensuite aux emplois supérieurs.
Le silence de ces deux articles a déjà donné lieu à des réclamations.
Les articles 10 et 11, en ordonnant que l'avancement aurait lieu à tour d'ancienneté, n'expliquent point si c'est par l'ancienneté de service simplement, ou par 1 ancienneté de service dans les différents grades respectifs, que les officiers et sous-officiers doivent, en se formant, prendre rang entre eux.
Vous avez reconnu, Messieurs, la nécessité de l'interprétation qui vous est demandée, pour prévenir des difficultés qui pourraient s'élever entre les officiers d'un corps de nouvelle formation, et vous avez renvoyé la pétition à votre comité militaire pour vous en faire son rapport. Il est d'avis qu'il ne doit y avoir aucune différence entre le service de la ligne et celui dans la ci-devant maréchaussée : il pense que pour parvenir aux grades supérieurs, a tour d'ancienneté, il faut être le plus ancien dans le grade immédiatement inférieur, et que l'officier qui remplit cette condition, n'importe dans quel corps il ait servi, doit être préféré à l'officier d'un grade inférieur au sien, encore qu'il soit plus ancien dans le service. Par exemple, le grade de lieutenant-colonel doit être donné au plus ancien capitaine par la date de son brevet, soit qu'il ait servi dans la ligne, soit qu'il ait servi dans la ci-devant maréchaussée, exclusivement à tous les lieutenants, quoique plus anciens de service dans ce dernier grade inférieur au premier. Votre comité fonde son opinion sur ce que, pour parvenir à un grade supérieur, il faut avoir acquis les connaissances nécessaires et l'expérience qu'il exige pour en bien remplir les devoirs; et que d'ailleurs l'avancement d'un grade à l'autre ne doit rouler qu'entre ceux du grade immédiatement inférieur. Votre comité vous propose donc de décréter ce qui suit :
Projet de décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, voulant fixer avec précision la manière dont les officiers et sous-officiers tant des troupes de ligne que de la ci-devant maréchaussée qui sont entrés dans la gendarmerie nationale, doivent prendre rang entre eux pour parvenir ensuite, suivant leur ancienneté de service, aux grades supérieurs ; désirant prévenir les contestations qui pourraient s'élever à l'occasion des avancements, terminer les réclamations déjà faites à cet égard, accélérer l'organisation de la gendarmerie nationale, et mettre en pleine activité cette partie précieuse de la force armée si nécessaire au maintien du bon ordre et de la tranquillité publique, décrète qu'il y a urgence.
Décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il y a urgence, ouï le rapport de son comité militaire sur l'interprétation qui lui a été demandée des articles 10 et 11 du titre II de la toi concernant l'organisation de la gendarmerie nationale, des 22, 23, 24 décembre 1790, et 16 janvier 1794, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Dans la formation de la gendarmerie nationale, les
officiers et sous-officiers ayant servi, dans les troupes de ligne, cpie la ci-devant
maréchaussée, prendront rang entre eux, dans leurs grades respectifs, de la manière suivante.
« Art. 2. Les capitaines prendront rang entre eux à raison de l'ancienneté de la date de leur commission ; et ceux qui n'étaient pas capitaines avant la formation de ladite gendarmerie, prendront rang dans leurs grades respectifs, en raison de l'ancienneté de leurs lettres, brevets ou rang de lieutenant ou sous-lieutenant qu'ils avaient.
« Art. 3. Les lieutenants prendront rang entre eux à raison de leur ancienneté dans ledit grade de lieutenant, s'ils en étaient déjà pourvus dans leurs corps respectifs, soit par lettres ou brevets, soit par le simple rang attribué à l'emploi qu'ils occupaient : s ils n'étaient pas lieutenants, ou n'en avaient pas le rang avant la formation de la gendarmerie nationale, ils prendront rang, seulement à raison de leur ancienneté, dans le grade antérieur de sous-lieutenant ou de sous-officier.
« Art. 4. A égalité de rangs et de dates, l'ancienneté dans les grades antérieurs déterminera le rang.
« Art. 5. Dans quelque grade que soit employé un officier pourvu d'un brevet, commission, lettres ou rang d'un grade supérieur à celui où il se trouve, (faprès la formation, il ne pourra, à raison de ce, titre, prétendre qu'à prendre rang parmi les officiers au même grade dans lequel U se trouve employé ; et lorsqu'il parviendra dans le même corps de la gendarmerie nationale à un nouveau grade il ne pourra s'y prévaloir desdites lettres, brevets ou commission. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à la séance de samedi soir.)
Messieurs, les plus petites choses, faite avec méthode, produisent souvent les meilleurs résultats. En conséquence, je demande que les projets de décret indiquent toujours la date de l'ajournement.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une vètition du sieur Thomas Eccleston, qui demande la permission de faire sortir du royaume des chevaux qu'il a achetés pour perpétuer en Angleterre une race sur laquelle il fait un commerce.
. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce pour en faire son rapport sans délai.)
jeune, au nom du comité militaire, fait un rapport sur les gardes nationales volontaires ;il s'exprime ainsi: Lorsque nos neveux reconnaissants s'entretiendront des sacrifices faits à la liberté, ils vanteront le génie et l'héroïsme de nos premiers représentants ; mais, s'ils sont justes, nos volontaires nationaux auront la plus grande part à leurs éloges. Ils verront que les sacrifices qu'ils ont faits, et ceux qu'ils font chaque jour, surpassent infiniment ceux de tous les Français. En effet, voler à la mort, lorsque la patrie ou le devoir le commandent ce n est, parmi nous, qu'un acte commun ; mais s'éloigner de tous les objets qui rendent la vie agréable, aller vivre dans les climats les plus durs, au milieu d'étrangers et d'inconnus, dans un dénûment presque total de toutes commodités de la vie, et sous les
lois d'une discipline sévère, ce sont là des sacrifices d'autant plus grands, qu'ils ne paraissent pas éclairés par les rayons d'une gloire brillante. Pénétré de la vérité de ces sentiments, votre comité militaire vous aurait proposé d'ae-r corder aux gardes nationales volontaires tous les objets de leur£ demandes, et de leur confier le soin de régler eux-mêmes les détails sur lesquels le corps constituant n'a point statué, s'il n'avait vu que, même pour l'intérêt de l'Etat qu'ils doivent défendre, tous les gardes nationaux doivent être soumis à une règle commune, s'il n'avait remarqué qu'une sévère économie vous était étroitement prescrite, parce que la nation est accablée sous le poids des contributions qu'elle s'est loyalement imposées pour réparer les dilapidations de ses anciens administrateurs. En conséquence, votre comité militaire a l'honneur de vous présenter le projet de décret suivant (1) :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les bataillons de gardes nationales volontaires
seront payés de leur solde, depuis et y compris le jour fixe pour les rassemblements, jusques
et y compris le jour de leur licenciement.
« Il sera accordé de plus à chaque garde volontaire national trois sols par lieue, pour se rendre de son domicile à l'endroit du rassemblement, et de l'endroit du licenciement à son domicile.
« Art. 2. A mesuré que les gardes nationales volontaires arriveront dans le lieu désigné pour le rassemblement de leur bataillon, ils se présenteront au commissaire du directoire du département chargé du soin de ce rassemblement ; Celui-ci inscrira sur un registre à ce destiné, le nom de chaque volontaire national, le jour de son arrivée et le nombre de lieues pour lesquelles il devra être payé. Ce registre servira provisoirement de livret de revue.
« Art. 3. Les bataillons déjà sur pied recevront, par forme de gratification, la solde et le dédommagement auxquels ils auraient eu droit de prétendre en vertu de l'article 1er du présent décret : ils en seront payés sur des états fournis ët certifiés par les directoires de leurs départements respectifs».
« Art. 4. Une moitié de la somme, qui, en vertu de l'article précédent, reviendra a chacun des gardes volontaires nationaux-dont les bataillons sont déjà formés, sera remise à sa libre disposition ; l'autre moitié sera appliquée, soit au paiement des habits et autres effets qu'ils auront reçus, soit au remboursement des avances que les directoires leur auraient faites, avant qu'ils passassent à la charge du département de la guerre.
« Art. 5. Le ministre de la guerre est chargé de faire paver sans délai les gratifications accordées par l'article 3 et opérer les retenues prescrites par l'article 4.
« Art. 6. Le commissaires chargés par les directoires de départements, du rassemblement des
bataillons de gardes nationales volontaires, remettront aux commissaires des guerres, lors de
la première revue qu'ils en passeront, le contrôle qu'ils en auront fait en Vertu de
l'article 2 du présent décret.
« La formule de ce serment sera prononcée par le commandant du bataillon et chaque volontaire proférera les mots « Je le jure ».
« Art. 8. Tous les citoyens admis dans les bataillons de gardes nationales volontaires, seront libres de se retirer après la fin de chaque campagne, en prévenant deux mois d'avance le capitaine ae leur compagnie afin qu'il soit pourvu à leur remplacement, ainsi qu'il sera dit, article 17,
t La campagne sera censée terminée le lor décembre de chaque année.
« Art 9, Tout citoyen admis dans les bataillons de gardes nationales volontaires, qui aura servi sans interruption depuis l'époque du rassemblement de son bataillon, jusqu au moment de son licenciement jouira, dès lors, de la plénitude des droits de citoyen actif, et chaque .mois de service qu'il aura fait, lui sera compté pour deux mois, tant pour obtenir la décoration militaire, que les récompenses pécuniaires accordées à, ceux qui ont servi l'Etat.
« Art. 10. Les gardes volontaires nationaux, que des affaires instantes ou majeures obligeront à suspendre momentanément leurs services, pourront dans tous les temps, d'après des certificats de leurs municipalités, visés par les directoires de district, obtenir la permission de s'absenter pour un temps déterminé.
« Art. 11. n sera remis à chaque garde volontaire national, au moment où il quittera le service, un certificat qui attestera le temps pendant lequel il aura servi: ce certificat sera signé par le capitaine, visé par le commandant du bataillon, contrôlé par les commissaires des guerres, et approuvé par l'officier général sous les ordres duquel le bataillon servira.
« Art. 12. Il sera remis de même à chaque garde volontaire national, qui sera forcé de suspendre momentanément son service, un certificat qui indiquera l'époque de son départ et celle où if devra rejoindre son bataillon.
« Art. 13. Tout garde volontaire national sera tenu, au moment où il rentrera dans son domicile, de faire inscrire au greffe de la municipalité le certificat de service qu'il aura obtenu, ou la permission de s'absenter qui lui aura été accordée, afin de n'être point confondu avec ceux quiaurontabondonné, sansune autorisation légale, les drapeaux.de la patrie.
« Art. 14. Tout garde volontaire national, qui quittera le service avant le licenciement du bataillon, sera, tenu de rembourser, avant d'obtenir son certificat, toutes les avances que la nation lui aura faites pour son habillement et son équipement.
« Art. 15. Tout garde volontaire - national qui abandonnera son bataillon sans avoir obtenu une autorisation légale, sera," par le fait seul, privé pendant 10 ans du droit de citoyen actif et de l'honneur de servir dans la garde nationale pendant le même nombre d années; en conséquence, son nom sera rayé, en présence du corps municipal, de la liste prescrite par la section IV du chapitre l°'r de la Constitution française; il sera de plus, à la diligence du procureur de la commune, condamné par toute voie de droit, à rembourser à la nation les
avances qu'elle lui aura faites pour son habillement et son équipement.
« Les procureurs des communes sont personnellement responsables de l'exécution au présent article.
Art. 16. Dès le jour où un garde volontaire national aura remis à son capitaine sa déclaration pour quitter le service, celui-ci la transmettra au commandant du bataillon, et ce dernier en donnera incessamment avis à l'officier général de la division militaire et au procureur général syndic du département dans lequel le garde national volontaire résidera.
« Art. 17. Dès le moment où le procureur général syndic aura reçu l'avis prescrit par "article précédent, il le transmettra au procureur syndic du district dans lequel il croira que le remplacement s'effectuera avec le plus de facilité; celui-ci-pourvoira de suite a ce remplacement par les moyens les plus prompts et les plus sûrs.
« Art. 18. L'étape et le logement seront fournis au garde volontaire national de remplacement, qui ira joindre son bataillon, sur une route qui lui sera délivrée par le directoire de son département; il jouira de plus de sa solde, sauf la retenue fixée article 29 pour le prix de la ration de vivres qu'il recevra.
« Art. 19. Dès le huitième jour de l'absence non autorisée d'un garde volontaire national, le commandant de son bataillon en préviendra le procureur général syndic du département, et lui enverra l'état de ce que le volontaire redevait à la nation, pour les habits ou autres effets qu'il avaitreçus ; le procureur général syndicdon-nera de suite des ordres, afin que les articles 15 et 17 du présent décret soient exécutés sans délai.
« Art. 20. Les remplacements des officiers et des sous-officiers se feront dans les bataillons de gardes nationales volontaires, suivant les formes qui ont été prescrites par les articles 13, 14, 15 et 16 du décret du 4 août 1791.
« Art 211 II suffira à l'avenir que l'un des deux lieutenants-colonels ait servi pendant 6 ans, en qualité d'officier, dans les troupes de ligne.
« Art. 22. L'adjudant-major et l'adjudant sous-officier seront remplacés, ainsi qu'il est dit du quartier-maître, article 16 du décret du 4 août dernier. .
« Art. 23. Lorsque les bataillons et les compagnies de gardes nationales volontaires se formeront en assemblée électorale, pour le choix de leurs officiers ou sous-officiers ils seront soumis aux règles prescrites par les articles 1 et 2 de la section IV du titre III de la Constitution française, pour la tenue des assemblées électorales.
« Art. 24. Les bataillons des gardes nationales volontaires seront logés de préférence chez les habitants, et à raison d'un lit par homme ; lorsqu'il y aura des casernes vacantes, ils les occuperont, afin de diminuer la charge des citoyens.
« Art. 25. On ne fera préparer, qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, le logement des gardes nationales volontaires dans les édifices nationaux, et on n'ôbligerera jamais pour ce même objet les citoyens à donner des fournitures.
« Art. 26. Lorsque les gardes nationaux volontaires seront logés chez les habitants, ils auront place au feu et à la chandelle ; lorsqu'ils seront logés dans les casernes, ils recevront le bois et la lumière ainsi que le reste des fournitures des casernes, sur le même pied que les troupes de ligne.-Le département de là guerre sera, cnaque année, en vertu d'un décret du Corps législatif,
remboursé des sommes qu'il prouvera avoir dépensées pour cet objet.
« Art. 27. Le logement des officiers des gardes nationales volontaires leur sera fourni sur le même pied et de la même manière qu'aux officiers des troupes de ligne. Le département ? de la guerre sera, chaque année, et en vertu d'un décret du Corps législatif, remboursé des sommes dépensées pour cet objet.
« Art. 28. Lorsque les gardes nationaux volontaires seront campés, ils recevront les mêmes fournitures que les troupes de ligne; ils éprouveront, pour raison desdites fournitures, la retenue qui sera alors fixée pour les troupes de ligne.
« Art. 29. L'étape sera fournie aux gardes nationales volontaires de la même manière et sur le même pied qu'aux troupes de ligne, à la charge d'une retenue de six sols par place de vivres.
« Art. 30. Il sera fourni, en route, à chaque officier des gardes nationales volontaires qui en demandera, un cheval de selle qui sera payé par lui, avant le départ, à raison de 25 francs par jour. .
« Art. 31. Les lieutenants-colonels des bataillons des gardes nationales volontaires jouiront du même nombre de places de fourrage que les lieutenants-colonels d infanterie; elles leur seront payées sur le même pied et de la même manière.
« Art. 32. Les gardes nationales volontaires seront reçues dans tous les hôpitaux de l'Empire, moyennant une retenue de 6 sols par jour.
« Art. 33. Les gardes nationaux volontaires,
3ui entreront dans les hôpitaux, ne recevront e décompte à leur sortie que dans le cas où ils auront remboursé les avances qui leur auront été faites par la nation, pour leur habillement et leur petit équipement.
« Art. 34. La moitié de la solde des gardes nationaux .volontaires, qui auront obtenu la permission de s'absenter momentanément, appartiendra à ceux qui ne se seront pas absentes. Le décompte en sera fait de manière que les officiers bénéficieront des soldes des officiers, les sous-officiers des soldes des sous-officiers, les simples volontaires de celles des volontaires : l'autre moitié appartiendra au garde national qui se sera absenté ; mais elle ne lui sera remise que dans le cas où il aura remboursé les avances qui lui auront été faites, et où son habillement et équipement seront complets et en bon état.
« L'état-major des bataillons et les quartiers-maîtres trésoriers sont personnellement responsables de toutes les retenues prescrites par le présent décret.
« Art. 35. Du moment où les bataillons des gardes nationales volontaires seront campés, il y sera attaché un aumônier à leur choix; cet ecclésiastique sera salarié ainsi que ceux des troupes de ligne.
« Art. 36. Il sera constamment attaché un chirurgien-major à chaque bataillon de gardes nationales volontaires ; le choix en sera fait la première fois par le directoire du département et ensuite par les bataillons eux-mêmes dans la forme prescrite, article 22, pour l'élection du quartier-maître.
« Art. 37. Il sera délivré aux officiers des gardes nationales volontaires, pour leur tenir lieu de brevet, un extrait collationné du procès-verbal de leur élection ; cet extrait sera certifié par le conseil d'administration du bataillon.
« Art. 38. Il sera alloué à chaque bataillon une
somme de 120 livres, une fois payée, pour l'achat d'une caisse militaire et des registres nécessaires à la comptabilité.
« Ladite caisse et les registres seront, lors du licenciement du bataillon, remis, ainsi que les drapeaux, au directoire du département, le quartier-maître trésorier sera comptable de ces différents objets.
« Art. 39. Il sera payé, par mois, à chaque bataillon, une somme de 50 livres, pour être employée à la solde de tous les frais de bureau ; cette somme sera à la disposition du conseil.
« Art. 40. Dans aucun cas, on n'admettra à la solde, dans les bataillons ou compagnies de gardes nationales volontaires , un plus grand nombre d'officiers, sous-officiers ou volontaires, que celui qui est porté par le décret du 4 août; pourront néanmoins les conseils d'administration admettre deux surnuméraires par compagnie auxquels le logement sera fourni.
Art. 41. Les départements ne pourront, à l'avenir, lever un plus grand nombre de bataillons que celui qui leur sera prescrit par les décrets du Gorps législatif. Le ministre de la guerre fera connaître, dans le compte qu'il rendra le 1èr janvier, de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires, le nombre de bataillons qui ont excédé celui qui est fixé par le décret au 21 juin dernier.
« Art. 42. Les directoires de département adresseront, avant le 15 décembre, au ministre de la guerre, un état détaillé et certifié par eux de toutes les dépenses qu'ils auront faites, pour l'habillement et l'équipement des gardes nationales volontaires. Le ministre mettra les résultats de ces comptes, par département, sous les yeux du Corps législatif.
« Art. 43. Toutes les fois que des gardes nationales volontaires se trouveront réunies à des troupes de ligne, le commandement générai restera déféré, à grade égal, aux officiers et sous-officiers des troupes de ligne ; mais il appartiendra aux officiers et sous-officiers de gardes nationales volontaires lorsqu'ils occuperont un grade plus élevé que les officiers ou sous-officiers des troupes de ligne.
« Art. 44. Lorsque des gardes nationales volontaires de différents bataillons seront réunies, le commandement général sera déféré à l'offi-cer du grade le plus élevé ; à grade égal, il appartiendra à celui qui aura servi dans les troupes de ligne ; si nul n'a servi dans les troupes de ligne, au plus ancien de service, et en cas d'égalité au plus ancien d'âge ; s'ils ont servi dans les troupes de ligne, il sera déféré à celui qui aura servi dans le grade la plus élevé et à égalité de grade à celui qui aùra servi le plus longtemps.
« Art. 45. Tous les bataillons qui ont dû être levés en vertu du décret du 28 juillet 1791, seront, par les soins des directoires de départements, rassemblés, habillés, équipés le 15 janvier au plus tard.
« L'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de faire usage de l'autorité que la loi lui confie afin que cette organisation n'éprouve désormais aucun retard.
« Art. 46. ^'Assemblée nationale charge de même le pouvoir exécutif de donner tous les ordres nécessaires afin que les bataillons de gardes nationales volontaires soient, au lor de février, portés dans tous les lieux où ils peuvent être utiles à la sûreté et à la défense de l'Etat; le charge encore de pourvoir sans délai à leur
armement et à leur équipement; le charge enfin de prendre les moyens les plus proinpts et les plus sûrs afin que les citoyens qui ont si généreusement vole au secours de la patrie, reçoivent en arrivant dans leurs quartiers, toutes les instructions militaires propres à seconder leur courage.
« Art. 47. Le ministre de la guerre sera tenu de rendre, le l,r janvier, un compte détaillé de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires ; en conséquence, il fera connaître au Corps législatif :
1* Le nombre de bataillons que chaque département aura fourni ;
2° Le nombre d'hommes dont chaque bataillon sera formé ;
3° L'état de son habillement et de son équipement;
4° L'état de son équipement militaire;
5* L'état de son armement en distinguant les modèles ;
6* Les progrès qu'il aura faits dans l'instruction et la discipline militaires ;
7° L'emplacement des bataillons formés ; la destination de ceux qui ne le seront pas encore ;
8° Le nombre de bataillons ou de compagnies que chaque département pourrait encore fournir;
9° Les bataillons qu'il serait nécessaire de lever ;
10° Enfin tous les détails qui pourront mettre le Corps législatif à portée de juger avec connaissance de cause de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires, cet espoir de la Constitution et de la patrie.
(L'Assemblée décrète l'impression du projet de décret et l'ajournement de la discussion à la séance de samedi soir.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une notice abrégée des pétitions suivantes :
1° Pétition des sœurs grises attachées à V Hôpital des Enfants-trouvés de Strasbourg.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
2° Pétition du sieur Gossuin, fabricant d'armes à Liège,
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des dépenses publiques.)^
Il est indispensable d'avoir des séances du soir, pour que l'Assemblée statue sur les travaux des comités. Je demande donc que l'Assemblée décide qu'il y aura, le mardi, jeudi et samedi soir, des séances exclusivement consacrées à entendre les rapports des comités et à les discuter.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé!
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les remplacements dans les emplois vacants de l'armée (1).
, le jeune, propose d'insérer à la suite des quatre premiers articles déjà votés l'article suivant :
« Les officiers des troupes de ligne, réformés ou retirés, qui, d'après le décret du 1" août, ont droit au remplacement, en produisant un certificat de civisme, ne pourront cependant l'être qu'autant qu'ils auraient servi dans la
(1) Voy. Archives parlementaires, 1™ Série, t. XXXIV, séance du 10 novembre 1791, page 731, et ci-dessus, séance du 15 novembre, page 81.
garde nationale ou dans les troupes de ligne depuis le lor janvier 1790. »
Je propose une autre rédaction en ces termes :
« Tous les officiers réformés, ou qui ont quitté le service dans les troupes de ligne, pour être admissibles aux emplois de remplacement actuellement vacants dans l'armée, seront tenus aux mêmes conditions que les citoyens actifs. »
, le jeune. J'adopte cette rédaction.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Delacroix, sauf rédaction.)
Suit la teneur de l'article 5 tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
Art. 5.
« Les officiers des troupes de ligne, réformés ou retirés, qui, d'après le décret du 1er août dernier, ont droit aux remplacements, ne pourront être promus aux emplois vacants, de quelque grade qu'ils soient, qu'ils ne réunissent toutes les conditions prescrites pour l'admissibilité des citoyens servant dans les gardes nationales, aux emplois de sous-lieutenants. »
J'imagine qu'il est inutile de rappeler les dispositions décrétées. Je passerai donc à la proposition d'un article qui fera revivre toutes les dispositions du décret du 1er août qui paraissent pouvoir se concilier avec les dispositions que vous avez décrétées pour l'admission aux emplois. Le voici :
« Les dispositions du décret du 1er août, pour l'admission aux emplois vacants, auxquelles il n'est pas dérogé par les articles ci-dessus, continueront d'être exécutés jusqu'à ladite époque du 1er février. »
aîné. Il est important de décider tout de suite si les nominations faites par le ministre sont valides ou ne le sont pas.
Je fais la motion expresse que l'Assemblee veuille bien décider si la cavalerie jouira ou ne jouira pas de la même faveur dont jouit l'infanterie.
Voici l'article de mon projet de décret qui répond à M. Albitte :
« Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale l'état des remplacements qu'il avait à faire jusqu'au 15 octobre dernier, et celui des remplacements faits jusqu'au dit jour : il lui fera parvenir aussi, tous les 15 jours, la suite de ces remplacements. »
aîné. Cette rédaction n'exprime pas si ces remplacements, faits par le ministre jusqu'au 15 octobre, sont valables.
Je soutiens que, par le décret du 28 septembre, il était défendu au ministre de la guerre, de faire, à partir du 15 octobre, les remplacements de sous-lieutenants autrement que selon le nouveau mode prescrit par ce décret. Par conséquent, ce qu'il fait depuis le 15 octobre est absolument nul, s'il ne s'y est pas conformé. Je demande, par amendement à l'article de M. Jaucourt, qu il soit dit que le ministre présentera l'état des remplacements qu'il a faits jusqu'au 15 octobre, regardant ceux posté-: rieurs à ce jour comme non-avenus. (Applaudissements.)
jeune. Voici l'article que je propose en remplacement de celui de M. Jaucourt : « Le ministre de la guerre fera passer à l'As-
semblée nationale l'état nominatif de tous les militaires qui ont abandonné leur poste sans congé ou démission, avec désignation du corps où ils servaient, du grade qu'ils occupaient, et de l'époque de leur départ; il lui fera parvenir aussi l'état nominatif de ceux qui sont et seront admis au remplacement, avec la date de leur admission, et les origin
Je combats cet article, car je soutiens qu'une pareille liste, qui ne manquera pas d'être imprimée, sera un véritable signe de proscription, et un moyen de perpétuer les haines et les divisions. (Applaudissements.)
Un membre: Je demande l'ajournement de la discussion, d'autant plus que nous ne sommes pas en nombre suffisant pour rendre un décret.
(L'Assemblée prononce l'ajournement de la discussion.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. VIÉNOT-VAUBLANC.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances du mardi 22 novembre, au matin et au soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse de Louis Alexandre Roger, ci-devant grenadier du 6° régiment d'infanterie, qui se plaint de n'avoir pu encore obtenir justice d'une tentative d'assassinat commise sur sa personne par un officier du même régiment, pendant qu'il était de service et en faction dans la place de Gharlemont.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
L'Assemblée ajourne à la séance de samedi soir la discussion du projet de décret présenté par M. Koch, au nom du comité diplomatique, dans la séance d'hier, discussion qui avait été primitivement renvoyée à la séance du vendredi (1).
Messieurs, dans plusieurs villes, on n'a pas fait de circonscriptions de paroisses ; cependant, il a été nécessaire que les évêques se conformassent aux décrets et organisassent leur conseil; moi, par exemple, j'ai dû nommer, avant de venir ici, un. premier vicaire pour tenir ma place. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant pour première lecture :
« L'Assemblée nationale, considérant que les évêques, pour obéir au décret, ont dû ne pas
négliger l'organisation de leur conseil, décrète qu'à défaut de circonscriptions et de
réunions ae paroisses des villes épiscopales, dans les trois premiers mois, depuis la
nomination légale des évêques, les premiers et seconds vicaires nommés par eux, et légalement
installés, conserveront leurs places, sans que les curés dont les paroisses seront réunies
clans la suite à celle de la cathédrale puissent requérir dans le conseil
Plusieurs membres : C'est juste ! C'est juste !
D'autres membres : Le renvoi au comité de division !
(L'Assemblée renvoie ce projet de décret au comité de division.)
fils. Les nouvelles des provinces méridionales nous annoncent qu'il y règne la plus affreuse misère. Les récoltes ont totalement manqué. Les denrées de première nécessité y sont cléjà à un prix inoui, beaucoup au-dessus de la fortùne de quantité ae familles indigentes, on est même près d'en manquer. Les ennemis de la Révolution profitent de cette circonstance pour rendre odieuses au peuple les- lois qui régissent l'Empire. Ils leur disent : Autrefois les prêtres vous faisaient des aumônes, autrefois les gens riches vous fournissaient un travail qui suffisait à votre subsistance ; on les a dépouillés les uns et les autres, on leur aôté les moyens de soulager vos besoins ; ils ne peuvent plus rien pour vous ; accusez donc de vos malheurs les nouvelles lois, et jugez la Constitution.
Il est temps, Messieurs, de fermer la bouche à ces ennemis perfides et de faire cesser ces insinuations calomnieuses. Il est temps que l'Assemblée nationale montre à ce peuple qu'elle veut s'occuper efficacement de la classe indigente et infirme.
Je fais donc la motion expresse, que votre comité de secours publics et de mendicité, soit chargé de vous présenter d'ici au lor janvier prochain, Un projet de décret, qui prouve enfin a ce peuple, que les besoins ae la classe indigente et infirme sont chers et sacrés à ses législateurs. (Applaudissements.)
, au nom du comité des secours publics. J'ai l'honneur d'observer au préopinant que le comité des secours s'occupe de cette importante matière. Il a examiné les projets et les plans conçus par le comité de mendicité de l'Assemblée constituante, et il vous présentera bientôt un rapport pour venir au secours des mendiants.
Si le coiûité des secours publics n'avait considéré les moyens de soulagement que sous le rapport d'une bienfaisance individuelle, il ne les verrait pas sous le jour qui convient aux administrateurs des fonds qui appartiennent à la caisse nationale. C'est moins encore des moyens de soulager les indigents, que le comité doit s'occuper, que de ceux de diminuer leur nombre. Ce ne peut être l'ouvrage d'un moment. Aussitôt que ce travail sera prêt, nous vous le présenterons. Au surplus, que les départements qui sont en souffrance s'adressent au ministre de l'intérieur. L'Assemblée constituante a décrété des fonds qui sont actuellement entre les mains de ce ministre, et qui peuvent aller jusqu'au mois d'avril prochain.
Un membre: Je demande que l'Assemblée charge aussi le comité de commerce de chercher les moyens les plus prompts pour tirer des subsistances de chez l'étranger.
Quelques membres : Il s'en occupe !
D'autres membres : L'ordre du jour ! ~
Passer à l'ordre du jour, c'est désoler l'indigence. Je demande un ajournement prochain.
(L'Assemblée renvoie ces diverses propositions
aux comités des secours publics et de commerce réunis, pour lui présenter, d'ici au 15 décembre prochain, un rapport sur ces objets.)
Je prie l'Assemblée nationale de vouloir bien ordonner qu'il sera adjoint au comité des secours, 6 commis qué la quantité des travaux rend nécessaires.
Je lui demande aussi de vouloir bien avoir égard à la situation d'un malheureux qui s'est déjà recommandé à sa bienfaisance par une adresse, et qui, privé de l'usage de ses bras, est parvenu par un effort de patience et d'énergie a écrire avec sa bouche. Le comité vous prie de décréter qu'on y admettra ce jeune homme comme suppléant. Vous secourerez en cela un individu malheureux et votre bienfaisance ne sera pas stérile.
(L'Assemblée accorde ces deux demandes.)
Voici, Messieurs, un projet de décret à renvoyer au comité de législation :
« L'Assemblée nationale, instruite que quelques administrateurs de département et de district se permettent de déclarer qu'ils ne concourront pas a Y exécution de certaines lois, considérant que, dans xin aucun cas, un administrateur qui a juré de remplir ses fonctions, ne peut, sous aucun prétexte, se refuser de les remplir sans entraver la marche de la chose publique,
« Décrète que tout membre des corps administratifs, municipalités et tribunaux, qui déclarerait ou aurait déclaré ne vouloir concourir à l'exécution des lois quelconques, ainsi que ceux qui, après réquisition, et sans cause légitime, jugée par leurs corps, affecteraient de ne point paraître aux délibérations ou de s'en retirer, seront censés avoir renoncé à leurs fonctions ; en conséquence, le directoire du département est autorisé à les suspendre de leurs fonctions, jusqu'à remplacement définitif, à charge d'en rendre compte, sur-le-champ, au pouvoir exécutif.
(L Assemblée renvoie ce projet au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine qui demande l'adjonction de deux autres commissaires aux deux commissaires du roi nommés pour se transporter aux îles de France et de Bourbon ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Lorsqu'il a été question de s'occuper des instructions à donner aux deux commissaires civils dont l'Assemblée constituante a décrété l'envoi aux îles de France et de Bourbon, il a été reconnu que la tâche qu'ils avaient à remplir serait au-dessus des forces de deux personnes qui d'ailleurs ne pourront pas parcourir, en moins de trois à quatre ans, la carrière qui leur est ouverte. En effet, dans le même temps qu'ils s'occuperont de l'arrangement des affaires très compliquées des deux îles, il faudra encore que, profitant de la saison favorable, ils se rendent vers le mois de juillet à Pondichéry, d'où l'un d'eux se transportera à Chandernagor, et qu'après un séjour de trois ou quatre mois dans l'Inde, ils reviennent à l'île de France pour y reprendre la suite des opérations qui les occuperaient très longtemps, s ils étaient obligés de passer successivement d'une île à une autre, ils pourraient être d'ailleurs dérangés par le seul fait de la mort ou de la maladie grave de l'un des deux commissaires; car à
une grande distance, on ne pourrait y apporter qu'un remède très tardif.
« Ces inconvénients disparaîtraient si, pour une mission qui doit embrasser tous les établissements français du cap de Bonne-Espérance, le nombre des commisaires était doublé. Alors, les quatre commissaires arrivant à l'île de France au mois d'avril examineraient ensemble les objets principaux de leur mission. Deux en partiraient au mois de juin pour aller exécuter dans l'Inde les opérations projetées, pendant que les deux autres s occuperaient des détails relatifs aux deux îles; ils se trouveraient ramenés à l'île où ils continueraient leurs travaux, et ils seraient dë retour après unè absence de 18 mois au plus. Je vous prie, Monsieur le Présidentj de vouloir bien communiquer à l'Assemblée nationale ces observations sur les-
Suelles il paraît très instant de la déterminer à onner ses intentions, d'autant plus que les dernières nouvelles de l'île de France annonçaient que les affaires y sont dans une crise qui, chaque jour, devient plus inquiétante. »
« Je suis avec respect, Monsieur lé Président, etc.
« Signé: Bertrand. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité colonial !
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui annonce l'élargissement des deux personnes arrêtées dans le département de la Côte d'Or, par suite du décret d'accusation contre le sieur Varnier et ses complices. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Prési dent,
« Je vous envoie une lettre du procureur-syndic du département de la Côte-d'Or qui m'annonce qu'on a arrêté hier M. Noireau ; mais une indisposition assez grave me condamne au lit pour quelques jours, et je ne puis que transmettre à l'Assemblée nationale la copie de cette lettre. Je profite également de cette occasion pour apprendre à 1 Assemblée que j'ai expédié dans les 24 heures, par un courrier extraordinaire, à M., le procureur général syndic du même département, le décret rendu dimanche, qui ordonne l'élargissement des citoyens que la conformité des noms avait exposés à faire le sacrifice momentané de leur liberté. »
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc. »
« Signé : Duport. »
3° Lettre des commissaires de là Trésorerie na-tionale} par laquelle ils adressent à l'Assemblée un memoire dans lequel ils demandent des éclaircissements sur les rentes et les intérêts à payer pour la cession faite au roi de la terre de Montgommery ; cette lettre est ainsi conçue :
«. Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de soumettre à l'Assemblée nationale les difficultés qui s'élèvent sur le mode de payement des intérêts et arrérages, de la part de la nation, à plusieurs créanciers de M. de Barville en vertu de la vente qu'il a faite au roi au mois de novembre 1784. Cette difficulté vient principalement de ce que cette acquisition n'a point reçu toute les formes légales. Le mémoire ci-joint contient les dispositions qui paraissent être nécessaires sur cet objet. Si l'Assemblée juge à propos de renvoyer à quelqu'un
de ses comités, elle semble concerner plus particulièrement ceux des domaines de fa Trésorerie.
« Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, etc.
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité de la Trésorerie nationale.)
4* Lettre des administrateurs du département du Calvados qui demandent un secours ae 200,000 livres pour subvenir à la subsistance et aux besoins des malheureux dont les campagnes abondent.
Si nous faisons des dépenses partielles, nous n'aurons jamais de comptabilité. Je demande donc le renvoi au pouvoir exécutif.
C'est une chose infiniment urgente. Si vous renvoyez au pouvoir exécutif, c'est abandonner le département. Je demande le renvoi au comité des secours publics.
(L'Assemblée, après deux épreuves douteuses, décrète le renvoi au pouvoir exécutif.)
5° Lettre de M. Pétion, maire de Paris, qui envoie à l'Assemblée nationale l'état des adjudications auxquelles la municipalité a procédé dans le cours de la semaine dernière. Les estimations étaient de 156,533 livres et les adjudications ont été portées à 183,300 livres.
6° Pétition de M. Dubois, entrepreneur de constructions navales, qui demande des secours.
Cet objet regarde le ministre de la marine; j'en demande le renvoi au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée renvoie cette pétition ]au pouvoir exécutif.)
7° Lettre des administrateurs du département du Calvados qui se plaignent de la négligence du ministre ae la guerre à fournir des armes aux bataillons de volontaires ; cette lettre est ainsi conçue ;
« Caen, le
« Messieurs,
« Les citoyens du département du Calvados ont manifesté leur zèle, leur patriotisme et leur courage en formant dans leur sein deux bataillons de volontaires qui sont prêts à verser leur sang pour la défense de la patrie, mais ce zèle reste sans effet par la négligence du ministre de la guerre, qui, depuis leur réunion, au 14 octobre dernier, les a laissés sans armes. Le directoire était instruit qu'il existait encore dans l'arsenal de Caen quelques fusils de réforme hors d'état de servir et même d'être réparés; de concert avec la municipalité, il en a fait distribuer 200 aux volontaires du premier bataillon, mais à titre de prêt, et seulement pour les former à l'exercice, en attendant que le ministre ait rempli son devoir.
« Le directoire, à différentes reprises, a fait à ce ministre la demande formelle de 5,597 fusils qui ont été destinés à ce département; mais cette demande a été éludée sous le prétexte que l'arsenal de Caen ayant été pillé en 1789, il devait exister entre les mains des gardes nationales assez de fusils pour armer les bataillons des gardes nationales volontaires. Il est visible que si on eût adopté la mesure proposée de désarmer une partie des citoyens, c'eût été provoquer la résistance d'hommes libres, qui, après avoir renversé le despotisme, n'ont point cessé, dans !e cours de la Révolution, de faire le service le
plus assidu pour le maintien de l'ordre et l'achèvement de la Constitution.
« Le conseil du département est, déplus, informé que les différentes batteries établies le long des côtes composées chacune au moins de 9 pièces de canon de 24 livres de balles, et munies de 200 livres de poudre, sont la plupart confiées à la garde d'un trop petit nombre d'hommes. Celle de Bourg, située dans un poste important, a été jusqu'ici confiée à la garde d'un seul homme, qui n'a pu obtenir d'être secondé ni remplacé, et qui vient de nous adresser ses plaintes à ce sujet.
« Le conseil, en rendant justice au directoire, a cru de son devoir, Messieurs, de vous exposer la négligence coupable du ministre de la guerre, qui compromet ainsi une partie essentielle de 1 Empire, une de celles où lës ennemis de la patrie ont surtout projeté de lui porter les coups les plus funestes. Vous pèserez dans votre sagesse, Messieurs, les observations dictées, non par l'envie d'attaquer aucun des pouvoirs constitués, mais par le désir sincère de concourir à l'exécution des lois, qui seules peuvent assurer le bonheur commun.
« Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, etc... »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire !
J'appuie ce renvoi ; j'entends faire tous les jours des plaintes contre la sûreté de l'Etat, et je les crois fondées sur des craintes bien plus raisonnables.
Je suis loin de penser comme le préopinant. La demande que vous faite le département du Calvados mérite la plus grande attention. Il y a, en outre, à demander l'armement des deux bataillons de ce département qui sont sur les frontières. Il faut que le ministre fournisse les 5,000 fusils destines au département du Calvados, et dont il n'a pas fourni un seul.
Je demande que, dans huit jours, le comité nous fasse un rapport sur les moyens d'armer et d'habiller les volontaires nationaux des frontières, car ils sont tout nus et il est dérisoire de voir nos frères hors d'état de se défendre. (Applaudissements.)
Nos gardes nationales sont la dérision de nos ennemis ; celles mêmes qui sont armées n'ont que des mauvais fusils qui crèveront entre leurs mains.
Pour jeter un grand jour sur les forces de la nation, le comité militaire a demandé au ministre de la guerre l'état des bouches à feu et des fusils qui sont en France. Le ministre de la guerre l'a fait parvenir au comité, à l'exception ae l'état des fusils, parce que, comme il désire que le compte qu'il en rendra soit exact, il prend les précautions nécessaires pour constater l'état des armements qui sont dans les arsenaux, et de ceux dont il a ordonné la distribution. Ce dernier état n'est pas encore arrivé, mais le comité militaire a la certitude qu'il y a 132 bataillons qui, depuis les plaintes qui ont été portées à l'Assemblée nationale, ont reçu leurs armes. Le reste les obtiendra incessamment. D'ailleurs vous vous souvenez que dans un des comptes que le ministre de la guerre vous a rendus, il vous a dit publiquement que toutes les gardes nationales une fois armées, il resterait encore dans vos arsenaux de 50 à
60,000 fusils. Je crois que, depuis ce temps-là, le ministre a pris des arrangements pour repeupler les arsenaux. Il a offert au comité militaire le détail des marchés et des frais qu'il a faits, et il croit qu'il serait impolitique, peut-être imprudent, ae les soumettre à 1 Assemblée nationale, parce que, comme il est obligé de les tirer des puissances voisines, il pourrait fort bien arriver que la publicité de ces traités en empêchât l'exécution. Je demande le renvoi de la pétition des administrateurs du Calvados au comité militaire.
Un membre : Renvoyer au comité militaire, c'est s'exposer à des longueurs malheureuses. Je demande que la lettre qui vous est adressée soit renvoyée sur-le-champ au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée, consultée, renvoit la lettre des administrateurs du département du Calvados au comité militaire.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui demande qu'on règle le sort des anciens officiers des classes de la marine ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je crois devoir fixer l'attention de l'Assemblée sur une position vraiment intéressante des officiers militaires des classes qui, se trouvant supprimés, ne jouissent plus depuis le lor avril des mêmes traitements, et dont les pensions qu'ils avaient obtenues par leurs précédents services à la mer, se trouvent suspendues, de sorte que la plupart sont dénués des ressources nécessaires à leur subsistance. Le ministre avait proposé un moyen provisoire de venir à leur secours, en attendant que leur sort fût définitivement réglé. Je joins ici copie d'une lettre qu'il écrivit le 10 juillet, à ce sujet, au président du comité de la marine, et qui est restée sans réponse. Je vous prie ae la mettre sous les yeux de l'Assemblée.
« Je suis, avec respect, etc.
« Signé : bertrand. »
(L'Assemblée décrète le renvoi au comité de la marine.)
2° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui annonce que le roi lui a ordonné de demander de plus amples instructions, avant d'autoriser la suspension de la municipalité de Lunel, qui a été prononcée par le département de l'Hérault ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le directoire du département de l'Hérault, ayant été instruit par la municipalité dé Lunel qu'il y avait une grande fermentation dans cette ville, s'est déterminé à y transporter momentanément ses séances. Il a pris, le 6 de ce mois, un arrêté par lequel, le maire, les officiers municipaux et le procureur-syndic de la commune, sont provisoirement suspendus de leurs fonctions. Il a sursis en même temps à la prochaine nomination des officiers municipaux et a ordonné que les fonctions municipales seraient provisoirement exercées par des. commissaires civils qu'il a nommés. Sur le compte que j'en ai rendu au roi, Sa Majesté a pensé que les états qui étaient annexés aux procès-verbaux et les détails envoyés par le directoire n'étaient pas suffisants, elle a désiré savoir ce qui s'est passé à Lunel avant le transport du directoire du département
en cette ville : les motifs qui ont déterminé la suspension de la municipalité, et la relation des faits que les officiers municipaux ont dressée, furent déposés au directoire, ainsi qu'ils l'ont assuré. J'écris au directoire pour le lui demander, et cependant pour satisfaire à l'article 37 de la loi du 27 mars, le roi m'a chargé d'instruire l'Assemblée nationale de la suspension de la municipalité.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé. delessart. »
Cette affaire de suspension de la municipalité de Lunel mérite l'attention de l'Assemblée. Le département de l'Hérault est travaillé par le fanatisme ; il ne se passe pas de semaine qu'il n'éclate quelque insurrection, tantôt dans une ville, tantôt dans une autre.
Consultés par le département sur les moyens à prendre pour faire cesser les troubles, nous avons répondu que le seul moyen était de faire exécuter les lois.
A Montpellier, le directoire du département adopta et voulut faire exécuter un arrêté analogue à celui du département de Paris pour la liberté du culte. Cet arrêté a produit un effet incroyable dans le département. La municipalité de Lunel affecta les sentiments les plus aristocratiques, elle ajouta des lauriers à son écharpe, et insulta aux gardes nationales du département du Gard.
Il est parvenu à votre secrétariat une adresse des volontaires du département du Gard destinés pour les frontières, qui se plaignent de la municipalité de Lunel. C'est une affaire très importante. Il s'agit de décider si le département a eu le droit de suspendre les élections qu'on y devait faire le 11 novembre. Je demande qu'on en fasse le renvoi au comité de division afin qu'il nous en fasse incessamment le rapport.
Le ministre n'a point encore été suffisammentinstruit;et je demande si, avant que le ministre ait obtenu les renseignements qu'il demande, nous pouvons ordonner un renvoi qui serait par là même inutile. Je demande donc que le comité ne soit chargé de cette affaire, que lorsque le ministre aura rendu le compte ultérieur qu'il doit à l'Assemblée.
Le renvoi n'a aucun inconvénient, car en supposant qu'il n'ait pas tous les éclaircissements nécessaires, il ne nous fera pas son rapport avant que de se les être procurés.
(L'Assemblée décrète le renvoi au comité de division.)
Un membre : Il est malheureux qu'on employe un temps aussi considérable à des lectures dont le résultat est absolument nul. Il faudrait que MM. les secrétaires nous donnassent connaissance de ces objets seulement par extrait.
, secrétaire. Le député nommé par l'île Bourbon à l'Assemblée nationale. M. Bertrand, réclame contre le délai de l'Assemblée qui ne l'a pas admis, quoique ses pouvoirs eussent été déclarés valables. Il demande à être entendu à la barre pour présenter une pétition et, en outre, un ajournement fixe sur la question de son admission dans le sein de l'Assemblée.
(L'Assemblée ajourne le rapport à dimanche.)
Un membre : Je fais la motion que M. Bertrand soit admis à la barre pendant la discussion.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
, secrétaire, donne lecture d'une let-
tre de M. Lafreté qui fait hommage à l'Assemblée d'un manuscrit sur la pétition de M. Cla-vière (1).
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre et du manuscrit au comité de la dette publique.)
L'Assemblée se retire à midi dans les bureaux pour procéder au troisième tour de scrutin pour La nomination des grands procurateurs de la nation; à midi et demie 1 Assemblée rentre en séance. (Voir le résultat ci-après, p. 313.)
, secrétaire. M. le Président a reçu une lettre apostillée de ces mots : « Affaire instante et de la plus grande importance : affaire Varnier. » En voici lé contenu :
« Monsieur le Président de 1? Assemblée nationale,
« Le temps d'une grande révolution est la saison du crime. Celui de la vengeance est arrivé, mais le sang innocent ne criera pas contre moi dans le sépulcre constitutionnel, où je suis enterré depuis six mois. J'entends crier une espèce de jugement cqntre M. Varnier. J'ai frémi ! les oracles imposteurs l'auraient-ils déjà condamné ! S'il s'agit, comme je le crois fermement de lettres écrites sous le nom Varnier, d'une correspondance avec quelques émigrés au delà du Rhin, et d'un embauchement d'hommes sur les terres de France; connaissez le coupable, je vous le livre, c'est moi-même, c'est moi, législateurs, c'est moi-même qui ne pouvant suffire à tout dans l'exécution des différents grands projets que l'on m'a connus contre la Constitution, j ai mis tout en œuvre il y a sept ou huit mois, pour égarer la main de l individu qui m'a représenté constamment sous le nom de Varnier.
« D'après cet aveu très positif qui n'a pas besoin de commentaire, j'espère que l'on n'exigera pas que je fasse connaître l'agent purement passif. Il y aurait de ma part lâcheté, et un homme de mon caractère n'est ni un lâche ni un perfide. Je suis seul criminel envers la loi. Cessez donc de balancer sur des têtes innocentes le glaive de ses vengeances. Ouvrez son livre sacré fermé pour moi depuis si longtemps. Prononcez, commandez à vos nourreaux. Plusieurs apprendront de moi comment il faut mourir.
« Signé : Jean-Baptiste Poupart de Beaubourg. »
Et plus bas :
« Bastille nationale, dite prison de VAbbaye, le
Ce qui est contenu dans cette lettre est si extraordinaire, que bien des membres de cette Assemblée, qu'on me passe le terme, ont cru rêver en entendant lire ce qu'elle contient. Je démande donc qu'on en donne une nouvelle lecture. (Non! non!)
jeune. Je viens d'apprendre qu'il arrive de mon département des nouvelles qui se lient beaucoup à la lettre que vous venez de ' recevoir. Je vous prie de suspendre votre délibération sur cette lettré, jusqu'après la lecture des nouvelles qui sont arrivées d'Auxonne. Elles sont arrivées d hier ; j'en reçois l'avis à l'instant. Elles sont entre les mains de la députation de la Côte-d'Or.
Je croyais que M. le Président
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait lecture des pièces.)
, secrétaire, donne lecture des pièces.
« Par-devant les notaires de Dijon soussignés, est comparu M. JeanCollin, prêtre de cette ville, y demeurant, lequel a déposé pour minute, et pour demeurer ci-joint, l'extrait du registre des délibérations de la maison commune ae la ville d'Auxonne, en date du jour d'hier, signé Roussel, secrétaire-greffier; requérant lesdits notaires de lui donner acte dudit dépôt, et de délivrer à qui il appartiendra l'expédition de ladite déclaration, dont acte lui a été octroyé.
« Fait et passé à Dijon, le 20 novembre, l'an 1791 après-midi, et a signé avec les notaires soussignés, sur minute des présentes, restée à M. Chenard, l'un d'eux.
« Signé : Jean Colin ^prêtre; Chenard, Dillon, notaires. Enregistré à Dijon. »
Extrait du registre des délibérations de la maison commune de la ville d'Auxonne.
« Par-devant moi, greffier soussigné, a com-« paru M. Claude Vollon, serrurier et fabricant « de bas, demeurant en' cette ville, lequel m'a « requis acte du dépôt qu'il fait présentement au « dépôt du secrétariat, d'une lettre qu'il dit avoir « reçu par le courrier de mercredi dernier, en « date ae Paris, du 13 de ce même mois; signée : « Basire, député à VAssemblée nationale, dont l'en-« veloppe est ainsi conçue :
« A Monsieur Vollon, serrurier, rue du Bourg, à « Auxonne.
« ladite enveloppe cachetée d'un cachet aux « trois fleurs de lys, surmontées d'un soleil, ainsi « timbrée en rouge : Port payé, Paris. Laquelle « lettre et enveloppe j'ai cotées et paraphées en « présence dudit sieur Vollon, ne varietur, dé-« clarant ledit sieur Vollon n'avoir aucune con-« naissance des faits énoncés dans la lettre de « mondit sieur Basire, sur tout quoi il m'a requis « acte à lui octroyé, pour servir et valoir ce qu'il « appartiendra. Ce fait, a signé avec moi, secré-« taire-greffier.
« Signé sur le registre: Vollon et Roussel, «greffier.
« Enregistrée à Auxonne, le
« Suit la teneur de la lettre de M. Basire :
« Mon cher concitoyen,
« J'ai fait lecture de la lettre que vous m'avez « envoyée : elle contenait le plan du complot le « plus perfide, de la trame la mieux ourdie « qu'on ait vue jusqu'à ce moment. Vous avez « rendu à la patrie un service bien important. « L'Assemblée nationale sur le bureau de laquelle « j'ai fait le dépôt de la pièce de conviction que
J'e tenais de vous, a cru devoir sévir contre fM. Varnier, Noireau et Tardy.Ces trois hommes sont mis en état d'accusation, et conséquem-ment décrétés de prise de corps pour êtrelivrés à la haute cour nationale qui va être convoquée incessamment. M. Varnier est déjà en prison, et tous ses papiers ont été saisis. On est à la poursuite de MM. Noireau et Tardy. Cette affaire fait la plus grande sensation dans Paris. M. Varnier a manqué plusieurs fois d'être massacré.
« On soupçonne ses complices d'avoir voulu s'en défaire par ce moyen, dans la crainte d'être compromis dans la procédure; mais l'Assemblée nationale, la municipalité et la garde citoyenne de Paris ont su mettre ses îours en sûreté. II est actuellement détenu à l'abbaye Saint-Germain qui est une prison. Je ne sais si l'on pourra s'emparer de MM. Noireau et Tardy ; mais, quoi qu'il en soit, leur complot est découvert, et dès lors il est anéanti. « Votre nom n'est point sorti de ma bouche ; je n'ai jamais voulu déclarer comment la lettre de M. Varnier m'était parvenue. J'ai seulement déposé cette pièce intéressante, en disant qu'il était facile de confronter l'écriture. On l'a fait, et toutes les apparences sont contre l'accusé. Voilà la conduite que j'ai tenue à cet égard, dans la crainte de vous compromettre. La lecture des journaux pourra vous en convaincre. Si vous venez à apprendre quelque chose de nouveau sur cet objet, je vous prie instamment de m'en instruire.
« Recevez nos remerciements, bon citoyen, de ce que vous avez bien voulu me mettre a même de détruire une aussi infernale conspiration contre ma patrie. Quand on pense qu'il y avait autrefois plus de 80,000 employés dans les fermes, que ces hommes étaient pour la plupart, robustes et exercés à faire la guerre à leurs concitoyens, que l'on avait conçu le projet de les rassembler presque tous sur lès frontières pour renforcer l'armée des princes, l'on doit bénir à jamais l'excellent patriote qui l'a déjoué. Je vous en félicite, et je vous invite à persister dans vos bons sentiments.
« Je suis, avec un attachement inviolable, votre dévoué compatriote.
Signé : Basire, député à V Assemblée nationale,
« Paris, le
« Nous, maire et officiers municipaux, certifions et attestons que Messieurs Ghenard et Dillofi qui ont signé l'acte ci-dessus sont notaires en cette ville, aux signatures desquels foi doit être ajoutée, tant en jugement qu'ailleurs. En foi de quoi nous avons signé ces présentes et fait contresigner.
(Suivent les signatures.)
Messsieurs, l'Assemblée nationale commettrait à mon avis une grande imprudence si elle ne fixait pas un instant ses regards sur les nouveaux incidents que lui présente l'accusation portée contre le sieur Varnier. Il n'est pas douteux que le fil de cette accusation, s'il est bien conduit, devant produire de grandes découvertes et produire de grands exemples, il doit naturellement s'être formé une coalition entre tous les agents qui ont à en redouter les suites, pour sauver non seulement Varnier, mais encore pour jeter un voile sur les yeux de
la justice. 20 ans de mon expérience m'ont appris que les grands coupables mettaient tout en œuvre pour se tirer d'affaire et plus d'un exemple atteste qu'ils se servaient de l'intermédiaire d'autres grands criminels, qui, n'ayant plus rien à risquer, se chargeaient de leurs crimes. Ne serait-il pas bien naturel dès lors que l'on eût trouvé dans les prisons de l'Abbaye un homme assez criminel pour avoir perdu toute espérance d'absolution et qui eût prêté son nom à varnier pour assurer que c'est lui-même qui a fait la lettre dont Varnier a reconnu la similitude d'écriture avec la sienne ? J'applique cette maxime à la lettre de M. Poupart ae Beaubourg. A cet égard, je crois qu'il y a un parti sage à prendre et que l'Assemblee nationale doit adopter sur-le-champ : c'est d'envoyer quatre commissaires de l'Assemblée dans les prisons de l'Abbaye afin de faire vérifier : 1° S'il y a un M. Poupart de Beaubourg là l'Abbaye : 2° S'il a écrit la lettre qui vient de vous être lue. (Murmures.)
Messieurs, vous ne pouvez disconvenir du principe que vous pouvez entendre tous les témoins et tous les accusés à la barre, lorsqu'il est question de porter un décret d'accusation ; vous ne pouvez disconvenir aussi que, lorsque l'accusation est portée, et avant qu'elle soit poursuivie, s'il était possible qu'elle eût été portée mal à propos, la justice ne vous ôte pas le pouvoir, je ne dis pas de la révoquer, mais du moins de la fixer sur les vrais coupables. Il en résulte donc que vous seriez en droit pour vous assurer de la vérité de l'accusation et des personnes, de vous faire amener à la barre ce prisonner prétendu ou véritable, qui, sous le nom de Beaubourg vient de s'accuser lui-même du crime imputé à Varnier. Pour moi, je crois que c'est encore une suite des manœuvres pratiquées par de grands coupables, pour tirer Varnier d'affaire, et pour se mettre eux, derrière la loi. Je suis persuadé par la la longue expérience que j'ai de cette partie que le nommé Vollon qui a dénié son écriture à la municipalité d'Auxonne, ou au moins, qui a dénié l'envoi qu'il a fait à M. Basire de la lettre signée Varnier, est probablement un homme corrompu, séduit, ou bien qu'il existe un autre Vollon qui a véritablement envoyé la lettre.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour ! L'ordre du jour !
Eh bien, je me rallie à la demande de l'ordre du jour.
J'appuie la demande de passer à l'ordre du jour !
Je m'oppose au passage à l'ordre du jour. Lorsque vous avez rendu le décret d'accusation contre le sieur-Varnier, vous l'avez rendu sur les indices d'une simple lettre, et je ne vois pas pourquoi on veut passer à l'ordre du jour, lorsque des indices semblables... (Des murmures couvrent la voix de l'orateur. )
jeune. Je demande la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Basire sera entendu.) .
Je reçois à l'instant une lettre relative à cette affaire; elle est signée : Collin, femme Noireau. L'Assemblée veut-elle en entendre la lecture avant que j'accorde la parole à M. Basire ?
(L'Assemblée décide qu'elle entendra lecture de la lettre avant d'entendre M. Basire.)
, secrétaire. Voici cette lettre : « Monsieur le Président.
« J'ai l'honneur de vous adresser une pièce essentielle, sur l'affaire de MM. Varnier, Tardy et Noireau. En conséquence des ordres du département de la Gôte-d'Or, 4 personnes ont été arrêtées le mercredi 16 de ce mois et jours suivants : MM. Tardy père, Tardy fils, Noireau, maire de Pontailler, mon mari, et Noireau, receveur à Auxonne, témoin de l'arrestation ae mon mari, dont je connaissais l'innocence. Je ne saurais vous peindre quelle fut ma surprise ; mais les papiers publics m'ont éclairée, et il est manifeste que MM. Noireau et Tardy fils n'étaient point compris dans le décret du 12, ce qui me fait croire que je ne serai point trompée dans mon espérance, et que le courrier apportera des ordres pour le prochain élargissement de mon mari.
« Je n'étais pas moins sûre de l'innocence de M. Noireau, receveur à Auxonne, mon beau-frère ; et ce qui m'en donna la preuve, c'est le bruit qui se répandit alors qu'un nommé Vollon, serrurier à Auxonne, disait publiquement au reçu d'une lettre de M. Basire, député à l'Assemblée nationale, qui le félicitait d'avoir découvert la conspiration de M. Varnier, qu'il était dans le grand étonnement d'avoir reçu une pareille féli-citation n'ayant jamais reçu ni envoyé une lettre à M. Basire, député. Aussitôt que ce bruit a été répandu à Dijon, j'ai envoyé à Auxonne une personne de confiance; elle a vu le sieur Vollon, serrurier, qui lui a remis l'extrait de l'acte qui constate le dépôt de la lettre du sieur Basire, et la déclaration qu'il a faite sur le registre de la municipalité d Auxonne de n'avoir jamais écrit ni envoyé de lettres à M. Basire, député. J'ai déposé cet extrait chez un notaire, afin d'en avoir plusieurs copies. J'ai l'honneur ae vous en envoyer une, et je vous prie d'en donner connaissante à l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : Collin, femme Noireau. »
jeune. J'ai déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, non seulement la lettre de M. Varnier, vraie ou supposée, mais encore la lettre de M. Vollon, mon correspondant, lettre qui est actuellement au comité de législation ou aux archives de l'Assemblée nationale : elle est écrite et signée de la même main. Voilà un incident qui ne jette, il faut le dire, aucun trait de lumière dans l'affaire. En effet, les uns peuvent regarder cet incident comme une preuve de l'innocence des accusés, d'autres peuvent le considérer comme une nouvelle preuve contre eux.
La lettre du sieur Poupart est, dans mon opinion, à moi, s'il m'est permis de la développer à l'Assemblée, la plus grande preuve de conviction contre M. Varnier. Je crois que le particulier qui est détenu à l'Abbaye pour avoir faJbriqué de faux assignats, et qui se charge du crime dont M. Varnier est accusé, doit être regardé comme un homme qui, n'ayant plus rien à craindre, a pu se laisser séduire; mais c'est à la haute cour nationale qu'appartient le jugement de tout ce qui a rapport à cette affaire; c'est à elle qu'il appartient de vérifier les écritures. La lettre de M. Vollon, que j'ai déposée sur le bureau le 12 de ce mois, est désavouée. Si vous voulez en entendre la lecture?... (Oui ! oui!). La voici,
« ... Mon compagnon courtise la fille de la veuve Dumont, aubergiste à Auxonne. Il a été la
voir hier soir, elle faisait le lit de M. Noireau qui est parti pour Pontailler. Il a vu sur une table qui est à M. Noireau la lettre jointe à celle-ci. Voyant qu'elle était pour la contre-révolution, il l a mise dans sa poche, sans rien dire à la fille de la veuve Dumont. J'en ai pris le soir lecture, et j'ai décidé de vous la faire tenir, pour que vous empêchiez l'enrôlement des employés. La lettre a été envoyée par M. Varnier, le receveur de notre grand bureau. Je me suis informé de sa demeure à Paris, afin que vous lui parliez. Il loge à l'hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honorél
« Je n'ai pas parlé à nos municipaux de la lettre que mon compagnon m'a donnée, dans la crainte qu'ils n'avertissent M. Noireau de cacher ses papiers, que vous ferez bien de faire prendre par le district. Gela vous apprendra les idées de ceux qui sont intéressés à la contre-révolution. Je ne savais pas votre demeure : il a fallu que j'envoie ma lettre à un de mes cousins, qui est un bon patriote. Je lui ai dit qu'il vous la remette à vous-même, en personne. J'ai mieux aimé qu'il m'en coûte quelques sous pour affranchir ma lettre et être sûr qu'elle vous sera apportée, car la lettre de M. Varnier est bien traître à la nation.
« J'ai l'honneur, d'être, etc.
« Signé : vollon. »
A la lecture de cette lettre, j'ai mûrement réfléchi et je me suis demande pourquoi un homme se serait exposé à porter sa tête sur l'échafaud pour le plaisir de susciter quelque embarras à M. Noireau. J'ai trouvé dans tous les détails de cette lettre un caractère de vérité qui m'a fait regarder la chose comme certaine, au point de la dénoncer à l'Assemblée nationale. Jusqu'à présent, tous les incidents qui sont survenus dans cette affaire ne détruisent pas ce qui a été dit et ne m'ont pas encore fait changer d'opinion. Je demande mie l'Assemblée maintienne son décret et que l'on passe à l'ordre du jour. La justice fera connaître s'il y a un coupable ou non.
Je demande à faire une observation. Il semble, d'après la lettre du sieur Vollon, qu'il y a doute que la lettre qui a servi de base à l'accusation, ait pu être trouvée chez le sieur Noireau. Mais cet incident ne change pas l'état des choses, puisque le prisonnier de l'Abbaye reconnaît dans sa lettre avoir été en correspondance avec le sieur Noireau. Il ne peut donc rester de doute que cette lettre n'ait été trouvée chez M. Noireau. Je demande que ce mystère soi t éclairci par la^haute cour nationale et qu'à cet effet toutes les pièces, après avoir été paraphées par le président et les secrétaires, soient déposées aux archives pour qu'elles soient ensuite remises au greffe de la haute cour.
Plusieurs membres : La discussion fermée !.
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte la motion de M. Guadet.)
, au nom du comité de législation. Messieurs, vous avez ordonné à votre comité de législation de vous présenter la proclamation destinée à annoncer la formation-de la haute cour nationale, et de dresser l'acte d'accusation contre les sieurs Varnier, Noireau et Tardy que vous avez mis en état d'accusation.
Lé comité a pensé que la proclamation devait être simple et concise pour en indiquer seulement les motifs et rassurer nos concitoyens sur
notre surveillance contre les conspirateurs. C'est sur cet acte que les hauts jurés doivent juger le fait, et que les juges doivent appliquer la loi. Le crime reproché au sieur Varnier et à ses complices est d'avoir cherché à enrôler des citoyens pour les armer contre la patrie. Votre comité l'a qualifié de crime commis contre la sûreté intérieure du royaume, dont la peine est la mort. C'est d'après ces considérations que lé comité a rédigé son projet de proclamation. Le voici :
Proclamation de VAssemblée nationale pour annoncer la formation de la haute cour nationale.
« Français, l'Assemblée nationale, fidèle au dépôt que vous lui avez confié, veille constamment à la sûreté de l'Etat. Un complot formé contre la liberté publique lui a été dénoncé; 3 hommes nommés Claude Varnier, ci-devant receveur des fermes, Tardy, receveur des douanes aux frontières, et Noireau * de Pontailler, ci-devant receveur du grenier à sel, à Auxonne, sont prévenus d'avoir fait et favorisé des enrôlements des ci-devant employés des fermes, pour aller au delà du Rhin former une armée destinée à porter la guerre dans le royaume. L'Assemblée nationale a décrété qu'il y avait lieu à accusation contre ces 3 particuliers ; en conséquence, elle proclame la formation de la haute cour nationale, qui s'assemblera à Orléans le...
« Français, reposez-vous sur les soins de vos représentants. Ils poursuivront sans relâche tous les conspirateurs; ils maintiendront la Constitution; il assureront la liberté; ils feront respecter la souveraineté du peuple et les lois décrétées par l'Assemblée nationale. » (Applaudissements.)
Voici l'acte d'accusation :
« L'Assemblée nationale a reçu, le 12 novembre dernier, la dénonciation qui lui a été faite
d'une lettre signée Varnier, datee de Paris, le.....
A celle-ci était jointe une autre lettre signée Vollon, maître serrurier à Auxonne, adressée à M. Rasire, député à l'Assemblée nationale. Ces deux lettres ont été déposées sur le bureau par M. Basire qui a signé l'acte de dépôt. Lecture faite des lettres, il résulte que le sieur Vollon annonce à M. Basire que la lettre signée Varnier a été écrite par M. Varnier, ci-devant receveur des fermes, logé à Paris, hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honoré et qu'elle a été adressée à M. Noireau de Pontailler, receveur du grenier à sel à Auxonne. La lettre signée Var-ner contient les indices d'un complot contre la sûreté de l'Etat dont se rendaient coupables les sieurs Varnier, Noireau et Tardy, enrôlant sous différents prétextes les ci-devant employés des fermes pour les envoyer au delà des frontières former une armée destinée à attaquer la patrie et à renverser la Constitution.
« L'Assemblée nationale a entendu à la barre de M. Varnier qu'elle avait fait arrêter et qui a dit se nommer Claude Varnier. L'Assemblée nationale a trouvé dans ses réponses et dans l'identité apparente de la lecture de la lettre écrite par le sieur Varnier et des mots que le sieur Varnier a écrits devant elle, des motifs de prévention contre lui et ses complices : elle a décrété qu'il y avait lieu à accusation contre lesdits sieurs Claude Varnier, ci-devant receveur des fermes ; Tardy, receveur des douanes aux frontières et Noireau de Pontailler, ci-devant receveur du grenier à sel d'Auxonne, sont prévenus d'attentat contre la sûreté intérieure de
l'Etat, pour avoir fait ou favorisé des rassemblements d'hommes destinés à porter la guerre dans le royaume. Sur quoi, la haute cour nationale. après que l'instruction, suivant les formes juridiques, aura été faite, devra prononcer si les sieurs Claude Varnier, Tardy de Dijon et Noireau de Pontailler ont trempe dans ledit crime, et appliquer la peine portée en pareil cas.
« L'Assemblée nationale décrète que l'acte d'accusation sera déposé au greffe de la haute cour nationale, avec les lettres signées Varnier et Vollon, les réponses faites à la barre par le sieur Claude Varnier aux interpellations qui ont été faites par le président, et les essais d'écritures qu'il a également faits à la barre, ensemble les pièces qui viennent d'être lues. »
Je crois qu'il faudrait passer sous silence les détails de ces faits-là, qui ne peuvent servir à conviction. Je crois que d'un autre côté si vous voulez parler dans votre proclamation de la comparution du sieur Varnier à la barre, il faut pour rendre hommage à la vérité ? que vous disiez que l'Assemblée nationale avait déjà prononcé contre lui le décret d'accusation, et qu'elle l'a suspendu pour l'entendre à la barre. II faut mettre de l'exactitude dans la relation des faits ou n'en pas parler. Il me semble qu'il faut renvoyer au comité et la proclamation et l'acte d'accusation et en même temps le charger d'examiner s'il convient de joindre aux pièces de la procédure les signatures que ie sieur Varnier a faites dans la salle de l'Assemblée.
J'appuie la motion faite de renvoyer au comité la rédaction, et j'ajoute que cet acte contient un fait absolument faux; l'Assemblée n'a point fait arrêter le sieur Varnier, et elle connaît trop les formes constitutionnelles pour les avoir violées. L'Assemblée nationale a mandé M. Varnier à la barre : or, je demande que ce fait-là soit changé, et je demande l'impression du tout, pour que chacun puisse faire des observations sur un acte tellement important.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix, et en conséquence, envoie la proclamation et l'acte d'accusation au comité ae législation pour présenter une nouvelle rédaction.;
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse du directoire du département des Basses-Pyrénées, ainsi concue :
« Chaque jour accroît le danger et échauffe le fanatisme. Les curés remplacés refusent de céder la place aux prêtres constitutionnels : lisez la lettre incendiaire du curé d'Arudy : nous le dénonçons à l'accusateur public. Nos curés n'écrivent pas, mais ils agissent, ils épouvantent les faibles, ils séduisent et effraient les municipalités. Prononcez, Messieurs, le salut de la France est en vos mains. Maintenez la Constitution, ou préparez vous a toutes les horreurs de la guerre civile.
« Nous sommes, etc.
« Signé : Les Administrateurs composant le directoire des Basses-Pyrénees. »
Voici le résultat du troisième tour de scrutin pour Vélection des deux grands procurateurs de la nation. Sur 373 votants M. Gar-ran-de-Goulon a obtenu 233 voix, M. Pellicat a réuni 140suffrages; en conséquence, M. Garran-de-Coulon ayant seul obtenu la majorité je le proclame grand procurateur de la nation.
II y aura lieu de procéder à un nouveau tour
de scrutin pour l'élection du deuxième grand procurateur.
L'prdre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés. -
Un membre : Je fais la motion de statuer sur le reste du projet de décret concernant les troubles religieux, sans désemparer.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
, rapporteur. Avant de passer à la lecture de l'article 16, je supplie l'Assemblée de me permettre des observations très succinctes. Je vais vous proposer quelques dispositions que je crois nécessaires, non pour ressusciter les articles 13 et 15 que vous avez rejetés (1), mais pour y suppléer, afin que la chaîne qui lie toutes les parties de votre décret ne isoit pas rompue d'une manière nuisible à son exécution.
Sur l'article 13, quoique la formation du Corps législatif en comité général ait offusqué plusieurs membres, il est cependant nécessaire de prendre une résolution à propos des listes qui seront envoyées par les départements. Ce n'est pas assez de demander aux départements des listes et des arrêtés, comme l'Assemblée constituante l'avait ordonné, par son décret du 18 mars, si l'on n'annonce en même temps l'usage qu'on en fera, le délai dans lequel on en fera usage, et les précautions qu'on prendra pour que ces lois soient exécutées, c'est pourquoi je propose l'article suivant qui deviendrait 1 article 13.
« A mesure que ces procès-verbaux, listes et arrêtés seront adressés a l'Assemblée nationale, ils seront remis au comité de législation, pour en faire un rapport général et mettre le Corps législatif à portée de prendre un dernier parti, afin d'extirper la rébellion qui se'déguise sous le prétexte d'opinions prétendues religieuses. Dans un mois, le comité présentera le tableau des administrations qui auront satisfait aux articles précédent, et proposera les mesures à prendre contre celles qui seront en retard de s'y conformer. »
La raison qui a déterminé le comité à réveiller l'article 13 est celle-ci : c'est que l'on réservait très expressément de prendre des mesures ultérieures, ce qui était une déclaration formelle d'insuffisance dans la loi. Je demande que ces expressions ne se retrouvent point dans le nouvel article que nous propose le comité. J'admets que l'on exige, conformément au douzième article, que les districts nous envoient les tableaux, que l'on fasse ensuite passer ces tableaux au comité de législation, mais qu'on se borne à dire que le comité de législation en fera son rapport et que les fonctionnaires qui n'auront pas fait exécuter la loi seront poursuivis et punis. Voici comment je propose de rédiger cet article :
« Si des corps ou des individus revêtus de fonctions publiques négligent ou refusent d'employer les moyens que la loi leur confie pour prévenir ou pour réprimer une émeute, ils en seront personnellement responsables. Ils seront poursuivis, jugés et punis conformément à la loi du 3 août 1791. •
(L'Assemblée, consultée, adopte la rédaction de M. Thuriot, qui devient l'article 13.)
Je demande que l'Assemblée ne reçoive de liste que par l'intermér diaire du pouvoir exécutif. (Murmures.)
(Cette motion n'a pas été mise aux voix.)
Je voudrais qu'il fût donné aux administrations de district un temps suffisant pour former ces états et ensuite les faire passer au département, qui, après en avoir fait un état général, le ferait passer à l'Assemblée nationale ; et je voudrais qu'on autorisât les directoires de département à envoyer, aux frais de l'administration de district, un commissaire chercher ces états pour les aider à les faire s'ils ne les avaient pas raits, ou envoyer... (Murmures.)
(Cette motion n'a pas été mise aux voix.)
, rapporteur. Quant à l'article 15, sans avoir la prétention d'opposer le regret que cet article peut m'inspirer au parti qu'a pris l'Assemblée, je la prierai d'adopter dans la loi la disposition suivante :
« Indépendamment du projet de décret sur le mode civil de constater l'état des personnes, dont s'occupe en ce moment le comité de législation, il s'occûpera de la revision des décrets de l'Assemblée nationale constituante des 12,24 juillet et 27 novembre 1790, concernant l'exercice... (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : La question préalable !
, rapporteur. Si l'article ne vous convient pas, vous le proscrirez, mais laissez-en achever la lecture.
Un grand nombre de voix : Non ! non ! La question préalable !
, rapporteur. En ce cas, je renonce à mon article, et je vais lire l'article 16 qu'il vous reste à décréter et qui est ainsi conçu :
« Au moyen des dispositions précédentes, il ne pourra plus y avoir aucune dissidence réelle en ce royaume dans l'exercice du culte catholique; et comme il importe surtout d'éclairer le peuple sur les pièges qu'on ne cesse de lui tendre à ce sujet, l'Assemblee nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts et à multiplier leurs instructions contre le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public les bons ouvrages à la portée des citoyens des campagnes, qui lui seront adressés sur cette matière importante; et, d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'Etat et récompensera leurs auteurs. »
Avant cet article 16, j'ai imaginé un article qui sera une sorte d'adresse au peuple et qui sera certainement lu, car il est renfermé en quatre lignes. Il intéressera le peuple à ne pas persécuter. Il est tel qu'il assurera la plus grande tolérance et dégoûtera deleursprojets ennemis les prêtres négatifs. Car, plus nombreux seront ceux qui refuseront le serment, plus le peuple sera content, plus l'Etat sera tranquille. (Murmures.) Cette adresse, cette mesure vraiment politique, répressive et pacifiante, est renfermée dans Particle suivant :
« Il sera fait un état de tous les ecclésiastiques qui n'auront pas prêté le serment, et composé une masse des traitements et pensions dont les aura privés leur refiis de serment, lesquels traitements et pensions seront dans les proportions des contributions foncière et mobilière répartis entre les 83 départements, qui les feront distribuer par les municipalités aux citoyens indigents. » (Une
grande partie de VAssemblée et les tribunes applaudissent; les acclamations se prolongent pendant plusieurs minutes.)
Plusieurs membres : Une seconde lecture !
fait une seconde lecture de l'article qu'il propose.
Un grand nombre de membres : La priorité pour l'article de M. Lemontey !
Je demande à parler contre l'article profondément immoral de M. Lemontey. {Murmures.)
Plusieurs membres: Aux voix la priorité!
(L'Assemblée, à la presque unanimité, accorde la priorité à l'article de M. Lemontey.)
jeune. Je demande l'ajournement de l'article de M. Lemontey, et j'observe que cet article a besoin d'être profondément discuté. Indépendamment de ce qu'il accoutumerait les citoyens à bénéficier sur le nombre des mauvais citoyens, il est mauvais dans son exécution; il est absolument essentiel de le méditer. Je sais qu'il est brillant, j'en ai été ébloui moi-même ; mais j'ai besoin d'y réfléchir, et nous en sentirons mieux le bon effet.
L'Assemblée nationale, en ordonnant à tous les ecclésiastiques de prêter le serment civique, doit croire que tous s'y conformeront. D'abord, elle ne doit pas, en réduisant des citoyens à la misère la plus profonde, vouloir en enrichir d'autres à leurs dépens. (Exclamations et murmures prolongés.) Je dis que c'est une mesure qui peut être digne de la politique de Machiavel, mais qui est très immorale et très injuste. Je parle contre un article additionnel qui ferait désirer au peuple français, s'il était moins généreux, de voir des citoyens réduits à la misère la plus profonde. C'est faire injure au peuple. Il restituerait sans doute à ces citoyens malheureux une partie de la pension que vous leur ôtez ; et certes, ces citoyens que vous dépouillez seraient les premiers qui auraient droit à ces aumônes. Je demande donc que la proposition de M. Lemontey soit repoussée par la question préalable.
Plusieurs membres: L'ajournement !
Je demande à appuyer mon article.
Plusieurs membres: Cela n'est pas nécessaire.
La question préalable sur l'ajournement !
Un membre: L'Assemblée nationale ayant décrété que ces pensions, par le refus de serment, seraientsupprimées, la nation trouvera sans doute plus grand de les distribuer à des malheureux que d'en profiter vilainement. (Murmures.) Ce n'est pas cette parcimonie qu'il faut réserver à la nation ; et M. Gérardin a eu tort de détourner votre attention des indigents à qui M. Lemontey veut préparer des secours. Mais je trouve que dans son projet il y a une disposition qui devrait en être rejetée, c'est celle de la liste générale des prêtres non assermentés à distribuer dans le royaume ; car il doit suffire à l'Assemblée nationale et à chaque département de connaître ceux à qui il faut rétirer les pensions; mais il n'est pas nécessaire que la nation en connaisse la quotité.
Plusieurs membres: Pourquoi?
Le même membre: C'est qu'elle n'ajoute rien à la masse des pensions et à la certitude que les départements et l'Assemblée nationale veulent
acquérir; elle est donc parfaitement inutile. Je conclus a ce que la liste générale des prêtres non assermentés soit supprimée.
Il y a des vérités si évidentes; qu'elles doivent saisir tous les esprits, et ne laisser place à aucun doute, ni incertitude. Et de ce nombre est celle que vous a présentée M. Lemontey. Son projet est à la fois fondé en justice et en politique. En justice, parce qu'il faut nécessairement que quelqu'un profite de la suppression de ces pensions qui ne seront plus payées à ceux qui refuseront de prêter le serment civique; c'est à la nation que la rentrée doit s'en faire. Or, la nation ne s'honore-t-elle pas, lorsque, rendant en quelque sorte ces pensions à leur véritable destination, elle en fait le patrimoine des indigents. (Vifs applaudissements.)
Cette proposition n'est pas fondée seulement en justice, mais elle l'est surtout en politique. Remarquez que vous avez surtout besoin de séparer le* peuple des prêtres qui le trompent et qui le gagnent. Or, vous n avez certainement pas de moyens plus heureux et en même temps ae moyens plus justes pour séparer les intérêts des uns et des autres, que d'attribuer ces pensions aux pauvres à qui elles sont dues. (Applaudissements.) Les pensions des ecclésiastiques, c'est là le vrai but d'instruction qui vous était proposé par l'article 16 du projet de décret. J'appuie donc la motion faite par M. Lemontey. Je désirerais seulement qu'il {fût dit par amendement que la distribution des pensions qui ne seront plus payées aux ecclésiastiques qui refuseront ae prêter le serment civique portera seulement sur les départements, districts et municipalités où les prêtres auront refusé de prêter le serment. (Applaudissements.)
J'appuie la proposition de M. Lemontey et l'amendement de M. Guadet. Il est très bon en politique, et certainement il est de la plus rigoureuse justice et de la moralité la plus pure que vous rassiez du produit de ces pensions la destination qui vous a été proposée. Vous y trouverez encore un avantage, c'est que l'exécution du décret devient extrêmement simple.
Plusieurs membres: Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres: L'ajournement !
D'autres membres: La question préalable sur l'ajournement !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ajournement.)
jeune. Au nom du peuple français que l'on veut déshonorer, je demande la question préalable sur l'article.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article de M. Lemontey.)
Plusieurs membres: La question préalable sur l'amendement de M. Guadet !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Guadet.)
En laissant l'article tel qu'il est conçu, il faudrait qué, tous les ans, nous fissions une opération décroissant à raison du décès de ceux à qui ces pensions sont dues. Je demande que l'Assemblée fixe à quatre ans le terme de cette distribution.
jeune. La masse des impositions doit diminuer à raison de la réduction des dépenses publiques, et les dépenses publiques doi-
vent être réduites en raison de la mort des pensionnaires de l'Etat. Vous ne pouvez pas imposer sur le peuple d'une part pour donner à d autres citoyens. Il est nécessaire que les secours attribués à l'indigence diminuent en raison du principe d'où ces secours doivent dériver. Il faut une réduction proportionnelle. L'amendement, tel qu'il a été proposé par M. Lagrévol, ne me paraît pas encore rédigé convenablement; mais j'en demande l'ajournement, ou qu'on le décrète, sauf rédaction.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement !
Un membre : J'adopte le mode proposé par M. Lagrévol, mais il en est encore un autre. Vous n'entendez pas punir toujours un homme que l'erreur d'un moment.....(Exclamations et murmures.)
Plusieurs membres: La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'amendement.)
M. Lemontey a fondu l'amendement avec l'article : j'en demande une nouvelle lecture.
Voici, en tenant compte dans une certaine mesure des observations qui ont été faites, comment je propose de rédiger l'article:
« Il sera composé tous les ans une masse de pensions, dont, en conséquence de l'article 4, les ecclésiastiques auront été privés par leur refus de prêter le serment civique, laquelle somme sera répartie dans la proportion des impositions foncière et mobilière entre les 83 départements, pour être employée par les conseils généraux des communes, soit aux travaux de charité pour les indigents valides, soit en secours pour les indigents invalides. »
Plusieurs membres: Aux voix! aux voix!
(L'Assemblée, consultée, décrète l'article de M. Lemontey.)
Plusieurs membres réclament contre la substitution de cet article, comme d'une mesure exclusivement propre à éclairer, à l'article 16 du comité.
La discussion sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés est interrompue.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui annonce que M. d'Orléans, commandant de la frégate Y Embuscade, a été forcé par son équipage de revenir en France, et que le roi a donné des ordres pour que l'équipage soit jugé et puni suivant la rigueur des fois; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une lettre du commandant du port de Rochefort qui m'informe de l'arrivée de la frégate l'Embuscade, l'une de celles qui composaient la station des îles du Vent. Elle était à la Martinique le 23 août. M. Béagues la destina à aller prendre à la Guadeloupe les commissaires du roi pour les transporter à Sainte-Lucie où leur présence était absolument nécessaire. L'équipage de la frégate s'est opposé à cette destination et a forcé le capitaine a abandonner la .station et à revenir en France. Cette résolution n'a pas même cédé aux représentations qui ont été faites par les capitaines sur le défaut de vivres dont ils auraient manqué pendant cette traversée, si l'on n'eût
trouvé l'occasion d'acheter du biscuit d'un bâtiment que la frégate a rencontré en mer.
« Lorsqu'elle est arrivée à l'île d'Aix, l'équipage a retenu à bord le capitaine et l'état-major et envoyé des députés au commandant du port de Rochefort pour lui remettre une délibération
Êrise et signée de tout l'équipage, le 30 septem-re, en mer. Ils expriment l'intention de revenir en France et en expliquent les motifs. J'ai l'honneur de vous envoyer une copie de cette pièce ainsi qu'une lettre que M. d Orléans, capitaine de Y Embuscade a trouvé moyen de me faire parvenir, quoique toujours retenu à bord. Il rend compte de ce qui s est passé dans cette circonstance, et cette lettre renferme aussi des détails intéressants sur la situation actuelle des îles du Vent. Le roi m'a chargé d'expédier un courrier à Rochefort pour empêcher de désarmer la frégate et prendre les mesures nécessaires pour faire juger, suivant les formes légales, la conduite de cet équipage. Sa Majesté a pensé qu'il était très important de prévenir les suites funestes d'un exemple d'insubordination aussi marqué. Il deviendrait impossible de porter des secours aux colonies et de faire aucun usage des forces navales, si de pareils désordres n'étaient pas réprimés de la manière la plus éclatante.
« Je renvoie au commandant de Rochefort l'acte original de la délibération de l'équipage qui est formellement contraire à l'article 12, titre IV de la Constitution : cette pièce est indispensable pour l'instruction de l'affaire.
« Je n'ai encore d'autres nouvelles officielles des îles du Vent que celles qui sont contenues dans la lettre de M. d'Orléans ; dès qu'il m'en parviendra, j'aurai l'honneur de vous les transmettre.
« Signé : Bertrand. »
Un membre : Je demande le renvoi aux comités de marine et des colonies. (Murmures.)
Plusieurs membres : La lecture I
(L'Assemblée décrète qu'il sera donné lecture des pièces.)
Copie d'une lettre de M. d'Orléans, capitaine de la frégate l'Embuscade, en rade de Vile de Ré.
« Monsieur,
« J'ai l'honneur de vous rendre compte de mon arrivée sur la frégate l'Embuscade et des raisons qui ont déterminé aussi promptement qu'inopinément le retour de cette frégate destinée à la station des îles du Vent, où je suis arrivé en décembre de l'année dernière. Vous savez quelle a été ma conduite et celle des officiers et de l'équipage servant sous mes ordres pendant les troubles de la Martinique : elle a eu les suffrages de tous les honnêtes gens et des commissaires envoyés pour la juger. L'Assemblée nationale et vous, lui avez donné des éloges; nous attestons que nous avons fait notre devoir ; cette conviction intime ne devrait laisser aucun doute, aucune incertitude dans les esprits. J'ai cependant été occupé dans tout le cours de la campagne à calmer les inquiétudes de mon équipage, et à détruire ou du moins atténuer l'effet des mauvais conseils et insinuations perfides des ennemis de l'ordre et de la paix pour parler aux yeux et à la raison des hommes que je commandais. L'appareil imposant des forces envoyées par la nation pour dompter les rebelles, une colonie entière qui les nommait leur sau-
veur, l'approbation et les éloges donnés à leur conduite par ceux qui venaient la juger, que de motifs pour rester dans la voie de la subordination et du devoir qu'ils avaient essentiellement suivie dans les temps les plus critiques !
« L'hivernage a rassemblé au Fort-Roval les vaisseaux de rEtat et ceux du commerce. L'inaction, l'oisiveté, une communication libre et quotidienne avec la terre, tout a favorisé les projets de séduction et de corruption des malintentionnés principalement attachés aux équipages de la Ferme et de VEmbuscade qui s'étaient montrés fidèles à leur devoir et paraissaient inébranlables.
« Le 23 août, j'eus ordre de porter à la Guadeloupe MM. les commissaires qui ne manquèrent pas, dans le trajet, d'encourager et de fortifier l'esprit de subordination et d'obéissance dans lequel ils croyaient encore l'équipage de VEmbuscade; il y était effectivement à cette épo-
?ue, puisque notre retour dans le cul-de-sac de ort-Royal se fit le 26 du même mois, avec autant d'ordre que de célérité. Le temps s'avançait et l'hivernage approchait de sa fin ; les moyens de corruption prenaient plus d'activité, des lettres vraies ou simulées avaient renouvelé des doutes sur l'équipage et sur sa conduite passée, et on m'exprimait le désir d'aller chercher en France des éclaircissements.
« Toutes mes objections portaient sur l'impossibilité d'accéder à leur demande, vu l'obligation où j'étais d'obéir à mes chefs et ae leur en donner l'exemple. Je ne les ai pas convaincus puisqu'ils ont tramé sourdement le projet qu'ils ont exécuté le 30 septembre.
« Les troubles survenus à Sainte-Lucie exigeaient la présence de MM. les commissaires du roi. J'eus ordre, en conséquence, de quitter l'hivernage et d'aller les chercher a la Guadeloupe pour les porter à Sainte-Lucie ou au Fort-Royal. J'appareillai le 29 septembre à six heures du soir. A huit heures et demie, l'équipage assemblé sur le gaillard d'arrière me fit demander dans ma chambre, où j'étais alors. Je sortis, et il me signifia, aussi impérativement que tumultueusement la violation de nos serments et de tous nos devoirs, l'importance de la mission dont nous étions chargés, notrepénuriede vivres, voiles et autres effets ; mes efforts pendant une heure et demie pour persuader l'équipage et le ramener, furent inutiles. Les hommes qui le composaient étaient sourds à la voix du devoir et de la raison et je ne pus obtenir d'eux que ces mots : Nous voulons aller en France; les pilotes nous y conduiront.
« On mit un matelot en faction à la porte de ma chambre, et quand j'y fus entré on m'y fit demander mes armes. Je donnai mes pistolets. Tout 1 état-major fut également désarmé. On fit arriver la frégate malgré moi, et l'on gouverna toute la nuit pour ne pas approcher de la Guadeloupe. Le lendemain 30, croyant le premier mouvement d'effervescence passé, j'assemblai l'équipage ; je fis de nouvelles représentations ; je vis qu'elles aigrissaient au lieu de calmer les esprits ; et alors la volonté générale d'aller en France fut plus fortement prononcée que la veille. L'impossibilité de rien changer à cette détermination me décida à m'esp gager à les y conduire, et je le leur promis. J'insistai pour aller chercher des vivres, cet avis fut rejeté ; cependant on ôta la sentinelle de la porte de ma chambre, et je repris le commandement, voulant diminuer leurs torts, s'il était possible, par l'apparence de l'ordre et de l'obéissance jusqu en France. Il était indispensable de ranger de près la Guadeloupe; je
dirigeai ma route en conséquence. A deux heures après midi, j'étais en calme à une lieue et demie de cette île, et je voulais mettre à terre un habitant de Sainte-Lucie, dépêché vers les commissaires pour leur exposer la situation de la colonie et un mulâtre pilote-côtier; j'éprouvai beaucoup de difficultés ; cependant après bien des contestations, la majorité fut d'avis d'y consentir, et je les envoyai à terre dans un canot dont j'attendis le retour.
« Dès le lendemain, nous nous mîmes tous à 10 onces de pain ; nous n'avions de vivres, que pour 16 jours à ration complète, en 36 cases de farine; mais un four qui menaçait ruine. Le 7 octobre je fis porter sur un bateau américain
?ui se trouvait avoir des biscuits en cargaison, en fis prendre 60 quintaux qui nous donnèrent 35 jours de pain. Le capitaine américain prit en échange une lettre de cliange sur M. Vaucression, négociant de cette ville. Il sera remboursé par l'ordonnateur de la Martinique. Le lendemain, notre demi-ration de pain fut augmentée de deux onces de biscuit le soir. Ce secours est venu d'autant plus à propos, que déjà la traversée s'allongeait par le calme.
« Revenons à la position dans laquelle j'ai laissé les îles du Vent; elle est inquiétante et l'événement dont je viens de vous rendre compte peut avoir les suites les plus dangereuses. Le vaisseau la Ferme, lors de sa sortie à la fin de l'hivernage qui devait suivre la même marche que l'Embuscade, se proposait au moins l'inaction dans les cas au renouvellement des troubles. Il est visible qu'il se tramait quelque chose, et que le poison de la corruption s'était glissé partout.
« Les commissaires du roi étaient à la Guadeloupe pour y amener l'ordre. Leur présence n'a pas arrêté la compagnie des grenadiers du régiment de Forez, en garnison à la Pointe-à-Pitre, de s'emparer d'un fort désarmé. Le gouverneur, l'état-major et les citoyens, y ont marché l'épée à la main, et malgré quelques coups de fusil, ils ont fait mettre bas les armes à cette compagnie que l'on a emprisonnée en attendant son retour en France.
« Presque au même instant il se passait une scène du même genre, mais plus conséquente.
« Un bataillon d'Aunis et trois compagnies détachées à Tabago, s'étaient emparés au morne « Fortuné » et s'y maintenaient, parce que le fort était armé et qu'ils étaient renforcés de quantité de gens sans aveu. M. le gouverneur de cette île était détenu dans le fort. G'est cette malheureuse circonstance qui fit envoyer le particulier de Sainte-Lucie à la Guadeloupe, pour en prévenir MM. les commissaires du roi et les porter à.....
« En usant des voies de conciliation, de persuasion, ils auraient pu arrêter les progrès du mal. C'était la manière de voir de M. de Vernaye, si distingué par son patriotisme et son humanité. Ce général fixé à la Martinique pour la préserver de nouveaux désordres et pour tenir dans le devoir une garnison environnée de tous les pièges et souvent ébranlée par la subornation.
« La précaution prise de désarmer les forts, rendra les tentatives plus difficiles; une nombreuse milice sur pied en imposera aux malintentionnés. Mais à quels maux peuvent se trouver exposées les îles au Vent, si l'esprit d'indiscipline, déjà manifesté sur mer, vient à y gagner. Quand on parviendrait à entretenir un calme apparent à la Martinique, quels seraient les moyens de communication avec les îles voisines,
sans l'activité de la marine, et comment y arrêter les progrès de l'insurrection, sans les moyens de communication.
» Ge tableau pénible à tracer, n'est cependant que trop rigoureusement vrai. La faute de l'Embuscade peut servir utilement la cause de la discipline.
« Le prompt retour de VEmbuscade à la Martinique, prouverait à tous les bâtiments sta-tionnaires qu'on ne quitte pas sans ordre son poste impunément. Cette leçon ramènerait au devoir ceux qui s'en serait écartés, ou auraient envie de le faire.
« Croyez, Monsieur, qu'il faut de l'énergie et du patriotisme pour vous proposer et vous prouver la nécessité ae continuer une campagne que nous avons faite avec autant de fatigue que de dangers et des désagréments de tout genre; je vois bien que je me sacrifie pour l'opérer; c'est l'esprit de mon état-major, qui, dans les différents événements, a montré autant de courage que de fermeté.
« Il est plus d'un objet de détail intéressant que ne comportent point les bornes d'une lettre : je demanderai à l'officier qui commande à Ro-chefort, la permission de partir sur-le-champ pour Paris, et l'engagerai, la campagne n'étant pas terminée, à laisser la frégate armée jusqu'à ce que vous ayez fait passer des ordres sur l'examen et le jugement de cette affaire. C'est pour aller vers vous et vers l'Assemblée nationale, où je serai à portée de recevoir immédiatement des ordres et de faire juger authen-tiquement une conduite sans reproche et exempte du plus léger blâme que j'agis ainsi. J'ai mouillé à l'île de Ré hier au soir, je n'ai pas eu la liberté d'envoyer un officier rendre compte de mon arrivée; ainsi, comme je l'avais prévu, je suis constitué prisonnier à bord avec tout mon état-major.
« J'espère, Monsieur, que vous voudrez bien prendre des mesures pour .faire cesser cette prison.
« Je suis, etc.
« Signé : d'orléans. »
Extrait du procès-verbal des délibérations de l'équipage l'Embuscade.
« Ce iourd'hui, 30 septembre 1791, nous étant réunis a la Basse-Terre, et ayant fait mander le capitaine, nous lui avons communiqué d'une voix unanime notre volonté d'aller en France plutôt qu'à la Basse-Terre Guadeloupe, vu que nous étions incertains sur notre mission, relativement aux troubles qui régnent actuellement, tant à la Pointe-à-Pitre que dans l'île Sainte-Lucie, et que nous ne vouions point commettre les mêmes hostilités contre nos frères que celles qu'on nous reproche d'avoir déjà commises envers eux, d'après des lettres datées du 15 juillet, où l'on nous reproche notre conduite passée ét qui font mention que nous sommes dénoncés dans tous les clubs du royaume comme criminels de lèse-nation, ce qui nous a déterminés à faire route pour la France. En foi de quoi nous avons dressé le présent procès-verbal pour nous servir et valoir ce que ae raison.
« Fait et arrêté buscade étant au gue, à une heure après minuit, le 30 septembre 1791. »
(iSuivent les signatures.
Pour copie conforme : Bertrand.
j uu laioun.
;é à bord de la frégate VEm-travers de l'île Saint-Domin-
Un membre : Je demande le renvoi aux comités réunis des colonies de la marine.
Je m'oppose formellement au renvoi aux comités. Cela ne regarde ni le comité de la marine, ni celui des Colonies à qui l'on veut renvoyer cette affaire. Il y a délit commis dans la marine, c'est au ministre de la marine à le faire poursuivre, suivant les formes juridiques. Il existe des lois qui doivent être exécutées. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
Je ne vois nulle nécessité de renvoyer au pouvoir exécutif, puisque c'est le pouvoir exécutif lui-même qui nous envoie cette affaire. Il est très bon que lé comité ait tous les renseignements de manière que si le pouvoir exécutif ne fait pas ce qu'il doit faire, alors le comité, chargé spécialement de la surveillance, vous présente les mesures nécessaires, et alors vous statuerez. Ainsi, j'insiste pour le renvoi aux comités qui ne nuit point à l'activité du pouvoir exécutif.
(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités réunis des colonies et de la marine.)
La suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés est reprise.
, rapporteur, fait une seconde lecture de l'article 16 au projet de décret du comité :
Art. 16.
« Au moyen des dispositions précédentes, il ne pourra plus y avoir lieu à aucune dissidence réelle en ce royaume dans l'exercice du culte catholique; et comme il importe surtout d'éclairer le peuple sur les pièges qu'on ne césse de lui tendre à ce sujet, l'Assemblée nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts et à multiplier leurs instructions contre le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public, les bons ouvrages à la portée des citoyens des campagnes, qui lui seront adressés sur cette matière importante ; et d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'Etat, et récompensera leurs auteurs. » (L'Assemblée décrète l'article 16.) Plusieurs membres : La lecture du préambule du décret !
, rapporteur. Le préambule devant annoncer l'ensemble des dispositions du décret, et plusieurs membres ayant à proposer des articles additionnels, il est nécessaire d'attendre le parti définitif de l'Assemblée pour faire cette lecture.
Un grand nombre de membres affluent à la tribune pour proposer des amendements ou des articles additionnels à l'ensemble du décret.
Je demande qu'on nous lise tous les articles qu'on veut nous proposer, nous les discuterons demain. .'...
(L'Assembléer consultée, décide que ces articles seront ajournés à demain, immédiatement après leur présentation.)
Tous les opinants appelés successivement dans l'ordre de leur inscription, proposent par anticipation leurs projets.
propose une exception en faveur des vieillards et infirmes, et un article relatif à la liberté des cultes. Un autre membre propose l'envoi de commis-
saires pacificateurs, pris dans les conseils généraux du département, pour porter des lumières dans les campagnes.
demande l'extension de la formule du serment civique, à l'obligation de maintenir de tout son pouvoir la paix intérieure.
Un membre demande la publication et l'exécution simultanée du décret dans toutes les parties du royaume, comme moyen de prévenir les coalitions.
propose l'extension de l'amendement de M. Becquey, aux imbéciles.
jeune demande la suppression des costumes distinctifs des différents cultes.
Un grand nombre de membres lisent d'autres articles plus ou moins excentriques de l'objet d'une loi répressive.
Un membre annonce que depuis 6 semaines il demande la parole pour proposer l'arrestation provisoire, en cas d'invasion hostile, de tous les prêtres non sermentés du royaume.
(L'Assemblée arrête ici toute présentation d'amendements et, articles additionnels, et mets les articles déjà proposés à l'ordre du jour de demain.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la seance de l'assemblée nationale législative du
Observations sur la pétition de M. clavière m,
par m. lafreté.
Encouragé par l'invitation de l'Assemblée nationale, je lùi ai présenté, il y a quelques jours, un plan de travail sur les finances, et j'ai mis sous ses yeux quelques observations :
Sur la nécessité absolue d'assurer, de préférence à tout, le service ordinaire du Trésor public, qui ne saurait supporter la plus légère incertitude, ni le plus petit délai ;
Sur la manière la plus simple de faire connaître à la nation sa situation sur la dette publique;
Enfin, sur la nécessité indispensable d'établir un ordre de remboursements, mesuré sur la nature, la quotité et les époques des différentes parties à recevoir, et des différentes parties à payer.
Depuis, M. Clavière a traité cette matière avec plus d'étendue et de lumières, dans sa pétition a l'Assemblée nationale. Il a approfondi et développé ce que je n'avais, fait qu'indiquer ; mais il a été bien plus loin que moi. J'ai proposé simplement un nouvel ordre de remboursements ; il propose d'en suspendre une grande partie, et c'est sur quoi je fixerai un moment l'attention de l'Assemblée nationale.
M. Clavière observe, avec raison, qu'on a ouvert un champ trop vaste aux remboursements, et qu'il est temps d'y mettre des bornes. Je suis parfaitement de son avis; mais l'exclusion absolue d'une classe de créanciers est bien diffé-
rente d'un ordre de remboursements que sollicite, à beaucoup d'égards, l'intérêt public. On ne peut pas se dissimuler que ce projet dé suspension n'ait répandu de vives inquiétudes, et sans examiner si elles sont .bien ou mal fondées, il suffit qu'elles existent pour que l'Assemblée nationale s'empresse à les dissiper et à tranquilliser le public, en déclarant l'intention où elle est, d'acquitter, avec toute l'exactitude possible, et autant que cela pourra se concilier avec le service du Trésor public, toutes les créances sur l'Etat, de quelque espèce qu'elles soient, dont la légitimité aura été reconnue et constatée ; et peut-être trouvera-t-elle convenable de rendre un décret qui né laisse aucune crainte aux créanciers de l'Etat, ni aux malintentionnés aucun prétexte pour semer dans les esprits le trouble et la défiance.
Gomme cet objet a infiniment de rapport avec ceux que j'ai traités dans mon dernier mémoire, me sera-t-il permis d'y ajouter quelques réflexions rapides sur les circonstances du moment? Je discuterai ensuite quelques opinions de M. Clavière.
Il n'est pas question aujourd'hui d'approfondir la situation générale des finances; il n'est pas question non plus d'un plan de liquidation : il est question seulement ae prendre des mesures promptes et adaptées au moment. Il est évident que dans l'état actuel des choses, la caisse de l'extraordinaire, forcée d'alimenter le Trésor public et de pourvoir aux dépenses extraordinaires et imprévues, ne saurait suffire à des remboursements illimités, et on tomberait infailliblement dans le plus grand désordre et le plus grand embarras, si on ne s'empressait de fixer la masse et la nature des remboursements à faire, du moins d'ici à la fin de l'année, en l'alignant sur les fonds qui peuvent être libres. 11 faut donc tâcher de connaître ses besoins ët ses forces. L'Assemblée nationale aura senti, sans doute, cette nécessité ; elle se sera fait rendre compte :
l°Dela masse d'assignats fabriqués jusqu'à ce jour, acompte des. 1,800 millions décrétés par l'Assemblée nationale;
2° De ceux qui restent libres sur les 1,400 mi-lions qui peuvent être mis en circulation, en y comprenant le remplacement de ceux qui ont. été brûlés ;
3° Des besoins du Trésor public, en novembre et décembre, avec une latitude assez étendue pour les dépenses extraordinaires et imprévues ;
4° Des divers payements à faire à la caisse de l'extraordinaire, dans les mêmes mois de novembre et décembre, et particulièrement de ceux à époques fixes.
Ce simple aperçu suffira pour faire connaître à l'Asseinblée nationale le montant des assignats dont elle pourra disposer, sans déborder les 1,400 millions ; elle connaîtra ceux dont elle aura besoin pour les différents services de cette année ; et d'après cela, elle fixera la somme qu'elle pourra réserver pour les besoins du mois de janvier prochain ; car il est bien important d'avoir toujours en réserve une masse d'assignats fabriqués, à la disposition de l'Assemblée nationale.
Cet excédent ou fonds de réserve une fois établi, il suffirait, dans la suite, de constater soigneusement la recette et la dépense de chaque mois, tant du Trésor public que de la caisse de l'extraordinaire; et en prenant la précaution habituèlle d'assurer d'avance le service de ces deux caisses pour un mois ou deux, on éviterait
ces moments de troubles et d'embarras qui nuisent si fort à la chose publique : c'est par de pareilles dispositions d'ordre et de prévoyance, c'est en s'occupant beaucoup de l'avenir qu'on est toujours tranquille sur le présent.
Après, cette courte digression, je reviens à M. Clavière; et en rendant toute la justice qui est due aux vues générales de sa pétition, en convenant avec lui de la nécessité de mettre de l'ordre et de la réforme dans les remboursements, je combattrai quelques-unes de ses propositions.
M. Clavière propose de suspendre, dès à présent, le remboursement de toutes sortes de dettes susceptibles de liquidation, au-dessus de 2,000 livres. Il serait, je crois, de la plus grande injustice et d'une conséquence bien dangereuse de décréter une pareille disposition ; elle attaquerait une classe nombreuse et intéressante de créanciers, qui ne sont ni spéculateurs, ni agioteurs, mais des citoyens estimables et aes pères de famille, déjà assez malheureux d'avoir perdu leur considération et leur état ; elle menacerait les fonds d'avance des compagnies, qui pourraient être enveloppés dans cette proscription par la dénomination générale et vague ae liquidations. Cette observation importante méritera, sans doute, toute l'attention et l'intérêt des représentants de la nation, d'autant plus qu'un grand nombre de ces créanciers en ont eux-mêmes d'autres à qui ils doivent des remboursements, et à qui ils payent des intérêts. On pourrait seulement modérer et rallentir ces sortes de remboursements, et faire une classe séparée des liquidations des charges et offices.
Quand je propose de ranger ces liquidations dans une classe séparée, je n'entends pas, il s'en faut beaucoup, les exclure du remboursement qu'elles on droit d'attendre ; cette voie doit leur être toujours ouverte: mais ce genre de remboursement doit tenir plqs particulièrement au plan général de liquidation dont l'Assemblée nationale s'occupera, sans doute, quand elle aura acquis les connaissances nécessaires sur la valeur des biens nationaux, et sur le montant de la dette publique. Peut-être même serait-il possible de destiner, dès à présent, au remboursement des offices liquides, le montant des assignats brûlés de mois en mois, et qui, n'étant pas compris dans les valeurs actives, pourraient former un fonds de remboursements.
Non seulement M. Clavière propose de suspendre indéfiniment le remboursement d'un grand nombre de créanciers de l'Etat ; mais de plus il insiste et conclut à ce qu'on les prive encore de la faculté qu'ils ont de placer leurs titres de créances dans l'acquisition des biens nationaux, sous le prétexte que cette concurrence pourrait nuire au crédit des assignats.
Il convient, sans doute, de connaître et de constater le montant des reconnaissance» provisoires délivrées pour des liquidations, et d'y
Eorter une attention particulière; mais je suis ien éloigné de penser qu'il faille les repousser entièrement de l'acquisition des biens nationaux : je voudrais, au contraire, comme cela a été décrété par 1 Assemblée nationale constituante. que toutes les créances, bien et duement liquidées, y fussent admises; et j'y trouverais le double avantage de. payer une dette, et de faire une vente par la même opération. D'ailleurs, si les circonstances obligent à ralentir le remboursement des parties liquidées, il faut du moins leur conserver le débouché qui leur a été
ouvert; sans quoi on ne mettrait dans les mains des créanciers qu'une valeur stérile et frappée d'une exclusion injuste ; car la première destination des biens nationaux est, sans contredit, d'éteindre la dette nationale; et si on en a détourné une partie, on y a été forcé par des besoins impérieux et pour sauver la chose publique. Aujourd'hui que la Constitution est achevée et acceptée par le monarque, que l'ordre et la confiance s'établissent, pourrait-on craindre pour des propriétés respectées dans les temps les plus orageux? Non, sans doute; l'Assemblée législative maintiendra cette sauvegarde sacrée, garantie par l'Assemblée constituante, et sur laquelle reposent l'espoir et la tranquillité des créanciers de l'Etat.
Une autre raison, prise dans l'intérêt public, et qui doit, ce me semble, faire recevoir les créances liquides, ou liquidées en payement des biens nationaux, c'est d'éteindre, avec des valeurs qui ne rapportent pas à la nation plus de 2 0/0, des dettes qui lui coûtent 5 0/0 d'intérêt; et quoi qu'on en aise, ce n'est pas un petit objet, quand il porte sur des sommes aussi considérables.
Quant à l'inconvénient qui a frappé M. Clavière sur le tort que cette concurrence pourrait faire au crédit des assignats, il se plaît trop à l'exagérer; le crédit des assignats est hors de toute atteinte. Ce ne serait, d'ailleurs, qu'une simple considération, et on ne doit jamais perdre de vue que si les biens nationaux servent d'hypothèques aux assignats, ils sont également le gage des créanciers de l'Etat ; et qu'ils ont le même intérêt et les mêmes droits a ces biens. Il faudrait donc tâcher de concilier l'intérêt de ces créanciers avec les égards que peut exiger le crédit des assignats, sans les sacrifier entièrement l'un à l'autre.
Je crois avoir démontré que la justice et les convenances se réunissent pour admettre les créances constatées et liquidées en payement des biens nationaux, concurremment avec les assignats. Cependant, comme il faut en faire rentrer le plus qu'il sera possible à la caisse de l'extraordinaire pour les payements dont elle est chargée, il y aurait peut-être un milieu à prendre entre nos deux opinions ; ce serait de recevoir ces créances pour moitié seulement dans l'acquisition des biens nationaux : on conserverait ce petit avantage aux créanciers de l'Etat, et on haterait d'autant la vente de ces biens.
Je pense entièrement comme M. Clavière sur les obligations que nous avons tous aux as signats, sur la confiance qu'ils méritent, et sur la nécessité de ménager cette importante ressource; j'ai souvent dit, écrit et répété que les assignats et la caisse d'escompte avaient sauvé le royaume, et que, sans ces deux puissants secours, la France n'aurait pas aujourd'hui une Constitution; mais ie ne suis pas aussi effrayé que lui sur le sort des assignats, quand même il en resterait dans la circulation après la vente définitive des biens nationaux; et voici ce qui me rassure :
1° Les assignats ont été créés, délivrés et garantis par une Assemblée nationale permanente, qui a toujours veillé et qui veillera sans cesse à leur emploi ; c'est la dette de la nation, garantie par elle-même, et je crois qu'on peut compter cette garantie pour quelque chose ;
2° Il y a tout lieu d'espérer que la valeur des biens nationaux surpassera le montant de la dette publique. M. de Montesquiou les évalue à 3,500 millions, et M. Clavière ne paraît pas con-
tester cette estimation. Je supposerai une non-valeur de 500 millions, et il resterait encore un produit d'environ 3 milliards pour payer environ 2,700 millions de dettes acquittées ou à acquitter. J'aperçois donc encore un excédent d'environ 300 millions qui me tranquillise; car .nous devons croire que le Trésor public rendra tôt ou tard les 5 ou 600 millions d'assignats qu'il pourra devoir sur les 1,100 millions qui lui ont été délivrés, ayant employé le surplus à des remboursements ; et quand il n'en rendrait que la moitié, cela me suffirait encore.
3* Si, en supposant tous les malheurs possibles, il restait pour 2 ou 300 millions d'assignats dans la circulation, tous les biens vendus et toùtes les dettes payées, je n'aurais encore aucune inquiétude; pourquoi? Parce que la liquidation de l'Etat devant durer environ dix ans, qui est le dernier terme des annuités, il y a tout lieu de croire qu'à cette époque les extinctions seules suffiront pour retirer successivement ces assignats, sans entamer les fonds ordinaires.
4° Je pourrais faire observer encore que d'après toutes les probabilités, et à moins d'événements qu'on ne saurait prévoir, la confiance et le besoin feront rechercher les assignats, tant que le numéraire sera rare ; et cette monnaie légale et solide sera longtemps nécessaire pour remplacer la monnaie métallique que la France a perdue, et que la circulation et la fabrication ne lui rendront pas si tôt. Nous avons vu, il n'y a pas bien longtemps, pour environ 300 millions de promesses ou billets de la caisse d'escompte en circulation, le public n'en était ni inquiet ni embarrassé, et on conviendra bien qu'un: royaume comme la France, entièrement libéré de ses dettes, doit inspirer autant de confiance et de sécurité que la caisse d'escompte en a obtenue.
Je ne sais si je m'abuse, mais ces observations doivent tranquilliser les personnes que les craintes de M. Clavière auraient pu alarmer sur la solidité présente et future des assignats. Ce n'est donc pas le crédit des assignats qui exige tant de ménagements et de sacrifices; on ne peut leur refuser la confiance la plus étendue : c'est l'emploi des assignats qu'il faut ménager avec le plus grand soin ; et plus on éteindra de dettes avec les biens nationaux, et moins il faudra d'assignats pour les remboursements : il serait donc à désirer qu'au lieu de provoquer une exclusioù injuste, on sollicitât, des représentants de la nation, un ordre général de remboursements sagement combiné, que je ne cesse de réclamer depuis longtemps.
M. Clavière propose aussi de faire fabriquer des assignats de 10 sous, pour retirer cette foule de billets qui inondent la ville de Paris. Je sens comme lui les inconvénients et les dangers que présente cette immensité de papier, dont une grande partie n'a d'existence qu une confiance aveugle, et qui peut être trompee ; mais l'expédient qu'il propose est-il praticable? et dans un moment où on ne peut suffire à la fabrication de gros assignats pour les besoins les plus instants, lorsque tous les départements du royaume demandent des assignats de 5 livres, et qu on ne peut pas leur en fournir, serait-il convenable de consommer tant de temps et de matériaux à fabriquer des assignats de 10 sous? Je ne le crois pas. Mais quand on aura fabriqué et répandu une certaine quantité d'assignats de 5 livres, peut-être sera-il de la prudence de l'Assemblée na-
tionale d'ordonner la conversion de cette multitude de billets en petits assignats.. En attendant, il y aurait une mesure plus efficace, qui a été trop longtemps négligée par l'Assemblée constituante, et qu'on ne saurait trop recommander aux soins de la législature actuelle ; ce serait d'augmenter et hâter, par. tous les moyens possibles, la fabrication de petites pièces a'ar-gent, de cuivre et du métal aes cloches, de surveiller exactement le travail des monnaies, et d'y faire porter des matières de toute espèce le plus abondamment possible. C'est peut-être de tous les objets qui doivent occuper l'Assemblée nationale, l'un de ceux qui mérite le plus son attention.
Si l'Assemblée nationale jugeait convenable de descendre au-dessous des assignats de 5 livres, pour se rapprocher davantage des besoins journaliers et de détail, elle pourrait ordonner la fabrication de quelques millions en assignats de 3 livres et de 40 sous ; et si en même temps elle force la fabrication de la petite monnaie, on pourra alimenter les ateliers, les marchés et les campagnes, et parvenir à diminuer l'agiotage sur les espèces, ce fléau du public, qu'il serait si important d'arrêter, mais qu'il est impossible de détruire par l'autorité et par la violence.
Je me résume. La pétition de M. Clavière a essentiellement pour objet deux dispositions également nuisibles à la classe la plus nombreuse des créanciers de l'Etat.
La première, de suspendre d'une manière in-définre le remboursement des dettes liquidées au-dessus de deux mille livres; ce qui serait contre toute justice.
La seconde, d'ôter à ces créanciers la faculté d'échanger volontairement leurs titres de créances contre des biens nationaux ; •• ce qui serait contraire aux anciens décrets.
On a tout lieu d'espérer que l'Assemblée nationale n'admettra pas des dispositions qui seraient si funestes dans leurs effets.
Du reste, les mesures que je prends la liberté de proposer à l'Assemblée nationale, ne sont que des mesures du moment ; il faudra toujours en venir, comme j'ai eu l'honneur de le lui obser-vèr, à un plan général de liquidation. Mais tous les plans qu'on pourrait proposer, toutes les dispositions qu'on pourrait prendre, tous les efforts qu'on pourrait faire, tout serait inutile, si les impositions ne rentrent pas exactement; le salut du royaume est attache au recouvrement des impôts, et ce doit être l'objet continuel de la surveillance et de la sollicitude de l'Assemblée : c'est là-dessus qu'est fondé l'espoir, des amis et des ennemis de la Constitution. On ne saurait trop le répéter, tout tient aux finances : c'est aujourd'hui la partie la plus importante de l'administration, et peut-être la plus difficile, jusqu'à ce qu'on y ait mis plus a'ordre, de clarté et d'ensemble.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 23 novembre.
Il vient de s'élever dans un conseil de district un doute sur la question de savoir si les maisons situées dans les villages sont sujettes à la contribution foncière, à raison de leur valeur locative, ou à raison de 1 étendue qu'elles occupent...
. Permettez-moi de vous interrompre pour faire observer à l'Assemblée que je viens de faire compter par un huissier lès membres présents à la séance, qu'ils ne sont qu'au nombre de 161; cependant il est 11 heures passées.
Un membre : On a déjà plusieurs fois fait la motion de fixer l'heure où les membres doivent se rendre à l'Assemblée. Cette négligence nous fait perdre la. confiance publiqûe. Je demande qu'on fasse l'appel nominal, et qu'on inscrive au procès-verbal le nom des membres absents. (Appuyé ! appuyé !)
Hier au soir, tous vos comités étaient convoqués : ils ont travaillé bien avant dans la nuit; ce matin encore quelques-uns travaiUaient. Par conséquent, le petit nombre de députés qui se trouve en ce moment dans l'Assemblée, ne vient point de leur négligence, mais au contraire de l'activité avec la-queUe ils travaiUent. Je demande la question préalable sur l'appel nominal.
Voix diverses : Aux voix, l'appel nominal! — La question préalable sur 1 appel nominal!
(L Assemblée, consultée, décrété qu'il y a lieu à délibérer sur l'appel nominal et qu'il va y être procédé.)
Un de MM. les secrétaires procède à l'appel nominal et appelle environ un tiers des départements.
Un membre : Nous sommes plus de 200 à présent; je demande qu'on suspende l'appel nominal et qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, suspend l'appel nominal et passe à 1 ordre du jour,)
Un membre : On a commencé l'appel nominal, il n'a pas été terminé et est incomplet; je demande qu'il n'en soit fait aucune mention dans le procès-verbal.
Il suffit de rappeler à des législateurs pénétrés de leur devoir, que sur 700 que le bien public appelle à l'Assemblée dès 9 heures du matin, le quart au plus était arrivé à 11 heures. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande à faire une motion contre cette inassiduité paresseuse qui devient un scandale.
Je vous refuse la parole ; l'Assemblée a décrété de passer à Y ordre du jour qui est la discussion dè divers objets relatifs aux finances. Monsieur Gossuin, vous avez la parole.
Je vais poursuivre l'observation que j'avais à faire. Dans tous les villages, chaque maison a une valeur locative ; on ne peut, par conséquent, l'exempter de la contribution foncière à laquelle elle. est assujettie, à raison de cette valeur locative. Il s'est élevé, dans plusieurs districts, des difficultés sur le véritable sens des lois relatives aux contributions foncière et mobilière, èn ce qui concerne la taxe des maisons et autres bâtiments quelconques situés dans les villages. Je demande que le comité des contributions publiques soit chargé de commenter ces lois et de faire incessamment un rapport sur cet objet, afin que l'Assemblée soit à
même de donner aux corps constitués une explication précise sur le mode à suivre pour la taxe des maisons à laquelle elles doivent réellement être assujetties, soit à raison de leur valeur locative, ou de l'etendue du terrain qu'elles occupent. Cette précaution est d'autant plus urgente a prendre, (pie dans toute l'étendue au royaume, les municipalités sont actuellement occupées a former leurs cadastres.
(L'Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Gossuin.)
, au nom des comités réunis de la dette publique, de la caisse de Vextraordinaire et des assignats et monnaies. Vous avez statué sur les 3 derniers articles du projet qui vous a été présenté le 1er (novembre (1), et vous avez ajourné le premier article dont l'objet était de faire une nouvelle émission'd'assignats de 300 'millions, ce qui porterait à 1,600 millions les 1,300 décrétés par l'Assemblée nationale constituante. C'est cet article que'nous allons soumettre de nouveau à vos délibérations; le voici :
« La somme des assignats à mettre en circulation qui, d'après les décrets de l'Assemblée nationale constituante, ne s'élève qu'à 1,300 millions sera portée à 1,600 millions. »
La question que vous propose le comité se trouve liée à une mesure générale. Par le renvoi que vous avez décrété le 1er novembre, vous avez dit que cette augmentation de 3,000 miUions se trouverait liée avec les moyens à prendre pour connaître, l'état des finances. Vous avez ajourné cet article, parce que vous n'avez pas voulu adopter des; mesures provisoires qui pourraient énerver les fonds qui vous restent. La proposition qui vous est faite par votre comité est indispensable. En conséquence, je réclame que ce rapport soit mis à l'ordre du jour. Mais avant de décréter cet article, en y joignant lès mesures proposées par le comité et que vous avez adoptées par deux décrets séparés du 20 novembre, il me semble que vous devez adopter un plan général sur les finances, afin d'avoir une marche exacte et déterminée dans la discussion qui va s'ouvrir et de n'être point forcés de prenare des mesures provisoires. (Appuyé! appuyé!)
Un membre: On vous propose une nouvelle émission d'assignats, et je m'oppose à cette mesure. Nous devons être très circonspects, très sobres sur de nouvelles émissions d'assignats ; . ce serait un moyen bien commode sans doute de faire face à tous les besoins, mais il n'est pas dans les principes d'une sage administration, il pourrait compromettre la fortune publique et par suite la Constitution. Un papier-monnaie est par lui-même sans valeur effective; il n'en a •que par les propriétés foncières sur lesquelles il est appuyé. Voilà pourquoi celui qui n'a pas pour base des valeurs reelles et disponibles doit tôt ou tard causer la ruine du pays où il est émis. Voilà pourquoi les billets de banque de 1720 sont devenus la plus désastreuse des ressources (Murmures), et voilà pourquoi les assignats ont une valeur réelle et incontestable.
Cette valeur a cependant un terme, passé lequel son crédit deviendrait nul; elle ne saurait
surpasser le montant de l'hypothèque qui en est le principe. On vous a dit que les biens
nationaux s'élevaient à 2 milliards 800 millions ;
N'augmentons pas, quant à présent, l'émission des assignats. Sans doute, il faut payer , toutes les dettes et ne pas même les suspendre, mais ce n'est pas ainsi qu'il faut satisfaire les. créant ciers de l'Etat. La caisse de l'extraordinaire n'a point été créée pour toujours prêter au Trésor, public, ni pour fournir aux dépenses ordinaires,. C'est aux contributions publiques à y faire face, et déjà trop longtemps, la caisse de l'extraordinaire a servi à cette fausse destination. Les contributions publiques sont le grand ressort de la machine politique; il faut instamment prendre des mesures efficaces pour les mettre en plein mouvement. Lorsque la caisse de l'extraordinaire fournira peu à la trésorerie nationale, alors il sera intéressant pour tous les créanciers de l'Etat, de voir payer les contributions publiques, parce qu'alors ils n'auront plus d'inquiétudes pour le remboursement de leurs créances.
Ainsi, Messieurs, je m'oppose, quant à présent, à une plus grande émission d'assignats, et j'insiste pour que nous prenions toutes les mesures possibles pour que les contributions publiques soient exactement acquittées.
L'Assemblée ne peut différer plus longtemps de prendre un parti a cet égard. La discussion sur l'émission des assignats a été ajournée plusieurs fois. Tous les" capitalistes, tous les gens d'affaires ont droit de témoigner le plus profond étonnement du peu d'importance que paraît mettre l'Assemblée à un objet qui intéresse aussi particulièrement le bien public et la tranquillité de l'Empire. Je demande donc que ce rapport trop longtemps attendu, puisqu'il l'est depuis 20 jours, soit discuté le plus tôt possible. Il est temps que nous répondions au vœu de la nation française et qu un objet, si essentiel au succès de la Constitution, soit discuté sans relâche jusqu'à ce que la lumière soit faite dans toutes ses parties.
Un membre : Pour procéder plus régulièrement, vous devez entendre le comité de la dette publique qui vous présentera un plan général.
Nos prédécesseurs ont fait une Constitution, et nous la verrons s'anéantir, si nous n'organisons bientôt l'administration des finances de l'Etat. Pour peu qu'on ait de connaissances en cette matière, il est impossible de n'être pas convaincu que l'organisation des divers comités de l'Assemblée, chargés de cette
Îartie, est extrêmement vicieuse et impolitique, amais l'Assemblée ne pourra connaître le véritable état des finances, puisqu'elle n'aura jamais que des rapports partiels et isolés, et les comités, loin de nous être utiles, ne feront que retarder la marche de nos opérations. Rapportons le décret de leur création, et occupons-nous d'une organisation qui puisse les faire servir à hâter nos travaux.
J'appuie la proposition
de M. Dorizy et je demandé que les divers comités de finances se réunissent et se concertent pour vous présenter une nouvelle organisation, soit en un seul comité, soit en plusieurs.
Nous ne sommes pas à nous apercevoir de l'imperfection des comités de finances; mais dans ce moment il n'est pas question de nous en occuper.
Sur la question importante qui se présente, il faut bien distinguer le provisoire d'avec le fond ; il faut examiner quels sont les fonds nécessaires pour le service actuel de la Trésorerie nationale^ et ne pas confondre l'objet en délibération avec les mesures générales à prendre pour la liquidation etl'extinction générale de la dette publique. Si vous entamez la grande question des finances, cette discussion pourra se prolonger 8 jours, peut-être 15 jours, peut-être 3 semaines, et vous exposeriez le service public à être interrompu; Je demande donc que les membres du comité de la caisse de l'extraordinaire soient consultés pour savoir dans quelle situation se trouve cette caisse et pour nous dire si l'émission des petits assignats peut, sans inconvénients, être .suspendue encore 8 jours.
J'appuie la motion de M. Dorizy i et je demande que le comité des domaines soit adjoint aux divers comités des finances.
Un membre : D'après les réflexions de M. Tarbé, je crois qu'il est indispensable de décréter provisoirement l'émission proposée.
En appuyant la demande qui vous est faite d'un comité central de'finances, je dois vous observer que le projet qui vous est présenté d'une nouvelle émission ^assignats, a été arrêté par tous les comités de finances réunis. Ainsi, Messieurs, la réunion des comités s'est opérée par la nécessité des circonstances. Il est instant de s'occuper de cette nouvelle émission. D'après le rapport du comité de la Trésorerie nationale, il reste un déficit à la fin de l'année pour les besoins extraordinaires ; mais adopterez-vous cette émission telle qu'elle vous est proposée par votre comité, ou la bornerez-vous aux besoins extraordinaires ? Je demande donc qu'on délibère sur la réunion des comités en comité général, mais, en même temps, je voudrais que F Assemblée discutât sur la nouvelle émission des assignats et sur l'emploi que nous devons en fairè au 1er décembre prochain.
Plusieurs membres ? Fermez la discussion !.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre : Je propose un amendement à la motion de M. Dorizy. Au lieu de réunir tous lea membres des comités, je pense qu'il vaudrait mieux que chaque comité des finances nommât 6 de ses membres pour former un comité central qui proposera un plan d'organisation générale, car il,est certain qu'avec la réunion de tous les membres dès comités vous n'auriez pas de travail d'ici à 15 jours. (Appuyé! appuyé!)
.Voici, en tenant compte- de cet amendement et de l'amendement de M. Jollivet, comment je propose de rédiger ma motion :
« L'Assemblée nationale décrète que 6 commissaires de chacun des comités ae finances, ensemble de celui dès domaines se réuniront demain au soir, à cinq heures, dans le lieu des séances de l'Assemblée, arrêteront un nouveau plan d'organisation des comités de finances, et le
proposeront, le plus tôt possible, à l'Assemblée nationale. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Un membre : Je demande que l'article des trois comités réunis, présenté par M. Haussmann, soit mis sur-le-champ en discussion.
On ne peut point décréter cette émission dans ce moment. Vous venez de rendre un décret qui ordonne une nouvelle organisation des comités de finances ; il faut connaître auparavant les ressources et les besoins de la Trésorerie nationale. Je demande l'ajournement. (Appuyé! appuyé !)
Avant de mettre aux voix l'ajournement, j'observe à l'Assemblée que j'ai fait un
{>etit travail sur l'état présumé de la caisse de 'extraordinaire, état réclamé par M. Tarbé. Je demande à l'Assemblée si elle veut en entendre la lecture ; elle pourra, si elle le juge à propos, en renvoyer les dispositions aux comités pour en faire l'examen.
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Cambon sera entendu.)
Messieurs (1), je ne viens pas combattre l'augmentation des assignats à mettre en circulation, qui vous est proposée par votre comité; ie sais que vous êtes forcés d'v avoir recours. Mais la porterez-vous à 1,600 millions pour faire face aux besoins ordinaires et aux remboursements de la dette exigible, ou la bor-nerez-vous à la somme urgente et indispensable? C'est ce que je me propose de discuter.
A la fin du mois d'octobre dernier, il ne restait que 2,500,000 livres dans la caisse de l'extraordinaire. Les besoins du mois de novembre courant se montaient, suivant le rapport du comité, à 119 millions; pour y faire race, vous avez été forcés de décréter que la masse des assignats en circulation serait augmentée de 100 millions. Cette mesure, dont le Corps constituant vous a laissé l'embarras, a marqué les premiers instants de votre existence politique.
Cette ressource est encore insuffisante : elle ne peut point parer au déficit de la recette ordinaire et aux besoins particuliers de 1791, qui ont été payés dans ce mois par la Trésorerie nationale, et qui, d'après les décrets, doivent être remboursés ou fournis par la caisse de l'extraordinaire. Un simple calcul doit vous en convaincre.
Il restait dans la caisse de l'extraordinaire, le
31 octobre dernier.2,500,0001
L'augmentation d'assignats à mettre en circulation, que vous avez décrétée le 1er de ce mois, vous a fourni un fonds de. . .100,000,000
Lebrûlement des assignats d?ins le mois de novembre, peut être évalué à 30 millions, ce qui, d'après les décrets, a permis l'émission nouvelle d'une pareille somme de.........30,000,000
Total des ressources pour ce mois.........132,500,000 1
Les besoins présumés de la caisse de l'extraor-
Le déficit entre la recette et la dépense de la Trésorerie nationale, pour le mois de novembre, peut être évalué.... :.......... 15,000,000
Les besoins particuliers de l'année 1791, payés par la Trésorerie nationale, et dont le fonds doit être remboursé par la caisse de l'extraordinaire, peuvent être estimés.................. 20,000,000
Total des dépenses du mois de
novembre........................154,000,0001.
A déduire les recettes suivant
l'état ci-devant..............................132,500,000
De sorte qu'il existera un déficit de....................... 21,500,000 1.
Vous aurez encore à pourvoir aux besoins du mois de décembre et aux remboursements.
Dans un pareil; état de choses, une nouvelle augmentation dans la circulation des assignats est sans doute indispensable ; mais devons-nous nous livrer encore a des mesures provisoires pour nous exposer chaque mois aux mêmes embarras, ou devons-nous, en augmentant l'émission des assignats, prendre des moyens pour y remédier?
Examinons auparavant le résultat des mesures et des ressources que vous offre le projet de votre comité ; comparons-les aux besoins présumés, afin de connaître jusqu'à quelle époque ils peuvent suffire.
L'augmentation des assignats à mettre en circulation, qui se porte dans ce moment à 1,400 millions, et que votre comité vous propose de porter a 1,600 millions, vous procure une ressource de..................... 200,000,000 1.
On peut évaluer à 30 millions par mois les assignats qui se brûleront en décembre, janvier et février. Vous pourriez donc en émettre une pareille somme, ce qui vous procurera une ressource de..................... 90,000,000
Total des ressources......... 290,000,000 1.
Les dépenses des mois de décembre, janvier et février, doivent se monter, savoir : Déficit du mois de novembre, suivant le
compte ci-devant............. 21,500,0001.
Le remboursement des offices, charges, etc., peut être évalué à 35,000,000 livres par mois,
ci............................ 105,000,000
Le remboursement de la dette à terme fixe, peut être évalué
au moins à (1)................ 40,000,000
Les frais du culte à fournir à la Trésorerie nationale, par la caisse de l'extraordinaire, a raison de 5 millions par mois.... 15,000,000
En supposant que la perception des contributions s'améliore le déficit entre la recette et
la dé-
Les besoins particuliers de 1791 pour lesquels il n'y a aucun fonds affecté, et auxquels la caisse dé l'extraordinaire doit faire face, peuvent être estimés 20 millions par mois, et pour trois mois... 60,000,000
Les secours aux villes et aux hôpitaux, ou le seizième du bénéfice sur les biens nationaux, accordé aux municipalités, peuvent être estimés, pour trois mois......................... 60,000,000
Total des dépenses....... 277,500,000 1.
qui, déduites des 290 millions de ressources proposées par votre comité, offrent un reste de 12,500,000 livres qui sera en caisse à l'époque du 1er mars.
Cette somme étant insuffisante, il ne vous restera d'autre ressource que d'augmenter encore la masse des assignats en circulation, afin de pouvoir satisfaire aux besoins indispensables ; car je ne doute pas qu'à cette époque vous ne soyiez forcés d'adopter un autre mode de remboursement pour la dette déclarée exigible. Celui qui est actuellement employé nécessiterait, chaque mois, une augmentation de circulation de 90 à 100 millions d'assignats, et peut-être serez vous effrayés du montant de ceux qui auront été émis à la nn du mois de février prochain : je vais vous en présenter le résultat.
La masse d'assignats qui seront en circulation, le 1er décembre prochain, d'après votre décret du
1er de ce mois, se montera
Les assignats qui ont été brûlés jusqu'à ce jour, et qui proviennent du produit des domaines nationaux se montent à...
Les assignats qui se brûleront, d'ici à la nn du mois, peuvent être évalués à................
1,400,000,000 1.
330,000,000
20,000,000
Total des assignats en émission le 1er décembre prochain. 1,750,000,000 1.
Si vous adoptez la mesure qui vous est proposée par votre comité, l'émission sera augmentée de...................................200,000,000
Le brûlement des assignats dans les mois de décembre, janvier et février, estimé à 30 millions par mois, facilitera encore une émission de........ 90,000,000
Total des assignats en émission à la fin du mois de février prochain.............. 2,040,000,000 1.
A l'aspect d'une émission déjà si considérable, qu'il me soit permis de vous rappeler quelques vérités fondamentales sur la théorie des assignats, et sur les conditions qui leur sont imposées par la nature des choses et l'embarras des circonstances.
Les assignats sont le signe représentatif du numéraire, leur hypothèque repose sur la valeur des biens nationaux : ils sont affectés aux besoins ordinaires de l'Etat, en supplément de l'impôt,
et au remboursement de la dette déclarée exigible. Il faut donc que le montant de leur émission n'excède jamais la valeur des biens nationaux, que les liquidations, sagement graduées, n'énervent pas les sommes nécessaires aux besoins ordinaires ; que les doutes élevés sur la solidité du gage, ou la trop grande quantité du signe, ne forcent point le prix des denrées, et n'augmentent point la dépense des particuliers et au gouvernement.
Aurons-nous rempli toutes ces conditions, lorsque nous aurons jeté dans la circulation 290 millions de plus, sans avoir mésuré l'étendue de nos engagements et celle de nos ressources ? Si l'obstination de nos ennemis nous commandé une défense nécessaire, ou des apprêts également ruineux, balancerons-nous encore, par une émission nouvelle, l'augmentation de nos dépenses, ou la non-perception des impôts, lors même que cette ressource offrirait du danger ? Non, Messieurs, ne livrons point le destin de l'Empire à des mesures provisoires qui décèlent et perpétuent la faiblesse du corps politique; embrassons un plan général qui soit préparé par les notions les plus exactes sur la valeur des biens nationaux vendus et à vendre, et sur la masse encore exigible des liquidations et des remboursements. La totalité de ces biens est, sans doute, supérieure à celle de nos besoins; mais il faut qu'elle soit évidemment constatée afin qu'il ne puisse plus exister le moindre doute.
Lorsque vous aurez recueilli et publié, sur ces importants objets, les renseignements les plus sûrs et les plus détaillés, les malveillants ne pourront plus vous accuser de substituer à des vérités de fait, des aperçus hypothétiques ou des rêves consolateurs ; si l'Assemblée constituante a préparé ses succès en mettant la dette sous la sauvegarde de la loyauté française, vous assurerez également les vôtres, en la mettant sous la sauvegarde de l'ordre, de la publicité et de la surveillance de tous les Français.
Votre comité a été pénétré de ces vérités* puisque, par un projet de décret, distribué le 20 au courant, il vous indique les moyens qu'il a jugés convenables pour vous procurer un état des biens nationaux vendus ou à vendre; je ne puis qu'applaudir aux vues qui vous sont présentées ; mais il me paraît que le délai qui y est fixé, n'est pas suffisant. Je crois qu'il est impolitique, et même dangereux de faire des lois dont l'exécution serait impossible. Je pense aussi qu'il faut laisser à chaque administration le soin de remplir les fonctions que la Constitution lui a déléguées ; pourquoi envoyer des commissaires à des directoires de districts, qui, jaloux de remplir leurs devoirs, s'empresseront d'exécuter vos lois?
Ce moyen extraordinaire doit être réservé pour les administrateurs en retard, et doit être regardé comme une punition infligée à leur négligence : pourquoi ne pas employer des moyens coercitifs contre les administrations de département? N'avons-nous pas l'exemple que plusieurs d'entre elles ont mis au retard dans l'exécution des lois qui leur est confiée?
Ne perdons pas de vue que tous les administrateurs sont élus par le peuple, que tous doivent également exécuter les lois, et que, s'ils négligent de remplir leur devoir, il faut qu'ils soient tous également punis.
En conséquence, ie voudrais qu'il fût décrété que les directoires ae district fussent tenus d'envoyer d'ici au 15 janvier prochain, aux direc-
toires de département, l'état des biens nationaux, etc. ; et comme ces états nécessiteront des dépenses extraordinaires, je voudrais qu'il leur fût alloué une somme fixée à 400 livres, de laquelle ils seront tenus de rendre compte au directoire de département qui la vérifiera, et qui, sur l'arrêté qui interviendra, sera acquittée par les receveurs de district, qui l'enverront pour comptant à la caisse de 1 extraordinaire.
Si les directoires de district ne satisfont pas, dans le délai prescrit, à l'envoi des états demandés, je voudrais qu'il fût décrété que les directoires de département fussent tenus d'y envoyer des commissaires aux frais et dépens des. administrateurs et procureur-syndic en retard, lesquels seraient omigés de terminer leur opération dans un mois du jour de leur nomination, et au plus tard le 15 février prochain.
Je voudrais que les départements fussent tenus d'adresser sans délai et au plus tard d'ici au lor mars prochain, au commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, les états qu'ils auraient reçus des directoires de district ou des commissaires qu'ils auraient nommés ; et faute
f>ar eux d'y satisfaire, je ne vous proposerai pas 'envoi des commissaires du roi ; cette mesure me paraissant contraire aux lois qui déterminent qu'il ne peut exister aucun intermédiaire entre les corps administratifs et le pouvoir exécutif suprême. D'ailleurs ces commissaires rappelleraient l'ancienne existence des commissaires départis, dont la Révolution nous a heureusement débarrassés; mais je voudrais que le commissaire du roi, auprès de la caisse de l'extraordinaire, fût tenu d'envoyer des commis auprès des administrations en retard, lesquels seraient tenus de se procurer et porter les états demandés avant la fin du mois de marsj et les frais qui leur seraient alloués seraient supportés par les administrateurs; et procureur général syndic en retard.
Enfin, je demanderais que le commissaire du roi, auprès de xla caisse de l'extraordinaire, fût tenu, sous sa responsabilité et sous peine de des-itution de sa place, de présenter, le 15 avril prochain, un état général, divisé par départements et districts, lequel comprendrait :
1° L'-estimation et le produit des biens nationaux vendus au 1er janvier prochain;
2° La désignation et l'estimation des biens nationaux à vendre, à la même époque ;
3° La désignation et l'estimation des biens nationaux dont la vente est suspendue ou réservée ;
4° L'état des sommes reçues sur les ventes déjà faites et de celles qui restent à recouvrer.
Ces précautions adoptées, il vous restera encore à vous occuper des moyens A prendre pour connaître une partie intéressante des ressources publiques. Elle est composée r
1° Des recouvrements à faire, soit sur les comptables, soit sur les parties arriérées de revenus provenant des années 1790 et antérieures;
2° Des reprises que le Trésor national a à faire sur les débiteurs arriérés ou à échoir ;
3° Enfin, du montant des arrérages des contributions et revenus publics affectés à l'année 1791.
Je désirerais que le ministre des contributions fût tenu, sous sa responsabilité, de vous présenter le 15 janvier prochain les états relatifs à cette partie des richesses de l'Etat.
Mais if ne suffit pas de connaître ce qui est dû, il faut encore en faciliter et procurer la rentrée la plus prompte. Pour y parvenir je demanderais que
le bureau de comptabilité fût tenu de vous présenter, sous quinzaine, ses vues sur les moyens d'accélérer la reddition et l'apurement des comptes arriérés, que votre comité de la Trésorerie vous présentât les moyens pour faciliter la rentrée des dettes arriérées, et que le ministre des contributions rendît compte, tous les 15 iours, de l'état des rentrées et des causes qui s'opposent à leurs recouvrements.
Avec des mesures, vous aurez, d'ici au 15 avril prochain, une connaissance exacte des ressources de l'Etat ; mais cette connaissànce serait insuffisante si vous ne preniez des précautions pour constater, à la même époque, le montant de la dette publique. Je vais vous présenter mes vues sur les moyens que je crois convenables.
La dette publique a été divisée en deux classes par l'Assemblée constituante, une appelée dette constituée, et l'autre dette exigible.
La dette constituée n'est point comprise dans les remboursements décrétés. La nation est obligée seulement d'en payer annuellement les intérêts qui sont compris dans les dépenses ordinaires; le montant ae cette dette est connu; vous devez exiger que les conïmissaires delà Trésorerie nationale vous en présentent l'état sous quinzaine, conformément au décret du 18 août dernier.
La dette exigible se subdivise encore en trois parties ; la première est désignée sous le titre d'emprunts à terme ; cette dette est remboursable par parties divisées, et à différents termes qui se prolongent jusqu'en 1824 ; elle est connue. Il faut que les commissaires de la Trésorerie nationale soient tenus aussi de vous en présenter l'état sous quinzaine, conformément au décret du 18 août dernier.
La deuxième partie est désignée sous le titre de dette arriérée ; le montant doit en être connu, puisque l'Assemblée constituante, par son décret au 1/ juillet 1790, qui en ordonne la liquidation, détermine, par l'article 7, un délai .fatal pour présenter les titres, passé lequel elle déclare déchus de plein droit, de toute répétition sur le Trésor publie, ceux qui n'y auraient pas satisfait.
Cette sage mesure doit être exécutée. En vain voudrait-on dire qu'elle est comminatoire ; elle se trouve fondée sur les principes de la justice, la plus rigoureuse. Est-il permis à des particuliers, porteurs de titres anciens, la plupart douteux ou équivoques, de retarder ou empêcher, par leur morosité, la libération, qu'une grande nation a déterminée? et si la loi- civile admet la prescription trentenaire, et rejette le compte d'un ouvrier quand il n'est point arrêté dans l'année, la nation qui est un individu collectif, ne peut-elle adopter la même mesure envers des créanciers dont les titres ne sont pas avérés, ou qui datent depuis plus de 30 ans, et qui refusent de faire connaître leur créance ignorée?
Vous devez donc ordonner, conformément au décret du 17 juillet 1790, que les créanciers de la dette arriérée qui ne se seront pas présentés ou ne se présenteront pas dans les délais indiqués, sont et demeurent déchus de toute répétition envers le Trésor public ; et pour constater d'une manière certaine le montant de cette créance, je désirerais qu'il fût décrété que le commissaire liquidateur fût tenu de vous présenter, d'ici au 15 décembre prochain, l'état de la dette arriérée qui a été liquidée, et des demandes qui lui ont été faites en exécution du
décret du 17 juillet 1790, ainsi que des titres à l'appui desdites demandes.
La troisième partie se trouve composée du montant des offices, charges, places et emplois de finances, justice, militaire, municipalité, etc., qui ont été supprimés ; des créances des propriétaires des dîmes inféodées ; des droits féodaux, des anticipations, des maîtrises et jurandes; de la dette du clergé, des corps et communautés religieuses, et généralement de tous les titres qui ont été déclarés faire partie de la dette publique, qui doit être remboursée d'après les décrets du Corps constituant.
En vain chercherons-nous des renseignements exacts sur cette partie intéressante de la dette
Eublique, nous ne trouverons que des calculs ypothétiques, sur lesquels on ne peut rien statuer, et que chacun augmente ou diminue, suivant l'impulsion qui le dirige.
Il importe cependant au maintien de la Constitution, au crédit des assignats, et. peut-être même à la tranquillité publique, que nous acquérions des données certaines sur cette partie de la dette, déclarée exigible.
Je voudrais donc qu'il fût décrété que les propriétaires et possesseurs de ces divers titres et créances fussent tenus de les présenter au commissaire liquidateur; savoir : ceux qui habitent en Europe, d'ici au 1er mars 1792 ; ceux qui habitent dans les colonies, en deçà du cap de Bonne-Espérance, d'ici au 1er mars 1793 ; et ceux qui habitent au delà du cap de Bonne-Espé-rance, d'ici au 1er mars 1795. Sans cette précaution, vous n'auriez que des données incertaines sur l'état de la dette ; l'avenir restera toujours chargé du fardeau du passé qui sera inconnu : d'ailleurs cette mesure, qui vous a été indiquée
§ar le Corps constituant, ne me présente aucun anger.
Je pense cependant que les dispositions adoptées par le. décret du 17 juillet 1790, ne peuvent pas être appliquées aux personnes qui seront en retard. Il serait injuste ae priver de leur capital les possesseurs des titres constatés d'une manière authentique : la nation ne peut enlever ce qu'elle est sûre d'avoir reçu; j'adopte donc la proposition qui vous est faite par votre comité, ae ne point admettre les créanciers en retard dans la classe de la dette exigible, mais de déclarer
3u'ils pourront être admis, sur leur pétition, et 'après un décret dû Corps législatif, dans la classe de la dette constituée, en leur allouant un intérêt de 3 0/0.
Cette mesure s'accorde avec les principes, puisqu'elle laisse la liberté aux propriétaires des titres et créances, dont le capital n'était pas remboursable, et qui n'a été déclaré exigible que par les décrets du Corps constituant, de se présenter, dans le délai indiqué, pour être admis dans la classe des créances remboursables, ou de laisser leurs fonds ès mains de la nation, qui qui s'engage de leur en payer un intérêt fixé à 3 0/0.
Il me reste encore à vous parler d'une partie de la dette publique, qui n'est pas portée dans le mémoire de M. de Montesquiou; sans doute, parce qu'elle ne doit être comprise qu'éventuellement parmi les dettes de l'Etat; elle est composée de dettes des municipalités.
L'Assemblée nationale, par son décret du 5 août dernier, a ordonné que les villes et communes affecteraient au payement de leurs dettes:
1° Le bénéfice qui leur est alloué sur la vente des biens nationaux ;
2f Le produit de leurs biens patrimoniaux, créances et immeubles réels et fictifs ;
3° Un supplément d'un sol pour livre aux contributions foncière et mobilière. ,,
Mais la nation a pris en même temps l'enga^ gement de prendre à sa charge la partie de cette dette, qui pourrait être acquittée par les fonds qui y sont affectés j ou pour laquelle les sols additionnels soient insuffisants pour le payement des intérêts et du capital.
IL est possible que cette partie de la dette soit peu conséquente, mais if. importe de la connaître. , -
En conséquence, je désirerais que les villes et communes fussent tenues d'adresser, d'ici au lor mars prochain, au commissaire-liquidateur, l'état de leur dette et des ressources affectées à leur remboursement par le décret du 5 août dernier ; faute par elles d'y satisfaire, je désirerais qu'il fût décrété qu'elles seront déchues de l'avantage qui leur est promis par l'article 5 du décret du 5 août dernier, sauf leurs recours contre les maires et officiers municipaux qui leur auraient occasionné cette perte.
Appuyé de vos décrets, le commissaire liquidateur pourra, dès lors, accéler ses opérations ; vous pourriez décréter alors que le Gomité de liquidation vous ferait chaque semaine le rapport des titres qui auraient été vérifiés, et que le commissaire liquidateur serait tenu, sous sa responsabilité, de vous présenter, le 1er avril prochain, un tableau de la dette de l'Etat qui aurait été liquidée, ou dont les titres lui auraient été présentés.
Parvenus à cette époque, nous verrons se développer un nouvel ordre ae choses ; le rapprochement des créances et des ressources de ITEtat ranimera la confiance publique, et trompera les calculs de la haine. Les assignats seront recherchés, et leur valeur n'éprouvera presque plus de différence dans leur échange contre le numéraire.
Mais en attendant cette époque hèureuse, en attendant le résultat de cet important examen, suivrons-nous encore les mesures que l'intérêt du moment a peut-être commandées, et dont il est peut-être - instant de s'affranchir ? Ferons-nous marcher de front les besoins journaliers de l'administration, et les nombreux remboursements qui peuvent tàrir dans un instant, les fonds du Trésor public ? Ici se présente .une foule de considérations qu'il faut mettre en balance avec les engagements contractés par le Corps constituant.
L'Assemblée constituante décréta, le 29 septembre 1790, que la dette non constituée de l'Etat serait remboursée en assignats ; elle décréta aussi qu'il ne pourrait y avoir en circulation au delà de 1,200 millions d'assignats.
Par son décret du 7 novembre 1790, elle affecta 600 millions dès assignats créés le 29 septembre dernier, au payement de la dette déclarée exigible : elle annonce,par ce même décret, que lorsque ce fonds serait épuisé,, les remboursements se feraient alors par ordre de numéros, suivant l'indication publique qui en serait donnée, condition qu'elle avait déjà annoncée par l'article 7 du decret du 30 octobre dernier..
Enfin, par le décret du 19 juin 1791, qui autorise une nouvelle fabrication de 600 millions d'assignats, il est expressément dit qu'ils ne pourront être mis en circulation que dans la même proportion des rentrées et brûlements de ceux qui avaient déjà été émis.
Il résulte bien clairement de ces dispositions, que la somme d'assignats à mettre en circulation était fixée à 1,200 millions; que 600 millions devaient être affectés au remboursement de la dette déclarée exigible, et que, pour ne pas surpasser les 1,200 millions, les remboursements se feraient par ordre de numéros, et dans la même proportion que les brûlements s'effectueraient, lorsque la somme qui était affectée serait épuisée.
Cependant, la somme d'assignats en circulation se portera, le premier octobre prochain, à 1,400 millions. Le montant des remboursements effectués se portait à la fin du mois d'octobre à 554 millions ; ceux qui devaient se faire dans ce mois ont été évalués, dans le rapport du comité, à 60 millions; de sorte qu'au l*r décembre prochain, vous aurez surpassé de 14 millions l'obligation contractée par nos prédécesseurs.
Cependant votre comité vous propose d'augmenter provisoirement, en attendant ae nouvelles instructions, la masse des assignats en circulation qu'il veut porter à 1,600 millions, pour l'affecter en partie aux remboursements. Cette mesure me paraît exiger la plus grande attention. Pouvons-nous l'adopter sans avoir examiné si les besoins du royaume peuvent employer une pareille masse de papier? Ne devons-nous pas veiller à ce que les assignats aient un gage bien avéré : et avant d'acquitter des sommes qui ont été prêtées librement, ne devons-nous pas porter notre sollicitude sur la créance qui se trouve dans les mains du peuple qui a été forcé de la recevoir en payement de son salaire?
En vain voudrait-on tirer avantage du décret de l'Assemblée constituante qui a dérogé à ses principes, en augmentant de 100 millions la masse des assignats en circulation.
Je n'entrerai pas dans les motifs qui ont déterminé cette mesure; j'observerai seulement qu'elle a été adoptée le 29 septembre dernier, époque à laquelle nos prédécesseurs ne pouvaient point se livrer à une longue discussion, puisqu'ils étaient à la veille de nous abandonner la suite des affaires.
On pourrait aussi nous reprocher d'avoir augmente cette circulation par notre décret du 1er novembre courant; mais il était impossible de pourvoir, par d'autres mesures, aux besoins du lendemain. D'ailleurs, les 600 millions qui avaient été affectés au payement de la dette exigible n'étaient pas encore employés.
On pourrait encore objecter qu'il serait injuste d'adopter un nouveau mode de remboursement, sans connaître l'étendue des ressources et des besoins de l'Etat, en se fondant sur le payement fait hier à un créancier, payement que nous voulons refuser à celui qui se présente aujourd'hui. Cette objection existera toujours lorsque nous serons forcés d'exécuter les dispositions adoptées par l'Assemblée constituante, qui a prévu ce cas, en accordant un intérêt de 5 0/0 au créancier liquidé qui éprouverait un retard.
D'ailleurs, votre comité, qui vous propose un moyen pour forcer les créanciers a présenter leurs titres à la liquidation, a-t-il en vue d'acquitter les 1,200 millions de créance exigibles, à fur et mesure qu'elles serontjliquidées ; alors les moyens qu'il vous offre sont insuffisants, puisque tous les créanciers seront forcés de se présenter dans les deux mois de rigueur qu'il a déterminés, et qu'il ne vous propose de faire un fonds de 290 millions.
Si ce projet est inexécutable, je demanderai
qu&le sera la créance liquidée qui sera préférée a la caisse de l'extraordinaire, puisqu'il ne vous propose pas d'adopter le mode de remboursement par ordre de numéros, indiqué par les décrets.
Si, à ces motifs, on joint les considérations de politique, il ne restera aucun doute sur l'insuffisance du projet du comité.
Il est sans doute permis d'espérer du retour de l'ordre et des progrès de l'esprit public, une perception d'impôts plus abondante et plus régulière ; mais il est encore des obstacles dans les ennemis du bien, dans l'inexpérience des municipalités, et dans la répartition, peut-être difficile, des contributions foncière et mobilière. Serait-il prudent d'épuiser toutes les ressources qui peuvent être nécessaires, pour suppléer à un déficit peut-être présumable ? Serait-il prudent de cesser les préparatifs qui exigent des dépenses extraordinaires, pour lesquelles il n'y a point de fonds affectés, et qui ne peuvent être acquittées que par l'aliénation des capitaux ?
S'il existe encore au mois de mars des combinaisons hostiles, si la France est attaquée, ou si elle doit également s'épuiser pour se préparer à la guerre, ou bien pour la soutenir, laisserons-nous s'épancher à la fois tous les réservoirs du Trésor public ? Je suis loin de redouter une invasion ; mais ce serait peut-être la provoquer, que d'atténuer nos ressources : nous devons donc la prévenir pour être dispensés de la craindre.
Mais quelque prévoyance que nous devions avoir, soit pour la défense de l'Empire, soit pour ne pas augmenter la masse des assignats, ou pour ne pas affaiblir la valeur du gage qui fait leur solidité, il serait cependant impolitique de ne pas presser la liquidation, et nous commettrions une injustice si nous ne fournissions pas une valeur disponible au créancier liquidé.
Je vous propose donc de presser les liquidations ; et pour faire cesser l'existence de l'ancien titre, qui pourrait entretenir un espoir de retour dans l'âme des possesseurs, je voudrais que le commissaire-liquidateur continuât de délivrer des reconnaissances de liquidation, qui comprendraient l'entier montant au capital, et l'intérêt qui a été alloué par le décret du 30 octobre 1790, a compter du jour de la présentation des titres jusqu'au jour de la délivrance de la reconnaissance.
La fixation du terme que vous auriez déterminé pour la présentation des titres, et la nécessité où vous vous trouvez d'en presser la liquidation, rendraient dangereuses certaines dispositions adoptées par l'Assemblée, pour favoriser les créanciers non liquidés. Je désirerais donc que la faculté accordée par l'article 10 du même décret, aux propriétaires non liquidés, de faire recevoir la moitié de leur office dans le payement ' des bien nationaux, fût supprimée à compter du jour du décret, et qu'en conséquence il ne pourrait plus être expédié de reconnaissances provisoires de liquidation.
Je désirerais aussi que les reconnaissances de liquidation ne portassent aucun intérêt, qu'elles ne fussent plus admissibles dans le payement des biens nationaux : mais en même temps, ie désirerais qu'elles fussent acquittées à vue a la caisse de l'extraordinaire, en rescriptions au porteur, dont le terme serait fixé au 1er janvier 1793. d'après l'ordre et le mode de remboursement qui seraient déterminés dès que le résultat des besoins et des ressources de l'Etat serait connu.
Pour favoriser le propriétaire, je proposerais d'autoriser les commissaires du roi auprès de la
caisse de l'extraordinaire à diviser les rescriptions à la volonté du porteur, en déterminant, cependant, qu'elles ne pourraient pas être moindres de 1,000 livres.
Ce papier, qu'on doit considérer comme des assignats non forcés, fournirait aux besoins des possesseurs de titres. Il serait hypothéqué sur les biens nationaux; il aurait l'avantage de ne point augmenter la circulation et l'émission des assignats ; et le créancier qui le garderait- en- portefeuille, jouirait d'un intérêt de 4 0/0 que je vous propose de lui allouer, en lui faisant expédier à la caisse de l'extraordinaire, lors de la présentation de la reconnaissance, un coupon d'intérêt qui serait compris dans les dépenses ordinaires, et acquitté par la caisse de la Trésorerie nationale.
Ici se présente une grande question : accorde-rez-vous à ces rescriptions la faculté de concourir au payement des biens nationaux? Je n'aurai besoin que de rappeler les motifs sur lesquels j'ai établi la nécessité d'adopter un nouveau mode de remboursement : vous ne perdrez pas de vue que les assignats sont le signe représentatif du numéraire ; qu'ils sont le titre d'une créance forcée ; que vous ne pouvez pas atténuer le gage qui leur est affecté : cependant, si vous receviez les rescriptions en payement des biens nationaux, votre but serait manqué, puisque vous pourriez ne recevoir en payement que des rescriptions. Dès lors, plus de Drulement d'assignats ; les ressources, pour subvenir aux besoins ordinaires, serait épuisées, et vous auriez favorisé une créance au préjudice de celle qui doit être privilégiée. Le terme de la non-jouissance, que vous devez exiger, est fort court, puisque vous devez le borner au temps nécessaire pour connaître l'état de situation des finances allouant aux créanciers retardés un intérêt de 4 0/0; d'ailleurs, si vous adoptiez le mode de remboursement indiqué par l'Assemblée constituante, le retard aurait été plus considérable et le remboursement serait plus tardif.
Je vous proposerai donc d'ajourner cette question au mois ae mai prochain.
A cette époque, vous aurez des données sûres de l'étendue de vos besoins et de vos ressources ; à cette époque, vous aurez prouvé à l'univers qu'il ne peut exister aucun doute sur la solidité du gage de vos assignats, et je ne doute point que le décret qui interviendra n'autorise cette admission.
Il serait cependant juste de ne pas comprendre dans cet ajournement le créancier de bonne foi, qui, comptant sur la rentrée de ses fonds, a acquis des domaines nationaux dans l'espoir d'y employer le montant de sa créance.
Je vous propose donc d'autoriser les receveurs de district de recevoir en payement des termes qui écherront d'ici à la décision de l'ajournement proposé, des propriétaires d'offices, etc., acquéreurs des domaines nationaux avant le présent décret, les inscriptions qu'ils justifieront avoir reçues en remboursement de leur créance-
Mais, me dira-t-on, cette mesure arrêtera la vente et le payement des domaines nationaux ; ie répondrai que si les ventes se sont poussées lorsque la circulation des assignats ne se portait qu'à 800 millions ou un milliard, dans une époque où ce papier se vendait aisément contre au numéraire, avec une perte de 5 à 10 0/0 r serait-il possible qu'une masse de 1,500 millions devînt de suite insuffisante, surtout lorsque la perte est portée jusqu'à 20 0/0?
D'ailleurs, comme il importe de conserver le haut prix de la vente, vous pourriez examiner le vœu qui vous a été manifesté par M. Clavière, tendant à augmenter, d'un quart ou d'un cinquième, l'évaluation actuelle.
Vous pourriez encore favoriser les porteurs des rescriptions, en décrétant qu'elles seront reçues en payement des droits ae mouvance et des droits féodaux; nature de biens estimée, par M. de Montesquiou, à 300 millions.
Je n'excepterai point du mode de remboursement que je vous propose, la dette exigible à tehne fixe ; je n'établirai- point, entre les créanciers de l'Etat, une semblante différence. Les titulaires d'office et les propriétaires des effets payables à terme fixe ont été rangés sur la même ligne par les décrets de l'Assemblée ; et s'il fallait de nouveau les partager en deux classes, il serait peut-être permis ae favoriser, avant le porteur d'effets à terme, auquel il a été alloué des intérêts peut-être usuraires, le titulaire d'offices, etc., souvent "grevé d'hypothèques, et qui â été privé de son état par les effets de la Révolution.
Une classe plus intéressante, sans doute, est celle des individus dont les créances sont au-dessous de 1,000 livres, les anciens propriétaires des brevets des jurandes et maîtrises, des offices de perruquiers. On peut excepter de pareils remboursements, qui, sans exiger de forts capitaux, deviennent le salut du pauvre et l'aliment de l'industrie. ......
Je vous propose donc de décréter que les remboursements de ces créances seront continués dans la même forme et ayec les mêmes .valeurs actuellement employées.
11 est encore une créance provenant de l'arriéré des différents départements, pour des sommes dues à des ouvriers, pour fournitures et travaux faits en 1790, et dont les comptes, n'ayant pas été réglés, sont compris, depuis le décret du Corps constituant du 29 septembre dernier, dans la classe de la dette déclarée exigible, pour laquelle il faut se faire liquider.
Ces créances avaient été acquittées, jusqu'à l'époque du 29 septembre dernier, par les commissaires de la .Trésorerie nationale, qui étaient remboursés par la caisse de l'extraordinaire sur l'état qu'ils en remettaient. Elles proviennent, en grande partie, des fournitures faites en journées d'ouvriers: les formalités auxquelles on les a assujetties, entraînant des longueurs, sont déjà une calamité pour les possesseurs de ces titres; je vous propose donc de décréter, que les créances continueront d'être acquittées par les commissaires de la Trésorerie nationale, qui dresseront chaque mois, un état, appuyé de pièces justificatives, qui sera remboursé par la caisse de l'extraordinaire.
Pour faire face à tous ces objets et au déficit des 21,500,000 livres du'mois"de novembre, pour assurer des secours aux villes -et aux hôpitaux, pour subvenir au& dépenses .extraordinaires, et pour opposer une ressource toujours prête à tous les événements, je suis forcé de vous proposer de décréter que la masse d'assignats a mettre en circulation, qui se porte, d'après vos dçcrets, à 1,400 millions, sera portée à 1,500. Cette augmentation, qui n'aura lieu que graduellement, et à fur et mesure des besoins, jointe aux brùlements qui s'opéreront chaque mois en 1792, suffira pour atteindre l'époque du rétablissement de l'ordre, puisqu'elle parera à tous les besoins extraordinaires de l'année prochaine; il serait
même possible que vous puissiez en réserver une somme considérable pour les remboursements, si les projets hostiles des émigrants venaient à cesser.
Je vais établir la vérité de mes assertions.
L'augmentation que je vous propose fournira
un fonds de..................
Les brûlements qui s'opéreront d'ici à la fîndel'année 1792, peuvent être estimés 30 millions par mois, et pour treize mois.....
Total.
Le déficit du mois de novembre se monte à...............
Les brevets de maîtrises et jurandes, les offices de perruquiers sont estimés par M. de Montesquiou, à 40 millions, sur lesquels il en a été remboursé
7 millions, reste.............
Les sommes dues aux ouvriers, pour fournitures en 1790,
peuvent être évaluées.........
On ne peut apprécier (rue par un aperçu très hypothétique, le montant des créances au-dessous de 1,000 liv. ; je les évalue.
Les secours à accorder aux villes et aux hôpitaux peuvent être évalués..................
Total des dépenses faites ou des remboursements réservés..........................
100,000,000 1.
390,000,000 490,000,000 1.
21,500,000 1.
33,000,000 15,000,000
30,000,000 15,000,000
114,500,000 1.
Il resterait donc un capital de 375,500,000 livres, qui serait disponible à fur et mesure des brûlements, et qui servirait au supplément du déficit des contributions, aux besoins extraordinaires, ou dont on pourrait disposer en cas d'un événement imprévu.
Après avoir donné l'aperçu des dépenses, il serait peut-être important ae mettre, sous vos yeux, faperçu des ressources.
Les biens nationaux vendus se montaient, d'après les états reçus par le commissaire du roi, auprès de la caisse de l'extraordinaire, à la fin du mois d'octobre dernier, à 983,000,0001.
Il restait 114 districts en retard; plusieurs d'entre eux n'avaient pas envoyé tous les états ; il a été payé des sommes très considérables par les districts en retard ; on ne peut donc pas apprécier d'une manière précise, le montant des ventes ; mais il y a tout lieu de penser que celles qui ne sont pas connues s'élèvent à................... 517,000,000
Total des ventes (1) fai-tes ou présumées............. 1,500,000,000 1.
Si les ventes qui se feront d'ici au 1er janvier 1793 s'élevaient à 800 millions, nous aurions réalisé un capital de 2,300 millions, qui servirait et pourrait être affecté d'une manière particulière (1) au payement des assignats qui auraient été mis a cette époque en circulation, et qui se monteraient ; savoir : L'émission au 1er décembre.. 1,750 millions Celle projetée pour l'année 1792.......................... 490 -
Total......... 2,240 millions
Ce qui équivaudrait au montant des ventes faites.
D'après cet aperçu il n'est pas possible qu'il puisse exister le moindre doute sur la solidité ae ce papier national. Les comptes que vous imprimerez assureront la réalité ae ces calculs.
Si la masse des biens nationaux vendus ou à vendre s'élève, suivant les calculs de M. Montesquiou, à 3,500 millions, les créanciers qui seront payés en rescriptions auront une hypothèque de 1,260 millions sur les biens nationaux, laquelle étant jointe aux entrées des impôts arriérés, au bénéfice qu'on nous annonce sur les domaines aliénés, etc., excédera le montant de leur créance.
Je crois qu'en décrétant l'augmentation des assignats à mettre en circulation, il conviendrait d'ordonner la fabrication du papier nécessaire pour l'émission d'assignats de 10 et 50 sous ; 10 et 25 livres. Cette mesure me paraît indispensable ; elle est réclamée par tous les départements ; elle anéantirait cet agiotage odieux qui se fait dans l'échange d'un papier ae forte somme contre celui de plus petite valeur.
Dès qu'une grande masse de papier a été mise en circulation, que sa division a été portée à 5 livres, il doit nécessairement faire les fonctions du numéraire ; dès lors, le besoin des petites valeurs a atteint le journalier. Il aurait été forcé de vendre à perte le papier qu'il avait reçu en payement de son salaire, si des particuliers ne lui avaient pas offert la ressource de l'échange. Dès lors, le besoin a favorisé l'établissement de plusieurs caisses appelées patriotiques. Des départements, des municipalités, des sociétés et des particuliers ont fourni des billets de toutes les couleurs et de toutes les sommes. Ces papiers échangés contre des assignats nationaux par des spéculateurs, ont augmenté la masse des papiers en circulation, puisque les assignats qui leur servent de gage ont été employés dans diverses entreprises.
Il n'est donc plus temps de discuter s'il est convenable de diviser en petites sommes les
assignats nationaux; la nécessité a décidé ce problème, il faut seulement s'occuper de
procurer le plus tôt possible cette ressource aux habitants des campagnes qui, obligés de
vendre aux villes leurs denrées, reçoivent en payement des valeurs qui n'ont pas cours dans
leur village. Cette mesure favorisera le payement de l'impôt du pauvre, qui ne s'élevant pas
à 5 livres ne peut être payé qu'avec du numéraire qu'il est obligé d'échanger avec perte
contre le papier de
Je proposerais donc de décréter la fabrication de 100 millions en assignats de 10 sous; 100millions en assignats de 50 sous ; 300 millions en assignats de 10 livres ; 300 millions en assignats de 2o livres ; par ce moyen, la somme qui se trouverait en circulation le premier janvier 1793, serait composée de 100 millions ae 10 sous, 100 millions de 50 sous, 500 millions de 5 livres , 300 millions de 10 livres, 300 millions de 25 livres, et 200 millions de 50 livres ; ceux de plus forte somme, qui sont actuellement en circulation, seraient annulés et remplacés à fur et mesure de la fabrication.
Peut-être s'écriera-t-on de la proposition que je fais de fabriquer des assignats de ÎQ et 25 livres ; mais cette mesure me paraît réunir plusieurs avantages ; elle permet d'abord l'établissement de 4 nouvelles fabriques, puisque la fabrication décrétée comprendrait 4 sortes de valeurs; elle procurerait plutôt l'anéantissement des assignats de plus forte somme : enfin, si cette division est jugée insuffisante, on pourra encore la subdiviser, et peut-être est-il prudent de renouveler souvent la nature et la forme des assignats. Mon projet de décret est le résultat des vues que je viens de développer :
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, voulant se procurer une connaissance exacte des besoins et des ressources de l'Etat, afin d'établir un ordre immuable dans les finances; considérant que la somme d'assignats, actuellement en circulation, excède celle qui avait été fixée par le décret du 29 septembre 1790 ; que les 600 millions affectés par le décret du 7 novembre 1790, au remboursement de la dette exigible, y ont été employés ;
Qu'il est de son devoir, d'après les décrets des 30 octobre et 7 novembre 1790, d'établir un ordre dans les remboursements; qu'il est d'ailleurs urgent de pourvoir aux besoins du Trésor public, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les directoires de district enverront, d'ici au 15
janvier prochain, aux directoires de département, un état qui comprendra :
« 1° L'estimation et le produit des biens nar tionaux qui seront vendus a l'époque du Ie* janvier procnain;
« 2° La désignation et l'estimation des biens nationaux qui resteront invendus à la même époque:
« ô? La désignation et l'estimation des biens nationaux dont la vente est suspendue ou réservée;
« 4° L'état des sommes qui auront été reçues, ou qui resteront à recouvrer à l'époque du 1er janvier prochain.
« Art. 2. Les directoires de district pourront nommer une ou plusieurs personnes pour se procurer les renseignements nécessaires,^ pour dresser les états qui leur sont demandés; ils sont autorisés à dépenser jusqu'à 400 livres desquelles ils rendront compte aux directoires de département, et qui seront acquittées par le receveur du district, sur l'arrêté du département, qui sera reçu pour comptant par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 3. Les directoires de département enverront, le 15 janvier prochain, un ou plusieurs commissaires auprès des directoires de district qui seraient en retard; lesquels seront autorisés
à prendre tel nombre de commis qu'ils jugeront convenable, afin de terminer et d'envoyer dans un mois, du jour de leur nomination et au plus tard le 15 fevrier prochain, aux directoires de département, les états qui sont demandés.
« Art. 4. Les dépenses et indemnités qui seront allouées aux commissaires et à leurs commis, par les directoires de département seront supportées et payées par les administrateurs et procureur-syndic en retard.
« Art. 5. Les directoires de département enverront au plus tard, d'ici au Ie* mars prochain, aux commissaires du roi. auprès de la caisse de l'extraordinaire, les états qu ils auront reçus des directoires de district ou des commissaires qu'ils auront nommés, après néanmoins qu'ils les auront vérifiés; ils y joindront leurs avis et observations. _ •
« Art. 6. Le commissaire du roi enverra, le 10 mars prochain, un ou plusieurs commis auprès des directoires de département, en retard; ils seront autorisés à prendre tel nombre de personnes qui leur seront nécessaires, afin de se procurer et porter dans un mois, et au plus tard le 10 avril prochain, au commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, les états qui sont demandés.
« Art. 7. Les dépenses et traitements des commis et des personnes qu'ils emploieront, seront supportés et payés par les administrateurs et procureur général syndic en retard.
« Art. 8. Tous greffiers et dépositaires de titres relatifs aux biens nationaux, seront tenus de les remettre à la première réquisition, et sur le chargement des personnes nommées ou choisies pour dresser lesdits états; faute d'y satisfaire, le juge de paix du canton décernera contre eux la contrainte par corps.
« Art. 9. Il sera donné des ordres par le pouvoir exécutif aux préposés tant à, l'administration des droits d'enregistrement qu'à l'administration forestière, afin qu'ils fournissent tous les renseignements qui pourront faciliter les opérations des directoires de district, commissaires ou commis, et qu'ils coopèrent de tout leur pouvoir à l'exécution du présent décret.
« Art. 10. Le commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire présentera a l'Assemblée, le 15 avril prochain, sous peine de responsabilité et de destitution de sa place, un état général divisé par districts et départements, lequel comprendra :
« 1° L'estimation et le produit des biens nationaux qui auront été vendus à la date du 1er janvier prochain ;
« 2° La désignation et l'estimation des biens nationaux qui seront invendus à la même époque; j
« 3° La désignation et l'estimation des biens nationaux dont la vente est suspendue ou, réservée ;
« 4° Les sommes qui auront été reçues ou qui resteront à recouvrer à l'époque du 1er janvier 1792.
« Art. 11. Le ministre des contributions publiques présentera, sous quinzaine, à l'Assemblée, l'état expositif et le montant de toutes les recettes arriérées, avec l'indication des départements, la nature des impôts non perçus jusques et compris l'année 1790.
« Il y joindra le produit des contributions et revenus publics affectés à l'année 1791, et le montant des sommes qui resteront à rentrer, avec les motifs de leur retard.
« Art. 12. Les commissaires de la Trésorerie nationale présenteront, sous quinzaine, à l'Assemblée. la liste des reprises du Trésor national sur les débiteurs arriérés ou à échoir, laquelle contiendra le nom des débiteurs, le montant et les motifs de leur dette, les causes du retard de payement, et des annotations sur leur valeur.
« Art. 13. Les commissaires du roi, formant le bureau de comptabilité, présenteront, sous quinzaine, à l'Assemblée, leurs vues sur les moyens à prendre pour accélérer la reddition et l'apurement des comptes arriérés.
« Art. 14. Le comité de la Trésorerie nationale fera incessamment, son rapport sur les créances arriérées et les reprises à exercer par le Trésor national; il proposera un projet de décret pour en procurer la rentrée.
• « Art. 15. Les commissaires de la Trésorerie nationale présenteront, sous quinzaine, à l'Assemblée, l'état de la dette publique qu'ils ont dû dresser conformément à l'article 8 du décret du 8 août dernier.
« Art 16. Le commissaire-liquidateur présentera aussi, d'ici au 15 décembre prochain, l'état de la dette qui a été liquidée, et des demandes qui lui ont été faites en exécution du décret du 17 juillet 1790, ainsi que des titres qui lui ont été présentés à l'appui des dites demandes.
« Art. 17. L'état de la dette arriérée, dont la liquidation avait été ordonnée par le décret du 17 juillet 1790, sera clôturé le 15 décembre prochain, et les créanciers qui ne se seront pas présentés dans les délais prescrits, ou avant le 15 décembre, seront déchus de toute répétition envers le Trésor public, conformément à l'article 7 dudit décret.
« Art. 18. Les propriétaires des offices, charges et emplois supprimés, ensemble les propriétaires des dîmes inféodées, des droits féodaux, et généralement tous les créanciers dont les titres sont déclarés faire partie de la dette exigible, présenteront leurs titres au commissaire-liquidateur; savoir :
« l°Ceux qui habitent en Europe, d'ici au premier mars prochain ;
«2° Ceux qui habitent dans les colonies, en deçà du cap de Bonne-Espérance, d'ici au premier mars 1793 ;
« 3° Ceux qui habitent au delà du cap de Bonne-Espérance, d ici au premier mars 1795.
« Art. 19. Ceux qui ne se seront pas présentés dans les délais prescrits par l'article précédent, ne pourront faire liquider leurs créances, que d'après un décret du Corps législatif, auquel ils s'adresseront par voie de pétition, laquelle sera lue dans l'Assemblée nationale.
« Art. 20. Les créances qui seront liquidées d'après les dispositions de l'article ci-dessus, ne pourront être comprises dans l'état de la dette déclarée exigible ; mais elles seront portées dans l'état de la dette constituée, et il leur sera alloué un intérêt annuel, fixé à 3 0/0.
«Art. 21. Les propriétaires d'offices comptables sont soumis aux dispositions des articles ci-dessus ; mais il ne pourra leur être délivré aucune reconnaissance de liquidation, qu'après qu'ils auront justifié de l'acquit et apurement définitifs de leurs comptes.
« Art. 22. Les villes et communes enverront, d'ici au premier mars prochain, au commissaire-liquidateur, l'état de situation de leurs créances et de leurs ressources : faute par elles d'y satisfaire, elles seront déchues de l'avantage qui leur est promis par le décret du 5 août dernier, les
iuiutt tJi ue x iiiiertii ciiJLUue jjcii ica uictcucuw
écrets, lequel commencera du jour delà présen-ation du titre, jusqu'au jour que la reconnais-
maires et officiers municipaux demeurant responsables du dommage qu'ils auront occasionné.
« Art. 23. Le commissaire-liquidateur est spécialement chargé d'accélérer le travail qui lui est confié, afin qu'il soit terminé d'ici au 15 mars .prochain; et le comité de liquidation fera chaque semaine le rapport des créances qui auront été liquidées.
« Art. 24. Le commissaire-liquidateur présentera, le premier avril prochain, à l'Assemblée, sous peine de responsabilité, un état des titres qui auront été liquidés ou présentés, afin de constater, d'une manière positive et immuable, le montant de la dette de ITïtat déclarée exigible.
« Il y joindra l'aperçu des états de situation des villes et communes qu'il aura reçus.
« Art. 25. Le remboursèment des titres liquidés continuera de se faire en reconnaissance de liquidation ; mais il ne pourra plus être expédié des reconnaissances provisoires pour les titres non liquidés.
« Art. 26. Les reconnaissances de liquidation comprendront le montant du capital du titre liquide et de l'intérêt alloué par les précédents détation sance sera expé'diéé.
« Art 27. Les reconnaissances de liquidation ne porteront aucun intérêt; elles ne seront point reçues dans le payement des biens nationaux, mais elles seront payables à vue à la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 28. Le payement des reconnaissances de liquidation se fera à la caisse de l'extraordinaire, en rescriptions au porteur, dont le terme sera fixé au 1er janvier 1793 ; lesquelles seront remboursées d'après le mode et Tordre qui seront établis par l'Assemblée, lorsque le montant de la dette exigible sera connu ; elles seront divisées suivant le désir dès porteurs, mais elles ne pourront être au-dessous de 1,000 livres.
« Art. 29. Il sera expédié au porteur des reconnaissances, un coupon d'intérêt à raison de 4 0/0 l'an, du jour de sa présentation à la caisse de l'extraordinaire, jusqu'au terme fixé pour les rescriptions; lequel sera payable le 1er janvier 1793 à la caisse de la Trésorerie nationale, et dont le montant sera compris dans les dépenses ordinaires.
« Art. 30. Les rescriptions au porteur seront admises au payement du rachat des mouvances féodales, tant du domaine de la Couronne que de celui du clergé et des rentes dues au domaine ; l'Assemblée se réservant de statuer, le 1er mai prochain, si elles seront reçues au payement des autres biens nationaux.
« Art. 31. Seront cependant admis les créanciers de l'Etat qui auront reçu des rescriptions en remboursement dé leurs offices, etc., à les affecter au payement des annuités, échéant dans l'année 1792, pour les biens nationaux qu'ils auront acquis avant le présent décret.
« Art. 32. Sont exceptées des dispositions contenues dans l'article 28, les créances dont le capital ne se montera pas à 1,000livres, ainsi que les brevets des maîtrises et jurandes, les offices des perruquiers à quelque somme qu'ils puissent monter ; lesquels objets continueront d'être remboursés dans la forme èt de la même manière actuellement usitées.
« Art. 33. Sont aussi exceptées des dispositions contenues en l'article 28, les créances provenant de l'arriéré des différents départements de l'année 1790, pour fournitures faites par des ou-
vriers; lesquelles seront payées par les commissaires de la Trésorerie nationale, qui en dresseront chaque mois un état; lequel, appuyé des pièces justificatives, sera présenté au commissaire ae la caisse de l'extraordinaire, qui en remboursera le montant.
« Art. 34. Le remboursement des capitaux de la dette exigible à terme fixe, se fera à la caisse de l'extraordinaire, ainsi et de la même manière qu'il est déterminé par les articles 28, 29 ét 30
{iour le remboursement des reconnaissances de iquidation.
« Art. 35. Le commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, présentera a l'Assemblée, le 1er avril prochain, rétat des sommes qu'il aura payées, celui des rescriptions et des coupons d'intérêt qu'il aura délivrés.
« Art. 36. La somme d'assignats en circulation, qui se monte à 1,400 millions de livres, sera portée à 1,500 millions de livres à fur et mesure des besoins du Trésor public.
« Art 37. Les assignats provenant de l'augmentation ci-dessus, et ceux qui seront mis en émission en remplacement de ceux qui seront brûlés, seront employés :
« 1° Aupayement des créances dont le remboursement doit être continué suivant les articles 32 et 33 ;
« 2° Au payement des secours qui ont été ou qui pourront être accordés aux villes et aux hôpitaux; -
« 3° Au payement du seizième accordé aux municipalités sur la vente des biens nationaux.
« Art 38. Ils pourront être aussi employés au payement des besoins extraordinaires et au supplément des impôts, dont l'avance sera faite par la Trésorerie nationale, qui en sera remboursée par la caisse de l'extraordinaire, d'après un décret du Corps législatif.
« Art. 39. Il sera procédé de suite à la fabrication et impression du papier nécessaire pour 100 millions de livres en assignats de 10 sous, 100 millions de livres en assignats de 50 sous, 300 millions de livres en assignats de 10 livres et 300 millions en assignats de 25 livres, lesquels ne pourront être mis en circulation qu'en échange ou remplacement des assignats actuellement en émission, et d'après le mode qui en sera déterminé. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression du discours et du projet de décret!
Quelques membres : La division de la motion!
D'autres membres : La question préalable sur la division !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la division et ordonne l'impression du discours et du projet de décret de M. Cambon.)
Voici une lettre du roi, contresignée par M. de Bertrand, ministre de la marine; on va vous en donner lecture.
, secrétaire. Lettre du ministre de la marine :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser une lettre du roi que Sa Majesté m'a chargé de vous faire parvenir.
« Je suis, avec respect, Monsieur le Président, votre très humble, etc.
« Signé : De bertrand. »
Lettre du roi au Président de l'Assemblée nationale (1).
« Paris, ce 24 novembre 1791.
« Je suis informé, Monsieur le Président, que l'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique sur la proposition contenue dans la lettre du ministre de la marine, en date du 31 octobre dernier, concernant les démandes du dey d'Alger, et les sommes à voter pour l'armement ordonné à Toulon, a décrété, le 15 de ce mois, qu'il n'y avait lieu à délibérer, quant à présent, sur cette proposition, attendu qu'elle n'était pas dans la forme constitutionnelle.
« Je vous ai déjà marqué, relativement aux fonds extraordinaires destinés à la dépénse qu'exigent les armements qui doivent porter des secours à Saint-Domingue, que la Constitution ne prescrivait pas une forme différente de celle que le ministre de la marine avait suivie, en faisant, par mon ordre, la demande de ces fonds sous sa responsabilité; mais puisque la même difficulté se renouvelle aujourd'hui à l'occasion de l'armement de prévoyance sollicité par le commerce de Marseille, l'obligation que j'ai contractée d'employer tout le pouvoir qui m'est confié à maintenir la Constitution, m'impose le devoir d'en rappeler ici les principes.
« En déterminant de la manière la plus précise les différentes relations du roi avec le Corps législatif, la Constitution a essentiellement attaché à la prérogative royale le droit de proposer des lois sur certains objets, et celui d'inviter le Corps législatif à en prendre d'autres en considération. L'acte par lequel le roi juge à propos d'exercer l'un ou l'autre de ces droits, étant toujours un acte purement royal, de la même nature que la sanction, n'exige, comme elle, le contre-seing d'un ministre que pour attester la signature du roi, et n'emporte aucune responsa-blité; au lieu que les demandes de fonds pour les dépenses ordinaires ou extraordinaires du gouvernement, étant évidemment des actes purement exécutifs, doivent toujours émaner directement des ministres du roi; pour avoir la garantie de leur responsabilité.
« Tel est l'esprit et le système général de la Constitution; les dispositions suivantes en ont posé les bases :
« Le roi peut seulement inviter le Corps législatif à prendre un objet en considération. (Chapitre in, section Ire, article 1er.) J'userai de cette faculté toutes les fois que la gloire, le bonheur ou les intérêts de la nation l'exigeront.
« Le paragraphe 8 du même article délègue au Corps législatif le droit de statuer annuellement, après la proposition du roi, sur le nombre d'hommes et de vaisseaux dont les armées de terre et de mer seront composées, sur la solde et le nombre d'individus de chaque grade, etc., etc. Je me conformerai à cet article dans les états généraux que j'adresserai, au commencement de chaque année, au Corps législatif, et dans les propositions particulières de la même nature, que des circonstances extraordinaires pourraient exiger dans le cours de l'année.
« La guerre ne peut être décidée que par un
décret du Corps législatif, rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et sanctionné par lui. (Chap. III, section Ire, article 2.) J'espère que je ne serai jamais dans le cas d'adresser une semblable proposition au Corps législatif. La paix est trop nécessaire au honneur de la France pour que je n'emploie pas. à la maintenir , tous fes moyens qui pourront se concilier avec l'honneur de la nation.
«La disposition suivante du, même article porte que, dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié, à soutenir, ou d'un droit à conserver par la force des armes, le roi en donnera, sans aucun délai, la notification au Corps Législatif, et en fera connaître les motifs. Je me conformerai toujours à cette disposition, avec l'extrême circonspection qu'exige l'intérêt de l'Etat. Ce serait s'en écarter d'une manière bien dangereuse, que de notifier au Corps législatif comme hostilités imminentes de simples doutes sur les dispositions d'une puissance étrangère. Cette notification inconsidérée, serait bien plus propre à déterminer une rupture qu'à la prévenir. Il suffit, en pareil cas,, de prendre les mesures de prévoyance qu'exige la sûreté extérieure du royaume, et c est au roi que la Constitution a exclusivement délégué ce soip important. (Chap. II, art. Ie*).
« Je m'en suis occupé et m'en, occuperai toujours avec la vigilance la plus active et les fonds extraordinaires qu'ont exigés jusqu'à ce moment les différents armements et les mouvements de troupes que j'ai jugés nécessaires, ont toujours été ordonnés sur la simple demande des ministres de la guerre et de la marine, faite par mes ordres, parce qu'au terme de la Constitution, (chap. II, sect. IV, art. 7), -c'est sur l'aperçu des dépenses à faire dans leurs départements respectifs que le Corps législatif ; doit en ordonner les fonds. Cet article ne fait mention que des (dépenses ordinaires, mais il est impossible de ne point l'appliquer aux dépenses extraordinaires ae la même nature.
« La Constitution ne me prescrivant pas une forme différente relativement à ces dépenses, les a nécessairement rangées dans la même classe, en leur assurant la même responsabilité par l'article 5 de la même section; ce qui ne pourrait pas être, si elles émanaient immédiatement du roi, au lieu d'être faites par ses ministres,
Sui sont les agents que la Constitution lui a onnés pour tous les actes purement exécutifs.
« L'article 9, section; IV, chapitre III, porte que tous les actes de la correspondance du roi avec le Corps législatif, doivent être contresignés par un ministre. Mais ce serait donner à la Constitution l'interprétation la plus contraire aux principes qui, en sont la base, que de conclure de cet article qu'aucune des fonctions essentielles confiées au pouvoir exécutif, doivent nécessairement être l'objet de la correspondance personnelle du roi, avec le Corps législatif, parce qu'il en résulterait évidemment, pour toutes les fonctions qui seraient rangées dans cette classe, un défaut entier de responsabilité et une inaction absolue dans la marche de l'administration, toutes les fois qu'il plairait au roi de garder le silence. La Constitution, sans déterminer le cas où la correspondance personnelle du roi avec le Corps législatif serait nécessaire, a voulu seulement que tous lès actes de cette correspondance fussent contresignés par un ministre ; elle n'a pas été plus loin; je dois m'arrêter avec elje, parce qu'elle interdit formellement à tous les pouvoirs
constitués le droit de la changer dans son ensemble ni dans ses parties.
« Signé : louis.
Et plus bas : * Par le roi : De Bertrand. »
(Des murmures se font entendre dans la partie gauche, de rAssembléë.)
le jeune. Je demande l'impression de cette lettre.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres : Le renvoi au comité de législation !'
Il serait très dangereux de passer à l'Ordre du jour. Il peut y avoir dans les précédentes décisions de l'Assemblée, ou dans la lettre du roi, de graves erreurs; il faut qu'elles soient éclaircies pour qu'elles n'arrivent plus à l'avenir. Je demande le renvoi au comité de lé^ gislation et l'impression de la lettré, afin qu'après avoir été bien méditée, l'Assemblée puisse rendre une décision.
Je demande le rapport à jour fixe.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la lettre du roi au comité de législation.)
La question préalable sur l'impression!
Je m'oppose à la question préalable.
Je demande que la lettre soit imprimée dès aujourd'hui ; ,ÏL faut que tout le mondé la connaisse afin de pouvoir la discuter.
Il ne faut pas répandre dans le public un préjugé défavorable à la confiance que mérite votre décision, avant que l'on connaisse votre réponse. Puisque vous avez décrété le renvoi de la lettre au comité de législation, je crois
Sarfaitement inutile de l'imprimer dès à présent.
n imprimera si l'on veut le rapport que le comité ae législation vous fera sur cette lettre, et c'est sur ce rapport que vous statuerez. Je demande, en conséquence, la question préalable sur l'impression de la lettre, et je me borne au renvoi pur et simple au comité de législation.
Dès lors que l'Assemblée nationale a cru nécessaire de renvoyer la lettre du roi à son comité de législation pour en faire un rapport, il faut nécessairement qu'avant ce rapport tous les membres de cette Assemblée soient en état, par un examen réfléchi et particulier qu'ils auront fait des principes contenus dans la lettre du roi, de venir discuter ces mêmes principes, que je regarde dès à présent comme des hérésies constitutionnelles ; Il faut que l'Assemblée soit à portée de Se décider et de discuter, en connaissance de cause,le jour où le rapport.sera fait. La lecture rapide qui vient de vous en être faite ne vous a laissé que de légères impressions. Une seconde lecture qui vous serait donnée par le comité de législation, lôrs de son rapport, serait encore insuffisante. Il faut donc, dans l'intérêt de, la discussion, que la lettre soit imprimée et distribuée afin que chaque membre de l'Assemblée soit à même de combattre les principes qui y sont relatés. :
demandent la parole contre la question préalable.
Plusieurs membres : La discussion fermée t
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande que l'impression de
la lettre ne soit décrétée qu'après le rapport du comité.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et décrète l'impression de la lettre du roi.)
et un autre membre se sont levés seuls pour la question préalable.)
Je demande que les frais d'impression soient supportés par la liste civile.
(Cette motion n'a pas de suite.)
, secrétaire.yoici une lettre du sieur Poupari Beaubourg qui désavoue celle écrite hier en son nom au sujet de l'affaire Varnier;elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« On vient de m'apporter à reconnaître une prétendue lettre écrite par moi à vous, Monsieur le Président, lue à l'Assemblée par un de MM. les secrétaires, insérée dans le Moniteur et dans toutes les feuilles publiques, Cette lettre n'est point du tout celle que j'ai eu l'honneur de vous adresser; elle est tronquée, altérée en tous .sens, décomposée entièrement; et je proteste à la face des nations, contre cette nouvelle trame et sa nombreuse publicité.
« Je réclame, au nom dé tout ce quMl y a de plus sacré, comme citoyen français accusé, mais non condamné, d'être - entendu par deux commissaires membres de l'Assemblée ; et je ypus supplie de lui manifester mon vœu. Le mépris est dur et la haine est cruelle dans ses jugements, Monsieur le Président; et comme la vérité ne leur plaît qu'autant qu'elle est odieuse, elle devient aussi oien rarement leur partage. Eh quoi ! au règne dés lumières et de l'humanité, un citoyen désespéré en serait donc réduit, pour venger la loi indignement outragée, à n'avoir plus que la liberté dans le choix des forfaits? Le crime seui-a-t-il le privilège de fixer l'attention publique?...
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire. Voici une lettre du sieur Varnier, qui demande à l'Assemblée la permission de se procurer les papiers publics; cette lettre ést ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Les papiers publics m'ont appris que vous avez bien voulu communiquer à 1 Assemblée nationale la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 19, pour vous prier de me faire interroger. Mes sollicitations étant restées jusqu'à ce jour, sans effet, permettez-moi de vous les renouveler. Le secret où suis toujours gardé me jette dans un désœuvrement que je ne puis plus soutenir. Ne pourrai-je pas espérer, Monsieur le Président, un adoucissement? Le concierge de l'Abbaye refuse de me donner les papiers publics, je les ai déjà demandés plusieurs fois sans avoir pu les obtenir. J'avais aussi sollicité laper-mission d'écrire à ma mère, ce serait pour moi une grâce infiniment précieuse.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un membre : Je demande que ces deux lettres soient portées aux archives. (L'Assemblée décide le renvoi de ces deux let-
tres aux archives pour être jointes à celles qui y sont déjà déposées.)
L'ordre du jour vous appelle, Messieurs, dans vos bureaux, séance tenante, pour procéder a la nomination du second procurateur de la nation.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et se réunit un quart d'heure après.)
, secrétaire. Voici une lettre de M. Amelot, ; commissaire du roi près la caisse -de Vextraordinaire, qui annonce un nouveau brûle-ment d'assignats; elle est ainsi conçue ;
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il sera brûlé demain 10 millions sur les 40 millions de l'échange de 100 milions d'assignats de 5 livres; ce qui, joint aux 60 millions déjà brûlés, forme la somme de 70 millions. J'ai l'honneur de vous prévenir, en outre, que le brûlemént provenant des rentrées sur les domaines nationaux, sera de 7 millions au lieu de 6 que portait ma lettre du 21 de ce mois, ce qui élèvera la totalité du brûlement sur cet objet a 337 millions.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : AMELOT. »
Lettre des commissaires de la comptabilité qui font demander à l'Assemblée d'être admis pour présenter leurs hommages.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis dimanche.)
Le comité de la Tréso-rie nationale, conformément au règlement, a procédé hier au tirage au sort des membres de ce comité qui doivent' sortir à la fin du mois. Je propose en conséquence à l'Assemblée d'ordonner qu'on se retirera dans les bureaux pour procéder à l'élection de 6 membres qui doivent compléter ce comité.
Un membre : Je demande l'ajournement de cette motion jusqu'après le rapport des comités des finances sur leur nouvelle organisation.
(L'Assemblée ajourne la motion de Guyton-Morveau et décrète cependant que les membres désignés par le sort pour sortir-, continueront jusqu'à leur remplacement, de faire partie du comité de la Trésorerie nationale.)
, l'aîné. Je demande que l'on fasse lecture d'une adresse des administrateurs du département die Loir-et-Cher à l'Assemblée nationale.
J'appuie la motion de M. Albitte.
Un de MM. les secrétaires, fait lecture de cette adresse :
« Ce
« Législateurs,
« Votre décret contre les émigrants vous a couvert de gloire. Nous ne réclamons pas contre le veto apposé par le roi, puisque la Constitution permet à un seul homme de paralyser la volonté de 25 millions d'individus. (Murmures à droite. Applaudissements à gauche et dans les tribunes). Puisqu'il plaît au pouvoir exécutif d'attendre que 3 législatures consécutives aient porté leur assentiment à une loi de circonstance, et qui alors n'aura plus d'objet par là même, il se charge de la responsabilité la plus terrible, et il sera coupablê si le trouble se perpétue dans quelques parties de l'Empire, par les manœuvres ténébreuses de cette horde errante sur la rive
droite du Rhin, où elle blasphème contre notre sublime Révolution.
« Votre sagesse vient de se signaler encore en adoptant des mesures contre des séditieux qui, sous le masque d'une religion sainte, et au nom d'un Dieu de paix, aiguisent les poignards, appellent la guerre pour noyer leur patrie dans le sang. Ce décret sera-t-il encore. frappé du veto fatal? Ce qui nous le ferait présager, cest la circulaire de M. Delessart, en date du 31 octobre, et dont nousyous adressons copie collationnée, par laquelle, entre autres choses, il demande des renseignements particuliers sur les dispositions des esprits, sur ce qui est relatif à la constitution civile* du clergé. Le motif de cette demande ne nous a pas paru problématique : les effets qui doivent en résulter le sont encore moins; car déjà le district de Blois nous prévient que, d'après la lettre du ministre, des émissaires se transportent de maison en maison pour y mendier des signatures, à l'effet de présenter une certaine masse d'individus opposant au culte conformiste, et déjà sans doute ils calculent l'étendue des troubles qui pourraient seconder leurs desseins conspirateurs. Mais si, après avoir refusé, de tarir la source du mal, le pouvoir exécutif hasarde encore une proclamation inconstitutionnelle, cet acte appellera votre sévérité.
« La disparité d'opinions religieuses ou autres, jouit dans nos contrées d'un libre cours : notre vigilance maintiendra cette liberté d'opinions qui nous autorise à énoncer la nôtre sur la plupart des agents du pouvoir exécutif : insouciance ou perfidie, ils peuvent choisir. Qu'on ne nous accuse pas de nourrir des défiances funestes : c'est leur conduite qui les alimente; et nous dirons, avec un d'entre vous : que le royaume sera paisible le jour où le roi et ses ministres le voudront. (Applaudissements.)
« Cette franchise austère déplaira sans doute aux ministériels qui, dans votre Assemblée, rem-
? lacent le côté droit. (Vifs applaudissements à extrême gauche et dans les tribunes.) Tandis que nous tressoùs votre couronne, nous les vouons à l'indignation contemporaine et future. Puisse ce langage exciter leurs réclamations pour mettre d'autant plus leur conduite en évidence.
« Le ministre de l'intérieur demande quelles sont parmi nous les dispositions des esprits? Législateurs, nos dispositions inébranlables sont de seconder vos travaux par tous les efforts de notre zèle, d'observer et de faire chérir les décrets émanés de votre sagesse, d'allier toujours avec la soumission due à la loi, la fierté qui convient à des Français, de surveiller tous les ennemis du bien public, de déjouer leurs complots, de démasquer les traîtres, de faire pâlir les tyrans, de défendre la Constitution et la liberté ou de périr avec elle. « Nous sommes, etc.
« Signé : Les Administrateurs composant le conseil général du département de Loir-et-Cher. »
(Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je demande l'insertion de cette adresse au procès-verbal, avec mention honorable.
et plusieurs autres membres appuient cette motion.
Je demande l'impression de l'adresse et l'envoi d'une copie à m. Delessart.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression!
(1). Je demande l'impression de l'adresse parce qu'elle fixera très attentivement l'attention de la nation entière sur ses représentants, qui, dans ce moment-ci, ont plus besoin que jamais de toute la surveillance des bons citoyens, pour pouvoir se prémunir contre l'esprit de faction qui se développe, et contre cet esprit d'intérêts particuliers qui se couvrent astucieusement du masque imposant de l'intérêt public. (Applaudissements à droite.)
Plusieurs membres à gauche : La question préalable sur l'impression et la mention honorable !
Je demande que toutes les adresses qui seront envoyées par les conseils des départements soient insérées au procès-verbal.
Un membre : Cette adresse, émanée d'une autorité constituée, attaque ouvertement la Constitution. Les administrateurs des départements sont limités à des fonctions purement administratives, et cependant ils se sont mêlés de critiquer l'usage que le pouvoir exécutif a fait d'un droit qui lui est assuré par la Constitution. Je repousse la motion qui a été faite.
(2). J'appuie la demande d'impression, mais je m'oppose à la mention honorable de l'adresse, ce serait ici le moment de déclarer publiquement quelles sont nos opinions. Nous sommes placés au côté droit, il est vrai... (Murmures à gauche.) '
On n'entend que les professions de foi des hérétiques. Je demande que la discussion soit fermée.
Mais nous sommes aussi patriotes que vous. Il est important que la France sache qu'il n'y a pas d'aristocrates dans le sein de l'Assemblée nationale. (Les murmures couvrent la voix de Vorateur.)
Si l'on entend la profession de foi de M. Dubayet, il faudra aussi entendre celles de tous les autres membres du côté droit. Je demande que la discussion soit fermée. (L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. le Président. Laissez-moi établir l'état de la délibération. M. Lecointre a demandé l'insertion de l'adresse au procès-verbal avec mention honorable. M. Thuriot a proposé l'impression. Ënfin, on a demandé la question préalable sur toutes les motions. Je mets d'abora aux voix la question préalable sur le mode d'impression.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a*pas lieu à délibérer sur la motion d'impression.)
Je mets aux voix la question préalable sur la motion de l'insertion de l'adresse au procès-verbal avec mention honorable.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'insertion au procès-verbal avec mention honorable.)
Voici le résultat du scrutin pour Vélection du second grand procurateur de la nation. Sur 396 votants, M. Pellicot a réuni 326 suffrages, ce qui lui donne la majorité absolue. En conséquence, je le proclame grand procurateur de la nation.
Un membre : Je demande que le comité militaire soit chargé de faire le rapport de l'affaire des soldats de Châteauvieux.
(L'Assemblée fixe l'ajournement de ce rapport à mardi prochain.)
La discussion du projet de décret sur Vémission de nouveaux assignats est reprise.
Messieurs (l),vous voulez donc enfin porter le flambeau de la discussion dans ce labyrinthe ténébreux des finances, où jusqu'à présent l'on n'a marché qu'à tâtons, et en se fiant aveuglément aux rapports de guides, que leur habileté ne devait pas cependant soustraire à un examen rigoureux. Vous voulez voir par vous-mêmes ; cest le moyen d'écarter les surprises, d'inspirer une grande confiance au peuple, qui ne vous a pas délégué ses intérêts, pour les déléguer à d'autres, et par conséquent c'est le moyen de maintenir le crédit
{rnblic. La pénible et délicate entreprise dont 'Assemblée précédente était chargée, la nécessité de donner presque toute son attention à la reconstruction de la machine politique, a pu la forcer souvent à adopter de confiance les calculs et les opérations de ses comités de finances : mais malheur à nous, si ce système imprudent, accueilli par la paresse, pouvait aussi nous endormir! Cet abandon de confiance entraînerait une défiance universelle, qui réfléchirait sur toutes nos opérations, et nous plongerait dans le mépris. Des législateurs qui adoptent de confiance, sont indignes de leur mission ; car adopter de confiance, c'est adopter aveuglément, lorsqu'on doit n'adopter que par conviction ; c'est fermer les yeux, lorsqu on a fait le serment de les tenir ouverts sur tout'; c'est provoquer les erreurs, les abus, les friponneries ; c'est s'exposer à laisser gaspiller l'argent, les sueurs, le sang du peuple. Nous devons, Messieurs, nous qui n'avons plus qu'à préserver l'édifice de toute attaque, nous devons tout examiner et très scrupuleusement. Nous ferons moins, je le sais, mais nous ferons mieux. La nation n'attend pas de nous des volumes de lois, mais de bonne loisr et de bonnes lois ne sont jamais l'ouvrage, ni de la précipitation, ni de la confiance aveugle. Ce peu de mots doit servir de réponse à nos détracteurs, qui, dans la disette de prétextes pour nous décrier, calomnient jusqu'à la sage lenteur de nos décisions.
Ah ! si la chose publique souffre, ce n'est pas de cette lenteur, mais bien de la lenteur de l'exécution de vos lois et des obstacles, ou secrets, ou manifestes qu'on élève contre elle; le peuple français est trop clairvoyant pour méconnaître la source et les motifs de ces lenteurs et de ces obstacles ; il est trop juste pour vous les imputer. (Applaudissements.)
Vos divers comités vous ont jproposé le 1er novembre une création de 300 millions de nouveaux assignats de 5 livres, vous avez seulement ordonné une émission de 100 millions et ajourné les autres propositions, et surtout celle qui a rapport à la présentation d'un plan général de finances.
Depuis vous avez admis à la barre un de ces hommes que les amis du patriotisme et de la prospérité publique regretteront toujours de ne pas voir dans le sein de cette assemblée, un de ces hommes qui, ayant consumé toute sa vie dans
l'étude pénible des finances et du commerce, pouvait éclairer nos pas dans cette carrière. Son discours n'a point trompé votre attente et il doit d'abord fixer votre attention; car M. Clavière élève une question importante à laquelle, j'ose l'affirmer, est attaché le salut de l'Empire ; question conséquemment dont la décision doit essentiellement précéder les propositions qui vous ont été soumises par vos comités.
Il vous a prouvé que l'état de la dette exigible et contentieuse était, environné de ténèbres, que le produit des biens nationaux, destiné à rembourser cette dette, devait être considéré comme incertain.
Il vous a prouvé qu'en portant au degré le plus favorable 1 estimation de ce produit, qu'en suivant les calculs de M. Montesquiou même, qu'en adoptant sa plus-value de 565 millions, on ne pouvait pas se flatter d'avoir plus de 100 millions au delà du total présumé par lui de la dette exigible et contentieuse ; car, s'il a laissé, comme pour mémoire, des expectatives de rentrées qui grossiront le Trésor national, il n'a pu nous promettre d'en avoir dévoilé toutes les charges.
M. Clavière a tiré de ces faits incontestables la juste conséquence qu'il fallait dès à présent, et avant de jeter dans la circulation de nouveaux assignats, suspendre le payement de toute créance liquidée, jusqu'à ce que le total en fût parfaitement connu. (Murmures.)
Ce syllogisme m'a paru de la dernière évidence et devoir guider vos premiers pas.
Car, enfin, qu'est-ce qu'un assignat? la représentation d'une portion de biens nationaux.
Or, si les signes doivent toujours, pour inspirer ae la confiance, être en nombre corrélatif avec les objets qu'ils représentent, il en résulte qu'à moins de vouloir discréditer les assignats, il ne faut pas en frapper au delà de la valeur des biens nationaux ; il en résulte qu'il faut connaître cette valeur. Premier point.
Et d'un autre côté, puisque ces assignats doivent servir successivement à rembourser la dette contentieuse, il en résulte, que si l'on ne fixe pas d'abord le total de cette dette, on s'expose à frapper des assignats au delà de la valeur des biens nationaux, ou à cesser tout à coup des remboursements, en montrant un épuisement qui nous dénoncerait à l'univers comme étrangers aux premières notions de l'ordre, de la justice et de la prudence.
Il importe donc, si l'on veut conserver aux assignats le crédit qu'ils méritent de connaître : 1° le produit des biens nationaux qu'ils doivent représenter ; et 2° le total de la dette contentieuse qu ils doivent payer.
Sur le premier point, je crois avec M. Clavière que M. Montesquiou a, pour fixer le produit probable des biens nationaux, suivi la règle la plus simple et la plus sûre pour approcher le plus possible de la vérité. C'est une règle de trois qui détermine ses calculs, et cette règle repose sur une base assez naturelle. Il a supposé que les gens d'église, en se répandant sur la surface ae la France, y avaient porté partout la même dextérité pour s'emparer des meilleurs biens, en en proposant le remboursement dans le ciel. Partant de cette donnée, il a cru pouvoir conclure du connu à l'inconnu, juger des biens à estimer par ceux qui étaient déjà estimés, apprécier les biens à vendre par ceux qui étaient déjà vendus.
Or, 414 districts sur 544 ont fait leur déclaration estimative^ Il est très présumable que la déclaration des 130 districts qui restent en arrière,
donnera un produit proportionnel aux 414 déjà connus, et c est en s'appuyant sur cette probabilité que M. Montesquiou parvient à fixer le total de l'estimation des biens nationaux. Il en fixe ensuite la valeur probable, en élevant dans la proportion de 5 à 8 le produit de la vente par delà l'estimation ; et l'expérience des ventes précédentes l'y autorise. C'est d'après ces calculs qu'il présente un compte de recette, montant à 3,500 millions, pour faire face à des remboursements qu'il élève à 3,400 millions.
Or, puisque M. Montesquiou a laissé des sommes considérables en arrière, pour faire face à toutes les omissions involontaires, et à tous les accidents qui pourraientse manifester à la charge de nos finances, puisque son compte présente dans les biens nationaux 100 millions au delà de la dette, on peut, sans être accusé de démenti, croire que le gage des assignats Tépondra toujours aux créations nécessaires ; on peut croire que l'état de nos finances est loin de ce désordre supposé par les ennemis de la Révolution.
Cependant, quelle que soit la justesse des calculs de M. Montesquiou et la bonté de ses bases présomptives, comme elles sont hypothétiques, on ne doit point hasarder uniquement d'après elles le destin de l'Empire ; car ce destin est dans le sort de nos finances et de nos assignats. Sans doute, ses calculs sont très propres à rassurer les esprits inquiets, à nous inspirer une grande confiance ; mais -il serait imprudent d'y assujettir aveuglément l'émission successive des assignats ; il serait imprudent de continuer à les prodiguer à l'extinction d'une dette encore plus inconnue que ne l'est le produit des biens nationaux.
Ce n'est pas qu'on doive adopter d'un autre côté les terreurs chimériques ou feintes d'un écrivain, qui démentant les espérances que la nation avait conçues de lui, s'est attaché à décrier dans son origine même la mesure des assignats, à laquelle la Révolution doit cependant son salut, et qui les poursuit encore aujourd'hui avec un acharnement suspect, si même il n'est pas coupable.
Eh! quelle confiance avoir dans des calculs fondés sur des ouï-dire de commis inconnus, sur des déclarations nécessairement inexactes, faites par des prêtres irrités, sur dés défalcations exagérées à fantaisie? quelle confiance avoir dans un homme qui, pour affaiblir l'usage des assignats, en soustrait des domaines considérables, qui en font partie, qui décrie les assignats au moment même, où, de son aveu, leur nombre est encore bien inférieur à la valeur qu'il donne lui-même à leur hypothéqué, qui fixe de faux revenus, pour avoir un bas produit du capital, qui, multipliant enfin les fausses estimations, les omissions et les mécomptes, ne substitue qu'un tableau faux et envenimé à un tableau vraisemblable de notre situation ?
Aussi n'est-ce pas pour réfuter ces faux calculs, mais pour dissiper d'autres doutes du public qui n'est pas encore éclairé, qu'il faut inviter les divers comités des finances 'à se hâter de les détruire, en présentant un tableau Sévère et de la valeur des biens nationaux et de la dette côù-tentieuse.
C'est ainsi qu'ils vengeront la précédente Assemblée de toutes les calomnies qu'on a répandues contre elle, qu'ils la vengeront de cette accusation de n'avoir pas, par impuissance, voulu rendre de comptes, et, par crainte, permettre qu'on examinât les comptes rendus par ses comités. Tous ses moments étaient comptés. Le
bien public exigeait la clôture de ses séances, et lui commandait de ne pas les absorber dans une discussion que les ennemis de la Révolution, qui souillaient son sein, auraient prolongée et empoisonnée pour égarer le peuple. Heureusement ce parti n'existe point dans cette Assemblée: nous recherchons sincèrement la vérité ; qu'elle paraisse, et eUe sera universellement accueillie.
Mais jusqu'à ce moment, Messieurs, jusqu'au moment où vos comités vous mettront a portée de connaître et le total de la dette et le total des biens nationaux, devez-vous continuer de payer les liquidations ? devez-vous émettre des assignats au fur et à mesure qu'on vous présente ces liquidations à acquitter? Non, Messieurs, je ne vous répéterai point les arguments, pleins de solidité, que M. Clavière vous a développés.
Il me semble qu'il vous a démontré d'une manière irrésistible que le bon ordre de vos finances, que la nécessité de maintenir le crédit des assignats, la nécessité d'être juste envers tous les créanciers, exigeaient de les connaître toutes avant d'en payer une seule.
A ces motifs, je me permettrai d'en ajouter quelques-uns, puisés dans la nature même de la liquidation, dans l'intérêt du peuple et de ses créanciers.
La liquidation de la dette publique est le plus beau trait de la régénération politique d'un peuple qui redevient libre, et par le mot peuple, j'entends ici la partie pauvre au peuple, la partie la plus nombreuse et la plus étrangère aux propriétés et aux capitaux. 20 millions d'hommes n'avaient rien, ils gémissaient sous le joug ou de créanciers qui prêtaient à leurs tyrans, sous la condition que son sang leur serait affermé, ou d'officiers de toute couleur, qui payaient aussi le droit de le pressurer. Les 20 millions d'hommes regagnent leur liberté, reconquièrent leurs biens. A quoi les emploient-ils? est-ce à soulager leur misère, à diminuer la somme de leurs impôts? Non, c'est à payer les dettes de leurs tyrans, dettes que ce peuple n'avait point contractées, dettes contractées, tantôt pour river ses fers et enchaîner sa langue par la terreur, tantôt pour acheter, au prix de son sang et de sa misère, des triomphes qu'il ne pouvait célébrer que par ses pleurs. Ici, je le demande aux détracteurs du peuple : un tyran qui remonterait sur le trône, consentirait-il jamais à payer de son sang les frais de la prison? Ce n'est pas, Messieurs, et il ne faut cesser de le répéter à ceux qui blâmeraient notre économie, notre marche mesurée et graduelle dans le payement des liquidations ; ce n'est pas l'homme du peuple qui va fouillant dans des paperasses centenaires, pour y trouver où forger des titres de créances illégitimes. Non, l'homme du peuple n'a pas même de paperasses; il a fait la Révolution, et content de se voir libre, il en laisse les fruits même à ceux qui la détestent.
C'est, en effet, dans la liquidation de la dette contentieuse. que la contre-révolution a eu le plus de succès.t)n l'avait créée, cette liquidation, pour la Révolution, elle a tourné contre eile ; on l'avait créée pour la justice, elle a été la source d'injustices : on l'avait créée pour le peuple, elle n'a profité qu'aux grands ou aux riches.Eh! peut-on excuser cette précipitation avec laquelle on a remboursé les brevets de retenue, ces contrats odieux par lesquels un homme vendait une faveur qu'on lui retirait, vendait le droit de piller et de s'enrichir, dont il avait profondément
abusé ; contrats par lesquels un courtisan saturé du sang du peuple, vendait à son successeur la facilité de s'en gorger à son tour:contrats contre lesquels la nation n'a cessé de réclamer, et dont les notables de 1617 avaient demandé la destruction par une loi fondamentale ; et ces contrats ténébreux montaient à une somme de plus de 80 millions! Et ils appartenaient presque tous à des ennemis implacables de la Révolution ! (Applaudissements.)
Comment n'a-t-on pas senti qu'il était absurde de payer, aux dépens du peuple, cette simonie ministérielle; qu'il était impolitique, en la payant, de fournir des moyens à ceux qui ne soupiraient qu'après sa destruction? On voulait donc acheter, à tout prix, la paix avec ces hommes avides ? Mais comment n'a-t-on pas vu que cette faiblesse les rendait plus insolents, plus téméraires? Gomment n'a-t-on pas vu dans ce payement, et celui de ces grands offices, dont le même motif a dicté le remboursement, comment n'y a-t-on pas vu l'exportation infaillible d'un numéraire précieux qui devait, à Worms ou à Bruxelles, servir au complot des réfugiés ? Comment a-t-on porté la tendresse à leur égard au point de déclarer, par un décret particulier, que, chaque mois, on payerait trois millions pour les brevets de retenue?
Comment, au lieu de cette étrange sollicitude pour des liarpies qui, depuis 12 siècles, rongeaient la France, n'a-t-on pas, au contraire, établi des règles pour rembourser promptement les créanciers de l'Etat, peu aisés, et qui ne réclamaient que de petites sommes, et pour ne pas rembourser si lestement des créances énormes, et souvent illégitimes à nos plus cruels ennemis ? (.Applaudissements.)
Comment, au mépris de toutes les règles de la justice, a-t-on entouré d'entraves les créanciers populaires, tandis qu'on aplanissait la voie aux créances patriciennes ?
Comment en abandonnait-on l'examen à un comité éternel, composé, je veux le' croire, de patriotes intègres, mais que l'ennui, l'impatience, d'autres devoirs, d autres affaires devaient distraire sans cesse, et qui prêtaient cependant la puissance de leur nom a des liquidations qu'ils n'avaient pas examinées et souvent même pas vues?
Comment décrétait-on en masse, et de confiance, des sommes prodigieuses après une lecture rapide des noms et des dates sans faire connaître les motifs, sans ouvrir, sans provoquer aucune discussion? Que dis-je? un volume entier à la veille de la dissolution de l'Assemblée, a été décrété sur la montre simple du volume.
L'Assemblée, me dira-t-on, était fatiguée, épuisée, elle redoutait jusqu'à l'ombre des calculs. Eh ! quelle urgence y avait-il donc à lui faire décréter ce qirelle ne pouvait entendre? La stabilité de la Constitution était-elle essentiellement attachée à la précipitation de liquidations ténébreuses? devait-elle être renversee, si l'on n'eût pas remboursé de leurs brevets de retenue, de leurs offices, quelques courtisans dont les forfanteries n'étaient que ridicules? N'était-ce pas, au contraire, le plus sûr moyen de consolider la Constitution, que d'examiner scrupuleusement les réclamations et de respecter les deniers du peuple?
Oui, le cœur de tout bon patriote a saigné plus d'une fois, en voyant ainsi dilapider dans l'obscurité les ressources d'un peuplé aussi généreux et aussi peu aisé.
Je veux, par impossible, qu'il y ait eu de la sévérité dans les examens au comité. La présomption était-elle suffisante pour prodiguer ainsi l'argent du peuple? ne fallait-il pas que l'Assemblée vît aussi par ses propres yeux? je (Es plus, que le public vît par ses yeux ; car le public aussi a le droit de suivre partout ses deniers. Toutes les liquidations n'ont-elles pas été couvertes des plus profondes ténèbres, malgré le décret qui ordonnait que tous les rapports de liquidations seraient imprimés et distribués huitaine avant d'être mis à l'ordre du jour?
Et cependant quelle partie méritait plus l'examen sévère du public? Dans quelle partie avait-on plus à redouter les suggestions de la cupidité et les faiblesses de l'intérêt vivement tenté? Dans quelle partie devait-on être plus en garde contre les jugements préparatoires du pouvoir exécutif? Il semble que les contradictoires s'étaient ici réunis à dessein! On mettait une grande lenteur dans la liquidation préparatoire, une grande célérité dans le jugement des motifs de la liquidation ; lenteur dans la partie dont on payait les commis, célérité dans celle où l'on ne payait pas ; lenteur dans la partie, qui, maîtresse de l'initiative, pouvait plus impunément par les délais martyriser les infortunés ; célérité dans celle qui, accablée de trop de rapports à la fois, ne pouvait entendre personne ; lenteur dans la liquidation qui ne décidait pas, célérité dans celle qui décidait; lenteur dans celle qui devait être suspecte; célérité dans celle dont le jugement portait sur des préparations souvent suspectes. Et malgré toutes ces contradictions qui devaient frapper les yeux, tout s'adoptait de confiance, soit aux degréspréliminaires, soit au degré définitif!
Ainsi l'agent supérieur de la liquidation, écrasé d'un énorme fardeau, adoptait de confiance le rapport de ses subalternes. Le comité estampait de confiance le rapport de liquidation, et 1 Assemblée sanctionnait le tout de confiance ; et 750 millions ont été ainsi liquidés dans un court espace de temps ! 660 millions en sont déjà payés ! combien de déprédations a pu causer une pareille confiance, ou plutôt une pareille insouciance ?
J'en atteste celle que Mi Clavière vous a citée, cette créance de 1,500,000 livres, qui date presque du commencement de ce siècle, et où tout est scandaleux : réclamation, liquidation, vérification, sanctionnement et payement; comme il est facile de le démontrer, en lisant seulement les pièces.
Dans ce torrent de liquidations qui se précipitaient les unes sur les autres, précisément à l'époque de la solitude des séances, à peine a-t-on vu la résistance arrêter quelques-unes de ces créances que l'opinion publique avait'frappées de son anathème.
Je le répète, ce fut un faux principe de générosité qui entraîna l'Assemblée nationale dans ce système de confiance. Entourée de débris, étonnée peut-être de tant de destructions, assiégée de plaintes, elle crut que la loyauté l'obligeait à rembourser promptement ceux qui avaient à se plaindre. Tel a même été l'excès de la complaisance, que des comptables ont reçu le prix de leurs charges sur un bref aperçu de leur situation envers le Trésor public, et en demeurant reliquataires.
Ainsi, tandis qu'un décret défendait aux receveurs de deniers, d'en retenir aucun en compensation de finance, de leur charge, on leur remboursait cette finance, sans retenir aucun denier ! tandis qu'on déployait tous les moyens possibles
pour hâter des remboursements dont on ignorait l'étendue, on laissait en paix les débiteurs de la nation ! elle n'en connaît encore, ni le nombre, ni la somme — déplorable erreur ! funeste complaisance !
Sans doute, rembourser ce qui était légitimement dû était un acte de justice ; rembourser avec célérité et sans examen, ce qui peut-être n'était pas légitimement dû, était une injustice envers le peuple. Examiner avec soin et payer avec fidélité était donc le seul moyen de concilier l'intérêt des créanciers et celui du peuple.
Mais puisque la nature des fonctions du corps constituant et l'immensité de ses travaux ne lui permettaient pas de fixer ses regards sur la dette contentieuse, d'en parcourir le dédale, puisqu'il ne pouvait que décréter de confiance, il devait abandonner a une législature occupée ae travaux moins considérables une liquidation qu'il lui était impossible d'examiner.
Loin de nous l'idée de critiquer dans des intentions malignes (Murmures.) les travaux de nos
Prédécesseurs, je marque leurs fautes, j'en ai le roit, et je remplis mon devoir, et c'est pour nous les faire éviter. Dépositaires ae la confiance du peuple, nous serions coupables d'y tomber en les connaissant.
Si donc la partie la plus nombreuse et la plus pauvre du peuple a sacrifié les biens nationaux a des dettes qui n'ont point été contractées, ni par lui, ni pour lui ; si la facilité des liquidations a donné à ses plus cruels ennemis des moyens de lui nuire;si la célérité des liquidations a fait glisser, parmi les créances légitimes, des créances qui ne le sont pas ; si les formes des liquidations, onéreuses aux citoyens peu aisés, ne sont avantageuses qu'aux riches, il est évident qu'on doit être religieusement économe des deniers nationaux ; qu'on doit procéder avec la vigilance la
Î>lus sévère à l'examen des titres ; qu'on doit ra-entir les liquidations pour les riches ; et les accélérer pour les pauvres. Il est évident enfin qu'aux formes ténébreuses qui enveloppaient les liquidations, il faut substituer des formes qui les exposent au plus grand jour.
Car, Messieurs, en suspendant le payement des liquidations, vous ne feriez le bien qu'à demi. Qu'importe de suspendre, si en définitive vous devez encore sanctionner aveuglément une foule de créances inconnues? en arrêtant le payement des objets liquidés, il faut donc éclairer la vérification des objets à liquider.
Toute liquidation parcourt trois degrés : examen du liquidateur; vérification du comité de liquidation ; jugement de l'Assemblée nationale. De ces trois degrés, deux seulement dépendent de vous. Le premier aussi aurait pu en dépendre^ si le corps constituant, au moment où il s'était saisi detousles pouvoirs, avait senti que la régénération des branches vermoulues du pouvoir exécutif ne pouvait se faire par le pouvoir même qu'on voulait réformer; si en conséquence on avait confié cette opération à des hommes qu'il aurait délégués lui-même, et que leur propre intérêt aurait
Sortés à la célérité et retenus dans la droiture, iais cet ordre de choses que le bon sens réclame, n'existe pas encore. Le liquidateur est indépendant, quant au choix, du Corps législatif, et dès lors il n'olfre de prise'que par une vaine responsabilité, facile à éluder. Et, dès lors, il en résulte un devoir impérieux, d'être sévère dans les deux autres degrés de liquidation, qui sont sous votre influence immédiate. Il en résulte la nécessité d'assujettir les liqui-
dations à des principes inflexibles; de ne plus allouer des sommes énormes, pour des créances surannées, sur de simples certificats des agents du Trésor public; certificats ou insignifiants ou jésuitiques. Car, Messieurs, le croirez-vous? sur une simple attestation, qu'iJ n'est pas à la connaissance de tel ministre ou administrateur, que telle somme ait été payée, on la liquide, comme si elle était légitimement due... Il faut enfin mettre un terme à tous ces abus; il faut lier le liquidateur à des règles invariables; il faut, pour le faire constamment surveiller, renouveler fréquemment votre comité ; il faut ordonner surtout la publicité préalable des liquidations, et leur discussion à trois époques.
L'Assemblée constituante avait bien décrété cette publicité; mais jamais elle n'a été bien exécutée, et jamais il n'y eut de discussion, excepté sur deux ou trois réclamations. Lorsque les membres de cette assemblée auront sous les yeux les notices des diverses créances liquidées ; lorsqu'à des époques fixes la lecture publique les leur rappellera, il sera difficile alors que des créances honteuses échappent à la censure vigilante.
Mais si les mêmes désordres continuaient dans les liquidations futures ; si la même précipitation, la meme insouciance y régnaient, qu'en résulterait-il? que le produit des biens nationaux s'absorberait enfin, sans même nous laisser connaître la somme qui aurait pu suffire ; beaucoup de créances resteraient en arrière ; et comme il y aurait une injustice évidente à traiter ceux qui n'auraient pas eu le bonheur d'être rembourses, plus rigoureusement que leurs heureux prédé-cèsseurs, il faudrait augmenter la charge des nouveaux impôts, et retomber dans cette triste pénurie, que les ennemis de la liberté ne manqueraient pas de tourner contre elle.
Ainsi l'intérêt des créanciers de l'Etat, l'intérêt du peuple en général, le devoir de conserver la Constitution commandent impérieusement la suspension momentanée ou provisoire des liquidations. Vouloir les continuer sans connaître et la somme de la dette et la somme du produit des biens nationaux, c'est vouloir créer un nouveau déficit, exposer les créanciers arriérés à une banqueroute, ou condamner le peuple à de nouveaux malheurs.
Mais, nous dit-on, cette suspension va jeter dans la détresse des titulaires d'offices, des créanciers déjà si malheureux...
Une foule de réponses se présente contre cette objection, et d'abord je dois remarquer que la suspension ne durera pas longtemps, puisque j'en fixe le terme au moment où le montant de la dette et de la valeur des biens nationaux seront connus, et une année ne s'écoulera pas avant que l'un et l'autre puissent être fixés.
J'observe en second lieu que nous n'enveloppons pas dans la suspension tous les créanciers d'objets à liquider.
On peut distinguer tous ces créanciers en trois classes : 1° Les possesseurs de brevets de retenue des grands offices supprimés, des dîmes inféodées, de grandes commissions de finances;
2° Les propriétaires des maîtrises et les créanciers des parties modiques, soit sur la maison du roi, soit sur le clergé, soir sur les communautés;
3° Les personnes qui réclament des créances anciennes et très considérables.
Personne ne contestera que si l'on doit justice à la première classe, on doit un intérêt plus par-
ticulier à la seconde, composée en général d'artisans, ou d'hommes peu aisés, qui attendent après leur remboursement... Et cependant c'est cette classe qui, jusqu'à présent, a éprouvé le plus de difficultés ; le créancier de 100 Livres sur une communauté, dans un département, en touchait à peine la moitié, et il est obligé ou de venir ou de charger quelqu'un à Paris pour recouvrer l'autre moitié, et là quel froid accueil lui était réservé ! car ce n'est pas l'homme opulent qui éprouve les hauteurs d'un commis ou les lenteurs intéressées; elles tombent sur l'homme du peuple ; il languit à la porte, lorsque l'intrigue fait sanctionner en deux jours une liquidation énorme et scandaleuse. {Applaudissements.)
Or, voilà le désordre que nous devons réformer. C'est l'homme du peuple mal aisé qui doit être maintenant payé, par préférence, de son capital ; c'est pour 1 homme au peuple que nous réclamons l'exception à la suspension générale. C'est en faveur des créanciers peu aisés ; et pour les comprendre tous dans un maximum qui n'admette que la médiocrité et exclue la richesse, et qui en même temps ne nuise pas à l'état des finances, je le porte à la somme ae 3,000 livres, et je crois que l'homme aisé qui réclame un capital plus considérable doit attendre que la position des finances soit bien connue. Et comment, par exemple, le propriétaire des dîmes inféodées
Sourrait-fl se plaindre de ce retard ? Le décret
u 5 mars 1791 ne lui accorde-t-il pas la faveur d'échanger cette propriété contre une valeur égale de biens nationaux ? faveur injuste ; car pourquoi ne l'étendrait-on pas aux autres créanciers? faveur dangereuse, car, comme M. Clavière vous l'a bien démontré, les assignats seuls et non les reconnaissances doivent s échanger contre les biens nationaux, ou l'on ne connaîtra jamais la proportion des assignats et de ces biens. Mais enfin, cette faveur prouve combien l'on s'est occupé de favoriser les riches, tandis que, jusqu'aux faveurs apparentes accordées aux artisans, tout était contre la nation. Car, par exemple, on a fait un grand bruit de l'arriéré des bâtiments, partie dans laquelle on produit aujourd'hui des piles énormes d'anciens reliquats, qui ne prouvent pas la dette de l'artisan? ni la justice qu'on veut lui rendre, mais qui couvrent peut-être une spéculation nouvelle de dilapidation, sous le nom des artisans, sur les deniers nationaux.
Messieurs, c'est pour défendrè ces deniers de l'invasion de ces réclamations surannées ; c'est pour défendre des créanciers suspects, les créances légitimes, que nous réclamons la suspension. De ce qu'il est nécessaire de mettre de l'ordre dans les remboursements, et de porter l'esprit de discernement de justice et d'humanité dans le classement des créances, s'ensuit-il qu'on sera des malheureux? est-ce le moyen d'assurer leur remboursement, que de rejeter des mesures sages qui circonscrivent la dette et proportionnent leur remboursement aux recettes? diminuions-nous les moyens de payer, en nous tenant dans un tel rapport avec les liquidations que nous puissions obtenir le plus grand produit possible des domaines nationaux ? Enfin, depuis quand le désordre cesserait-il d'être une source de ruine et de pauvreté? Depuis quand, au contraire, l'ordre et la régularité ne seraient-ils plus une source d'économie, un agrandissement réel dans nos moyens?
Aurons-nous fait beaucoup pour le bien de ceux qui seront remboursés, si notre précipita-
tion ne nous laisse plus de choix des mesures, dans le cas où viendrait à se déclarer un grand déficit?
Il ne faut donc pas appréhender de faire des malheureux en suspendant actuellement les remboursements de la dette contentieuse ; mais il faut la liquider promptement. La connaissance que chacun aura de son sort, dans un bon système de remboursement, peut seule dissiper toutes les inquiétudes, tant des créanciers, que du public.
Balancerions-nous maintenant entre le malaise très momentané de quelques milliers d'individus et le salut de l'Empire ? Car enfin, il est démontré que, si l'on s'abandonnait toujours à ces liquidations de confiance, ténébreuses, illimitées, les biens nationaux courraient le risque d'être promptement engloutis, la ressource des assignats serait tarie, et nous serions alors menacés ae toutes les calamités qui accompagnent le discrédit. Alors même ces créanciers de l'Etat qui ne seraient pas payés, ne seraient-ils pas frappés d'un malheur bien plus grand que celui d'une suspension momentanée; puisque, dans ce dernier cas, touchant un intérêt malgré cette suspension, ils pourraient,, ou emprunter sur leurs titres, ou les vendre avantageusement?
Ainsi, suspendre le payement des objets liquidés, jusqu'à ce qu'on les connaisse tous, c est préférer momentanément 25 millions d'hommes à quelques milliers de créanciers ; c'est préférer l'universalité des créanciers à quelques créanciers favorisés; c'est déclarer avec succès la guerre aux fripons en faveur des honnêtes gens ; c'est conserver le gage de tous au lieu de le laisser dilapider par quelques-uns ; c'est sauver la nation d'un nouveau déficit.
Combien donc sont éloignés de la vérité ceux qui prétendent assimiler cette suspension à une banqueroute 1 La suspension qu'on propose, loin donc d'être une banqueroute, est une sauvegarde en faveur de la nation et contre la banqueroute.
Sous un despote, une suspension est l'avant-coureur d'un fléau, d'une banqueroute ; chez un peuple libre, elle ne peut être qu'un préservatif contre ce fléau même. Car enfin, un peuple ne peut pas vouloir se faire banqueroute à lui-même. Ainsi, en 1614, on suspendit le payement des offices supprimés ; c'était pour les voler, au lieu de les mieux payer. Mais qui ordonnait cette suspension injuste? Le conseil d'une reine despote et dissipatrice. Ici, c'est une Assemblée nationale, et cette suspension n'est qu'un moyen de répandre la clarté la plus grande sur la situation de nos financés. On cherche à connaître l'inconnu, pour ne payer que ce qui doit être payé. Et, puisque dans cette recherche les intérêts ne cessent pas de courir au profit des créanciers dont les droits sont constatés, puisque la nation s'engage à payer les capitaux lorsque la totalité en sera connue, peut-on dire qu'elle manque à ses engagements? Est-ce y manquer que de s'éclairer pour mieux paver?
Telle est, Messieurs, la marche qu'ont suivie les Etats-Unis dans la liquidation de leur dette. Elle était immense, compliquée à l'excès, divisée en une foule de détails qui avaient dû se multiplier dans le cours d'une guerre désastreuse de 7 ans. Les commissaires délégués par le congrès ont bientôt eu terminé les comptes de chaque Etat. Le maximum de la dette a été connu, on l'a constituée ; depuis, les intérêts en étant bien placés, elle est montée jusqu'au pair, après avoir d'abord perdu jusqu'à 80 0/0.
Vos créanciers, Messieurs, sont bien plus favorablement traités, puisque tout annonce que les capitaux leur seront promptement remboursés ; puisqu'en attendant le remboursement du capital, les créanciers liquidés auront une obligation portant intérêt. On doit donc, à plus forte raison, nous pardonner de prendre des précautions pour connaître eette dette, formée dans l'obscurité par un longue série de désordres.
Je crois donc vous avoir démontré que cette suspension momentanée ne peut être nuisible aux créanciers de l'Etat :
1° Parce qu'elle ne se portera pas au delà d'une année :
2° Parce qu'elle ne frappera pas sur les créanciers de sommes au-dessous de 3,000 livres ;
3° Parce que ceux qui ne rentrent pas dans ce maximum, auront des obligations portant intérêt ;
4° Parce qu'enfin tous doivent désirer d'être payés, et qu ils ne peuvent l'être qu'en les connaissant tous.
J'ose le prédire, Messieurs, une pareille mesure ne trouvera de contradicteurs que parmi les hommes qui ont spéculé sur les embarras de notre Révolution, sur la difficulté de distinguer dans les chaos les dettes illégitimes des légitimes, sur l'assurance ou sur les faiblesses des liquidateurs, sur les ténèbres qui doivent environner les liquidations ténébreuses et précipitées. Ces vampires, qui s'enrichissent des désordres et des turpitudes, crieront à l'anathème, à la banqueroute. Le peuplé doit apprendre la valeur de ce langage. Ce sont des voleurs qui se plaignent qu'on perce les forêts, qu'on éclairé les chemins, qu'on les garnit de gendarmerie. (Applaudissements.)
Les créanciers honnêtes et patriotes se garderont bien de tenir un pareil langage : gémissant sur la précipitation des précédentes liquidations, ils s'applaudiront de voir mettre enfin lin terme au brigandage des réclamations surannées.
Ils se féliciteront de ne plus voir ces jours de deuil où des dettes déshonorées, même chez les agioteurs, rèjetées depuis un siècle par les ministres même les plus corrompus, trouvaient grâce devant un comité, passaient incognito dans le torrent, et obtenaient rapidement du ministre une sanction complaisante.
Messieurs, si le règne de la sévérité ne venait pas enfin et n'accompagnait pas notre régénération, vous verriez bientôt reparaître les temps de la république romaine où les dissipateurs interrogés sur leurs déprédations, s'en vantaient eux-mêmes en plein sénat, où un Lentulus Sura présentait le gras de sa jambe en payement des sommes énormes qu'il avait volées. Un peuple libre doit être sévère, parce qu'il veut toujours être loyal; ou lorsqu'il cesse d'être sévère, les brigandages dans ses finances sont encore plus monstrueux que ceux du despotisme.
Eh ! dans quel moment avons-nous senti un plus pressant besoin d'être sévères pour nos dépenses et pour nos liquidations ? dans un moment où nous n'avons pas encore acquis la certitude que le total de nos besoins en assignats, pour faire face à nos dépenses ordinaires et extraordinaires. ne montera pas àplus de 1,100 millions. Car, Messieurs, malgré la bonne volonté du peuple, si cruellement calomnié, le système des impositions est tel qu'il ne pourra rendre sitôt les produits qu'on en attend, et il n'est pas
bien prouvé, quoi qu'en dise M. Montesquiou, que nous serons complètement au pair en 1793.
S'il faut être sévère, c'est encore dans un moment où le volcan qui semble menacer nos îles, nous force à des dépenses extraordinaires, en nous privant d'une partie de leur produit fiscal, en haussant nos denrées ; dans un moment ou des menaces, des agressions de la part des pirates et des petits princes, et des rebelles excités, ou par l'impunité que vous avez si sagement voulu réprimer, ou par des puissances plus redoutables, qui cachent leur haine sous de fausses démonstrations amicales; dans un moment, dis-ie, où tant de circonstances réunies nous font la loi de prendre une attitude redoutable, mais coûteuse, et qui peut absorber une partie de nos ressources; dans un moment, enfin, où devenue libre, une grande nation ne peut condamner, comme sous le régime barbare du despotisme, sés membres que le sort a fait naître indigents, à l'inanition, a la longue et désespérante agonie des tombeaux appelés maisons de force, où par conséquent elle doit se ménager de grandes ressources pour bannir cette lèpre de son sein. Eh ! combien elles lui deviennent encore nécessaires pour élever, pour maintenir le vaste édifice de l'éducation nationale !
Que de motifs s'élèvent de tous les côtés pour économiser religieusement, et distribuer avec intelligence le produit de nos biens nationaux, pour ne pas l'engloutir dans des liquidations imprudentes ! — G est le gage de notre sécurité, si le déficit entre la dépense et la recette, frappe encore l'année 1793. — C'est le gage de nos consolations, si nous devons éprouver des malheurs dans nos possessions lointaines. — C'est le gage de nos succès, si nous devons être attaqués par des ennemis dont la faiblesse de notre ministère a jusqu'à ce iour enhardi les efforts. — C'est le pain ae nos frères indigents, jusqu'à ce que nous ayons extirpé la mendicité. p| Enfin, Messieurs, et ce mot doit décider la question, la caisse des liquidations est la caisse des rebelles et des émigrants. Fermez-la donc pour eux; et cette loi peut-être arrêtera plus efficacement les complots, que les lois les plus sévères. (Applaudissements.)
Ce n'est. Messieurs, qu'à cette condition indispensable de la suppression momentanée du payement des liquidations, que vous devez consentir à l'émission successive des 200 millions d'assignats proposés par votre comité. C'est alors que vous pourrez tenir la promesse faite de n'en plus émettre pendant votre session, promesse imprudente et bientôt violée, si les payements des objets liquidés devaient toujours continuer... C'est alors que vous n'aurez pas même besoin d'une aussi forte somme, que vous ne serez pas harcelés chaque mois par les demandes d'une caisse, qui, suivant la marche oblique trop favorisée par l'indulgence de la précédente Assemblée, n'annonce jamais des besoins qu'au moment où il faut les remplir, pour ne pas laisser celui de délibérer. — Crest alors que vos assignats ne servant plus qu'à combler le vide des recettes, vous sentirez plus fortement, en les voyant s'écouler, la nécessité de presser le recouvrement des impôts.
Je devrais m'arrêter ici après vous avoir démontré la nécessité de suspendre le payement de liquidations. Me permettrez-vous d'ajouter de courtes réflexions sur une autre mesure très pressante que vous a présentée M. Clavière ?
11 vous a proposé de créer des assignats de 10 sous, et c est une autre mesure que vous devez
vous empresser de consacrer. Il faut regretter profondément que l'Assemblée constituante né l'ait pas adoptée dès lé premier moment qu'elle se détermina à créer des assignats ; elle complétait tout à la fois le système monétaire, elle diminuait' les besoins d argent, elle prévenait ces angoisses et ces convulsions où nous a jetés le passage gradué du numéraire réel au numéraire fictif, convulsions principalement causées par l'agiotage, dont l'influence eût été nulle, s'il n'y avait pas eu si longtemps une rareté préméditée des petits assignats. Le temps lèvera sans doute un jour le Voile qui couvre ce mystère, et découvrira la main qui, dirigée par la cupidité, a fait échouer tous les efforts des patriotes, dont l'oeil clairvoyant anticipait la pénurie actuelle. Le temps et cette mesure feront encore justice de tous ces établissements fondés sur la disette des petits assignats nationaux, établissements qui n'ont pas ae bases solides, dont la multiplicité est inquiétante, dont un seul, frappé de discrédit par quelque accident, pourrait entraîner une catastrophe générale. Ayez des assignats de petites sommes de 10, de 20, de 30 sous; et les billets, cédant à la supériorité des assignats nationaux, rentreront bientôt dans le néant, d'où jamais ils; n'auraient dû sortir, si le patriotisme et l'intégrité avaient toujours accompagné le talent ou les moyens;
Ces petits assignats sont la monnaie du peuple; c'est le moyen de lui éviter l'échange contre le numéraire, l'impôt sur l'échange, et les sollicitudes. Le peuple n'a ni le loisir ni les connaissances pour se reconnaître au milieu de la bigarrure des billets ; il lui faut un assignat simple, uniforme, modique, qui, par sa valeur, se prête à toutes les chances des marchés, et de besoins ; assignat modique, et par cela se prêtant difficilement à la contrefaçon ; car l'art perfide du contrefacteur, qui exige le concours de tant de mains, et de mains habiles, ne peut s'exercer que sur de gros assignats de forte somme.
C'est donc de l'assignat de 10 et 20 sols que votre comité doit maintenant s'occuper par prédilection; tous ses soins doivent tendre à les multiplier très rapidement, soit en multipliant les fabriques de papier, et en ne se bornant pas à celles qu'une faveur, peut-être injuste, a fait préférer, soit en écartant les abus secrets sur l'accaparement et l'agiotage qui empoisonnent les canaux par lesquels les petits assignats se jettent dans la circulation. Ses soins doivent tendre encore à munir ces petits assignats d'une empreinte telle que l'art ne puisse la contrefaire, ou que la contrefaçon frappe les yeux de l'homme le moins instruit ; et ce double problème est loin d'être insoluble, et il sera résolu, si l'on ne veut pas toujours dedaigner les découvertes les plus simples. Un pareil type sera le plus sûr préservatif de la contrefaçon, le plus sûr garant de la tranquillité du peuple ; car c'est de lui, surtout, qu'il faut s'occuper à présent. Mettons-le donc à 1 abri? et de cet agiotage qui a renchéri ces petits billets pour lui jusqu'à 8 et 9 0/0, et de ces inquiétudes qui viennent encore le tourmenter, lorsqu'il a payé le tribut à l'agiotage.
Le peuple français est si confiant! il offre tant de ressources pour ces opérations qui ont besoin de la confiance! voyez les billets de caisse patriotique, ces billets qui ne portent pas le sceau de la nation, faciliter les échanges au sein même des campagnes éloignées à 20 ou 30 lieues de Paris, reçus sans difficulté par ceux mêmes qui
ne savent pas lire! quelle leçon pour nos prédécesseurs! quel trésor que cette simplicité, que cette confiance! Comme cette simplicité'prouve bien que le peuple français est digne de la liberté! caria droiture d intention, qui repousse jusqu'au • soupçon,! est l'arme de la liberté (Applaudissements), et comme avec cette confiance on peut facilement suppléer au numéraire métallique, qui, par des; raisons évidentes pour le politique, tena constamment partout à devenir plus rare, et dont en conséquence les Etats libres doivent chercher à diminuer le besoin, en exploitant cette mine qui n'appartient qu'à eux, la mine intarissable de la confiance publique î
Je laisse, Messieurs, à des hommes plus habiles, plus exercés que moi dans la pratique des finances, le soin de vous indiquer des moyens d'exécuter, de descendre dans ces détails qui m'échappent. J'ai dû me borner à vous présenter des vues générales sur la nécessité d'adopter l'indispensable suspension que vous a proposée M. Clavière, parce que c'est à elle que j'attache le salut de nos finances, et par conséquent le salut de l'Etat, i
Vous devez, Messieurs, inspirér une haute idée de vos opérations et à la France et aux nations /étrangères, et vous ne l'inspirerez qu'en portant, d'un côté, l'ordre et la clarté dans vos finances, et, de l'autre, une inébranlable fermeté dans Vos relations extérieures. Mais pour porter cette clarté partout, vos divers comités des finances doivent s'empresser de mettre sous vos yeux le tableau général de votre situation et les moyens de 1 améliorer. Ainsi l'on doit vous présenter un bilan exact que n'altère point l'esprit de parti ou la nécessité de masquer des déprédations révoltantes ; un autre doit vous indiquer la manière de réformer une comptabilité dont la défectuosité ne doit point surprendre, quand on se rappelle la tactique qui l'a fait décréter ; un troisième doit vous éclairer sur ces contributions qui doivent ou sauver ou perdre la Constitution, qui servent de prétexte à la calomnie, et peuvent servir de cause aux agitations, et dont il importe de reconsidérer les bases, de rectifier peut-être les applications ; un autre enfin, doit porter la lumière la plus vive et la plus salutaire sur vos dépenses, qui tiennent trop encore des fausses idées de rancien régime. L'agrégat de ces lumières vous conduira bientôt à cette économie qui en est le principal but, auquel vous devez tendre, parce que cette économie sera le vrai fondement de votre force extérieure, de votre crédit et de la sécurité de tous vos créanciers.
H ne faut pas nous le dissimuler, Messieurs, nos prédécesseurs ont été trop généreux; ils ont trop souvent pris le faste pour la splendeur, et la splendeur pour un élément nécessaire d'un gouvernement libre. La splendeur d'un peuple libre est dans le bon ordre de ses finances, dans l'économie de ses dépenses, dans le payement et à jour fixe de ses rentes, dont la mesquinerie ou une infidélité meurtrière prolonge encore, malgré l'abondance de nos assignats, la lenteur ignominieuse. Car ces lettres stationnaires accusent la misère secrète et tuent le crédit.
. La splendeur est encore dans la multiplication des manufactures, dans la prospérité d'un commerce indépendant, et surtout dans l'aisance de chaque individu. L'habit de drap qui couvre le campagnard ou l'artisan, même les jours ouvrables, prouve plus la splendeur d'un pays, que les riches galons du courtisan ou qu un superbe palais (Applaudissements.) qui suppose tou-
jours ailleurs des milliers de cabanes misérables.
Ces heureux jours arriveront, Messieurs, lorsque vous exercerez une censure impitoyable sur ^administration de vos finances, lorsque les agents particuliers du Trésor national seront ramenés à une plus grande dépendance du peuple ou de ses représentants, par un mode que la Constitution laisse à votre décision ; lorsque pas un écu ne sortira de votre Trésor, qu'il ne soit facile de le suivre, par toutes les filières, jusqu'à sa destination; lorsque vos ministres seront environnés de tant delumières, que la dilapidation deviendra impossible ; lorsqu'ils seront forcés de vous rendre compte, jusque dans les plus petits détails, de leurs dépenses annuelles, ce qu'ils auraient déjà dû faire aux termes des décrets, ce qu'ils n'ont pas encore fait ; lorsque vous aurez circonscrit et purifié leur bureaucratie oiseuse, si même elle n'est pas funeste; lorsque vous aurez réduit ces 6 millions prodigués à des affaires étrangères, si rétrécies d'après l'immortelle renonciation de la France aux conquêtes et aux tracasseries diplomatiques; lorsque vous aurez supprimé cet article honteux de dépenses secrètes, qui ne peut alimenter qu'un espionnage indigne a'un peuple libre, ou que la corruption des écrivains si propre à l'enchaîner de nouveau ; lorsqu'enfin, rappelant sans cesse les ministres à leur devoir, vous les empêcherez de porter atteinte à la Constitution et de censurer la législature, dans des proclamations inconstitutionnelles (Applaudissements) ; lorsque leur responsabilité, qui n'est qu'un vain mot, sera fixée par vous, et ne protégera plus les coupables, au lieu de les punir—
Messieurs, une responsabilité réelle, efficace, voilà le moyen de rendre le pouvoir exécutif populaire, et d'unir à jamais les deux pouvoirs.
Tels sont; Messieurs, les grands et nombreux travaux qui sollicitent votre zèle, si vous voulez maintenir votre liberté. Les finances en sont partout le poison lent; et le secret de sa conservation est dans ces deux mots : gouvernement pauvre et citoyens aisés. (Applaudissements.) Or, notre situation est précisément l'inverse de cet axiome. Notre gouvernement est trop riche, et le peuple est trop peu aisé. Si donc nous ne parvenons pas à déplacer, à diviser insensiblement la richesse, nous n'aurons eu que l'inquiétant frisson de la liberté. Heureusement, ce déplacement, cette division peuvent être le résultat a'un bon système de finance populaire, et son exécution est dans votre pouvoir.
Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est essentiel et indispensable pour l'ordre des finances nationales et la sûreté de tous les créanciers de dettes exigibles et contentieuses, de connaître et fixer le total de ces dettes avant de continuer à les acquitter sur le produit des biens nationaux, décrète ce qui suit :
« Art. lor. Le payement à la caisse de l'extraordinaire demeure suspendu, quant à présent, pour tous les articles suivants, qui ne sont pas encore liquidés ou payés; savoir : brevets de retenue, office de judicature, charges et emplois militaires, dettes ecclésiastiques, arriéré ae la marine et des colonies, fonds d'avance et cautionnement des charges, et commissions de finances, droits féodaux, dîmes inféodées, indemnités prétendues, et en général pour tous les objets dénommés dans le décret du 16 décembre 1790.
« Art. 2. Cette suspension continuera jusqu'à ce
que la somme générale des objets liquidés et à liquider soit connue et définitivement arrêtée; et à cette époque la continuation du payement reprendra, suivant le mode qui sera déterminé par l'Assemblée nationale.
« Art. 3. Seront exceptés de la suspension de payement tous les comptes de fournitures, liquidations de maîtrises et jurandes, et autres objets qui n'excéderont pas la somme, de 3,000 livres, lesquels continueront d'être payés au fur et à mesure de la liquidation.
« Art. 4. Nonobstant la suspension de payement des objets liquidés, le commissaire-liquidateur continuera de faire son rapport au comité de liquidation, lequel en rendra compte régulièrement à l'Assemblée nationale, et l'intérêt en sera payé à raison de 4 0/0, aux créanciers des objets liquidés, à dater du décret de liquidation, sur des obligations qui leur seront délivrées.
« Art. 5. Tout échange, autre que celui des assignats avec les biens nationaux, demeure suspendu.
« Art. 6. Aucun article ne pourra être liquidé que la notice n'en ait été imprimée et distribuée, et que trois lectures n'en aient été faites de huitaine en huitaine. Les notices de ces articles ci-devant liquidés, mais non acquittés, seront pareillement imprimées et distribuées. H y aura toujours au bureau de liquidation un registre ouvert au public, dans lequel il pourra s'instruire des liquidations qui auront été faites.
« Art. 7. Les délais qui avait été fixés aux créanciers de l'Etat, pour leurs réclamations, par le décret du 17 juillet 1790, sont prorogés, mais irrévocablement fixés, savoir : a 3 mois pour ceux qui demeurent dans l'étendue du royaume; un an pour les colonies en deçà du cap de Bonne-Espérance; et 2 ans pour celles au delà, à dater du présent décret ; passé lequel terme, toutes réclamations seront rejetées.
« Art. 8. Le payement des liquidations sera repris aussitôt après la fixation irrévocable de toutes les créances réclamées en France, et sans attendre celles des colonies, et lorsque le montant de la valeur des biens nationaux aura été fixé d'après l'estimation de tous les districts.
« Art. 9. Le comité des liquidations est chargé de mettre le plus promptement possible sous les yeux de l'Assemblée nationale :
« 1° Le tableau des articles liquidés et déjà payés ;
« 2* Le tableau des articles liquidés et non payés :
« 3° Le tableau des diverses parties qui restent à liquider, des principes qu'on suit dans la liquidation, et des améliorations qu'on peut faire dans le mode de liquidation.
« Art. 10. Il sera incessamment créé pour 50 millions de livres d'assignats de 10, 20 et 30 sols, à prendre sur la somme d'assignats qui doit être mise en circulation ; et le comité des assignats est chargé de présenter un mode pour en faire la répartition prompte et égale entre les divers départements :
Plusieurs membres : L'impression du discours et du projet de décret!
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Brissot de Warville.
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
présidence de m. lacépède, vice-président, et de m. vergniaud, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir. Un membre, au nom du comité de division, fait un rapport et propose un projet de décret, sur la réunion des deux municipalités de la ville et du faubourg de Saint-Flour, département du Cantal. Un membre : Je demande l'ajournement. Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ajournement.)
Le décret d'urgence est mis aux voix et rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, considérant que les rôles des impositions foncière et mobilière de la ville et de la foraine de Saint-Flour, n'étant pas encore faits pour l'année 1791, il est instant que ces rôles puissent être mis en recouvrement, décrète qu'il y a urgence. >»
Ensuite, l'Assemblée, adoptant le projet du comité, décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il y a urgence, et après avoir entendu le rapport de son comité de division, duquel il résulte que les directoires du district de Saint-Flour et du département du Cantal ont donné leur avis, le 22 octobre dernier, en faveur de la réunion demandée par la municipalité de Saint-Flour, et par les habitants de laforaine.de la même ville, décrète que la municipalité de la foraine de Saint-Flour est réunie à celle de la ville, pour ne faire, à l'avenir, qu'une seule et même municipalité. »
Tout le monde sait que, dans le mois d'octobre 1790, il fut rendu un décret par lequel les districts devaient constater les quantités de matières d'or et cCargent inventoriées dans les églises supprimées. Je demande que le ministre de l'intérieur soit chargé de présenter à * l'Assemblée les états que les districts ont dû faire, ainsi que l'état de ce qui a été envoyé aux hôtels des monnaies.
. (L'Assemblée renvoie cette proposition au comité des assignats et monnaies, pour en faire incessamment son rapport.)
, au nom du comité de division, présente, un rapport sur la demande faite par le directoire du département de la Manche, des règles à suivre pour le traitement des curés dont les cures ont été supprimées, et s'exprime ainsi :
Messieurs (1), le directoire du département de la Manche vous a demandé, par une lettre du 24 octobre dernier, si, la réunion des paroisses n'étant pas encore opérée dans les villes et bourgs d'une population considérable, telle que de 3,000 âmes et au-dessus, le traitement des curés doit être payé pour 1791 d'après les proportions déterminées par l'article 5 du titre III du décret du 12 juillet 1790, quoique la population des paroisses actuelles soit infiniment plus faible, par exemple, de 5 à 600 âmes seulement.
Votre comité de division a cherché, Messieurs,
Telles sont, en effet, les expressions de l'article 5 du titre III de la loi du 24 août : « Le traitement des curés sera, savoir : à Paris, de 6,000 livres ;
« Dans les villes dont la population est de 50,000 âmes et au-dessus, de 4,000 livres ;
« Dans celles dont la population est de moins de 50,000 âmes, et de plus de 10,000 âmes, de 3,000 livres;
« Dans les villes et bourgs dont la population est au-dessous de 10,000 âmes, de 2,400 livres, ainsi de suite. »
La loi n'ayant donc parlé que de la population des villes et bourgs, et non pas du nombre des fidèles qui composent les paroisses, votre comité a pensé que l'Assemblée constituante avait supposé que partout où il y avait plus de population, les besoins physiques étaient plus étendus, soit à cause de la cherté des denrées, soit à raison de l'entretien et des autres objets de première nécessité, et que ces motifs étaient absolument indépendants de la masse plus ou moins grande des individus confiés aux soins des curés, en ce qu'ils étaient toujours les mêmes.
Il a même paru à votre comité que l'on pouvait d'autant moins douter que ce fût là l'esprit de la loi, que ses propres expressions apprennent que dans une ville dont la population serait par exemple de 10,050 âmes divisées en deux paroisses, ce qui pourrait donner à l'une 5,050 âmes et à l'autre 5,000 âmes, le traitement de chacun des curés serait de 3,000 livres, tandis que dans une ville dont la population serait au-dessous de 10,000 âmes, mais qui pourrait présenter une paroisse de 7 ou 8 et même jusqu à 9,000 âmes, le traitement du curé ne serait, aux termes de la loi, que de 2,400 livres.
Votre comité, Messieurs, est, par cela seul, demeuré convaincu qu'il résulte évidemment de l'expression de la loi, que c'est la population du lieu habité, et non pas le nombre des paroisses qui fixe le traitement des curés, et que tant que la réunion des paroisses n'aura pas été faite dans les villes et bourgs qui en sont susceptibles, il sera dû à chacun des curés le traitement déterminé d'après la population des villes qu'ils habitent n'eussent-ils que 3 à 400 paroissiens et même moins, par la raison que leur devoir exige d'eux les mêmes offices, la même prédication, les mêmes instructions pour ce petit comme pour un plus grand nombre et que leurs besoins personnels sont constamment les mêmes.
Votre comité ne s'est pas dissimulé, Messieurs, qu'il y avait en cela un inconvénient auquel r Assemblée constituante avait cherché à pourvoir par l'article 7 de son décret du 24 du même mois de juillet 1790, relatif au traitement actuel du clergé, en décidant que ce ne serait qu'à l'époque du 1er janvier 1791, que les traitements accordés par les articles 5 et b du titre III de la loi qui les fixe, commenceraient à avoir lieu, sans doute parce qu'elle s'était persuadé que, dans le cours ae l'année 1790, les corps administratifs opéreraient toutes les réunions.
Mais le moyen de parer à cet inconvénient dépend du zèle des corps administratifs et de l'activité qu'ils mettront dans cette partie de leurs
travaux ; jusque-là, il paraît hors de doute que le traitement des curés doit leur être payé con-
formément à la fixation portée par la loi du 24 août, c'est-à-dire à raison de la population des villes et bourgs, de la situation des paroisses quel que soit le nombre des paroissiens.
La seule difficulté sur laquelle votre comité s'est fixé, a été de savoir si vous devez prononcer un décret en interprétation de celui au 12 juillet 1790, pour servir de réponse à la demande qui vous est fâite par le directoire du département de la Manche; mais il a vu que la disposition de l'article 5 du titre m du décret cité étant aussi claire qu'elle l'est, il deviendrait inutile de faire une nouvelle loi : il s'est alors décidé à penser que l'Assemblée nationale, en prononçant que, d'après l'expression de la loi, il n'y a lieu à délibérer sur cette demande, éclairerait par cela même le directoire du département de la Manche, sur les doutes qu'il s'est fait; et c'est d'après ces considérations que votre comité vous propose, Messieurs, d'adopter le décret suivant : . « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de, division,'sur la demande du directoire du département de la Manche portée par sa lettre du 24 octobre 1791, attendu ce qui résulte de l'articlg 5 du titre III du décret du 12 juillet, et de l'article 7 de celui du 24 du même mois, sur l'organisation et le .traitement actuél du clergé, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer. »
(Après quelque discussion (1), on demande l'ajournement.)
(L'Assemblée ferme la discussion et ' décrète l'ajournement de la question et l'impression du rapport.)
Un membre, au nom du comité du commerce, demande que ce comité soit autorisé à prendre un commis de plus.
(L'Assemblée accorde cette demande.)
, au nom du comité de division, fait un rapport sur la réunion de plusieurs paroisses de la ville de Gournay et des campagnes environnantes, en une seule paroisse, qui sera desservie dans Véglise de Saint-Hildevert, en conservant comme oratoire Véglise des religieuses de Saint^François ; il propose en première lecture le projet de décret suivant (2) :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par son comité de division du royaume, des diverses pétitions des habitants de Saint-Hildevert et de Notre-Dame de la ville de Gournay, des délibérations et avis du district de Gournay, du département de la Seine-Inférieure, et de l'évêque métropolitain des côtes de la Manche, des 4, 10 et 18 mai et du 1er juin 1791, et de la délibération de la municipalité de Gournay du 2 dudit mois de juin, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il y aura pour la ville de Gournay et pour les campagnes environnantes, une seule paroisse
3ui sera desservie sous le nom et dans l'église
e Saint-Hildevert; elle sera formée des deux anciennes paroisses de cette ville et des
paroisses
Art. 2.
« L'église des religieuses de. Saint-François sera conservée comme oratoire et chapelle de secours de la paroisse. Le curé enverra un de ses vicaires dans ladite chapeUe les jours de fête et dimanche, pour y célébrer la messe, sans qu'il puisse y être exercé aucunes fonctions curiales.
Art. 3.
« Les revenus et fonds des fabriques des paroisses supprimées par le présent décret, seront réunis et attachés à la paroisse conservée. >»
(L'Assemblée décrète que la discussion est ouverte sur ce projet, et prononce l'ajournement à huitaine, pour la seconde lecture.)
Je demande à l'Assemblée la permission de lui lire une lettre que je viens de recevoir de Bordeaux, relative à la révolte de Vé-quipagè du vaisseau « VEmbuscade. »
« Bordeaux, le
« Monsieur,
« Un bâtiment, parti de la Guadeloupe le 11 octobre et arrivé depuis peu de temps, nous apprend que, dans cette île, le parti aristocrate s'est réuni, de même qu'à Sainte-Lucie. H a voulu faire une fédération le même jour. La municipalité de Basse-Terre, qui sait que la loi défend les fédérations partielles, a déployé beaucoup d'énergie dans une proclamation qu'elle a faite à ce sujet. Cela n'a pas empêché qu'il n'y ait eu
Êlusieurs combats singuliers. Celle de Sainte-
ucie a montré la même fermeté. Les mauvais citoyens se sont aigris, et il y a eu un choc ; mais les patriotes ont été victorieux. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.) Ils se sont emparé du Morne-Fortuné, Oû est bâti le fort.
« Les aristocrates ont réclamé des secours de leurs correspondants, au fort de la Martinique. La parti Bouillé, dont le sieur de Béhague est le protecteur, a expédié le vaisseau VEmbuscade, commandé par le sieur d'Orléans. C'est le même qui fait tant de tort au commerce de France, en favorisant l'émission des denrées coloniales chez l'étranger.
« Il avait ordre d'enlever les deux municipali-
ennemis de la Constitution, l'équipage, dis-je, a signifié à M. d'Orléans qu'il ne voulait pas se prêter à ce qu'on exigeait de lui au nom de l'aristocratie, et qu'il allait faire prendre au vaisseau la route de France, afin de la dénoncer. L'équipage a relâché à la Pointe-Noire, île de la Guadeloupe, pour y faire de l'eau. D y a trouvé des vivres pour 37 jours. Ils se sont mis à la mi-ration. Je me hâte de vous faire part de cet événement, afin que l'auguste Sénat de la nation prenne de nouvelles mesures pour prévenir ou empêcher la perte de nos Antilles. »
Cette lettre. Messieurs, est signée d'un sieur Dieudonné Labarrier, qui est un colon, mais un colon patriote. (Applaudissements.) Il est secrétaire du district de Bordeaux. C'est un excellent citoyen, à la probité, à la véracité duquel l'Assemblée nationale peut prendre la même confiance que moi-même. Je demande la permis-
sion de remettre au comité colonial, cette lettre en original, afin qu'elle lui serve à démêler, s'il est possible, le fil des trames ourdies contre la liberté. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité colonial.) :
M. Guadet a demandé le renvoi de la lettre de son correspondant de Bordeaux au comité colonial ; et moi, je demande le renvoi de celle que je vais lire à la haute cour nationale. Cette lettre a été trouvée dans un bateau allant à Trêves et paraphée par le secrétaire général de la municipalité de Thionville, en exécution de la délibération prise par cette municipalité, le 14 novembre. Elle est adressée à M. de Galonné, conseiller d'Etat à Goblentz; elle est de Paris, eh date du 22 octobre 1791, elle est signée ; la voici :
« Monsieur,
« Oserais-ie me flatter que, malgré l'importance des affaires qui vous occupent, vous voudrez bien vous souvenir d'un professeur èn droit, qui, lié à Paris par son état, encore subsistant, quoique ruiné, retenu par son âge, et ne pouvant s aller rejoindre aux fidèles serviteurs de son roi, envoie à sa place un fils unique, plein de zèle pour la bonne cause, et prena la liberté de le recommander à votre protection. Ce fils était contrôleur général des fermes; il a travaillé sous M. de Neuilly, fermier général, qui a l'honneur d'être connu de vous, et qui vous en rendra bon témoignage si vous l'exigez. Il a de plus l'honneur d'être connu très particulièrement de M. le Président Gilbert de Voisins, auquel il vous est bien plus aisé de vous informer.
« Puissent, Monsieur, les projets que vous avez conçus, s'exécuter bientôt par la délivrance du monarque et le rétablissement de l'ordre et de la tranquillité dans le royaume !
« Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Delattre, docteur en droit de la faculté
de Paris.
Je demande que l'Assemblée veuille bien faire déposer cette lettre aux archives, pour qu'elle serve de véhicule à l'instruction de la haute cour nationale.
Je ne m'oppose pas au renvoi de cette lettre aux archives, où doivent se réunir toutes les pièces qui serviront à nous donner la clef de conjuration contre la Constitution; mais nous ne pouvons renvoyer cette lettre à la haute cour nationale avant qu'il y ait un décret d'accusation. La haute cour nationale est formée pour juger une affaire et nous ne pouvons lui renvoyer d'autres affaires qu'en portant un décret d'accusation.
Je demande donc que cette lettre soit déposée aux archives et qu'il soit ordonné au comité de législation de faire son rapport sur le parti qu'il y a à prendre sur cette lettre.
Mon opinion diffère de celle des préopinants. Je prétends que le signataire de la lettre doit être mis en état d'arrestation. (Applaudissements dans les tribunes.) M. Varnier était accusé d'avoir commis un délit en signant une lettre par laquelle il annonce qu'il envoie des enrôlés ; le signataire dénoncé par M. Merlin est aussi un enrôleur, puisqu'il y envoie son fils, ne pouvant pas lui-même y aller. Il est aussi
coupable que le sieur Varnier. Je demande donc que le signataire de la lettre soit mis dans l'instant en état d'arrestation et traduit à la barre pour savoir s'il a lui-même signé la lettre ; et sur l'interrogatoire qui sera fait par M. le Président, il sera prononcé s'il y a lieu ou non à accusation. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Messieurs, puisque cet esprit d'enrôlement se propage et que nous voyons clairement que ceci n'est qu'un mal de famille parmi les receveurs et les contrôleurs des termes, je crois que nous dèvohs prendre pour celui-ci. la même route que nous avons prise pour le sieur Varnier. Il ne peut être mis en état d'accusation que lorsqu'on saura si c'est lui ni a signé la lettre. Il faut donc s'assurer 'abord si c'est M. Delattre qui a signé cette lettre. L'Assemblée nationale n a pas autre chose à faire que de donner des ordrès à l'officier de garde pour envoyer chercher cet homme, l'amener à.la barre, et prendre à son égard les mêmes précautions qu'on a prises contre le sieur Varnier. Je demande que la discussion soit fermée. (Applaudissements dans VAssemblée et dans les tri-bunes.)
Un membre : Je demande que M. le Président donne l'ordre d'aller arrêter le signataire.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
Il est affreux de demander que la discussion soit fermée lorsqu'il s'agit des droits des citoyens/Quand il s'agit de porter atteinte à la liberté d'un homme, qui est le premier des droits, je dis qu'il est injuste de propose® que la discussion soit fermée lorsqu elle est à peine ouverte. Je combats, Messieurs, la proposition qui vient d'être faite, et je dis qu'il est impossible d'établir aucune espèce de similitude entre la dénonciation faite contre le sieur Varnier et la dénonciation faite par M. Merlin.
A l'égard du premier, un membre de cette Assemblée est venu nous lire ici une lettre écrite par le sieur Varnier, mais en le dénonçant, il nous a dit en quelques sorte qu'il garantissait que cette lettre avait été écrite par le sieur Varnier. Il nous a dit comment cette lettre avait été découverte, comment elle était tombée entre ses mains. Ici, au contraire, Messieurs, c'est une lettre trouvée, dit-on, dans un bateau. Eh quoi, Messieurs, que deviendrait la liberté de tous les citoyens, s'il l'on pouvait ici les faire arrêter, et rendre un décret qui compromît leur liberté, qui les arrachât à leur maison, à leur famille, chaque fois qu'il plairait à un ennemi, à un calomniateur de laisser tomber à dessein, dans un endroit public, une lettre qu'il revêtirait de leur signature. (Applaudissements.)
Sans doute, Messieurs, le salut de la patrie est là loi suprême, mais je le dis au nom de la loi et de la patrie, il n'y a pas de salut pour elles, s'il n'y a pas de sûreté pour les citoyens, si les citoyens peuvent être ainsi compromis sans voies légales.
Nous devons ne négliger aucune des précautions, aucune des mesures nécessaires pour déjouer les complots des conspirateurs et pour maintenir la Constitution contre les attaques des malveillants, mais j'ajoute que nous devons nous garantir avec le même soin des écarts d'un faux zèle, que nous ne devons pas nous laisser entraîner par un enthousiasme ridicule parce qu'il serait peu réfléchi, ni attenter sans raison à la liberté et à l'honneur des citoyens. Car il ne s'agit pas de se faire illusion ici : le décret
qui mandera un citoyen à la barre sera une espèce d'atteinte portée à son honneur dans l'opinion publique. (Bah! bah! Les murmures couvrent pendant quelques instants la voix de l'orateur.) '
Je demande que M. Merlin soit tenu de nous dire comment cette lettre a été trouvée dans un bateau, comment elle lui est parvenue, et quels sont les indices desquels il peut résulter que cette lettre, trouvée dans un bateau, est réellement de celui dont elle porte la signature. C'est au nom delà liberté individuelle que je parle.
Je dois répondre à l'opinant puisqu'il m'interpelle. Si j'avais demandé, comme plusieurs opinants, que celui qui est supposé signataire de cette lettre fût mandé à la barre, l'opinant sans doute aurait raison de m'inter-peller puisque je serais, par là, contraire à son opinion; mais, moi-même, j'ai demandé que l'on renvoyât cette lettre aux archives pour servir de véhicule aux recherches que doit faire la haute cour nationale. Je dois à la patrie tous les renseignements qui peuvent l'intéresser et qu'il est en mon pouvoir ae lui donner sur les trames ourdies contre elle; mais je regarderais comme le comble de l'imprudence si, moi-même, je certifiais que la signature, qui est au bas de cette lettre, est de celui à qui on peut l'avoir attribuée. Aussi ne l'ai-je pas fait.
Je déclare donc que la lettre est déposée par moi, paraphée par la municipalité de Thionville, comme ayant été trouvée par les commis de la douane dans un bateau allant à Trêves, que cette lettre et l'enveloppe sont paraphées ; mais je ne peux pas assurer qu'elle est de M. Delattre. Je me range à l'opinion de M. Vergniaud et je demande seulement le dépôt aux archives.
Je conviens avec le préopinant que la liberté d'un citoyen est inviolable; mais on doit convenir aussi que la sûreté publique est infiniment plus précieuse encore ; et je n'avouerai jamais qu'un citoyen, quel qu'il soit, doive, lorsqu'il s'agit du salut public, regarder comme un déshonneur de venir à la barre. Je dis, au contraire, qu'il doit se faire un honneur, un devoir, un mérite, de venir tirer l'Assemblée d'inquiétude, et je demande que ce professeur de droit soit mandé à la barre. (Applaudissements.)
Nous sommes les premiers vengeurs des droits de l'homme et nous sommes les premiers à les violer. Je demande que l'on passe a l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Les principes invoqués par M. Vergniaud ne peuvent pas trouver ici leur application. Il me semble que l'état de la question est le même ici que dans l'affaire du sieur Varnier. Le sieur Varnier a été mandé sur la simple lecture de sa lettre. Dans ce moment-ci, M. Delattre doit être mandé de même. L'Assemblée est intéressée à vérifier le fait : la liberté individuelle d'un citoyen est subordonnée à la tranquillité publique. Cela est même inscrit dans la Déclaration des droits, qui porte expressément que tout homme mandé légalement doit se rendre, et il n'y a pas de déshonorer en cela. D'ailleurs de quoi s'agit-il ? De savoir si la signature est de M. Delattre, rien de plus. Si vous renvoyez la lettre à la haute cour nationale sans entendre M. Delattre, il restera toujours inculpé. Vous pouvez vous assurer si la lettre est de lui ; il y a des indices puissants ;
elle est paraphée par la municipalité de Thionville. Je demande que M. Delattre soit mandé à la barre. On a déjà trop tardé de l'ordonner pour reconnaître si cette lettre est ou non la sienne. (Applaudissements.)
La sûreté de M. Delattre exige qu'il soit entendu sur le fait et mandé en conséquence.
Voix diverses : L'ordre du jour ! — Le discussion fermée !
Il est étonnant que lorsqu'un grand coupable est accusé d'un crime contre la chose publique, on réclame l'ordre du jour.
Je demande à être entendu pour expliquer un fait : un membre de cette Assemblée, qui connaît parfaitement la signature du particulier auquel on attribue cette lettre, vient de voir cette signature, et il dit que c'est la même. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux'voix! — La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre : Dans le cas où l'Assemblée se déterminerait à appeler ce particulier à la barre, je demanderais qu'on prît toutes les mesures nécessaires pour sa sûreté personnelle.
Je vais mettre aux voix si M. Delattre sera amené à la barre.
Quelques membres : L'ordre du jour!
Un membre : Pourquoi cet indigne ménagement??
veut prendre la parole.
Voix nombreuses : A l'ordre! à l'ordre!
Si vous voulez être libres, il faut être justes; dites donc : appeler à la barre, et non amener (Non! non! Grand tumulte.)
(L'Assemblée reste quelques minutes dans une vive agitation et décide, à une très grande majorité, que M. Delattre sera amené à la barre.)
L'officier de garde monte au bureau pour prendre les ordres de M. le Président.
cède le fauteuil à M. Vergniaud, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. VERGNIAUD.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du procureur général syndic du département de l'Hérault qui informe l'Assemblée de quelques troubles survenues dans la ville de Montpellier; cette lettre est ainsi conçue :
Montpellier, le
« Monsieur le Président,
« Depuis la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 14, cette même journée du 14 a présenté mille horreurs; on a tué environ sur les 8 heures du matin, on a assassiné un menuisier appelé Jourdan ; on lui a coupé la tête et on l'a exposée sur les murs de la ville, entre la porte du Peyrou et celle de Saint-Guillin; un autre individu a été blessé grièvement. La garde nationale réclame avec la plus grande force le désarmement d'un^ partie des volontaires, dont le patriotisme leur est suspect. Environ 2,000 citoyens assemblés, après en avoir prévenu la municipalité, ont présenté une pétition tendant à faire désarmer tous ceux dont l'opinion notoire
est opposée à la Constitution. Sur cette demande extraordinaire, la municipalité et le directoire de district sont venus demander l'entrée de la séance du conseil actuellement assemblé. Un des officiers municipaux a fait le rapport de ce désastre, et a représenté que le désordre, monté à son comble, exigeait les mesures les plus promptes. M. de Montesquiou, commandant la 6e division, présentement à Montpellier, a été invité d'assister à cette séance, ainsi que M. le commandant des gardes nationales.
« Le conseil de département a pris un arrêté dont la sagesse a calmé l'effervescence des es-prits.Les troupes de ligne occupent les différents postes marqués par la sûreté de la ville. Le commandant de la garde nationale a ordonné que tous les volontaires se retirassent chez leurs capitaines. Ils exécutaient cet ordre et chacun se retirait du lieu qui lui était indiqué, lorsqu'un nouvel incident est venu troubler le moment de paix dont on jouissait : la compagnie, dite de Bou-tonnet, en se retirant a été assaillie suivant le rapport qui a été fait par un caporal de troupe de ligne qui occupait le poste de la porte au faubourg de Boutonnet, par des coups de fusil partis, dit-on, du quartier du Plan-de-1 Olivier, dont les habitants, malheureusement trop connus par leur incivisme, ont été désarmés l'été dernier. Vous jugez, Monsieur le Président, quel effet a dû faire cette attaque sur des gens qu'en avait eu déjà beaucoup de peine à déterminer à se retirer. La
farde nationale a riposté et parmi le grand nom-re de coups tirés un seul a porté et malheureusement sur un bon citoyen. Le sieur Roland a été tué. Cet événement a augmenté l'agitation. C'est avec beaucoup de difficultés qu'on est parvenu à retenir la garde nationale qui voulait se porter dans le quartier du Plan-de-l'Olivier, et courir de maison en maison afin d'enlever toutes les armes qu'elle y trouverait. On lui a fait envisager le péril qu'elle courait elle-même pour une telle opération, qui ne pouvait se faire que de nuit; car il était déjà cinq heures après-midi. Ils se sont rendus à ces observations. On a doublé les postes dans les avenues de ce quartier et demain matin, la municipalité proposera les moyens de mettre les habitants de l'Olivier hors d état de faire aucune tentative qui puisse perpétuer le désordre.
« J'aurai l'honneur, Monsieur le Président, de vous rendre compte des événements de la journée du 16, parle courrier de demain.
« Signé : Le procureur général syndic du département. »
« P. S. — J'apprends à l'instant qu'une femme, que la curiosité avait attirée sur sa porte, a été tuée. »
(L'assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes ;
1° Lettre du sieur Legrand, capitaine de genr-darmerie à Dijon, qui anonce l'arrestation, à Tour-nus, du sieur Noireau, inculpé dans l'affaire du sieur Varnier.
2° Lettre des capitaines et brigadiers de la gendarmerie de Dijon, qui annoncent que, pour obéir à la loi ils ont arrêté MM. Tarai père et fils et M. Noireau, maire, et sollicitent l'Assemblée de leur rendre la liberté.
Plusieurs membres : C'est fait! c'est fait!
3° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur,
par laquelle il instruit l'Assemblée que les administrateurs du département de Paris viennent de lui mander que le travail relatif à la formation de la garde nationale soldée, en divisions de genr darmerie, en régiments de ligne et en bataillons d'infanterie légère, est terminé, et que ces différents corps n'attendent plus, pour être mis en activité, que l'exécution ae l'article 9 du titre VI delà loi du 28 août dernier, concernant la nouvelle organisation de la garde nationale parisienne soldée.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
4° Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, par laquelle ce ministre adresse à l'Assemblée l'état des six maréchaux de France que le roi a désignés pour être conservés en activité, et annonce que de ceux qui sont susceptibles de retraite, MM. les maréchaux de Broglie et de Cas-tries étant hors du royaume, M. le maréchal de Noailles est seul dans ce cas.
On a lu cet état qui contient les noms de M. de Contades, de Mouchy, de Mailly, de Beau-veau, de Laval et de Ségur.
Un membre : Je demande que le ministre de la guerre soit tenu de nous prouver que tous ces maréchaux de France sont dans le royaume.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
4° bis. Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée, avec son avis, toutes les pièces relatives à la demande formée par le directoire du district d'Epinal, département des Vosges, pour établir ses bureaux, le lieu de ses séances, ses archives et un bureau de paix dans la maison abbatiale de cette ville.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
5° Lettre de M. Delessart, ministre de Vintérieur, qui adresse à l'Assemblée, avec son avis, toutes les pièces relatives à la demande formée par le directoire du district de Beaune, département de la Côte-d'Or, pour être autorisé à acquérir une partie de la maison des ci-devant Cordeliers de cette ville, à l'effet d'y établir ses prisons.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
6° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée, avec son avis, les pièces relatives à la demande formée par le directoire du département de l'Aude, pour l'établissement de son administration dans la maison des ci-devant Cordeliers de la ville de Carcassonne.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
7° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée, avec son avis, les pièces relatives à la demande formée par le conseil général de la commune d'Orange, pour être autorisé à faire faire, dans la maison commune, les réparations et les reconstructions nécessaires, afin de la mettre en état de recevoir l'administration de district, les tribunaux de district et de paix, et le bureau de conciliation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
8° Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Charente-Inférieure, ayant pour ohjet de présenter à l'Assemblée nationale l'hommage de leur admiration pour ses premiers travaux et d'un dévouement sans bornes pour le maintien de la Constitution.
9° Adresse du département de la Dordogne, ayant le même objet.
10° Adresse des administrateurs du conseil de district de Mâcon, département de Saône-et-Loire, ayant le même objet.
11° Adresse des administrateurs du district de Grasse, réunis en session de conseil, ayant le même objet.
12° Adresse des administrateurs composant le conseil du district de Clisson, ayant le même objet.
13° Adresse des juges et commissaire du roi composant le tribunal du district de Saint-Marcellin, ayant le même objet.
14° Adresse des officiers municipaux et des citoyens de la ville d'Aix, ayant le même objet.
15° Adresse du conseil général de la commune de Die, ayant le même objet.
16° Adresse des officiers municipaux et citoyens de la ville de Brioude, ayant le même objet.
17° Adresse des Sociétés des Amis de la Constitution, séant à Auxerre, à Monididier, à Calais et à Langres, ayant le même objet.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de ces adresses au procès-verbal.)
18° Adresse du directoire du département de- la Loire-Inférieure, qui annonce à 1 Assemblée que les dames patriotes de Nantes ont offert un drapeau national aux citoyens de cette ville, qui se sont dévoués au service de la patrie et a la défense des frontières. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
19° Adresse des Amis de la Constitution de la ville de Poitiers, qui joignent leurs vœux à ceux des citoyens de Livourne, pour qu'il soit élevé, sur l'emplacement de la Bastille, un monument qui constate l'heureuse époque de sa destruction.
(L'Assemblée décrète qu il sera fait mention honorable de cette adrese au procès-verbal.)
20° Adresse du sieur Ph.-Luc Doublât, ci-devant Augustin, natif de Bar-le-Duc, et administrateur du district de cette ville, qui, venant d'être nommé curé de Véel, déclare à l'Assemblée qu'il renonce à la pension décrétée des religieux qui seraient nommés fonctionnaires publics.
(L'Assémblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
21° Adresse des habitants de Montesson, district de Saint-Germain-en-Laye, qui célèbrent le patriotisme du sieur Jean Barrier, leur curé constitutionnel, qui ne cesse de les exhorter au payement de leurs impositions. (Applaudissements.)
Je demande que M. le Président écrive à ce curé une lettre de Satisfaction, au nom de l'Assemblée nationale.
Plusieurs membres : Non ! non ! La question préalable !
Le curé lira cette lettre dans la chaire qu'on appelle de Vérité, et cela fera un très bon effet.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Léopold et ordonne une mention honorable de l'adresse au proçès-verbal.)
, secrétaire, continuant la lecture :
22° Adresse du sieur Berruer, sculpteur de VAcadémie de peinturé, qui fait hommage à l'Assemblée d'un plan de monument au Cnamp-de-Mars.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
23" Adresse du sieur Bracognier, homme de loi à Mâcon, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage sur les assignats,les subsistances et les droits féodaux.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal, et renvoie l'ouvrage au comité des finances.) ;
24° Adresse du sieur Goupy, ancien commissaire des guerres, qui offre à l'Assemblée un exemplaire de son testament politique, sur l'organisation des commissaires et de l'administration générale de l'armée.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention -honorable de l'adresse dans le procès-verbal et renvoie l'ouvrage au comité militaire.)
25» Adresse de M. Delafrété, qui fait hommage à l'Assemblée d'un plan de travail sur les finances.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal et renvoie ce travail au comité des finances.)
26° Adresse du sieur Decourbière, citoyen de Tours, qui présente à l'Assemblée plusieurs exemplaires d'un ouvrage sur la législation civile.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal et renvoie cet ouvrage au comité de législation.)
27° Adresse du sieur de Vie tour, qui présentea l'Assemblée plusieurs exemplaires de ses trois mémoires sur les postes aux chevaux, sur la poste aux lettres et sur les messageries.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal et renvoie ces mémoires au comité de commerce et d'agriculture.).
28° Adresse des administrateurs composant le conseil général du district de Château-Chinon, qui jurent pour eux, et au nom de leurs administrés, une parfaite adhésion aux décrets rendus et à rendre par l'Assemblée législative, et qui forment les vœux les plus ardents pour l'entier rétablissement de l'ordre et de la paix.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse dans le procès-verbal.)
, secrétaire. On vient de me faire passer un procès-verbal du directoire du district de Longwy, duquel il résulte que, le 17 novembre, mois courant, la municipalité et les gardes nationales d'Audun-le-Roman ont arrêté 26 chevaux qu'on menait vers la frontière, et que, par arrêté provisoire du département, ces chevaux ont été arrêtés et remis en main tierce, pour en avoir soin, et les représenter toutefois et quantes.
(L'Assemblée renvoie ce procès-verbal et les pièces qui y sont annexées, au comité des pétitions, pour faire son rapport.)
, secrétaire, fait lecture d'une lettre de M. d'Albignac, maréchal-de-camp employé dans la neuvième division, commissaire civil envoyé par le roi à Avignon, dans laquelle cet officier justifie sa conduite à l'égard du 38e régiment, ci-devant Dauphiné, qui servait sous ses ordres.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
Un membre, au nom du comité de division : Le comité de division a vérifié les procès-verbaux des deux hauts jurés élus dans chacun des départements de VAllier, du Puy-de-Dôme et de Vllle-et- Vilaine ; il vous propose de les déclarer valides en adoptant le projet de loi suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, décrète que les nominations faites dans chacun des départements de l'Allier, du Puy-de-Dôme et de l'Ille-et-Vilaine, de deux hauts jurés dénommés
en l'état ci-joint, sont valables, et qu'elle tient leurs pouvoirs pour vérifiés ; elle ordonne, en conséquence, que les noms desdits hauts jures seront ajoutés à 1 état déjà dressé et joints à son décret du 15 du présent mois.
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
Suit la liste des hauts jurés mentionnés au décret ci-dessus :
MM' MXthannf! ! département de l'Allier.
Dijon.......) département du Puv-de-
Petit.......) Dôme.
Lanjuinais.. j département de FIUe-et-Vi-Oblin.......J laine.
Un membre, au nom du comité de division : Messieurs, votre comité de division a été chargé de l'examen d'une difficulté survenue entre le département des Vosges et celui de la Haute-Saône, relativement à la distraction de la commune de Passavant, qu'a éprouvée le département des Vosges, et à la répartition des impositions-dans ces deux départements. Voici les projets de décret qu'il m a chargé de vous proposer :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur une difficulté intervenue entre les départements des Vosges et de la Haute-Saône, à raison de la distraction de la commune de Passavant, prononcée par la loi du 4 février dernier, considérant que la compensation ordonnée par la même loi de la part du département de la Haute-Saône, n'est point encore effectuée, ce qui porte des entraves a la perception des contributions dé cette paroisse, qui compose quatre municipalité, décrète qu'il y a urgence. »
Second décret.
«L'Assemblée nationale décrète que la compensation à la charge du département de la Haute-Saône, ne sera arrêtée définitivement qu'après que le directoire du département des Vosges aura été entendu sur cette compensation; ét que jus-
?u'à ce qu'eUe soit effectuée, les municipalités de assavant, de la Rochère, et ceUes des Côtes-Saint-Antoine, resteront sous l'administration du département ae Vosges. »
(Après quelques débats la discussion est fermée.)
Un membre demande l'ajournement du décret et l'impression du rapport.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ajournement et sur la motion d'impression.)
L'urgence a été décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur une difficulté qui s'est élevée entre le département des Vosges et celui de la Haute-Saône, au sujét dé l'exécution du décret du 4 février 1791. qui a distrait la commune de Passavant du département des Vosges, pour l'unir à celui de la Haute-Saône, à charge d'une compensation de la part de ce dernier, considérant que le défaut 4ê cette compensation a empêché, jusqu'à présent, la répartition des contributions dans le district de Darnay, décrète qu'il y a urgence. »
Ensuite, le décret principal a été rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que l'administration du département de la Haute-Saône proposera à celle du département des Vosges la compensation ordonnée par le décret du 4 février 1791, et que jusqu'à ce que cette compensation soit effectuée, et qu'elle ait été arrêtée par un décret, la commune de Passavant restera sous l'administration du département des Vosges. »
{L'Assemblée met à l'ordre du jour, pour samedi soir, la suite de la discussion du projet de décret sur le remplacement dans les emplois vacants de Varmée.)
, au nom du comité militaire, a la parole pour faire un rapport sur la pétition du sieur Pommier, ci-devant commissaire des guerres, il s'exprime ainsi :
Messieurs, le 15 de ce mois, M. Pommier, commissaire des guerres, a présenté une pétition relative à l'organisation des commissaires des guerres ; cette pétition a été renvoyée au comité militaire, qui m'a chargé d'en faire le rapport.
En 1778, le sieur Pommier obtint du ministre de la guerre l'agrément, qui était nécessaire alors, pour acheter une charge de commissaire des guerres, ou prendre à loyer le titre d'un commissaire non employé ; cet usage que je ne veux point qualifier ici était consacré par l'article 20 du titre lor de l'ordonnance du 14 sep-tembré 1776. Devenu locatâire d'un titre de commissaire des guerres, moyennant 700 livres par an, le sieur Pommier reçut des lettres de service et fut employé comme surnuméraire dans le département de Paris. Ces charges furent alternativement supprimées et recréées sous de nouvelles formes. Ces variations avaient pour principal objet de rançonner les commissaires des guerres. A chaque nouvelle création, on exigeait ae nouvelles rétributions de ceux qui voulaient être conservés. La fortune de M. Pommier ne lui permettant pas de faire ce sacrifice, il parvint; en 1786; à obtenir du roi, pour récompense de ses services, un brevet de commissaire des guerres surnuméraire.
Un édit vint, en 1788, supprimer de nouveau les commissaires des guerres et les recréer sous de nouveHes formes. Dans cette circonstance, M. Pommier se vit obligé de discontinuer son service.
Au moment où l'Assemblée nationale constituante s'occupa de la nouvelle organisation des commissaires des guerres, M. Pommier s'est présenté pour obtenir une de ces places; on lui a fait différentes difficultés qui paraissent fondées sur le texte même de la loi. On lui oppose un article qui porte que, pour avoir droit aux nou-velles places de commissaires des guerres, il faut avoir moins de 45 ans, et M. Pommier en â 52.
La question se réduit à savoir si un citoyen qui a d'abord rempli les fonctions de commissaire des guerres, qui, depuis, a reçu du roi un brevet de commissaire des guerres, en récompense du zèle et de l'activité qu'il a montrés ; qui n'a discontinué son service qu'à l'époque où un édit bursal a exigé le payement d'une somme que sa fortuné ne lui a pas permis de faire, peut être rangé dans la classe des citoyens qui ont acquis ou possédé un titre de commissaire des guerres sans en avoir jamais exercé les fonctions, ou dans la classe de ceux que leur genre
d'études fait présumer capables de bien remplir ces places.
Votre comité militaire a pensé que la loi du 20 septembre dernier n'avait besoin d'aucune explication; que les deux dispositions qu'elle contient sont également précises ; qu'elles offrent deux classes distinctes de candidats, et que le pétitionnaire n'est dans aucun des deux cas qu'elle a prévus ; il m'a,, en conséquence, chargé de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemnlée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant que la disposition de la 3* section de l'article 5 du titre V ae la loi du 120 septembre, relative à l'âge après lequel on n'est plus admissible aux places ae commissaires des guerres, ne concerne que les citoyens qui, par le genre de leurs études et de leurs occupations, peuvent y être nommés, qu'elle n'est pas applicable à ceux qui ont déjà exercé des fonctions ae commissaires des guerres, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'interprétation demandée par le sieur Pommier. » (L'Assemblée adopte ce projet de décret.) Un membre, au nom du comité militaire : Messieurs, l'Assemblée nationale constituante a décrété le 4 mars dernier, que les Français qui ont obtenu la décoration de Cincinnatus, et un grade supérieur chez quelque puissance amie de la France, sont susceptibles d'obtenir des places dans l'armée, suivant les règles de couleurs prescrites par ce décret.
Cette disposition, Messieurs, restreinte comme elle l'est, ne présente qu'une véritable acception de grade et de personne aussi contraire à la justice, qu'à l'égalité politique des droits. Votre comité vient aujourd hui vous proposer de l'étendre aux militaires français de tout grade qui ont servi chez les puissances dont les armées ont été combinées avec celles de la France. Ce qui a déterminé votre comité à vous faire cette proposition, c'est une pétition que vous lui avez renvoyée, présentée par M. Michel Belzer, ce brave citoyen, dont le patriotisme et le courage ont été plusieurs fois célébrés dans l'Assemblée constituante, et qui, le 30 mai dernier, a été nommé, d'un vœu unanime, à une place ae capitaine de la gendarmerie nationale dans le département du Morbihan. Il est appelé, Messieurs, dans ce département, par le vœu de tous les corps, par le vœu de tous les individus; et vous n'en serez pas surpris, quand vous saurez qu'au milieu des troubles qui ont agité ce pays. M. Belzer a vingt fois exposé ses jours pour faire entendre et respecter le langage de la loi, pour sauver la vie à
Slusieurs citoyens, et pour rétablir l'ordre troublé ans ce pays par lès efforts combinés du fanatisme et de l'aristocratie. Voici le projet de décret : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu
emplois
des Français qui ont servi dans les armées des puissances alliées, cessera d'être restreint à ceux qui ont obtenu des grades supérieurs et la décoration de Cincinnatus; en conséquence, tout Français qui justifiera d'un service d'officier ou de quelque grade que ce soit, chez les puissances dont les armées ont été combinées avec celles de la France, sera susceptible d'obtenir des places dans l'armée de ligne et des emplois dans la gendarmerie nationale, de la même manière que s'il eût servi en France, pourvu néanmoins qu'il réunisse les qualités exigées par les décrets. >>
Je demande que vous décrétiez l'urgence.
(La discussion est interrompue.)
L'officier de garde entre dans la salle et parle à voix basse à M. le Président.
Messieurs, l'officier de garde vient de in'annoncer que M. Delattre est ici. Je prie l'Assemblée de me fixer sur les interrogats que je dois lui faire.
Un membre : Je demande que M. le Président soit autorisé à faire à l'accusé toutes les questions qu'il jugera convenable.
(L'Assemblée adopte cette motion. )
M. Delattre est introduit à la barre.
Un profond silence règne dans l'Assemblée.
, président, procède à l'interrogatoire au sieur Delattre :
M. le Président. Monsieur, votre nom?
M. Delattre. Delattre.
M. le Président. Gomment s'écrit votre nom?
M. Delattre. Avec deux t.
M. le Président. Votre profession ?
M. Delattre. Professeur en droit.
M. le Président. Avez-vous des enfants ?
M. Delattre. J'en ai un.
M* le Président. Connaissez-vous M. de Neuilly, fermier général?
M. Delattre. J'ai cet honneur.
M. le Président. Votre fils a-t-il eu un emploi dans les fermes?
M. Delattre. Il était contrôleur général surnuméraire des fermes.
M. le Président. Votre fils a-t-il travaillé sous M. de Neuilly ?
M. Delattre. Oui, Monsieur.
M. le Président. Connaissez-vous M. Gilbert de Voisins?
M. Delattre. Je le connais aussi, Monsieur.
M. le Président. Savez-vous où demeure M. Gilbert?
M. Delattre. Non, Monsieur.
M. le Président. Savez-vous où il est ?
M. Delattre. Non, Monsieur.
M. le Président. Connaissez-vous M. de Galonné ?
M. Delattre. Peu.
M. le Président. Savez-vous où est M. de Galonné ?
M. Delattre. Non, Monsieur.
M. le Président. Avez-vous écrit à M. de Ca-lonne et à M. Gilbert de Voisins ?
M. Delattre. Oui, Monsieur, je leur ai écrit à tous les deux.
M. le Président. Vous rappelez-vous de la date de vos lettres?
M. Delattre. Je crois que c'est au commencement du mois d'octobre ou à la fin de septembre. Je ne me rappelle pas la date au juste.
M. le Président. Où est Monsieur votre fils ?
M. Delattre. Il est actuellement en Champagne, à Brantigny, où il a eu le bras cassé il y a 8 jours.
M. le Président. A-t-il fait un voyage hors du royaume ?
M. Delattre. Non, Monsieur.
M. le Président. L'avez-vous recommandé à M. de Calonne ?
M. Delattre. Oui, Monsieur, en cas qu'il sortît du royaume ; mais il n'en est pas sorti.
M. le Président. Savez-vous si M. de Calonne forme quelques projets relatifs à l'état de la France ?
M. Delattre. Non, Monsieur; je n'entré point du tout dans ces mystères-là.
M. le Président. En écrivant à M. de Calonne, lui avez-vous dit que M. Gilbert de Voisins lui donnerait des renseignements sur Monsieur votre fils? M. Delattre. Oui, Monsieur. M. le Président. A quel endroit avez-vous adressé votre lettre à M. ae Galonné ?
M. Delattre. Je l'ai adressée où il se trouvait, je ne savais où il était; j'ai donné la lettre a mon fils pour la lui remettre quand il le trouverait. Au surplus, je ne sais pas si je n'ai pas mis à Coblentz, au bas. Je n'en suis pas sûr.
M. le Président. Monsieur votre fils partait-il lui-même pour ce voyage, ou est-ce vous qui l'avez envoyé à M. de Calonne ?
M. Delattre. Monsieur, je ne l'ai pas envoyé. Mon fils a 25 ans, il est parti de,son plein gré ; mais il n'est pas sorti de France,' j'ai l'honneur de vous le repéter. Il est actuellement avec le bras cassé, à Brantigny, auprès de Troyes.
M. le Président. Monsieur votre fils était-il porteur de la lettre que vous avez écrite à M. de Calonne ? M. Delattre. Oui, Monsieur. M. le Président. Monsieur votre fils a-t-il passé à Thionville ?
M. Delattre. Je ne le crois pas. Il n'a pas été plus loin que Brantigny, qui est près de Troyes.
M. le Président. Savez-vous par quel événement Monsieur votre fils a eu le bras cassé ?
M. Delattre. Il a eu le bras cassé il y a eu hier 8 jours, en montant à cheval, parce que son cheval l'a jeté contre un arbre ; le cheval s'est emporté et il l'a jeté contre un arbre où il à eu le bras cassé.
M. le Président. Y a-t-il longtemps que Monsieur votre fils est parti ? M. Delattre. Le 24 du mois dernier, ou le 23. M. le Président. On va vous présenter une lettre. Voyez si vous reconnaissez l'écriture de l'adresse et la signature (Un huissier présente la lettre à M. delattre. Il regarde l'enveloppe.) M. Delattre. Oui, Monsieur. M. le Président. Vous reconnaissez l'écriture de l'adresse ? M. Delattre. Oui, Monsieur. M. le Président. La lettre aussi ? M. Delattre. Oui, Monsieur : elle est de moi. M. le Président. Vous allez vous retirer; on vous fera savoir les ordres de l'Assemblée. M. Delattre se retire.
Messieurs, on va vous faire une seconde lecture de la lettre.
, secrétaire, fait une nouvelle lecture de la lettre de M. Delattre. (L'Assemblée reste un moment dans l'agitation.)
(La discussion est ouverte sur ce que la lettre peut contenir de criminel.)
Un crime de lèse-nation est dénoncé aux représentants d'un peuple jaloux de sa liberté ; il doit être puni, s'il est prouvé. C'est en partant des principes garantis par la déclaration des Droits de lTiomme, que je vais examiner si la lettre écrite par la personne qui a été mandée à la barre peut donner lieu à un décret d'accusation. Le signataire de la lettre « reconnu l'avoir écrite dans tout son entier. Dans ses réponses aux différents interrogats qui lui ont été faits par M. le Président, il s'est jeté dans des contradictions évidentes. Il a dit ignorer le séjour de M. de Calonne, et l'adresse porte directement à Coblentz. Il a dit ignorer si M. de Galonné faisait des projets relatifs à l'état de la France, et dans sa lettre il fait des vœux les plus ardents pour la réussite de ces divers projets, notamment pour la délivrance du roi.
Examinons si ces données, que je regarde comme incontestables, sont suffisantes pour asseoir l'accusation du crime de lèse-nation ; ne nous le dissimulons pas, le décret d'accusation doit être la suite de la conviction de ce crime. Si le signataire de la lettre est en prévention du crime de lèse-nation par un décret, et qu'il soit convaincu de ce crime, il doit nécessairement payer de sa tête... (Murmures.) Prenons donc 1 affaire sous les rapports les plus favorables à l'accusé. En recueillant l'ensemble, tant du contenu de la lettre que des réponses faites à M. le Président, en pesant mûrement toutes les contradictions qui atténuent les inductions qu'on pourrait en tirer, il me paraît que cet ensemble ne fournit pas des caractères suffisants pour asseoir l'accusation du crime de lèse-nation, et je le prouve. Le crime de lèse-nation est une manœuvre directe dirigée contre la nation elle-même. Or, il est possible que les projets dont M. Delattre parle à M. de Galonné soient étrangers à la nation elle-même. (Murmures prolongés.) Ces projets paraissent regarder l'esclavage du roi, puisqu'il s'en afflige. Mais à cette époque, et pendant longtemps, tous les journaux n'ont-ils pas annoncé dans l'intérieur des départements que le roi était dans un état d'esclavage?... (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Il faut que la liberté des opinions soit telle, qu'on puisse dire ici que M. de Calonne est un bon patriote, et être entendu.
Un particulier peut parler le langage des journaux sans être un criminel de lèse-nation. J'ai fait ma profession de foi et je défie... (Le bruit couvre la voix de Vorateur ) Eh bien, Messieurs, puisque vous ne voulez pas m'entendre, je persiste à demander qu'il n'y ait pas de décret d accusation.
La fonction que l'Assemblée nationale remplit en ce moment, ne consiste pas à constater un crime de lèse-nation, mais a exécuter la mission que la Constitution lui a déléguée, d'accuser et ae poursuivre, de-devant la haute cour nationale, ceux qui seront prévenus d'attentats et de complots contre la sûreté générale de l'Etat ou contre la Constitution.
Déjà, dans ses séances précédentes, l'Assemblée nationale s'est occupée des bornes et de l'étendue que la Constitution donnait à ses pouvoirs, relativement aux complots formés contre la sûreté de l'Etat. L'Assemblée nationale a cer-
tainement caractérisé de complots les rassemblements de Goblentz et les projets des princes émigrés, quoique ces princes voulussent donner pour prétexte a leurs complots, le désir de mettre le roi en liberté. Le roi lui-même a déclaré hautement que ceux-là étaient les ennemis de l'Etat, qui, sous prétexte de le faire jouir d'une liberté qu'il avait dans toute sa plénitude, formaient des rassemblements sur les frontières de France. (Applaudissements.)
Voilà des faits bien constatés. Celui qui sera prévenu d'aller se réunir aux conjurés, sous le prétexte de la liberté du monarque, celui-là sera certainement prévenu de complot contre la sûreté de l'Etat. (Applaudisements.) Ceux qui, n'y étant pas allés, ont cherché à grossir de tout leur pouvoir le nombre des conjurés, en faisant le métier d'enrôleur, sont certainement prévenus aussi de complot contre la sûreté de l'Etat, et vous l'avez jugé ainsi dans l'affaire Varnier.
Mais le père qui, ne pouvant y aller, y envoie son fils, ne vous offre-t-il pas un double caractère de délit; non seulement il adhère à tous les complots qui se forment, non seulement il voudrait que son âge lui permît d'y aller, mais il abuse de son autorité paternelle pour y envoyer un jeune homme de 25 ans. Il faut que le sentiment qui le porte à s'unir à ces conjurés soit bien puissant, puisqu'il ne craint pas d'y sacrifier son propre fils. De tous les accusés de complots contre la sûreté de l'Etat, celui qui en est le plus sûrement prévenu à mes yeux, c'est le père qui ne craint pas d'envoyer son fils unique augmenter le nombre des conspirateurs, et s il est quelqu'un contre lequel vous deviez porter un décret d'accusation, c'est certainement contre ce particulier qui vient de paraître à la barre. (Vifs applaudissements.)
Ce que j'ajouterai aux réflexions du préopinant, c'est que vous devez étendre contré le fils le décret d'accusation que vous rendrez contre le père. (Murmures. — Non ! non !) 11 est possible, il est plus que probable qu'il est complice de son père. Le décret d'accusation ne peut que vous mettre à portée de connaître à fond les délits qui vous sont dénoncés. J'ajoute encore qu'il ne suffit pas de ce décret contre le père et contre le fis, il |aut que vous preniez les mêmes précautions que lors de l'affaire du sieur Varnier, que vous fessiez saisir les papiers des accusés, afin de connaître s'il n'existe pas d'indices de complots. (Applaudissements.)
Des deux amendements proposés par le préopinant, je combats le premier qui consiste à mettre le sieur Delattre fils en état d'arrestation, et je me fonde sur deux motifs. Le premier, c'est qu'il est très possible que le père, qui a été assez lâche pour comploter la perte de sa patrie, l'ait été assez pour tromper son fils lui-même (Murmures); c'est-à-dire qu'il ait remis à son fils une lettre dont celui-ci ignorât absolument le contenu. (Nouveaux murmures.) C'est la présomption de l'innocence. Vous avez vu par la letttre du sieur Varnier au sieur Noireau, qu'ils enrôlaient des gardes qui ignoraient où ils allaient.
C'est de l'interrogatoire lui-même et des réponses fournies par le père, que je tire une seconde preuve de ce fait. On lui a demandé s'il savait où était maintenant son fils; il a répondu que son fils était en Champagne. On lui a demandé encore si son fils avait fait un voyage au delà du Rhin ; il a répondu que non, et certainement la coupable sécurité
avec laquelle il a répondu sur divers points, assure l'Assemblée qu'il ne l'a pas trompée sur celui-là. Il est donc certain, d'après les réponses du père, que le fils n'a pas fait ce voyage au delà du Rhin; cela est du moins certain pour nous, qui n'avons pas la preuve du contraire. J'en tire la conséquence qu'il est possible que le fils ait ignoré le dessein au père, ou que s'il les a connus, il ait voulu tromper son père en ne les exécutant pas. (Murmures.)
Ainsi, il n'y a nuls motifs de présumer que.Ie sieur Delattre fils ait trempé dans lesprojets desonpère, ni de porter contre lui le terrible décret d'accusa-tion.;J'écarte donc le premier amendement de M. Saladin et j'adopte le second. En faisant faire l'inventaire des papiers du sieur Delattre, il est possible que vous trouviez des indices de complicité aveele fils, et c'est alors qu'il faudrait agir. Quant au sieur Delattre père, je pense que le décret d'accusation doit être porté contre lui. Si on ne voit pas dans sa conduite un complot contre la patrie, je ne sais plus comment il faudra le désigner.
Je conviens avec le préopinant que. le sieur Delattre père est coupable, mais où je ne suis plus d'accord avec lui, c'est dans les suppositions qu'il fait à l'égard du fils et qui me paraissent insoutenables. Je m'appuie sur la lettre du sieur Delattre père : il annoncé au conspirateur Calonne que son fils est plein de zèle, qu'il est prêt d'embrasser et de venger la bonne cause. M. Guadet vous dit que peut-être le fils a voulu simplement tromper son père, dont il ignorait les intentions; mais va-t-on à Goblentz ou à Worms avec une lettre, sans savoir ce qu'on va y faire? Va-t-on porter une lettre à un chef de conjuration, sans être bien convaincu qu'on va servir la conjuration?
Il résulte de la déposition même du père, qu'il n'avait point engagé son fils à partir. Il nous a dit que son fils avait 25 ans et qu'il était maître de ses actes. Et on voudrait me dire que ce fils n'est pas coupable ! A mes yeux, il est plus coupable qu un père qui, dans un moment d'égarement et de rage, a conçu des projets... (Murmures.)
Plusieurs, membres : Vous êtes bien avide de sang !
J'entends dire à mes côtés : Il y a; dans l'Assemblée, des membres bien avides de sang. » Non, je ne suis point avide de sang; mais je ne veux point attendre, dans une apathique indolence, le fer des assassins. (Applaudissements.) . Non, je ne suis point avide de sang, mais je suis avide du salut de ma patrie menacée. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.) Je ne veux pas m'endormir dans une basse stupeur, et je veux que, quand le crime se manifeste, la patrie se venge et punisse ceux qui cherchent à devenir ses assassins. (Applaudissements.) Le fils est parti avec la lettre pour M. Calonne. Qu'on me dise où il allait, puisque cette lettre est adressée à un un chef de conjurés. Je conclus formellement à ce que le décret d'accusation soit porté contre Delattre père, et contre Delattre fils. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
fils. Lorsqu'il s'agit de prononcer que deux citoyens seront envoyés à l'échafaud... (Murmures.)
Plusieurs membres : Il ne s'agit pas de cela; nous ne jugeons pas !
fils. En matière criminelle, il n'est pas permis de juger sur des indices, d'argumen-
ter d'après des possibilités; il faut juger le fait en lui-même, et faire l'application de la loi. Or, d'après cette loi, est-il possible de porter un décret d'accusation? Vous ne pouvez le prononcer que quand vous voyez un attentat direct, un complot décidé de conspiration. Le fils a-t-il été à Coblentz ; a-t-il commis un attentat? non. (Murmures prolongés.) Je conclus à ce qu'il ne soit pas porté de décret d'accusation contre Delattre fils.
C'est la loi pénale d'une main et les pièces de l'autre, que nous devons examiner dans le calme le délit qui nous est dénoncé. Quel crime existe et quels sont les coupables, car il en est plus d'un que nous devons constituer en état d'accusation. D'après le Code pénal, il est bien certain que toute manœuvre, toute intelligence avec des révoltés, tous crimes qui attentent à la sûreté intérieure ou extérieure au royaume doivent être punis de mort. Le crime dont il s'agit est très caractérisé. Quant aux accusés, la lettre m'indique trois personnages. (Applaudissements.) L'auteur de la lettre, M. Delattre père, le porteur de la lettre, M. Delattre fils, et M. de Galonné à qui la lettre était écrite. (Applaudissements.)
M. Delattre père correspond avec M. de Calonne. L'intelligence est ici le crime de deux ; vous ne pouvez pas accuser l'un sans accuser l'autre. (Applaudissements.) En conséquence, je conclus au décret d'accusation contre M. de Calonne et contre M. Delattre père. Quant au sieur Delattre fils, envoyé ou parti spontanément, jl n'a point consommé le crime; il n'existe aucun acte ae sa part. Par cette raison, je combats l'amendement, et je conclus qu'il n y a pas lieu à accusation contre lui. Plusieurs membres : La discussion fermée !
Je demande à faire une motion d'ordre. Je propose que la discussion soit continuée, mais cette discussion donne le temps de faire enlever les papiers du prévenu. Je demande donc que, pendant la discussion, M. le Président ordonne au jnge de paix d'apposer les scellés chez le sieur Delattre.
Plusieurs membres : Non! non! La discussion fermée !
Je m'oppose àjla clôture de la discussion. Lorsqu'il est question de porter un décret d'accusation contre un citoyen, l'Assemblée doit conserver le calme qui lui convient. Que reprochez-vous à M. Delattre? Une lettre, il est vrai, pleine d'incivisme, une lettre infernale; mais est-elle un motif suffisant? Y a-t-il un acte de sa part qui puisse le faire constituer en état d'accusation? (Murmures.) Plusieurs membres : Fermez la discussion!
La loi ne prononce rien contre les intentions : On voit dans cette lettre, on y retrouveun citoyen qui n'aime pas la Constitution, qui regrette l'ancien ordre de choses; mais... (Les murmures et les cris couvrent la voix de Vorateur.) La loi, d'ailleurs, ne permet pas de mettre un homme en état d'accusation qu'il n'ait été entendu par lui-même ou par son conseil. (Murmures.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
veut prendre la parole
Monsieur Delacroix, je vous rappelle à l'ordre ; la parole est à M. Lemontey.
, Un mot seulement, Messieurs.
Dans les fonctions pénibles que vous remplissez, me serait-il permis de vous citer l'exemple d'un peuple libre ? Avant de condamner, le juge anglais... (Murmures) demande à l'Assemblée si personne ne veut parler en faveur de l'accusé. Ici? Messieurs, le public témoin de la discussion doit être convaincu que vous ne cherchez pas à trouver des coupables et que vous ne cédez qu'à l'évidence du crime. Je vous supplie, au nom de l'honneur de l'Assemblée, avant de fermer la discussion, de décréter que dans un silence auguste, M. le Président demandera : « Quelqu'un dans l'Assemblée veut-il encore parler pour l'accusé? » (Vifs applaudissements.) Plusieurs membres : Appuyé I appuyé ! (L'Assemblée, consultée, décrète la proposition de M. Lemontey.)
Quelqu'un dans l'Assemblée veut-il encore parler pour défendre M. Delattre?
Je demande à parler pour l'accusé.
Vous avez la parole.
Je n'entreprendrai point comme particulier de défendre le sieur Delattre et son fils; mais je tâcherai, et même j'ose dire jeprou-„ verai que comme législateurs vous ne pouvez rendre le décret d'accusation. (Murmures.)
Je vous le demande, Messieurs, si les sieurs Delattre père et fils avaient émigré, que vous eussiez été convaincus de leurs intentions, pour-riez-vous prononcer des peines contre eux? Non, ou vous seriez en contradiction avec vous-mêmes. Je soutiens que la lettre écrite par le sieur Delattre n'est qu'un acte privé, qu'il ne peut faire charge contre lui ; tout ce que vous pouvez faire, c'est d'ordonner au sieur Delattre père de ne point désemparer de la ville dans un délai que vous lui prescrirez.
Je crois qu'il me suffit de rappeler les faits et les principes. Il y a une lettre écrite. Dans cette lettre sont exprimés des vœux coupables. Il faut des preuves, et des preuves évidentes pour condamner ; mais il ne faut pas de preuves évidentes pour déclarer un citoyen prévenu. Il suffit qu'il s'élève contre lui de fortes présomptions. A présent, j'examine si ces présomptions s'établissent également contre le père et contre le fils; je ne crois pas qu'elles existent contre le fils. En effet, d'où naissentles présomptions?
Si je ne me trompe, M. Delattre dit dans sa lettre que son âge ne lui permettant pas d'aller servir ce qu'il appelle la bonne cause, il envoie son fils à M. de Gafonne, ou au parrti dont il est l'âme. Je dis que cette action est coupable; je dis que les vœux qui terminent la lettre le sont aussi ; mais tout est l'ouvrage du père. Qu'a fait le fils? Il a été porteur de cette lettre. S'il l'avait portée à Coblentz, sa faute commencerait là ; mais il n'y est point allé ; il n'a pas quitté la France et est resté dans un de nos départements. Quels que soient les motifs qui l'ont animé, ce ne sont pas sur ces motifs, mais sur le résultat de ses actions que nous devons lç juger. Enfin, Messieurs, je vous supplie de peser cette observation. Quand même il s elèverait une preuve contre le fils, ou du moins une présomption assez forte pour le déclarer prévenu, cette présomption ne pourrait résulter que de la lettre du père; or, vous savez que chez tous les peuples dans toutes les législations, même dans cette législation présente, on n'a jamais puisé des preuves contre un accusé dans un écrit de son père ; et certainement ce
n'est pas au milieu de vous qu'on invoquera inutilement ces grands principes de la justice et de l'humanité. (Applaudissements.)
Un membre : Personne de nous n'ignore que les dispositions du sieur Delattre ne soient celles de tous les émigrés; cependant vous avez rendu un décret qui les invite à rentrer d'ici au mois de janvier. Il était de la dignité de la nation d user d'indulgence avec eux. Si les émigrés rentraient en France d'ici à cette époque, vous croi-riez-vous fondés à les poursuivre pour ce qu'ils ont fait jusqu'à cette neure? Non. (Murmures.) Pourquoi donc croyez-vous pouvoir agir autrement envers un simple particulier fiU (Les murmures couvrent la voix ae V,orateur.)
La réforme de l'ordonnance criminelle porte que nul ne peut être décrété de prise de corps, si on juge qu'en définitive il ne peut pas y avoir lieu à une peine Corporelle. Or, y a-t-il un délit constant de la part du sieur Delattre? Quel est ce délit? La lettre du sieur Delattre annonce des intentions, sans doute mauvaises, mais la justice ne juge pas les intentions. (Murmures.) La lettre annonce des vœux contre la France, mais avez-vous mis en état d'accusation les journalistes qui font tous les jours des vœux contre la France ? Supposez "que M. Delattre soit allé à Coblentz ; avez-vous mis . en état d'accusation les réfugiés qui y sont? Je défie qu'on montre dans le fait de M. Delattre un délit pour lequel on puisse le condamner. (Exclamations et rires dans VAssemblée et dans les tribunes.)
Je rappelle les tribunes au respect qu'elles doivent à 1 Assemblée.
Il est un fait qui ne me paraît pas connu de l'Assemblée et qui me semble de Fa plus grande importance. L'inspection de l'enveloppe de la lettre me fait croire que cette lettre était Cachetée, quand elle a été trouvée. Si cette lettre a été trouvée cachetée, ce. qui paraît probable, vous ne pouvez plus arguer de ce qu'elle contient contre le fils; car il serait très possible qu'il ignorât ce que son père avait écrit. (Murmures.) Le crime du fils est d'avoir été porteur de la lettre ; il apparaît qu'il a voulu sortir du royaume pour la transmettre ; mais je ne crois pas que vous ayez un commencement de preuves suffisant pour prononcer le décret d'accusation contre le siéur Oelattrefils.
ï F Un membre : Le but de l'Assemblée n'est pas de trouver des coupables sans doute : c'est à regret qu'elle en trouvera ; mais il est impossible de ne pas voir que le délit est formel; La question se réduit donc à, savoir si le décret d'accusation sera porté contre le fils.
Je demande à faire un amendement qui conciliera et ce que nous devons à la sûreté publique, et ce que nous devons à l'exécution de la loi.
Ne nous dissimulons pas que le Code pénal porte expressément qu'on ne peut admettre en témoignage le père contre le fils. Aipsi,"tout ce qu'il y a dans la lettre du père ne peut pas déterminér à asseoir, dans le moment actuel, un décret d'accusation contre lé fils; mais il y a une marche toute simple, prescrite par la loi des jurés. C'est aux officiers de police, qui reçoivent ordinairement les dénonciations à mettre en état d'arrestation les prévenus, lorsque la clameur publique les accuse, à prèndre leur interrogatoire, et ce n'est que d'après cét interrogatoire que les jurés prononcent s il y a. lieu ou non à accusation.
Je demande donc que l'Assemblée nationale, en décrétant qu'il y a lieu à accusation contre le père, charge les officiers de police du lieu où est le fils, de prendre l'interrogatoire du sieur Delattre fils et de le constituer provisoirement en état d'arrestation. (Applaudissements.)
Cette démarche, de pure précaution, n'entraîne point le décret d'accusation ; ce sera lorsque l'officier de police vous aura fait parvenir son interrogatoire, que vous pourrez décréter s'il y a lieu ou non à accusation contre le sieur Delattre fils. (Applaudissements dans les tribunes.) :
Un membre : Autant le décret d'accusation contre le père est juste, autant celui, qu'on pourrait porter contre le fils serait injuste. Je demande qu'en prononçant un décret d'accusation contre le père, on prononce contre le fils un mandat d'amener, et qu'on le traduise à la barre.
Plusieurs membres : Monsieur le Président , fermez la discussion.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres demandent de diviser la causé du père de celle du fils.
(L'Assemblée décrète la division et décrète en outre qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Delattre père.)
Un membre : Je demande que l'Assemblée rende un décret par lequel le juge de la section du sieur Delattre père sera autorisé à se transporter dans le domicile de ce dernier afin de mettre les scellés sur tous ses papiers.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
Un membre : Je demande que la lettre de M. Delattre soit paraphée par le président etles secrétaires.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur la proposition de M. Gensonné.
Je demande la question préalable sur toutes les motions qui ont été faites touchant M. Delattre fils.
(Il s'élève à ce sujet de vifs débats et l'Assemblée est dans la plus grande agitation.)
rétablit le calme et met aux voix la question préalable sur la motion de M. Gensonné tendant à ce que le sieur Delattre fils soit arrêté provisoirement et interrogé par l'officier public du lieu où il se trouvera.
(Après une épreuve déclarée douteuse, l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Gensonné.)
met successivement aux voix la question préalable sur la proposition de porter contre le sieur Delattre fils, le décret d'accusation^ et sur, celle de le mander à la barre.
(L'Assemblée décrète successivement qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ces deux propositions.)
Suit la teneur du décret d'accusation rendu contre le sieur Delattre père, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
L'Assamblée nationale, après avoir entendu la lecture d'une lettre, datée de Paris, le 22 octobre, signée Delattre, professeur en droit de la Faculté de Paris, et adressée à.M. de Calonne, conseiller d'Etat, à Coblentz, et ledit sieur Delattre à la barre :
Décrète qu'il y a lieu à accusation contre ledit sieur Delattre, professeur en droit dela Faculté de Paris ; qu'il sera en conséquence traduit dans les prisons de l'Abbaye, et que, par le juge de
paix de la section où ledit sieur Delattre est domicilié, il sera fait inventaire et procès-verbal de ses papiers, lesquels seront déposés aux archives del'Assemblée nationale
« Dans l'instant, le juge de paix du quartier où demeure le sieur Delattre père, professeur en droit, se transportera à son domicile, et apposera les scellés sur les papiers, meublés et effets qui lui appartiennent. » (La séance est levée à onze heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
annexe
Au rapport fait au nom du comité de division, par M. thévenin, député du département du Puy-de-Dôme, sur l'interprétation de l'article 5 du titre III du décret du 12 juillet, concernant l'organisation du clergé, demandée par le directoire du département de la Manche (1).
Observations (2).
Un membre de l'Assemblée a prétendu, lors de la discussion (3), que le rapporteur avait erré lorsqu'il avait présenté comme un point constant que les curés attachés aux paroisses non encore réunies, ont dû jouir du traitement fixé par la loi du 24 août, à-compter du 1er janvier 1791, à raison de la population des lieux, quel que soit le nombre de leurs paroissiens ; il a appuyé sa prétention sur l'article 11 du titre II du décret du 12 juillet 1790, ainsi conçu : « La fixation qui vient d'être faite du traitement des ministres de la religion aura lieu à compter du jour de la publication du présent décret, mais seulement pour ceux qui seront pourvus par la suite d'offices ecclésiastiques; à l'égard des titulaires actuels, soit ceux dont les offices ou emplois seront supprimés, soit ceux dont les titres seront conservés, leur traitement sera fixé par un décret particulier. » L'opinant a pensé que, d'après la disposition de cet article, le traitement fixé par l'article 5 du titre III du décret du 12 juillet ne pouvait avoir lieu que pour ceux des ministres qui seraient pourvus par la suite d'offices ecclésiastiques, et non pas pour les curés actuels.
Si 1 opinant, en s'attachant à l'article qu'il a invoqué, avait en même temps fixé l'attention de l'Assemblée sur les articles 5, 6 et 7 du décret du 24 du même mois de juillet, il l'aurait mis à même de reconnaître, sur le moment, de quel côté était l'erreur annoncée, si elle existait de la part de l'opinant ou de la part du rapporteur ; et sans doute que l'Assemblée aurait alors économisé les petits frais de l'impression du rapport de son comité, en adoptant de suite ie projet de décret qu'il a eu l'honneur de lui présenter.
Une première réponse à faire à l'objection de l'opinant serait que l'Assemblée nationale constituante ayant délégué par l'article 17 du titre Ier
du décret du 12 juillet, aux assemblées administratives, de concert avec l'évêque diocésain, à désigner à la prochaine législature les paroisses, annexes ou succursales des villes ou des campagnes qu'il conviendra dé resserrer ou d'étendre. d'établir ou de supprimer, il résultait de la disposition de cet article que rigoureusement les corps administratifs pouvaient se dispenser de proposer aucune suppression ou réunion, jusqu'à ce que la législature actuelle eût été en activité.
Cependant l'article 4 du décret du 24 juillet, sur le traitement actuel du traité porte : « Que les curés actuels auront le traitement fixé par le décret général sur la nouvelle organisation du clergé ; et s'ils ne voulaient pas s'en contenter, ils auront : 1° 1,200 livres; 2° fa moitié de l'exé-dent de tous leurs revenus ecclésiastiques actuels, pourvu que le tout ne s'élève pas au-dessus de 6,000 livres, ils continuent tous à jouir, etc. » Ainsi l'Assemblée nationale constituante, en appliquant aux curés actuels, c'est-à-dire aux cures qui étaient en fonctions à l'époque du décret, le traitement fixé par le décret général, ou la somme de 1,200 livres, plus la moitié de l'excédent de tous leurs revenus ecclésiastiques, pourvu que le tout ne s'élève pas au-dessus de 6,000 livres, explique d'une manière bien claire et bien précise l'article 11 du décret invoqué par l'opinant, et la réserve que le corps constituant s'était faite par le même article de régler le traitement actuel du clergé, il est évident que le corps constituant n'a pas entendu restreindre la disposition de son décret sur le traitement général du clergé contre les curés en activité, et en faveur seulement de ceux qui seraient pourvus par la suite d'offices ecclésiastiques; on juge, au contraire, que la réserve comprise dans cet article était un acte de justice ménagé en faveur des curés dont les revenus actuels, n'atteignaient pas le « minimum » {ixé par le décret général.
Autrement et si l'on pouvait admettre le système de l'opinant, il s'ensuivrait que les curés, lui avaient des bénéfices d'un produit au-dessus e 6,000 livres, ne pourraient pas être réduits au « minimum » fixé par le décret général.
Il s'ensuivrait encore que les curés, dont les paroisses ne sont susceptibles d'aucune organisation nouvelle, ne seraient pas dans le cas de jouir du bénéfice de la loi ou d'en subir la juste rigueur.
Il s'ensuivrait enfin que certains curés pourraient être exposés à souffrir de la négligence que les corps administratifs mettraient a présenter leurs travaux sur les suppressions et réunions des paroisses qui en sont susceptibles.
Mais les articles 6 et 7 du même décret du 24 juillet, rejettent impérieusement toute espèce de doute à cet égara, le premier ayant supprimé, au 1er janvier 1791, la perception du ca-suel ainsi que des prestations qui en tenaient lieu, et le second ayant prononcé que les traitements déterminés par les articles 4 et 5 auraient lieu à compter du 1er janvier 1791, et il n'en faut pas davantage sans doute pour écarter les nuages que l'opinant a cherché à reprendre sur le rapport du comité de division.
La loi est générale; elle ne porte aucuné exception en faveur des curés attachés aux paroisses nouvellement organisées, ni contre ceux qui conservent encore la desserte des paroisses qui n'ont éprouvé aucun changement; c'est d'après sa disposition générale quelle a été exécutée dans la majorité des départements, où le
traitement des ministres de la religion, fonctionnaires publics, a été payé depuis le 1er janvier 1791, suivant la fixation réglée soit par l'article 5 du titre III du décret du 12 juillet 1790, soit par l'article 6 du décret du 24 du même mois. La loi ne laisse d'ailleurs aucun doute sur son interprétation; elle ne peut en recevoir qu'une seule, qui est celle proposée par le comité ; toute autre serait contraire à son esprit et à sa propre expression : il ne s'agit, dès lors, que de lire la loi et de juger d'après elle.
Séance du
présidence de m. viénot-vaublanc, président et de m. lacépède, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 24 novembre, au matin.
jeune. Je demande à faire lecture d'une lettre de la municipalité d'Auxonne sur l'affaire de M. Varnier, et d une lettre de M. Vollon, qu'il m'a adressée lui-même ; voici la lettre de la municipalité d'Auxonne, elle est souscrite par tous les officiers municipaux :
« Brave citoyen, cher compatriote,
« La municipalité d'Auxonne s'empresse de rendre hommage à votre civisme; son patriotisme et l'intérêt qu'elle a pris à votre, démarche sur la dénonciation de M. Varnier l'ont déterminée à vous faire part de ce qui vient de se passer relativement à ladite dénonciation. Vous avez écrit à M. Vollon, serrurier, parce que la lettre d'enyoi était souscrite Vollon, serrurier; M. Vollon a donné de la publicité à cette affaire, en ajoutant qu'elle l'avait d'autant plus surpris qu'il n'en avait aucune connaissance et qu'il ne vous avait rien adressé. MM. Colin et Gilles, de Dijon, instruits des dispositions de M. Vollon, sont venus hier à Auxonne et ont tellement sollicité ce citoyen pendant plusieurs heures, qu'ils l'ont enfin décidé à faire au greffe de cette municipalité la déclaration dont l'extrait est ci-joint; nous avons cru, brave citoyen, devoir vous informer de ce fait. Nous croyons enfin devoir vous prévenir que la démarche de MM. Colin et Gilles nous ayant donné de violents soupçons, nous avons prié M. Vollon de nous dire la vérité, et qu'il nous a constamment répondu qu'il n'avait aucune connaissance de la chose.
« Si la municipalité d'Auxonne peut vous donner quelques renseignements utiles, vous voudrez bien vous adresser à elle avec confiance: elle est composée de citoyens qui sont bien disposés à remplir les conditions au serment qu'ils ont prêté.
« Nous sommes, etc.... »
(Suivent les signatures.)
Voici la lettre de M. Vollon conçue en ces termes :
« Monsieur,
« Je puis prendre pour moijtout ce que vous me
dites comme bon citoyen ; mais, pour le reste, j'en renvoie l'honneur à qui il appartient. Il est très vrai que la lettre vraie ou fausse de M. Varnier, qui vous a été adressée d'Auxonne, ne vient pas de moi. Je puis vous attester que je n'ai jamais eu aucune connaissance du complot dont vous avez occupé l'Assemblée nationale. J'ai connu à Auxonne M. Varnier, mais je n'ai jamais eu aucune relation avec lui ni avec aucun de ses amis. Celui qui vous a écrit sous mon nom ne doit pas hésiter à se nommer, surtout lorsqu'il s'agit de sauver sa patrie. En bon patriote, je ne tairai jamais mon nom pour le salut de l'Etat et de mes concitoyens. J'en ai fait, Monsieur, la déclaration à la municipalité.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : vollon. »
Je reçois en même temps une lettre de M. Gilles qui était allé à Auxonne pour engager M. Vollon à dénier l'envoi qu'il m'avait mit. M. Gilles me dit que, touché de la situation de M. Varnier, qu'il croit sans ressources dans ce moment, il me prie de lui remettre cette lettre qui contient, sur Paris, une lettre de crédit illimité.
Je sais pas, comme M. Varnier est au secret, ce que je dois faire de cette lettre: elle contient des détails, quelques renseignements sur son affaire, en outre une lettre ae crédit sur un correspondant de M. Gilles, pour subvenir à tous les besoins de M. Varnier, dans l'intérieur de sa prison. Il me semble que nous ne pouvons ni ne devons priver le sieur Varnier des secours que ses amis peuvent lui adresser; mais je ne sais pas si j'aurais le droit de pénétrer dans la prison de M". Varnier pour lui remettre cette lettre. L'Assemblée pourrait décider qu'elle lui serait adressée par son président.
Je suis très loin d'accuser les deux citoyens qui ont sollicité une déclaration précise, mais je crois aussi que nous ne pouvons pas, dans ce moment-ci, juger avec assez de précision leur démarche ; il faut donc à cet égard suspendre toute délibération et joindre cette correspondance aux pièces qui ont été déposées aux archives.
J'observe que, relativement à la lettre de crédit, il y aurait le plus grand inconvénient à la faire parvenir. M. Gilles est un négociant qui jouit d'une grande considération même dans la capitale ; et, sur son crédit, on pourrait y trouver des millions ; or, je vous demande si avec cette ressource on ne sortirait pas bientôt de l'Abbaye. (Murmures.) Je suis loin de prêter cette idée à M. Gilles, mais je crois qu'il a fait un acte très inconsidéré en envoyant une lettre de crédit sans limitation; parce que, s'il ouvre son crédit généralement à M. Varnier, M. Varnier comme je vous l'ai dit, peut trouver des sommes immenses.
Ainsi, je demande qu'on né remette pas à M. Varnier la lettre de crédit et qu'au surplus on observe que, dans tous les cas, les prisonniers qui sont accusés du crime de lèse-nation ont toujours tout ce qui leur est nécessaire, et que, par conséquent, on n'a à subvenir à rien.
Je demande donc que les lettres et la lettre de crédit soient jointes aux pièces qui doivent composer le procès, et qu'au surplus on passe à l'ordre du jour.
M. Basire a obtenu ces lettres comme un dépôt de confiance, il peut faire ce qu'il lui plaira des lettres qui, lui ont été adres-
sées. Je demande que l'Assemblée l'en laisse maître, et qu'elle passe à l'ordre du jour.
Plusieurs membres demandent la priorité pour le renvoi de toutes les pièces aux archives.
Je demande que la lettre de crédit soit renvoyée par M. Basire à M. Gilles.
Le Corps législatif doit garder ces lettres jusqu'à ce qu'on puisse les remettre aux grands procurateurs de la nation, lorsqu'ils seront en activité.
J'insiste pour le renvoi de la lettre de crédit aux archives, parce qu'elle est la plus essentielle de toutes et qu'elle me paraît en soi un grand délit.
Plusieurs membres : La question préalable sur le renvoi de la lettre de crédit aux" archives.
(L'Assemblée rejette la question, préalable et ordonne que ces trois lettres resteront déposées aux archives de l'Assemblée.)
Un membre : Il s'est élevé une contestation dans l'assemblée administrative du district de Flo-rac, dans le département de la Lozère, entre les administrateurs du conseil et ceux du directoire. Le conseil prétend que le directoire lui doit le compte des sommes qui lui sont attribuées pour ses frais de bureau et d'établissement ; le directoire, au contraire, soutient qu'il ne doit , le compte qui lui est demandé qu'à l'administration du département. Je demande que l'Assemblée renvoie à l'examen de son comité de législation la question de savoir si les directoires de district doivent rendre compte aux conseils ou aux départements.
Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif.
Un membre : La loi concernant l'organisation des corps administratifs est précise; les directoires de district doivent rendre compte de toute gestion quelconque aux conseils de district; iil n'y à lieu à aucun renvoi et je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée passe à Tordre du jour.)
Jusqu'ici on a affecté de nier qu'il éxistait réellement des rassemblements armés, commandés par des chefs à la porte de nos frontières. Voici une lettre du général autrichien qui commande dans cette partie du Luxembourg et qui constate que le rassemblement d'émigrés français est commandé par un officier général :
« Monsieur,
« Je blâme très fort les émigrants français qui sont à Grevenmacher (Grevenmacher est à trois lieues de Thionville) des insultes qu'ils ont faites à M. Probst et à M. Dargent; j'aurais souhaité qu'ils eussent pu en faire connaître les auteurs. A ce défaut, j'ai requis l'officier général qui les commande d en faire la recherche pour réprimer leur témérité, vu qu'on ne souffre aucun excès chez nous.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : Guerlonde, lieutenant général.
« Luxembourg, le 13 novembre 1791. »
La lettre est timbrée de Luxembourg et adressée à M. Hentz, maire de la municipalité de Thionville ; voici la chose telle qu'elle est :
Deux citoyens, allant à Trêves pour leurs affaires, furent attaqués à Grevenmacher et ils allaient périr, lorsqu'ils montrèrent des lettres de créan-
ces pour l'évêque de Trêves. Le maire de Thionville en donna sa plainte à l'officier général, commandant à Luxembourg. Celui-ci écrit bien que ce n est pas de son aveu que ces Messieurs ont reçu des insultes; mais sa lettre prouve clairement et évidemment qu'il existe à Grevenmacher un rassemblement commandé par un officier général. Je demande le dépôt de cette lettre aux archives, et j'en tire l'occasion d'arrêter un instant l'attention de l'Assemblée sur ces événements.
Vous venez d'appeler les vengeances de la loi sur la tête de personnes accusées d'un crime. Il vous tarde, ainsi qu'à la France entière, de voir rentrer dans le devoir, par la terreur du supplice, ceux que la patrie invitait à recueilir les fruits d'une Constitution dont les bases sont fondées sur la justice éternelle. Mais, Messieurs, je vous le dis, vos efforts sont vains, vos désirs sont frustrés si vous ne vous hâtez de porter contre les grands scélérats, contre les chefs des contre-révolutionnaires le décret qui frappe Varnier et Delattre; si ces conspirateurs tombent, avec eux s'anéantit la trame criminelle; leur impunité, votre indulgence, au contraire, une sorte ae partialité à leur égard ne feraient que renforcer leur cohorte, et leur donner plus de temps pour se préparer à ne plus vous craindre. U existe des rassemblements ; qui veut encore l'ignorer? La lettre dont je viens de vous donner lecture, et que je certifie être du général Guerlonde, en est une nouvelle preuve, en dépit des pyrrhoniens de cette Assemblée.
Je vous propose donc de décréter que, dès aujourd'hui, les princes français hors du royaume, agents, fauteurs et adhérents sont en état d'accusation.
Un membre : Je demande le renvoi de la lettre lue par M. Merlin au comité diplomatique; et relativement à sa motion de mettre les princes en état d'accusation, j'observe qu'il existe déjà un décret qui enjoint à Louis-Stanislas-Xavier, ci-de-vant Monsieur, de rentrer dans le royaume d'ici au 1er janvier. Or, il serait ridicule de lui ordonner de rentrer dans le royaume pour le mettre en état d'accusation. Je demande l'ajournement de cette motion jusqu'à l'expiration du délai.
Un membre : Dans la lettre qu'on vient de vous lire, il ne s'agit que de l'insulte faite à des particuliers. Je demande qu'on dépose la lettre aux archives et qu'on passe à Tordre du jour.
Il n'estpoint ridicule que vous mettiez aujourd'hui les princes en état d'accusation: Quand vous avez requis le premier prince français de rentrer en France et de se rendre à son poste, vous étiez loin de vous occuper du crime qui, maintenant, vous est bien connu. Vous vous êtes occupés aussi de faire une loi contre les émigrés, et vous en avez pris une tout à la fois ferme et portant les caractères de la sagesse. Le veto l'a rendue inutile; mais le veto n'a pas le droit d'assurer l'impunité à tous les conjurés. Si, à partir du moment où votre mesure a été paralysée, on vous démontre clairement qu'il y a de nouveaux indices, qu'il y a des preuves convaincantes contre les coupables, alors, Messieurs, vous devez oublier votre décret et avoir recours à la Constitution. Or, elle vous dit que quand on attentera à la sûreté de l'Etat, vous aurez à lancer des décrets d'accusation. Vous avez déjà dévoilé une machination criminelle, celle du sieur Varnier; vous dévoilerez , les autres en accusant les grands coupables.
Je demande que les faits qui vous ont été dénoncés soient mis sous les yeux du comité diplomatique pour qu'il vous fasse un rapport sur la question de savoir s'il n'y a pas lieu à accusation contre les princes français et leurs adhérents.
Un membre: D'après ce qui s'est passé à Caen, à Paris avec le sieur Varnier et à Neufbrisach, nous ne pouvons plus douter qu'il y a un enchaînement dans tous ces mouvements. Je demande à l'Assemblée de décréter l'interdiction à tous les Français de sortir du royaume sans passeports.
Quelque alarmants que soient les rassemblements de Worms et Coblentz, nos ennemis intérieurs sont bien plus à redouter et Je demande que l'on termine enfin les mesures a prendre ponr réprimer les manœuvres des prêtres séditieux.
Si les rassemblements sont bien constatés, ce sont des bataillons armés qu'il faut envoyer pour les dissiper et non des décrets d'accusation qu'il faut lancer.
Un membre ; Si le décret qui vous est proposé peut sauver la patrie, il faut le rendre à 1 instant sans doute. Mais les décrets d'accusation ne seront que des foudres du Vatican contre des attroupements que le canon seul peut dissiper. - Plusieurs membres : Fermez la discussion !
Plusieurs membres de Vextrême gauche : Non ! non I
Je demande la parole.
Voix diverses: Parlez ! parlez! — Non ! non ! La discussion fermée !
On a demandé que la discussion soit fermée...
Plusieurs membres de Vextrême gauche : Non ! non!
On a demandé aussi que M. Rûhl soit entendu ; je vais mettre aux voix cette dernière motion, et je rappelle à l'ordre ceux qui m'ont interrompu.
(L'Assemblée décide que M. Riihl sera entendu.)
Monsieur Ruhl, vous avez la parole.
Vouloir nier encore les rassemblements des ennemis de la Constitution de l'autre côté du Rhin, c'est vouloir nier qu'il fasse jour à midi. Le cardinal de Rohan, actuellement à Ettenheim, qui fait partie de l'ancien évêché de Strasbourg, a rassemblé auprès de lui 700 brigands commandés par Mirabeau cadet. Il continue à faire venir des armes de Strasbourg, et c'est au point que deux fourbisseurs de cette ville, lui ont vendu, il y a 15 jours, 400 sabres. Nous en avons été avertis par aes lettres de la municipalité. Ou le cardinal de Rohan est Français ou il est étranger; s'il est Français, il est coupable, ef dans ce cas, je demande qu'il soit mis en état d accusation ; s'il est prince allemand, je demande que le pouvoir exécutif charge notre ministre accrédité auprès des cercles du Haut-Rhin, de savoir pour quelles raisons on souffre qu'un petit prince comme lui fasse des enrôlements dans son pays, contre les lois de l'Empire, qui ne donnent ce droit qu'aux grands princes,
fiossessionnés. Cet homme qui n'a que deuxbail-
iages dont les Etats forment un point à côté d'un de nos départements, qui peut tout au plus avoir 20 soldats pour garder la, porte de sa maison, prépare des troupes très considérables et menace,
avec impudence, un royaume qui ne peut que le mépriser. Pourquoi le corps germanique permet-il que ce prince viole les lois du pays par des armements qu'il n'a point consentis, ou plutôt, d'où le sieur Rohan tire-t-il les sommes immenses nécessaires pour ces grands préparatifs? N'est-il pas temps,Messieurs, que le pouvoir exécutif nous dise enfin quelles mesures il a prises pour obtenir des renseignements ?
Nous ne pouvons plus avoir de doutes sur les intentions des puissances étrangères, sur les rassemblements, sur les enrôlements qu'elles souffrent sur leur territoire. N'est-il pas temps que nous prenions enfin des mesures pour arrêter les entreprises des princes émigrés? Leurs vœux ne sont plus douteux ; qu'attendez-vous pour les déclarer prévenus de conspiration eux et leurs adhérents?
Il faut licencier les brigands qui sont rassemblés de l'autre côté du Rhin, qui menacent perpétuellement les citoyens français, qui les maltraitent et qui nous forceront à faire un coup de vigueur. (.Applaudissements.). Je renouvelle la proposition que j'ai faite, parce qu'il est honteux qu'un malheureux, un cardinal de Rohan, un petit prince ridicule couvert d'opprobre et d'indignité puisse impunément inquiéter la patrie. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Ce ne sont pas les ennemis placés au delà des frontières qui sont le plus à craindre, ce sont ceux qui entretiennent des troubles dans l'intérieur.
J'ai appris ce matin un fait qui a quelque importance. Hier, à huit heures du matin, 40 à 50 ouvriers de Paris, en état de porter les armes, sont partis pour aller à Worms; ils étaient allés avant-hier à Versailles toucher l'argent qui leur est destiné, et que leur fournit une caisse que l'on prétend être ouverte à tous les rebelles. y ignore et le nom du caissier et le lieu où est la caisse, mais il est certain que le départ de ces ouvriers séduits a eu lieu hier, et que ceux qui doivent les suivre ne manqueront pas d'aller à Versailles pour toucher l'argent. Peut-être la lettre de crédit envoyée à M. Varnier a-t-elle quelques rapports avec ce fait, et je crois que vous avez eu raison d'envoyer cette lettre de crédit aux archives.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Avant de s'occuper de ces faits, je crois que ce qu'il est important de faire est d'abord d'aplanir et de mettre à la discussion la plus .sérieuse et en même temps la plus modérée et la plus calme, toutes les petites difficultés, toutes les petites contradictions que le pouvoir exécutif vient d'élever au sujet de l'interprétation et de l'application de quelques articles constitutionnels, afin qu'il ne s'élève pas un conflit entre les deux pouvoirs, et que vous puissiez ensuite lancer les décrets d'accusation que vous trouverez urgents. Il ne faut donc pas nous hâter de porter le décret d'accusation dont vous a parlé le préopinant. Je pense que nous devons attendre que le pouvoir exécutif nous ait rendu compte des démarches qu'il a faites auprès des puissances.
J'appuie le délai demandé par M. Crestin ; il n'est pas convenable de prendre sur-le-champ un parti sur les propositions des préo-pinants. J'en demande le renvoi au comité de lé-
gislation pour que lundi matin il nous fasse son rapport.
jeune. Nous sommes environnés de conspirateurs, partout des teames se préparent et sans cesse on vous dénonce des faits particuliers qui se lient à la grande conspiration sur l'existence de laquelle aucun de nous ne peut avoir de doutes. Ces faits sont tous isolés, et s'ils étaient réunis, ils formeraient un corps de délit qui jetterait enfin un grand jour sur les intentions de nos enuemis. Vous renvoyez sans cesse au comité de législation tous ces petits faits particuliers, et vous détournez ce comité du but de son institution, qui est le Gode civil.
Je demande, moi, l'établissement d'un comité de surveillance, chargé de recueillir tous les faits particuliers de tous les citoyens qui pourraient en découvrir quelques-uns, pour vous faire là-dessus un prompt rapport, et vous éclairer enfin sur une matière de cette importance.
(L'Assemblée ferme la discussion générale.)
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Basire.
Le comité de surveillance que l'on vous propose n'est en fait qu'un comité des recherches. Je pense que cette motion mérite d'être examinée et ne doit pas être décrétée si précipitamment. Quant à présent, vous devez vous contenter des comités de législation et diplomatique, et ne revenir à la création d'un comité des recherches qu'à la dernière extrémité. Je demande que vos comités, qui, jusqu'à présent, ne sont pas en retard, continuent à faire la besogne dont ils sont chargés, et qu'on ajourne à un temps indéterminé le comité de surveillance.
Par les raisons du préopinant, j'appuie la motion qui vous a été présentée, et je crois qu'il est important d'établir un comité de surveillance. Les mots ne font rien à la chose. Le préopinant vous a dit que ce serait un comité des recherches. Or, selon lui, le comité de législation et le comité diplomatique en font les fonctions : donc, il est inutile, dit-il, d'établir un comité de surveillance. Mais je lui demande, puisque dans son esprit les comités de législation et diplomatique he sont autre chose qu'un comité des recherches, ne faudrait-il pas les détruire, d'après la propre base qu'il a établie? Ce mot de comité des recherches ne doit pas tant alarmer l'Assemblée nationale puisqu'il existe dans son sein.
Mais j'ajoute, Messieurs, deux raisons bien péremptoires. La Constitution est confiée principalement au Corps législatif, et le roi semble s'attribuer le maintien et la surveillance de cette Constitution. Vos commettants ne vous demanderaient-ils pas compte de votre négligence à cet égard? Ne vous diraient-ils pas : Pourquoi le roi semble-t-il le seul surveillant de la Constitution ? Pourquoi n'établissez-vous pas vous-mêmes un comité de surveillance pour le maintien de cette Constitution qui doit faire notre bonheur ? Le roi, Messieurs, peut vouloir maintenir la Constitution, et s'il connaît ses propres intérêts, il doit y être attaché; mais nous avons aussi, et le peuple français a Un intérêt immédiat au maintien de la Constitution et à la surveillance de tous les articles.
Il faut donc, en ce moment, établir ce comité de surveillance ; et si jamais le pouvoir exécutif ose faire des proclamations inconstitutionnelles où il vous traduit au tribunal de l'opinion comme manquant à cette Constitution, votre comité de
surveillance vous y rappellera mieux qu'un conseil de ministres. Je conclus donc à 1 établissement d'un comité de surveillance, composé de la manière dont l'Assemblée le jugera convenable.
Vous ne pouvez vous dispenser d'établir un comité chargé uniquement de- connaître des crimes de conjuration. Le comité de législation a déjà une foule d'objets dont vous le chargez tous les jours. Je demande l'établissement d'un nouveau comité, soit que vous le nommiez comité de sûreté ou comité de surveillance.
J'appuie la proposition de M. Chabot; car il est constant qu'il se fait des enrôlements dans Paris.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur la motion du comité de surveillance.
(L'Assemblée ferme la discussion sur la motion du comité de surveillance.)
Plusieurs membres réclament contre cette décision, disant qu'il y a doute.
(L épreuve est renouvelée, et l'Assemblée ferme définitivement la discussion.)
Plusieurs membres : Quelles seront les fonctions de ce comité?
jeune. Il sera chargé de recueillir toutes les pièces qui ont rapport aux faits qui pourraient troubler la tranquillité publique.
Un membre : Je demande qu'il soit dit que ce comité ne pourra pas faire d'arrestations. (Murmures.)
Un membre : Cette disposition est inutile. L'idée seule qu'elle peut être nécessaire, est odieuse et injurieuse pour l'Assemblée.
Puisqu'on veut absolument la chose, il ne faut pas que le nom répugne. Je demande qu'on ne se serve pas du mot insignifiant de comité de surveillance et que sans biaiser on lui donne le nom très signifiant de comité des recherches. (Murmures.)
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
Je demande que ce comité s'appelle comité de sûreté publique.
jeune. Le mot de comité des recherches n'a rien d'odieux que pour les ennemis de la Révolution.
(L'Assemblée, consultée, décrète successivement : 1° qu'il y aura un comité chargé de recueillir les faits qui lui seront renvoyés par l'Assemblée nationale et qui seront capables d'attaquer le maintien de la Constitution ; 2° qu'il portera le nom de,comité de surveillance; 3° qu'il sera composé de douze membres, qui seront renouvelés par moitié tous les trois mois.)
Je demande qu'en exécution de votre règlement, le comité de surveillance soit ouvert à tous les membres de l'Assemblée. (Oui! oui! Non! non!)
Avant de vous occuper du comité de surveillance, il s'agissait de savoir s'il y aurait lieu à accusation contre les chefs des émigrants. Je demande qu'on renvoie la lettre et la motion de M. Merlin au comité diplomatique.
Plusieurs membres : Non! non! le renvoi au comité de surveillance !
Les comités sont tous composés de législateurs, et il n'y a pas de motif déterminant pour renvoyer une affaire quelconque à un comité plutôt qu'à un autre. (Applauaisser-ments.)
J'observe que l'Assemblée, dans la division et la dénomination de ses comités, a entendu préparer et débrouiller ainsi à l'avance toutes fes parties de ses travaux. (Murmures.)
(L'Assemblée décrète que la lettre de l'officier autrichien sera renvoyée au comité de surveillance et décrète, en outre, que ce comité lui présentera incessamment un projet de décret sur les mesures définitives à prendre contre la conjuration des ennemis de la patrie.)
Il ne faut pas différer de former ce comité. Partout des enrôlements se font avec la plus grande activité ; des départements entiers s'alarment, je demande que nous nous retirions sur-le-champ dans les bureaux pour nommer les membres.
[L'Assemblée adopte la motion dé M. Guadet et se retire à midi dans les bureaux pour la nomination des membres du comité de surveillance. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)]
(L'Assemblée rentre en séance à midi et demi.)
Messieurs, la séance va continuer.
Je dois prier l'Assemblée de s'occuper un moment d'un objet qui a quelque importance. On a assigné hier la séance de dimanche pour que les commissaires de la comptabilité présentent leurs hommages à l'Assemblée. Cependant la nomination de ces commissaires n'a pas été préalablement notifiée à l'Assemblée. Le Dureau de comptabilité a été établi par décret de l'Assemblée nationale constituante du 15 septembre dernier. Ses fonctions sont de la plus haute importance puisqu'il ne s'agit pas moins qué de remplacer toutes les ci-devant chambres des comptes; il suffit pour s'en convaincre de se rappeler la loi de leur création.
Par le premier article il est dit qu'il sera établi un bureau de comptabilité composé de 15 personnes qui seront nommées par le roi, sans néanmoins qu'elles puissent être destituées, si ce n'est sur la demande des législatures et après avoir été préalablement entendues. L'article 2 du décret dit que ces commissaires recevront les comptes tant de la Trésorerie que de la Caisse de 1 extraordinaire, qu'ils apureront les comptes et qu'ils en dresseront les rapports.
De l'importance de ces fonctions, il résulte que ceux qui en seront chargés doivent joindre aux lumières de l'expérience, un cœur pur, inaccessible à la séduction ; qu'ils doivent ae plus ne pas craindre les ministres, ni leurs créatures avouées. Il était d'usage que le pouvoir exécutif avertît l'Assemblée ae la nomination de ses agents. Or, Messieurs, nous ne connaissons pas la nomination de ces commissaires; nous ne les connaissons que par l'opinion publique, par la rumeur sourde qui s'est élevée contre le choix de certains d'entre eux. On prétend que la plupart de ceux qui sont compris dans cette liste ne sont point de la catégorie de ceux que leur expérience, leurs talents personnels, leur amour pour la Constitution devaient y appeler; et cependant, Messieurs, il a été propose de les admettre dimanche prochain a la barre de l'Assemblée nationaleoùilsprononcerontun discours, où M. le Président leur répondra, leur offrira peut-être les honneurs de la séance, sans savoir véritablement à qui l'Assemblée parlera.
En conséquence, je demande qu'avant que les commissaires de la comptabilité puissent être admis à présenter leurs hommages, le Pouvoir exécutif soit tenu d'envoyer à l'Assemblée la
liste officielle de ces commissaires. (Applaudissements.)
(L'Assemblée, consultée, adopte cette motion.)
jeune, au nom du comité de l'inspection de VImprimerie nationale. Messieurs, l'imprimerie de l'Assemblée nationale est en ce moment paralysée. Il y a eu hier une insurrection dans les ateliers de M. Baudouin, parce qu'il avait renvoyé 5 ouvriers qui cherchaient à soulever les autres. Les révoltés sont revenus en nombre, armés de bâtons, sont entrés dans l'imprimerie et ont renversé les balles et les cases. Ces désordres pourraient se lier à ceux qui agitent l'Empire ; il est temps que l'Assemblée nationale en prenne connaissance. Les commissaires inspecteurs de la salle en ont dressé procès-verbal nier au soir à 8 heures et demie.
Il y a ici, Messieurs, une retraite combinée des ouvriers et abandon d'un travail dont l'interruption nuirait à la chose publique. Tout dans cette affaire porte le caractère d'un délit contre les lois de police ; il y a eu d'ailleurs des actes de violence. Vous avez la police dans votre enceinte, il est important de remédier à d'aussi grands désordres, a des désordres qui tiennent a la sûreté publique, puisque cela arrête les impressions décrétées par 1 Assemblée nationale. Votre comité d'inspection croit que ces délits ne pouvant être poursuivis que sur votre autorisation, il doit vous présenter le projet de décret suivant :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale, après avoir entendu le
rapport de son comité d'inspection, enjoint aux compagnons imprimeurs de l'Imprimerie
nationale, qui n'ont été qu'abusés ou intimidés, de retourner sur-le-champ à leur atelier.
« Art. 2. Décrète qu'expédition des deux pro-cès-verbaux dressés par ses commissaires de l'Imprimerie nationale, dans l'après-dîner du jour d'hier et ce matin, sera envoyée dans le jour au procureur de la commune de Paris, à l'effet de poursuivre, par voie de police correctionnelle, ou même de dénoncer à l'accusateur public, s'il y a lieu, les auteurs de l'insurrection arrivée hier parmi les compagnons imprimeurs à la presse, employés au service de l'Imprimerie nationale.
« Déçrète, en outre, que le procureur de la commune rendra compte, dans 3 jours, des diligences qu'il aura faites à ce sujet. »
Un membre : Je demande la question préalable sur le projet de décret ; il n'est pas possible que l'Assemblee s'occupe d'un objet semblable. 11 y a des lois de police contre les ouvriers qui abandonnent leurs ateliers. C'est à M. Baudouin à faire maintenir la police dans son atelier.
jeune, rapporteur. Nous ne vous avons proposé ce décret qu'en vertu de l'article de la Constitution qui donne au Corps législatif la police de la salle et des bâtiments qui en dépendent. Aucun tribunal ne peut s'y immiscer sans une autorisation expresse. Cependant, si vous n'adoptez pas le décret entier, il faut au moins investir la municipalité de Paris de la connaissance de cette affaire.
(L'Assemblée, consultée, rejette l'article pre-„ mier et adopte l'article 2 sauf rédaction.)
Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'inspection, décrète qu'expédition des deux procès-verbaux dressés
par ses commissaires inspecteurs de l'imprimerie nationale, dans l'après-dîner du jour d'hier et ce matin, sera envoyée dans lé jour au procureur de la commune de Paris, à l'effet de poursuivre, par voie de police correctionnelle, ou même de dénoncer à laccusateur public, s'il y a lieu, les auteurs de la mutinerie arrivée hier parmi les compagnons imprimeurs employés au service de l'Assemblée nationale. »
Un de MM. les secrétaires. Voici le certificat du concierge de la prison de Vabbaye de Saint-Germain-des-Prés, qui atteste avoir reçu M. Delattre et l'avoir mis au secret.
Voici maintenant une lettre de M. Durousseau, juge de paix de la section de Sainte-Geneviève, qui a procédé cette nuit à l'apposition des scellés sur les papiers du sieur Delattre, mis en état d'accusation par décret de l'Assemblée nationale.
M. Durousseau explique que, s'étant transporté hier, en vertu du décret de l'Assemblée, dans la maison du sieur Delattre, la dame, son épouse, ne fit aucune difficulté de lui remettre toutes les clefs du sieur son mari ; qu'ayant procédé à l'inventaire des papiers, il avait trouvé des mémoires de fournitures d'ouvriers, et des papiers relatifs à une tutelle dont le sieur Delattre était chargé; il demande si ces divers papiers doivent être distraits de l'inventaire ou bien doivent y être compris et déposés aux archives.
Un membre : Je fais la motion de distraire ces divers papiers.
(L'Assemblée décrète que les papiers concernant la tutelle dont le sieur Delattre est chargé, et ceux relatifs à ses affaires domestiques et particulières seront exceptés dé l'inventaire que le juge de paix a été chargé de dresser.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, qui envoie à F Assemblée deux lettres : l'une du général Luckner, l'autre du général 'de Wimpffen au général Luckner; ces lettres sont ainsi conçues :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'apprends par les papiers publics que l'Assemblée nationale a désiré savoir si j'ai quelque connaissance de la proposition faite à M. de Wimpffen livrer la place de Neufbrisach. M. Luckner m'a envoyé une lettre par laquelle cet officier général m'informe de cette proposition. Je m'empresse, Monsieur le Président, de vous faire passer les originaux, tant de la lettre de M, Luckner que de celle de M. de Wimpffen. Ce sont lés seuls renseignements qui me soient parvenus sur cet objet.
« Je suis avec respect, etc.
«Signé / Duportail. >.
Voici la lettre du général Luckner au ministre de la guerre :
« Strasbourg, le
« J'ai l'honneur, monsieur, de vous adresser une lettre que je reçois de M. de Wimpffen, par laquelle il me rend compte des démarches qui viennent d'être faites près de lui pour l'entraîner dans le parti des émigrants. Comme elle renferme des détails que vous jugerez peut-être de quelque intérêt, et une expression digne d'élo-
ges de cet officier général, j'ai l'honneur de vous la faire passer en original.
« Le commandant en chef des cinquième et sixième divisions.
« Signé : LUCKNER. »
Voici la lettre du général de Wimpffen au général Luckner :
« Colmar, ce
« Mon général.
« Ayant été interrompu hier au soir dans ma correspondance, qu'il me soit permis de la continuer aujourd'hui, et de ne vous envoyer, au lieu d'une copie littérale de la lettre que j'ai reçue, que la substance de son contenu et celle de ma réponse.
« N'ayant ni aide de camp, ni secrétaire, je suis forcé d'être laconique, d écrire de mémoire et de suite, sans faire de minute et sans pouvoir garder de copie d'aucune de mes lettres ; je me répéterai donc quelquefois dans les choses où je croirai qu'il est essentiel d'être bien compris.
« La lettre de l'émigrant porte sur mon premier serment d'être fidèle au roi, et croyant sans -doute, en se plaisant à le supposer, que Sa Majesté n'a pas accepté de bonne foi la Constitution, il essaye de me disposer à livrer dans l'occasion Neufbrisach aux princes au nom desquels il me parle ; et pour me déterminer à cette horrible trahison, il me dit qu'en suivant la route de l'honneur par ma fidélité à mon premier serment, je travaillerai efficacement au bien-être de ma famille (1).
« Cet homme sait que j'ai douze enfants, et nulle autre fortune que les bienfaits de la nation; mais il ignore qu'ayant inspiré mes sentiments à mes enfants, ils aimeraient mieux se voir dans l'abandon et le malheur, que de devoir leur bien être à l'infamie de leur père. (Vifs applaudissements.) J'ai répondu avec franchise que je tenais à mon serment plus qu'à la vie. (Vifs applaudissements.), et qne je suis prêt à mourir a chaque instant pour la patrie (Applaudissements) ; que les princes, au nom desquels il m'écrit, auraient abandonné il y a longtemps leurs espérances, si tous ceux dont lé devoir est de comDattre pour le maintien d'une Constitution que le roi vient d'accepter, étaient pénétrés des mêmes principes que moi, principes d'honneur et de fidélité, qui, ne m'ayant jamais abandonné dans le cours de la carrière la plus traversée par des vicissitudes sans nombre m'animeront jusqu'à mon dernier soupir (Applaudissements); et afin d'ôter à cet aventurier tout espoir que l'invasion dont il semble me menacer puisse jamais s'effectuer impunément, et lui montrer que son projet est un projet purement romanesque, je lui fais entendre qu il y a, prêt à marcher et à agir en masse, partout où les circonstances l'exigeraient, plus de 10,000 hommes à qui j'ai inspiré les mêmes sentiments que je manifeste (Applaudissements.) et que je consens qu'il fasse connaître aux princes, s'il est vrai, comme il l'avance, qu'il me parle en leur nom.
« Ces émigrants isolés ne seront redoutables que dans le moment où, nos forces, employées
« Si donc les législateurs ne se hâtent pas de donner un décret qui établira une liberté de culte sans bornes et sans réserve, tel que la saine philosophie l'enseigne, cette législature aura un soulèvement universel à se reprocher et tous les désordres qui en seront les suites (Quelques applaudissements.) ; car dès ce moment les assignats n'ayant plus de valeur et les caisses étant exposées à être pillées par ceux qui seront dans la souffrance, les ennemis de la Constitution auront été secondés plus utilement par l'inexplicable raideur des départements à donner des églises aux prêtres non-assermentés et à leurs nombreux partisans, que ne l'aurait pu faire la plus formidable armée de l'Europe. Je suis inconsolable, mon général, de voir que la chose publique soit en danger pour des affaires de purs préjugés, et qu'on risque ainsi à perdre les fruits de tant de travaux et de sueurs pour ne pas se prêter à des convenances naturelles ; Coopérez, je vous supplie, à déterminer l'Assemblée nationale à laisser des églises aux non-conformistes et vous aurez rendu un plus grand service à la nation que par le gain de plusieurs batailles. (Vifs applaudissements.) • « Je suis avec respect, mon général, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé .- François de Wimpffen. »
Plusieurs membres demandent la mention honorable et l'insertion de la lettre du général de Wimpffen au procès-verbal.
Un membre : La question préalable !
Sans doute, la tentative faite pour séduire un brave militaire doit exciter votre indignation; mais elle ne peut vous donner aucune inquiétude, quand bien même le général se serait déterminé à livrer la place, il n'aurait pu y réussir.
Le régiment, ci-devant Bourbonnais, qui est à Neufbrisach, est commandé par M. Victor Bro-glie, et le patriotisme de ce corps et de son chef rassurerait pleinement sur une pareille entreprise. Je vais plus loin, je suppose, que Neufbrisach soitpris par 5, 6, ou 7,000 émigrants ; ayant le Rhin devant eux qui leur couperait une retraite, ils seraient bientôt réduits à une honteuse capitulation, et je le prouve. Il suffirait de faire cerner la ville par les garnisons voisines pour affamer les émigrés qui ne pourraient plus être dégagés que par une armée de 100,000 hommes. Je maintiens que la proposition de livrer Neufbrisach, qui a été faite réellement, n'a pas été faite sérieusement par les émigrés : ce serait une folie. De semblables propositions n'ont pour objet que d'entretenir les agitations intérieures en ranimant l'espoir des mécontents ; il y a des gens qui emploient pour cela toute espèce de moyens...
Un membre : C'est un endormeur!
Un membre : Monsieur le Président, s'il y a ici des membres qui puissent en appeler d'autres endormeurs, il doit nous être permis aussi d'en qualifier quelques-uns de factieux.
Les émigrés, à moins qu'ils ne soient soutenus par les puissances étrangères, ne viendraient pas se renfermer dans vos places, quand même vous leur en ouvririez les portes. Cependant il n'en est pas moins instant ae réprimer des projets coupables. Je demande la mention honorable de la lettre de M. François de Wimpffen, et que cette lettre soit jointe aux autres pièces qui doivent être envoyées par le département du Haut-Rhin.
Outre l'insertion et la mention honorable de la lettre, j'en demande le renvoi au comité de surveillance et je fais la motion très expresse que le directoire au département invite M. de Wimpffen à faire passer la lettre originale.
J'appuie la motion tendant à ce que le général de Wimpffen produise l'original de la lettre et le renvoi des pièces au comité de Surveillance pour l'examen ultérieur de cette affaire; mais j'insiste particulièrement sur l'insertion et la mention honorable de la lettre du général de Wimpffen. Que la lettre qu'il a reçue soit vraie ou fausse, que la proposition qu'on lui a faite soit sérieuse ou dérisoire, il n'en est pas inoins certain qu'elle a donné occasion au général de Wimpffen, non seulement de faire son devoir, mais de manifester des sentiments qui l'honorent, qu'il est fort utile de faire connaître et auxquels il est du devoir de l'Assemblée nationale d'applaudir. (Applaudissements.)
(L'Assemnlée décrète, à la presque unanimité, l'insertion au procès-verbal et la mention honorable de la lettre du général de Wimpffen et rejette par la question préalable les autres motions incidentes.) (Applaudissements.)
, secrétaire. Voici une lettre de M. Formentin, l un des juges de paix de la ville de Paris, qui déclare que plusieurs de ses justiciables, en exécution de l'article de la Constitution, qui ne considère le mariage que comme contrat civil, se présentent à lui et veulent abso-ment être mariés par lui. (Applaudissements.) Il expose le vœu d'une foule de personnes, de pouvoir faire constater les actes de naissance, de décès et de mariage, par des formes purement civiles, et il sollicite 1 attention de l'Assemblée sur cet objet.
Je demande que le comité de législation nous présente demain son projet de décret sur les moyens de constater les actes de naissance, de décès et de mariage.
(L'Assemblée décide que le comité de législation présentera demain le projet de décret qu'il a été chargé de rédiger à cet égard.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, qui adresse à l'Assemblée l'état des adjudications des biens nationaux : le produit de la vente s'élève à la somme de 997,257,193 livres.
Messieurs, l'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret relatif aux troubles occasionnés par les prêtres non-assermentés.
J'ai à faire une motion d'ordre. Vous avez rendu un décret sur les prêtres, vous avez posé dans votre sagesse les articles qui sont déjà décrétés; vous allez vous jeter dans une très longue discussion sur les articles additionnels, alors que pour les besoins du moment vous êtes convaincus que votre décret est bien.
suffisant et très bon. (Non! non!) Vous allez vous jeter dans des articles additionnels qui retarderont la sanction. Il n'est rien dé plus urgent que de porter ce décret à la sanction du roi et de le mettre à exécution. Vous aurez toujours le temps de proposer des articles additionnels, si vous pensez que le décret que vous avez rendu n'est pas suffisant. En conséquence^ je demande que préalablement les artieles du projet qui ont été décrétés par l'Assemblée, soient portés dans le jour à-la sanction. (Applaudissements.)
J'appuie la motion de M. Rouyer. Il serait en effet dangereux de retarder l'exécution d'une loi dont vous avez senti l'urgence ; les articles additionnels ne retarderont pas l'exécution de la loi : ils ne sont que des exceptions : Vous les présenterez séparément à la sanction.
aîné combat lamotion de M. Rouyer.
Il est important sans doute que la loi soit exécutée promptement, et l'Assemblée doit désirer qn'on porte à la sanction un décret sur lequel vous fondez l'espoir du rétablissement, du retour de la tranquillité publique dans plusieurs départements; mais en même temps il n'est pas moins urgent de présenter un décret digne de l'Assemblée nationale. Or, vous allez présenter à-la sanction un décret incomplet et morcelé. En effet, il serait morcelé, puisqu'il est possible que vous adoptiez des articles additionnels, que vous décrétiez des exceptions ; il serait morcelé, puisqu'en accordant la liberté de proposer des articles additionnels, vous avez annoncé, par ce fait même, que vous n'étiez pas bien convaincus de sa parfaite efficacité pour le rétablissement de la paix. Je crois que l'Assemblée ne doit pas mettre tant de précipitation dans ses démarches qui pourraient compromettre sa dignité. Jè crois qu'elle doit apporter tout le zèle possible, qu'elle doit hâter, autant qu'elle pourra, le moment où cesseront les troubles. Mais c'est pour ne pas manquer à ce moment, c'est pour être plus sûr de l'amener, qu'il faut peut-être attendre que vous ayiez décrété les articles qui; seront nécessaires. Je demande qu'on s'occupe, exclusivement aujourd'hui et demain des articles additionnels et qu'on attende pour présenter le décret que les articles additionnels soient adoptés. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion et décide qu'on entendra les articles additionnels que. plusieurs membres ont à présenter.):
aîné. Lé langage de la vérité est simple et concis ; je vais vous le faire entendre et vous prouver que votre décret n'est pas complet. Vous devez savoir que les prêtres ne doivent pas tant être considérés comme des fanatiques que comme un ci-devant ordre qui se soulève contre la Constitution, et sur lequel il faut frapper...
Plusieurs membres : Votre article ?
Un membre : Je demande que les articles addi-
ionnels soient présentés sans développements.
J'appuie cette proposition, et je demande que la discussion né soit établie que sur les articles auxquels on aura accordé la priorité.
Ce serait faire des lois à la minute, plutôt que de vouloir faire de bonnes lois: Vous voulez combattre les articles qu'on proposera, permettez donc qu'on les appuie. La raison et la liberté. des opinions attaquées par cette
motion, réclament la question préalable, que jè prie M. le Président de mettre aux voix.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur la motion de M. Grangeneuve.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète la motion de M. Grangeneuve.)
aîné. Voici .l'article additionnel que je propose :
« Les églises ou édifices nationaux ne pourront être employés à l'usage gratuit d'aucun autre culte, que celui qui est entretenu aux frais de la nation. Pourra néanmoins toute association religieuse acheter celles desdites églises non employées audit culte, pour y exercer publiquement le sien, sous la surveillance des autorites constituées, en se conformant aux lois de police et d'ordre public. »
Plusieurs membres : La question préalable !
aîné. Je demande à exposer les raisons qui me font repousser la question préalable. (Les murmures couvrent la voix de Vorateur.)
Je vais mettre la question préalable aux voix.
Je conjure ceux d'entre nous qui ont à cœur l'honneur de l'Assemblée...
Plusieurs membres : Vous n'avez pas la parole.
Veut-on que nous délibérions sans savoir ce que nous faisons ? Or, il. en serait ainsi, si on nous faisait écarter ou adopter sans discussion par la question préalable, les propositions qui nous sont faites. Je prie qu'on veuille bien ménager la faiblesse de notre raison, et nous permettre ae nous éclairer et de délibérer avant ae déclarer même qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
(L'Assemblée, consultée, décide que la discussion est ouverte sur l'article proposé par M. Albitte.) 7 \
aîné. Je propose cet article, parce que, en pesant votre décret, j'ai vu que ce serment que vous exigez ne produira aucun effet, et je vais vous le prouver. Ou les ecclésiastiques le prêteront, ou) ils ne le prêteront pas : s'ils ne le prêtent pas, nous n'aurons pas changé de position et nous nous trouverons au même point d'où nous sommes partis; s'ils le prêtent, que viendront dire ces hommes à la municipalité ? Ils diront : « Nous venons prêter le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi »; voilà comme ils parleront ; mais il vous diront encore : « Nous y venons comme les ministres d'un culte quelconque, car nous avons dit à toute la France que nous ne reconnaissions pas la constitution civile du clergé et nous ne préférons pas serment à cette. constitution. » Ils ne suivront donc pas la loi faite au clergé par la nation puisque, s'ils consentent à prêter le serment civique, ils ne consentent pas à prêter le serment relatif au culte entretenu par l'Etat.
Eh bieiLL s'ils ne prêtent pas ce dernier serment,. n'est-il pas contraire à la raison, à la Constitution, de donner des édifices nationaux à des hommes qui n'observent pas un culte payé par la nation? Ne serait-ce.pas nuire à la nation que de leur livrer les églises pour suivre un culte qui est contraire,.suivant leur idée, à celui reconnu par la constitution civile du clergé? Vous vous priveriez, par là, de la vente de beaucoup d'édifices publics, alors que vous comptez sur cette vente pour satisfaire aux besoins de l'Etaty N'est-ce pas en même temps mettre tous ces gens
à portée d'être à la tête des paroisses et de ressaisir l'esprit du peuple qu'ils mèneront au but où ils voudront arriver ?
Encore un coup, ne considérez pas les prêtres non-assermentés comme des fanatiques, ils ne le sont pas, ce sont des factieux. C'est un ci-devant ordre qui est réuni à celui de la noblesse pour détruire la Constitution. Et tous ceux qui, sous le nom de philosophie, ne s'occupent que du fanatisme, et ne veulent pas voir ce point que je vous dévoile, se trompent nécessairement. Oui, la philosophie est belle, mais la raison dit qu'il faut s'en servir en temps et lieu, et qu'il faut prendre garde qu'elle ne détourne nos yeux des remèdes que réclament des maux très pressants. Je demande que cet article que je ne développe que très rapidement, de crainte de vous fatiguer, soit admis, parce que je le crois très bon.
Je distingue, dans la proposition qui vous est faite par le préopinant, deux classes très différentes : l'une est relative à l'emploi des édifices convenables au culte religieux,. A cet égard, Messieurs, je ne crois et je ne pense pas que la chose soit susceptible de difficulté, je pense que toutes les sociétésparticulières qui voudront professer un culte différent que celui dont les ministres sont salariés par la nation, doivent acheter ou louer des églises ; ie ne crois pas, dis-je, qu'il puisse y avoir de difficulté à cet égard.
Je passe donc à la seconde branche de la proposition qui vous est faite par le préopinant. Elle regarde la liberté de tout culte ; elle regarde la concession donnée à toutes les sociétés d'ouvrir telles églises ou maisons qu'elles jugeront à propos pour y professer le culte qu'elles auront adopté. Il me semble que, par le decret que vous avez rendu, vous avez seulement décrété les moyens de découvrir et de punir quelques perturbateurs; et je crois que vous devez vous occuper des moyens de prévenir les troubles. Je m'explique : Je crois que, remontant à la source des trounles religieux, vous devez vous occuper d'éteindre cette rivalité qui donne entrée à deux partis, dont l'un tend à la dominance et l'autre a l'insurrection. Eh bien! Messieurs, je crois que vous n'avez pas d'autres moyens pour éteindre cette rivalité, que de donner toute l'extension possible à la liberté des cultes.
Je sais bien que cette liberté est garantie par la Constitution; je sais bien que tout Français a le droit de professer le culte qu'il juge à propos et même de choisir ses ministres; mais je dis
Sue jusqu'à présent cette garantie portée par la
onstitution n'a été qu'à peu près qu'illusoire, je dis encore que les pouvoirs constitués ne sont point d'accord sur l'étendue de cette liberté. En effet, ici, le département fait ouvrir les églises, et là, les municipalités les font fermer ; là, ?est la municipalité qui en permet l'ouverture, et là, c'est le district qui la prohibe; or, cette diversité d'opinion et de régime de la part des corps administratifs nécessite impérieusement une loi qui ramène, qui établisse 1 uniformité d'exécution. Je dis plus : je dis que, dans tous les cas, la garantie portée par la Constitution en fait de liberté du culte est insuffisante.
Qu'est-ce, en effet, qu'une garantie ? C'est une simple promesse de faire jouir. Or, je dis qu'une simple promesse de faire jouir, nécessite impérieusement des lois subséquentes pour régler dans ses détails cette jouissance. Ne croyez pas que l'œuvre du législateur est consommée lorsqu'il a simplement décrété un principe. Pour le
commun des hommes, le principe n'est en lui-même qu'une pure abstraction, si je puis m'ex-primer ainsi ; il n'existe réellement que par le développement matériel de ses conséquences. Or, la liberté des cultes est décrétée, cela est vrai, mais ses conséquences ne le sont pas ; et je dis que c'est un ouvrage qui nous reste à faire, et un ouvrage vraiment essentiel. Car, lorsque vous l'aurez fait, vous aurez posé pour la liberté des cultes, des limites sensibles à tous les partis ; vous aurez fixé invariablement cette liberté, et alors vous aurez empêché, les uns de la trop restreindre, les autres dé la trop étendre, et tous de se disputer à son sujet. Vous aurez enfin, Messieurs, réalisé cette liberté qui ne sera qu'une Chimère, tant qu'elle ne sera pas développée par dès lois de détails ; qui ne sera même qu'un germe de discorde, tant que vous ne l'aurez pas invariablement fixée.
Je reviens donc, Messieurs, et j'appuie la partie de l'article de M. Albitte qui a pour objet d'autoriser l'exercice d'un culte quelconque, et je dis que vous devez décréter que toute société, toute agrégation, tout citoyen, qui voudront avoir un temple, un oratoire, une église, seront libres de le faire, d'y exercer le culte qu'ils jugeront à propos par le ministre qu'ils voudront choisir, sous la surveillance des officiers de police, auxquels il sera enjoint de veiller à ce qu'il ne se passe rien, dans ce lieu, de contraire à l'ordre public, et de protéger le culte quelconque qu'on y exercera. Si vous ne vous déterminez pas à adopter cela comme loi, je demanderais au moins que vous décrétassiez une adresse dont le but serait de développer, chez les gens de bonne foi, l'esprit de la Constitution et les conséquences naturelles de la liberté. (Applaudissements ) Alors la liberté du culte sera un bienfait ; alors vous n'encourrez plus le reproche de donner d'une main en retenant de l'autre ; alors le fanatisme n'aura plus d'aliment; les contributions publiques seront payées et vous comblerez les désirs patriotiques de M. de Wimpffen, dont vous venez d'applaudir les vues et les principes. (Applaudissements.)
Je respecte autant que le pTéo-pinant le principe sacré de la libertedes cultes; mais je crois quil s'est évidemment trompé dans les conséquences qu'il en a tirées. Ce n'est pas par des lois de détails que l'on pourra parvenir au but que l'on se propose. Tout ce que l'on peut exiger du législateur, c'est qu'il établisse le principe, et qu'il abandonne après, les moyens (l'exécution, qu'il est impossible de rendre uniformes dans un Empire tel que le nôtre.
Je soutiens donc qu'il faut abandonner aux autorités constituées l'exécution de ce principe, si vous ne voulez pas tomber dans les plus graves inconvénients.
Tout le monde reconnaît que toute association a le droit d'exercer paisiblement son culte; dès lors, je crois qu'il est inutile de l'établir par une loi. Si vous croyez qu'il soit indispensable d'établir, par une loi, l'ouverture des églises, je vous demande si vous ne reconnaîtrez pas aussi qu'il est indispensable d'établir, par une loi, la manière de s'y réunir. (Murmures.)
Alors, vous tomberez dans un luxe de législation: M. Albitte vous a fait deux propositions inutiles ; or, une loi inutile est une loi dangereuse. Ce sont de bonnes lois qu'il faut faire, et leur trop grand nombre n'annonce pas le perfection-nement de la législation; il en annonce l'abus.
Il arrivera un moment où tous les Français seront réunis dans une même opinion religieuse, comme dans une même opinion politique, mais ce moment n'est pas encore venu. Lorsque les yeux sont encore faibles, ne faisons pas jaillir tant de traits de lumière. C'est par les progrès de la raison et de la morale publique, que tous parviendrez à ce but, le seul que vous deviez ambitionner d'atteindre : mais j'estime que, dans la circonstance, cette mesure serait essentiellement dangereuse et je demande la question préalable sur Farticle de M. Albitte.
Un membre: J'appuie l'article de M. Albitte, qui me paraît extrêmement sage. Il me suffît de rappeler les paroles qui ont été dites par M. Gen-sonné, dans le département de la Vendée, pour obtenir la conservation de leurs anciens pasteurs. Je demande aussi que vous y ajoutiez, par article additionnel, que les corps administratifs et les municipalités sont spécialement tenus de faire jouir tout citoyen de la liberté d'exercer le culte religieux auquel il est attaché; en conséquence, que tous les citoyens, quelle que soit leur croyance, puissent se choisir un temple dans lequel ils célébreront leur culte, à la charge d'en prévenir la municipalité du lieu, afin d'être surveillés par elle, de ne rien dire, ni professer de contraire à la liberté et à la sûreté ae l'Etat.
J'adopte l'article de M. Albitte, mais j'attaque sa rédaction, qui présente une contradiction manifeste. La première disposition porte que les édifices nationaux ne pourront être employés qu'au culte salarié. La seconde, qu'ils pourront être vendus pour l'exercice d'un culte particulier. En supprimant la première disposition, la contradiction disparaîtra. Voici comme ; je propose de la rédiger :
« Toute association religieuse quelconque pourra acheter ou prendre à loyer tous ceux des édifices nationaux non employés au culte salarié par la nation, pour y exercer publiquement le sien et sous là surveillance, etc.... »
Un membre: Tâchez d'avoir mille cultes, et ils se respecteront et se protégeront mutuellement, si vous n'en avez que deux, ils se déchireront sans cesse.
, évêque de Lyon. On s'est écarté de la question. Il y a plus de 50 ans que la philosophie a décidé que la loi doit la liberté du culte à toutes les sectes et à toutes les croyances. Nous ne sommes point ici pour confirmer une décision philosophique, mais pour prendre des mesures qui soient législatives. Or, de quoi s'agit-il? Il s'agit de décider si les prêtres qui se refusent au serment que la loi leur impose, doivent avoir un édifice où ils puissent exercer librement les fonctions de leur culte ; c'est-à-dire qu'il s'agit de savoir si l'Assemblée nationale veut qu'il y ait 2 cultes dans un culte...
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre ! (Bruit.)
C'est-à-dire qu'on demande à l'Assemblée de sanctionner le schisme de l'Eglise catholique... (Murmures.)
Un membre : M. l'évêque attaque des principes constitutionnels.
Voici donc l'état précis de la question : c'est de savoir si l'Assemblée doit attribuer des églises particulières aux ministres d'un culte qui consiste dans la haine de la Constitution. (Murmures prolongés.) Il s'agit de savoir si l'on doit des temples et des sanctuaires aux
ministres d'un culte dont l'essence est la recherche des moyens de renverser la Constitution. (Applaudissements dans les tribunes..)
jeune. Les questions de schisme sont des questions théologiques, dont nous ne pouvons, ni ne voulons connaître.
Pour rendre sensible et pé-remptoire la proposition que je viens d'avancer, je fais cette supposition :
En vertu de la loi, les protestants ont, à Paris et dans les autres villes du royaume, des temples où ils exercent librement et publiquement feur culte. Je suppose qu'une division survienne entre les membres de cette association, et que la cause de cette division soit qu'une partie des membres de cette Eglise est devenue aristocrate et contre-révolutionnaire ; je suppose que cette section aristocrate et contre-révolutionnaire vous adresse une pétition à l'effet d'avoir une autre église protestante et vienne vous dire : « Nous sommes maintenant opposés avec nos anciens frères, parce qu'ils sont les défenseurs et les panégyristes de la Constitution; et nous, tout c'est le contraire : nous haïssons la Constitution, et nous la regardons comme contraire à nos principes religieux ; nous demandons un temple dans lequel nous puissions professer à notre aise un culte qui consiste dans la recherche des moyens de prévenir le peuple contre la Constitution. » Accorderez-vous un temple à cette nouvelle section de l'Eglise protestante ?
Plusieurs membres : Oui ! oui ! (Murmures.)
La conclusion naturelle et vraiment législative des considérations que je viens d'exposer à l'Assemblée nationale, c'est qu'il soit loisible à tout ecclésiastique non-assermenté d'aller dans les églises nationales y exercer ses fonctions de prêtre, sans que les pasteurs élus puissent y apporter aucun empêchement. Quant à l'attribution d'églises particulières, je regarde cette mesure comme une source intarissable de dissensions et de désordres. (Murmures prolongés.)
Je conçois bien que, dans une chaire de Sorbonne ou dans un concile, on puisse sérieusement examiner la question de savoir si deux cultes différents peuvent subsister ensemble, si ces deux cultes n'en font à la vérité qu'un seul; mais que dans une assemblée de législateurs, on propose l'examen d'une pareille question, c est, à mon sens, le comble de la déraison et le dernier effort des préjugés théologiques. (Applaudissements.)
me paraît avoir absolument dénaturé la question et l'article proposé par M. Ab-bitte. Il a raisonné comme s'il s'agissait d'ouvrir des temples exclusivement aux prêtres qui refuseront le serment civique, et vous les montrant, par ce refus, comme constitués en état de révolte contre la loi ; il a saisi le moment où vos âmes indignées prononceraient un refus à l'égard de ces prêtres, pour l'étendre à tous leurs sectateurs, lorsque vous n'en voulez qu'aux séditieux. Ce n'est pas là le sens de l'article, ce n'est pas là la question qui est proposée à l'Assemblée.
Il ne faut point se dissimuler que les citoyens français sont divisés d'opinions religieuses. Les ci-devant catholiques romains veulent maintenant exercer un culte à part dans les campagnes : j'en appelle sur ce point à la bonne foi de tous ceux qui m'écoutent. H y a dans les campagnes une infinité de bons laboureurs, crédules et
simples, qui croient véritablement que le salut de leur âme tient à l'exercice de leur culte, qu'ils jugent différent du nôtre. Il n'y a évidemment que deux partis à prendre; il faut nécessairement leur dire : ou vous n'exercerez pas votre culte, ou vous l'exercerez librement. Or, quoi qu'on en ait dit, ce n'est pas a\#c les yeux de la théologie qu'il faut examiner cette question, c'est avec les yeux de La philosophie et ae la raison; car la théologie passera, et la philosophie, et la raison resteront. {Vifs applaudissements.)
D§ ces considérations générales, si je passe à des vues particulières, je vois, comme l'a très bien observé l'un des préopinants, que pour n'avoir pas développé suffisamment le principe éternel ae la liberté des cultes, il règne dans toutes les administrations une incertitude telle qu'on peut dire que la loi n'est nulle part exécutee de la même manière. Or. le plus grand vice de toutes les lois, c'est qu étant sujettes à diverses interprétations, tous les citoyens ne jouissent pas d'une manière uniforme de ses bienfaits. Il s en est suivi que les citoyens n'ont pas joui de la liberté de leurs cultest ni par conséquent de la plénitude de leurs droits.
Si une municipalité croit, et elle en a le droit, d'après les décrets, ne pas pouvoir s'opposer à l'exercice d'un culte, elle peut penser que si elle a des bâtiments nationaux libres elle pourra les affermer ou les vendre à des associations religieuses. Cependant, tandis que des administrations se conduisent ainsi, d'autres croient qu'il est d'une sage politique ae ne pas donner aux principes du Corps constituant toute la latitude quela philosophie leur donne. En conséquence, les citoyens à qui la loi garantit la liberté de leur culte et qui la réclament avec instance, ne peuvent l'obtenir.
Delà naît la diversité des interprétations faites par les administrations, lorsque toutes devraient se guider uniquement par le flambeau de la loi ; de là l'inquiétude et l'agitation des citoyens ; de là encore les divisions, les haines, les rivalités et les malheurs qui menacent l'Empire.
Je sais bien que dans divers départements, et notamment dans le mien, de mauvais citoyens ■abusent de la religion pour rassembler le peuple dans des édifices particuliers, sous le prétexte d'y exercer librement .un culte religieux; je sais bien que les coryphées de ce parti se signalaient auparavant par leur irréligion et leur impiété; mais je sais aussi que la loi doit planer sur tous les cultes possibles pour les protéger d'une manière égale et uniforme. Or, je dis que le citoyen, quelles que soient ses opinions politiques, par cela seul qu'il est manifeste que ses opinions religieuses sont différentes, doit être protégé, et que la loi ne peut le saisir qu'au moment où abusant des pretextes qu'il a donnés, il trouble la tranquillité publique.
C'est en vous accoutumant à séparer une bonne fois la Constitution de la religion ; c'est en vous accoutumant à dominer sur tous les cultes, pour les protéger tous, mais aucun exclusivement aux autres, que vous écarterez toutes ces misérables querelles théologiques qui, dans ce moment, désolent l'Empire français. (.Applaudissements.)
Je réclame donc, au nom de la philosophie et dè la raison, au nom d'une sage et prudente politique dans les circonstances où nous sommes, l'adoption de l'article proposé par M. Albitte et amendé par M. Ducos. {Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la question préalable demandée par M. Beugnot sur l'article additionnel.
(L'Assemblée rejette la question préalable.)
Un membre : Je demande l'ajournement de la question. (Appuyé! appuyé!)
D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte l'article additionnel de M. Albitte sauf rédaction.) (Applaudissements.)
demande à lire une nouvelle rédaction de son article additionnel.
Je demande que la rédaction soit renvoyée au comité de législation ; il serait dangereux de livrer à la publicité une rédaction défectueuse.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Reboul.)
Je propose un amendement à cet article dont je demande également le renvoi au comité de législation ; le voici :
« Seront néanmoins conservés dans leurs droits, les protestants de la confession d'Augsbourg, dans les départements du Haut et Bas-Rhin et du Doubs, qui ont été jusqu'ici en possession des églises catholiques destinées à l'exercice du culte appelé simultané; et cela, conformément au décret du 17 août 1790, auquel, par le présent article, il ne sera rien dérogé. » (Oui! oui!)
Je demande que tous les articles additionnels à l'article de M. Albitte soient, avec celui de M. Briche, renvoyés au comité de législation.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Broussonnet.)
{Quelques débats ont suivi dans lesquels plusieurs membres se sont encore élevés contre le. décret adopté. Leurs voix ont été étouffées par la majorité.)
,président, quitte le fauteuil.
, vice-président, l'y remplace.
Présidence de m. Lacépède.
jeune. La loi que vous avez faite sur les prêtres réfractaires doit être regardée comme complète, et il est important d'accélérer la promulgation de cette loi. Je demande la question préalable sur tous les articles additionnels qu'on voudrait proposer, car s'ils étaient de même nature que celui qui vient d'être adopté, ils seraient trop incohérents avec le reste du projet.
11 en est un du moins que l'on exceptera de cette proposition, c'est celui qui a été proposé par M. Fauchet et qui a pour but de ne pas étendre le décret aux prêtres infirmes ou septuagénaires. (Applaudissements.)
Plusieurs membres de l'extrême gauche : Non! non!
Plusieurs membres : L'ordre du jour sur la motion de M. Basire!
jeune. Je m'y oppose.
Je représente àl'Assemblée combien il est déraisonnable de décréter qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur des objets que l'on ne connaît pas. Je demande que la discussion reste ouverte sur les articles additionnels et leuï^ijour-nement à jour fixe.
On demande, d'un côté, la question préalable sur les articles additionnels et, d'un autre côté, l'ajournement à jour fixe. Je vais mettre aux voix l'ajournement. (Murmures.)
Monsieur le Président, le trouble vient de ce que vous insistez à mettre aux voix un ajournement qui n'est pas la question première dans l'ordre de celles qui ont été proposées. Je suis d'avis, moi, que l'on ne peut pas rejeter par. la question prealable des propositions qu'on ne connaît pas; mais je crois que la première question est ae savoir s'il y a lieu à délibérer.
Eh bien, je mets aux voix la question préalable sur tous les articles additionnels.
(L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer, et qu'en conséquence 1 ordre du jour de demain sera ouvert aux articles additionnels.)
Je donne la parole à M. Delessart, ministre de l'intérieur, pour lire deux mémoires : l'un, sur les établissements des écoles vétérinaires dé Lyon et d'Alfort ; Vautre, sur la conservation des monuments des arts qui existaient dans les édifices religieux de Paris, déclarés propriétés nationales.
, ministre de Vintérieur. C'est comme ministre de l'intérieur que je dois rendre compte à l'Assemblée nationale ae deux objets qui paraissent mériter son attention et qui sont urgents.
Il existe en France deux écoles vétérinaires, une à Lyon, l'autre à Alfort,. près Charenton ; ces deux établissements dont 1 utilité est reconnue depuis longtemps servent à former des artistes qui vont s'établir dans les campagnes pour y traiter les maladies des bestiaux. Il y a encore à l'école de Lyon 25 ou 30 élèves et 90 à 100 à l'école d'Alfort, qui sont entretenus aux frais du département.
La pension de chaque élève est d'environ 500 livres par an, y compris l'habillement et la fourniture des livres et instruments. Les dépenses fixes et extraordinaires de l'école de la ville de Lyon montent annuellement à environ 15,000 livres; elles étaient prélevées ci-devant sur le produit des fermes, qui ne subsistent plus aujourd'hui.
A l'égard des dépenses de l'école d'Alfort, elles avaiént été fixées, lors de son établissement en 1765, à 60,000 livres; savoir : 44,000 livres pour les dépenses ordinaires et 16,000 livres environ pour les dépenses imprévues. Le comité des finances, dans le rapport qu'il a fait à l'Assemblée constituante en 1790, sur les réductions à opérer dans les dépenses publiques, n'a pas cru devoir s'occuper de l'école ae Lyon, qu'il a considérée comme devant appartenir à une municipalité ou à un département particulier. Celle d'Alfort lui a paru d'une utilité plus générale. Il a remarque que ces travaux journaliers ont pour objet principalement d'éclairer les habitants des campagnes, sur les moyens de conserver les bestiaux, et de prévenir les maladies auxquelles ils sont sujets. On avait proposé de porter cet établissement à Paris, mais le comité a pensé qu'il fallait le laisser où il était. Sa position qui, en effet, est éloignée de la capitale, contribue à conserver la pureté des âmes des élèves, et à les préserver des dangers d'une grande ville.
Les dépenses de cette école ont paru considérables au comité. Il a proposé de les diminuer
de 33,000 livres et de les réduire à 28,700 livres.
Cette réduction a eu lieu depuis le premier janvier. Les commissaires de la Trésorerie nationale ont cru devoir n'ordonner que provisoirement le payement du douzième de cette somme à la fin de chaque mois, et ils demandent que le total de la dépense soit fixé définitivement par un décret de 1 Assemblée nationale. D'un autre côté, le département de Rhône-et-Loire m'observe que l'arriéré de l'école de Lyon montait, au mois de juin 1791,à 19,681 livres et qu'il a été obligé de lui faire une avance de 6,000 livres, dont il demande le remboursement. Si ce département ne veut pas faire de nouvelles avances et si l'Assemblée nationale ne pourvoit prompte-ment au payement de cette somme de 19,681 livres et aux dépenses courantes, l'établissement est absolument nul.
Le département de Rhône-et-Loire demande, en conséquence :
1° Qu'il soit assigné sur le Trésor public une somme de 15,000 livres pour les dépenses annuelles de cette école ;
2° Qu'il soit ajouté à cette somme 3 ou 4,000 livres pendant les trois premières années pour réparer les meubles et effets de l'école qui sont depuis deux ans dans un état de dépérissement absolu ;
3° Que les 19,000 livres dues à différents ouvriers et fournisseurs soient acquittées ;
4« Enfin que la nation fasse l'acquisition des bâtiments et terrains qu'occupe 1 école, pour qu'elle n'en soit pas évincée dans le cas où ils seraient vendus. Ces bâtiments appartiennent à l'hôpital de-Lyon, et les administrateurs de cet hôpital ont offert en 1789 d'en céder la propriété moyennant 34,000 livres.
L'avantage que présenterait cette acquisition serait d'assurer la stabilité de l'école dans un lieu favorablement situé et d'opérer une économie de 367 livres sur les frais annuels de location.
Le même département observe en outre que l'école de Lyon étant utile à une grande partie des départements du royaume, la dépense de son entretien doit être à la charge du Trésor public. Il paraît en effet que cette école n'est pas moins essentielle que celle d'Alfort, et sans doute l'Assemblée nationale regardera l'école de Lyon comme un établissement d'utilité générale et non particulier au département de Rhône-et-Loire qui n'en jouit pas exclusivement. Au surplus, la dépense ae cet établissement formera un objet de 15,000 livres lorsque sa dette arriérée sera acquittée.
Jrai l'honneur de soumettre ces diverses demandes à l'Assemblée et je la supplie de vouloir bien me faire connaître son intention à cet égard.
Un membre : Ces écoles sont infiniment utiles. Je propose le renvoi des propositions du ministre au comité des secours puolics.
Un autre membre : Je demande le renvoi àux comités d'agriculture, d'instruction publique et des domaines réunis.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de l'intérieur aux comités d'agriculture, d'instruction publique et domaines réunis.)
, ministre ie Vintèrieur. Le directoire du département de Paris s'est adressé à moi pour obtenir les moyens de pourvoir aux frais de déplacement et de transport, dans un lieu de dépôt, de divers monuments dont la con-
servation a été jugée intéressante, et qui sont rér pandus dans plusieurs maisons religieuses et établissements ecclésiastiques. Il a été formé une commission d'artistes pour la recherche et l'examen des monuments et pour en assurer la conservation. La commission a exposé au directoire
Sue, pour que les monuments des différents édi-
ces n'éprouvassent point de dégradation, il serait nécessaire qu'elle indiquât un dépôt provisoire où ils pourraient être placés. Le directoire de département a destiné à cet usagel'église des Petits-Augustins et celle de Saint-Martin-des-Champs, et jugeant qu'il était utile de débarrasser d'avance les maisons qui sont en vente, d'un mobilier qu'il vaut mieux transporter à loisir que précipitamment, il a cru concourir au double intérêt de la nation et des arts en autorisant la commission à faire faire les déplacements et dépenses nécessaires ; mais en m'informant de cette disposition, le directoire me demande de l'autoriser à prendre les frais de ce transport sur les fonds affectés aux frais d'administration des biens nationaux, ou bien de lui faire remettre les fonds. Pour y pourvoir, je ne pense pas qu'il convienne de faire acquitter ces dépenses par les fonds provenant de la vente des biens nationaux ; il n'y a aucune difficulté contre la dernière proposition ; cependant je ne peux l'admettre sans l'autorisation de l'Assemblée nationale, et je la prie de vouloir bien prendre cette demande en considération le plus promptement possible.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité d'instruction publique.)
Voici le résultat du scrutin pour la nomination des membres du comité, de surveillance. Ceux qui ont réuni la majorité des suffrages sont :
MM. Grangeneuve, Isnard, Merlin, Basire jeune, Fauchet, Goupilleau, Lacretelle (1), Chabot, Quinette,
Lecointre (de Versailles), Jagot,
Chaufton (Rires.) (2).
Suppléants.
MM. Daverhoult,
Maribon-Montaut, Antonelle,
Bernard (de Saintes),
Rûhl,
Thuriot.
, compris dans la liste, prie l'Assemblée d'agréer sa démission pour ce comité (1).
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
présidence de m. viénot-vaublanc.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 24 novembre, au soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 25 novembre.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des administrateurs du département du Morbihan qui demande la suspension de l'exécution d'un décret de l'Assemblée constituante, ordonnée par le ministre de la guerre, concernant le licenciement d'un régiment de marine qui se trouve à Vannes ; l'adresse est ainsiconçue :
« Monsieur le Président, chargés de maintenir la paix et la tranquillité dans notre département, nous croyons devoir vous faire part d'un ordre du ministre de la guerre au sujet d'un décret de l'Assemblée nationale constituante dont l'exécution peut entraîner les suites les plus fâcheuses. Les troubles qui ont précédemment eu lieu dans les îles de la Martinique et de la Guadeloupe ont décidé M. de Béague, qui en était gouverneur, à renvoyer les troupes qui y étaient attachées, et qui sont repassées en France au mois de septembre dernier. Sur les plaintes portées contre ces militaires, l'Assemblée constituante a rendu le décret qui les a condamnés sans les entendre, et ordonné leur licenciement. Cette loi n'est pas parvenue officiellement à l'Administration. Nous pensons que le licenciement serait dangereux dans les circonstances présentes.
« Quelque convaincus que nous soyons du civisme de ces militaires d'après leur conduite, dont nous sommes journellement les témoins, nous craignons que la misère où ils seraient réduits, l'espèce de déshonneur auquel ils seraient exposés, ne les portassent à se jeter dans le premier parti qui se présenterait, sans consulter peut-être les principes dont il est animé.
« Notre département est livré aux plus terribles agitations excitées par des esprits fanatiques. Si jusqu'à présent, les troubles qui existent n'ont pas occasionné des événements fâcheux, c'est parce que nous avions des forces capables d'y résister. Dans ce moment, le département se trouve absolument dégarni de troupes de ligne ; à Vannes, chef-lieu du département, il y a tout au plus 100 hommes du 90® régiment ; nous connaissons leur zèle et leur amour pour la chose publique, mais ils ne sont pas assez nombreux pour résister aux efforts des ennemis de là patrie qui sont plus communs dans ce pays que partout ailleurs ; les troupes des colonies serviront à différents usages ; elles sont distribuées dans différentes villes où leur présence maintient le bon ordre et la tranquillité ; ces villes justement alarmées de l'ordre du licenciement nous ont adressé leurs réclamations; lorsqu'elles en seront privées, elles seront dans l'impossibilité absolue de faire exécuter les lois.
« Renvoyer cette troupe des colonies, c'est diminuer les forces qui nous sont si nécessaires. L'intérêt de notre département, l'estime que nous avons pour les soldats des colonies, les sèrvices qu'ils rendent chaque jour à la patrie, les dangers que produira leur licenciement nous ont décidé à solliciter l'Assemblée nationale de retirer le décret de licenciement, et la prier d'ordonner ou
que cette troupe soit formée en régiments particuliers, ou qu on l'incorpore dans d'autres régiments; par la l'Assemblée nationale rendra justice à son patriotisme, et délivrera les bons citoyens et les administrateurs du département des inquiétudes que l'ordre de ce licenciement a fait naître. » (Suivent les signatures.)
Le licenciement de ce régiment va laisser le département sans défense et sans moyens de réprimer les troubles qui ont éclaté plusieurs fois. Je demande la suspension provisoire du licenciement et le renvoi de la lettre du département du Morbihan au comité militaire pour qu'il examine le fond de la question.
L'Assemblée ne connaît pas les motifs qui ont déterminé l'Assemblée constituante à ordonner le licenciement dont on se plaint. Il faut bien se garder d'en ordonner la suspension, sans avoir consulté le ministre. Je propose de renvoyer la lettre au Pouvoir exécutif et de mander le ministre de la guerre pour expliquer, dans la séance même, le decret et l'ordre relatif au licenciement.
Un membre : Avant de prendre une décision, il est prudent de consulter la loi qui a ordonné le licenciement.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire pour en faire son rapport lundi.)
Une pétition de plusieurs citoyens et soldats d'artillerie de Besançon est renvoyée au comité militaire.
M. Inizan obtient la parole et, dans les termes suivants .propose à V Assemblée de traduire en idiome breton l'Acte de la Constitution, le Code rural et les principales lois qui s'appliquent au régime des compagnes de sa province.
Messieurs, si je vous faisais le tableau des événements qui ont plus d'une fois désolé nos habitants, je ne ferais que vous retracer des maux et des événements qui ont plus d'une fois fixé l'attention de l'Assemblée constituante et arrêté ses opérations. Si vous connaissiez, Messieurs, aussi particulièrement que moi la source de ces calamités, comme moi vous, seriez empressés d'y mettre des bornes, et de prévenir les erreurs du peuple, que l'on ne peut qu'attribuer au peu de connaissance des lois, et à l'ignorance où sont les citoyens de la langue française dans plusieurs contrées de l'Empire, surtout de nos campagnes.
Pour prévenir de nouveaux abus et mettre fin peut-être à de nouveaux maux aussi dangereux que ceux dont on nous fait journellement le récit, il est instant que les habitants des campagnes connaissent les lois constitutives de l'Etat, la majeure partie de la ci-devant province de Bretagne les ignore et est, par conséquent, hors d'état de les suivre, encore moins de les faire connaître à leurs enfants. Je me propose donc, Messieurs, de traduire en breton pour l'utilité de mes concitoyens des campagnes, l'acte de la Constitution, décrété par 1 Assemblée constituante, et acceptée par le roi. (.Applaudissements.)
Cette tache que je m impose sera pour moi bien agréable si je [puis compter sur vos suffrages. Je soumettrai mon travail à l'inspection de mes collègues bretons, avant de le livrer à l'impression ; j'ose croire d'avance que vous ne dédaignerez pas de le faire imprimer aux frais de la nation, et de récompenser ceux qui me seconderont dans mon travail. Pour moi, je ne demande qu'à être utile à mes commettants et à tous les Fran-
çais. Si l'Assemblée juge utile ma proposition quand elle aura éprouve la traduction que je lui propose ; je m'offre de traduire pareillement le code rural et les principales lois qui s'appliquent au régime des campagnes. Vous n'ignorez pas que mettre les hommes en état de connaître est un des plus grands bienfaits pour la postérité la plus reculée; car la vraie connaissance des lois, garantit de tout trouble involontaire. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande que cette impression soit faite aux frais des départements bretons ; ceux de la ci-devant province d'Alsace ont fait traduire la Constitution en allemand, et ils n'ont rien demandé pour cela.
Il y a une loi de l'Assemblée constituante qu'ordonne au ministre de la justice de faire traduire la Constitution dans tous les idiomes connus en France. Je demande qu'il soit tenu d'exécuter ce décret.
Un membre : Je puis vous assurer que le ministre donne pleine exécution à ce décret de l'Assemblée constituante, car un des traducteurs de la Constitution en idiome de la province de Languedoc, m'a déjà prié de lui fournir les notes qui peuvent établir la différence qu'il y a entre 1 idiome du Languedoc et celui du département du Lot-et-Garonne. Par conséquent, son travail est en pleine activité.
Il parait, Messieurs, qu'il y a quelque difficulté pour l'impression en langue bretonne. J'ai l'honneur de m'offrir pour imprimer la Constitution à mes frais. (Applaudissements).
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Asssemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal des offres de MM. Inizan et Malassis, et, sur le surplus, passe A l'ordre du jour.)
, au nom du comité des secours publics. J'ai eu l'honneur de vous faire, au nom du comitédes secours publics, unrapportconcernant les secours à accorder aux Acadiens et aux Canadiens (1). D'après ce rapport, vous avez décrété que le ministre de l'intérieur vous rendrait compte des motifs qui ont retardé le payement des pensions accordées à ces familles et M. Delessart est venu lundi dernier vous dire que ces pensionnaires n'avaient jamais réclamé ; il n'est question, vous a-t-il dit, Messieurs, que de ceux qui n'ont qu'une solde de six sols par jour ; il a même ajouté qu'il remettrait un mémoire sur les causes au retard de leur payement. Vous avez rendu sur ce peu de mots un décret de renvoi, et cependant il n'est point encore parvenu au comité, ni pièces, ni mémoire. Votre comité, Messieurs, vous demande que vous veuilliez bien décréter que le ministre de l'intérieur remettra au comité les pièces pour pouvoir statuer sur le sort de ces^malheureux Acadiens.
Il y en a,61 dans ma ville; il est dû plus de 90,000 livres à ces malheureux, et nous sommes obligés de les secourir. Les fonds sont faits depuis longtemps et l'on ne conçoit pas les raisons de l'insouciance dans laquelle le gouvernement est sur leur sort.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Hier, quand on a lu la liste des membres nommés pour former le comité de surveillance, M. Lacretelle a donné sa démission. Comme premier suppléant, je devais le remplacer; mais je prie 1 Assemblee de recevoir aussi ma démission. Je ne me sens pas des talents propres pour remplir cette commission.
, second suppléant, est, par suite de la démission de M. Daverhoult, membre d.e ce comité. (Voir ci-dessus, page 370;)
, au nom du comité de législation. Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous faire, il y a quelques jours (1), le rapport sur l'établissement d'un tribunal destiné à l'instruction des crimes commis dans la ville et le ter-ritoire d'Avignon. Vous en avez ordonné l'impression et l'ajournement. Je vais, Messieurs, vous en faire une seconde lecture. (L'orateur fait une seconde lecture du projet de décret.)
Un membre : Lorsque vous avez chargé votre comité de législation de vous présenter un projet de décret concernant la formation d'un tribunal chargé de punir les[crimes commis depuis une certaine époque, dans la ville d'Avignon, vous avez pensé sans doute que la justice et le bon ordre exigeaient la punition de ces crimes.
Cependant, Messieurs, il faut que votre comité de législation ne l'ait pas vu de même ; car
le projet qu'il vous présente n'est exactement qu'un brevet d'impunité qu'il vous propose
d'accorder à tous les assassins qui vous ont été dénoncés. En effet, Messieurs, tous ceux qui
connaissent un peu l'administration de la justice criminelle, vous diront que les seuls
moyens de constater un crime c'est d'en saisir les premières traces, de les suivre avec
exactitude, et surtout de corriger jusqu'aux moindres indices qu'ils présentent ; ils vous
diront aussi que, si vous voulez convaincre les coupables, il est indispensable d'ouïr les
témoins dans les moments qui suivent les crimes, parce que dans ce moment la corruption
n'ayant pas eu le temps d'étouffer la voix de la vérité, les fausses interprétations, les
mensonges, les intrigues n'ayant pas égaré les esprits, chacun dit franchement ce que sa
conscience lui dicte ; au lieu que si vous ne venez à la recherche des crimes qu'après que le
temps en aura fait disparaître les traces; vous ne constaterez que difficilement les causes
des délits ; si vous n'entendez les témoins qu'après que l'horreur que leur avait inspirée le
crime sera effacée, ils ne vous raconteront plus que ce que leur dicteront leurs inclinations
particulières, leur affections ou leurs intérêts ; ils vous répéteront ce qu'ils auront ouï
dire, et non ce qu ils auront vu, surtout lorsque le crime que l'on se propose de punir, est
celui d'un parti contre un
Rapprochez, maintenant, ces vérités des dispositions contenues dans le projet de décret qu'on vous propose et voyez si je n'ai pas eu raison de dire que le projet était un véritable brevet d'impunité. Votre comité vous propose d'anéantir tous les actes d'instruction dressés par les citoyens élus par les sections de la ville d'Avignon, pour former un tribunal, composé de juges fort éloignés les uns des autres et de l'endroit qu'ils doivent surveiller; de les faire installer avant qu'ils ouvrent leurs séances ; en un mot de renvoyer à une époque très éloignée l'instruction de la procédure qui leur est attribuée, de les priver même des renseignements que pourraient leur fournir les actes dressés par les citoyens élus par les sections. N'est-ce donc pas les mettre dans l'impossibilité de découvrir ni les crimes ni les coupables?
Mais, nous dit-on, les juges choisis par les sections de la ville d'Avignon sont absolument sans caractère parce que ce n'est pas le peuple, mais les élus dn peuple qui doivent les nommer. Ici, Messieurs, votre comité de législation et moi ne sommes pas d'accord sur les principes. Je conviens avec lui que les juges doivent être nommés par les électeurs des districts ; mais lorsque les électeurs n'ont pas encore été nommés eux-mêmes et que néanmoins il est indispensable de nommer des juges, je soutiens que c'est au peuple et non a l'Assemblée nationale à nommer ces derniers. En effet, lorsque les pouvoirs sont arrêtés par quelques obstacles, il est de la justice et surtout de la bonne politique de les faire remonter vers leur source, au lieu de les éloigner. Or, la source du pouvoir d'élire est dans le peuple ; faites donc remonter à lui ce pouvoir-là, dès qu'il sera suspendu par quelque circonstance.
Ce n'est pas le peuple, nous dit-on, qui doit nommer immédiatement ses juges, mais l'Assemblée nationale ; et, dans 1 alternative de les nommer vous-mêmes ou de les faire nommer par les sections du peuple, ne vaudrait-il pas mieux que les sections les nommassent? L'acte constitutionnel défend au Corps législatif de faire aucune attribution, de nommer aucune commission extraordinaire, ou d'exercer la justice. Or, ne regardera-t-on pas comme une commission extraordinaire l'élection du tribunal qu'on vous propose de former? ne l'a-t-on pas déjà qualifié de même dans une lettre écrite par le sieur Rovère ?
Lanomination, au contraire, faite parle peuple, ne peut être regardée comme une commission ou une attribution,^ puisque c'est le peuple qui se donne à luiamême les juges qu'il croit lui convenir: mais dans une ville divisée par deux partis, n est-il pas à craindre qu'ils soient pris dans l'un plutôt que dans l'autre, et n'est-il pas prudent de les prendre au dehors? Ces raisonnements, Messieurs, s'ils étaient adoptés, vous conduiraient à une conséquence bien funeste ; car, ce qu'on dit des juges, on pourrait le dire des témoins ; on pourrait objecter que les personnes entendues en témoignage seraient d'un parti plutôt que de l'autre ; et la conclusion serait que jamais la justice ne pourrait réprimer les désordres, lorsqu'il existerait deux partis dans un endroit.
Pour moi, je juge hien différemment que le comité des élections populaires. Je crois que les
sections du peuple étaient composées de citoyens des deux partis et de ceux encore qui blâmaient l'un et l'autre. Le résultat de leurs opérations doit toujours être bon et ne tomber que sur des honnêtes gens ; comme aussi je pense que les témoins qui, sentant bien l'importance de leurs dépositions, sacrifient plutôt l'esprit de parti à la justice que la justice a l'esprit de parti. Je veux avoir cette bonne idée de mes semblables.
Je viens de vous exposer quelques-uns des inconvénients que présente le projet du comité. Eh ! combien d'autres ne présentent-ils pas encore, lorsqu'on veut l'examiner de près! Il allume d'abord une rivalité peut-être dangereuse entre le tribunal établi à Beaucaire, et cette seconde haute cour nationale qu'on vous propose d'établir dans le même endroit, il vous expose à des dépenses considérables soit à raison du nouveau tribunal, soit parce qu'il faudra que les témoins se transportent à Beaucaire pour rendre témoignage.
Il est inconséquent surtout que le décret porte que le ministre de la justice rendra compte à r Assemblée nationale de l'état de la procédure aussitôt que les informations seront faites. En effet, n'est-ce donc que pour faire évader les coupables que vous voulez instruire leur procès? Vous me répondez tous que ce n'est pas là l'intention qui vous dirige ; et cependant, Messieurs, il est évident que si ces informations sont rendues publiques immédiatement après qu'elles seront finies, et avant qu'elles soient décrétées, les prévenus et les coupables ne manqueront pas ae se soustraire à la loi. Je le répète donc, c'est un brevet d'impunité que le décret que le comité de législation vous présente.
Je conclus donc, Messieurs, à ce que le projet de décret soit rejeté par la question préalable et à ce que vous adoptiez le suivant :
« L Assemblée nationale, considérant que la loi du 10 octobre dernier a supprimé tous les corps civils, judiciaires et administratifs, formés dans la ville d'Avignon depuis le mois de septembre 1789, et que le tribunal qu'on doit y établir conformément au décret, ne peut l'être aussi promptement qu'exige la poursuite des crimes qui ont été commis, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, voulant pourvoir à ce que les procédures relatives aux crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon depuis le 23 soient commencées et poursuivies sans aucun délai,'décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale autorise les juges élus par les sections de la ville d'Avignon, à nommer un accusateur public et un greffier, conformément aux lois rendues en cette matière ; 2° elle les autorise aussi à instruire les juges et les procédures sur les crimes qui ont été commis dans la ville et le territoire d'Avignon, de7 puis le 23 septembre dernier; sauf l'appel à l'un des sept tribunaux les plus voisins, conformément aux mêmes lois ; 3° le ministre de la justice rendra compte de l'état de la procédure aussitôt que les informations seront faites, et ce sans préjudice de l'exécution des décret à intervenir. »
Sans doute, comme vous l'a très bien observé le préopinant, l'article du projet du comité qui casse la procédure, est un brevet d'impunité pour les coupables ; je conviens que les juges qui ont été nommés par les sections n'étaient point légalement élus; mais ces juges
étaient les seuls qui pussent, dans les moments de crise, faire les premiers actes de la procédure. Ils les ont faits régulièrement; vous devez les consacrer, parce que ce sont les 'seuls qui constatent le crime. Clés juges ont procédé à la confrontation des témoins avec les accusés, et cette confrontation achève de donner à la procédure toute la force qu'elle doit avoir aux yeux de la loi. Je demande donc que vous consacriez des actes qui constatent les crimes dont le récit vous a fait verser des larmes, et qu'il soit décrété que ces premiers actes resteront au procès comme mémoires ; que néanmoins les témoins qui ont été entendus, pourront l'être de nouveau, s'il y a lieu, et sauf les distinctions de droit.
Un membre : Je demande la priorité pour le projet du comité.
Un membre : Je regarde comme très important que l'Assemblée veuille bien entendre les observations qui lui seront présentées, avant d'accorder la priorité. Je ne suis point d'accord avec M. Saladin ; je suis loin de penser que l'on puisse composer avèc la loi : il est clair, d'après l'expression de l'Acte constitutionnel, que le roi n'a pas le droit de nommer une commission, ni de créer un mode nouveau d'organisation judiciaire; or, si le roi n'a pas ce droit, il est certain que ses agents ne peuvent l'avoir. Il en résulte que les nominations faites dans les sections sont nulles, que les actes faits par les juges élus sont des actes nuls : or, est-il possible que ce qui a été frappé de nullité au moment de sa naissance, puisse acquérir jamais un caractère légal? Quant a l'amendement de M. Saladin, je crois que vous pouvez accorder au tribunal le droit d'entendre de nouveau les témoins dont les dépositions pourraient être nécessaires. Je conclus a ce que cet amendemeut soit adopté.
De grands crimes ont été commis à Avignon et dans le comtat Venaissin; il s'agit de convaincre les coupables : il importe, avant de les juger, de connaître la source, la cause, et même le prétexte des délits. Un article de la loi constitutionnelle porte que les citoyens ne peuvent être distraits des juges que la loi leur assigne par aucune commission, etc. Le comité vous propose un projet qui fait recourir à des juges extraordinaires, et qui prive les accusés du bénéfice de la loi constitutionnelle. Le motif sur lequel il s'appuie, est que les tribunaux ne sont pas encore établis, et ne peuvent l'être encore a Avignon et dans le comtat; mais dès le moment que cet obstacle momentané vient à cesser, le citoyen accusé ne peut plus être privé du droit d'être jugé par ses juges naturels.
Le tribunal que vous propose le comité est donc une véritable commission : vous n'avez nul motif d'autoriser cette commission à juger les
Procédures, puisque les droits consacrés par la onstitution en faveur de tous les citoyens, se réunissent aux règles de la prudence, pour ne pas hâter un jugement qui soustrairait les accusés à leurs juges naturels. Le même vice règne dans la manière dont le comité détermine les tribunaux d'appels. De quel droit veut-on priver ces accusés? du droit de porter leur appel par devant l'un des sept tribunaux dont la liste sera formée, suivant la loi sur l'ordre judiciaire? Une autre observation, c'est qu'en établissant à Beaucaire le tribunal provisoire, le comité n'a pas calculé les frais immenses qu'occasionnerait le déplacement des juges et de 5 ou 600 témoins. Je propose le décret suivant :
« Art. 1er. Il sera établi à Avignon un tribunal provisoire
composé de 5 juges, un accusateur public, un commissaire du roi, et un greffier pour
instruire les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire
d'Avignon, et dans les villes, bourgs, villages et territoire du ci-devant comtat Venaissin,
de puis le 23 septembre dernier.
« Art. 2. Pour former ce tribunal, les tribunaux des districts de Nîmes, Beaucaire, Saint-Rémis, Orange, Montélimar et Salon choisiront chacun un juge pris dans leur sein, qu'ils nommeront au scrutin, lesquels se rendront à Avignon. Ces 6 juges choisiront entre eux celui qui fera fonction d'accusateur public.
« Art. 3. Le roi sera invité à nommer un commissaire pour servir auprès de ce tribunal.
« Art. 4. Les 5 juges nommeront entre eux celui qui fera fonction de président, et ils choisiront leurs greffiers.
« Art. 5. Ce tribunal entrera en fonction au plus tard le 10 décembre prochain, et il sera installé par le conseil général de la commune d'Avignon.
« Art. 6. Les actes d'instruction, dressé! par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans les sections de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure ; mais les témoins pourront être entendus de nouveau.
« Art. 7. Aussitôt que les informations seront prises, elles seront adressées au ministre de la justice,-qui en rendra compte à l'Assemblée, pour être par elle ordonné sur le rapport qui fui en sera fait. »
, rapporteur. Il n'y a eu diversité d'opinions que sur les trois questions suivantes:
1° Peut-on valider les nominations des juges faites par les citoyens d'Avignon dans les sections de cette ville?
2° Les procédures commencées par ces citoyens peuvent-elles être maintenues. ?
3° Le tribunal doit-il être établi à Beaucaire ?
Sur la première question, il est certain que l'Assemblée nationale peut établir des formes différentes de celles qui l'ont été par les lois antérieures ; il est encore vrai que la Constitution, qui attribue au peuple la nomination des juges, ne porte point que la délégation en sera nécessairemént faite aux corps électoraux; mais on a omis l'observation décisive ; Les nouvelles formes que l'Assemblée a le droit d'établir ne peuvent avoir leur effet que pour l'avenir. Cet effet ne peut être rétroactif. Les accusés seraient fondés à soutenir que les citoyens, dont la nomination n'a pas été conforme aux lois alors existantes, étaient sans caractère et qu'ils n'ont pu remplir aucune fonction de juges. Ce droit acquis aux accusés ne peut leur être enlevé par une loi postérieure ; si cette difficulté n'était pas prévenue en créant uû tribunal, les accusés auraient un moyen qui pourrait leur procurer l'impunité.
Je passe à la seconde question ; elle dépend de la première ; si vous rie pouvez pas maintenir la nomination des citoyens irrégulièrement élus comme iuges, à plus forte raison l'instruction quils ont faite doit-elle être déclarée nulle. La légalité de cette procédure dépend d'un caractère qu'ils n'ont point. L'accusateur public s'en servira pour diriger ses poursuites.
Reste la troisième question : quel sera le lieu
de l'établissement du tribunal ? Les raisons qui ont été opposées au comité sontprécisément celles qui l'ont déterminé. Gomme la ville d'Avignon n'est point encore unie à un département, et qu'il y existe différents partis, votre comité a cru devoir établir le tribunal hors de ses murs. Il faut toujours avoir sous les yeux le sort des accusés. La loi doit veiller à ce qu'ils n'aient aucun doute sur l'impartialité de leurs juges. J'ajoute encore que Beaucaire n'esj qu'à quatre lieues d'Avignon; ainsi, je ne vois pas de difficulté à accorder la priorité au projet au comité.
Plusieurs membres : La priorité pour le projet du comité! . . *
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet du comité.)
, rapporteur. Voici le décret d'urgence : _
« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 2 octobre dernier a supprimé tous les corps civils, judiciaires et administratifs formés dans la ville d'Avignon depuis le mois de septembre 1789, et que le tribunal que l'on doit y établir conformément aux décrets, ne peut l'être aussi promptement que l'exige la poursuite des crimes qui y ont été commis, décrète qu'il y a urgence.»
Après quelques observations et amendements l'Assemblée prononce le décret d'urgence dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 2 octobre dernier a supprimé tous les corps administratifs et judiciaires formés dans la ville et le territoire d'Avignon, et dans le comtat Venaissin, depuis le mois de septembre 1789, et que le tribunal que l'on doit y établir conformément aux décrets, ne peut l'être aussi promptement que l'exige la poursuite des crimes qui y ont été commis, décrète qu'il y a urgence. »
, rapporteur, donne lecture au préambule et de l'article 1er du projet de décret qui sont ainsi conçus :
« L'Assemblée nktionale, voulant pourvoir à ce que les procédures sur les crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon, depuis le 23 septembre dernier, soient commencées et poursuivies sans aucun délai, décrète ce qui suit :
« Art. ler.
« Il sera établi à Beaucaire un tribunal composé de 5 juges, un accusateur public, un commissaire du roi et un greffier pour instruire et juger les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire d'Avignon depuis le 23 septembre dernier. »
J'observe que ce tribunal étant établi pour connaître et juger les crimes commis dans Avignon, il convient qu'il soit fixé dans le lieu principal où les délits ont été commis. Là seulement on trouvera tous les renseignements nécessaires ; partout ailleurs, outre qu on ne se procurera que difficilement les preuves, le déplacement des témoins et le transport des accusés causeront des frais considérables et retarderont le cours de la justice. Par ces considérations je fais la motion de décréter que le tribunal sera fixé à Avignon et non à Beaucaire. Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
, rapporteur. Je repousse l'amendement. Le comité a pensé que le tribunal étant destiné à connaître des troubles de la ville et du comtat, il fallait qu'il fût fixé dans une ville qui soit également a portée des
divers lieux. Beaucaire a paru réunir cet avantage, et c'est cette considération qui a déterminé le comité.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement et l'adopte.)
Un membre : Je demande que, quand il s'agira d'informer des désordres concernant la ville de Carpentras, attendu l'inimitié qui règne entre les citoyens de cette ville et ceux d'Avignon, le tribunal se transporte à Carpentras pour informer.
Plusieurs membres : La question préalable !
Messieurs, je viens d'apprendre que vous avez prononcé que le tribunal serait établi à Avignon. Le préopinant vons a fait remarquer qu'il y a entre Avignon et Carpentras une grande jalousie, et cela est vrai; mais il est constant que l'objet pour lequel le tribunal va être établi ne regarde aucunement Carpentras. Dans la loi du 14 septembre, il y a une amnistie prononcée pour tout ce qui regarde les effets de la révolution d'Avignon, jusqu'au moment de l'amnistie. Les faits particuliers se sont passés dans l'intérieur de fa ville d'Avignon, et on n'aura point de renseignements à prendre pour ces faits à Carpentras. Ainsi je crois que la demande du préopinant ne peut pas empêcher ce que l'Assemblée a prononcé.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
Un membre : Je demande, par amendement, qu'il soit dit : « pour instruire seulement la procédure, et non pas pour juger. »
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
L'Assemblée adopte ensuite l'article 1èr.
Suit, la teneur du préambule et de l'article 1er, tels qu'ils ont été adoptés lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale voulant pourvoir à ce que les procédures sur les crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon et dans le coîn-tat Venaissin, depuis- le 23 septembre dernier, soient commencées et poursuivies sans aucun délai, après avoir décrété qu'il y a urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera établi dans la ville d'Avignon un tribunal composé de 5 juges, un accusateur public, un commissaire du roi et un greffier pour instruire et juger les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire d'Avignon et dans le comtat Venaissin depuis le 23 septembre dernier. »
, rapporteur. Voici l'article 2 :
« Pour former ce tribunal, les tribunaux des districts de Montpellier, Sommières, Saint-Hippo-lyte, Montélimar, Valence et-Romans, enverront chacun un juge, lesquels se rendront à Avignon. Ces 6 juges choisiront entre eux celui qui fera fonctions d'accusateur public. »
. Un membre : Je demande que les juges choisissent entre eux au scrutin celui qu'As devront envoyer.
(L'Assemblée adopte l'amendement.)
En conséquence l'article 2 est adopté dans les termes suivants:
Art. 2.
« Pour former ce tribunal, les tribunaux des districts de Montpellier. Sommières, Saint-Hip-polyte, Montélimar, Valence et Romans enverront chacun un juge choisi au scrutin et à la pluralité absolue; ces 6 juges se rendront à Avignon et choisiront entre eux celui qui fera fonctions d'accusateur public. »
, rapporteur, donne lecture des articles 3, 4 et 5 qui sont successivement adoptés sans discussion et qui sont ainsi conçus :
Art. 3.
« Le roi sera invité à nommer un commissaire pour servir près ce tribunal. »
Art. 4.
« Les 5 juges nommeront entre eux celui qui fera fonctions de président, et ils choisiront leur greffier.»
Art. 5.
« Ce tribunal entrera en fonctions au plus tard le 10 décembre prochain, et il sera installé par le conseil général de la commune d'Avignon. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 6, qui est ainsi conçu :
« Les actes d'instruction dressés par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans les sections de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure. »
Je propose un amendement à cet article ; c'est d'y ajouter à la fin ces mots :
« Lesdits actes seront joints à la procédure comme mémoires : et, néanmoins, les témoins qui ont été entendus pourront l'être de nouveau, s il y a lieu, et sauf les récusations de droit. »
Un membre : Je demande la ^question préalable sur l'article et sur l'amendement. L'amendement est directement contrairë à l'ordonnance de 1670; et je vous observe que, si vous prononcez sur cet article èt sur l'amendement, vous vous mêlez des fonctions judiciaires, ce qui ne vous est pas permis. Il faut laisser aux juges que vous venez d'établir le soin de prononcer sur cette procédure, parce que l'ordonnance les y autorise. Elle porte que, lorsqu'il s'agira de juger la procédure, on commencera par examiner les différents actes qui la composent.
Je demande que tous les procès-verbaux qui ont été faits servent par forme d'instruction.
, rapporteur. Il suffit que la nouvelle audition des témoins éprouve la moindre difficulté, pour que je consente à adopter l'amendement ae M. Salaain.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Saladin sauf rédaction, puis décrète l'article 6.)
Suit la teneur de l'article 6, tel qu'il a été adopté lors de la lecturè du procès-verbal :
Art. 6.
« Les actes d'instruction dressés par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans les sections de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure ; ils seront joints au procès comme mémoires ; les témoins qui ont été
entendus pourront l'être de nouveau par ce tribunal, s'il y a lieu, et sauf les récusations de droit. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 7, qui est ainsi conçu :
« L'indemnité accordée aux juges, à l'accusateur public et au commissaire du roi, sera, y compris letir traitement ordinaire, de 300 livres par mois, et celle du greffier sera des deux tiers. »
Je demande que les mots : traitement ordinaire » soient remplacés par ceux-ci : « traitement fixe » ; c'est-à-dire qu'ils n'aient que 300 livres par mois, avec le traitement fixe de 1,200 livres, afin que les assistances soient réservées à leurs suppléants.
Un membre : Je demande que le Trésor public fasse l'avance de ces traitements, et que la question de savoir qui les payera soit ajournée.
(L'Assemblée adopte*les deux amendements sauf rédaction, puis décrète l'article 7.)
Suit la teneur de . cet article, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès verbal :
Art. 7.
« Le payement des juges, de l'accusateur public et du commissaire au roi sera, y compris leur traitement fixe, de 300 livres par mois : celui du greffier sera des deux tiers. Le Trésor public fera l'avance de ces frais, sauf à statuer par qui ils seront définitivement payés. »
, rapporteur, donne lecture ae l'article 8, qui est ainsi conçu :
« L'appel des jugements rendus par ce tribunal sera porté, dans les formes prescrites par les décrets, à l'un des 7 tribunaux ci-après nommés; savoir, ceux des districts de Die, Ville-neuve-de-Berg, Privas, Annonay, Alais, Vienne et Béziers. Les suppléants, et, à leur défaut, des gradués, seront appelés pour juger en dernier ressort. »
Un membre : Messieurs, lorsqu'on sera en état d'appeler des jugements de ce tribunal, les tribunaux d'Avignon et du comtat seront formés ; ainsi vous ne pouvez pas ôter aux citoyens de ces contrées le droit qu'ils ont de plaider devant leurs juges naturels. Je demande la question préalable sur l'article.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable.)
Un membre demande que le tribunal de Privas soit remplacé par celui de Largentière.
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
Je propose de déterminer dans l'article que, dans les cas où les corps administratifs seraient organisés et où ils auraient fait le tableau des tribunaux d'appel, alors ce tableau sera suivi de préférence.
(L'Assemblee, consultée, adopte l'amendement de M. Jollivet, sauf rédaction et décrète ensuite l'article 8.)
Suit la teneur de cet article, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
Art. 8.
« L'appel des jugements rendus par ce tribunal sera porté, dans les formes prescrites par les lois, à l'un des 7 tribunaux ci-après nommés, savoir : ceux des districts de Die, Villeneuve-de-Berg, Largentière, Annonay, Alais, Vienne et Béziers ; et néanmoins ce tableau cessera d'avoir lieu aussitôt que celui qui sera formé par les *
corps administratifs, conformément aux lois, aura été rendu public. Les suppléants, et, à leur défaut des gradués, seront appelés pour juger en dernier ressort. »
, rapporteur, donne lecture ae l'article 9, qui est ainsi conçu :
« Le ministre de la justice rendra compte à l'Assemblée nationale ae l'état de la procédure aussitôt que les informations seront faites. »
Un membre: Voici comment je propose de rédiger l'article 9 :
« Le ministre de la justice rendra compte à l'Assemblée nationale de l'état de la procédure, aussitôt que les informations seront faites, sans que l'instruction et le jugement puissent en être retardés. »
(L'Assemblée, consultée, adopte cette nouvelle rédaction de l'article 9.)
Je demande à pro poser un article additionnel. Vous venez de aon-ner des juges d'attribution à Avignon, parce
2u'il n'y a point de juges élus par les citoyens 'Avignon et du comtat. Il n'est sûrement pas dans votre intention de prolonger cette attribution, dès que ces citoyens auront nommé des juges. En conséquence, je propose pour article additionnel celui-ci :
« Le tribunal provisoire, établi à Avignon, cessera ses fonctions dès l'instant que le tribunal criminel, qui sera établi suivant les formes constitutionnelles, pourra entrer en activité. »> Plusieurs membres : La question préalable ! (L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article additionnel de M. Dehaussy-Robecourt.)
, qui était membre du comité des lettres de cachet (1) et qui a été nommé membre du comité de surveillance, déclare opter pour ce dernier. (Quelques applaudissements.)
, qui a été élu hier membre du comité de surveillance, prie l'Assemblée d'agréer sa démission.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de la dame Delattre et de la dame veuve Morin, qui demandent la permission de conférer avec le sieur Delattre dans la prison de l'Abbaye ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Accablée sous le poids du malheur, amenée aux portes de la mort par des maladies cruelles, je crains de succomber, et je n'ai pas la force de résister aux rigueurs du sort qui m'accable en ce moment. Un décret terrible livre mon mari à la haute cour nationale et l'enferme dans les prisons ; mon fils se casse le bras ; les scellés sont apposés sur ma maison ; les poursuites rigoureuses des créanciers, qui semblent avoir attendu ce triste moment, s'y sont réunies à la fois.
« Une mère âgée de quatre-vingt-douze ans ioint ses prières aux miennes pour obtenir de
l'Assemblée nationale, une grâce que les circonstances rendent urgente, celle de voir mon
mari. Touchés de notre situation déplorable, les représentants de la nation auront pitié de
deux femmes
« L'espérance de le justifier un jour nous soutient encore, et peut-être le trouvera-t-on plus à plaindre qu'à blâmer. Daignez, Monsieur le Président, solliciter pour nous la permission de l'entretenir dans sa prison; vous acquerrez des droits à la reconnaissance éternelle de deux infortunées dont vous aurez adouci le sort.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Femme Delattre. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je* m'oppose à l'ordre du jour ; il me semble qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce qu'en présence d'un juge de paix, la femme et la mère du sieur Delattre puissent conférer avec lui de ses créanciers.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. La demande de la dame Delattre ne nous regarde pas. Nous avons accusé le sieur Delattre ; il est dans les mains de la justice ; c'est à elle d'ordonner.
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
Je demande la parole contre l'ordre du jour.
Je demande à répondre à M. Garran-de-Coulon.
Messieurs, il est incontestable que si le tribunal de la haute cour nationale était formé, vous ne devriez pas délibérer sur les motions qui vous sont faites puisque les accusés sont renvoyés devant la haute cour nationale ; mais je vous prie d'observer que vous avez ici deux fonctions, celles d'accusateurs et de législateurs suprêmes ; que le recours à votre autorité est ouvert à tous les citoyens ; que dans l'état actuel il est impossible que les citoyens détenus dans les prisons de 1 Abbaye puissent s'adresser à d'autres qu'à l'Assemblée nationale, puisqu'ils sont arrêtés par ses ordres et que la haute cour nationale n est pas formée.
Je demande donc que l'on statue, d'une manière ou d'une autre, sur la pétition qui vient d'être présentée, et je me réunis à ceux qui pensent qu'il serait convenable de renvoyer cette demande au comité de législation, ann qu'il avisât au moyen de concilier (Murmures.) et la justice rigoureuse et l'humanité.
En conséquence, Messieurs, je demande le renvoi au comité de surveillance.
Si nous cédions au premier sentiment que nous éprouvons, au sentiment d'humanité, j'abonderais dans le sens de M. Garran-de-Coulon, et je serais le premier à demander à l'Assemblée d'accorder la grâce demandée par les pétitionnaires ; mais, Messieurs, ce n'est point à la compassion à prononcer : c'est la justice rigoureuse qui défend d'avoir aucun égard à la demande qui nous est faite. Nous avons décidé dans trois reprises différentes, dans la même circonstance, que le sieur Varnier ne communiquerait pas avec ses parents ; hier encore ses lettres ont été renvoyées aux archives, pour être remises à la haute cour nationale ; et la conduite qu'a tenue l'Assemblée nationale à cet égard doit lui servir de modèle pour celle qu'elle doit tenir relativement à M. Delattre; jë demande
donc que, par suite de ses décrets, l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande faite à l'occasion de la pétition de la dame Delattre.
Plusieurs membres : La discussion fermée l
Un membre : Si vous ne voulez pas permettre à la mère et à l'épouse du sieur Delattre de le voir en présence au juge de paix, permettez-le avec d'autres moyens, ou du moins renvoyez au comité de législation.
La Constitution interdit toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour la sûreté des prisonniers. Je demande donc que l'Assemblée fasse justice aux réclamations qui lui sont faites, ce qui est d'autant plus facile que le cas est tout différent de celui ou se trouve le sieur Varnier. D'ailleurs, je crois que la motion de M. Fauchet est parfaitement juste et raisonnable; elle concilie les intérêts de la nation avec les intérêts sacrés de la nature que vous devez toujours prendre en considération. J'appuie donc la motion de M. Fauchet.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres insistent sur la proposition de passer à l'ordre du jour.
D'autres membres : La question préalable sur la motion d'ordre du jour !
(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de passer à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres : La priorité pour le renvoi au comité de législation !
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de renvoi au comité de législation est renvoie à ce comité l'examen de cette demande pour en faire le rapport demain matin.)
(L'Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder à la nomination d'un président, et rentre en séance un quart d'heure après.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui transmet à l'Assemblée plusieurs pièces relatives à l'arrestation du sieur Tardy, inspecteur des douanes à Quimper ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer une lettre
§ar laquelle M. Tardy, inspecteur des douanes à
uimper, se plaint de ce que les administrateurs du département du Finistère, ont fait mettre à exécution contre lui, de la manière la plus fâcheuse, le décret rendu sur la dénonciation faite contre MM. Varnier, Tardy et Noireau, et ce, d'après la simple lecture de ce décret dans les papiers publics, et sans en avoir aucune connaissance officielle. Je pense que les mesures à prendre à cet égard doivent être déterminées par l'Assemblée nationale.
« Je suis, etc.
« Signé : delessart.
, secrétaire. Le directoire de département du Finistère a écrit et envoyé les procès-verbaux et délibérations.
Un membre : Si ce n'est pas le bon Tardy que l'on a arrêté* il faut réparer cette faute.
Quand on a vu le décret de l'Assemblée nationale à Quimper, on a suivi de près Ce citoyen, il lui est arrivé de tenir des propos très
inconstitutionnels, et l'on a cru que la sûreté publique et l'amour de la patrie devaient porter a s'assurer de sa personne et de ses papiers; mais on est également prêt à le mettre en liberté quand l'erreur sera reconnue.
Plusieurs membres demandent la lecture de la lettre des administrateurs du département du Finistère.
(L'Assemblée ordonne la lecture de la lettre des administrateurs du département du Finistère.)
, secrétaire. Voici cette lettre : « Monsieur,
« Nous nous empressons de vous adresser le procès-verbal de notre séance du 19 de ce mois, relativement au parti que nous avons cru devoir prendre de constituer ici en état d'arrestation, jusqu'à nouvel ordre, un sieur Tardy, inspecteur des douanes nationales, et originaire de Dijon. Ce particulier nous a paru, sous plusieurs rapports, suspect de complicité, soit avec le sieur Varnier, soit avec le sieur Tardy, de Dijon. La lecture de notre procès-verbal vous mettra à portée de connaître nos motifs et les diverses circonstances qui nous ont déterminés. Nous nous dispensons d'entrer ici dans aucun détail, nous vous observons seulement que les scellés ont été apposés sur les papiers du sieur Tardy, actuellement en chartre privée dans sa chambre, sous la garde d'une sentinelle vigilante ; nous vous envoyons aussi le procès-verbal d'apposition des scellés.
« Deux membres du conseil avaient été nommés pour concourir, avec le juge de paix, à l'apposition des scellés et à l'inventaire des papiers; ils n'ont pas cru devoir les examiner jusqu'à ce qu'ils y eussent été autorisés par une délibération ultérieure. Le conseil a approuvé cette précaution, et a arrêté que l'examen des papiers et la correspondance du sieur Tardy seraient suspendus jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait prononcé sur son arrestation. Hâtez-vous, Monsieur et cher député, de rassembler vos collègues, de leur communiquer cette affaire importante, et de la mettre sous les yeux du Corps législatif. Nous attendons sa décision avec la plus vive impatience. Nous ne doutons pas que vous mettrez le plus grand empressement à l'acueillir.
« Signé : Les Administrateurs composant le conseil général du département du Finistère. »
, secrétaire. Voici une lettre des directeurs généraux des douanes nationales, relative à cette affaire ; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Nous avons pris, par les papiers publics, connaissance du décret de l'Assemblée nationale du 12 de ce mois sur l'arrestation de M. Tardy à Dijon. Il y est qualifié de receveur des douanes. Nous avons l'honneur de vous assurer que le sieur Tardy, inculpé, n'a jamais été au service des douanes nationales. ,
« Nous sommes, avec respect, etc... »
(Suivent les signatures.)
Un membre : Ou l'individu arrêté est le sieur Tardy accusé, et alors il doit être traduit devant la haute cour nationale, ou ce n'est pas lui, et alors c'est au pouvoir exécutif à le faire mettre
en liberté. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
Il est extraordinaire que sur cinq hommes du même nom, dont deux coupables, le pouvoir exécutif n'ait trouvé le moyen que d'arrêter les trois innocents, et c'est de cette manière que s'exécutent les ordres de l'Assemblée nationale. (Murmures.) Je ne crains pas de le dire : oui, Messieurs, on doit renvoyer au pouvoir exécutif, avec recommandation expresse ae faire la plus grande attention avant ae faire arrêter un homme. Nous lui avons désigné dans le décret quel était l'homme, puisque l'on a donné, non seulement son nom, mais encore l'état qu'il professait ; et je crois qu'avec ces deux qualités bien distinctes, le pouvoir exécutif peut se mettre à même d'exécuter les ordres de l'Assemblée nationale.
Un membre : Je demande le renvoi au comité de législation, comme ayant déjà été saisi de cette affaire, pour qu'il examine si le sieur Tardy arrêté, est celui désigné dans les procès-verbaux qui ont été envoyés.
Je suis bien loin d'être l'apologiste du pouvoir exécutif, mais j'observe à M. Rouyer qu'en l'inculpant il a commis une grande erreur. En effet, si j ai bien entendu, c'est l'administration du département du Finistère qui, sur la lecture des papiers publics, a pris sur elle de faire arrêter un citoyen. Il est très vrai que ce M. Tardy, arrêté à Quimper, est celui que vous avez mis en état d'arrestation. Le décret l'indique comme étant né à Dijon et receveur des douanes nationales. Celui-ci est effectivement né à Dijon, et non pas receveur, mais inspecteur des douanes nationales. Ainsi, Messieurs, il n'y point de doute que ce soit l'homme contre lequel vous avez rendu un décret d'accusation. Mais je n'en trouve pas moins très blâmable la conduite du corps administratif qui s'est permis, sur la lecture des papiers publics, sur le simple énoncé de journaux, de faire arrêter un citoyen sans avoir reçu un décret officiel du Corps législatif. (Murmures.)
Je n'accuse pas le zèle et la vigilance de l'administration du Finistère; il est très heureux que l'individu ait été arrêté, mais je dis que ce n'était pas au département à le faire arrêter, que la liberté est perdue si les corps administratifs remplissent les fonctions de juges. Celui-ci me paraît donc très punissable d'avoir fait arrêter le sieur Tardy. Il devait instruire de ses soupçons un juge de paix ou un officier de police qui aurait ordonné dans les formes légales l'arrestation du citoyen prévenu. Au surplus, je demande le renvoi au comité de législation.
Toutes les fois que quelque faute est commise dans une administration par excès de patriotisme, ce n'est pas un grand mal, et cet excès de patriotisme doit être excusé, car il est nécessaire dans ce moment-ci. (Murmures.)
Plusieurs membres : La lecture du procès-verbal d'arrestation !
Si le directoire a trop légèrement mis en état d'arrestation le sieur Tardy, c'est une faute excusable. Un membre de l'Assemblée constituante a dit avec beaucoup de justesse: « Lorsqu'un fait quelconque sort des cas ordinaires, je crois qu'alors les actions des administrateurs mêmes doivent sortir de la règle ordinaire. »
Si le corps administratif reste dans l'inaction,
dans la nonchalance, s'il n'outrepasse pas ses pouvoirs, il serai accusé ; s'il dépasse ses bornes, il sera encore accusé. Comment faut-il donc faire? Il ne faut pas déconcerter les corps administratifs. Il ne faut pas se dissimuler que, dans les circonstances présentes, ils sont les seules barrières que nous pouvons opposer à la foule des ennemis du bien public. (Applaudissements.)
Je demande la parole pour combattre les étranges principes du préopinant.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et renvoie la lettre du ministre de l'intérieur et le procès-verbal du conseil général du département du Finistère au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du procureur général syndic du département de VHérault, qui annonce que le calme est rétabli à Montpellier ; cette lettre est ainsi conçue:
« Montpellier, le
« Monsieur le Président,
« Vous apprendrez sans doute avec satisfaction que le calme renaît dans la ville de Montpellier; cette nuit et la journée du 16 ont été très paisibles. On exécute, sans murmure et de plein gré, l'arrêté dont j'ai eu l'honneur de vous envoyer une expédition par le précédent courrier. Plusieurs gardes nationaux suspects à la majorité de la légion, portent d'eux-mêmes ou envoyent leurs armes a la municipalité. Nous espérons qu'il ne s'en trouvera pas un seul qui oppose la moindre résistance.
« La garde nationale a promis solennellement de ne marcher que sur l'ordre de son commandant et avec ses officiers; au moyen de quoi, il y a tout lieu de croire que la tranquillité publique, qui avait été sérieusement compromise pendant deux jours, ne sera plus troublée.
« M. le commandant des troupes de ligne a néanmoins nris la précaution de renforcer la garnison de Montpellier de la compagnie des dragons du roi, dont une partie était a Lunel, et l'autre à Sommières, et ae faire venir d'Avignon un régiment d'infanterie.
« Signé : Le procureur général'syndic du départèment de l'Hérault. »
(Applaudissements.)
a P. S. — N'ayant pas eu de courrier, hier 1-7, cette lettre n'a pu partir qu'aujourd'hui 18; j'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous annoncer que le calme est entièrement rétabli dans cette ville, » (Applaudissements.)
Je demande à l'Assemblée la permission de lui communiquer une lettre extrêmement intéressante. Cette lettre est du curé de Croisic, sur le bords de la mer, département de la Loire-Inférieure. (Oui ! oui !)
Voici cette lettre :
« Monsieur,
« Je n'ai pas l'honneur d'être connu de vous, et je vous écris cependant avec la plus grande confiance. Le fait dont je vais vous donner connaissance, et que je vous prie de mettre sous les yeux de l'Assemblée, est bien propre à m'en inspirer.
« Le sort de 6 hommes ravis à la mort, qui paraissait inévitable, intéresse toujours vivement l'humanité.
« Samedi 19 du courant, M. Labast, capitaine de « l'Augustine », de Bordeaux, du port de 300 tonneaux, revenant de la Guadeloupe, eut le malheur de se perdre sur le Four, dès les 9 heures du matin ; à 10 heures, un marin montant à la tour du Croisic, en descendit quelque temps après, rapportant qu'il voyait à une certaine hauteur un navire qui venait de se briser et qu'il était important de lui porter secours. A cette nouvelle, les sieurs Griffé fils et Alusse l'aîné, officiers de la rivière de Nantes, s'embarquèrent chacun dans une chaloupe avec les nommes de bonne volonté qu'ils purent trouver. M. Griffé fils se transporta au côté de la pointe, et forcé par le très mauvais temps, il rentra sans avoir rien trouvé ; le sieur Alusse, plus heureux, rencontra, entre la pointe et celle du Croisic, des hommes sur un radeau : c'était une partie du navire, ils étaient 6, parmi lesquels le capitaine, le contre-maître, et il parvint à les sauver. On n'a pu voir sans attendrissement ces malheureux témoigner leur reconnaissance à leur libérateur; ils ont rapporté qu'au moment où le navire s'est brisé, 4 hommes ont péri, 18 sont restés sur la dunette, mais jusqu'à présent on n'a pu parvenir à les découvrir.
« Personne n'est plus capable que vous de faire connaître et d'appuyer la belle action de MM. Alusse et Griffé. Je vous le demande au nom de tous les bons citoyens du Croisic, qui la juge digne des plus grands éloges.
Signé : Le curé du Croisic. »
Je demande que M. le Président envoie, au nom de l'Assemblée, des remerciements à ces braves marins qui ont exposé leur vie pour sauver celle de leurs frères «t dont le courage honore l'humanité.
jeune. J'ajouterai le renvoi au pouvoir exécutif pour faire obtenir à ces braves citoyens la gratification que mérite leur civisme.
Un membre : Cette lettre n'emporte avec soi aucun caractère d'authenticité; c'est la lettre d'un simple particulier; elle ne peut pas faire l'objet d'une délibération de l'Assemblée nationale.
L'Assemblée s'est décidée plusieurs fois sur des avis ou des lettres de particulières, lorsqu'ils avaient un caractère connu. J'appuie en conséquence la motion de M. Cous-tard.
Un membre : Je demande que l'Assemblée ne statue pas avant d'avoir reçu des nouvelles officielles.
(L'Assemblée, consultée, ajourne à statuer sur cette affaire jusqu'à ce qu'elle ait été officiellement informée de l'événement.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des administrateurs au département de police de la ville de Paris, qui instruit l'Assemblée que le sieur Delattre a un second domicile dans la petite rue des Banquiers; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale, dans sa séance d'hier, a ordonné que le sieur Delattre serait mis en état d'arrestation, et que les scellés seraieût apposés sur les effets, meubles et papiers, dans l'appartement qu'il occupe, maison des Ecoles de droit. Nous avons été instruits que le sieur
Delattre avait un autre domicile, petite rue des Banquiers. Nous avons pris à l'instant toutes les précautions pour empêcher qui que ce soit d'y pénétrer ; mais le juge de paix, chargé de la premièré apposition des scellés, ne peut pas se transporter dans cet endroit qui est hors des limites de son territoire, s'il n'y est autorisé, et l'Assemblée nationale est priée de vouloir bien ordonner ou que le même juge de paix ou que celui de la section des Gobelins se transporte pour apposer également les scellés audit domicile.
« Nous sommes avec respect, etc...
Signé : Les administrateurs du département de police. »
Je demande que ce soit le juge de paix de la section des Gobelins.
(L'Assemblée décrète que les scellés seront apposés au second domicile du sieur Delattre par le juge de paix de la section des Gobelins.)
Je rappelle à l'Assemblée qu'il y aura une séance ce soir.
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
présidence de m. pastoret, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, au nom du comité de division, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur la suppression et réunion des paroisses de la ville de Rofnans, et de partie de celle de Mours, pour n'en former qu'une seule. Il observe que la discussion est ouverte et présente un projet de décret qui est mis aux voix en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la troisième lecture du projet de décret tendant à supprimer et réunir les trois paroisses de la ville ae Romans, et partie de celle de Mours, en une seule, décrète qu'elle est en état de rendre un décret définitif. »
(Ce décret est adopté.)
, rapporteur, soumet à l'Assemblée un texte nouveau du projet de décret définitif.
(L'Assemblée adopte ce projet de décret, sauf rédaction.)
Suit la teneur du projet de décret définitif, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur la
suppression et réunion des trois paroisses de la ville de Romans et de partie de celle de
Mours, pour n'en former qu'une seule, en conformité du procès-verbal du directoire du
district, de l'avis au fondé de pouvoir de l'évêque, et de l'arrêté du directoire du
département de la Drôme, toutes lesquelles pièces ont été vues et examinées par le comité :
attendu qu'il a été fait trois lectures du projet de décret présenté par le co-
Art. 1er
« Les trois paroisses de la ville de Romans et des campagnes environnantes appelées Saint-Bernard, Saint-Nicolas et Saint-Romain, sont supprimées et réunies, pour n'en former qu'une seule, qui sera desservie, sous le titre de Saint-Bernara, dans l'église du ci-devant chapitre de ce nom.
Art. 2
« La paroisse de Mours, dépendant de la municipalité de Peyrins, est également supprimée ; et la partie désignée par les limites circonscrites au procès-verbal du directoire du district de Romans, du 30 juin 1791, est réunie à ladite paroisse de Saint-Bernard; le surplus de la paroisse de Mours est réuni, provisoirement, à celle de Peyrins, la plus voisine.
Art. 3
« La paroisse Saint-Bernard aura pour limites celles qui sont désignées dans le procès-verbal du directoire du district de Romans, du 30 juin dernier, et dans l'avis donné par ce directoire le 24 août suivant, dont les extraits certifiés demeureront annexés au présent décret.
Art. 4.
« La partie occidentale de la paroisse de Saint-Romain, située hors des limites indiquées dans le procès-verbal du directoire du district de Romans, ci-dessus énoncé, est réunie provisoirement à la paroisse de Clérieux la plus voisine.
Art. 5.
« L'église Saint-Nicolas de Romans, et celle des ci-devants Récollets, située hors de l'enceinte de la ville, sont conservées pour oratoires.
Art. 6.
« Il sera envoyé, les dimanches et fêtes, dans chacun desdits oratoires, par le curé de la paroisse de Saint-Bernard, un de ses vicaires pour y célébrer la messe et y faire les instructions spirituelles, sans pouvoir y exercer les fonctions curiales. »
, au nom du comité de la Trésorerie nationale. Voici une lettre que le comité de la Trésorerie a reçue de MM. les commissaires de la Trésorerie nationale. Elle est adressée au président du comité :
Monsieur le président, . « Nous recevons à l'instant du commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, une lettre, par laquelle il nous informe que sur les 10 millions dont le décret du 11 de ce mois a ordonné la remise en assignats de 5 livres à ladite caisse, il en a fait verser jusqu'à ce jour, par échange, 9,500,000 livres, et que les 500,000 restants sont réservés pour les payements particuliers de la Trésorerie. Cette distribution étant ainsi consommée, nous nous hâtons d'en prévenir l'Assemblée nationale et de la supplier de vouloir bien ordonner une nouvelle remise et de nouveaux versements à la Trésorerie, également par voie d'échange. »
Sans ces versements, le service manquerait, puisqu'il deviendrait impossible de pourvoir aux dépenses de la guerre et de la marine, aux envois pour les frais au culte, et aux échanges qui se font journellement par la caisse de M. Lamarche, pour les départements.
Un membre: Je demande le renvoi de cette lettre au comité des assignats, afin qu'il en rende compte lundi.
(L Assemblée ordonné le renvoi de cette lettre au comité des assignats, pour en faire rapport lundi après la lecture du procès-verbal.)
, au nom du comité de la Trésorerie nationale, propose à l'Assemblée de s'occuper de la demande faite par le ministre de la guerre des fonds nécessaires à l'approvisionnement ae l'armée.
(L'Assemblée ajourne à demain la discussion sur cet objet.)
, au nom du comité de la Trésorerie nationale, propose à l'Assemblée d'ajourner à jour fixe la troisième lecture du projet du comité de liquidation, concernant la retenue des impositions sur les intérêts des capitaux liquidés.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à mardi prochain.)
, au nom du comité de la Trésorerie nationale, demande que l'Assemblée s'occupe du rapport du comité de la Trésorerie nationale qui a pour objet de demander aux ministres les comptes et aperçus nécessaires pour régler la dépense de 1792.
(L'Assemblée ajourne également ce rapport à mardi.)
, au nom du comité de la Trésorerie nationale, présente un rapport sur Vétablissement d'un bureau dans la Trésorerie nationale, pour la liquidation des offices supprimés avant le premier mai 1789; la rectification des erreurs dans les titres des rentes et pensions ; et la conservation des saisies et oppositions; il s'exprime ainsi :
Messieurs (1), l'Assemblée nationale constituante, par son décret sur l'organisation de la Trésorerie nationale, a chargé expressément les commissaires de la Trésorerie ( Titre III, article 3) de présenter un plan « pour mettre dans le payement des rentes viagères et perpétuelles, ainsi que des pensions, l'ordre et l'économie nécessaires pour abréger les retards, diminuer les frais des parties, exclure toute préférence, tout arbitraire, et procurer une entière sûreté au Trésor public. »
Dans le nombre des objets que comprend cette disposition générale, il en est quelques-uns qui exigent une prompte décision, et dont la reunion est naturellement indiquée par la conformité des mesures d'exécution.
Ce sont ceux qui concernent : 1° la liquidation des offices dont la suppression avait été prononcée avant le 1er mai 1789;
2° Les rectifications d'erreurs dans les titres des rentes perpétuelles et viagères ;
3° Les règles à suivre pour l'enregistrement et la conservation des saisies et oppositions
sur les sommes qui s'acquittent directement au Trésor public, et qui sont déclarées
saisissables en tout ou en partie.
Le 21 septembre dernier, l'Assemblée nationale constituante rendit un décret par lequel elle renvoya aux commissaires de la Trésorerie nationale la liquidation des offices supprimés avant le 1er mai 1789, dont le remboursement n'aurait pas été stipulé à époque fixe, ou aurait été suspendu par éaits ou arrêts, autres que l'é-dit du mois d'août 1788; lesdits remboursements pour être faits dans les valeurs et proportions portées par les règlements à ce relatifs.
Par autre décret du 26 du même mois de septembre, les commissaires de la Trésorerie nationale ont été chargés de la rectification des erreurs qui auraient pu se glisser dans les titres des rentes perpétuelles et viagères, rectification qui s'opérait précédemment par des décisions du conseil que 1 on appelait arrêts de forme. L'Assemblée nationale a néanmoins établi cette distinction que, pour les rentes perpétuelles, les erreurs pourraient être rectifiées par Une délibération des commissaires de la Trésorerie et sous leur responsabilité; au lieu que pour les quittances de finance portant rentes viagères, ces erreurs ne pourraient être rectifiées que par un décret du Corps législatif, sur la proposition qui lui en serait faite par les commissaires de la Trésorerie.
On trouve bien dans les décrets sur l'organisation de la Trésorerie des 30 juin, 11 juillet et 16 août, ainsi que dans l'état, qui y est joint, des bureaux qui y sont établis, des bureaux de contrôle de dépenses et de payements des intérêts de la dette publique et des pensions ; c'est ce qui forme la seconde section du chapitre de la dépense : mais il n'y est point fait mention de ces opérations dont 1 attribution est postérieure ; il est donc nécessaire d'y pouvoir par l'établissement d'un bureau chargé de ces liquidations et rectifications.
L'enregistrement des saisies et oppositions, soit sur les rentes, soit sur les pensions, est le troisième objet auquel il n'est pas moins instant de pourvoir, tant pour la sûreté de la nation qui paye que pour celle des créanciers de ceux à qui elle fait des payements, et la conservation de leurs droits.
L'Assemblée nationale constituante décréta, lè 29 juillet dernier, « que les créanciers porteurs de titres, ayant une date certaine antérieure au 24 juin précédent et rendus exécutoires en suivant les formes légales contre les personnes absentes du royaume, ainsi que les ouvriers et fournisseurs qui justifieraient de travaux et fournitures faits pour les absents avant la même époque, et qu'ils auraient fait prononcer par jugement sur leurs demandes, seraient payés de leurs créances sur les sommes dues par l'Etat à leurs débiteurs, et échues avant ladite époque du 24 juin, pour causes autres que pour pensions ou traitements postérieurs au lor janvier 1790 ».
D'autre part, 1 Assemblée nationale constituante, par son décret du 18 août, déclara « que les pensions et secours pourraient être saisis jusqu à la
concurrence de la moitié de leur montant par les créanciers des pensionnaires fondés en titres pour entretien, nourriture et logement »> ; et substitua ainsi des règles fixes et invariables à l'autorité arbitraire exercée par les ministres en vertu de l'article 13 de la déclaration du 7 janvier 1779, qui leur avait accordé la faculté d'arrêter, en tout ou en partie, le payement des pensions en faveur de quelques-uns des créanciers des pensionnaires.
Pour l'exécution de ces deux décrets, il est indispensable de déterminer la manière de recevoir les saisies et oppositions des créanciers, et les formalités à observer, soit pour la conservation de leurs droits, soit pour la légitimité des payements faits par la Trésorerie nationale.
On pourrait d abord penser qu'il suffit pour remplir ces objets, d'obliger toute partie prenante à rapporter un certificat de non opposition ; mais, dans le nouvel ordre établi, les principes de justice ne permettent plus d imposer à tous les créanciers de l'Etat une condition aggravante, uniquement pour la conservation des droits de ceux qui prétendent avoir des actions à exercer contre quelques-uns; et, il est aisé de sentir que cette formalité d'un certificat pour constater un fait négatif est un assujettissement qui emporte des délais et des frais à chaque payement.
Si l'on est forcé de reconnaître que ce serait une injustice, que d'obliger celui qui n'a pas de créancier à supporter des dépenses et des délais pour toucher ce qui lui est légitimement dû, il ne reste plus qu'à déterminer dans quelles mains et en quelle forme seront faites les saisies et oppositions sur les parties prenantes au Trésor public.
Les gardes des rôles et conservateurs des finances ayant été maintenus provisoirement dans leurs fonctions par décrets des 30 octobre et 29 novembre 1790, on pourrait croire qu'il n'y a rien de plus simple que de les charger de recevoir aussi ces oppositions. Mais indépendamment de ce que ces officiers n'ont plus qu'une existence momentanée ; que leur suppression est prononcée par les décrets concernant l'organisation judiciaire ; que la liquidation de leurs offices est réglée par l'article 6 du décret du 7 septembre, et qu'il paraît peu convenable d'introduire de nouveaux rapports entre des fonctionnaires de l'ancien régime et des établissements nés avec la Constitution, il suffit pour démontrer l'impossibilité de cette attribution, de bien distinguer : 1° la nature et l'objet des diverses fonctions exercées jusqu'à ce jour par les conservateurs des hypothèques; et oppositions ; 2° les objets sur lesquels pourront frapper à l'avenir les oppositions à former sur ce qui se paye au Trésor public.
Les conservateurs des hypothèques ont exercé, pendant plus de 80 ans, des fonctions séparées ae celles des conservateurs des oppositions formées au Trésor public. Les premiers avaient été établis pour purger les hypothèques et expédier des lettres de rectification sur les actes translatifs de propriété; les seconds, pour servir près le garde au Trésor royal entre les mains de qui on s'opposait directement dans l'origine de cette institution en 1706.
La réunion de ces offices a été prononcée par l'éditdu mois de mars 1788; elle paraît avoir eu pour objet principal de faire cesser l'incertitude et l'embarras où se trouvaient quelquefois les opposants de savoir auxquels de ces officiers
ils devaient s'adresser, à cause de la similitude apparente de leurs fonctions. Mais cette réunion n'a pas empêché la distinction des actes dont ces officiers se sont trouvés chargés, mais elle n'empêche pas encore de distinguer aujourd'hui ce qui tient à la propriété immobilière réelle ou fictive de ce qui ne regarde que les arrérages ou autres sommes mobilières. Cette distinction avait été de nouveau consacrée par la déclaration du 28 août 1787, qui avait ordonné que les oppositions formées entre les mains des payeurs ne porteraient et ne tiendrait que sur les arrérages et intérêts.
Pour déterminer avec précision les objets sur lesquels pourront frapper les oppositions à former au bureau que votre comité vous propose d'établir près la Trésorerie nationale, il a d'abord considéré qu'il ne pouvait être ici question de conservation d'hypothèques. Vous jugerez peut-être que les fonctions exercées aujourd'hui par les officiers de la grande chancellerie, doivent être attribuées aux conservateurs des hypothèques sur les immeubles réels, qui seront établis près les tribunaux; mais quelque parti que vous preniez à cet égard, ces fonctions ont un caractère judiciaire qui les rend absolument étrangères à l'institution de la Trésorerie nationale.
Une autre considération non moins importante restreint encore beaucoup le nombre des oppositions que l'on sera dans le cas de former à la Trésorerie nationale ; c'est qu'en général la conservation de ces oppositions ne peut être placée plus sûrement, plus avantageusement que là où le créancier se présente pour toucher ; autrement le payeur serait souvent incertain s'il peut délivrer les deniers avec sûreté, et l'opposant si la saisie serait connue à temps au payeur. D'ailleurs, la moindre distance au bureau d'opposition a la caisse ferait obstacle à une mesure qui fait partie des dispositions que votre comité vous proposera d'adopter comme le seul moyen de rédimer le Trésor public d'une foule d'instances de discussion, dans lesquelles il deviendrait partie comme dépositaire ae deniers saisis. En conséquence de ce principe, il sera bien entendu qu il ne s'agit en ce moment que des oppositions à former sur ce qui se paye directement à la Trésorerie nationale, de sorte que les oppositions sur les rentes seront formées comme ci-devant entre les mains des payeurs des rentes, du moins jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait jugé devoir établir à cet égard un nouvel ordre.
Cependant les objets sur lesquels porteront les oppositions à former au bureau de la Trésorerie seront encore de diverse nature. Pour en prendre une juste idée, il faut connaître ce qui s'est pratiqué jusqu'à ce jour ; vous jugez d'avance, Messieurs, que je ne puis vous en présenter le récit, sans retracer quelques-uns de ces abus, qui n'ont été vus qu'en masse par ceux qui ont eu le courage de renverser le monstrueux édifice de l'ancien régime, et que vous feront découvrir chaque jour les travaux nécessaires pour en débarrasser les décombres.
Tout ce qui se payait au Trésor public pour fournitures faites aux divers départements était regardé comme insaisissable; c'est-à-dire que par une protection spéciale et arbitraire, tous ceux que les ministres employaient étaient mis à couvert des poursuites de leurs légitimes créanciers ; ce privilège ne peut plus subsister dans le nouvel ordre.
Le payement des pensions, dons et gratifications ne pouvait être suspendu que par un
ordre du ministre ; vous avez vu que par le décret du 18 août dernier cet arbitraire a été proscrit, qu'il a été établi des règles pour déterminer la portion saisissable et la nature des titres dont les créanciers devaient être porteurs pour légitimer leurs saisies.
Après la mort des pensionnaires, ou de tôute autre partie prenante au Trésor public, les échus ou autres sommes dues devenaient sujets à la saisie, parce qu'on les considérait alors comme formant des capitaux dans la succession de ces créanciers de l'Etat. Cet usage qui rentre dans le droit commun subsistera à plus forte raison aujourd'hui ; et comme il peut y avoir des oppositions déjà formées entre les mains des conservateurs, votre comité a pensé qu'il convenait de fixer un délai pendant lequel ces oppositions tiendraient, et à l'expiration duquel elles devraient être formées ou renouvelées au bureau établi prè§ la Trésorerie nationale. Par ce moyen les droits des opposants seront parfaitement à couvert, puisque pendant la durée du délai accordé les héritiers de leurs débiteurs ne pourront recevoir qu'en produisant un certificat de non opposition, ainsi qu'il se pratiquait ci-devant, non seulement pour ces échus tombant en succession, mais encore pour tout l'arriéré sujet à liquidation. Le terme arrivé, on aura eu le temps de former ou de renouveler les oppositions à la caisse même de la Trésorerie, et la nouvelle organisation aura atteint la régularité et l'uniformité qui doivent assurer le service.
L'opinion établie, que les capitaux seulement
Çouvaient êtîe saisis entre les mains du'garde du résor public, avait donné lieu à un abus d'un genre encore plus extraordinaire. Les créanciers ae l'Etat, qui redoutaient les poursuites de leurs propres créanciers et les saisies sur les intérêts qui leur étaient payés par d'autres caisses que celle du Trésor public, sollicitaient le transport de ces parties sur le Trésor public, quoique ce transport les assujettît chaque fois à prendre des ordonnances de payement; et au moyen de cette faveur, ou pour mieux dire de cette collusion du gouvernement, ces débiteurs peu scrupuleux pouvaient braver leurs créanciers, et continuer de toucher les intérêts, la saisie tenant seulement sur les capitaux. On ne doit pas craindre de voir se reproduire de telles violations de tous les principes de justice et d'égalité.
Ce n'était pas assez d'indiquer clairement les objets sur lesquels devaient frapper ces oppositions; votre comité a senti qu'il fallait encore que la loi que vous porteriez, en déterminât la forme, la durée, les effets, et même la manière de procéder pour en faire prononcer la mainlevée : les articles qu'il m'a chargé de vous proposer, lui ont paru satisfaire à ces conditions.
Le premier concerne le dépôt de la signification au bureau pendant 24 heures et le visa à apposer avant que l'original soit rendu à l'huissier. Ces formalités imposent un léger assujettissement à l'officier ministériel qu'emploient les opposants ; mais elles sont indispensables pour prévenir des erreurs, des surprises, des fraudes mêmes qui ne seraient pas moins préjudiciables à l'intérêt des particuliers qu'à la chose publique. En adoptant cette mesure, votre comité s'est appuyé de l'exemple de l'Assemblée nationale constituante, qui en a fait une disposition expresse, à l'article 6 de son décret du 29 juillet dernier.
Les oppositions ainsi notifiées et enregistrées, les droits des créanciers opposants seront en sûreté; mais faudra-t-il que ces créanciers fas-
sent assigner par devant les tribunaux l'agent du Trésor public, pour obtenir une déclaration judi-cielle du montant des sommes dues au débiteur saisi? Cet agent deviendra-t-il partie nécessaire dans toutes les instances de mainlevée, dans toutes les discussions qui pourront s'élever entre plusieurs opposants? Que deviendront enfin les sommes saisies pendant le litige? Ces questions pnt successivement attiré l'attention du comité ; il a cherché les moyens de supprimer les lenteurs, les embarras, les frais de procédure et de djépôt, autant qu'il serait possible sans blesser les droits des tiers et sans gêner le cours des actions; il lui a paru qu'on pouvait atteindre ce but en imposant au commis conservateur l'obligation de déclarer dans le visa ce qui était dû au créancier saisi, en ordonnant que le visa tiendrait lieu d'affirmation, et que les sommes déclarées resteraient au Trésor public par forme de dépôt. Cette déclaration ainsi autorisée par la loi sera de même valeur que si elle eût été faite en justice; il n'y aura aucune difficulté pour la fournir, puisque l'opposant sera tenu d'indiquer spécifiquement l'objet, que le commis-conservateur aura sous la main les registres pour en faire la vérification, et que le Trésor public ne peut être débiteur que de sommes liquides. A l'égard du dépôt, on ne peut en indiquer d'autre que la caisse même du Trésor public, du moins jusqu'à ce. que les parties se soient conciliées pour faire passer les sommes déclarées entre les mains d'un autre séquestre, ou qu'il ait été ainsi or--donné par justice sur la demande de quelques-uns des intéressés. En leur réservant expressément cette faculté, on éloignera tout soupçon que les préposés à la garde du Trésor public puissent se promettre quelque avantage de la durée de ce dépôt, et le considérer comme étant à leur disposition.
L'établissement de ce bureau devant occasionner quelques dépenses, votre comité a examiné s'il ne convenait pas de les mettre à la charge de ceux qui en recueilleront le fruit, en assujettissant les actes qu'ils y présenteraient à un droit de visa, d'enregistrement ou d'expédition. Cette disposition aurait pu être fondée sur la nécessité de porter la plus sévère économie dans toutes les parties de l'Administration, et sur ce que ce droit ramené au niveau des frais indispensables, eût été sans doute trouvé modéré par la comparaison avec ceux qui étaient attribués aux officiers de la grande chancellerie. Mais il a considéré d'autre part que ce bureau n'aurait pas pour objet unique la conservation des droits des particuliers ; qu'il serait en même temps chargé d'autres fonctions essentielles à l'ordre général; que, malgré l'abolition du privilège qui réputait une partie de ces créances insaisissables, le nombre des oppositions, qui n'avait été jusqu'à ce jour, année commune, que d'environ 368, ne s'élèverait pas beaucoup plus haut; et
3ue pour le recouvrement d'une aussi faible in-
emnité, il ne fallait pas s'exposer à la voir dénoncer à l'opinion comme un impôt déguisé, comme une industrie fiscale, ce que le souvenir encore trop profond des derniers temps pourrait facilement accréditer.
Vous trouverez, Messieurs, dans le projet de décret dont je vais faire lecture, l'ensemble des dispositions dont je viens de développer les motifs:
« L'Assemblée nationale voulant pourvoir à ce qu'exigent le maintien de l'ordre et la régularité du service dans les opérations confiées aux
commissaires de la Trésorerie nationale, et déterminer les règles à suivre pour la conservation des saisies et oppositions sur les sommes qui s'acquittent directement au Trésor public;
« Apres avoir entendu le rapport de son comité de la Trésorerie nationale, et les trois lectures du projet de décret faites dans les séances des 26 novembre... et ... présent "mois, et arrêté qu'il en serait délibéré définitivement, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. 11 sera établi dans la Trésorerie nationale un
bureau chargé de l'exécution, tant dp décret du 21 septembre dernier, qui renvoie aux
commissaires ae la trésorerie la liquidatiou des offices supprimés antérieurement au premier
mai 1789, que de celui du 26 du même mois de septembre, qui charge ces commissaires de la
rectification des erreurs dans les titres des rentes perpétuelles, et de proposer à
l'Assemblée nationale la rectification des erreurs relatives aux rentes viagères.
« Art. 2. Le même bureau sera chargé de l'enregistrement et de la conservation des saisies et oppositions formées sur les sommes dues par l'Etat aux absents, conformément au décret du 29 juillet dernier, ainsi que sur les arrérages des pensions et secours pour la partie qui est déclarée saisissable par le décret du 18 août dernier.
« Art. 3. Les propriétaires des offices supprimés avant le premier mai 1789, seront tenus de fournir audit bureau leurs quittances de finance, contrats d'acquisition, provisions et autres titres de propriété ; et sur le vu de ces pièces, les commissaires de la Trésorerie procéderont aux-dites liquidations, conformément au décret du 21 septembre, et en ordonneront les remboursements dans les valeurs et proportions portées par les règlements à ce relatifs.
« Art. 4. En conséquence, lorsqu'un office devra être remboursé en quittances de finance, elles seront expédiées dans la même forme que celles précédemment délivrées, et le payement des intérêts sera fait par les payeurs des rentes; les offices payables comptant seront remboursés par la caisse de l'extraordinaire, à la charge par les propriétaires de remplir, dans l'un et 1 autre cas, les formalités prescrites.
« Art. 5. Les liquidations qui ne s'élèveraient pas à un capital de 400 livres, seront remboursables comptant, quoique, par la nature desdits offices, et les éaits ou arrêts portant leur suppression, elles eussent dû être remboursées en quittances de finance.
« Art. 6. Les créanciers autorisés par le décret du 29 juillet dernier, à poursuivre leur payement sur les sommes dues par l'Etat aux absents hors du royaume, pourront saisir entre les mains du préposé à la conservation des oppositions et saisies, établi près la Trésorerie nationale, ce qui est à payer à leurs débiteurs directement par le Trésor public ; mais leur payement ne pourra être effectué qu'après qu'ils auront rempli les conditions portées audit décret, qu'ils auront fait constater l'absence, et prononcer la validité de la saisie.
« Art. 7. Toute personne pourra s'opposer à saisir entre les mains du même conservateur les sommes qui doivent être acquittées directement au Trésor public, soit pour intérêts de finance de cautionnement et de prix d'acquisitions, soit pour fournitures, entreprises et travaux autres que ceux de charité.
« Art. 8. Il pourra de même être formé opposi-
tion et saisie au même bureau de conservation, de la moitié des arrérages pensions, secours' dons ou gratifications, autres néanmoins que les primes et encouragements pour le commerce, par les créanciers aesdits pensionnaires, Éhdés en titres, pour entretien, nourriture et logement, conformément au décret du 18 août dernier.
« Art. 9. Lors de la mort d'un créancier de l'Ëtat, tout ce qui sera dû à sa succession par la Trésorerie nationale, sera saisissable par ses créanciers, quel que soit le titre dudit créancier.
« Art. 10. Les saisies et oppositions ne pourront porter que sur les objets mentionnés aux articles précédents. Elles exprimeront clairement, outre les noms des. saisissants et opposants, les noms et qualités des parties prenantes, et l'objet saisi ou grevé d'opposition, faute de quoi elles seront regardées comme non-avenues.
« Art. 11. L'huissier chargé desdites saisies et oppositions sera tenu de déposer son exploit pendant 24 heures au bureau de la Trésorerie nationale pour y être enregistré et visé sans frais. Toutes saisies et oppositions non visées seront nulles.
« Art. 12. Le préposé à la conservation desdites saisies et oppositions sera tenu, en y inscrivant le visa, d'exprimer le montant des sommes dues par le Trésor public au débiteur saisi ; au moyen ae quoi le visa tiendra lieu d'affirmation, et les opposants pourront poursuivre la mainlevée sans qu'il soit besoin de nouvelle déclaration. Les sommes saisies resteront par forme de dépôt au Trésor public jusqu'à ladite mainlevée consentie, ou ordonnée par jugement, si mieux n'aiment lesdites( parties saisissantes convenir d'un autre séquestre ou le faire nommer par justice, auxquels cas la Trésorerie nationale en viderait' ses mains en celles du séquestre agréé, ou nommé à l'effet d'en fournir quittance comptable.
« Art. 13. Celles des saisies et oppositions qui frapperont soit sur les pensions et secours annuels, soit sur des objets que l'on comprend dans des états ordonnancés, seront, par le commis-conservateur des oppositions, notifiées aux payeurs de la Trésorerie qui les annoteront sur leurs registres d'immatriculés et sur lesditâ états. A l'égard des autres objets énoncés, articles 7 et 8, et payables sur des ordonnances particulières, ils ne seront acquittés par lesdits payeurs qu'après que ledit commis-conservateur aura mis sur lesdites ordonnances qu'il n'existe point d'opposition.
« Art. 14. Les oppositions qui pourraient avoir été formées entre les mains des conservateurs des finances et hypothèques sur les objets ci-dessus mentionnés, et qui s'acquittent directement au Trésor public, tiendront pendant deux mois à compter du jour de la publication du présent décret; et pendant ledit temps les parties prenantes ne pourront toucher qu'en rapportant desdits conservateurs un certificat de non-oppo-sition, dans les cas où elles étaient précédemment tenues d'en justifier. Lesdits deux mois expirés, les oppositions ne vaudront qu'autant qu elles seront formées au bureau établi près la Trésorerie nationale et dans les formes ci-dessus prescrites.
Art. 15. Les saisies et oppositions dont il s'agit n'auront d'effet que pendant 3 années, à compter de leurs dates.
Art. 16. Il sera délivré, aussi sans frais, par ledit commis-conservateur des extraits d'oppo-
sitions, à la charge par les requérants de fournir le papier timbré nécessaire.
Art. 17. Au moyen de ce que les pensions et secours sont déclarés saisissables pour moitié par les créanciers porteurs de titres de la nature de ceux indiqués par le décret du 18 août, le payement desdits pensionnaires ne pourra être suspendu par aucun ordre particulier : les ordres qui auraient pu être donnés précédemment par les ministres, en vertu de la déclaration du 7 janvier 1779, demeurent révoqués ; sauf aux créanciers desdits pensionnaires à se pourvoir, conformément au décret du 18 août dernier, et aux dispositions ci-dessus.
(L'Assemblée ajourne à samedi prochain la seconde lecture de ce projet de décret, et cependant ordonne l'impression et la distribution du rapport et du projet de décret.)
Plusieurs objets sont proposés pour être mis à l'ordre du jour.
(L'Assemblée accorde la priorité à la lecture d'une lettre des colonies.)
Un membre : Messieurs, voici l'extrait d'une lettre des capitaines de la marine marchande, dans la rade du Cap, qui m'est parvenue par des citoyens du Havre :
« Nous vous apprenons que, le 23 août 1791, les insurrections ont commencé dans tous les ateliers de la partie du Nord, de la manière la plus horrible...
Voix diverses : Nous connaissons cela, le renvoi au comité colonial ! L'ordre du jour !
La pièce qu'on veut lire est un procès-verbal des capitaines de navire au Cap : on veut en empêcher la lecture pour égarer l'Assemblée dans sa décision à cet égard. En renvoyant toujours les pièces au comité colonial, elle court risque d'être privée de grandes lumières si nécessaires dans une affaire enveloppée des plus épaisses ténèbres. Il est d'autant plus indispensable de prendre connaissance de cette pièce, qu'elle pourrait bien s'égarer au comité colonial, comme cela est arrivé pour un procès-verbal que l'on y a déposé et qui ne s'y trouve plus. Je demande qu'elle soit lue tout du long. (Oui! oui!)
L'Assemblée ordonne la lecture du procès-ver-bal ; il est ainsi conçu :
« Le 25, l'embargo a été mis sur tous les navires, tant français qu'étrangers. L'Assemblée Coloniale, qui ne tend à rien moins qu'à l'indépendance, a envoyé demander des secours à la Jamaïque et à la Nouvelle-Angleterre. Nous présumons tous que ses efforts seront infructueux; elle a, si nous osons le dire, levé l'étendard de la rébellioi*~en arborant la cocarde noire. Nous entendons dire partout que la colonie n'a pas besoin de la France, que d'elle sont découlés tous les malheurs auxquels elle est en proie, et qu'elle aura, pour la protéger, des puissances plus généreuses qu'elle.
« D après de pareilles instructions, et les horreurs qui nous entourent, nous avons cru qu'il était de notre devoir de faire connaître à la métropole les désastres de cette riche contrée.
« Manquant d'occasion pour parvenir à notre but, par l'embargo mis sur tous les bâtiments, nous avons ténu au Cap une assemblée générale de capitaines, pour aviser aux moyens à employer vis-à-vis de l'assemblée coloniale. Il a été décidé que l'on ferait à ce sénat inconstitutionnel, une pétition tendant à ce qu'il lui plût d'expédier au moins deux navires pour avertir la France de l'état où se trouve la colonie. Quatre
députés, pris parmi nous, se sont transportés au sein de l'assemblée provinciale, à laquelle ils ont présenté la pétition par écrit. Elle a approuvé notre demande par les signatures de ses président et secrétaires, et a nommé de suite deux commissaires pour accompagner nos députés auprès de l'assemblée générale qui, après une longue discussion, a arrêté qu'il n'y avait lieu à délibérer. Ce premier refus a excité notre indignation, et nous défiant de ces vues sinistres, nous n'avons pas cru devoir perdre courage, ni nous en tenir là. Dans une assemblée tenue , le 6 septembre, nous avons délibéré une adresse dont copie est ci-jointe. Nos sollicitations ont été portées et remises par deux commissaires nommés à cet effet, et auxquels on n'a pas fait l'honneur de les introduire, les ayant fait rester à la porte. Au milieu des applaudissements réitérés, ou leur a fait dire une seconde fois qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.
« Jugez, Messieurs, de l'excès de notre douleur, et de la marche odieuse de ce sénat. Toutes les affaires sont généralement interrompues, il ne faut plus parler de recouvrements : en un mot, cette assemblée coloniale paraît vouloir enfin mettre tout le tort de son côté : nous avons fait une nouvelle tentative auprès du gouvernement qui, ayant approuvé notre démarche, nous a promis que nos représentations seraient accueillies; mais nous avons appris le lendemain, que dans un comité secret, l'Assemblée lui avait accordé le départ de deux avisos. D'après l'énor-mité des maux qui assiègent cette malheureuse terre, jugez s'il est urgent que l'Assemblée nationale s'empresse de nous envoyer des secours. Employez, généreux Français, toute votre énergie pour le prompt départ des forces dont nous avons non seulement besoin pour secourir la colonie, mais pour empêcher qu'elle ne passe en d'autres mains, car c'est la notre unique crainte. Nous vous prions à mains jointes, nos chers compatriotes, d'accélérer les secours que nous demandons, et d'être persuadés de l'attachement avec lequel nous avons la faveur d'être, etc. ,
« Les Capitaines de la marine marchande. » (Suivent 50 signatures.)
Je demande que cette pièce, très intéressante, soit déposée aux archives pour servir de pièce de conviction, en cas de besoin.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité colonial !
(L'Assemblée ordonne le renvoi au comité colonial.)
Un membre fait la motion de reprendre la suite de la discussion sur les remplacements dans les emplois vacants de Varmèe.
Un autre membre demande que l'Assemblée s'occupe de Vorganisation définitive de la gendarmerie nationale.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la discussion sur les remplacements dans les emplois vacants de l'armée.)
Plusieurs membres réclament contre cette épreuve. L'épreuve est renouvelée. (L'Assemblée, consultée, confirme sa première décision.)
, dont le projet de décret a obtenu la priorité, est absent.
Je me plains de l'absence de
M. Jaueourt ; il semble qu'on veuille justifier la conduite du ministre de la guerre, et l'autoriser à placer à son gré ceux qui lui plaisent.
J'appuie les observations de M. Delacroix et je demande qu'en l'absence de M. Jaueourt, un membre du comité militaire donne lecture des articles de son projet de décret.
(L'Assemblée décide, qu'en l'absence de M. Jaueourt, les articles de son projet de décret seront lus par un membre du comité militaire (1).
(M. Albitte aîné est désigné pour remplir les fonctions de rapporteur.)
, rapvorteur. Après avoir adopté l'article 5, l'Assemblée était restée, lors de la dernière discussion, à l'article 3 du projet de M. Jaueourt, qui en conséquence, deviendrait l'article 6 et qui est ainsi conçu :
« Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale l'état des remplacements qu'il avait à faire jusqu'au 15 octobre dernier, et celui des remplacements faits jusqu'audit jour ; il lui fera parvenir aussi tous les 15 jours, la suite de ces remplacements. »
M. Basire proposa une autre rédaction qui fut ajournée et qui est ainsi conçue :
« Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale l'état nominatif ae tous les militaires qui ont abandonné leur poste sans congé ou démission, avec désignation du corps où ils servaient, du grade qu'ils occupaient, et de l'époque de leur départ ; il lui fera parvenir aussi l'état nominatif de ceux qui sont et seront admis au remplacement, avec la date de leur admission, et les originaux des certificats qu'ils ont produits. »
Il faut que l'Assemblée se décide pour savoir auquel des deux articles elle veut accorder la priorité.
Voici une rédaction : « Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale, l'état nominatif des officiers de toutes les armes, qui ont abandonné leurs régiments sans congé ou démission, avec désignation du corps où ils servaient, du grade qu'ils occupaient, et de l'époque de leur absence. Il lui fera parvenir également, l'état nominatif de ceux qui sont ou seront admis au remplacement, avec la date de leur nomination. »
Je demande la priorité pour le projet de M. Voisard, et voici ma raison : Par le projet de M. Voisard, on demande au ministre un état nominatif de tous les officiers qui ont quitté leur poste sans démission, et en même temps à quelle époque ces officiers ont quitté leur poste, et enfin quand les remplacements ont été faits. Le projet de M. Jaueourt tend uniquement à faire rendre compte du rempla-ment, et certainement je ne le crois pas suffisant. Une raison qui me détermine dans la préférence que je donne à celui de M. Voisard, c'est qu'il pourrait très bien arriver que si l'on ne vous rendait pas compte des officiers qui ont quitté, ceux qui auront fait le voyage a outreRhin, pourraient être réintégrés dans la place qu'ils occupaient auparavant (Applaudissements dans les tribunes.), et voilà la raison pour laquelle je demande que 1 état nominatif soit fourni.
J'appuie la rédaction de M. Voisard, mais je demande que l'état que le ministre fera passer à l'Assemblée, des remplacements qu'il a faits, porte seulement des remplacements faits jusqu'au 15 octobre dernier; car, ne vous y trompez pas, si le ministre avait eu le droit de procéder à ce remplacement depuis le 15 octobre, il serait bien inutile que vous prissiez la peine de faire un décret, car avant qu'il fût sanctionné, toutes places seraient donnees à des gens à sa disposition.
Vous avez fait un décret. Votre intention est d'en assurer l'exécution, et pour s'en assurer, il faut fixer l'époque à laquelle le ministre doit cesser de nommer aux places.
Plusieurs membres : C'est fait !
(Mathieu). Je parle contre la priorité demandée pour l'article de M. Voisard, et je veux prouver que la rédaction de M. Jaueourt
ments qu'avait à faire le ministre au 15 octobre, est réellement l'état nominal que l'on demande. De quoi s'agit-il? veut-on avoir un état nominal des officiers qui ont quitté sans démission? (Oui! oui!) Veut-on avoir un état motivé de la vacance de chaque place? (Oui! oui!) N'est-il pas suffisant à 1 Assemblée..... (Non! non!) Messieurs, si j'étais de l'avis des préopinants què j'ai écoutés parCe que c'était mon devoir, je ne serais pas monté a la tribune. Je demande à exposer mon opinion parce que je le dois et pour faire éclatér la vérité, et pour décharger ma conscience. (Murmures.) Oui, pour faire éclater la vérité... (Les murmures redoublent.)
L'Assemblée veut que toutes les places soient remplies à une telle époque, et qu'elles soient bien remplies. Pour y parvenir, il ne suffit pas que le ministre vous donne un état nominal des sujets par lesquels il aura remplacé ceux absents par démission, sans démission ou autrement. S'il y a des absents sans démission, ils doivent perdre leurs emplois, et ils doivent être, s'ils sont surpris dans quelques trames contre la nation, jugés suivant les lois. Or, d'une part, la dénonciation nominale qui vous sera faite, et que plusieurs membres ae cette Assemblée ont justement appelée une liste de proscription, ne, vous apprendra rien, si ce n'est que tels ou tels officiers ont été à Goblentz. (Murmures), ou d'un autre; côté, existent dans le royaume, sans avoir voulu joindre leurs corps. Par ce fait là, leurs places sont vacantes ; il faut qu'elles soient remplies, et c'est à cela qu'il faut uniquement s'attacher.
Maintenant, Messieurs, j'observe qu'il y a un autre motif pour lequel on demande cette liste ; c'est pour que, lorsque la revue rigoureuse se passera, aucun officier ne puisse être absent de son corps, et passer présent; or, cette dernière partie est parfaitement prévue., ce me semble, par les articles subséquents, et notamment par l'article 5. [J'appuie donc la rédaction de M. Jaueourt, et je demande la question préalable sur l'article de M. Voisard.
Il est absolument essentiel que le ministre fasse parvenir à l'Assemblée l'état nominatifs des officiers absents. Mais, Messieurs, qu'on ne vienne pas vous dire que c'est une liste de proscription, car l'Assemblée nationale constituante, par son décret du 13 juin,, avait décrété que le ministre ferait imprimer une
liste de tous les officiers qui auraient prêté le serment d'honneur et une liste particulière de ceux qui auraient refusé ce serment- Ainsi, il faut que sur la liste fournie par le ministre, on mette le nom et le grade des officiers qui ont quitté leurs drapeaux sans congé ou sans démission. Il faut encore qu'on donne la date de leur désertion, et je demande qu'on ajoute à mon amendement qui consiste à dire que le ministre enverra à l'Assemblée l'état des remplacements qui ont été faits jusqu'au 15 octobre dernier. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La priorité pour l'article de M. Voisard!
(L'Assemblée accorde la priorité à l'article de M. Voisard et décrète ensuite cet article avec l'amendement de M. Delacroix, sauf rédaction.)
Un membre : Je demande que l'on fixe le délai dans lequel le ministre sera tenu de remettre ces états.
Un membre : Il est d'autant plus instant que cette liste soit formée promptement, que je reçois à l'instant une lettre qui m apprend que dans le régiment d'Angoumois, en garnison a Bayonne, 36 grenadiers ayant 2 capitaines, chevaliers de Saint-Louis, à leur tête, ont déserté leurs drapeaux et sont allés je ne sais où-. Dans l'instant, M. Chabot, commandant dans le département, a donné ordre à la garde nationale de Pau de s'armer pour arrêter ces 36 grenadiers qui étaient partis avec armes et bagages; mais comme ils n'ont pas passé à Pau, on présume qu'ils ont pris la route dTEspagne.
Messieurs, ces grenadiers n'étaient pas Français.
(L'Assemblée décrète que le ministre fournira l'état sous 15 jours.)
Suit la teneur de l'article 6 (ancien article 3 du projet de M. Jaucourt) tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-vernal :
Art. 6.
« Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale, dans quinzaine, l'état nominatif des officiers de toutes les armes, qui ont abandonné leurs régiments sans congé ou démission, avec désignation du corps oft ils servaient, du grade qu'ils occupaient et de l'époque de leur absence.
« Le ministre de la guerre fera parvenir également, dans le même délai, l'état nominatif de ceux qui auront été admis aux remplacements qu'il a dû faire avant le 15 octobre dernier. »> (1)
(Mathieu). Avant de passer à l'article suivant, je demande à proposer à l'article 2 un
article additionnel qui me semble très nécessaire, et que l'Assemblée trouvera juste. Il
résulté des dispositions de l'article 11 du décret du 1er août, que de très anciens
lieutenants de cavalerie qui, comme vous le savez, avaient autrefois des avantages évidents
quand tous les avantages étaient acquis à une classe privilégiée, sont obligés de quitter
leur corps pour aller chercher de l'avancement dans d'autres régiments. Ces mêmes officiers
sont ceux qui. dans ces circons-
« Dans les troupes à cheval, le commandement des compagnies vacantes appartiendra aux plus anciens capitaines de remplacement ou de réforme; et dans le cas où ils seraient tous remplacés, aux plus anciens lieutenants. Les deux autres tiers, dans chaque régiment, appartiendront aux deux lieutenants en activité, 1 Assemblée nationale dérogeant, pour cette dernière disposition, à l'article 9 du décret du 1er août dernier. »
Je demande l'ajournement de cet article. Maintenant, il est question de faire un décret, et non pas de déroger à un décret.
jeune. L'article 10 du projet du comité militaire, auquel vous avez refusé la priorité, remplit les vues de M. Dumas. En conséquence, je demande qu'il soit adopté. Le voici :
« Dans les cas prévus par les articles 2, 3, 5, 6, 11 et 12 du décret du 1er août, les officiers de chaque régiment qui, par leur ancienneté, auront des droits au grade de lieutenant ou de capitaine obtiendront, ae préférence, lesdits emplois vacants dans les régiments où ils servent, »
(Mathieu). J'adopte.
Plusieurs membres : L'ajournement!
Vautres membres : La question préalable sur l'ajournement!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte l'ancien article 10 du projet du comité militaire, comme amendement à 1 article 2, précédemment décrété.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des articles 4 et 5 du projet de décret de M. Jaucourt, qui deviennent les articles 7 et 8, et qui sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :
Art. 7-
« Tout officier non employé, de quelque grade qu'il soit, ainsi que tout commissaire des guerres, ne pourra être employé à l'avenir, ni obtenir la décoration militaire ou toute autre récompense, si, dans le délai d'dn mois, à compter du jour dé la promulgation du présent décret, il ne s'est présenté devant la municipalité du lieu de la résidence, pour y prêter le serment civique. Il en sera dressé procès-vèrbal, et l'extrait en forme en sera par lui envoyé au ministre de la guerre. »
Art. 8.
« Au 15 janvier prochain, le ministre de la guerre enverra à l'Assemblée nationale un état nominatif des officiers de tout grade, et commissaires des guerres qui auront rempli, dans le délai prescrit, les formalités exigées par l'article ci-dessus. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture de l'article 6 du projet de M. Jaucourt, qui devient l'ar? ticle 9 et qui est ainsi conçu :
« Au 15 décembre de la présente année, il sera fait une revue générale de toutes les troupes composant l'armée française, dans les lieux de leurs garnisons respectives, depuis les officiers généraux jusqu'aux soldats inclusivement. »
{Mathieu). Je demande à faire une simple observation sur l'époque. Déjà quelque temps s'est écoulé depuis que l'Assemblée a délibéré sur le projet de décret : il est fort important que cette revue de rigueur, qui va enfin nous faire connaître notre armée, soit passée tout à la fois dans toutes les divisions militaires; et comme le 15 décembre est une époque trop rapprochée, je demande qu'on la fixe au 15 janvier.
Non, il faut mettre: du premier au 16 janvier toutes les revues, etc.
(Mathieu). J'adopte.
(L'Assemblée adopte l'article avec l'amendement de M. Delacroix.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 7 du projet de M. Jaucourt, qui devient l'article 10, et qui est ainsi conçu :
« Cette revue sera passée par les commissaires des guerres, lesquels seront tenus d'en dresser deux procès-verbaux. Tous deux seront si-: gnés par lesdits commissaires et par tous les officiers présents au corps, sans que lesdits procès procès-verbaux puissent servir à aucun payement. »
Je demande pour amendement, que pour cette fois seulement, la revue soit passée en présence de deux officiers municipaux, qui signeront les procès-verbaux de revue. (Murmures dans une partie de VAssemblée. — Applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres : La question préalable !
L'amendement de M. Delacroix est d'autant plus nécessaire, que si vous ne l'adoptez pas, la mesure deviendra illusoire (Murmures.) ; les signatures qui vous seront présentées ne seront attestées par personne. Si cette revue n'est pas certifiée par les officiers municipaux, il est possible que les signatures que l'on vous transmettra ne soient pas de véritables signatures, par la raison que de nos villes frontières il n'y a qu'une très petite distance jusqu'à Coblentz et autres endroits ; ainsi je soutiens qu'il est essentiel que leur présence soit constatée par les magistrats du peuple.
lia été un temps où le mélange de l'autorité civile et de l'autorité militaire pouvait servir la patrie ; c'était celui où la révolution n'était pas finie ; mais aujourd'hui que vous voulez le rétablissement de la discipline de l'armée, la présence de deux officiers municipaux rappellerait encore à la mémoire des soldats qu'il leur est facile de recourir à l'autorité civile, tandis que, d'après vos lois, c'est au moins une formalité inutile; dans ce cas, la question préalable doit en faire justice.
Je suis bien loin de soupçonner la bonne foi de personne, cependant, comme il est nécessaire que dans ce .moment-ci l'Assemblée nationale prenne tous les moyens qui pourront convaincre que la revue est passée avec la dernière exactitude, j'appuie la motion de M. Delacroix (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Puisque la revue est extraor-
dinaire, il est inutile de mettre : « pour cette fois seulement » dans la rédaction de l'amendement.
J'adopte.
(Mathieu). Je demande à être entendu (Non! non!). Monsieur le Président, mettez aux voix si je serai entendu.
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Dumas sera entendu.)
(Mathieu). Si la loi qui prohibe l'intervention des fonctions civiles dans les autorités et les fonctions militaires existe, elle doit être conservée soigneusement, et exécutée dans ce moment, parce qu'on ne viole pas la Constitution pour une fois. J'ajoute à cela qu'il est important de donner à l'attestation des chefs de farinée, toute la valeur qu'elle doit avoir. Il semble, par la rédaction même de l'article, que c'est devant les commissaires des guerres que la revue doit être passée, et que ces seuls commissaires en sont responsables. Eh bien, Messieurs, ce sont les chefs de l'armée, parmi lesquels il y a une responsabilité hiérarchique qui doit suffire à la nation ; car si cette responsabilité ne lui suffit pas dans cette circonstance, elle ne lui suffira jamais.
Malheureusement.
(Mathieu). Il est sans doute étonnant que quand vous confiez le sort de vos armes, le sort d'une bataille, le sort de la Constitution au général, vous ne lui confiez point la clôture d'une revue de rigueur : et qui, plus que lui, est engagé à s'assurer que son armée est composée de fidèles officiers et de fidèles soldats. (Exclamations et murmures.)
Plusieurs membres: Bouillé aussi faisait des revues !
(Mathieu). Si cette responsabilité ne vous suffit pas, si une turbulente méfiance environne toujours les chefs de l'armée et ceux à qui vous confiez le sort de la patrie et la défense de la Constitution, vous prenez des précautions vaines ; ce n'est pas la présence de deux officiers municipaux qui vous donnera une responsabilité plus grande que celle des généraux qui répondent sur leur tete et de la défense du royaume et des instruments que vous y employez. Quoi, Messieurs, vos gardes nationales, sorties de leurs foyers pour vous défendre, sont sous les ordres de ces mêmes officiers généraux ; c'est en eux que vous avez placé votre confiance, et vous ne voulez pas que leur signature garantisse une revue ! (Murmures.) Eh bien, Messieurs, je regarde cette mesure comme très impolitique, comme tendant à ébranler à la fois, et la confiance de la nation et celle de l'armée; et je demande la question préalable sur l'amendement. (Murmures.)
Un membre-. Je demande la parole contre la question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décrète que ce membre sera entendu.)
Le membre qui a demandé la parole : Je ne répondrai pas aux vaines déclamations du préopinant. Ce n'est pas sur l'armée que nous avons des méfiances. Il s'agit ici de la revue faite par deux commissaires, qui ne sont certainement pas de l'armée; et ces aeux commissaires peuvent très bien, quoique je ne le suppose pas, préva-riquer dans le devoir de leur charge. En conséquence, je demande que cette même revue soit faite en présence de deux officiers municipaux.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu
à délibérer sur l'amendement de M. Delacroix, et l'adopte.)
L'Assemblée décrète ensuite l'article 10, avec l'amendement, ainsi qu'il suit:
Art. 10.
« Cette revue sera passée par les commissaires des guerres, en présence des officiers municipaux, qui signeront les procès-verbaux de revue, ainsi que lesdits commissaires et tous les officiers présents au corps, sans que lesdits procès-verbaux puissent servir à aucun payement. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 8 du projet de décret de M. Jaucourt, qui devient l'article 11, et qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 11.
« Ces procès-verbaux seront adressés au ministre de la guerre par les commissaires des guerres, au plus tard nuit jours après la revue; et ce, sous peine de destitution. Le ministre de la guerre les remettra à l'Assemblée nationale le 1er février au plus tard. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 9 du projet de décret de M. Jaucourt, qui devient l'article 12, et qui est ainsi conçu :
« Tout officier absent de son corps, lors de ladite revue, qui ne justifiera pas d'un congé, sera destitué de son emploi, par le fait même de son absence, sans qu'il puisse prétendre à aucune pension, quelle que soit son ancienneté. »
Cet article ne peut se concilier avec une loi qui a été admise généralement par l'Assemblée nationale. En traitant la question des émigrés, vous avez, par un article particulier, décrété formellement que tout officier qui quitterait son poste sans congé serait réputé déserteur et puni comme le soldat déserteur. Or, je dis que l'officier qui sera absent sans congé lors de la revue, doit, aux termes de votre décret, être regardé et puni comme déserteur.
Plusieurs membres : La question préalable !
On ne peut mettre cette motion aux voix, parce qu'elle est inconstitutionnelle et je vais vous le prouver. Le décret que yous avez rendu sur les émigrants porte que tous les officiers qui déserteraient leur poste seraient punis des mêmes peines que les soldats déserteurs. Il a été soumis à la sanction, mais la sanction a été refusée. Par conséquent, vous ne pouvez le reproduire, aux termes de l'article 5, section III, chapitre III, titre III de la Constitution.
* (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Thuriot et adopte l'article 12.)
Je propose l'article additionnel suivant :
« Tout citoyen, ou fils de citoyen, à compter du 1er octobre dernier, ne pourra être sous-lieu-tenant dans l'armée s'il ne fournit deux certificats : le premier signé par la majorité du conseil général de la commune, et le second par la majorité des officiers et sous-officiers de la troupe de la garde nationale dans laquelle il aura pris les armes, depuis la Révolution ; le certificat de la garde nationale devra aussi être signé par deux officiers de son état-major, dans les communes où il y en aura. »
Je ne crois pas qu'on puisse assujettir les citoyens à des certificats de patriotisme. (Murmures.) Je m'explique ; je ne crois pas qu'on soit nécessairement patriot^ parce que l'on a un certificat ; et si je voulais citer des exemples, il s'en présenterait une foule à ma mémoire. Il pourrait arriver qu'un garde national très patriote, un citoyen excellent, serait dans une commune dont les officiers seraient aristocrates ; ainsi son avancement ne peut pas dépendre d'un certificat, que l'on peut ou lui donner, ou lui refuser, Messieurs, les preuves de patriotisme nous appartiennent ; les certificats des municipalités ne peuvent pas nous faire patriotes. Je demande, par ce motif, la question préalable sur l'amendement de M. Voi-sard.
Je propose la rédaction suivante:
« Aucun citoyen actif, ou fils de citoyen actif, ne pourra être nommé sous-lieutenant dans l'armée, à compter du 15 octobre dernier, s'il ne fournit un certificat de la majorité des sous-officiers et officiers de la garde nationale, dans la compagnie où il aura pris les armes pour la Révolution.
« Ce certificat sera visé par les officiers de l'état-major, dans les villes où il y en a, et par les municipalités ; et il attestera que lesdits citoyens ont fait un service actif et continu dans la garde nationale, depuis le 1er janvier 1790 jusqu'à la promulgation du présent décret, et qu'ils y ont prouvé leur attachement pour la Constitution. »
Un membre propose une troisième rédaction.
Plusieurs membres : La priorité pour l'article de M. Delmas !
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à l'article de M. Delmas, et l'adopte sauf rédaction.)
On exige pour ceux qui se présenteront dans les troupes de ligne, un certificat des officiers et sous-officiers de la garde nationale. Je mets en fait que hors du temps de service, les officiers et sous-officiers des gardes nationales ne doivent pas être distingués entre eux et les soldats. Si vous exigez un certificat, je demande que ce certificat soit signé par la majorité des soldats de la compagnie. Je propose en conséquence l'amendement suivant a l'article que vous venez de décréter :
« Tout sujet qui se présentera pour être admis à un emploi vacant dans l'armée, sera tenu de produire un certificat, visé par l'état-major, qui constate qu'il a réuni la majorité des suffrages de la compagnie à laquelle il se trouvera attaché. »
(L'Assemblée, consultée, adopte l'amendement.)
Suit la teneur de cet article additionnel avec l'amendement, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« Nul ne pourra, à compter du 15 octobre dernier, obtenir son remplacement dans l'armée, ni être nommé à aucune des sous-lieutenances accordées par le présent décret aux gardes nationales du royaume, s'il ne produit un certificat, attestant qu il a fait dans la garde nationale un service personnel et continu depuis le premier janvier 1790, jusqu'à ce jour; qu'il y a été soumis aux autorités constituées, et qu'il y a prouvé son attachement à la Constitution.
« Cette attestation, pour être valable, devra être signée par les officiers municipaux de sa commune, par l'état-major de la garde nationale, dans les lieux où il y en aura, et par la
majorité des officiers, sous-officiers et gardes nationaux de la compagnie, dans laquelle il fait actuellement son service. »
Un membre : Je fais la motion de décréter que le décret sera porté demain à la sanction du roi. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée décide que le décret sur le remplacement aux emplois vacants dans l'armée sera porté demain à la sanction du roi.) (La séance est levée à dix heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
OBSERVATIONS (1) sur le projet de décret présenté à VAssemblée nationale, le 26 novembre 1791, au nom du comité de la Trésorerie nationale, concernant rétablissement d'un BUREAU POUR LA LIQUIDATION DES OFFICES SUPPRIMÉS antérieurement au 1er mai 1789 (2).
Messieurs,
Un décret de l'Assemblée constituante, en date du 21 septembre 1791, a distrait du travail du commissaire-liquidateur les offices dont il s'agit, pour en commettre la continuation à MM. les commissaires de la Trésorerie. Voici les termes du décret : « Que la liquidation en sera parachevée par les commissaires de la Trésorerie, et le remboursement opéré' dans les valeurs et proportions quant aux capitaux et intérêts résultant des règlements à ce relatifs. »
Deux dispositions sont très distinctes dans cette loi :
L'une relative à la « liquidation », et l'autre relative au « remboursement ».
Celle relative à la liquidation, commet les commissaires de la Trésorerie pour la parachever et ne prononce rien de plus : ainsi, elle laisse subsister en leur entier et sans nulle modification, les bases adoptées par l'Assemblée constituante ; ainsi elle veut que les bases qu'elle a tracées pour le travail du commissaire-liquidateur soient suivies par les commissaires de la Trésorerie dans celui qu'elle leur confie.
Et quelles sont ces bases? L'édit de février 1771, ce traité authentique et sacré entre le souverain, aujourd'hui la nation, et les titulaires d'offices, sur la foi duquel ils ont acquitté annuellement le centième denier de leurs évaluations, et les droits de marc d'or et accessoires à chaque mutation, ce traité qui a fondé la confiance des créanciers légitimes qui leur ont prêté des capitaux plus ou moins considérables sur le montant de ces évaluations ; ce traité enfin, sur l'exécution duquel devaient reposer les engagements les plus solennels de la société, comme douaire, dot, et autres stipulations matrimoniales : ces bases sont encore dans les lettres patentes de 1780, qui ont textuellement confirmé les dispositions du même édit de 1773; en un mot, fon-
dées en principes de droit comme en justice : telles sont les bases de liquidations que l'Assemblée constituante à consacrées irrévocablement.
Quant à la deuxième disposition de la loi du 21 septembre 1791, elle est claire et précise, et ne s'applique qu'au remboursement à faire par les commissaires de la Trésorerie des offices dont il s'agit ; et, à cet égard, elle veut que ce remboursement soit opéré dans les valeurs et proportions, quant aux capitaux et intérêts résultant des règlements à ce relatifs.
Ainsi, ce qui résulte de cette deuxième disposition c'est que l'Assemblée nationale n'a rien voulu changer au mode adopté par les règlements pour le remboursement de ces offices.
Mais quels sont ces règlements? Le projet de décret les explique parfaitement bien ; et il en résulte que tels offices devant être, en conséquence des lois de leur suppression, remboursés partie en quittances de finances, partie en argent ou tout en quittances de finances, avec telle retenue ou sans retenue, seront remboursés de la même manière, et non pas en espèces, comme les offices supprimés depuis le 1" mai 1791. . ;
Rien de plus évident, qu'on doit entendre ainsi le sens de cette deuxième disposition de la loi du 21 septembre 1791. Rien de plus clair, et Certes le projet du nouveau décret concernant les mêmes offices, ne l'est pas moins dans ses deux dispositions.
Comme la loi du 21 septembre 1791, ce projet distingue en effet la liquidation d'avec le remboursement : la liquidation, comme une première opération à faire par les agents indiqués par cette loi, et conformément à ce décret; et le remboursement comme une seconde opération qui doit avoir pour bases les règlements à ce relatifs, c'est-à-dire ceux développés par l'article 4 dudit projet.
Ainsi, bases à suivre pour la liquidation, bien distinctes de celle à suivre pour le remboursement :
Pour la liquidation, la loi de février 1771, consacrée par les décrets de l'Assemblée constituante ; et pour le remboursement, les règlements expliqués par l'article 4 du projet.
Mais quelque clairs que paraissent les termes de la loi du 21 septembre rapportés dans le projet, trop concis cependant, ne semblent-ils pas susceptibles de présenter quelques doutes aux agents de son exécution ? Et le plus léger doute à l'aspect d'une stricte responsabilité ne peut-il pas entraîner des retards d'un préjudice incalculable pour plusieurs citoyens qui depuis trop longtemps souffrent, dans l'attente d'un remboursement jusqu'ici retardé à l'égard d'un grand nombre, par différentes inconstances, ou peut-être, par les injustices de l'ancien régime ?
Dans le fait, le mode de liquidation que présente naturellement la première disposition du décret, n'y est que sous-entendu et comme moralement prescrit. La distinction de celui du remboursement ordonné dans la seconde y est bien caractérisée ; mais la raison seule, avec un sentiment profond de la justice de l'Assemblée constituante, peut fixer le sens de la première, et faire trouver dans le mot parachever les bases sur lesquelles le travail des commissaires de la Trésorerie doit être continué.
Sans doute que MM. les commissaires de la Trésorerie ne pourraient non plus entendre autrement cette première disposition, et n'y pas voir les mêmes bases tracées par le commissaire-li-
quidateur par tous les décrets antérieurs de 1 Assemblée constituante : et ne serait-ce pas la calomnier que de lui supposer à l'égard des offices supprimés sous l'ancien régime, et dont quelques titulaires auraient eu le courage de résister à ses abus oppressifs, une déviation de ses principes de justice, de ces principes qui ont mis sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté de la nation les créanciers de l'Etat, et spécialement l'exécution de la loi de 1771, et des lettres patentes de 1780, en faveur de tous les propriétaires qui ont loyalement satisfait à ces deux lois ?
Et, sans doute, nouveaux les agents de cette liquidation ne pourraient que repousser eux-mêmes avec indignation toute idée d'un autre mode ; et qui pourrait encore sous le régime de la liberté, sans se pénétrer de ce sentiment, se rappeler les usages odieux d'une administration perverse qui, déshonorant le trône, avait appelé autour de lui toutes les vengeances ?
Mais encore convient-il à leur délicatesse de pouvoir marcher avec assurance, de ne point dépasser le cercle de là loi; et pourraient-ils ne pas être arrêtés par exemple sur le fait de quelques années de centième denier, expirées depuis la loi de suppression, de quelques titulaires qui en avaient acquitté le rachat en exécution des lettres patentes de 1780 ?
Et d ailleurs l'Assemblée constituante elle-même, en décrétant des suppressions, après l'expiration des huit années acquittées depuis 1780, aurait elle pu, sans avoir encore pris connaissance de l'arriéré, penser qu'il y eût à cette époque des propriétaires qui les eussent acquittées sans jouir de leurs offices ?
L'Assemblée constituante n'a donc pu, dans son décret du 21 septembre, s'occuper de ce cas particulier ; et comment MM. de la Trésorerie pourraient-ils liquider le remboursement de ces années, sans jouissance, s'ils n'y sont spécialement autorisés !
Pour qu'une loi puisse faire jouir promptement de ses bienfaits ceux qu'elle concerne, il faut qu'elle prévienne le plus léger doute.
Et la loi projetée n'aurait point complètement cet avantage, si elle ne pouvait écarter jusqu'à l'ombre de ceux que l'on vient d'exposer ici.
Peut-être que pour les dissiper, après les mots du troisième article du projet: «les commissaires de la Trésorerie procéderont aux dites liquidations, conformément au décret du 21 septembre », ceux-ci : « Et aux bases consacrées par les décrets antérieurs » pourraient suffire.
Mais on prend ici la liberté de proposer un amendement que l'on croit pouvoir prévenir toutes difficultés :
« Quant aux offices soumis à l'évaluation prescrite par l'édit de février 1771, et dont le remboursement aux termes de la loi du 21 septembre 1791, doit être opéré de la manière prescrite par les édits de suppression, l'Assemblée nationale décrète qu'ils soient liquidés, d'après les bases consacrées et posées par les décrets antérieurs à là loi du 21 septembre 1791, et que les intérêts du montant des évaluations seront payés par la caisse de l'extraordinaire aux propriétaires desdits offices, à compter du jour que les gages y attribués auront cessé d'être employés dans les états du roi, sauf la déduction des retenues fixées par les lois de suppression des offices dont il s'agit, et qu'il leur sera remboursé par la même caisse le montant des années de centième denier, échues postérieurement à la
suppression de leurs offices, et qui, par l'effet du rachat fait en exécution des lettres patentes de 1780, se trouvent avoir été payées à l'avance. »
Séance du
présidence de m. lacépède, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 26 novembre, au matin.
, secrétaire, fait lecture d'une notice abrégée des lettres, adresses et pétitions, envoyées à VAssemblée : elles ont été renvoyées .aux divers comités qui doivent en connaître et qui ont été chargés d'en faire le rapport;
1° Pétition des comédiens des spectacles de Lyon, Marseille, Rouen, Nantes, Brest, Toulouse, Montpellier, Strasbourg, Lille, Metz, Dunkerque, Orléans et Grenoble qui réclament contre les décrets rendus en faveur des auteurs dramatiques et demandent qu'ils ne puissent exiger aucune rétribution sur les pièces imprimées et gravées,
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité d'instruction publique.)
2° Pétition du sieur Dubois qui demande la décoration militaire, et l'emploi en récompense de ses servicès.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
3° Lettre du sieur Regnier, qui présente des vues d'utilité publique sur les hôpitaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des secours publics.)
4° Lettre du sieur Maurat, qui présente un mémoire relatif au mode à adopter pour constater les naissances, morts et mariages.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de législation.)
5° Lettre de M. Tarbé, qui remet une lettre du directoire du département de la Moselle, accompagnée de deux mémoires tendant a obtenir la faculté d'exporter, comme par le passé, de la mine de fer a la destination du pays de Luxembourg.
(L'Assemblée renvoie ces pièces aux comités d'agriculture et de commerce.)
6° Lettre des officiers municipaux de Caen, qui remettent une suite des délibérations qui ont été prises relativement aux événements arrivés en cette ville le 5 de ce mois ; ils promettent de faire parvenir incessamment le surplus de la procédure.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)
7° Pétition des artistes non académiciens, qui demandent que l'Assemblée veuille bien entendre le rapport du comité d'instruction publique, relatif à la répartition des travaux d'encouragement accordés par le Corps constituant.
(L'Assemblée décrète que ce rapport sera entendu mardi soir.)
8° Pétition du sieur Dugas, qui offre à l'Assemblée six volumes formant la suite de la collection des décrets du Corps constituant, et demande d'être autorisé à continuer la collection des décrets de l'Assemblée législative, avec per-
mission de prendre copie des décrets sur les procès-verbaux.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du don offert par M. Dugas et renvoie sa pétition au comité des décrets.)
9° Lettre du sieur J.-L. Bourdon, qui fait hommage à l'Assemblée de divers mémoires conten-nant un projet d'organisation pour le commerce des grains.
(L'Assemblée renvoie ces mémoires au comité des finances.)
10° Lettre ae M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui remet à l'Assemblée les pièces relatives à remplacement de l'administration du district de Saumur.
(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités des domaines et de division réunis.)
11° Deux lettres de M. Delessart, ministre de l'intérieur, et une pétition relative à des difficultés élevées sur des élections de membres de quelques corps administratifs.
(L'Assemblée renvoie ces trois pièces au comité de division.)
12° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur j relative à l'établissement du séminaire de Douai, composé de deux séminaires réunis, dont un n'est fondé que pour des étrangers, et à la-tête duquel le supérieur demande a rester sans être obligé de prêter serment.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités diplomatique et d'instruction publique réunis.)
13° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui remet une lettre du directoire du département des Basses-Pyrénées, avec un procès-verbal de l'apposition des scellés sur les greffes et dépôts de la chambre des comptes ci-aevant attachée au parlement de Pau.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
14° Lettre du procureur général syndic du département de l'Hérault, renfermant une pétition de la municipalité de Montpellier, qui demande que les préposés au recouvrement des impositions et autres droits publics soient autorisés à établir garnison militaire chez les redevables, jusqu'au parfait payement de leurs parcelles, sans préjudice des voies indiquées par la loi.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des contributions publiques.)
15° Adresse des administrateurs du département de l'Aisne, dans laquelle ils félicitent l'Assemblée nationale d'avoir porté une loi qui prouve son courage ; ils applaudissent aussi au dernier acte par lequel le vertueux Louis XVI a attesté sa liberté, sa bonne foi, son amour pour la Constitution, et ils pensent d'après cela qu'on ne doit pas craindre que la liberté et la Constitution ne soient maintenues.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
16° Adresse du département de la Meurthe, qui demande une loi sur les mariages mixtes.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)
17° Lettre des membres du bureau de paix de Reims, relative à des réclamations faites par divers ouvriers.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
18° Pétition des officiers suisses au service de la France, qui demandent une indemnité pour
les franchises dont ils jouissaient, et dont ils seront privés par le nouveau mode d'imposition. Ils observent que les traités leur assuraient l'affranchissement de toute imposition, et que sur cette espérance ils ont acquis de grands biens. Les privilèges ont été détruits, et les droits des Suisses, qui en différaient essentiellement, ont subi la même suppression malgré la garantie sacrée que les privilégiés n'avaient point à faire valoir comme eux. Les Suisses réclament auprès de l'Assemblée des droits et non des privilèges ; ils attendent avec soumission et respect les égards qu'elle aura pour leur juste réclamation.
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités militaire et des contributions publiques réunis.)
19° Adresse de plusieurs citoyens de Blois qui félicitent l'Assemblée du décret qu'elle a rendu contre les émigrants : cette adresse est ainsi conçue :
« Le
« Législateurs, la Perse, l'Egypte et la Grèce même ne sont longtemps demeurées libres que par la sagesse et la rigueur de leurs lois. Celle que vous venez de porter sur cette horde d'émigrants, conspirateurs désespérés, se couvrant d'opprobre et d'infamie, s'efforçant de porter les horreurs de la guerre dans leur patrie qui, les ayant engendrés dans un siècle de fer, dans des jours de malheurs et de malédiction, s'obstinait à les aimer avec tendresse, et à les protéger avec bonté, à s'épuiser pour eux en largesse dont ces monstres se faisaient criminellement une arme terrible pour déchirer le sein qui les avait portés et nourris, et pour lui donner la mort. Oui, législateurs, la terreur dont vous venez de frapper ces ennemis fixe à jamais notre incertitude sur la confiance que nous vous avons donnée.
« Jusque-là, nous étions dans l'attente ; mais aujourd'hui nous vous proclamons dignes de représenter un grand peuple. Ce mouvement de force et d'énergie, cet amour de bonheur, ce plan de courage au milieu des furieux qui vous entourent, deviennent les principes de votre immortalité, et nous invitent à tout espérer de ces vertus morales qui établissent votre caractère dans l'opinion publique. Elles deviennent pour l'Empire français 1 augure de la félicité, le garant de la liberté reconquise à tant dé frais, de troubles et de privations.
« Responsables de ce bien suprême, vous l'assurerez sans doute par tous les moyens qui vous sont confiés, autrement vos premières mesures ne seraient qu'une chimère qui noterait vos décrets de nullité, laquelle, s'étendant nécessairement sur vos personnes, anéantirait le pouvoir national dont vous avez juré de maintenir la réalité. Dignes législateurs, les citoyens de Blois n'oublieront jamais ce qu'ils vous doivent, leur attachement pour vous est aussi respectueux qu'inviolable. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
20° Lettre de M. Sirey, vicaire du département de la Dordogne, qui demande que les paroisses aient la faculté de nommer leurs pasteurs, parmi les laïques, conformément à l'usage primitif de l'Eglise, et sauf l'ordination de l évêque; cette lettre est ainsi conçue :
« Messieurs,
« C'est un fait commun à tous les départements et qu'il vous est aisé de vérifier. Les séminaires se garnissent presque exclusivement de laboureurs qui abandonnent le hoyau, d'artistes qui désertent leurs ateliers, de bras cassés qui ont couru le monde, d'hommes immoraux que rejette l'ordre civil. Presque tous les jeunes gens qui ont reçu, dès le bas âge, une éducation soignée, sont écartés de l'état ecclésiastique. Les Uns, parce qu'ils appartiennent à une classe ennemie du nouveau régime; d'autres, par déférence pour une autorité qu'on leur apprit à respecter et qu'ils ne savent pas apprécier ; d'autres encore, parce qu'ils n'osent se confier dans la stabilité du régime actuel; d'autres enfin, parce qu'ils croient que les erreurs de la superstition et les attentats du fanatisme ont flétri et déshonoré le sacerdoce.
« Aussi, la pénurie des candidats est grande, il faut ou ne faire presque point de prêtres, ou n'être pas difficile sur le choix. Si donc les chefs des ministres du culte sont enclins à remplacer au plus tôt les prêtres non-sermentés par des sujets qui leur sont dévoués ; si le cri même des paroisses leur en fait presque un devoir, les campagnes vont être remplies de prêtres ignorants et sans mœurs, qui ne sauront que haïr et maudire le laïque aristocrate et l'ecclésiastique insermenté.
« Législateurs, si vous croyez utile d'étayer vos lois de la sanction du ciel, avez des prêtres qui inspirent de la confiance. Si vous voulez bannir l'ignorance des campagnes, procurez-leur des curés instruits. Si vous voulez que le bon paysan arrive au bonheur par la vertu, proposez à son institution des hommes de mœurs pures. (Applaudissements.) Mais comment les campagnes pourront-elles avoir de tels curés? Sera-ce en les choisissant parmi tous les prêtres du diocèse, ainsi que le porte la constitution civile du clergé? Non, tous les prêtres assermentés ne suffisent pas pour remplir les cures vacantes. Il est donc, et il sera longtemps impossible de choisir. Qu'importe, d'ailleurs, de ne pouvoir choisir dans la totalité des prêtres, si la masse ne peut être pure?
« Je penserai, Messieurs, que le peuple de chaque village doit être autorisé à se choisir un curé parmi tous les braves citoyens qu'il connaîtra, même parmi les laïques au-dessus de 30 ans (Applaudissements), saur à l'évêque à les ordonner ensuite. Tel était l'usage primitif de l'Eglise, même pour les évêques, dans les beaux siècles de la religion ; l'état ae prêtre n'était pas un métier. On était élevé au sacerdoce par la confiance du peuple. On né l'exerçait que pour son édification. Que les curés, que les vicaires soient choisis sur la totalité des citoyens, et alors il sera possible que tous, ou le plus grand nombre, soient des hommes de mérite; alors même toutes les paroisses pourront aisément en être pourvues, alors encore chaque commune pourra jouir complètement du droit naturel, garanti par la Constitution, d'exercer le culte auquel elle sera attachée et d'en élire le ministre. Alors enfin, et le point est important, il vous sera possible, il vous sera utile de confier aux ministres de la religion l'instruction civile que vous préparez aux campagnes. (Applaudissements.)
« Le moyen que je vous propose, Messieurs, peut faire naître quelques mouvements relativement aux évêques et relativement à l'opinion ; mais vous trouverez sans doute, dans les évê-
ques constitutionnels, la plus grande déférence pour ce qui est bon à l'état et permis par la religion : quant à l'opinion, vous pouvez la mûrir ; la confiance publique vous environne.
« Représentants de la nation, vos preuves sont faites; je vous honore et je vous affectionne de tout mon cœur.
(Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 26 novembre au soir.
(La lecture de ce procès-verbal donne lieu à une légère discussion sur la rédaction d'un des articles décrétés sur le remplacement aux emplois vacants dans l'armée.)
, secrétaire, donne lecture :
1° D'une adresse de M. Philippeaux, vice-président du district du Mans, qui l'ait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Projet de législation civile.
(L'Assemblée accepte cet ouvrage et en renvoie l'examen au comité de législation.)
2° D'une lettre de M. Louis Amable Lacroix, ci-devant frère laix récollet, qui demande que sa pension de 300 livres lui soit conservée après le mariage qu'il est près de contracter.
Un membre : Je demande qu'on passe à l'ordre du jour; aucune loi n'empêche la continuation du payement des religieux et ecclésiastiques qui sont dans le cas du pétitionnaire.
Oui,en le motivant. (Non! non!)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de légistation fait un rapport sur la pétition des dames Morin et Delattre, renvoyée hier matin (1) au comité de législation et tendant à obtenir la faculté de voir et d'entretenir, dans la prison de l'Abbaye, le sieur Delattre, leur gendre et leur époux ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, dans votre séance du 24 de ce mois, vous avez prononcé un décret d'accusation contre le sieur Delattre, prévenu du crime de lèse-nation. En exécution de ce décret, le sieur Delattre a été conduit à l'Abbaye, les scellés ont été mis sur ses papiers. Une mère, âgée de 92 ans, une femme, accablée par la douleur et les infirmités, privées, l'une d'un fils, l'autre d'un époux, toutes deux prêtes à succomber au désespoir, vous demandent la faveur de voir, d'entretenir le sieur Delattre. Des motifs puissants sollicitent en leur faveur. Les poursuites de créanciers inhumains qui saisissent le moment de la captivité de M. Delattre, le dérangementde ses affaires, l'ignorance de deux femmes à qui elles sont étrangères, tout se réunit pour attendrir les cœurs sensibles. La nécessité de concilier les sentiments d'humanité et de commisération avec la sévère justice, vous a déterminés à renvoyer cette pétition au comité de législation pour examiner s'il vous était permis de céder à l'émotion qu'elle avait excitée parmi vous.
Votre comité a dû considérer la question contenue en cette pétition dans tous les rapports
qu'elle peut avoir, soit avec la sévérité des règles dont le maintien importe essentiellement
à la tranquillité et à la sûreté publique, soit avec les
En s'attachant à cette première considération, votre comité a dû regretter que le temps ne lui ait pas permis de fixer votre attention sur les dispositions qui doivent compléter les lois relatives à la poursuite des accusés traduits devant la haute cour nationale.
Votre comité a vu avec douleur que les longueurs qu'entraînait la convocation de la haute cour nationale, laissaient un long intervalle entre l'arrestation du citoyen prévenu du crime de lèse-nation, et le moment où la justice devait, par une prompte instruction, hâter son jugement.
Plusieurs membres : Le projet de décret !
, rapporteur. Réduit à envisager la question sous le point de vue qu'elle offre, votre comité s'est demandé si le Corps législatif, autorisé par la Constitution à prononcer le décret d'accusation, pouvait, après l'avoir prononcé, adoucir la captivité de l'accusé que ce décret livrait au jugement de la haute cour nationale ; il s'est demandé s'il lui appartenait de lui accorder la liberté de recevoir ses parents^ ses amis, ses conseils, dans l'intervalle nécessaire entre l'arrestation et le moment de la réunion de la haute cour nationale. Il s'est dit que s'il est des cas où le secret soit essentiel, c'est surtout lorsqu'il s'agit de crimes qui intéressent la sûreté de la patrie. Mais il pense que si le Corps législatif est chargé, par la Constitution, de prononcer le décret d'accusation, il doit borner là l'exercice de son pouvoir ; il ne peut aggraver la rigueur de la loi dans une instruction qui doit autant servir à faire éclater l'innocence d'un accusé qu'à venger les atteintes portées à la Constitution. La loi constitutionnelle veut que la représentation de l'accusée ne puisse être refusée à ses parents et à ses ami s, porteurs de l'ordre de l'officier civil, qui doit le donner dans tous les cas. D'après cela, le décret d'accusation porté contre le sieur Delattre, peut-il légitimer la rigueur du secret?
Cela a conduit votre comité à considérer l'espèce dans laquelle se trouvait le sieur Delattre, et rapprochant du décret prononcé contre lui, le décret prononcé contre le sieur Varnier, il a reconnu entre eux une différence qui devait nécessairement en apporter une dans le sort de ces deux accusés. En effet, Messieurs, l'un de ces décrets dit que l'accusé sera mis au secret et l'autre ne contient point cette disposition. De là la conséquence qu'a tirée votre comité, que la rigueur au secret ne pouvait être opposée au sieur Delattre. Vous devez surveiller sans doute l'exécution de la loi; mais soigneux de vous renfermer dans les limites qu'elle vous prescrit, vous devez toujours accorder à l'accusé les adoucissements que la loi ne lui refuse pas.
En vous proposant de reconnaître ces principes et leur application à l'espèce dans laquelle se trouvent les pétitionnaires, votre comité se garde bien de vous proposer de faire vous-mêmes cette application. Les pétitionnaires trouvent écrits dans la loi, et les droits dont on ne peut les priver, et le moyen de s'en assurer l'exercice en s'aaressant au pouvoir que la loi a chargé de les en faire jouir. Tels sont les motifs qui ont déter-
miné le projet de décret que je vous propose : (Ah! ah! Enfin !)
« L'Assemblée nationale, considérant que l'article 15 du chapitre V de l'Acte constitutionnel, porte que la représentation de la personne du dé-
—___Mi____________que le gardien du détenu ne représente une ordonnance du juge, transcrite sur son registre, pour retenir l'accusé au secret; que le décret d'accusation contre le sieur Delattre, ne porte point qu'il sera tenu au secret,
« Décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition des dames, mère et épouse du sieur Delattre. »
Je demande que M. le rapporteur rende compte d'un fait particulier qui ssest passé hier au comité de législation, et qui tient à cette affaire.
Je m'oppose à ce qu'on rende compte de ce fait et voici mon motif, c'est que le particulier qui s'est présenté au comité, n'y est connu de personne, et qu'après avoir voulu inculper un membre de l'Assemblée, interpellé de déclarer s'il connaissait ce membre, il a franchement dit qu'il ne le connaissait pas.
Il ne faut point mêler ces deux objets; je demande que Ion s'occupe d'abord du projet de décret du comité, et l'on passera ensuite à l'autre question.
, rapporteur. Le comité de législation ne, m'ayant pas chargé expressément de rendre compte du fait, j'attendrai les ordres de l'Assemblée.
(L'Assemblée décide que M. Saladin lui rendra compte du fait.)
, rapporteur. Au moment où votre comité s'occupait de l'affaire de M. Delattre, on est venu annoncer qu'une dame très âgée demandait à entrer ; cette dame a été introduite ; c'était la dame Morin, belle-mère du sieur Delattre, qui a déclaré être âgée de 92 ans. Elle a exposé la situation dans laquelle se trouvait la dame Delattre, sa fille, qui, vu son état, n'avait pu se rendre au comité. Le conseil officieux qui l'accompagnait est entré dans de grands détails sur l'affaire de M. Delattre. Il a annoncé qu'un membre du comité de surveillance s'était présenté chez Mme Delattre, se disant chargé d'une mission de l'Assemblée, et qu'il y avait eu des explications sur lesquelles il parait que la discrétion de ce défenseur officieux ne lui a pas permis de s'expliquer et dont il n'a pas voulu rendre compte au comité; voilà le fait tel que j'en ai connaissance.
Un membre : L'a-t-il nommé ?
, rapporteur. Non.
L'a-t-il désigné ?
, rapporteur. Il ne l'a point désigné dé manière à ce qu'on pût vous en rendre compte, il a annoncé seulement que s'il le voyait, il le reconnaîtrait, (Murmures.)
Le comité de législation vous propose de laisser à M. Delattre la jouissance du droit naturel que la loi lui accorde, de communiquer avec sa famille avec les précautions que le juge de paix croira devoir prendre. Il vous observe qu'il a remarqué une différence dans le décret relatif à M. Varnier, qui porte précisément qu'il sera tenu au secret, tandis que la même
disposition n'a pas été insérée dans le décret sur M. Delattre. Je viens demander à l'Assemblée de révoquer cette disposition rigoureuse à l'égard de M. Varnier, et je lui 'demande la permission de lui donner lecture d'une lettre qu'il m'a écrite hier sous le couvert de M. le président. Il est nécessaire que j'en rende compte à l'Assemblée, parce qu'elle porte sur un point absolument semblable.
« Paris, le
« Monsieur, je vous demande la permission de réclamer vos "bontés pour me faire obtenir la levée du secret où je suis toujours gardé. J'ai prié l'Assemblée nationale, dans deux différentes lettres, de vouloir bien apporter cet adoucissement a ma situation, que ma mauvaise santé me donne droit d'espérer, sans l'avoir encore obtenu.
« J'avais aussi demandé un interrogatoire qui jetterait sûrement du jour sur les dénonciations portées contre moi. Je connais trop l'intérêt que vous prendrez à ùn être qui n'est que malheureux, mais non pas coupable, pour douter que vous n'appuyiez avec chaleur ma demande près de l'Assemblée nationale.
« J'oublierais la moitié de mes peines s'il m'était permis d'écrire à ma mère, dont je connais toute la tendresse, pour n'avoir pas les plus vives alarmes sur ma détention.
« J'ai l'honneur d'être, etc., etc.
« Signé : VARNIER. »
Je sais que le décret relatif, à M. Varnier porte la rigoureuse disposition qu'il sera tenu au secret; et qu'au contraire le décret contre M. Delattre ne la contient point. Je sais même qu'il peut être utile pour l'instruction et pour la connaissance que vous avez le droit d'avoir du genre de crime dont il est accusé, lui et ses complices, que l'Assemblée nationale fasse prendre, jusqu'à ce que la haute cour nationale soit convoquée, toutes les mesures nécessaires pour cette grande procédure.
Vous voyez que M. Varnier est malade, et que, cependant, il est tenu à un rigoureux secret. Il a une mère au désespoir avec laquelle il demande de communiquer. Je vous rappellerai la motion que fit hier M. l'abbé Fauehet, et qui fut unanimement applaudie par l'Assemblée nationale ; il demandait que M. Delattre allât voir sa mère et son épouse en présence du juge de paix. Accordez la même faveur à M. Varnier; sa mère n'est pas à Paris, autorisez-le à lui écrire, en communiquant ses lettres au juge de paix.
A cette occasion, je ferai une seconde motion importante, relative à l'affaire de M. Varnier, et pour laquelle je réclame encore un instant d attention.
Vous savez que M. Basire croyait avoir reçu de M. Vollon, serrurier à Auxonne, la lettre attribuée à M. Varnier, et celle qui raccompagnait ; vous savez que M. Vollon a déclaré authentique-ment à sa municipalité qu'il était très étonné de recevoir une lettre de. remerciement de M. Basire, qu'il ne lui avait jamais écrit, jamais envoyé ae lettre de M. Varnier; vous savez que, d'après cela, M. Basire vous a donné lecture ae la lettre d'envoi qu'il croyait être de M. Vollon, et qu'il est dit dans cette lettre que M. Basire ne la recevra pas par la poste, parce qu'il ne connaît pas son adresse à Paris, et que la lettre lui sera remise par un consin de M. Vollon. M. Basire a omis de nommer à l'Assemblée nationale le par-
ticulier qui lui a remis la lettre. Il est cependant essentiel pour la nation que ce particulier soit connu, soit que M. Varnier soit coupable, soit qu'il soit innocent. C'est un grand moyen de découvrir la vérité dans la procédure qui va avoir lieu. Je fais donc la motion expresse que M. Basire soit invité à déclarer à l'Assemblée le nom du particulier qui lui a remis les lettres relatives à M. Varnier.
Un membre : Je demande la question préalable sur la motion de M. Becquey; c'est à la haute cour nationale à juger si la lettre d'envoi est ou non dii sieur Vollon, et quant au projet du comité, je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Si le comité de législation n'avait exposé ses motifs que pour déclarer qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur la demande de la dame Delattre, je ne parlerais pas contré la proposition du comité; mais ces motifs étant contraires à la loi, je m'y oppose. Sans doute, il est beau de plaider la cause de l'humanité; sans doute, il est beau de plaider la cause d'une épouse, d'une mère de 92 ans qui demande, avec des larmes, à communiquer avec son fils ; mais il faut que la raison se mette en garde contre les séductions du sentiment. Quelle que soit la force des raisons d'humanité invoquees par le comité, elles sont insuffisantes pour rendre inutiles les dispositions de la loi. On a éludé le point principal de la question qui était de savoir si, après un décret d'accusation, équivalent à un décret de prise de corps, on peut, avant l'interrogatoire subi, communiquer avec l'accusé.
Pour juger cette question, il faut consulter les lois ; elles sont expresses à cet égard. L'ordonnance criminelle porte précisément qu'après le décret et la détention, on ne peut communiquer avec l'accusé que lorsqu'il a subi l'interrogatoire. Les motifs de la loi sont fondés sur "intérêt public et l'Assemblée constituante n'a rien changé à cette disposition dans les lois qu'elle a faites sur la jurisprudence criminelle. Sans doute il est cruel pour vous de résister à ce que le sentiment vous demande, mais si le sentiment est , contraire à la loi, il faut suivre la loi de préférence. Elle exige de vous que vous ne permettiez au sieur Delattre aucune communication avant son interrogatoire. Je demande donc la question préalable sur le projet de décret du comité de législation, ou plutôt qu'il soit déclaré qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de la damé Delattre, sans en expliquer les motifs.
J'ai entendu avec peine le préopinant dépasser, parla rigueur de ses principes, les bornes prescrites par la loi. S'il est vrai de dire qu'un decret d'accusation équivaut à un décret de prise de corps, quant à la liberté de l'accusé, il n'est pas vrai de dire que ce soit un véritable décret de prise de corps. (Murmures et interruptions.) Il est si vrai que le décret d'accusation n'est pas un décret de prise de corps que le tribunal de la haute cour nationale, d'après les charges, doit prononcer s'il y a lieu ou non à un décret ae prise de corps. S'il faut raisonner d'après l'ancienne ordonnance Criminelle, on ne peut appliquer la rigueur au décret d'accusation, puisque le décret d'accusation n'a pour but que de s'assurer de la personne de l'accusé, et que la haute cour nationale doit lancer le décret de prise de corps ; le décret d'accusation, rendu contre M. Varnier, porte qu'il sera tenu au secret. Mais il est très étonnant que M. Delattre
s'y trouve lorsque le décret rendu contre lui ne le porte pas. Or, je dis que c'est contre la teneur de la loi que M. Delattre est retenu au secret, et si le projet du comité ne me paraît pas admissible, c'est qu'il est insuffisant. Je demande donc que vous décidiez que le décret rendu contre M. Delattre, ne portant pas qu'il sera tenu au secret, il doit communiquer avec ses parents et ses amis, aux termes de la loi.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Avant de mettre aux voix le projet du comité, qui n'est autre chose que la question préalable motivée sur la pétition des dames Delattre, je vais mettre aux voix la question préalable sur le projet lui-même demandée par M. Thuriot.
Je demande à formuler ma proposition.
Plusieurs membres : La discussion est fermée !
Un membre : Je demande la question préalable sur le tout.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur le tout.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée est consultée sur le passage à l'ordre du jour; une première épreuve a lieu; elle est douteuse.)
prononce, après une seconde épreuve, que l'Assemblée passe à l'ordre du jour. (Vives réclamations et long tumulte.)
Un membre. L'Assemblée a décrété que le dimanche serait consacré à entendre les pétitionnaires. Le droit de pétition est un droit sacré, constitutionnel. Je demande que les pétitionnaires soient introduits. (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : Je demande la parole ; je n'ai que pour deux minutes à occuper l'Assemblée.
D'autres membres : Le décret est rendu ! — Refusez-lui la parole ! (Applaudissements dans les tribunes.)
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si le membre qui a demandé la parole sera entendu.
Plusieurs membres : Sur quoi?
Le membre qui a demandé la parole : C'est pour que M. Varnier soit traité comme Delattre et pour demander le dépôt de ces pièces qui sont à sa justification. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour. — Applaudissements dans les tribunes.)
Une députation de cent forts de la halle de Paris est introduite à la barre.
« L'orateur de la députation s'exprime ainsi : « Vertueux représentants du peuple trançais, dai-
§nez permettre aux forts, pour la patrie, de venir,
ans ce temple sacré des lois, vous offrir le juste tribut de leur respect, de leur reconnaissance et de leur amour.
« Législateurs, vos vertus., votre sagesse, votre patriotisme, votre énergie ont humilié les ennemis de notre sainte Constitution et du bonheur de l'Empire français, et déconcerté leurs projets infernaux; ils mordent le frein que vous mettez à leur rage ; ils vomissent de leur bouche impie le poison de la calomnie contre vous et vos admirables lois; ils voudraient vous enlever la
confiance et l'amour de vos concitoyens ; mais qu'ils ne l'espèrent pas, les traîtres ! Tous les bons Français se serreront auprès de vous, et les forts, entre autres, vous" jurent de vous couvrir de leurs corps et d'exterminer de leurs bras vigoureux tous ceux qui oseraient se déclarer vos ennemis. (Vifs applazîdissements.)
« Signé : Douin, Lory, Ruaux, Malapierre, Bourdon, Potier, Adrien Lesueur, Bougot aîné, Bougot jeune, Fasquel, Dufour, Desjardins, Brochand, Fâche, Henry, Michel Lesueur, Lambin, Beaudoin jeune, Dupont, Jacques Chotard, Laplace aîné, Collier aîné, Poisson, Girard, Gauthier jeune, Picard, Va-durel, Deancour, Beauvais, Remondie, Ghovin, Mayet aîné, Mayet jeune, Fouré, Bigne, Magnan, Mayet cadet, Legrand, Matthieu Beaudoin, Lesueur aîné, Lesueur père, Prot, et Pépin de Grouhette, homme ae loi, conseil des forts de la halle, répondant des signatures, et signant pour ceux qui ne savent pas signer. »
, répondant à la députation. Messieurs, le nom que vous portez, annonce le courage avec lequel vous avez défendu, dès les premiers instants de la Révolution, les serments que vous avez souvent prononcés dans cette enceinte, et les glorieux témoignages que vous y avez reçus des représentants du peuple, assurent assez votre soumission à la loi; respect pour la loi, amour pour la liberté, telle doit être, telle sera à jamais votre devise. L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)
Un membre de la députation: Monsieur le Président, nous avons prêté le serment de soutenir la Constitution, et nous la soutiendrons au péril de notre vie. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'insertion de l'adresse des forts de la halle au procès-verbal.)
J'annonce qu'un courrier extraordinaire vient de me remettre plusieurs pièces très volumineuses venant d'Avignon, et relatives aux affaires de cette ville. Après les pétitionnaires, on vous en rendra compte. D'ailleurs, ces. pièces n'annoncent aucun événement; elles sont relatives aux événements passés.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)
, autre pétitionnaire, est introduit à la barre et s'exprime ainsi: • Messieurs, pour répondre au désir que vous avez de voir le peuple s'éclairer, j'ai fait une adresse aux habitants de la campagne, sur les effets du fanatisme et de la superstition. Jè viens vous supplier d'en agréer l'hommage. Je me croirai infiniment heureux si l'Assemblée la reçoit avec approbation. » (Applaudissements.)
L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction la marque de votre zèle et vous invite à sa séance.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée décrète le renvoi de l'adresse au comité d'instruction publique, et la mention honorable dans le procès-verbal.)
, autre pétitionnaire, est introduit à la barre et présente une pétition en faveur de deux Autrichiens détenus en prison à Huningue depuis dix mois ; il s'exprime ainsi :
« Messieurs, je viens appeler vos regards sur des étrangers qui, au mépris de la loi et du droit public, ont été arrêtés à Huningue sur une simple réquisition du prince de Kaunitz. L'état d'arrestation se prolonge depuis 10 mois. Quoique évidemment innocents, ils sont arrêtés comme des scélérats, et le terme de leur élargissement semble toujours s'éloigner. Las de parcourir un cercle humiliant d'oppressions et d'injustices, ils avaient fui de leur patrie ; ils étaient venus chercher un asile sur une terre hospitalière et libre ; ils avaient mis entre eux et leurs persécuteurs, un intervalle difficile à franchir, la barrière de la liberté. Armés de leur innocence, ils eussent défié la fortune. Telles étaient leurs espérances, et vous savez, Messieurs, si elles devaient être déçues.
« Les sieur et dame Borghem et le sieur Ferier ne viendraient pas ici présenter leur réclamation, si parmi les accusations vagues dont on les charge, il en était une seule qui pût avoir quelque force auprès de vous. Cependant M. Tassales, sans caractère public en France, au mépris des lois les plus sacrées, du droit naturel et du droit des gens, des lois inviolables du territoire, les a fait arrêter. Ils réclament votre justice et votre ^humanité. »
L'Assemblée prendra votre demande en considération et vous accorde les honneurs de la séance.
Les particuliers dont on vient de parler sont accusés d'avoir fabriqué de faux billets d'Etat et d'être faux-monnayeurs. Ils sont étrangers. On dit qu'ils sont venus en France, non
Eas pour y chercher la liberté, mais l'empreinte, 'ambassadeur de l'Empire qui les avait réclamés a cessé ses instances sur les observations qui lui ont été faites au sujet du crime dont ils étaient fortement soupçonnés. Je demande que cette affaire soit renvoyée au comité diplomatique.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Gougy au comité diplomatique.)
Puisque vous avez bien voulu m'en-tendre, j'ai à vous faire un rapport sur un objet qui intéresse tout l'Empire. Vous êtes menacés d'une attaque; je demande à vous éclairer sur les enrôlements qui ont lieu à Worms et ailleurs.
Plusieurs membres : Tout de suite.
(L'Assemblée décide que M. Ruhl sera entendu.)
Messieurs, je suis monté, il y a deux jours à cette tribune, pour vous confirmer ce que plusieurs de mes collègues vous avaient déjà ait, et ce que M. Merlin vous avait prouvé, en produisant une lettre du général qui commande dans la partie autrichienne du Luxembourg, qu'il se forme de plus en plus des attroupements d'émigrés français sur nos frontières qui nous menacent d'une invasion hostile dans le royaume, et de toutes les horreurs d'une guerre civile. Je vous ai dit alors que dans le très petit bailliage d'Ettenheim, de l'autre côté du Rhin, et en face du district ae Schlestadt, département du Bas-Rhin, il y a près de 6 ou 700' brigands de rassemblés sous les ordres de M. Mirabeau le cadet, et qu'il s'y fait publiquement des enrôlements contre la France ; que si je ne vous ai parlé alors que des attroupements et des enrôlements qui se font sous la protection et l'instigation du cardinal de Rohan, dans le coin obscur du cercle du Haut-Rhin qu'il a choisi pour sa retraite, et
si je ne vous ai rien dit des attroupements qui se font à Worms, et que j'ai vus de mes propres yeux au commencement du mois de septembre dernier, c'est que j'ignorais encore si cet attroupement était accompagné d'enrôlements dirigés directement contre la Constitution et contre la sûreté et la tranquillité de la patrie.
Aujourd'hui que je suis informé de ce dernier fait, par une lettre que je viens de recevoir d'un ancien officier de hussards du régiment du fameux Ziethen, au service du roi de Prusse, qui a travaillé depuis sous ma direction, dans un emploi civil, et dont je n'ai aucun sujet de suspecter la véracité, je puis avec certitude vous dénoncer, Messieurs, et à tout le peuple français que vous représentez, qu'il se fait des enrôlements contre notre Constitution et contre la liberté que nous venons de reconquérir, après tant de siècles de servitude et du plus vil esclavage ; qu'il se fait des enrôlements contre la patrie et contre ce que nous avons de plus cher au monde, dans un endroit appelé Bobernheim, distant d'une petite lieue de la ville de Worms, et faisant partie du territoire de l'évêché de ce nom, et que ces enrôlements se font, selon toutes les apparences, par ordre de Louis-Joseph de Bourbon, prince français, ci-devant M. de Gondé.
Je puis ajouter à cela, d'après la lettre que je viens de recevoir de ce vieux militaire, qui fait sa résidence entre Mayence et Oppenheim, et par conséquent au centre même du lieu de la scène principale, qu'on est occupé à former, à Worms, un magasin de froment, d avoine, de foin et de paille ; qu'on passe des contrats avec des juifs du pays, pour établir des magasins; qu'on paraît avoir en vue de se rendre maître de Metz, et de pousser de là tout droit à Paris ; mais que, d'un autre côté, les plus puissants parmi les princes séculiers de l'Empire désapprouvent hautement cette conduite de nos émigrés et du prince français qui est leur chef dans les environs de Worms ; que l'électeur palatin a fait sortir depuis quelques jours, tous les Français de Manheim, capitale de son electorat, que les autres princes sont décidés à ne point se mêler de nos affaires, et ne veulent point de guerre avec nous ; que les émigrés ayant enlevé depuis peu, aux enrôleurs prussiens, tout un transport de recrues, cette conduite aussi inconsidérée qu'audacieuse, aura infailliblement les suites les plus fâcheuses pour ces forcenés, qui d'ailleurs ne peuvent plus compter sur aucun secours de la part des grands princes séculiers de l'Empire, depuis que l'acceptation de la Constitution par le roi, leur a été ministérielle-ment signifiée.
Il n'y a donc, Messieurs, dans toute la vaste étendue de la Germanie, que trois prêtres qui se préparent à lancer la foudre contre vous, et à convertir la France entière en un monceau de cendres, et après avoir exterminé la race des mécréants dont la surface est couverte : Son altesse éminentissime monseigneur le baron d'Erthal, archevêque, électeurdeMayence, qui, de son chef, peut mettre 4,000 hommes sur pied, si les Mayen-çais, ses sujets, sont assez sots pour en vouloir faire la dépense ; son altesse sérénissime monseigneur l'électeur de Trêves, qui peut fournir une armée de 7,000 hommes (Rires.), en y comprenant les troupes auxiliaires de monseigneur le prince de Neuwied, son voisin ; son altesse sérénissime et éminentissime monseigneur Louis-René-Edouard, cardinal de Rohan, qui, abstraction faite des 6 ou 700 brigands qu'il a l'honneur
de commander en chef (Rires et applaudissements), peut mettre sur pied une armée de 50 hommes, tous gens d'élite (Rires.), car c'est à 50 hommes que se réduit tout au plus le contingent que les lois de l'Empire lui accordent.
Ce ne sera donc pas, Messieurs, à des hordes barbares, mais à des soldats de l'église teutoni-que, tous amplement munis de chapelets et de bénédictions, fort doux, au reste, et gens de très bonne composition, que vous aurez à faire, quand Louis-Joseph de Bourbon, à la tête de tous ses chevaliers errants, viendra fondre sur vous, et fera marcher devant lui la mort et le carnage. Mais, quoique j'aie lieu de supposer, Messieurs, que vous ne sauriez être fort enrayés de l'orage dont vous êtes menacés, et que vous ne croyez pas assez fort pour obscurcir la sérénité du beau ciel qui nous éclaire ; il n'en est pas moins vrai qu'il serait indigne de la majesté d'une grande nation comme la nôtre de souffrir plus longtemps ce feu d'opéra dont la fumée nous incommode (Applaudissements,) et de nous laisser impunément injurier par d'effrontés baladins, l'insolence mérite le fouet. Un simple particulier peut opposer le mépris aux forfanteries d'un spadassin, mais une grande nation doit être jalouse de sa gloire, doit punir sévèrement les téméraires qui osent lui manquer de respect, doit anéantir dans son principe le moindre germe d'opposition à sa volonté suprême, dè^ que cette volonté a été solennellement dénoncée à la face de l'univers, dès qu'elle a été légitimement manifestée à tous les individus qui le composent.
Ne vous méprenez pas, Messieurs, au sommeil apparent des despotes qui vous entourent ; c'est le sommeil du lion qui guette sa proie, et qui s'élance sur elle dès qu'if croit qu'elle ne pourra plus échapper à ses griffes, ni à sa dent carnassière. Ce Leopold qu on vous a peint si pacifique, dont les ordres ostensibles sont si contraires aux àpplaudisséments de nos émigrés, mais dont les ordres secrets vous sont ineonttus, ce Léopold ne vous pardonnera jamais d'avoir mis en pratique le principe que les rois sont faits pour les peuples, et que les peuples ne sont pas la propriété des rois. (Applaudissements.)\\ vous accordera le principe, mais il voudra vous faire repentir de l'avoir mis en exécution. Lisez bien la lettre qu'il a écrite au roi, en réponse à cèlle par laquelle le monarque lui avait notifié acceptation ae la Constitution ; méditez-la bien et jugez vous-mêmes.
Cet autre prince, qui occupe un trône encore ombragé de lauriers, et rayonnant de la gloire immortelle dont son prédécesseur l'a environné, fera marcher ses cyclopes, pour vous donner des fers et pour vous faire rentrer dans l'autre du despotisme comme ils ont donné des fers aux Bataves, et comme ils les ont mis sous le joug tyrannique et injuste de la maison d'Orange, dès que son intérêt n'exigera plus la présence de ses guerriers sur les bords de la Vistule et de la Wartha.
Cette souveraine, qui mettra à contribution les 100 peuples divers de son vaste Empire, qu'elle tient à genoux devant sa redoutable majesté, vous apprendra si ses projets insensés pouvaient s'exécuter, que les droits de l'homme et l'égalité des conditions sont une chimère philosophique qui vous a tourné la tête. Je ne parlerai pas des autres dont les intentions ne sont pas plus pures ; et je conclus que, si les préparatifs de guerre que font nos émigrés, et les secours qui leur sont accordés par les prêtres, princes d'Empires,
qui leur ont donné un asile, ne sauraient nous alarmer, nous nous devons pourtant à nous-mêmes de réprimer et d'effacer par des punitions exemplaires les coupables démarches qu'ils se permettent, et dans lesquelles ils s'efforcent d'engager et d'entraîner leurs concitoyens; nous devons à la gloire de la nation, de prendre vis-à-vis des puissances étrangères cette position imposante qui leur annonce que nous n avons point encore oublié crue nous sommes au premier rang des peuples de l'Europe ; que nous saurons soutenir ce rang que plus de 4 millions de bras sont armés pour le défendre ; que ces bras sont vigoureux et sauront repousser une injuste attaque; que nous avons tous juré de vivre libres ou mourir, que nous serons fidèles à ce serment, et que, lorsqu'il s'agit de la liberté de la patrie, il n'est pas de gloire dont le cœur du Français soit plus avide, et qu'il ambitionne davantage, que celle de descendre dans la tombe les armes à la main, et ce serment à la bouche. (Applaudissements.)
Je finis par demander : premièrement, que Louis-Josepn de Bourbon, prince français, ci-devant M. de Condé, ses complices et adhérents, soient mis en état d'accusation comme étant prévenus du même crime.
Deuxièmement, que Louis-René-Edouard de Rohan, s'il a l'honneur d'être Français, soit également mis en état d'accusation comme étant prévenu du même crime.
Troisièmement, que le pouvoir exécutif charge le ministre accrédité au cercle du Haut-Rhin, d'exiger que le cardinal de Rohan licencie sans délai la troupe de brigands qu'il commande et qui prennent abusivement l'honorable nom de soldats ; les "lois de l'Empire ne permettant point à ses membres de souffrir des enrôlements dans leurs Etats qui pourraient engager le Corps germanique dans une guerre étrangère.
Quatrièmement, que le pouvoir exécutif charge sont ministre accrédité au cercle du Haut-Rhin, de se transporter à Worms, d'y faire assembler le magistrat de cette ville impériale, et de lui déclarer que les Français répandus dans les maisons de la ville pour y loger, étant tous préve- . nus du crime de comploter contre leur patrie, le magistrat ait à les faire sortir de la ville sous le délai de trois jours, que, faute de le faire, la France prendra cette conduite du magistrat pour un acte d'hostilité dirigé contre elle et s'en fera raison par des voies de fait. (Applaudissements.)
Cinquièmement, que le pouvoir exécutif charge le sieur Ockelly, ministre de France, accrédité auprès de l'électeur de Mayence, de lui demander que, conformément à la capitulation de Léopold H, et aux capitulations antérieures à celle-ci, qui n'accordent le droit de lever des troupes en Empire qu'aux grands princes qui ont des Etats faisant partie de l'Empire, il défende sans délai les enrôlements qui se font dans son évé-ché de Worms, notamment dans le village de Bobernheim, Louis-Joseph de Bourbon, prince français, n'ayant point d'Etats situés en Empire, et étant, par cette même raison, exclu par les capitulations du droit d'y lever des troupes ; que faute de le faire, la France prendra la conduite de l'électeur de Mayence comme une déclaration de guerre et prendra ses mesures en conséquence.
Sixièmement, que le pouvoir exécutif charge le sieur Ockelly de déclarer à l'électeur de Mayence que, sous^ le délai de 15 jours, il ait à dissiper les attroupements d'émigrés français qui se faisaient dans ses Etats ; que, faute de le faire, la
France prendra sa conduite pour une déclaration de guerre et agira en conséquence.
Septièmement, que le pouvoir exécutif chargera le sieur Vergenne, ministre de Français, accrédité auprès de l'électeur de Trêves, de lui faire cette même déclaration sous les même réserves.
Huitièmement, que le ministre des affaires étrangères rendra compte à l'Assemblée nationale des suites qu'il a données à toutes ses négociations.
Neuvièmement, que le ministre de la guerre sera chargé par le pouvoir exécutif de mettre toutes les places frontières, depuis Huningue jusqu'à Dunkerque, dans le meilleur état de défense possible.
Dixièmement, qu'il rendra compte à l'Assemblée nationale, de quinze jours en quinze jours, de l'état de ces places, des officiers qui y commandent, des ingénieurs en chef qui s'y trouvent, des patrouilles continuelles qui se font pour la sûreté de la place, des postes placés sur les bords du Rhin, et de la manière dont ces bords sont gardés et défendus.
Onzièmement, qu'il soit mis dans toutes les places fortes de frontières, depuis Huningue, jusqu'à Dunkerque, des bataillons de gardes nationaux pour y faire le service avec les troupes de ligne qui y sont en garnison.
Douzièmement, enfin, qu'il soit fait une adresse à tout le peuple français, pour le rassurer contre les vainès alarmes que les malvaillants ne cessent de lui inspirer; pour lui donner connaissance des moyens plus que suffisants que nous avons en main, pour lui assurer une paix stable et profonde, s'il ne détruit et n'affaiblit pas lui-même ses moyens par sa négligence à payer les impôts, et à contribuer, selon ses facultés, aux charges de l'Etat, et en perpétuant les déplorables divisions que la méchanceté et le fanatisme des prêtres fomentent et entretiennent dans tous les départements du royaume, dans la détestable intention de nous faire tomber tous dans un état d'anarchie, et de ramener, par les portes de l'anarchie, ou l'exécrable despotisme, ou bien un déplorable démembrement de la monarchie ; et où 4es représentants de la nation exprimeront, dans des traits de feu, et avec toute l'énergie qu'un patriotisme éclairé inspire, qu'ils se sont tous dévoués à la mort pour le maintien de la liberté, de l'égalité et de la Constitution du royaume, et qu'ils se laisseront plutôt enterrer sous les débris et sous les ruines du temple qui les renferme, et où ils. discutent les intérêts de la nation et en décident, que de souffrir qu'il soit porté la moindre atteinte à la souveraineté du peuple, à sa liberté, à l'égalité, aux droits de l'homme et en un mot à tous les articles qui composent notre sainte Constitution, le plus beau présent que la bonté divine ait jamais fait au peuple, et dont le Français ne saurait se rendre indigne en l'abandonnant lâchement, et en se le laissant honteusement arracher, dussent même toutes les puissances de l'enfer s'armer contre lui pour le replonger dans le gouffre affreux du honteux esclavage auquel il a eu le bonheur d'échapper. (Vifs applaudissements.)
Le rapport énergique qui vient de vous être fait doit etre pris en considération. Vous vous êtes occupés d'une loi contre les prêtres, dont le fanatisme fomente les troubles intérieurs. Vous devez vous occuper des émigrés dont les coupables manœuvres ruinent le crédit de l'Etat. Les princes, par leurs projets ne font
qu'accroître la rareté du numéraire ; et par ce moyen ils mettent du désordre dans les finances. Ils encouragent les fanatiques qui troublent le royaume. Il faut donc attaquer les chefs de cette conjuration, et si les princes sont à la tête de la conspiration, comme M. Ruhl vient de le dire, il est urgent que nous portions le décret d'accusation.
Mais, Messieurs, avant de demander à nos envoyés compte de leur conduite, il me paraît que, la Constitution à la main, nous devrions connaître comment se préparent ces attaques, par tout autres moyen que par notre comité aiplo-matique. La Constitution dit que, lorsqu'il y aura des hostilités imminentes, le roi vous les fera connaître. Les ministres jamais ne nous parlent de ces rassemblements, et il est étonnant qu'à tout moment on en parle dans cette Assemblée. Si les rassemblements sont faux, il faut détruire les bruits qui nous nuisent ; s'ils sont vrais, il faut punir le ministre, et employer la force pour les dissoudre, mais il faut des pièces authentiques sur cet objet, parce que le crédit public et la tranquillité au royaume en dépendent.
En, conséquence, Messieurs, je demande que le discours énergique du préopinant soit imprimé et que votre comité de législation vous fasse demain un rapport sur cette matière. (Murmures.) Je demande, en outre, que le ministre soit tenu de donner connaissance des avis qu'il a reçus sur ces rassemblements, afin que nous puissions prendre des mesures sur ces ODjets, car il est temps que cela finisse. (Applaudissements.)
Ce que nous venons d'entendre n'est pas exactement à l'ordre du jour ; mais il est à l'ordre de la patrie, il est à l'ordre de tous les moments. Si vous voulez, Messieursj me donner un instant, je crois que je pourrai vous peindre et l'état des émigrants et notre état, et peut-être les seules mesures qu'il nous reste à prendre dans ce moment, je vous en demande la permission; je ne parlerai que lorsque vous me le permettrez.
Plusieurs membres : Parlez ! parlez !
(1). Messieurs, quels sont les moyens des Français mécontents, attroupés hors du royaume ? Quels sont leurs desseins ? Quelle est notre situation quant aux puissances étrangères? Quelles sont, sous ces rapports, les mesures à prendre pour parer aux dangers qui menacent la patrie ? Voilà, Messieurs, les questions impor tantes auxquelles votre comité diplomatique n'a pas suffisamment répondu. Les démarches officielles qu'il vous propose entraîneraient dans des longueurs inévitables, et vous exposeraient au double inconvénient de ne recevoir, après une perte de temps très considérable, aucune satisfaction de la part de la Diète de Ratisbonne, et de voir mettre en avant par cette même Diète, lorsqu'il s'agira des indemnités à accorder aux princes possessionnés en Alsace les lois de l'Empire germanique ainsi que le traité de Westphalie, moyens auxquels vous n'auriez aucune réplique, après en avoir fait vous-mêmes, par la négociation qu'on propose, les seules ae vos rapports avec les princes de l'Empire.
Cette partie inutile d un temps précieux serait d'autant plus dangereuse qu'elle laisserait
aux mécontents attroupés celui de se former plus complètement; de lier de plus en plus leurs
tra-
Examinons, pour rendre ceci plus sensible la situation actuelle des mécontents émigrés. L'on sait que le nombre de ceux en état de porter les armes peut aller à 20,000 hommes dont environ 4 à 5,000 officiers et soldats déserteurs ou anciens militaires. Le recrutement continuel, les achats d'armes, des chevaux d'équipages, de munition et de vivres; tout prouve qu'ils n'ont point abandonné l'espoir criminel de rétablir dans leur patrie le règne des préjugés. Ils comptent sur les troubles intérieurs qu'ils excitent et entretiennent par toutes sortes de moyens, ainsi que sur les relations secrètes qu'ils peuvent avoir conservées dans quelques-unes des places frontières.
Soutenus par l'or étranger; en mesure pour profiter des événements, et à portée d'en saisir l'occasion favorable, plutôt qu en force pour les faire naître, ils inquiètent, menacent, intriguent pour augmenter en nombre et temporisent afin de saisir le moment qui leur paraîtra propice : voilà leur situation militaire et leur système politique. il suffit de l'annoncer pour prouver que le nôtre doit être formé en sens inverse. Tout délai de notre part entretient l'inquiétude des bons citoyens, refroidit leur zèle, augmente l'espoir des ennemis secrets, occasionne des séditions, et prépare à ceux d'outre-Rhin, cet instant favorable qu'ils guettent.
Ne nous laissons point éblouir, nos forces ne seront respectables qu'autant qu'elles seront bien dirigées ; mais si nos ennemis exécutaient leur plan, tandis qu'elles seraient en partie employées à réprimer des séditions ; si une quantité considérable de mécontents, qui se trouvent dans l'intérieur, se joignait à 1 armée ennemie ; si les alarmes et le désordre paralysaient une partie de nos moyens ; si l'incertitude des points d'attaque avait fait prendre le change a nos généraux ; si la marche rapide de l armée ennemie avait produit de la consternation dans les âmes faibles et rendu les patriotes de circonstance à leur premier caractère; si dans cet instant il existait de la mésintelligence entre les deux pouvoirs ; si dans Paris même, à l'approche de l'armée ennemie, il se trouvait des traîtres soudoyés par l'étranger-, quelle serait notre position ?
Permettez, Messieurs, que je cite une exemple récent. Proscrit en Hollande, et sur le point d'y périr sur l'échafaud pour la cause de la liberté, j'y ai vu cette cause sublime perdue en temporisant. C'est pour avoir employe des demi-moyens; c'est pour n'avoir point écrasé ses adversaires, lorsqu'il en était temps ; c'est pour s'être attachée aux effets, sans attaquer les causes ; c'est pour avoir attendu jusqu'à ce que ses ennemis furent soutenus par une des puissances du premier ordre que la Hollande et dans les chaînes.
Ne croyez pas que, placés sur un théâtre plus vaste, et pouvant disposer de moyens plus considérables, vous puissiez impunément mépriser l'exemple que la Hollande asservie offre aux nations libres. Sachez que l'assaillant calcule ses moyens d'attaque sur ceux de défense.
Après avoir examiné le système des mécontents attroupés, jetons un regard sur la situation actuelle de l'Europe ; et bannissons dans cet examen les exagérations de la crainte, et les illusions de l'espérance.
C'est une erreur grossière, en politique, que de calculer les plans des princes sur l'intérêt des
peuples et même sur le leur. Combien de guerres follement entreprises et dans lesquelles, sinon tous les deux, au moins un des partis, sacrifiant des avantages solides au désir aes conquêtes, à la soif des vengeances, ou à l'intrigue des cours, n'auraient pas dû nous détromper sur une théorie constamment démentie par l'expérience ! Le caractère des princes et de leurs ministres, leurs vertus, leurs lumières, leurs vices, leurs erreurs, les intrigues de ceux qui les entourent, et dont ils sont eux-mêmes les victimes ; les plans systématiques d'arrondissement qui, dans les cabinets des princes, se sont suivis de pères en fils : voilà les ressorts qui les font mouvoir.
Depuis la dernière guerre entre la France et l'Angleterre, et surtout depuis la formation de la ligue germanique, dont le prétexte était la barrière que l'on voulait opposer à l'ambition de Joseph II, mais dont le but était l'agrandissement de la Prusse, l'Europe se trouve partagée entre deux grandes factions : l'Angleterre, la Prusse, la Hollande, la Suède, le Portugal et une partie de l'Empire composent l'une; l'autre est formée par l'empereur, le Danemark, une partie de l'Empire, l'Italie et l'Espagne ; ce qui n'empêche pas que, pour des vues momentanées, les puissances, mêmes de ligue opposée, n'agissent de concert; mais ces vues remplies ou ces passions satisfaites, le cours ordinaire des négociations reprend son train. La Pologne était, depuis longtemps, sous le joug de la Russie; et si cette dernière puissance se vit obligée, lors du fameux partage, de satisfaire aux vues d'arrondissement de l'Autriche et de la Prusse, elle ne continua pas moins de dicter seule des lois aux Polonais. La révolution de ce pays a été un coup de foudre pour le cabinet de Péters-bourg. L'hérédité du trône de la maison de Saxe lui ôte l'espoir d'influence que les élections lui procuraient et ce n'est pas sans inquiétude qu'il, verra cette riche succession passer par l'héritière de Saxe, dans une des puissantes maisons de l'Allemagne.
L'Electeur, flottant entre le parti de l'Autriche et celui de la Prusse ; prévoyant que sa détermination sera le motif d'une guerre sanglante, dont la Pologne sera le théâtre, et peut-être un nouveau partage, la suite, temporise et négocie, afin de rester en équilibre entre ces deux masses de puissance. L'empereur et la Prusse désirent également l'alliance de l'héritière de Saxe avec un prince de leur maison, et redoutent chacun la réussite des plans de son rival. Ils négocient encore et finiront peut-être cette lutte politique, en faisant épouser à la princesse de Saxe l'un des petits princes d'Allemagne. Toute l'attention de ces puissances est donc fixée sur la Pologne; et si la Russie, dont les espérances à cet égard sont anéanties, désirait faire une diversion en engageant Léopold ou Frédéric-Guillaume à se mêler des affaires de la France, leur rivalité respective, leur situation indécise quant à la Pologne, et la certitude que, par la position de leurs Etats, d'auxiliaires ils deviendraient parties principales, tandis que la Russie, placée à cinq cents lieues de la France, et voisine de la Pologne, profiterait seule des événements, les détourneront des mesures aussi contraires à leurs vues actuelles. L'empereur a un autre motif non moins puissant. Dans le Brabant, à peine soumis, le feu couve sous les cendres ; il a tout à perdre et rien à gagner en établissant le théâtre de la guerre près de la frontière de ses Etats.
Les vues de l'Angleterre, de la Hollande, du Danemark, du Portugal, et de la partie des
princes de l'Empire, composant la Ligue germanique, sont difîérentes. La première ne risquera point, par une guerre pour elle sans motif, de perdre les fruits ae son traité de commerce avec la France; Pitt est trop adroit pour faire une démarche qui lui attirerait la haine des commerçants et celle des nombreux partisans de la Révolution française. La seconde suit les impul-' sions de la première ; le Danemark est gouverné par le prince royal : ses vues, ainsi que celles ae ses ministres, sont sages et entièrement dirigées vers l'administration intérieure. Nous n'avons rien à craindre du Portugal comme puissance ; mais l'or de ses prêtres pourrait peut-être contribuer à soutenir les armements de nos mécontents. La Ligue germanique n'entamera point une guerre dispendieuse pour des intérêts qui lui sont étrangers, dans le temps même où le chef de cette ligue, la Prusse, peut avoir besoin de ses secours dans la lutte polonaise.
La Suède, les princes ecclésiastiques d'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, paraissent plus disposés à soutenir la cause ae nos mécontents. Mais, Messieurs, il existe une grande vérité, en politique : c'est que le parti le plus fort a toujours des amis puissants, tandis que le parti faible n'en trouve qu'autant que des vues d'intérêt particulier lui en attirent. Ne donnons donc pointj par des négociations lentes, le temps nécessaire aux rebelles pour grossir leur parti, former leur armée, susciter des troubles dans l'intérieur et peut-être la guerre civile. Ce serait alors que, devenus redoutables à leur tour, ils jouiraient des effets de la protection de l'Europe entière, parce qu'alors les puissances, actuellement occupées par des vues étrangères à la France, se décideraient pour appuyer une cause dont le succès ne serait plus douteux. Ne vous "reposez donc point sur les réponses officielles des différentes cours.
Combien de réponses pareilles notre, cabinet de Vèrsailles n'a-t-il point fait à l'Angleterre avant la guerre d'Amérique? Pendant combien de temps n'a-t-il pas refusé de reconnaître le caractère public de Francklin? Les princes ne se déclarent que lorsqu'ils sont en mesure pour exécuter leurs desseins. Ne croyez pas que l'embarras d'un prétexte les retienne : cette opinion fait honneur à la probité de ceux qui la conçoivent, mais prouve leur inexpérience en politique.
Je ne répondrai qu'un seul mot.
Le même fait sert souvent de matière au manifeste de deux cours ennemies.
Qu'on prenne donc vis-à-vis des trois princes ecclésiastiques qui contreviennent au droit des gens, en permettant et favorisant les attroupements, enrôlements et armements des Français mécontents, cette attitude fière et imposante qui convient à une autre nation libre : qu'on requière d'eux, dans un délai de trois semaines, la dispersion des attroupements formés dans leurs Etats, qu'on exige d'eux une réponse catégorique, et que, comme Pbpilius, on trace à l'entour d'eux le cercle dont ils ne pourront sortir, sans avoir choisi entre la paix ou la guerre.
Que des forces préparées sur la frontière soient prêtes à exécuter ces menaces ; que la Diète de Katisbonne et toutes les cours de l'Europe soient intruites de cette démarche, ainsi que des motifs qui la justifient; et si, malheureusement, l'obstination de ces petits princes allemands, ou la ré-
sistànce des Français rebelles obligent à recourir aux armes, que la célérité de l'expédition et la grandeur des moyens prouvent à toutes les nations de la terre, qu'un peuple libre ne laisse point impunément violer à son égard le droit aes gens. (.Applaudissements.)
Je sais, Messieurs, que la Constitution donne au roi l'initiative quant à la guerre, et le charge des relations à entretenir avec les puissances étrangères ; aussi je ne vous proposerai aucune mesure contraire au serment que vous avez prêté; mais il est impossible que le roi, instruit du vœu national, ne désire autant que vous d'employer ' les seuls remèdes efficaces pour parer aux dangers qui menacent la patrie. Il est impossible qu'après s'être inviolablement uni à la nation par son acceptation à la Constitution, il n'envisage tous les complots contre cette loi fondamentale comme autant d'attentats contre sa personne. Comment pourrait-il donc hésiter à employer des moyens, dont peut-être, il eût déjà usé en partie, s'il n'eût désiré en augmenter la force par l'expression du vœu national ?
Je vous propose donc, Messieurs, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète qu'une députation de vingt-quatre de ses membres se rendra près du roi, pour lui communiquer au nom de l'Assemblée sa sollicitude sur les dangers qui menacent la patrie, par la combinaison perndé des Français armés et attroupés àU dehors, du royaume et de ceux qui trament des complots au dedans, ou excitent les citoyens à la révolte contre la loi; et pour déclarer au roi que la nation verra avec satisfaction toutes les mesures sages que le roi pourra prendre, afin de requérir les électeurs de Trêves, Mayence, et l'évêque de Spire, qu'en conséquence au droit des gens ils dispersent, dans unaélaidetroissemaines, lesdits attroupements formés par des Français émigrés; que ce sera avec la même confiance dans la sagesse de ces mesures que la nation verra rassembler les forces nécessaires, pour contraindre, par la voie des armes, ces princes à respecter le droit des gens, au cas qu'après ce délai expiré, les attroupements continuent d'exister.
« Et, enfin, que l'Assemblée nationale a cru devoir faire cette déclaration solennelle, pour que le roi fût à même de prouver, dans les communications officielles de cette démarche importante à la Diète de Ratisbonne et à toutes les cours de l'Europe, que ses intentions et celles de la nation française ne sont qu'une. » (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres demandent que la discussion soit ouverte immédiatement sur le projet de décret de M. Daverhoult.
D'autres membres demandent l'impression du discours et du projet de décret, et l'ajournement de la discussion à mardi.
Je m'oppose à l'ajournement et je demande que l'on mette de suite aux voix le projet de décret.
Le projet de décret qui vous est présenté renferme cet avantage précieux, et il est inutile de l'imprimer pour en être frappé, d'allier notre respect pour la Constitution, avec les obligations sincères que nous impose le serment que nous avons fait, de veiller sans cesse au bien et au salut de la patrie. Je demande donc que nous ne perdions pas une seule minute, et que nous le discutions sur-le-champ, car le moindre retard serait coupable et constituerait
un crime. (Oui ! oui ! Exclamations.) Il ne faut pas nous le dissimuler, nous sommes entourés d'ennemis au dedans et au dehors. Ils sont méprisables, sans doute, et nous saurons le leur prouver; mais il ne faut pas nous endormir sur les mesures que nous avons à prendre. Le projet de M. Daverhoult en présente une pleine de sagesse. Je demande qu'il soit crié aux voix sur-le-champ. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement !
Il semble que toutes les fois que 'l'on propose des mesures urgentes et importantes, on cherche à nous entraîner dans une discussion tumultueuse pour les éluder. Il semble qu'on veuille nous endormir dans le bourdonnement de l'opinion publique, pour ne nous réveiller que lorsque nous serons chargés des fers qu'on nous prépare. (Applaudissements.) Je demande donc que la discussion s'ouvre à l'instant, et que le projet proposé par M. Daverhoult soit décrété sur-le-cnamp. (Vifs applaudissements.) Il faut décréter sans désemparer.
Plusieurs membres, dans différentes parties de la salle, demandent d'aller aux voix sur l'ajournement.
Je demande la parole.
Plusieurs membres : Aux voix! Aux voix l'ajournement !
Je demande à parler pour l'ajournement !
Plusieurs membres : La discussion fermée sur l'ajournement.
J'insiste pour avoir la parole : Monsieur le Président, veuillez consulter 1 Assemblée.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Gérardin sera entendu.)
Je commence par déclarer que j'approuve la sagesse et l'énergie des mesures proposées par le préopinant; mais je déclare aussi que le plus grand inconvénient serait d'adopter de pareilles mesures de confiance. L'Assemblée ne doit pas s'écarter de la règle qu'elle s'est imposée de faire imprimer les projets dé décret qui lui sont présentés, et c'est dans cette circonstance, très importante sans doute, qu'il est intéressant de s'entourer de toutes les lumières qu'il est possible de se procurer.
A Dieu ne plaise que j'imagine qu'on ait voulu intervertir l'ordre du jour, pour amener la discussion sur un objet de cette importance ; mais, je me plains qu'il y ait ici des membres qui, par excès ae patriotisme sans doute, veulent empoisonner les intentions de ceux qui veulent comme eux le salut de la patrie, qui, comme eux, sont prêts à s'immoler pour elle, mais qui veulent avant tout sagesse et maturité dans les délibérations.
Je me résume et je demande l'impression et l'ajournement de la discussion à mardi.
Je demande que si on ajourne la discussion, on veuille bien en même temps prier les émigrés d'ajourner leurs tentatives contre la France à cinquante ans.
La mesure que je vous propose et que vous avez bien voulu écouter avec indulgence, pour qu'elle puisse avoir l'effet que nous avons lieu d en attendre, doit convaincre le roi que nous lui portons l'expression du vœu national. Dès le moment que plusieurs membres
paraissent douter, puisqu'ils ont besoin d'un ajournement pour réfléchir ; la mesure ne produira pas l'effet nécessaire. Un ajournement de deux jours n'ôtera rien à la grandeur et à l'effi-caGité de vos moyens ; il ne les rendra que plus respectables, plus augustes aux yeux même de ceux sur lesquels ils doivent frapper. (Applaudissements.) J'adopte l'ajournement à mardi.
Plusieurs membres : Aux voix l'ajournement ! La discussion fermée!
Je propose de commencer aujourd'hui la discussion pour la continuer demain.
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'ajournement.)
Je demande l'ajournement de la motion Daverhoult sans fixer le jour. Vous avez déjà ajourné soit à demain, soit à mardi, plusieurs objets, entre autres des rapports sur les finances. Occupez-vous, Messieurs, des finances et toujours de préférence des finances. (Murmures.) D'après ce que le trésorier de l'extraordinaire nous a dit, il reste 500,000 livres sur les 10 millions que nous lui avons accordés. Le service serait interrompu si je ne faisais demain mon rapport. C'est pourquoi je demande l'ajournement de la motion de M. Daverhoult.
Plusieurs membres demandent la priorité pour l'impression et l'ajournement à mardi.
Je demande la question préalable sur l'ajournement et la discussion immédiate.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable sur l'ajournement et accorde la priorité à la motion d'ajournement à mardi.)
Je mets aux voix l'impression et l'ajournement de la discussion à mardi. Plusieurs membres : La division ! Vautres membres : La question préalable sur la division !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de division et décrète, en outre, l'impression et la distribution du discours et du projet de décret de M. Daverhoult et l'ajournement de la discussion à mardi.)
Un grand nombre de membres s'apprêtent à quitter la salle, persuadés que la séance va être levée.
Je rappelle les membres qui se disposent à sortir, à l'ordre et à la séance.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des pétitionnaires qui devaient être admis à la barre dans cette séance. Ils se plaignent de ce qu'ils viennent depuis plusieurs dimanches pour présenter à l'Assemblée leurs hommages et leurs pétitions et demandent une séance particulière du soir pour être entendus, et un ordre quelconque pour leur admission.
(Quelques débats suivent la lecture de cette lettre.)
(L'Assemblée décide que sa séance sera prolongée jusqu'après l'audition des pétitionnaires premiers inscrits,)
Une députation des citoyens d1 Arles est introduite à la barre et vient réclamer la protection de l'Assemblée contre les conspirateurs d'Arles, qui les persécutent pour n'avoir pas voulu tremper dans leurs complots. Ils remettent sur le bureau un procès-verbal des excès commis par ceux dont ils se plaignent.
(L'Assemblée renvoie la pétition, ainsi que les pièces qui y sont jointes, au comité des pétitions.)
, dont Vadmission à la barre avait été décrétée à la séance du lundi 21 novembre, est introduit ; il s'exprime ainsi :
« Messieurs, j'ai aimé ma patrie dans un temps où le patriotisme était regardé comme une chimère, et je l'ai servie autant qu'il a dépendu de moi. Toute ma vie j'ai cultive la science de la nature, cette science si utile qui influe sur la perfection de tous les arts ; la connaissance des minéraux est surtout de la plus grande importance, et je m'y suis attaché par préférence.
« M'apercevant qu'il manquait a la France une collection suivie des minéraux de la Sibérie, cette vaste contrée dont le nom seul est effrayant, mais qui est l'une des plus riches de la terre en productions minérales, je résolus de former cette collection. I
« Sans secours du gouvernement, uniquement à mes frais, j'ai parcouru pendant huit années entières l'Asie septentrionale, toute la Sibérie, jusqu'aux extrémités les plus reculées de la Daourie ; et j'ai visité et décrit toutes les mines qui se trouvent dans une étendue de pays de plus de douze cents lieues. Ni la rigueur de ces affreux climats, ni les fatigues, ni les dangers, ni les dépenses qui absorbaient mon patrimoine, rien n'a ralenti mon zèle, et j'ai eu enfin le bonheur de rapporter dans ma patrie le fruit de tant de travaux.
« Une nombreuse collection de pierres précieuses d'un volume extraordinaire des mines d'or et d'argent de toutes les variétés, enfin une suite de deux mille morceaux choisis des minéraux les plus rares ; telle est, Messieurs, l'offrande que je mets aux pieds de la nation, et que je la supplie d'agréer.
« Les savants qui ont vu cette collection ou qui la connaissent par les mémoires que j'ai publiés sur les mines de la Sibérie et de la Daourie, l'ont jugée importante pour la science, et digne d'embellir un établissement public. Si l'Assemblée nationale daignait avoir égard à mon vœu, je n'hésiterais pas de désignerle cabinet d'histoire naturelle du Jardin des plantes, de cet établissement précieux qui fait tant d'honneur à la nation française, où se trouvent réunis tous les trésors de la nature, et qui est dirigé par les hommes les plus célèbres qui enseignent les moyens d'appliquer aux arts utiles, des connaissances qu'on regardait ci-devant comme des objets de pure curiosité.
« Le règne minéral n'a pas été le seul qui ait fixé mon attention ; j'ai rapporté un nombre considérable de plantes nouvelles, que j'espère faire connaître incessamment.
« Puisse mon offrande mériter l'approbation de l'auguste Assemblée des représentants de la • nation ! Puisse le zèle qui m'anime enflammer tous ceux qui cultivent la science de la nature l et ils rapporteront à la France d'abondantes moissons des richesses lointaines. Mes forces ne me permettent plus de partager leurs pénibles travaux : je vais employer celles qui me restent à faire des recherches dans l'intérieur même de cet Empire, dont les productions minérales offrent à découvrir une infinité de choses intéressantes dans la pratique des arts utiles.
« Heureux ae remplir jusqu'à la fin de ma vie le plus saint de tous les devoirs, celui de me dévouer tout entier au service de ma patrie ! »
Signé : Patrin, citoyen de Lyon.
, répondant au pétitionnaire : « Les despotes ne jugent de leurs conquêtes que
par le nombre de leurs esclaves, et par l'étendue des ruines sur lesquelles ils font peser leur pouvoir odieux. Un peuple libre compte parmi ses possessions les plus précieuses, les découvertes utiles à l'humanité. Vous venez, Monsieur, de l'extrémité du globe, apporter à vos concitoyens le fruit de soins multipliés, de recherches pénibles, d'entreprises hardies ; vous vouez à l'instruction publique les richesses de tout genre que vous avez recueillies dans vos courses lointaines ; vous consacrez dans le temple de la patrie les honorables trophées de vos utiles travaux. Les représentants ae la nation reçoivent votre don ; ils aiment à voir un de ces hommes qui, livrés à l'étude des lois de la nature, en ont mieux connu cette sainte égalité de droits dont elle a fait l'apanage de tous ses enfants ; et qui, sous quelque climat qu'ils aient fixé leur séjour, Français ou étrangers, ont partout appelé la Révolution par leurs vœux, l'ont préparée par leurs lumières et l'ont soutenue par leurs efforts.
« L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'insertion de la pétition de M. Patrin ainsi que de la réponse de son président dans le procès-verbal et charge le comité d'instruction publique de lui présenter ses vues sur l'emploi au don.)
est introduit à la barre et lit une adresse contenant une offre gratuite ; cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs, c'est au moment où votre sollicitute paternelle s'occupe de tous les moyens de réparer les désastres qui affligent nos colonies et surtout les malheureux habitants de Saint-Domingue, que chacun des Français doit regarder comme un devoir sacré; celui d'offrir à sa patrie ce qu'il a en son pouvoir pour seconder vos vues et soulager ses frères.
« Le zèle de tous les Français à qui vous confiez le soin d'aller secourir nos colonies, ne sera ralenti sans doute, ni par des voyages sur un élément auquel la plupart d'entre eux ne sont point accoutumés, ni par les chaleurs excessives d'un climat peu fait pour leur tempérament; leur courage sera leur force, et nul obstacle ne pourra les arrêter; mais, sur une terre brûlante et jonchée de cadavres en ce moment, les maladies qui en résultent nécessairement pourraient, en les rendant victimes de leurs fléaux, s'opposer aux succès des efforts que vont faire ces généreux citoyens, pour sauver la vie et les propriétés à tant de familles infortunées.
« Pour éloigner ces craintes, et augmenter encore, s'il était possiblej leur dévouement à la patrie, je viens vous offrir, Messieurs, d'approvisionner, à mes frais, les vaisseaux que vous envoyez porter des secours aux colonies, d'une quantité suffisante d'un spécifique déjà bien connu par l'utilité que les gens ae mer en ont retiré contre toutes les maladies auxquelles cet élément les expose. Ce procédé, à qui la qualité précieuse de préserver de toute corruption les eaux embarquées sur mer et de rétablir celles qui sont gâtées, a fait donner le titre de régénérateur universel, a essentiellement l'avantage de garantir, par son usage, de toutes les maladies inflammatoires, épidémiques et contagieuses.
« J'ai fait hommage de cette découverte, le 17 mai dernier, à l'Assemblée nationale constituante. Elle a ordonné la nomination de commissaires qui, après avoir examiné mon procédé, ont reconnu qu'il ne pouvait nuire dans
aucun cas, et qu'il ne devait produire que de très bons effets. Je saisis aujourd'hui avec empressement la première occasion qui s'est présentée de l'employer utilement pour le bien général.
« Agréez, Messieurs, avec bonté, cette faible marque de mon dévoument à la chose publique. Quel bonheur pour moi si un grand nombre de mes concitoyens me sont redevables de leur conservation, et la patrie d'un moyen de plus, de s'opposer efficacement aux fléaux contagieux qui affligent souvent et dévastent les plus belles - contrées.
« Je serai trop payé, Messieurs, si mon zèle et la pureté de mon intention peuvent mériter vos suffrages et votre approbation. » (Applaudissements.) Signé : Tranche-Lahausse, rue des Vieux-Augustins, n° 57.
, répondant au pétitionnaire : « Vous avez dirigé vos recherches vers un objet saeré, la conservation de vos semblables; le peuple libre le plus fameux de l'antiquité décernait une couronne civique à celui qui sauvait la vie à un de ses concitoyens; le peuple français libre vous remercie, par l'organe de ses représentants, des bienfaits semblables qu'il devra a vos lumières. L'Assemblée nationale reçoit avec sensibilité votre hommage et vous invite à sa séance. »
(L'Assemblée décrète l'insertion de l'adresse, ainsi que de la réponse du Président dans le procès-verbal, et renvoie l'offre proposée au ministre de la marine.)
est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage sur les moyens de perfectionner la culture dans les colonies.
, (L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de ce don au procès-verbal et renvoie l'examen de l'ouvrage au comité d'agriculture.)
Une députation des musiciens des églises supprimées est introduite à la barre et réclame la justice et l'humanité de l'Assemblée nationale contre le dernier décret de l'Assemblée constituante.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de la liquidation de la dette publique.)
Je viens de recevoir des dépèches de Perpignan d'où il résulte que des troubles sérieux ont eu lieu dans cette ville. Un de MM. les secrétaires va vous donner lecture de la lettre dè la municipalité de Perpignan.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre; elle est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Les deux régiments que nous avons en garnison à la citadelle se conduisent, depuis longtemps, d'une manière peu propre a prouver qu'ils conservent la mémoire des bienfaits dont les a comblés la nation française. La disposition de ces deux régiments n'est assurément que le fait de leurs officiers respectifs. Le soldat est soumis à la loi, lorsqu'à l'abri de toute influence étrangère, il est abandonné à l'amour de son devoir. Les officiers de ees deux régiments ne cessent de provoquer ouvertement l'avilissement des pouvoirs constitués et le mépris de la loi. Déjà, par un de ces mouvements condamnables qui peuvent échapper à un jeune écervelé, mais qui sont criminels dans un vieux militaire, le sieur Saillant, commandant de la citadelle, s'est
exhalé d'une manière atroce contre les amis de la Constitution, et on l'a vu attenter, quelque temps après, à la tranquillité publique. Les procès-verbaux, n° 1 et 2, font foi de cette double assertion. Nous aurions dû peut-être vous dénoncer dès ce moment, ce perturbateur; il eût été puni ; mais nous avons cru qu'il suffisait de le dénoncer à M. le commandant militaire de la ville, et il n'a pu être donné aucune suite à cette dénonciation.
« Offensé sans doute d'être surveillé par des magistrats civils, le sieur Saillant a travaillé à attacher à sa cause le 20e régiment par l'entremise des officiers dont il connaît les principes et qui, disposés, cpmme lui, contre les amis de la Constitution, devaient se féliciter de trouver une masse de force qu'ils dirigeraient au gré de leurs passions. Le projet a réussi. Depuis ce temps, les soldats de ces deux régiments n'ont cessé d'être ensemble, on les a entendus chanter dans les rues ce refrain : « Les chasseurs et Cambrésis, nous serons toujours unis. » Les uns et les autres ont provoqué, à diverses reprises, des rixes avec les habitants de la ville, ont pris avec jactance des titres flétris, depuis trois ans, dans l'opinion publique, et ont ainsi, croyant servir leur cause, servi les passions de leurs chefs.
« Il est naturel qu'une pareille conduite produise tôt ou tard des désordres; il ne manquait aux officiers qu'un prétexté, pour frapper un coup dangereux, et il était trop aisé pour ne le pas trouver. La municipalité a plusieurs fois prévenu et M. le commandant militaire et M. le lieutenant général : ceux-ci ont usé assurément de tout l'ascendant de leur autorité, pour faire rentrer dans leurs devoirs? officiers et soldats, mais quel pouvait être l'effet de leurs ordres lorsqu'ils étaient transmis aux soldats par des intermédiaires infidèles ? Les ordres ont été nuls : la municipalité en a gémi, et le glaive a été continuellement suspendu sur la tête des citoyens.
« Enfin, la tenue de la foire Saint-Martin a réveillé les indispositions. Un citoyen de la ville de Péret, district du même lieu, et notoirement connu par un arrêt du département des Pyrénées-Orientales, qui ordonne son désarmement et celui de sa compagnie, le sieur Micaude arrive : il se transporte au quartier Saint-Jacques, donne un repas aux soldats du 20è régiment, qu'il trouve déjà disposés à recevoir les impressions qu'il voulait leur donner, associe à cette orgie scandaleuse des soldats du 12e régiment de chasseurs ; et tout fier d'un pareil appui, il se promène insolemment autour des murs ae la ville, et devient le noyau auquel se rassemblent tous les mécontents.
« Bientôt la municipalité vit dans ce rassemblement un germe de putridité dont le développement pouvait infecter la commune. Elle travailla aussitôt à y remédier; mais les préparatifs étaient faits depuis longtemps, et nier, vers 5 heures et demie du soir, les citoyens ont été dans une agitation qui faisait craindre les suites les plus funestes. Vous verrez, par le procès-verbal coté n° 2, comment la municipalité est parvenue à rétablir le calme ; vous verréz ensuite, par le procès-verbal n° 4, par quels soins elle a cherché à remonter jusqu'à la cause de cette agitation.
« Il résulte du rapprochement des diverses dépositions contenues aans ledit procès-verbal : 1° que des soldats du 20° régiment ont arrêté arbitrairement des citoyens ; 2° qu'ùn détachement du
même régiment était descendu en armes, du quartier, avant qu'il y eut, à ce sujet, aucune réquisition des corps administratifs ; 3° que l'adjudant du même régiment a tenté d'employer la force militaire pour enlever arbitrairement deux canons qui sont habituellement devant la maison commune ; 4° qu'un officier du régiment a poussé, sur la place d'armes, des cris séditieux ; 5° qu'un officier du même régiment, qui commandait des troupes de ligne, loin de faire son devoir en arrêtant le désordre, l'a au contraire animé; 6° que des officiers du même régiment ont employé la violence pour empêcher l'arrestation de quelques citoyens turbulents que des officiers municipaux en echarpe avaient faite ; 7° que des officiers du même régiment ont cherché à animer les soldats, en leur disant qu'il y avait des officiers détenus, tandis qu'aucun ne l'a été ; 8° que le sieur Castella s'est mêlé à la bagarre après avoir quitté son poste, et a outragé un officier municipal en exercice de ses fonctions ; 9° que les soldats du 20e régiment, armés, ont commis du ravage dans la maison du sieur Dancast, où ils sont entrés de vive force ; 10° que des soldats du même régiment ont arrêté, devant la maison du commissaire du roi près le tribunal du district de Perpignan, la gendarmerie nationale qui faisait patrouille pour le rétablissement du bon ordre, ce que constatera encore davantage le procès-verbal dressé à ce sujet par la gendarmerie ; 11° que des chasseurs ont poussé dans la bagarre des cris séditieux.
Il est un autre fait qui n'est pas certain, mais que l'affreuse combinaison qui a eu lieu rend presque certain, c'est celui du coup de fusil tiré suï le sieur Peignier, par un soldat resté dans une maison particulière. Quel est le sort qui attend les bons citoyens, si l'impunité venait à l'appui d'une telle audace? Nous savons, à la vérité, qu'ils iront au-devant de la mort, chaque fois qu'il s'agira de défendre les lois ; mais cette ^résolution est l'avant-coureur des derniers malheurs, si elle trouve de la résistance de la part des dépositaires de la force. D'ailleurs, la ville de Perpignan et sa citadelle sont, par leur position, des places trop importantes, pour que la défense en soit confiée à deux régiments qui se sont si mal conduits.
« La municipalité de Perpignan doit cependant rendre hommage à la vérité ; et, quelle que soit sa position, elle ne cessera pas d'être juste. Il est un nombre considérable de sous-officiers du 20° régiment, qui sont venus répandre dans son cœur paternel la douleur qu'ils ont sentie en voyant cette rébellion. L'un deux, vieillard respectable qui a blanchi sous les mêmes drapeaux, a donné de sa peine les, signes les plus attendrissants.
« Généreux officiers, consolez-vous d'avance : vous êtes suspects à votre corps ; vous serez peut-être proscrits par lui, dès qu'on lui apprendra que vous avez blâmé sa conduite ; mais si la violence vous forçait à quitter ses drapeaux, vous trouveriez dans le Corps législatif des vengeurs, et dans tous les honnêtes citoyens de votre patrie. »
Ces troubles sont la répercussion de ceux de Montpellier et d'Arles. Je demande le renvoi des pièces au comité de surveillance.
Je suis surpris que le ministre de l'intérieur ne donne aucune connaissance de ces faits à l'Assemblée. Je propose de le faire appe-
ler et de lui demander quels sont les motifs qui l'ont empêché de nous les communiquer.
Un membre combat la proposition de M. Rouyer par cette considération que, souvent, l'Assemblée apprend même plus tôt que le ministre, les troubles qui agitent un département.
(L'Assemblée renvoie la lettre de la municipalité de Perpignan ainsi que les pièces au comité militaire.)
Une députation des officiers, sous-officiers et soldats invalides du département de Paris est introduite à la barre et demande qu'il leur soit accordé les mêmes pensions de retraite que celles qui sont accordées par les décrets aux pensionnaires de l'Hôtel. ;
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire.)
Je demande une séance extraordinaire, demain, pour entendre le reste des pétitionnaires et le rapport du comité militaire sur les Invalides.
(L'Assemblée décrète qu'il y aura une séance demain soir, qui sera destinée à entendre les autres pétitionnaires, et dans laquelle le comité militaire fera son rapport sur la pétition des Invalides.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
présidence de m. viénôt-vaublanc.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès verbal de la séance du dimanche 27 novembre.
Un membre: J'ai une observation à faire sur la rédaction du procès-verbal ; elle est relative à la pétition d'un ci-devant frère lai, Récollet, qui, désirant contracter mariage, demande s'il pourra continuer à toucher sa pension comme prêtre. Le procès-verbal porte tout simplement que l'Assemblée est passée à l'ordre du jour. Je demande que cette décision soit motivée et qu'on explique que la loi ayant anéanti les vœux religieux et ne reconnaissant le mariage que comme contrat civil, rien ne s'oppose à ce que l'ex-Récollet continue de toucher sa pension.
Plusieurs membres : Appuyé 1 appuyé !
Voici comment je propose de rédiger à ce sujet le procès-verbal : « Un membre ayant observé qu'aucune loi n'empêche la continuation du payement des religieux et ecclésiastiques qui sont dans le cas du pétitionnaire, l'Assemblée passe à l'ordre du jour. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Un membre : En passant, hier, à l'ordre du jour sur la pétition des dames Delattre l'intention de l'Assemblée a été, sans doute, de nâter l'interrogatoire des sieurs Varnier et Delattre, afin que le secret fût promptement levé en faveur.de ces deux accusés. Les quatre grands juges près la haute cour nationale sont nommés. Je demande que, dès cet instant, ils entrent en activité et procèdent à l'interrogatoire.
Un membre : Votre comité de législation vous
a présenté, hier, un projet de décret dans lequel il s'est constamment écarté des principes constitutionnels. Il a établi une distinction entre le décret d'accusation rendu contre le sieur Varnier, et celui rendu contre le sieur Delattre, sous prétexte que le décret rendu contre le premier porte qu'il sera tenu au secret et que celui rendu contre le second ne renferme pas cette disposition rigoureuse. Cette distinction est absolument injuste parce que, l'objet de l'accusation étant le même, la peine doit aussi être la même. Les lois doivent porter un caractère impartial, de bienfaisance pour récompenser, de sévérité pour punir. Pour prévenir de semblables erreurs, dans le cas où l'Assemblée aurait malheureusement besoin de prononcer encore des décrets d'accusation pour des crimes de lèse-nation^ je propose de charger le comité de législation de présenter une formule uniforme d'accusation.
J'appuie cette motion et je demande que les accuses soient promptement transférés à Orléans.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Il faut enjoindre aux grands juges d'interroger le sieur Varnier, ou accorder a cet accusé la permission de correspondre, par lettre, avec sa mère. Il n'est pas nécessaire pour sa punition, quand même il serait coupable, je dis plus, il serait barbare de lui refuser la liberté de donner, sous le contrôle d'un officier civil, des consolations à une mère éplorée. Cette demande est de toute justice, et j'en fais la motion expresse.
Plusieurs membres ; L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture :
1° D'une lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui fait part d'une demande du directoire du département de l'Oise, relative à l'emplacement du lieu de ses séances, avec l'avis du ministre.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
2° D'une lettre de M. Rumpler, chanoine de Varsovie, qui envoie à l'Assemblée un assignat de 50 livres/ pour dédommager un citoyen qui a perdu,par le feu, un assignat de pareille somme ; cette lettre est ainsi conçue :
« Strasbourg, le
« Monsieur le Président,
« J'ai lu hier, dans un journal (1) qu'il s'était présenté à la barre un pauvre malheureux qui, ne possédant pour toute fortune qu'un assignat de 50 livres, 1 avait vu dévorer par les flammes, à un petit bout près, qu'il exhibait à l'Assemblée nationale, pour en être indemnisé de sa perte ; mais qu'après quelque discussion, l'affaire avait été renvoyée au rapport.
« Je sens, Monsieur, que les représentants de la nation ne doivent pas légèrement disposer
des fonds publics. Je sens également qu'aucun des membres de la législature n'aurait osé, de
crainte d'offenser son voisin, tirer deux louis de sa poche, pour écarter à la fois et la
discussion et la pétition ; mais un citoyen de la galerie pouvait, sans blesser la délicatesse
de personne, faire ce que n'aurait pu décemment un législateur dans le sanctuaire du Sénat de
l'Empire.
« Si le rapport lui est favorable, son désastre lui aura doublé sa subsistance, et, au cas contraire, le bonhomme se trouvera dédommagé de sa perte. (Applaudissements.)
« Je suis avec un respect infini, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Rumpler, chanoine de Varsovie. »
Plusieurs membres : L'insertion de la lettre au procès-verbal, avec mention honorable.
(L'Assemblée décrète que cette lettre sera insérée dans le procès-verbal avec mention honorable et ordonne que l'assignat sera déposé au comité des assignats, pour être remis à sa destination.)
3° D'une adresse du même citoyen à laquelle sont jointes différentes pièces.
(L'Assemblée renvoie cette adresse et les pièces au comité des pétitions.)
4° D'une adresse de la garde nationale de Péri-gueux qui demande à marcher sur les frontières.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au pouvoir exécutif.)
5° D'une lettre d'un citoyen qui propose des moyens de recueillir encore une portion importante des récoltes, dans les plantations ravagées de Saint-Domingue, et qui, pour cela, demande à l'Assemblée une avance de deux millions.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités réunis du commerce et des colonies.)
6° D'une lettre du département de la Mayenne, qui informe l'Assemblee que les biens nationaux dont l'estimation s'élevait à 11,232,454 livres ont été vendus 16,665,393 livres.
7° D'une lettre des administrateurs composant le directoire du département du Haut-Rhin, qui envoie toutes les pièces relatives au transport d'argent arrêté à Belfort; cette lettre est ainsi conçue ;
« Golmar,
« Messieurs,
« Comme il est essentiel que l'Assemblée nationale soit instruite de toutes les circonstances relatives à l'arrestation des 480,000 livres à Bel-fort, dont M. Delessart, ministre de l'intérieur, lui a fait part, nous ayons l'honneur de vous adresser copie des lettres qui nous ont été écrites à ce sujet, et des pièces justificatives. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité diplomatique.)
Avant de passer à l'ordre du jour, je demande à l'Assemblée la permission de lui donner connaissance d'une lettre, relative aux émigrants, qui m'a été adressée par le président du directoire du district d'Alais; voici les termes de cette lettre: •
« Ceux qui se disposaient à émigrer et à s'armer contre la patrie, partirent d'ici le 10 du courant, au nombre de 30. Ils n'étaient encore qu'à Villefort, lorsqu'un courrier vint les engager de s'arrêter et de se répandre dans le pays, où leur présence était plus nécessaire, plutôt que de se rendre à Worms oti à Coblentz, où le nùttibrë des émigrants ne permettait plus d'fen placer
d'autres. En conséquence, cette troupe se disposait, avec d'autres mécontents, à établir un camp à Alais et l'autre à Jalès. Ces dispositions ont été découvertes par une lettre qui a été interceptée, et qu'écrivait à l'un d'eux le principal agent qu'ils avaient ici. Cet homme, attaché autrefois à l'hôtel de ville, a été arrêté le 13, et on espère découvrir, par lui, le fil de toute la trame. II y a apparence qu'il était en correspondance directe avec les princes, puisqu'il payait déjà aux émigrants les 45 livres par mois, comme s'ils étaient déjà à Coblentz. D'autres grandes et intéressantes découvertes se feront à mesure qu'on aura fouillé dans les papiers, et qu'on aura intercepté la correspondance de ce particulier.
« Notre district, au reste, était assez tranquille, même avant la fuite de ces insensés, lorsque cette paix a été un moment troublée à Aujac. Là, les patriotes en sont venus aux mains avec ceux qui ne voulaient point de curé constitutionnel. 8 hommes de ligne ont fait face à 200 de ces factieux; et, soutenus ensuite par 30 patriotes de Gennelach, ils les ont tous dispersés, après s'être emparés des chefs, qu'on a conduits ici.
«Il paraît, au surplus,que les projets des fanatiques et des émigrants n'intimident pas beaucoup les citoyens du département du Gard, puisque les dernières ventes des domaines nationaux se sont élevées à plus d'un million et que l'estimation ne les avaient portées qu'à quatre cent et quelque mille livres. » (,Applaudissements.)
Un membre, au nom du comité de législation, demande que 8 commis soient accordés à ce comité.
(L'Assemblée accorde cette demande).
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité des assignats et monnaies sur une nouvelle émission d'assignats de 5 livres.
, rapporteur. Messieurs, le 11 novembre dernier (1), l'Assemblée nationale a adopté le décret d urgence. Par son décret du même jour, elle a accordé provisoirement et par échange, la somme de 10 millions en assignats de 5 livres qu'elle a destinés aux besoins de la caisse de l'extraordinaire et de la trésorerie nationale; elle a ajourné le surplus du projet du comité au lundi suivant, jour auquel lui serait présenté le projet d'écnange des 100 millions d'assignats ae 5 livres dans les départements, et elle a ordonné l'impression du rapport et du projet de décret.
Le comité des assignats avait fait imprimer à la suite de ce rapport le projet de décret qu'il devait vous présenter le lundi 14 novembre. Le voici (1) :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des assignats, et avoir décrété l'urgence sur le projet ae décret qui lui a été présenté le 21 de ce mois, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Pour subvenir aux besoins de la caisse de l'extraordinaire et de la trésorerie
nationale, il sera attribué au service de ces deux caisses, outre les 10 millions décrétés le
11 novembre présent mois, 15 autres millions qui, réunis, feront 25 millions, et cette somme
sera délivrée au caissier de la caisse de l'extraordinaire, en assignats de 5 livres, en la
forme ordi-
« Art. 2? Ces assignats seront employés aux besoins journaliers aesdites caisses, et ils seront échangés contre des assignats de 500, 1,000 et 2,000 livres, qui seront brûlés avec les formalités et la publicité prescrites par les décrets.
« Art. 3. Ils ne seront délivrés que par forme d'emprunt sur les 100 millions destinés à l'échange dans les départememts et districts du royaume, ils ne pourront accroître l'émission actuellement portée à 1,400 millions par le décret du 1" novembre, et ils seront remplacés sur les émissions futures, pour compléter l'échange de 100 millions décrétés le premier du présent mois de novembre.
« Art. 4. L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire sera tenu de rendre compte détaillé de l'emploi qui a été fait sous ses ordres et sous sa responsabilité, de partie des 100 millions d'assignats de 5 livres, décrétés par l'Assemblée nationale constituante.
« Art. 5. Les commissaires de la trésorerie nationale rendront également un compte détaillé de l'emploi fait dans leurs différentes caisses, de la partie desdits 100 millions qui y a été versée par M. Lecouteulx, en exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
« Art. 6. D. en sera usé de même à l'égard de l'emploi qui sera fait des 25 millions qui leur sont attribués par le présent décret.
« Art. 7. Les Bordereaux qui ont été tenus par les agents de la trésorerie nationale, pour l'échange de partie des assignats de 5 livres en faveur du commerce et des départements, ainsi que les noms, qualités et demeures de ceux qui les ont échangés, seront imprimés et distribués dans les départements et districts du royaume. »
Depuis, votre comité a cru nécessaire d'y faire quelques changements. Permettez-moi quelques développements à l'égard de ces changements.
D'abord, il a été dit à l'Assemblée nationale, par différents membres, que la caisse de l'extraordinaire et la trésorerie nationale n'étaient point en état de rendre un compte de l'emploi des assignats de 5 livres qui se faisaient dans les deux administrations. Différents membres ont allégué des abus qui s'y étaient glissés. Ces différentes motions ont déterminé le comité des assignats à établir les dispositions qui forment l'article 4.
Je puis vous dire aujourd'hui que l'administrateur de la caisse de 1 extraordinaire a rempli autant qu'il a été en lui, et depuis le 11 novembre jusqu'à ce jour, les dispositions qui sont prescrites par cet article. Il a écrit au comité que des 100 millions d'assignats qui avaient été destinés par l'Assemblée nationale constituante à échanger de plus gros assignats, il n'en était resté d'affectés au service de la caisse de l'extraordinaire que 5 millions. En même temps, il s'est engagé envers le comité, et conséquem-ment envers vous, Messieurs, à remplir sur les 100 millions dont vous allez destiner l'usage, toutes les formalités et les précautions de détail que l'Assemblée pourra exiger.
J'observe, sur l'article 5, que la trésorerie nationale a fourni à votre comité différents états qui justifient la manière dont a été fait l'emploi de 93,233,200 livres sur les 100 millions en assignats de 5 livres qui ont été versés dans cette caisse par M. Lecouteulx, en exécution des décrets de 1 Assemblée nationale. Je tiens ici un
aperçu de la destination de cette somme, savoir : le service du culte, l'administration et l'ordre judiciaire) la liste" civile, la guerre, les travaux publics, la gendarmerie, la loterie royale, les douanes nationales, les fermes générales, les étapes et convois militaires, la direction des postes, les échanges faits pour les moissons, vendanges, etc., etc.
Tous ces différents objets forment un total de 93, 233, 200 livres. La trésorerie nationale, Messieurs, ne s'est pas contentée de ces détails ; elle nous a encore fourni un autre état de ce qui avait été envoyé dans les départements pour les différents objets de service. Il nous a encore été fourni un autre état de ce qui a été dépensé :pour le commerce et l'agriculture dans les différents départements du royaume. Enfin, je tiens ici un bordereau général ae toutes les opérations qui ont été faites à cet égard. A ces différents états, Messieurs, est joint un état destiné à faire connaître tout ce qui a été employé, tant par la caisse de l'extraordinaire que par la caisse de la trésorerie nationale, et les versements qui ont été faits à la caisse de l'extraordinaire dans les 83 départements du royaume. Enfin cet état comporte ce que chaque département a dépensé.
M. de Lamarche est chargé par la trésorerie nationale des échanges destinés aux différents départements ; il tient des. feuilles journalières que j'ai présentement à la main. Depuis le 22 septembre dernier, jour auquel a commencé l'exécution du décret jusqu'au 19 novembre présent mois, les échanges se font d'une manière que je crois déjà avoir présentée par extrait, à l'Assemblée nationale, lors de mon premier rapport. Les départements envoient à la capitale les grosses valeurs qu'ils désirent échanger ; ils ont un commettant dans la capitale, qui a la confiance ; ils joignent à leurs envois un exposé de leurs besoins. Lorsque c'est un particulier qui fait ces demandes, 1 état est certifié par la municipalité, ensuite par le district et enfin par le département. Muni de ces certificats., le particulier se présente chez M. de Lamarche ; il y souscrit une demande en échange. M. de Lamarche ne lui donne d'abord aucun bon d'échange dans le moment où il se présente ; mais M. de Lamarche, suivant les possibilités et d'après les sommes dont il peut disposer, envoie le lendemain un porteur de registre, qui s'assure que le particulier qui s'est présente chez lui a vraiment un domicile et est un homme en qui on peut avoir confiance. Alors il lui remet un bon, en vertu duquel le particulier se présente à la caisse de M. Dupin, qui réalise lé bon de M. Qe Lamarche.
En outre, M. de Lamarche tient un état par colonnes, où sont inscrits le nom du département, celui du district et de la municipalité, l'objet des besoins, les sommes demandées par les particuliers, et le nom et la demeure de la personne qui reçoit l'échange; S'il existe des abus dans ces échanges, ce ne peut être que dans l'infidélité des agents des municipalités ou des départements qui, recevant une somme, en déclareraient une autre et agioteraient à l'infâme rue Vivienne.
A toutes ces précautions, votre comité, Messieurs, a pensé qu'il était possible d'en ajouter une encore. Il a pensé qu'il était possible qu'un homme qui se présentait chez M. Dupin avec un bon de 10,000 livres, ne remît à M. Dupin les 10,000 livres que dans un temps éloigné. Il a pensé que l'on devait exiger que celui qui avait un bon fût tenu de le décharger. M. de Lamarche,
avec lequel le comité a eu une longue conférence à cet égard, disposé à suivre tout ce qui peut éclairer son administration, a dû expédier, ainsi qu'il nous a promis, à M. Dupin, l'ordre de faire décharger par celui qui se présentait à la caisse, le bon qui deviendrait alors une attestation que la personne qui s'est présentée pour toucher 10,000 livres a vraiment reçu cette somme.
Il me reste, Messieurs, deux mots à vous dire pour vous engager à adopter le projet qui vous est présenté. Quelques membres au comité, dans le peu de temps qu'ils ont eu pour se réunir hier, ont observé que peut-être la trésorerie nationale pourrait subvenir à son service en consommant beaucoup moins de petites valeurs. Ils ont remarqué que depuis le 12 novembre, jour auquel ils avaient encore quelques restes de 100 millions, jusqu'à mercredi prochain, la trésorerie nationale aura absorbe 10 millions. Il a semblé au comité que la trésorerie nationale aurait pu en dépenser un peu moins. A cet égard, nous n'avons pu, M. Guyton-Morveau et moi, en nous rendant nier soir à la trésorerie nationale, nous procurer un état exact de ces dépenses; mais M. Cambon vient de me le remettre à l'instant, et je vais vous en donner connaissance.
Sur 9,500,000 livres remises à la trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire, en assignats de 5 livres, il en a été distribué par la trésorerie nationale pour 7,494,650 livres, et dont le déduit suit...
Je demande la permission d'observer qu'il ne reste rien dans la mémoire de la lecture rapide de ces tableaux sur des objets de finance aussi compliqués ; et c'est perdre le temps qu'on emploie à les entendre. Il est bien plus simple d'imprimer, et il me paraît fort étonnant que MM. les rapporteurs des comités des finances fassent des rapports sans les avoir fait imprimer, afin que chacun de nous pût les examiner et délibérer dessus avec certitude.
Plusieurs membres : Il est imprimé!
Oui, il y en a bien un ; mais les développements que nous donne M. le rapporteur ne l'ont point été.
Je prie l'Assemblée d'observer que M. le rapporteur n'est entré dans ces détails fastidieux que pour répondre aux objections faites au comité.
Un membre ; J'observe que ces interruptions font perdre du temps. Je demande que le rapporteur continue.
, rapporteur. Je reviens à l'objet principal du rapport, car les détails dans lesquels îe suis entré n'ont été que pour éclairer l'Assemblée sur la manière dont se faisait l'administration des caisses.
Le comité des assignats a désiré, Messieurs,
3ue votre décret portât précisément que la caisse le l'extraordinaire ne pourrait prétendre à avoir plus de 15 millions au delà des 10 millions qui ont été accordés le 11 novembre, pendant tout le temps qui serait employé à la fabrication des 100 millions d'assignats que vous avez destinés à cet échange, de sorte qu'il restât, sur ces 100 millions, 75 millions privativement destinés à l'échange que vous avez voulu qui eut lieu dans les départements.
Je finis par une dernière observation sur l'article 7, auquel je propose d'ajouter par amendement, à cause ae l'immensité de ces bordereaux, qu'ils ne seront imprimés que relativement à ce
qui concernera chacun des 83 départements en
Sarticulier, et que l'on n'enverra pas à chacun
es 83 départements les états des échanges qui ont eu lieu pour les autres départements, états qui ne peuvent leur servir à rien.
(L'Assemblée décide que la discussion est ouverte sur le projet de decret, et qu'il sera discuté article par article.)
, rapporteur. Voici le premier article de notre projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des assignats, et avoir décrété Purgence sur le projet de décret qui lui a été présenté le 11 de ce mois, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Pour subvenir aux besoins de la caisse de
l'extraordinaire et de la trésorerie nationale, il sera attribué au service de ces deux
caisses, outre les 10 millions décrétés le 11 novembre présent mois, 15 autres millions qui,
réunis, feront 25 millions, et cette somme sera délivrée au caissier de la caisse de
l'extraordinaire, en assignats de 5 livres, en la forme ordinaire, au fur et à mesure- de la
fabrication, et par concurrence avec les 75 millions réservés à 1 échange dans les
départements. »
Si, pour ce qui me concerne, j'ai consenti à accorder les 10 premiers millions, mesure qui vous était bien moins dictée par l'esprit d'ordre que par la nécessité des circonstances, cela n'a pas été du moins sans une conviction intime, qu elle n'avait été amenée que par un défaut d'exactitude et de surveillance, ou peut-être de tous les deux; mais enfin vous l'avez décrété, il le fallait, Aujourd'hui, votre comité vous propose de porter jusqu'à 25 millions la part que vous accorderez définitivement à la caisse de l'extraordinaire ; mais votre comité a bien senti lui-même que si la caisse de l'extraordinaire entrait en participation des assignats de 5 livres destinés aux échanges, et si elle y entrait pour un quart, elle ne devait avoir ni privilège, ni préférence : aussi n'a-t-il demandé pour elle qu'une simple concurrence avec les départements que je crois nécessaire de lui accorder ; mais je trouve incomplète la disposition du premier article à cet égard. Il établit bien là concurrence dans le droit ; mais qui nous répondra qu'elle sera fidèlement exécutée dans le fait? Qui nous rassurera contre les demandes ultérieures de cette caisse, et contre la nécessité peut-être de les accorder encore ?
Jè désirerais donc, et je demande qu'à l'article premier, il soit ajouté une déposition conçue en ces termes :
« D'après la délivrance faite au caissier de la caisse de l'extraordinaire des 10 millions d'assignats, qui lui ont été attribués par le décret du 11 de ce mois et avant qu'il puisse lui en être délivré d'autres, il en sera envoyé 30 millions dans les départements; et quant aux autres 15 millions, qui doivent être délivrés à cette caisse aux termes du présent article, ils ne seront délivrés à mesure de la fabrication qu'en proportion et en même temps que les 45 millions restants seront envoyés aux départements. »
Il nous a été dénoncé un très grand abus. On vous a dit que l'on vendait dans Paris pour des 10,000 livres d'assignats de 5 livres dont les numéros se suivaient. Vous voulez, Messieurs, prévenir cet abus, et c'est le but de votre comité. Les petits assignats sont l'unique ressource du commerce, et si vous ne prenez pas
toutes les mesures pour vous opposer à leur gaspillage, vous en priverez les départements. Les précautions les plus sévères doivent être prises dans cet échange. 11 faut se garantir de cet agiotage malheureux, qui, dans les payements, substitue les grands assignats aux petits qui se vendent avec 7 et même 8 0/0 de bénéfice. Or, pour y parvenir, voici l'article additionnel que je propose :
« Tous administrateurs et caissiers, tous chefs d'ateliers et autres personnes qui recevront des mandats pour fairé des échanges d'assignats de 5 livres, seront tenus de certifier la réception de ces assignats, et de faire mention de leurs lettres et de leurs numéros. »
La mesure de M. Haussmann peut être excellente pour des assignats de forte somme ; mais elle est impraticable pour ceux de 5 livres. Il faudrait faire imprimer un registre de 5 millions de numéros. Je demande donc la question préalable.
Plusieurs membres: La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
La caisse de l'extraordinaire n'a reçu des assignats que pour faire des appoints, et cependant depuis le il juillet jusqu'à présent, ce qui fait un peu plus de 4 mois, elle a déjà reçu 94,000,000 d'assignats. Vous allez lui en décréter encore 25 millions. Il est certain que si vous satisfaites de cette manière aux demandes de la caisse de l'extraordinaire, vous verrez qu'au lieu de se borner à faire des appoints en petits assignats de 5 livrés, elle fera bientôt la moitié de ses payements en petits assignats, Ce n'est certainement pas là votre intention, .car vous priveriez nécessairement lés départements de cette ressource. Je demande que la caisse de l'extraordinaire se borne à ces 25 millions et ne puisse en réclamer de nouveaux que lorsque l'émission des 75 autres millions sera complètement livrée aux départements.
Un membre: Je demande la question préalable sur l'amendement. Surveillons les caisses, mais ne décrétons rien à cet égard.
, rapporteur. Je n'ai qu'un mot à répondre pour tranquilliser le préopinant, c'est qu avant la fin du mois de décembre prochain, il y aura des petits assignats fabriqués en assez* grand nombre pour en donner aux départements et à la trésorerie nationale autant qu'ils en désireront.
J'appuie l'amendement ; les manufactures languissent, l'agriculture ne prospère pas, faute de petits assignats.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements de MM. Poujet et Brua.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ces amendements et adopte l'article premier du projet de décret du comité.)
11 reste à mettre aux voix l'article additionnel de M. Haussmann, mais je crois que cet article viendrait plus utilement après l'article 7 du projet du comité.
Je le représenterai au moment de la discussion de l'article 7.
Avant de passer à l'article 2, je dois annoncer à l'Assemblée que le scrutin de samedi n'a produit en faveur de personne la majorité absolue pour la présidence. J'invite
l'Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour procéder à un deuxième tour de scrutin.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et reprend sa séance un quart d'heure après.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre suivante :
« Lavaquerie, concierge de l'Abbaye, a l'honneur de faire passer à M. le président, deux lettres adressées à M. Varnier, ainsi qu'une note envoyée par Mme Delattre pour son mari. Ne pouvant rien remettre aux personnes qui sont aq secret, sans y être autorisé, il supplie M. le président de lui donner ses ordres à cet égard. »
Plusieurs membres : Le renvoi de toutes ces lettres aux archives !
Je m'oppose au renvoi aux archives, et je demande que les lettres soient remises à l'officier municipal chargé de l'inspection de cette prison, parce que, sous prétexte de justice, on fait toujours des actes arbitraires.
appuie la proposition de M. Voysin-de-Gartempe.
(L'Assemblée, consultée, décrète que les lettres seront déposées aux archives.)
La discussion du projet de décret relatif à une nouvelle émission d'assignats de 5 livres est reprise.
, rapporteur. Je vais vous lire l'article 2. Le comité y a fait un changement de rédaction afin de ne point anticiper sur le rapport qui vous sera fait relativement au mode des échanges, pour les départements. L'article 2 est maintenant conçu en ces termes:
Art. 2.
« Ces assignats seront employés aux besoins journaliers desdites caisses ; les valeurs de ceux qui seront admis à l'échange seront déterminées lors du rapport qui sera fait sur le mode de bet échange dans les départements; et ils seront brûlés avec les formalités et la publicité prescrites par le décret. »
Un membre: J'ai proposé^ lors de l'ajournement, deux amendements qui ont été renvoyés au comité, qui ne les représente pas. Ils consistaient à établir que les assignats ae 5 livres seront échangés contre les assignats de 100, 200 et 300 livres, et ceux-ci contre des assignats dé 500, 1,000 et 2,000 livres. Je demande que l'article soit changé et rédigé de la manière suivante :
« Les assignats seront employés aux besoins journaliers desdites caisses, et ils seront échangés Contre des assignats de 100, 200 et 300 livres; ces derniers seront ensuite échangés pour pareille somme contre des assignats de WÊ 1,000 et 2,000 livres.
Ces dispositions sont réservées par la rédaction du comité, et l'Assemblée s'en occupera quand on lui fera le rapport sur le mode des échanges.
Plusieurs membres : La priorité pour la rédaction du comité 1
(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de l'article 2 du comité et l'adopte.)
, rapporteur, donné lécturé de l'article 3, qui est mis aux voix? et décrété, sans discussion, dans lès tërriiès suivants :
Art. 3.
« Ils ne seront délivrés que par forme d'emprunt sur les 100 millions destinés à l'échange dans les départements et districts du royaume; ils ne pourront accroître l'émission actuellement portée à 1,400 millions par le décret du 1er novembre, et ils seront remplacés sur les émissions futures, pour compléter l'échange des 100 millions décrétés le 1er du présent mois de novembre. »
, rapporteur. L'article 4 porte que l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire rendra compte de l'emploi des 5 millions d'assignats de 5 livres qui lui ont été remis. Cet article est impossible dans l'exécution, parce que M. Lecouteulx, qui ne pouvait prévoir la disposition postérieure d'une loi, n'a pas tenu de bordereaux des espèces qu'il délivrait en général dans ces payements. Il ne peut donc indiquer en détail à quels payements les assignats de 5 livres ont été particulièrement employés. Le comité propose de réunir l'article 6 et l'article 4, qui se trouverait ainsi conçu. :
. Art. 4..
« L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire sera tenu de rendre un compte détaillé de l'emploi qui sera fait sous ses ordres, et sous sa responsabilité, des 25 millions qui lui sont attribues tant par le décret du 1er novembre, que. par le présent décret. »
L'intention de l'Assemblée et celle du comité est d'éviter les prévarications dans la distribution des petits assignats. Lorsque vous délivrez à la Trésorerie nationale, par exemple, une somme de 10 millions tant en petits qu'en gros assignats, il est possible que le caissier prenne les petits assignats, s'en procure de gros à 6, 7 et 8 0/0 de bénéfice, et qu'ensuite, lorsque les parties prenantes arrivent, on lés paye en gros assignats, tandis qu'elles devraient être payées avec les mêmes assignats qui ont été délivrés au caissier.
Je demande, pour qu'on puisse vérifier l'emploi que. les caissiers feront des assignats qui leur seront délivrés, qu'ils soient tenus de faire exprimer par les parties prenantes dans quelle nature d'espèces ou d'assignats tous les payements auront été faits, et ce à peine de nullité de toutes les quittances qui n'auraient point été assujetties à cette forme. Par ce moyen vous aurez une garantie de plus. (Applaudissements.)
Un membre : L'article qui est véritablement à la discussion est l'article 4. Il me paraît étrange qu'on écarte la question de savoir si un administrateur rendra un compte.
Je demande à ceux qui sont dans l'intention d'assujettir la trésorerie nationale à faire exprimer, dans les quittances, la qualité d'assignats, s'ils entendent parler des quittances des gros seulement, ou s'ils entendent parler de toutes quittances des parties prenantes. A cèt égard, je déclare que, pour les versements qui se font en gros assignats, pour quelque objet que ce soit, ce que l'on vous propose s'exécute a présent.
, rapporteur. L'Assemblée paraissant vouloir adopter la motion de M. Delaporte, voici comment je propose de la rédiger :
« Les payeurs de la caisse de l'extraordinaire, ceux de la trésorerie nationale et de toutes au-
très caisses, seront tenus de fournir, en tête de leurs quittances, un bordereau des espèces et nature d'assignats qu'ils donneront en payement, à peine de rejet de leurs quittances, dans les comptes qu'ils rendront. »
Je demande qu'on ajoute : « et sous peine de destitution de leurs places. » (Exclamations.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Delacroix !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M; Delacroix et adopte la motion de M. Delaporte, rédigée par M. Dorizy.)
(L'Assemblée revient à la discussion de l'article 4.)
Je demande que l'Assemblée rejette la nouvelle rédaction proposée pour l'article 4 et délibère sur l'article, tel qu'il était dans le premier projet du comité.
Je demande la question préalable sur cet article. Aucune loi n'omigeait M. Le-couteulx à retenir des bordereaux d'espèces pour les payements en petits assignats. Il a donc pu s'en dispenser. La loi est bonne pour l'avenir; elle serait tyrannique si elle était rétroactive.
Ces raisons rendent plus claire la nécessité de savoir quand, Comment et où les petits assignats sont passés. L'effet n'est pas rétroactif, puisque le comptable devait s'attendre qu'on exigerait un compte. Je conclus à la présentation des registres.
, rapporteur. Plusieurs personnes désirent que l'AsSemblée décide sur l'article 4 du premier projet du comité, auquel j'ai substitué la nouvelle rédaction dont je vous ai donné lecture tout à l'beùre.
Plusieurs membres : La question préalable sur cette motion !
. (L'Assemblée est consultée sur la question préalable; deux épreuves sont douteuses.)
Dans le doute, il y a lieu à délibérer.
Il ne peut être douteuxpour aucun des membres de cette Assemblée qu'il rie soit de leur devoir de s'élever coritre la possibilité même d'une prévarication. Une quantité très considérable de petits assignats a été répandue dans la capitale : elle est devenue la proie des agioteurs. C'est par leurs mains qu'il a fallu qu'elle passât pour arriver aux citoyens honnêtes qui payaient au poids de l'or un secours que la prévoyance des législateurs leur -avait destiné. Ce n'est point ici, d'ailleurs; ce n'est pas au milieu des représentants du peuple qu'on peut s'opposer à ce que des administrateurs rendent compte de l'emploi qu'ils ont fait de la fortune publique. (Applaudissements.)
Je ne conçois pas comment l'Assemblée nationale peut être divisée sur un point qui est aussi clair que le jour. En fait de comptabilité, tout doit être exact. Celui qui a reçu les petits assignats doit être en état d'établir de quelle manière il les a envoyés ; et faites attention, Messieurs, que Ce que je vous avance est établi par le fait. Il n'y a pas un membre de directoire de département qui ne soit en état de vous attéster que les administrateurs ont toujours eu l'intention de mander aux receveurs de district, de les instruirë très pdrictuëllëiriënt de la réception dès petits assignats. Il est done im-
possible d'après cela que ceux qui sont à la tête de l'opération, qui tiennent les registres en grand de la comptabilité, puissent vous refuser de rendre le compte qui a été voté. J'appuie donc l'article qui a été présenté.
L'erreur du préopinant vient de ce qu'il confond le compte des sommes et des dépenses avec celui de la nature des espèces. Sans doute, tout administrateur doit le compte le plus exact de l'emploi des sommes qui lui ont été confiées, et 1 Assemblée nationale se montrera toujours sévère à l'exiger; elle remplira l'un des premiers devoirs que lui aient imposé la loi et la confiance de ses commettants. Mais nulle loi n'exigeait jusqu'à ce jour qu'un administrateur se mît en état de dire : Non seulement voilà l'emploi que j'ai fait de telle somme, mais j'ai distribué les espèces de telle ou telle manière; j'ai payé celui-ci en assignats de telle somme, celui-là en assignats de telle autre. Ce que la loi n'exigeait pas, M. Lecouteulx ne l'a pas fait, et ne pouvait être contraint à le faire. Il est donc de toute impossibilité de vous rendre ce compte.
Je distingue pour les 5 millions passés et pour les 25 millions à venir. Pour les 5 millions passés, la loi n'a pas enseigné cette précaution; elle a gardé à cet égard le silence. Bien plus, dans les bordereaux qui ont été donnés par le pouvoir exécutif, on a simplement demandé à tous les comptables possibles, et j'espère le prouver par les bordereaux, de distinguer ces deux choses seulement : en espèces tant, en assignats tant, sans désigner les différentes valeurs des assignats. (Murmures.) D'après cela, je crois qu'il est impossible de décréter l'ancien article 4, et je demande, en conséquence, qu'il soit Supprimé.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
, rapporteur. Je vais vous faire la lecture de la lettre de M. Amelot qui a été interrogé par le comité sur la manière dont il présenterait le compte des 5 millions qui ont été employés par la caisse de l'extraordinaire; elle est adressée au président du comité des assignats. La voici : ,
«J'ai l'honneur, Monsieur, de vous adresser l'état de l'échange fait parla caisse de l'extraordinaire des 100 premiers millions d'assignats de 5 livres contre des assignats de plus forte somme. Cet échange s'est opéré en masse pour la trésorerie nationale à qui il en a été délivré pour 95 millions. Elle seule peut faire connaître 1 emploi particulier qu'elle en a fait pour son service.
« Quant à la caisse dé l'extraordinaire, elle n'en a employé que 5 millions pour lesquels elle a retiré de la circulation pareille valeur en assignats de plus forte somme. Cette caisse n'était chargée d'aucun objet de dépense pour les départements, ses besoins n'étant relatifs qu'à sa propre gestion.
M. Lecouteulx, qui présidait seul aux échanges, n'ayant pour comptable que son seul caissier général, n'a point tenu d'écriture particulière sur l'emploi des assignats de 5 livres...
Un membre : Voilà le mal, voilà l'agiotage de la rue Vivienne !
, rapporteur, continuant la lecture. « ... d'autant plus que l'Assemblée constituante n'avait prescrit aucune mesure à cet égard. (Murmures.) Il est donc impossible de faire connaître au comité les sommes appliquées â telles bti telles dépenses de là ëaisse.
« Mais voici les objets généraux qui entraînent la consommation la plus considérable des assignats de 5 livres : 1° La caisse du remboursement où il se paye dans certains jours jusqu'à prés de 600 parties différentes, à chacune •desquelles il revient une feuille d'assignats de 5 livres, plus l'appoint au-dessus de 50 livres ; telle a été la base adoptée dés le principe ; 2° la caisse d'échange des billets de caisse ; 1 échange de chaque billet entraîne le même emploi d'une feuille d'assignats de 5 livres, plus l'appoint ; 3° l'échange des coupons, lesquels n'étant que de 15 livres, 4 livres 10 sols et 3 livres ne peuvent se rembourser qu'en assignats de 5 livres ou monnaie blanche ; 4° les fonds à faire aux payeurs des gages, auxquels il faut donner une portion en assignats de 5 livres pour éviter l'achat du numéraire nécessaire pour payer toutes les sommes au-dessous dé 50 livres; 5° les secours aux hôpitaux, les prêts aux municipalités sur les seizièmes qui leur reviennent sur le prix des ventes ; il a toujours été d'usage de remettre une partie de ces sommes en assignats de 5 livres; 6° le-payement des employés de l'administration de la caisse de l'extraordinaire, frais de bureau et autres menues dépenses de la caisse. « « 5 millions d'assignats de 5 livres pour satisfaire à tous ces objets, ne paraîtront pas sans doute laisser de marge aux abus, d'autant plus que du moment où le Trésor national a eu .établi un service régulier pour procurer des échanges au commerce et aux établissements publics, la caisse de l'extraordinaire s'est fait une loi sévère de n'en faire aucun.
« Tels sont, Messieurs, les renseignements que je puis donner au comité, pour le passé ; mais comme je suis jaloux de concourir, autant qu'il dépend ae moi, aux vues d'ordre qui ont déterminé la demande qu'il m'a faite, j'ai pris des mesures nécessaires pour pouvoir lui donner à l'avenir, quand il le désirera, l'état dé l'emploi des sommes en assignats de 5 livres qui seront remises à la caisse ae l'extraordinaire pour son service particulier. Cet état contiendra ce qu'il y a eu d'assignats de 5 livres employés dans chacune des caisses particulières, des remboursements, de l'échange des billets de caisse, de l'échange des coupons ; et, dans l'état général, on distinguera ce qu'il y aura d'employé pour le payement des gagés, pour les secours aux hôpitaux, pour des prêts aux municipalités, etc., ae manière que le comité puisse juger de ce que chaque, nature de dépense peut absorber de petits assignats. »
Voilà, Messieurs, ce qu'il y a, dans la lettre, de relatif à cet objet. - (L'Assemblée fermé la discussion.)
Je demande, par amendement, que le caissier soit tenu de remettre son registre avec ses notes.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'article et sur l'amendement !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 4 et sur l'amendement de M. Rouyer.)
L'Assemblée vient de prononcer qu'il lie fallait pas de compte détaillé de l'emploi qui a été fait des petits assignats ; mais l'Assemblée entend bien que l'on rendra le compte général (Oui! oui!). Et je crois que l'Assemblée peut décréter qu'à l'avenir, M. Lecouteulx rendra un compte détaillé. (Oui! oui!)
(La discussion du projet de décret sur une
nouvelle émission d'assignats de 5 livres est de nouveau interrompue.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui informe VAssemblée du résultat des négociations entamées avec le dey d'Alger, et qui communique à l'Assemblée une lettre de la chambre de commerce de Marseille sur le même objet; ces lettres sont ainsi conçues :
« Monsieur le Président,
« Le roi m'a chargé de vous instruire du résultat de la négociation dont M. de Mïssiessy-Quiès, et le capitaine Dommergues ont été chargés auprès du dey d'Alger. L'Assemblée nationale apprendra sans doute avec la plus grande satisfaction que les mesures de prévoyance et de conciliation ordonnées par Sa Majesté dans une circonstance aussi délicate qu'importante, ont eu un succès si complet, que la France doit regarder aujourd'hui le dey d'Alger comme un ami sur lequel elle peut compter plus que jamais. Après avoir entendu les explications que M. de Missiessy était chargé de lui donner sur ses différentes demandes, il a fait asseoir cet officier auprès de. lui et lui a dit : « Ecrivez au roi que je vous ai fait « asseoir comme un ami, ce que je ne fais pour « aucun envoyé. Je vais vous faire remettre la « lettre. que j'écris à Sa Majesté, et celle que « j'écris a son ministre. Je vous ferai donner « également trois chevaux dont je fais présent « au roi. Mandez lui que j'ai pris beaucoup de « part aux troubles de France, et que si mes se-« cours avaient pu être utiles à la tranquillité « des Français, rien ne m'aurait coûte pour « prouver mon attachement à la nation française, « et particulièrement pour la personne du roi. » (Applaudissements.) —J'ai cru ne pouvoir mieux vous faire connaître les dispositions actuelles du dey, qu'en rapportant les parolesles plus remarquables dont il s'est servi pour les témoigner. Elles ne laissent plus aucun doute sur ses sentiments envers la France. M. de Missiessy-Quiès en a profité pour transiger avec lui sur ses diverses prétentions. Le prince les a même diminuées, de son propre mouvement. Lorsque j'aurai rassemblé tous les éclaicisseçuents nécessaires. pour connaître l'étendue de cette dépense extraordinaire, j'aurai l'honneur d'en mettre l'état sous les yeux de l'Assemblée nationale, en la priant d'en ordonner, le payement. -
« L'heureuse et promptë issue de cette négociation a parfaitement rétabli le calme et la sécurité dans la place de Marseille, ainsi que le prouve la lettre que m'ont adressée les commerçants de cette ville, et dont j'ai l'honneur de vous envoyer copie.
« Je ne dois pas laisser ignorer à l'Assemblée nationale que le grand-maître de Malte, instruit des différends qui s'élevaient entre nous et la régence d'Alger, s'était hâté de prescrire aux commandants des escadres de la religion d'escorter nos bâtiments. Cette nouvelle preuve de l'intérêt et de l'attachement que prend l'ordre dé Malte à la sûreté et à la prospérité des Français, et de leur commerce, est d'autant plus remarquable, que le grand-maître n'a pas attendu d'y être invité par Sa Majesté, et quela protection de son escadre aurait devancé celle de nos propres armements, si les dispositions du dey d'Alger eussent été réellement hostiles. » (Vifs applaudissements).
«; Je suis avec respect, etc...
« Signé : BERTRAND. » ,
Léttre écrite au ministre de la marine par Messieurs de la chambre du commerce de Marseille :
Marseille, le
« Monsieur, « Nous ne saurions mettre trop d'empressement à vous donner la nouvelle satisfaisante qu'il règne à Alger, dans ce moment, la meilleure intelligence entre la France et la Régence. C'est par le retour de la frégate la Modeste, au port ae Toulon, que nous venons d'en recevoir l'avis. M. de Missiessy, qui commande cette frégate, ayant été forcé, par le temps, de relâcher aux îles d'Hyères, eut d'abord l'attention de faire savoir aux administrateurs du port de Toulon, qui en écrivirent tout de suite par exprès à notre chambré. La frégate étant ensuite arrivée en rade de Toulon, ils nous ont expédié par un courrier, les deux paquets à votre adresse que nous avons l'honneur de joindre ici. 11 nous reste à vous témoigner la satisfaction que le commerce de cette ville a ressentie en apprenant uné nouvelle aussi intéressante. C'est par l'effet des soins et de l'attention que vous donnez à tout ce qui regarde le bien de la navigation et du commerce, que les accidents auxquels ils pouvaient être exposés dans cette occasion, ont été sagement prévenus. Nous en sommes pénétrés de la plus vive reconnaissance, et nous vous .prions d'en recevoir les assurances. « Pour copie, etc... »
(Suivent les signatures.)
Messieurs, d'après le résultatdusecond tour de scrutin pour l'élection d'un président, il n'y a pas eu de majorité absolue : M. Brissot de Warville a obtenu 118 voix, M. La-cépède, 104. Ainsi, c'est entre ces deux membres que vous devez choisir votre président.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder à un troisième tour de scrutin et rentre en séance un quart d'heure après.)
La discussion du projet de décret sur une nouvelle émission d'assignats de 5 livres est reprise.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 du projet de décret du comité, qui devient article 4, et qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 4 (ancien article 5.).*;
« Les commissaires de la trésorerie nationale rendront également un compte détaillé de l'emploi fait dans leurs différentes caisses, de la partie desdits 100 millions qui y a été versée par M. Lecouteulx, en exécution des décrets de l'As-n semblée nationale. » m
, rapporteur. La suppression de l'article 4 nécessite une disposition additionnelle qui ait un effet certain pour l'avenir; j'ai rédigé en conséquence l'article suivant que je vous ai déjà présenté, et qui, avec l'amendement de M. Delaporte, adopté tout à l'heure, sera conçu en ces termes :
Art. 5 {nouveau).
pf® L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire et les commissaires de la trésorerie nationale seront tenus de rendre un compte détaillé de l'emploi qui sera fait, sous leurs ordres et sous
leur responsabilité, des 25 millions qui leur sont accordés, tant par le présent décret que par celui du 11 de ce mois. Les payeurs de cette caisse, ceux de la trésorerie nationale, seront tenus de fournir entête de leurs quittances un bordereau des espèces et natures d'assignats qu'ils donneront en payement, à peine de rejet des quittances dans les comptes qu'ils rendront. »
Un membre : La rédaction de cet article me paraît insuffisante pour prévenir l'agiotage que vous voulez détruire. 11 est essentiel et je demande que les receveurs et les payeurs ae district tiennent un registre exact de fétat de leurs payements et de la valeur des assignats.
J'approuve l'amendement proposé par le préopinant, mâis je vous observe que le décret que vous rendez en ce moment n'est qu'un décret relatif à l'administration de la caisse de l'extraordinaire et de la trésorerie nationale; que le décret relatif à l'échange dés assignats que le comité doit vous proposer, fait mention particulière des administrations de district, et que c'est à la suite de ce décret que vous devez appliquer l'amendement proposé ; je demande donc l'ajournement au moment où 1 on vous présentera le décret.
(L'Assemblée ajourne l'amendement et décrète l'article 5.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 6 (ancien article 7 modifié) qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 6 (ancien 7 modifié).
« Le tableau général de distribution des 94 millions d'assignats de 5 livres remis à la trésorerie nationale, ensemble les bordereaux qui ont été tenus par les agents, {pour l'échange de partie desdits assignats de 5 livres, en faveur du commerce et des départements, ainsi que les noms, qualités et demeures de ceux qui les ont échangés, seront imprimés et distribués dans les départements et districts du royaume, pour ce qui concerne chacun desdits départements ou j districts. »
Voici l'article additionnel que j'ai présenté au moment de la discussion de r article 1er :
. te Tous administrateurs et caissiers, tous chefs d'ateliers et autrès personnes qui recevront des mandats pour faire des échanges d'assignats de 5 livres seront tenus de certifier la réception de ces assignats et de faire mention de leurs lettres et numéros. »
Je demande la question préalable.
Un membre : Je demande l'ajournement de l'article."
(L'Assemblée décrète l'ajournement de l'article additionnel de M. Haussmann.)
Voici le résultat du troisième tour de scrutin pour l'élection à'un président : M. Brissot de Warville a obtenu 156 voix; M. Lacépède, 321. En conséquence, je proclame M. Lacépède, président.
Je demande à faire une motion d'ordre en vue d'accélérer les travaux de l'Assemblée, toujours interrompus par des questions incidentes et étrangères à l'ordre du jour. Je propose de fixer un jour de chaque semaine pour les divers objets qui doivent occuper l'Assemblée, et je demande le renvoi dé ma proposition au comité de législation.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de la trésorerie nationale, présente un rapport (1) sur les subsistances de l'armée; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le ministre de la guerre ayant demandé en avance à la trésorerie nationale les fonds nécessaires pour faire, pendant les mois de novembre et décembre 1791, janvier, février et mars 1792, les masses de boulangerie et de fourrages pour la consommation de l'armée pendant l'année 1792, les commissaires de la trésorerie, scrupuleusement attachés à l'exécution de la Toi* lui répondirent qu'ils ne pouvaient, sans un décret particulier du. Corps législatif, lui délivrer aucun fonds d'avance : alors, le ministre s'est empressé de solliciter ce décret par sa lettre du 19 du présent mois, que vous avez renvoyée à votre Comité de la trésorerie, pour vous en rendre compte.
Votre comité a pensé que ses fonctions se réduisaient à examiner si les avances demandées par le ministre sont raisonnables, et s'il est avantageux pour la chose publique, qu'elles lui soient faites par le Trésor national.
Votre comité militaire examinera si les moyens actuels de pourvoir aux besoins de l'armée sont en même temps et les plus avantageux au maintien de la force publique, et les plus économiques pour les finances de la nation ; il verra si, pour toutes les entreprises de fournitures, une adjudication publique au rabais, annoncée quelque temps d'avance, ne serait pas plus avantageuse au Trésor, qu une transaction secrète passée entre le ministre et quelques compagnies de capitalistes.
Votre comité de la trésorerie, se renfermant dans les bornes de l'objet particulier qui lé concerne, a examiné attentivement la demande du ministre, et il n'a pas balancé à reconnaître l'utilité, la nécessité mêirie de l'avance qu'il sollicite.
Plus les approvisionnements sont' considérables, et plus il est intéressant pour l'économie de saisir les instants favorables. Leur succès ne peut avoir lieu que pendant certains mois, dont il est avantageux de profiter. Pour en profiter, il est nécessaire d'avoir quelques fonds d avance, et il n'est pas douteux [qu'il vaut mieux recevoir ces fonds au Trésor public que des fournisseurs.
Ces considérations présentées à l'Assemblée constituante par M, Bouthiller, lui parurent assez puissantes pour la déterminer à s'écarter de l'ordre qu'elle avait prescrit pour lés versements à faire par le Trésor public pour toutes les dépenses de la guerre. Celles des masses générales d'hôpitaux, d'effets de campement, de chauffage, etc., devant avoir lieu dans tous les mois de l'année, elle crut qu'il suffisait d'un versement successif, et elle ordonna qu'il se_ ferait par douzième le 1èr de chaque mois; mais pour les masses de boulangerie et de fourrage, elle reconnut qu'elles nécessitaient de grands approvisionnements, qui ne pourraient se faire avec avantage sans quelques avances ; en conséquence, par son décret du 1er février 1791, elle ordonna que le ministre des finances serait autorisé à verser entre les mains du ministre de la guerre, et par égale portion, dans chacun des mois de novembre, décembre,
(1) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection des affaires du temps, Bf. in-8° 165, tome 141, n« 27.
janvier, février et mars, les trois quarts des fonds destinés à ces masses.
Inutilement opposerait-on que, pour faire ces avances, le ministre de la guerre n'a pas besoin de recourir à celles du Trésor public; que les mois cités étant ceux des congés de semestre, la suspension des appointements des militaires absents, couvrira de reste ces avances.
M. Bouthiller, rapporteur, donna les mêmes raisons à l'Assemblée constituante, pour prouver que l'avance qu'il proposait était plus fictive que réelle, et qu'en dernier résultat, les fonds à former par mois au ministre de la guerre, pour toutes les parties, n'excéderaient jamais le douzième de leur totalité.
Vous sentez, Messieurs, qu'il est impossible que les mêmes raisons puissent, en même temps, justifier l'utilité et l'inutilité des mêmes mesures.
Ceux qui les opposeraient à la demande du ministre ne feraient pas attention, qu'au moins pour cette année, elles n'auraient pas d'application, puisque les circonstances ont empêché d'accorder des congés de semestre.
Enfin, l'objection n'aurait de force que dans la supposition que le ministre delà guerre recevrait en chaque mois le douzième des sommes fixées pour son département, sans considérer le complet ou l'incomplet de l'armée : mais il est de fait qu'il ne donne d'ordonnances sur le Trésor que proportionnellement aux dépenses effectives.
. S'il en était autrement, il existerait encore des bons de caisse ; mais cet ancien abus a été totalement proscrit par l'Assemblée constituante, et c'est pour l'empêcher de renaître qu'elle forma l'établissement de la trésorerie nationale. C'est à cette caisse unique des recettes et dépenses ordinaires que se font tous les versements, c'est par elle que se font tous les payements, et elle n'en fait qu'à mesure des besoins. Tous les trésoriers répandus dans l'Empire ne sont que ses auxiliaires et comme ses premiers commis, qui ne peuvent jamais avoir de bons de caisse.
Après avoir établi que les avances demandées par le ministre sont nécessaires, il ne reste plus à votre comité qu'à vous en déterminer le montant.
Le décret déjà cité du 1er février les fixe, poUr 1791, aux trois quarts des masses de boulangerie et de fourrages, payables en cinq portions égales.
Le même décret fixe la masse de boulangerie pour l'infanterie française et suisse à 48 livres par an pour chaque homme.
La loi du 4 août la porte à la moitié en sus de celle des autres troupes pour les corps résidant à Paris.
C'est encore dans la loi du 11 février dernier qu'on trouve fixée à 290 livres par cheval la masse des fourrages.
Nous ne voyons rien qui engage à changer pour le moment ces fixations.
Prenant donc ces données pour 'bases de nos calculs, il n'est plus question que de connaître le nombre d'hommes et de chevaux qui devront composer l'armée française, pour avoir le montant des masses de boulangerie et de fourrages.
Mais, Messiéurs, comment pourrions-nous vous proposer à cet égard une mesure définitive? Ne dépend-elle pas évidemment du nombre d'hommes et de chevaux dont il vous plaira de composer l'armée de terre pour l'année 1792?
Suivant l'article 8 de la section lre du chapitre III du titre III de la Constitution, vous devez
statuer annuellement, après la proposition du roi, sur cet objet important. Suivant l'article 7 du chapitre précédent, le ministre était tenu, à l'ouverture de votre session, de donner Vaperçu des dépenses à faire dàns son département. Ces deux mesures auraient dû précéder sa demande
3ui en est une dépendance naturelle; et faute e les avoir suivies vous ne pouvez adopter, et votre comité ne doit vous proposer que des dispositions provisoires : telles et plus dangereuses encore seront toujours les suites de l'oubli de la Constitution.
Cependant les besoins qui pressent avec l'avancement de la saison, déterminent votre comité à vous proposer de fixer l'avance des masses sur le nombre actuel de l'armée française, d'après l'état que le ministre en a donné à la trésorerie.
Suivant cet état, l'infanterie française est de 225,118 hommes. Sur ce nombre, 218,111, sont fixés, pour la masse de boulangerie, à 48 livres par an; ce qui forme un total, pour l'année, de............................ 10,469,328 liv.
Dont les trois quarts sont.... 7,851,996
7,007, à cause de leur résidence à Paris, ont leur masse de boulangerie fixée à 72 livres; ce qui fait au total................. 504,504 liv.
Dont les trois quarts sont..... 378,378
Ainsi, la masse entière de boulangerie, pour toute l'armée française, est de. 10,973,832 liv.
Et les trois quarts de........ 8,230,374
Le même état porte le nombre des chevaux de l'armée française à 36,176, qui, à raison de 270 livres par cheval, portent la masse de fourrages, pour toute l'armée, à.... 9,767,520 liv.
Et les trois quarts à celle de.. 7,325,640
Votre comité pense qu'il est urgent d'accorder des avances au ministre, pour le mettre en état de former avec avantage les approvisionnements nécessaires à ces différentes masses ; mais il ne vous proposera de mettre à sa disposition que les deux cinquièmes à peu près des trois quarts des masses générales de boulangerie et fourrages, par portion égale, dans les mois de novembre et de décembre, parce que, après avoir examiné l'aperçu des dépenses de son département que, sans doute, il ne tardera pas à vous remettre, vous serez à même de juger des dépenses qu'il conviendra d'ordonner pour l'année 1792; et, en même temps, il croit nécessaire, pour l'ordre de la comptabilité, de vous proposer d'ordonner que les commissaires de la trésorerie ouvriront, dès à présent pour cet objet le registre des exercices de 1792.
C'est d'après ces considérations,, et après en avoir conféré avec votre comité militaire, crue votre comité de la trésorerie vous propose les décrets suivants :
Premier projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ae la trésorerie sur la lettre du ministre de la guerre, considérant que la saison est trop avancée pour attendre à commencer les approvisionnements des masses de boulangerie et fourrages pour l'armée, que le ministre lui ait donné 1 aperçu d'après lequel elle doit fixer les dépenses de 1792, décrète qu'il y a urgence. »
Second projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la trésorerie , et
après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera provisoirement, et acompte des masses générales de 1792, mis par la trésorerie nationale à la disposition du ministre de la guerre, pour l'aider à commencer les achats nécessaires aux masses de boulangerie et fourrages, les sommes ci-après savoir :
« Celle de 1,371,728 livres pour les achats relatifs aux masses ae boulangerie à faire pendant le mois de novembre.
« Celle de 1,220,940 livres pour les achats relatifs aux masses de fourrages, à faire pendant le même mois de novembre.
Art. 2.
« Pareilles sommes applicables aux mêmes objets seront mises à sa disposition pendant le mois de décembre.
Art. 3.
« Les commissaires de la trésorerie, pour l'ordre de la comptabilité, seront tenus d'ouvrir pour cet objet, dès à présent, le registre des exercices de 1792.
« L'Assemblée décrète que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(La discussion est ouverte sur ces projets de décrets, qui sont ensuite adoptés sans débats.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. PASTORET, EX-PRÉSIDENT*.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un membre présente à l'Assemblée une adresse du département de l'Oise, qui demande la solution de quelques difficultés survenues au sujet de l'élection et du. remplacement des administrateurs de ce département.
(L'Assemblée ajourne la discussion de cette adresse.)
, colon de la Martinique, est admis à la barre et expose les horreurs auxquelles il dit avoir été livré, pendant 6 mois, par les ordres arbitraires de MM. Vioménil, Damas et Béhague ; il s'exprime ainsi : '
Messieurs, j'arrive de la Martinique. J'étais domicilié depuis 25 ans dans la ville du Fort-Royal ; je n ai cessé d'y jouir de l'amitié de tout le monde, qu'à l'instant où mon amour pour la Révolution française m'a attiré la haine des planteurs, et les persécutions de mes débiteurs.
M. Vioménil, après avoir repoussé la cocarde nationale, obligé de céder aux vœux des Français de la colonie, voulut les en punir et ensanglanter la Révolution. Je fus député à la ville de Saint-Pierre pour dénoncer M. vioménil et y demander du secours. Tous les citoyens se réunirent d'abord contre lui ; tous les grands propriétaires et les créatures du gouvernement devinrent bientôt ses défenseurs. Ils dominèrent dans une assemblée coloniale qui fut créée, et,
depuis cette époque, ils sont restés réunis pour étouffer le sentiment delà régénération.
Les patriotes ont résisté vainement : leur sort a été constamment de gémir dans l'humiliation, ou d'être en proie aux horreurs de la guerre. M. Damas a remplacé M. Vioménil sans changer de système. Il fut déclaré imbécile à son arrivée dans l'île ; il fut destitué de toutes ses places par l'assemblée coloniale, que ne lui remit, au bout de deux mois, le gouvernement que pour le faire obéir à toutes ses volontés.
Au mois de septembre 1790, les patriotes purent faire entendre leurs voix. M. Damas et rassemblée coloniale s'enfuirent du Fort-Royal, pour s'entourer des colons qu'ils trompèrent, et des gens de couleur qu'ils armèrent. Je fus envoyé deux fois de suite vers eux, pour leur porter des propositions de paix. Ils les repoussèrent et suivirent les instructions du sieur Bellevue, leur député extraordinaire auprès de l'Assemblée constituante. Dans sa lettre du 15 juin 1790, il leur écrivait : « Je vous avertis que vous n'aurez jamais que ce que vous prendrez ; prenez donc et soyez inflexibles. Le moment des réclamations violentes est venu pour vous comme pour toute la France. J'irai parmi vous, comme cé matelot anglais qui, mutilé par les Espagnols, se présenta à la barre du Parlement d'Angleterre, encore tout ensanglanté et détermina la guerre. »
Les conseils du sieur Bellevue déterminèrent la guerre, et elle a été cruelle. Le 25 septembre, les patriotes tombèrent dans une embuscade. La plupart furent inhumainement massacrés. Je fus pris, dépouillé de mon argent et de mes habits et accablé d'injures. Arrivé au camp, je fus conduit dans la chambre du sieur Beauregard. Là, je fus inhumainement percé à coups de baïonnettes et de sabres ; on demandait ma mort, je la demandai moi-même, et je n'y aurais pas échappé, sans la protection de deux mulâtres qui me préservèrent de la fureur de ceux qui m'entouraient.
Couvert de blessures, je fus mis aux fers par l'ordre de M. Drouy qui commandait, et jeté dans une écurie au milieu des fiévreux et des galeux, ayant à peine pour vivre de l'eau et de la morue. Notre garde fut confiée à deux blancs, deux monstres, dont la conduite atroce ne peut se rendre par aucune expression. On fit panser mes blessures, dans l'espoir de m'arracher des déclarations, et l'on me fit subir un interrogatoire sur la sellette, au milieu des baïonnettes, tout ensanglanté que j'étais,-pour mè forcer à avouer des complots qui n'ont jamais existé. L'excès de més maux me porte à regretter de ne m'être jaas brûlé la cervelle. Un officier, nommé Pierre Bél-lefond, venait me voir quelquefois. Je l'implorai cent fois de m'apporter un pistolet, de la poudre et des balles ; il fut inflexible.
Il y avait 7 mois et demi que j'étais en cet état, lorsque M. de Béhague arriva à la Martinique. Les secours donnés à l'assemblée coloniale par MM. Rivière et Orléans entretenaient la guerre contre les patriotes. J'écrivis aux commissaires civils pour demander à être transféré au Fort-Royal et y être jugé. L'on ne pouvait plus se soustraire à cette juste demande. Ce moment devait être celui de ma délivrance et je sortis de prison. Ne pouvant marcher, je fus mis sur un tombereau et lié avec des cordes. Tous ceux qui étaient détenus avec moi furent liés deux à deux et on nous conduisit pendant 7 lieues, comme en trophée, au milieu des plus cruelles injures. On nous jeta ensuite dans un bateau, en rade de Fort-Royal, entre deux vaisseaux de ligne. Nous
étions gardés par un officier de marine et 20 matelots et nous couchions sur des pierres.
M. de Béhague donna l'ordre de m'empêcher d'écrire, ni de faire aucune demande. Cependant, les capitaines et les négociants de Saint-Pierre apprirent, par voie indirecte, que j'étais renfermé dans le bateau, pendant qu'à terre on me faisait passer pour mort. Ils firent une députation aux commissaires, et leur exposèrent l'état de mes affaires, toutes mes marchandises endommagées, mon magasin fermé depuis 7 mois et. demi, l'impossibilité de me faire payer par les planteurs. Ils déclarèrent qu'ils les rendraient responsables de ce que je devais. Toutes ces circonstances les déterminèrent à ordonner ma délivrance, mais ils me firent recommander de ne point aller au Fort-Royal-, que j'y serais indubitablement assassiné, qu'ils n'y étaient pas les. maîtres: Je me suis réfugié à Saint-Pierre où tous les citoyens se sont empressés de me donner des consolations.
Je suis venu réclamer des législateurs la justice qu'on m'a refusée dans ma patrie. Après tant de souffrances, ma ruine est consommée, et les moyens de poursuivre mes persécuteurs me semble interdits. Un commis qui, au Fort-Royal, s'était chargé pour moi de faire des recouvrements, vient, dans ce moment, d'être obligé de s'expatrier avec toute sa famille. Mais ici, mon espoir renaît. L'Assemblée nationale percera enfin les événements dont la Martinique a été le théâtre. Elle verra que trois .gouverneurs, d'accord avec l'assemblée coloniale, et peut-être avec les ministres, ont fait l'un après .l'autre tous leurs efforts pour anéantir la Constitution et étouffer le patriotisme. Elle saura que les fonds envoyés dans les colonies pour les dépenses annuelles, ont été employés pour soutenir la guerre contre les patriotes.
Je réclame, Messieurs, votre justice et votre humanité. Je vous demandé réparation des dommages causés par toutes les pertes que j'ai essuyées. Je vous demande, pour la nation, justice de tous les outrages qui lui ont été faits à la Martinique par les ennemis de la Constitution. (Applaudissements. )
Monsieur, l'Assemblée nationale prendra en considération la pétition que vous venez de . lui présenter. Elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)
Je demande le renvoi de la pétition au comité colonial. (Oui! oui!)
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Tanaïs au comité colonial.)
Un ecclésiastique, ci-devant chanoine de Tours, et actuellement maire de Nogent-le-Rotrou, est .admis à la barre ; il dénonce à VAssemblée le despotisme des administrateurs de l'Hôtel-Dieu et du collège de la ville^de Nogent-le-Rotrou, et s'exprime ainsi :
Messieurs, nous ne pouvons plus le dissimuler, il existe dans toutes les villes du royaume deux partis divisés par les querelles religieuses. La ville de Nogent-le-Rotrou, chèf-lieu du district de ce nom, département de Loir-et-Cher, est plus que toute autre ville agitée de ce vertige. Le dimanche 20 de ce mois, les deux partis se trouvaient en présence les armes à la main.
Législateurs, une étincelle peut allumer le feu de la guerre civile, qui embraserait la France et consumerait la Constitution. Les ennemis delà patrie ne le cachent plus, ils n'attendent que la
première explosion. Les foyers de conspiration, intérieurs et extérieurs se communiquent, et l'on doit craindre, dans la ville de Nogent, une vieille corporation formée des débris de la féodalité et de la fiscalité. Cette corporation subsiste sous le nom de bureau de L'Hôtel-Dieu, telle qu'elle existait avant 1789. La Constitution la réprouve, le peuple la voit avec effroi, et ne lui a jamais donné son assentiment. Elle délibère, elle ordonne, elle agit à l'égal des autorités constituées dont elle se croit la rivale, je dirais presque la supérieure. Sous le prétexte apparent d'administrer l'Hôtel-Dieu, le bureau Rassemble la nuit comme le jour, mais ce rassemblement des membres qui le composent n'a véritablement pour objet que de se communiquer leurs opinions et de tracer leur plan. Ce bureau est composé d'un sieur Saint-Paul, ancien major de cavalerie favorisé de la cour, et à qui la Constitution a fait perdre sa haute noblesse (Applaudissements dans les tribunes.); d'un sieur Bourdon, à qui le peuple n'a donné aucune place dans le nouveau régime, et privé par la Constitution du titre de conseiller au roi, échevin de la ville; d'un sieur Bruzot, à qui le peuple n'a jamais donné la moindre marque de confiance, et qui a perdu par la Constitution le titre imposant de procureur du roi; d'un sieur Gautier, à qui la Constitution a fait pérdre la place de secretaire dans l'ancienne municipalité, et une charge utile dans les gabelles ; d'un sieur Goilard, à qui la Constitution a fait perdre celle de juge de la ville et de subdélégué ae l'intendant; d'un curé de la ville, qui aussitôt son admission, après avoir remplacé un pasteur non sermenté, a profité de son titre d'administrateur de l'Hôtel-Dieu pour dépouiller et s'emparer de toutes les fonctions d'un confrère élu par le peuple en vertu de la Constitution; enfin, du sieur Cron, commissaire du roi, à qui la Constitution a fait perdre le titre de juge, d'avocat du roi, de procureur du roi, de maire de la ville, de receveur du grenier à sel, et qui, avec le traitement que la nation lui paie, entretient aux Tuileries, la dame Hervé, sa fille, son gendre, garde du roi, à Coblentz, l'un de ses fils officier au régiment de Warwick, aussi à Coblentz, et son autre fils, ci-devant avocat, également àCoblentz. (Applaudissements.)
Dès que le mépris dont les législateurs ont voulu couvrir le délire du fanatisme eut détruit l'espoir des ennemis de la Constitution, le bureau de l'Hôtel-Dieu de Nogent expulsa successivement de cette maison le chapelain assermenté, les sœurs patriotes, le chirurgien et son élève patriotes, tous ceux enfin qui osèrent manifester leur respect pour la Constitution. La municipalité elle-même a été formellement exclue de toutes les délibérations anticiviques de ce bureau, et le département, trompé sans doute par les talents et par les réponses d'un rassemblement d'anciens formalistes, croyant faire triompher la bonne cause, a toujours prononcé contre la municipalité.
Victime de ma soumission à la loi, criminel aux yeux de ce rassemblement, d'avoir prêté mon serment, je recevais paisiblement dans mon église les ecclésiastiques non sermentés, les invitant même, avec toute la tolérance de la philosophie et de la religion, à disposer fraternellement de tout ce qui dépendait de moi pour le libre" et tranquille exercice de leur culte, lorsque les électeurs, mes collègues, réunis pour les élections à faire dans notre territoire, me nommèrent successivement président du corps électoral, et
membre de l'administration, et les administrateurs eux-mêmes, président de l'administration. La confiance du peuple irrita les membres du bureau, ils sollicitèrent mon exclusion et le département la prononça. Les citoyens de la ville réunis à l'assemblée primaire pour la formation de la municipalité, m'ont élu maire à la grande majorité des suffrages. Le département a prononcé contre moi une troisième proscription.
La ville de Nogent demande la suppression totale et prompte de l'administration de l'Hôtel-Dieu, de ce corps voué à l'impiété et proscrit par la Constitution. A cet effet, elle remet sur le bureau de l'Assemblée nationale sa pétition légalement souscrite, par environ 300 individus, tous citoyens actifs et fonctionnaires publics, tous véritables citoyens. Le but de cette pétition est de ne plus laisser subsister que les corps établis par la Constitution. (Applaudissements dans les tribunes.)
Monsieur, l'Assemblée nationale prendra votre demande en considération ; elle vous invite à assister à sa séance.
Je demande que l'Assemblée veuille bien renvoyer cette pétition à celui de ses comités qui doit en connaître, et l'on verra qui a raison, ou de toutes les autorités constituées du département, ou du ci-devant chanoine de Tours, porteur de cette pétition.
Un membre : Nous ne pouvons plus douter, d'après cette pétition, qu'il existe à Nogent une guerre entre les citoyens et le bureau dont ils demandent la suppression. Le pétitionnaire a eu raison de vous dire qu'il était plus sage encore et plus juste de faire une loi pour prévenir le crime, que de mettre les lois faites a exécution pour le punir. Je demande le renvoi de la pétition au comité de législation, pour qu'il vous en fasse un rapport.
J'appuie cette proposition, mais je la généralise en demandant une loi pour tout le royaume. Ces sortes de bureaux, qui existent encore dans beaucoup de villes, ont été composés à l'origine d'après la base des trois ordres, le clergé, la noblesse et le tiers Etat. C'est une ancienne barbarie féodale que vous ne pouvez laisser subsister. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète que le comité de législation sera chargé de présenter une loi générale sur les bureaux d'administration des hôpitaux du royaume.)
, Hollandais réfugié, est introduit à la barre : il présente une réclamation au sujet des pensions accordées à ses compatriotes réfugiés comme lui, et s'exprime ainsi :
Messieurs, je me nomme Gysbert-Estein, Hollandais, ancien trésorier de la commission des guerres de la ville d'Amsterdam. Dans mon pays je fus patriote, je le suis aujourd'hui envers ma patrie adoptive. Apprenez, législateurs, quel sort m'y attendait.
Lorsque les Hollandais, en 1788 et en 1789, ont fui le despotisme, la France les recevait avec toute l'humanité possible, en donnant à ces fugitifs des secours, par forme de pensions, pour fournir à leurs besoins. Ils établissaient parmi eux des représentants. Le suppliant fut honoré de leur choix. Jamais il n'a été dans le cas de se déshonorer, et c'est sur sa conduite sur laquelle on a élevé des soupçons, qu'il démande un examen sévère. On l'accusa de ne pas avoir
rendu ses comptes, et il a été privé de sa pension. Cependant des certificats, déposés chez des notaires de Paris, établissent qu'il les a rendus.
Je demande : 1° La liberté, pour mes compatriotes qui habitent la ci-devant province de Flandres, de dépenser les pensions que vous voulez bien leur accorder où bon leur semblera dans le royaume; 2° Un examen sévère sur l'administration de ces pensions ; 3° Un décret par lequel il sera accordé au suppliant les arriérés de sa pension, depuis le mois de mai 1789, pour les sacrifier à la patrie. (Applaudissements.)
Oui, sénateurs, je les sacrifierai. Pourquoi ? Pour vous fournir des bras pour défendre votre Constitution. Daignez entendre les vœUx des patriotes, mais sachez qu'on doit contribuer à prévenir les crimes, pour diminuer le soin de les punir. (Applaudissements.)
Votre ton patriote, M. Daverhoult, vous a prévenus hier. Songez et réfléchissez. Armez-vous et défendez la, Constitution (Applaudissements.) avant que vous tombiez dans les fers. Nous vous servons d'exemple. Les Belges, les Liégeois, tous vous sont attachés. Me permettez-vous de vous assurer, non seulement que vous-mêmes, mais
3ue tout honnête réfugié doit défendre la cause esa patrie adoptive ? c'est dans ces sentiments que le suppliant offre de verser les dernières gouttes de son sang. (Applaudissements.)
L'Assemblée nationale applaudit à votre zèle et à votre patriotisme ! vous pouvez être assuré qu'elle vous rendra justice; elle vous invite à assister à sa séance.
Plusieurs membres demandent qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal, de l'offre généreuse de M. Gysbert-Estein.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette offre clans le procès-verbal.)'
Je demande le renvoi de la pétition aux comités diplomatique et des pensions réunis.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Gysbert-Estein aux comités diplomatique et des pensions réunis.)
Une députation des porteurs de quittances d'actions de Vadministration des Eaux de Paris est introduite à la barre.
, orateur de la députation, lit une pétition fréquemment interrompue, à cause de sa longueur. Il se plaint des déprédations du ministère, des malversations de quelques administrateurs de la compagnie, et notamment de MM. Gouy-d'Arcy, Garon de Beaumarchais, Le-couteulx-Lanoraye, etc. ; de la partialité de la municipalité, du comité des domaines de la ville et demande le rapport du décret rendu par l'Assemblée constituante qui concerne la compagnie de M. Perrier.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des domaines et accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance.)
Un membre : Le temps que vous employez à entendre les pétitionnaires est un temps très précieux. Je respecte sans doute leurs motifs, mais nous sommes ici pour faire et non pour entendre. Je demande que les pétitionnaires communiquent leurs pétitions à M. le Président (Murmures.) ou à telj autre (Murmures.) avant d'être admis. Si vous le préférez, je propose à l'Assemblée d'assujettir les pétitionnaires à lire l'extrait de leur pétition, avant de s'engager dans une lecture souvent très longue.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Un citoyen, chargé des pouvoirs du sieur Revoux, colonel de la septième division de la gendarmerie nationale du département de la Gironde, présente à l'Assemblée la pétition de cet officier relative au payement d'une pension de 800 livres qui lui a été accordée par brevet du 12 novembre 1783, pour récompense de ses services, et que le département de la Gironde, chargé de l'acquitter, refuse de lui payer.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation et accorde au pétitionnaire les honneurs de la séance.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur devons prévenir que, sur la demande du directoire du département de la Somme, le roi a jugé convenable d'y envoyer deux escadrons de troupes à cheval, pour protéger la circulation des grains qui a rencontré des obstacles dans cette partie du royaume. Les dispositions ordonnées par Sa Majesté pour remplir cet objet, ont nécessité le.déplacement de deux régiments, et, dans le mouvement qu'ils doivent taire, ils logeront dans quelques villes situées en deçà de la distance de 30,000 toises du lieu des séances de l'Assemblée nationale. Je joins ici, en conséquence, la copie de la route que ces troupes doivent tenir et la date de leur passage, pour lequel je vous prie de vouloir bien demander l'autorisation de l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé: DUPORTAIL ».
Je convertis en motion la demande du ministre de la guerre.
(L'Assemblée accorde la demande du ministre de la guerre.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre du ministre de la guerre, tendant à obtenir l'autorisation du Corps législatif pour le passage du cinquième régiment des chasseurs, et du dix-huitième régiment de cavalerie par les villes de Ghaunes, Meaux, Dam-martin, Senlis, Breteuil, Glermont et Melun, autorise le pouvoir exécutif à faire passer ces deux régiments dans lesdites villes de Ghaunes, Meaux, Dammartin, Senlis, Breteuil, Glermont et Melun, pour se rendre dans le département de la Sbmme. »
est introduit à la barre et fait hommage à l'Assemblée nationale d'une Manœu-vre propre à sauver du naufrage les vaisseaux surpris par la tempête.
(L Assemblée renvoie l'examen de l'ouvrage de M. Omarot aux comités réunis de marine et de commerce et lui accorde les honneurs de la séance.)
est introduit à labarre. Il annonce avoir découvert le moyen d?empêcher la contrefaçon des assignats, et il offre ae communiquer cette découverte au comité des assignats de PAs-semblée
(L'Assemblée accepte l'offre de M. Gauthier et lui accorde les honneurs de la séance.)
, citoyen de la section des Lombards, ancien militaire, présente une
pétition où il expose que la Révolution à renversé sa fortune, qu'il ne peut plus subvenir à la subsistance et à l'entretien de sa femme et de ses enfants, à cause de son âge, de la faiblesse de sa santé, et des pertes qu'il a essuyées. Il réclame la bienveillance de 1 Assemblée.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Mounier-Delachapelle au comité des secours publics et lui accorde les honneurs de la séance.)
est introduit à la barre et expose à VAssemblée le tableau des persécutions auxquelles, selon lui, les patriotes d'Avignon sont en butte : il s'exprime ainsi :
Messieurs, j'étais député d'Avignon et du comtat Venaissin, pour solliciter leur réunion à l'Empire français : le succès a couronné m'es travaux. J'était bien loin de croire alors que je serais obligé de venir à la barre de l'Assemblee faire entendre les cris de la douleur et les accents plaintifs de mes commettants persécutés par ceux que la loi avait envoyés pour les protéger.
Monsieur, un décret de l'Assemblée nationale porte que les pétitionnaires liront d'abord l'extrait de leur pétition.
Plusieurs membres: Non ! non ! Qu'il parle!
(L'Assemblée décide que le sieur Rovère sera entendu en entier,) :
Une violation manifeste du droit des gens, des meurtres, des emprisonnements arbitraires, des pillages, des mauvais traitements de tout genre, des menaces, et enfin un raffinement de cruauté inconnu à tous les tyrans dont les noms souillent l'histoire ancienne et moderne, voilà ce qu'offrent dans Avignon et le Comtat, les agents au pouvoir exécutif. Ils se disent ministres de la loi, et ils ne s'en servent que pour écraser, pour vexer ceux qui ont adopté cette loi, ceux qui ont combattu pour elle, ceux qui on versé leur sang pour la conquérir.
Des crimes ont été commis à Avignon le 16 octobre dernier. Voué avez ordonné, Messieurs, que les crimes seraient recherchés et punis.Vous avez satisfait aux grandes obligations que vous impose votre qualité de représentants de la nation, et si en déployant d'un côté toute la sévérité que votre caractère exige, vous tolériez plus longtemps les forfaits que je vous dénonce, vous cesseriez d'être justes, et la nation française, qui attend tout de vous, frémirait de rage et de douleur de voir ses espérances déçues et la ty-: rannie des agents du pouvoir exécutif remplacer le despotisme qu'elle croyait à jamais disparu de l'Empire.
Le sieur Ghoisy, lieutenant général des armées, s'est emparé de la ville d'Avignon le 7 de cé mois, à la tête de 3,000 hommes de troupe de ligne, la plupart allemands. Il a dit, en entrant : « Malheur à ceux qui sont du mauvais parti. » Les amis de la Constitution ne croyaient pas que ce peu de mots renfermaient une sentence de mort contre eux. Ils ont vu arriver le lendemain MM. Le Scène, Champion et d'Albignac, commissaires civils ; ils étaient suivis des émigrants, occupés depuis leur fuite à machiner un plan de contre-révolution. Les délibérations des sections d'Avignon présentées au Corps législatif, au pouvoir exécutif et aux commissaires civils arrivés à Orange, annonçaient la répugnance qu'éprouvaient les patriotes, en voyant le sieur Le Scène rentrer dans une ville où il avait déjà occasionné des malheurs par sa conduite partiale et despotique.
Le massacre commis par le cinquième régiment
des hussards, sous les yeux des médiateurs, leurs menaces réitérées de détruire les amis de la Constitution, étaient des motifs bien susceptibles d'éloigner ces hommes dangereux ; vous avez ajourné, Messieurs, ces deux questions par votre décret au 3 novembre. Rien ae ce que la justice exigeait impérieusement n'a été fait, tandis que les dispositions les plus contraires aux intérêts des patriotes et aux droits sacrés de l'homme ont été ordonnés, et mises à exécution : on a voulu accabler les amis de la Constitution dans Avignon et dans le Comtat. Un projèt s'est formé contre eux, leurs têtes ont été désignées à la mort par le démon exterminateur de 1 aristocratie; on a voulu, par cet exemple effrayant, éloigner de vous les autrespeuples que les bienfaits de la déclaration des droits ae l'homme allaient réunir à l'Empire français. Le sieur Le Scène et ses collègues ont fait jeter dans les cachots tous ceux qui se sont distingués dans la Révolution, ils n'ont pas respecté ceux mêmes qui s'étaient mis à genoux devant le peuple pour fléchir sa colère, ceux qui s'étaient entourés des Français pour tâcher de remédier aux maux affreux d'un peuple qui va faire justice, sans dénonciations, sans accusations, sans décrets : hommes, femmes, vieillards, Avignonnais, Comtadins, tout a été conduit, le sabre à la main, traîné par les cheveux dans les prisons. La fuite n'a pu sauver une seule de ces infortunées victimes des vengeances du sieur Le Scène. Des ordres ont été donnés, exécutés par les départements voisins, et il a vu cette jouissance barbare s'augmenter par le nombre des compatriotes amenés des extrémités de la France.
Il vous a écrit que c'était pour les soustraire à la fureur du peuple, et ils étaient absents; comment eût-elle pu agir sur eux? Les Comtadins, paisibles dans leurs foyers, partagent le sort des Avignonnais ; on ne pouvait les soupçonner d'avoir pris part aux événements au 16 octobre ; cependant ils subissent le même sort. Enfin, plus de 300 citoyens gémissent illégalement dans les fers ; ceux qui ont voulu s'exposer ont été assassinés sur leurs toits ; Avignon a été livrée aux mêmes horreurs par le sieur Le Scène/què Sorgues l'avait été précédemment; les maisons des patriotes ont été pillées, leur argent enlevé, leurs meubles ravis ou détruits, les femmes mêmes n'ont pas été respectées ; elles ont été traînées par les cheveux et accablées sous les coups de ses barbares satellites.
Les membres de l'administration provisoire sont aux fers, et le sieur Guillaume, qui le premier a porté une main parricide sur Lescuyer, est revêtu de l'écharpe nationale. Cette municipalité provisoire, cette municipalité d'Avignon, dénoncée, accusée, suspendue ae ses fonctions, a été rétablie les armes à la main ; elle s'est transportée chez le sieur Mainvielle père, lui a enlevé sa vaisselle d'argent, l'a menacé de le faire rentrer dans la prison d'où il était sorti la veille. Des traits aussi noirs sont parvenus à la connaissance des districts voisins où ils ont porté la terreur et l'indignation. Des députations ae Marseille, d'Aix et de plusieurs autres villes de la ci-devant Provence, se sont rendues à Avignon pour demander à ces hommes sanguinaires, si leur intention était d'être les bourreaux des patriotes. J'ignore même encore la plupart des actes de civisme des Provençaux, mais je crains, Messieurs, que ces hommes qui ont la Constitution dans la bouche, l'aristocratie
dans le cœur, et la loi à la main pour détruire les amis de la Constitution, ne donnent des ordres sévèrès pour repousser les pétitions des , ci-devant Provençaux, et que ce refus ne développe le germe de ce fléau destructeur qui nous ménace : la guerre civile.
Si des ordres prompts, émanés directement du Corps législatif, ne font cesser cette persécution odieuse, la tranquillité de l'Empire est compromise.
Voilà, Messieurs, la perspective qu'offre le sol de la France, suite de la conduite des agents du pouvoir exécutif:. Vous avez déjà réprimé un abus d'autorité effrayant qu'ils avaient commis, vous avez cassé avant-hier ces juges qu'ils avaient établis sous le nom d'enquêteurs; ce tribunal que nous abhorrons, l'inquisition, eût été moins cruel; les sentences que ces gens auraient rendues eussent été écrites avec le sang humain* si votre justice n'eût réprimé cet acte de l'audacieuse tyrannie de ces commissaires.
Votre sollicitude, Messieurs, ne doit pas se borner là ; les lois protectrices de la société ont été outragées ; qu'un grand exemple apprenne enfin au peuple que la Constitution et- les droits de l'homme, la liberté, la sûreté des propriétés ne sont pas des mots insignifiants ; que les représentants de la nation française essentiellement préposés pour veiller au bonheur de tous, le désirent, le veulent et le réalisent.
répond à M. Rovère que l'Assemblée se fera rendre compte de l'objet de sa pétition et ne lui offre point lés honneurs de la séance.
Plusieurs membres : Les honneurs de la séance !
Avant de consulter l'Assemblée pour savoir si elle accordera les honneurs de la séance à M. Rovère> je dois vous avertir que j'ai reçu hier différentes pièces qui m'ont été adressées par les sections ae la ville d'Avignon et dont vous pouvez entendre la lecture.
Plusieurs membres : Les honneurs de la séance au pétitionnaire !
D'autres membres ; Non I non !
se retire.
J'observe que dans les pièces qu'on va lire est une lettre signée par o ou 4,000 citoyens réunis en assemblée ; il y a des détails qui ^concernent le pétitionnaire. Si l'Assemblée veut lui accorder la séance, je suis l'organe de ses ordres. ;
(L'Assemblée décide que lepétitionnaire ne sera pasadmis, quant à présent, àla séance et ordonne la lecture des pièces.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de ces pièces, qui sont ainsi conçues :
1° Lettre des présidents des sections composant la commune de la ville d'Avignon.
« Législateurs,
« Il est sans doute du devoir du véritable peuple avignonnais, de celui qui respecte vos lois et les aime; de celui qui a frémi d'indignation au spectacle horrible d une province ensanglantée, saccagée par une horde de scélérats altérés de sang, et qui1, bientôt après s'étant réfugiés dans les murs d'Avignon, viennent d'y commettre des forfaits tellement atroces, que leur impunité serait regardée par l'histoire comme le plus grand
des attentats à l'ordre social, il est de son devoir de se laver dans l'opinion publique; et c'est pour y parvenir qu'il s adresse à vous qui en êtes l'organe, en vous priant de faire faire lecture, dans le tribunal de la nation, de toutes les délibérations qu'il vient de prendre pour sa réhabilitation, d'en ordonner l'impression aux frais de l'Etat et l'envoi dans tous les départements.
« Il vous prie encore d'approuver, par un décret, la conduite humaine et prudente de MM. les commissaires, celle du général et nominativement des brayes soldats patriotes composant les régiments qu'il commande dans les murs d'Avignon ; daignez, législateurs, daignez, nos représentants, par cet acte éclatant de justice, entretenir et perpétuer en nous l'enthousiasme de la vertu, surtout celui de la reconnaissance que nous vous devons, principalement .parce que, dans votre sagesse, vous avez rejeté, le 4 novembre, un projet de décret présenté par votre comité de pétition, qui avait été sollicité et obtenu sans doute par les sieurs Rovère, Verninac et autres instruments de nos calamités, projet qui était un véritable plan de contre-révolution, puisqu'il tendait à improuver nos libérateurs, à les éloigner de nous (un peuple libre doit tout dire, même ses présomptions, lorsqu'il s'agit du salut de l'Etat), à livrer tout le Midi à une faction républicaine, à l'anarchie et au despotisme du crime, vous apprendrez avec plaisir...
Un membre : Renvoyez à Mallet du Pan.
M. le secrétaire continuant la lecture... « vous apprendrez avec plaisir que nous sommes tous unis, que l'Acte constitutionnel a été solennellement proclamé au milieu des témoignages d'allégresse publique, que nous l'aimons, que nous l'observons, que nous le maintiendrons jusqu'à la mort. Vous apprendrez enfin que nous n'avons qu'une âme, que nous ne formons plus qu'un vœu, celui de l'exécution des lois, celui de la punition des assassins, des bourreaux de nos frères, et nous l'obtiendrons. »
« Nous sommes avec respect, etc., etc... »
« Signé : les présidents des sections composant la commune de la ville d'Avignon. »
2° délibération du peuple avignonnais, du 16 novembre 1791.
« En suite de la rémission faite par MM. les présidents et secrétaires des 10 sections de la ville d'Avignon, des délibérations respectivement prises dans les 10 sections composant la commune du-dit Avignon, le lundi 14 au courant, il a été procédé par nous, officiers municipaux de la ville d'Avignon, au recensement des délibérations, en présence des présidents de chaque section a ce présents, et requérant le procureur de la commune, le dépouillement desdites délibérations ayant été émis, il en est résulté que la délibéra- . tion a été unanimement prise par des citoyens actifs, au nombre de 3,335, mot à ihot comme suit :
« Les citoyens d'Avignon, considérant que depuis longtemps leur patrie gémissait sous le joug au despotisme ; que l'anarchie avait été la source des plus noirs attentats et des atrocités les plus horribles, que le gouvernement avait été usurpé par une horde ae factieux et de scélérats qui avaient à leur solde une foule de brigands étranr gers pour exécuter les complots que leur noire malice ne cessait de leur suggérer; que depuis cette usurpation on n'a cèssé de vexer les gens les plus honnêtes, qui, par des propos, des si-
gnes et même par leur silence, paraissaient improuver leur odieuse conduite; que les factieux se sont portés aux plus grands excès en immolant des citoyens innocents, en soumettant à des contributions révoltantes et arbitraires tous ceux qu'ils croyaient leur être opposés;
au'ils ont pillé les églises et un grand nombre
e maisons particulières; qu'ils ont poussé la cruauté et la férocité jusqu à porter la guerre dans Avignon et dans le Comtat; où l'on rencontre, à tous pas, des traces de vols, de pillages, d'incendies, et des assassinats lès plus affreux ; que cette guerre si désastreuse n'a cessé que par l'entremise de MM. les médiateurs envoyés au mois de iuin dernier, par le roi, d'après un décret de 1 Assemblée constituante; que cette médiation a été empêchée de ramener la paix et la tranquillité par des menées perfides et atroces dé ces mêmes factieux qui avaient conspiré contre la chose publique; que le 31 août dernier, la municipalité aurait été en partie emprisonnée et en partie déposée parles agents de ces scélérats; qu'ils auraient mis le comble à toute.s leurs horreurs par les malheurs qu'ils ont ordonnés et fait exécuter le 16 octobre dernier et jours suivants, d'abord sur plusieurs prisonniers détenus sans ordre depuis le 21 août, et parmi lesquels on compte 4 officiers municipaux et plusieurs notables, et une foule de citoyens de tout âge et de tout sexe ; que la ville d'Avignon était à la veille d'essuyer les plus grands malheurs, et de voir égorger tout ce qui restait de citoyens honnêtes, si les troupes de ligne, et ensuite MM. les commissaires civils, dont le patriotisme et la sagesse, généralement reconnus, n'eussent prévenu, par leur arrivée, tous les maux dont nous étions encore.menacés; qu'après avoir épuisé tous les genres d'infortunes, et avoir répandu les larmes les plus amères sur le sort des malheureuses victimes tombées sous les coups des barbares, et il est bien naturel de se laisser aller au doux sentiment de joie et de reconnaissance envers l'Assemblée nationale et le roi des Français, qui ont tendu une mainse-courable à cette ville dépeuplée, envers MM. lés commissaires civils, M. le général, et les braves militaires dont le zèle infatigable et le patriotisme éclairé nous ont rendu la liberté et la paix.
« Considérant, en outre, que la ville d'Avignon a de nouvelles grâces à rendre à l'Assemblée nationale pour avoir, par son décret du 4 courant, rejeté le projet de son comité de pétitions, surpris par les insinuations perfides et les adresses mensongères d'un sieur Rovère, se disant faussement député du peuple avignonnais, individu sans caractère et sans mission; il a été unanimement délibéré :
« 1° De voter des remerciements à l'Assemblée nationale, de ce qu'elle a rejeté, le 4 du courant, le projet de décret présenté par M. le rapporteur du comité des pétitions, et dont l'adoption aurait généralement replongé notre malheureuse contrée dans le deuil et l'anarchie, et de présenter sur les deux objets ci-dessus une adresse à l'Assemblée nationale et au roi, adresse qui leur transmettrait l'expression de la vive reconnaissance pour les bienfaits dont ils l'ont comblée; lesquelles deux adresses ont été lues et approuvées ;
« 2° De rendre grâce au roi sur le choix de MM. Le Scène, Ghampion et d'Albignac, commissaires civils, de M. Choisy, général, et sur l'envoi des troupes de ligne;
« 3° De rendre un nommage éclatant à la con-
duite de MM. Le Scène et Mulot, ci-devant médiateurs entre les peuples d'Avignon et du Comtat; de désavouer à cet effet toutes délibérations, pétitions et adresses injurieuses et calomnieuses, présentées par quelque individu que cè soit, et notamment par le nommé Rovère, qui n'a jamais reçu aucun pouvoir du peuple avignonnais ;
« 4° De témoigner par une députation de deux d'entre les délibérants, à MM. les commissaires civils et aux troupes de ligne, en la personne de M. Choisy, leur général, et des commandants de chaque corps, leur juste sensibilité sur la conduite noble et généreuse qu'ils ont tenue depuis leur arrivée pour rétablir l'ordre et. la paix. La dite députation sera chargée, en outre, de remercier MM. les commissaires des ordres qu'ils ont donnés pour s'assurer de la personne de ceux qui ont si horriblement désolé Avignon et le Comtat, et qui viennent tout récemment de se rendre coupables des plus infâmes massacres, et de les prier d'ordonner l'arrestation de tous les prévenus, comme un préalable nécessaire pour consolider la tranquillité de cette ville, de tout le Comtat et des départements environnants, intéressés à la punition: exemplaire des hommes atroces qui ont déshonoré l'humanité par des forfaits inconnus jusqu'à ce jour ;
« 5° De députer provisoirement, et attendu l'urgence du cas, les sieurs Toilet, Emery et Bergas, conjointement avec M. Duchesne, pour la section de Saint-Pierre; M. Colle, homme de loi, pour la section des Bonshommes ; M. Cavalaire, notaire, et M. George, son suppléant, pour la. section des Augustins ; M. Vernet, pour celle des Cér lestins ; M. Clément, pour celle des Dominicains; M. Dominique Albet, pour celle des Petits-Carmes; M. Dukeney, pour celle des Grands-Carmes; à l'effet' de procéder à l'information des vols, assassinats, crimes et délits quèlconques qui n'ont aucun trait à la Révolution, et qui ont été commis depuis le mois d'août dernier; de dresser tous les procès-verbaux nécessaires, et de recevoir les dénonciations et dépositions des témoins et de procéder à l'interrogation des prévenus;
« 6° D'envoyer des députés aux citoyens de Carpentras, à l'enet de leur témoigner la vive reconnaissance des délibérants pour les marques publiques de sollicitude fraternelle qu'ils ont aonnees, et les démarches généreuses qu'ils ont faites pendant la crise horrible que la ville d'Avignon vient d'éprouver ; charge les députés d'assurer les citoyens de Carpentras que ceux d'Avignon s'empressent de désavouer la guerre injuste et barbare qui désole leur ville et une partie du Comtat, et de leur déclarer solennellement que cette guerre et les secousses qui l'ont suivie, n'ont étél'ouvrage que de quelques monstres, presque tous étrangers à Avignon;
« 7° De fonder une fête annuelle à chaque 10 novembre, jour de notre délivrance, pour transmettre à la postérité les sentiments dont nous sommes pénétrés envers les commissaires et les troupes de ligne qui y ont coopéré ;
« 8° La municipalité donnera les ordres nécessaires au transport des victimes massacrées, et à leur dépôt dans ùn lieu particulier, lequel sera fait avec toute la pompe et la décence convenables. Il sèra élevé un monument sur lequel on gravera les noms de ces mêmes victimes, et la sentence définitive qui sera prononcée contre leurs assassins (Murmures, jeteurs auteurs et complices, pour éterniser l'horreur qu'ont excitée ces forfaits et les regrets qu'ils inspirent aux délibérants ;
« 9° Il sera fondé annuellement un service funèbre, à chaque mois d'octobre, auquel la municipalité, en corps, assistera;
« 10° La municipalité s'occupera incessamment des moyens nécessaires pour venir au secours des familles indigentes, dont les chefs sont tombés sous le fer des bourreaux ;
« 11° L'horloge des Gordeliers sera incessamment réparée, pour la commodité des habitants voisins. (Murmures.)
« Et ledit recensement étant fini, lesdits présidents de chaque section en ont requis acte, que nous, maire et officiers municipaux, avons concédé, et de suite ordonné la publication, affiche et impression de ladite déclaration pour être envoyée et distribuée, etc. »
" (Suivent les signatures des présidents et officiers municipaux.)
Ces procès-verbaux sont illégalement faits; il n'y a point de signatures individuelles. Vous voyez, Messieurs, que l'orage se forme à Avignon; vous voyez même que les officiers municipaux, les commissaires du roi, le commandant de l'armée paraissent favoriser le parti aristocratique. (Applaudissements dans les tribunes.) On parle bien des assassinats commis en dernier lieu, mais on ne vous dit pas un mot du meurtre de Lescuyer, commis à l'Hôtel-de-Ville. Ceux qui ont rédigé ces délibérations et ces procès-verbaux sont les vrais assassins de Lescuyer. Je ne vois d'autre moyen, pour arrêter la guerre civile, que de nommer deux commissaires pris dans le sein de l'Assemblée, qui surveilleront les "opérations des agents du pouvoir exécutif à Avignon. (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : Quant à la légalité des procès-verbaux, je réponds, Messieurs, que, quoiqu'ils ne soient pas signés individuellement, ils n'en sont pas moins parfaitement en règle. Ce n'est point une pétition qu'on vous a lue, ce sont des procès-verbaux d'assemblée de citoyens, réunis en assemblée primaire ; en conséquence, ces actes doivent être signés du président et des secrétaires seulement, et l'Assemblée nationale ne peut se dispenser de recevoir ces pièces pour en former la base d'un rapport, en les renvoyant à un comité.
Je demande le renvoi de toutes ces pièces à un comité pour qu'il nous fasse son rapport, mais il est aussi de mon devoir de relever un fait. Ces procès-verbaux suffisent pour prouver que, malheureusement, l'esprit de parti règne encore dans cette malheureuse ville. On y dit que M. Rovère n'est revêtu d'aucun pouvoir, n'est chargé d'aucune commission du peuple avignonnais. J'atteste à l'Assemblée que le comité des pétitions a examiné les pouvoirs de M. Rovère et qu'il a reconnu que ces pouvoirs lui ont été donnés par les sections d'Avignon.
Plusieurs membres : A quellè époque ?
Lorsque M. Rovère s'est présenté pour dénoncer M. Mulot. Ses pouvoirs sont signés par les présidents des 6 sections d'Avignon, par les administrateurs provisoires, et par les représentants du peuple avignonnais assemblés à Bé-darides. Au surplus, je sais bien que ceux qui lui ont donné ces pouvoirs ne sont plus les mêmes hommes qui composent aujourd'hui l'administration d'Avignon, puisqu'ils avaient émigré à cette époque. L'Assemblée ayant ordonné que les pièces de M. Mulot seraient renvoyées au co-
mité des pétitions, je demande qu'on y joigne celles dont on vient de vous faire lecture.
(L'Assemblée décrète le renvoi des pièces au comité des pétitions.)
Le comité des pétitions vous ayant déclaré, par l'organe d'un de ses membres, que M. Rovère avait été véritablement chargé de pouvoirs par le peuple avignonnais, ie crois qu'on peut l'admettre actuellement auxnonneurs de la séance.
Plusieurs membres : La question préalable !
J'appuie la motion de M. Delacroix.
Plusieurs membres : Non! non! La question préalable !
(Après quelque agitation, l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu a délibérer sur la motion de M. Delacroix, tendant à accorder à M. Rovère les honneurs de la séance.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens de Toulouse qui offrent à VAssemblée nationale l'hommage de leur respect et de leur reconnaissance, pour ses travaux et pour le décret qu'elle a rendu contre les Français conjurés au delà du Rhin; ~6ette adresse est ainsi conçue :
« Représentants des Français,
« Honneur, trois fois honneur au courage énergique que vous venez de déployer : vous avez prononcé sur le sort de ces audacieux transfuges qui, des bords du Rhin, osaient insulter à notre apathique modération. Législateurs, cet acte de vigueur vous élève à la hauteur de vos fonctions ; il atteste la majesté d'un grand peuple qui commence à vouloir ; après avoir longtemps Balancé, il nous rappelle les triomphes sublimes, mais trop rares ae vos devanciers ; il proclame dans toute l'Europe votre inébranlable fermeté ; et nous devons vous le dire, il détruit une illusion qui nous avait trop longtemps consternés. Oui, législateurs, nous vous l'avouerons, le voile de la calomnie avait rembruni le tableau de nos espérances, et l'opinion d'un grand nombre de citoyens vous supposait plus de tendance à mollir ou à tergiverser, et moins de résolution ou de caractère: forts de vos principes,vous avez dû repousser cet injuste soupçon.
« Jouissez donc de toute votre gloire et osez acquérir de nouveaux droits à notre reconnaissance : encore un décret ferme sur la horde noire (Rires et applaudissements.) qui dissémine la rage et le fanatisme dans tous les départements et qui ne rougit pas de réclamer la liberté, de désunir les ramilles et de susciter des guerres civiles : encore un décret pour que la responsabilité des ministres ne soit pas illusoire (Applaudissements.), pour qu'à la faveur d'une démission adroitement combinée, les prévaricateurs n'aillent pas se soustraire à la vengeance publique et contempler de loin l'explosion des calamités qu'ils ont préparées..., etc. L'Europe s'apercevra à peine que 1 Assemblée du mois de juin 1789 et du mois ae juin 1791 ait quitté le sanctuaire de nos lois.
« En apprenant la mesure que vous venez de ' prendre, nous avons été étonnés de savoir que le roi des Français avait refusé de la sanctionner. Nous aimons à penser que des motifs purs ont déterminé cette suspension; mais s'il était possible qu'elle eût alarmé votre zèle, législateurs, voyez la nation entière revêtir votre décret de l'unanimité toute puissante de ses suffrages :
souvenez-vous de ce que vous êtes, de ce que nous sommes, de ce que nous voulons être; et lorsque la volonté suprême du véritable souverain se fait entendre, consolez-vous des délais momentanés et suscités par son premier représentant. » (Applaudissements.)
(Suivent 6 pages de signatures des citoyens de Toulouse.) (Applaudissements.)
« Toulouse, le 24 novembre 1791, l'an troisième de la liberté. »
Plusieurs membres : L'insertion au procès-verbal avec mention honorable! ;
Un membre: La question préalable sur l'insertion!
Un autre membre. Ayez la hardiesse de la motiver, votre question préalable! *
(L'Assemblée, consultée, décrète l'insertion de cette adresse dans le procès-verbal.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
. Ie, Lettre de MM. Deprade, OdAon et Montbayen, qui offrent de fournir, dans le courant de décembre, 6 millions en espèce, à 14 0/0. Cette lettre est accompagnée de deux notes, l'une relative à quelques faits d'agiotage, l'autre aux moyens aes sieurs Deprade, Odion et Montbayen, pour effectuer leur promesse.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité des assignats et monnaies.).
2° Lettre de M. Bertrand, député de Vile de Bourbon à VAssemblée nationale, qui demande que l'Assemblée ajourne à jour fixe la discussion de son admissibilité
Plusieurs membres : A demain soir!
Un membre : l\ me paraît souverainement impolitique d'ajourner a demain soir la question ae savoir si vous admettrez parmi vous des députés des colonies. Je demande l'ajournement jusqu'à ce que le comité colonial vous ait fait un rapport sur les relations des colonies avec la métropole.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
3° Lettre de M. Moreton-Chabrillan qui demande à l'Assemblée de s'occuper d'une pétition qu'il lui a été précédemment adressée.
(L'Assemblée ajourne la discussion de cette pétition à la séance de demain soir.)
4° Lettre de M. Amelot, accompagnée du tableau des biens nationaux vendus et à vendre dans 45 districts; cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président,
« J'ai eu l'honneur d'annoncer à l'Assemblée, par une lettre du... de ce mois, que je lui enverrais les états qui me parviendraient, pour lui faire connaître la valeur des biens nationaux. J'ai l'honneur de lui faire passer ceux qui me sont parvenus. Soyez persuadé que je ne négligerai aucun des moyens qui sont en mon pouvoir pour hâter l'activité des départements et des districts sur cet objet.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé: Amelot. »
M. le secrétaire ajoute : Le total des districts' ui ont envoyé des états est de 45, et le montant es ventes et de 194,779,144. livres (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie la lettre et les tableaux au comité des domaines.) 5° Adresse des citoyens de Lille, qui exprime à
l'Assemblée nationale la confiance de ces citoyens dans son courage et son amour pour la liberté ; cette adresse est ainsi conçue:
« Frappés de l'énergie que vous déployez dans vos discussions, nous avons tous résolu ae manifester notre dévouement à vos personnes, et notre adhésion à vos décrets, notamment à celui que vous venez de porter sur les traitres qui vont lâchement machiner sur une terre étrangère la ruine et la désolation de leur patrie. Oui, législateurs, ce décret vigoureux répond aux vœux de tous les citoyens, il répond àla confiance dont ils aiment à vous environner. N'était-il pas temps de mettre un terme à l'excessive indulgence au peuple français, pour de vils esclaves des préjugés et de la naissance, pour des pygmées dont l'impunité ne ferait qu'augmenter rorgueil et la scélératesse !
« Législateurs, il vous reste encore deux sortes d'ennemis à anéantir: ce sont, d'un côté, les agio* teurs avides, de l'autre, les prêtres perturbateurs. Témoins des maux que ces êtres malveillants causent dans nos contrées, nous désirons depuis longtemps qu'une loi sévère mette un frein à leurs coupables manœuvres. Ecrasez ces sangsues du peuple, éloignez lés prêtres fanatiques et séditieux, vous aurez délivré la France de deux fléaux qui là désolent, vous aurez affermi les bases de la liberté. Législateurs, voilà l'hommage du respect et de la reconnaissance que vos vertus, votre courage et vos-talents nous inspirent. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres: Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
6° Pétition des administrateurs du département de la Seine-Inférieure tendant à obtenir une avance de fonds pour le payement des travaux des routes dans l'étendue ae ce département.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
7° Lettre de M. Vabbé Auger, membre de VAcadémie des belles-lettres, qui fait hommage à l'Assemblée de 12 exemplaires d'un ouvrage dont l'objet est d'éclairer le peuple sur ses droits et sur ses devoirs, avec cette épigraphe: Salus populi suprema lex esto.
(L'Assemblée accepte l'hommage de l'auteur et décrète qu'il en sera fait mention honorable dans le procès-verbal.)
8° Lettre de M. Lejeune, curé de Cleirey, district de Troyes, qui fait également hommage à l'Assemblée d'un ouvrage manuscrit intitulé : Le Publiciste chrétien.
(L'Assemblée accepte l'hommage et renvoie l'examen de l'ouvrage au comité d'instruction publique.)
Un membre : Je demande qu'on fasse demain soir le rapport sur la dénonciation faite par M. Rouyer (1) relativement à une pension payée à un officier mort depuis trente, ans.
(L Assemblée fixe ce rapport à demain soir.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
présidence de m. lacépède, président, et de m. viénot-vaublanc, ex-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 28 novembre, au soir.
, secrétaire, donne lecture des pétitions et adresses suivantes :
1° Pétition des sieurs Sicard et Dalmats, sous-fermiers des domaines de la généralité de Tours.(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des domaines.)
2° Pétition aes administrateurs de l'hôpital général de Bourges qui déclarent que la source des aumônes étant tarie depuis la Révolution, le défaut des secours les obligera à renvoyer les pauvres.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.) i
3° Adresse des officiers du premier bataillon du département de la Gironde, district de Libourne, qui protestent de leur constante fidélité à observer les règles de la discipline, de leur dévouement aux lois, et qui assurent que s'ils se sont emparés des armes déposées dans l'arsenal du Château-Trompette de Bordeaux, et qu'on leur cachait avec affectation, ce n'a été que pour se défendre contre l'insurrection de 5 a 600 matelots , excités contre eux par les malveillants ; mais, qu'au reste, ils ne se serviront jamais de ces armes que pour protéger l'exécution des lois et vaincre les ennemis de la patrie. . (L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
, secrétaire, rédacteur du procès-verbal de la séance du lundi 28 novembre, au matin, ne pouvant se faire entendre de l'Assemblée, est suppléé par M. Cambon, qui donne lecture de ce procès-verbal.
, faisant fonctions de secrétaire, donne ensuite lecture d'une lettre signée Téorier-Monier, pour les administrateurs du département du Jura; elle est ainsi conçue :
1 « Les administrateurs du département du Jura doivent sans doute leur premier hommage aux représentants de la nation. Environnés de dangers, c'est eh Vous qU'ils ont placé toute leur espérance, c'est de la Sagesse des mesures que vous prendrez que dépéna le salut de l'Empire. Que pourront les ennemis du dehors, que pourront ceux du dedans, si, tranquilles au milieu de l'orage, vous tenez d'une main assurée, le timon de l'Etat ? Le décret rendu contre les émigrés a déjà terrassé une partie de nos ennemis ; achevez votre ouvrage, enchaînez encore le fanatisme, et la France calmée jouira pleinement des bienfaits de la Constitution. Toutes les mesures que vous prendrez seront exécutées avec zèle par les corps administratifs : celui du Jura, qui s est toujours signalé par son dévouement pour la chose publique, prend ici l'engagement d'être fidèle à vos .décrets et de mourir plutôt que de cesser d'être libre. (.Applaudissements.)
« Nous sommes avec respect, Messieurs, vos rès humbles et très obéissants serviteurs.
« Les administrateurs du conseil général du département du Jura.
« Signé: téorier-monier, président. »
Plusieurs membres : L'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable !
(L'Assemblée décrète l'insertion de l'adresse au procès-verbal avec mention honorable.)
donne lecture d'une adresse des administrateurs du district de Sarlat, département de la Dordogne, qui réclame contre la quantité des contributions imposées sur ce district.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des contributions publiques.)
Un membre, au nom du comité d'instruction publique, demande que l'Assemblée autorise ce comité à prendre 6 commis, et de plus 4 commis extraordinaires pour la confection du dictionnaire des municipalités.
(L'Assemblée accorde cette autorisation.)
Un membre, au nom du comité des décrets, demande que l'Assemblée autorise ce comité à prendre 3 commis.
(L'Assemblée accorde cette autorisation.)
Un membre : J'observe qu'il a été procédé dans la séance du 7 de ce mois, à la nomination de 4 commissaires qui doivent composer le comité des lettres de cachet; et cependant, ni le procès-verbal de cette séance, ni les procès-verbaux subséquents, ne font aucune mention de la proclamation ae ces commissaires. Je demande- qUe cette omission soit réparée.
(L'Assemblée adopte cette proposition et décrète que les noms des membres du comité des lettres de cachet seront insérés dans le procès-verbal de la séance de ce jour.)
Ce sont : MM. Duval (Charles), Dongois, Rever, Morel.
Un membre, au nom du comité militaire : Je viens, au nom du comité militaire, vous faire la relue du décret sur les remplacements dans les emplois vacants de l'armée (1 ). (il le lit.)
Un membre : Messieurs, il est établi, en principe, que l'Assemblée nationale ne peut rien décréter sur la proposition immédiate d'un ministre. Je demande donc que l'on retranche dans le préambule du décret sur le remplacement des officiers les mots; « Délibérant sur la proposition du roi, énoncée dans la lettre du ministre de la guerre. »
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
Un membre : Je demande, par amendement, que l'Assemblée nationale déclare ne rien préjuger sur le remplacement des officiers de toutes les armes, qui sont maintenant employés sur les frontières, dans les bataillons de gardes nationales, et qu'elle se réserve de statuer sur cet objet, d'après le rapport de son comité militaire.
(L'Assemblée décrète cet amendement comme article additionnel.)
Un membre : Je demande aussi, par amendement, qu'il soit décrété que le service des officiers de toutesles armes, qui ont étéappelés par le vœu des gardes nationales volontaires à les corn mander, et qui auront accepté, ne fera point de lacune dans leur service militaire, et que le ministre de la guerre ne pourra les taire remplacer.
On ne peut conserver 2 postes. Les officiers réformés, en acceptant des places dans les gardes nationales volontaires, ont renoncé à leurs droits dans l'armée de ligne.
jeune. Ce serait punir le civisme que de lui ôter ainsi des droits sacrés que la réforme n'a pu détruire. Je demande qu'on renvoie l'examen de cette question au comité militaire.
J'appuie la motion de M.. Basire et je demande qu elle soit adoptée sans rien préjuger sur les officiers du génie et de l'artillerie, qui diffèrent essentiellement des autres en ce qu'As ont reçu l'ordre de se rendre dans les gardes nationales.
(L'Assemblée renvoie cet amendement au comité militaire qui sera chargé de faire un rapport sur cet objet.)
Suit la teneur du décret sur les remplacements dans les emplois vacants de Varmée, tel qu'il a été adopté définitivement :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire,
« Considérant que le mode provisoire de nomination. aux emplois de sous-lieutenants dans l'armée, prescrit par le décret du 1er août 1791. ne devait avoir d'effet, d'après le décret du 28 septembre, que jusqu'au 15 octobre dernier, et qu il est impossible, dans ce moment, de procéder aux remplacements par la voie de l'examen ;
« Considérant que la discipline et la force de l'armée exigent que les emplois vacants par la défection d un grand nombre d'officiers soient promptement remplis, décrète qu'il y a urgence.
« L Assemblée nationale, après avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit;
Art. 1er.
« L'exécution des articles du décret du 28 septembre dernier, relatif aux mode de l'examen qui doit précéder les nominations aux emplois ae sous-lieutenants dans l'armée, demeure suspendue jusqu'au 1er février prochain.
Art. 2.
« Sont exceptés dans la disposition ci-dessus les remplacements à faire dans l'artillerie et le génie.
Art. 3.
«La moitié des sous-lieutenances actuellement vacantes, ou qui viendront à vaquer dans chaque. régiment de toute arme jusqu'au 1er février prochain, sera donnée aux sous-officiers du même régiment; l'autre moitié sera donnée aux gardes nationaux du royaume.
Art. 4.
« Tout citoyen, ou fils de citoyen, âgés de dix-huit ans et au-dessus, sera admissible aux emplois réservés aux gardes nationaux par l'article précédent, s'il a mit un service personnel et continu dans la garde nationale depuis et compris le 1er juin 1790 jusqu'à ce jour.
« Sont dispensés de cette dernière disposition les citoyens inscrits pour aller à la défense des frontières en vertu des décrets des 21 juin et 4 août derniers, pourvu qu'ils ne se soient point fait remplacer, ou qu'ils n'aient pas retiré leur inscription.
Art. 5.
« Seront également admissibles auxdits emplois tous les anciens sous-officiers et soldats qui, à l'époque du 1er janvier 1790, étaient dans les troupes de ligne, et qui depuis, dans le délai de deux mois, à compter du jour de la date de leur congé absolu, sont entrés dans la garde nationale, et y ont fait un service personnel et continu jusqu'à ce jour.
Art. 6.
« Les officiers des troupes de ligne, réformés ou retirés, qui, d'après le décret du 1er août 1791, peuvent prétendre à rentrer en activité, ne pourront être promus aux emplois vacants, s'ils ne remplissent les conditions prescrites par les articles 4 et 7 du présent décret.
Art. 7.
« Nul ne pourra, excepté les citoyens qui se trouvent compris dans la dernière disposition de l'article 4, obtenir son remplacement dans l'armée, ni être nommé à aucune des sous-lieute-nances accordées par le présent décret aux gardes nationaux du royaume, s'il ne produit un certificat qui atteste qu'il a fait dans la garde nationale un service tel qu'il est prescrit par la première disposition de l'article 4 et par l'article 5 ; qu'il a été soumis aux autorites constituées, et qu'il n'a cessé de prouver Son attachement à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale.
« Ce certificat, pour être valable, devra être signé par lés officiers municipaux de la commune, par l'état-major de la garde nationale dans les lieux où il y en aura, et par la majorité des officiers, sous-officiers et gardes nationaux de la compagnie dans laquelle celui qui aura besoin de ladite attestation aura fait son service.
Art. 8.
"« Dans le cas prévu par les articles 2, 3, 5, 6, il et 12 du décret du 1er août 1791, les officiers de chaque régiment de toute arme qui, par leur ancienneté de service, auront droit à des places de lieutenant ou de capitaine, les obtiendront de préférence dans leurs régiments, s'il y en a de vacantes.
Art. 9.
« Le ministre de la guerre sera tenu d'effectuer tous les remplacements d'ici au 1er février prochain.
Art. 10.
« Le ministre de la guerre sera tenu, en outre, de faire passer, dans quinzaine, à l'Assemblée nationale l'état nominatif des officiers de toutes les armes qui ont abandonné leurs régiments sans congé ou démission, avec désignation du corps où ils servaient, du grade qu'ils avaient, et de l'époque de leur absence.
« Il fera parvenir, dans le même délai, l'état nominatif de ceux qui ont été admis aux remplacements qu'il a aû faire avant le 15 octobre dernier.
Art. 11.
« Tout officier non employé, de quelque grade qu'il soit, ainsi que tout commissaire des guerres,
ne pourra être employé à l'avenir, ni obtenir la décoration militaire ou toute autre récompense, si, dans le délai d'un mois à compter du jour de la promulgation du présent décret, il ne s'est présenté devant la municipalité du lieu de sa résidence pour y prêter le serment civique, dont il sera dressé procès-verbal et dont l'extrait en forme sera par lui envoyé au ministre de la guerre.
Art. 12.
« Au 15 janvier prochain, le ministre de la guerre enverra à l'Assemblée nationale un état nominatif des officiers de tout grade, et des commissaires des guerres qui auront rempli, dans le délai prescrit, les formalités exigées par l'article ci-dessus.
Art. 13.
« Du 25 décembre au 10 janvier prochain, il sera fait une revue générale de toutes les troupes composant l'armée française, dans les lieux de leurs garnisons respectives, depuis les officiers généraux jusqu'aux soldats inclusivement.
Art. 14.
« Cette revue sera passée par les commissaires des guerres, en présence des officiers municipaux, qui seront appelés à cet effet; ils en signeront les procès-verbaux, ainsi que les commissaires des guerres et tous les officiers présents au corps.
Art. 15.
« Ces procès-verbaux, qui ne pourront servir à aucun payement, seront adressés au ministre
de la guerre par les commissaires des guerres, au plus tard huit jours après la revue, et ce,
soùs peine de destitution : le ministre de la guerre les remettra à l'Assemblée nationale ler février au plus tard. *
Art. 16.
« Tout officier absent de son corps ou de son poste lors de ladite revue, qui ne justifiera pas d'un congé, sera destitué de son emploi, par le fait même de son absence, sans qu'il puisse prétendre à aucune pension, quelle que soit son ancienneté de service.
Art. 17.
« L'Assemblée nationale déclare qu'elle ne préjuge rien sur les remplacements des officiers de toutes les armes qui sont maintenant employés dans les bataillons de gardes nationales destinées à la défense des frontières ; elle charge son comité militaire de lui présenter incessamment ses vues sur cet objet. »
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Guyerdet, à laquelle est joint un mémoire de ses services.
(L'Assemblée renvoie la lettre èt le mémoire au comité des pétitions.)
Je demande la parole, au nom du comité de la Trésorerie nationale pour vous lire un rapport concernant les états, comptes et renseignements que les ministres doivent a VAssemblée, relativement aux finances.
Plusieurs membres : Non! non! Ce soir!
(L'Assemblée décrète que M. Cambon obtien-
! dra la parole ce soir, au commencement de la ! séance.)
Plusieurs membres demandent avec chaleur que la motion de M. Daverhoult, ajournée à aujourd'hui, soit immédiatement mise en discussion (1) .
Vautres membres demandent que l'Assemblée s'occupent du projet de décret sur les troubles excités par les prêtres non assermentés.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, il me paraît que nous avons adopté l'usage d'entremêler les diverses questions dont l'Assemblée doit s'occuper. Je ne crois pas que cette méthode soit sans avantage, mais ici je pense que nous l'avons portée trop loin et que la chose publique peut en souffrir. Je m'explique : Depuis, très longtemps, Messieurs, nous avons commencé le décret contre les troubles excités dans le royaume pas les prêtres non sermentés. Je sais bien que quelques personnes, par une fausse application des principes de justice, de philosophie, d'humanité, nous reprochent trop d'ardeur à cet égard ; mais je sais aussi que la nation entière qui souffre, nous accuse de lenteur et presque d'indifférence sur cette grande question; (Applaudissements.) Eh, Messieurs, on ne voit donc pas où nous conduisent toutes ces abstractions ! Ne nous laissons pas abuser pas de faux prétextes et ne nous écartons pas du but par une fausse application des principes. Les troubles augmentent et l'exécution ae la loi est suspendue ; or, Messieurs, la justice veut que la loi soit exécutée et que la Constitution soit respectée; la philosophie nous fait un devoir de nous occuper du bonheur des hommes et de celui de nos concitoyens, et l'humanité nous presse de réprimer les troubles qui peuvent porter dans l'Empire, la division, le désordre et tous le malheur^ de l'anarchie. N'hésitons donc plus un seul instant lorsque nous sommes frappés du cri unanime des départements et de tous les bons Citoyens de la capitale : la tranquillité et peut-être le salut de l'Empire dépendent du zèle et de l'activité que nous montrerons à cet égard.
D'après ces considérations, Messieurs, je demande que demain matin ou ce soir...
Plusieurs membres : A l'instant!
Je demande qu'à l'instant le comité de législation, dont le travail est prêt, soit entendu sur le dernier article additionnel du décret contre les prêtres séditieux, que ce décret soit rendu sans désemparer, et qu'il soit porté, dans le jour, à la sanction du roi. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La priorité pour la discussion sur le décret des prêtres.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la discussion du projet de décret sur les prêtres non assermentés.)
Un membre : Je fais la motion que cette question, ainsi que le projet de M. Daverhoult, soient décrétés aujourd'hui sans désemparer.
Un membre : Je demande la division, et que l'Assemblée décrète seulement que l'objet relatif aux prêtres sera décrété sans désemparer.
D'autres membres : La question préalable :
(L'Assemblée décrète, après une épreuve déclarée douteuse, qu'il y a lieu à délibérer sur
la
Puisqu'il y a lieu à délibérer, je demande la parole pour m'oppo-ser à ce qu'on décrète sans désemparer. Chaque fois que nous décidons de décréter sans désemparer, c'est comme si nous disions à la nation française que nous rendons des décrets sans examiner. (Murmures prolongés.)
Pour réfuter l'opinion du préopinant, je n'ai besoin que de rappeler l'assentiment général qu'ont donné tous les départements, à la loi que vous avez portée sur les émigrés, et vous 1 avez portée sans désemparer. (Applaudis semen ts. )
Un membre : Immédiatement après, on s'occupera de la motion de M. Daverhoult. (Oui! oui! Aux voix!)
(L'Assemblée décrète qu'elle rendra sans désemparer le décret relatif aux prêtres.) (Les tribunes applaudissent les députés qui se lèvent pour cette motion et accueillent par des huées ceux qui se lèvent contre.)
Je vais mettre aux voix la motion qui a été faite de discuter immédiatement après la question des prêtres, le projet de M. Daverhoult et sans désemparer.
jeune. Je demande l'ajournement de cètte motion jusqu'à la fin de la discussion sur les prêtres ; une pareille question pourrait prolonger la séance pendant 3 jours et 3 nuits.
Plusieurs membres : Non! non ! L'ordre du jour]
(L'Assemblée passe à l'ordre jour.)
, au nom du comité de législation (1). Messieurs, vous avez renvoyé au comité de législation la rédaction d'un article additionnel aû décret sur les troubles excités sous prétexte de religion (2).
Cet article a été proposé par M. Albitte, appuyé par M, Guadet, amendé par MM. les députés du département du Bas-Rhin.
La rédaction a présenté des difficultés dont ie vais avoir l'honneur de vous rendre compte le plus sommairement que je pourrai.
La proposition de M. Albitte a deux objets : 1° d'exclure les prêtres dissidents, ou prétendus dissidents, du culte simultané dans les églises employées au culte salarié par la nation ; 2° de permettre la vente ou la location des autres églises aux citoyens attachés à un autre culte quelconque, pour y exercer ce culte, en se conformant aux lois de police ou d'ordre public.
L'amendement consiste à excepter de cette vente ou de cette location les églises où le culte simultané est admis entre les citoyens qui suivent la confession d'Augsbourg et les catholiques.
Cet amendement, fondé sur des décrets de l'Assemblée nationale constituante, ne présentait aucune difficulté.
La rédaction des deux dispositions présentées par M. Albitte a été plus embarrassante. Elle
donnait lieu nécessairement à des observations,
1° La première disposition est opposée à une loi existante. Le décret du 7 mai sur l'arrêté du directoire du département de Paris du 18 avril dernier, veut que le défaut de prestation de serment ne puisse être opposé à aucun prêtre se présentant dans une église ou oratoire national, seulement pour y dire la messe. M. Albitte demande, au contraire, que les prêtres non assermentés, ou dissidents, ne puissent exercer aucune fonction ecclésiastique dans les églises et oratoires nationaux. Il prétend que le culte simultané entraîne des inconvénients ; qu'il n'est pas naturel que la nation entretienne des édifices pour ceux qui ne veulent pas reconnaître ses lois; et que s'ils veulent exercer un culte qu'ils prétendent différer de celui dont elle fait les frais, ils doivent séparément se pourvoir de tout ce qui. leur est nécessaire.
Le comité de législation a arrêté la rédaction de cette première partie de l'article dans les termes suivants :
« Les églises et édifices nationaux employés au culte dont les frais sont payés par l'Etat, ne pourront servir à l'exercice d'aucun autre culte. »
Mais, avant de délibérer si l'on veut adopter cette rédaction, qui déroge au décret du 7 mai, ou si l'on préfère de passer sous silence cette première disposition pour s'en tenir à celle de ce décret, il convient d'examiner la difficulté, bien plus sérieuse, que la seconde disposition a fait naître.
Je crois que la seule question se réduit à savoir si vous avez adopté les propositions faites par M. Albitte, telles qu'il les exprima, ou si vous les avez renvoyées à votre comité pour faire une correction a ce même projet d'article. Or, je soutiens , que l'Assemblée adopta purement et simplement cet article sauf rédaction, et toutes les fois qu'on adopte un projet d'article sauf rédaction, on doit en conserver le sens. Gela étant, il n'appartenait nullement au comité de législation de faire des additions, des retranchements, des soustractions : il devait se borner à rendre le sens plus intelligible.
, rapporteur. Je suis expressément chargé par le comité d'appeler l'attention de l'Assemblée nationale sur la question de savoir si les prêtres dissidents seront tenus de prêter le serment civique, pour pouvoir exercer leur ministère dans les églises même non employées au culte payé par l'Etat.
Le comité a cru devoir insérer cette réserve dans l'article, non comme une interprétation étrangère, mais comme là conséquence immédiate et le développement des idées de MM. Albitte et Guadet. Aussi est-ce de leur aveu et de concert avec eux que le comité s'est déterminé à prendre ce parti.
On ne peut pas changer ce qui est décrété.
aîné. Je désirais que les églises qui ne servent pas nécessairement à. l'exercice du culte salarié ^ fussent vendues ou données à ferme à tous les citoyens exerçant un culte quelconque ; mais mon intention n'était pas, avant de proposer mon article, qu'elles fussent aliénées à des ministres qui n'auraient pas prêté le serment civique. Je n'ai jamais prétendu que des citoyens, qui auraient des ministres suspects,
pussent acheter des églises nationales, pour un culte gui, étant guidé par des motifs suspects à la nation, pourrait y répandre le trouble.
, rapporteur. Je ne m'arrêterai pas à démontrer l'incohérence qui existerait, sans cela, entre l'article additionnel et les 15 autres déjà décrétés. Cette incohérence est évidente. Par l'article 5 devenu l'article 6, vous avez déclaré « suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie » les ecclésiastiques qui refuseront de donner à la loi et à la patrie la caution du serment civique exigé par 1 article 1er. Vous les avez « soumis et recommandés plus particulièrement aux autorités constituées. » En cas de trouble, vous avez jugé que leur seule présence dans la paroisse troublée, pouvait autoriser les corps administratifs à les en éloigner par provision. Vous avez pris contre eux les précautions de la défiance la plus rigoureuse. Or, comment des hommes ainsi notés aux yeux de la loi, conserveraient-ils la capacité d'exercer le ministère ecclésiastique? Comment des hommes, jugés immoraux, pourraient-ils être officiers ae morale? C'est ce qui serait inconciliable.
Chacun sent assez que cette disposition nouvelle détruirait le reste du décret ; mais je n'insiste pas sur ce point, parce que l'on pourrait reprocher à l'auteur au projet de décret l'aveuglement de la prédilection paternelle en faveur ae son ouvrage. J'examine seulement s'il est de votre justice d'entendre l'article proposé par M. Albitte comme M. Albitte lui-même affirme l'avoir entendu, et comme le comité l'a rédigé après une longue discussion.
Pour savoir si cet article est juste, il faut apprécier les objections qu'on lui oppose. J'en entends retentir trois principales. On me demande : 1° si cette mesure est d accord avec les principes de la tolérance ? 2° pourquoi imposer la nécessité du serment civique aux seuls ecclésiastiques dissidents, tandis qu'on ne parle pas de l'étendre aux ministres des autres cultes? 3° comment concilier cette restriction avec le principe constitutionnel de la liberté des opinions religieuses?
1* Sur la première question, j'observe que personne ne respecte plus que moi les principes sacrés de la tolérance, et j'ose dire que je les connais autant que ceux qui les invoquent ici, et qui en font une fausse application.
Ce ne sont pas des principes si modernes qu'on le pense. Leur démonstration est devenue un lieu commun de la philosophie la plus usuelle, depuis le fameux commentaire de Bayle sûr le Com-pelle intrare. On sait à quelle occasion ce livre fut écrit. Les prêtres fanatiques avaient abusé de ce texte de l'Evangile pour faire signer la révocation de l'édit de Nantes. Ils avaient persuadé à un roi qu'il pouvait tout ce qu'il voulait au nom de Dieu, et qu'il fallait qu'à sa voix les protestants devinssent tous catholiques par force. Le philosophe de Rotterdam démontra que les idées de 1 esprit, les inclinations du cœur, les sentiments de la conscience ne sont soumis à aucune puissance humaine, qu'aucune autorité ne peut avoir le droit de commander à la pensée, que Dieu seul sonde les cœurs, et peut seul les juger. Je crois fermement avec lui que c'est blesser les droits de l'homme et attenter aux droits de Dieu, que d'essayer de faire aucune violence à la conscience d'autrui; que les pensées, les erreurs, les intentions de l'âme né sont pas du
domaine de la loi, et qu'il n'y a que les actions extérieures qui lui soient soumises.
Aussi, Messieurs, ne s'agit-il pas ici de forcer les dissidents à reconnaître les prêtres citoyens, salariés par l'Etat, à entendre leurs prédications, à suivre leur culte, il ne s'agit pas de les « contraindre d'entrer » dans les églises nationales. On les laisse, sur ce point, entièrement libres. On leur accorde même des églises particulières pour exercer un autre culte quelconque. Mais comme l'exercice de cet autre culte devient une action extérieure qui intéresse la sûreté publique, on demande que ses ministres, voulant rassembler leurs prosélytes pour leur parler au nom d'un Dieu, auteur de la société, créateur des nations, source éternelle de l'ordre, veuillent bien reconnaître le contrat social, respecter la souveraineté nationale, rendre hommage à l'ordre public. Et certes, il est étrange qu'il puisse y avoir une religion dont les ministres se refusent à cette demande si naturelle et si simple; ou plutôt il serait inconcevable que ce refus pût jamais être censé de bonne foi ;
2° Mais, dit-on, si cela est ainsi, pourquoi ne pas assujettir au serment civique les ministres ae tous les autres cultes? Pourquoi cette exception à la règle générale? C'est là, Messieurs, la seconde objection qu'on répète et qu'on retourne de toutes les manières, et qui n'en est pas plus solide.
En effet, il n'est pas nécessaire de faire une loi pour soumettre au serment civique les ministres des autres cultes. Voyez-vous qu'aucun l'ait refusé? Avez-vous reçu à cet égard quelques plaintes contre les ministres protestants, contre les rabbins juifs ? Ont-ils excité aucun trouble, aucune émeute ? Dans les pétitions et les réclamations qui vous sont adressées, est-il question d'aucun d'eux comme tramant des complots ou provoquant la désobéissance à la loi? Au contraire, partout ils se soumettent aux lois de l'Empire ; ils vont au devant de la Constitution ; ils prêchent tous la soumission au magistrat civil, et ils en donnent l'exemple. D'après cette doctrine et cette conduite paisible, est-il nécessaire, serait-il convenable ae faire une loi'pour enjoindre à ces ministres de faire ce qu'ils ont fait spontanément? et cette injonction trouverait-elle bien sa place dans un décret où il s'agit de réprimer et de prévenir des désordres auxquels les ministres des autres cultes n'ont point de part?
Mais je dis plus, et le moment est venu* d'énoncer à cette tribune Ce que tous les gens sensés pensent depuis longtemps : c'est, Messieurs, que les ministres des autres cultes ne sont pas dans le cas d'inspirer aux gouvernements la même inquiétude que les prêtres dissidents :
1® Parce qu'ils ne sont pas, comme ces prêtres, séparés du reste des hommes par la loi au célibat, qui rend ces derniers étrangers à la société, qui terme leurs cœurs à toutes les affections, qui les isole de leur famille, qui les détache de leur patrie, qui les dispense de tout intérêt à la chose publique, pour les concentrer dans leur seule existence ; -
2° Parce que les ministres des autres cultes n'ont pas le terrible moyen de séduction insensible et de domination souterraine, qui résulte des cérémonies clandestines, dont les prêtres dissidents peuvent se servir et se servent en effet, pour essayer de ruiner vos lois et de rétablir leur empire sur les débris du vôtre, sans qu'on puisse saisir la trace de leurs complots*
puisqu'il leur est facile d'affecter de prêcher la paix dans les rues, sauf à se dédommager de cette contrainte dans l'obscurité des tribunaux de pénitence ;
3' Parce que les ministres des autres cultes ne font pas leurs prières comme les prêtres dissidents, dans une langue inconnue ou vulgaire de leurs sectateurs ; et qu'ils ont sur ces sectateurs une influence bien moins grande, n'étant point pour eux les arbitres infaillibles et les seuls interprètes de leurs cérémonies ou. de leurs dogmes;
4° Parce que les ministres des autres cultes n'ont point, comme le clergé prétendu dissident, l'esprit de corporation; esprit antisocial par essence, qui met toujours régoïsme de l'aggré-gation privée en opposition avec l'esprit public ;
5° Enfin, parce que les ministres des autres cultes n'ont pas le système des deux puissances, système destructif du principe de 1 unité de la souveraineté, système qui n'est propre qu 'à occasionner dans le corps social des conflits et des querelles interminables, système qui a causé le malheur de tous les gouvernements où cette monstruosité, politique a été admise, système, en un mot, qui saperait quelque jour la base de votre Constitution, s'il était possible que vous le laissassiez renaître et se glisser dans les lois nationales.
On insiste, Messieurs. On demande ce que devient la liberté des opinions religieuses, si vous exigez up serment contraire à ces opinions? C'est ici la troisième objection que l'on m'oppose.
Mais, de bonne foi, est-ce donc par des opinions religieuses, ou par des opinions politiques, que nous sommes divisés d'avec les prêtres dissidents? Est-ce la liberté de conscience qu'ils réclament, ou la liberté de faction ? Sommes-nous en débat sur des questions de théologie, ou sur des questions de droit civil? Reven-diquent-ils des articles de foi, ou des prétextes desédition?
Je les entends se récrier contre ces lois qui ont fixé les rapports civils du culte catholique en France et qui ont été appelés « constitution civile du clergé. » Mais, Messieurs, on ne prétend pas que le serment civique les soumette au culte payé en vertu de ces lois, s'ils ne veulent pas s'y . soumettre. Vous avez eu pour leur conscience chatouilleuse la condescendance de substituer le serment civique à celui qu'avait prescrit aux ecclésiastiques le décret du 27 novembre 1790. Ce irest plus à des prêtres, c'est à des citoyens que vous demandez une assurance de leur civisme. Et ils la refusent ! Quels sont donc leurs motifs ? Ah ! Messieurs, leurs motifs ne sont point des opinions religieuses, ni l'impulsion ae la conscience, ni des questions de théologie, ni des articles de foi : leur motif est uniquement la haine de la Constitution française.
Et, pour nous en convaincre, ouvrons le livre de la loi et voyons les articles sur lesquels ils veulent faire croire à leurs dupes que l'Evangile, qui est la constitution chrétienne, est incompatible avec la Constitution, qui est l'Evangile civil.
Je lis dans la Constitution que la souveraineté « est une, indivisible, inaliénable, imprescriptible » et que son « principe réside essentiellement dans la nation ». .
Je vois dans les maximes du clergé prétendu dissident, qu'il ne veut point reconnaître les droits du peuplé. N'est-ce pas lui qui avait lèurré
les rois de l'idée qu'ils ne tiennent leur pouvoir que de Dieu, afin de mettre modestement les prêtres au-dessus des rois ? N'est-ce pas lui qui a soutenu et reproduit, même dans ces derniers temps, la division de la souveraineté par le système d'une puissance ecclésiastique indépendante de la puissance civile? N'est-ce pas lui qui veut, au sein de la France, se prosterner encore devant un souverain étranger?
Je lis dans la Constitution, que tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
Je lis dans les regrets du clergé dissident son retour vers les distinctions avilissantes qu'il avait introduites jusque dans le sanctuaire. Ne sait-on pas ce que c'était que le « haut » clergé? Ignore-t-on qu il fallait des preuves de noblesse pour être chanoine, et que l'abus était porté au point que les apôtres mêmes, les fondateurs de notre sainte religion, n'auraient pu entrer dans les chapitres de nos cathédrales? (Applaudissements.)
Je lis dans la Constitution « que ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis. »
Je lis dans les annales du clergé dissident que ses chefs ont fait un fréquent usage de ces ordres arbitraires. Qui pourrait ignorer les plaintes portées contre eux à cet égard? Qui ne sait que les lettres de cachet furent inventées par un cardinal, ministre despote sous un roi faible, et perfectionnées par un jésuite, directeur de la conscience d'un monarque vieilli t (Applaudissements.)
Je lis, dans la Constitution, que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ».
Je demande si le clergé dissident voudra s'autoriser de cet article, lui qui a couvert la France de ses persécutions! lui qui a inventé le tribunal des inquisiteurs de la foi ! lui qui avait dispersé les cendres de Descartes, loin ae sa patrie ! lui qui a refusé de ramasser un peu de terre pour couvrir le tombeau de Molière, le premier peut-être des génies français, sous le règne de Louis. XIV! lui qui a donné tant d'exemples d'intolérance et de fureur contre des opinions innocentes ou utiles! Je demande s'il peut s'autoriser de cet article, pour réclamer la liberté de prétendues opinions religieuses, qui ne sont, dans le fait? que des hérésies politiques et des impiétés sociales.
Je lis dans la Constitution que « tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement », parce que « la libre communication des pensées est un des droits les plus précieux de l'homme ».
Et je lis dans l'histoire que c'est le clergé, imbu des principes des dissidents, qui a invente la censure des livres, car ce moyen admirable d'enchaîner la pensée et d'étouffer les lumières a été trouvé en Sorbonne. Et. n'est-ce pas le même désir d'aveugler, s'il était possible, la raison humaine, qui a dicté aux préjugés ultra-montains cet abominable index, suivant lequel presque tous les livres qui font honneur à la France surtout et à notre siècle, sont condamnés, et ne peuvent être lus sans permission ou sans crime?
Je lis dans la Constitution que « pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable, qu'elle doit être également ré-
partie entre tous les citoyens, à raison de leurs facultés ».
Et l'histoire m'apprend que depuis plus de 150 ans, le clergé (qui levait lui-même sur les propriétaires l'impôt inégal et exorbitant de la aîme, et sur tous les citoyens l'impôt honteux du casuel), le clergé, dis-je, avait trouvé le secret de ne point payer de contribution; que ses immunités faisaient partie de sa doctrine et de son existence ; que lors de l'établissement des vingtièmes, pour lesquels il fallut déclarer les biens des citoyens, les prêtres osèrent s'y refuser; qu'en dernier lieu, au moment même de la crise de notre heureuse Révolution, le clergé, seul des ordres alors existants, qui eût le droit de s'assembler, avait eu la précaution de faire consolider de nouveau ses privilèges par arrêt du conseil, et de payer, pour prix de ce marché, l'une de ces faibles sommes, qu'il avait l'insolence de qualifier de « dons gratuits » .
Je lis dans la Constitution, qu'il n'y a plus de « distinction d'ordres », ni de « corporations » partielles.
Et le clergé dissident veut former le premier des ordres! et son essence est de composer une corporation!
Un membre : Et l'autre! ;
, rapporteur. L'Assemblée" constituante a détruit cette excroissance du corps politique; mais les dissidents cherchent à la faire revivre, et à la rendre indépendante de l'autorité civile. Leurs écrivains ont mis le sacerdoce au-dessus de l'Empire. Si l'Assemblée constituante eût laissé reproduire cette prétentioii de la part des ministres du culte que la nation paye, elle eût fait une grande faute ; mais ces derniers rendent hommage à notre Constitution. Ce sont des prêtres citoyens ; et l'on ne peut leur imputer des erreurs des dissidents qui ne veulent être que prêtres, et refusent de se rendre citoyens.
Je lis dans la Constitution qu' « il n'y a plus ni pairie, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient ».
Et le clergé dissident avait associé les distinctions temporelles avec l'humanité évangélique ! Il incorporait les vanités du monde avec les maximes de la religion, il couvrait de ses armoiries la crèche du Dieu qui voulut naître et mourir pauvre. Ces disciples d'un maître « dont le royaume n'est pas de ce monde », avaient accumulé des terres, des pairies, des duchés, des justices. Que dis-je, des moines possédaient des serfs! 12,000 habitants du Mont-Jura étaient esclaves du chapitre de Saint-Claude, et ce chapitre a plaidé dans plusieurs tribunaux pour ne pas les affranchir. Ce sont des prêtres du xviii® siècle qui se sont montrés les plus immiséricordieux de tous les tyrans.
Je lis dans la Constitution qu' « il n'y a plus pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit commun de tous les Français ».
C'est, Messieurs, ce que les prêtres dissidents n'entendront jamais, ils avaient des tribunaux particuliers; us avaient leurs exceptions, leurs committimus, leurs cas privilégiés. Ils voudraient encore les ressusciter, parce que ces exceptions tiennent à cet amas de lois étrangères qu'us appellent le droit canonique, droit ignoré de la primitive Eglise, et incompatible avec votre législation.
Je lis dans la Constitution, que la loi « ne reconnaît plus de vœux religieux ».
Mais les dissidents veulent que ces vœux puissent être obligatoires, que les rassemblements de moines puissent être légitimes, que leur existence puisse être continuée sans l'aveu et contre le gré du souverain. Ils ne conviendront jamais que le premier vœu de tout homme est d'être citoyen; qu'on est soumis au souverain avant d'être moine; que la conscience nous attache primitivement tous à la patrie, par un serment naturel, inaltérable et imprescriptible; et que, si chacun est libre de former des vœux religieux, rien ne peut forcer le législateur à les reconnaître.
Je lis dans la Constitution qu' « il sera créé et organisé un établissement général de secours publics ».
Cette grande idée administrative excite surtout la fureur du clergé dissident. Il se disait l'économe des indigents, le trésorier des malheureux, le dispensateur des bienfaits publics. C'était un beau prétexte pour envahir le bien des riches, en promettant de le reverser dans le sein des pauvres. On sait comme il s'acquittait en général de cette partie des droits nationaux qu'il avait usurpés. Loin de guérir l'état de la lèpre honteuse ae la mendicité, il la multipliait, il faisait de la gueuserie une profession respectable et sacrée; il avilissait les peuples, en les accoutumant à recevoir, à titre d'aumône, la restitution d'une faible partie de leurs dépouilles.
Je lis dans la Constitution qu' « il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens ». ' ; ; , ;
C'est encore une usurpation du clergé dissident, qu'il ne voit pas sans peine réunir au patrimoine national. Il s'était arrogé depuis longtemps le droit de présider à l'éducation. C'était le vrai moyen de plier de bonne heure tous les esprits, toutes les têtes devant le joug sacerdotal. On ne peut qu'admirer cette adresse des prêtres pour régner sur les hommes. Ce n'étaient pas des citoyens qu'ils songeaient à former, mais des congréganistes, mais des sujets pour recruter leur ordre, mais des esclaves, pour étendre et affermir leur domination.
Je lis dans la Constitution qu' « il sera établi des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution, entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la Constitution, à la patrie et aux lois ».
Des fêtes nationales ! Ces mots sont un blasphème aux yeux du clergé dissident. Il ne connaît de rêtes que celles qu'il a établies, qu'il a multipliées, et qu'on a eu tant de peine à réduire, lorsqu'on s'est aperçu que leur nombre excessif dépravait les mœurs du peuple, et appauvrissait la nation. Mais des institutions fraternelles, constitutionnelles, patriotiques, légales, c'est ce que le clergé dissident ne saurait concevoir, ce qu'il ne peut admettre, ce qui répugne à ses vues, parce qu'il ne veut, dans nos lois, rien de ce qui ne se rapporte pas directement ou indirectement à son intérêt.
Son intérêt, Messieurs, voilà lé mot, voilà le Dieu dont il prend la cause. Voilà la barrière éternelle et la seule qui s'élève entre le prêtre dissident et la loi.
Est-il nécessaire de donner à cette vérité d'autres développements ? Faut-il entrer, Messieurs, dans le détail des autres articles, que je trouverais également dans la Constitution, et contre lesquels les prêtres dissidents s'élèvent non pas
pour des points de foi, non pas pour des problèmes de théologie, mais pour des prétentions et des intérêts privés, mais pour un système de résistance à la loi.
Que n'aurais-je pas à dire de cette disposition qui met « les biens destinés aux dépenses du culte, à la disposition de la nation, et qui garantit les aliénations qui en ont été faites ? »
On sait assez que les prêtres dissidents, après avoir cherché à effrayer ou à ralentir le zèle des administrateurs chargés des aliénations, ont essayé de tourmenter la conscience des acquéreurs. Ils ne cessent d'écrire et d'annoncer aux adjudicataires, qu'en adhérant à cette grande mesure qui a sauvé l'Empire français, ils se rendent coupables du plus grave de tous les crimes. Il y a, pour tout autre délit, des moyens de s'accommoder avec le ciel ; mais le commerce des biens nationaux est un forfait digne de tous les anathèmes, un forfait qui ne peut s'absoudre.
Parlerai-je de cette faculté assurée aux citoyens « d'être ou choisir les ministres de leur culte » ? Le clergé dissident avait, depuis longtemps, fait un trafic des patronages ; et bien loin de songer à faire restituer aux fidèles le droit des élections primitives, nos prélats ne rougissaient pas de devoir quelquefois au crédit d'une femme leur promotion aux premières dignités de la hiérarchie.
Rappellerai-je cet article qui charge « le pouvoir législatif d'établir, pour tous les habitants sans distinction, le mode sur lequel les naissances, mariages et décès seront constatés », et qui décide que la loi « ne considère le mariage que comme contrat civil » ?
Aux yeux du clergé dissident, cette disposition n'est-elle pas encore un attentat à ses droits prétendus ? N'est-il pas désespéré de perdre son intervention dans tous les actes les plus importants de notre vie? Il voudrait que nous ignorassions qu'avant le vi° siècle de l'Église, les ministres de la religion n'avaient point une part nécessaire à la célébration des mariages; et que, s'ils y ont participé depuis, c'est en vertu des lois Civiles comme officiers publics et non pas comme prêtres. Ils regrettent aussi ces temps heureux où ils pouvaient nous tour-? menter vivants, et nous poursuivre morts, en refusant les sacrements ou l'inhumation, par un genre de barbarie, que les païens eux-mêmes auraient eu en horreur. Ils nous prenaient à toutes les époques de notre existence. Ils nous asservissaient même encore au delà. La Constitution nous affranchit de cet esclavage. Les prêtres dissidents ne peuvent nous pardonner de vouloir vivre et mourir libres.
D'après cette énumération des contradictions gui se trouvent entre les principes du clergé dissident et notre loi constitutive, je demande à tout esprit désintéressé, si ces contradictions roulent sur des opinions religieuses. Je demande si l'ultramontanisme, et les quartiers chapitra-bles, et les lettres de cachet, et les bûchers de l'inquisition, et les censures des livres, et l'immunité des charges publiques, et la distinction des ordres, et les droits seigneuriaux, et les cas privilégiés, et le refus des enterrements, et la besace des quêteurs et l'exaction de la dîme, et la feuille des bénéfices, sont des articles de foi, sont des points dè créance essentiels à notre salut, sont (Tes matières du ressort de la liberté de conscience ? Je demande si l'on peut invoquer la tolérance pour des opinions qui ne sont pas dés opinions théologiques, mais
bien évidemment des principes de troubles, des motifs de sédition, des germes de discorde et de guerre intestine ? Je demande s'il y a de la dûreté, s'il y a de la persécution de la part des législateurs, à vouloir prévenir ces trounles, en obligeant des prêtres suspects de tenir à un système aussi contraire à 1 ordre social, la prestation du serment civique. Je demande si l'on peut accorder à ceux qui refusent de s'y soumettre, la faculté d'exercer un prétendu culte particulier, qui ne diffère véritablement du culte salarié par mat, qu'en ce que les ministres de ce dernier, ont eu le mérite de se montrer citoyens et de coopérer, par leur patriotisme, à la Révolution qui nous a -rendu la liberté et l'égalité des droits ?
Messieurs, je me résume.
,L'Église est dans l'Etat, et l'Etat n'est pas dans l'Eglise. Vous ne commettrez point la faute d'admettre un Empire dans un Empire ; vous ne subordonnerez point la société générale, la grande famille, le peuple souverain dont les intérêts vous sont confiés, à l'ambition et à la cupidité de quelques individus. Vous direz à ces individus que s'ils sont de bonne foi, ils ne doivent pas se refuser à en donner la preuve ; que si leur Eglise veut être reçue dans. l'Etat, il faut qu'elle se soumette aux lois de l'Etat ; qu'il faut que ses ministres prêtent serment d'obéissance et de fidélité à l'Etat. (Applaudissements répétés.) Ce serment de fidélité a toujours été exigé. Les ecclésiastiques ont cherché vainement à s'en défendre, c'est la grande querelle des investitures. Mais cette querelle et toutes celles qu'élèvent les prêtres dissidents, n'ont rien de commun avec la religion, rien de commun avec la foi, rien de commun avec la tolérance. Nous nous plaisons à convenir que l'homme est nécessairement libre dans sa religion, que la créance ne peut être forcée, que le culte est volontaire ; mais nous soutenons que cette liberté du culte doit se coordonner, dans les actes extérieurs, au système d'ordre public sans lequel le corps social ne saurait subsister. En un mot, la liberté de conscience est* pour les citoyens, le droit de n'être jamais contraints à rien en matière de religion.1 Or, nous ne voulons pas contraindre les dissidents à adopter des opinions, des dogmes, des rites pour lesquels ils ont une répugnance réelle ou simulée. Quoique nous n'ayons point de doute sur les motifs intéressés de cette répur gnance, nous respectons ce qu'ils appellent leur conscience. Nous les laissons les maîtres de professer telle opinion, de croire tels dogmes, de suivre tels rites que bon leur semblera. Mais leurs ministres sont soupçonnés de ne pas reconnaître la loi civile. Nous demandons qu'ils la reconnaissent. Nous leur proposons de souscrire le pacte social, èt à cette condition (que les ministres d'aucun culte ne peuvent refuser, sans se déclarer ennemis de la société), nous leur garantissons la liberté la plus: entière dans l'exercice de leur culte. Nous leur laissons le choix des édifices où ils voudront se rassembler. Nous n'exigeons d'eux enfin que de se conformer aux règlements de police. Nous ne sommes donc pas intolérents à leur égard. On pourrait dire avec bien plus de raison qu'ils ont l'audace de se montrer intolérants envers nos lois purement* temporelles, auxquelles il ne leur appartient pas d'opposer de la résistance.
Le devoir des vrais prêtres, dans toutes les religions, est de prêcher la paix et la soumission aux lois. C'est surtout le devoir des ministres de
l'évangile. L'évangile, Messieurs, n'est autre chose que le code ae la morale universelle, admirable dans sa pureté première, et qui s'allie de lui-même avec la Constitution, lorsqu'on le débarrasse des accessoires dont l'intérêt des prêtres l'a surchargé et défiguré dans les siècles ae féodalité et d'ignorance.'
C'est d'après ces principes, Messieurs, que le comité de législation croit devoir vous proposer d'assujettir les prêtres dissidents au serment civique, avant qu'ils puissent exercer leur culte.
À cet égard, Messieurs, quelque parti que vous preniez, il est temps de vous décider. Cette matière est discutée depuis environ six semaines. Vous avez adopté un projet venu à la suite d'une foule d'autres projets. Ne le considérez que comme une loi provisoire. Si l'expérience prouve
3ue cette loi est insuffisante, vous serez à portée e la rectifier, lorsque le comité de législation vous fera le rapport des arrêtés qui seront pris dans les 83 départements, en exécution des articles décrétés.
Ce sera le moment de juger s'il est nécessaire d'y joindre cette multitude d'articles additionnels qu'on vous a proposés, ou s'il est convenable de prendre des mesures d'un genre différent. Vous comparerez les comptes qui auront été rendus dans tous les points de l'Empire. Vous aurez sous les yeux un grand ensemble, et les calculs de votre politique et ceux de votre justice porteront sur des éléments, et plus vastes et plus précis.
Pendant que ces éléments se formeront, l'instruction, que vous encouragez par l'article. 16, l'instruction qui est la plus puissante des autorités auxiliaires de la vôtre, l'instruction mûrira les esprits, écartera les préjugés, aplanira devant la législation le chemin où elle pourra marcher avec assurance.
Ce sont les lumières que vous appelez au secours de la loi. On ne saurait douter de leur effet. Partout où les peuples sont éclairés, les prêtres turbulents n'ont plus de crédit. Dès que le jour paraît, les oiseaux nocturnes s'enfuient.
Dans ce moment, Messieurs, permettez-moi d'élever encore la voix pour vous dire que tous les départements attendent avec impatience la prononciation définitive de cette loi contre les
Srêtres séditieux. De toutes parts on vous l'écrit, e toutes parts on les dénonce. Ce sont les plus grands ennemis de la patrie; des ennemis sans lesquels les autres seraient peu de chose, parce que les autres n'ont pas, comme ceux-ci, des armes cachées. Que dis-je, ces prêtres rebelles ne se bornent plus à des attaques souterraines. Leur audace commence à se montrer dans les départements mêmes où le patriotisme des administrations les avait contenus jusqu'aujourd'hui. La fluctuation des opinions énoncées à cette tribune, a paru leur offrir un point d'appui qu'ils ont saisi. Les conciliabules secrets qu'ils tiennent dans la capitale ont instruit leurs correspondants dispersés sur la face de cet Empire; et la lenteur de vos décrets leur a donné le temps de combiner d'avance le genre de défense qu'ils prétendent vous opposer. (Applaudissements.)
Eh quoi! Messieurs, tous les corps aristocratiques ont disparu devant la loi ! Les parlements sont remplacés; les officiers impatriotes sont presque renouvelés en entier; les compagnies fiscales sont détruites ; la noblesse est remise au niveau de l'égalité; ie clergé seul résiste; le clergé seul se natte d'échapper à la régénération universelle du royaume; le clergé seul espère
reprendre ses usurpations et rétablir la dîme. Ce n'est qu'un rêve de l'orgueil ; mais vous souffrez qu'il se prolonge : hâtez-vous de le terminer.
Vous devez à la nation l'exemple du courage et de l'énergie. Un engourdissement mortel semble s'emparer du grand nombre. L'esprit public n'est pas éteint; mais il est assoupi. La crainte et l'incertitude sont presque,.aujourd'hui, les seuls mobiles, les seuls ressorts actifs. Aussi, le majestueux édifice de la liberté, à peine affermi sur ses fondements constitutionnels, semble se miner sourdement, à la grande satisfaction de tous les ennemis connus ou déguisés, qui, sachant mieux que les patriotes profiter de leurs avantages, luttent insensiblement contre l'opinion, flattent les mécontents, entravent le nouveau régime pour avoir des prétextes de le. calomnier, se rapprochent du peuple, afin de l'égarer, et finiraient peut-être par obtenir une apparence de supériorité si vous n'y preniez garde.
On dirait que les patriotes, fatigués de la conquête de la liberté, n'aspirent qu'à se reposer dans une sécurité trompeuse. Faudra-t-il donc leur appliquer le mot célèbre qui fut dit au héros de Carthage ? « Tu sais vaincre, Annibal, mâis tu ne sais pas profiter de ta victoire. »
Quand vous le voudrez, Messieurs, vous ranimerez une ardeur presque éteinte. C'est entre vos mains qu'est le salut de l'Empire et le dépôt de la liberté. Vous ne pouvez défendre l'un et l'autre qu'au moyen de l'énergie publique, et vous seuls pouvez la communiquer à la nation.
Déjà les mesures vigoureuses que vous aviez annoncées contre des ennemis d'un autre genre, avaient comblé les vœux, ranimé les espérances de tous les amis de la Constitution. Saisissez celte impulsion; soutenez-la, Messieurs, par la célérité et la fermeté des mesures que vous opposerez aux prêtres séditieux.
Songez que l'opinion publique est entre les mains du législateur, comme le métal dont le génie du statuaire doit tirer ses chefs-d'œuvre. Tant que le bronze est en fusion, il peut couler dans les moules et prendre à l'instant les formes les plus parfaites et les plus imposantes. Mais si on lui laisse le temps ae se refroidir, il ne forme plus qu'une masse inerte, incapable de prendre de belles formes, et qui résiste désormais au talent de l'artiste. (Applaudissements.)
Messieurs, voici la rédaction :
« Les églises et oratoires nationaux, que les corps administratifs auront déclaré n'être pas nécessaires pour l'exercice du culte dont les frais sont payés par la nation, pourront être achetés ou affermes par les citoyens attachés à un culte quelconque, pour y exercer publiquement ce culte, sous la surveillance de la police et ; de l'administration. Mais cette faculté ne pourra s'étendre aux ecclésiastiques qui se seront refusés au serment civique prescrit par l'article 1er du présent décret, ou qui l'auront rétracté, et qui, par ce refus ou cette rétractation, sont réputés suspects par l'article 6, de révolte contre la loi et ae mauvaises intentions contre la patrie. » (Applaudissements répétés.)
Divers membres : L'impression du discours ! — Aux voix l'article !
M. François de Nenfchâteau, rapporteur. Voici l'amendement de MM. les députés du Bas-Rhin :
« La vente ou la location des églises ou oratoires dont il est parlé dans l'article précédent, ne peuvent s'appliquer aux églises dont sont en
possession, soit privée, soit simultanée avec les catholiques, les citoyens qui suivent les confessions d Augsbourg et Helvétique, lesquels sont conservés en leurs droits respectifs dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, du Doubs et de la Hauté-Sâône, conformément aux décrets des 17 août, 9 septembre et 1er décembre 1790.
Plusieurs membres ; Aux voix ! aux voix !
D'autres membres : L'impression du discours et l'envoi dans les départements !
Un membre: S'il ne fallait pas décréter sans désemparer, sans doute l'impression serait nécessaire, mais dès que l'on doit rendre ce décret dans cette séance, elle est inutile. (Murmures.)
Un membre : Le discours de M. François contient de trop grandes vérités pour ne pas en enrichir la nation. J'en demande l'impression et l'envoi aux 83 départements. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande la division.
Plusieurs membres: La question, préalable sur la division !
Avant de décider l'impression, jé demande que la discussion qui va s'ouvrir soit établie sur les principes poses par M. le rappor-teur? afin que, bien éclaircis, on prenne son parti sur l'impression. Quand la discussion sera finie, on verra si son système contient ou des vérités ou des erreurs. (Murmures,)
Plusieurs membres à gauche : A l'ordre ! à l'ordre !
Je mets aux voix la question préalable sur la division.
Je demande la parole sur la division.
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre!
J'insiste pour avoir la parole sur la division, et je la demande contre vous, Monsieur le Président, si vous ne me la donnez pas, à moins que l'Assemblée ne décrète que je ne serai pas entendu.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Goujon n'aura pas la parole (Applaudissements.)x et qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la division. Elle décrète ensuite l'impression du discours de M. François et l'envoi aux 83 départements.)
fait lecture d'Une lettre du roii concernant la nomination des ministres dés affaires étrangères et de l'intérieur. Cette lettre est ainsi conçue : ,
« Je vous prie. Monsieur le président, de prévenir l'Assemblée que j'ai nommé M. Delessart au département des affaires étrangères, et M. Cahier de Gerville à celui de l'intérieur.
« Signé : Louis. »
Plusieurs membres : Aux voix la rédaction du comité !
Je demande à parler contre la proposition qui vous est faite par le comité de législation, en addition du projet de M. Albitte. (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion fermée!
Un membre : Il ne s'agit pas de parler Ici contre des article^ additionnels. L'Assemblée ayant adopté l'article présenté par M. Albitte sauf rédaction, celle apportée par le comité doit être décrétée sans discussion, à moins qu'on ne veuille parler sur la rédaction.
Gela n'est pas possible; M. Albitte n'avait point proposé dans son article la
prohibition de l'exercice du culte à défaut de la prestation du serment. Le comité a mis dans la rédaction un objet nouveau; la discussion n'a pas été ouverte sur cet objet. Je demande qu'elle le soit sur-le-champ.
Plusieurs membres : Non, sur la rédaction !
aîné. Quand i'ai proposé cet article, mon intention était, et je l'ai manifestée, que les prêtres ne fussent admis à l'exercice de leur culte, qu'après qu'ils auraient prêté le serment.
monte à la tribune et veut parler.
Je demande que, sur-le-champ, on aille aux voix sur la rédaction, parce qu'il est étonnant que, sur une motion incidente et qui n'était pas prévue, M. Torné soit venu armé d'un in-folio.
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
On ne peut adopter sans discussion la rédaction d'un article qui assure et protège l'intolérance. (Les murmures couvrent la voix de l'orateur.)
Cris r A l'ordre ! à l'ordre !
Un membre : D'après les dispositions des articles déjà décrétés, les prêtres, de quelque âge qu'ils soient, qui auront refusé de prêter le serment civique, seront réputés suspects et ennemis de la patrie, ét vous voudriez permettre à ces hommes d'exercer librement leur culte !
Pour lever cette difficulté, je vais consulter l'Assemblée pour qu'elle détermine si je poserai la question sur le point de savoir si la discussion doit être ouverte sur la rédaction, ou sur le point de savoir si elle doit être ouverte sur la disposition .qu'on prétend être additionnelle, c'est-à-dire sûr le fond de la question.
Je demande à rétablir le véritable état de la délibération.
Plusieurs membres à gauche : A l'ordre ! à l'ordre !
La question se réduit à savoir si la discussion s'ouvrira sur l'addition faite par lé comité.
(Après un long tumulte, l'Assemblée est consultée. Deux épreuves paraissent douteuses. Une troisième épreuve a lieu.)
prononce que la discussion, fermée sur le fond de la question, ne pourra porter que sur la rédaction.
Je ne viens pas produire à la tribune une opinion théologique; je viens réclamer un principe philosophique de tous les temps et de tous les lieux...
Plusieurs membres : Parlez sur la rédaction !
: Vous avez décrété Uh article additionnel, qui n'est que la conséquence et le développement du principe éternel de la liberté de tous les cultes...
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question !
Je demande à faire une motion d'ordre, car sous prétexte de parler sur la rédaction, on trouvera le moyen de parler sur le fond.
Le comité vous a proposé une rédaction sur un article déjà décrété. Il faut bien savoir si le comité a établi cette rédaction dans l'esprit du décret déjà rendu.
J'établis en principe que la liberté des cultes a des limites invariablement po-
sées par l'intérêt évident de la société et par la raison. Un philosophe qui ne vous est pas suspect les a indiquées aux législateurs des peuples libres, car Rousseau n'a écrit que pour eux. « Le libre exercice, dit-il, n'appartient, en saine politique, qu'au culte qui s'accommode avec la Constitution de l'Etat, ou qui au moins ne la rejette pas; car il est absurde de tolérer ceux qui ne tolèrent pas la société elle-même. » (Applaudissements.) Je propose donc à l'Assemblée cette rédaction, après avoir adopté l'article de M.François de Neurchâteau et l'amendement :
« Ne pourront, néanmoins, se former en société religieuse les prêtres d'un culte quelconque ni autres personnes, qui auraient refusé de prêter le serment civique. »
Plusieurs membres : C'est dans l'article !
Messieurs, j'attaque la rédaction qui vous est présentée par le comité de législation. Mon amendement consiste à demander la radiation de la disposition ainsi conçue : « Cette faculté ne pourra s'étendre aux ecclésiastiques qui se seront refusés au serment civique exigé par l'article l*r du présent décret, ou qui l'auront rétracté, et qui, par ce refus ou cette rétractation, sont déclarés, suivant l'article 6, suspects de révolte contre... (Murmures.)
Plusieurs membres : Parlez sur la rédaction!
C'est une ruse pour avoir le moyen de parler sur le fond.
Puisque personne n'entend parler sur le fond de la rédaction, seul objet sur lequel on pouvait avoir la parole...
Plusieurs membres : Vous n'avez pas la parole |
Je soutiens que rien rie tient plus à une rédaction, que de la présenter avec 4 lignes de moins. (Les murmures redoublent.)
D'après ce que vient de déclarer M. Torné, vous ne pouvez pas l'entendre.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
jeune. J'appuie la motion de fermer la discussion. La rédaction proposée par le comité n'a pu être connue qu'hier, et il a fallu deux jours a M. Tomé pour préparer ce qu'il a à vous dire.
Je vais mettre aux voix si M. Tomé continuera.
M. Torné a annoncé qu'il voulait parler sur la rédaction : il s'agit de savoir si la disposition qu'il présente doit tomber sur la rédaction ; comme il est évident qu'il entre dans le fond de la question, je demande qu'il ne soit pas entendu.
Je vais, en peu de mots, terminer cette discussion. Qu'est-ce que corriger une rédaction? c'est ajouter un mot, retrancher un mot, ou en substituer un autre. Or, ce que je vous propose, c'est de réduire de 4 lignes la rédaction qui vous est proposée par le comité. (Murmures.)
Un membre : L'Assemblée ne peut être que douloureusement affectée d'être depuis une demi-heure dans un état d'incertitude cruelle. Je demande que M. le président, pour terminer ces différends, consulte l'Assemblée pour savoir si la discussion sera fermée.
jeune, s'adressant à M. le Président. Si vous ne mettez pas aux voix si la discussion sera fermée, je vous rends responsable du trouble qui se fait.
(Le calme se rétablit.),
Voici l'état de la délibération : La discussion sera-t-elle fermée, ou M. Torné sera-t-il entendu?
La discussion n'est seulement pas ouverte.
Monsieur, je vous rappelle à l'ordre.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur les deux propositions rappelées par M. le Président.
Un membre: Je demande la parole pour motiver la question préalable.
Vautres membres : Non ! non! Aux voix la clôture !
Un membre : je demande que l'on délibère pour savoir si la discussion sera fermée.
Je consulte l'Assemblée sur la motion de fermer la discussion.
(L'éprèuve a lieu.) :
La discussion est fermée. ( Vives réclamations.)'
Il y a du doute, et, dans le doute, la discussion doit être continuée.
Il n'y a pas de doute réel ; il existe seulement des réclamations d'une partie des membres de l'Assemblée.
Je -demande la parole sur la question en délibération. (Murmures prolongés.)
Puisqu'on prétend qu'il y a doute, je consulte une seconde fois l'Assemblée.
(L'Assemblée est consultée et l'épreuve est encore douteuse. Quelques minutes se passent dans le trouble : une troisième épreuve donne un résultat plus marqué en faveur de la clôture de la discussion.)
La discussion est fermée. (Applaudissements dans les tribunes.)
Quelques membres : Il y a du doute, l'appel nominal !
Un membre : Il est étonnant qu'au moment où l'Assemblée veut faire une loi de tolérance, elle exerce la plus grande intolérance sur une portion de ses membres.
Je vais mettre aux voix si l'on fera ou non l'appel nominal. (Murmures prolongés)
Il n'y a lieu à l'appel nominal que lorsqu'il y a du doute, et ici il n'y en a pas. Je ne suis pas suspect, puisque j'ai voté contre la clôture, et, cependant, je déclare qu'il n'y a point de doute, et que la discussion est fermée.
Un décret, rendu à une majorité bien évidente, a fermé la discussion ; cèux qui réclament l'appel nominal ne peuvent avoir d'autre intention que de faire perdre le temps de l'Assemblée. (Vifs applaudissements à gauche et dans lestribunes. —Réclamations dans la partie droite de l Assemblée.)
Un membre à droite : Je demande que Monsieur soit rappelé; à l'ordre pour avoir préjugé indécemment les intentions d'une partie de l'Assemblée. (Murmures à gauche.)
Je demande à faire une motion d'ordre. Souvent, l'Assemblée est divisée quand il est question de fermer une discussion non commencée, ou à peine commencée, sur un article : un grand nombre de membres
de l'Assemblée regardent cette proposition comme une injustice et comme une inconséquence. Mais j'observe, et je crois pouvoir poser en principe, que lorsque l'Assemblée a discuté une question en général dans un grand nombre de séances, lorsqu'elle a entendu des discours, dont elle a ordonné l'impression, et qu'elle est censée, par conséquent, avoir lus en particulier ; lorsqu'ensuite il y a eu une multitude d'articles et d'amendements, des discussions très longues ét très approfondies, j'observe, dis-je, que l'Assemblée peut déclarer qu'elle décidera sans discussion sur des articles additionnels. (Applaudissements.)
Pour moi, ce n'est pas sans y avoir réfléchi,
3ne je me suis aperçu qu'à force de discuter sur es articles additionnels, on perd presque toujours de vue le plan général, l'ensemble et l'économie d'une loi. qui sont précisément ce qui fait le bon, l'excellent décret ; et une Assemblée qui sait qu'à force de joindre des discussions morcelées à la discussion générale, elle peut être conduite à gâter le plan général de son décret, une Assemblée, dis-je, dans ce: cas, peut décider qu'elle délibérera sans. discussion sur certaines propositions., Pour moi, je ne réclame point contre la clôture , de la discussion, et je crois que c'est en soi une chose très juste. (Vifs applaudissements.) 4 i
Je demande la parole pour une observation essentielle. (Non!.non!) Je ne veux pas discuter, mais seulement proposer un amendement... Plusieurs membres : La question préalable
Il ne peut y avoir d'amendement, puisque l'article a été décrété dans una précédente séance.
Si vous vouliez m'entendre, je vous proposerais de substituer au mot prêtre, celui de ministres de tous les cultes...
Plusieurs membres, avec violence : A l'ordre du jour ! Aux voix la rjédaction,! '
(L'Assemblée, consultée, adopte la rédaction dù comité avec l'amendement.)
, président, quitte le fauteuil et le cède à M. Viénot-Vaublanc, ex-président. >
PRÉSIDENCE DE M. VIÉNOT-VAUBLANC, ex-président.
Messieurs, M. le ministre des affaires étrangères demande la parole.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Le décret contre les prêtres non assermentés est rendu dans toutes ses parties. Je demande maintenant que le préambule soit mis aux voix, et que, sans s'arrêter à aucun amendement ultérieur, on termine ici le décret pour le porter dans le jour à la sanction du roi. (Oui ! oui ! Applaudissements.)
Quelques membres : La question' préalable sur la première proposition !
(L'Assemblée, consultée, décide à la presque unanimité qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Lamarque, et l'adopte.)
, rapporteur. Voici le préambule à la réduction duquel il a été fait quelques changements d'après le vçeu de l'Assemblée :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des commissaires civils envoyés dans
le département de la Vendée, les pétitions d'un grand nombre de citoyens, et le rapport du comité de législation civile et criminelle, sur les troubles excités dans plusieurs départements du royaume, par les ennemis du bien public, sous prétexte de religion ;
« Considérant que le contrat social doit lier; comme il doit également protéger tous les membres de l'Etat ;
« iQu'il importe de définir sans équivoque les termes de cet engagement, afin qu une confusion dans les mots n'en puisse opérer une dans les idées ; que le serment purement civique est la caution que tout citoyen doit donner de sa fidélité à la loi, et de son attachement à la société, et que la différence des opinions religieuses ne peut être un empêchement de prêter ce serment, puisque la Constitution assure à tout citoyen la liberté entière de ses opinions en matière de religion, pourvu « que leur manifes-tation ne trouble pas l'ordre » ou ne porte pas « à des actes nuisibles à la sûreté publique » ; 1 « Que le ministre d'un culte, en refusant de reconnaître l'Acte constitutionnel qui l'autorise à professer ses opinions religieuses, sans lui imposer d'autre obligation que le respect pour « l ordre établi par la loi », et pour « la sûreté publique », annoncerait par ce refus-là même, que son intention h'est pas de les respecter ;
« Qu'en ne voulant pas reconnaître la loi, il abdiquerait' volontairement les avantages que cette loi seule peut lui garantir ;
« Que l'Assemblée nationale, pressée de se livrer aux grands objets qui appellent son attention, pour l'affermissement du crédit et le système des finances, s'est vue, avec regret, obligée (jle tourner ses premiers regards sur des désordres qui tendent à compromettre toutes les parties du service public, en empêchant l'assiette prompte et le recouvrement-paisible des contributions ;
«1 Qu'en remontant à la soutce de ces désordres, elle a entendu la voix de tous les citoyens éclairés proclamer dans l'Empire cëtte grande vérité, que la religion n'est, pour les ennemis de la Constitution, qu'un prétexte dont ils abusent, et un instrument dont ils osent se servir pour troubler la terre au nom du ciel ; _ « Que,leurs délits mystérieux échappent aisé-hieht aux mesures ordinaires, qui n'ont point de prise sur les cérémonies clandestines, dans lesquelles leurs trames sont enveloppées, et par lesquelles ils exercent sur les consciences un empiré invisible ;
« Qu'il est temps enfin de percer ces ténèbres, afin qu'on .puisse discerner le citoyen paisible1 ét de bonne foi, du prêtre turbulent et ma-chihateur qui regrette les anciens abus, et ne peut pardonner à la Révolution de les avoir détruits ;
« Que ces motifs exigent impérieusement que le Corps législatif prenne de grandes mesures politiques pour réprimer les factieux qui couvrent leurs complots d'un voile sacré;
« Que l'efficacité de ces nouvelles mesures dépend en grande partie du patriotisme, de la prudence et de la fermeté des corps municipaux et administratifs, et de l'énergie que leur impulsion peut communiquer à toutes les autres autorités constituées ;
« Que les administrations de départemènt surtout peuvent, dans ceà circonstances, rendre le plus grand service à la nation, et se couvrir de loire en s'empressant de répondre à la confiance e l'Assemblée nationale, qui se plaira toujours
à distinguer leur zélé, mais qui, en même temps, réprimera sévèrement les fonctionnaires publics, dont la tiédeur dans "l'exécution de la loi ressemblerait à une connivence tacite avec les ennemis de la Constitution ;
« Qu'enfin, c'est toujours aux'progrès de la saine raison, et a l'opinion publique bien dirigée, qu'il est réservé d'achever le triomphe de la loi, d'ouvrir les yeux des habitants des campagnes sur la perfidie intéressée de ceux qui veulent leur faire croire que les législateurs constituants onttouché à la religion de leurs pères, et de prévenir, pour l'honneur des Français, dans ce siècle de lumières, le renouvellement des scènes horribles dont la superstition n'a malheureusement que trop souillé leur histoire dans les siècles où l'ignorance des peuples était un des ressorts du gouvernement ;
« L'Assemblée nationale décrète préalablement l'urgence, et décrète définitivement ce qui suit : (:Applaudissements.)
Je mets aux voix le préambule. (Oui! oui!)
Je dèmande une addition nécessaire au préambule. Il y est dit : « que le serment purement civique est la caution que tout citoyen doit donner de sa fidélité à la loi... ». Ce principe annonce que cette caution doit être demandée à tous les citoyens ; cependant le décret ne parle que des ecclésiastiques. Il y a, dans TEtat, une classe immense de citoyens qui ne sont pas astreints par la loi à prêter le serment. (Murmures.) Je demande que l'on ajoute « lorsqu'il en est requis » (Bah! bah!)
Un membre : La question préalable!
(L'Assemblée* consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Pieyre ; puis adopte le préambule. (Vifs applaudissements.)
L'article pour porter le décret à la sanction; c'est intéressant, Monsieur le Président.
(L'Assemblée décrète que le décret sera porté dans le jour à la sanction.)
Valné. Je demande qu'il soit donné une lecture générale du décret à l'Assemblée, avant de le porter à la sanction.
La question préalable sur la relue.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Carnot.)
Suit la teneur du décret tel qu'il a été porté à la sanction du roi. (Voir ci-dessus le préambule'J fj
« L'Assemblée nationale, ayant décrété préalablement l'urgence, décrète définitivement ce qui suit'.'.4 (
Art, ler.
« Dans la huitaine à compter de la publication du présent décret, tous les ecclésiastiques, autres que ceux qui se sont conformés au décret du 27 novembre dernier, seront ténus de se présenter par devant la municipalité du lieu de leur domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de 1 article 5 du titre II de la Constitution, et de signer le procès-verbal qui en sera dressé sans frais.
Art. 2.
« A l'expiration du délai ci-dessus, chaque municipalité fera parvenir au directoire du département, par la voie du district, un tableau
des ecclésiastiques domiciliés dans son territoire, en distinguant ceux qui auront prêté le serment civique et ceux qui l'auront refusé. Ces tableaux serviront à former les listes dont il sera parlé ci-après.
Art. 3.
« Ceux des ministres du culte catholique qui ont donné l'exemple de la soumission aux lois et de l'attachement à leur patrie, en prêtant le serment civique, suivant la formule prescrite par le décret du 27 novembre 1790, et qui ne l'ont pas rétracté, sont dispensés de toute formalité nouvelle. Ils sont invariablement maintenus dans tous les droits qui leur ont été attribués par les décrets précédents.
Art. 4.
« Quant aux autres ecclésiastiques, aucun d'eux ne pourra désormais toucher, réclamer ni obtenir de pension ou de traitement sur le Trésor public, qu'en représentant la preuve de la prestation du serment civique, conformément a l'article 1er ci-dessus. Les trésoriers, receveurs ou payeurs qui auront fait des payements contre la teneur du présent décret, seront condamnés à en restituer le montant, et privés de leur état.
Art. 5.
« Il sera composé, tous les ans, une masse des pensions dont les ecclésiastiques auront été privés par leur refus ou leur rétractation du serment. Cette masse sera répartie entre les 83 départements, pour être employée, par les conseils généraux des communes, soit en travaux de charité pour les indigents valides, soit en secours pour les indigents invalides.
Art. 6.
« Outre la déchéance de tout traitement et pension, les ecclésiastiques qui auront refusé de prêter le serment civique, ou qui le rétracteront après l'avoir prêté, seront par ce refus ou cette rétractation même, réputés suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie, et, comme tels, plus particulièrement soumis et recommandés à la surveillance de toutes les autorités constituées.
Art. 7.
« En conséquence, tout ecclésiastique ayant refusé de prêter le serment civique (ou qui le rétractera après l'avoir prêté), qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seront la cause ou le prétexte, pourra, en vertu d'un arrêté du directoire du département, sur l'avis de celui du district, être éloigné provisoirement du lieu de son domicile ordinaire, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux, suivant la gravité des circonstances.
Art. 8.
« En cas de désobéissance à l'arrêté du directoire du département, les contrevenants seront poursuivis dans les tribunaux et punis de l'emprisonnement dans le chef-lieu du département; le terme de cet emprisonnement ne pourra excéder une année.
Art. 9.
« Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir
provoqué la désobéissance à la loi et aux autorités constituées, sera puni de deux années de détention.
Art. 10.
« Si, à l'occasion des troubles religieux, il s'élève dans une commune des séditions qui nécessitent le déplacement de la force armée, les frais avancés par le Trésor public pour cet objet, se-rbnt supportés par les citoyens domicilies dans la commune, sauf leur recours contre les chefs, instigateurs et complices des émeutes.
Art. 11.
« Si des corps ou des individus chargés de fonctions publiques négligent ou refusent d'employer les moyens que la loi leur confie pour prévenir ou pour réprimer une émeute, ils en seront personnellement responsables ; ils seront poursuivis, jugés et punis conformément à la loi du 3 août 1791.
Art. 12.
« Les églises et édifices employés au culte dont les frais sont payés par l'Etat, ne pourront servir à aucun autre culte.
« Les églises et oratoires nationaux que les corps administratifs auront déciaré n'être pas nécessaires pour l'exercice du culte dont les frais sont payés par la nation, pourront être achetés ou affermés par les citoyens attachés à un autre culte quelconque, pour y exercer publiquement ce culte sous la surveillance de la police et de l'administration; mais cette faculté ne pourra s'étendre aux ecclésiastiques qui se seront refusés au serment civique exigé par l'article 1èr du présent décret (ou qui l'auront rétracté) et qui, par ce refus oU cette rétractation, sont déclarés, suivant l'article 6, suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie.
Art. 13.
« La vente ou la location des églises ou oratoires dont il est parlé dans l'article précédent ne peuvent s'appliquer aux églises dont sont en possession, soit privée, soit simultanée avec les catholiques, les citoyens qui suivent les confessions d'Augsbourg et Helvétique, lesquels sont conservés en leurs droits respectifs dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, du Doubs et de la Haute-Saône, conformément aux décrets des 17 août, 9 septembre et 1er décembre 1790.
Art. 14.
« Le directoire de chaque département fera dresser deux listes, la première comprenant les noms et demeures des ecclésiastiques sermentés avec la note de ceux qui seront sans emploi et qui voudront se rendre utiles ; la seconde comprendra les noms et demeures de ceux qui auront refusé de prêter le serment civique, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront-été dressés contre eux. Ces deux listes seront arrêtées incessamment de manière à être présentées, s'il est possible, aux conseils généraux du département avant là fin de leur session actuelle.
Art. 15.
« A la suite de ces listes, les procureurs généraux syndics rendront compte au conseil de département (ou aux directoires,si les conseils sont séparés) des diligences qui ont été faites dans
leur ressort pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale constituante des 12, 24 juillet et 27 novembre 1790, concernant l'exercice du culte catholique salarié parla nation. Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, et la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés, par prévarication ou par négligence.
Art. 16.
« Le conseil général de chaque département (ou le directoire, si le conseil est séparé) prendra, sur ce sujet, un arrêté motivé, qui sera adressé sur-le-champ à l'Assemblée nationale, avec les listes des ecclésiastiques-sermentés et non assermentés (ou qui se seront rétractés), et les observations du département sur la conduite individuelle de ces derniers, ou sur la coalition séditieuse, soit entre eux, soit avec les Français transfuges ou déserteurs.
Art. 17.
« A mesure que ces procès-verbaux, listes et arrêtés seront adressés à l'Assemblée nationale, ils seront remis au comité de législation pour en faire un rapport général, et mettre le Corps législatif à portée de prendre un dernier parti, afin d'extirper la rebellion qui se déguise sous le prétexte d'une prétendue dissidence dans l'exercice du culte catholique. Dans un mois, le comité présentera l'état des administrations qui auront satisfait aux articles précédents, et proposera les mesures à prendre contre celles qui seront en retard de s'y conformer.
Art. 18.
« Comme il importe surtout d'éclairer le peuple sur les pièges qu'on ne cesse de lui tendre au sujet d'opinions prétendues religieuses, l'Assemblée nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts, et à multiplier leurs instructions contre le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public les bons ouvrages à la portée des citoyens des campagnes, qui lui seront adressés sur cette matière importante ; et d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'Etat et récompensera les auteurs. »
Art. 19.
« Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction. » ,
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
, minisire des affaires étrangères. Messieurs, ma nomination au département des affaires étrangères est une occasion: précieuse
Eour moi de renouveler au milieu dë l'Assem-lée nationale l'assurance de mon attachement à la Constitution, et' de lui offrir celle de mon zèle, de mes efforts, de mon application constante à faire dans cette nouvelle carrière toût ce qui peut intéresser le bien et la sûreté de l'Etat. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membresMention honorable au procès-verbal !
, ministre des affaires étrangères Je demande en même temps a l'Assemblée la permission de continuer à lui rendre le compte
que je lui dois des différentes parties du département de Vintérieur, et même a mettre sous ses yeux différents travaux que j'avais commencés. Je vais en ce moment entretenir l'Assemblée de deux objets particuliers dont l'un pourra l'intéresser et dont l'autre est urgent.
Le premier est un récit des désordres arrivés à Damiers, département de l'Ariège. le 14 de ce mois et la nuit suivante, à Voccasion des élections municipales.
Il paraît qu'il règne dans cette ville beaucoup de discussions, et qu'une partie des habitants est animée contre la garde nationale.
Le département, d'après une pétition de citoyens, avait envoyé des commissaires pourmain-tenir le bon ordre dans les assemblées: cela n'empêcha pas qu'elles ne fussent troublées, de manière qu il n'y eut pas moyen de terminer la moindre opération pendant près de deux jours.
La municipalité avait établi à l'Hôtel-de-Ville un poste de 12 gardes nationales, dont quelques-uns allèrent, le 14, se présenter par curiosité, et sans armes dans une assemblée. On voulut les en faire sortir, ils résistèrent, en observant que, quoiqu'ils ne dussent pas voter, on ne pouvait les mettre ainsi à la porte. Le tumulte devint si e l'assemblée fut dissoute. Là rixe
considérable que se continua dans la rue, ét les gardes nationales, n'étant pas en, force, se réfugièrent chez un marchand de fer où ils furent poursuivis et presque assommés à coups de barres de fer ; ils retournèrent ensanglantés vers leurs camarades, qui ayant juré de les venger, firent battre la générale,
D'un côté, la garde nationale s'arma et s'assembla sur la place.
D'un autre côté, les habitants s'attroupèrent dans les rues en grand nombre, ayant des bâtons et autres instruments, et demandant que la garde nationale mît bas les armes.
Les officiers municipaux parvinrent à empêcher le combat que les deux partis étaient sur le point de se livrer, et l'on parut se calmer. ,
Maïs sur les 4 heures après-midi, on vit arriver des gardes nationales des environs, sans avoir été requis par la municipalité de Pamiers. Ces gardes nationales forains se mirent à boire, et le calme sembla continuer, mais le désordre recommença vers les 11 heures du soir.
Le procès-verbal de la municipalité porte que « la boisson donna l'idée aux soldats de profiter des ombres de la nuit pour commettre les excès les plus répréhensibles ; qu'il est inconcevable, qu'en aussi peu de temps, on ait pu faire tant ae mal ; que des brigands brisèrent et enfoncèrent les portes des citoyens, jetèrent les meubles par les fenêtres, après les avoir foulés aux pieds ; et que des forfaits de cette nature ne sauraient être punis trop sévèrement ».
On ne voit pas toutefois qu'il y ait eu personne de tué, au moins on ne l'articule pas.
Le lendemain matin, les gardes nationales voulurent encore faire battre la générale, mais on les en empêcha, et il ne paraît pas qu'il y ait eu d'autre suite.
Le département sur le procès-verbal de la municipalité, a pris, le 18, un arrêté pour suspendre provisoirement les élections munici-
Sales de cette ville, et pour aviser aux moyens ¦y rétablir la sûreté et la tranquillité.
Le président du département qui envoie les pièces, marque qu'il fera part incessamment des mesures qui auront été prises. Dans cette position, je crois qu'il faut attendre que les nou-
velles instructions promises par le département soient arrivées ; et j'ai cru toujours devoir faire connaître à l'Assemblée nationale l'état des choses à cet égard.
Voici maintenant un objet particulier, sur lequel je suis pressé par le département de Paris. Le Salon du Louvre a été ouvert pour Y Exposition des ouvrages de peinture, sculpture et gravure, le 15 septembre dernier, en conséquence d'un décret du 21 août 1791. La clôture du Salon devait avoir lieuse 1er novembre, suivant un avis publié par le département de Paris. Mais, â l'occasion drune pétition présentée à l'Assemblée par les artistes non académiciens qui réclamaient contre une disposition du décret du 17 septembre dernier relatif à la distribution des prix d'encouragement, l'Assemblée nationale a .rendu, le 19 octobre, un décret qui a prorogé la clôture du Salon jusqu'après le rapport du comité de l'instruction publique, auquel la pétition a été renvoyée. Les affaires importantes qui ont occupé l'Assemblée nationale ont éloigné celle-ci. Cependant, un mois s'est écoulé depuis le terme qui avait été fixé pour la clôture du Salon ; le public cesse d'y aller, les artistes réclament leurs ouvrages et on ne peut les satisfaire sans un grand dérangement. Les commissaires nommés* par le département de Paris pour l'Exposition, ont proposé en conséquence de faire fermer lé Salon, et le département vient de m'en 'demander l'autorisation. J'ai pensé que la prolongation et le terme de cette prolongation ayant été arrêtés par un décret, le ministre de l'intérieur n'avait pas lé droit de la faire cesser sans un autre décret qui l'ordonnât.
Les motifs qui peuvent engager l'Assemblée nationale à rendre ce décret^ sont que le Salon est tous les joùrs, moins fréquenté; qu'on ne peut, sans faire du tort aux artistes, leur refuser plus longtemps Ta remise de leurs ouvrages, pour la disposition desquels ils ont pu prendre des engagements; qu'enfin les frais déposition se perpétuent sans aucune utilité. J'ai raon-neur d'observer à l'Assemblée nationale, à l'appui de ces considérations, qu'il n'y a aucun inconvénient à ordonner la clôture avant qu'elle ait entendu le, rapport de son comité d'instruction; publique, sur la pétition des artistes non académiciens ; parce que la prolongation, pour la Cessation de l'Exposition publique des tableaux du Salon du Louvre,t ne peut, en aucune manière, à ce qu'il me semble, influer sur le sort des artistes non académiciens. Je prie l'Assemblée nationale de prendre cette demande en considération.
, au nom du comité dinstruction publique. Le rapport ordonné par l'Assemblée sur les pétitions respectives des artistes non académiciens et des artistes académiciens est prêt depuis longtemps ; on peut le faire ce soir.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret sur les émigrés, présenté dimanche dernier par M. Daverhoult et ajourné à aujourd'hui, ainsi que la discussion d'un projet de décret présenté par M. Koch, au nom du comité diplomatique, à la séance du 22 novembre, et qui avait été ajourné à vendredi dernier (1).
Un membre : Je demande que l'on ouvre la
Messieurs, lorsque l'Assemblée jugera que la discussion est assez éclairée, et avant qu'elle soit fermée, je prie l'Assemblée de me permettre de répondre aux objections qui auront pu être faites.
Plusieurs membres : C'est juste !
L'Assemblée avait ajourné à jour fixe le rapport du comité diplomatique : un membre ayant exposé à l'Assemblée des faits relatifs à notre situation extérieure, M. Daverhoult vous présente un projet de décret qui doit entrer en concurrence pour la priorité, soit avec celui du comité diplomatique, soit avec tout autre. Je demande donc que la discussion s'ouvre sur le projet de décret du comité diplomatique.
C'est d'après un décret particulier que l'Assemblée a entendu la lecture de M. Daverhoult, et que la discussion en a été ajournée à aujourd'hui. Il faut donc, afin d'exécuter ce décret d'ajournement, ouvrir la discussion sur le projet ae M. Daverhoult.
, au nom du comité diplomatique. Je demande la parole pour présenter, au nom du comité diplomatique, le rapport sur le projet dé décret de M. Daverhoult.
Vous avez la parole,
, rapporteur. Le comité diplomatique, ayant vu la vive sensation que le projet de décret de M. Daverhoult a produite dans cette Assemblée, et désirant concourir de son zèle et de ses efforts, à tout ce qui intéresse la dignité de la nation et le sort de l'Empire, s'est assemblé extraordinairement hier soir, pour délibérer sur ce projet, et le conférer avec celui que le comité avait présenté à l'Assemblée, dans la séance du 22 de ce mois.
Votre comité a reconnu que les deux projets étaient bien les mêmes dans le fond, mais que celui de M. Daverhoult présentait plus de détails, et surtout un mode plus solennel qui lui donnait l'avantage de mieux fixer l'attention générale. Il n'a donc pas hésité un instant d'adopter le projet avec quelques modifications, et en y ajoutant deux nouvelles mesures qui lui ont paru devoir être également comprises dans le décret dont il s'agit.
La première des ces mesures tend à accélérer les négociations relatives à l'indemnité que les princes de l'Empire ont à réclamer en vertu dès décrets de l'Assemblée constituante, et dont le retard forme aujourd'hui le principal espoir des émigrés.
Il n'est pas moins urgent de fixer les yeux sur un changement indispensable, que le roi sera prié de faire dans le corps diplomatique, afin que dans ses négociations avec les puissances étrangères, il soit secondé par des agents dont la pureté des intentions ne puisse être suspectée, et qui, par leur dévouement à la chose publique, puissent mériter la confiance de la nation. (Quelques applaudissements.) Je vous lirai donc, Messieurs, le projet de M. Daverhoult, tel qu'il vous est présenté par le comité diplomatique :
«L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité diplomatique, décrète qu'une députation de 24 de ses membres se rendra près du roi pour lui communiquer, au nom de l'Assemblée, sa sollicitude sur les dangers dont menacent la patrie les combinaisons perfides des Français, armés et attroupés au dehors du
royaume, et de ceux qui trament des complots au dedans, ou excitent les citoyens à la révolte contre la loi, et pour déclarer au roi que l'Assemblée nationale regarde comme essentiellement convènàble aux intérêts et à la dignité de la na-r tion, toutes les mesures que le roi pourra prendre afin de requérir les électeurs de Trêves, Mayence, et autres princes de l'Empire qui accueillent des Français rugitifs, de mettre fin aux attroupements et aux enrôlements qu'ils tolèrent sur la frontière, et d'accorder réparation à tous les citoyens français, et notamment à ceux de Strasbourg, des outrages qui leur ont été faits dans leurs territoires respectifs ; que ce sera avec la même Confiance dans la sagesse de ces mesures, que les représentants de la nation verront rassembler les forces nécessaires pour contraindre, par la voie des armes, ces princes à respecter le droit dés gens, au cas qu'ils persistent à protéger ces attroupements et a refuser la justice qu on réclame.
« Et enfin, que l'Assemblée nationale a cru devoir faire cette déclaration solennelle, pour que le roi fût à même de prouver, tant à la cour impériale qu'à la diète de 'Katisbonne, et à toutes les cours de l'Europe, que ses intentions et celles de la nation française'ne -font qu'une.
« Décrète, en outre, que la même députation exprimera au roi que l'Assemblée nationale regarde comme une des mesures les plus propres a concilier ce qu'exige la dignité de la nation, et ce que commande sa justice, la prompte terminaison des négociations d'indemnités entamées aVec les princes allemands possessionnés en France, en vertu de décrets de l'Assemblée nationale constituante; et que les représentants de la nation, convaincus que les retards apportés aux négociations qui doivent assurer le repos de l'Empire, pouvaient être attribués en grande partie aux intentions douteuses d'agents peu disposés à seconder les intentions loyales du roi, lui dénoncent le besoin urgent de faire dans le corps diplomatique les changements propres à assurer l'exécution fidèle et prompte de ses ordres. » (Applaudissements.)
Le principal changement que le comité diplomatique acrudèvoir faire au projet de M. Daverhoult, est relatif aux termes des trois semaines dans lesquelles les rassemblements doivent être dissipés. Cette mesure serait sans doute très sage et conforme à la fois à la justice et à la dignité de la nation, s'il était bien constaté que les démarches que notre ministre auraient faites par des réquisitions formelles et officielles, adressées à la cour impériale, aux cercles, et individuellement aux princes nos voisins, aient été infructueuses ; mais, convaincu qu'il est impossible que le ministre soit averti à temps de l'effet de ces premières mesures, il n'a pas paru sage à votre comité de recourir, dès à présent, à des voies menaçantes et offensantes, avant d'avoir épuisé celles d'honnêteté que l'usage a consacrées entre les nations. Un paréil procédé serait d'autant moins juste, que nous croyons pouvoir annoncer avec certitude qu'un grand nombre de princes et d'Etats de l'Empire ne demanderaient pas mieux que d'être débarrassés de nos fugitifs qui les molestent, et qu'ils sont eux-mêmes à soupirer après le moment où le calme renaîtra sur nos frontières ; que plusieurs, d'ailleurs parmi eux, sont trompés par des ministres perfides que nous avons dans leurs cours, et qui leur ont présenté, sous un faux point de vue, le vrai état des choses.
Messieurs, M. le ministre des
affaires étrangères demande à donner des éclaircissements sur l'objet présent de la discussion ; je lui accorde la parole.
, ministre des affaires étrangères. Le projet de décret qui vient d'être présenté à l'Assemblée nationale contient trois objets principaux : la dispersion des rassemblements cf émigrés qui peuvent exister, l'état actuel du corps diplomatique et les indemnités dues aux princes de l'Empire possessionnés en France.
Sur le premier point, je demande à l'Assemblée la permission de lui rappeler ce que j'ai eu l'honneur de lui. dire le 16 de ce ipois. J'ai dit, de la part du roi, que Sa Majesté, en remerciant l'empereur du soin qu'il avait pris de faire cesser tout ce qui pouvait nous donner de l'inquiétude, avait demandé à ce prince d'interposer ses bons offices et son autorité, à l'effet d'assurer, dans toute l'étendue de l'Empire, le respect dû au droit des gens, ainsi qu'aux lois et aux traités qui les assurent. J'ai ajouté qu'indépendamment de ces démarches, le roi avait fait demander directement à l'électeur de Trêves, de faire cesser les rassemblements et les préparatifs qui existaient dans ses Etats, et d'empêcher expressément qu'il s'en formât de nouveaux à l'avenir; que le roi avait adressé la même demande à l'électeur de Mayence, en qualité d'évêque de Worms; enfin, que Sa Majesté avait donné des ordres pour qu'en suivant lés formes constitutionnelles du corps germanique, il se fît de toutes parts les réclamations nécessaires pour dissiper et pour prévenir toute espèce de rassemblements, pour s'opposer aux enrôlements, pour empêcher qu'il ne fût fourni des armes et des munitions, pour faire cesser, en un mot, tout ce qui pouvait avoir l'apparence de projets hostiles, • Voilà ce que j'ai dit, et en effet une partie de ees mesures ont été remplies. Des dépêches, en très grand nombre, ont été expédiées dans les. différentes cours. Il faut espérer que Ces mesures auront quelque succès.
A l'égard de l'état du corps diplomatique, le roi m'a déjà fait connaître ses intentions. Sa Majesté m'a ordonné de lui présenter un travail à ce sujet ; et l'Assemblée doit être assurée que, dans le choix des moyens et dans le choix des personnes, Sa Majesté prendra les mesures les plus propres à inspirer la confiance à la nation et à procurer en même temps le succès des négociations que nous avons à suivre.
Sur le troisième point, le roi m'a aussi donné l'ordre formel de poursuivre avec la plus grande activité tout ce qui pouvait accélérer les indemnités qu'il est question d'accorder aux princes possessionnés qui en ont à réclamer.
La marche des agents du pouvoir exécutif, leur apathie, leur torpeur est en grande partie cause des attroupements, des enrôlements et des rassemblements des fugitifs français sur nos frontières. Si les ministres que vous salariez dans les cours des électeurs de Trêves et de Mayence, auprès des cercles des Haut et Bas-Rhin, celui qui est à Ratisbonne, avaient fait leur devoir, vous n'auriez pas aujourd'hui à prendre des mesures contre ces émigrés et contre leurs projets hostiles ; vous n'auriez pas à vous occuper d'un objet qui mérite toute votre sollicitude. G est principalement aux insinuations perfides de ces ministres que vous salariez, que. vous devez attribuer la résistance des princes possessionnés en Alsace, et le refus qu'ils ont fait jusqu'ici d'ac-
cepter les indemnités qui leur ont été offertes par la nation.
M. Bérenger, qui est accrédité à la diète de Ratisbonne, n'a pas cessé, même après l'acceptation de la Constitution par le roi, de parler de la manière la plus méprisante, dans toutes les sociétés, de cette acceptation et de la faire suspecter comme n'étant ni sincère, ni véritable. M. de Montesson, qui est attaché à l'électeur Palatin, n'a pas rougi, en dépit de la nation et en dépit de ses lois et de ce qu'elle avait arrêté, defaire porter à tous ses domestiques des livrées avec toutes les couleurs et avec tous les brimborions de l'ancienne féodalité. Accompagné d'une foule de laquais ainsi bigarrés, et traîné dans une voiture chargée d'armoiries, il est allé à la cour dire qu'au mois de février prochain, il se présenterait avec tout cet attirail au milieu de vous et au milieu de Paris. M. de Groschlag, accrédité au cercle du Haut-Rhin, a présenté à M. Tévêque de Spire des notes diplomatiques qui étaient si maigres, qui disaient si peu de choses, en réponse aux différentes injonctions qUe cet évêque de Spire, que Ge curé de la cathédrale de Spire lui a faites, que c'est véritablement honteux. Pour s'en convaincre on n'a qu'à lire la note et les réponses qui ont été faites par cét évêque, que vous avez mis sur le siège épiscopalde Spire. En effet, c'est M. Andome, en ce temps-là, ministre dè France à Manheim, et M. de Schevisk, ministre de cet électeur, qui ont acheté avec notre argent les suffrages. Et ce même'Spiron nous insulte aujourd'hui ! Et ce même Spiron, que vous avez élevé à la dignité épiscopale par les suffrages que vous lui avez achetés, puisque vous faites encore une pension à M. le baron Wessemberg, grand chanoine de Spire, qui a voté pour lui, cet évêque, dis-je, ose se montrer votre ennemi en donnant asile à vos plus cruels ennemis. Si M. le ministre^ des affaires de France avait d'abord, quand les Français se sont rassemblés dans l'évêché de Worms, parlé comme il aurait dû parler aux ma-= gistrats de Worms, croyez-moi, ces citadins n'auraient pas souffert que des Français s'établissent, dans leurs foyers ; ils les auraient chassés bien loin. Ils se souviennent encore de tout ce que la main du despotisme a fait dans ce pays-là, et ils n'auraient pas donné le chagrin à la nation française, qui veut leur assurer leur liberté, de voir aans leurs maisons des émigrés français qui nous insultent tous les jours. Si M. l'envoyé avait pris sur lui de faire la même déclaration au cercle du Haut-Rhin, assemblé à Francfort; s'il avait rappelé à tous les envoyés à ce cerclé que les lois germaniques ne permettaient point que les princes souffrissent des enrôlements qui pourraient leur attirer une guerre étrangère, ces attroupements seraient dissipés depuis longtemps. Si M. O'Kelly, accrédité à Mayence, avait fait la même chose vis-à-vis de M. l'evêque de Mayence, s'il n'avait point suivi les principes de la plus grande partie dés personnes dont les noms commencent par A, par C, par D (Rires.), tous ces rassemblements n'auraient point eu lieu. Ainsi, Messieurs, je vous prie d'ajouter au projet qui vous a été lu, que le roi sera prié de rappeler ces gens-là qui ont perdu la confiance. Il est inconcevable qUe vous ayez tant de ministres pour être si mal servis. Vous en avez un accrédité auprès de Monseigneur le duc des Deux-Ponts; mais qu'est-ce que ce monseigneur vous importe!
Frédéric le Grand, d'immortelle mémoire, qui n'a jamais été un grand homme, s'il a été un grand conquérant, feu Frédéric le Grand, lors-
qu'il avait besoin de ses princes, leur envoyait un officier enrôleur avec une lettre, pour demander qu'ils assemblassent leur conseil ou leur divan et qu'ils missent en délibération ce qui était contenu dans cette lettre ; eh bien, ces négociations réussissaient toujours et cela lui coûtait à peu près une centaine de louis à chaque mission. L'exemple de ce grand prince doit vous persuader de la nécessité que ces ministres, qui vous desservent au lieu de vous servir, soient rappelés le plus tôt possible, et que vous déclariez à Sa Majesté ce vœu de la nation. (Bravo i bravo ! Vifs applaudissements.)
(l). Messieurs, l'intérêt, la dignité de la nation exigent que nous adoptions les mesures proposées par M. Daverhoult et amendées par le rapporteur du comité diplomatique. Le véritable intérêt national est de raffermir enfin la Constitution sur sa base, de faire cessér l'état d'inquiétude, d'indécision, de dépense, de discrédit, qui mine la France; et rend .tous les citoyens malheureux; enfin, ae ramener bientôt la tranquillité publique, non pas cette tranquillité éphémère et factice qui n est, dans le drame ae la Révolution, que le repos de l'entr'acte, mais cette tranquillité solide et durable qui ne commence jamais que là où finissent les événements.
Or, tout cela ne peut s'obtenir qu'en combat^ tant au plus tôt les^ennemis qui nous tourmentent. Quand même les émigrés ne songeraient pas à nous attaquer, il suffit qu'ils soient rassemblés d'une manière hostile, et que ce rassemblement noiis retienne dans l'état que j'ai dépeint, pour qu'il nous importe de les dissiper par les armes et de marcher au dénouement. Le projet de décret qui vous est proposé tend à le hâter: il est donc utile sous ce rapport.
Ce n'est pas assez que d'en venir aux prises avec l'ennemi, il faut que toutes nos démarches tendent à assurer nos succès ; et le projet de dé-pret de M. Daverhoult se rapporte encore à ce but.
En effet, puisqu'il est démontré qu'il nous faut combattre, n'est-il pas de notre intérêt, quels que soient nos ennemis, quelles que soient leurs alliances secrètes, d'entrer dans la lice avec une fierté courageuse? Tout combattant qui montre de la crainte, rehausse le courage de son adver-* saire et s'avoue presque vaincu); mais celui qui le provoque avec fermeté, en impose à l'ennemi, et la victoire, compagne du courage, se plaît à le favoriser. [Applaudissements.)
M. Daverhoult nous propose d'inviter le roi à parler avec autorité a tous les petits
princes a'outre-Rhin chez qui se forme le rassemblement des émigrés. L'intérêt national
commande cette mesure, parce que de deux choses l'une : ou les émigrés ne sont soutenus que
par les princes qui leur donnent asile, ou bien d'autres puissances du premier ordre sont
décidées à nous faire la guerre. Dans le premier cas, le parti que nous avons à combattre est
Si faible, qu'il convient d'exiger impérativement la dispersion des émigrés. Dans le second
cas, la mesure proposée est encore convenable, parce que la fermeté de nos résolutions
contribuera à nous faire bientôt connaître toutes les puissances que nous aurons à combattre
; ce qui sera plus avantageux que de. les laisser paisiblement exécuter ie plan qu'elles
méditent, et faire jouer leur mine dans le moment fatal marqué par leur politique... Et qu'on
ne me dise pas qu en
Le Français est devenu le peuple le plusmar-quant de l'univers : il faut que sa conduite réponde à sa nouvelle destinée. Esclave, il fut intrépide et grand; libre, serait-il faible et timide ! ( Applaudissements.) Sous Louis XIV, le plus fier des despotes, il lutta avec avantage contre une partie ae l'Europe : aujourd'hui que ses bras sont déchaînés, craindrait-ill'Europe entière?
Traiter tous les peuples en frères, respecter leur repos, mais exiger d'euxles mêmes égards ; ne faire aucune insulte, mais n'en souffrir et n'en pardonner aucune ; ne tirer le glaive qu'à la voix de la justice , mais ne le renfermer qu'au chant de la victoire (.Applaudissements.) ; renoncer à toute conquête, mais vaincre quiconque voudrait le conquérir; fidèle dans ses engagements, mais forçant les autres à remplir les leurs; généreux, magnanime dans toutes ses actions, mais terrible dans ses justes vengeances : enfin, toujours prêt à combattre, à mourir, à disparaître même tout entier du globe plutôt que de se remettre aux fers ; voilà, je crois, quel doit être le caractère du Français devenu libre. (Applaudissements répétés.)
Ce peuple se couvrirait d'une nonte ineffa-.. çable, si son premier pas-dans, la brillante carrière que je vois s'ouvrir devant lui était marqué par la lâcheté; je voudrais que ce pas fût tel qu'il étonnât les nations, leur donnât la plus sublime idée de l'énergie de; notre caractère, leur imprimât un long souvenir, consolidât à jamais la Révolution, et fit époque dans l'histoire. (Applaudissements.)
JEt ne croyez pas, Messieurs, que notre position du moment s'oppose à ce que la France puisse, au besoin, frapper les plus grands coups. « On se trompe, dit Montesquieu, si l'on croit qu'un peuple qui est en état de révolution pour la liberté est disposé à être conquis & il est prêt, au contraire, à conquérir les autres. ?> Et cela est très vrai, parce que l'étendard de la liberté est celui de la victoire, et que les temps de révolu-, tion sont ceux de l'oubli des affaires domesti-
3ues en faveur de la chose publique, du sacrifice es fortunes, des dévouements généreux, de l'amour de la patrie, de l'enthousiasme guerrier. Ne craignez donc pas, Messieurs, que l'énergie du peuple ne réponde point à la vôtre ;
craignez, au contraire, qu'il ne se plaigne que vos décrets ne correspondent pas à tout son courage. (Applaudissements.)
Si la guerre dont on nous menace n'était relative qu'à des intérêts pécuniaires, nous pourrions alors attendre les événements, et faire de très grands sacrifices pour épargner le sang des citoyens ; mais, dans la circonstance actuelle, toute idée, de capitulation serait un crime de lèse-patrie. (Applaudissements.) Qui sont en effet les adversaires qui nous menacent? Ce Sont les ennemis de notre Constitution sacrée. Que pré-tendent-ils? Us veulent, par la faim, le fer et le feu, nous ravir la liberte, augmenter la prérogative royale, ressusciter les parlements et ramener la noblesse. Quoi! nous râvir la liberté, cet héritage céleste, plus précieux que la vie? Augmenter la prérogative du roi ! Et, que voudraient-ils donc y ajouter?... Quoi ! ressusciter les parlements, ces corps orgueilleux, sanguinaires,
Sui achetaient le droit de vendre la justice!... amener la noblesse! Ce seul mot doit indigner tout homme qui apprécie la dignité de son être. Ramener la noblesse ! Ah ! plutôt s'ensevelir mille fois sous les décombres de cette enceinte. Mais non, dussent tous les nobles de la terre nous assaillir, ce temple ne s'écroulera pas; du haut de cette tribune, nous électriserons tous les Français; les plus froids s'embraseront des flammes de notre patriotisme; tous, versant d'une main leur or, et tenant le fer de l'autre, combattront cette race orgueilleuse et la forceront d'endurer le supplice de l'égalité. (Applaudissements.) L'égalité et la liberté sont devenues aux Français aussi nécessaires que l'air qu'il respire. Souffririez-vous, Messieurs* que quelque puissance au monde les lui ravît?
Non, nous ne tromperons pas ainsi la confiance du peuple. Elevons-nous, dans cette circonstance, à toutela hauteur de notre mission. Parlons à nos ministres, à notre roi, à l'Europe, lé langage qui convient aux représentants de la France. Disons aux ministres que, jusqu'ici, la nation n'est pas très satisfaite de leur conduite (Applaudissements.)-,... que désormais, ils n'ont qu à choisir entre la reconnaissance publique, ou la vengeance des lois ; que ce n est pas en vain qu'ils oseraient se jouer d'un grand peuple ; et que par le mot « responsabilité » nous entendons « la mort »,. (Nouveaux applaudissements dans la salle et dans les tribunes.)
Disons au roi qu'il est de son intérêt, de son très grand intérêt, de défendre de bonne foi la Constitution ; que sa couronne tient à la conservation de ce palladium : disons-lui qu'il n'oublie jamais que ce n'est que par le peuple et pour le peuple qu'il est roi; que la nation est son souverain, et qu'il est sujet de la loi. (Applaudissements.)
Disons à l'Europe, que les Français voudraient la paix; mais que si On les force à tirer l'épée, ils en jetteront le fourreau bien loin, et n'iront le chercher que couronnés du laurier de la victoire ; et que, quand même ils seraient vaincus, leurs ennemis ne jouiraient pas du triomphe, parce qu'ils ne régneraient que sur des cadavres (Applaudissements.) ; disons à l'Europe
Sue nous respecterons toutes les Constitutions es divers Empires ; mais que, si les cabinets des cours étrangères tentent ae susciter -une guerre des rois contre la France, nous leur susciterons une guerre des peuples contre les rois. (Applaudissements.)... Disons-lui que 10 millions de Français, embrasés du feu de la liberté,
armés du glaive, de la raison, de l'éloquence, pourraient seuls, si on les irrite, changer la face au monde et faire trembler tous les tyrans sur leurs trônes. Enfin, disons-lui que tous les combats que se livrent les peuples, par ordre des despotes... (Applaudissements.)
N'applaudissez pas, Messieurs, n'applaudissez pas ; respectez mon enthousiasme, c'est celui de la liberté!
Disons-lui que tous les combats que se livrent les peuples, par ordre des despotes ressemblent aux Coups que deux amis, excités par un instigateur perfide, se portent dans l'obscurité ; le jour vient-il à paraître, ils jettent leurs .armes, s'embrassent et se vengent ae celui qui les trompait. (Bruit et applaudissements.)..^ De même, si, au moment que les armées ennemies lutteront avec les nôtres, le jour de la philosophie frappe leursyeux, les peuples s'embrasseront à la face des tyrans détrônés, dé la terre consolée et du ciel satisfait. ( Vifs applaudissements.)
Je conclus par deman der que l'Assemblée adopte à l'unanimité le projet de décret proposé : je dis à l'unanimité, parce que ce n'est que par cet accord parfait des représentants de la nation que nous parviendrons à inspirer aux Français une entière confiance, à les réunir tous dans un,même esprit, à en imposer sérieusement à tous nos ennemis, et à prouver que lorsque la patrie est en danger, il n'existe qu'une volonté dans l'Assemblée nationale. (Vifs applaudissements prolongés dans la salle et dans les tribunes )
Plusieurs membres : L'impression du discours et l'envoi aux 83 départements !
jeune. J'appuie l'impression, mais je demande la question préalable sur l'envoi aux départements.
(L'Assemblée décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'envoi aux départements, mais ordonné l'impresàibn du discours de M. Isnard.).
Ùn membre : L'envoi aux puissances étrangères !
(Cette motion n'a pas de suite.)
Un membre : A demain la suite de la discussion I
Le projet de décret de M. Daverhoult, amendé par le comité diplomatique, aurait dû servir dé frontispice à toutes les lois que vous avez déjà portées. En conséquence, je crois la lumière universellement répandue. Je m'oppose à l'ajournement de la discussion et je demande que la discussion soit fermée et qu'on décrète sans désemparer. (Appuyé! Aux voix! auxvoixf)' : U'/ ' J "
(L'Assemblée, ferme la discussion à l'unanimité.)'
Vous avez permis à vos présidents, lorsqu'ils ont des objets à proposer à l'Assemblée, de se faire remplacer. Je vais prier M. Lacépède de prendre ma place; je vais monter à la tribune pour faire lecture d un projet de messàge au roi. (Oui! oui!)
, ex-président, quitte le fauteuiL
, président, le remplace.
PRÉSIDENCE DE M. LACÉPÈDE, président.
Messieurs, le projet du comité diplomatique porte une députation au roi. Je crois que vous jugerez convenable que cette
députation puisse l'exprimer d'une manière authentique. J'ai pensé qu'un message, une adresse, comme vous voudrez le nommer, pourrait remplir ce projet. Je vous demandé une simple lecture, non pas que je pense qu'elle puisse être adoptée ; mais vous jugerez peut-être à la simple lecture du travail informe que je vais vous présenter, que cette mesure pourrait être jointe au décret. (Lisez! lisez!) Le voici :
« Sire,
« À peine l'Assemblée nationale a-t-elle porté ses regards sur la situation du royaume, qu'elle s'est aperçue que les troubles qui l'agitent encore ont leur source dans les préparatifs criminels' des Français émigrés.
« Leur audace est soutenue par des princes allemands qui méconnaissent les traités Signés entre eux et la France, et qui affectent d'Oublier qu'ils doivent à cet Empire le traité de Westpha-lie qui garantit leurs droits et leur sûreté.
« Ces préparatifs hostiles, ces menaces d'invasion commandent des armements qui absorbent des sommes immenses que la nation aurait versées avec joie dans les mains de ses créanciers. . « C'est a vous, Sire, de les faire cesser : c'est à vous de tenir aux puissances étrangères le langage qui convient au roi des Français. Dites-leur que partout où l'on souffre des préparatifs contre la France,la France ne peut voir que des ennemis; que nous garderons religieusement le serment de ne faire aucune conquête; que nous leur offrons le bon voisinage, l'amitié inviolable d'un peuple libre et puissant ; que nous respecterons leurs lois, leurs usages, leurs Constitutions ; mais que nous voulons que la nôtre soit respectée. Dites-leur enfin que si des princes d'Allemagne continuent de favoriser des préparatifs dirigés contre les Français,les Français porteront chez eux, non pas le fer et la flamme, mais la liberté. C'est à eux à calculer quelles peuvent être les suites du réveil des nations. (Bravo f bravo! Vifs applaudissements.)
« Depuis deux ans que lés Français patriotes sont persécutés près des frontières, et que les rebelles y trouvent des secours, quel ambassadeur a parlé, comme il le devait, en votre nom?... Aucun.
« Si les Français, chassés de leur patrie pour la révocation de l'édit de Nantes, s'etaient rassemblés en armes sur les frontières, s'ils avaient été protégés par des princes d'Allemagne, Sire, nous vous le demandons, quelle eût été la conduite de Louis XIV? Eût-il souffert ces rassemblements ? Eût-il souffert les secours donnés par des princes qui, sous le nom d'alliés, se conduisent en ennemis? Ce qu'il eût fait pour son autorité, que Votre Màjeste le fasse pour le salut de l'Empire, pour le maintien de la Constitution. (Bravo ! bravo ! Vifs applaudissements.)
« Sire, votre intérêt, votre dignité, la grandeur de la nation outragée, tout vous prescrit un langage différent de celui de la diplomatie. La nation attend de vous des déclarations énergi-
3ues auprès des cercles du Haut et du Bas-Rhin, es électeurs de Trêves, Mayence et autres princes d'Allemagne.
« Qu'elles soient telles, que les hordes des émigrés soient à l'instant dissipées. Prescrivez un terme prochain, au delà duquel nulle réponse dilatoire ne sera reçue ; que votre déclaration soit appuyée parles mouvements des forces qui vous sont confiées, et que la nation sache quels sont ses amis et ses ennemis. (.Applaudissements.)
Nous reconnaîtrons à cette éclatante démarche le défenseur de la Constitution.
« Vous assurerez ainsi la tranquillité de l'Empire, inséparable de la vôtre; et vous hâterez ces jours de la prospérité nationale, où la paix fera renaître l'ordre et le règne des lois, où votre bonheur se confondra dans celui de tous les Français.- (Vifs applaudissements.)
Je demande qu'on mette le message aux voix.
Je demande l'impression du message après la présentation au roi.
Dans cette adresse, il y a une expression qui est rappelée dans îe projet du comité diplomatique et qu'il est important d'y insérer. Je prierai M. Viénot-Vaublanc de le faire. Cette disposition est relative aux agents du pouvoir exécutif auprès des cours étrangères.
Plusieurs membres : Cela y est ! cela y est !
D'autres membres : Aux voix la députation!
Je crois que c'est le décret qu'il faut mettre aux voix. (Oui ! oui!)
Je demande la parole pour une explication. Dans le projet de décret il est dit que le roi. sera invite à rappeler les ambassadeurs. (Non! non!)
Je demande une nouvelle lecture du projet du décret.
, rapporteur, fait une seconde lecture du, projet ae M. Daverhoult avec les amendements du comité diplomatique, tel qu'il est consigné dans le rapport.
Plusieurs membres : Au lieu de : députation, il faut mettre : message.
D'autres membres : Non ! non ! députation est le'terme!..... :
(L'Assemblée adopte, à la presque unanimité, le projet de décret de M. Daverhoult, au bruit des acclamations des tribunes et des applaudissements de l'Assemblée.)
(L'Assemblée adopte ensuite, à l'unanimité, le message lu par M. Viénot-Vaublanc et ordonne qu'il sera dans le jour porté au roi.)
Je demande l'impression du message et l'envoi aux 83 départements, après qu'il aura été présenté au roi.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Isnard.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. VIÉNOT-VAUBLANC, ex-président, ET DE M.. DUCASTEL, ex-président. PRÉSIDENCE DE M. VIÉNOT-VAUBLANC.
La séance est ouverte à six heures. L'ordre du jour est la discussion du projet de décret présenté par le comité de la Trésorerie nationale, à la séance du 19 novembre, et relatif aux comptes à rendre par les ministres.
, au nom du comité de la Trésor
rie nationale (1). Messieurs, vous avez chargé votre comité de la trésorerie nationale d'examiner un projet de décret qui vous a été présenté, tendant a demander aux ministres l'exécution de l'article 7 de la section IV du chapitre II de la Constitution.
Vous l'avez aussi chargé d'examiner si les ministres sortant de place, soit par démission ou par révocation, doivent être tenus de rendre compte au Corps législatif de leur administration et de l'emploi des sommes affectées à leur département.
Enfin, vous l'avez chargé d'exécuter le décret du 1er mars dernier, qui ordonnait au comité des finances de présenter à l'Assemblée constituante l'état de la radiation dés traitements, et qui avait dû être faite d'après ' les décrets des 4 janvier dernier et 18 décembre 1790.
Le comité, après avoir examiné ces différents objets, m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ae la trésorerie nationale, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les ministres présenteront à l'Assemblée, d'ici au 15 décembre prochain, l'aperçu des dépenses à faire pour l'année 1792, dans leur département,, ,
« Ils rendront compte, dans lé même délai, de l'emploi des sommes affectées à leur département pour l'année 1791, d'après les décrets de l'Assemblée nationale constituante, en fournissant un état détaillé de la nature et des sommes des ordonnances qu'ils auront; expédiées jusqu'au 1er décembre prochain pour en autoriser le payement.
« Ils indiqueront, dans le même délai, les abus qui auraient pu s'introduire dans les différentes parties du gouvernement.
Art. 2.
« Les ministres fourniront aussi, dans le même délai, un état de ce qui pourra rester dû dans leur département, tant sur l'année 1790, que sur les années antérieures. Cet état indi-
3uera la nature et l'époque de chaque article es dépenses arriérées.
Art. 3.
« Les ministres seront, en outre, tenus d'exécuter, dans le mois de mai prochain, ce qui leur est prescrit par l'article 8 .de la section IVe du chapitre II, et par l'article 3 du titré V du chapitre V de la Constitution.
.Art. 4.
« Les ministres présenteront aussi à l'Assemblée, d'ici au 15 décembre prochain, l'état de
radiation qui a dû être faite en exécution des décrets des 4 janvier et 18 décembre 1790, des
appointements, traitements et pensions des fonctionnaires publics ou pensionnaires de la
nation qui, à cette époque, étaient absents du royaume, ou qui s'en sont absentés depuis,
sans mission expresse du gouvernement, et de ceux qui, étant employés dans les pays
étrangers,
Votre comité n'a pas cru devoir vous proposer actuellement l'impression des comptes demandés aux ministres : il a pensé que vous deviez examiner auparavant s'ils rempliraient les vues indiquées par la Constitution.
(Ce projet de décret est adopté.)
Un membre : Je demande que l'on nomme les commissaires qui porteront au roi le message et le décret que vous avez rendu, ce matin, sur les émigrés.
Je demande que. M. Viénot-Vaublanc, rédacteur du discours au roi, soit de la députation, et porte la parole au nom de l'Assemblée. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je m'oppose à ce mouvement d'une juste admiration qui fait désirer à plusieurs des préopinants que M. Vaublanc, auteur de l'adresse lue ce matin à la tribune, soit compris parmi ceux qui doivent composer la députation. Vous avez établi que l'on suivrait l'ordre alphabétique de la liste des députés pour toutes les députations qui seront faites au roi. Si vous changez cet ordre, vous attribuez un privilège à celui qui vous lit une bonne adresse à. la tribune.
Plusieurs membres : Eh bien, c'est sa récompense 1
C'est une flagornerie!
Si, dans ce moment, je considérais M. Vaublanc comme président, j appuierais les observations de M. Grangeneuve, parce que la Constitution est impérative à cet égard; mais, permettez, Messieurs, vous avez à vous occuper d'une question infiniment simple ; celle de savoir si l'homme qui a composé un discours est plus propre à le prononcer avec l'énergie convenable. Or, je soutiens que celui qui a créé, qui a composé l'ouvrage, est celui qui est le plus propre à en faire saisir parfaitement l'esprit. Je conclus que M. Vaublanc-avant écrit le message qui doit être porté au roi, c est à lui seul à prononcer le discours. (Applaudissements.)
Je propose de fermer la discussion.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la question de savoir si celui qui a lu le projet d adresse au roi sera chargé de le prononcer devant lui.
(L'Assemblée décrète que M. Viénot-Vaublanc fera partie de la députation, qu'il portera la parole au roi et qu'il prononcera le discours dont l'Assemblée a adopté le projet.) (Applaudissements unanimes.)
remercie l'Assemblée, et cède le fauteuil à M. Ducastel, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. DUCASTEL.
Un de MM. les Secrétaires fait lecture d'une pétition des citoyens actifs de la paroisse de Dor-moy, tendant à faire transporter le chef-lieu de leur canton, du village de Jouvelle dans celui de Gorre, et subsidiairement une autre composition de l'assemblée primaire dont ils font partie, ou leur réunion au canton de Jussey.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
, président du comité de surveillance, annonce que ce comité est déjà dépositaire de plusieurs dénonciations et demande que l'Assemblée autorise ce comité à prendre deux commis.
(L'Assemblée accorde cette autorisation.)
Un de MM. les Secrétaires lit Sur la liste des membres de l'Assemblée, les noms de ceux qui doivent porter le message au roi, et le nom des quatre commissaires chargés de porter à la sanction du roi le décret concernant les troubles excités sous prétexte de religion.
Gomme je ne doute pas que le roi n'accueille avec transport le vœu qui lui sera manifesté, je fais la motion que les porteurs du message viennent rendre compte à f Assemblée de leur mission avant la fin de la séance.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
(L'Assemblée adopte la motion de M. Rouyer.)
Il s'est élevé des débats sur la question de savoir auquel des deux comités* militaire et d'instruction publique, il convient de donner la préférence pour faire des rapports qu'on annonce tous comme urgents.
métaux voix cette préférence et l'Assemblée l'accorde au comité militaire pour présenter 3 rapports.
, au nom du comité militaire, a la parole pour faire un rapport sur une pétition du sieur Jacques-Henri Moreton; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, la pétition du sieur Jacques-Henri Moreton (2), renvoyée à votre comité militaire, est de nature à n'avoir pas exigé de longues discussions. Ce citoyen, après 20 années de services continus, et aeux campagnes de guerre, fut destitué du commandement du régiment de la Fère, en 1788. Une lettre du sieur Brienne, ministre de la guerre, opéra seule cette destitution sans motifs, sans jugement, sans accusation, sans accusateur.
La cour, l'armée, la France entière, instruites, de cet acte arbitraire, n'eurent qu'une voix; et,
Suoique tout ployât à cette époque sous le poids
u despotisme ministériel, l'injustice faite au sieur Moreton excita de toutes parts les plus vives et les plus pressantes réclamations; plusieurs courtisans refusèrent son régiment qui leur fut offert par le ministre ; celui qui l'accepta écrivit au sieur Moreton qu'il ne le regardait que comme un dépôt.
60 bailliages insérèrent dans leurs cahiers, si ridiculement qualifiés de cahiers de doléances, des réclamations favorables à ce militaire, bien convaincus que l'on n'a vraiment une patrie qu'alors que l'injure faite à un particulier est considérée comme une calamité publique.
L'oppresseur du sieur Moreton sentit bien que l'opinion qui se prononçait avec tant de
entière au service, son rang parmi les colonels de l'armée, pour parvenir au grade de maréchal de camp ».
Cependant, Messieurs, le sieur Moreton, acca-
blé des fâcheuses impressions que sa destitution pouvait avoir fait naître, sollicitait un jugement avec cette chaleur, cette énergie, cette inquiétude que le soupçon d'une tache quelconque inspire à l'honneur effleuré : il ne pouvait l'obtenir; et le résultat de cette lutte pénible l'eût probablement laissé sans espoir, quand les beaux jours de la Révolution vinrent luire pour lui comme pour les autres Français.
Le sieur Moreton soUicitait de l'Assemblée constituante, la restitution de son régiment; il n'obtint qu'un décret en date du 5 août 1790, qui disait que le roi serait prié de former un conseil de guerre, composé conformément "aux ordonnances. Ce conseil de guerre n'a pu se réunir et prononcer le jugement ; les membres qui devaient le composer, par uue infinité de prétextes et de détours, ont éludé la commission qui leur était confiée; nous voyons.le 5 septembre 1790, le sieur Moreton, présenter encore une pétition à l'Assemblée constituante, et solliciter plus fort, un jugement qu'il ne pouvait obtenir depuis trois mois.
Le jour même où cette pétition fut présentée, l'Assemblée nationale rendit le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète que les officiers, qui, sàns démission volontaire ou sans jugement, auront été arbitrairement privés de lèur état ou suspendus de leurs fonctions, seront censés les avoir toujours exercés; en conséquence, seront replacés aux rang et grade qui leur appartiendraient, s'ils n'ayaient pas éprouvé d'injustice. »
Ce décret, Messieurs, résout toutes les difficultés, remplit tous les vœux du sieur Moreton, et juge définitivement sa cause. Il n'y a plus de décision particulière à porter, quand une loi générale a prononcé. L'affaire de Royal-Comtois, ceUe de MM. Bonnard, officiers de Bretagne, dont l'espèce est absolument semblable à celle du sieur Moreton, se trouvent résolues ; par quelle étrange contradiction la sienne ne l'est-elle pas ? Et comment trouvons-nous, en date du 24 septembre, un décret, sur le rapport de M. Cha-broud, qui ordonne qu'il sera jugé ? Cette loi particulière, postérieure de dix-neuf jours à une loi générale qui n'est qu'une' conséquence de la déclaration des droits, est évidemment nulle ; c'est l'avis du comité militaire; et il ne doute point que ce soit aussi le vôtre. En vain le rapporteur qui a fait rendre ce décret du 24 a-t-il avancé que le sieur Moreton sollicitait un jugement ? le fait est démenti par le pétitionnaire ; et le bon sens seul nous guide dans l'accueil que nous faisons à. son assertion.
Peut-on, en effet, supposer raisonnablement que le sieur Moreton, quelle qu'ait été sa chaleur à soUiciter un jugement avant le décret du 5 septembre, n'ait pas renoncé à ce moyen très douteux de constater son innocence, quand il a pu jouir du bénéfice d'une loi générale et positive? Peut-on supposer qu'il voudra s'exposer à l'arbitraire des hommes quand la loi est pour lui? non, sans doute; aussi, Messieurs, comme l'Assemblée nationale constituante n'a rendu son décret du 24 septembre, que parce qu'elle a pensé que le sieur Moreton voulait être jugé, et qu'aujourd'hui il est démontré, par sa pétition, qu'il ne veut pas l'être, nous avons l'honneur de vous proposer le décret suivant :
« L Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant que le sieur Jacques-Henri Moreton est dans le cas d'être compris dans la promotion des offi-
ciers généraux, qui doit être faite incessamment, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir préalablement décrété l'urgence sur l'affaire du sieur Jacques-Henri Moreton, décrète que cet officier est dans le cas exprimé dans la loi du 5 septembre dernier et doit, en conséquence, être réintégré dans la place et au rang dont il a été arbitrairement destitué. »
Un membre : Une cour martiale a été établie pour juger le sieur Moreton par décret de l'Assemblée constituante du 24 septembre 1790, il doit être jugé par cette cour.
Je demande la parole. M. Moreton gémit depuis dix-huit mois dans les liens d'une captivité morale ; il a su risquer sa tête pour repousser l'autorité toute puissante. M. Moreton a demandé un conseil de guerre, seule voie qui lui fût ouverte alors; et, lorsque, en vertu de la loi, il réclama la publicité de la. procédure, une partie de ses juges ont donné leur démission sur le plus léger prétexte, ce qui caractérise assez un déni de justice. M. Moreton n'a pas besoin d'un tribunal, puisqu'il n'a point d'accusateur. D'ailleurs, la cour martiale n'ayant été établie que sur sa demande, il y a renoncé depuis que sa cause a été favorablement jugée par le décret du 5 septembre dernier.
En conséquence, je conclus comme M. le rapporteur; mais, comme il a été assemblé une cour martiale, que cette cour martiale coûte à la nation 4 louis par jour, je demande au préalable que l'Assemblée décrète qu'il y a urgence et adopte à l'instant le projet de décrèt.
aîné. Je demande à prouver qu'il n'y a1 pas besoin de décret d'urgence.
Je crois qu'en cette circonstance il faut commencer par déroger à la loi du 24 septembre, qui: est en contradiction avec la loi du 5 septembre. En conséquence; je demande que l'Assemblée, en rendant le décret qui lui est proposé, déclare positivement qu'elle abroge le décret du 24 septembre et qu'elle s'en réfère à la première loi qui veut que celui qui a.été dépouillé de son titre sans cause légitime y soit réintégré.
aîné. Le décret du 5 septembre dit que tous les officiers illégalement destitués seront replacés. Or, M. Moreton a été arbitrairement destitué, donc il doit être replacé, et c'est le décret que vous propose le comité militaire. Mais, Messieurs, le même jour, 5 septembre, le sieur Moreton a présenté une pétition à l'Assemblée constituante pour être jugé et, par un décret du 24 septembre, elle a décrété qu'il serait établi une Cour martiale pour juger M. Moreton et que les mémoires des officiers au régiment de La Fère seraient joints aux charges et pièces du procès. 11 en résulte que M. Moreton doit être réintégré dans sa place ; mais cela n'empêche pas que la cour martiale ne doive se former, et c'est à elle à prononcer si M. Moreton est innocent ou coupable. En conséquence, je conclus à l'adoption du projet du comité; mais je m'oppose à l'urgence, car M. Moreton doit être jugé? et ce n'est qu'après le jugement qu'on saura si M. Moreton doit être compris dans la future promotion des officiers généraux.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion, puis décrète l'urgence.)
Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Thuriot !
D'autres membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Thuriot et adopte le projet de décret du comité.)
J'annonce à l'Assemblée que le roi m'a fait prévenir qu'il recevra ce soir, à 9 heures, la députation des 24 membres de l'Assemblée.
(Mathieu), au nom du comité militaire, a la parole pour présenter un rapport sûr la pétition d'un grand nombre de citoyens actifs de la ville de Lyon, par laquelle ils demandent que cette ville soit maintenue dans le privilège de n'avoir aucune troupe de ligne, en garnison ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez, par votre décret du 9 novembre dernier, renvoye au comité militaire (1), une pétition signée par un très grand nombre de citoyens de la ville de Lyon, qui demandent que les troupes de ligne ne tiennent plus désormais garnison dans cette ville. Plusieurs villes du royaume, et celle de Lyon était de ce nombre, avaient, avant la régénération de l'Empire, le privilège de ; ne recevoir aucune garnison ; et vous sentez, Messieurs, de quelle conséquence il pourrait êtrè d'accorder aux citoyens pétitionnaires une demande qui tendrait évidemment au rétablissement d'un privilège. Ce; serait à la fois violer les droits du peuple et porter atteinte à l'égalité politique, qui est la base de la Constitution française.
Les motifs que font valoir les pétitionnaires n'ont pas paru, à votre comité, suffisamment établis. U faut reconnaître, comme principe général, qu'aucune ville ne doit être particulièrement designée comme ville de garnison, de même qu^iucune n'en doit être spécialement exceptée; car, sans cela, le pouvoir exécutif, chargé de surveiller la tranquillité publique, ne pourrait faire exécuter les mouvements des troupes, sans rencontrer des obstacles.
Ces principes incontestables rendent vaines les observations des pétitionnaires, qui désirent que la. ville de Lyon, ne soit pas considérée comme ville de garnison. Lypn est notre place d'entrepôt pour la défense des Alpes. Nous y avons toujours èu des magasins très considérables et un arsenal bien fourni. Lyon est encore, par sa seule position, une place défensive pour nos frontières et, quoique nous devions espérer de n'avoir pas à profiter de cet avantage, les projets des ennemis delà Révolution sur cette place ont fait voir que les étrangers en sentaient aussi bien que nous l'importance. D'après ces considérations, votre comité, après avoir examiné la pétition de la ville de Lyon, l'a rapprochée du titre IV du chapitre Ier de la Constitution, qui constitue le roi chef de l'administration intérieure; et il a conclu, en conséquence, à ce qu'il n'y ait pas lieu à délibérer sur cette pétition et au renvoi au pouvoir exécutif.
Mais parmi les pièces, relatives à cette affaire, qui nous est remise par MM. les députés de Rhône-et-Loire en dernier, lieu, il en est une fort remarquable et d'une toute autre importance encore que l'objet qui vient de vous être soumis, surtout dans les circonstances où nous nous trouvons, au milieu des troubles et des conspirations
suscités par les ennemis intérieurs, d'accord avec les ennemis de l'extérieur.
Un de ees folliculaires, que les ennemis du peuple chargent apparemment du soin d'empoisonner les véritables sources de la vérité, a inséré dans une feuille intitulée Journal de Lyon, ou Moniteur du département de Rhône-et-Loire l'article dont je vais vous donner un aperçu.
Le peuple est formellement invite à la révolte contre les autorités constituées. Les administrateurs sont dénoncés comme des traîtres : « Citoyens, dit le rédacteur, armez-vous, forgez des piques à la Gara ; et, au premier signal, que vos administrateurs soient éventrés et que leurs boyaux vous servent de baudriers et de ceinturons... » ; il finit ainsi : « Cet oracle est plus sûr que Galchas. » (.Interruptions et murmures.)
Un membre: Je fais la motion expresse que le comité militaire soit rappelé à l'ordre pour nous venir rapporter ici des gazettes.
(Mathieu), rapporteur. Ce n'est pas le comité militaire, c'est moi.
Je demande une motion d'ordre contre M. le rapporteur.
(Mathieu), rapporteur. Je demande que M. Grangeneuve, qui demande la parole contre moi, soit entendu et qu'il me soit permis d'y répondre!
Je demande que M. Dumas soit rappelé à l'ordre. Vous ne l'avez écouté que parce que vous croyez qu'il dénonçait ce journal au nom du comité militaire. Lorsqu'un membre de l'Assemblée nationale monte à la tribune comme rapporteur d'un comité, il ne doit rien dire qui n'ait été délibéré en substance par le comité. Ainsi, lorsque M. Dumas s'est permis de vous faire la lecture de toute une feuille hebdomadaire de Lyon, pour vous dire ensuite que c'était lui et non le comité, M. Dumas a abusé du droit de porter la parole. (Quelques applaudissements.)
(Mathieu), rapporteur. Vous me jugerez, Messiéurs, après m'avoir entendu et vous déciderez si j'ai commis une légèreté. J'ai annoncé, en commençant le rapport, et même en terminant par les conclusions au comité, que cette pièce m avait été remise depuis par MM. les députés du département de Rhône-et-Loire, qui sont ici. Je demande qu'on me laisse aller jusqu'au bout; je n'ai point d'esprit de parti. Si j'ai tort, on me rappellera à l'ordre. Je regarde comme très simple d'être rappelé à l'ordre, et je me soumettrai aux ordres ae l'Assemblée. Toutefois, Messieurs, je n'ai pas donné connaissance de cette pièce a l'Assemblée sans l'avoir communiquée au président du comité militaire.
J'ai, cru comme vous, Messieurs, servir la patrie par une dénonciation importante, au moment même où vous preniez un parti que tous les bcms citoyens désiraient depuis longtemps, vis-à-vis des puissances étrangères, pour soumettre à votre surveillance le véritable fil de la conspiration intérieure. Je vous dénonce encore un ordre donné par le département de Rhône-et-Loire d'ouvrir toutes les églisës.
Plusieurs membres : Dénoncez Royou ! Dénoncez Durozoi !
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! • (L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la dénonciation faite par M. Dumas ; décrète ensuite à l'unanimité, conformément à l'avis du comité
militaire, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition des citoyens actifs de Lyon et que l'objet en doit être renvoyé au pouvoir exécutif.)
L'ordre du jour est la discussion d'un projet de décret sur l'admission aux emplois de l'armée et de la gendarmerie nationale, en faveur de tous les militaires français qui ont servi chez les puissances étrangères, dont les armes se sont combinées avec celles de la France (1).
L'Assemblée a d'abord décrété l'urgence en ces termes :
« L'Assembléè nationale, délibérant sur le rapport de son comité militaire, relatif à l'admission aux emplois de l'armée et de la gendarmerie nationale, en faveur de tous les militaires français qui ont servi chez les puissances dont les armes ont été combinées avec celles de la France; considérant, d'un côté, qu'il ne s'agit ici
2ue de l'extension d une loi précédemment ren-ue ; d'un autre côté, que les remplacements actuellement à faire dans l'armée et l'organisation instante de la gendarmerie nationale exigent une prompte décision sur l'objet de ce rapport, décrète qu'il y a urgence. »
L'Assemblée a rendu ensuite le décret définitif en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du son comité militaire et après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète que l'article 3 du décret du 4 mars 1791, concernant l'admission aux emplois de l'armée, en faveur des Français qui ont servi dans les armées des puissances alliées, cessera d'être restreint à ceux qui ont obtenu des grades supérieurs et la décoration de Cincinnatus. En conséquence, tout Français qui justifiera d'un service en qualité d'officier, ae quelque grade que ce soit, chez les puissances dont les armes ont été combinées avec celles de la France, est susceptible d'obtenir-des places dans l'armée de ligne et des emplois dans la gendarmerie nationale, de la même manière que s'il eût servi en France, pourvu que d'ailleurs il réunisse les autres qualités exigees par les décrets. •>
Messieurs, vous voulez que la gendarmerie nationale soit organisée lé plus tôt possible. (Oui! oui!) Eh bien, je vous proposerai un article qui vous fournira le moyen de faire cette organisation sans aucun délai... Plusieurs membres : Lisez votre rédaction!
Je vous propose de décréter que, pour celte fois seulement, le ministre sera exempté de suivre les lois établies pour l'éligibilité des sujets. (Rires prolongés.) M. Lequinio revient à sa placeO
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, qui soumet à l'Assemblée une difficulté relative au concours pour l'admission des élèves dans les corps de l'artillerie et du génie; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le concours pour l'admission des élèves dans les corps de l'artillerie et du génie est interrompu depuis 3 ans. Il est instant de rouvrir cette carrière militaire à quantité de jeunes gens qui s'y destinent. L'Assemblée nationale, par son décret du 15 septembre dernier, sanctionné
le 23, a réglé les formes des examens pour l'admission dans ces deux corps, et les examens seront faits en présence de deux examinateurs respectifs et d'un commissairenommé parle directoire du département, dans le ressort duquel l'examen a lieu. Cette disposition qui substitue 3 juges pour comparer et classer ce qui ne peut et n'a jamais été bien saisi que par un seul, tend à affaiblir la responsabilité des examinateurs, ainsi que l'attention et l'intérêt qu'ils doivent mettre à un choix aussi important. Les talents et les connaissances reconnus dans les deux corps prouvent assez qu'on n'a pas lieu de regretter l'ancien mode, qui mettait dans l'impossibilité de ne juger du talent des élèves, pour les mathé-matiques, que par l'examen d'un seul géomètre. C'est ainsi que l'Assemblée l'a décrété pour le corps de la marine, en établissant l'examinateur seul juge du concours.
« L'Assemblée nationale a, sans doute, fait les mêmes réflexions, puisque par son décret du 28 septembre sur la démission aux emplois dé sous-lieutenant dans les troupes de ligne, décret qui n'a été sanctionné que le 13 de ce mois, elle établit, article 8, que les concours et examens pour les écoles ae l'artillerie et du génie, continueront à avoir lieu dans les formes et aux époques accoutumées. Dès que j'ai eu connaissance de cette dernière loi, j'ai suspendu les dispositions que j'avais déjà faites pour l'exécution de la première que je dois regarder comme annulée. Une telle contradiction me retient; et je crois, Monsieur le président, ne devoir prendre un parti définitif à cet égard, qu'après avoir connu plus positivement le vœu de l'Assemblée nationale.
. « Je vous prie de lui observer que cette mesure est d'autant plus instante que quantité de jeunes gens prêts a subir les examens prononcés, sont déjà rendus dans les lieux qu on leur a désignés, attendant impatiemment l'instant de connaître leur sort. D'ailleurs, un plus long retard pour les écoles du génie et de l'artillerie, deviendrait très préjudicable au service et aux travaux pour la défense des frontières.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Duportail. »: ■
Plusieurs membres : Renvoyez au comité militaire!
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guerre au comité militaire.)
2° Lettre de M. Duportail, ministre de la gUèrre, qui consulte VAssemblée sur la question de savoir si la retenue du dixième sur les appointements des officiers-majors des places doit continuer à être faite. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
«. Les officiers-majors des places étaient assujettis à la retenue de la capitation et des 4 deniers pour livre ; ils n'étaient portés Sur les états que déduction faite du dixième, et les trésoriers de la guerre retenaient la capitation et les 4 deniers pour livre. Les 4 deniers pour livre ont été supprimés par la loi du 10 février 1791, relative à la fixation des masses destinées à l'entretien des différentes parties de l'armée. La capitation cesse d'être retenue par les trésoriers de la guerre depuis le 1er janvier 1791, parce qu'à compter de cette époque les officiers ont dû acquitter la contribution mobilière, comme tous Tes autres citoyens. Reste donc le dixième dont la suppression n'a pas été prononcée, mais qui
semble ne devoir plus être prélevé sur tous les appointements. A partir de la même date du janvier 1791, jusqu'au terme du 13 janvier de la même année, partie de la contribution mobilière doit porter uniquement sur les sa laires publics et privés, et ce serait une imposition trop forte à imposer aux officiers-majors de* places que de continuer à rétenir le dixième de leurs appointements. •
« Je n ai cependant pas cru devoir agir d'après cette opinion, et j'ai soumis la question au comité militaire de l'Assemblée nationale constituante, mais elle est restée sans réponse. Néanmoins, en attendant une disposition sur cela, ceux des officiers-majors des places qui se sont présentés ont touché leurs appointements échus au 1er janvier dernier. J'ai fait faire la réduction du dixième, sauf à leur en faire la restitution s'il y avait lieu.
« Pressé aujourd'hui de consommer entièrement avec. les officiers, plusieurs d'entre eux réclamant la restitution du dixième, je vous supplie, Monsieur le Président, de faire ce que vous jugerez convenable. « Je suis avec respect, etc.
« Signé : duportail. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guerre au comité des contributions publiques.)
3° Lettre du sieur Poupard-Beaubourg, prisonnier à VAbbaye. Cette lettre commence ainsi :
« Grands traits de lumière et révélation dernière de Poupard-Beaubourg, citoyen accusé des plus grands crimes de lèse-nation. »
M. lé secrétaire annonce que la lecture de cette lettre demandera au moins une heure.
Voix diverses : L'ordre du jour!—Le renvoi au comité de surveillance!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
4° Adresse des citoyens de la ville de Versailles, amis de la Constitution, à VAssemblée nationale, contenant des félicitations sur les deux lois relatives aux émigrés et aux troubles intérieurs excités par le fanatisme. Cette adresse ést ainsi COnçue :
« Représentants de la nation,
« Citoyens de Versailles, membres de la Société des amis de la Constitution, nous jyenons vous apporter le témoignage éclatant de notre confiance; vous l'avez universellement méritée par la vigueur et la sagesse que vous avez mises à créer et combiner la loi si difficile à faire sur les émigrés, et celle sur les troubles intérieurs excités par lé fanatisme.
* Quoique le prince ait suspendu, par son veto, l'exécution de la première dé ces lois, vous n'en êtes pas moins sûrs d'avoir vraiment exprimé le vœu du souverain ; vous n'en devez pas moins croire que toutes les fois que vous réunirez ainsi la majorité des suffrages de la France, vous lui aurez donné de bonnes lois.
« Défenseurs de la Constitution, nous respectons tous les pouvoirs institués par elle; nous connaissons et nous respectons le droit qu'elle a donné au roi, mais nous n'approuvons pas l'usage qu'il en a fait dans cette circonstance (Exclamations à droite de VAssemblée. Applaudissements dans les tribunes.) parce que, si on lé trompe, comme nous le croyons, le danger en retombera toujours sur nous et que l'inexécution de la loi sur les émigrés peut multiplier à l'infini des maux qu'une juste sévérité eût coupés dans la racine.
Nous ne l'approuvons pas, parce que nous ne saurions concilier les comptes avantageux qui vous sont rendus par les ministres, avec les nouvelles affligeantes qui nous viennent de toutes parts, de l'activité redoublée plus que jamais des émigrés, de leurs préparatifs et de l'insolence ou de la perfidie avec lesquelles on joue une nation entière. Avant d'être frère ou parent, Louis XVI est roi, et il ne devait se souvenir que de ce dernier titre quand le salut de l'Etat lé commandait impérieusement, surtout après tant de vaines et inutiles démarches pour ramener des rebelles qui devraient être châtiés.
« Nous n'approuvons pas l'apposition du veto du prince et nous le déclarons devant vous, parce que, libres, il est de notre droit et de notre devoir d'avertir" nos mandataires et nos délégués...
Plusieurs membres : A l'ordre du jour!
, secrétaire, continuant la lecture : «... Nous le faisons pour que le prince qui, suivant la Constitution, ne doit consulter que l'opinion publique dans l'exercice de son droit, connaisse cette opinion et lui obéisse, pour que vous continuiez à la consulter comme votre guide, votre oracle, et le garant de la bonté de vos lois.
« Nous vous parlons avec courage, parce que c'est le langage de la liberté. Tout serait perdu, s'il fallait que le représenté prît une voix suppliante en parlant a son représentant et n'osât aire librement la vérité. (Vifs applaudissements dans les tribunes.) Mandataires du peuple, vous devez entendre toutes ses réclamations; il a essentiellement le droit de vous dire : « Vous êtes « dans la bonne voie, continuez à marcher d'un « pas ferme et assuré. Vos lois sont la fidèle « expression de ma volonté ; continuez à la con-« sulter toujours ainsi. »
« Membres du souverain, nous usons de notre droit, nous vous invitons à continuer, à redoubler même de force et de fermeté, à faire des lois sévères, à réprimer tous les désordres, à porter l'activité dans toutes les administrations, à punir et frapper les traîtres, les conspirateurs, et tous les artisans de discorde qui lèvent impunément la tête au milieu de nous; surtout à vous mettre en mesure, près des puissances étrangères, à faire respecter, il en est temps, la nation française, par tous ces despotes, qui ne reconnaissent encore que les rois, leurs semblables. Nous osons vous assurer que l'opinion publique vous couvrira de son égide et que la nation entière vous entourera de sa confiance ». (Applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
Un membre : L'adresse est-elle signée individuellement?
, secrétaire. Elle est souscrite d'une trentaine ae* signatures.
et autres membres demandent qu'il soit fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.
D'autres membres : L'ordre du jour !
Le langage de la liberté ne doit jamais étonner des législateurs. De quoi s'agit-il ? La faculté d'approuver le veto suppose aussi la faculté de l'improuver; chacun en est bien le maître sans doute. Ges messieurs l'improuvent, d'autres l'approuvent. C'est le langage de ci-
toyens respectueux des autorités constituées. Je demande que la mention honorable soit faite.
Un membre : Je demande la question préalable sur cette proposition. Les citoyens pétitionnaires se sont servis, dans leur adresse, d'expressions qui sont absolument inconstitutionnelles. Dans plusieurs endroits les signataires se disent membres du souverain, une portion du souverain. Or la souveraineté est indivisible et la Constitution défend qu'un individu, ou une collection d'individus prenne de semblables qualifications. Ils vous appellent encore leurs mandataires, leurs délégués...
Plusieurs membres : Ils ont raison !
Le préopinant : Vous êtes les représentants du souverain, mais vous n'êtes ni mandataires, ni délégués. Je demande donc la question préalable.
L'Assemblée nationale ne doit pas s'offenser, comme le préopinant, que nos commettants nous appellent leurs mandataires. (App laudissements.)
Plusieurs membres : Nous ne le sommes pas! Lisez la Constitution !
C'est mal à propos que l'on reproche aux signataires de cette adresse la qualification qu'ils ont prise ; car il est bien reconnu, je pense, et personné ne le contestera, que la souveraineté est dans la nation (Vifs applaudissements.), et il estbien étonnant que, dans cette Assemblée, on trouve mauvais que des citoyens exposent les raisons qui les portent à désapprouver le veto, quand on veut permettre au pouvoir exécutif de développer les motifs de son veto, ce qui lui est défendu par la Constitution. (Bravo ! bravo! Vifs applaudissements.)
Pourquoi donc le peuple souverain ne ferait-il pas, lui qui en a le droit, ce que le pouvoir exécutif fait quand cependant il n'en a pas le droit? ( Applaudissements j
Je demande qu'il soit fait mention honorable de l'adresse dans le procès-verbal et j'ajoute qu'il serait flatteur pour nous que tous les départements eussent la même opinion. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur la mention honorable ! , .
D'autres membres: Non! non! l'ordre du jour !
(L'Assemblée rejette la question préalable, puis la motion de passer à l'ordre du jour et décrète la mention honorable de l'adresse au procès-verbal. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions.
5° Lettre de M. Charon, officier municipal de Paris, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée de 10 exemplaires de son ouvrage sur les jeux et demande qu'il soit pris par l'Assemblée des mesures pour arrêter ce désordre public.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'hommage de M. Charon.)
Je demande le renvoi de l'ouvrage au comité de législation pour qu'il fasse rapidement un rapport sur cet ohjet„
et je demande, en outre, que MM. Dusaulx (1) et Charon soient appelés au comité pour y faire part de leurs lumières.
(L'Assemblée renvoie au comité de législation l'ouvrage de M. Charon, mais ne statue pas sur la seconde partie de la proposition de M. Chéron-La-Bruyère qui n'est pas appuyée.)
6° Adresse du sieur Guilly, lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale au département de Loir-et-Cher, par laquelle il entreprend de se justifier sur les reproches qui lui ont été faits dans un rapport au comité militaire, relativement à quatre soldats du régiment de Rouergue. détenus dans la prison de la ville de Blois, qui se sont plaints ae l'inexécution de la loi d.u 15 septembre dernier, portant amnistie pour tous gens de guerre prévenus ou accusés de délits militaires.
(L'Assemblée renvoie cette adresse et le certificat du directoire du district de Blois, qui est annexé, au comité militaire.)
7° Lettre de M. Desgranges, députés à VAssemblée et membre du comité de la Dette publique,
?ui, étant malade depuis dix jours, prie M. le résident de proposer à l'Assemblée d'entendre, par l'organe d'un de ses secrétairès, son opinion écrite et jointe à sa lettre, sur le projet de suspendre le payement des liquidations, et la motion qu'il croit devoir faire sur cet objet important.
(L'Assemblée renvoie la lecture de cette opinion et de cette motion au jour où cette matière sera discutée.)
Un membre : Je renouvelle la motion qui a été faite avant-hier de faire, au plus tôt, un rapport sur la dénonciation faite par M. Rouyer, du paiement de la pension de M. de La Motne, mort depuis 30 ans, et pour qui on n'a cessé de la recevoir en donnant sa quittance (2).
On ne peut faire ce rapport parce que l'auteur de la motion ne s'est pas rendu au comité de législation.
8° Lettre des maire et officiers municipaux de Versailles qui se plaignent de l'inculpation faite à leur ville, par M. Crestin, dans la séance du 25 de ce mois. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Un membre de l'Assemblée nationale, M. Crestin, a annoncé à la tribune, dans la séance du 25 de ce mois, comme un fait certain, que, la veille, à 8 heures du matin, 40 ou 50 ouvriers de Paris, en état de porter les armes, sont partis pour aller à Worms, et qu'ils ont touché l'argent nécessaire pour s'y rendre, dans une caisse ouverte à tous les rebelles à Versailles. La municipalité s'étant assemblée, les membres ont été invités à déclarer ce qu'ils savaient à cet égard, et chacun a déclaré qu'il n'avait connaissance d'aucun fait qui eût quelque rapport, même indirect avec la dénonciation de M. Crestin.. Cependant, les journaux propagent jusqu'aux extrémités du royaume une accusation qui comprometlepatriotisme d'une ville qui, depuis le commencement
delà Révolution, n'a cessé de faire les plus grands sacrifices à la chose publique.
« Nous vous prions, Monsieur le Président, de permettre que nous nous servions de votre organe pour désavouer cette inculpation grave. Si, malgré notre surveillance, il était possible que le fait annoncé par M. Crestin eût quelques fondements, il doit à l'Assemblée nationale, il nous doit, il se doit à lui-même de déclarer les indices qui lui ont été communiqués, afin de nous mettre à portée de faire punir les coupables. » (Suivent les signatures.)
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
Je n'ai rien dit à l'Assemblée nationale que ce que j'ai cru devoir lui dire pour l'acquit ae ma conscience. J'ai des témoins ou du moins j'ai un témoin du récit que j'ai fait, et ie l'ai rendu tel que je le savais. Si le comité ae surveillance le veut, ou plutôt si l'Assemblée l'exige, je désignerai au comité de surveillance la personne qui m'a assuré le fait.
Plusieurs membres: L'ordre du jour! -
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
9° Extrait des délibérations du conseil général du district de Brissy, qui, en son nom et au nom des administrés, déclare l'adhésion la plus entière à la Constitution du royaume, ainsi qu'aux décrets de l'Assemblée nationale, et jure (remployer tout son pouvoir pour les faire exécuter.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette délibération au procès-verbal.)
Un membre, au nom du comité de législation. Messieurs, voici Vacte d? accusation contre les sieurs Varnier, Tardi et Noireau, et là proclamation dont vous avez renvoyé la rédaction au comité de législation :
« Acte d'accusation contre les sieurs Varnier, ci-devant receveur des traites à Auxonne ; Noireau, dè Pontallier, ci-devant receveur du grenier à sel à Auxonne, et Tardi, employé dans les douanes nationales aux frontières.
« Deux lettres ont été dénoncées à l'Assemblée nationale, dans sa séance du 12 novembre 1791 : la première, signée Varnier, sans adresse, est datée de Paris, le 30 octobre précédent ; la seconde, signée Vollon, maître serrurier à Auxonne, sans date, est adressée à M. Basire, député à l'Assemblée nationale : ces deux lettres ont été déposées sur le bureau par M. Basire. La lettre du sieur Vollon annonce que la lettre signée Varnier est celle d'un sieur Varnier, receveur du grand bureau à Auxonne; qu'il loge à Paris, hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honoré ; que la lettre a été trouvée chez le sieur Noireau de Pontallier, ci-devant receveur du grenier à sel à Auxonne : la lettre signé Varnier annonce, en substance, que lesdits sieurs Varnier et Noireau, de concert avec le sieur Tardi, employé dans les douanes aux frontières, faisaient passer à Coblentz, dans l'armée des émigrés, des ci-devant employés des fermes, en leur donnant de fausses commissions d'emplois sur les frontières. La même lettre indique que déjà 63 employés ont été ainsi embauchés et conduits à Coblentz. Le sieur Varnier,logé audit hôtel du Grand-Louis, amené à la barre, y a été interrogé sur les deux lettres ci-dessus ; et, sur les réponses du sieur Varnier, l'Assemblée a rendu les décrets suivants :
« L'Assemblée nationale décrète : 1° que les nommés Tardi, de Dijon, et Noireau, de Pontallier, département de la Côte-d'Or, sont en état d'ac-
cusation : qu'en conséquence, le pouvoir exécutif fera partir un courrier extraordinaire, porteur d'ordres nécessaires pour s'assurer de leurs
Sersonnes, les tenir au secret, et s'assurer aussi e tous leurs papiers ;
« 2° Que le pouvoir exécutif sera tenu de prendre, sur-le-champ, toutes les mesures né-saires pour s'assurer des papiers et autres effets du sieur Varnier : à l'effet de quoi, le présent décret sera porté séance tenante au roi;
« 3° Que les lettres adressées au sieur Varnier seront conservées, et lui seront remises, avec faculté de les ouvrir, mais en présence des juges chargés de l'instruction. »
« L'Assemblée nationale, sur le rapport dé son comité de législation civile et criminelle, adopte la rédaction de l'acte d'accusation ci-dessus, et décrète que ledit acte en forme, ensemble les ,deux lettres signées Varnier et Volion, les deux 'décrets et l'extrait du procès-verbal de la séance dudit jour 12 novembre 1791, et les autres pièces y relatives, déposées aux archives nationales, seront remis aux grands procurateurs de la nation, chargés de la poursuite de l'accusation, conformément a la loi du 15 mai 1791. » (L'Assemblée décrète l'acte d'accusation.)
Proclamation.
« Français.
« Un attentat contre la sûreté générale a été dénoncé à l'Assemblée nationale : les sieurs Varnier, ci-devant receveur des traites à Auxonne, logé à Paris, hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honoré ; Noireau, de Pontallier, ci-devant receveur au grenier à sel à Auxonne; et Tardi, employé dans les douanes aux frontières, sont prévenus d'avoir fait passer dans l'armée des émigrés, au delà du Rhin, des employés des fermes qu'ils embauchaient, en leur donnant de fausses commissions pour les frontières ; l'Assemblée nationale a décrété qu'il y avait lieu à accusation contre les sieurs Varnier, Noireau et Tardi ; en conséquence, elle proclame la formation de la haute cour nationale qu'elle a convoquée à Orléans.
« Français, reposez-vous entièrement sur le zèle et sur le courage de vos représentants, ,11s ont juré de maintenir la Constitution. Fidèles à leur serment, ils poursuivront sans relâche tous les complots contre }a liberté publique, et ils forceront les ennemis de la patrie à respecter la souveraineté du peuple. » (L'Assemblée décrète la proclamation.)
Je demande à faire une observation relative à M. Varnier. Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Messieurs, il y a un principe incontestable, c'est qu'il est impossible qu'un juge puisse statuer sur un fait qui n'est pas compris aans l'acte d'accusation. Or, je soutiens que l'acte d'accusation contre le sieur Varnier... ! Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Il y un décret d?accusation porté contre M. Delattre. Rien n'est plus urgent que de lui donner des juges. Je demande que l'Assemblée charge son comité de législation de lui rapporter demain un projet d'accusation contre le sieur Delattre père ; et, en même temps, qu'elle charge aussi son comité de législation d'examiner sil est nécessaire de convoquer une autre
haute cour nationale (Non! non!) ou si la même haute cour nationale jugera le sieur Delattre et les trois prévenus Varnier, Noireau et Tardi.
Plusieurs membres : Il n'y a pas de doute !
D'autres membres : Le renvoi au comité de législation !
(L'Assemblée, consultée, renvoie la motion de M. Guadet au comité de législation.)
, au nom du comité d'instruction publique, présente un rapport sur les encourage-ments qu'il convient de donner aux Beaux-Arts; il s'exprime ainsi :
Messieurs, lorsque le comité d'instruction publique s'est occupé, pour la première fojs, des réclamations qui ont été présentées à l'Assemblée nationale sur l'exécution du décret du 17 septembre dernier (1), relativement à la répartition des travaux d'encouragement, deux opinions se sont développées dans son sein : l'une, dirigée par les principes de liberté, d'égalité et de justice qui ont dicté la Constitution, ne voulait souffrir aucun mélange qui en altérât la pureté, l'autre, partant des mêmes principes, s'enveloppait des mesures de prudence qui, en ralentissant la marche des esprits, devaient les conduire plus paisiblement, mais, plus tard, à cette uniformité de moyens que la Constitution commande dans tous les établissements, dans toutes les opérations qui ont un caractère public.
Cette dernière opinion, moins hardie, prévalut dans le comité, qui vous présenta, Messieurs, un projet de décret (2), qui, par l'accueil qu'il réçut dans l'Assemblée, nous a appris à quelle distance ce projet était encore ay vœu général.
Votre comité est revenu sur cet objet, et là discussion qui s'est ouverte dans, son sein, après ce premier essai, ayant pris un autre caractère, l'opinion de la minorité est devenue celle de la majorité, qui me charge, aujourd'hui, de vous présenter un second projet de décret.
Pour répondre à fa confiance de l'Assemblée nationale, qui a ordonné la suspension de la distribution des encouragements, jusqu'à ce que son comité lui aurait présenté ses observations sur la loi du 17 septembre, nous avons examiné scrupuleusement toutes les dispositions de cette loi.
Le projet de décret du comité offre un mode d'élection, des commissaires, juges et répartiteurs, et un mode de répartition des travaux d'encouragement sur l'un et sur Vautre, là loi du 17 septembre étant incomplète.
Cette loi, en accordant des encouragements aux arts, les tient encore courbés sous le joug des privilèges, eux qui, pour arriver à la perfection qui fait leur essence, ne veulent réconnaître que l'empire de l'opinion et celui de la liberté garantie par la loi.
Un grand nombre d'artistes se présentent à un grand concours. Parmi ces artistes, quelques-uns ont une supériorité de talent reconnue et déjà plusieurs fois couronnée par l'opinion. Ce concours offre plusieurs questions qu'il vous appartiendra de résoudre.
Le titre d'exposant au Salon de cette année donnera-t-il seul le droit de coopérer à la répartition des encouragements, ou admettra-t-on dans l'assemblée distributrice des académiciens qui n'ont point exposé ?
Ce serait violer tous les principes de liberté et] de justice, qui veulent impérieusement, puisqu'ils sont consacrés par la Constitution, que chacun soit jugé par ses pairs, et que les juges soient, en toutes circonstances, nommés par ceux qui doivent être jugés.
Le titre seul d'exposant doit donc donner le droit d'être admis à juger.
Réduira-t-on le nombre des exposants qui est considérable?
C'est ce que le bon sens prescrit, soit pour faciliter et accélérer les opérations, soit pour leur donner plus de rectitude et de poids. C'est ce que propose le comité; et il est fixé au nombre de quarante.
Mais comment nommera-t-on ces quarante commissaires qui composeront une sorte de jury? Tous les exposants les nommeront-ils en commun? ou se diviseront-ils en deux classes d'académiciens et de non-académiciens, pour nommer chacun un nombre proportionné de commissaires?
Ce dernier mode serait d'autant plus injuste qu'il en résulterait que les commissaires jurés ne seraient élus que par une partie des exposants, au lieu de l'être par tous.
Les académiciens dont le mérite est reconnu doivent influer sur la nomination des commissaires noifacadémiciens, comme les académiciens, dont la loyauté et la délicatesse ne sauraient être mises en doute, doivent influer sur la nomination des commissaires académiciens.
La justice nous commande donc de ne former qu'une seule assemblée et une seule nommina-tion. C'est ce que nous avons l'honneur de vous proposer.
Enfin, les exposants réunis en une seule assemblée nommeront-ils les quarante commissaires librement? ou seront-ils tenus d'en prendre une partie parmi les académiciens, et une partie parmi les non-académiciens?
La raison veut qu'on prenne les commissaires là ou l'on soupçonne les meilleurs juges. Il n'est personne qui pense à contester que l'Académie ne doive fournir des commissaires ; et l'on peut croire que le plus grand nombre sera pris parmi les académiciens, si on laisse à chaque exposant un liberté entière. Cette confiance est dans les grands principes de la raison, qui sont qu'il faut ihonorer les hommes, si l'on veut qu'ils s'honorent eux-mêmes. Et ne sait-on pas que la liberté, la loyauté, la franchise, la délicatesse sont de l'essence des grands talents, et que le moyen le plus sûr de les avilir et de les dégrader serait de ne leur supposer aucune vertu. Votre comité a donc pensé qu'il fallait laisser aux exposants une liberté sans borne.
Cependant, si l'Assemblée nationale trouve plus convenable de prescrire, par son décret, ce que l'amour de la justice et de l'égalité prescrit si impérieusement, elle pourrait ordonner que 20 commissaires seraient pris parmi les académiciens, et 20 parmi les non-académiciens.
Reste le mode de répartition. Celui qu'on propose est simple, et de nature à convenir à tout système d'élection. Les principes de justice qui l'ont dicté sont trop simples, trop clairs pour gu'il soit nécessaire de leur donner d'autre développement que celui du projet de décret que je vais avoir l'honneur de vous lire (1).
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique sur les réclamations des artistes qui ont exposé cette année leurs ouvrages au salon du Louvre, et sentant l'instante nécessité de révoquer son décret de suspension du 19 octobre dernier, afin de faire jouir sans plus de retard, du bienfait du décret du 17 septembre dernier, ceux qui auront mérité des encouragements, décrète qu'il y a urgence. - ,
« L'Assemblée nationale, après avoir rendu le décret d'urgence, et voulant faire cesser les difficultés qui se sont élevées par l'exécution du décret du 17 septembre dernier, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Tous les artistes qui ont exposé, cette année,
leurs ouvrages au Salon du Louvre et qui se sont fait inscrire pour l'exposition avant
l'émission du décret du 17 septembre dernier, tant académiciens, agréés, que
non-académiciens, se réuniront dans la huitaine, dans le lieu qui leur sera indiqué par la
municipalité, pour nommer ensemble et parmi les exposants, au scrutin de liste et à la
pluralité relative, 40 commissaires dont 20 pris parmi les académiciens, et 20 parmi les
non-académiciens.
« Art. 2. A ces commissaires se réuniront deux membres dé l'Académie des sciences, et deux de celle des inscriptions, aux termes de l'article 3 de la loi du 17 septembre, à l'effet de procéder ensemble à la répartition des travaux d'encouragement, de la manière suivante :
c Art. 3. Parmi les peintres et statuaires exposants, l'assemblée des commissaires nommera
16 artistes qui. à son jugement, se seront montrés les plus dignes d'encouragement.
« Art. 4. La somme de 70,000 livres consacrée à des travaux d'encouragement pour cette classe d'artistes, par l'article 1er de la loi du
17 septembre, sera divisée en 16 portions, graduées entre elles selon l'échelle de mérite des ouvrages exposés par les 16 artistes que l'assemblée des commissaires aura distingués ; de manière cependant qu'aucune de ces sommes partielles ne pourra être de plus de 10,000 livres, ni de moins de 3,000 livres.
« Art. 5. L'assemblée des commissaires nommera aussi 10 artistes parmi les peintres dits « de genre » et les graveurs exposants qui, à son jugement, se seront montrés les plus dignes d'encouragements.
« Art. 6. La somme de 20,000 livres qui, aux termes de la loi du 17 septembre, article 1er, est destinée à des travaux d encouragement pour cette classe d'artistes, sera divisée en 10 portions, pour la graduation desquelles on suivra l'échelle de mérite des ouvrages des 10 artistes distingués dans l'exposition ; de manière que le « maximum » ne pourra être de plus de 3,000 livres, et le « minimum » de moins de 1,000 livres.
« Art. 7. Les travaux d'encouragement seront gradués et distribués selon la même échelle que ci-dessus.
« Art. 8. Pour la nature et les proportions des travaux ordonnés, on suivra l'usage qui a eu lieu jusqu'à présent, en tout ce qui ne dérogera pas au présent décret.
« Art. 9. L'Assemblée nationale déroge à la loi du 17 septembre en tout ce qui n'est point conforme au présent décret, et n'entend préjuger en rien ce qui pourra être déterminé par la suite pour l'encouragement des Beaux-Arts.
« Art. 10. L'exécution du présent décret est mise sous l'inspection immédiate du directoire du département. >» :
(L'Assemblée décrète l'impression du projet de décret et en ajourne la discussion à samedi soir.).
La députation nommée pour porter le message au roi rent
monte à la tribune pour faire son rapport et dit :
Messieurs, je me suis rendu chez le roi à la tête de la députation que vous m'avez déféré l'honneur de présider. Introduit sur-le-champ chez le roi, je lui ai lu le discours que vous avez approuvé ce matin. Le roi nous a répondu : « Je prendrai en très grande considération le « message de l'Assemblée nationale. Vous savez « que je n'ai rien négligé pour établir la tran-« quillité publique pour maintenir la Gonstitu-« tion, et pour la faire respecter au dehors. $
J'observerai qu'il m'a paru, quand nous sommes entréSj que le roi.s'est incliné le premier; je me suis incliné ensuite vers lui : le reste s'est passé ainsi qu'il est d'usage. (Vifs applaudisse-r ments.)
(L'Assemblée, après avoir entendu ce récit, en décrète l'insertion dans le procès-verbal.) (La séance est levée à dix heures.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. DUCASTEL, EX-PRÉSIDENT.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 29 novembre, au matin. .
, secrétaire, donne ensuite lecture des lettres , adresses et pétitions suivantes :
1° Pétition des habitants de la commune de Gri-gnon, district de Semur.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
2° Pétition du sieur Cointereau, professeur d'architecture rurale.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité d'Agriculture.)
3° Délibération de la municipalité de Freistroff, de la ci-devant province de Lorraine, qui porte que ce pays est trahi; que la frontière est mal garnie de troupes, que les ènnemis du dehors menacent d'une prochaine invasion, tandis que ceux du dedans redoublent d'audace, en raison de la protection qui semble leur être accordée. Si des bras et du courage suffisaient pour repousser les ennemis de l Etat, les pétitionnaires ne craindraient point leur attaque; mais la meilleure volonté a besoin d'armes pour répondre à des gens armés. Des religieux missionnaires prêchent ouvertement la révolte et donnent aux gens simples et trop crédules, le choix entre le feu de l'enfer et le rétablissement des prêtres de Dieu et du roi. Ces prêtres vont, patrouillant de maison en maison, avec leurs capuchons et les
femmes courent après eux ; ils cherchent à détâcher les citoyens de la Constitution et meme de l'Empire en faveur de l'Allemagne.
La municipalité se plaint encore du directoire de district, à l'occasion de poursuites pour le payement de quelques droits féodaux qui pèsent encore sur le peuple et lui permettent peu d'apprécier les avantages de la Révolution. Elle en réclame l'abolition, parce que ces droits rendent le paysan trop facile à la séduction: et elle ajoute que si, dans ce dénuement de moyens de défense, 1 Assemblée nationale ne vient a leur secours, elle sera obligée de se mettre sous la sauvegarde de quiconque voudra bien lui accorder protection.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée renvoie cette délibération aux comités militaire et de féodalité réunis.)
4° Pétition du sieur Gailleton, nommé à la cure de Villers, district de Villefranche.
(L'Assemblée rènvoie cette pétition au comité de division.)
5° Adresse des habitants des paroisses de Saint-JustetdeSaint-IrénéedèLyon.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de division.)
6° Pétition de la municipalité de Belleville, département de Paris.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
7° Pétition de la paroisse de Saint-Ouen-sur-Iton, département de l'Orne.
(L'Assemblée renvoie, cette pétition au comité de division.); ' ; ffttlfti
8° Lettre et mémoire envoyés par le directoire du département de VOise.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de division.)
9° Lettre de la municipalité de Caen, accompagnée de plusieurs pièces relatives à l'arrestation de plusieurs citoyens lors des troubles qui ont eu lieu dans cette ville; la lettre est ainsi conçue :
« Caen, le
« Messieurs,
« Nous avons l'honneur de vous envoyer ci-jointes les pièces collationnées, les déclarations et interrogatoires, et autres renseignements concernant l'affaire au 5 dé ce mois. On s'occupe sans discontinuation du soin d'acquérir des lumières sur le fait. A mesure qu'il nous en sera parvenu une certaine quantité, nous aurons l'attention de vous les faire parvenir.
« Nous sommes, etc..
« Signé : Les officiers municipaux de la ville de Caen. » >
(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces au comité de législation.)
10° Pétition des maîtres entretenus des trois directions du port de Toulon, tendant à une augmentation de paye.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de marine.)
11° Pétition des citoyens de la ville de Boulogne-sur-Mer, qui réclament des secours pour la veuve et les enfants du postillon assassiné- entre Dun-kerque et Gravelines; cette pétition est ainsi conçue;:
« Messieurs,
« Dans un gouvernement arbitraire, les hommes étrangers les uns aux autres par leur opinion et leurs intérêts, voient avec indifférence
les maux de leurs semblables; ou leur émotion, s'ils en sont susceptibles, se borne à une froide et inactive pitié. Il n'en est pas ainsi sous le règne de la liberté. Des hommes unis par des liens sacrés regardent tous les membres de l'Etat comme des individus d'une même famille. Aucun malheur ne peut frapper un de leurs concitoyens sans que leurs âmes en ressentent l'atteinte.
« Nous en jugeons, Messieurs, d'après le sentiment que nous avons éprouvé au récit de l'attentat exercé sur le malheureux postillon assassiné entre Dunkerque et Gravelmes. Ce crime Vous fut dénoncé dans l'une de vos séances ; on vous fit partager le sentiment d'horrenr. que nous avions déjà éprouvé. Ce serait peu de gémir sur un semblable forfait, et d'en détester les auteurs. Une veuve et cinq malheureux enfants sollicitent les secours de l'humanité. Ces tristes victimes font entendre les accents du besoin, et pousseront bientôt les cris du désespoir. Nous les recommandons à votre Sollicitude paternelle. Accordez-leur un secours qui puisse adoucir la perte qui les accable, afin qu il n'y ait dans ce vaste Empire que les traîtres et les méchants qui puissent ne pas bénir l'heureuse Constitution de la France et n'en pas révérer les législateurs.
« Nous sommes avec respect, etc.., » (Applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honbrable ét le renvoi au comité des secours publics !
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des secours publics et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.) •
La députation de l'Aube vient de recevoir du directoire de ce département un mémoire relatif à une dénonciation faite contre lui au conseil général assemblé, par quelques citoyens de la ville de Troyes. A ce mémoire est joint un arrêté du département de l'Aube, qui en réfère au Corps législatif. Ce directoire demande à être jugé, pour qu'une punition ou une réparation éclatante soit l'effet de cette dénonciation, qu'il annonce s'être attirée par le répartement qu'il a fait des impôts, conformément aux décrets de l'Assemblée constituante. Nous devons, sans doute, appeler la vengeance des lois sur les autorités constituées, quand elles commettent des prévarications. Par le même principe, nous devons, quand elles n'ont pas mérité les inculpations faites contre elles, feur tendre la main, et leur faciliter les réparations auxquelles ont droit tous ceux qui sont injustement accusés. Je demande donc, au nom de la députation, que cette affaire, qui sollicite toute l'attention de l'Assemblée nationale, soit renvoyée à un de vos comités, pour en faire incessamment son rapport. Je suis prêt à mettre sous ses yeux les pièces justificatives.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette affaire au comité des contributions publiques.)
Messieurs, vous avez fait droit à une pétition qui vous fut présentée par les professeurs du collège de Juilly (1). M. FaUchet fit, à cette occasion, une motion relativement à la sup-
fcession des congrégations séculières et régu-ières ; vous la renvoyâtes à vos comités
d'instruction publique et des domaines réunis pour
Le comité d'instruction publique et celui des domaines se sont déjà occupés du projet qu'on vous demande, et dans huit jours ils seront en état de vous présenter le résultat de leur travail.
(L'Assemblée décrète que sous huitaine les comités d'instruction publique et des domaines réunis présenteront un projet de décret sur le parti définitif à prendre a 1 égard des congrégations chargées de l'éducation publique.)
, secrétaire, fait lecture d'une lettre de six députés de Vassemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, qui demandent à être admis à la barre, ainsi que du procès-verbal de leur nomination ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de vous mettre sous les veux les pouvoirs qui nous ont été donnés par l'Assemblée générale de la partie française ae Saint-Domingue ; en vertu de ces pouvoirs, nous demandons à être entendus. La précipitation de notre départ du Gap, la traversée périlleuse que nous avons faite, et les fatigues que nous avons éprouvées, ne nous ont pas permis de nous présenter plus tôt; nous réclamons pour ce retard l'indulgence de l'Assemblée, et la prions de vouloir bien nous entendre.
« Nous sommes avec respect, etc... « Signé : J. B. Millet, Chesneau de la Mégrière,
Cougnac-Mion, Lebugnet, Lagourgue, James
Roustan. »
M. le secrétaire donne ensuite lecture des pouvoirs.
Plusieurs membres : A deux heures ! (Oui ! oui !)
(L'Assemblée décide que les commissaires seront entendus à deux hèures.) (Voir ci-après p. 460.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, qui fait part à l'Assemblée de sa nomination au ministère de l'intérieur; cette lettre est ainsi conçue -
« Paris, le
:« Monsieur le Président,
« Le roi m'a appelé au ministère de l'intérieur, et je me suis cru obligé de répondre à sa confiance. Depuis le 13 juillet 1789, j'appartenais à la commune de Paris, je me consacre au service de la nation entière.
v Je ne parlerai à l'Assemblée nationale, ni de mes principes, ni de mes intentions ; j'ai fait mes preuves. Je connais la mesure de mon courage, je vais chercher celle de ma capacité. Je
promets de ne conserver ma place qu'autant que j'en pourrai remplir les devoirs.
« Je demande a l'Assemblée nationale sa bienveillance, et je la supplie de compter sur mon zèle,- ma loyauté et mon inviolable dévouement à la Constitution. (Applaudissements.)
« Je suis, etc.
« Signé : CAHIER DE GERVILLE. »
J'invite l'Assemblée à se retirer séance tenante dans les bureaux pour procéder à Vélection d'un vice-président.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et reprend sa séance une demi-heure après.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, présente un rapport et un projet de décret sur le mode d'échange des petits assignats de 5 livres (1); il s'exprime ainsi :
Messieurs, avant de vous présenter le résultat de son travail sur les (feux questions que vous lui avez renvoyées, votre comité des assignats et monnaies a cru devoir vous faire connaître l'état de la fabrication des assignats, et les mesures qu'il a prises pour accélérer celle des 300 millions de 5 livres ordonnée par votre décret du 1er novembre. Il a pensé que ces. détails étaient nécessaires pour vous nxer vous-mêmes et pour fixer les départements sur l'époque des échanges.
Les commissaires de l'Assemblée nationale constituante ayant conservé jusqu'au 31 octobre dernier la surveillance de la fabrication du papier et des assignats, vos commissaires n'en ont été chargés que le 1er novembre.
A cette époque,, l'impression des premiers 100 millions d'assignats ae 5 livres venait d'être achevée, mais il en restait encore beaucoup à imprimer pour terminer la fabrication des 600 millions ordonnée par le décret du 19 juin dernier. Ce restant à imprimer consistait en 104 millions 190,000 livres d'assignats; savoir, 15 millions 900,000 livres de 100 livres, 45 millions 990,000 livres de 60 livres, 42,300,000 livres de 50 livres. Cette impression, qu'il eût été inconvenant d'interrompre, sera unie au 10 du mois prochain, et,' selon l'usage, ces assignats seront déposés aux archives, pour être livrés au trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
Immédiatement après le décret du 1er novembre, votre comité a mis en usage tous les moyens convenables pour assurer à la nouvelle fabrication d'assignats toute l'activité que les circonstances réclament. Il fallait pourvoir à une plus grande fourniture de papier, procurer des emplacements au sieur Didot, et augmenter ceux destinés au timbre sec.
Les sécberies des fabriques de papier exigeaient des augmentations considérables ; un ingénieur des ponts et chaussées y a été envoyé pour en tracer le plan; et Mme Lagarde a mis, dans l'exécution, la plus grande diligence.
Les ateliers d'imprimerie avaient aussi besoin d'un local proportionné à leur accroissement
: le ministre des contributions publiques, sur la demande du comité, s'est empressé d y
pourvoir; et les administrateurs de la caisse de l'extraordinaire ont pourvu de leur côté aux
emplacements du numérotage et du timbre sec, dont il fallait doubler le mécanisme. Tous ces
travaux, dont on s'occupe à la fois, ne seront terminés que vers le 15 décembre prochain.
Imprimé au 10 novembre avec
3 presses.................. 8,000,000 liv.
Du 10 au 22 avec 4 presses.... 9,400,000 Du 22 au 15 décembre avec 6; 27,600,000
En tout au 15 décembre... 45,000,000 liv;
Alors commenceront les fournitures de papier convenues avec Mma Lagarde, et l'effet de 1 accroissement des presses. 3,500,000livres pourront, s'il le faut, être imprimés par jour; mais comme le numérotage et le timbre sec n'atteindront pas peut-être cette somme, et qu'on ne peut compter d'une manière positive que sur 2,500,000 livres, la fabrication se portera, du 15 au 31 décembre, à 40 millions ; ce qui formera un total de 85 millions 200,000 livres.
Sur cette somme, Messieurs, votre comité vous avait: demandé celle de 25 millions pour le service des caisses de l'extraordinaire et de la trésorerie nationale, le versement de cette somme ayant été ordonné par vos décrets des 11 et 28 de ce mois. Votre comité vous annonce qu'il se trouvera prêt au 1er janvier 1792 une somme libre de 60,200,000 livres en assignats de 5 livres sur les, 100 millions destinés à l'échange ; il vous annonce aussi que les 14,800,000 livres restants seront fabriqués au 8 du même mois.
Il sera donc possible de commencer les envois dans les départements au 15 décembre, et de les continuer de 10 en 10 jours.
Je passe maintenant, Messieurs, à l'objet principal de ce rapport.
Quel sera le mode d'échange des 100 millions d'assignats de 5 livres dans les départements et les-districts ?
Admettra-t-on à cet échange exclusivement les assignats de 2,000, de 1,000 et de 500 livres, ou les assignats de toute valeur y seront-ils admis? v : -:
Votre comité avait cru d'abord, Messieurs, n'avoir à statuer que sur la disposition de l'article 3 du décret du 1er novembre, qui n'appelle à l'échange que les assignats de 2,000 a 500; mais au moment de terminer son travail, vous lui avez renvoyé, par un nouveau décret, la proposition d'un membre de l'Assemblée, tendant à étendre {la faculté de l'échange aux assignats de toute valeur, et vous avez chargé le comité de comprendre dans son rapport l'examen de cette proposition.
Pour fixer vos idées sur la mesure que vous devez adopter, votre comité commencera par vous rappeler les motifs qui ont déterminé votre décret au 1er novembre; il mettra ensuite sous vos yeux les considérations qui l'ont déterminé lui-même à vous proposer des changements sur l'article 3 de ce décret. *. .
En décrétant que les assignats de 2,000 à 500 livres seraient exclusivement admis à l'échange, vous avez voulu vous hâter de dissiper les craintes sur le danger d'une contrefaçon difficile, mais possible. Vous avez pensé qu'en y admettant indistinctement tous les assignats, il serait
moins aisé d'extraire de la circulation ceux qu'il importe le plus d'en ôter.
Ces motifs et ces appréhensions ont été sentis dans le comité. Il est facile en effet de concevoir que le moyen le plus sûr d'attirer promptement les assignats de 2,000 à 500 livres, c'est d'offrir à leurs détenteurs les valeurs les plus séduisantes. Il semble même qu'on ne peut autrement assurer le succès d'opération ; car, si les assignats de 5 livres doivent aussi servir à échanger ceux de 50 à 300 livres, la quantité beaucoup plus grande de ces derniers aura bientôt épuisé les caisses d'échanges et les autres ne seraient pas retirés.
Aussi, Messieurs, votre comité se serait-il interdit toute réflexion sur une autre manière d'échanger les assignats de 5 livres, s'il n'avait remarqué que votre intention était en même temps de les répandre, avec profusion, dans toutes les mains, et d'assurer à tous les citoyens une part égale aux avantages de cet échange.
C'est en examinant la question sous ces deux rapports, que votre comité a cherché et qu'il a trouvé le moyen de remplir vos vues et l'attente du public, par un procédé aussi facile à saisir qu'a exécuter.
11 fallait connaître d'abord à quelle somme s'élevaient les gros assignats encore en circulation, et votre comité a vu que si les échanges ordonnés par l'Assemblée nationale constituane étaient entièrement consommés, il ne devait, y en avoir, dans ce moment, que pour une somme d'environ 107 millions; mais ces échanges s'effectuant tous les jours par les caisses publiques, et par la vente non interrompue des biens nationaux, il ne faut pas croire que la totalité de 6eux de 5 livres soit nécessaire pour les faire entièrement disparaître.
Pour douter de cette nécessité, il ne faut que songer à la perte qu'éprouvent, dans les départements, les assignats de 2,000 et 1,000 livres, en échangé, non pas contre du numéraire, mais contre de petits assignats autres que ceux de 5 livres ; il ne faut que songer à l'embarras, à l'inquiétude qu'ils causent a ceux qui, ne pouvant les employer en un seul payement, se voient quelquefois exposés aux poursuites des créanciers, ou à la rigueur des privations, ou à la nécessité des emprunts, par la difficulté de l'échange, ou par les sacrifices qu'il exige.
Offrir donc à cet échange des assignats de 50 à 300, c'est garantir la certitude de les retirer de la circulation aussi promptement qu'on le désire.
Oh! Messieurs, les moyens s'en présentent bien naturellement en adoptant l'échange indéfini?. En retour d'assignats de 5 livres, il en sera donné de 50 à 300 livres; alors, avec la même caisse commence un double échange. L'un pour les valeurs de 50 à 300 livres contre celles de 5 livres, l'autre pour les valeurs de 500 à 2,000 contre celles de 50 à 300 livres; et par ce jeu bien simple et constamment répété, vous parvenez à remplir les deux grandes vues dont l'échange est l'objet, vous contentez tous les citoyens, et vous mettez le comble au bienfait de l'émission.
Votre comité a considéré, en effet, comme un bienfait sollicité par la nation entière, l'échange des assignats de 5 livres. En exclure ceux de 50 à 300 livres, c'est exclure de la jouissance du bienfait, la classe des citoyens la plus digne d'y avoir part, celle vers laquelle vos regards sont constamment tournés ; c est le préparer à l'indignation de voir passer, dans les mains de ceux
qui serrent le numéràire et le vendent, les assignats de 5 livres qu'ils serreront aussi et qu'ils vendront; c'est subitement discréditer les petits assignats qui, jusqu'à, ce moment, ont le moins perdu en échange du numéraire et donner à ceux ae 2,000 à 500 livres, un prix que les accapareurs sauront bientôt y mettre, pour jouir seuls du privilège exclusif.
On dira peut-être que l'échange des assignats de 5 livres, dans les départements et les districts, ne sera pas à l'abri de l'arbitraire et de l'abus; qu'il y aura des préférences et des exclusions selon les caprices des administrateurs ; que le peuple n'y participera pas davantage ; que les administrateurs se plaindront de cet accroissement de travail utile et momentané. Eh bien ! Messieurs, en supposant que ces abus et ces difficultés existent; en supposant que, malgré vos précautions, quelques officiers du peuple oublient un moment leurs devoirs, vous aurez du moins rempli les vôtres, en assurant à tous les citoyens les droits qu'ils ont à cette faveur. Mais pourquoi soupçonnerions-nous les administrateurs d'être moins jaloux que nous d'acquitter leurs obligations, lorsque nous recevons chaque jour les témoignages les moins équivoques de leur zèle.
On dira encore peut-être que l'envoi des 100 millions d'assignats de 5 livres, dans les départements, causera une forte dépense en frais de transports. Lorsqu'une mesure est commandée par le bien public, on doit moins regarder à ce qu'elle a de pénible, qu'à ce qu'elle a d'utile et d'indispensable. Peut-on calculer avec l'embarras des campagnes, dont nous voyons, depuis trop longtemps, les travaux ralentis ou suspendus par la difficulté de salarier les bras nécessaires; avec les manufactures dont les ateliers ne sont garantis de la langueur que par un renchérissement excessif des ouvrages ; avec les citoyens qui, pour satisfaire à des besoins journaliers, sont obligés à des sacrifices sans cesse réitérés. Si, pour se dispenser de l'envoi des armes dans les départements et les districts, on eût fait valoir la raison de l'économie et des frais de transport, jusqu'où les fanatiques et les mauvais citoyens n'auraient-ils pas porté leur insolence et leurs excès ?
Croyez-bien, Messieurs, que la pénurie des petites valeurs, dans les campagnes, dans les mains du peuple, est un sujet de murmures, un moyen dont les hypocrites, qui le trompent et le séduisent, savent cruellement profiter. Hâtons-nous donc de disséminer nos petits assignats, hâtons-nous de porter à nos Concitoyens un remède à des maux que nous avons partagés avec eux, il y a peu de jours, et que nous leur avons tous promis de guérir.
A ces considérations générales, votre comité en ajoutera une d'un intérêt plus général encore. C'est le payement des contributions publiques qu'on ne Voit s'opérer qu'avec la plus grande lenteur. Peut-on douter que la rareté des petites valeurs n'y soit le plus puissant obstacle ? Car, Messieurs, c'est le peuple, ce sont les citoyens laborieux qui payent les contributions, eux seuls, amis constants de la Constitution, acquittent avec exactitude leur dette envers la patrie, tandis que les riches mécontents vont porter sur une terre étrangère les fruits de l'industrie et des sueurs des bons citoyens. C'est donc dans leurs mains qu'il faut faire parvenir directement ces petites valeurs, pour féconder leur zèle et leur patriotisme.
Une caisse d'échange a été établie à Paris : on
proposera peut-être d'en accroître l'activité? Mais cet établissement, accusé sans cesse ou calomnié, offre-t-il aux départements et aux municipalités éloignées de la capitale, des moyens prompts et faciles? Tous les citoyens y sont-ils admis? La plupart dès municipalités en ignorent l'existence, et les citoyens sans ateliers n'y aboutissent point.
Votre comité, Messieurs, déterminé par ces motifs, s'est donc arrêté à l'échange indéfini des assignats contre ceux de 5 livres, dans les départements et les districts. 11 en a calculé les inconvénients et -lès avantages, et il a vu que les derniers l'emportaient de beaucoup sur les autres.
Trois bases de répartition pouvaient vous être proposés : l'une, les contributions foncière et mobilière,* l'autre, la population; l'autre enfin, la représentation nationale fondée sur les deux autres. Votre comité vous propose la première comme réunissant dans une plus grande étendue, l'égalité et la justice dans la répartition. Il s'était arrêté d'abord à la représentation nationale, mais, considérant que cette base est fondée en partie sur le territoire, et que le territoire n'est pas ici la mesure des droits ; votre comité vous propose d'adopter celle des contributions directes.
A ces dispositions pour la répartition et l'échange des assignats de 5, livres, votre comité aurait désiré, Messieurs, pouvoir vous en proposer sur l'échange des monnaies dont la grande circulation doit être le complément de cette heureuse opération. Get objet important, Messieurs, est dans ce moment celui de l'attention la plus sérieùse de votre comité. Il vous présentera incessamment des détails sur les progrès dé la fabrication des monnaies, et il vous rendra compte aussi des expériences qui vont être faites sous vos yeux par les artistes qui vous ont présenté leurs projets. Enfin, Messieurs, si lé comité reconnaît que la fabrication des monnaies, ne peu atteindre l'étendue et l'urgence des besoins, il Vous proposera d'adopter lé projet d'émission d'Uné petite monnaie en papier dont l'effet comblera tous les vœux.
Je n'ajouterai qu'une observation sur les sommes en assignats de 5 livres, qu'il me semble nécessaire d'accorder aux villes de Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Rouen, La Rochelle et autres grandes villes, etc., indépendamment de celle qui doit leur être attribuée dans la répartition des 100 millions. Votre comité vous proposera à cet égard un projet particulier dont l'exécution pourra avoir lieu après l'envoi dans les départements.
PROJET DE DECRET.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des assignats et monnaies, considérant qu'il est de sa sollicitude de retirer de la circulation des assignats de 2,000 à 500 livres,et de procurer à tous les citoyens les moyens les plus prompts de suppléer à la rareté du numéraire par l'écnangedelOO millions d'assignats de 5 livres dans les départements et les districts, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. Ier. Les 100 millions d'assignats de 5 livres destinés, par le décret du 1er novembre, à l'échange des assignats de plus forte somme, seront répartis entre les 83 départements, d'après les bases de la contribution foncière et mobilière,
suivant le tableau de répartition qui en sera formé.
« Art. 2. La somme en assignats de 5 livres attribuée au service des caisses de l'extraordinaire et du Trésor public, sur les 100 millions destinés à l'échange, sera remplacée sur les 300 millions, dont la fabrication a été ordonnée.
« Art. 3. Le commissaire du roi, chargé de la caisse de l'extraordinaire, adressera à chacun des directoires de département, par la même voie et de la même manière que les fonds destinés aux traitements des fonctionnaires publics, la somme qui lui reviendra en assignats dé 5 livres, conformément au tableau qui lui sera . remis.:1 - - Hl ïif § - \% ■■ îf-, '. ■ ^ ; j.' ?
« Art. 4. Les envois d'assignats dans les départements, commenceront le 15 décembre prochain et seront continués de 10 en 10 jours, jusqu'à concurrence définitive de 75 millions.
« Art. 5. A la réception du présent décret, auquel sera joint le tableau de repartition entre les départements, les directoires de département feront entre leurs districts, èt sur la base des contributions directes, la répartition de la somme qui leur sera attribuée. Le tableau de cette répartition sera rendu public, par la voie de l'impression, dans l'étendue de leur territoire.
« Art. 6. Les directoires de district fixeront un certain nombre de jours par semaine destinés à l'échange des assignats ae 5 livres; ils feront connaître la somme qui devra être échangée chacun de ces jours pour un nombre déterminé de municipalités, qui en seront prévenues à l'avance.
« Art. 7. Les citoyens qui auront des assignats à échanger, se rendront au directoire du district, munis d un certificat de leurs officiers municipaux, qui constatera leur domicile et profession; le directoire formera une liste nominative de personnes et de valeurs d'assignats. Cette liste sera portée au receveur, qui ne pourra faire d'autres échanges que ceux y énoncés.
« Art. 8. Tous lés citoyens, sans exception, seront admis aux échanges. Les directoires auront égard aux cultivateurs qui justifieront avoir entrepris des travaux sur leurs possessions, ainsi qu'aux fabricants et chefs d'ateliers en proportion du nombre de leurs ouvriers.
« Art. 9. Les assignats de 5 livres seront donnés en échange d'assignats de toute valeur.
« Art. 10. Les assignats de 50 livres jusqu'à 300 livres reçus en échange, seront particulièrement employés à échanger ceux de 2,000, dé 1,000 et de 500 livres concurremment avec ceux de 5 livres ; mais il ne pourra en être donné de ces derniers que pour 300 livres au plus pour ceux de 2,000 livres, et en proportion pour les autres.
« Art. 11. Les assignats de 2,000, de 1,000 et de 500 livres reçus en échange, seront, à mesure de leur rentrée, et en présence des porteurs, marqués d'un timbre et annulés.
« Art. 12. La durée des échanges ne pourra être de plus d'un mois, à compter du jour de la réception du dernier envoi d'assignats de 5 livres. Dès lors tous les assignats restant chez le receveur, après l'épuisement total de ceux de 5 livres, seront annules.
« Art. 13. Ne pourront les receveurs de district faire aucun échange d'assignats de 5 livres que sur l'ordre ou le visa des directoires de district, et les directoires de district ne viseront ou n'ordonneront des échanges que sur des listes nominatives de personnes èt de valeurs.
« Art. 14. Les listes d'échange seront chaque dimanche affichées dans les lieux accoutumés de la ville chef-lieu.
« Art. 15. Le comité d'assignats et monnaies présentera incessamment un projet sur la somme d'assignats de 5 livres qui devra être attribuée aux échanges particuliers des villes de Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Rouen, La Rochelle et autres villes principales de commerce, indépendamment de leur part à la répartition des 100 millions.
« Art. 16. Les receveurs de district adresseront, tous les 8 jours, au trésorier de la caisse de l'extraordinaire les assignats annulés provenant de l'échange, lesquels, sous aucun prétexte, et à peine de responsabilité de leur part, ne pourront être confondus avec ceux provenant du produit des biens nationaux.
« Art. 17. Les directoires de district feront passer tous les 8 jours aux directoires de département, et ceux-ci au trésorier de la caisse de l'extraordinaire, l'état des assignats annulés.
« Art. 18. Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire en rendra compte, tous les 8 jours, à l'Assemblée nationale.
« Art. 19. Les assignats annulés provenant des échanges seront brûlés publiquement en présence des commissaires du comité des assignats et monnaies, de la même manière que ceux provenant du produit des biens nationaux. » v
Un membre : Je demande que le rapport et le projet du comité soient imprimés et distribués, afin que chacun dé nous puisse en prendre une connaissance suffisante pour la délibération. (.Appuyé ! appuyé.')
J'appuie cette demande, mais j'ai une observation à vous présenter. Le rapport du comité semble supposer;que la somme de 15,000, 000 que vous avez accordée à la trésorerie nationale par votre décret du 28 de ce mois suffit à ses besoins, tandis que j'ai une note qui prouve que pour 10 jours seulement, il a fallu 17 millions. La guerre en nécessite 3,500,000 livres par mois,1a marine 1,200,000 livres et les échanges de M. Delamarche 4,800,000 livres. M. Delamarche est obligé d'employer journellement aux échanges qiril fait, non pour Paris, mais pour les départements, 150,000 livres qu'il reçoit tous les jours de la caisse de l'extraordinaire ; or, votre dernier décret paraît interdire à la trésorerie nationale toute disposition autre que celle dé sa caisse, et les commissaires ne peuvent plus se permettre de verser, en conformité de la loi de rétablissement de l'échange, 150,000 livres dans la caisse de M. Delamarche. Cependant, Messieurs, comme l'échange qui s'opère à la caisse de M. Delamarche est très important et très pressant,'vous sentez combien if serait dangereux de faire manquer tout de suite un échangé comme ce-lui-là.
Je demande, au nom des commissaires de la trésorerie nationale, que vous leur donniez provisoirement une autorisation spéciale de continuer à faire ce versement de 150,1)00 livres par jour, sur les 15 millions que vous avez accordés, jusqu'à ce que l'Assemblée ait décrété de nouvelles mesures pour remplacer le mode des échanges.
Les observations de M. Guyton-Morveau sont marquées au coin de la sagesse. Je demande que l'Assemblée y fasse droit; d'un autre côté, il me paraît de la plus haute évidence que nous serons obligés cle convertir les
gros assignats en petits ; je crois prudent de faire préparer tout de suite le papier qu'il faudra pour leur fabrication. En conséquence, je demande que le ministre des contributions publiques soit chargé de proposer incessamment à l'Assemblée, les moyens de pourvoir à une fabrication de papier de petits assignats suffisante pour tous les échanges qui seront jugés nécessaires.
La demande du préopinant me paraît inexécutable. Quel serait le papier dont on préparerait la fabrication ? Serait-ce du papier ae 100 livres ? on n'en veut plus. Serait-ce de celui de 100 sous ? on travaille à en faire pour 300 millions. Cette fabrication ne sera pas achevée au 1er janvier. Avant d'en ordonner une nouvelle fabrication, il faut que vous déterminiez des petites valeurs d'assignats. Je m'oppose donc à-la proposition de M. Thuriot. Quant à celle de M. Morveau, je crois que vous devez continuer le provisoire accordé à M. Delamarche, car M. Delamarche ne fait des échanges que sur le visa des municipalités pour le besoin des cultivateurs et des fabricants. Je demande l'ajournement et l'impression du rapport du comité, et en outre l'impression et la distribution de l'état de répartition qui a été faite des 94 millions déjà consommés, afin que chaque député puisse connaître si cette répartition a été légitimement et également faite, et si son département a eu une part complète dans la répartition.
Un membre : Je demandé l'ajournement de la motion de M. Thuriot, jusqu'au jour où l'on discutera le projet du comité.
(L'Assemblée ajourne la discussion à samedi, ordonne l'impression du rapport, du projet de décret et des états d'échange a la trésorerie nationale (1), ajourne la motion de M. Thuriot lors de la discussion du projet du comité, et décrète la motion de M. Guyton-Morveau, sauf rédaction. )
Suit la teneur du décret rendu sur la motion de M. Guyton-Morveau, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-vernal :
« L'Assemblée nationale, considérant que le service de la caisse des échanges est sur le point de manquer, décrète qu'il y a urgence. g
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrété que les commissaires de la trésorerie nationale sont autorisés à fournir, commè ci-devant, des assignats dé cinq livres a la caisse des échanges du sieur Delamarche, sur les 15 millions dont le versement a été ordonné , à la trésorerie, par décret du 28 de ce mois, et ce, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. »
Un membre J Je demande à faire une motion particulière. L'intérêt public sollicite un décret sur le partage à faire des communaux dans les différents départements : La cherté des subsistances en démontre la nécessité et dans plusieurs parties du royaume, les usagers se les sont déjà appropriés et partagés. J'invoque une prompte décision de l'Assemblée sur cet objet.
Un membre .- Ce partage est infiniment délicat; il dépend principalement de la
connaissance des localités, et cette connaissance, nous ne pouvons l'acquérir si rapidement.
Dé plus, la proposition me paraît imprudente et impolitique clans un moment où la
fermentation éclate pour ainsi dire de toutes pàrts. Les paysans des campagnes,
(L'Assemblée prononce l'ajournement.)
jeune. 11 existe un abus que l'Assemblée doit chercher à réprimer dans le service de la poste. Lorsque des particuliers envoient à leurs correspondants des assignats dans une lettre chargée, quelle qu'en soit la valeur, si ces assignats sont perdus en route, il est constant que la poste n'est tenue de rembourser que 30Q livres. Je ne demande pas que l'on augmente la charge de l'administration des postes et qu'on la force de payer davantage ; mais je demande que l'Assemblée prenne à cet égard les mesures qui peuvent assurer la circulation du papier-monnaie. j'ai reçu, à ce sujet, un plan qui me paraît très bien fait, mais que je ne veux pas présenter à l'Assemblée avant qu'elle ait entendu là-dessus son comité ; voici la motion que je propose :
« Le comité des assignats est charge de s'occuper incessamment des mesures à prendre pour assurer aux citoyens les moyens de faire parvenir à leurs correspondants, des sommes quelconques en papier-monnaie? en remplacement de celles qui existent, et qui n'obligent l'administration des postes qu'à un remboursement de 300 livres pour les assignats de toute valeur, qui se seraient égarés dans le service des postes. »
(L'Assemblée décrète cette motion.)
annonce qu'aucun membre n'a obtenu la pluralité absolue des suffrages pour la vice-présidence et invite l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procéder à un deuxième tour de scrutin.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et rentre en séance une demi-heure après.)
, secrétaire, donne lecture des lettres et adresses suivantes :
1° Adresse des citoyens de la ville de Sézanne ; elle est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Les mesures sages et fermes que Vous avez prises contre les conjurés rassemblés au delà du Rhin, et contre les prêtres non sermentés, vous assurent la confiance et les applaudissements de tous les vrais amis de la liberté. Nous vous invitons à conserver cette attitude noble et fière, qui seule peut faire trembler les factieux, et respecter la nation puissante que vous représentez.
« Il existe, vous n'en pouvez douter, des ennemis intérieurs, qui, sous le prétexte perfide d'intérêts religieux, cherchent à servir leur haine contre la Constitution et la félicité publique. Votre serment les forcera sans doute au silence et à l'inaction : continuez d'écarter toutes considérations présentées par une philosophie naissante, dont les calculs sont impolitiques, et ne perdez jamais de vue que dans des moments de conspiration évidente contre la sûreté de l'Etat, ce ne sont pas les convenances, mais le salut de la patrie qu'il faut consulter pour le soutien de vos vues sages et bienfaisantes. Comptez sur notre amour, notre patriotisme et nos armes. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète l'insertion et la mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
2° Lettre des sieurs Fassin et Dandré, députés extraordinaires des citoyens d'Arles; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Nous venons d'apprendre que des hommes se disant députés par 500 citoyens d'Arles, se sont présentés à la barre de l'Assemblée, et lui ont remis un mémoire sur les affaires de cette ville. Nous sommes chargés des affaires de la presque totalité des citoyens d'Arles. Nous remettons ces pouvoirs au comité des pétitions ; nous espérons que l'Assemblée nationale voudra bien ordonner que le mémoire qu'elle a renvoyé à son comité des pétitions nous sera communiqué pour répondre s'il y a lieu. t «.Nous sommes, etc.
« Signé : Fassin, Dandré. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)
3° Lettre de M. Amelot, qui annonce qu'il sera brûlé, vendredi prochain, pour 7 millions d'assignats provenant des rentrées sur les domaines nationaux, qui, joints aux 337 millions déjà brûlés, forment un total de 344 millions. '
4° Lettre de M. Artier, consul de France à Lar-naca, dans Vile de Chypre, qui envoie l'acte de
S restation de serment de M. Pierre-Paul-Henri arnier, agent de la nation à Satalie ; cette lettre est adressée à M. le Président et est ainsi conçue :
« Monseigneur,
« J'ai eu l'honneur de vous adresser, le 15 du mois de mai dernier, l'acte du serment que j'ai fait, en obéissant à la loi du 17 septembre 1790, sanctionnée par le roi le 15 novembre suivant, et qui constate aussi celui des Français en cette échelle.
« J'ai reçu depuis celui qu'a fait M. Pierre-Paul-Henri Garnier, agent de la nation à Satalie, et je le joins ici en vous renouvelant l'assurance de notre attention à nous conformer exactement aux décrets de Nosseigneurs les représentants de l'Assemblée nationale, en adressant mes vœux au ciel pour leur conservation. « Je suis, etc.
« Signé : artier. »
, au nom du comité de l'examen des comptes, fait lecture d'un projet de décret sur le plan de travail de ce comité (f ) ; ce projet de décret est ainsi conçu :
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 examen des comptes, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les fonctions du comité de l'examen des comptes
consistent à vérifier et arrêter, sur registres, livres, journaux et pièces, tous les comptes
définitifs non jugés ni apurés, qui sont ou doivent être présentés au Corps législatif
d'après les décrets existants.
« Art. 2. Tous les comptes qui doivent être vérifiés et arrêtés par le Corps législatif,
passeront préalablement par devant le bureau ae compta-'
« Art. 3. Le comité présentera toujours à l'Assemblée nationale le résultat des vérifications qu'il est chargé de faire.
« Art. 4. Il se concertera avec le ministre des finances pour accélérer le plus possible la reddition de tous les comptes des finances de la nation, qui sont arriérés, toujours en se conformant au mode décrété. »
Ce soir, les commissaires que vous avez chargés d'élaborer un nouveau plan d'organisation des [comités de finances, s assemblent, et nous espérons vous présenter bientôt un plan général d'organisation des comités de finances. Je vois, par le premier article qui vous est présenté, que l'on tend à vous faire déterminer quelles seront les fonctions du comité chargé de rexamen dés comptés. Ce décret ne peut pas être rendu par l'Assemblée nationale, qu'elle n'ait entendu le résultat du travail des commissaires nommés par les comités. Je demande donc l'ajournement du projet de décret, après le travail que vous présentera le comité que vous avez chargé de vous proposer une nouvelle formation de tous les comités des finances. (L'Assemblée ordonne l'ajournement.)
J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée qu'au 2e tour de scrutin pour la vice-présidence, M. Lemontey a obtenu 211 voix sur 397 votants : en conséquence, je le proclame vice-président.
Les députés de rassemblée générale de la partie française de Saint-Domingue sont admis à la barre, en vertu d'un décret rendu au commencement de la séance.
, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Messieurs (1), l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue nous a nommés les commissaires auprès de vous.
A ce titre, le premier de nos devoirs est de tous assurer de son attachement inviolable à la métropole, avant de vous peindre les événements affreux qui dévorent cette portion intéressante de l'Empire, et dé solliciter les secours les plus prompts et les plus puissants pour en sauver, s'il est possible encore, les malheureux débris.
Depuis longtemps, nous prévoyions les maux qui nous frappent et qui, sans doute, nous anéantiront si la puissance et là justice nationale ne viennent rapidement nous secourir.
Nous venons vous en offrir le détail, qui ne vous donnera cependant qu'une idée imparfaite de nos désastres et de notre situation.
L'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, après s'être constituée à Léo-gane, avait désigné la ville du Cap pourla tenue ae ses séances. Les députés s'y rendaient successivement pour y remplir leur mission. .
Quelques-uns d'eux arrivèrent le 16 au quartier du Limbé, distant de 6 ,lieues du Cap; ils y furent témoins de l'incendie d'une case à Bagasse, sur l'habitation Chabaud.
L'incendiaire était un nègre commandeur de l'habitation Desgrieux ; ce nègre, armé d'un sabre, s'évadait: M. Chabaud le voit, le poursuit et l'atteint. Combat entre eux, le nègre est blessé, capturé et mis aux fers.
On l'interroge, il dépose que tous les commandeurs, cochers, domestiques et principaux
La municipalité du Limbé se transporte chez M. Chabaud ; mêmes questions au nègre incendiaire, mêmes réponses. La municipalité en dresse procès-verbal, l'envoie à l'assemblée provinciale du nord, prévient les habitants du quartier, indique au procureur l'habitation Flaville, le nom des conjurés qui sont chez lui, l'invite à s'en assurer et à les traduire à la conciergerie du Cap.
Celui-ci, plus confiant que soupçonneux, sensible et bon, rassemble les nègres soumis à son administration, leur communique l'avis de la municipalité, leur dit qu'il ne peut croire un complot aussi atroce, et leur offre sa tête s'ils la désirent ; tous lui répondent que la déposition du commandeur de l'habitation Desgrieux est une imposture odieuse et lui jurent un inviolable attachement ; il eut la faiblesse d'y croire ; cet excès de confiance nous a perdus. La municipalité du Limbé requiert M. Planteau, procureur de l'habitation Blin, de lui représenter le nègre Paul. Cet esclave interrogé répond que l'accusation portée contre lui est fausse et calomnieuse, que, plein de reconnaissance pour les bontés de son maître, dont il reçoit tous les jours de nouveaux bienfaits, on ne le verra jamais tremper dans les complots tramés contre l'existence des blancs et contre leurs propriétés.
A la faveur de cette déclaration perfide [et sur l'assurance que donne M. Planteau, que ce nègre mérite confiance, il est relâché.
Les choses restèrent dans cet état jusqu'au 21, que la force publique du Limbé, sur la réquisition de la municipalité, se transporta sur 1 habitation Desgrieux pour arrêter le nègre cuisinier, dénoncé comme un des principaux chefs. Le nègre s'évade, va trouver le nègre Paul, de l'habitation Blin, et de concert avec les autres conjurés, ils préparent le fer et la torche destinés à l'exécution de leurs horribles projets.
Dans la nuit du 22 au 23, 12 nègres vont à la sucrerie de l'habitation de Noé a l'Acul, saisissent l'apprenti raffineur et le traînent devant la maison principale où il expire sous les coups dont il le percent, ses cris font sortir le procureur de l'habitation : il est renversé de deux coups de fusil. Les scélérats marchent vers l'appartement du raffineur; l'assassinent dans son lit, frappent à coups de sabre un jeune homme malade couché dans une chambre voisine, qui, laissé pour mort, se traîne cependant sur l'habitation limitrophe, où il apprend les horreurs dont il a été témoin, et annonce que le chirurgien a été seul épargné ; exception qui s'est renouvelée à l'égard de presque tous les chirurgiens, dont les nègres avaient calculé que les secours pouvaient leur dévenir utiles. '
Les brigands courent ensuite sur l'habitation Clément et y tuent le propriétaire et le raffineur.
Le jour commence à paraître, et il favorise la réunion des scélérats qui parcourent toute la plaine avec des cris affreux, incendient les maisons, les cannes^ et égorgent les habitants.
Dans la même nuit, la révolte avait éclaté sur les 3 habitations de Galifet; les noirs de l'une de i ces habitations pénètrent, les armes à la main,
dans la chambre du raffineur, veulent l'assassiner et ne le blessent qu'au bras : l'obscurité le favorise, il s'échappe, il fuit et arrive à l'habitation principale. Les Dlancs qui y sont attachés, se réunissent pour se défendre. M. Odeluc, membre de l'assemblée générale et procureur des biens Galifet, vient au Gap et y dénonce la révolte de ses noirs. On le fait accompagner de la maréchaussée, elle parvient à l'habitation, s'empare des chefs, et les conduit à la ville, M. Odeluc à leur tête. Il repart sur-le-champ avec 20 hommes armés, pour rétablir le calme et maintenir l'ordre. Mais tous les nègres se réunissent et l'assaillent. Ils avaient pour bannière le cadavre d'un enfant blanc empalé au bout d'une pique. M. Odeluc, s'adressant alors à son nègre cocher, devenu l'un des chefs, lui dit « : Malheureux, je ne t'ai jamais fait que du bien, pourquoi veux-tu nia mort? — Cela est vrai, répond-il, mais j'ai promis de vous égorger, » et à l'instant mille coups lui sont portés. La majeure partie des blancs périt avec lui, et notamment M. d'Ave-roult, aussi membre de l'assemblée générale.
Dans le même moment, l'atelier Flaville, celui-là même qui avait juré fidélité au procureur, s'arme, se révolté, entre dans les appartements des blancs, én massacre 5 attachés à l'habitation. La femme du procureur demande à genoux la vie de son mari, les nègres sont inexorables, ils assassinent l'époux en disant à l'épouse infortunée qu'elle et ses filles sont destinées à leurs plaisirs.
M. Robert, charpentier, employé sur la même habitation, est saisi par ses nègres, qui le garrottent entre deux planches et le scient avec lenteur.
Un jeune homme de 16 ans, blessé dans deux - endroits, échappe à la fureur des cannibales, et c'est de lui que nous tenons ces faits. Là les torches succèdent aux poignards : on met le feu aux cannes de l'habitation, les bâtiments suivent de près. C'est le signal convenu; la révolte est annoncée ; elle éclate avec la rapidité de l'éclair sur les habitations adjacentes : autant de blancs qu'on aperçoit, autant de victimes égorgées : hommes, femmes, enfants, vieillards, tous expirent distinctement sous le couteau des assassins.
Un colon est égorgé par celui de ses nègres qu'il avait comblé de bienfaits; son épouse, jetée sur son cadavre, est forcée d'assouvir la brutalité de ce scélérat.
M. Cagnet, habitant de l'Acul, voulant échapper à tant de fureurs, s'émbarque pour le Gap ; son nègre domestique sollicite la permission de le suivre; cette marque d'attachement détermine son maître à l'engager à rester pour veiller sur son habitation et tacher de la préserver; il le promet; mais à peine M. Cagnet a-t-il le pied à bord, qu'il voit cet esclave la torche à la main et portant le feu dans ses propriétés.
Des exprès sont dépêchés vers la ville du Cap, aussitôt elle envoye des citoyens armés et des troupes de ligne ; ils se transportent vers le plus fort rassemblement, et détruisent une partie, mais, reconnaissant que le nombre des révoltés s'accroît en raison centuple de leurs pertes, et trop faibles popr résister, ils se replièrent en attendant de nouveaux secours, qui n arrivèrent que dans la nuit, sous les ordres de M. de Touzard, qui prit le commandement de la petite armée.
M. de Toùzard, apercevant que les révoltés se ralliaient sur l'habitation Latour, s'y transporta. Ils pouvaient être de 3 ou 4 mille : à l'instant de
faire jouer l'artillerie pour dissiper cet attroupement, les nègres feignirent de vouloir se rendre. M. de Touzard s'avança, une foule d'entre eux assure ce commandant qu'ils allaient se rendre à leurs devoirs, il crut a leur repentir et se retira; l'humanité, l'intérêt de la colonie lui en faisaient un devoir ; mais il ne tarda pas à être désabusé ; les nègres ne se divisèrent que pour aller se grossir de tous les ateliers des environs. L'armée était rentrée en ville pour faire de nouvelles dispositions propres à arrêter le désordre : les révoltés profitèrent de cet intervalle pour mettre le comble à leurs brigandages. Les communications avec les quartiers adjacents étaient interrompues; nous y craignions les mêmes désordres; nos craintes furent bientôt confirmées. Nous apprîmes, par des personnes échappées par mer, que le Limbé, Plaisance, le port Margot étaient en proie aux mêmes horreurs, et chaque citoyen, en nous apprenant ses malheurs, nous découvre de nouveaux forfaits.
M. Potier, habitant du port Margot, avait appris à lire et à écrire kson nègre commandeur; il lui avait donné la liberté dont il jouissait; il lui avait légué 10,000 livres qu'on allait lui payer, il avait donné pareillement à la mère de ce nègre une portion de terre sur laquelle elle recueillait du café ; le monstre soulève l'atelier de son bienfaiteur et celui de sa mère, embrase et consume leurs possessions, et pour cette action il est promu au généralat.
A la,Grande-Rivière, un habitant, M.Gardineau, avait deux enfants naturels, de couleur, à qui il avait donné la liberté, et dont il avait soigné l'enfance avec la plus tendre sollicitude; ils se présentent à lui, le pistolet sur la gorge, lui demandent son argent; il consent à leur demande; à peine en sont-ils saisis qu'ils le poignardent.
A l'Acul, M. Ghauvet-Du-Breuil, député à l'assemblée générale, est assassiné par un mulâtre de 16 ans, son fils naturel à qui il destinait sa fortune après l'avoir affranchi dès son adolescence.
A la grande ravine du Limbé, un colon, père de deux jeunes demoiselles blanches, est garrotté par un griffe, chef d'une bande; il viole l'aînée en sa présence, donne l'autre à l'un de ses satellites : leur passion satisfaite, le père et les filles sont égorgés. M. et Mm0 Bâillon, leur gendre et leur fille, encouragés par leurs nègres, demeurent sur leur habitation; mais les brigandages de ceux dans lesquels ils avaient plus de confiance, les avertissent qu'il est temps de fuir.
La nourrice de Mme Bâillon le jeune lui avoue qu'il n'y a même pas un instant a perdre, et elle s offre a l'accompagner; un vieux serviteur s'engage à guider leurs pas ; heureusement la nourrice de Mm0 Bâillon était femme de Paul Belin, l'un des généraux nègres, et elle en avait obtenu des aliments pour ses maîtres. Il avait même promis, d'après ses instances, de faire trouver dans un embarcadère éloigné un canot pour transporter ces fugitifs au Cap; mais quelle fut leur douleur en voyant un petit esquif sans mât, sans rames et sans conducteur; l'un d'eux tente de s'embarquer, la frêle nacelle se renverse, et ce n'est qu'avec la plus grande peine qu'on lui sauve la vie. Nouvelles sollicitations au nègre Paul, sa femme lui reproche la manière dont il a rempli sa promesse; il répond qu'il n'avait donné ce moyen que comme un genre de mort préférable à celui que les révoltés préparaient à ces iofortunés, que ce récit glace d'effroi!... Leur désespoir réveille leurs forces, ils se mettent en
marche et après 21 jours, pendant lesquels ils n'ont pu faire qu'environ 5 lieues au milieu des terreurs, ils arrivent au camp du port Margot d'où ils se sont rendus au Cap.
Pendant ce temps, la flamme se portait de toutes parts ; la petite anse, la plaine du nord, le quartier Morin, Limonade, n offrent que des monceaux de cendres et de cadavres.
Il semble qu'on ne pourrait rien ajouter à l'horreur de ces tableaux; cependant, Messieurs, les traits en deviennent plus effroyables lorsque l'on voit que les esclaves les mieux traités par leurs maîtres, ont été l'âme de la révolte. Ce sont eux qui les ont trahis et qui les ont livrés aux fers des meurtriers ; ce sont eux qui ont séduit et soulevé les ateliers fidèles ; ce sont eux qui ont égorgé ceux qui refusaient de devenir leurs complices. Quelle leçon pour les amis des noirs! quelle épreuve déchirante pour les colons eux-mêmes, à qui l'avenir n'offrirait que des motifs de désolation, si quelques esclaves n'avaient donné, au milieu de tant de crimes, des preuves d'une fidélité inviolable, et prouvé d'une manière éclatante qu'ils detestaient les séductions de ceux qui voulaient les envoyer à la mort en leur promettant la liberté. Ils l'ont obtenue cette liberté, mais de leurs maîtres, mais pour prix de leur fidélité, et les représentants de la colonie l'ont ratifiée au milieu des transports de la reconnaissance universelle.
Reprenons le récit de nos désastres. A cette époque, 100,000 nègres étaient en révolte, et toutes les manufactures et les plantations de plus de la moitié de la province du nord n'offraient plus qu'un embrasement général. Les plaines et les montagnes sont remplies de carnage et mondées de sang ; les colons glacés d'effroi ne savent où se réfugier ; celui-ci cherche son salut dans les boisy il est trahi par ses nègres, et poignardé ; celui-là se confie auxpro-messes de son atelier, un chef révolté s'y glisse, l'atelier se soulève, le propriétaire est sa victime.
Epars sur une suriace de terre entrecoupée de montagnes et de gorges, les habitants qui fuient cherchent à se rallier et à vendre chèrement leur vie; les routes sont obstruées, ils sont pris et massacrés.
Ceux qui se réunissent ne peuvent qu'opposer une faible digue au torrent qui se grossit ; ils sont dispersés et saisis; ils expient dans les tortures l'exercice d'une défense légitime, ces scènes d'horreurs se passaient à la porte ae la ville du Cap ; la terreur et l'épouvante s'emparent de tous les esprits ; cependant chacun sent qu'il est instant ae pourvoir à sa sûreté ; on s'assemble, on se réunit, les citoyens prennent les armes, et les troupes patriotiques sont mises, par l'assemblée générale, sous les ordres du gouverneur.
La ville du Cap avait à contenir avec 3,000 hommes au plus 15,000 noirs prêts à suivre l'exemple de ceux du dehors, et beaucoup de blancs malintentionnés ; l'assemblée générale délibère une nuit entière sur la manière dont on pouvait se préserver des ennemis intérieurs. Le résultat fut qu'on se bornerait à une surveillance éclairée et suivie de leur conduite et de leurs dispositions. La révolte avait été trop subite, trop étendue et trop bien concertée pour qu'il parût possible d'en arrêter, d'en modérer lès ravages. La ville du Cap, le côté de la mer excepté, était sans défense, sans possibilité même d'être fortifiée avant plusieurs jours et sans des travaux prodigieux, gavait tout à
craindre que les nègres feoulevés ne fondissent sur la ville et que favorisés et secondés par ceux qu'elle Contient, ils ne fissent un massacre général de la race blanche. 11 ne restait donc qu'une ressource, celle d'occuper les défilés du morne qui touche le Cap, d'établir un poste au haut delà ville qui, à l aide des marais qui l'a-voisinent, pût la protéger et de couvrir le chemin de la petite anse, par une batterie de canons, et de bâtiments embossés. Cette résolution futadoptée et exécutée ; dès lors, le Cap, entouré d'une palissade solide, de chevaux de frise et de postes assez considérables, Se trouva dans une situation moins alarmante.
Dans cet intervalle, on ne perdit pas une minute pour instruire par mer les paroisses qui n'étaient pas encore entamées et pour leur indiquer les mesures nécessaires ; les habitants de ces paroisses se réunirent, ils établirent des camps plus ou moins nombreux, il s'en forma au « Trou », à « Vallière », à la « Grande-Rivière », au « Mornet », au « Dondon », à la « Marmélade », au « Port-Margot » et dans les autres lieux menacés. Les révoltés ont suivi le même plan; ils ont établi des camps dans tous les quartiers qu'ils ont ravagés ; de plus ils ont forcé le câmp des blancs, à la Grande-Rivière, tué ou mis en fuite tous les habitants de ce quartier. Le camp de Dondon a éprouvé le même sort, après un combat de sept heures et dans lequel plus de 100 blancs ont succombé. Ceux de Ces infortunés qui avaient cherché un asile dans la partie espagnole en ont été repoussés.
MM. Granal, Roynaud et Lambert, habitants de la Grande-Rivière et du Dondon, ont cependant pénétré jusque chez un propriétaire espagnol, leur intime ami. Cet homme estimable, placé entre les sentiments les plus pressants et la crainte • d'être incendié par ses compatriotes, se résout à tenir les trois Français enfermés dans un cabinet, d'où il les fait esquiver, la nuit, au milieu des déserts et à la faveur d'un orage.
Faut-il vous dire, pour vous faire connaître l'indigation que la conduite de nos voisins a dû exciter, que des dépositions et la voix publique apprennent que plusieurs habitants du l)ondon, réfugiés chez les Espagnols, ont été chassés hors des limites, et livrés aux chefs des nègres révoltés moyennant 3 portugaises (132 livres de France) par individu et qu'ils ont subi la mort ? (Mouvement d'indignation.)
Un membre : C'est pourtant pour défendre les Espagnols que nous armons des escadres 1
, orateur, continue : Les quartiers du « Rocou, Mariboux, le Terrier-Rouge, Jacquesy, Caracole, Ouanaminthe et Fort-Dauphin » formant la partie de l'Est de la province du Nord, étaient encore intacts; ils devenaient instant de les garantir.
Il fut établi iin camp sous les ordres de M. de Rouvrai, qui a parfaitement rempli le but qu'on s'était proposé, malgré les efforts continuels des brigands.
Au milieu de ces scènes effrayantes, la ville du Cap se peuplait des habitants des plaines et des mornes échappés au fer des meurtriers. Ce fut alors que M. Blançhelande crut pouvoir mettre en campagne deux petits corps d'armée qui, réunis à M. de Rouvrai, attaquèrent et enlevèrent successivement plusieurs camps des révoltés, situés sur les habitations « Ghabanon, la Ghevallerie, Bullet, Duplat, Charitte, de Nort, Dagout et Gali-fet; » dans tous ces camps on a délivré plusieurs
blanches prisonnières. C'est d'elles, Messieurs, qu'on apprit à quels excès de barbarie se sont portés les révoltés.
Votre sensibilité déjà émue ne pourrait supporter le récit des scènes d'horreur dont elles ont été les témoins.
C'est par les révoltés qui ont été pris, qu'on a su que la plus grande division règne parmi les différents chefs de ces brigands. Chaque , horde forme un parti, et ces partis sont toujours divisés, toujours prêts à s entre-détruire. Leur régime est absolument despotique ; les chefs exercent les rigueurs les plus inouïes sur ceux qu'ils commandent; la moindre insubordination, le plus léger signe d'incertitude est puni de mort ; et c'est une vérité reconnue qu'ils ont sacrifié plus de nègres à leur inquiétude ou à leur haine que nous avons été obligés d'en détruire pour notre défense, quoique nous ayons remporté sur eux plusieurs avantages marqués. Les actes de cruauté se dirigent sur ceux mêmes qui se sont engagés volontairement dans la révolte, mais qui ne frémira pas en apprenant de quelle manière ils punissent ceux qui veulent rester fidèles à leurs maîtres ! ils les prennent de force et les exposent au premier feu. On les a vus, par une lâche cruauté, mettre au devant de leur armée les vieillards, les femmes, les enfants, et ne pouvant les faire combattre, s'en servir pour parer les coups. Ont-ils des blessés qu'ils ne peuvent faire panser faute de chirurgien, ils les enferment dans une case et ils y mettent le feu. Enfin, pour vous le dire en un seul mot, si les projets sanguinaires de ces hommes grossiers et féroces se réalisaient à l'égard des blancs, s'ils parvenaient à faire disparaître la race blanche de la colonie, on verrait bientôt Saint-Domingue offrir le tableau de toutes les atrocités de l'Afrique. Asservis à des maîtres absolus, déchirés par les guerres les plus cruelles, ils réduiraient en servitude les prisonniers qu'ils se seraient faits, et l'esclavage modéré sous lequel ils vivent parmi nous se changerait en un esclavage aggravé par tous les raffinements de la barbarie,.
Dans l'état déplorable que nous venons de décrire, M. Blanchelande, qui a marché de concert avec l'assemblée générale, crut devoir lui proposer une proclamation qui pût concourir à ramener les révoltés à leurs devoirs. L'assemblée générale composée de colons parfaitement instruits du caractère des nègres, lui représenta le dangerde cette proclamation, et refusanautement d'y acquiescer, nUit jours après M. Blanchelande lui fit la même proposition ; les mêmes causes dictèrent le même refus ; il persista et se décida à le faire en son nom seul et ce; parce qu'il était averti que les nègres demandaient à se soumettre. La proclamation fut faite et portée par 12 dragons. Quel a été le résultat de cette mesure? 7 d'entre eux ont été assassinés dans le camp des révoltés, et les autres ne se sont sauvés qu'après avoir échappé aux plus grands dangers.
Il serait inutile, Messieurs, de vous décrire toutes les horreurs auxquelles nos infortunés concitoyens ont été livrés. La postérité sera épouvantée de tant de cruautés commises au nom de la philosophie et de la liberté.
Nous n'avons cependant saisi, dans ce rapport, que des traits épars de l'effrayant tableau des maux qui nous ont affligés, et qui probablement
que la colonie avait éprouvées à l'époque de notre départ.
On comptait dans les paroisses de Plaisance, le Port-Margot, Le Limbé, la Marmelade, l'Acul, la pleine du Nord, la Petite-Anse, le quartier Morin, Limonade, Sainte-Suzanne, le Moka, les Côtelettes, la Grande-Rivière, leDondon, et autres quartiers, plus de 200 sucreries, 1,200 caféières, plusieurs indigoteries tout à fait incendiées ; un très grand nombre de poteries, de guilledeviers, plusieurs bourgs considérables, des magasins publics, une quantité immense de denrées avaient eu le même sort. En ajoutant à ces objets incalculables tous les instruments aratoires, les ustensiles de manufactures, les meubles et les espèces monnayées, les chevaux, les mulets et tous les troupeaux, on pourra se faire une idée de î'énor-mite de nos pertes, que nous évaluons à plus de 600 millions. Les secours de la nation, les efforts du commerce et notre industrie pourront peut-être les réparer; mais qui tarira nos larmes, sur la jnort de plus de 1,000 de nos concitoyens, victimes de cette cruelle révolte? La sensibilité peut-elle être muette, quand on songe que 15,000 nègres seront détruits avant le retour de l'ordreet de la tranquillité et que, s'ils réussissent dans leurs projets, Saint-Domingue deviendra le tombeau de 50,000 Français L
Nous ne vous avons jusqu'à présent entretenu que des malheurs de la partie du Nord. Ce ne sont pas les seuls sur lesquels nous ayons à gémir. Le sang a coulé dans la province de l'Ouest : le feu y a détruit plusieurs propriétés, et les ateliers du « Grand-Fonds », Charbonnière et Fond-Perrier étaient en révolte.
Une conspiration découverte à Léogane a préservé de l'incendie et du carnage ce quartier, ainsi que ceux de « l'Archaie », des « Vases » et du « Cul-de-Sac ». Jérémie a éprouvé quelques fermentations, mais l'arrestation des fauteurs des troubles a garanti cette partie du fléau qui la menaçait.
La partie du Sud a eu pareillement des sujets de crainte ; des précautions prises y ont, jusqu'à l'époque de notre départ, maintenu la tranquillité : cependant la faiblesse de sa population est telle, que les moyens employés sont plutôt des mouvements de crainte que des motifs de sécurité.
Ainsi, Messieurs, vous voyez, de toute part, la colonie menacée; et s'il est encore des colons qui doivent échapper à tant de dangers réunis, il leur restera à triompher des crimes secrets, des horreurs de la famine, des épidémies causées par les cadavres laissés sans sépulture, dans un climat brûlant, des maladies les plus aiguës, causées par la fatigue, les alarmes et le chagrin ; en un mot de tout ce que la nature enfante ae maux pour la destruction de l'homme. Que de raisons de craindre la ruine de la colonie, ruine qui entraînera —J- 1—ttfaMj—H T~ — — J~nos | manufactures ; rontle crédit public, frapperont jusque dans*Paris, le capitaliste et l'artisan, arrêteront jusque dans les campagnes, la perception de l'impôt; la cessation des armements dans les villes maritimes, réduira à la mendicité une quantité innombrable d'ouvriers et de gens de mer; alors des cris de fureur et de désespoir s'élèveront de toute part, pour vous demander justice contre les auteurs de tant de maux; et peut-on les méconnaître à l'art perfide, à la cruelle persévérance avec laquelle ils travaillent depuis si long-
temps à préparer la catastrophe qui vient d'éclater!
Nous vivions en paix, Messieurs, au milieu de nos esclaves. Un gouvernement paternel avait adouci depuis plusieurs années l'état des nègres, et nous osons aire que des millions d'Européens que tous les besoins assiègent, que toutes les misères poursuivent, recueillent moins de douceurs que ceux qu'on vous peignait et qu'on peignait au monde entier comme chargés de chaînes, expirant dans un long supplice. La Situation des noirs en Afrique, sans propriétés, sans existence politique, sans existence civile, incessamment les jouets de la fureur imbécile des tyrans qui partagent cette vaste et barbare contrée, est changée dans nos colonies en une condition supportable et douce. Ils n'avaient rien perdu, car la liberté dont ils ne jouissaient pas, n'est pas une plante qui ait encore porté des fruits dans leur terre natale : et quoiqu en puisse dire l'esprit de parti, quelques fictions qu'on
Suisse inventer, on ne persuadera jamais aux
ommes instruits que les nègres d'Afrique jouissent d'une condition libre. Le dernier des voyageurs qui ait visité une partie, presque inconnue jusqu'à présent de cet immense pays, n'a écrit dans son long et intéressant ouvrage qu'une histoire de sang et de fureur. Les hommes qui habitent l'Abyssinie, la Nubie, les Gallas et les Fonges, depuis les bords de l'Océan indien, jusqu'aux frontières de l'Egypte, semblent disputer de férocité et de barbarie aux hyènes et aux tigres que la nature y a fait naître. L'esclavage y est un titre d'honneur, et la vie, dans cet horrible climat, est un bien qu'aucune loi ne protège et qu'un despote sanguinaire tient dans ses mains.
Qu'un homme sensible et instruit compare le déplorable état des hommes en Afrique avec la condition douce et modérée dont ils jouissent dans nos colonies; qu'il .écarte les déclamations, les tableaux qu'une fausse philosophie se plaît à tracer bien plus pour s'acquérir un nom que pour venger l'humanité ; qu il se rappelle le régime qui gouvernait nos nègres, avant qu'on les eût égarés, rendus nos ennemis. A l'abri de tous les besoins de la vie; entourés d'une aisance inconnue dans la plupart des campagnes d'Europe ; certains de la jouissance de leurs propriétés (car ils en avaient une, et elle était sacrée), soignés dans leurs maladies avec une dépense et une attention qu'on chercherait vainement dans les hôpitaux si vantés de l'Angleterre -, protégés, respectés dans les infirmités de l'âge, en paix sur leurs enfants, leur famille, leurs affections; assujettis à un travail calculé sur les forces de chaque individu, parce qu'on classait les individus et les travaux, et que l'intérêt, au défaut de l'humanité, aurait prescrit de s'occuper de la conservation des hommes; affranchis quand ils avaient rendu quelques services importants : tel était le tableau vrai et non embelli du gouvernement de nos nègres ; et ce gouvernement domestique se perfectionnait depuis 10 ans, surtout, avec une recherche dont vous ne trouverez aucun modèle en Europe. L'attachement le plus sincère liait le maître et les esclaves ; nous dormions en sûreté au milieu de ces hommes, qui étaient devenus nos enfants, et plusieurs d'entre nous n'avaient ni serrures, ni verrous à leurs maisons.
Ce n'est pas, Messieurs, et nous ne voulons pas le dissimuler, qu'il n'existât encore parmi les planteurs un très petit nombre de maîtres durs et féroces; mais quel était le sort de ces hommes
méchants? flétris par l'opinion, en horreur aux honnêtes gens, séquestrés de toute société, sans crédit dans leurs affaires, ils vivaient dans l'op-probe et le déshonneur et mouraient dans la misère et le désespoir. Leur nom ne se prononce qu'avec indignation dans la colonie, et leur réputation sert à éclairer ceux qui, inhabiles encore à l'administration des ateliers, pourraient être entraînés par l'impétuosité de leur caractère, à des excès quê l'expérience avaient montrés aussi contraires à une bonne régie, que l'instruction et l'adoucissement des maux avaient contribué à les faire proscrire.
Nous adjurons ici, non ceux qui écrivent des romans pour se faire une réputation d'hommes sensibles, pour acquérir une popularité fugitive que l'indignation générale doit bientôt leur enlever, mais ceux qui ont visité les colonies, ceux qui les connaissent ; qu'ils disent si le récit que nous avons fait n'est pas fidèle, si nous 1 avons chargé pour vous intéresser à notre cause.
Nous le répétons : nous vivions, Messieurs, dans cet état de paix et de bonheur, et nous rendions à notre mère-patrie, protectrice de nos propriétés, le tribut entier de nos cultures, qui venaient enrichir la métropole, la rendre puissante en elle-même, et supérieure dans son commerce avec l'étranger.
Cependant, Messieurs, une société se forme dans le sein de la France, et prépare de loin le déchirement et les convulsions auxquels nous sommes en proie. Obscure et modeste dans le commencement, elle ne montre que lé désir de l'adoucissement du sort des esclaves ; mais cet adoucissement si perfectionné dans les îles françaises, elle en ignorait tous les moyens, tandis que nous nous en occupions sans cesse ; et loin de pouvoir y concourir, elle nous forçait d'y renoncer, en semant l'esprit d'insubordination parmi nos esclaves et l'inquiétude parmi nous.
Pour adoucir de plus en plus le sort des esclaves, pour multiplier les affranchissements, il eût fallu conserver précieusement la sécurité des maîtres : mais ce moyen sage n'eût produit aucun effet sur la renommée ; la gloire ordonnait d'abandonner les moyens réels pour se livrer aux déclamations, pour nous environner d'alarmes et de terreurs, pour préparer des malheurs que nous avons prédits des les premiers travaux des amis des noirs et qui viennent enfin de se réaliser. M fi , . fj Ùkàâh •
Bientôt, cette société demande que la traite des noirs soit supprimée ; c'est-à-dire que les profits qui peuvent en résulter pour le commerce français soient livrés aux étrangers ; car jamais sa romanesque philosophie ne persuadera à toutes les puissances de l'Europe que c'est pour elles un devoir d'abandonner la culture des colonies, et de laisser les habitants de l'Afrique en proie à la barbarie de leurs tyrans, plutôt que ae les employer ailleurs, et sous des maîtres plus humains, à exploiter une terre qui demeurerait inculte sans eux, et dont les riches productions sont, pour la nation qui les possède, une Source féconde d'industrie et de prospérité.
Se mêlant ensuite à la Révolution de la France, cette société lie son système exagéré et irréfléchi, au plan que l'Empire avait conçu de s'affranchir, et profitant de l'élan universel de tous les Français vers la liberté, elle les intéresse par le souvenir de leur servitude à son projet de détruire celle des nègres. Dans son enthousiasme aveugle, ou dans sa perversité, elle ou-
blie que ces hommes grossiers sont incapables de connaître la liberté et d'en jouir avec sagesse, et que la loi imprudente qui détruirait leurs préjugés, serait, pour eux et pour nous, un arrêt de mort.
Depuis ce moment, cette société, ou du moins quelques-uns de ses membres n'ont plus connu de bornes à leur entreprise, tous les moyens leur ont paru bons, dès qu'ils pouvaient tendre à l'accomplir; les attaques directes, les combinaisons réfléchies et profondes, les calomnies les plus basses et les plus méprisables sont mises* en usage pour le succès de leurs desseins, mêlant adroitement la ruse à l'audace : tantôt cette société nous flatte, en nous invitant à secouer le joug des commerçants français, et nous assurant son appui, si nous voulons nous joindre à elle pour obtenir un commerce illimite ; tantôt elle armeles commerçants contre nous, en leur disant que nous méditons une banqueroute déshonorante, une indépendance chimérique, et que, dans notre orgueil, nous voulons élever une puissance à côté de celle de la France ; ainsi, après avoir cherché à animer lés colons et les commerçants les uns contre les autres,, après nous avoir présenté des principes incompatibles avec les , intérêts de la France, lorsque, malgré ses conseil^ insidieux, elle n'a pu nous les faire adopter, c'est encore elle qui nous accuse de les avoir imaginés, et elle s'empare de la Déclaration des droits de l'homme, ouvrage immortel et salutaire à des hommes éclairés, mais inapplicable et par cela même dangereux dans notre régime ; elle l'envoie avec profusion dans les colonies ; les journaux qu'elle soudoie Ou qu'elle séduit, font retentir cette déclaration au milieu de nos ateliers; les écris des amis des noirs annoncent ouvertement que la liberté des nègres est prononcée par la Déclaration des droits.
Le décret du 8 mars semblait devoir arrêter ces trames audacieuses ; mais les amis des noirs «connaissent-ils quelque autre loi que les serments par lesquels ils se sont liés, et le vœu qu'ils ont formé de porter sur nosfoyers le meurtre et l'incendie? Si unè loi semble les favoriser, ils l'adoptent, ils l'étendent, ils l'interprètent ; si la loi les contrarie, ils la méconnaissent, ils la désavouent; ils insultent sans pudeur, ils s'efforcent de dégrader l'autorité dont elle émane.
Les colons, les négociants, les hommes assez éclairés pour n'être pas le jouet de leurs mensonges sont: tous également l'objet de leurs injures ; ce n'est point assez qu'ils se soient rendus les arbitres de nos propriétés et de notre tranquillité, ils s'arrogent sur nous le droit de la diffamation ; il ne nous est pas permis de nous défendre et de chercher à parer leurs coups, sans être accablés dans leurs lâches insultes. Ainsi, en altérant l'opinion publique, en éloignant pour nous tout moyen de défense, on mine en sûreté le terrain sur lequel nos possessions sont assises, on l'environne de pièges, et notre ruine devient inévitable.
Lorsqu'on a su qu'on s'était vainement flatté de faire prononcer par l'Assemblée nationale l'affranchissement des esclaves, on a cherché à porter le désordre parmi nous en l'engageant à traiter elle-même la question des hommes de couleur. Nous avions demandé à faire nous-mêmes nos lois sur ce point, qui exigeait de grands ménagements et une grande prudence dans l'application ; nous avions annoncé que ces lois seraient humaines et justes.
Mais un tel bienfait accordé par les colons
blancs, qui aurait à jamais resserré les liens d'affection et de bienveillance qui existaient entre ces deux classes d'hommes, est présenté par les amis des noirs comme une prétention de la vanité et un moyen d'éluder de justes réclamations.
On voulait arriver par d'autres mesures : on réunit, à Paris, quelques hommes de couleur, on exalte leur esprit, on les invite à.réunir leur cause à celle des nègres ; ils passent à Saint-Domingue dans cette espèce de délire où on les avait plongés, ils communiquent aux esclaves les espérances dont on les a abusés ; ils sont chargés de libelles et de livres qui invitent les hommes de couleur et les esclaves à une insurrection générale, au massacre des blancs.
Ogé est la première victime de cette funeste erreur; un de ses frères, qu'il y entraîne, déclare, le 9 mars, dans son testament de mort, que, sans le débordement des rivières qui n'a pas permis la réunion des conjurés, 11,000 nègres révoltés étaient près de fondre sur le Gap, dès le mois de février et d'allumer l'incendie qui n'a eu lieu que le 23 août; il nomment les chefs, il donne les détails de la conspiration, il en offre les preuves; c'est le Cri de sa conscience qui le fait parler dans cet instant, le dernier qui lui restait encore pour découvrir la vérité.
C'est dans cette effervescence, c'est dans cette ivresse générale, tandis qua les blancs étaient agités par la méfiance et la terreur, tandis que les nègres étaient livrés à mille songes funestes, que la discussion, sur le décret du 15 mai, s'est établie parmi vous ; une foule d'écrits, qui l'ont précédée et suivie, se sont répandus jusque dans nos ateliers; on y a lu et commenté ces mots terribles, ces mots, signal du carnage et de l'incendie :
« Périssent les colonies ! »
C'est alors que la lettre d'un ministre d'une religion de paix, adressée à ses frères les hommes de couleur, a annoncé à nos esclaves, que bientôt le soleil n'éclairerait que des hommes libres.
Les nègres attaqués par tant de séduction, travaillés par tant de manœuvres, émus par ces libelles écrits en caractère de sang, lus le soir dans leurs cases, au milieu des assemblées de leurs chefs, par des hommes qui ne respiraient que le désordre et le pillage, pouvaient-ils résister longtemps au vertige dont on les frappait ? Le souvenir des bienfaits de leurs maîtres s'est perdu dans leur mémoire ; ils n'ont plus senti que le désir d'un nouvel état, ils se sont faits les instruments de quelques hommes profondément pervers, qui ont avidement saisi, dans les écrits des amis des noirs, et dans l'interprétation des décrets, les armes qui s'y trouvaient pour les soulever.
Avons-nous souffert assez dé maux, pour qu'enfin nous puissions espérer qUe la vérité ne sera plus méconnue? Avons-nous assez mérité d'être vengés par la loi, sans attendre les preuves qui doivent résulter des procédures actuellement suivies à Saint-Domingue et qui nous seront adressées? La funeste influence des auteurs de tant de désastres n'est-elle pas déjà suffisamment prouvée par l'ensemble de leurs démarches et par leurs coupables écrits? Peut-on douter en ce moment que nous leur devions notre ruine et la France retiendra-t-elle encore le cri d'indignation qui doit s'élever contre la scélératesse -de nos ennemis?
Tandis que nous nous flattons que tant de malheurs trouveront des, consolations au sein de la
mère-patrie, qu'en arrivant dans cette capitale, où nous avions au moins des droits à la pitié, nous sommes précédés par la calomnie. Les hommes qui se sont fait un jouet de nos propriétés et de notre sang, s'attendaient à essayer de notre part de violents reproches, ils ont tenté de les prévenir; habiles dans l'art de la diffamation qui leur est si familier, après nous avoir rendus victimes de leurs attentats, il fallait encore nous en renvoyer le reproche et la honte, aussi cruels dans leurs fictions ; que peu difficiles sur la vraisemblance, ils ont osé répandre que nos commettants étaient eux-mêmes les instigateurs de leurs propres maux; ils ont osé dire que le projet absurde et barbare d'opérer la contre-révolution était le but auquel ils avait sacrifié leurs propriétés, leurs familles, leur propre vie; ils ont osé dire que nous avons voulu nous donner à l'Angleterre.
Nous oserons, à notre tour, vous demander, Messieurs, avec la fermeté d'hommes libres, de citoyens français (car enfin nous sommes aussi Français et citoyens), nous oserons demander s'il est permis, chez quelque peuple de la terre, d'insulter avec autant d'audace aux malheureux qu'on a faits.
: C'est donc nous qui avons mis le fer et le feu dans la main de nos nègres, c'est nous qui avons allumé la torche qui a dévoré nos habitations, c'est nous qui avons forgé ces poignards qui ont assassiné nos frères et nos amis ! c'est nous qui avons excité ces brutalités que des infortunes ont été forcées d'assouvir ! c'est nous qui avons allumé dans notre patrie ce volcan, qui vient de là couvrir de décombres, et qui peut-être l'anéantira!
Ces dévastateurs, qui se disent patriotes, nous accusent d'avoir voulu opérer la contre-révolu-tion! Ils ignorent donc que, dès les premiers jours de la Révolution, nous l'avons chérie, et que plus exposés à l'oppression sous le régime du despotisme, nous nous sommes avec plus d'ardeur élancés vers la liberté, nos actes les plus récents même, témoignent pour nous ; est-ce être contre-révolutionnaire que d'avoir solennellement déclaré, en constituant notre assemblée que « nous protégions de toute la force de la loi et de l'opinion publique, le recouvrement des créances de la métropole ? » Est-ce être contre-révolutionnaire qui d'y avoir consacré, « qu'à l'Assemblée nationale appartenait le droit de régler nos rapports politiques et commerciaux? »
Est-ce être contre-révolutionnaire que d'avoir écrit aux représentants de la nation, la tombe entr'ouverte sous nos pas, que « notre dernier soupir et notre dernier vœu seraient pour la patrie? »
Si nous eussions été contre-révolutionnaires, est-ce bien à l'Assemblée, nationale que nous aurions adressé l'expression de ces sentiments ?
On dit, on imprime, on répand que nous avons voulu nous donner à l'Angleterre ; notre réponse à notre imposture est bien simple et se trouve à chaque page de nos procès-verbaux. On y voit nos principes et, nous osons le dire, l'accomplissement de tous nos devoirs.
Mais nous irons plus loin, permettez-nous une hypothèse qui justifie la position unique, dans les fastes ae l'histoire où nous nous sommes trouvés.
A l'instant où la révolte a éclaté, tous les habitants de la ville du Gap ont recherché la cause 4e cet horrible événement.
Un folliculaire avait imprimé les décrets des 13 et 15 mai dernier avec le discours de M. Mon-neron, député de l'Ile-de-France; les premières dépositions apprennent que ces écrits, que tous ceux des prétendus philanthropes étaient lus et commentés par un mulâtre sur l'habitation Le Normand, dans des assemblées nocturnes où se trouvaient des nègres commandeurs, qui sont aujourd'hui les chefs des révoltés. On apprend que le Cap devait être compris dans l'incendie, que cette ville recélait dans son sein ceux qui devaient y mettre le feu et en massacrer tous les habitants; aussitôt on pousse des cris de rage et de désespoir.
Les philanthropes, la France entière, sont accusés ae cet affreux complot; l'égarement, la fureur se peignent sur tous les visages, toutes les âmes sont enflammées ; tout annonce un carnage horrible, un bouleversement général. Déjà des coups de fusil se font entendre : des nègres, des mulâtres en sont atteints sur les portes mêmes de l'assemblée générale. Ici on prend la cocarde blanche, là on invoque à grands cris les Anglais, d'autres prennent la cocarde noire. Ces mots, de « la Nation, la Loi, le Roi », disparaissent de la salle qué l'on préparait pour l'assemblée générale et une main égarée par la fureur les efface : on s'écrie que la nation nous livre aux fers des assassins, aux bûchers des incendiaires, qu'enfin elle a appelé sur nous tous les forfaits dans ce jour qu'on croit le dernier de la colonie ; des voix furieuses blasphèment contre une patrie qui, bien loin de les protéger, les assassine.
Au milieu de ce délire, dont nulle puissance ne saurait réprimer la première explosion, l'assemblée générale tente cependant des mesures de salut; les moments sont pressants; elle fait une proclamation qui défend, sous peine de la vie, de commettre aucun meurtre. Quatre de ses membres la publient pendant même qu'on l'écrivait. Ces commissaires se portent partout, partout ils trouvent des attroupements, des cris, des insultes même ; mais ils parviennent à sauver des mulâtres, qui accusés, allaient être massacrés, et leurs soins et leurs prières suspendent la fureur du peuple.
Un nouveau sujet d'alarmes s'élève : l'assemblée générale est accusée de partager le crime des hommes de couleur, et elle est menacée ; son courage ne se ralentit point. Les mulâtres offrent ae s'armer pour la défense commune et de laisser pour garant de leur fidélité leurs femmes, et leurs enfants : elle ose les armer et, les unissant aux soldats du régiment du Cap, elle change en défenseurs ceux qu'on veut immoler comme ennemis.
Dans cette crise violente et qui menaçait d'une subversion totale, si, cédant à un mouves-ment qui était si propre à- répandre l'effroi, nous en avions ressenti les effets si, comme ceux qui nous environnaient et qui nous menaçaient en ce moment, nous n'avions vu dans notre patrie que la cause de toutes nos infortunes, si nous avions appelé une puissance étrangère pour arracher les colons à leurs bourreaux, pour préserver leurs propriétés, pour conserver même la créance de la métropole ; quel est l'homme qui, ayant une conscience, aurait osé nous condamner? Eh bien, nous sommes restés Français... Serons-nous réduits après cela à l'abjecte nécessité de nous justifier du reproche d'avoir voulu devenir indépendants? Qu'on parcoure tous nos actes ; s'il en est un seul qui tende à nous sous-
traire aux liens indissolubles qui nous attachent à l'Empire, nos têtes sont ici pour éprouver les supplices destinés à cette perfidie. Nous savons que quelques capitaines de navire dont la vanité a été nlessée, parce que leur manque d'humanité a été rendu public, sont venus se réunir à des amis des noirs pour nous faire trouver coupables; mais les accents douloureux du commerce, touché de nos infortunes et des maux qu'elles lui présagent, léur apprendront quelle est leur erreur, et que s'ils parvenaient a nous rendre odieux par des calomnies, ils gémiraient bientôt eux-mêmes de leurs succès.
Oui, et nous avons l'orgueil de nous vanter, parce que c'était un devoir pour des hommes revêtus de la confiance de leurs concitoyens, nous avons demandé des secours à tous ceux qui nous environnaient; ces secours nous les avons implorés avec le gouverneur général, et par conséquent comme Français, comme hommes; et puisque nous n'avons pas affecté de choix en les réclamant au même instant de 3 nations différentes, nous avons assez prouvé que hos prières, dictées par le malheur, ne pouvaient offrir de projet funeste à la mère patrie. Enfin, qui osera chercher à nous accuser pour avoir recouru aux Anglais de la Jamaïque, quand l'Assemblée nationale, qui ne connaissait nps dangers et nos infortunes que par des récits incomplets, a cru devoir exprimer elle-même la gratitude nationale envers ce peuple généreux ?
Mais enjin, Messieurs, si nous eussions appelé les Anglais non pour nous prêter des secours, mais pour nous gouverner, à qui faudrait-il en imputer le crime ? Mettez un moment à notre place cejui des départements ^u royaume à qui vous supposez le plus de patriotisme et d'attachement au nom français : supposez que des excitateurs de révolte eussent soulevé dans son sein les domestiques contre les maîtres, les brigands contre les propriétaires ; que cent fois ils les eussent dénoncés sans n'obtenir que du mépris ; que loin de recèvoir des secours de la mère patrie, tout ce qui part de son sein parût apporter avec soi des germes de révolte; que déjà la vie et la propriété d'une multitude de citoyens eussent été la proie des désordres ; qu'ils eussent vu les meurtres les plus abominables commis sous leurs yeux, et qu'il n'y eût aucune espérance de protection;; isi dans ce moment d'horreur et d'abandon ces citoyens malheureux conçoivent l'idée de former de nouveaux liens et Û invoquer la protection d'une autre patrie, à qui croyez-vous, Messieurs, que le reproche dût être adressé ? Est-ce aux infortunés que le désespoir aurait égarés ? Est-ce aux scélérats qui se seraient fait un plaisir de lasser leur patience et de briser les liens les plus chers et les plus sacrés, par l'excès du malheur ?
Messieurs, nous connaissons et nous chérissons nos devoirs, mais nous connaissons aussi et nous réclamons nos droits, nous consacrons à la prospérité de la mère patrie le produit entier de nos cultures, elle doit nous défendre contre l'étranger, elle doit assurer nos propriétés et notre tranquillité contre les attentats des perturbateurs.
Il est aujourd'hui démontré que l'influence des amis des noirs est destructive des colonies; de quelques sophismes qu'ils s'environnent, ils n'anéantiront jamais le témoignage de nos malheurs. Il ne peut pas exister un homme de bonne foi qui doute que leurs travaux, leurs déclamations, leurs écrits, leurs infâmes émis-
saires soient la cause active et constante qui, depuis 2 ans, prépare notre ruine et qui vient enfin de la réaliser.
La France nous doit protection, mais les forces ne peuvent suffire pour nous rassurer, si elle souffre que, dans son sein, on continue à nous préparer des révoltes et des massacres.
Elle nous doit protection; mais vainement voudrait-elle l'effectuer, si de tels attentats demeuraient impunis ; ce qui devrait être la perte de nos ennemis ne sert qu'à les encourager.
Elle nous doit protection ; mais à quoi nous serviraient ses armées et ses flottes, si elle permet que des écrits séditieux portent incessamment dans nos foyers le germe de tous les troubles, si elle souffre qu'on nous accable d'humiliations; et si nous environner de meurtre et de carnage devient, aux yeux de la patrie à laquelle nous nous immolons, un moyen de gloire et de triomphe.
Messieurs, pardonnez à notre langage, mais tant de malheurs nous ont acquis lë droit de ne rien déguiser, l'amertume est au fond de nos âmes; cent fois nous avons appelé la vengeance publique sur lés odieuses manœuvres de ces hommes qui bouleversent notre patrie sous îë voile de l'humanité. Nous n'avons rien obtenu. Ah ! puisse l'horrible catastrophe dont nous vous avons tracé le tableau, servir de leçon pour l'avenir, et préserver des mêmes malheurs ceux de nos concitoyens qui ne l'ont pas encore éprouvée.
C'est de la fermeté que vous mettrez à punir les auteurs de notre désastre, à réprimer leurs nouvelles tentatives, que les provinces de l'Ouest ét du Sud peuvent attendre leur salut.
Quant à la province du Nord, elle a fait des pertes irréparables ; des capitaux immenses ont été consumés ; le rétablissement de ses travaux éxige des'avances de fonds, que le commerce et les propriétaires ne sauraient faire en totalité. Nous ne vous parlons pas des individus, mais vous examinerez. Messieurs, ce qu'exige de votre part l'intérêt de la colonie et celui de la nation.
Représentants du peuplé français, vous venez d'entendre le récit de la plus grande calamité qui ait affligé l'espèce humaine dans le cours du xviii® siècle.
Vous venez d'entendre les plaintes de la première colonie du monde, nécessaire à l'existence de la nation dont les intérêts vous sont remis. Elle ne veut vous intéresser que par ses sentiments et ses malheurs.
Elle vous demande justice, sûreté, secours.
répond : « Chérir sa patrie est un doux sentiment : la servir dans les circonstances désastreuses est la première vertu civique, et elle est la vôtre. Les malheurs de la colonie sont affreux. L'Assemblée nationale les contemple avec horreur, avéC indignation, avec amertume. Vous implorez sa justice, elle la doit à tous les citoyens de l'Empire; sa protection, elle la doit à votre courage, votre patriotisme, votre infortune ; des secours, elle s'est déjà occupée de vous en procurer. Elle prendra votre demande dans la plus grande considération, et elle vous invite aux honneurs de la séance. » (Murmures à Vextrême gauche fie la salle.)
jeune. Comment, Monsieur le Président, vous admettez à la séance des hommes qui viennent d'outrager la philosophie et la liberté, qui viennent d insulter.., (Murmures pro-
longés. — Quelques applaudissements à Vextrême gauche, de la salle.)
Plusieurs membres : L'impression du discours des commissaires et de la réponse du Président.
jeune. Monsieur le Président, je m'oppose à l'impression d'un libelle, je demande la question préalable.
Plusieurs membres à Vextrême gauche : Appuyé ! appuyé!
Lorsqu'on demande l'impression d'un discours, d'une motion quelconque, on suppose que l'impression... (Le tumulte couvre la voix ae Vorateur.)
Je demande l'impression du libelle qui vient d'être lu et le renvoi au comité colonial.
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre M. Brissot!
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
C'est abominable !
Je mets aux voix la demande d'impression.
(L'Assemblée décrète à une très grande majorité l'impression.)
Plusieurs membres à Vextrême gauche réclament contre cette délibération.
Le bruit qu'on faisait lorsque la motion a été mise aux voix m'a empêché d'entendre. Je prie M. le Président de renouveler l'épreuve quand le calme sera rétabli.
établit l'état de la délibération pour renouveler l'épreuve.
Deux membres à Vextrême gauche : La question préalable sur l'impression.
(La question préalable est mise aux voix. Environ 30 membres à l'extrême gauche se lèvent, et la question préalable est rejetée à la presque unanimité.)
jeune. Je demande la division de la motion de l'impression et du renvoi au comité.
et quelques autres membres : Appuyé! appuyé!
Quelques membres : Monsieur le Président, rappelez la minorité à l'ordre.
(L'Assemblée décrète, à la presque unanimité, que le discours lu à la barre, ainsi que la réponse du Président, seront imprimés, et que l'examen en sera renvoyé au comité colonial.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du er décembre
1791
présidence de m. lemontey, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 29 novembre, au soir et du procès-verbal de la séance du mercredi 30 novembre.
, secrétaire, donne lecture :
1° D'une délibération de la municipalité de Bou-log nç~ sur-Mer.
(L'Assemblée renvoie cette délibération au comité des assignats et monnaies.)
2° D'une adresse de la commune de la Rochelle, par laquelle on demande, pour cette ville, l'établissement d'un tribunal de commerce semblable à celui qui a été accordé à la ville de Tours.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)
, secrétaire. Messieurs, voici une adresse intéressante :
« Législateurs,
« Dans l'intention de remplir le devoir de citoyen envers la patrie, les soussignés, en sus des dons patriotiques, quils ont ci-devant faits et payés à la nation, en ont fait de nouveaux, dans une assemblée de 22 sociétés des amis de la Constitution, tenue à Valence le 3 juillet 1791.
« Barnave, juge de paix à Saillans, offrit sa personne et de plus 600 livres, pour le soutien de la patrie.
« Roche, de Saillans, offrit sa personne et 300 livres.
* Pierre Guicharel fils, l'offre de sa personne et de 200 livres.
« Depuis lors, ils ont répété la même soumission, et fait les mêmes offres sur les registres de la municipalité de Saillans.
« Balthasard Souvion, citoyen de Saillans, a offert, sur le même registre, sa personne et de plus 1,200 livres, pour le soutien de la patrie.
« Ces suppléments de dons patriotiques n'ayant pas d'application fixe, les soussignés viennent prier 1 Assemblée législative d'en ordonner : 1° l'emploi aux objets qu'elle jugera, dans sa sagesse, les plus urgents pour la patrie ; 2° dans quelles caisses ils doivent compter ; 3° en quels termes.
« Tels sont les vœux des citoyens soussignés, qui sont prêts à verser jusqu'à la dernière goutte ae leur sang pour le soutien de la Constitution des Français.
« Fait à Saillans, district de Crest, département delà Drôme, le 20 novembre 1791.
« Signé : Barnave, Pierre Guicharel, Souvion et Roche. »
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette adresse et son insertion au procès-verbal, et décrète en outre le renvoi à la caisse de l'extraordinaire.)
, au nom du comité des inspecteurs de la salle. Je demande la parole pour une motion
d'ordre. Vous avez ordonné, par un décret du 14 novembre dernier (1), que le directeur de
l'imprimerie royale fournirait à M. Baudoin toutes les lois sanctionnées, format in-quarto,
pour être distribuées aux membres de l'Assemblée, à leur domicile. Quelques-uns de nos
collègues ont pensé que ce décret comprenait toutes les lois de l'Assemblée constituante ;
mais je vous ferai remarquer qu'en donnant ce sens au décret du 14 novembre, on nécessitera
une dépense de 35,760 livres, et cela pour faire un cadeau à chacun de nous. Ce serait donner
aux législatures suivantes un exemple dangereux. Votre comité d'inspection vous propose de ne
faire ordonner la fournitures des lois aux membres de VAssemblée actuelle qu'à compter du
« L'Assemblée nationale décrète gue la livraison à faire par le directeur de l'imprimerie royale au sieur Baudoin, de toutes les lois sanctionnées, proclamations, règlements et autres pièces d'administration venant des presses de l'imprimerie royale, n'aura lieu que pour tout ce gui a été imprimé à compter du 1er octobre dernier, et ce gui s'y imprimera pendant le cours de la législation actuelle. »
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
Je prie l'Assemblée de vouloir bien m'accorder un congé d'un mois pour des affaires de famille.
J'appuie la demande de congé à condition que les honoraires de M. Wilhelm seront suspendus jusqu'à son retour.
Gela va sans dire; on ne peut supposer qu'un membre de l'Assemblée, après un mois d'absence, vienne réclamer son traitement.
Un membre : J'observe qu'il existe déjà un décret du 22 juin 1790 qui défend en cas d'absence de toucher le traitement. En conséquence, je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Lecointre, en motivant cette décision par l'existence de ce décret.
(L'Assemblée accorde à M. Wilhelm le congé demandé et passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Lecointre, en conséquence du décret du 22 juin 1790.)
Un membre, au nom du comité du commerce: Messieurs, vous avez renvoyé, le 22 de ce mois, à votre comité de commerce, une pétition du sieur Thomas Eccleston (i), et vous l'avez chargé de vous en faire le rapport. Ge cultivateur informe l'Assemblée nationale qu'il est venu acheter en France 3 étalons et 15 juments pour les transporter en Angleterre, afin d'y multiplier une race particulière. Il s'est présenté à la douane du Havre pour acquitter les droits de sortie du royaume sur ces. chevaux et les embarquer ensuite pour l'Angleterre; mais la loi du 29 juin dernier qui prohibe la sortie des chevaux h/a pas permis au percepteur des douanes de recevoir les droits et ae laisser embarquer les chevaux du sieur Eccleston. Votre comité de commerce s'est concerté avec le comité militaire ; ils ont pensé que vous deviez autoriser la sortie dés étalons et juments achetés en France par M. Thomas Eccleston, cultivateur anglais; ils ont cru aussi ne pas devoir laisser échapper l'occasion de témoigner à l'Angleterre combien la nation française désire lui donner des preuves de son estime. J'ai, en conséquence, l'honneur de vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de commerce, voulant
3u'il ne soit apporté aucun obstacle au cours or-inaire du commerce, et considérant que le
sieur Thomas Eccleston, cultivateur anglais, est empêché depuis plus d'un mois, par la loi du
29 juin dernier, de faire emharquer pour l'Angleterre 15 juments et 3 étalons qu'il est venu
acheter en France, que cet obstacle lui occasionne beaucoup de dépense, décrète qu'il y a
urgence. 1 « Et le décret d'urgence préalablement rendu, l'Assemblée nationale décrète que le
ministre des contributions publiques est autorisé à permettre la sortie par le port de
Dieppe, en acquittant les
Quelques membres se sont opposés à ce décret en alléguant l'intérêt de l'agriculture; mais il leur a été répondu que l'intérêt du commerce et de la politique voulait que l'on n'empêchât pas les Anglais de sortir des chevaux du royaume, lorsqu'ils nous fournissent de si beaux étalons.
(L'Assemblée, consultée, adopte le projet de décret du comité de commerce.)
Je viens vous entretenir des demandes de M. Varnier, accusé en vertu d'un de vos décrets, arrêté depuis près de trois semaines et tenu à un rigoureux secret contre lequel il réclame sans cesse; il a écrit de nouveau a M. le président. Voici, Messieurs, quelles sont ses demandes.....
L'ordre du jour ! Nous ne pouvons nous occuper de M. Varnier.
et quelques membres à l'extrême gauche. Renvoyez les pièces à la haute cour nationale.
Vous êtes obligés de vous occuper de M. Varnier et je demande à le prouver en deux mots.
Je demande que l'Assemblée soit consultée pour savoir si M. Becquey sera entendu relativement à M. Varnier.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Becquey sera entendu.)
Avant d'en dire davantage, il faut répondre aux objections que l'on pourrait répéter aujourd'hui, et qui m'ont environné à la tribune lorsque j'y ai déjà pris la parole en faveur de M. Varnier. On a prétendu que, dès que les décrets d'accusation avaient été portés par l'Assemblée nationale, elle ne devait plus s'occuper des personnes que ces décrets atteignent, et que ce serait, de sa part, usurper le pouvoir judiciaire que de statuer sur les pétitions des. accusés. Lorsqu'on connaît les droits des hommes, lorsqu'on est pénétré des principes de notre Constitution, on ne doit pas supporter l'idée que, dans un pays libre, un citoyen arrêté en vertu de la loi puisse être privé un seul instant de la faculté de recourir à une autorité publique quelconque. Or, je le demande, quelle autorité, sinon la vôtre, M. Varnier pourrait-il invoquer aujourd'hui, lorsque le tribunal chargé de le juger n'est pas encore formé ? A quel autre pouvoir ferait-il parvenir ses plaintes ? qui pourrait, gui voudrait les entendre, si vous refusez de le faire? Il adonc'le droit de vous les adresser, et c'est le devoir de l'Assemblée nationale de l'examiner avec soin. Passer froidement à l'ordre du jour, dans une telle circonstance, ce serait faire à un citoyen accusé cette réponse terrible :
Le temps viendra où vous aurez des juges, mais jusqu'à ce moment vous serez comme abandonné sur la terre, vous serez oublié du reste des hommes. (Murmures à gauche.)
Tel ne sera pas le langage des représentants d'une nation juste et sensible. J'ai donc la confiance que yous écouterez avec intérêt la pétition que vous fait M. Varnier et la proposition que ie forme à son sujet. Le décret d'accusation qui le concerne porte qu'il sera mis au secret. Il demande la révocation de cette disposition ; il demande surtout qu'on ne le prive pas plus longtemps de la faculté d'écrire à sa mère au désespoir ; il demande à lui porter du fond de sa prison les consolations de la piété filiale.
Je vais tâcher de vous prouver que vous pouvez et que vous devez accéder à Ges réclamations; et j'observe d'abord que vous ne regardez pas la disposition du secret commé la suite nécessaire de tout décret d'accusation, puisque vous ne l'avez
Sas ajoutée à un autre décret de ce genre relatif à [. Delattre. Vous avez eu la faculté de ne pas imposer cette rigueur à la détention de M. Varnier, il vous est donc loisible de l'en délivrer aujourd'hui; il est même évident que la haute cour nationale n'étant pas réunie, il n'appartient qu'à vous seuls d'apporter ce changement à l'exécution de votre décret.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Il y a un décret général sur toutes les observations ae M. Becquey. On ne l'a entendu que parce qu'on ne savait pas qu'il voulait les reproduire. Je demande qu on passe à l'ordre du jour.
Vous n'en avez pas seulement la puissance, vous en avez aussi le devoir ; car c'est un devoir pour des législateurs de ne pas accumuler les rigueurs contre un citoyen qui est accusé d'un grand crime, mais enfin qui n'est qu'accusé. C'ést un devoir pour vous ae ne pas violer cette maxime bienfaisante de la Déclaration des droits, que tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi.
Plusieurs membres : L'ordre du jour! l'ordrè du jour!,,
Notre Constitution consacre aussi un principe que nos anciennes lois criminelles, toutes barbares qu'elles étaient, avaient cependant toujours respecté, c'est de faire interroger les accusés dans les 24 heures de leur détention. Aucune disposition de la Constitution ne comprend dans cette règle générale les accusés de crimes de lèse-nation, ni ne les en exempte. Les formes de leur interrogatoire ne sont pas encore tracées. Mais M. Varnier pourrait-il souffrir du silence qu'a gardé jusqu'à présent la législation dans cette partie? Devons-nous lui laisser supporter les peines d'une captivité solitaire pendant tout le temps qui s'écoulera encore avant la réunion de la haute cour nationale? Serait-il donc possible que son sort dût dépendre en quelque sorte de 1 activité ou de la lenteur que mettront les corps administratifs à envoyer les procès-verbaux d'élection des hauts jurés? Serait-il juste enfin, et nous serait-il permis de le priver plus longtemps, de l'exercice de la faculté qu'il doit avoir de recueillir, dès à présent, les preuves de son innocence, preuves que la durée du temps pourrait affaiblir d'une manière si fâcheuse pour lui?
Si nous ne pouvons pas charger les grands juges ou tout autre officier civil de faire subir sur-le-champ un premier interrogatoire à l'accusé, nous ne devons pas, pour Cela, le retenir
plus longtemps au secret. 11 doit jouir de soii droit, de méditer dès à présent sur le décret d'accusation porté contre lui et sur les délits qu'on lui impute. Il doit pouvoir préparer les moyens de sa défense et s entourer de ses parents de ses amis, de ses conseils, pendant que ses accusateurs travaillent, à leur gré, à accumuler contre lui les témoignages du délit dont ils le disent coupable.
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! l'ordre du jour!
Hâtons-noUs donc de révoquer cette partie du décret du 12 novembre. Je crois avoir montré que vous le pouviez, que vous le deviez même. Et s'il était besoin d'ajouter quelque considération aux motifs de justice éternelle qui suffisent sans doute pour régler votre détermination, je vous inviterais à réfléchir un instant sur l'état actuel de l'affaire de M. Varnier- Je vous dirais que loin que le temps qui s'est écoulé depuis son arrestation, ait procuré quelques renseignements à sa charge, tous, au contraire, se réunissent en sa faveur.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour 1 l'ordre du jour !
aîné. Un décret a déjà écarté tout ce que M. Becquey débite si éloquemment ; il parle des Droits de l'homme ; mais la sûreté de l'Etat est le premier des droits.
Plusieurs membres : Laissez parler M. Becquey.
D'autres membres : Non ! non ! L'ordre du jour !
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.) — (Applaudissements dans les tribunes.)
L'ordre du jour est d'entendre M. Becquey, ainsi que cela a été décrété. Monsieur le Président, vous devez consulter l'Assemblée pour savoir si M. Becquey continuera d'être entendu.
En présence du doute qui vient de s'élever, je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Becquey sera entendu.
(L'épreuve a lieu.)
L'avis, du bureau est que M. Becquey doit continuer son discours. (Vives réclamations.)
Puisqu'il y a doute, je vais faire une nouvelle épreuve.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Becquey nè sera pas entendu.) (Applaudissements dans les tribunes.)
Il faut, lorsqu'on ne veut plus entendre un orateur, lui demander au moins ses conclusions. (Murmures.)
Toutes les discussions qui ont eu lieu en faveur des prévenus de conspiration contre l'Etat, ont été occasionnées par l'insuffisance de la loi sur la formation du haut juré, car elles sont toutes fondées sur le délai expiré entre l'arrestation et le premier interrogatoire de l'accusé. Je demande donc que, pour prévenir, par la suite, toute espèce de discussion qui entraîne une grande perte de temps, le comité de législation soit tenu de nous présenter dans le plus court délai un projet de décret pour compléter la loi sur la formation de la haute cour nationale.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Vergniaud.)
Avant de passer à l'ordré du jour qui est un rapport du comité colonial sur les troubles des colonies, une députation de
la ville de Saint-Malo demande à être admise à la barre pour lire une adresse relative à la révolte des nègres de Saint-Domingue et aux secours à donner à cette colonie.
(L'Assemblée décrète que les députés de Saint-Malo seront admis sur-le-champ.
La députation de la ville de Saint-Malo est introduite à la barre.
, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Monsieur le Président et Messieurs, les commissaires de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue vous ont présenté hier le tableau des malheurs épouvantables de la plus riche partie de l'Empire français. Cette superbe colonie a été et est encore sur le bord du précipice. Le volcan qui eh a ravagé la plus belle portion paraît avoir ralenti un instant ses fureurs : la cause qui l'alluma est toujours existante. La France connaît et nomme les monstres qui se sont parés des dehors de la bienfaisante humanité, et ont emprunté son langage affectueux pour allumer les flambeaux des furies, et répandre sur toute la face de la terre, des principes destructeurs de toutes les bases de la société.
Jouissez, philanthropes hypocrites, jouissez de vos succès ! ils sont dignes de vous. La partie du nord de Saint-Domingue n'est plus qu'un tas de cendres teint du sang des blancs et des noirs. Le nègre a été cruel et stupide comme le tigre des forêts d'Afrique : il s'est soustrait au pouvoir de ses maîtres, mais c'est pour établir le despotisme le plus absolu, le despotisme des chefs des hordes de la côte de Guinée. Chaque paroisse de la partie du nord a eu son despote, et ce despote sans raison, sans morale, n'ayant pour guide qu'une volonté brutale et corrompue, s'est livré à tous les excès de la férocité.
Quoique les colons aient déployé dans les combats qu'ils ont soutenus contre les nègres, cette supériorité que donne, à des hommes civilisés, la réunion des lumières, du courage et des forces, ce ne sont pas cependant leurs mains qui ont fait couler le plus de sang africain, c'est par celles de leurs chefs qu'il a été versé.
Si les nègres avaient réussi dans leur entreprise, si les vœux de leurs amis avaient été exaucés, Saint-Domingue eût bientôt offert le même tableau que l'Afrique. Nous aurions vu les repas sanglants des anthropophages, à moins que la traite des noirs n'eût soustrait les malheureuses victimes aux fureurs de leurs semblables.
L'Assemblée nationale constituante, Messieurs, avait mis les colons et leurs propriétés sous la protection spéciale de la nation : ce bouclier sacré ne les a pas garantis ; et aujourd'hui qu'ils viennent se jeter dans le sein de la mèré patrie, pour lui demander des .consolations et des secours, la calomnie les précède et les suit ; leurs cruels ennemis veulent leur ôter la dernière des consolations des malheureux, l'a pitié. Ce n'est pas ainsi que la ville de Saint-Malo a accueilli ces colons infortunés. Cette ville, Messieurs, qui peut se vanter des services qUe nos pères ont rendus à la patrie, de son attachement à une Constitution libre, et de l'ordre qui a toujours régné dans ses murs, cette ville a arrêté qu'une députation de 10 de ses citoyens se réunirait, au nom de la commune entière, aux commissaires de la partie française de Saint-Domingue, pour solliciter de l'Assemblée nationale et du roi,
suivant les lois constitutionnelles du royaume, l'envoi dans la colonie, de tout ce qui peut être propre à éteindre la révolte, à soulager les colons, à produire le rétablissement de la culture, enfin à ramener la paix, la tranquillité et l'abondance dans cette île précieuse.
Les citoyens de Saint-Malo n'ont point été sé-
Ils ont parcouru le globe, ils ont vu l'homme sur toutes les faces et sous tous les rapports (Rires ironiques.); ils ont vu que l'Afrique, sauvage et esclave en même temps, est assujettie au despotisme de la stupidité et delà fureur; ils ont vu dans les habitants des colonies, des hommes doués d'un grand courage et d'une activité féconde. Partout ils ont vu que l'administration des ateliers était guidée, ou par les principes de l'humanité, ou au moins par l'intérêt personnel bien entendu. S'ils ont vu quelques exceptions, elles sont rares ; ils en ont gémi et ils ont invoqué la réforme des abus.
L'intérêt du commerce s'est aussi fait entendre, et cet intérêt est celui de toute la nation. Six millions de Français (n'existent que par les colonies ; si elles périssent, comme on a osé en
former le vœu dans la tribune nationale........
(Murmures violents et exclamations.)
Voix diverses : A l'ordre! à l'ordre! Que les pétitionnaires soient chassés de la barre !
Je demande que vous ôtiez la parole au pétitionnaire, parce qu'il n'a pas je droit d'insulter la nation ; et je demande qu'il ne soit pas entendu davantage.
C'est une inculpation, c'est une calomnie contre l'Assemblée. Les représentants de la nation se manqueraient à eux-mêmes, ils manqueraient à leurs commettants s'ils entendaient plus longtemps les pétitionnaires.
Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez ces pétitionnaires au respect qu ils doivent à l'Assemblée et que vous leur continuiez la parole. (Quelques murmures.)
Le droit de pétition est sacré sans doute; l'Assemblée le favorisera autant qu'il sera en son pouvoir, mais il ne faut pas que les pétitionnaires deviennent calomniateurs, et comme le pétitionnaire a calomnié l'Assemblée (Quelques applaudissements.), je fais la motion expresse que M. le Président rappelle le pétitionnaire à l'ordre. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je vais mettre aux voix la motion de M. Delacroix.
Plusieurs membres à droite : La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la motion de M. Delacroix.)
Je mets aux voix la motion.
(L'Assemblée devient tumultueuse.)
Le pétitionnaire n'a point attaqué l'Assemblée...
Plusieurs membres : A la tribune! à la tribune!
(à la tribune.) Il me semble que le pétitionnaire a dit que, dans l'Assemblée nationale, on a paru prendre peu d'intérêt...
Plusieurs membres : Ce n'est pas cela, Monsieur l'abbé !
veut parler : le bruit couvre sa voix ; il descend de la tribune.
Je demande que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète la motion de M. Delacroix.)
, s1 adressant à l'orateur de la députation. Monsieur, en vertu du décret que l'Assemblée vient de rendre, je vous rappelle au respect que vous lui devez ; continuez.
, continuant son discours. C'en est fait de la France, l'affreuse banqueroute se montre avec toutes ses horreurs. (Murmures.)
Vous écarterez, Messieurs, les malheurs qui nous menacent. Législateurs des Français, vous fermerez les plaies qu'une secte sacrilège a faites à la patrie, et vous préviendrez les attentats qu'elle médité encore.
Le premier besoin de la colonie de Saint-Domingue est la paix. Il faut, pour l'y établir, une force publique suffisante pour réduire et ensuite pour contenir les révoltes.
Les colons ont fait des pertes immenses : toutes leurs usines, tous leurs moyens de culture sont détruits : l'habitant manque de ressources. Si la patrie ne vient pas à son secours, sa ruine absolue est inévitable et entraînera celle du commerce et des manufactures : toutes les parties de l'Empire en seront affectées.
Les malheurs de la colonie de Saint-Domingue et leurs causes vous sont connus. Votre sagesse, Messieurs, vous indiquera les moyens de les réparer; notre devoir sera d'y concourir de toutes nos forces.
, répondant à la députation. Messieurs, l'Assemblée nationale a entendu avec le plus douloureux intérêt le récit des malheurs
3ui ont désolé les colonies. Quelle que soit la
istance qui les sépare de nous, la nation n'en aura pas moins de l'affection pour les secourir, du courage pour les défendre et des regards perçants pour découvrir la source de ces maux. L'Assemblée vous permet d'assister à sa séance. {Applaudissements.)
Voix diverses : Oui! oui! —Non! non!
(Les pétitionnaires prennent place dans l'Assemblée.)
Un membre : Vous avez entendu, pendant deux jours de suite, le récit des malheurs arrivés aux colonies; vous avez entendu, et les commissaires de Saint-Domingue, et les pétitionnaires de Saint-Malo, vous indiquer dune manière très hasardée, ce qu'ils appellent , la source de tous leurs maux et accuser des citoyens d'avoir causé les troubles des colonies.
Je crois, Messieurs, qu'il est très instant, qu'il est du devoir de l'Assemblée nationale de presser, le plus qu'elle le pourra, les éclaircissements qu'elle est à même de se procurer sur les troubles des colonies. Il nous importe beaucoup, dans Ces circonstances, de prouver à la France qu'il n'est pas dans notre intention de les perdre ni de les abandonner.
On a calomnié ici et les intentions de l'Assemblée nationale, et les intentions de citoyens dont la conduite va être mise au jour par le rapport qui va vous être fait. Je demande donc que, sans s'occuper d'autres affaires, à moins qu'elles ne soient instantes, l'Assemblée s'occupe d'entendre le rapport sur les colonies.
Plusieurs citoyens sont prêts à donner les
éclaircissements qu'ils ont reçus en particulier. Le comité, je le sais, a des matériaux très nombreux. Je vous prie, Messieurs, de prendre mon observation en considération, parce qu'il y a dans cette ville des gens malintentionnés, et
3ue c'est de ce foyer que partent tous les traits e la calomnie qui viennent nous assaillir. (Applaudissements.)
Je demande qu'après la lecture dû rapport du comité colonial, et toute affaire cessante, on s'occupe de celle des colonies jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Plusieurs membres : Non ! non ! Et les finances !
Le rapport du comité colonial est à l'ordre du jour d'aujourd'hui.
Le comité colonial n'est pas en état de faire son rapport aujourd'hui; il vous demande un délai de 10 à 15 jours.
J'appuie lamotion deM. Tarbé; il est impossible que le comité colonial vous fasse aujourd'hui le rapport que vous lui avez demande. Les commissaires de Saint-Domingue ont lu hier une très longue pétition, qui a été renvoyée à votre comité; c'est un surcroît de travail qui doit nécessairement retarder son rapport. Il ne pourra donc vous faire le rapport sur les troubles des colonies que quand il aura connaissance lui-même de tous les faits; car c'est par là, c'est en réunissant les faits qu'il pourra parvenir à discerner les causes. Chaque jour, il arrive de nouveaux matériaux, de nouveaux renseignements ; la pétition d'hier en est un exemple. Je vais moi-même vous demander la permission de vous lire une pétition individuelle qui se rapporte encore aux événements des colonies. Ainsi, votre comité, qui a dû d'ailleurs employer beaucoup de temps à faire le dépouillement de tous les papiers relatifs à Saint-Domingue, laissés par l'ancien comité colonial, ne peut vous faire le rapport aujourd'hui. Il demande donc l'ajournement jusqu'au 10. Au reste, Messieurs, cela n'empêchera pas d'entendre ceux qui sont prêts. Je demande à l'Assemblée si elle veut entendre la pétition individuelle que je viens de lui annoncer; elle est signée par un grand nombre de citoyens. Plusieurs membres : Oui ! oui I
, lisant. « En prison dans la chapelle ae la Providence, en date du 2 ou 3 octobre 1791.
« A Messieurs de l'Assemblée nationale, « Du sein de l'infortune et des horreurs d'une injuste oppression, à laquelle nous ne devions pas nous attendre en arrivant dans un pays où nous comptions trouver des Français et des frères, nous sommes obligés d'employer le secours des ténèbres pour vous adresser nos réclamations et implorer votre justice, obtenir réparation de la part des colons ae Saint-Domingue, et des indemnités pour les torts, les pertes et les mauvais traitements qu'ils nous font essuyer, et que nous allons vous mettre sous les yeux.
« Accoutumés à jouir depuis longtemps d'une liberté que nous devons à votre sagesse et à nos efforts, nous croyions être pour jamais à l'abri des traits odieux du despotisme, et cependant nous venons d'en éprouver toutes les rigueurs malgré toutes les preuves que nous avons fournies de la pureté de nos intentions et des motifs qui nous ont conduits dans la colonie.
« Sans doute, Messieurs, vous n'ignorez pas les désastres imprévus et accidentels résultant de l'insurrection des nègres du nord de la partie française de Saint-Domingue, mais ces malheurs quelque grands qu'ils puissent être, n'autorisaient pas ceux qui les ont éprouvés et ceux qui en redoutaient les suites, à nous en faire supporter la peine, et à rejeter sur la mère patrie des calamités que la colonie a éprouvées.
« Ce sont des passagers amenés de France dans la colonie par diverses vues, qui vont présenter à votre justice, l'exposé succinct et véritable des maux qu'on leur a fait souffrir à l'époque de cette malheureuse circonstance, sans avoir égard aux passeports qu'ils ont apportés de France, et aux recommandations et sûretés
Su'ils ont offerts. A peine arrivés dans la rade u Cap Français, nous avons été consignés à bord de nos navires respectifs, et cette privation de notre liberté n'a été qu'un prélude des souffrances qu'on nous a fait endurer depuis le 21 du mois de septembre. Nous avons été conduits au fort du Petit-Calet, où l'on nous a laissés 48 heures sans nous donner de vivres. Dans la nuit du 22 au 23, nous avons été transférés dans la chapelle de l'hôpital de la Providence , où nous sommés encore détenus, jusqu'à ce qu'il plaise à nos tyrans de terminer nos souffrances par notre expulsion. Voilà le sort affreux que nous font éprouver des gens injustes et cruels qui, abusant du titre sacré de la loi, ont cru sans doute devoir se venger sur nous des maux dont nous ignorons même la possibilité. Leur vengeance ne s'est pas bornée a notre détention : une nourriture malsaine, une eau putride et avariée, l'habitation d'un hôpital et le méphitisme des ordures que nous étions obligés de faire dans l'endroit même ; voilà les dangers auxquels nous avons été ex-
Sosés, après une dure traversée dans un climat rûlant.
« Ils manquent tant de ménagements pour les nouveaux arrivés que plusieurs d'entre nous ont été grièvement malades et que peu s'en est fallu qu'ils n'aient succombé sous tant de maux réunis. Ceux qui en sont les auteurs prétendront-ils les autoriser en alléguant le faux prétexte de la sûreté publique ? Diront-ils qu elle dépendait entièrement de notre détention? Voudront-ils, par cette faible excuse, pallier la noirceur des mauvais traitements qu'ils nous ont fait éprouver. Eh bien ! qu'ils sachent que quand même le bien public aurait demandé la privation momentanée de notre liberté, elle devait cesser lorsque nous avons fourni les preuves de notre honnêteté et de la pureté de nos vues. Jusque-là ils devaient nous regarder comme suspects et non comme criminels, et par là même leur devoir était de vous surveiller tout au plus, et non de nous punir. Mais les colons voulaient des victimes, et; comme ils attribuent à vos décrets la cause de leurs maux, il leur a été sans doute bien doux d'exercer leurs vengeances sur» des malheureux Français, dont les papiers et passeports portaient l'empreinte d'une entière soumission à vos lois.
« Maintenant ils vont nous renvoyer dans notre pays, et nous nous sentons encore heureux de quitter un pays de désolation et d'injustice, puisque nous allons respirer de nouveaux l'air pur ae la liberté. Mais, Messieurs, sous un autre rapport, est-il possible qu'un acte arbitraire de la part des colons nous occasionne impunément des pertes conséquentes et irréparables? D'abord
nous avons fait la dépense d'Une traversée d'aller qui est tout à fait perdue pour nous, puisque nous ne pouvons en retirer aucun fruit ; ensuite nous voyons détruire entièrement la perspective que chacun de nous avait aperçue dans ce pays; les uns venaient en recouvrements de fonds, les autres pour gérer des habitations ; certains pour prendre diverses branches de commerce, et tous dans l'intention commune d'exercer leurs talents et leur industrie avec toute la droiture et l'honnêteté convenables. Ce n'est pas une petite peine de voir renverser en un seul instant tous les soins pris depuis longtemps pour arriver au but que chacun de nous se proposait. Le temps que nous avons perdu dans le voyage doit entrer pour beaucoup dans toutes ces considérations ; et s'y vous y ajoutez la dureté d'une traversée d'hiver qu'on nous fera faire sur le pont, vous aurez une juste idée du despotisme qu on exerce impitoyablement sur nous. '
« C'est pourquoi nous n'hésitons pas de vous demander justice de toutes ces souffrances, et vous prions de vouloir bien nous indemniser des frais de nos passages. Nous venons de vous retracer toutes les horreurs dont nous avons été victimes, malgré la proclamation solennelle des Droits de l'homme, que nous ne croyions pas méprisés dans une partie d'une nation régénérée. Nous sommes Français, et des hommes inhospitaliers osent aussi prendre ce titre, après nous avoir jugés, après nous avoir rejetés de leur sein. Auss.i, nous soupirons tous après le moment, qui pourra nous rendre à nos vrais concitoyens, ' et ou nous pourrons vivre libres et à l'abri des lois sages que vous avez faites pour le bonheur de la nation. Puissiez-vous, Messieurs, jeter un regard favorable sur nos humbles demandes. » (Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des secours publics.
Je demande le renvoi dé cette pétition au comité colonial.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité colonial.)
J'ai pris l'engagement solennel de dénoncer au 1er décembre, les auteûrs des troubles des colonies. Je.me présente aujourd'hui pour remplir cet engagement. Je suis prêt à parler si l'Assemblée veut bien m'entendre. (Oui ! oui ! Applaudissements.)
Un membre : Je demande que M. Brissot ne parle qu'après le rapport du comité.
Plusieurs membres: Non! non! la question préalable.
(L'Assemblée décide, à une grande majorité, que M. Brissot sera entendu,)
Je dois avertir l'Assemblée qu'elle doit procéder aujourd'hui à l'élection de 4 secrétaires. Veut-elle se retirer dès maintenant dans les bureaux?
Plusieurs membres: Non! non! après le discours de M. Brissot.
(L'Assemblée décide que cette élection est renvoyée après le discours de M. Brissot.)
Plusieurs membres sJadressant à M. Brissot de Warville : A la tribune l
, montant à la tribune. Vous ne m'entendrez que trop. (Applaudissements à gauche.)
Avant d'accorder la parole à M. Brissot, j'observe à l'Assemblée qu'on a fait
la proposition d'ajourner à 10 jours ou à 15 jours le rapport au comité colonial.
Plusieurs membres demandent que le rapport soit fait samedi sans autre délai.
D'autres membres demandent que la discussion soit ouverte immédiatement après le discours de M. Brissot.
Un membre : Votre comité des colonies vous demande un délai de 15 jours pour le rapport qu'il devait vous faire aujourd'hui ; il vous a exposé les motifs. L'esprit de parti, l'intérêt, les soupçons multiplient les calomnies contre les colons, contre les amis des noirs, dont je crois les intentions pures. Mais, par des principes dont on peut avoir abusé pour propager ces troubles, par une dangereuse application que l'on en a fait dans les colonies, le jour de la vérité pénétrera lentement dans ce chaos. Dans ce moment, notre délibération serait prématurée, et nous ne pourrions peut-être que multiplier les troubles au lieu de les faire cesser. J'appuie donc la motion du rapporteur du comité, et je demande que le rapport qui devait être fait aujourd'hui ne le soit que dans 15 jours, parce qu'alors nous pourrons délibérer avec plus de connaissance de cause.
Un membre: J'ai l'honneur de vous assurer que ce rapport est un ouvrage long, difficile, pénible, et qui a besoin d'être mûri avec sagesse dans le Comité. Je demande que vous l'autorisiez à se procurer, auprès du ministre de la marine, tous les avis officiels que ce dernier a pu recevoir relativement aux troubles des colonies.
Je ne m'oppose pas à un délai quelconque, mais je demande qu'il soit très court. Le rapport a été fixé à aujourd'hui. Les renseignements que vous avez renvoyés à votre comité n'ont pas aû beaucoup déranger son travail: 5 jours peuvent suffire pour le mettre en état de vous le présenter. D'ailleurs, l'Assemblée constituante ayant rendu un décret qui abroge celui du 15 mai, et les colons du Port-au-Prince ayant fait avec les hommes de couleur un concordat sur les bases de ce dernier, si les colonies veulent exécuter le décret qui abroge celui du 15 mai, le feu va se rallumer dans les colonies. Il est donc instant, pour prévenir de nouveaux désordres, d'y*envoyer promptement le décret que votre sagesse vous suggérera.-
Je dis que si vous n'accordez que 5 jours au comité pour faire son rapport, il viendra au bout de ce terme vous demander encore 5 jours, peut-être même davantage; je crois que vous devez décider qu'il vous présentera son rapport du 10 au 15 décembre.
, Je demande que la discus-sion soit fermée. (L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande la question préalable sur la demande du comité. Les troupes destinées aux colonies doivent partir de. Brest le 15 décembre. Il faut que le décret soit rendu avant le départ des troupes.
Plusieurs membres : L'ajournement au 10 décembre.
Je retire ma motion et je me rallié à la date du 10 décembre.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le comité colonial présentera son rapport le 10 décembre.)
La parole est à M. Brissot de Warville.
(1). Messieurs, un événement affreux vient de jeter Saint-Domingue dans la consternation. La révolte des noirs, la plus considérable qu'on ait encore vue dans les colonies françaises, s'est développée tout à coup vers la fin du mois d'août dernier. De lentes précautions ont été prises pour l'arrêter. Le camp des rebelles qu'on laissait si paisible au milieu de leurs ravages s'est grossi; et alors qu'on a voulu le combattre, les difficultés, les dangers ont paru s'accroître ; on s'est à dessein d'abord exagéré le péril ; l'assemblée coloniale a invoqué le secours des puissances étrangères, en refusant d'employer celui qu'elle avait sous la main, en n'avertissant même pas ceux qui pouvaient le diriger. Le secours des puissances étrangères a été presque nul ; il a fallu combattre, avec les seules forces d'une partie de l'île, ces rebelles, dont les progrès pouvaient enfin devenir funestes à ceux mêmes dont ils avaient d'abord servi les projets sinistres. Après quelques faibles combats qui seraient à peine des escarmouches dans une armée européenne, les noirs, battus, dispersés, ont invoque la clémence de leurs vainqueurs; ils sont rentrés dans leur devoir. Un grand nombre de sucreries et de cafeyères brûlées, 5 à 6,000 nègres pris ou pendus, 5 à 600 blancs égorgés ou péris de fatigue: telles ont été les suites de cette catastrophe inattendue, qui cause à la partie du nord de Saint-Domingue une perte immense, dont le contre-coup va réfléchir sur le commerce, sur le produit des colonies, sur la part qu'elles apportent dans la balance du commerce, sur les fortunes d'une foule de particuliers, enfin sur les dépenses de protection que le métropole doit aux colonies.
Tous ces rapports, Messieurs, vous font la loi de rechercher avec le plus grand soin la cause des troubles qui ont agité Saint-Domingue depuis la Révolution, les coupables qui peuvent les avoir suscités et les moyens propres à prévenir le retour de semblables catastrophes. Tels sont les divers points que je me propose de traiter ici en vous mettant sous les yeux le tableau de la situation de Saint-Domingue. Jusqu'à présent il n'a été tracé que par des mains partiales : jamais on n'a soulevé le voile entièrement, ni pour le public ni même pour l'Assemblée nationale. Après trois années de décrets faits et défaits, et de rapports contradictoires, on est encore à savoir l'état au vrai de nos îles et des troubles qui les divisent : c'est que le secret, le droit et les moyens de le dévoiler étaient dans la main même de ceux qui tenaient le fil des conjurations et des troubles; et ils avaient le plus grand intérêt ou à égarer l'Assemblée ou à étouffer la discussion. Cet intérêt, cette influence n'existent plus aujourd'hui. Vous saurez donc la vérité, vous connaîtrez enfin les coupables. Qu'ils pâlissent ceux qui, comme dit Juvénal, ont l'âme glacée par le souvenir de leurs crimes :
Criminibus.
Cui frigida mens est
C'est un combat entre la liberté et le despotisme, un combat donné dans le temple de la liberté même, et sous les yeux de ses ministres, sous les yeux d'un peuple qui l'adore : le succès peut-il en être douteux?
Ne craignez point ici, Messieurs, de voir dans
Les lettres de M. Blanchelande vous ont appris les détails et les suites de la dernière révolte des noirs. Je ne vous les retracerai donc pas; ils reviendront d'ailleurs dans l'examen que je ferai de ces lettres mêmes qui nous donnent le fil de la conspiration ourdie dans Saint-Domingue, pour arracher cette colonie à la France. Car, Messieurs, il faut enfin déchirer le voile. Ce n'est pas une révolte de noirs que vous avez seulement à punir, c'est une révolte de blancs. La révolte de ces noirs n'a été qu'un moyen, qu'un instrument dans la main de ces blancs, qui voulaient, en s'affranchissant de la dépendance française, s'affranchir des lois qui humiliaient leur vanité, et de ces dettes qui gênaient leur goût pour la dissipation. C'est une vérité que j'espère porter jusqu'à la démonstration.
En recherchant les causes des troubles de Saint-Domingue, on voit que ces troubles, Messieurs, tiennent à des causes locales. Ils tiennent à la diversité de la population des îles, des opinions qui y prédominent, qui dirigent les individus et les assemblées. Il importe donc de les faire connaître.
On peut distinguer la population de Saint-Domingue en quatre classes : colons blancs ayant ae grandes propriétés ; petits blancs sans propriétés, et vivant d industrie; gens de couleur ayant une propriété ou une industrie honnête ; les esclaves enfin.
Les colons blancs doivent être divisés en deux classes, relativement à la fortune et à l'ordre dans leurs affaires. Il en est qui ont de vastes propriétés, et qui doivent peu, parce qu'ils mettent de l'ordre dans leurs dépenses. Il en est un i plus grand nombre qui doivent beaucoup, parce qu'il y a un grand désordre dans leurs affaires.
Les premiers aiment la France, sont attachés et soumis à ses lois, parce qu'ils sentent le besoin qu'ils ont de sa protection, pour conserver leurs propriétés et l'ordre. Ces premiers colons aiment et soutiennent les hommes de couleur, parce qu'ils les regardent comme les vrais boulevards ae la colonie, comme les hommes les plus propres à arrêter les révoltes des noirs.
Du nombre de ces colons respectables était M. Gérard, député de la précédente Assemblée. Il ne cessait de tempérer la fougue de ses collègues, qui ne votaient que pour des moyens violents, parce que ces moyens leur paraissaient très propres à créer des troubles nécessaires à leur existence fastueuse et insolvable.
Les colons dissipateurs, écrasés de dettes, n'aiment ni les lois françaises, ni lès hommes de couleur, et voici pourquoi : ils sentent bien qu'un Etat libre ne peut subsister sans bonnes lois, et sans le respect dû à ses engagements; ainsi, tôt ou tard, ils seront contraints par les mêmes lois à payer leurs dettes; ils y seront bien plus rigoureusement contraints que sous le despotisme, parce que le despotisme se laisse capter par ses flatteurs aristocrates, et leur accorde des lettres de répit, des arrêts de surséance, 31 empêche la loi des saisies de s'exécuter. Mais, a liberté ne connaît ni lettres de répit, ni arrêts le çurséance. Elle dit et dira bientôt à chacun
i dans les îles : Si tu dois, paye ou quitte tes propriétés à ton créancier.
D'un autre côté, ces colons prodigues, endettés, n'aiment pas mieux les citoyens ae couleur que les noirs, parce qu'ils prévoient bien que ces hommes de couleur, presque tous exempts de dettes, et réguliers dans leurs affaires, seront toujours portés à défendre les lois, et que leur courage, leur nombre et leur zèle peuvent seuls, et même sans le concours de troupes européennes, garantir l'exécution de vos lois. Un autre motif anime les colons blancs dissipateurs, contre les hommes de couleur : c'est le préjugé d'avilissement auquel ils les ont condamnés, et que ceux-ci veulent secouer enfin. Ils leur font Un crime de leur amour pour l'égalité; et, tandis qu'ils tonnent contre le despotisme ministériel, ils veulent sanctifier et faire sanctifier par une assemblée d'hommes libres le despotisme de la peau blanche.
Loin de partager leurs fureurs, les colons honnêtes et bons citoyens ne cessent de gémir de ces préjugés, de leur injustice et de ses effets. L'ordre, Messieurs, ne peut régner avec les préjugés, parce que l'ordre est fondé sur l'amour de la justice. Le désordre, au contraire, qui ne vit que d'injustices, doit défendre avec fureur les préjugés qui lui sont agréables ou utiles ; et c'est par là qu'on explique tout à la fois dans le cœur du même colon, sa haine contre l'homme de couleur qui réclame ses droits, contre le négociant qui réclame sa créance, contre le gouvernement libre, qui veut que justice soit faite à tous.
Aussi, Messieurs, devez-vous regarder les ennemis de ces hommes de couleur comme les plus violents ennemis de notre Constitution. Ils la détestent parce qu'ils y voient l'anéantissement de l'orgueil et des préjugés; ils regrettent, ils ramèneraient l'ancien ordre de choses, s'ils y voyaient des garants qu'ils pourraient impunément opprimer, sans être eux-mêmes opprimés par les ministres.
La cause des hommes de couleur est donc la cause des patriotes, de l'ancien tiers état, du peuple enfin si longtemps opprimé. Ici, je dois vous prévenir, Messieurs, que, lorsque je vous peindrai ces colons, qui, depuis 3 ans, emploient les manœuvres les plus criminelles pour rompre les liens qui les attachent à la mère patrie, pour écraser les gens de couleur, je n'entends parler que de cette classe de colons, indigents malgré leurs immenses propriétés, fastueux malgré leur indigence, orgueilleux malgré leur profonde ineptie, audacieux malgré leur lâcheté, factieux sans moyen pour l'être, ces colons enfin que leurs vices et leurs dettes portent sans cesse aux troubles, et qui, depuis 2 ans, ont dirigé les diverses assemblées coloniales vers une aristocratie indépendante. Voulez-vous les juger en un clin d'œil? méditez ce mot de l'un deux, qui le disait pour flagorner le monarque alors puissant : Sire, votre cour est toute créole. » Il avait raison : il y avait entre eux parenté de vices, d'aristocratie et de despotisme. (Applaudissements).
Cette espèce d'hommes a le plus grand empire sur une autre classe non moins dangereuse, celle appelée « les petits blancs », composée d'aventuriers, d'hommes sans principes, et presque tous sans mœurs. Cette classe est le vrai fléau des colonies, parce qu'elle ne se recrute que de la lie de l'Europe. Cette classe voit avec jalousie les hommes de couleur, soit les artisans,, parce
mie ceux-ci travaillant mieux et à meilleur marché, sont plus recherchés; soit les propriétaires, parce que leurs richesses excitent leur envie et abaissent leur orgueil. Cette classe ne soupire qu'après les troubles, parce qu'elle aime le pillage ; qu'après l'indépendance, parce que, maîtres de la colonie, les ^ petits blancs espèrent se partager les dépouilles des hommes ae couleur. Les
Eetits blancs remplissent principalement les villes abitées par une autre classe d'hommes plus respectable, celle des négociants et commissionnaires, attachés par leurs intérêts à la France, attachés à la cause des hommes de couleur, parce qu'ils y voient une augmentation de consommation et de prospérité.
Quels sont donc enfin ces hommes de couleur dont les gémissements se font entendre depuis si longtemps dans la France ? Ce ne sont pas, Messieurs (et il importe de le répéter souvent, pour écarter les insinuations perfides des colons), ce ne sont pas des noirs esclaves : ce sont des hommes qui doivent médiatement ou immédiatement leurs jours au sang européen, mêlé avec du sang africain. Ne frémissez-vous pas, Messieurs, en pensant à l'atrocité du blanc qui veut avilir un mulâtre! C'est un sang qu'il avilit; c'est le front de son fils même qu il marque du sceau de l'ignominie; c'est pour frapper son fils, qu'il emprunte le glaive de la loi, ou qu'il veut la rendre infâme.
Observez encore que les hommes de couleur qui réclament l'égalité des droits politiques avec les blancs, leurs frères, sont presque tous, comme eux, libres, propriétaires, contribuables ; et plus qu'eux ils sont les véritables appuis de la colonie ; ils en forment le tiers état si laborieux, et cependant si méprisé par des êtres si profondément vicieux, inutiles et stupides. Ces derniers, pour se dispenser d'être justes envers eux, avaient l'impudence d'annoncer à la France, au commencement de la Révolution, qu'il n'y avait pas de tiers état aux îles, sans doute pour ôter au peuple français ce sentiment de tendresse fraternelle qui l'aurait porté vers les hommes utiles qui essuyaient le même sort que lui dans un autre hémisphère; mais ce n'est pas le moment d'entrer dans ces détails. Je me borne ici à classer les diverses espèces d'hommes qui habitent Saint-Domingue, parce que là vous trouverez le fil qui vous conduira sûrement à la cause des troubles. La dernière classe est celle des esclaves, classe nombreuse, puisqu'elle se monte à plus de 400,000 âmes, tandis que les blancs, mulâtres et nègres libres, forment à peine la sixième partie de cette population.
Je ne m'arrêterai pas à vous peindre le sort de ces infortunés arrachés à leur liberté, à leur patrie, pour arroser un sol étranger de leurs sueurs et de leur sang, sans aucun espoir, et sous les coups de fouet de maîtres barbares. Malgré le double supplice de l'esclavage et du spectacle de la liberté des autres, l'esclave de Saint-Domingue a été tranquille jusqu'à ces derniers troubles, même au milieu des violentes commotions qui ont ébranlé nos îles; il a partout entendu le mot enchanteur de « liberté », son cœur s'est ému : car le cœur d'un noir bat aussi pour la liberté (Applaudissements) ; et cependant il s'est tu, il a continué de porter les fers
Eendant deux ans et demi, sans songer à les riser, et, s'il les a secoués, c'est à l'instigation d'hommes atroces que vous parviendrez à connaître.
Telles sont les diverses espèces d'hommes qui
habitent Saint-Domingue ; et d'après le tableau rapide que j'en ai tracé, on peut deviner les sentiments qui ont dû animer chaque classe à la nouvelle de la Révolution française. Les colons honnêtes et bons propriétaires ont eu la certitude d'éloigner à jamais le despotisme ministériel, de le remplacer par un gouvernement colonial et populaire; et ils ont aimé la Révolution. Les nommes de couleur y ont trouvé l'espoir d'anéantir le préjugé qui les tenait dans l'opprobre, de ressusciter leurs droits ; et ils ont aime la Révolution. Les colons dissipateurs, qui jusqu'alors avaient rampé dans l'antichambre des intendants, gouverneurs ou ministres, ont vu avec délices le moment de leur humiliation ; et pour leur rendre leur mépris et leur insolence, ils ont proné la liberté: comme ces vrais caméléons en politique que nous avons vu successivement, valets de la cour, valets du peuple, qui ont pris, quitté, repris les signes de la servitude et la cocarde nationale. (Applaudissements.) Les colons ont renversé les ministres de leurs trônes, parce que, comme les nobles de France, ils ont espéré s'y asseoir seuls.
Les petits blancs, jusque-là retenus dans les bornes par l'Administration, souvent punis par elle, ont saisi avec avidité les occasions de déchirer, de mettre en pièces ces idoles devant lesquelles ils étaient forcés de se prosterner. Ainsi, le premier cri, le cri général dans les îles, a été pour la liberté ; le second a été pour le despotisme personnel parmi les colons dissipateurs et les petits blancs, tandis que les colons honnêtes et les hommes de couleur ne voulaient que l'ordre, la paix et l'égalité; et au delà, Messieurs, la source des combats qui ont déchiré nos îles.
L'Administration, que la première nouvelle de la Révolution française avait consternée, l'administration a vu dans ces combats le moyen de relever son autorité. Sortant de sa stupeur, elle a cherché à s'attacher le parti le plus fort; mais elle a varié sa tactique suivant les lieux. Ainsi, comme à Saint-Domingue, les blancs de l'île étaient les ennemis les plus acharnés de l'administration, elle s'est secrètement tournée d'abord vers les citoyens de couleur, leur a fait entrevoir une perspective consolante ; mais cette autorité ne voulait que semer des troubles ou arrêter les effets du patriotisme : elle voulait armer les mulâtres contre les blancs. Cette tactique tortueuse n'a servi qu'à provoquer une persécution affreuse contre ces infortunés, persécution où ils ont été lâchement abandonnés, ou même sacrifiés par le ministère, qui n'avait pas plus de bonne foi que de hauteur dans ses conceptions ou de tenue dans sa conduite. Il ne voyait pas que cet abandon devait le précipiter lui-même au tombeau.
Méprisée par les hommes de couleur, détestée par les militaires, l'administration fut obligée ae se jeter dans les bras des hommes blancs, et de servir leurs passions et leurs préjugés, de leur
Erêter son bras pour écraser leurs ennemis, les
ommes de couleur.
La comédie, Messieurs, fut mieux jouée à la Martinique par les agents du ministère. La nouvelle de la Révolution y avait été, accueillie avec transport, surtout par les habitants de la ville de Saint-Pierre. L'administration y employa des manœuvres odieuses, mais bien puissantes, pour y arrêter les effets de la liberté. Elle réveilla, excita les jalousies entre les habitants des villes et des campagnes, entre les négociants et les planteurs, entre les créanciers et les débiteurs, enfin entre les blancs et les mulâtres. Ainsi l'administration mit en jeu les ressorts les plus
actifs pour exciter les passions, enflammer les esprits, allumer une guerre ; et le succès répondit à son attente.
Le croiriez-vous, Messieurs, un de ces courtisans, qui, sous le régime passé, portait l'insolence et l'orgueil au plus haut degré, qui aurait foulé à ses pieds, comme de vils animaux, les individus qui appartenaient à la classe des mulâtres, M. Viomenil, ne rougit pas de donner publiquement un baiser à un mulâtre; et ce baiser perfide fut le signal de la guerre civile et de la guerre de couleur. J'ai dit que ce courtisan ne rougit pas : loin de moi que l'idée d'un embras-sement fraternel d'un blanc et d'un mulâtre soit une honte pour le blanc; mais un militaire, mais un Français, doit rougir, doit avoir horreur d'une caresse perfide! Mentir à sa conscience, embrasser celui qu'on méprise pour faire verser du sang, me parait le plus grand comme le plus lâche des crimes.
Plus habile à la Martinique qu'à Saint-Domingue, l'Administration s'appuyant tout à la fois des armes des planteurs, des mulâtres et des forces militaires, parvint à écraser le patriotisme ; car, Messieurs, l'histoire de la Martinique, si obscure encore pour la France, n'est que lTlistoire d'une contre-révolution opérée parle secours d'hommes égarés. C'est une vérité qui vous sera démontrée lorsque vous voudrez enfin connaître les vexations, les iniquités, les horreurs dont les patriotes de la Martinique ont été les victimes, contre les-
auelles ils n'ont cessé de réclamer; mais le parti
es colons factieux qui dirigeait le comité colonial avait intérêt d ensevelir ces vérités. C'est alors que vous connaîtrez tous les délits des sieurs Damas, Behague et de leurs satellites, des sieurs la Rivière, d'Orléans, tous envoyés dans les îles par le ministère, malgré leur haine bien avérée contre la Constitution, et précisément à cause de cette haine, et qui tous se sont vengés sur les patriotes de la ville de Saint-Pierre des triomphes de la liberté en France.
Les Français gémiront des maux horribles
3u'ont endurés leurs frères. Ils en eussent essuyé
e semblables s'ils avaient succombé. C'est donc un double devoir pour eux de punir sévèrement lesjcontre-révolutionnaires de la Martinique, que le ministère n'a cessé de protéger. Ainsi, Messieurs, pour marquer en deux mots la différence entre la révolution de la Martinique et celle de Saint-Domingue, je dis et je prouverai que l'administration a opéré la révolution à la Martinique, à l'aide de mulâtres séduits; je dis et je prouverai qu'elle l'a opérée à Saint-Domingue à l'aide des blancs factieux; mais à Saint-Domingue, les colons blancs ont voulu la révolution, et l'ont faite pour leur profit personnel ; tandis qu'à la Martinique, l'administration l'a faite pour le compte du royalisme. A Saint-Domingue, les colons blancs ont été les chefs et les directeurs de la conspiration ; à la Martinique ils n'ont été que les instruments.
Les hommes, Messieurs, qui ont l'habitude de l'analyse politique, doivent voir, d'après ces données, pourquoi les colons factieux, quoiqu'en plus petit nombre, ont, à Saint-Domingue, dirigé la fermentation, et presque toujours réussi. Ils doivent voir dans les villes, qui y sont plus nombreuses qu'ailleurs ; dans la population de ces villes, plus vicieuse, plus fainéante, plus dis^ sipatrice qu'ailleurs ; dans le grand nombre des propriétaires malaisés, et qui avaient besoin du désordre et de l'indépendance ; ils doivent voir, dis-je, les causes qui ont excité, entretenu la fer-
mentation dans Saint-Domingue, et qui l'ont fait constamment tourner à l'avantage des factieux. L'influence des villes a, dans les élections, écarté l'influence rare des propriétaires éparpillés, et que leurs affaires renfermaient dans leurs habitations. L'influence dans les élections a été méprisée par cette populace nombreuse, et bien plus méprisable dans les îles que partout ailleurs, qui, sans occupation, ne vivant que d'aumônes et d'industrie, faisait un métier des élections et des assemblées, et s'enrichissait de leur
mieux. Les honnêtes gens, Messieurs, n'achètent personne; ils rougiraient même d'offrir. Cette horde était donc à la solde de ces colons ruinés, qui, sûrs de ne pas payer de leurs propres deniers, étaient magnifiques envers leurs stipendiés ; qui, spéculant sur le Trésor public pour payer leurs dettes, se faisaient élever par leur cabale aux places qui donnaient le droit d'en disposer. C'est à ces spéculations de dilapidation, de despotisme, de vengeance, que l'on doit attribuer la formation de ces troupes prétendues patriotiques, qui ont été payées au prix monstrueux ae S livres 5 sols par jour, argent des colonies. L'effronterie pauvre qui demande ou ordonne, et la bassesse qui dispose des fonds publics, s'inquiètent peu de l'économie. Les fêtes prétendues patriotiques étaient encore un autre moyen d'organiser la cabale et les filières de la dilapidation et les forces de l'aristocratie qui voulait se rendre indépendante.
On conçoit mâintenant, Messieurs, comment ce parti, composé de factieux, d'hommes perdus de débauches et de détresse, est parvenu, malgré sa prodigieuse minorité, à tenir Samt-Do-migue sous sa domination. Les villes maîtrisaient les campagnes, et ils maîtrisaient les villes et les électeurs avec les baïonnettes de la horde qu'ils avaient à leurs gages. C'est ce parti qui a constamment rempli les assemblées provinciales et coloniales des hommes les plus méprisables et les plus méprisés, de ces hommes qui voyaient dans l'indépendance le moyen de s'affranchir de leur nation. La terreur suivait partout leurs pas, écartait l'opposition des hommes même les plus courageux. Ils prononçaient au nom de la majorité, lorsqu'ils n'étaient que dans une très petite minorité; ils prononçaient au nom de Saint-Domingue, lorsque les deux tiers de la colonie étaient contre eux.
Tel est le parti auquel nous devons attribuer les malheurs de Saint-Domingue, parti auquel s'est joint, depuis, la faction contre-révolutionnaire de France, c'est encore un trait important de ce tableau. Pour réussir dans leur horrible projet, les contre-révolutionnaires voulaient ébranler à la fois toutes les parties de l'Empire, allumer partout des volcans pour engloutir la liberté. Vous avez vu ces deux partis manœuvrant séparément et ensuite de concert, se réunissant contre un ennemi commun, dans des vues différentes ; les uns voulant arracher les colonies à la France; les autres voulant les arracher seulement à la Révolution ; chacun poussant à la révolte et laissant au sort le soin de décider celui qui profiterait du succès de ce combat.
Le système de ces colons a subi trois variations qu'il est nécessaire de remarquer. Chacune de ces variations porte le caractère d'indépendance à laquelle ils ont constamment tendu malgré le changement de manœuvre. Us ont d'g,«
bord voulu secouer le joug du ministre et courir les chances de la liberté avec les Etats généraux, sans trop prévoir quelle serait leur destinée. Ensuite lorsqu'ils ont vu l'Assemblée, fidèle aux principes d'égalité en faire partout la base de la Constitution, ils ont senti que ces principes s'accorderaient mal avec leurs prétentions et leurs vues. Dès lors, ils se sont séparés secrètement de la Constitution; ils ont imaginé de détacher les colonies de l'Assemblée nationale de France, d'en faire un gouvernement à part, qui serait régi par une assemblée coloniale, décrétant sous la sanction du roi ou de son représentant, c'est-à-dire une sanction chimérique et forcée.
Troisièmement, lorsqu'ils ont vu l'Assemblée nationale résister à ce système, rejeter les mouvements de leur puérile vanité dans la cause des gens de couleur, rejeter ce congrès de Saint-Martin qui n'était qu'un moyen .d'organiser l'indépendance des colonies, ils ont formé le projet de la séparer de la métropole ; et c'est ce dernier projet d'indépendance que devait favoriser la révolte des noirs, qui lui doit sa naissance.,.
Ne vous laissez pas séduire par le mot « d'indépendance » : les colons ont souvent cité; l'exemple des Etats réunis pour se justifier; mais quelle différence ! Ce n'est pas la liberté que les colons veulent établir chez eux ; c'est l'esclavage éternel. Ils ne veulent être indépendants que pour être tyrans. Les Etats-Unis ont posé pour base la déclaration des droits : les colons l'abhorrent. Ainsi, Messieurs, quand je citerai leur système d'indépendance, je n'entends parler que de tyrannie indépendante. Ce ne sont pas ici de simples assertions ; elles sont fondées sur une série de faits et d'opinions que je vais vous développer, et qui tous attestent l'existence de ce système d'indépendance. .
En douterez-vous, Messieurs, en lisant dans la première pétition présentée aux Etats généraux par les colons, le 18 juin 1789, ces mots frappants : « Saint-Domingue, jamais conquise, jamais acquise, jadis indépendante et volontairement française » : et ces autres expressions de leur précis sur 1 admission de la députation de Saint-Domingue, le 20 juin 1789. . « Saint-Domingue, souveraine, s'est donnée librement sur la foi des traités et de la parole d'un grand roi ; cette île précieuse que l'on a toujours improprement appelée une colonie, tandis qu'elle est un second royaume ». Ces expressions d'indépendance, vous les retrouvez dans tous les écrits publiés à cette époque, par cette même députation qui n'avait aucune mission légale, et qui, ..malgré île. défaut de caractère, sut, par une astuce incroyable, s'introduire dans les Etats généraux, en diriger toutes les opérations relatives aux colonies- Comme ils étaient loin de ce saint enthousiasme de la liberté, auquel ils venaient mêler leurs accents imposteurs dans cette journée mémorable du Jeu de paume ! Tandis qu'ils juraient avec hypocrisie ae périr plutôt que de ne pas respecter la Constitution française,; et de mourir pour la liberté; ils demandaient au roi, qu'ils qualifiaient de souverain, une lettre de cachet, pour étouffer la voix des défenseurs des infortunés qu'ils écrasaient.
Suivez les colons dans leur développement à l'Assemblée nationale. Us ne tardent pas à s'apercevoir que l'esprit de liberté va gagner les colonies et l'espèce de trône qu'ils s'y étaient déjà formé sur les débris du despotisme ministériel. « On est ivre ici de liberté », écrivent-ils en
tremblant à leurs commettants dans leur fameuse lettre du 12 août 1789, cette lettre qui a allumé l'incendie dont les colonies sont consumées aujourd'hui... «Qu'on saisisse les écrits », ajoutent-ils, « où le mot de liberté est prononcé ! Attachons les gens de couleur libres ». «Attachons! » c'est-à-dire, enchaînons ! et ce mot a été le signal de la plus horrible persécution élevée contre les citoyens de couleur, et leur sang a été répandu parce qu'on redoutait les efforts qu'ils pouvaient faire pour traverser le système d'indépendance qu'on cachaitalors avec soin à la France, mais qu'on manifestait hautement dans la colonie. Car du sein de Paris, les députés colons dictaient des arrêts de mort, exécutés fidèlement ensuite à Saint-Domingue par les trois comités qui s'y étaient empares des rênes dé l'administration, qui dominaient sur les débris du despotisme ministériel, non pas pour servir la Révolution française, non pas pour concourir à fonder la Constitution sur la liberté, mais pour empêcher cette liberté de s'étendre, mais pour rendre Saint-Domingue indépendante de la France si elle voulait y prétendre, car on n'y voulait pas plus la liberté française que le despotisme ministériel on ne voulait qu'être indépen dant de l'un et l'autre.
C'est dans cet esprit de domination et d'indépendance, que les députés des colonies conseillaient aux comités d'arrêter tous les gens de couleur qui voudraient s'embarquer pour la France, d intercepter toute correspondance capable ae nuire à leurs vues secrètes. Eh ! dans quel moment donnait-on ce conseil criminel ? Dans le moment où ils juraient la déclaration des droits, qui permet à chaque individu d'aller et de»venir, qui met au nombre des crimes la violation du secret des lettres.
G'est dans le même esprit d'indépendance que, comptant sur la force de leur parti, et craignant tout du ministère français et de ses agents, ils insistaient auprès du ministre pour qu'on n'envoyât pas de régiments à Saint-Domingue ; que, refusés par le ministre, ils écrivaient dans la colonie pour qu'on s'opposât à la descente de tout navire contenant des troupes.
C'est dans le même esprit d'indépendance que les députés des colons cherchèrent ensuite à capter les hommes de couleur. Leur conduite mérite ici de fixer votre attention. Connaissant l'utilité, la nécessité du service des hommes de couleur, avouant eux-mêmes qu'ils étaient leurs meilleurs défenseurs contre leurs esclaves, et craignant que le gouvernement ne réparât la faute qu'il avait faite de les abandonner, en se les attachant, parce que l'Assemblée nationale les déclarait égaux des blancs, et n'en fît les ennemis les plus redoutables de leur système, ils écrivaient aux trois comités de Saint-Domingue cette phrase remarquable : « D'après les principes de l'Assemblée nationale, les gens de couleur obtiendront au moins quant à leurs propriétés tous les droits de citoyens. Nous pensons donc qu'ils vaudrait mieux qu'ils tinssent de votre justice et de votre bienfaisance, ce que vous croirez pouvoir leur accorder, , sans nuire au respect dû à la couleur blanche, et qui doit être maintenu dans un pays où il y a vingt esclaves pour un blanc. Vous sentez aussi ibien que nous l'avantage qu'il résultera dans les circonstances actuelles de nous attacher de plus en plus aux gens de couleur » .
Cependant, en donnant ces conseils, les députés voulaient que, dans les assemblées, les gens
de couleur eussent « une place à part et un orateur blanc », pour exprimer leurs vœux. Ils suivaient là le même système que l'assemblée coloniale de la Martinique où M. Dubuc qui la présidait, disait : « S'il faut céder aux gens de couleur des avantages, il ne faut le faire que peu à peu, garder toujours quelques faveurs pour les circonstances à venir, et ne pas se mettre dans l'impossibilité de les contenir et de les capter. Au surplus, quelle que soit, ajoutait-il, la mesure du bien à faire, les colons « seuls » doivent en juger ; et l'Assemblée nationale serait en même temps injuste et impolitique si elle s'en mêlait le moins du monde. »
Cet honnête colon de la Martinique portait encore plus loin que ceux de Saint-Domingue l'esprit d'indépenaance ; et il en avait, Messieurs, une bonne raison dans les 1,800 mille livres qu'il doit encore au Trésor public, et que le roi d'Angleterre n'eût pas sans doute réclamées. Cet honnête colon a mieux réussi que ses confrères, car il est parvenu à capter adroitement les . gens de couleur sous l'appât des faveurs qu'il promettait de leur distribuer avec une économie si mesquine.
Peut-on douter, Messieurs, de ce vœu secret d'indépendance qui portait les colons à s'attacher les hommes de couleur ? Il suffirait d'entendre ceux d'entre eux (les hommes de couleur) dont ils connaissaient l'influence qu'ils allaient sonder, et auxquels ils disaient : « Reposez-vous sur nous , réunissez-vous à nous : nos intérêts sont les mêmes. Qu'avons-nous besoin de dépendre de la France ? »
C'était encore pour arriver à ce système d'indépendance, que les colons, voyant l'impossibilité de vaincre lés principes et la masse aes honnêtes gens dans l'Assemblée nationale, proposèrent l'institution d'un comité colonial. « Nous espérions », écrivaient-ils naïvement > « que nos adversaires n'y seraient pas admis », et ce fut alors qu'un honnête colon, M. Gérard, s'éleva contre cet institution ténébreuse, et demanda que la Constitution fût exécutée dans les colonies françaises comme ailleurs, et que les lois constitutionnelles y fussent promptement envoyées : envoi auquel les colons s'étaient toujours opposés parce qu'il dérangeait leurs vues. * C'est dans cet esprit d'indépendance qu'ils voyaient avec peine l'Assemblée nationale s'ériger en législateurs absolus, comme ils l'écrivaient, créer une Constitution toute nouvelle, poser pour base de la Constitution « l'égalité absolue, l'identité des droits »; c'est dans cet esprit qu'ils voyaient avec peine les intérêts des colonies dans les mains des députés de la mère patrie qui ne connaissaient, suivant eux, que les principes et non les colonies, des députés du commerce qui avaient des intérêts opposés.
C'est dans cet esprit qu'ils conseillaient au comité des colonies et aux assemblées coloniales lorsqu'elles seraient formées, de réformer ce qui leur paraîtrait vicieux et suspect dans la Constitution.
C'est pour parvenir à cette indépendance qu'ils imaginèrent ce système de terreurs avec lequel ils gouvernèrent, et le comité colonial, qui Teignait de les adopter, et l'Assemblée nationale, qui ne pouvait pénétrer ces ténèbres. Ils prophétisaient, en France, de grands troubles, et ils les semaient d'avance dans les colonies ; et ces troubles amenaient ensuite la terreur. Fallait-il obtenir un décret, on citait toujours la crise des colonies. L'esprit de l'Assemblée, écrivent-ils dans une lettre, est changé : « les nouvelles alarman-
tes des colonies n'ont fait que le confirmer et l'étendre. »
Les négociants, effrayés, voulaient qu'on envoyât des troupes. Les colons s'y opposaient, parce que, disaient-us, dans leurs correspondances, ces troupes pourraient servir plutôt contre « les colons que contre les esclaves. » Ils. n'avaient pas à leurs ordres, comme aujourd'hui, les pouvoirs civils et militaires; ils n'étaient pas sûrs, comme ils croient l'être aujourd'hui, de diriger leurs baïonnettes.
S'il est des phrases, enfin, où l'esprit d'indépendance se montre sans aucun déguisement, n'est-ce pas dans les suivantes, écrites par les mêmes députés à leurs commettants? « Faites, écrivaient-ils, que le pouvoir exécutif soit toujours subordonné aux assemblées coloniales. Nous pensons que l'Assemblée coloniale ou les assemblées provinciales peuvent hardiment appeler les Américains à leur secours dans tous les ports de l'île. »
Je suis loin de blâmer les relations, nécessaires à certains égards, des colons avec les hommes de couleur libres; mais remarquez que ces hommes qui rejetaient ici toute espèce ae limites ou de gêne, reprochaient aux défenseurs des hommes de couleur de vouloir détruire les relations de la France et des colonies, de vouloir réduire 6 millions d'hommes qui en vivaient, à la mendicité; et ces hypocrites amis du peuple français, détruisaient eux-mêmes ses relations, lui ôtaient son pain. « Nos commettants, disent-ils encore au comité colonial, nous ont expressément défendu d'accepter aucune Constitution », depuis qu'ils ont vu la déclaration des droits. Cette détense n'était-elle pas encore une déclaration de guerre qu'ils faisaient à ce même peuple français, pour lequel ils montraient une tendresse aussi fausse ? N'était-ce pas lui dire : Optez entre votre liberté et une liaison avec nous?
Je vous ai cité, Messieurs, des opinions écrites : voici maintenant des faits. Ce système d'indépendance, conseillé par les colons de Paris, était mis en pratique à Saint-Domingue par les assemblées générales et provinciales. Yous rappellerai-je ce fameux décret du 28 mai, rendu par l'assemblée de Saint-Marc, qui, se mettant au niveau du corps constituant ae France, voulait comme lui faire des décrets, comme lui constituer les colonies, comme lui forcer le roi à l'acceptation ? Vous rappellerai-je cette insolente justification où ces factieux de Saint-Domingue enlevaient à l'Assemblée nationale sa suprématie, à l'aide de la Déclaration des droits qu'ils foulaient ensuite aux pieds vis-à-vis des hommes de couleur? Vous rappellerai-je l'adresse plus humble, mais plus perfide de l'assemblée provinciale du Nord, qui, jalouse du pouvoir de sa rivale, voulant l'écraser avec le livre de la loi qu'elle déchirait elle-même, arrêtait son audace par une audace non moins coupable, mais plus astucieuse et plu s réfléchie ? Vous rappellerai-je les combats de ces deux assemblées qui, rivales en conjurations contre la métropole, obtinrent cependant un succès bien différent ; dont l'une fut sévèrement punie parce qu'elle voulait prouver son empire ; dont l'autre obtint sa grâce parce qu'on sentait le besoin d'un parti « et qu on avait la maladie des statues ? » (.Applaudissements.) Vous rappellerai-je les termes impudents de cette dernière assemblée, qui disait « qu'elle ne voulait pas, qu'elle ne souffrirait pas » que l'Assemblée nationale prononçât sur son régime intérieur et sur l'état des habitants, autrement que
sur ses demandes et conformément à ses demandes ; qu'avant « de signer un pacte avec la métropole, il fallait que l'Assemblée nationale reconnût ce principe, ou que la scission s'opérât. »
Cette menace de scission était dans tous les écrits publics ; elle était sans cesse dans la bouche des factieux ; ils menaçaient de se donner à l'Angleterre si on leur disputait le droit même de se constituer. Les colonies seules, disaient-ils, devaient prononcer sur leur régime intérieur, sur leurs lois particulières, sur le sort de leurs habitants ; elles ne devaient avoir de relations qu'avec le roi, qui devait sanctionner par lui ou par un représentant. On daignait se soumettre aux lois faites en France pour le commerce, après communication aux colonies ; mais qu'importait cette restriction dérisoire ? N'était-il pas facile aux assemblées coloniales, revêtues d'un pouvoir législatif aussi étendu et supérieur au pouvoir exécutif, ne leur était-il pas facile d'éluder les lois commerciales que la France aurait voulu leur donner? Sa souveraineté n'était donc plus qu'une chimère ; et cette alliance n'aurait produit que la faculté de dépenser des millions et de sacrifier des milliers d'hommes pour protéger des maîtres insolents, garder et conduire leurs victimes au supplice.
Et que devenait encore, dans ce système d'indépendance, le commerce des colonies avec la France, sans lequel, à entendre ces colons, 5 millions d'hommes ne pourraient subsister? Si ces extravagants calculs eussent été aussi vrais qu'ils sont faux, il résultait donc de ce désir d'indépendance, et on ne saurait trop répéter cette conséquence, il en résultait que ces bons amis du peuple français, qui le soulevaient contre ces défenseurs de l'humanité, qu'ils accusaient de vouloir lui ôter son pain de tous les jours, le leur enlevaient eux-mêmes de fait, en se rendant maîtres des relations commerciales ; car, qui doute qu'ils ne les eussent transportées partout où leur intérêt les aurait appelés ? Qui doute qu'ils eussent sacrifié lestement ce peuple sur le sort duquel ils versaient des larmes si perfides?
Comment le commerce français n'a-t-il pas prévu ces conséquences du système qui pouvait lui être le plus funeste? Comment.se ralliait-il à ses plus cruels ennemis, caressait-il leurs fantaisies despotiques, lorsqu'en définitive il devait être la victime? Je me trompe; quoiqu'il arrive, et c'est une vérité qu'un jour il sera facile de démontrer, jamais, non jamais, le sort ni du peuple français, ni du commerce français ne dépendra des caprices des colons américains. Le sort de la France, et surtout depuis la conquête de la liberté, est dans ses mains, dans ses mains seules.
Le même esprit d'indépendance qui agitait les têtes factieuses à Saint-Domingue, agitait aussi l'assemblée coloniale de la Martinique. Elle le portait même plus loin ; car ne voulant pas reconnaître la Constitution, elle avait défendu à ses députés à l'Assemblée nationale d'user de la voie délibérative,afin, disait M.Dubuc, son président, de nous ménager la ressource du veto contre les décrets de l'Assemblée. Et cependant, ses députés, MM. Dillon etMoreau Saint-Mery,élus d'ailleurs très illégalement,puisqu'ils ne 1 ont été que par acclamation et par une assemblée illégale, ont caché constamment à l'Assemblée nationale cette partie de leur mandat, et délibéré sur la Constitution déjà rejetée d'avance parleurs commettants.
Le caractère d'indépendance de cette assemblée de la Martinique, dont votre devoir vous ap-
pelle aussi à scruter la conduite criminelle, ce caractère perce dans une foule de circonstances. C'est ainsi qu'elle se déclarait « déterminée à repousser les décrets » de l'Assemblée qui ne lui conviendraient pas ; qu'elle voulait sur son régime intérieur une relation directe avec le roi seul, et point de sanction de l'Assemblée nationale. C'est ainsi que son président Dubuc, qui dirigeait tous ses mouvements, écrivait qu'elle ne voulait point de troupes; sans doute, parce qu'elle craignait que leur patriotisme ne mît un terme à son indépendance: qu'elle voulait un régiment étranger; sans doute, parce que le patriotisme lui en paraissait moins redoutable. C'est ainsi qu'il se plaignait de ce qu'on voulait imiter la capitale dans les îles; qu'il déclamait « contre cette populace insurrècte » (je copie ses mots propres) « qui veut marcher de pair avec tout le monde et confondre tout » ; qu'il voulait corriger les excès de la Constitution et éviter des formes trop républicaines qui ne conviendraient pas aux îles.
Et voulez-vous savoir encore une fois le but secret de cette aversion pour la Constitution? on voulait ouvrir tous les ports aux étrangers, on voulait ne pas payer ses dettes au commerce de France. Vous qui en douteriez ou qui voudriez en douter, lisez le décret ou arrêté de cette assemblée coloniale qui ouvre tous ses ports aux étrangers; voyez ce serment fait par les plan-téurs de ne plus avoir aucune communication avec Saint-Pierre ; voyez tous les efforts faits pour réduire Saint-Pierre en cendres 1...
Non, Messieurs, il n'est pas possible de ne pas avoir dans ces opinions, dans ces actes publics, dans tous ces faits, un concert profondément médité entre les colons de Paris et les assemblées coloniales de Saint-Domingue et de la Martinique; concert dont l'objet était, au fond, de transférer tout le pouvoir législatif dans les colonies, en conservant au roi une sanction chimérique, et au Corps législatif une ombre de relation avec les colonies pour le commerce; concert dont l'objet plus profond encore était de l'affranchir de fait de toute liaison commerciale avec la France, et de dicter la loi aux créanciers de la colonie, et par conséquent au peuple qu'ils nourrissent.
Ce système échoua par le décret du 2 octobre 1790. L'assemblée de Saint-Marc qui avait décrété l'indépendance des colonies; cette assemblée qu'un iaux calcul et la peur avaient amenée en France; cette assemblée qui avait cru déguiser son crime de haute trahison sous sa haine pour le pouvoir législatif; qui se berçait de l'espoir de cueillir en France des lauriers, ne recueillit que de l'ignominie et du blâme. Le blâme était juste ; mais la forme était loin d'avoir le caractère de la justice. Cette assemblée ne fut pas entendue ; et si, depuis, sa justification fut écoutée, si même elle tut accueillie, elle le dut plus à l'intrigue et à une conciliation ténébreuse qu'à la justice. Mais, Messieurs, tirons le rideau sur cea scènes honteuses : je ne m'y arrête que pour remarquer et l'impudence avec laquelle les assemblées coloniales. dirigées par un parti de factieux, avaient arbore l'indépendance, et la fermeté avec laquelle l'Assemblée nationale l'avait frappé d'anathème.
Ce décret devait causer et causa en effet une violente fermentation dans une île où les factieux avaient tant d'empire, où ils avaient familiarisé les esprits avec leur système d'indépendance, où les membres de l'assemblée de Saint-Marc avaient un parti auquel ils avaient inspiré l'es-
prit de vengeance qui les animait. Aussi les têtes inflammables de ces créoles voulurent-elles se porter aux plus cruelles extrémités. La rage s'exhalait partout contre l'assemblée provinciale du nord, qui seule avait recueilli les fruits d'un schisme aussi fatal pour l'assemblée de Saint-Marc. Elle s'exhalait encore contre les chefs du pouvoir militaire, qui avaient prêté leurs secours a l'expulsion de cette assemblée. Mais le moment n'était pas favorable pour tirer vengeance: les baïonnettes étalent dévouées à ce pouvoir; il fallait lui en opposer d'autres; et les hommes de couleur, seuls en état d'en offrir, ne paraissaient pas disposés à servir les haines de leurs ennemis: on attendait donc l'arrivée de nouveaux soldats, qu'on pouvait égarer plus aisément ; et leur espoir ne rut pas trompé.
Une intrigue profondément méditée servit leurs vues abominables. On savait qu'il était plus facile d'égarer, avec le masque du patriotisme, des soldats qui en avaient donné les plus fortes preuves; et le ministère, forcé par le comité colonial, jeta son choix sur les bataillons de Normandie et d'Artois, quoique dans son système, ils eussent le caractère le moins propre à cette destination, puisqu'ils avaient, plus que tout autre, ce qu il appelait l'insubordination, et ce qui n'était que les premiers élans du patriotisme. Or, c'était précisément ce caractère que cherchaient les hommes qui voulaient se venger de l'expédition de MM. Peinier et Mauduit, qui voulaient leur mort, et qui l'avaient iurée parce qu'ils avaient osé traverser leur système d indé-pendance. Je suis loin de justifier ces derniers. Leurs vues ne furent pas pures ; mais celles de leurs adversaires l'étaient-elles davantage ? Non: le patriotisme était également déteste et par l'assemblée de Saint-Marc, et par le comité de l'ouest, alors humilié, et par les militaires français triomphants.
Ils ne cherchaient qu'à se disputer, qu'à s'arracher le pouvoir. Le régiment du Gap avait servi aux agents du pouvoir ministériel. Les bataillons de Normandie et d'Artois servirent aux agitateurs des colonies. Ainsi, le patriotisme fut ici l'instrument de la méprisable aristocratie. De braves soldats français, étrangers aux intrigues déguisées par la vengeance sous le voile du patriotisme, coururent servir la cause en trempant leurs mains dans le sang de ceux qui avaient combattu les factieux, et Mauduit fut décapité. Ces derniers reprenant leur empire, des comités, des assemblées nouvelles se formèrent et ils eurent la plus grande influence sur les élections.
Les haines entre les blancs s'assoupirent insensiblement; un intérêt commun les ralliait alors ; chacun brûlait de se venger de la France, et surtout de son commerce, qu'on accusait d'avoir favorisé et applaudi le décret du 12 octobre. Chacun sentait la nécessité de la réunion pour s'opposer au progrès d'un troisième parti, celui des nommes de couleur, qui attaquaient le privilège, le monopole du gouvernement que les blancs voulaient s'arroger. La défaite des colons, dans cette nouvelle prétention, acheva de les aliéner de la France et de les engager à réaliser leur système d'indépendance. Cet événement, Messieurs, a eu une influence trop considérable sur les troubles de Saint-Domingue pour ne pas l'analyser avec quelque détail.
A l'ouverture des Etats généraux, quelques-uns des députés de cette classe d'hommes utiles, mais trop peu connus, s'y étaient présentés pour y être admis ; ils étaient bien dignes de l'être,
si l'amour pur de la liberté est un titre plus respectable pour l'Assemblée nationale que la blancheur de la peau. Ils auraient été admis, s'ils avaient saisi rinstant, comme leurs adversaires ; mais, ayant manqué l'heureux moment du Jeu de paume, ils ne trouvèrent plus que des obstacles quand ils se présentèrent. Les esprits avaient été pratiqués par les colons : cependant, admis à la barre, la demande des hommes de couleur fut écoutée favorablement, renvoyée au comité de vérification; ce comité fut deux fois sur le point de faire son rapport; mais, comme il était favorable aux hommes de couleur, on eut l'art de l'écarter deux fois. L'opiniâtreté de ces citoyens inquiétait les colons : n'ayant pu les séduire et les ramener à leur parti, ils les combattirent par des libelles, écrivirent dans les îles, pour qu'on déployât contre eux l'inquisition la plus rigoureuse.
A peine ce coup de tocsin fut-il sonné, que les « petits blancs, » toujours avides de butin, saisirent cette occasion ae se repaître de vengeances et de pillage ; les assemblées primaires se formèrent ; les hommes de couleur demandaient à y être admis. Un blanc vénérable, le sénéchal du « petit Goave », avait dressé leur requête : on le décapite, et sa tête sanglante est portée en triomphe par ces cannibales. Des hommes de couleur, qui l'avaient signée, furent jetés dans les fers. Un vieillard de cette classe, respectable par ses connaissances, par une fortune due à son économie par une foule de bienfaits, même envers les blancs, M. l'Abadie, fut investi par des assassins blancs, dans-sa maison; reçut, sans y répondre, 17 coups de feu, lorsque, armant tous ses nègres, il aurait pu faire périr ses assassins.
Je ne m'éténdrai point ici, Messieurs, sur toutes les horreurs dont les hommes de couleur ont été victimes depuis cette époque fatale ; sur cette inquisition secrète à laquelle on soumit leur correspondance et leurs relations ; sur cette défense, rigoureusement observée, de les laisser embarquer ou écrire en France. Non seulement ces infortunés étaient privés de tous les droits politiques, du droit d'assister aux assemblées primaires; mais on leur défendait de s'assembler, de se voir entre eux; on leur défendait d'avoir des armes; on leur défendait de s'éloigner sans permission par écrit : et, cependant, à cette même époque, les députés des blancs à l'Assemblée nationale, effrayés de l'impression 'que pouvait faire la dénonciation de ces horreurs, avaient l'impudeur de soutenir que les hommes de couleur étaient admis aux assemblées primaires : ils avaient l'impudeur de consigner sur leurs registres, et d'écrire à leurs commettants qu'ils avaient été obligés d'avancer ce mensonge pour tromper le comité colonial, et l'empêcher de faire mention dans son décret des hommes de couleur.
Cette ruse n'eut pas un long succès. Les défenseurs de ces infortunés réclamèrent. Le comité colonial, pressé entre les principes et l'intrigue, crut les concilier dans un article qui ne présentait d'obscurité qu'à la passion et a l'intérêt : c'était le fameux article 4 du décret du 28 mars, qui fixe les conditions d'éligibilité pour les colonies. On y décrétait que « toute personne contribuable ayant 25 ans et domiciliée », seraiê citoyen actif. M. Gocherel craignant que cet ar-: ticle n'embrassât les gens de couleur, demanda | qu'ils fussent nommément exclus. La motion fut I rejetée avec l'indignation que devait exciter une
idée dont la proposition même souillait une assemblée d'hommes libres. On respectable prêtre craignant au contraire, ce qui depuis est arrivé, que le silence sur les hommes de couleur ne fût mal interprété dans les colonies, n'y fut interprété comme une proscription de leurs droits, il voulait qu'ils y fussent nommément compris. On lui observa qu'il était inutile de les dénommer, parce que l'Assemblée ne reconnaissait ni couleur, ni classes d'hommes de couleur, et ce fut d'après ce principe que son amendement fut écarté.
Les colons profitèrent très adroitement de ce silence ; ils firent imprimer des journaux où ils défigurèrent cette séance ; ils inondèrent la colonie de petits imprimés, et j'en ai dans les mains, où ils annonçaient que la demande des gens de couleur avait été écartée.
Les comités des colonies, maîtres de la correspondance et des postes, interceptaient tous les papiers qui auraient pu désabuser le public et les assemblées çolôniales. Les écrivains qui leur étaient dévoués répandaient le même mensonge. L'imposture n'a qu'un temps ; et le règne de celle-ci ne fut pas long : on apprit bientôt dans les colonies le vrai sens du décret. Il se propagea ; et ce fut alors que le parti des colons pressa, sollicita, fatigua lé comité colonial, pour avoir un décret qui détruisît l'explication favorable aux gens de couleur. Le moment était opportun. Le talisman de la terreur avait insensiblement agi .sur les ignorants. Ils redoutaient jusqu'à l'ombre de la discussion. Egarés sur le caractère de ceux qui défendaient les nommes de couleur, ne les voyant qu'à travers le prisme des modérés ou des factieux, ils leur prêtaient en tout des intentions républicaines et l'amour des convulsions politiques ; tandis que ces vues républicaines, ou plutôt aristocratiques, et cet amour de la convulsion, n'étaient que dans le cœur des factieux colons. Le comité colonial, toujours porté à répandre ces terreurs paniques, qu'il alimentait lui-même en ayant l'air de ne •soulever qu'à peine le coin du voile funèbre, et de trahir par des demi-mots des secrets terribles, ce comité saisit l'occasion que lui présentait le jugement de l'assemblée de Saint-Marc, pour contenter le désir despotique des colons, et satisfaire ses propres ressentiments. Il avait à punir une assemblée qui avait osé fouler aux pieds ses décrets, et cependant il ne voulait pas s'aliéner tous ces partisans ; il avait à punir les hommes de couleur d'avoir trop raison, et de le lui avoir prouvé ; il enveloppa dans l'équivoque ce honteux abandon des principes.
Le fameux « considérant » du 21 octobre concilia tout ; on sacrifia l'assemblée de Saint-Marc à des personnalités et les gens de couleur à l'assemblée de Saint-Marc. On déclara dans ce « considérant « crue « l'assemblée avait annoncé la ferme volonté d'établir comme article constitutionnel dans l'organisation des colonies, qu'aucune loi sur l'état des personnes ne serait décrétée par les colonies que sur la demande formelle et précise des assemblées coloniales. « On prêtait dans ce « considérant » un mensonge à l'assemblée; car jamais elle n'a pris un pareil engagement. Mais, par ce mensonge , le comité croyait satisfaire deux partis. Il disait aux colons : Vous pouvez : disposer du sort des hommes de couleur. Il disait aux gens de couleur et à leur défenseur : Cet article ne regarde que les esclaves; votre sort est décidé par l'article 4 du décret du 28 mars.
Aucun parti ne fut content de ce « considérant ». Chacun se préparait à le combattre ; mais on ferma, suivant l'usage, la discussion sans l'ouvrir ; et dès lors, l'obscurité sur le sort des hommes de couleur devint plus profonde. Les colons, qui avaient la poste et la presse à leur service, inondèrent les colonies de nouveaux libelles, et soutinrent que cet article frappait sur les hommes de couleur. La vérité fut enfin mise au grand jour ; la conduite des ennemis des gens de couleur fut dévoilée dans plusieurs écrits qui démasquèrent les hypocrites, éclairèrent les patriotes, ramenèrent ceux qu'avaient égarés des suggestions perfides, et préparèrent le fameux décret du 1er mai. /
Forts de la demi-victoire qu'ils avaient remportée le 12 octobre, trop confiants dans leurs manœuvres, les colons demandaient à grands cris que l'Assemblée nationale mît complètement les hommes de couleur dans leurs fers. Une trame habilement ourdie semblait leur assurer le succès. Des députés extraordinaires du nord de l'île de Saint-Domingue arrivent à leurs ordres, font une adresse au commerce, répandent la terreur partout, annoncent les colonies perdues, le commerce détruit, 6 millions d'hommes mourant de faim, si l'on ose permettre à un homme de couleur cuivrée de voter à l'élection d'un officier municipal, ou si sa femme peut être placée à la comédie à côté d'une blanche.
Tant d'audace et de stupidité éveillèrent l'indignation d'un écrivain profond versé dans les finances, dans la politique et le commerce, qui prouva par la logique, par les faits, par le calcul, que la prospérité de la culture des colonies, que 1 augmentation des consommations et du commerce dépendaient au contraire de la destruction du préjugé qui avilissait les hommes de couleur. Ces démonstrations frappèrent les départements, une foule d'adresses lumineuses, énergiques apprit à l'assemblée le vœu de l'Empire, et, d'après une discussion des plus opiniâtres, la raison triompha. Il fut décrété « que les hommes de couleur et nègres libres nés de père et mère libres, qui d'ailleurs réuniraient les autres conditions de l'éligibilité, jouiraient des droits de citoyens actifs ».
Les colons reçurent un autre échec dans le même temps : poursuivant toujours leurs chimères favorites de l'indépendance, ils avaient imaginé de proposer à l'Assemblée nationale de former dans l'île Saint-Martin un congrès composé de députés des différentes îles. Ce congrès ne devait en apparence avoir pour objet que d'émettre un vœu sur la question des hommes de couleur; mais les colons n'ignoraient pas que lorsque des hommes sont assemblés sur un point, surtout dans un moment de crise, ils s'emparent facilement des autres ; ils espéraient donc que ce congrès, rivalisant avec le fameux congrès américain, s'occuperait de toutes les questions coloniales, ou plutôt qu'il deviendrait le centre où aboutiraient désormais les relations politiques des colonies, le centre d'où devait partir l'impulsion simultanée donnée à toutes les colonies.
Devant ce congrès, disparaissaient encore une fois, et la supériorité de la France sur les colonies, et la direction du comité colonial; ce piège fut senti par les patriotes et les négociants de l'assemblée coloniale. On l'évita. Ce congrès ridicule, disparaissant, emporta une seconde fois avec soi dans le néant les illusions d'indépendance dont les colons se berçaient dans l'un et l'autre hémisphère. Car, Messieurs, et ce nouveau
rayon de lumière doit vous éclairer sur la profondeur de la trame ourdie contre la France, le concert régnait si bien entre eux, qu'au moment où cet avorton de congrès se produisait avec un air honteux en France, il était porté aux nues dans les papiers publics imprimés dans les lies, et j'en ai encore la preuve en main.
Le décret du 15 mai devait recevoir autant d'a-nathèmes de la part des colons, qu'il avait reçu de bénédictions au peuple français. Aussi à peine fut-il rendu, que, ne mettant plus de bornes à leur fureur, ils juraient publiquement de périr plutôt que de l'exécuter; d'armer leurs esclaves pour assassiner les hommes de couleur libres, plutôt que de les voir jouir de leurs droits : ils ne parlaient que de poignards, de gibets, de révolte; maudissant la France, ils tournaient leurs yeux vers l'Angleterre, ils invoquaient son appui ; impatients de sa politique lente et oblique, ils voulaient que ses vaisseaux partissent et volassent sur-le-champ pour s'emparer de nos. îles. Dans leur ressentiment frénétique, plusieurs de ces colons s'embarquèrent pour Londres, d'autres s'embarquèrent pour les îles, après avoir laissé dans nos ports des preuves de leur délire et de leur résolution à rompre avec la métropole. Leurs députés à F Assemblée nationale, non moins irrités, mais plus circonspects, se bornèrent à déclarer qu'ils s'abstiendraient des séances de l'Assemblée nationale ; et cette déclaration coupable qui annonçait la scission, fut reçue avec plus de mépris que d'indignation; car on s'était accoutumé à regarder les colons comme de grands enfants incapables de maîtriser leur première fureur, et
Ear conséquent plus dignes de pitié que de haine, e comité colonial, qu'ils dirigèrent toujours, partagea leurs passions honteuses. Il suspendit aussi, mais ^seulement en apparence, ses fonctions dictatoriales; mais il s appliqua avec plus d'activité que jamais à traverser sourdement toutes les mesures proposées depuis relativement aux colonies, et à paralyser le ministère, sur lequel il conservait la plus grande influence.
Si ce ministère eût eu quelque patriotisme, quelque vigueur, s'il eût vu les îles au travers du prisme du bon sens et non de celui des passions, s'il n'eût pas eu la faiblesse de se laisser conduire par une poignée de factieux ignorants qui voulaient plier etla France et la Constitution à leurs méprisables fantaisies, ce ministère, dis-je, se fût empressé de se rendre au vœu du peuple, de ce peuple tout étonné d'une pareille question, tout étonné qu'une nuance de la couleur pût mettre une différence dans les droits de l'homme, tout étonné que dés hommes qu'il avait admirés jusque-là défendissent un préjugé aussi stupide ; ce ministère eût écouté les conseils de la raison, se fût hâté de prévenir, par des mesures sages, mais fermes, mais actives, les excès et les horreurs dont les colons menaçaient et les îles et la France; il se serait hâté de revêtir le décret de toutes les formalités, de l'envoyer dans les colonies par un prompt « aviso », d'y joindre les instructions si propres à tempérer la fureur des colons, ou au moins à éclairer, à fortifier ceux qui ne les protégeaient pas, si propres à prévenir de nouveaux combats; il se rût hâté d appuyer ce décret de quelques troupes de ligne, de quelques vaisseaux ; car il ne pouvait pas ignorer qu'une partie des hommes que le décret favorisait étaient désarmés, puisqu'on l'avait annoncé d'un air triomphant dans cette tribune ; il né pouvait pas ignorer que les pouvoirs civils et militaires de Saint-Domingue étaient alors dans la dépen-
dance, dans la servitude de cette même faction, qui affichait l'ambitieuse prétention de vouloir gouverner l'Assemblée nationale, ou de résister a sa volonté.
Elle avait eu le secret de faire rejeter dans le sein de l'Assemblée nationale la proposition si sublime, si patriotique faite par les citoyens de Bordeaux, de Brest, de Paris, d envoyer des gardes nationales dans les îles pour y maintenir l'exécution de ce décret. Ainsi, Messieurs, le décret fut abandonné à sa bonne fortune. Le ministre crut remplir sa mission sévère en envoyant dans les îles comme on l'a avoué ingénument ici, en envoyant « le Postillon par Calais », mais de peur que cette feuille n'éclairât encore les esprits, les intrigants qui n'avaient cessé d'empoisonner cette île de leurs libelles et de leurs écrits pervers, les inondèrent du récit de prétendus débats qu'ils avaient défigurés suivant leurs intérêts et de brochures où ils calomniaient l'Assemblée et où ils prêchaient la scission : d'énormes cargaisons qui renfermaient ce poison furent expédiées.
Leur effet, Messieurs, eût été contre-balancé par les adresses civiques de la ville de Bordeaux à la colonie de Saint-Domingue, et parcelles d'un respectale prélat qui avait pris la plus grande part à cette cause ; cet effet, dis-je, eût été contrebalancé, si l'humanité, le patriotisme avaient commandé dans les ports, dans les postes, dans les bureaux administratifs ; mais tout était à la dévotion des factieux. On faisait circuler avec profusion les poisons ; et l'antidote était soigneusement intercepté, soustrait, anéanti.
L'aigreur, l'animosité et l'esprit de vengeance régnaient à Saint-Domingue lorsque la nouvelle du décret y arriva ; èt il importe ici, Messieurs, de fixer les yeux sur ces dispositions de la colonie : les colons y étaient encore furieux de l'humiliation dont leurs favoris, les ex-députes de Saint-Marc, avaient été couverts. Les hommes de couleur y gémissaient sous une inquisition qu'avait encore rendu plus sévère un événement fatal.
Un de leurs frères, qui avait été député en France, qui avait été témoin des débats occasionnés par le décret du 28 mars, qui prévoyait la fausse et perfide interprétation que lui donnèrent les blancs dans la colonie, était parti pour éclairer ses frères sur le véritable esprit du décret, et pour jouir avec eux des droits ae citoyens actifs. Surveillé, espionné en France par lés colons qui avaient trouvé le secret de lui fermer, ainsi qu'à ses compatriotes, tous les ports ; dénoncé d'avance au comité sanguinaire qui avait reçu l'ordre de sa mort, il partit malgré la connaissance de cet arrêt ; malgré tous les obstacles, il arrive dans la partie espagnole de Saint-Domingue : il y apprend le sort fatal de ses frères, convaincu que jamais il n'obtiendrait par des voies pacifiques les droits que ce décret du 28 mars leur accordait, ne voulant pas hasarder inutilement ses iours, il se joint à quelques mulâtres ; et à la tête de ce petit corps, il écrit au gouverneur du Cap jet à son assemblée, lui ex plique les motifs eleison rassemblement, lui demande la jouissance des droits de citoyen actif pour lui et ses frères, conformément au décret, promet de respecter la paix si on exécute la loi.
Quoique sa conduite pacifique justifiât son intention, quoique partout il eût respecté les propriétés ; quoique, loin de se porter à des actes de cruauté, il eût protégé les jours de ceux qui avaient ordre d'attenter aux siens, on ne vît dans
cette lettre qu'une déclaration de guerre. Des troupes sont armées, envoyées contre lui ; sa tête est mise à prix. Trop laible pour résister longtemps, il fuit dans la partie espagnole : il y est arrêté; Lâchement vendu à ces bourreaux, il périt avec ses compagnons dans ces horribles tourments destinés, non à venger les lois, mais à répandre l'effroi et à calmer la terreur dont l'âme des tyrans ne cessera jamais d'être agitée.
La sentence qui condamne ces' déplorables victimes des premiers décrets enlevés à l'Assemblée nationale, ou au moins de leur obscurité ; cette sentence prononcée par les violateurs mêmes de ces décrets, déclare Ogé et ses complices convaincus de vols, d'assasinats, d'incendie : mais, Messieurs, lorsqu'on veut faire périr sous le glaive des lois des nommes qui défendent leurs droits naturels, il faut bien changer en crime leur légitime défense ; il faut bien changer en crime le plus saint des devoirs. Le plus grand forfait, aux veux des tyrans, est l'amour de la liberté; et tel est le crime unique d'Ogé : il est mort martyr de la liberté, martyr de la loi, car tout était pour lui: droit naturel, révolution et décret. Ogé n'est plus ! mais son: ombre doit être maintenant satisfaite. Le « Concordat » l'a vengé; l'infamie a cessé de flétrir sôn nom : elle doit maintenant flétrir celui des tyrans. (.Applaudissements.)
Cette terrible exécution devait exciter dans l'âme de tous les mulâtres les sentiments les plus vifs d'horreur, d'indignation et de vengeance. Et qui d'entre eux aurait été assez égoïste, assez lâche pour ne pas sentir sur ses propres membres les coups de l'instrument atroce employé pour l'immoler ? Qui d'entre eux n'a pas vu Ogé souffrant pour eux, mourant pour eux des mains de leurs communs ennemis? Ceux-ci ne prévoyaient-ils pas que ces horribles scènes où triomphaient la cruauté; l'injustice, préparaient dansle silence les scènes du désespoir?
Ils le prévoyaient ; aussi, se hâtèrent-ils*de les désarmer, de les soumettre à la police la plus sévère, d'accumuler sur eux toutes les ignominies, de les rendre odieux et vils jusqu'aux yeux mêmes de leurs propres esclaves.
Tant de mauvais traitements n'épuisèrent pas cependant la patience des hommes de couleur ; ils attendaient justice du temps et de l'Assemblée nationale. Le décret du 15 mai se répand ; il frappe les blancs de consternation, il allume leur rage, il frappe les hommes de couleur de terreur.,Un bienfait, que dis-je? un acte de justice devient pour eux le plus cruel tourment ; il est le signal d'une persécution nouvelle. Le décret du 15 mai arrive au Cap le 2 juillet inséré dans le Moniteur Universel. Aussitôt les membres de l'assemblée provinciale du Nord se répandent dans toutes les rues, en s'écriant que tout est perdu, que l'Assemblée nationale a accordé aux hommes de couleur l'égalité politique ; que c'est un pas vers l'abolition de l'esclavage; qu'il n'est pas douteux qu'elle ne ruine la colonie en manquant une seconde fois* à sa parole. Ils annoncent une assemblée extraordinaire, lisent une adresse du département de la Gironde; crient, menacent, blasphèment contre la Constitution, électrisent tous les esprits, et occasionnent la motion, qui se fit dans les rues, de fusiller les hommes ae couleur.
Victimes éternelles de la cupidité, de l'orgueil et de l'ignorance, les hommes de couleur, effrayésj
se sauvent dans les campagnes, vont Coucher dans les bois sur leurs habitations ou dans celles de leurs amis, et sur la savanne de la Fossette.
Quelques personnes bien intentionnées déterminent l'assemblée provinciale du Nord de les rappeler par une proclamation. On y parvient, non sans peine ; et la proclamation portait que l'assemblée les prenait sous sa sauvegarde, « pourvu qu'ils eussent du respect et de la soumission envers les blancs. »
Quoique ces hommes eussent été souvent trompés par des proclamations aussi perfides, ils reviennent, mais c'est pour être témoins de tous les excès auxquels les blancs se livrent dans leur rage contre la métropole.
Ici, Messieurs, vous rappellerai-je ces menaces, ces violences, faites aux capitaines de navires français; et surtout bordelais; ces motions incendiaires répétées dans tous les lieux publics, et surtout dans ceux où la loi aurait dû imposer silence aux passions; ces propositions d'arrêter les capitaines, de les pendre au haut de leurs mâts, de piller ou ae brûler leurs vaisseaux ? Les plus modérés se bornaient à les faire partir sans cargaison, sans lest, et même sans provision ; ils voulaient rompre tout commerce avec eux, brûler publiquement même leurs papiers, enfin détruire toute espèce de liaison. Vous rappellerai-je les invocations criminelles des secours d'Angleterre, cetté cocardé noire, signal de la révolte, arborée publiquement, même par des officiers de la loi, qui les premiers en donnaient l'exemple ? Vous rappellerai-je cette ardeur avec laquelle on éntoure le Cap de fortifications, pour dissiper les troupes que l'on annonçait devoir arriver pour maintenir l'exécution des décrets?
Vous dirai-je qu'il était public dans l'île, et c'est un fait qu il sera important de vérifier, qu'on avait envoyé des députés dans la Jamaïque pour demander des secours contre le décret et les troupes ; que la consternation fut grande parmi lés factieux, quand on apprit que ces 15 vaisseaux de ligne anglais tant attendus, n'étaient qu'une chimère, et quand on sut que le gouverneur avait répondu qu'il était loin de prêter des troupes pour s'opposer au décret; qu'il n'en prêterait que pour réprimer une révolte d'esclaves. « Une révolte d esclaves »? prenez garde, Messieurs, à ces derniers mots : ils vous donneront peut-être la clef des événements qui vont suivre.
Voulez-vous connaître quelles étaient les dispositions des corps à l'égard des décrets? Lisez la lettre de l'assemblée provinciale du Nord, son adresse à l'Assemblée nationale, sa réponse à l'adresse du département de la Gironde. Vous y verrez partout annoncées la résistance la plus opiniâtre, les scènes les plus désastreuses, si on veut l'exécuter : vous l'y verrez essayer encore de se soustraire à la suprématie de l'Assemblée nationale; vous y verrez ces paroles menaçantes dont le sens ne peut-être douteux : « Quelle que soit la décision du roi relativement à la sanction du décret, elle ne nous trouvera pas sans conseil pris sur l'alternative du sacrifice ou de la conservation de nos « prérogatives », qui ont été jusqu'à présent, et « seules pourront être » la sauvegarde essentielle de nos colonies;
«Les prérogatives dès colonies! » se croiraient-elles donc aussi une Couronne? Faut-il retrouver partout ce mot « prérogative », qui n'annonce plus que des privilèges odieux aé-
testés par des peuples libres, et ne se retrouvent plus que dans le dictionnaire des partisans d'un despotisme contraint ?
Ce n'était pas seulement, Messieurs, dans les assemblées administratives, c'était encore dans les assemblées de paroisses que les factieux présentaient les motions les plus criminelles. Ouvrez, par exemple, les délibérations de la paroisse du Port-au-Prince, du 17 juillet 1791, et vous y verrez des traits de la fureur qui les animait. On y lit un projet d'adresse à l'Asf emblée nationale, qui n'est qu'une déclaration ouverte de rébellion; on en décrète l'impression et on l'affiche, afin d'enflammer tous les esprits contre la France : « Comme votre loi (disent ces fanatiques à l'Assemblée nationale), n'offre plus qu'anarchie, désordre, dégoût, il n'est plus d'union, « plus de pacte entre nous » ; nous romprons plutôt tous les liens qui nous unissent. G'êst sur ces. autels, qu'animés par la justice de nos droits, autant qu'agités par notre désespoir, nous avons juré et rédigé en « caractères de sang », pour repousser et éloigner de nos côtes ce funeste décret, et faire enfin toutes sortes de sacrifices, dût-il nous en coûter le moins pénible et le plus cruel de tous, la mort.
La généralité des esprits était loin de partager ces fureurs et ces extravagances. Les colons honnêtes gardaient le silence, et attendaient que le temps les refroidît. Les hommes de couleur des parties du Sud et de l'Ouest, plus nombreux que ceux du Cap, et qui étaient restés armés, montraient une contenance assurée, et déployaient la résolution de se défendre si on les attaquait. Les négociants sentaient l'absurdité de rompre avec la métropole. Apeine quelques jours s'étaient écoulés que les esprits étaient déjà refroidis, que les affaires avaient repris leur cours ordinaire. Dans le fond, le décret, se disait-on, ne devait être exécuté qu'après quelques années. La vanité trouvait dans ce terme un accommodement, le préjugé pouvait se dissiper dans l'intervalle.
L'exemple de ce qui se passait à la Martinique, à la Guadeloupe vint encore affermir ces idées pacifiques. Le décret y avait été accueilli comme une recompense naturelle de bonne conduite des mulâtres et de leur service, et comme un moyen de les attacher à la colonie. Cette conduite ne cadrait pas avec lés desseins des factieux, qui comptaient sur un soulèvement général, qui avaient cru trouver dans ce décret l'occasion de l'exciter, et par là, d'opérer la scission et l'indépendance après laquelle ils soupiraient depuis si longtemps. Leur espoir étant déçu, il fallait nouer de nouvelles intrigues, exciter de nouvelles terreurs : il fallait renouer un prétexte d'appeler les Anglais dans le sein de 1 île; car les factieux savaient bien que, quoique dirigeant le pouvoir exécutif, ils succomberaient tôt ou tara, ét devant les colons fidèles, et devant les parties de l'Ouest et du Sud qui voulaient rester fidèles à la Constitution française, et devant les hommes de couleur qui avaient juré le même, attachement à la métropole. Une révolte d'esclaves était donc nécessaire; il fallait donc en pratiquer une.
Une conspiration ne s'écrit point, Messieurs; mais on la retrouve et dans les opinions, et dans les faits de ceux qui la forment. J'ai, développé les opinions et les actes publics de ceux que j'accuse ; et ils portent au plus haut degré la preuve du système d'indépendance qu'ils voulaient établir. Les faits que je vais vous exposer
vont vous, donner un nouveau genre de lumières.
Une nouvelle assemblée coloniale était formée : l'intrigue l'avait composée très rapidement, des plus violents ennemis de la Constitution française, de ces membres de la ci-devant assemblée de Saint-Marc, qui avaient une douloureuse humiliation à venger ; de ces hommes encore, dont le désordre des affaires appelait et sollicitait le désordre public.
A peine cette assemblée est-elle formée à Léo-gane qu'elle s'empresse de quitter ce centre de là colonie; et"pourquoi? parce que la Constitution française y avait plus de partisans qu'ailleurs, parce que les hommes de couleur y étaient plus nombreux et plus redoutables.
On là transfère au Gap ; et pourquoi ? parce que le Cap était le foyer le plus actif de la conspiration; parce que le parti qui voulait la domination anglaise y était le plus fort.
Avant de s'y transférer, l'assemblée publie une adresse hypocrite ;-elle proteste de son attachement à la Révolution française, à l'Assemblée nationale. Il fallait payer ce tribut à l'opinion publique de cette partie de la colonie : il fallait la rassurer sur 1 inquiétude que causait cette translation, qui occasionnait les plus violents soupçons.
Arrivés au Cap, les membres de cette assemblée ne cachent plus leurs intentions hostiles; elles percent dans tous leurs discours, dans toutes leurs actions; on presse les fortifications du Cap; eh ! qu'avait-on a craindre? Etaient-ce les puissances étrangères? non : on craignait au contraire qu'elles ne parussent pas assez tôt pour favoriser cette scission. C'était contre les troupes françaises, et surtout contre la garde nationale de Bordeaux que ces préparatifs se faisaient, et on le disait hautement.
Mais pouvait-on douter de l'esprit de révolte qui animait ses membres, eh voyant cette assemblée repousser le signe distinct,if de là Révolution française, écarter la cocarde nationale, permettre aux citoyens de porter celle qu'ils voudraient; en voyant leur président ne pas rougir de présiderl'assembléeparéde la cocarde noire? Cet emblème n'annonçait-il pas haute-mènt le culte qu'on rendait au gouvernement anglais, et l'abnégation jurée de la domination française? On vous a dit ici, Messieurs, pour justifier ces actes de révolte, que les membres de l'assemblée coloniale « avaient été forcés de la prendre », cettè cocarde ; mais il est un fait qu'on vous prouvera : ils l'ont prise avant qu'aucune insurrection éclatât, et ils l'ont gardée lors même que tout était tranquille ; ils ont souffert qu'on la portât pendant un long espace de temps.
Il faut l'avouer, Messieurs, la vue de cette cocarde excita plus d'une fois l'indignation publique, plus d'une fois les patriotes la firent déposer; mais ces exécutions patriotiques, loin de refroidir l'assemblée du Cap, l'engagèrent seu-t lement à changer le signe.de la révolte. Ainsi l'assemblée générale du Cap prit pour signe une écharpe noire : sans ruban ni ; cocarde nationale; l'assemblée coloniale portait une écharpe rouge, sans ruban ni cocarde nationale.
Tout ce qui environnait ces assemblées, retraçait les sentiments qui en animaient les membres. On ne voyait point briller autour d'eux ces caractères éloquents de la Révolution : « Vivent la nation, la loi et le roi ! » On voyait à
leur place : « Vive Saint-Domingue » ! Ce n'était-il pas celui de l'indépendance?
Enfin, arriva ce moment si désiré, pour ceux qui avaient besoin des troubles pour leur existence et pour leur ressentiment. Le 22 août, on dénonce une conspiration qui se forme contre la ville du Cap ; la date est ici précieuse : on venait d'apprendre la fuite du roi. Etait-ce le hasard qui avait favorisé ce rapprochement si favorable aux factieux, de cette fuite si propice, de cette révolte si opportune; ou plutôt la nouvelle de la fuite n accéléra-t-elle pas la révolte? La suite éclair-çira cet horrible mystère.
Le 23, on apprend la révolte de quelques ate-
ateliers, pour éteindre la révolte. Mais, avec cette précaution, la révolte aurait fini trop tôt, et on n'aurait pas envoyé, le 25, des députés à la Jamaïque et aux Etats-Unis, pour demander des secours.
On va m'arrêter à ce soupçon; et je demande à ceux qui le contesteraient : pourquoi ne marchait-on pas directement aux ateliers menacés? Pourquoi le général s'amuse-t-il à faire camper un gros détachement dans une baie d'où il est obligé de le rappeler après deux jours d'une inutilité complète? Pourquoi ne divisait-il pas cé gros détachement, qui infailliblement aurait empêché la réunion de ces ateliers? Pourquoi s'amusait-il au Cap à former des régiments en l'air, à faire des règlements pour eux, au lieu d'aller se battre avec ceux qu'il avait?
Ici, Messieurs, un souvenir frappant me saisit malgré moi. Le prévôt de Paris, Flesselles, combinait aussi froidement pour nos gardes nationales, quand il s'agissait de prendre la Bastille à la tête des citoyens, quand on lui demandait à grands cris, des balles et de la poudre...
Pourquoi* au lieu d'aller droit aux rebelles, ce brave général s'occupe-t-il à se barricader, à se retrancner dans une ville déjà fortifiée, et qui n'avait rien à craindre d'ennemis indisciplinés, sans armes, sans munitions, sans connaissance de la tactique des sièges? N'était-ce pas donner le temps et le moyen aux rebelles de grossir leur troupe, et de ravager toutes les habitations de la plaine ? -
On craignait, dit ce général, les noirs qui étaient dans la ville au nombre de 10,000. Mais diminuait-on le danger du complot en se laissant resserrer, enfermer par les nègres du dehors? N'aurait-on pas plutôt mis fin à toutes les inquiétudes, en allant combattre, les rebelles en rase campagne ? Auraient-ils pu tenir devant une troupe disciplinée, bien armée? Ils étaient dans l'origine* de l'aveu même du général, à peine au nombre de 1,000; et certainement ce nombre était exagéré et inconnu alors; et le Cap renfermait trois fois au delà de troupes de ligne, patriotiques, de citoyens en état de porter les armes.
Oui, Messieurs, tout est inconcevable dans cette affaire. Doit-on l'attribuer à la lâcheté, à l'ignorance du local, ou à la trahison? On ne sait: mais il est évident que celui qui a donné le conseil d'attendre l'ennemi dans le Cap au lieu d'aller le chercher dans la plaine, ou sur les ateliers, est le principal auteur de l'horrible catastrophe qui a dévasté Saint-Domingue. M. de Blanchelande n'a pu se dissimuler lui-
se mettre en plaine avec le régiment du Cap, etc.; mais la crainte que l'on avait du Gap a mis obstacle au désir que j'avais de tenir la campagne, « seul moyen de réduire les révoltés », qui continuent à saccager la plaine, « parce qu'ils n'y trouvent aucun empêchement ».
Mais, puisque ce général était pénétré de cette vérité, pourquoi n'exécutait-il pas son projet ? Pourquoi céaait-il à de vaines terreurs? Devait-il donc se mettre sous la tutelle de l'assemblée générale? Etait-il dans des lisières? N'était-il pas ae son devoir de prendre et d'ordonner des mesures militaires, et non pas de se laisser subjuguer par des hommes qui avaient usurpé tous les pouvoirs? Car, pourquoi encore leur obéissait-il jusque dans les nominations d'officiers? Pourquoi, d'après leurs ordres, donnait-il un commandement à un homme qui, jusqu'au sein de Paris, a eu l'audace de manifester sa haine pour la Révolution, au sieur de Rouvrai? Pourquoi, d'après leurs ordres, supprimait-il une proclamation aux noirs, qui peut-être les eût fait rentrer dans leur devoir? Oui, Messieurs, cette mollesse est impardonnable.
Eh ! peut-on douter de la facilité avec laquelle M. de Blanchelande eût dissipé cette révolte, s'il avait voulu seulement se confier à ces hommes de couleur, à la .bravoure, au zèle infatigable desquels il rend lui-même justice, de ces hommes accoutumés à combattre les noirs? En peut-on douter, en voyant la facilité avec laquelle M. de Blanchelande a dissipé ces milliers prétendus de nègres, quand enfin il a osé envisager de près ce qu il appelle leurs camps, et les aborder sérieusement? Un combat d'une heure a détruit l'un; quelques volées de canon ont fait disparaître les autres; et ces victoires, qui ont coûté si peu de peine et de sang, ont eu lieu lorsque les révoltés montaient à plus de 100,000, suivant les députés de Saint-Domingue; à plus de 50,000, suivant la lettre si propice aux agioteurs de sucre, de ce chevalier Edward dont la relation n'a pas encore trouvé un apologiste, et doit toujours exciter les plus violents soupçons. (Applaudissements.)
Je le demande encore : au lieu de marcher à l'ennemi, pourquoi le général s'amusait-il, avec l'assemblée coloniale, a, écrire des dépêcnes et aux Espagnols, et aux Anglais, et aux Etats-Unis? Il avait, aira-t-on, besoin ae secours. Mais le 24, jour de la dépêche, il n'avait pas encore tâté l'ennemi. Mais lé 24, il n'avait eneore connaissance ni de son nombre, ni de l'étendue du danger; il savait seulement que quelques habitations étaient brûlées. Eh quoi ! pour repousser quelques centaines de brigands, n'était-il pas extravagant de se fier plutôt à des dépêches incertaines et lointaines qu'à des armes qu'il avait sous ses mains? N'était-il pas extravagant, pour éteindre un incendie, d'envoyer chercher des pompes à Philadelphie, c'est-à-dire à 7 ou 800 lieues? Je ne parle pas de la partie espagnole : il y avait quelque fondement, quoiqu'il fut toujours prématuré ae demander des secours lorsqu'on connaissait à peine le danger.
Cet envoi à Philadelphie cache une ruse, mais la ruse se décèle. La dépêche de Philadelphie, dont on connaissait l'absurdité, devait couvrir celle de la Jamaïque ; on voulait prouver son impartialité en s'adressant à trois puissances, tandis qu'on ne voulait sérieusement du secours que d'une seule ; tous les faits trahissent ici les coupables. L'assemblée coloniale ne se contente pas de la dépêche du général vers le gouverneur
de la Jamaïque; elle lui en fait une particulière. 1 Cellerlà même si l'on en croit deux lettres de de Saint-Domingue avait été précédée d'une autre du 16 août; fait important qu'il sera nécessaire d'éclaircir dans la poursuite de cette affaire. Quel pouvait donc être l'objet de cette dépêche particulière? Ou elle renfermait les mêmes demandes que celles du général,'et elle était inutile; ou l'objet en était particulier, et il était suspect, et le général n'aurait pas aû en permettre le départ sans la connaître lui-même, ni même en la connaissant. Car ignorait-il que l'assemblée coloniale n'avait pas le droit de communiquer avec une puissance étrangère ; que lui seul, comme représentant du roi, devait remplir cette fonction? Ainsi à la trahison se joignait la violation de nos principes constitutionnels.
Mais pourquoi ce général et cette assemblée coloniale, si actifs à emprunter des secours de l'Angleterre, ne se servaient-ils donc pas des secours qu'ils avaient sous leurs mains? Pourquoi cette assemblée ne réarmait-elle pas ces hommes de couleur, qui avaient intérêt, comme elle, à arrêter la rébellion; ces hommes de couleur si accoutumés à dissiper les révoltes des nègres ; ces hommes de couleur qui, injustement soupçonnés, avaient la générosité d'offrir, pour gage ae leur fidélité, leurs femmes et leurs enfants?
Ce n'est pas tout encore, Messieurs : on savait à la Jamaïque, le 27 août, la révolte des noirs, et le 28 août elle était ignorée à Léogane avec lequel le Cap a des relations ; elle y était si bien inconnue, que deux citoyens, partis le 28 août de cette île, n'ont appris qu'en France ce malheur. Ce long silence du général et de l'assemblée coloniale vis-à-vis des parties de l'Ouest et du Sud, ne doit-il pas exciter les plus violents soupçons? Quoi ! on savait que ces parties renfermaient et des troupes de ligne et des hommes de couleur armés et nombreux, et qui auraient promptement dissipé la rébellion ; et non seulement on ne leur demandait pas leur secours, mais on ne les prévenait pas au danger, tandis qu'on envoyait des tableaux effrayants à la Jamaïque et jusqu'à Philadelphie? On dédaignait les secours des Français voisins, lorsqu'on recherchait celui d'étrangers éloignés? Cette conduite est aussi honorable pour les parties de l'Ouest et du Sud, qu'elle est coupable dans l'assemblée coloniale ; elle, n'ignorait pas que le patriotisme dominait dans ces parties, qu'on y exécrait le projet de livrer l'île a l'Angleterre; et l'on voulait éloigner du foyer dé la conspiration les patriotes qui auraient pu la renverser.
Dira-t-on, pour justifier le général, qu'il croyait comme il le dit dans sa lettre du 2 septembre, que les provinces voisines l'inquiétaient, et qu'il cherchait à venir à leur secours en munitions de guerre et de bouche? Mais cette phrase innocente, qui peut avoir été écrite à dessein, ne prouverait, si elle était ingénue, que la frayeur du général, qui multipliait les incendies dans l'Quest et le Sud. comme il multipliait les noirs autour de la ville, pour justifier la bravoure de ses barricades : elle prouverait plus fortement la coupable négligence de n'avoir pas sur-le-champ expédié des avisos, par mer et par terre dans toutes les parties de l'île. . L'assemblée coloniale ne redoutait pas seulement que le patriotisme de ses voisins ne fit échouer son parti ; elle craignait encore que des forces de la France ne vinssent déranger ses
{>erfides combinaisons. Il fallait donc cacher ongtemps à la France la situation de Saint-Do-
mingue. Aussi la révolte de quelques noirs est à peine connue, qu'on met un embargo sur tous les vaisseaux de long cours. Qui n'a pas souri de pitié, si le sourire pouvait être possible dans une cause aussi douloureuse, à la pitoyable justification de cet embargo? Cette précaution, dit-on, avait pour objet de garder tous les vaisseaux, pour y embarquer femmes et enfants dans le Cas d'accident plus grave. Quoi ! le 23 août, lorsqu'à peine on connaissait quelques détails de la révolte, le général craignait déjà qu'elle ne. fût portée à une telle extrémité, que le Cap fortifié pût être réduit par la force, et que les habitants fussent obligés de s'embarquer? une pareille prescience, si elle eût été sincère, n'annoncerait-elle pas les vertiges qui faisaient délirer une imagination égarée ; ou plutôt qui ne voit pas qu'on veut justifier à tout prix un embargo injustifiable? Car, quand le Cap eût été menacé par dès ennemis redoutables, quand on eût craint pour la sûreté des femmes et des enfants, quand on eût eu besoin de tous les bras, qui empêchait d'expédier un bâtiment avec 25 ou 30 hommes, pour avertir la France du désastre dé ses colonies? Pourquoi l'assemblée coloniale traitait-elle avec tant de mépris les capitaines de.vaisseaux français qui demandaient à grands cris qu'on expédiât un vaisseau pour la France? Et peut-on se refuser au témoignage de ces capitaines, qui, témoins de la scène, vous attestent ce qui se passait sous leurs yeux, vous attestent que l'assemblée coloniale voulait rompre avec. la France, qu'elle voulait mettre enfin a exécution un projet depuis longtemps concerté.
L'assemblée coloniale dira-t-elle qu'elle remplissait le vœu qu'on lui portait, d'avertir la France en écrivant par la Jamaïque ? Mais d'abord à quelle époque écrit-on à la Jamaïque ? C'est le 27 août que les députés s'y trouvent ; et cependant la première nouvelle qui arrive en France n'y arrive que par un vaisseau anglais parti du Cap le 25 septembre. Une foule de questions se présentent naturellement ici : pourquoi les commissaires députés à la Jamaïque n'ont-ils fait parvenir directement en France aucune nouvelle depuis le 27 août? Ne s'est-il donc présenté aucune occasiondans cette île, qui a tant de relations avec l'Angleterre ? Pourquoi n'a-t-on expédié des nouvelles de Saint-Domingue qu'après l'arrivée des deux frégates anglaises, et qu on a eu la certitude de ne pouvoir tirer de la Jamaïque aucun secours d'hommes?Pourquoi les paquets deM.de Blanchelande, du 2 septembre, quoique arrivés par la même frégate que la fameuse lettre du chevalier Edward, n'ont-ils paru que 12 jours après la publicité de cette lettre? Dira-t-on, comme on l'a imprimé, que ces lettres se sont égarées à la poste d'Angleterre? Mais quoi ! le ministère anglais, qui a fait passer à la France la copie de la lettre du chevalier Edward,, aurait-n donc été aussi insouciant sur le sort des paquets confiés au capitaine de la Daphnê, paquets dont l'existence ne lui pouvait être inconnue, puisqu'il en avait reçu lui-même de l'assemblée coloniale? Non, Messieurs, le mystère, prolongé pendant 12 jours, cache lui-même un secret que Ton craint de révéler.
Eh! pourquoi encore cette lettre si affectueuse au ministre du roi d'Angleterre ? Depuis quand les corps administratifs doivent-ils entrer en correspondance avec les puissances étrangères ? Et celui-là surtout ne devait-il pas s'interdire cette correspondance, qui était soupçonné de vouloir se livrer à cette puissance? ; , : ; ^ ;
La manière faible et timide avec laquelle les députés de Saint-Domingue se sont justifiés sur ces articles n'a-t-elle pas dû encore confirmer ces soupçons ? Quoi ! des Français sont accusés de vouloir se livrer à des étrangers, et leur sang ne bouillonne pas ? Et au lieu de prouver par les élans de leur indignation la pureté de leur patriotisme, ils s'amusent à combiner froidement une hypothèse où leur désertion de la patrie serait excusable : ils se croient justifiés, parce que la métro noie ne voulait pas la délivrer d'« écrits séditieux » ? Ah ! des nommes éclairés combattent des écrits séditieux et ne trahissent pas pour cela leur patrie ! des patriotes inébranlables suppléent à la distance des lieux qui ne permet pas à la métropole de juger en connaissance de cause, et ils ne rompent pas tous les liens civils et politiques, parce qu'on ne satisfait pas à toutes leurs volontés 1 Quel département (puisque les députés ont voulu s'assimiler aux départements) quel département affligé parles horreurs de la guerre civile et religieuse excitée par des fanatiques, a osé dire à l'Assemblée nationale comme Saint-Domingue : ou délivrez-nous de ces prêtres, où nous nous séparons de vous.
Observez que, dans cette justification, on accuse jusqu à l'Assemblée nationale de n'envoyer que des germes de poison ; et on se croit justifié par ces termes de songer à la réparation.
L'assemblée coloniale ne se bornait pas à ranger dans la classe des possibilités sa séparation; elle l'exécutait non seulement en invoquant les secours de l'Angleterre, mais encore en s'arro-geant tous les pouvoirs d'un corps législatif indépendant : c'est ainsi que, foulant aux pieds toutes les lois, taxant, administrant, jugeant, emprisonnant, elle eut l'audace de mettre un impôt sur toutes les marchandises françaises, de taxer toutes les denrées de France à un prix bien inférieur à celui où elle se vendent en France, ' de s'emparer des marchandises qui étaient dans les magasins, de l'argent qui pouvait être à bord.
Elle poussa ses usurpations plus loin encore : elle fit arrêter des Français habitant depuis longtemps l'île, qui n'étaient pas dans ses principes, confisqua leurs effets sans aucun jugement, et les renvoya en France. C'est encore ainsi qu'elle a fait arrêter tous les passagers qui avaient le malheur de toucher ce sol inhospitalier; elle les fit jeter dans les prisons, quoique aucun d eux ne fût suspect, quoique tous fussent réclamés par des personnes connues, quoique leurs papiers sévèrement examinés, n'offrissent aucune trace de soupçon; mais ces papiers attestaient aussi leur patriotisme, leur soumission à la Constitution française; on détestait cette Constitution; et ces citoyens, victimes de cette horrible vexation, languissaient encore le 2 octobre dans les prisons du Gap, abandonnés à l'inanition la plus horrible, entassés dans le cloaque le plus dégoûtant. La pétition vous a été mise sous les yeux. Ainsi, Messieurs, non seulement on traitait les Français en étrangers, mais on les traitait en ennemis.
L'assemblée coloniale niera-t- elle ces faits? niera-t-elle qu'elle a demandé des farines aux Américains, aux Anglais ; qu'elle les a reçues dans un temps où le Cap regorgeait de farines françaises, et que les Français ont été obligés de vendre les leur à vils prix?... Niera-t-elle que dans son sein même, dans une de ses séances, un membre a fait retentir ces horribles paroles : « La France ! la colonie ne lui doit plus
rien. » Niera-t-elle le propos tenu ici par plusieurs de ses membres : « Que n'avons-nous ici M. Bouille! que ne conseillait-il aux princes de venir ici ! C'est ici qu'ils auraient trouvé de fidèles sujets, qu'ils auraient pu dissoudre une assemblée qui a fait le malheur de la France. » Oui, Messieurs, ou la conspiration est prouvée, ou jamais elle ne le sera.
Il faut finir par un trait qui peint la fourberie de cette assemblée. Sauvée par le courage des gens de couleur, elle consent à l'exécution du décret du 15 mai. C'est une promesse solennelle; et les députés gardent ici le silence sur cette promesse solennelle : et pourquoi ? parce qu'ils croient que l'horizon n'est pas clair, parce qu'ils croient pouvoir encore une fois priver de leurs droits leurs libérateurs mêmes.
Ils nous ont bien parlé de quelques révoltes partielles dans la partie de l'Ouest ; mais ils ne vous ont pas dit que ces révoltes avaient été apaisées par les citoyens de couleur : ils ne vous ont pas parlé de ce sublime concordat dont Loke et Montesquieu se feraient honneur, de ce concordat qui, seul a ramené la paix entre les blancs et les mulâtres, qui seul peut l'y maintenir, qui seul peut préserverles blancs des insurrections des noirs ; ils ne vous ont pas renouvelé la pro messe solennelle de!le garder; mais si la bonne foi est bannie des îles, elle ne l'est pas du sein de la France : elle est pure dans le cœur de tous les Français, et la politique ordonnerait de respecter cet engagement. (Applaudissements répétés.)
Car, enfin, tout pays qui a le malheur de posséder de nombreux troupeaux d'esclaves, doit avoir de nombreux et fidèles gardiens pour y empêcher ces révoltes ; et les hommes de couleur sont, par la nature des choses, les seuls défenseurs contre les révoltés.
L'esclavage est et sera toujours dans la nature un levain perpétuel de troubles dans le pays qu'il déshonore. Eh ! Messieurs; n'était-ce pas en faisant révolter les esclaves que les Catifina de Rome se rendaient redoutables ? Ce levain devient surtout dangereux à mesure que la liberté s'étend pour une classe quelconque d'individus. S'étonner de cet effet, c'est s étonner que l'homme puisse désirer de jouir du bonheur dont il est témoin. S'en irriter, c'est s'irriter de ce qu'on veut voir clair quand On a des yeux.
Cependant, Messieurs, l'esclavage n'a pas figuré dans les troubles de Saint-Domingue, excepté dans la révolte du mois d'août, et ce fait singulier répond à la satire violente qu'on a faite de ces noirs. On vous a cité des faits atroces qui font frémir; et ce n'est pas sans dessein : on voulait exciter votre sensibilité, on voulait distraire votre attention des délits reprochés à l'assemblée coloniale. Ces députés devaient donc s'attacher à émouvoir les âmes sensibles par le tableau des atrocités de leurs esclaves rebelles. Messieurs, Phalaris ne citait pas son taureau brûlant, mais il citait les poignards dont osaient le menacer les hommes qui ne goûtaient pas bien l'invention de son taureâu. (Applaudissements.)
On nous a cité des traits de férocité... Donnez-moi une bête brute, disait Mirabeau ; j'en ferai bientôt une bête féroce... Mais qui doit répondre du crime de cette brute, si ce n'est celui qui la tient dans cet état d'abrutissement?
Vous frémissez, vous êtes émus du spectacle horrible de cet enfant empalé! Vous ne seriez pas hommes, si vôtre âme n était soulevée contre celui qui l'a empalé. Mais quel est le premier
assassin de cet infortuné ? Est-ce le noir? Non : c'est le blanc qui le premier fit jeter un noir dans un four ardent; le blanc qui le premier arracha un noir au sein de sa mère, et l'écrasa sous ses yeux'; le blanc qui le premier fit mangera un noir sa propre chair... Oui, qu'on accumule tous les forfaits commis par la race noire ; ils disparaissent devant la férocité des monstres blancs, devant la férocité des conquérants du Pérou et de Saint-Domingue même. Un million d'Indiens ont péri sous leurs couteaux. Vous brisez à chaque pas leurs ossements qui crient vengeance, et vous vous plaignez de leurs vengeurs!... (.Applaudissements répétés.)
Messieurs, le crime n'appartient point à la couleur ; il appartient à la soif du despotisme, à la fureur de toutes les passions qui dévorent le cœur humain: et dans quelle âme se sont-elles plus exaltées que dans l'âme des blancs ? Ah ! Messieurs, dans cette lutte affreuse de crimes, s'il en est de plus horribles, ce sont ceux des blancs, car le despotisme les a créés ; et l'amour de la liberté, la soif de vengeance les enfantent chez les noirs.
Le philosophe rougit sur ces tableaux ; il rougit d'appartenir à l'espèce humaine; il cherche à adoucir sa férocité : on le calomnie, on le déchire alors même qu'il ne cherche que le bien dé ses détracteurs ; car, je le demande, quel pouvait être le but des Montesquieu, des Rousseau, des Raynal, des Voltaire ! Etait-ce donc de faire couler le sang des hommes? Sommes-nous donc des tigres? Non, mais nous vous disons: Frères, votre système est détestable ; il vous sera funeste : la servitude ne peut exister éternellement à côté de la liberté; soyez bons et vous éviterez les scènes de sang. Soyez justes et vous serez chéris, mais est-ce être juste que de condamner à l'enfer d'un esclavage éternel un homme né libre comme vous? L'esclavage « éternel » doit être le foyer le plus actif des crimes, parce qu'il est lui-même le plus grand des crimes. Songez donc, non pas à rendre subitement, la liberté à vos esclaves, mais à la préparer ét à adoucir leur sort. Songez à en séparer ce terrible motî« éternité », qui doit créer le désespoir dans tout homme qui ne cesse pas d'être homme.
En résumant, Messieurs, l'immense tableau que je viens de vous présenter, est-il possible de se déguiser maintenant et les causes et les auteurs des troubles de Saint-Domingue? La cause la plus générale est dans la Révolution française, dans l'effet qu'elle a dû développer, et surtout dans les îles, où le caractère des nommes est, comme leur climat, brûlant. Elle est dans le renversement subit des pouvoirs anciens, dans la lutte de ceux qui ont voulu s'élever sur leurs débris, dans le relâchement de tous les ressorts qui comprimaient toutes les passions individuelles, dans la destruction des tribunaux, dans l'absence de la justice, dans la distance du gouverné au pays qui gouverne.
La cause la plus féconde, ensuite, est dans ce système d'indépendance affecté par les colons blancs dès l'origine de la Révolution ; système développé par eux dans leurs écrits et dans leurs prétentions, mis en pratique d'abord par les comités, ensuite par les assemblées provinciales et par les assemblées coloniales.
La cause de ces troubles est dans l'audace avec laquelle ces factieux se sont emparés de tous les pouvoirs, non pour étendre le règne de la liberté et de la Constitution, mais pour substituer la tyrannie aristocratique à la tyrannie minis-
térielle ; dans l'audace avec laquelle ils ont détruit tout ce qui s'opposait à leur système favori, fait assassiner les agents du pouvoir exécutif, les hommes de couleur, et ont forcé ce pouvoir à se plier à leur caprice.
La cause de ces troubles est dans le concert qui régnait entre les colons factieux de l'un et de l'autre hémisphère ; dans les troubles que les uns excitaient pour appuyer les libelles des autres, et les libelles que ceux-ci répandaient pour continuer les troubles.
La cause de ces troubles est dans la faiblesse qui a encouragé les factieux, dans la corruption qui leur a assuré l'impunité, dans l'ignorance qui favorisait leurs trames odieuses, dans la modération qui les protégeait par de bonnes vues peut-être ; enfin dans ce système opiniâtre de mystère avec lequel on a constamment enveloppé les affaires coloniales. .
La cause de ces troubles est dans les équivoques glissées dans tous les décrets, et dans les Variantes de ces décrets; dans la faiblesse à ne pas vouloir nommer d'abord les gens de couleur dans l'article 4 du décret du 28 mars, tandis qu'on déclarait hautement' que c'était l'intention de tout le monde; tandis que l'on voyait que les factieux, les indépendants profiteraient du silence pour écarter une fois encore les gens de couleur.
La cause de ces troubles est dans la partialité avec laquelle on a traité les assemblées générales de Saint-Marc et du Cap, lorS du décret au 12 octobre ; dans la punition infligée à l'une et dans les récompenses accordées à l'autre, tandis qu'elles étaient toutes deux coupables du. même crime d'indépendance ; dans la partialité qu'on a montrée ensuite pour cette même assemblée de Saint-Marc,; lorsqu'une réconciliation a calmé la haine personnelle.
La cause de ces troubles est dans le « considérant » du décret du 16 octobre, « considérant » qui a présenté l'assemblée générale aux yeux des colonies comme se prêtant à une imposture, et qui, conséquemment, devait la discréditer aux yeux des hommes de couleur, pùisqu'ils étaient sacrifiés à leurs ennemis, « considérant » enfin qui a armé contre eux les blancs, et qui adonné le signal de la guerre civile dans les colonies.
La cause de ces troubles est dans les persécutions que les blancs despotes ont cru pouvoir, en vertu de ces décrets, ou plutôt en les travestissant, exercer contre les hommes de couleur, dans l'inquisition odieuse à laquelle ils les ont soumis; dans la défense qui leur a été faite de sortir de l'île, de correspondra au dehors, de porter des armes ; dans leur exclusion des assemblées primaires, dans les insultes, les outrages qui ont été accumulés sur leurs têtes, dans les assassinats soit de leurs défenseurs, soit de leurs frères; dans le serment inconstitutionnel, infâme, serment qui était le cachet de la servitude, serment « de porter respect à la couleur blanche » ; dans les assassinats de ceux qui ne le prêtaient pas; dans la résolution affichée partout ae ne pas exécuter le décret du 28 mars, enfin dans la cruelle exécution d'Ogé.
La cause de ces troubles est dans l'inexécution du décret du 15 mai, dans le défaut d'envoi officiel de ce décret, d'envoi d'instructions et de commissaires, d'envoi de troupes et de gardes nationales pour appuyer le décret, puisqu'on avait prédit qu'il exciterait des troubles.
Enfin la cause des troubles est dans l'absurdité, dans l'imprudence d'avoir désarmé, enchaîné les
hommes mêmes qui servaient à contenir 4 à 500,000 esclaves qui existent à Saint-Domingue.
Quels sont maintenant, Messieurs, les coupables de ces crimes ? Ce sont ceux qui ont prêché, pratiqué, décrété ces systèmes d indépendance.
Ce sont ceux qui ont inondé le pays de libelles contre l'Assemblée nationale et les pouvoirs constitués.
Ce sont ceux qui ont dit qu'ils employeraient tous les moyens qui sont en eux pour repousser les décrets ae l'Assemblée nationale.
Ce sont ceux qui n'ont pas pris les mesures nécessaires et que leur commandait leur place, pour faire exécuter les lois.
Ce sont ceux qui, persécutant leurs semblables, leurs meilleurs gardiens, ont violé la déclaration des droits ; qui, désarmant les gens de couleur, ont été à l'île son plus ferme appui.
Ce sont ceux qui ont arboré les couleurs d'une puissance étrangère, appelé ses vaisseaux, correspondu avec ses agents et son ministère.
Ce sont ceux qui, pouvant aisément arrêter la révolte dans l'origine,l'ont laissée s'étendre ; qui ayant des forces sous leurs mains, en ont cherché d'étrangères; qui ont mis, sans nécessité, un embargo sur tous les vaisseaux; qui, pendant un mois, et malgré les réclamations des capitaines français, ont privé la France de la connaissance de la révolte ; qui ont taxé les marchandises françaises sans en avoir le droit; qui ont enlevé les marchandises et l'argent aux particuliers, jeté dans les cachots, et sans aucun motif, des citoyens français.
Ce sont ceux, qui, pour déguiser leurs crimes, viennent accuser des gens de bien, des troubles dont eux-mêmes sont coupables.
Ce sont ceux qui insultent à la philosophie, à la liberté, à la Déclaration des droits, dans le temple même de la philosophie, de la liberté et de ses droits. (Applaudissements répétés.) .
La France doit aux blancs des îles, comme ils l'ont demandé, protection, sûreté, justice; la France doit aux blancs protection, mais elle la doit aussi à leurs victimes ; la France doit aux blancs justice, mais elle la doit aussi à ceux qui assurent la tranquillité des îles, aux gens de couleur; la France la doit aussi aux créanciers des blancs, au commerce ; elle se la doit à elle-même ; et sûrement tant de trahisons ne resteront pas impunies. (Vifs applaudissements.)
Messieurs, j'avais à vous exposer un projet de décret en 12 articles; mais il est absolument impossible de le lire, ainsi que de courtes réflexions qui viennent à l'appui. Je prie l'Assemblée de vouloir bien me permettre d'ajourner cette lecture à un prochain jour.
Plusieurs membres : L'impression du discours!
J'appuie la motion et je demande la lecture du projet de décret de M. Brissot demain avant l'ouverture de l'ordre du jour.
Je demande que la lecture du projet de M. Brissot soit différée jusqu'au moment du rapport.
Plusieurs membres : Non ! non !
Aujourd'hui même vous pouvez prononcer que les colonies sont sauvees ou qu'elles sont perdues sans retour. Si vous laissez partir les troupes, dont le devoir est de faire exécuter le décret du 24 septembre, elles sont perdues. Vous les sauvez, au contraire, si vous maintenez provisoirement l'exécution du concordat passé entre les hommes de couleur et les blancs, (Oui! oui! Non ! non !) Je demande
donc, ou que le projet de décret de M. Brissot soit ajourné a samedi prochain, ou que dans ce moment même vous décrétiez que les choses resteront dans le statu quo, c'est-à-dire que vous suspendiez l'exécution du décret du 24 septembre, relatif aux colonies. (Vifs applaudissements.)
Le parti qui nous est proposé par M. Guadet est dicté par la sagesse même. En effet, qu'est-ce qui a sauvé les colonies? c'est le concordat. Qu'est-ce qui peut les conserver? le même ordre de choses qui les a sauvées. Je demande donc qu'on mette aux voix la proposition de M. Guadet. (Applaudissements.)
Les gens de couleur étaient libres dans les colonies, payaient des contributions, servaient dans les milices, les maréchaussées; mais ils ne jouissaient cepèndant pas des droits qui leur appartenaient comme hommes libres. C'est une injustice des blancs qui vient d'être réparée au Port-au-Prince par le concordat. 11 est de la justice d'en étendre l'effet sur toutes les colonies. Mais de quoi s'agit-il maintenant? La question présente se réduit à savoir si M. Brissot devra présenter son projet de décret samedi, ou s'il ne le présentera que le jour où le comité colonial présentera son projet.
Un membre : Je demande que M. Brissot donne lecture sur-le-champ de son projet de décret.
Je suis bien loin de m'opposer à des mesures qui doivent donner le calme et la paix aux hommes de toutes les couleurs. Mais je crois que l'Assemblée est trop bien convaincue que la véritable cause des malheurs des colonies se trouve dans les dispositions contradictoires des décrets et dans les préventions de ceux qui les ont portés, pour ne pas mettre une grande maturité dans sa décision. Je supplie l'Assemblée de ne pas perdre de vue que c'est la précipitation qui a été près de nous faire perdre nos colonies. (Murmures.) Vous ne voulez pas que les lumières de l'expérience soient perdues pour vous ; vous ne voulez pas renoncer à celles qu une nouvelle discussion peut vous offrir. Je ne m'oppose point à l'esprit de la proposition qui vous est faite. Mais l'Assemblée ayant ordonné l'ajournement pour entendre le rapport de son comité colonial, je demande qu'elle ne délibère point sans avoir entendu et le rapport du comité et le projet de décret M. de Brissot, dont nous ne connaissons pas encore l'esprit.
Un mot peut concilier tous les esprits. Je pense avec M. Dubayet qu'il ne serait pas de la dignité de l'Assemblée de décréter sur-le-champ une mesure provisoire. On pourrait l'ajourner à samedi en espérant que d'ici là le ministre ne fera pas partir les troupes qui sont destinées aux colonies.
Je crois que nous pouvons concilier ici ce qui est dû à la sûreté des colonies, ce qui est aû au respect de la loi et ce qui est dû à la dignité de l'Assemblée. La proposition faite par M. Guadet est-elle utile à la conservation des colonies? Est-elle contraire à la loi ou à la dignité de l'Assemblée?
Je dis d'abord que cette mesure est très utile et même qu'elle est commandée par la nécessité pour la conservation des colonies. Une des plus grandes causes des malheurs qui ont affligé Saint-Domingue, c'est qu'on n'a jamais voulu voir qu'une partie des dangers qui menaçaient les colonies; c'est qu'en marchant entre deux
écueils, on n'a voulu en voir qu'un. Les blancs disaient : Si vous accordez aux gens de couleur les privilèges que la justice réclame en leur faveur, vous perdez les colonies, car nous ne nous soumettrons pas à votre loi. Les gens sages disaient de leur coté : mais si l'on refuse aux gens de couleur ce que la justice sollicite pour eux, ces gens de couleur ne sont pas tellement abrutis par l'esclavage, qu'ils ne sentent bien l'injustice qu'on leur a faite. Les idées de liberté qui se sont développées en France ont également germé dans leur cœur, et peut-être que, réduits au désespoir, ils tenteront tous les efforts pour se procurer par la force, ce qu'on n'aura pas voulu leur accorder par justice. On n'a voulu voir, dis-je, qu'une de ces deux chances. On s'est occupé uniquement du danger que l'on courrait, si on n'avait pas égard aux représentations des blancs; et l'on ne s'est pas occupé du danger que l'on courrait, si l'on n'accordait pas justice aux gens de couleur.
Maintenant le concordat qui a été passé dans la partie de l'ouest de Saint-Domingue, a fait cesser les troubles, en a arrêté les progrès et a prévenu, dans cette partie de l'ouest, les désastres qui nous font gémir sur la partie du nord. Dans la partie du nord, ce sont également les gens de couleur qui ont aidé à arrêter ces désastres. Et remarquez qu'ils se sont conduits peut-être avec plus de magnanimité que les gens de couleur de la partie ae l'ouest ; car ils n'ont pas profité du besoin dans lequel se trouvaient les blancs*. Ils ont dit qu'ils ne voulaient pas devoir à la nécessité, la justice qu'ils réclamaient. Ils ont commencé par offrir leur sang pour défendre la propriété des blancs comme pour défendre la leur, puis ont déclaré qu'ils attendraient le rétablissement du calme pour faire valoir leurs droits.
Dans ces circonstances, qui oserait mettre en doute si l'exécution du concordat passé dans la partie de l'Ouest est nécessaire à la conservation des colonies? Personne, pour peu qu'il désire sincèrement que les colonies restent attachées à la métropole. Et on ne peut réfléchir sur les événements arrivés dans les colonies, sans être convaincu que l'exécution de ce concordat ne soit absolument indispensable pour les conserver.
Si les troupes partent pour les colonies, les blancs, oubliant la reconnaissance qu'ils doivent à leurs libérateurs, peuvent se prévaloir de la supériorité de leurs forces pour révoquer le concordat que peut-être leur orgueil n'a pas souscrit volontairement. Croyez-vous que les gens de couleur ne seront pas irrités, ne seront pas indignés de voir qu'après avoir profité de leurs services pour arrêter 1 insurrection et pour sauver les débris de la colonie, on tente de les vouer encore à un opprobre éternel? Croyez-vous que leur désespoir ne tentera pas quelqùé entreprise? Et n'aurions-nous pas à redouter qu'ils ne cherchassent à s'ensevelir eux-mêmes nar esprit de vengeance sous les ruines entières ' ae la colonie?
Il est non seulement juste, mais encore nécessaire que ce concordat soit exécuté. Et j'ajoute, Messieurs, qu'en prenant des mesures pour l'exécution de ce concordat, vous ne blessez pas la loi du 24 septembre. Que porte én effet cette loi du 24 septembre? Que les colonies décideront de l'état des personnes. Mais qu'est-ce donc que ce concordat, dont vous ordonnerez l'exécution provisoire? C'est un concordat consenti
par les blancs eux-mêmes. Ce ne sera donc pas l'Assemblée nationale qui usurpera l'initiative, qui ôtera aux colons la faculté accordée par le décret du 24 septembre, de statuer sur l'état des gens de couleur. (Applaudissements et murmures.)
Remarquez que M. Guadet, si je l'ai bien compris, n'a proposé cette mesure que comme mesure provisoire jusqu'à ce que les colons légalement assemblés d'après les formes constitutionnelles aient émis leurs vœux. (Murmures prolongés.) J'ai cru comprendre que M. Guadet n'avait proposé cette mesure que comme une mesure provisoire. En l'adoptant comme mesure provisoire, vous vous renfermez strictement dans la loi du 24 septembre, puisque vous n'ô-terez pas aux colons le droit d'exprimer leur vœu, lorsqu'ils seront légalement assemblés. Ainsi donc, Messieurs, on peut adopter cette mesure prompte sans violer la loi du 24 septembre; et si on peut l'adopter, j'ai prouvé qu il était important, que la nécessité la plus urgente commandait l'exécution du concordat. Il faudra donc que l'Assemblée prenne le parti de décider que le concordat sera provisoirement exécuté j usqu'à ce que les colons aient émis leurs vœux. (.Applaudissements.)
jeune parle dans le tumulte. Plusieurs membres proposent de fermer la discussion sur l'ajournement de la lecture du projet de décret de M. Brissot.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète l'impression du discours de M. Brissot.)
Messieurs, je demande que M. Brissot ait la complaisance de lire son projet de décret demain matin et qu'on le distribue le soir.
Un membre : Je demande que le projet de décret de M. Brissot soit imprimé à l.a suite de son discours.
(L'Assemblée décrète l'impression du projet de décret (1) de M. Brissot à la suite de son discours et en ajourne la lecture à samedi.)
Plusieurs membres : L'impression du concordat 1
[L'Assemblée décrète l'impression du concordat (2).J ;
Je rappelle à l'Assemblée la motion de M. Guadet tendant à laisser les dispositions de l'Assemblée nationale envers les colonies dans l'état où elles étaient avant le 24 septembre.
Un membre : L'Assemblée doit approuver provisoirement le concordat passé au Port-au-Prince, ainsi que le proposent MM. Vergniaud et Guadet. Je demande l'ajournement de la motion de M. Guadet à samedi.
Je propose un amendement : c'est de délibérer à l'instant la question d'approuver provisoirement le concordat. Plusieurs membres : Ce n'est pas cela.
Alors je demande l'ajournement à samedi de la discussion des motions de MM. Vergniaud et Guadet.
(L'Assemblée ajourne à samedi la discussion sur le concordat de Saint-Domingue.) (La séance est levée à quatre heures.)
A la séance de l'assemblée nationale législative du er décembre 1791, au matin
CONCORDAT passé entre les citoyens du Port-aur-Prince et les citoyens de couleur de la même partie de Saint-Domingue (1).— [Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale (2)-.J
L'an 1791, le 11 du mois de septembre, les commissaires de la garde nationale des citoyens blancs du Port-au-Prince, d'une part, et les commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur du Port-au-Prince, d'autre part; içeux fondés de pouvoir, par arrêté du même jour, et du 9 du présent mois, assemblés sur la place d'armes du bourg de la Croix-des-Bou-quets, à l'effet de délibérer sur les moyens les plus capables d'opérer la réunion des citoyens de toutes les classes et d'arrêter les progrès et les suites d'une insurrection qui menace également toutes les parties de la colonie, l'assemblée ainsi composée, s'étant transportée dans l'église
n président
crétaire; après quoi, il a été dit, de la part dès citoyens de couleur, que la loi faite en leur faveur, en 1685, avait été méprisée et violée par les progrès et privilèges et par l'usage abusif et le despotisme ministériel de l'ancien régime, et
Qu'ils n'ont jamais joui que très imparfaitement
u bénéfice de cette loi ; qu'au moment où ils ont vu l'Assemblée des représentants de la nation se former, ils ont représenté que les principes qui ont dicté la loi constitutionnelle de l'Etat entraîneraient nécessairement la reconnaissance de leurs droits, qui, pour avoir été longtemps méconnus, n'en étaient pas moins sacrés ; que cette reconnaissance était consacrée par les décrets et instructions des 8 et 28 mars 1790, et par plusieurs autres rendus depuis ; mais qu'ils ont vu avec la plus grande douleur que les citoyens blancs des colonies leur refusaient avec obstination l'exécution de ces décrets, pour ce qui les y concerne, par l'interprétation injuste ■ qu'ils en ont faite ; qu'outre la privation du bénéfice desdits décrets, lorsqu'ils ont voulu les réclamer, on les a sacrifiés à l'idole du préjugé; en exerçant contre eux un abus incroyable des lois et de l'autorité du gouvernement, au point de lés forcer d'abandonner leurs foyers; qu'enfin, ne pouvant plus supporter leur existence malheureuse et étant résolus de s'exposer à tous - les dangers pour se procurer l'exercice des droits qu'ils tiennent de la nature, et qui sont consacrés par les lois et civiles et politiques, ils le font réunis sur la montagne de la Charbonnière (3), où ils ont pris les armes le 31 août dernier pour se mettre dans le cas d'une juste défense ; que T'envie d'opérer la réunion de tous les citoyens indistinctement leur fait accueillir la députation de MM. les commissaires blancs dé la garde nationale du Port-au-Prince ; qu'ils voient avec une
satisfaction difficile à exprimer le retour dés citoyens blancs aux vrais principes de la raison, de la justice et de la saine politique; qu'ayant tout lieu de croire à la sincérité de ce retour, ils se réuniront de cœur, d'esprit et d'intention avec les citoyens blanc, pourvu que la précieuse et sainte égalité soit la base et le résultat de toutes les opérations; qu'il n'y ait entre eux et les citoyens blancs de différence que celle qu'entraînent nécessairement le mérite et la vertu et que la sincérité et la fraternité cimentent à jamais les nœuds qui doivent les attacher réciproquement; et, en conséquence, ils ont demandé l'exécution des articles suivants, auxquels lesdits commissaires blancs ont répondu, ainsi qu'il est mentionné ci-après :
Demandes des commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur.
Art. 1er.
Les citoyens blancs feront cause commune avec les citoyens de couleur et contribueront de toutes leurs forces et de tous leurs moyens à l'exécution littérale de tous les points des décrets et instructions de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi ; et ce sans restriction et sans se permettre aucune interprétation, conformément à ce qui est prescrit par l'Assemblée nationale, qui défend d'interpréter ses décrets. (Accepté.)
Art. 2.
Les citoyens blancs promettent et s'obligent de ne jamais s'opposer directement ni indirectement à l'exécution du décret dn 15 mai dernier, qui, dit-on, n'est pas encore parvenu officiellement dans cette colonie; de protester même contre toutes protestations et réclamations contraires aux dispositions du susdit décret, ainsi que contre toute adresse à l'Assemblée nationale, au roi, aux 83 départements et aux différentes chambres du commerce de France, pour obtenir la révocation de ce décret bienfaisant. (Accepté.)
Art. 3.
Ont demandé les susdits citoyens la convocation prochaine et l'ouverture des assemblées primaires et coloniales pour tous les citoyens actifs, aux termes de l'article 4 des instructions de l'Assemblée nationale du 28 mars 1790. (Accepté.) *
Art. 4.
De députer directement à l'assemblée coloniale, et de nommer des députés choisis parmi les citoyens de couleur qui auront, comme ceux des citoyens blancs, voix consultative et délibé-rative. (Accepté.)
Art. 5.
Déclarent, lesdits citoyens blancs et de couleur, protester contre toutes municipalités provisoires ou non, contre toute assemblée provinciale et coloniale ; lesdites municipalités, assemblées coloniales et provinciales n'étant pas formées d'après les décrets et instruction des 8 et 28 mars 1790. (Accepté.)
Art. 6.
Demandent les citoyens de couleur, qu'il soit reconnu par les citoyens blancs que leur orga-
xiisation présente, leurs opérations récentes, et leur prise d'armes n'ont eu pour but que leur sûreté individuelle, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, la réclamation des»droits méconnus et violés, et le désir de parvenir, par ce moyen, à la tranquillité publique ; qu'en conséquence, ils soient non mculpables pour les événements qui ont eu lieu, et qu'on ne puisse, dans aucun cas, exercer contre eux, collectivement ou individuellement, aucune action directe ou indirecte, pour raison des susdits événements ; qu'il soit reconnu que leur prise d'armes-tiendra jusqu'au moment où les décrets de l'Assemblée nationale seront ponctuellement et littéralement exécutés; qu'en conséquence, les armes, canons et munitions de guerre enlevés pendant les combats qui ont eu lieu, resteront dans les mains de ceux qui ont eu le bonheur d'être vainqueurs ; que cependant les prisonniers, s'il en est, seront mis en liberté de part et d'autre; {Accepté.)
Art. 7,
Demandent les citoyens de couleur que, conformément à la loi du 11 février dernier, et pour ne laisser aucun doute sur la sincérité de la réunion prête à s'Opérer, toutes proscriptions cessent et soient révoquées dès ce moment ; que toutes les personnes proscrites, décrétées et contre lesquelles il serait intervenu des jugements pour raison des troubles survenus dans la Colonie depuis le commencement de la Révolution, soient de_ suite rappelées et mises sous la protection sacrée et immédiate de tous les citoyens ; que réparation solennelle et authentique soit faite à ieur honneur ; qu'il soit pourvu, par des moyens convenables, aux indemnités que nécèssitént leur exil, leurs proscriptions et les décrets décernés Contre eux; que toute confiscation de leurs biens soit levée, et que restitution soit faite de tous les objets qui leur ont été enlevés, soit en exécution des jugements prononcés contre eux, soit à main armée; demandant que le présent acte soit strictement observé par tous les citoyens du ressort du conseil supérieur de Saint-Domingue, et surtout à l'égard des sieurs Boisson, Enard, dès frères Regnault et autres compris au même jugement que ceux-ci, tous les habitants de là paroisse de la Croix-des-Bouquets, de même qu'à l'égard de Jean-Baptiste La Pointe, habitant de l'Arcahaye, contre lequel il est intervenu lin jugement si sévère par une suite de persécutions exercées contré les citoyens de couleur, et qui, proscrit par les citoyens de Saint-Marc et d'Ariège, n'a pu se dispenser d'employer une juste défense contre quelqu'un qui voulait l'assassiner et qui l'assassinait en effet; se réservant ies citoyens dè couleur, de faire, dans un autre moment, èt envers qui il appartiendra, toutes protestations et réclamations relatives aux jugements prononcés contre les sieurs Ogé et Chavanne et autres compris dans lesdits jugements; regardant dès à présent les arrêts prononcés contre les susdits sieurs ,comme in-iâmes, dignes d'être voués à l'exécration contemporaine et future, comme la cause des malheurs qui affligent la province du Nord. (Accepté en ce qui nous concerne.)
Art. 8.
Que le secret des lettres et correspondances soit sacré et inviolable, conformément aux décrets nationaux. (Accepté.)
Art. 9.
Liberté de la presse, sauf la responsabilité dans les cas déterminés parla loi. (Accepté.)
Art. 10,
Demandent, en outre, les citoyens de couleur qu'en attendant l'exécution ponctuelle et littérale des décrets de l'Assemblée nationale, et jusqu'au moment où ils pourront se retirer dans leurs fovers, MM. les citoyens blancs de la garde nationale du Port-au-Prince soient tenus de contribuer à l'approvisionnement de l'armée des citoyens de couleur, tant que durera son activité contre les ennemis communs du bien public, et de favoriser la libre circulation des vivres dans les différents quartiers de la partie d'Ouest. (Accepté.)
Art. 11.
Observent, en outre, les susdits citoyens de couleur, que la sincérité dont les citoyens blancs viennent de leur donner une preuve, ne leur permet pas de garder le silence sur les ,craintes dont ils sont agités ; et, en conséquence* ils déclarent qu'ils ne perdront jamais de vue la reconnaissance de leurs droits et de ceux de leurs frères des autres quartiers ; qu'ils verraient avec beaucoup de peine et de douleur la réunion prête à s'opérer au Port-au-Prince et autres lieux de la dépendance, souffrir des difficultés dans les autres endroits de la colonie ; auquel cas ils déclarent que rien ne saurait les empêcher de se réunir à ceux des leups, qui par une suite des anciens abus du régime colonial, éprouveraient des obstacles à la reconnaissance de leurs droits, et par conséquent à leur félicité. (Accepté.) %
Après quoi, revenus à la place d'armes, la matière mise en délibération et mûrement réfléchie, l'Assemblée, considérant qu'il est indispensable d'employer tous les moyens qui peu-Vent contribuer au bonheur de tous les citoyens qui sont égaux en droits ; que la réunion des citoyens de toutes les classes peut seule ramener le calme et la tranquillité, si nécessaires à la prospérité de cette colonie, qui se trouve aujourd'hui menacée de si grands malheurs ; que l'exécution ponctuelle et littérale de tous les décrets et instructions de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, peut seule opérer cette réunion désirable, sous quelque point de vue qu'on l'envisage, il a été arrêté ; savoir, de la part des citoyens blancs, qu'ils acceptent tous les articles insérés au présent concordat; et de la part des citoyens de couleur, que, vu l'acceptation de tous les articles sans restrictions, ils se réuniront et se réunissent, en effet, de cœur, d'esprit et d'intention aux citoyens blancs pour» ramener le Calme et la tranquillité, pour travailler à l'exécution ponctuelle des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi,' et pour employer toutes leurs forces et moyens contre l'ennemi Commun.
A été arrêté par MM. les citoyens blancs et MM. les citoyens de couleur que,, ce jour devant éteindre toute espèce- de haine et de division entre les citoyens de la colonie en général, les citoyens de couleur du Port-au-Prince qui, par une fausse pusillanimité, ne se sont pas réunis à leurs frères de l'armée seront compris dans l'amnistie générale ; que jamais aucun reproche ne leur sera fait* entendant qu'ils participent
également aux avantages que promet notre heureuse réunion à toutes les personnes et les citoyens indistinctement; de plus, que protection égale devant être accordée au sexe en général; les femmes et filles de couleur en jouiront de même que les femmes et filles blanches, et que les mêmes précautions et soins seront pris pour leur sûreté respective, et que le présent concordat sera signé par l'état-major de la garde nationale du Port-au-Prince.
Il a été arrêté, en outre, que le présent concordat sera publié par la voie de l'impression; que des copies collationnées d'icelui seront envoyées à l'Assemblée nationale, au roi, aux 83 départements, à toutes les chambres de commerce de France, à M. le lieutenant général, au gouvernement et à tous ceux qu'il appartiendra.
Arrêté que, mercredi prochain, 14 du présent mois, MM. les citoyens blancs du Port-au-Prince se réuniront à l'année .de MM. les citoyens de couleur, en la paroisse de la Groix-des-Bouquets ; qu'il sera chanté en l'église de cette paroisse un Te Deum en action de grâces de notre heureuse réunion; que MM. des bataillons de Normandie et d'Artois et des corps d'artillerie de la marine royale et marchande seront invités à s'y faire représenter par des députations particulières; que de même les citoyens de la Groix-des-Bou-quets, de Mirebalais et autres endroits circon-voisins seront invités à s'y rendre, afin d'unir leurs vœux aux nôtres pour le bonheur commun.
Arrêté, en outre, que le présent concordat sera passé en triple minute, dont la première sera déposée aux archives,de la municipalité future; la seconde, entre les mains des chefs de l'armée des citoyens de couleur ; la troisième, dans les archives de la garde nationale du Port-au-Prince.
Fait entre nous, de bonne foi, les jour, mois et an que dessus.
Signé : Fournier. (Suivent une centaine de signatures.)
a la séance de l'assemblée nationale légis-- lative du er
décembre 1791
réflexions sur les remboursements, etc. par m. e. clavière. Paris, ce er décembre 1791
En proposant la suspension des remboursements qui s'exécutent à la caisse de l'extraordinaire en vertu de décrets rendus sur le rapport du commissaire du roi, directeur des liquidations, j'en ai donné pour motifs l'obscurité de la dette exigible et contentieuse, le défaut d'ordre et de règles qui régnaient dans les remboursements et dans les proportions auxquelles l'Assemblée constituante avait assujetti la circulation des assignats ; circulation qu'il ne faut pas confondre avec leur création.
J'ai insisté sur la contradiction qu'il y avait à rembourser jour à jour, sans règle ni mesure ; et cependant, par principe de justice, une dette dont on ne pouvait se promettre d'être en état de traiter tous les propriétaires de la même manière ; puisque sa somme totale, et son rapport exact avec la valeur des domaines nationaux destinés
à son remboursement, sont encore inconnus ; puisqu'une foule d'accidents et de mécomptes, occasionnent des dépenses extraordinaires, et nécessitent des anticipations auxquelles on ne peut "pourvoir que par des assignats, qui, n'étant autre chose que les domaines nationaux mis en monnaie, employent, du moins pour un certain temps, une partie ae la valeur de ces domaines à une autre destination que celle de l'acquittement de la dette ; — j'ai observé que cette nature de remboursement avait une foule d'inconvénients tous défavorables au crédit des assignats, qui n'en méritent et n'en doivent mériter aucun; j'ai représenté la nécessité de dissiper incessamment les ténèbres qui couvrent la dette exigible et la valeur des domaines nationaux; et de fixer, pour cet effet, à tous ceux qui ont des demandes à faire, une époque au delà de laquelle aucune demande ne serait admissible au bureau de liquidation, et un délai passé lé-quel, toute prétention contre le Trésor national, serait frappé de déchéance ; — j'ai observé qu'avec ces précautions, négligées par l'Assemblée constituante, l'état de la dette exigible serait j bientôt éclairci, et, qu'alors on prendrait, pour les remboursements, des arrangements qui, reposant sur des bases certaines, n'exposeraient à aucun mécompte, à aucun désordre.
Cependant, comme il est des dettes dont le payement n'a été suspendu qu'abusivement, et qui, pour être remboursées, n'ont aucun besoin au bureau de liquidation ; comme dans celles que la nouvelle Constitution a rendu exigibles, il en est qui appartiennent ordinairement à une classe de citoyens peu aisés, auxquels leur pécule est nécessaire pour entreprendre quelque travail, j'ai représenté que ces sortes de dettes devaient être acquittées sans délai, et que leur liquidation devait même s'accélérer (1).
Je n'ai donc point proposé de suspension qui dût alarmer personne, si ce n'est ceux auxquels le désordre convient. J'ai proposé, au contraire, une mesure de finance convenable à l'intérêt général, et fondée sur les principes de la justice et de l'équité. D'ailleurs la force des choses ne peut manquer de faire, sous une forme vicieuse et facilement abusive, ce que j'ai cru devoir proposer sous une forme légale, publique, et par cela insusceptible d'abus.
Je ne répondrai point à ceux qui prétendent que cette suspension serait une banqueroute. Car prendre des mesures pour éviter ce malheur, les prendre sur une nature d'engagements auxquels on n'a point attaché de terme fixe-, les prendre parce que tout remboursement Considérable, doit être assujetti à un système régulier et uniforme pour les créanciers dont les droits sont égaux ; les prendre parce qu'une multitude d'abus favorisés par l'état actuel chargent la
nation de pertes énormes, c'est le contraire d'une conduite qui, si, elle était réfléchie, serait frauduleuse; car certainement il est des créanciers qui souffrent de cette conduite pendant que d'autres en profitent.
Mais quelques personnes prétendent que le mot de suspension est maladroit, qu'il causera un discrédit, dont les suites ne peuvent être que funestes. Elles citent le discréait que produisit l'arrêt de suspension rendu par M. de Sens, etc. Je réponds que ni les temps, ni les choses, ni les hommes ne se ressemblent ; que M. de Sens suspendit des payements apointés à jour nommé. — Je réponds qu alors on ne voyait le sauveur de la banqueroute que dans les Etats généraux ; et que rien dans la conduite de M. de Sens ne prouvait l'intention Sincère de les convoquer ; en sorte que la suspension annonçait bien plutôt le projet d'une banqueroute méthodique, qu'un acheminement à un ordre regénérateur sans infidélité. Il n'avait plus d'argent, les ressources ruineuses des ministres étaient épuisées ; on ne pouvait plus lui supposer que des vues de despotisme qu'il espérait affermir par la banqueroute même, rien encore ne faisait soupçonner, aux habitués du pouvoir, l'énergie de la nation.
Enfin, il ne s'agit maintenant de suspendre le payement ni des rentes, ni des intérêts, ni d'aucune dette dont le jour du payement est fixé comme celui d'une lettre de change; mais de régler une liquidation absurde sous tous les rapports, une liquidation qui appelle de toutes parts la corruption, et un infâme trafic des deniers nationaux. Qu'on jette seulement les yeux sur les numéros qui devaient fixer l'ordre du remboursement de chaque créance reconnue, et qu'on explique pourquoi cet ordre n'a servi à rien ?
Mais que disent ceux qui s'élèvent contre une suspension motivée et décrétée ? Ils conviennent que la marche des remboursements est vicieuse ; ils conviennent que le régime des liquidations, ou plutôt lè défaut de régime est abusif ; ils conviennent qu'il faut nécessairement user de retard dements, renvoyer les créanciers tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre; enfin qu'il faut louvoyer...En ! voilà précisément ce qui est détestable ; voilà ce qui ouvre la porte aux abus ; ce qui remplace l'équité par les préférences de la faveur; ce qui expose les représentants delà nation à des offres, où l'on suppose déjà qu'ils sont corruptibles, tandis qu'ils seraient perdus, que la chose publique s'abîmerait avec eux, si on pouvait les en soupçonner. Car, où il y a corruption, les principes disparaissent, et où les principes n'osent plus se montrer, tout tombe en dissolution.
On croit avoir tout dit, en prenant son parti d'une cinquantaine de millions dilapidés par un trafic qui, dit-on, est inévitable ! Mais le législateur qui se laisse atteindre par la corruption, peut-il vous promettre l'esprit public, le patriotisme, les lumières, la bonne foi que vous en attendez ?... Et savez-vous Ce que peut coûter à la France un législateur accrédité, qui, pour favoriser un remboursement se laisse surprendre. aux insinuations d'une cupidité nécessairement perfide? Qu'ils nous disent, nos législateurs, si déjà d'audacieux intrigants n'ont pas tenté de corrompre leur fidélité ?
D'autres ennemis de la suspension proposée posent en fait que la nation ne peut faire banqueroute, et que se trouvât-elle arriérée d'un milliard après avoir employé tous les domaines
nationaux, elle ne serait pas pour cela dans le cas de suspendre ses payements; mais qu'alors elle ferait un emprunt ; que par conséquent il faut laisser continuer et les liquidations et les remboursements sur le pied où ils ont commencé, sauf de petites mesures intérieures qui nous représenteraient cette administration arbitraire dont un ministre célèbre usait, sans pouvoir en deviner la fin et qui, marchant au jour le jour, en s'assortissant aux événements, exigeait une source d'expédients au-dessus du cerveau le plus inépuisable.
J ai demandé à ces personnes, dont les erreurs font toujours jaillir quelques lumières, ce qu'elles pensaient de l'état des changes de la France avec l'étranger? — La France est perdue, m'ont-t-elles dit, si leur dégradation continue... Mais quelle en est donc la cause? Car les émigrations, le triste désastre de Saint-Domingue, compensé, quant à la balance du commerce, par le rehaussement du prix des denrées coloniales, s'il avait eu le temps d'influer, et les achats de blés, ne peuvent pas expliquer 1 avilissement excessif du change; d'autant moins que cet avilissement, rendant aux étrangers les marchandises françaises peu coûteuses, doit en avoir, et en a effectivement, occasionné des demandes considérables, qui ramènent en France beaucoup de remises... Alors il a bien fallu parler de ce déplorable agiotage dont on se plaint avec si peu d'intelligence. Il s'est emparé des changes avec l'étranger; on joue à la hausse et à la baisse sur le change, comme sur les effets publics; en sorte, qu'à des demandes réelles de papier sur l'étranger, s'ajoutent les demandes factices et incomparablement plus considérables des joueurs... Des centaines de millions existent en lettres de change sur l'étranger, ou en promesses de les fournir, sans nulle espèce de rapport avec le commerce; et ce jeu influe aujourd'hui sur nos changes, comme le désirerait l'ennemi de la France le plus acharné.
Que faut-il au joueur à la baisse sur les changes, pour faire réussir ses spéculations de brigand? Tout ce qui peut affaiblir ou détruire le crédit public. Il suppose que la crainte porte les riches a réaliser leurs propriétés, pour les faire passer en pays étranger ; il suppose que les étrangers, propriétaires de fonds publics, ou de créances exigibles en France, voudront les réaliser à tout prix; et si ces craintes intéressent la sûreté personnelle, il suppose un accroissement d'émigration, et par conséquent une exportation plus grande de la richesse française ; et comme personne ne tient un compte des sommes qui, réellement, peuvent être envoyées dans l'étranger, il est le maître de l'opinion publique sur la quantité de lettres de change qui seront demandées ; et l'on peut s'en rapporter à lui, pour faire circuler à cet égard les exagérations les plus mensongères...
Get ennemi intérieur se nourrit donc de tout ce qui peut être, ou désastreux, ou faire craindre des désastres. Il stipendiera, s'il le faut, ces écrivains habiles dans l'art des faux calculs, pour épouvanter le public sur la situation des finances; il préconisera ces esprits pervers qui s'acharnent contre notre monnaie territoriale, qui nous répètent sans cesse leurs absurdités, et veulent nous faire croire à leurs prophéties, parce que nous n'avons pas assez cru a leur profonde méchanceté, parce que nous osions espérer qu'une administration intelligente et soigneuse veillerait chaque jour et avec sollici-
tude sur les assignats, si faciles à protéger contre les détracteurs de la Révolution. Les joueurs à la baisse sur le change, contre lesquels on ne saurait trop exciter la haine et le mépris, chercheront jusque dans les discours et les écrits des citoyens éclairés et honnêtes, ce qui, étant dénature, semblera justifier lés alarmes qu'il leur convient de répandre ; leur langage hypocrite gémira sur certaines circonstances, pour mieux cacher l'intention de répandre l'ef-troi ; leur correspondance avec les étrangers ne leur portera que des nouvelles propres à les inquiéter; les sinistres interprétations, les contes les plus ridicules, les calculs les plus complètement faux ne leur coûteront rien, s'ils favorisent leur spéculation. •
A la nouvelle du désastre dé Saint-Domingue, ils n'ont pas manqué de répandre que le change sur la France s'avilirait ; encore, et ils ont aussitôt fait des provisions, soit de lettres sur l'étranger, soit des promesses de leiir en fournir à de certaines époques; en sorte que leurs demandes spéculatives ont eu l'effet qu'ils ont prédit, et qui, sans cela, n'eussent pas répondu à leurs vues.
La même chose était déjà arrivée lorsque l'Assemblée nationale a décrété une augmentation de la somme d'assignats qui pourraient être émis; ils publièrent d'abord que les changes sur l'étranger s'en aviliraient ; et ils avaient* soin de dire que cette augmentation était, occasionnée par la pénurie de la caisse de l'extraordinaire; pénurie d'autant plus alarmante, qu'on ne voit pas encore clair, ni dans la dette exigible, ni dans la valeur des domaines nationaux ; ce qui leur donne un moyen facile d'éloigner la confiance que. les étrangers pourraient prendre dans nos assignats ; confiance qui- leur serait plus utile que les terreurs qu'on leur inspire à aesseiiv
Tels sont les joueurs à la baisse sur le change. ' Énnemis de toute mesure tendant à rétablir le crédit.. Ne pouvant opposer à lèurs ravages que ce crédit même, il faut, par conséquent, éviter les opérations qui, n'étant pas absolument nécessaires, causent des inquiétudes. Or, telles sont des émissions d'assignats qui se rapprochent trop de la valeur des domaines nationaux, avant que la véritable situation des finances soit bien connue, avant que le chapitre des dépenses extraordinaires puisse être fermé, non seulement en faisant cesser les inquiétudes coûteuses qui se prolongent sur nos frontières, mais en mettant les impôts en plein recouvrement... Or, je dis que la continuation des remboursements, obligeant à rapprocher la somme des assignats créés de la valeur de leur hypothèque, cette continuation alarme sur \les assignats, et que cette alarme sert merveilleusement les brigands qui jouent à la baisse sur les changes avec 1 étranger.
Il y a plus. La cherté des espèces sert encore leur infernale spéculation ; car plus l'espèce est chère en France, et plus le change s'avilit. Or, rien n'est plus aise que defaire hausser - les espèces ; d'où il arrive que la hausse de l'espece faisant baisser le prix du change, la baisse du change fait à son tour élever le prix de l'espèce. Or, comment sortir de là, si ce n'est par ia cessation de toutes les causes qui empêchent le crédit de se rétablir?
Ainsi, lors même que la suspension des remboursements devrait influer en mal sur le prix des effets publics, ce que je ne crois point, vu
que ces effets appartiennent à la dette constituée ; il faudrait encore préférer à ces inconvénients passagers l'avantage de ne rien faire qui puisse alarmer, quôiqu'a tort, sur les assignats.
Cet état du change est-il donc si terrible? Qu'importe, dit-on, un jeu qui produit des différences renfermées entre une certaine classe de joueurs? C'est ce qu'on a dit avec plus de raison, du jeu sur les effets publics ; et cependant on lui trouvait des inconvénients si désastreux pour l'industrie productive, qu'il est devenu un objet perpétuel de réclamations.
Mais le prix du change décidant de nos rapports commerciaux avec Fétranger, ses variations ne se renferment point dans les transactions des joueurs; elles affectent le prix des productions étrangères, dont nous avons besoin; le bas change nous les renchérit; il nuit pair conséquent aux manufactures qui les employent; il nous enlève sans cesse quelques parties-de notre numéraire, car l'or et l'argent ne vont pas de France dans l'étranger par l'effet du bas change, sans y laisser une partie de leur quantité en pure perte pour la France. Le bas change accuse toujours quelque grand désordre; il inspire des craintes ; et toutes les relations commerciales qui reposent sur un crédit utile aux Français, en sont interrompues ou affaiblies. Les assignats portés par quelque cause que ce soit, en pays étranger, y tombent en discrédit, et ce discrédit les faisant acheter à vil prix, cause une sorte d'attiédissement sur leur valeur dans le royaume même. Le bas change favorise sans doute la demande des productions françaises, mais cette demande est bornée par'la consommation; elle se règle encore plus sur le besoin que sur le prix de la marchandise; tandis que les opérations qui se combinent entre l'or et l'argent, et le bas prix des changes n'ont point de bornés. Ces inconvénients n'empêchent pas les autres ; l'agiotage sur les bas changes emploie, comme celui sur les effets publics, des capitaux, un fonds de crédit, une industrie et un temps, dont le commerce national peut se ressentir désavantageu-sement, soit par des privations réelles, soit par le dégoût qu'inspire l'agiotage pour toutes les affaires conduites avec prudence et modération.
Enfin dès que le discrédit est un mal évident, dès qu'il produit l'avilissement du -change avec l'étranger, dès que celui-ci reproduit à son tour le1 discrédit, il n'est pas douteux qu'il ne faille porter une attention sévère sur toutes ses causes, sur celles surtout qui naissent d'opérations contraires à l'ordre et au bon sens. Or, c'est le reproche que mérite tout l'établissement de liquidation et de remboursement, contre lequel je me suis élevé ; je suis encore à concevoir, comment l'Assemblée constituante n'a pas su placer à côté des grandes choses qu'elle a faites, une administration des finances qui, ne pouvant prévenir tous les accidents d'une révolution vivement combattue, put toujours leur attribuer le discrédit, et jamais à sa propre ifiipéritie ou à ses négligences.
Je dis donc à ceux qui supposent que la France ne peut pas, après le secours des domaines nationaux, faire banqueroute; qui alfirmènt en conséquence, que l'Assemblée nationale ne doit pas décréter la suspension momentanée de la forme la plus absurde de remboursement qui ait jamais existé, sauf à recourir à un emprunt si la liquidation nous découvre une dette plus considérable que M. Montesquiou ne la suppose ; je
leur dis que pour emprunter il faut avoir du crédit, et j'ajoute qu'on ne l'obtiendra :
1° Que d une résolution vigoureuse, d'obtenir par la force, s'il le faut, la fin de toute malveillance active de la part des puissances étrangères, ce qui, supposant la possibilité de dépenses considérables, qu'on ne peut faire qu'en assignats,C'EST-A-DIRE EN DOMAINES NATIONAUX, Oblige
nécessairement à ménager à d'autres égards, les assignats, le plus qu'il est possible; •
2° Que d'un travail accéléré, qui dévoilera incessamment l'état de la dette, la valeur des domaines nationaux, et le système de remboursement qu'on ,peut raisonnablement adopter à l'égard de la dette exigible;
3° Que du recouvrement des contributions, et en général d'une administration très sévère et très active pour faire rentrer au trésor royal toutes les restitutions ou remboursements qu'il peut demander avec justice. Il n'y a pas deux partis à prendre à cet égard; il faut se déclarer envers la nation, ou solvable ou insolvable ;
4° Que d'une suspension, qui étant nécessairement liée aux idées d'ordre et de règle, n'engendrera chez les hommes honnêtes et éclairés, que des opinions favorables au crédit public. Or, une assembléè de législateurs ne doit voir sur ce point, que cette classe de citoyens. On ne pensait pas ainsi sous l'ancien régime, et l'ancien régime s'est culbuté.
Il faut donc reléguer parmi les pusillanimités peu dignes de l'Assemblée nationale, toutes ces prétendues conséquences qu'on attache au mot de suspension ouverte et légale, et qu'on cesse de craindre pour des suspensious occultes et sujettes à des abus.
Enfin, il faut se convaincre qu'un emprunt sera peut-être nécessaire à l'instant Du le crédit sera rétabli au dehors, pour opérer une prompte révolution dans les changes, et qu'encore à cet égard, l'établissement de l'ordre, et la prompte révélation du véritable état des finances sont indispensables.
Signé : E. CLAVIÈRE.
P. S. Quelques personnes, en approuvant mes réflexions sur les remboursements, appuyent la nécessité de les continuer, sur l'embarras où se trouveraient ceux qui, sur la bonne foi de l'Assemblée constituante, ont acheté des biens nationaux, pour les payer avec le remboursement de leur charge, laquelle ne leur rendant que 2 1/2 0/0, ne leur rendra pas davantage en biens nationaux. Pourquoi faut-il, ajoutent-elles, qu'en attendant de nous acquitter avec le remboursement de notre charge, nous payions un intérêt de 5 0/0 d'un capital qui ne nous produira en rente que la moitié de cet intérêt?
Mais on paye l'intérêt des charges liquidées jusqu'au remboursement, on doit au moins le payer, à un taux égal à celui auquel un titulaire, acquéreur de bien, peut emprunter sur son titre. On peut aussi statuer quelque arrangement favorable à tout titulaire acquéreur de biens, dont le remboursementde sa charge sera destiné à acquitter un achat de domaines nationaux. Enfin il ne s'agit que d'une suspension courte, immédiatement suivie d'un ordre de remboursement, par lequel chacun connaîtra son sort; ce qui, dans un bon ordre de choses, donnera au titre de la créance une valeur plus certaine qu'actuellement. Et comme actuellement, nul remboursement n'est assuré ; comme il dépend, ou de la faveur, ou d'une caisse garnie, il est évident que le créancier
sera dans une meilleure position qu'il n'est aujourd'hui, et qu'il ne sera, si, ne décrétant point de suspension, on suspend néanmoins par des dispositions internes et secrètes.
Les cas particuliers qui, jamais, ne doivent prévaloir sur l'intérêt général, n'ont donc ici rien qui puisse inquiéter les créanciers acquéreurs de biens nationaux.
Séance du er décembre
1791
" présidence de m. lemontey, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Messieurs, le concierge dê l'Abbaye vient de me faire parvenir une lettre adressée à M. Varnier ; elle vient d'Angleterre. Je consulte l'Assemblée sur l'usage que j'en dois faire.
demandentque cette lettre soit publiée par la voie de l'impres-siom (Murmures prolongés.)
Je demande qu'on se souvienne du respect dû au secret des lettres ; je propose de renvoyer celle-ci aux archives.
(L'Assemblée ordonne le dépôt de cette lettre aux archives.)
, au nom du comité de marine, fait un rapport concernant les maîtres de quais et les jaugeurs de navires ; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, le décret de l'Assemblée constituante, rendu le 9 août dernier, sur la police des ports de commerce et de la navigation, a donné lieu à plusieurs réclamations de la part des maîtres de quais et des jaugeurs qui sont encore en place, et qui craignent de n'être point appelés dans la nouvelle formation dont on s'occupe actuellement.
Vous avez renvoyé ces différentes réclamations à votre comité de la marine, qui, après en avoir délibéré dans plusieurs de ses séances, m'a chargé de vous en rendre compte.
Le décret du 9 août porte que, dans les villes maritimes où il y des tribunaux de commerce, il sera nommé des capitaines et lieutenants de port pour veiller à la liberté et sûreté des ports et rades de commerce et de leur navigation ; à la
pêches, et du service des pilotes.
Les officiers des ports seront nommés par le conseil général de la commune de chaque ville de leur établissement. Ils seront six ans en fonctions, et pourront être réélus. Enfin, ils seront pris exclusivement parmi les enseignes de la marine française, ayant au moins 30 ans accomplis.
La même loi supprime les maîtres de quais qui remplissaient la plupart des fonctions attribuées aux officiers des ports.
Les places de jaugeurs seront donnés au concours, sur un examen public, fait en présence de
Voilà, Messieurs, quelles sont les dispositions sur lesquelles portent les réclamations des maîtres de quais et des jaugeurs en place ; et voici les raisons d'après lesquelles elles ont paru fondées à votre comité.
Les maîtres de quais étaient ordinairement nommés par l'amiral. Cependant les chambres de commerce avaient, dans plusieurs villes, le droit de les élire. Il se trouve parmi eux quelques individus qui ne doivent leur état qu à la protection, et qui, peu capables de s'acquitter des fonctions importantes de leur service, les faisaient remplir par des sous-ordres expérimentés : de sorte que, par une suite d'abus trop communs dans l'ancien régime, des émoluments avantageux étaient la proie de l'ignorant, enfant de la faveur, tandis que l'homme à talent, qui supportait toute la fatigue, qui courait tous les risques, qui rendait tous les services, jouissait à peine d un traitement suffisant pour sa subsistance.
Mais, dans beaucoup de ports aussi, les places de maîtres de quais étaient occupées par des citoyens instruits, à qui une longue habitude donnait cette précision du coup d'œil et cette présence d'esprit, qui, dans les occasions délicates, décident toujours du succès. Il en est parmi eux qu'une théorie simple, mais lumineuse, et surtout des connaissances locales, fruit d'une expérience raisonnée, rendent dignes de la confiance la plus illimitée. Il y a plus : on pourrait citer tel port où le maître de quais serait fort mal remplacé par le marin même le plus habile, parce que eelui-ci manquerait de notions particulières, qui doivent diriger sa conduite dans certaines circonstancès,etqueces notions ne peuvent être acquises que par une longue pratique et une suite d'observations faites avec autant de perspicacité que de persévérance, et dans le lieux même où doit s'en faire l'application.
Le décret du 9 août, en supprimant indistinctement et sans aucun espoir de remplacement tous les maîtres de quais, a donc le double inconvénient, d'abord de priver un très grand nombre de citoyens honnêtes et utiles, d'un état qu'ils possédaient légitimement, qui faisait souvent toute leur fortune, et dont ils remplissaient, peut-être, les fonctions avec fruit et avec distinction; ensuite de priver les places de commerce de fonctionnaires qui ont mérité leur confiance, et que d'autres, fussent-ils plus instruits dans 1 art de la navigation, ne pourront pas toujours suppléer d'une manière convenable.
Cependant, Messieurs, votre comité ne vous propose point de laisser les maîtres de quais dans la jouissance de leur emploi. Cette disposition ne tendrait qu'à perpétuer des abus que l'Assemblée constituante a sagement détruits. Mais la loi qui fixe le mode d'élection pour les capitaines et lieutenants de port, offre un moyen facile et sûr de concilier avec la justice due à d'anciens officiers, et la rigueur des principes, et l'intérêt de la navigation. Le conseil général de la commune, à qui la loi confié les élections, saura toujours distinguer le mérite de l'officier supprimé et celui des officiers qui se présenteront pour le remplacer. Il saura parfaitement apprécier le degré de connaissances particulières qu'exige la situation du port qu'il faut pourvoir
d'un capitaine ou d'un lieutenant, les accidents auxquels il est sujet, le caractère de celui qu'il faut charger de les prévenir ou d'y remédier. Donnez donc une plus grande latitude aux choix des électeurs: qu ils ne soient pas astreints à confier exclusivement la garde et la surveillance de leur port à un enseigne de la marine qui pourrait n'être pas capable de s'acquitter d'une charge aussi importante ; qu'ils puissent enfin la rendre à l'homme vieilli dans ce service et dont les talents et l'expérience lui ont concilié la Confiance et l'estime de ses concitoyens. Cette disposition loin de compromettre la fortune publique, la sûreté des ports et de la navigation, se rapproche au contraire des véritables intérêts du commerce maritime: et ce qui vous déterminera surtout. Messieurs, elle se rapproche aussi des règles éternelles de la justice, qui veut que les places appartiennent de droit à ceux qui sont les plus capables de les remplir, et qui ne permet pas d'en exclure un citoyen qui les a précédemment occupées avec succès.
Les jaugeurs étaient nommés de la même manière que les maîtres de quais, mais ces places étant dans un ordre subalterne, tant par rapport au traitement que par rapport à des opérations manuelles, il n y avait pas à craindre les mêmes abus de la part de ceux qui en étaient pourvus, obligés d'en remplir eux-mêmes les fonctions après en avoir été reconnus capables. Il n'a pu y avoir dans aucun temps, ni relâchement, ni complaisance à cet égard, puisqu'il s'agit d une opération pour laquelle il faut des connaissances théoriques et pratiques qui tiennent à un calcul positif.
D après cet usage, qui a été constamment observé dans tous les ports de mer; et d'après des principes de justice et d'économie, votre comité pense que les jaugeurs actuels doivent être conservés. après néanmoins leur avoir fait subir un second examen pour les obliger à suivre la nouvelle méthode de jauger qui doit être incessamment déterminée.
En leur accordant cette justice, vous vous conformerez, Messieurs, à la disposition de la loi qui dit qu'ils seront nommés à vie.
Assimilés déjà sur ce point aux professeurs d'hydrographie, il est convenable et économique de les y assimiler aussi à l'égard du concours dont les examinateurs hydrographes sont exemptés pour cette fois seulement.
Les jaugeurs sont fondés à croire que l'Assemblée constituante n'a pas eu l'intention de les traiter avec plus de rigueur, et qu'il était dans ses principes, comme il est dans les vôtres, de concilier le bonheur des individus avec l'intérêt général.
D'ailleurs, en conservant d'anciens titulaires dans l'exercice de leur emploi, vous ne serez pas dans le cas d'augmenter le nombre déjà si prodigieux des pensionnaires de l'Etat. C'est ce qui arriverait, si les jaugeurs, nommés ci-devant à vie, étaient obligés ae se présenter à un nouveau concours, car, quoiqu'en état sans doute, de remplir leur place, És auraient quelque répugnance à concourir avec des jeunes gens, pour les obtenir une seconde fois ; et ces places n'étant pas bien lucratives, il y a lieu de croire que les titulaires d'un certain âge préféreraient une pension de retraite à un plus long exercice, par cela seul que, pour le continuer, ils seraient assujettis à une formalité qui n'est établie que pour des novices ou aspirants. Ces diverses considérations, Messieurs, ont
porté votre comité de marine à vous proposer le décret suivant, qui doit être précédé du décret d'urgence, parce que les élections des capitaines et lieutenants de ports, ainsi que les examens des jaugeurs, se font actuellement dans un grand nombre des villes maritimes.
Décret d'urgence. L'Assemblée nationale, considérant que le moment des élections aux places de capitaines et lieutenants de port est arrivé, ainsi que celui du concours pour la nomination aux places de jaugeurs, et que l'intérêt commun exige qu'il soit fait quelques changements à la loi qui fixe le mode de ces élections, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif. — L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine, ayant reconnu qu'il n'est ni juste ni conforme aux intérêts delà navigation, d'exclure du concours aux places de capitaines et lieutenants de port dans les villes maritimes, les maîtres de quai qui en remplissaient précédemment les fonctions, et que les jaugeurs actuellement en place ont subi un premier examen d'après les anciennes ordonnances, après avoir rendu le décret d'urgence, décrète oe qui suit :
Art. 1er. Les conseils généraux des communes qui, conformément
à l'article 5, titre III du décret du 9 août 1791, concernant la police de la navigation "et
des ports de commerce, doivent nommer les capitaines et lieutenants du port, et qui, suivant
l'article 11 dudit titre de la même loi, sont obligés de les prendre exclusivement parmi les
navigateurs, âgés de plus de 30 ans et pourvus du brevet d'enseigne de la marine française,
pourront, pour lapremière fois seulement, admettre en concurrence et comme éligibles, aussi
bien les enseignes de la marine, les maîtres de quai, ci-devant attachés aux ports de leur
arrondissement, S'ils sont âgés au moins de trente ans, et s'ils ont cinq ans de service en
cette qualité;
Art. 2. Les jaugeurs actuellement en exercice, seront maintenus dans leurs places, si, après avoir été examinés par les professeurs d'hydrographie en particulier, ils sont reconnus capables de suivre la méthode uniforme de jauger, qui sera incessamment déterminée pour tous les bâtiments.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à samedi soir.)
On de MM. les secrétaires donne lecture des pétitions et adresses suivantes : 1° Réclamation de M. Aguillon. (L'Assemblée renvoie au comité de marine.)-
;2» Adresse des citoyens de Rouen qui demandent le redressement d'une erreur commise dans le tarif des droits de traites.
(L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités réunis du commerce et des travaux publics.)
3° Pétition de Marie Brandi, qui réclame la continuation d'une pension qui se trouve suspendue depuis deux ans-
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
Un membre : Le comité des pétitions m'a chargé de demander à l'Assemblée une autorisation pour s'attacher six nouveaux commis.
Je ne crois_pas jjue l'Assemblée puisse se refuser à cette autorisation. Si le comité des pétitions a différé de vous déterminer le nombre de ses commis, c'est qu'il a voulu connaître
auparavant le besoin qu'il en pourrait avoir. Le nombre qu'il vous demande aujourd'hui n'est pas trop grand.
(L'Assemblée autorise le comité des pétitions à prendre six commis.)
Un membre demande la prorogation de la loi du 4 mai 1791, relative au terme de 12 ans accordé aux acquéreurs de biens nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette demandera comité des domaines.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente «n projet de décret sur le mode de la revue des gardes nationales et sur le rappel des officiers de ligne à leurs postes; il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée, par l'article 17 de son décret du 29 novembre dernier (1), a renvoyé au comité militaire l'examen de la question de savoir si les officiers de toutes les armes, qui sont actuellement employés dans les bataillons des volontaires nationaux, doivent conserver les places qu'ils occupaient dans leurs régiments, qu'ils n'ont quittées que momentanément et dans la seule intention de se rendre plus utiles à la patrie, en marchant à la tête de nos volontaires nationaux, dont le .zèle égale le courage, ou bien si, pour les Conserver, ils doivent abandonner les emplois qu'ils ont dans les bataillons des volontaires nationaux, et rentrer dans leurs régiments. La confiance qu ils inspirent, leur attachement à la Constitution, leur patriotisme, tout leur fait un devoir de retourner à leurs régiments. Mais il ne. faut pas, par un rappel précipité, laisser nos volontaires nationaux sans officiers ; en second lieu, il faut donner à ces officiers le temps de rejoindre leurs régiments. En conséquence, le comité m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant, en vous proposant l'urgence.
Décret d'urgence (2). — « L'Assemblée nationale, considérant qu'il est indispensable de connaître positivement l'état des bataillons des volontaires nationaux qui sont déjà formés, le nombre de ceux qui restent a former, et qu'iLest essentiel au bien du service et de la discipline de faire procéder sans délai aux remplacements des emplois qui vont se trouver vacants par le retour des officiers de ligne dans leurs corps, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif. .—L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et rendu le décret cPurgenee, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La revue des troupes de ligne, ordonnée par
l'article 13 du décret du 29 de ce mois, aura lieu pour les bataillons des volontaires
nationaux dans les mêmes formes et le même.délai.
« Art. 2. Les officiers en activité de toutes les açmes, qui sont maintenant employés dans les bataillons des volontaires nationaux, rentreront dans leurs corps au plus tard le 1" avril prochain.
« Art. 3. Dans l'intervalle de la publication du présent décret au départ desdits officiers, les bataillons des volontaires nationaux procéderont à leur remplacement suivant les formes établies. »
Un membre : Le terme pour rejoindre les régiments ne me seiùble pas suffisant ; .je demande
Un membre : Nous irions contre les principes en accordant deux traitements. J'appuie la motion de prolonger jusqu'au 1er avril le délai pour rejoindre les régiments, et qu'au lieu du double appointement on accorde aux officiers des indemnités.
, rapporteur. Je prie l'Assemblée d'observer qu'il n'est pas question aujourd'hui de discuter le projet que je vous présente. Conformément aux règlements, il doit être imprimé et distribué.
(L'Assemblée décrète l'impression et ajourne la discussion du projet à samedi soir.)
Un membre : On vous a lu dernièrement une lettre du département du Morbihan (1) par laquelle le Directoire vous demandait la sus-pénsion de la loi du 29 septembre dernier, qui Ordonne le licenciement aes 6 régiments aes colonies. Il est nécessaire de conserver encore les troupes des colonies et notamment le régiment de la Guadeloupe qui occupe le Morbihan pour maintenir l'ordre dans ce département, où les malveillants et surtout les prêtres réfractaires pourraient profiter du licenciement pour exciter des troubles. Dans un moment où il est pour vous de la plus grande importance de porter vos armées au complet, si vous laissez exécuter cette loi, vous vous priverez de 6 à 7,000 hommes de troupes de ligne, de troupes disciplinées. Je demande qu'après avoir adopté préalablement l'urgence, vous décrétiez que la loi du 29 septembre dernier, qui ordonne le licenciement aes régiments des colonies demeurera suspendue, et que vous chargiez votre comité militaire de vous présenter, sous huitaine, un mode pour former ces troupes en régiments de ligne. (Applaudissements.)
Voix diverses : Appuyé! appuyé! Le renvoi au comité militaire! (Murmures.)
Un membre : Tout en rendant justice au patriotisme du régiment de la Guadeloupe, j'observe à l'Assemblée que nous ne devons pas suspendre aussi légèrement l'exécution des lois qui ont été sans doute rendues après mûres réflexions.
Plusieurs membres ;La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voix diverses : L'ajournement à samedi! — La suspension du décret!
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de suspendre le décret et adopte cette motion après avoir déclaré l'urgence.)
Un membre : Je demande que ce décret soit porté, dans le jour, à la sanction du roi.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, considérant que
« L'Assemblee nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que la loi du 29 septembre dernier, relative au licenciement des troupes employées à la garde des colonies, demeurera provisoirement suspendue ; charge son comité militaire de lui présenter, dans huitaine, un projet de décret sur la formation desdites troupes en nouveaux régiments, ou sur leur incorporation dans les troupes de ligne.
« Décrète que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Poinçot qui fait hommage à l'Assemblée de la continuation des œuvres de Jean-Jacques Rousseau.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage au procès-verbal.)
2° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui donne à l'Assemblée notification des personnes nommées par le roi pour remplir les fonctions de commissaires de la Comptabilité (1) ; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le er décembre 1791
« Monsieur le Président,
« La loi du 29 septembre 1791, concernant la comptabilité, porte, article 2 du second titre, que Tes 15 commissaires pour la comptabilité seront nommés parle roi, etpar l'article 17 du même titre, il est dit que les détails de l'organisation de ce bureau seront réglés par l'Assemblée nationale, sur l'examen des plans qui seront présentés par les commissaires après leur nomination. Les commissaires que le roi a nommés se sont en conséquence livrés avec zèle à,la rédaction du plan dont ils avaient à s'occuper. Ce travail est terminé.Le roi me charge d'annoncer à l'Assemblée nationale que les 15 commissaires de la comptabilité sont : MM.Beaulieu, Boucher, Brière,Surgy, Sillery, Délie, Surveille, Michelin, Choisv, Parisot, Normandie, Faron des Puiets, Legardin, Ducarviels et Le-rocher ; et Sa Majesté a ordonné à ces commissaires de présenter à l'Assemblée le plan d'organisation qu'ils doivent soumettre à son examen et à sa délibération. ^
« Je suis avec respect, etc.
• Signé: ïarbé. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)
3° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, concernant la formation des écoles de marine dans plusieurs ports ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« On s'occupe avec activité de la formation des écoles de marine qui doivent être établies
dans plusieurs ports, conformément à la loi du lOaoût 1791. Ce travail met à portée de
.reconnaître ce qui manquerait encore pour donner à cet établissement important toute la
perfection dont il
« Le port de Dunkerque areprésenté qu'un grand nombre de ses navigateurs n'entendaient que lalangueflamande,particulièrement ceux qui sont ordinairement employés dans les voyages du Nord. Ces leçons faites en français par le professeur de l'École des mathématiques et d'hydrographie leur seraient entièrement inutiles ; on demande, en conséquence, qu'il soit établi un second maître d'hydrographie ou répétiteur qui fasse ses cours en langue flamande, comme on le faisait à l'ancienne école d'hydrographie.
« Ces établissements très utiles n'exigeront qu'une augmentation de dépenses de 1,500 livres. Les mêmes motifs appuient la demande du port de Saint-Jean-de-Luz, qui n'a pas été compris dans le nombre de ceux où il doit être formé des écoles. Cependant, il renferme un grand nombre de navigateurs employés particulièrement à la pêche de la morue. Presque tous ne parlent et n'entendant que la langue basque. L'école d'hydrographie y serait très utile, en n'admettant au concours pour la place de professeur, que ceux qui sauraient la langue basque, et en leur imposant la condition de faire leurs questions en cette langue ; ce serait, comme à Dunkerque, un objet de dépense de 1,500 livres.
« L'île de Corse doit vraisemblablement fournir, dans la suite, un grand nombre de marins, mais ils sont maintenant dépourvus de tous moyens d'instruction. Il serait bien important de leur en procurer. Ils demandent à jouir des mêmes avantages que les lois assurent à ceux qui habitent les autres parties de l'Europe. Cette réclamation paraît juste ; mais, comme cette île ne renferme actuellement que peu de navigateurs, il ne serait peut-être pas nécessaire, quant à présent, de former des ecoles dans plusieurs de ses ports, comme on l'a demandé. Un seul établissement de ce genre pourrait suffire dans ce moment, sauf à les multiplier dans la suite, si cela devenait convenable ; ces leçons devraient y être données en langue italienne.
« Ces trois réclamations qui se rapprochent par leur objet et leur motif, m'ont paru devoir être présentées conjointement à l'Assemblée nationale, et j'espère qu'elle les jugera dignes d'être prises en considération.
« Je suis avec respect, etc.
* Signé: bertrand. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités réunis de la marine et de l'instruction publique).
Voici une lettre de M. Alo-tel, oncle du sieur Varnier, qui demande qu'une lettre de la mère de l'accusé puisse lui parvenir ; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai appris que les papiers publics....
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
. Un membre : Le sieur Varnier est décrété d'accusation. Je demande qu'une fois pour toutes on décide qu'on ne s'occupera plus de lui, et qu'on passe à l'ordre du jour.
La justice qué vous devez aux accusés, l'intérêt de la nation,
l'obéissance que l'on doit à vos décrets exigent absolument que les officiers qui composent la Haute cour nationale, se rassemblent sur-le-champ à Orléans. Je fais donc la motion expresse
Sue ces officiers soient tenus de se rendre à rléans dans un délai de quatre jours. (.Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
et plusieurs autres membres : Non ! non !
D'autres membres : La lecture de la lettre!
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour sur la motion de lire la lettre.)
Je demande expressément que l'on aille aux voix sur ma motion.
Je propose par amendement à la motion de M. Voysin que j'appuie, d'ordonner qu'à l'instant même le sieur Varnier sera transféré sous bonne et sûre garde à Orléans. (Applau-dissements dans les tribunes.)
Un membre : Cela regarde le pouvoir exécutif et la Haute cour nationale; l'Assemblée n'a pas à s'en occuper.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de Voysin.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la'motion de M. Voysin ; puis l'adopte. — Applaudissements.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Thuriot !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Thuriot.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que les deux grands procureurs nationaux, et lés quatre grands juges, se rendront dans quatre jours à Orléans, pour y commencer de suite l'exercice de leurs fonctions. » »
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui communique ses observations sur une erreur qui parait avoir été commise dans la rédaction de la loi sur l'organisation de la garde nationale; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le Directoire du département de l'Aisne a cru remarquer une erreur dans la rédaction de l'article 16 de la première section de la loi du 14 octobre 1791, relative à l'organisation de la garde nationale, et il paraît que son observation est fondée. En effet, cet article, dont l'objet est de prononcer l'incompatibilité du service personnel dans la garde nationale, avec l'exercice des fonctions qui donnent le droit de requérir la force publique, et avec celles qui sont relatives au culté; cet article est d'autant plus douteux, qu'il renferme deux dispositions particulières, et établit une distinction qu'il paraît impossible de saisir.
« Dans la première la loi dit que les fonctionnaires publics salariés par la nation seront soumis au remplacement ou à la taxe. Elle dit, dans la seconde, que les évêques, curés, etc..., seront soumis au remplacement et à la taxe ; mais cette taxe ne pouvant être que le payement du remplacement, les différences qu'établit, pour les uns, la loi par la disjonctive ou et la double charge qu'elle impose aux autres, par la con-
jonctive et, sont absolument illusoires. Il semble
3ue le conjonctive et serait plus convenable aux eux dispositions. Je sens combien une telle discussion peut paraître minutieuse ; mais tout ce qui concerne la loi est auguste et sacré comme elle; il ne faut pas qu'il puisse y avoir la moindre ambiguïté dans l'expression de cette volonté générale qui commande à toutes les volontés, et ie vous prie, Monsieur le Président, de vouloir nien faire rectifier cette erreur, si e eir est une, par le Corps législatif .
« Je suis avec respect; etc.
« Signé : Duport. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre delà justice au comité des décrets.)
Un de MM. les Secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui fait part à VAssemblée d'un acte d'insubordination des canonniers-matelots, et d'un détachement d'infànterie, servant êiir le vaisseau l'Eole ; cette lettré est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je vous adresse avec la copie d'une lettre que je reçois de M. Girardin, commandant le vaisseau l'Èole, et les force navales, stationnés aux îles du Vent, le proces-verbal qui constate que les canonniers-matelots et le détachement d'infanterie servant de garnison sur l'Eole, se sont formellement refusés de donnérau département reconnaissance de 100 fusils. Je n'ajouterai rien aux réflexions de M. Girardin sur les suites funestes qui peuvent résulter d'un délit aussi grave. Je me bornerai à Observer qu'il a suivi de très près celui dont l'équipage de la frégate l'Embuscade, de la même station, s'est rendu coupable. Au surplus, M. d'Orléans, qui commandait cette frégate, doit se rendre incessamment à Paris, pour m'instruire avec plus de détails des circonstances de l'insurrection de son équipage, et je m'empresserai de les transmettre à l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, ete; »
« Signé : BERTRAND. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la marine au comité de marine.)
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'interprétation de la loi du 27 septembre dernier Concernant la libération dès pères de famille en état de contrainte pour mois de nourrice ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, dans une de vos précédentes séances, vous décrétâtes le renvoi a votre comité des secours publics d'une lettre du maire de Paris, en date au -18 octobre dernier (1).
Dans cette lettre, le chef de la municipalité vous rappelait l'acte de bienfaisance par lequel l'Assemblée constituante avait consacré l'acnè-vement de la Constitution en décrétant> le 15 septembre dernier, que les prisonniers détenus à Paris pour mois de nourrice, seraient mis en liberté, et que la dette pour laquelle ils avaient été arrêtés serait acquittée par le Trésor public.
Le maire de Paris vous observait encore, dans cette lettre, qu'à l'époque du 15 septembre,
il n'y avait dans les prisons que trois particuliers dé-
Pour résoudre cette difficulté, votre comité, Messieurs, s'est fait les deux questions suivantes :
L'intention de l'Assemblée constituante a-t-ello été de se borner à soulager les trois seuls individus qui se trouvaient en prison pour mois de nourrice à l'époque du 15 septembre ? Première question.
Peut-on assimiler des particuliers en état de contrainte pour dettes de mois de nourrice à ceux qui sont effectivement détenus pour le même objet? Seconde question.
L'unanimité des voix a prononcé la négative sur la première, et l'affirmative sur la seconde de ces questions. Je vàis vous développer ies motifs de ces deux opinions.
L'acte de l'Assemblée constituante eût été illusoire s'il n'avait eu pour objét que trois iddividus, dont la dette s'élevait peut-être à 2 ou 300 livrés; le penser serait insulter à i humanité et à la grandeur d'âme des représentants d'une nation généreuse, dont les actes de bienfaisance doivent toujours être marqués au coin d'une imposante dignité.
Quant à la seconde question, votre comité a d'abord pensé que la différence était presque nulle entre les prisonniers et ceux qui, sous les liens d'une contrainte par corps, vivent continuellement dans la crainte d'être emprisonnés.
Il a cru que, s'il n'y avait réellement et de fait que trois prisonniers pour mois de nourrice, à 1 époque du 17 septembre dernier, un très grand nombre de pères de famille l'étaient de droit et l'eussent été défait, si des circonstances morales et physiques n'avaient opposé des obstacles à la sévérité des lois. Je m explique. Le nombre des pères de famille en état de contrainte était de près de six mille; or, quelle possibilité y avaiK il de renfermer un aussi grand nombre de citoyens dans des prisons déjà occupées par d'autres malheureux?
Plusieurs centaines de ces débiteurs avaient déjà reflué dans les départements voisins, chassés de la capitale par les besoins de l'impossibilité de s'y procurer du travail. Parmi ceux qui restaient se trouvaient environ 2,500 gardes nationaux parisiens, que les fatigues et la dépense de leur service avaient probablement réduits à l'insolvabilité.
Qui de nous, Messieurs, n'eût pas cru devoir faire fléchir la rigueur de là loi sous de pareilles considérations?
Après avoir posé ces bases et déterminé ces motifs, votre comité a cru qu'il était de son devoir dé prendre des renseignements positifs sur le montant et la nature delà dette des pères de famille.
Il s'est donc procuré au bureau des" nourrices le procès-verbal certifié par la municipalité et visé par le département, qui constate le nombre des individus en état dé contrainte, et le montant de leur dette. Les pièces ont été déposées chez le rapporteur de votre comité, qui s'est livré à ce pénible examen.
Suivant lès relevés qu'il a pris, le nombre des individus en état de contrainte pour insolvabilité de mois de nourrice, à l'époque du 15 sep-
tembre, était de 5,597, dont la dette totale s'élevait à 224,788 livres 5 sous 3 deniers.
Je ne dois pas vous dissimuler, Messieurs, que votre comité a été effrayé de l'énormité de cette dette. Il en a fait l'objet de ses plus sérieuses méditations. Il n'a fallu rien moins que les puissantes considérations dont il va vous faire part pour le décider à vous proposer le projet de décret qui terminera ce rapport.
Il est notoire qu'aujourd'hui le bureau des nourrices de Paris, cet intermédiaire bienfaisant entre les pères de famille de la capitale et les nourrices de campagne, est dans le plus grand état de détresse, et se verra incessamment forcé de cesser son administration charitable, si vous ne venez promptement a son secours. Cet établissement, presque unique en son genre, dans tout l'Empire, a toujours attiré les regards du gouvernement, même dans les temps du despotisme. Serait-il dit que, sous le règne de la liberté qui veut le bonheur de tous, on le regarderait avec une froide insouciance, dont les despotes n'ont pas. été susceptibles ?
Si on pouvait douter de son utilité, je vous dirais, Messieurs, qu'année commune, il place en nourrice environ 9,000 enfants : et si malheureusement cet établissement était forcé de manquer à ses engagements, la capitale se verrait privée d'une ressource qui sauve la vie à des milliers de créatures humaines, dans une ville où les mères sont, pour la plupart, obligées par le genre de leurs occupations, à livrer à des mains étrangères les individus naissants.
Pour dernière réflexion, votre comité doit vous dire. Messieurs, qu'à l'époque du 6 octobre dernier, 3.811 pères de famille en état de contrainte, s'étaient fait écrouer à l'hôtel de la Force, et les directeurs du bureau nous ont représenté avec raison que le recouvrement des sommes dues devenait absolument impossible, d'après la persuasion intime dans laquelle étaient les débiteurs, que l'Assemblée nationale avait décrété le payement de leur dette le 15 septembre dernier.
C'est d'après ces considérations, Messieurs, que votre comité des secours publics m'a charge à l'unanimité de vous proposer les décrets suivants :
Décret d'urgence. « — L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des secours publics , relativement à i'interprétation demandée
§ar le maire de Paris, du décret d^i 15 septembre ernier concernant le soulagement des débiteurs de mois de nourrice ;
« Considérant qu'il est instant de venir au secours des pères de famille en état de contrainte pour cet objet, et de faire cesser leurs justes plaintes sur le retard du soulagement qui leur a été promis par l'Assemblée constituante, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif. « L'Assemblée nationale, après avoir préalablement rendu le décret d'urgence, ét en interprétant le décret du 15 septembre dernier, décrète que par la trésorerie nationale il sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 225,788 liv. 5 s. 3 d., pour, sur l'état dûment certifié qui lui en sera servi par les administrateurs du bureau des nourrices, être par lui employée à l'acquittement de la dette contractée par les pères de famille de Paris, qui, à l'époque du 15 septembre dernier, se trouvaient en état d'arrestation ou de contrainte pour non-payement d« mois d« nourrice. »
L'Assemblée constituante, en rendant le décret du 15 septembre, a fait une disposition pour étendre à tous les départements la mesure de bienfaisance qu'elle a prise pour Paris. Je demande donc que le projet qu'on vient de vous présenter soit renvoyé aux comités des secours publics et des finances, pour vous donner un projet général applicable à tous les départements.
Je ne vois pas que pour exécuter la première disposition du décret qui accorde des secours aux pères de famille détenus pour mois de nourrice, il faille absolument accomplir les autres dès ce moment : vous avez à soulager un grand nombre de malheureux; voulez-vous les abandonner, parce que vous ne pouvez les soulager tous à la fois? Soulagez d'abord ceux qui vous environnent, et chargez votre comité de vous présenter un mode d'exécution pour les autres dispositions du décret.
Un membre : Je dis plus, il y aurait de l'imprudence à exécuter à la fois toutes ces dispositions. Les habitants de la ville de Paris envoient leurs enfants en nourrice à une distance de 30 ou 50 lieues; la somme que vous aurez à donner aux nourrices se répandra dans une étendue immense.
J'appuie l'observation du préopinant; il y a une multitude de nourrices dans les départements, et jusque dans celui du Calvados, qui attendent avec impatience le payement de ce qui leur est dû par les pères de famille de Paris.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion, adopte le projet du comité sauf rédaction, et décrète que le comité des secours publics présentera samedi le mode de répartition pour faire participer les départements aux bienfaits accordés aux détenus pour mois de nourrice,)
Je demande que le comité des secours publics soit tenu de rapporter la nouvelle rédaction sous huitaine.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Merlet.)
, au nom du comité militaire, fait une seconde lecture du projet de décret sur la manière dont les officiers et sous-officiers, tant des troupes de ligne que de la ci-devant màrém chaussée> prendront rang entre eux dans Ici formation de la gendarmerie nationale (1); ce projet de décret est ainsi conçu.
Décret d'urgence,
« L'Assemblée nationale voulant fixer avec précision la manière dont les officiers et
sous-officiers, tant des troupes de ligne que de la ci-devant maréchaussée, qui sont entrés
dans la gendarmerie nationale, doivent prendre rang entre eux pour parvenir ensuite, suivant
leur ancienneté de service, aux grades supérieurs ; désirant prévenir les contestations qui
pourraient s'élever à l'occasion des avancements, terminer les réclamations déjà faites à cet
égard, accélérer l'organisation de la gendarmerie nationale, et mettre en pleine activité
cette partie précieuse de la force armée, si nécessaire au maintien du bon ordre et de la
tranquillité publique, décrète qu'il y a urgence. » (Adopté.)
Décret définitif.
i L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il y a urgence, ouï le rapport de son comité militaire sur Pinterprétation qui lui a été demandée des articles 10 et 11 du titre II de la loi concernant l'organisation de la gendarmerie nationale, des 22, 23,24 décembre 1790, et 16 janvier 1791, décrète que dans la formation de la gendarmerie nationale, les officiers et sous-officiers ayant servi tant dans les troupes de ligne que dans la ci-devant maréchaussée, prendront rang entre eux dans leurs grades respectifs de la manière suivante :
Art. 1.
« Les capitaines prendront rang entre eux à raison de l'ancienneté de la date de leur commission ; et ceux qui n'étaient par capitaines avant la formation ae ladite gendarmerie, prendront rang dans leurs grades respectifs, en raison de l'ancienneté de leurs lettres, brevets, ou rang de lieutenant de sous-lieutenant qu'ils avaient.' » (Adopté.)
Art. 2.
« Les lieutenants prendront rang entre eux à raison de leur ancienneté dans ledit grade de lieutenant, s'ils en étaient déjà pourvus dans leurs corps respectifs, soit par lettres ou brevets, soit par le simple rang attribué à l'emploi qu'ils occupaient : s'ils n'étaient pas lieutenants, ou n'en avaient pas le rang avant la formation de la gendarmerie nationale, ils prendront rang seulement à raison de leur ancienneté dans le grade antérieur de sous-lieutenant ou de sous-officier. » (A dopté.)
Art. 3.
« A égalité de rangs et de dates, l'ancienneté dans les grades antérieurs déterminera le rang. «
Un membre : Je demande qu'on ajoute à l'article cette disposition : « et à égalité de date dans les grades antérieurs, l'ancienneté d'âge réglera le rang. »
, rapporteur. J'adopte l'addition proposée.
(L'Assemblée décrète l'article 3 avec l'amendement.)
En conséquence, cet article est ainsi conçu :
« A égalité de rangs et de dates, l'ancienneté dans les grades inférieurs déterminera le rang ; et à égalité de date dans les grades antérieurs, l'ancienneté d'âge réglera le rang. »
Art. 4.
« Dans quelque grade que soit employé un officier pourvu d un brevet, commission, lettres, ou rang a'un grade supérieur à celui où il se trouve d'afxrès la formation, il ne pourra, à raison de ce titre, prétendre qu'à prendre rang parmi les officiers au même grade dans lequel il se trouve employé ; et lorsqiril parviendra dans le même corps de la gendarmerie nationale à un nouveau grade, il ne pourra s'y prévaloir desdites lettres, brevets ou commissions. » (Adopté.)
, rapporteur. Je demande que ce décret soit porté demain à la sanction.
(L'Assemblée adopte cette motion qui forme l'article 5 du décret.)
Un membre : Je dénonce.à l'Assemblée plu-
sieurs officiers de la gendarmerie nationale des départements de la Corrèze et de la Haute-Garonne qui ont déserté pour aller au delà du Rhin. Je demande que le ministre soit chargé nommément de procéder à leur remplacement.
Je demande que le membre qui vient de faire cette dénonciation soit chargé de la laisser au comité de surveillance avec ses observations, parce qu'il importe de savoir jusqu'à quel point on peut compter sur les gens qui seront placés par le ministre.
Un membre : Cette dénonciation regarde le directoire du département.
Le membre qui a fait la dénonciation : J'observe que lé procureur général syndic est oncle d'un des déserteurs, et qu'un des administrateurs est. son beau-frère.
(Cette dénonciation n'a pas eu de suite.)
propose deux articles additionels relatifs à la manière dont les officiers de gendarmerie nationale doivent prendre rang entre eux.
(La commission renvoie ces deux articles au comité militaire pour en rendre compte à la séance de samedi soir.)
Vous avez entendu plusieurs réclamations d'un grand nombre de villes du royaume qui demandent l'augmentation des brigades de la gendarmerie nationale. Je propose à l'Assemblée de renvoyer au comité militaire pour faire incessamment un rapport sur cet objet.
(L'Assemblée renvoie au comité militaire pour en rendre compte également samedi.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du maire de Paris qui fait passer à l'Assemblée l'état des adjudications de biens nationaux faites les 21, 22, 23 et 24 de ce mois; elles se montent à 597,600 livres.
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. LACÉPÈDE.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, fait lecture des
Erocès-verbaux des séances du jeudi 1er décem-re, au matin et au soir.
Je réclame contre la mention faite au procès-verbal de la remontrance faite aux députés de Saint-Malo, hier matin. Un mot échappé dans la douleur ne doit pas être une flétrissure pour une ville qui a donné tant de preuves de patriotisme. Je demande que le décret qui a rappelé l'orateur de la députation de Saint-Malo au respect dû à l'Assemblée soit rapporté.
Je demande la question préalable sur cette motion ; le pétitionnaire a prononcé par deux fois la phrase incriminée et le vote de blâme de l'Assemblée a été rendu à une grande majorité.
(L'Assembléé, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Lecoz.) ,
Un membre : Je demande que les membres qui présenteront des projets de décret soient tenus
de les mettre aussitôt sur le bureau et que les secrétaires fassent passer après chaque séance, au comité des décrets, une note signée des décrets rendus dans la séance.
Un membre : Je demande que les projets de décret présentés par les divers comités soient signés ae ceux qui ont été d'avis de ces projets.
(L'Assemblée, consultée successivement sur ces différentes motions, écarte la dernière par la question préalable et passe à l'ordre du jour sur les deux premières.)
Il y a quelques jours, vous avez refusé d'admettre à la barre les commissaires de la comptabilité, par la raison que leurs nominations ne vous étaient pas notifiées officiellement (1). Hier, vous avez reçu une lettre du ministre des contributions publiques,
3ui vous annonce officiellement la nomination e ces commissaires. Gomme la raison donnée pour ne pas les admettre ne subsiste plus, je demande qu'ils soient admis dimanche prochain à la barre.
Je demande que M. François de Neufchâteau, qui a fait la motion que les commissaires ne soient pas admis, soit entendu.
Je m'étais réservé d'éclairer l'Assemblée sur le parti que l'opinion publique aurait pris à l'égard des commissaires de la comptabilité, lorsque leurs nominations auraient été annoncées par le pouvoir exécutif. Maintenant que ces nominations ont été annoncées, je vais faire part à l'Assemblée de mes remarques à ce sujet.
Il y aurait une infinité ae choses à dire contre presque tous les noms qui se trouvent sur la liste de ces commissaires ; mais on doit observer
Sue la nomination en a été laissée au roi, sans xer les conditions d'éligibilité à ces places, qui cependant sont d'une nature vraiment importante et exigent des hommes purs et habiles.
L'Assemblée jugera de leur importance lorsqu'elle saura que les quinze commissaires de la comptabilité remplacent dans leurs fonctions toutes les chambres des comptes du royaume, et qu'indépendamment des comptes annuels et futurs il y a près de 1,300 comptes arriérés à la chambre des comptes de Paris. La véritable cause du désordre des finances du royaume a été dans l'arriéré de la comptabilité, dans la négligence des ci-devant chambres des comptes à remplir les fonctions qui leur étaient confiées ; car si ces corps avaient usé de leur autorité pour apurer les différents comptes des payeurs et trésoriers de l'Etat, il est certain que le déficit aurait été connu plus tôt, et que ce déficit, aujourd'hui si difficile à calculer, n'aurait pas atteint une telle énormité. Si donc la négligence des anciennes chambres des comptes a été une des occasions du déficit, nous avons un grand intérêt à jeter sur la comptabilité un jour plus exact et plus lumineux, et nous ne devons pas l'attendre des nominations qui ont été faites.
La loi ne peut pas avoir d'effet rétroactif sur les conditions d'éligibilité. Je
m'abstiendrai donc de présenter les détails et les éclaircissements qu'il m'a été facile de
rassembler sur les 15 commissaires nommés. Mais il en est trois parmi eux qui sont annoncés
comme parents ou beaux-frères des différents ministres au roi ; or, messieurs, une des
dispositions du décret dul5sep-
Ainsi, Messieurs, voilà une première difficulté que je prie l'Assemblée d'examiner. Je lui dénonce la nomination de parents des ministres du roi dans le nombre des commissaires du bureau de comptabilité, et je la prie de renvoyer l'examen de cette difficulté à un de ses comités, pour lui en rendre compte.
Mais il ne suffirait pas d'avoir pris cette précaution, si vous laissiez pour l'avenir cette nomination vague et indéfinie, entre les mains du pouvoir exécutif. Si vous ne prenez pas de précautions sévères pour prévenir les abus qui ont déjà été dénoncés à l'Assemblée nationale constituante, relativement aux commissaires de la trésorerie, qui ont été dénoncés par l'opinion publique d'une manière très marquée, relativement a la nomination, encore très importante, des commissaires conservateurs des forêts.
L'Assemblée constituante, sur la fin de ses travaux, s'est pressée d'organiser différentes parties ae l'administration générale qu'il était urgent d'organiser; mais la célérité avec laquelle elle s est occupée de ces travaux importants ne lui a pas permis de prendre toutes les précautions nécessaires; elle a négligé certainement dans le décret du 15 septembre une des des dispositions les plus essentielles, qui était celle de fixer les conditions d'éligibilité pour ces places.
En conséquence, je demande qu'on renvoie au comité de législation l'examen de la question de savoir si les ministres ont pu nommer leurs beaux-frères, commissaires ae la comptabilité de l'Etat. Je demande, en outre, que ce comité soit chargé de vous présenter un projet de décret sur les conditions de l'éligibilité que vous prescrirez pour ces places, afin que le pouvoir exécutif n abuse pas des nominations qui lui sont renvoyées et que les nominations à ces places importantes repondent véritablement à l'objet de leur création à la confiance publique. (Applaudissements.)
J'observe que l'incompatibilité réclamée contre les parents des ministres doit s'étendre aux parents des députés à l'Assemblée nationale.
Je demande que le comité de législation examine en même temps si 5,000 livres d'appointements ne suffiraient pas à chacun des membres du bureau de comptabilité, au lieu de 1,500 livres qui leur sont attribuées. Nous devons tout faire pour soulager la nation.
Sivous renvoyez
encore au comité de législation, vous l'éloignerez du but de ses opérations. H y a un comité de l'examen des comptes, je demande que les propositions de M. François de Neufchâteau y soient renvoyées.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation !
(L'Assemblée renvoie l'examen des propositions de MM. François de Neufchâteau, Gilbert et Thuriot au comité de législation.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que son comité de législation lui fera incessamment un rapport sur la question de savoir si des parents de ministres du roi et de députés à 1 Assemblée nationale ont pu être compris dans la première nomination des 15 commissaires-vérificateurs des comptes de l'Etat; et que le même comité lui présentera un projet de décret sur les conditions d'éligibilité, et les autres précautions qu'il convient de fixer pour l'avenir, afin que les nominations de ces places importantes répondent véritablement à l'objet de leur création et à la confiance publique, sans néanmoins que le renvoi de ces objets au comité de législation puisse retarder la présentation et l'examen du plan de travail des commissaires, annoncé par la lettre du ministre des contributions publiques.
« L'Assemblée décrète, en outre, que le comité de législation s'occupera en même temps de la fixation du traitement des commissaires du bureau de comptabilité, et en proposera la réduction, s'il y a lieu. »
J'invite l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procéder à l'élection de quatre secrétaires, en remplacement de MM. Couthon, Torné et Isnard, secrétaires sortants, et de M. Lefflontey, nommé vice-président.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et rentre en séance une demi-heure après.)
Je rappelle à l'Assemblée que les commissaires de la comptabilité désirent être admis pour présenter leurs hommages.
Quelques membres s'opposent à leur admission avant que le comité de législation ait fait son rapport sur les questions qui lui ont été renvoyées.
et plusieurs autres membres demandent qu'ils soient admis sans rien préjuger sur la validité de leur nomination.
(L'Assemblée, consultée, décrète que les commissaires de la comptabilité seront admis dimanche sans rien préjuger sur la validité de leur nomination.)
Un membre demande que le rapport du comité de législation sur le mode de constater les mariages, naissances et décès, soit ajourné à jour fixé.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à lundi.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Duportail, ministre delà guerre, qui demande que le nombre des ordonnateurs et auditeurs des cours martiales, actuellement fixé à 23, soit porté à 25; et qu'il en soit placé deux dans chacune des première et cinquième divisions.
(L'Assemblée renvoie cette demande, convertie en motion, au comité militaire pour en rendre compte dans la séance de demain au soir.)
2° Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, concernant les dépenses du département de la guerre pour les années 1791 et 1792, l'arriéré dé 1790, etc., et concernant l'état nominatif des sujets nommés aux sous-lieutenances dans les troupes à pied et à cheval, à la date du 15 septembre 1791. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le er décembre 1791
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous -adresser, conformément au décret du 26 novembre dernier, l'état de tous les sujets qui ont été nommés aux sous-lieute-nances dans les troupes à pied et à cheval, à la date du 15 septembre (2) ; on a pris ainsi une même date, parce que les emplois étant vacants à cette époque, il eût été injuste de donner aux premiers nommés le rang sur ceuxïui l'ont été après, par la seule raison que le travail ne pouvait pas se faire pour tous les corps à la fois.
« L Assemblée nationale verra que, quoiqu'on m'ait reproché de la lenteur dans cette opération, cependant le nombre des nominations faites est considérable.. Dans mon rapport du 15 octobre je lui avais annoncé que le travail était bien avancé, et qu'en le poussant avec activité, il serait totalement terminé dans 4 à 5 semaines. Effectivement, à la fin d'octobre, la majeure partie des expéditions était faitè, et je ne me suis arrêté que quand j'ai appris qu'il avait été mis en doute à 1 Assemblée, si les expéditions postérieures au 15 octobre étaient valables. J'avoue que l'article 1er du décret du 28 septembre ayant dit formellement que le « mode provisoire de nomination aurait son effet pour les places actuellement vacantes, et pour celles qui viendraient à vaquer d'ici au 15 octobre prochain », je n'avais pas cru qu'il pût y avoir la moindre incertitude sur le sens de ce décret, et j'étais bien certain que le comité militaire de FAssemblée constituante, qui avait proposé le décret, ne l'avait jamais entendu autrement.
« Cependant, dès que j'ai su que la question devenait problématique, j'ai suspendu toute nomination, et il n'en a été fait depuis que pour les régiments, numéros 36 et 47, en vertu des décrets particuliers qui les concernent, et pour les bataillons qui s'embarquent. Je dois au surplus observer que la chose devient assez indifférente en elle-même; car presque tous les sujets dont j'envoie la liste, présentent les conditions exigées depuis par les nouveaux décrets. Tous ont fourni des certificats de civisme; et le plus grand nombre de service actif dans les gardes nationales, Je pourrais d'ailleurs présenter pour garant delà convenance de choix les témoignages aonnés par les corps administratifs, et les membres de l'Assemblée constituante les plus distingués par leur patriotisme.
« J'ai pensé que l'état des sujets introduits dans l'armée, intéressant d'une manière plus
directe l'Assemblée nationale, elle approuverait l'empressement que je mets à le lui adresser
sans attendre l'époque qu'elle a fixée. J'aurais désiré pouvoir lui faire passer en même temps
l'état nominatif,qu'elle a demandé par le même décret, des officiers qui
Je prie l'Assemblée d'observer que la seule chose qui m'importait, c'était de connaître à chaque instant quels étaient les emplois qui devaient être regardés comme vacants, de quelque manière que ce fût, soit parce que les titulaires avaient refusé le serment, soit parce qu'ils avaient donnéleur démission pour une cause quelconque, soit enfin parce qu'ils avaient quitté leur corps sans congé (sans cependant avoir été expulsés par leurs soldats). J'ai pris tous les moyens convenables à cet effet, et j'ai travaillé a mesure aux remplacements avec autant de célérité qu'il a été possibler; mais s'il faut aujourd'hui donner une liste de tous les remplacés, la rendre publique, exposer les causes de chaque vacance d'emploi, on sent aisément qu'il faut faire de nouvelles recherches, revoir le travail de tous les corps, à toutes lés époques, et mettre le plus grand soin à éviter toutes les erreurs : car il ne serait pas indifférent de noter, comme ayant quittéson corps sans démission, celui qui l'aurait donnée pour des causes étrangères aux affaires, politiques. L'état demandé par l'Assemblée exige donc, pour être fait avec exactitude et ne compromettre personne, infiniment dè soin et plus ae temps qu'il ne m'en reste à passer dans la la carrière ministérielle. (Mouvement.)
« Je crois devoir informer ici l'Assemblée nationale que diverses circonstances m'obligeant de renoncer à l'espoir d'être désormais utile à ma patrie dans l'emploi dé ministre de la guerre, j'ai prié Sa Majesté de me permettre ae le remettre entre ses mains, et qu'elle a bien voulu m'acçorder cette permission ; mais quoique sorti du ministère, j'aurai à cceur, je solliciterai même d'être autorisé de fournir à l'Assemblée toutes les informations et éclaircissements qu'elle pourra désirer sur les opérations auxquelles j'ai eu part. J'ai la confiance de croire qu'elle reconnaîtra que la loi a toujours été mon guide ; que je ne me suis pas contenté de l'exécuter strictement ; mais que j'en ai, en toute occasion, préparé, facilité l'exécution par tous les moyens que peuventsuggérerle vrai zèle et le patriotisme. S'il a été commis des erreurs, des omissions, c'est qu'elles sont inévitables dans une administration toujours immense, et que les circonstances actuelles ont plus que triplée depuis que j'en suis chargé.
« Je vois, par les papiers du jour, que l'Assemblée nationale a rendu hier un décret sur la comptabilité des ministres. Je m'empresse de lui adresser une réponse provisoire sur les différents articles qui peuvent concerner mon département.
« L'Assemblée nationale demande, d'ici au 15 décembre, l'aperçu des dépenses à faire en 1792 : j'en étais occupé, et cet etàt est prêt à être terminé. L'Assemblée le recevra avant l'époque qu'elle a fixée.
« Quant à la dépense de 1791, dont elle demande également l'état, j'ai l'honneur de lui rappeler
Sue je l'ai adressé à l'Assemblée le 16 du mois eraier, quoique je n'aie pas entendu dire que ma lettre ait été lue... »
Plusieurs membres : Elle a été renvoyée au comité!
Un membre : Le ministre devrait venir lui-même !
, secrétaire, continuant la lecture : « Cet état présentera un tableau plus exact de la dépense, que ne le serait le relevé des ordonnances que j'ai expédiées, puisque la plus grande partie des dépenses se paient sur les revues ou sur les ordonnances des commissaires ordonnateurs, dont je ne connais le montant que par le compte qu'ils m'en rendent, et par conséquent longtemps après. Si l'intention de l'Assemblée est de connaître le montant des dépenses faites, les commissaires de la Trésorerie nationale en présenteront l'état bien plus facilement que moi, puisqu'ils en ont toutes les pièces entre les mains.
« A l'égard de l'arrêté antérieur à 1790, j'ai adressé successivement au commissaire du roi chargé de la liquidation, toutes les réclamations qui me sont par venues ; j'ignore totalement quelles sont celles qu'il a liquidées et celles qui restent à liquider : je n'ai aucun moyen de m'en assurer, puisque cette opération m'est absolument étrangère.
« Quant aux sommes dues sur l'année 1790, il reste effectivement plusieurs objets à terminer en vertu de la loi du 10 juillet 1791, et de quelques autres. J'ai écrit circulairement, en vertu du décret du 29 septembre, pour en connaître le montant; mais je n'ai pas encore rassemblé toutes les pièces nécessaires pour le constater ; j'observerai seulement que j'ai écrit à l'Assemblée nationale, les 30 octobre et 18 novembre derniers, pour quelques éclaircissements à ce sujet, et que je n'en ai reçu aucune réponse..
« Par un dernier article, l'Assemblée nationale demande l'état des radiations qui ont dû être faites des appointements, traitements et pensions des fonctionnaires publics absents du royaume : j'ai l'honneur de vous observer que cette disposition ne me paraît pas applicable au département de la guerre, puisque le payement de ces sortes de dépenses n'a lieu qu en vertu des revues ou des certificats d'existence en France, et que' si, ce que je ne crois pas, ces formalités avaient été négligées, les commissaires de la trésorerie en seraient seuls responsables, puisqu'ils sont seuls chargés du payement. Quant à moi, mes fonctions se sont bornées à proposer au roi le remplacement de ceux qui avaient abandonné leurs emplois, et à en faire passer ensuite l'état aux commissaires de la trésorerie nationale, pour pourvoir à leur payement d'après les formes décrétées.
« Il me reste, Monsieur le Président, à répondre à la demande aux ministres d'indiquer les abus qui auraient pu s'être introduits dans les différentes parties du gouvernement. J'observerai à cet égard que les décrets sur la discipline militaire, l'ordre judiciaire et l'administration de l'armée, n'ont été rendus que dans les derniers jours de septembre. L'Assemblée nationale sentira sûrement que l'organisation de l'armée étant si récente, et la marche de son administration encore incertaine, je n'ai pu asseoir que des conjectures vagues sur les améliorations dont elles peuvent être susceptibles : le temps et l'expérience peuvent seuls donner à cet égard des notions certaines.
« Cependant je me ferai un devoir de transmettre à mon successeur les observations que j'ai été à portée de faire jusqu'à présent.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, « Signé : DUPORTAIL. »
Je demande que la lettre du mi-
nistre de la guerre soit renvoyée aux comités réunis de la trésorerie nationale et des dépenses publiques. Le ministre répond à un décret que vous avez rendu dans la séance du 29 novembre au soir ; mais il me paraît qu'il ne satisfait point à plusieurs demandes qui lui ont été faites. Il vous annonce qu'il donnera des renseignements à son successeur, tandis que la Constitution exige qu'il les donne directement à l'Assemblée. Il faut donc l'obliger à vous donner ces renseignements.
Un membre : J'ajoute que le mode de responsabilité des ministres, qui doit vous être proposé par votre comité de législation, n'ayant point encore son exécution, il me paraît à propos que dès à présent l'Assemblée nationale rende un décret portant que le ministre qui sort ne puisse s'affranchir de la responsabilité qu'après avoir rendu ses comptes.....
Plusieurs membres : C'est inutile!
Le même membre... et je demande que le ministre de la guerre ne puisse pas abandonner le timon actuel de son département sans avoir donné à l'Assemblée tous les renseignements-qu'elle est en droit d'exiger. (Murmures.)
Il est certain que si la responsabilité n'est pas un être chimérique, il faut de toute nécessité que l'Assemblée prenne des mesures efficaces pour que cette responsabilité existe. En conséquence, je demande qu'aucun ministre démissionnaire ne puisse sortir du royaume sans avoir rendu ses comptes.
Un membre : C'est fait!
Si c'est fait, pourquoi avez-vous laissé sortir M. de Montmorin? (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : M. de Montmorin est à Paris.
aîné. Le ministre de la guerre vous dit que le temps et l'expérience pourront mieux vous faire connaître les améliorations à apporter dans l'administration de la guerre : c'est ce que je crois aussi ; mais je demande qu'il ne s en aille pas sans rendre compte de l'état où il laisse les troupes et les gardes des frontières.
Je rappelle à l'Assemblée que, depuis fort longtemps, elle a chargé son comité de législation de lui proposer un projet de décret sur la responsabilité des ministres, et sur la manière de 1 exercer. Certes, dans ce projet, on aurait discuté la question de savoir si les ministres
Îiouvaient sortir de France avant d'avoir rendu e compte qu'ils doivent de leur administration. Il ne faut donc pas faire un décret exprès pour cela. L'Assemblée nationale attend depuis fort longtemps le décret sur la responsabilité des ministres ; ce décret est très urgent.
J'ai fait un travail particulier sur Vexercice de la responsabilité des ministres, et je demande à l'Assemblée la permission de le lui lire.
Plusieurs membres : Tout de suite!
Un membre : M. Hérault ne peut lire qu'un travail du comité et non un travail particulier ; je demande que l'on passe à l'ordre au jour.
Plusieurs membres demandent que le comité de législation fasse à l'instant son rapport sur la responsabilité des ministres.
D'autres membres combattent cette proposition.
Dans une question im-
portante, c'est un avantage que d'entendre quelques idées jetées en avant par un homme qui a réfléchi sur la matière. Je demande que M. Hérault soit entendu.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour et que M. Hérault-de-Séchelles sera entendu, après la lecture des lettres et adresses déposées sur le bureau. Elle décrète, en outre, le renvoi au comité militaire de la lettre du ministre de la guerre quant aux objets militaires, et aux comités réunis de la trésorerie nationale et des dépenses publiques, quant aux objets de finances.)
Un membre : Je demande l'impression de la lettre et des états envoyés par le ministre.
(L'Assemblée décrète l'impression de la lettre du ministre de la guerre et des états qui y sont joints.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
3° Adresse des officiers municipaux et des membres du conseil général de la commune de Langres, qui, après avoir présenté à l'Assemblée nationale 1 hommage de leur reconnaissance et de leur respect, renouvellent dans ses mains le serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roij et de bien remplir leurs fonctions. Ces administrateurs demandent par la même adresse la suppression d'un des deux juges de paix de la ville ae Langres.
(L'Assemblée décrété qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal et renvoie au comité de division l'examen de la demande de la suppression d'un juge de paix.)
4° Adresse des administrateurs du département de la Manche qui demandent à l'Assemblée nationale des secours pour les pauvres de leur département, qui sont en très grand nombre.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des secours publics.)
5a Pétition de M. Fenouillot de Falbaire, qui se plaint des vexations et des injustices qu'il a essuyées dans sa place d'inspecteur général des salines, et qui demande que l'examen de son mémoire soit renvoyé au comité des domaines, pour le rapport en être fait en même temps que celui relatif à la nouvelle organisation des salines.
(L'Assemblée renvoie le mémoire au comité des domaines.)
6° Pétition de M. Beauquesne, qui demande l'exécution du décret du 19 du mois dernier, relatif aux secours attribués aux ci-devant employés des fermes, et qui accuse de l'inexécution ae ce décret l'ancienne compagnie des fermiers généraux, dont il dit que l'influence est très grande encore auprès des ministres.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
7° Pétition de 48 citoyens composant la ci-devant compagnie des gardes ae la connétablie. Ils observent qu'étant sur le point d'être dispersés dans la gendarmerie nationale, il serait instant qu'on voulût s'occuper de leurs réclamations.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation pour en faire le rapport dans le plus court délai.)
8° Lettre de M. Fiquenel, à laquelle est joint un mémoire imprimé relatif au moyen d'assurer la circulation aes assignats.
(L'Assemblée renvoie l'examen de ce mémoire au comité des assignats et des monnaies.)
90 Lettre de M. Amelot, administrateur de la caisse de Vextraordinaire, à laquelle est jointe le tableau des états de vente des biens nationaux reçus dans le courant du mois de novembre dernier: le moniantde ces états s'élève à 136 millions 969,712 livres, lesquels réunis aux 980,553,421 livres, montant des états parvenus avant le 1er novembre, forment en total 1,117,523,133 livres.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le tableau au comité de la dette publique.)
10* Note des décrets (1) sanctionnés par le roi ou reçus par lui pour les faire exécuter, depuis le 17 jusqu'au 26 novembre.
11* Pétition de plusieurs anciens secrétaires commis employés dans les divers comités de r Assemblée nationale constituante qui demandent à être entendus dimanche prochain à la barre.
(L'Assemblée décrète que les secrétaires commis seront admis dimanche prochain.)
12* Adresse des officiers municipaux de Méry, district de Clermont, département de l'Oise, tendant à obtenir un décret qui déclare les curés et vicaires éligibles aux offices municipaux.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette pétition.).
13* Pétition de 54 citoyens entrepreneurs et créant ciers des trois églises de Saint-Sulpice, Saint-Philippe-du Roule et des Capucins de la Chaussée-d'An tin.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
14° Lettre du procureur général syndic du département de l'Hérault, qui annonce que les troubles de Montpellier sont apaisés, et qui envoie copie de divers procès-verbaux des corps administratifs de cette ville.
D'après le recensement du scrutin pour les secrétaires, MM. Grangeneuve, Thuriot, Gensonné et. Fauchet ont réuni la pluralité relative des suffrages. En conséquence, je les proclame secrétaires. (Applaudissements.)
La parole est à M. Hérault-de-Séchelles pour lire son opinion sur la responsabilité des ministres.
(2). Messieurs, puisque vous avez iuré la Constitution, la manière la plus franche de la maintenir, c'est de faire aller le pouvoir exécutif. Ce mouvement dépend surtout de la responsabilité des ministres. On doit regarder cet obi et comme un des plus importants dont l'Assemblée nationale ait à s'occuper.
Un peuple indien avait pour roi une statue colossale, tenant entre ses mains le livre des lois ; les chefs civils et militaires venaient tous les jours s'incliner devant elle et y lire leurs devoirs; tel est parmi nous l'emblème, non du pouvoir royal, mais du pouvoir exécutif. Au moment où le roi a sanctionné le décret, il s'élève dans l'Empire une autorité supérieure à toutes les autres, la loi qui vient d'être faite. Le roi n'est plus qu'inviolable, et la responsabilité des ministres commence, mais toute leur force est aussi dans ce grand péril.
Autrefois les ministres n'étaient que des es-
Voilà l'idée qu'il faut se faire de la dignité des ministres constitutionnels ; c'est après les avoir ainsi relevés que je vais parler de leur responsabilité.
L'Assemblée précédente a déjà décidé la moitié de cette question. L'acte constitutionnel énonce en général le genre de délits dont les ministres sont responsables, et le Code pénal contient un chapitre sur les crimes des fonctionnaires publics ; mais l'un et l'autre n'ont encore traité que les crimes et délits positifs ; les mesures concernant une conduite négative sont entièrement à créer.
Ce n'est pas que nos prédécesseurs n'eussent entrevu la nécessité de ce complément, on l'avait renvoyé au comité de Constitution, qui ne s'en est jamais occupé.
Qu'arriverait-il, cependant, si un homme pervers donnait secrètement à un individu robuste de petites potions de poison? Ce malheureux perdrait peu a peu l'usage de tous ses membres, état pire que la mort, jusqu'à ce qu'une dissolution et une décomposition totale amenassent son anéantissemënt.Ne diriez-vous pas que cet homme a commis un assassinat? Eh bien! c'est ainsi qu'un ministre assassine l'Etat, lorsqu'éludant ou négligeant l'exécution vivifiante des lois, il laisse prédominer les germes destructeurs qui hâteront sa décadence. (Applaudissements.) Eh l qu'importe, en effet, que le pouvoir arbitraire ou la léthargie soient dans l'Empire, l'un et l'autre ne conduisent-ils pas à la mort ?
Il ne serait pas difficile de prouver que le ministre négligent est même plus dangereux que le conspirateur direct ; tandis qu'on n'est point en garde contre le premier, en suspendant rexé-cution des lois, il les annule ; il déracine en silence la Constitution, il avertira peut-être un jour par son exemple qu'elle est insuffisante, et réduira à la terrible nécessité de se recomposer un vieux peuple qui retourne à ses principes originels, sans pouvoir retrouver l'état naturel.
Les ministres prétendront peut-être qu'aujourd'hui vous n'avez pas le moyen de leur imposer une responsabilité de plus que celle qui est prescrite par la Constitution et développée par le Code pénal; erreur. La loi sur l'organisation du ministère porte, qu'ils répondront de leur conduite; ce mot comprend tout, et quant à l'Acte constitutionnel, je sais bien qu'on n'interprète pas une Constitution, mais on l'exécute, et si l'on veut que la nôtre ait un effet, il faut reconnaître que les crimes de l'inaction dans un agent public sont aussi graves, aussi funestes, j'ajouterai même plus faciles. S'il était nécessaire de prouver ce dernier point, de nombreux exemples ne démontrent-ils pas autour de nous que tout ce qu'on a pu reprocher jusqu'à présent à nos ministres, c'est cette conduite plus ou moins négative, à peu près nulle, dans lès relations extérieures, inattentive ou lente intérieurement ; négligence à donner des ordres, ou s'ils avaient été donnés, peu de surveillance à s'assurer de leur exécution; sentiment de dégoût avec lequel on ne fait jamais rien ; murmures contre ses fonctions, sans avoir le cou-
rage de les quitter, envie de s'isoler, et d'exister à part même dès l'origine d'une Constitution. N'etendons pas plus loin ce coup d'oeil affligeant ; il doit cesser en proportion des nouveaux moyens de responsabilité que l'Assemblée nationale saura établir.
Ces moyens paraissent, il est vrai, assez difficiles à trouver, quand on considère la multitude de délits négatifs ou autrement dits d'omission, soit réelle, soit affectée, l'impossibilité de prévoir tous les cas, l'embarras de les classer, et l'obscurité qui environne de toutes parts la matière qui demanderait le plus de précision. On peut dire -d'abord : prenez la loi sur l'organisation du ministère, suivez la chaîne des devoirs qu'elle impose aux ministres, et par ce positif vous apprécierez tout ce qu'ils n'ont pas fait ; on peut dire ensuite : rappelez-vous que les Romains, dans leur beau système sur les obligations, assujettissaient le mandataire, assujettissaient le tuteur à répondre du dol, de la faute grossière, de la faute simple, de la faute légère. C'était une espèce de mesure mobile qui, suivant le délit, entre certaines limites', se trouvait toujours très exacte au point où on l'appliquait. La condition des mandataires publics ne peut-elle pas être réglée sur ce modèle ? On peut dire enfin : à des manquements vagues, il est nécessaire et juste d'opposer d'avance quelque chose de vague dans la répression, afin de la rendre plus menaçante. Au surplus cette répression elle-même ne sera jamais si indéterminée qu'on pourrait le croire, et si l'ami d'un ministre vient vous demander par quelles lois vous voulez donc le juger, répondez-lui : par toutes celles qu'il n'aura pas exécutées.
Oh ne trouve nulle part un système complet de loi fixes sur la responsabilité des agents supérieurs du pouvoir exécutif. Forcé de me faire à moi-même des principes sur cette question, je vais vous offrir ceux que j'ai déduits de la nature des choses et de l'état actuel.
11 convient de chercher avant tout quelques moyens préparatoires ; car le droit de réprimer une infraction n'est acquis au législateur que lorsqu'il a tout épuisé pour le prévenir.
La première de ces précautions serait d'engager les ministres à procurer plus fréquemment au Corps législatif, dans ses délibérations importantes, des laits et des connaissances locales, au lieu de se retrancher dans, un silence observateur, comme le public l'a "remarqué en dernier lieu, lors des discussions sur les émigrés et sur les prêtres ; ou bien au lieu de nous interrompre, comme il leur arrive souvent, par des détails étrangers et secondaires, au sujet desquels 11 eût été très suffisant de nous écrire. Quel rapport, direz-vous, a cette précaution avec l'objet qui nous occupe? C'est, Messieurs, qu'il est dans la nature qu'un homme chargé de l'exécution apporte plus d'intérêt et de zèle à ce qu'il connaît mieux, lorsqu'en se renfermant dans la dépendance et les bornes de ses fonctions, il a pu prendre une part quelconque, non pas au travail, mais aux renseignements qui l'ont précédé.
Il serait utile d'employer un second moyen. La Constitution n'oblige les ministres de rendre compte qu'une fois par an de l'aperçu des dépenses a faire dans leurs départements, de l'emploi des sommes qui y étaient destinées, et d'indiquer les abus qui auraient pu s'introduire dans ces différentes parties du gouvernement; mais la loi sur l'organisation des ministres porte qu'ils seront tenus de rendre compte, en ce qui con-
cerne l'administration, tant de leur conduite que de leurs dépenses et affaires, toutes les fois qu'ils en seront requis par le Corps législatif. D'après cette faculté, pourquoi ne demanderions-nous pas aux ministres, tous les quinze jours, par exemple, tant que l'exigeront des circonstances impérieuses, un compte général, ou au moins un aperçu de leur département? Par là, nous serions à portée de connaître ou plutôt de vérifier l'état de la France. L'Empire est une grande maison de commerce qui n'est jamais mieux dirigée que lorsqu'un génie vigilant ne se permet pas même un seul jour d'en perdre de vuel'ensemble, tandis que des mains laborieuses font prospérer les opérations de détail. Ce travail, une fois établi, en resserrant plus étroitement que jamais l'indispensable alliance de la législation et de l'exécution, ne coûterait guère de peines aux ministres, puisqu'il serait le résultat de leurs méditations habituelles. Il les astreindrait à une possession plus réelle et plus rapprochée des déterminations eparses qui composent la totalité de leur administration. 11 accélérerait en même temps le mouvement de toutes les .administrations inférieures et les porterait bientôt à leur plus haut degré d'activité, car le .ministre placé ainsi, plus en évidence que jamais, regarderait comme une honte de n'avoir rien a dire de nouveau, lorsque nécessairement, il y a toujours quelque incident nouveau dans la chaîne des événements humains, èt il presserait ces événements eux-mêmes, il en forcerait peut-être à lui seul la maturité, jne fût-ce que pour se faire un honneur de venir ensuite nous raconter les résultats de sa prévoyance.
Une dernière considération sera peut-être celle du temps : elle aurait pour objet de fixer à la fin de chaque décret important, le délai que doit avoir le ministre pour rendre compte de l'exécution.
Voilà, Messieurs, les précautions préliminaires que je propose pour ne pas commencer trop tôt la responsabilité ministérielle, mais aussi pour la commencer plus sûrement et de manière à fournir aux agents du pouvoir des juges plus exercés encore à peser leur conduite.
Après avoir présenté ces vues générales, occupons-nous maintenant de l'effet qui doit suivre une dénonciation particulière faite devant vous, contre un ministre.
Le Corps législatif ne manquera pas d'examiner d'abord la nature de l'imputation ; si cette imputation est légère, ou si elle ne se lie point, soit à des principes funestes, soit à des conséquences dangereuses, les législateurs croiront, sans doute, qu'il est de leur dignité de n'y point attacher d'importance. Soyons de bonne foi ; là raison d'un seul homme ne suffit pas à cette prodigieuse multiplicité d'incidents qui ne sont que des ramifications perdues d'une vaste et laborieuse administration. On ne peut exiger d'elle de veiller minutieusement que sur certains points capitaux ou capables de le devenir. Le fardeau du ministre est déjà si pesant, qu'il semble presque que celui qui en est comptable, répond moins de le supporter mal, que d'avoir osé l'accepter ; et lorsqu'il s'agit de rendre justice, sans cloute, la première justice envers 1 humanité, c'est l'indulgence.
Mais, lorsque l'inculpation prend une apparence plus serieuse, non seulement le Corps législatif l'examinera en eHe-même ; il devra l'examiner encore dans le caractère de ceux qui la présentent. C'est ainsi que la sainte sagesse du juré pèse les témoignages, et c'est ainsi qu'il
convient à la vôtre de discuter de grands intérêts. En effet, si celui qui dénonce est un de ces hommes dont les avis mêmes utiles, ne vaudraient autant qu'ils seraient proposés par un autre, s'il passe pour un de ces êtres soupçonneux dont la malignité se plaît à calomnier les inteutions d'un homme lorsqu'il ne faudrait accuser que sa capacité ; ou si la folle manie de s'obstiner à paraître lui fait un besoin de trouver des crimes pour trouver des auditeurs ; (Applaudissements.) il est certain que ses paroles ont déjà perdu d'avance une faveur qui reste à l'accusé, et que la conviction seule pourrait leur rendre : mais si, au contraire, le dénonciateur est un homme bienveillant, mais juste, qui n'ait pas seulement des vertus, mais des lumières, plus prêt d'absoudre que de blâmer, mais plus prêt encore de veiller que d'absoudre, s'il est connu pour examiner sans prévention, mais avec scrupule, et pour ne hasarder une accusation qu'après avoir emprunté, pour ainsi dire, la balance dont la justice elle-même se servirait, alors, sans doute, on doit à la vertu éclairée et courageuse, de prendre en grande considération les avertissements, et il sera nécessaire d'interpeller le ministre.
Toutefois, Messieurs, je ne voudrais pas que le ministre fût mandé à l'instant, à moins que la délibération ne fût tellement pressée, qu'elle ne pût souffrir le moindre retard. Déjà plus d'une fois cette proposition de mander sur-le-champ a été faite dans l'Assemblée, et elle a dû inquiété r les amis de la chose publique. Outre qu'il est pénible de voir harceler et saccager des individus qu'il n'est question que de contenir, voyez ce que l'on gagne à cette précipitation excessive. Les ministres ne sont-ils pas préparés? Vous rendez leur situation très favorame, et ils vous réchappent. Sont-ils préparés ? Vous les faites paraître véritablement forts, si vous ne soutenez pas vis-à-vis d'eux la discussion, et c'est vous qui ne leur échappez pas. Tant d'imprudence est le moyen le plus infaillible de détruire la responsabilité même, de sacrifier à la fois les uns aux autres, et en pure perte, le Corps législatif et les ministres, d'attirer sur soi le discrédit que l'on appelle sur eux, de les venger à l'instant même où on les humilie, et peut-être d'agrandir leur autorité des débris de votre considération, et de la pitié de l'opinion publique. (Applaudis-ments.)
La Constitution veut que les ministres soient tenus de donner des éclaircissements, toutes les fois qu'ils en sont requis par le Corps législatif; profitons de ce mot .éclaircissements, distinguons avec soin entré éclaircissements et accusation, et nous reconnaîtrons que dans les trois quarts des dénonciations, c'est toujours par l'éclaircissement qu'il faudra commencer. On peut même y interposer une gradation de plus : si la Constitution vous autorise à requérir des éclaircissements de vive voix, à plus forte raison vous laisse-t-elle la faculté de les demander par écrit; faculté plus avantageuse et pour le ministre et pour nous : pour le ministre, parce qu'en lui communiquant la dénonciation faite contre lui, on ne le déplace pas, on ne l'enlève pas à ses travaux; pour nous, parce qu'en exigeant qu'il donne ses réponses écrites, nous sommes à portée de les comparer, soit entre elles, soit avec les autres pièces, de juger en un mot jusqu'à quel point elles résolvent le doute proposé ; et, dans ce cas, de deux choses Tune; ou la réponse est suffisante, alors vous rendez justice au ministre ;
ou elle n'est pas suffisante, et alors ou bien vous renvoyez au ministre pour qu'il fournisse une nouvelle explication, ou bien vous renvoyez soit à un comité soit à une commission spéciale et momentanée pour que le rapport vous en soit fait, ou bien enfin, vous vous déterminez à mander le ministre. Voilà comment ce mot mander qui n'était rien encore et qui finirait par devenir insignifiant, si l'on en abusait, peut acquérir dorénavant par l'opinion un caractère de gravité qui répondrait à un de ces décrets ou mandats que la justice rend contre un citoyen soupçonné d'une prévarication.
Le ministre comparaît donc devant vous, Actuellement, qu'arrivera-t-il? s'il a été faussement inculpé, vous rejetez la dénonciation ; c'en est assez pour son triomphe, sauf à lui à se procurer, dans les cas où il en a le droit, une réparation civile et judiciaire dont nous n'avons pas à nous occuper, que s'il ne répond pas complètement, si sa conduite est équivoque, mais non encore suffisamment éclaircie, je pense que le Corps législatif doit déclarer que le ministre répondra plus amplement, espèce de suspension qui sans l'entacher précisément, le laisse cependant sous un jour douteux, dont il a un grand intérêt de sortir pour remonter à une réputation sans mélange.
Enfin, si le ministre a décidément tort, on doit encore distinguer. Il y a tel manquement qui mérite une improbation nationale, et tel autre pour qui ce ne serait pas encore assez, mais qui doit donner lieu à une accusation criminelle* Dans le premier cas, il n'est pas douteux que le Corps législatif a bien le droit, sans doute, d'énoncer sur un homme public cette censure des pouvoirs constitués, qui est permise par la Constitution elle-même : Suivons, dit Montesquieu, la nature qui a donné aux hommes la honte comme leur fléau, et que la plus grande partie de la peine, soit l'infamie de la souffrir. »
On multipliera vainement les combinaisons, on ne trouvera jamais que trois responsabilités. La responsabilité capitale, qui tient aux accusations, fa responsabilité pécuniaire, qui est presque impraticable, et enfin, la responsabilité morale, qui, par une condition remarquable, quoique la moins réelle, est la plus usuelle de toutes et peut seule produire un effet de tous les moments, dans les gouvernements libres qui se conduisent par les mœUrs. (Applaudissements.)
Je désirerais, Messieurs, que celle-ci s'énonçât par des formules calmes et élevées, telles qu'il convient à la majesté d'une assemblée de légis-^ lateurs. On a dit de l'historien Tacite : qu'il a puni les tyrans quand il les a peints. Ce mot sublime, cet hommage à la suprématie de la vérité qui seule frappe un homme plus durement quelquefois que les faisceaux de tous les licteurs; cette expression, dis-je; est l'image vraie du supplice, qui attend un ministre duquel on déclarerait qu il s'est abrogé un pouvoir arbitraire, ou qu'il s'est endormi dans une inaction funeste.
Nous n'en sommes plus aujourd'hui à citer les Anglais qui ont eu avant nous le simulacre de la liberté ; mais la justice veut qu'on vous présente leur exemple dans un point où ils se sont élevés à toutes la hauteur de la raison et de la liberté même. Lorsque la Chambre des communes, sans aller jusqu'à Yvmpeachment, c'est-à-dire, l'accusation, veut se borner à prononcer sa censure sur la conduite d'un ministre, elle arrête à son égard un certain nombre de résolutions, dont la série est très remarquable.
Elle déclare d'abord en général, que tel principe est éminemment essentiel au maintien d'une société bien gouvernée, que telle action serait contraire à ce principe, et mériterait l'animad-version publique. Elle déclare ensuite que cette action se trouve avoir été commise, que c'est de telle manière, et elle y joint le rapprochement des circonstances ; elle déclare que cette action mène à telles conséquences préjudiciables et subversives; elle déclare enfin, que tel ministre a commis ou laissé commettre ce fait, et voilà comment le ministre se trouve atteint et appréhendé moralement. Le grand art de ceux qui rédigent Ces arrêtés, consiste à placer peu à peu dans chaque article préparatoire, certains mots dont l'effet ou le contre-coup retombe sur le jninistre dont on se plaint; tandis que, d'un autre côté, le grand art des ministériels qui entendent lire ces résolutions, est de tâcher qu'elles soient tempérées et amorties par d'autres mots qui les neutralisent. ,
Après avoir rendu cet hommage à une forme anglaise, je crois qu'il faut se garder d'étendre une imitation, qui, sans ajouter aucune force au mode de responsabilité, pourrait avoir par la suite le très grand inconvénient d'altérer la Constitution. Entre l'arrêté de censure et l'acte d'accusation il ést un intermédiaire, dont la Chambre des communes fait quelquefois usage, quoiqu'elle sente elle-même qu'il nè faut s'y résoudre que comme à une mesure extrême. Cet intermédiaire consiste à présenter une adresse âu roi, pour lui déclarer que les ministres ont perdu la confiance de la nation. On a déjà tenté
Earmî nous d'employer une déclaration sembla-le. La première fois, elle fut proposée pendant plusieurs séances à l'Assemblée constituante, où elle finit pourtant par être rejetée. Au surplus, quand on l'aurait adoptée, le danger eût été moindre, précisément parce que l'Assemblée était constituante, parce qu'au milieu de la Révolution elle était quelquefois obligée, de se saisir également du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, parce qu'on l'a vu souvent décréter comme constitutionnels des articles qui ontcéssé ae l'êtfe depuis, qui n'étaient qu'importants, mais qu'elle aimait mieux présenter à la certitude de l'acceptation qu'au hasard de la sanction.
Dans de pareilles circonstances, cette mesure eût été probablement suivie de succès, et n'aurait pas compromis l'Assemblée nationale ; mais pour nous, qui sommes le Corps législatif, ce serait, je crois, une grande imprudence de mettre à exécution la faculté que nous attribue l'article 28 de la loi sur l'organisation du ministère, de déclarer au roi que les ministres ont perdu la confiance de la nation. En effet, il ne tiendrait qu'au roi de ne pas révoquer les ministres, ainsi qu'il èn a le droit, aux termes de l'Acte constitutionnel. Il vous dirait comme Je roi d'Angleterre : les ministres dont vous vous plaignez peuvent avoir perdu votre confiance, mais ils n'ont pas perdu celle de la nation, et pour m'en assurer, j'en appelle à la nation elle-même que je vais consulter : voilà donc un procès très inconvenable, très fâcheux engagé entre le Corps législatif et le roi ; mais comme le roi aurait un prétexte fondé, comme la conservation des ministres, malgré le vœu des représentants, n'est pas inconstitutionnelle, mais seulement difficile et qu'il peut y avoir des circonstances où cette difficulté même tournerait à son avantage, il trouverait une forme et des moyens pour introduire ce grand appel. Prévenez-le, Messieurs, en
adoptant une autre formule, qui, sans avoir l'inconvénient de la précédente, maintiendrait l'Assemblée dans la dignité dont elle ne doit pas se départir. L'Angleterre, il faut l'avouer, nous en offre encore le modèle dans des motions plus d'une fois adoptées. Il suffirait de déclarer alors que l'opinion du Corps législatif est que l'état ae la nation demande une administration ferme, efficace, étendue, qui puisse mettre fin au désordre dans lequel se trouvent les affaires, et que la continuation des ministres, dans leur place, après les résolutions prises a leur sujet, est un obstacle à l'union pour concilier la confiance du Corps législatif et du public.
Telle ést, Messieurs, l'unique échelle qu'il m'a été possible de tracer dans une carrière où il faut savoir se tenir continuellement entre les élans du patriotisme et les limites de la prudence, et où les peines étant ou faibles ou difficiles à varier, tout le mérite consiste à multiplier les formes qui multiplient à leur tour l'importance des peines. Quanti on a bien médité sur la responsabilité ministérielle, > on arrive à une réflexion frappante. Si jusqu'à présent elle a passé pour être illusoire, si on ne l'a regardée que comme un mot et une chimère, c'est moins encore parce qu'elle n'existait qu'à demi, que parce qu'elle ne pouvait presque pas être exercée ; parce qu'elle était incomplète dans les cas les plus ordinaires, c'est-à-dire dans les cas négatifs ; parce qu'elle n'avait point de commencement ; parce qu il aurait fallu des événements trop graves pour fournir un moyen de l'entamer ; en un mot parce qu'il lui manquait les degrés nécessaires pour parvenir, de proche en proche, à se réserver dans l'accusation.
Dans quelles circonstances plus décisives pou-viez-vous, Messieurs, agiter une aussi grande question que celle qui concerne l'indispensable surveillance du pouvoir exécutif et de ses agents, l'inaction de nos ministres ayant laissé, dans beaucoup d'endroits et sur beaucoup d'objets, refroidir rétablissement, de la Constitution qu'ils auraient dû accélérer et que ranime seul l'atmosphère encore brûlant au patriotisme général (Applaudissements.)-, des ennemis perfides sous le manteau sacré de la religion déchirant l'intérieur de l'Empire ; au dehors des ennemis audacieux s'efforçant d'arracher l'Europe entière de ses fondements pour la précipiter sur la France ; nos Colonies s'anéantissant dans les horreurs de la dévastation ; notre Trésor national trompant l'attente d'une longueespérance ; au milieu de nous des malentendus cruels égarant les esprits et divisant les cœurs, les uns se tournant vers la puissance exécutrice, moins encore par leurs espérances que par la crainte puérile de voir les autres dominer ; ceux-ci portant plus d'amour à la puissance législative, parce qu ils ont peut-être plus d'indépendance dans l'âme, tandis qu'avec plus de sens et d'équité, ils se persuaderaient qu'on doit affectionner également toutes les deux; à côté de nous quelques-uns de ces intrigants redoutables dont parle Tacite, qui, pour renverser le pouvoir, prêchent la liberté, et qui attaquent ensuite la liberté même pour se ressaisir du pouvoir. Mais la liberté ne se sera pas en vain levée sur nos têtes ; elle vivra, et les ministres, Messieurs, qui auront secondé ou retardé vos efforts, recueilleront les bénédictions ou l'exécration de leurs contemporains et de la postérité.
PROJET DE DÉCRET..
« L'Assemblée nationale) considérant qu'il de-
vient plus essentiel que jamais au maintien de la Constitution, que les ministres soient tenus d'apporter la plus grande activité possible à l'exécution des lois ; . *
« Que le plus sûr moyen de les y obliger, est de déterminer dans toute son étendue le mode de leur responsabilité ;
« Que cette responsabilité prévue par la Constitution, par le Code pénal et par la loi du 27 avril 1791, sur l'organisation du ministère, n'a encore été effectuée que pour les délits positifs, et qu'il reste à l'étendre aux délits négatifs ou d'omission, qui sont les plus fréquents et qui peuvent devenir aussi graves.
Qu'il convient d'employer à la fois contre ces délits les moyens de les prévenir, et les moyens de les réprimer, décrète ce qui suit :
« Art 1er. Dans les discussions qui intéresseront la sûreté
nationale, les ministres sont engagés de présenter avec exactitude au Corps législatif les
faits et renseignements qu'ils jugeront capables d'aider sa délibération : le tout en se
renfermant dans les objets relatifs àléurs départements et sans pouvoir faire aucune
proposition, ainsi que la Constitution le leur interdit.
« Art. 2. D'ici à ce qu'il soit autrement statué, les ministres rendront compte, tous les 15 jours, à l'Assemblée nationale, de l'état de leurs départements et des principales mesures qu'ils auront prises.
« Art. 3. A la fin de chaque décret urgent ou important, il sera fixé aux ministres un délai dans lequel ils devront rendre compte de l'exécution audit décret.
« Art. 4. Lorsqu'une dénonciation sera faite à l'Assemblée nationale contré un ministre, si elle est de peu d'importance, ou si ie ministre s'en justifie, le Corps législatif dira qu'il rejette la dénonciation.
« Art. 5. Si la dénonciation paraît devoir être accueillie, l'Assemblée nationale demandera d'abord au ministre des éclaircissements par écrit.;
« Art. 6. Si ces éclaircissements ne suffisent pas, ils seront renvoyés au ministre pour en fournir de nouveaux, ou bien, ils seront renvoyés soit à un comité, soit à une commission, pour le rapport en être fait ; ou bien, le Corps législatif,* s'il le juge convenable, mandera le ministre.
« Art. 7.'Si les éclaircissements donnés de vive voix par le ministre ne sont pas satifaisants, le Corps législatif pourra dire que le ministre répondra plus amplement.
« Art. 8". Si le ministre est répréhensible, le Corps législatif pourra le soumettre à une censure improbative en déclarant, par une suite de résolutions, quel a été le genre de son inaction et quelles sont les conséquences qu' elle pourrait avoir.
« Art. 9. Dans les cas où il sera nécessaire que cette censure produise encore un plus grand effet, le Corps législatif pourra déclarer que l'état de la nation demande une administration ferme, efficace, étendue, qui puisse mettre fin au désordre dans lequel se trouvent les affaires, et que la continuation des ministres dans leur place est un obstacle à l'union nécessaire pour concilier la confiance du Corps législatif et de la nation.
« Art. 10. Suivant que le Corps législatif aura acquis des preuves graves et caractéristiques de l'inaction des ministres, lesdits ministres seront sujets à accusation, et pourront être poursuivis criminellement. » (Vifs applaudissements.)
Je demande l'impression du discours et au projet de décret de M. Hérault-de-Séchelles
ainé. Je m'oppose à l'impression, mais je demande le renvoi au comité de législation, parce que le travail de M. Hérault n'a pas été communiqué au comité.
Quelques membres demandent l'impression et le renvoi au comité de législation.
D'autres membres : La division !
Je vais mettre successivement aux voix l'impression, puis le renvoi au comité de législation.
Je demande la question préalable sur l'impression.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et décrète l'impression du discours et au projet de décret de M. Hérault-de-Séchelles.)
Je m'oppose, à la motion de renvoi au comité de législation. Je demande que les comités ne soient pas ici de véritables tribunaux chargés de juger les opinions. Il faut que les membres de cette Assemblée puissent échapper à leur aristocratie et qu'ils soient dispensés ae soumettre leurs travaux particuliers à la révision despotique des comités. Je conclus à ce que le projet de M. Hérault soit mis en discussion aussitôt après l'impression. {Applaudissements.)
Un membre : J'observe que l'Assemblée en chargeant le comité de législation de présenter un travail sur la responsabilité des ministres, a cru qu'il était apte à faire ce travail, et qu'en ne lui renvoyant pas le projet présenté par M. Hérault, l'Assemblée regarde le comité comme incapable.
Plusieurs membres : C'est cela ! c'est cela !
D'autres membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.) .
Plusieurs membres: La question préalable sur la demande du renvoi ! :
(L'Assemblée consultée, rejette la question préalable, et ordonne le renvoi du projet de décret de M. Hérault au comité de législation.) .
Je demande la parole pour rendre compte d'un fait.
Il y a quelque jours vous avez décrété (1) que le général Wimpffen ferait au directoire du département du Haut-Rhin la déclaration des moyens par lesquels on a voulu le suborner pour livrer Neuf-Brisach; et qu'il déposerait les pièces originales qu'il pourrait avoir. Je reçois à l'instant d'un des membres du directoire du département du Haut-Rhin la lettre suivante :
« Nous avons vu ce matin M. Wimpffen, à qui on avait donné, de Paris, connaissance du décretde l'Assemblée nationale; il nous a dit que quand ce décret lui serait notifié officiellement, il ferait sa déclaration, mais qu'il ne pourrait désigner la personne qui lui a écrit de la part des princes, parce qu'il en a déjà effacé le nom, et parce qu'il prendrait par là le caractère de délateur, ce qui est contre ses principes. »
Le décret de l'Assemblée avait pour objet de connaître les coupables. Je ne crois pas qu'il soit permis à M. Wimpffen de détériorer une pièce originale, et dé convertir en lettre ano-nyme une lettre dont on lui demande le - dépôt. Je demande, en conséquence, qu'il soit tenu de nommer la personne qui lui a écrit la lettre.
L'Assemblée ne peut rien décider d'après un fait rapporté et transmis par un particulier. Lorque l'Assemblée aura reçu une réponse officielle du directoire du département du Haut-Rhin, elle jugera Si M. Wimpffen doit ou non obéir à ses décrets. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour. (Appuyé ! appuyé !)
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour,)
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères qui demande à lire un mémoire sur son ancienne administration du département de Vlntérieur et concernant la nécessité de procurer quelques avances à un certain nombre de départements, pour les dépenses relatives aux travaux des routes (1);
, ministre des affaires étrangères, ancien ministre de l'intérieur. Messieurs, ceci est une Suite des comptes que j'ai déjà rendus relativement aux ponts et chaussées.
Par le compte que j'ai soumis à l'Assemblée nationale le 51 octobre dernier, je l'ai prévenue que je mettrais successivement sous ses yeux différents mémoires sur des objets relatifs à l'administration des ponts et chaussées qui restaient encore à régler, et dont je venais de lui donner un premier aperçu. J'ai annoncé en même temps que, de tous ces objets, le plus Urgent était celui des avances, pour les travaux des routes, à faire à certains départements qui en demandaient avec de vives instances.
L'Assemblée nationale n'a sûrement pas perdu de vue que, par une loi du 25 février dernier, les dépenses des chemins avaient été portées, par aperçu, à 20 millions/ et avaient été comprises au nombre de celles que les départements auraient à s'imposer sur eux-mêmes, et qui devraient faire pàrtie des sols additionnels aux contributions foncière et mobilière.
Il paraît inutile que je rende en ce moment un compte détaillé de toute la correspondance,-relative aux besoins des départements, que j'ai eue avec leurs directoires, non seulement depuis, mais même avant la loi dont je viens de parler; je n'exposerai pas non plus toutes les lenteurs qu'a, éprouvées cette même correspondance de la part (f un grand nombre de directoires : on doit les attribuer, sans doute, aux circonstances inséparables de toute institution nouvelle, et surtout au défaut d'organisation des ponts et chaussées; beaucoup de ces corps administratifs se sont troùvés en effet, pendant une grande partie de ia présénte année, sans agents capables de rassembler toutes les notions qui, dans ces premiers instants, leur manquaient nécessairement.
Je rappellerai seulement ce que j'ai déjà dit dans le compte général que j'ai rendu, en dernier lieu, de la partie des ponts et chaussées ; et j'observerai de nouveau que je me suis toujours cru obligé de laisser aux différents directoires l'espérance que, dès les premiers instants, j'avais conçue moi-même, de voir l'Assemblée nationale se porter à faire quelques avances pour les travaux des routes, sur les fonds du Trésor public : c'était de concert avec le comité des finances de cette Assemblée que j'avais adopté cette mesure, sans laquelle presque tous les départements, vu le retard des impositions, fussent tombés dans un découragement qui eût été très âcheux dans les circonstances actuelles.
L'Assemblée constituante elle-même avait secondé ces vues jusqu'à un certain point, et une loi du 6 avril dernier avait ordonné « qu'il serait avancé par le Trésor public une somme de 2 millions, pour être employée, en la présente année, soit au payement des ouvrages d'art et d'entretien des routes déjà faites, Soit au payement des appointements, salaires et frais de conduitè du quartier de janvier, sauf le rèmplacement sur les départements pour les parties qui devraient être à leur charge ».
Les fonds accordés par cette loi ont été d'autant plus vite consommés', que parmi les ouvrages d'art auxquels ils devaient être appliqués concurremment avec les autres travaux, il s'en trouvait de très considérables et de très Urgents tels que ceux du Havre, auxquels une autre loi du 14 mars 1791 avait spécialement destiné une somme de 650,000 livres; Cette somme, et plusieurs autres également appliquées à des travaux du même genre, ont été imputées sur ces 2 millions, sur lequ.els, à ce moyen, 665,660 livres seulement ont été employées de manière à être dans le cas du remplacement par les départements.
Ces fonds se trouvèrent épuisés vers la fin de juin, et ce fut à cette époque que le ministre des contributions se prépara a adresser aux directoires des différents départements les instructions nécessaires pour le répartement des contributions directes, ainsi que les modèles des états qu'ils avaient à former pour déterminer les dépenses à la charge des départements, aux-qùeUes il devait être pourvu par les sols pour livre additionnels.
.Je crus alors que c'était le moment de faire déterminer par ces départements les sommes auxquelles se porteraient les travaux qui devaient être à leur charge, et j'écrivis circulairement à leurs directoires le 28 juin : par cette lettre, je leur indiquai les réductions que je croyais convenables de faire sur les sommes par eux proposées d'abord, et qui, vu l'époque de l'année à laquelle nous étions dès lors parvenus, me semblaient beaucoup trop considérables.
Par cette même lettre, je continuais à leur témoigner que l'Assemblée nationale se prêterait vraisemblablement à faire des avances sur les fonds du Trésor public; mais je leur déclarais en même temps qu'elle ne se porterait certainement à y consentir, qu'autant qu'elle aurait la ; certitude que les directoires des départéments auraient délibéré le fonds nécessaire pour subvenir à la totalité dè la dépense, et que Cé fonds serait entré dans les sols pour livre additionnels ; enfin, autant seulement que les contributions directes, ainsi que les sols pour livre seraient répartis, et qu'ainsi lé Trésor national aurait l'assurance de pouvoir recouvrer sur les contributions de 1791 les sommes qu'il aurait avancées. . . , '
Ce fut à peu près vers l'époque où cette lettre fut expédiée, que je me vis forcé de faire discontinuer même les faibles avances autorisées par la loi du 6 avril 1791, attendu que, d'une part, ainsi que je l'ai déjà dit, les 2,000,000 accordés par cette loi Se trouvaient absorbés; et de l'autre, qu'Une seconde loi du 25 juillet, en accordant 3 autres millions pour les travaux publics, avait spécifié que ce ne serait que pour ceUx qui ëtaièht à la charge de, la nation ; ce qui excluait nécessairement toutes nouvelles avances. ■ ' '
Je ne dirai rien ici de l'emploi qui a été fait de
cette dernière somme, lequel sort de l'objet particulier du présent rapport; et je vais présenter les moyens de satisfaire aux besoins urgents des départements : car je ne proposerai pas d'accueillir la totalité des demandes qu'ils ont faites par leurs réponses à ma lettre du 28 juin dernier; mais je ne croirai pas non plus qu'il convienne de tenir rigoureusement aux conditions que je supposais, par cette même lettre, devoir être exigées par l'Assemblée ; car, si elle ne procurait des avances qu'aux départements qui auraient réparti entièrement leurs impositions, bien peu seraient encore en état de profiter de ce secours. Je pense seulement qu'il ne doit être accordé qu'à ceux qui auront pris l'engagement formel de le remplacer sur les sols additionnels.
Il serait impossible de déterminer positivement les avances que le Trésor public pourra se trouver dans le cas de faire, attendu que beaucoup des directoires qui ont manifesté des besoins, n'ont pas fixé de sommes^ et qu'jl faudra attendre, à cet égard, de nouvelles réponses de leur part; que, d Un autre côté, les besoins de ceux qui déjà avaient formé des demandes, ne peuvent manquer de s'accroître successivement; et enfin, qu'il en est un certain nombre qui, jusqu'à ce moment, ont gardé le silence, mais qui peut-être solliciteront aussi des secours. Je serais porté cependant à croire que toutes ces demandes réunies pourraient se porter définitivement à près de 5 millions.
Si je suis d'avis de n'accorder en ce moment, pour cet objet, qu'une somme de 3 millions, et qui, en réalité, se réduit même, ainsi qu'on peut se le rappeler, à 1,500,000 livres, c'est parce que j'ai cru1 devoir ne pas perdre de vue les besoins de tout genre qui assiègent le Trésor public dans ces instants difficiles, et j'ai pensé d'ailleurs
au'il pourrait suffire de donnèr actuellement aux épartements une partie seulement des avances qu ils demandaient, sauf à engager l'Assemblée nationale à leur en procurer d'autres, d'ici à quelques mois, si la lenteur des recouvrements mettait absolument dans ce cas. Il semblerait convenable alors d'appliquer de préférence ces nouveaux secours aux départements dans lesquels cette lenteur aurait évidemment pour motif des circonstances locale^ qui ne tiendraient au défaut de volonté, ni des administrateurs, ni des administrés.
Je persiste donc à proposer de prendre 1 million 500,000 livres sur le Trésor public, et sur une partie des 8,031,200 livres assignés aux dépenses à la charge de ce trésor, par la loi du 25 février dernier, et en même temps, d'autoriser les directoires des départements à expédier des mandats, jusqu'à concurrence d'une pareille somme de 1,500,1)00 livres, sur la portion du produit dés rôles d'acomptes qui représente les sous additionnels des contributions foncière et mobilière de 1791.
Je dois observer qu'au nombre des dépenses qui devront être acquittées par les moyens que je propose, se trouvent J es appointements d'une partie des ingénieurs attachés actuellement aux différents départements, lesquels appointements, pour la plupart, sont arriéres depuis le commencement de la présente année.
La loi du 18 août dernier a définitivement déterminé la portion du traitement de ces ingénieurs qui devait être à la charge du Trésor public, et celle qui serait supportée par les départements. Cependant il pourra s'élever diffé-
rentes questions relativement au payement de plusieurs de ces agents, soit parce qu'il s'en trouve qui, jusqu'au moment de l'organisation, n'ont été attaches, même' provisoirement, à aucun département, soit parce que quelques autres, tels que les ingénieurs en chef des ci-devant généralités, se sont au contraire trouvés, jusqu'à la même époque, servir à la fois dans plusieurs, et qu'il serait difficile de déterminer les proportions dans lesquelles ils devraient être payés par chacun de ces départements. Je crois donc qu'il conviendra que je sois autorisé à faire payer définitivement ces ingénieurs par le Trésor public, jusqu'au moment où les uns et les autres ont été nommés aux places qu'ils occupent actuellement.
^ Il se présentera encore d'autres questions relativement à quelques-uns des ingénieurs qui sont chargés de la conduite des travaux dont la dépense est supportée par la Trésorerie nationale.
Il ne pourra y avoir de doute, à ce qu'il semble, à l'égard de ceux qui seront attachés uniquement à ces travaux; mais il pourra s'en élever quant à ceux qui auront en même temps à conduire d'autres ouvrages qui seront à la charge des départements : au surplus, j'ai lieu d'espérer que 1 Assemblée nationale voudra bien fixer promptement mes incertitudes à cet égard, en s'occupant, le plus tôt possible, de classer et déterminer, d'une manière invariable, toutes les dépenses qui devront être supportées par le Trésor public, et celles qui [le seront par les départements; cette classification, dont j'ai déjà annoncé la nécessité à l'Assemblée, sera la matière d'un nouveau mémoire qûe je me propose, de mettre incessamment soùs ses yeux. Lorsque cette dernière base aura été déterminée, les commissaires de la Trésorerie nationale, que les mesures à prendre pour faire remplacer les sommes avancées semblent devoir regarder particulièrement, se trouveront alors entièrement à portée d'indiquer aux différents départements les sommes qui, de leur part, seront dans ce cas. Ce remplacement devra comprendre également les 665,660 livres déjà avancées sur les 2 millions accordés par là loi du 6 avril dernier, et dont j'ai fait mention ci-dessus.
Je pense donc, pour me résumer, qu'il1 conviendrait :
1° D'accorder pour le moment, et sauf remplacement, une avance de 1,500,000 livres à distribuer, suivant les besoins, entre les différents départements qui ont formé des demandes, et qui ont pris l'engagement formel de remplacer, sur les sous additionnels, les secours qui leur seraient accordés. Ladite somme de 1,500,000 livres, applicable aux dépenses relatives aux travaux des routes, à prendre sur Celle restant des. 8,031,200 livres assignées par la loi du 25 février dernier, et de donnèr en même temps aux départements la faculté d'expédier des^mandats jusqu'à concurrence d'une pareille somme de I,5u0,000 livres sur la portion du produit des rôles d'acomptes qui représente les sous additionnels des contributions foncière et mobilière de 1791.
2° D'autoriser le ministrè de l'intériéur à faire acquitter définitivement par le Trésor public, les appointements d'ingénieurs qui se trbuveront ne devoir être supportés par aucun département et ce, jusqu'au moment où les ingénieurs qui seront dans ce cas, auront passé aux places qulls remplissent en cet instant.
3* De charger les commissaires de la Trésorerie nationale de prendre les mesures convenables, aussitôt que la classification des dépenses relatives aux travaux publics aura été déterminée, à l'effet de faire remplacer par les départements toutes les sommes à eux avancées dans le cours de l'année 1791, pour dépenses qui auront été jugées devoir rester à leur charge.
Un membre : Je demande le renvoi du mémoire du ministre aux comités d'agriculture et de commerce et des dépenses publiques Téunis.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre aux comités d'agriculture et de commerce et des dépenses publiques réunis, et en décrète l'impression.)
, nommé membre du comité d'examen des comptes et membre du comité de surveillance, déclare opter pour le comité de surveillance.
, nommé membre du comité des pétitions et membre du comité de surveillance, déclare opter pour le comité de surveillance.
, nommé membre du comité d'instruction publique et membre du comité de surveillance, déclare opter pour le comité de surveillance.
' Un membre, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret sur Vaffaire du sieur Tardy, mis en état d'arrestation à Quimper, par ordre du directoire du département du Finistère; il s'exprime"ainsi :
Messieurs, le ministre de l'intérieur a envoyé à l'Assemblée nationale, le 26 novembre dernier, une lettre par laquelle le sieur Tardy, inspecteur des douanes à Quimper, se plaint de ce que les administrateurs du département du Finistère l'ont fait mettre en état d'arrestation. Les admi* nistrateurs de ce département ont, de leur côté, envoyé l'extrait du procès-verbal de leur séance du 19 du même mois, qui contient leur arrêté et les motifs qui y ont donné lieu. Je suis chargé de vous en faire le rapport.
Le comité, Messieurs, s'est proposé deux questions. La première est celle de savoir à qui du Corps législatif ou du pouvoir exécutif il appartient de prononcer sur les faits et les suites de cette arrestation; la seconde est celle de savoir si les administrateurs du département ont pu se permettre, dans la circonstance où ils se sont trouvés, d'ordonner l'arrestation du sieur Tardy.
La première question dépend nécessairement de l'ordre judiciaire, et doit être conséquemment soumise au tribunal chargé de prononcer sur cette arrestation.
La seconde paraît au premier coup d'œil rentrer dans le nombre de celles qui devraient être soumises au jugement d'un tribunal; mais un examen plus approfondi de cet objet a conduit votre comité à penser qu'il était de la compétence de l'Assemblée nationale. En effet, cette question se réduit en dernière analyse à celle-ci : Les administrateurs chargés par les décrets de veiller au maintien dé la tranquillité et de la sûreté publiques ont-ils pu, dans un moment d'alarmes, dans un moment où la patrie est menacée, où la patrie est même en danger, faire arrêter un individu dont le signalement est proclamé dans un décret d'accusation? Ont-ils bien ou mal administré? L'approbation ou l'improbation de
Tardy, résidant à Quimper, que d'approuver ou improuver la conduite des administrateurs qui se sont décidés à le mettre en état d'arrestation.
Si donc l'arrestation de ce sieur Tardy n'est pas, à proprement dire, un acte judiciaire, si c'est un acte de grande administration excité par la voix publique et commandé par le zèle des administrateurs ; si cette arrestation, en privant momentanément un citoyen de quelque portion de sa liberté, était impérativement exigée par les circonstances; si ceux qui l'ont ordonnée et fait exécuter ont pu suppléer à ce qui leur manquait de pouvoirs directs et officiels par l'examen le plus réfléchi des principes, des circonstances, des dangers et des avantages d'une démarche peut-être liardie mais ferme et trop évidemment dictée par l'amour du bien public, pour être soupçonnés d'avoir agi par passion ou par prévention; si, enfin, on ne peut se dissimuler qu'en blessant les droits de la liberté individuelle pour la conservation de la liberté publique, les auteurs de l'arrêté ont prouvé le respect dont ils étaient pénétrés pour ces principes sacrés, en employant tous les moyens qui leur étaient offerts et en n'employant que ceux qui étaient indispensables pour s'assurer d'un nomme suspect; si enfin, dis-je, des circonstances extraordinaires ont exigé une mesure extraordinaire, vous placerez sans doute, Messieurs, le cas où s'est trouvé le département du Finistère dans le nombre de ceux où la loi suprême du salut du peuple doit être principalement consultée.
Votre décret était connu dans le département du Finistère, comme dans celui de la Gôte-d'Or. Dans le temps même où le procureur général i syndic du département de la Côte-d'Or, chargé officiellement de l'exécution de votre décret, faisant emprisonner, dans la crainte de laisser échapper les coupables, un nommé Tardy, habitant près de Dijon, les regards des citoyens et des corps administratifs se portaient, aans le département du Finistère, sur un homme du même nom,- auquel s'appliquait parfaitement le signalement porté par votre décret d'accusation du 12 novembre. La feuille intitulée le Moniteur, avait publié à Landerneau ce décret, le 18 du même mois. Or, il se trouve à Quimper un sieur Tardy, natif de Dijon, et on y sait que vous avez mis en état d'accusation un sieur Tardy, natif de Dijon; il se trouve à Quimper un sieur Tardy, inspecteur dés douanes, et vous avez accusé un sieur Tardy, employé dans les douanes ; la ville de Quimper, voisine des frontières maritimes, est le lieu de résidence du sieur Tardy; et l'on vous a dénoncé le sieur Tardy, employé dans les douanes sur les frontières. Le bureau municipal adressa aussitôt au directoire du département lès motifs qui le déterminaient à croire que ce particulier était celui qui était désigné par le décret. Les mêmes soupçons l'avaient prévenu à Quimper, le sieur Tardy lui-même déclara que la ressemblance était singulière. Le conseil du département manda le sieur Tardy, et après l'avoir interrogé, le mit provisoirement énétat d'arrestation, et fit mettre le scellé sur ses papiers.
Les administrateurs du Finistère ont cru, sans méconnaître les principes, ne pas devoir négliger l'indice qui leur était donné par le bureau municipal de la ville de Landerneau, par le procureur général syndic et par la voix publique; ils ont cru qu'ils avaient, au moins dans ces circonstances critiques, le pouvoir qui est ac-
cordé par la loi du juré à tout citoyen de saisir un homme poursuivi par la clameur publique ou dénoncé ; ils ont cru qu'en mettant en état d'accusation un sieur Tardy, de Dijon, employé dans les douanes, vous les aviez autorisés à mettre les scellés sur les papiers d'un sieur Tardy, de Dijon, sauf à être responsables aux termes de la loi s'ils ont agi méchamment ou par envie de nuire.
D'après ces considérations, Messieurs, votre comité de législation s'est déterminé à ne voir dans l'arrêté du département du Finistère, qu'un acte de grande administration qui doit avoir son exécution, et d'après lqpuel il semble que vous devez ordonner la translation du si'eur Tardy dans les prisons d'Orléâns. H vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de législation civile et criminelle,
« Décrète qu'en exécution du décret d'accusation du 12 novembre dernier, le sieur Tardy, de Dijon, inspecteur principal des douanes à Quim-per, sera transféré sous bonne et sûre garde, du lieu de son arrestation actuel, dans les prisons de la ville d'Orléans. »
Je demande qu'il soit fait mention honorable de la conduite du département.
Les différents motifs qui ont été développés par le rapporteur du comité se réduisent à celui-ci : l'intérêt de l'Etat l'exige que vous confirmiez l'arrestation du sieur Tardy, faite de l'ordre du département du Finistère. Mais, Messieurs, rappelons-nous les circonstances dans lesquelles a été porté le décrét d'accusation contre le sieur Tardy aux yeux de l'Assemblée nationale; le seul motif de son accusation a été
3ue le sieur Tardy était nommé dans une lettre u sieur Varnier. Cette lettre se tait sur le signalement du sieur Tardy. Nous espérions retrouver dans le procès-verbal quelque fait, quelque inculpation contre ce détenu. Il ne contient rien qui l'accuse; on y lit seulement qu'il est reconnu pour aristocrate. Or, Messieurs, est-ce sur cette ridicule imputation que vous pouvez envoyer un homme dans les prisons d'Orléans? 11 est un premier principe, c'est que l'intérêt de l'Etat peut bien autoriser des mesures rigoureuses, mais jamais il ne peut ni ne doit autoriser une mesure injuste, et la violation du premier, du plus sacré de tous les droits de l'homme, la liberté. Le directoire du département du Finistère ne pouvait faire d'arrestation en sa qualité de corps administratif; à plus forte raison ne pouvait-il en faire sur les renseignements d'une simple gazette. Je demande la question préalable sur le projet du comité.
Un membre : Est-ce vous qui devez vous mêler des fonctions judiciaires? Pourquoi perdre à une discussion, tout au moins inutile, un temps très précieux? Je demande qu'on laisse aux tribunaux le soin de juger entre le sieur Tardy et le directoire du département du Finistère, que la discussion est fermée et le projet de décret du comité adopté. {Murmures à droite.)
Un membre : Il est dit dans la lettre du sieur Varnier, qu'un employé des douanes qui coopérait avec lui était chargé d'enrôler des employés des fermes pour les envoyer à Manheim. Or, peut-il paraître vraisemblable qu'un homme chargé d'une semblable commission, qui devait être en rapport, d'un côté avec Goblentz, de l'autre avec Dijon, aura été établir son poste, où? A Quimper, à 200 lieues de là.
Plusieurs membres : La discussion ferméeî
Je demande à parler contre la proposition de fermer la discussion. Ce n'est pas lorsque tous les principes ont été violés que ron peut fermer la discussion ; ce n'est pas lorsque le comité de législation croit excuser l'attentat commis contre la Constitution que l'on, peut fermer la discussion. (Applaudissements à droite.— Murmures à gauche.) Ce n'est pas lorsque l'Administration enfreint les lois constitutionnelles, ce n'est pas lorsque les citoyens sont arrêtés sur des nouvelles contenues dans les papiers publics, que l'on peut fermer la discussion. Fermer la discussion, c'est perdre la liberté, c'est perdre la Constitution, c'est consacrer qu il est libre de porter atteinte à la liberté individuelle. Or, Messieurs, je le demande à l'Assemblée, pour son honneur et pour le salut de la Constitution, cette discussion doit être continuée. Je demande à démontrer que le département est coupable et doit être repris pour avoir violé la Constitution. (Applaudissements à droite. — Murmures à aaucjie.)
Plusieurs membres demandent la parole.
L'Assemblée devient tumultueuse.
(à la tribune). Je demande la parole contre la ctôture de la discussion et pour combattre le projet de décret du comité.
Vous avez la parole, si l'Assemblée ne ferme pas la discussion.
Un membre : Je vous prie, Monsieur le Président, avant de mettre aux voix si la discussion sera fermée, de demander si quelqu'un veut encore parler en faveur du détenu.
Plusieurs membres à droite : Appuyé ! appuyé !
aîné. Je demande la question préalable sur cette dernière motion.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette dernière motion et ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur le projet du comité.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet du comité. (.Applaudisse-ments dans les tribunes.)
Je demande, par amendement, qu'il soit porté un décret d'accusation contre le sieur Tardy. L'Assemblée ne peut décréter qu'il sera transféré aux prisons d Orléans, que lorsqu'elle l'aura mis en état d'accusation, et je soutiens que le décret porté contre le sieur Varnier ne peut s'appliquer au sieur Tardy.
Un membre : Je ne conçois pas comment M. Foissey peut mettre en question si M. Tardy est en état d'accusation. Il suffit de lire le décret rendu contre le sieur Varnier, pour savoir que le sieur Tardy, de Dijon, employé dans les douanes nationales, et le sieur Noireau, sont mis en même temps en état d'accusation. Sur la dénonciation de la municipalité de Landerneau, le département du Finistère a mandé le sieur Tardy, et s'est convaincue qu'il était de Dijon, qu'il était employé dans les douanes nationales, qu'il était seul de sa famille employé dans les fermes, et c'est alors que le département du Finistère l'a mis provisoirement en état d'arrestation et qu'il vous en a référé. C'est donc le cas d'adopter purement et simplement l'avis du comité.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
Quelle que soit la différence des opinions, il y a un point sur lequel il faut se reunir : c'est de savoir s'il y a identité de per-
sonne ; or, je demande à prouver que la lettre du sieur Varnier désigne un tout autre sieur Tardy que celui qui est à Quimper. (Les murmures couvrent la voix de Vorateur.)
Un membre : J'observe à l'Assemblée que ceux qui pensent que le sieur . Tardy, arrêté à Quimper, n'est pas celui désigné dans la lettre, du sieur Varnier oublient les rapports qu'il y a entre Coblentz et les côtes de la Bretagne. Nous avons vu les émigrés passer en Angleterre, pour de là gagner Ostende, et enfin Coblentz. Pourquoi le sieûr Tardy, inspecteur des douanes à Quimper, n'aurait-il pas fait suivre cette route aux enrôlés qu'il rassemblait, de connivence avec le sieur Varnier?
(Plusieurs membres veulent présenter de nouvelles'observations.) î
Plusieurs membres à Vextrême gauche : La discussion est fermée !
D'autres membres : La question préalable sur les amendements!
(L'Assemblée rejette les amendements par la question préalable et décrète le projet du comité de législation.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Etat nominatif des sujets nommés aux sous-lieutenances) dans les troupes à pied et à chevaly à la date du 15 septembre 1791 (2).
INFANTERIE.
Etat des nominations à des sous-lieutenances d'infanterie, qui ont été faites à la date du 15 septembre 1791, et dont les expéditions ont été envoyées, soit avant, soit depuis le 15 septembre dernier.
ier régiment.
Fix.
Varinguen.
Laloux.
Buisse.
Gos.
Taaffe.
Plaidot.
2e régiment.
Chevigny, cadet gentilhomme réformé. Dumaine, sous-lieutenant réformé. Kerdanielle, cadet gentilhomme réformé.
3e régiment.
Chatelin. Baudot.
(-1) Voir ci-dessus, page 506, la lettre du ministre de la guerre sur cet objet.
(2) Ribliothèque ae la Chambre des députés : Collection des affaires du temps, Rf. in-8° 165, tome 157, n» 12.
Colas de Bussy. Besson. Patri. Lepoudré.
Delpéré, cadet gentilhomme réformé.
Dumesnil.
Tardy.
Colas de L'Hopiteau. Pinton. Sarralier. Puttriot.
4e régiment.
Millet.
Legaucher, cadet gentilhomme. D'Auterive, cadet gentilhomme. Delarre. Endrieu.
5? régiment.
Merlin. Nicolaï. Merval.
Pi^net, cadet gentilhomme réformé.
Fontbesse. Grosourdy. Ducasse. Boileau.
6° régiment.
. Qhermont, sous-lieutenant réformé, Dupùjet, sous-lieutenant réformé. Vambes, cadet gentilhomme. Desilles, cadet gentilhomme. Vincent, sous-lieutenant réformé. Lacombe.
Poirot de Valcourt. Poirot de Labergerie. Dulphé. Boisdesguais.
7? régiment. Gosset, sous-lieutenant réformé.
8° régiment.
Biencourt, sous-lieutenant de remplacement, réformé. Gromard.
Legoules, sous-lieutenant réformé. Mullerois, élève de l'Ecole militaire. Putricourt, sous-lieutenant de remplacement, réformé.
Vinceneux, porte-drapeau, réformé.
96 régiment. De Sarreau, sous-lieutenant de remplacement.
11e régiment.
Crosofont, cadet gentilhomme réformé. Pompadour, cadet gentilhomme réformé. Moléon, sous-lieutenant réformé.
12e régiment.
Filley. Dupont.
Folleville, sous-lieutenant réformé.
Gaumartin. Beaulieu ; Filley-César. Bontemps. Gaudrée,
Dupont (François). Letournoulx.
13° RÉGIMENT.
Coguereau.
Bidal.
Sulins.
Kerden, sous-lieutenant réformé. Marsalès, sous-lieutenant réformé. Desgarres, cadet gentilhomme réformé. De Lubersac, cadet gentilhomme réformé. Despalonges.
14e RÉGIMENT.
Bresson.
Lagarrière, sous-lieutenant de remplacement»
Capiegnot.
Labourdonnois,
Labassée.
15e RÉGIMENT.
Boisgelins, cadet gentilhomme réformé. > Dumans. Legier.
16e RÉGIMENT.
Tarsat. Michel. Glaise. Grandjean.
Villiers, sous-lieutenant de remplacement. g Croizel, cadet gentilhomme réformé. Montegins, sous-lieutenant de remplacement. Magny-Lenville, sous-lieutenant de remplacement.
18e RÉGIMENT.
Poncet, sous-lieutenant réformé. Monget, cadet gentilhomme réformé. Kermosan, cadet gentilhomme réformé. Klencriche.
Rochefort, sous-lieutenant réformé. Latour, sous-lieutenant réformé. Morandel.
19e RÉGIMENT.
Gompère, cadet gentilhomme réformé. Labarre, cadet gentilhomme réformé.
20° RÉGIMENT.
Gérard, porte-drapeau réformé. Daulat, cadet géntilhomme réformé.
Lavillette. Binot.
21e RÉGIMENT.
22® RÉGIMENT.
Lasalle, sous-lieutenant de remplacement, réformé. Terson. Depons.
Rugon.
Rugon (Pierre).
Lanigon.
Depons (Pierre).
Barlas, sous-lieutenant réformé.
Lambert.
23e RÉGIMENT.
24e RÉGIMENT.
Théry.
Depinay-Saint-Luc, sous-lieutenant réformé.
Reiguyer, porte-drapeau réformé.
Belli.
Frossard.,
Peneau.
Cabieau.
Duboville (Charles).
Sagniez.
Duveyrier.
Tremblé.
Rinet.
25e RÉGIMENT.
Rouyer.
Daigremont, cadet gentilhomme.
Fondmichel.
28° RÉGIMENT.
29° RÉGIMENT.
Jubinville, cadet gentilhomme réformé. Montmoanier.
Garnier, cadet gentilhomme réformé.
Loison.
Brincourt.
30e RÉGIMENT.
Duvigneau.
Merle, cadet gentilhomme réformé. Detincourt, cadet gentilhomme réformé.
Royau.
31e RÉGIMENT.
34e RÉGIMENT.
Mercier.
Desginen (François). Ghampeau.
Ghalabre, cadet gentilhomme réformé. Dupatural.
Després, sous-lieutenant réformé.
Devaux.
Decorde.
Martel.
35* RÉGIMENT.
Trocart.
Dumas, cadet gentilhomme.
Dursac.
Biozat.
36® RÉGIMENT.
Peret-Tregadoret. Gromun. Peties. Palasue. _
Bonneyens, cadet gentilhomme réformé. Bruneteau, cadet gentilhomme réformé.
37e RÉGIMENT. La Grange de Darnac.
40e RÉGIMENT.
Tiremois.
43° RÉGIMENT.
Dupon (Sébastien). Gnspin.
Desessart, sous-lieutenant réformé.
Dominé.,
Verges.
De Beurges, cadet gentilhomme réformé. Videand, cadet gentilhomme réformé. Bellefona, sous-lieutenant réformé. Péchollier, sous-lieutenant réformé. Gallabes, sous-lieutenant réformé. Anteline-Agapithe.
44" RÉGIMENT.
Gossuin.
Bris.
Burthe.
Saint-Léger.
Froment.
Boulard, cadet gentilhomme réformé.
Pellot.
Dumets.
Meau.
Petit.
Lambel.
Hamelin.
D'Anselme.
46* RÉGIMENT.
47® RÉGIMENT.
Broche, sous-lieutenant réformé.
Dupargnat, idem.
Kernescot, idem.
Saval, cadet gentilhomme réformé.
Desohne.
Tririon. Ghevalot.
Biard.
Goffard.
Lefèvre.
Lafontaine.
Gigot.
Montfort.
Tiran.
D'Ebhecq.
Tiran.
Pomies.
Gondat.
Detang.
Charel.
Bexon. Duteil.
48® RÉGIMENT.
49e RÉGIMENT.
50e RÉGIMENT.
52e RÉGIMENT.
Neufchaise, cadet gentilhomme réformé.
Greazan.
Gœnah.
Ricard.
Kuppel Mayer, sous-lieutenant surnuméraire. Kuppel Mayer (Joseph), idem. Nevers, idem.
54® RÉGIMENT.
Bonassier. Cabrol. Damusartin.
Devilleneuve, cadet gentilhomme réformé. Fabre de La Douay.
55® RÉGIMENT.
Belzereye. Belsevrie (Maurice). Guonnet du Merville. Baudart. Polot. Touyon. Georges. Georges (Justin).
56* RÉGIMENT.
Demeaux. Dagache. Omnes-Omnibus. Atilet. Marchais. Belhade. Garias. Le Brun.
57® RÉGIMENT.
Le Gros, sous-lieutenant réformé. Defeline, cadet gentilhomme réformé. Ghevardin. Fougerolles. Fougerolles (Claude). Lewawasseur. La Rade.
La Rade (Grégoire). Raison.
70® RÉGIMENT.
Girard de Rosay, sous-lieutenant de remplacement.
De Rouvières, idem.
Prudhomme-Muroc, idem.
.71® RÉGIMENT.
De Biotière, sous-lieutenant réformé. Le Bloy, idem.
Gortey, cadet gentilhomme réformé. La Bérolière, sous-lieutenant réformé. Mornay, cadet gentilhomme réformé. Jurry. Marodat. Besse. Lesterpe. Marodat (Louis).
72® RÉGIMENT.
Beuvron, sous-lieutenant de remplacement. De Tocqueville, idem.
74® RÉGIMENT.
Hoetz. Votte.
Dutrain.
La Rochayenoud.
Déjugé.
Desegaux.
Dasbalettier, sous-lieutenant réformé. Bandenel.
78° RÉGIMENT.
Devilliers (Antoine). Uzelet. Gomminge. Le Brun.
Des Echolles Girod. Le Payen (Antoine)J Destuts, élève de l'Ecole militaire. Du Breton.
81® RÉGIMENT.
Bigourdois. Levent.
Louvel de Fresne, sous-lieutenant réformé. Conseil, idem.
Desfourneaux, idem.
Dupuch.
De L'Église, sous-lieutenant réformé. Foucaucourt, idem.
83e RÉGIMENT.
Dubreuil, sous-lieutenant réformé. Truchet, cadet gentilhomme réformé. Glace, sous-lieutenant réformé. Bavalier.
Ghâtennelos, cadet gentilhomme réformé. Verdal, sous-lieutenant réformé. De Rouville.
84e RÉGIMENT.-
Saint-Simon.. Le Juge de Bazoche. De Vareil.
Lagourtière, cadet gentilhomme réformé.
87e RÉGIMENT.
Valers. SÔchiel. Biercke. La Touche.
REGIMENT.
Dallon (Edouard).
Bourke.
Meyere.
Dalon (Alexandre). Chassereau. Nagle.. Houdouart. Chancelle, le jeune. Chancelle, l'aîné. Schée.
89e RÉGIMENT.
Delau.
Dech.
Montène.
Thoelner.
Bizonace.
Crancé.
Varriot.
Lambert.
Mirelet. Vallenont. Delort. Demiessel.
Adescky (Nicolas-Louis).
90e RÉGIMENT
Pelacot,
Farbufc
Théry.
De Roche.
Souplet.
Desart.
Duquesnoy.
Picolt.
Albert.
91e RÉGIMENT.
Le Guales, sous-lieutenant réformé.
De Bonneval, idem.
Trudon de Rey, cadet gentilhomme réformé.
Landrevick, idem.
DeRuy.
94* RÉGIMENT.
Dupues. Gesch. Maury. Gallois.
Brein, élève de VEcole militaire.
Brionde.
Richey.
96e RÉGIMENT.
Golbert, sous-lieutenant réformé. Ghettzer.
105e RÉGIMENT.
Mondolot. Girard. Regnier. De Morières. Le Jeune.
Nominations d'une date postérieure au 15 septembre et dont les expéditions ont été faites antérieurement au 15 octobre.
36° RÉGIMENT.
Servilanges. Robinel. Hamelinave, Grignon ae Bônvalet.
Ces remplacements ont été faits conformément au décret du \0 octobre. Les expéditions ont été faites le 12 octobre.
47® RÉGIMENT.
Fouchart.
Boisrot.
Dufour.
Marchand.
Amjubeau.
Labeaume.
Mabelle de Bronach.
Ce régiment se trouvait dans le même cas que le 36e.
Il a été expédié le 4 octobre.
Régiments qui s'embarquent et dont les remplacements ont été faits depuis le 15 octobre.
Dambly. Lahoussaye.
15e régiment.
18e régiment.
Lacour. L'Epinay.
Cordier, sous-lieutenant de remplacement,
Jobert.
Lafert.
78e régiment.
Le Payen. Ravinel. Bachelier. Gheperse.
87e régiment.
Roclans. Dellins. Deshin. Druriez.
Macdermot, sous-lieutenant en pied réformé.
Trante.
Mandeville.
73e régiment.
Moriat. Malzac. Ganeau. Deschelt. La Guillaumye. Cambier. Tracellon. Le Gendre.
16e régiment.
Plovier.
Thibaud.
Valet.
Goligneau.
Coquet.
L'Aurube.
Berard.
Deschamps.
Troupes à cheval.
Etat des sous-lieutenants dont les nominations ont été faites à la date du 15 septembre 1791 et dont les expéditions ont été envoyées, soit avant, soit depuis le 15 octobre 1791.
CAVALERIE.
lor régiment.
Champagne.
DolbeDe de La Gravière.
Wanhonaker.
2e régiment.
Saint-Victor.
Kellermann.
Briche.
Dietriche.
Namuroy.
3e régiment.
Boulleville. Vauquelin. Beyré de Pignan.
4e régiment.
Giraud des Echerolles.
La Brouë.
Auger.
Pouilly.
6° régiment.
Collinet de La Salle.
8e régiment.
Picot. Aulas.
9e RÉGIMENT
Luttrac.
Gras de Preigue.
10e régiment.
Sturlac.
Dussumier.
Bixedor.
Domuet de Siglas.
Devault.
Blancard.
Blancard.
11e régiment.
12e régiment.
Courtomanche, sous-lientenant de remplacement, réformé.
Tudert, sous-lieutenant de remplacement, réformé.
Teret.
13e régiment.
14e régiment.
Larigaudière, sous-lieutenant de remplacement, réformé. Siquet de Villars. Mortier, Bouran. * Delency.
15* régiment.
Brukelan, sous-lieutenant de remplacement, réformé. Baldelli. Duhardas. Duhardas. Reibbel. Rouf.
16e régiment.
Lalande-Sainte-Croix. Lecrept.
17e régiment.
De La Roche, sous-lieutenant de remplacement, réformé.
18e RÉGIMENT.
Hery.
Bessière, porte-étendard réformé.
19e régiment.
Denoul. Savary.
20* régiment.
Voyon. Destagniol.
21e régiment.
Lostange.
22e régiment.
Sainte-Croix.
24® régiment.
Valcourt.
CARABINIERS.
1er régiment.
Castelbajac. Blanchaud. Berthier de Bissy.
2° régiment.
Dambly.
Terrast.
Dareambal.
Balthazard.
Gouel.
Gouel.
HUSSARDS. 5° régiment.
Bïgonet.
DRAGONS. 1er régiment.
Lavie.
2e régiment.
Geoffre. Yentavon.
3° régiment.
Valaurie de La Garde.
Corbineau.
Blessimard.
46 régiment.
Massip.
Gando-Paquel. Migot.
Borné d'Altier.
Baillot.
D'Aiguillon.
5e régiment.
Dampierre. Germont.
Saint-Gricq. *
Saint-Cricq.
6e régiment
Perard.
Delorme.
Vimal-Flouvat.
7e régiment.
Launay. Lebel. Dufay. Canavas.
8e régiment.
Pernot. D'Estoquiny.
9e régiment. Bedos de Baudecourt.
10e régiment.
D'Estresses. Dèsisles. Audubert.
Didelon. .
11e régiment.
Lasalle. Pomard. Courlandou.
12e régiment.
Marliave. Breek de Bissy. Royer.
Charbonnier.
13e régiment.
Giraud. Coitier. Bureau. Hay.
14e régiment.
Rochefort. Garnoult. Giraud.
15e régiment.
La Barthe. Roussel. Leehaut. Marchais.
16e régiment.
Veillet.
17® régiment.
Pons. Prilhy.
18® régiment.
Bougot.
CHASSEURS.
2e régiment.
Coustard de Saint-Lô. Barrai.
Douet de Boulaye. Bidal.
3® régiment.
Soubiraud-Renaud. Latour-Maubourg. Hœner.
4® régiment.
Kuhn. Guy.. Venaut. Doumèce.
5® régiment.
Hébert. Besse. La Borde. Sarrazin-Marge. Amyot. Laraemelle.
7e régiment.
Charton. Bareillier. Raneuf. Souet.
Goujet de La Rimerie.
Remecourt.
Guignard-Duplessis.
8e régiment.
Dumans.
Bertrand de Boislarge.
Levrault.
Guge.
D'Orsanne.
Barthelemot-Sorbier.
Charpentier.
Vaqueur.
La Roche.
Pruneville.
Rousseau.
Milon.
Delorme.
Morlant. Obry. Lamane. Jorry.
9e régiment.
11° régiment.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
NOTE des décrets sanctionnés par le roi ou reçus par lui pour les faire exécuter, depuis lé 17 jusqu'au 26 novembre 1791.
dates des décrets
12 novembre.
14 novembre.
15 novembre.
20 novembre.
21 novembre.
21 novembre.
12 novembre. 19 novembre.
noté des decrets
dates de la sanction
Décret relatif à la confection de la liste des hauts jurés, au Non sujet à la projet de proclamation pour la convocation de la haute cour sanction. Le roi nationale, et à la nomination des quatre grands juges et des en a ordonné deux grands procurateurs de la nation. l'exécution lé 21
novembre.
Décret qui accorde la somme de 10,370,312 livres demandée par le roi pour les secours à porter a la colonie de Saint-Do-mingue.
Décret contenant l'état nominatif des deux hauts jurés dont les nominations sont reconnues valables, et qui charge le pouvoir exécutif de faire les diligences nécessaires pour faire faire la remise des procès-verbaux de nomination, que treize départements n'avaient pas envoyés.
Décret pour mettre en liberté les sieurs Tardy et Noireau, détenus dans les prisons de Dijon.
20 novembre.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 17 novembre.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 20 novembre.
Décret qui charge le directoire du district de Montaigu d'en- Non sujet à la voyer le procès-verbal de la démission des officiers municipaux sanction. Le roi de Montaigu, et de l'installation du curé constitutionnel de cette en a ordonné ville. l'exécution le
23 novembre.
Décret pour mettre en activité la haute cour nationale à Or- Non sujet à la léans, et pour faire transférer dans cette ville les sieurs Varnier, sanction.. Le roi Tardy et Noireau. en. a ordonné
l'exécution le 23 novembre.
Décret relatif aux écoles de mathématiques et d'hydrographie 25 novembre, de la marine.
Décret relatif aux compte, recensement et brûlement des assi- 25 novembre, gnats mis hors d'état de servir, par quelque vice dans l'application du timbre ou des numéros.
19 novembre. Décret qui autorise la municipalité de Nantes à faire un em- 25 novembre.
note des décrets
dates des décrets
20 novembre.
20 novembre.
26 novembre.
prunt de 600,000 livres pour l'achat de grains nécessaires à la subsistance des habitants.
Décret qui prescrit la nouvelle forme des estampilles dont les receveurs de district feront usage pour les assignats destinés au brûlement.
Décret portant que les employés supprimés continueront de jouir, jusqu'au 1er janvier 1792, des secours fixés par le décret du 8 mars 1791.
Décret portant établissement d'un tribunal pour la poursuite et le jugement des Crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon et le Gomtat-Venaissin, depuis le 23 septembre dernier.
Paris, le 1er décembre 1791.
Signé : M.-L.-F. DuporT.
dates
de la sanction
25 novembre.
25 novembre.
26 novembre.
Séance du
présidence de m. lemontey, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 2 décembre.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses, lettres et pétitions suivantes :
1° Adresse de la session du conseil du département de VAude, séfint à Carcassonne, pour féliciter l'Assemblée nationale sur le décret relatif aux émigrés rassemblés sur les frontières, et pour solliciter une loi qui prive de tout traitement, lés -prêtres non assermentés. Cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs,
« L'Europe a les yeux fixés sur vous ; vous êtes l'espérance de la patrie, vous serez la terreur de ses ennemis.
« C'est en vain, qu'au moment où vous aviez juré de vivre libres ou mourir, les ennemis du bien public désertaient l'Empire, et, par de vains projets, cherchaient à répandre la division parmi nous; la dernière convulsion de leur désespoir vient d'échouer contre votre fermeté.
« Ce fut lorsque l'Assemblée constituante était environnée de dangers et des ruines du despotisme, qu'elle déploya toute son énergie; et la France fut libre. Cet exemple magnanime étonna l'Europe, et la tint enchaînée par l'irrésistible ascendant de l'admiration.
« Vos premiers pas dans la carrière que vous parcourez étaient environnés d'autant de dangers que ceux de vos prédécesseurs ; vous marchiez sur les écueils; us étaient semés sous vos pas ; fidèles à vos serments, vous n'avez pas oublié le devoir que vous impose l'engagement que vous avez contracté.
« Vous avez pensé que, pour commander le respect aux nations, affermir à jamais notre sublime Constitution, réduire à un honteux silence toUs nos ennemis, il fallait commencer par un acte de vigueur, qui leur annonçât que vous vouliez prendre, dans le corps politique, la pré-
pondérance due à la dignité d'un grand Empire.
« Votre décret contre les émigrés est l'achèvement de la conquête de la liberté. Les départements méridionaux le célèbrent avec le même transport qu'ils célébrèrent les travaux de nos premiers représentants, à l'époque de cette nuit mémorable qui fut le tombeau des Bastilles, de la féodalité et du despotisme.
« Les prêtres, ennemis des lois, osent encore attaquer cette liberté. Ils appellent tous les malheurs contre la France ; ils l'investissent de malédictions, ils lui suscitent des ennemis jusqu'à l'extrémité de l'univers ; ils fondent son numéraire jusqu'à épuisement; ils le font couler dans les mains de ceux qui doivent les servir dans l'exécution de leurs infâmes projets.
« Législateurs, la nation ne doit plus soudoyer des citoyens perfides; leur salaire doit rester dans le Trésor public, pour venir au secours d'un million d'indigents. Il serait impolitique de conserver ses bienfaits à de vils, à de lâches conspirateurs.
« Un décret qui les privera de leur traitement, s'ils ne jurent d'obéir à la loi, en imposera à tous ces fanatiques, et rendra à la religion tous les droits qu'ils s'efforcent de lui ravir.
« Le département de l'Aude ne craint pas de vous le demander, il le croit indispensable, et tandis qu'en couronnant l'immortel ouvrage de vos prédécesseurs, vous partagerez avec eux la reconnaissance et les bénédictions du peuple, il maintiendra avec un zèle infatigable l'ordre si nécessaire à la perfection de vos importants travaux; et il invitera toujours ses concitoyens à se rallier autour du Corps législatif, vrai centre de la force et de la prospérité nationales. (Vifs applaudissements.) ^
« Arrêté au conseil du département de l'Aude, ce 21 novembre 1791. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée ordonne que cette adresse sera insérée au procès-verbal, et qu'il en sera fait une mention honorable.) h
2° Lettre de M. Naudeville, électeur de la section du Louvre, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée nationale, de 50 exemplaires d'un ouvrage ayant pour titre : Compte rendu des séances électorales de 1791.
(L'Assemblée agrée cet hommage et ordonne qu'il en sera fait une mention honorable au procès-verbal.)
3° Pétition de Fontaine de Brassine, ci-devant garde-magasin des hôpitaux de l'armée de Rocham-beau, à Philadelphie : il réclame : 1° une demi-année des appointements dont il jouissait; 2° 500 livres qu il dit avoir avancées pour son retour en France ; 3° une gratification telle que l'ont obtenue les autres gardes-magasins de l'armée de Rochambeau ; 4° une indemnité proportionnée au préjudice qu'il a souffert par une injustice détention.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
4° Adresse de trois cents citoyens de Calais pour exprimer la joie qu'ils ont éprouvée à la nouvelle du décret rendu contre les émigrés et la douleur dont les a pénétrés le veto du roi ; cette adresse est ainsi conçue :
« Représentants de la nation,
« Le décret sur les émigrants avait comblé les vœux des patriotes. Des cris de joie s'élevaient déjà, de toutes les parties de l'Empire; déjà des actes d'adhésion partaient pour vous exprimer ia reconnaissance de la nation.
« De vilè conspirateurs, ennemis de la raison, et de notre liberté, sur qui toutes les voies de douceur avaient été impuissantes, allaient être dispersés par une rigueur juste et éàlutaire; ils allaient cesser de menacer notre tranquillité, et être forcés enfin, ou de rentrer dans leur patrie, qui n'a jamais cessé de leur tendre lés bras, malgré leur ingratitude, ou de s'éloigner de nos frontières.
« Le roi a cru devoir refuser sa sanction à ce décret; nous respectons ses motifs ; ils Sont justes sans doute, puisque la nation né lui a confié cette partie' de "sa souveraineté què' pour sa plus grande utilité;, nous nous soumettons avec résignation; mais nos inquiétudes durent encore, nous venons les déposér dans votre sein.
« Le refus du roi prouve, dit-on, d'une maniéré évidente à nos ennemis sa liberté : nous n'en'doutions pas; nos ennemis même n'avaiént pas besoin d'en être convaincus ; s'ils ont paru en douter, c'est que cette feinte était nécessaire àleursprojets hostiles, et nous n'y voyons, nous, qu'un sujet de chagrin, puisque ces ennemis, loin' d'interpréter le veto en faveur dé la liberté du roi, ne le feront envisager que Comme la preuve que Louis XVI s'expose enfin à tout, pour donner à son infidèle noblesse les preuves (f une adhésion indirècte et d'une approbation tacitè:
« Augustes législateurs, l'Etat est èn danger; notre espoir est'en vous, nous attendons avec anxiété le résultat de vos délibérations. Quoi
Su'il arrive, nous nous rallierons toujours autour e la Constitution, et nous jurons de vaincre pour elle. (Applauaisements.y « Nous sommes avec respect, etc. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée ordonne que cette adressé sera insérée au procès-verbal et qu'il en sera fait une mention honorable.)-1
5° Lettre de M. Dufresne-Saint-Léon, directeur général de la liquidation, ayant pour objet la prompte émission du projet de décret relatif aux retenues sur les intérêts accordés aux titulaires d'office, sur les. intérêts moratoires, et sur les rentes aujourd'hui à la charge de la nation.
(L'Assemblée ajourne cette réclamation à lundi matin, après la lecture du procès-verbal.) 6° Lettre de M. Rovencheol, habitant de Bercy,
qui représente qu'on est sans curé dans sa paroisse et qui prie l'Assemblée nationale de fixer le jour où elle entendra le rapport qui lui doit être fait à ce sujet par le comité de division.
(L'Assemblée ordonne que lé rapport lui sera fait à la séance de cé Soir.)
7° Lettre de M. Sarrot, accompagnée d'une adresse qu'il a faite aux 83 départements, relativement au mode à suivre dans la répartition des assignats de cent sols.
(LAssemblée renvoie la lettre et l'adresse au corriité des assignats et monnaies.)
8° Pétition de M. Cointereau, professeur d'architecture rurale, par laquelle, en rappelant à l'Assemblée nationale qu'il a trouvé le moyen de mettre les maisons a l'abri de l'incendie, il demande qu'il lui soit fait quelque avance, et qu'elle accepte l'hommage . des cinq premiers cahiers de l'école d'architecture rurale.
(L'Assemblée agrée cet hommage, en ordonne la mention honorable au procès-verbal et renvoie le surplus de la pétition au comité d'agriculture.)
9° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, pour rendre compte à l'Assemblée des troubles arrivés à Brest dans la journée du 27 novembre, à l'occasion de la nomination de M. Lajaille au commandement d'un des vaisseaux destinés à Saint-Domingue ; cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président,
Le roi me charge de vous adresser les copies des lettres que je reçois de Brest, et qui m apprennent que M". Lajaille y étant arrivé le 27 au mois dernier, pour prendre commandement du vaisseau le Dugay-Trouin, un de ceux qui sont destinés pour Saint-Domingue, un grand nombre de personnes se sont rendues le même jour, à l'auberge où était cet officier, lui ont intimé l'ordre de sortir de la ville sur-le-champ, et l'ont conduit hors des portes. Peu de moments après, il a été attaqué par une foulé nombreusè, et ce n'est qu'avec une extrême difficulté et avéc le secours de gardes nationales et dés troupes de ligne, qu'on est parvenu à lui sauver la yie, et que les officiers municipaux ont pu le conduire dans les prisons du château. Il paraît par là copie ci-jointe d'une lettre des Corps administratifs, que sa sûreté exige qu'il y soit encore tenu. M. Lajaille n'étant arrivé à Brest que deux heu-rés avant cet événement, et n'ayant rièh fait qui ait pu lui attirer ce traitement, j'ignore entièrement quel est le motif. Je n'avais proposé âu roi, cet officier pour le commandement d'un vaisseau, que d'après l'opinion générale bien prononcée en sa faveur, et le vœu des colons de Saint-Domingue qui Sont àctuéllement à Paris. Je rie puis me dispenser d'ajouter que dans une assemblée très nombreuse ae club, qui avait été tenue la veille, dans la salle de spectacle de Brest, M. Lajaille avait été dénoncé, ainsi que M. Klérec, destiné à commander la frégate La Princesse, et cet officier paraissait àussi exposé à quelque danger. Le commandant du port a cru devoirlui donner l'ordre de s'éloignerl
« Cet événement, joint à celui de l'insurrection de l'équipagé de l'Embuscade, et de la désobéissance ae ce vaisseau l'Eole dont j'ai eu l'honneur de vous informer il y a quelques jours, met les plus grands obstacles au succès des armements qu on prépare pour porter des secours aux colonies.
« Les officiers qui avaient accepté des corii-
mandements, ix'osent maintenant plus s'en char: ger. Plusieurs donnent leur démission, et j'ai tout lieu de craindre d'en recevoir bientôt un plus grand nombre. Je me félicitais, il y a quelques jours, de pouvoir dire qu'aucun officier^ de la marine n'avait quitté son poste, parce qu'ef-fectivément aucun de ceux qui étaient en service, Soit à la mer, soit dans les ports, n'avait abandonné ses fonctions; mais je crains que, bientôt, cela, ne soit plus vrai; que, dans très peu de temps, ces officiers n'abandonnent des postes où ils sont exposés à de si grands dangers, et ne veulent pas hasarder de prendre des commandements. Je suis maintenant très embarrassé pour remplacer ceux des bâtiments destinés à l'expédition de Saint-Domingue, et je ne puis ni ne dois dissimuler que, dans ce moment, il paraît presque impossible de mettre en activité une partie des forces navales, si on ne parvient à ré-tabliï très promptement l'ordre et la tranquillité, dans les ports. Je vous prie instamment, Monsieur le Président, de vouloir bien engager l'Assemblée nationale à prendre, sans délai, cet important objet en cbrisidération, et à déterminer des mesures propres à arrêter les progrès de ce désordre alarmant.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
. « Signé : bertrand. ». :
10° Lettre des administrateurs du district et de la municipalité de Brest qui rendent compte à l'Assemblée d'un soulèvement arrivé dans leur ville,et occasionné par la nomination de M. La-jaille, suspect d'incivisme, au commandement d'un des vaisseaux destinés à Saint-Domingue : cette lettre est ainsi conçue :
«. Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de vous adresser le procès-verbal de ce qui s'est passé hier dans notre ville, relativement à M. Lajaille, capitaine de vaisseau-
« Vous y verrez le récit d'une scène effrayante, sans doute, mais qui n'a pas amené les événements qu'elle faisait, craindre. Cependant, Monsieur le Président, nous vous devons, nous devons à l'Assemblée nationale des détails sur les causes de cette émeute ; ils sont de nature, sinon à excuser les intentions du peuple dirigées contre M. Lajaille, du moins à prouver que des hommes perfides semblent désirer et exciter le mécontentement général.
« En 1790, des horreurs ont été commises, à Saint-Domingue ; ce capitaine de vaisseau y commandait la frégate l'Engageante, et des rapports circonstanciés, des dénonciations motivées l'ont successivement accusé de machinations affreuses contre les colons patriotes, de vexations inouïes commises envers tous ceux qui osaient se plaindre et protéger ces citoyens opprimés. Nous n'assurons pas qu'il fut coupable de tant de crimes, nous pensons seulement, qu'il devait offrir des moyens publics de défense, puisqu'il était accusé publiquement au sein même de 1 Assemblée constituante. 11 ne l'a pas fait ; il n'est donc pas étonnant que sa conduite ait été vivement suspectée, et sa présence ici capable d'inquiéter. Mais une circonstance bien singulière a fini d'aigrir les esprits. M. Lajaille arrive, et c'est pour commander les forces envoyées dans. cette même colonie, où il a déjà porté le trouble. D'un autre côté, M. Bertrand fait insérer dans les papiers publics que tous les officiers de la
marine sont à leur posté, que si quelques-uns l ont quitté, des attentats, des menaces les ont obligés à prendre ce parti, et malgré cela, le ministre s'empresse de donner des commandements aux hommes que l'opinion publique a depuis longtemps réprouvés.
« Une marche aussi inconsidérée est faite pour jeter de la défiance sur toutes les opérations ae M. Bertrand ; elle indique du moins qu'il est peu jaloux de mériter l'estime des patriotes^ et qu'il n'est pas fidèle dans ses rapports, puisque nulle insulte n'a été faite aux officiers de mer, puisque la dernière revue passée au port de Brest annonce qu'il y a 104 officiers de mariné absents par congé, 271 sans congé, et 28 qui demandent leur retraite, ce qui forme un déficit de 403 sur le nombre total de 600.
« Voilà, Monsieur le Président, les véritables caùses du mouvement passager que notre ville. vient d'éprouver. Quant aux moteurs de l'émeute, ils nous sont encore inconnus ; mais nous vous assurons que la garde nationale de Brest, les troupes, dé terre et de mer ont donné le plus grand exemple de soumission aux lois, de zèle pour les, détendre et d'empressement sans bornes.à protéger l'individu censé coupable, lorsque sa sûreté leur a été, commandée. Nous devons beaucoup d'éloges au maréchal de camp commandant, aux officiers qui ont marché à-la tête d'un régiment et des canonniers de la marine, et au commandant de la garde nationale. Tous ont prouvé que le salut public est leur premier vœu, et qu'ils sont prêts à tout entreprendre lorsqu'il s'agit de l'affermir.
« Quant à nous ; défenseurs nés de tous les hommes opprimés, nous n'avons fait que notre devoir en protégeant celui que la loi ne condamnait pas. Nous ne devons cependant pas vous dissimuler que M. Lajaille et même que quelques autres officiers commandant dans l'escadre destinée poûr Saint-Domingue, n'inspireront jamais de confiance, d'après .1 opinion fortement prononcée contre eux. Nous saurons mourir, s^l le faut, pour le maintien de la liberté ; mais la vérité et l'intérêt public nous commandent de faire connaître à l'Assemblée nationale que de pareils choix ne peuvent que compromettre éminemment la tranquillité de notre ville, les forces de l'Etat et le salut des colonies.
« Nous espérons, Monsieur le Président, que l'Assemblée nationale trouvera dans le procès-verbal que nous joignons à cette lettre, des motifs d'approuver que nous ayons déposé M. Lajaille au château, puisque, cette mesure pouvait seule assurer ses jours, en évitant d'ailleurs l'effusion du sang.
« L'Assemblée ne tardera pas à recevoir, sur l'événement dont nous avons dû lui rendre compte, le rapport du directoire du département du Finistère, a qui nous èn avons fait part.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Les administrateurs du district et les officiers municipaux de là ville de Brest. »
(Suivent les signatures.)
Procès-verbal de Vémotion populaire qui a eu lieu
à Brest, le 27' novembre 1791, relativement à
M. Lajaille, capitaine de vaisseau.
« Aujourd'hui, 27 novembre 1791, nous,, officiers municipaux de Brest, certifions et rapportons que, vers les quatre heures de l'après-midi, un planton de la garde nationale, de service au poste de la porte de Landerneau, s'est présenté à
la maison commune et nous a prévenus qu'un attroupement assez considérable, formé sur les glacis, avait entouré un particulier et l'avait forcé de rentrer en ville ; que des menaces évidemment dirigées vers ce particulier avaient déterminé le commandant du poste à le recueillir, pour le soustraire à la fureur populaire, que l'attroupement croissait à vue d'oeil, et qu'il était à craindre que le poste ne fût forcé.
« A l'instant, nous sommes sortis du bureau municipal, au nombre de quatre, accompagnés du substitut du procureur de la commune, et revêtus de nos écharpes. Nous nous sommes transportés au corps de garde, devant lequel s'était formé l'attroupement, à l'effet de le dissiper et de nous informer des causes qui y avaient donné lieu. Nous y avons appris du commandant du poste que le sieur Lajaille, capitaine de vaisseau, ayant été poursuivi et maltraité sur les glacis, il avait cru de son devoir de détacher un piquet pour le secourir, et que pour protéger plus efficacement cet officier, il l'avait retiré dans son corps de garde. Entrés dans le poste, nous y avons effectivement vu un particulier, vêtu d'une redingote grise, lequel nous a dit se nommer Lajaille, capitaine de vaisseau. Il nous a ensuite déclaré qu'a peiné arrivé dans cette ville, où il venait prendre le commandement d'un des bâtiments destinés pour Saint-Domingue, il avait été prévenu que sa présence ne manquerait pas de causer du trouble, que pour l'éviter il s'était déterminé à s'éloigner delà ville; mais que, rendu au haut des glacis, il avait été assailli et maltraité de propos et de coups, et qu'il aurait couru les plus grands dangers sans l'intervention de quelques citoyens et des fusiliers du poste venus à son secours,
« Nous adressant alors au peuple attroupé, nous lui avons ordonné au nom de la loi de se retirer. Des cris se sont élevés de toutes parts ; « N'est-il « pas affreux de récompenser par un comman-» aement l'un des premiers agents des troubles « des colonies ; c'est un scélérat qui a fait rougir « des boulets pour tirer sur les patriotes. Il est « sans doute renvoyé aux colonies pour y opérer « la contre-révolution. Si nous n'en faisons pas « justice, il restera impuni comme tous les autres traîtres, etc. » (Applaudissements dans les tribunes.) Le tumulte augmentant avec l'attroupement, et ne nous permettant plus de nous faire entendre, trois d'entre nous sont restés au corps de garde pour la sûreté du sieur Lajaille, et les deux autres se sont rendus à la maison commune pour faire leur rapport au corps municipal qui y était alors assemblé.
« Aussitôt, le corps municipal a fait battre la générale, et a requis les commandants de terre et de mer et celui de la garde nationale, de faire mettre, sur-le-champ, en armes leurs troupes respectives. En ce moment, les administrateurs du district se sont rendus à la maison commune ; ils ont approuvé les mesures déjà prises, et les deux corps se sont de suite transportés au lieu de l'attroupement où les troupes de ligne et les gardes nationales se rendaient avec affiuence. Les ténèbres de la nuit rendant aussi incertain que dangereux l'emploi de la loi martiale on s'est sborné à publier à son de caisse l'ordre suivant : * II est ordonné, au nom de la loi, à tous les » citoyens rassemblés sans armes, de se retirer sur-le-champ, afin que les troupes puissent j« exécuter les ordres qui leur sont et seront * donnés pour le rétablissement de la tranquil-* lité publique. »
« Cet ordre a paru d'abord diminuer l'attroupement; mais presque aussitôt il s'est reformé avec autant de force. Les corps administratif et municipal ont balancé sur le parti qui leur restait à prendre. Il a été proposé de faire sortir le sieur Lajaille de la ville sous l'escorte des dragons et des gendarmes nationaux, avec charge ae le conduire dans le lieu qu'il indiquerait. Mais, sur ce qu'il a été observe que les avenues des glacis étaient remplies d'un peuple immense; qu'ainsi ce moyen exposerait cet officier aux plus grands dangers, que d'ailleurs sa présence au corps de garde irritait de plus en plus" les esprits, et que l'obscurité de la nuit ne permettait pas d'espérer que sa translation à son domicile pût s'effectuer sans crainte pour ses jours, après en avoir conféré avec M. de La Bourdon-naye, maréchal de camp et autres chefs militaires, il a été unanimement résolu de transférer le sieur Lajaille au château de Brest, sous l'escorte des troupes réunies.
« Le sieur Lajaille rendu au château, nous l'avons remis à la garde du concierge, avec injonction expresse d'avoir pour lui tous les égards dus à sa position. Cette disposition exécutée, les attroupements se sont insensiblement dissipés par les vives exhortations des magistrats et des bons citoyens, et par le zèle soutenu des gardes nationales et des troupes de ligne.
« Le calme ainsi rétabli, nous nous sommes retirés à la maison commune: les portes de la ville ont été rouvertes aux habitants qui en sollicitaient l'entrée, et nous avons requis les commandants de faire rentrer les troupes dans leurs quartiers respectifs ; le commandant de la garde nationale a été en outre requis de faire redoubler les patrouilles pendant la nuit. (Applaudissements.)
« Fait et arrêté à Brest, etc. »
(Suivent les signatures.)
Un membre : En remontant à la source de ces émeutes populaires, ne peut-on pas en accuser le pouvoir exécutif? Tandis que vous apportez le plus grand soin à rechercher les causes et à arrêter le progrès des maux qui désolent rtos colonies, il envoie, pour y rétablir le calme, un sieur Guernera, obligé de fuir de Brest pour avoir tenu les discours les plus indiscrets au sujet de la Révolution; il y envoie un sieur Lajaille, qui a déjà manifesté des sentiments antipatriotiques aux colonies, qui a été dénoncé de toutes parts au corps constituant, et qui, par son silence même, s'est avoué coupable des crimes qu'on lui imputait. Jugez si de tels hommes peuvent inspirer de la confiance ; si l'on n'a pas lieu d'être révolté en voyant remettre en de telles mains le sort des colonies. Croyez-vous qu'il n'est pas infiniment dur pour les corps administratifs, pour la garde nationale, pour les troupes de ligne, de s'exposer sans cesse en faveur des ennemis de la Constitution?
Je demande qu'il soit envoyé un message au roi pour lui représenter combien les choses que l'on fait en son nom sont en opposition avec les sentiments dont il paraît animé, et le prier de n'envoyer aux colonies, à la tête des troupes qui doivent y passer, que des hommes environnés de l'estime et de la confiance publique. Je demande en second lieu qu'on s'occupe du remplacement des officiers de marine qui ont abandonné leur poste.
Plusieurs membres : Le renvoi du procès-ver-bal aU comité de marine!
Je demande le renvoi du procès-verbal aux comités réunis de marine et de surveillance pour vérifier les faits dénoncés.
Je prie l'Assemblée de vouloir bien se rappeler que je lui ai dénoncé qu'au port de Rochefort il manquait deux cents officiers de marine; ce fait est prouvé par les procès-verbaux de la municipalité. Je demande que le comité de marine vous présente, le plus tôt possible, les moyens de connaître les officiers absents et de pourvoir à leur remplacement. Nous avons un grand nombre de marins dans la marine marchande qui, je l'atteste, sont plus capables de faire le bien et de commander.
Le moyen qu'on demande est bien simple, c'est d'enjoindre au ministre de la marine (renvoyer l'état des officiers en activité, de ceux qui se sont retirés et de ceux qu'il a remplacés, etc., sous trois jours.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de marine !
Un membre : Avec des renvois aux comités on donne le temps aux officiers de trahir la patrie. J'insiste pour que le ministre de la marine vous présente l'état des officiers émigrés, et qu'on procède, sans délai, à leur remplacement.
Nous ne devons pas ainsi multiplier et croiser nos demandes. Il y a eu dernièrement un décret qui ordonne au ministre de la marine de vous présenter, d'ici au 15 de ce mois, l'état des officiers à remplacer; il faut donc attendre le terme fixé par le décret. Je demande la question préalable sur la motion de M. Delacroix et le renvoi du procès-verbal de la municipalité de Brest au comité de marine.
Un membre du comité de marine : J'observe que les états demandés sont remis au comité de marine qui fera son rapport sans délai.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Delacroix, ordonne que le comité de marine lui fera mardi au soir un rapport sur le remplacement des officiers de la marine et renvoie à ce comité le procès-verbal des administrateurs du district de Brest.)
Un membre : Je demande qu'il soit fait .mention honorable au procès-verbal de la conduite qu'ont tenue les administrateurs du district, la municipalité, la garde nationale et les troupes de Brest. (Appuyé ! appuyé !)
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Voici une lettre du conseil général du département du Calvados, adressée à la députation et dans laquelle il se plaint de ce que le ministre de l'intérieur n'a fait parvenir au Directoire que le 25 novembre le décret du 29 septembre dernier, concernant la fixation et la répartition des contributions foncière et mobilière pour Vannée 1792 ; elle est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Nous remettons en vos, mains copie de la lettre que le conseil du département adresse au corps législatif, pour l'instruire de la coupable négligence que le ministre a mise dans l'envoi de la Toi concernant le répartement des contributions de 1792. Nos travaux les plus essentiels consistaient dans la prompte expédition de cette loi, et ce retard d'envoi la rend inexécutable. Nous demandons au roi une prolongation pour cette session. Cette considération majeure, jointe
au motif de notre première demande, nous donne lieu d'espérer qu'elle sera suivie de succès. Nous vous adressons également copie de la lettre que nous écrivons au roi, et nous nous reposons sur votre zèle, du soin de faire entendre encore une fois dans le sein de l'Assemblée nationale, les justes réclamations des administrateurs du département du Calvados.
« Nous sommes, etc...
« Les membres du conseil du département. »
(Suivent les signatures.)
« Copie de la lettre adressée au roi par le conseil du département du Calvados.
« Caen, le
« Sire,
« Le conseil du département du Calvados vous a informé, le 16 de ce mois, qu'il lui est impossible de terminer le répartement dans le délai fixé par la loi. Les travaux importants qui lui sont confiés, la nécessité d'une prolongation de 15 jours devient plus indispensable pour la chose publique. Nous avons cru, Sire, qu'il était de notre devoir de vous instruire des principaux motifs qui se sont présentés à notre sollicitude pour obtenir cette prolongation.
« La principale opération qui nous est soumise consiste dans le répartement des contributions publiques, pour l'année 1792. Le répartement ne pourra avoir lieu, si le délai que nous sollicitons nous est refusé. La négligence du ministre de l'intérieur qui n'a fait parvenir que le 25 de ce mois la loi du 29 septembre, a empêché le directoire de préparer ce répartement qui doit être arrêté par le conseil. Cette négligence est alarmante, elle excite les plus vives inquiétudes; elle prépare les plus grands dangers, parce qu'on ne pourra s'occuper, dans le délai prescrit par la loi, de la partie la plus importante de nos travaux. Nous nous flattons donc, Sire, que Votre Majesté prendra en considération et qu'elle accueillera favorablement une demande qui a pour objet l'intérêt général.
«i Nous sommes avec respect, Sire, etc.
(Suivent les signatures.)
« Copie de la lettre adressée à l'Assemblée nationale par le conseil du département du Calvados.
« Messieurs,
« Le conseil du département du Calvados, depuis l'ouverture de sa session, emploie tout son zèle et son activité pour remplir la grande tâche qui lui est confiée.
« Le 16 de ce mois, il s'est adressé au roi pour demander une prolongation de 25 jours, nécessaire à l'achèvement de ses travaux. Nous venons de l'informer de nouveau de l'impossibilité où nous sommes réduits, de déterminer l'opération la plus essentielle de l'administration, par l'effet du ministre de l'intérieur, qui n'a fait parvenir que le 25 de ce mois, au directoire, le décret du 29 septembre, concernant la fixation et la répartition pour les contributions foncière et mobilière. Ce retard coupable et funeste à la chose publique pour le département a empêché le directoire ae faire le répartement qui devait être arrêté par le conseil. . / \
« Le conseil du département du Calvados a cru qu'il était de son devoir de prévenir l'Assemblée nationale de cette conduite repréhensible du
ministre de l'intérieur, pour qu'elle le rende responsable de sa négligence criminelle.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Les administrateurs composant le nseil général du département du Calvados. » co (Suivent les signatures.)
M. le Président, je vous: demande la parole là-dessus.
Vous l'avez.
(1). — Il est temps de faire un exemple ; la France l'attend, la patrie l'exige, la justice Je veut, les intérêts de la liberté le commandent. Nous perdons l'Etat si nous ne perdons pas un ministre prévaricateur. J'accuse, au nom ae la Constitution, M. Delessart de deux crimes de haute'trahison. Il a trahi le plus essentiel devoir de son ministère, en n'envoyant pas à temps la loi pour la répartition de l'impôt. Il a trahi la cause de la nation, en diffamant solennellement, au nom du roi, la première des autorités constituées ; en calomniant, dans une proclamation adressée au peuple français, l'Assemblée nationale. Ces deux crimes sont incontestables, la preuve officielle du premier est dans la dénonciation qui vous est faite par le conseil du département du Calvados. La preuve complète du second est dans, toutes lés places publiques et dans les mains .de chacun de nous, qu'on a voulu rendre dépositaires des monuments multipliés de cet attentat. Ces deux crimes sont graves : ils attaquent ouvertement la sûreté de l'Etat ; ils appellent sur la tête de celui qui s'en est rendu coupable, l'exercice le plus terrible de la responsabilité. .
Le directoire du Calvados devait avoir deux mois pour préparer son travail de répartement des impositions. Le conseil du département devait, au moment de son rassemblement, examiner ce travail et le consommer. La loi, au lieu d'être envoyée à,son époque, n'arrive au directoire que la veille du jour où le conseil s'assemble. Rien n'est fait, rien n'a pu être fait. L'assiette des -contributions publiques est rendue impossible dans un des plus riches départements de l'Empire. Et c'est un ministre chargé d'envoyer les lois aux administrateurs, qui brave ainsi le plus sacré de ses devoirs, qui expose l'Etat à manquer ses recouvrements essentiels, et qui se joue de la fortune publique ! S'il se permet cette prévarication avec audace, il ne faut pas du moins que ce soit avec impunité.
Observez d'abord, Messieurs, quel est l'homme dont il s'agit, et ensuite quelles sont les.
combinaisons de ses rapports avec lç Calvados. C'est l'homme qui avait pris l'esprit
d'agiotage et d'aristocratie auprès de M. Necker; c'est lui qui était le premier instigateur
de la manœuvre de M. Rutledge, pour affamer Paris dans les premiers mois de la Révolution. Je
gérais alors la police de la capitale : j'ai connu toute cette odieuse affaire ensevelie dans
les greffes du Châtelet, et où M. Rutledge, le seul puni par une longue détention, était le
moins coupable. C'est l'homme qui, cette année même, ira rien su combiner pour alimenter la
France, et n'a pas prévenu ce qui peut la réduire à la disette. Il a écrit, dit-il, des
lettres à tous les départements du royaume, pour leur recommander les mesures qui pouvaient
leur assurer des subsistances, et il est convenu ici que la majorité
Voix diverses à droite : Quelle horreur ! ~ Un évêque tenir de pareils propos!
J'ai demandé qu'on lui laissât la vie; c'est un trait d'humanité. {Murmures à droite.)
Revènons ' dans le Calvados : C'est là où les conjurateurs qui se nommaient « les gens de
n savait bien que les prêtres perturbateurs conspiraient avec eux contre les citoyens et la Constitution. Quand la masse des conspirateurs est plus grande, quand elle est organisée, quand tout est prêt pour l'explosion, il écrit à ses chers administrateurs, dont le règne touchait à sa fin: il se hâte de faire ouvrir les églises nationales aux réfractaires; il caresse ces implacables ennemis de la Révolution; il insulte les patriotes qui se soumettent, avec une profonde sagesse, a tout ce qui présente l'apparence de la loi, mais qui s'éveillent aux premières et., hâtives violences des satellites de la contre-révolution. Alors, tous les projets perfides se déconcertent; le patriotisme triomphe ; les chefs du complot» sont arrêtés ; et le plus grand ennemi de la patrie, Delessart, est trompé dans son espérance. Comme il avait bien calculé tout son système de contre-révolution! comme tout se tenait dans son plan d'un bout de l'Empire à l'autre ! On en voit surtout ici la perfection. Il faut qu'au milieu de toutes les crises, rien ne soit prêt pour l'assiette de l'impôt, que les contributions publiques manquent tout à coup, et que le désordre en tout genre soit porté à son comble. Le. conseil de département devait ne pas pouvoir s'assembler dans une ville en combustion. Le procureur général syndic aurait eu la place d'ordonnateur général dans une branche d administration lucrative; et cette place, on assure qu'il l'a. Le ministre aurait pourvu d'une autre manière au sort de ses administrateurs affidés; et lui-même, ayant bouleversé tout l'intérieur, aurait quitté ce ministère, pour achever de ruiner nos affaires au dehors, dans un autre ministère où les tyrans étrangers auraient trouvé, à leur tour, en lui, leur ami le plus fidèle. Si, dans le Calvados, tout n'a pas réussi selon ses vues, il se retourne dans les autres départements, et surtout dans Paris, à d'autres mesures pour assurer les mêmes succès. Tout le royaume est en discorde par son zèle à servir les réfractaires, par sa dévotion envers les perturbateurs. Le nombre des patriotes sincères lui paraît encore trop grand: il cherche à les désunir; il y réussit : il rend suspects les représentants du peuple à ceux mêmes qui chérissent la Constitution. Enfin, il porte laudace à son comble: il diffame, au nom du roi, l'Assemblée nationale. Il proclame dans tout l'Empire que le Corps législatif ne connaît ni la Constitution, ni les mœurs françaises. Il n'appartient point au roi d'avilir les législateurs et de les calomnier à la face de la nation. Le ministre qui se permet cet attentat arrive au dernier terme du crime de haute trahison. Car la liberté est perdue tout entière, la patrie tombe dans l'anarchie, puis retourne au despotisme, si les représentants du peuple ne sont plus rien dans son estime. (Applaudissements dans les tribunes.) Aussi, quels insolents placards se permettent les écrivains soudoyés, par l'aristocratie, depuis l'exemple éclatant d'impudence que le ministre leur a donné dans la proclamation royale! Il faut le dire, Messieurs, avec la confiance qu'inspire le sentiment de là force civique et de la libre vertu, si la majorité de l'Assemblée nationale n'avait pas été formée d'excel-
lents citoyens, c'était dans nos mains que mourait la patrie. Mais elle vivra, elle triomphera, et les perfides périront. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande que M. Delessart soit mandé à l'instant, et que M. le Président soit chargé par l'Assemblée de lui faire ces deux questions :
1° Est-il vrai que vous n'avez envoyé au département du Calvados que le 25 novembre la loi du 29 septembre sur la répartition des contributions foncière et mobilière? " 2° Est-il vrai que vous avez signé une proclamation royale où se trouvent ces paroles : « Le roi, plaçant sa confiance dans les mêmes mesures, vient de refuser sa sanction à un décret de l'Assemblée nationale dont plusieurs articles rigoureux lui ont paru contrarier le but que la loi devait se proposer, et que réclamait l'intérêt du peuple, et ne pouvoir pas compatir avec les mœurs de la nation et les principes d'une Constitution libre?... »
Comme il est impossible qu'il nie ces deux faits, qui sont des crimés nationaux, je conclus par demander que l'on porte alors contre lui le décret d'accusation. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres à droite r L'impression 1
Je demande que M. Fauchet soit tenu de fournir les preuves de l'assertion qu'il a faite, que les grains sortent par toutes les frontières du royaume : parce que si la chose est vraie, si le mal est certain, on trouvera les moyens d'v remédier; si elle ne l'est pas, on saura que M. Fauchet a avancé une imposture capable de causer des effets très funestes. (Applaudissements dans une partie de VAssemblée.— Murmures dans les tribunes.)
Un membre : Pour prouver à l'Assemblée que M. Fauchet a dit une chose qui n'est pas sans fondement, je citerai ce qui est arrivé a Saint-Omer. Dans une seule semaine, 80,000 rasières de blé devaient sortir de cétte ville. Le peuple, irrité de ces sorties énormes, s'est porté à des excès et a barré, la rivière. Les grains, les blés, les avoines, tout sort par nos frontières. Comme cette matière n'est pas à l'ordre du jour, je demanderai la parole quand elle y sera, et je conclus à ce que la motion de M. Fauchet soit mise aux voix. {Vifs applaudissements dans les tribunes et cris : Oui! oui!)
Un membre : Pour faciliter à M. Fauchet la preuve qu'un des préopinants paraît demander ae lui, je lui offre a abord une lettre. Bientôt, je lui donnerai des preuves authentiques de ce qu il a avancé touchant la sortie des blés hors du royaume, à Mons, à Coblentz, à Bruxelles et ailleurs.
Un membre : Je demande que la dénonciation que M. Fauchet vient de faire contre le ministre de l'intérieur soit renvoyée à celui de vos comités que vous jugerez devoir vous en faire le rapport. Les faits présentés par M. Fauchet sont de la plus grande gravité. Aussi vous ne devez point vous nâter. Si le ministre est coupable, il faut que la nation qu'il a trahie soit vengée, il faut que la responsabilité des ministres ne soit pas illusoire; mais aussi, si les inculpations atroces qui ont été faites contre le ministre sont dénuées de fondement, il faut que l'opinion publique, puisqu'il n'y a pas d'autre moyen de le venger, fasse justice d'une aussi injuste inculpation.
Et la proclamation du roi, la connaissez-vous?
Un membre: Il vient de vous être avancé par un des préopinants que, sans l'insurrection du peuple de Saint-Omer, 80,000 rasières de blé seraient passées au port de Dunkerque et de là à l'étranger; c'est une fausseté, et c'est avèc de semblables déclamations qu'on entretient les insurrections et qu'on empêche les administrations dè contenir le peuple dans le devoir. Ces 80,000 rasières étaient effectivement destinées pour Dunkerque; mais vous n'ignorez pas que plusieurs départements méridionaux sont dépourvus de grains ; vous n'ignorez pas que ces départements ont fait des demandes dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord, pour se procurer des blés.. Ces blés, destinés aux pays méridionaux, ne pouvaient avoir d'autre issue que par Dunkerque (1)V
"Il faut que je vous dise encore, Messieurs, quelles sont les précautions que l'on emploie pour assurer la véritable destination de ces grains. Les blés embarqués, les capitaines sont dans l'usage de signer des reconnaissances pour ces sortes d'expéditions. Ils en signent quatre.L'une est remise au capitaine, une autre reste entre les mains des pétitionnaires ; la troisième est expédiée aux commettants, la quatrième est re-inise à la municipalité de la ville d'où partent les grains. Cette municipalité adresse cette quatrième reconnaissance à la municipalité du lieu de destination qui, lorsque la cargaison est arrivée, donne un certificat de décharge. Aucune expédition ne peut se faire sans que celui qui la fait ne signe une soumission d'une somme équivalente à la valeur du chargement pour garantir la destination de ce chargement.
Eh bien, Messieurs, c'est avec de pareils propos qu'on perpétue les insurrections et qu'on empêche le peuple d'obéir à la loi... Plusieurs membres f La preuve ! Le même membre : Je défie qu'on me donne une contradiction à ce que j'avance, et j'apporterai, si vous voulez, la preuve de ce que je viens dé vous dire. Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Il serait essentiel qu'on rappelât ces Messieurs à l'ordre quand ils- s'en écartent. C'est en laissant divaguer tous les membres de l'Assemblée que l'on s'écarte de l'ordre du jour-par des motions incidentes qui empêchent que l'on s'occupe des lois qui peuvent assurer la paix et le bonheur de l'Empire. Au lieu de cela on jette le trouble dans l'Assemblée et dans la France. Je demande qu'on les rappelle à la question et à l'ordre quand ils s'en écartent.
Messieurs, si vous incitez le peuple à empêcher les grains de sortir d'un pays pour aller dans un autre, vous ne lui apprendrez qu'à affamer ses concitoyens. \
Messieurs, je puis donner à l'Assemblée des renseignements sur les 80,000 rasières de
blé. Un des préopinants vous a dit que le peuple de Saint-Omer s'était soulevé pour empêcher
que ce blé ne fût exporté à l'étranger. Ce fait est absolument faux, et c'est avec de pareils
propos qu'on entretient lés: insurrections. Il est facile de trouver là destination de ces
blés dans les démarches qui ont été faites par
Un membre : L'Assemblée s'écarte du point de la question ; il^ est important de la ramener à l'objet de la discussion. Elle porte sur deux points principaux : d'abord sur la signature apposée par M.„Delessart, au bas de la proclamation du roi, et ensuite sur le défaut d'envoi à temps, du décret concernant le répartement de la contribution foncière et mobilière. A l'égard du premier point, je ne crois pas qu'il puisse entrer dans l'intention d'aucun membre de cette assemblée, d'essayer de justifier le ministre. Le délit est très constant, il est sous lès yeux de tous les citoyens, et je crois que l'Assemblée nationale ne peut pas garder plus longtemps le silence, sans reconnaître la vérité ae l'inculpation qu'elle contient.
Je persiste à croire que, dès a présent, vous n'avez pas d'objet plus înstant que de demander sur-le-champ le ministre à la barre, pour qu'il vous rende raison des termes de la proclamation; mais relativement au second objet, je dis que M. l'évêque du Calvados est tombe dans une erreur. Ce n'est point au ministre de l'intérieur qu'il appartient d'envoyer les lois concernant les contributions foncière et mobilière.
Voix diverses : C'est juste ! — C'est à celui des contributions publiques. — Non ! non !
Le même membre : Messieurs, à l'instant où l'Assemblée nationale va exercer une fonction très grave, elle nè doit certainement pas tomber dans une erreur. J'ai été procureur général syndic d'un département; j'ai été à même de connaître à qui appartient l'envoi des lois, et j'ai toujours vu, je ne sais pas si cela est changé depuis, que le ministre des contributions publiques envoyait constamment les lois sur les contributions.
Plusieurs membres : C'est une erreur !
Le même membre : Si c'est une erreur, l'Assemblée nationale va juger. Je voulais proposer à l'Assemblée de distinguer les deux faits ; mais si ■l'Assemblée nationale juge que le ministre doive
également répondre sur l'un ét sur l'autre, ma motion tend à ce que, dès à présent, il soit mandé pour rendre compte de sa conduite. Il n'est pas possible que, pour l'intérêt de sa propre dignité, pour la confiance qu'elle doit inspirer, l'Assemblée nationale garde le silence sur les inculpations produites relativement à la proclamation du roi, sans en connaître au moins tacitement la validité.
Je dois cependant rectifier les idées qui ont été présentées relativement au transport des grains. (Murmures.) Le fait est d'autant plus vrai qu'il est arrivé d'Alger un vaisseau pour _ notre département, qui a été déchargé à Marseille.
(d'Auxerre). J'observerai relativement à la proclamation du roi que depuis 15 jours, on a déjà tenté deux fois de vous la dénoncer et que deux fois cette dénonciation a été rejetée, à une grande majorité, par la question préalable. (Murmures.)
Plusieurs membres : Dites par l'ordre du jour.
(d'Auxèrre). Eh bien, oui.
de lui présenter quelques observations.
Je conçois que la formule du serment du roi étant fixée par la Constitution, il ne peut être dans l'esprit de cette Constitution que le pouvoir exécutif engage une lutte entre le Corps législatif et lui, et qiril cherche à combattre l'acte sur lequel porte son refus, et à se populariser à votre détriment. Je conçois encore qu'aux termes de l'article 6 de la première section du chapitre IV de la Constitution, attribuant au roi le pouvoir de faire des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l'exécution, ce serait une question peut-être à élever que de savoir si là où il n'existe pas de loi, il peut y avoir une proclamation à faire par le pouvoir exécutif.
Mais, Messieurs, j'ai examiné la proclamation du roi qui donne liéu à la motion qui vient de vous être faite derechef, et il m'a semblé que cette proclamation n'avait pour objet qu'une invitation pressante de rentrer dans leur patrie à ceux contre lesquels votre décret portait la peine, -de mort en cas d'une plus longue résistante. (Murmures.) On y lit, à la vérité, que plusieurs dispositions rigoureuses de ce même décret, ont paru au roi contrarier le but que la loi devait se proposer; mais il dit seulement que cela lui a paru; il ne l'affirme pas; il n'entre d ailleurs dans aucun des motifs qui pourraient justifier son opinion ; et il exprime de la manière la plus franche et la plus expresse, ses sentiments sur la conduite des émigrés. Je maintiens même que le roi a dû, pour le salut de l'Etat, prendre une mesure quelconque, et que ceux qui lui reprochent aujourd'hui cette proclamation, eussent eu peut-être bien plus de raison de lui reprocher de né l'avoir pas faite,, et d'avoir par là fourni un prétexte aux émigrés de tirer ae son refus de sanctionner votre décret cette induction qu'il ne désapprouvait pas leur fuite, et appuyer sur une pareille idée 1 affreux espoir d'une subversion générale.
Vous ne pouvez donc point approuver, Messieurs, la dénonciation qui vous est faite, et vous pouvez encore moins approuver la manière dont elle est soutenue. Il est trop aisé maintenant dè se répandre en déclamations vagues, et il y a trop peu ae courage à reproduire ces lieux communs usés, pour que vous puissiez encore les accueillir. On
n'a pas le droit de soupçonner les intentions de personne ; mais quand ceux qui se conduisent ainsi voudraient autant le despotisme qu'ils l'abhorrent; quand il leur conviendrait de faire une seconde révolution, certes ils ne pourraient pas mieux y conduire qu'en harcelant sans cesse le pouvoir exécutif, qu'en cherchant sans cesse à retarder sa marche, pour lui reprocher ensuite de ne pas marcher. (Murmures.) -. Messieurs, le pouvoir exécutif est dans la Constitution : si l'on s'est dit bien fortement que l'on veut cette Constitution, il faut l'y maintenir ; il faut, au lieu de le ralentir, accélérer son action. Je sais qu'il est de sa nature de chercher toujours à s'agrandir; aussi je prétends qu'il faut le surveiller, mais avec décence, mais sans avilir ses agents, mais d'une manière digne de vous il faut enfin que tous ceux qui renouvellent à chaque instant ces misérables pointilleries se persuadent enfin que les applaudissements qu'ils obtiennent ne passent pas les tribunes. (Applaudissements et murmures.) A moins qu'il ne faille mettre en ligne de compte les applaudissements beaucoup plus sincères qu'on leur donne à Worrns et à Coblentz.
Mais qu'ils consultent nos départements ; ils apprendront combien on s'y afflige de tous nos débats pénibles; ils sauront avec quelle impatience on attend que cette majorité sage, sur laquelle reposent les destinées de la France, se montre enfin ce qu'elle est, qu'elle oppose le courage et l'énergie à ces scènes affligeantes qui ne peuvent qu'altérer la confiance due aux représentants de la nation et la considération dont ils ne peuvent pas se passer plus longtemps.
Je finis, Messieurs, et je demande expressément que la question préalable nous fasse raison une fois pour toutes de ces divagations qui n peuvent que reculer le moment où la confiance . de la nation nous sera âcquise sans réserve.
Je demande l'impression du discôurs de M. Bernard.
Plusieurs membres : Oui ! oui ! et l'enVoi aux 83 départements.
je conviens, avec plusieurs préopinants, que les expressions du ministre qui ont été citées à la tribune sont côjij t -traires à la dignité du pouvoir législatif; car moi, qui ai pour principe invariable de ne jamais chercher à rabaisser le pouvoir exécutif, j'ai aussi pour principe, encore plus profondément gravé dans mon âme, de ne jamais souffrir qu'on attente à la majesté du Corps législatif. Mais, Messieurs, les personnes qui vous ont dénoncé ces expressions vous proposent une mesure extrême dont vous ne devez vous servir qu'après de mûres réflexions, une mesure qui doit être dans vos mains une arme infaillible envers les ministres. M. Fauchet, qui demande que le ministre soit mandé à la narre, a-t-il bien prévu la manière dont le Corps législatif se conduirait dans ce moment-là, les demandes qui seraient faites par le Président, les réponses laites par lé ministre,_et beaucoup d'incidents que je ne prévois pas moi-même? Non, sans doute, rien de tout cela n'est prévu. A quoi donc aboutirait cette mesure, de mander le ministre à la barre? A mettre le Gorps législatif dans une position imprévue qui le compromettrait et à l'exposer à mettre la passion à la place de la dignité qui doit toujours accompagner ses délibérations.
Je demande donc, le renvoi au comité de législation de la dénonciation faite par M. l'abbé
Fauchet, et j'invite tous les membres de l'Assem-
puisse en rendre compte demain si on l'exige. (Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans une partie des tribunes).
le jeune. On a trop affecté jusqu'à présent de confondre les ministres du roi avec le roi lui-même, sous le nom vague de
Souvoir exécutif. Il est temps enfin, Messieurs,
e distinguer ces deux puissances. (Rires prolongés.)
Un membre : Il n'y a qu'une seule puissance dans l'Empire.
le jeune. Je vois, Messieurs, par l'interruption que j'essuie qu'il y a encore beaucoup de personnes qui ont intérêt à confondre les ministres avec le roi lui-même. (Murmures.)
Un membre : Monsieur le Président, rappelez Monsieur à la Constitution!
Je demande que la discussion soit fermée.
Il y a longtemps que M. Carnot devrait être rappelé à l'ordre ; il a interrompu M. Fauchet par des propos qui méritaient qu'on le rappelât à l'ordre, et même quelque chose de mieux.
le jeune. Le roi doit être instruit de ce qui se passe dans le royaume, par les ministres, par ses courtisans, ou par le Corps législatif. Si les ministres, si les courtisans le trompent, le Corps législatif lui doit la vérité. Si vous avez à vous plaindre des ministres, ce n'est pas une raison pour que vous ayez à vous plaindre du roi; en conséquence, je propose..
Un grand nombre de membres : La discussion fermée ! i
(L'Assemblée ferme la discussion.)
établit l'état de la délibération.
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Viénot-Vaublanc.
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Viénot-Vaublanc et renvoie en conséquence la motion de M. Fauchet au comité de législation.!)
Je demande que le rapport du comité de législation soit fait dans 3 jours; il est important que l'Assemblée juge prOmptement une dénonciation de cette importance. Il y a déjà longtemps que je sollicite un rapport sur une dénonciation faite par M. Rouyer, du payement d'une pension payée par le ministre à un nomme mort depuis trente ans : Il faut que le ministre en soit responsable, et que le rapport en soit fait sans délai.
(L'Assemblée, consultée, ordonne que le comité de législation lui fera dans 3 jours le rapport sur la dénonciation de M. Fauchet.)
Je renouvelle la motion que j'ai faite déjà deux fois relativement à la dénonciation de M. Rouyer ; il est important que la nation ne paye pas de pension à un nomme mort depuis 30 ans. Je demande définitivement que ce rapport soit fait demain par le comité de liquidation.
JeJ^vois bien que l'on cherche à m'inculper sur la dénonciation que j'ai faite. Il paraît que le comité de liquidation ne s'est pas
encore éclairé sur la pension que l'on paye depuis 30 ans à un homme mort. Comme j'avais fait publiquement la dénonciation, j'ai voulu qu'elle fût prouvée publiquement. J'ai demandé en conséquence que la liste des pensionnaires de l'Etat fût apportée sur le bureau pour être examinée par l'Assemblée, ce quia été décrété(l). Plusieurs fois j'ai demandé à MM. les secrétaires si cette liste avait été remise, et ils m'ont répondu qu'elle n'avait pas paru. Il n'y a donc pas de ma faute si le rapport n'est pas fait.
Un membre du comité de liquidation : On a déposé au comité 5 ou 6 gros registres qui composent la liste des pensionnaires de lTStat. Pour remettre sur le bureau la liste des pensions que M. Rouyer désirait consulter, il fallait savoir l'année de la naissance du pensionnaire. M. Rouyer a été invité plusieurs fois à se rendre au comité pour communiquer cette note ; il n'y a pas encore paru. (Rires prolongés.)
Je demande l'exécution du décret; il porte que la liste sera remise sur le bureau. Jusqu'à ce que le décret ait été exécuté, je n'ai que faire d être sollicité à me rendre au comité.
Le seul moyen de sortir d'embarras est d'exécuter le décret.
Un membre : Les registres des pensions sont si volumineux qu'on ne peut les déplacer sans beaucoup de peine. Il est tout simple que M. Rouyer prenne la peine de se rendre au comité pour donner des , renseignements et aider à chercher l'article qu'il a dénoncé.
Je demande que si le rapport de cette dénonciation n'est pas fait, il soit permis de ne pas y ajouter foi.
Plusieurs membres parlent sur le même sujet.
Je demande l'ordre du jour ; nous ne remplissons pas nos fonctions en écoutant toutes sortes de dénonciations.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée passe à Pordre du jour.)
Un membre (à droite) : Monsieur le Président, on a demandé l'impression de la dénonciation de M. Fauchet. Cette motion est appuyée ; je vous prie de la mettre aux voix.
Plusieurs membres à gauche : La question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'impression.)
L'ordre du jour est la suite du discours de M. Brissot sur la cause des troubles de nos colonies et sur les moyens d'y ramener la paix, et la discussion des motions de M. Guadet et Vergniaud sur les colonies ; mais avant de passer à l'ordre du jour, je donne la parole à M. Cambon qui l'a demandée pour une motion d'ordre.
(au nom du comité de la Trésorerie nationale.) Il y a eu, le 1er novembre, une demande de
fonds faite par la caisse de l'extraordinaire, qui a fourni des avances à la Trésorerie
nationale. Les 100 millions d'assignats dont vous avez ordonné l'émission, sont employés |
vous avez ajourné les moyens de pourvoir aux dépenses ordinaires ; cependant la caisse de
l'extraordinaire, la Trésorerie nationale ne peuvent vous rendre compte de leurs
Il est de la plus grande importance, Messieurs, que l'Assemblée se place dans un état de choses à n'être pas surprise et fatiguée journellement par de semblables demandes. Le travail sur les finances est renvoyé de jour en jour. Je fais la motion que toute autre affaire soit suspendue jusqu'à ce que la matière des finances ait été traitée en grand et définitivement ordonnée.
Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Cambon.
Je demande que ces questions soient discutées en grand, et que l'on ne s'en occupe pas actuellement pour ne prendre que des mesures provisoires.
On ne se pénètre pas assez des difficultés que présente un plan général de liquidation, pour vous proposer de mettre inopinément cette question à l'ordre du jour.
Un membre : Je demande que ces questions soient ajournées après celle des colonies. Les troupes qui doivent porter des secours à Saint-Domingue sont prêtes, et vous savez combien il est important que ceux qui les commanderont aient des instructions précises.
, rapporteur. Il faut des espèces pour les payer.
Je demande à M. Cambon s'il a à proposer des mesures préparatoires ; autrement, je demande qu'on attende l'organisation des comités des finances, et qu'on ne propose pas des projets qui n'auraient en leur faveur que des préventions ou des passions particulières.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit ajournée à lundi pour être continuée sans interruption.
(L'Assemblée, consultée, ajourne à lundi et jours suivants la discussion sur les finances.)
, commissaire, nommé par les divers comités des finances pour présenter un plan commun d'organisation, demande à l'Assemblée qu'elle veuille bien entendre le rapport de son travail.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à demain.)
Avant de donner la parole à M. Brissot, je dois annoncer que les députés de la partie française de Saint-Domingue ont fait passer une adresse à VAssemblée dont ils demandent que la lecture soit faite, ainsi qu'une délibération de la partie française de Saint-Domingue relativement aux gens de couleur, prise le 20 septembre 1791. L'Assemblée est-elle favis d'en entendre la lecture?
Voix diverses : Oui! OUÏ! Non! non!
(L'Assemblée, -consultée, décide que les pièces seront lues.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture de l'adresse, qui est ainsi conçue :
« Messieurs,
»> A peine avions-nous conçu quelque espoir de la vive impression qu'avait paru faire sur vous le tableau de nos malheurs, que le récit de la séance d'hier est venu jeter la consternation dans nos âmes. Vous avez ajourné la motion de l'un de vos membres, tendant à ratifier le concordat passé entre les gens de couleur et les blancs dans la partie de l'Ouest, et par conséquent à vous écarter de la teneur de la loi du 24 septembre dernier...
J'ai l'honneur de vous observer, en faisant une motion d'ordre, que cette adresse est une véritable discussion sur la question qui va occuper l'Assemblée. L'intention de l'Assemblée n'était certainement pas, en ordonnant la lecture, d'accorder l'initiative aux parties intéressées. (Murmures.)
Un membre : J'observe à M. Ducos que l'Assemblée vient de décréter cette lecture, il est très important de connaître cette adressé qui peut éclairer les esprits.
Plusieurs membres s'adressant à M. le secrétaire : Continuez ! continuez !
M. le secrétaire, continuant la lecture : « ...nous sommes loin, Messieurs, de répugner à des dispositions favorables aux hommes de couleur, mais le droit de statuer sur l'état des personnes appartient à la colonie par une loi constitutionnelle; Ce droit est le seul garant de notre exis-, tenee, et nous ne pouvons pas l'abandonner. N'en doutez pas, Messieurs, aussitôt que l'Assemblée générale aura reçu le décret qui l'autorise à statuer sur l'état politique des hommes de couleur, elle se sera empressee de faire pour eux tout ce que lui prescrivent la sagesse et la justice, et sans doute elle aura confirmé tout ce qu'elle leur a accordé avant notre départ.
« Le premier article de la loi du 24 septembre dernier aura rétabli entre les hommes de couleur et les blancs les liens d'affection et de reconnaissance qui, pour la tranquillité des colonies, n'auraient jamais dû cesser d'exister, et que nos ennemis ont su détruire. Les blancs, dans les premiers moments de l'insurrection, ont reçu des hommes de couleur des services signalés ; us se seront acquittés aussitôt qu'ils auront reçu le décret, et le souvenir du service et de la récompense sera peut-être le principe de leur union et la base éternelle de notre tranquillité.
« Nous osons vous l'affirmer, Messieurs, s'il existe encore un espoir d'arracher les restes de la colonie aux mouvements rapides de l'insurrection auxquels nous l'avons vu livrée, il est dans l'arrivée de cette loi, dont l'Assemblée générale aura su faire usage, soit pour déterminer les esclaves à la soumission, soit pour établir une confiance solide et durable entre les différentes classes d'hommes libres ; vous ne sauriez porter atteinte à cette loi, Messieurs, sans donner une nouvelle activité aux principes de nos malheurs.
« L'arrivée de votre décret même, la discussion qu'il provoquerait produirait une seconde secousse à laquelle nous ne résisterions pas; vous verriez s'accroître toutes les alarmes des propriétaires et toutes les insurrections des esclaves. Vous n'auriez rien changé à l'état de ceux-ci ; il suffirait qu'en touchant à l'Acte constitutionnel qui nous donne le droit de régler leur condition, vous eussiez fait concevoir la possibilité de vous occuper de leur indépendance; les liens déjà si
relâchés de l'obéissance et de la soumission disparaîtraient sans retour, si nos esclaves voyaient que leur révolte et leurs crimes ont pu vous déterminer à porter atteinte à la loi constitutionnelle des colonies. Ah! l'expérience n'a-t-elle pas assez appris que, dans ces malheureuses contrées, un décret imprudent suffit pour faire couler des flots de sang? Les funestes prédictions de nos défenseurs, de nos compatriotes, ne se sont-elles pas assez réalisées, pour qu'on doive enfin leur donner quelque foi?N'avons-nous pas assez payé la victoire de nos ennemis, pour que l'opinion désabusée nous mette à couvert de leurs entreprises ? Mais nous devons aller plus loin, Messieurs, car le respect que nous vous devons ne nous interdit pas le langage d'hommes libres ; cette loi que nous venons de vous rappeler est notre propriété ; cette loi, qui est le gage de notre union, cette loi a été déclarée constitutionnelle par le même pouvoir qui a fondé la liberté de l'Empire, et qui a pose les limites de vos fonctions; nous y lisons nos devoirs, mais nous y lisons aussi nos droits.
« L'article 1er nous soumet aux lois de commerce que l'Assemblée nationale aura décrétées, et qui auront reçu la sanction du roi. L'article 15 nous reconnaît le droit de statuer sur -l'état des hommes de couleur libres, et sur l'état des hommes de couleur non libres. Ces dispositions sont indivisibles, elles sont également sacrées. La première nous prescrit une obligation où sont renfermés tous les intérêts de la France; nous l'observerons religieusement, et vous savez que le premier acte de l'Assemblée, dont nous sommes députés et membres, a prévenu la volonté de la nation à cet égard. La seconde partie nous reconnaît un droit duquel dépend la sûreté de nos personnes et la conservation de nos propriétés. Pourrons-nous, Messieurs, nous en départir? Quand nous réclamons devant vous l'engagement le plus formel, vous le sentirez. Messieurs, nous représentons toutes les colonies d'Amérique; toutes y voient le principe conservateur de leurs propriétés, toutes étaient représentées dans l'Assemblée nationale au moment où cette loi fut portée ; leurs députés la réclament unanimement, et toutes s'uniraient à nous pour s'oipposer aux infractions qu'elle pourrait recevoir.
« La politique de nos ennemis est-elle assez à découvert ? lis ont osé nous accuser de prétendre à l'indépendance et ce sont eux-mêmes qui provoquent l'infraction à la loi qui est la nase de notre union. Ils semblent regretter de n'avoir pu nous entraîner encore a des résolutions extrêmes ; ils veulent réaliser leurs prédictions par l'excès de nos malheurs; ils veulent nous placer entre notre ruine et la ressource désespérée à laquelle ils nous accusent d'aspirer.
« Représentants de la nation française, vous qu'un peuple loyal et généreux honore de sâ confiance, vous ne manquerez pas aux engagements que vos prédécesseurs ont contractés pour vous. Vous repousserez, comme inconstitutionnelle et dangereuse, toute motion qui tendrait à vous soumettre des objets dont la Constitution a réservé la connaissance aux assemblées coloniales, car vous savez que la bonné foi honore les nations, et qu'elle est le seul fondement d'une grande puissance. Vous avez vu le tableaux de nos malheurs ; vous avez entendu l'expression de notre zèle; vous avez reçu le serment de notre fidélité; vous ne voudrez pas ajouter une nouvelle catastrophe à l'histoire dé-
plorable de nos malheurs, et arracher de nos cœurs les sentiments les plus profonds et les plus doux, pour n'y laisser que le désespoir. »
« Nous vous envoyons ci-joint un extrait des registres de l'assemblée coloniale dé Saint-Domingue. »
« Extrait des registres de Vassemblée générale de Saint-Domingue. Séance du 20 septembre 1791.
« L'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, après avoir délibéré pendant quatre séances, a arrêté et arrête :
« 1° L'assemblée générale ne s'opposera pas à l'exécution de la loi du 15 mai, concernant les hommes de couleur libres, lorsqu'elle sera connue officiellement.
« 2° Elle déclare que, voulant donner aux hommes de couleur libres, nés de père et de mère non libres, et qui ne participent pas au bénéfice de ladite loi du 15 mai, une preuve non équivoque de la bienveillance qu'il ont méritée? par leur empressement à défendre la cause publique, elle se propose provisoirement, avec 1 approbation de M. le gouverneur général, et de suite avec l'approbation de l'Assemblée nationale et la sanction du roi, d'améliorer leur sort aussitôt après la promulgation de ladite loi, intention qu'elle a déjà manifestée par ses arrêtés des 5, 6 et 14 de ce mois.
Un membre : C'est une astuce que cela !
M. le secrétaire continuant sa lecture : « 3° Déclare l'Assemblée générale qu'elle regarde comme traîtres à la nation française, à la loi et au roi, les hommes de couleur libres qui, aussitôt après la promulgation du présent arrêté, ne voleraient pas à la défense de Saint-Domingue en danger, et resteraient tranquilles spectateurs des incendies et des assassinats.
« L'assemblée charge son président de se/retirer paf devers M. le lieutenant au gouvernement général, pour lui présenter le présent arrêté, pour avoir son approbation, et l'inviter de le faire notifier de suite aux assemblées administratives, qui doivent se charger de les notifier aux municipalités et autres autorités civiles, et le faire lire, publier et afficher partout ou besoin sera.
.« Clos et arrêté en séance, les jour, mois et an que dessus.
. « Signé : camus, président ;
Ponchignon, vice-président : etc... »
La parole est donnée à M. Brissot de Warville pour continuer son discours sur la cause des trou-oies dans les colonies.
(1). Messieurs, les articles du projet de décret que je vais vous présenter, peuvent se réduire à quatre dispositions principales, qui toutes dérivent des causes principales des troubles de Saint-Domingue.
Je vous ai prouvé que la cause des troubles était dans le parti des factieux qui ont voulu
se séparer de la métropole : donc, il faut les poursuivre et les punir. Je vous ai prouvé que
la cause des massacres des blancs était dans cet immense troupeau d'esclaves qui couvre
Saint-Domingue ; que pour les maintenir dans le devoir, il fallait les environner d'une garde
nombreuse, peu coûteuse, qui se recrutât aisément, et résistât aux fatigues, d'une garde
acclimatée, telle que celle des hommes de couleur : donc, si vous voulez conserver l'ordre
public dans vos vaste possessions, il faut attacher ces citoyens au régime
Telles sont donc les principales dispositions que je vous propose : suspension et décret d'accusation contre l'assemblée coloniale et M. Blan-chelande; formation d'une nouvelle assemblée coloniale, conformément au décret du 28 mars ; envoi de commissaires civils par l'assemblée nationale, et projet de décret pour établir la loi de l'hypothèque et saisie des possessions de Saint-Domingue. Permettez-moi de vous offrir de courtes réflexions sur ces diverses dispositions.
Je ne m'arrêterai point à la première, je crois avoir suffisamment démontré dans mon discours qu'une foule de faits tendent à prouver qu'il y avait un parti formé dans Saint-Domingue et surtout au Gap, pour séparer cette colonie de la métropole, et la livrer a une puissance étrangère; que l'assemblée coloniale a tenté de réaliser ce projet au mois d'août dernier, ét de se servir ae la révolte des noirs comme d'un prétexte pour y appeler les Anglais: j'ai prouvé qu'elle s'était d ailleurs rendue coupable d'usur-
Êation du pouvoir législatif, de vexations, d'éta-lissement d'impôts, d'enlèvement d'argent et de marchandises, d'emprisonnements arbitraires. Tous ces faits sont prouvés par des pièces déjà déposées au comité colonial, par d'autres pièces que j'y déposerai. La comparaison des lettres de M. Blanchelande et de l'adresse de la députation doit fournir à votre comité colonial de nouvelles preuves des crimes de l'assemblée coloniale. Il n'y a donc pas à balancer ici. Messieurs. Si vous voulez l'affermissement de l'ordre et de la Constitution, vous devez poursuivre les forfaits de ceux qui s'en déclarent les ennemis : vous devez les poursuivre avec d'autant plus de sévérité, qu'éloignés de vous, ils ont eu de grands moyens de couvrir leurs crimes et de s'assurer l'impunité ; qu'élevés à des places éminentes, ils sont plus coupables d'en avoir abusé pour tenter d'opérer une scission Criminelle, nature des crimes, caractères des hommes, distance des lieux, tout doit ici s'élever contre eux. Vous devez être sévères; vos prédécesseurs leur avaient déjà
Eardonné. Le pardon est pour les traîtres un revet de licence, un encouragement à de hou veaux forfaits. Vous en avez la preuve ici ; et si vous ne suspendiez pas ces accuses, que de suites fatales pourraient en résulter? Vous laisseriez dans la main des traîtres, le fer dont ils ont voulu
gercer le sein de la patrie ? Que diraient les dèles citoyens de Saint-Domingue? que ces factieux tiennent toujours la même conduite, parce qu'ils se croient sûrs de l'impunité. Comment pourriez-vous les engager à manifester leur patriotisme, à dénoncer leurs grands crimes, quand vous-mêmes les enseveliriez dans l'oubli?
Eh ! Messieurs, lorsque je provoque ici la sévé-
rité, ce n'est pas partiellement, c'est contre tous ceux qui ont eu part aux troubles de Saint-Domingue, et surtout à la dernière révolte des noirs. L'article qui concerne les pouvoirs d'informer, à donner à tous les commissaires civils, frappe sur tous les crimes commis envers la patrie. Ainsi, par exemple, les dilapidations des deniers publics ont été effroyables à Saint-Domingue, depuis que les factieux ont trouvé le moyen d'en disposer. Il importe de connaître l'emploi de ces deniers : il importe de savoir ce que sont devenues les 1,600,000 livres destinées pour la commission de mai qui n'a pas eu lieu : il importe de savoir la source dans laquelle on puisait pour subvenir à tant de dépenses extravagantes; à ces élections où l'on achetait des électeurs 4 à 5 piastres, 30 ou 36 livres argent des colonies ; pour les fêtes ou orgies prétendues patriotiques, qui absorbaient des 30 ou 40 mille livres ; à ces prodigalités envers les bataillons d'Artois et de Normandie, dont les soldats regorgeaient de portugaises lors de l'assassinat de Mauduit, et envers ces matelots pris à la même
vivent que d'aumônes dans la colonie, qui disposent des élections, qui maintenant infestent cette île, et la rendent infiniment dangereuse pour les gens de bien. Que cette source intarissable de désordres soit publique ou particulière, il importe au bien public qu'ellè puisse être connue, pour qu'elle soit détruite : il importe que la caverne où se forgent tant d'instruments de crimes, paraisse éclairée d'tfh jour terrible, et soit enfin anéantie.
Les pouvoirs des commissaires doivent encore frapper sur ceux que l'on accuse d'avoir facilité la révolte des noirs. Ici un fait étrange doit vous surprendre : au 8 octobre, c'est-à-dire sept "semaines après l'explosion de la conjuration, après qu'une foule ae prisonniers est tombée dans les mains des blancs, les ténèbres cachent encore l'origine de cette conspiration. On a bien pris un blanc; mais c'est un blanc allié à la classe noire, qui paraît n'avoir donné aucune connaissance. On parle d'une carte trouvée sur un nègre, où le nom du roi, infidèlement employé, amènerait à croire que des contre-révolutionnaires ont eu quelque part à cette révolte. Certes, dans la fureur qui les anime, les contre-révolutionnaires sont capables de tout, et de s'ensevelir eux-mêmes, pourvu qu'ils ensevelissent avec eux la Constitution. Cependant on n'a, jusqu'à présent, recueilli que de faibles soupçons.
On parle d'émigrants embarqués à la Rochelle pour Saint-Domingue, aussitôt après la fuite du roi; mais aucun de ces émigrants n'a été pris soulevant les noirs. On en accuse encore les Espagnols : leur conduite, indigne de la fraternité qui unissait les deux gouvernements, mérite d'être approfondie. Les circonstances doivent donner de violents soupçons contre eux. Au mois de juillet, ces Espagnols de Saint-Domingue firent approcher deux nataillons des limites qui séparent nos possessions des leurs ; ils ont, lors de la révolte, refusé tout secours ; ils ont, par une barbarie atroce, repoussé les malheureux Français qui se sauvaient du fer des assassins. Enfin on parle d'armés espagnoles surprises aux esclaves rebelles. Certes, tant de violations du droit des gens du bon voisinage et de l'humanité doivent être punies : mais c est à votre comité
diplomatique à vous indiquer la réparation due à la foi des traités, à la dignité de la nation, à l'humanité violée par le gouvernement espagnol.
On accuse enfin la société des amis des noirs : est-ce d'avoir écrit ? Faites donc le procès à tant de philosophes qui ont écrit avant elle, et qui ont écrit les mêmes vérités qu'elles ; faites le procès à l'Assemblée constituante elle-même,
Sut a sanctionné ces vérités ; faites le procès à la éclaration des droits, le livre le plus philosophique et le plus capable, et par sa brièveté et par son caractère, (rallumer et d'électriser les esprits ; faites le procès même aux colons de Saint-Domingue qui ont eu aussi leur ivresse de liberté, qui l'ont manifestée devant leurs esclaves ; faites le procès de leurs assemblées, qui ont écrit partout en gros caractères sur les portes, sur les drapeaux, dans le temple de la loi, ces mots éloquents et sacrés: «Vivre libre ou mourir»; est-il un livre plus propre à armer les noirs, si les livres les armaient, et si ces infortunés savaient? Accuse-t-on cette société d'avoir écrit, d'avoir envoyé des commissaires, et, par eux, cherché à exciter les noirs? Je suis membre de cette société, et je provoque moi-même la re-chercjiela plus rigoureuse de cette accusation; je provoque moi-même le glaive de la loi : je ne serai démenti par aucun membre de cette société; et je ne fais que répéter ce qu'ils ont fait et prouvé vingt fois. Trouvez une seule correspondance dans les colonies ; montrez un seul émissaire, et nous marchons à l'échafaud. (,Applaudissements.) Messieurs, des philosophes prêchent la vérité, mais ils ne prêchent pas le meurtre; ils en ont hçrreur.
Je vous avais annoncé dans mon discours l'inexactitude du décret du 15 mai comme une des principales causes des désordres de Saint-Domingue. Je devrais appeler ici le glaive de la loi sur le ministre qui ne l'a pas envoyé officiellement, qui ne l'a pas appuyé de troupes et des moyens nécessaires pour le faire exécuter. Ce ministre était alorsM.Thévenard; mais j'ai lu le compte qu'il a rendu à l'Assemblée nationale, le 23 août, des préparations qu'il avait faites pour l'exécution de ce décret, des délais éternels qui l'ont arrêté, délais qui étaient occasionnés soit par le comité colonial, soit parles commissaires nommés. J'ai vu que cette Assemblée nationale lui avait témoigné sa satisfaction de ce compte, en avait ordonné l'insertion au procès-verbal; et il m'a paru que cet acte qui couvrait la responsabilité du ministre, devait arrêter la poursuite. Cet exemple doit prouver à l'Assemblée combien elle doit être circonspecte dans les témoignages qu'elle donne aux ministres. Cet exemple encore lui prouve la nécessité d'empêcher l'influence des comités sur les ministres ; car M. Thévenard était alors sous la tutelle de quelques intrigants qui avaient su effacer sa responsabilité en n'en mettant aucune à la place.
La suspension de l'assemblée coloniale actuelle doit appeler la formation d'une nouvelle assemblée ; une seule difficulté se présente: admettra-t-on les hommes de couleur dans les assemblées paroissiales qui doivent la choisir? Je le crois; et je ne m'étendrai pas beaucoup sur les motifs qui me détermineront : la justice, la reconnaissance, la politique, et surtout la nécessité de maintenir l'ordre dans Saint-Domingue, vous l'ordonnent. La justice : ils sont hommes iibres, propriétaires contribuables comme les blancs, ils sont les enfants des blancs; vous ne pouvez
avoir deux mesures pour le père et pour les enfants. La reconnaissance: ils ont garanti les parties de l'Ouest et du Sud ; ils ont contribué à sauver le Nord, sans même demander la restitution de leurs droits. La politique enfin : une expérience cruelle doit vous dessiller les yeux ; si le décret du 28 mars eût compris clairement les gens de couleur, s'il eût été appuyé de forces convenables, les scènes affreuses qui ont désolé Saint-Domingue n'auraient pas eu lieu. Si les hommes de couleur n'eussent pas été désarmés au Gap, la révolte des noirs eût été bientôt apaisée.
Vous ne pouvez donc espérer de maintenir les esclaves que par la force des hommes de couleur: c'est une vérité de fait avouée par les colons mêmes. Cette classe peut armer plus de 20,000 hommes à Saint-Domingue; les blancs ne sont pas en état de fournir la moitié de ces bras ; cette classe peut résister à toutes les fatigues ; les blancs v succombent bientôt. Voyez dans le récit de M. Blanchelande la peur panique qui avait saisi tous les blancs à l'approche des noirs, tandis que les mulâtres n'ont jamais redouté de les aller chercher, en tel nombre qu'ils fussent. Les noirs redoutent singulièrement, au contraire, les hommes de couleur ; ils croient qu'ils lisent dans leurs âmes. Lisez l'écrit du' respectable M. Milscent, colon blanc lui-même, qui, tant de fois à leur tête, a volé à la poursuite des nègres marrons; voyez quel hommage il rend au courage, au zèle infatigable des hommes de couleur; lisez l'aveu qu'il fait, que Saint-Domingue ne peut conserver sa tranquillité sans eux; lisez ce même aveu dans les lettres des colons, dans la lettre de M.Blanchelande; soyez enfin convaincus, et ratifiez ce fameux concordat qui ne porte que sur des titres de .justice. On le dit, Messieurs, fait par la violence : Eh ! qu'on me montre un peuple à qui ses tyrans aient rendu, de bonne grâce, ses droits. (.Applaudissements.) La flamme qui consuma la Bastille n'a-t-elle pas éclairé les droits de l'homme ?
Le concordat, me dira-t-on, va plus loin que le décret du 15 mai. J'en conviens; mais à qui la faute? A ceux qui n'ont pas voulu exécuter le décret du 15 mai. Entre le décret du 15 mai et le concordat, il n'y a qu'un siècle de distance ; entre le concordat et le décret du 24 septembre, il y én a 20. La mauvaise foi voulut par l'astuce, ramener les 20 siècles; et elle se,plaint que le droit naturel, par la force, en ait franchi un seul! La mauvaise foi a été justement .punie. Vous applaudirez sans doute à sa punition, oU vous violeriez vos principes. {Applaudissements.)
Mais, d'ailleurs,. Messieurs, le concordat ne va pas plus loin que le décret du 28 mars. C'est ce décret dans toute sa pureté. Balanceriez-vous donc entre le décret du 15 mai et le concordat? Voulez-vous une paix solide ou un nouveau germe de guerre? Si vous voulez la paix, ratifiez le concordat ; si vous voulez la guerre avec vos frères, soutenez le décret du 15 mai. Vous n'y soumettrez les hommes de couleur.qu'en envoyant de nouveaux régiments qui se détruiront même par leurs victoires ; et les îles deviendront le tombeau de tous ceux que vous, enverrez, un gouffre où s'engloutiront vos richesses, et yous aurez un monceau de cendres, à la place de richés èt superbes campagnes. Choisissez maintenant...
Eh! croyez-vous, Messieurs, que la France puisse fournir pendant longtemps aux colonies des soldats libres, disposés à se prêter auxfantai-
sies et aux vengeances des colons? Ce serait une grande erreur. Le soldat, dans une nation libre, estime son sang et son courage à un trop haut prix pour se prêter à de pareilles impulsions. Heureux dans sa terre natale, heureux de respirer l'air de la liberté,; il répugne à Je changer pour un sol infecté par l'atmosphère de l'esclavage, et par les vices et les fléaux qui le tourmentent.
Plus donc nous avancerons dans la carrière de la liberté, plus nous serons forcés d'économiser les hommes destinés pour le maintien de l'ordre dans les colonies. Et voilà pourquoi il convient à la France de soutenir, d'encourager les hommes de couleur, de se les attacher par les liens les plus forts. Ce sont les soutiens nés de la colonie, des soutiens peu coûteux, et qui nous dispenseront d'envoyer. des soldats, et ae dépenser Beaucoup d'argent.
Mais, en admettant, me dit-on, la ratification du concordat, vous renversez le décret du 24 septembre. Ce décret, ajoute-t-on, est constitutionnel, et vous ne pouvez pas le révoquer. Cette difficulté, Messieurs, mérite d'être éclaircie. La Constitution déclare que les colonies font artie de l'Empire français, et ne sont pas sous a Constitution française. L'Assemblée constituante a laissé à la législature actuelle le soin de décréter la Constitution pour les colonies. De là résulte que le décret du 24 septembre n'est pas un décret constitutionnel pour la France, mais pour les colonies.
Or, comme l'Assemblée actuelle a le pouvoir de constituer les colonies, il en résulte que cette Assemblée a le droit de révoquer un décret constitutionnel pour les colonies. (Murmures.)
Il faut bien qu'elle en ait le droit, ou bien-elle ne pourrait pas toucher à la constitution de ses colonies ; ce qui seraitune contradiction manifeste, puisque, encore une fois, l'Assemblée constituante a laissé ce droit, puisque lés colonies n'ont pas de Constitution. Ainsi/ cette Assemblée peut révoquer le décret du 24 septembre, comme la précédente Assemblée avait, par celui-là, révoqué celui du 28 mars.
Mais, d'ailleurs, en ordonnant l'exécution du décret du 28 mars, on ne blesse pas le décret du 24 septembre ; car ce décret porte que les colonies emettront leur vœu sur le sort des hommes de couleur.'.Or, d'un côté, les habitants de Saint-Domingue ont émis ce vœu1 pour le concordat, et, de l'autre, leurs représentants dans l'assemblée coloniale ont promis solennellement... (Murmures.) ; Messieurs, quand on ne craint pas les raisonnements, on les entend. (Murmures)
Je dis qne les représentants de l'assemblée coloniale avaient promis solenneUement aux hommes de couleur de leur rendre le droit de citoyens actifs. Dès lors, ils ont exécuté le décret Sans le savoir, ou plutôt ils ont prévenu le décret du 24 septembre. Ils ont opté entre lui et les deux décrets précédents des 15 mai et 28 mars.
Observez, Messieurs, que le décret du 24 septembre portait sur un fait faux et dont le démenti se donnait dans les colonies au moment même où il se rendait à Paris : on disait que ce décret du 15 mai causerait des troubles, et il n'en causait point, et c'est au contraire, son inexécution qui a causé l'incendie qui a dévoré Saint-Domingue. Maintenant donc, Messieurs, que l'expérience vous éclaire, vous n'avez pas à balancer. Vouloir maintenir le décret du 24 sep-
tembre, c'est vouloir la destruction même des blancs.
Tant de décrets contradictoires n'ont pu qu'inspirer dans les îles du discrédit pour les décrets, ae la désobéissance et de la défiance pour le pouvoir exécutif ; car malheureusement, on y a vu tous les agents du pouvoir exécutif; et même les émissaires qu'il envoyait épouser le parti dominant. Si donc vous confiez aux agents du même pouvoir exécutif l'exécution de votre nouveau décret, n'aurions-nous pas à craindre et la même tiédeur dans les agents, et la même défiance dans les habitants des îles et les mêmes désordres?
Il me semble que le salut des colonies doit nous commander ici une mesure extraordinaire, une mesure à laquelle le pouvoir exécutif, s'il veut la paix, ne peut se refuser ; et je prends l'exemple de cette mesure dans le sein même de l'Assemblée précédente.
Les soldats français n'avaient aucune confiance dans les agents du pouvoir exécutif, ni dans leurs officiers. On voulait ramener la paix entre eux ; on voulait faire prêter solennellement le serment aux hommes de cette dernière classe ;on voulait qu'ils le prêtassent dans les mains des représentants, directement ion voulait même connaître l'état des frontières sur lesquelles on n'avait que des renseignements ténébreux. Que fit l'Assemblée nationale ? elle choisit des commissaires dans son sein pour remplir cette mission importante. Les commissaires furent nommés, envoyés, et la paix fut rétablie.
Les colonies sont précisément dans la même situation qu'étaient alors la France, nos régiments et nos frontières. La discorde y règne entre les différents pouvoirs, entre les différentes classes dénommées : la défiance y règne entre tous les agents du pouvoir exécutif. 11 faut donc un pouvoir supérieur qui mette fin à ces contradictions, à ces discordes, à ces défiances. Eh ! quel autre que le pouvoir législatif qui doit constituer les colonies, pour operer ce miracle ?
Je ne sais si ie m'égare; mais j'aime à me persuader que si l'Assemblée envoyait elle-même quelques hommes choisis parmi les hommes les plus éclairés, les meilleurs patriotes, des hommes revêtus de l'importante mission de ramener la paix dans les colonies, qui y déployassent le caractère sacré de médiateurs nationaux, la paix suivrait bientôt leurs pas. La majorité, dans les colonies, comme je l'ai dit, veut la tranquillité et veut l'ordre.
Par ce moyen, la source du mal ne tarderait pas à v frapper les médiateurs ; n'ayant aucun intérêt a la déguiser, ne pouvant pas se perpétuer dans une commission passagère, ne devant tendre qu'à recueillir de la gloire et les bénédictions du peuple, qui sontla consolation de l'homme de bien, ils viendraient répandre dans le sein de l'Assemblée nationale les lumières qu'ils auraient recueillies dans les colonies ; ils viendraient l'aider à consommer enfin l'édifice de la constitution des colonies. Ces lumières seraient pures, tandis que, passant par le canal du pouvoir exécutif, on les suspectera toujours d'une teinte de partialité. Je vous le demande, Messieurs, si pour établir la Constitution française, l'Assemblée nationale eût eu besoin de lumières locales, croyez-vous qu'elle eût pu, qu'elle eût dû recourir au pouvoir exécutif? Non... Nous sommes dans la même situation : nous allons bâtir pour les colonies; c'est par les yeux de nos propres délégués que nous devons voir. Lorsque l'édifice sera
achevé, c'est au pouvoir exécutif qu'il appartiendra de le maintenir.
Je voudrais donc, Messieurs, donner à ces commissaires la faculté d'informer sur tous les troubles de Saint-Domingue. Et certes, pour informer de délits nationaux où les agents du pouvoir exécutif sont impliqués, vous avez le droit de nommer vos organes. Je voudrais qu'ils fussent chargés de faire procéder à la nouvelle formation de l'assembléé coloniale; et comme les hommes de couleur devraient y être admis, il importe que le soin de favoriser ces admissions soit confié à des commissaires nationaux. Je voudrais qu'ils fussent autorisés à recevoir le vœu des colonies sur leur constitution et à la transmettre à l'Assemblée nationale. Je voudrais enfin qu'ils fussent autorisés à prendre toutes les mesures possibles pour maintenir provisoirement la paix dans toutes les colonies, et jusqu'à ce que la Constitution ait été terminée. Encore une fois, Messieurs, nous devons chercher une mesure qui mette enfin un terme aux troubles. 11 faut ou adopter celle-là. ou se résoudre à voir se prolonger le combat des pouvoirs. En vous présentant cette opinion, je vous répète ici le vœu de plusieurs villes maritimes qui nous attestent que les troubles ne cesseront que par l'envoi de commissaires patriotes. Eh ! voilà le seul moyen d'en avoir de ce caractère.
C'est dans ce même esprit que je propose encore d'envôyer avec les commissaires des gardes nationaux. Cette dernière mesure n'a, dans les îles, causé de l'effroi qu'aux factieux. Les hommes de bien la désiraient. Envoyer des troupes de ligne, c'est envoyer des forces au parti dominant, des victimes a la séduction, des Français au tombeau. Des gardes nationaux ne présentent .aucun de ces inconvénients, et ils offrent l'avantage d'être autant de conciliateurs entre tous les partis, de familiariser les colons à la fraternité des hommes de couleur, que l'exemple propagera bientôt.
La quatrième disposition que je vous propose a pour objet d'éteînare l'une des causes les plus fécondes du désordre dans les colonies, et en même temps de venir au secours des colons ruinés. Je ne m'étendrai pas ici, Messieurs, sur ces secours que l'Assemblée coloniale demande pour réparer les dommages causés par la révolte des noirs. Cette matière demandera d'être traitée avec soin : car l'assemblée voudra sans doute que les secours, si elle en accorde, soient véritablement appliqués à d'utiles réparations, qu'ils ne puissent être détournés pour aucun autre usage. Elle ne voudra point qu'ils contrastent avec ce que nous devons à notre vaste manufacture continentale, la plus sûre comme la plus importante de nos ressources ; cette manufacture, qui fonde véritablement notre puissance, et surtout notre indépendance; en un mot, les immenses travaux dont l'objet est de féconder notre sol, et d'en tirer, par d'innombrables modifications, les premiers besoins et les principales commodités d'une population de 26 millions d'âmes.
! Quel que soit le parti que vous preniez, le plus pressant est sans doute d'inspirer la confiance aux commerçants et aux armateurs qui communiquent directement avec les colonies, et qui peuvent leur faire des avances salutaires. Ainsi, vous ne pourrez inspirer cette confiance qu'en détruisant un vice radical dans le régime des colonies, vice qui nécessairement entraîne beaucoup de désordres et de défiance dans les capi-
talistes, et arrête la rapidité des défrichements. Toutes les plantations pour être défrichées ont exigé des avances de la métropole, et cependant les plantations ne peuvent être saisies par le négociant pour le payement de ses avances, lorsqu'il demande son remboursement à un planteur infidèle ou de mauvaise volonté. Le créancier est actuellement à sa merci ; la crainte du despotisme de son débiteur l'engage à de nouvelles avances, pour ne pas perdre celles qu'il a déjà faites; et celui-ci, sûr de donner la loi, ne met pas de bornes à ses demandes, toujours accompagnées de la menace de ruiner son créancier.
De là cette indépendance si absolue des colons, de toutes lois, de tous principes, de toute moralité; delà, leur luxe enréné, leur fantaisie sans Jbornes, en un mot, leur conduite en tout semblable à celle de ces riches dissipateurs qu'une mauvaise éducation a livrés à tous les vices et à toutes les passions ruineuses; delà aussi les rapports dispendieux entre eux et leurs créanciers, qui renchérissent aux planteurs les choses dont ils ont besoin, tant pour faire prospérer leurs établissements, que pour leur consommation journalière.
Dès homnies entourés d'esclaves dès leur berceau, des hommes qu'aucun bien ne retient, peuvent-ils apprendre les règles et les devoirs d'une sage économie !. .. et celui qui leur prête son argent peut-il prétendre d'autres déterminations que par des conditions qui leur servent de primés d'assurances contre un débiteur toujours menacé? Aussi ne faut-il pas s'étonner ae ce fardeau toujours accablant de pertes, qui fait sans cesse désirer aux colons un changement d'état, et qui met leurs créanciers dans une appréhension continuelle.
C'est moins la perte du commerce et des colonies que les capitalistes redoutent (car ils portent sur des conventions solidement fondées) qu'une banqueroute qui tout à la fois ferait disparaître des capitaux considérables, et suspendrait pour un long temps leurs rapports habituels. Et voilà, Messieurs, le secret de la coalition qui a existé pendant si longtèmps entre les colons et les négociants. Les premiers faisaient durement la loi aux autres ! Ils disaient au commerce : prête-nous ton crédit en France pour écraser nos ennemis, flatter notre orgueil, etc. Telle est la coalition qui a produit en laveur des colonies, contre la pnilanthropie, ces adresses mendiées où le créancier maltraité venait encore défendre et prôner le débiteur qu'il détestait intérieurement. Telle est la coalition dont la ville de Bordeaux a la gloire d'avoir, la première, brisé les chaînes en s'élevant contre les prétentions injustes des colons : elle a senti enfin qu'un commerce solide, surtout dans un pays libre, ne pouvait reposer que sur le respect des principes et des engagements, et qu'il ne convenait pas à des hommes libres de mentir à leur conscience pour vendre quelques barriques dé vin, ou toucher quelques intérêts de leurs capitaux ; elle a senti qu'une bonne loi sur le commerce des colonies servirait mieux le commerce des colonies et la sûreté de sa dette, qu'un trafic de mensonges et d'injures. (Applaudissements.)
Dans les circonstances actuelles, venir au secours des armateurs de la métropole, c'est venir au secours des colons ; vous ouvrirez infailliblement à ceux-ci une nouvelle source de crédit, qui bientôt réparera leurs pertes. La loi que vous ferez pour donner aux créanciers le droit de
saisie réelle sur les propriétés de leur débiteurs, en ne lui donnant pas d'effet rétroactif, leur assurera des secours infiniment plus considé-bles et plus féconds que tout l'argent qu'il vous serait possible de tirer du Trésor de la nation, pour leur en faire un don ou un prêt. Cet argent ne changerait rien aux dispositions immorales, fruits nécessaires de l'impunité des abus. Mais si la loi établit la saisie en faveur des créanciers méprisés, elle contraindra les colons au soin de leurs affaires; des idées d'ordre prendront dans ces têtes exaltées la place du ca-
Êrice, de l'inconstance et du mépris de la pro-ité.
Vous aurez donc tout à la fois resserré le lien des colonies à la métropole, régénéré le caractère des colons, assuré les propriétés des commerçants de la métropole, diminué la nécesité d'un gain considérable sur les colons, et procuré un prompt secours aux malheureuses victimes des dévastations actuelles.
Eh ! pourquoi, Messieurs, les colons s'oppose-raient-ils à une loi qui réunit tant de caractères de justice? Elle existe dans les colonies anglaises : c'est la première qu'eussent promulguée les Anglais, si la trahison qui se disposait a les rendre maîtres de nos colonies eût pu réussir, et si, par impossible, l'indignation des nombreux et courageux habitants de nos côtes eût enduré cette infâme conquête d'une nation libre sur une nation qui combat pour sa liberté. Sans doute, Cette perfidie n'a jamais pu être conçue ni regardée comme possible par les hommes réfléchis de l'Angleterre.
Vous adopterez donc cette loi, Messieurs ; vous ferez plus, vous la considérerez comme urgente. Et en effet, attendez-vous, dès qu'elle sera rendue, à voir cingler de tous nos ports une foulé de navires chargés de toutes les sortes de secours nécessaires aux colons ; attendez-vous à voir le sol de nos Îles acquérir une nouvelle valeur; car une terre qui appelle les avances par une bonne responsabilité, vaut certainement un plus grand prix que celle qui pouvant s'y soustraire, ne peut être regardée que comme un gouffre qui engloutit tout et ne restitue rien.
Deux dispositions particulières terminent le décret que je vais vous lire. Dans l'une je demande que l'on charge le comité colonial de faire son rapport sur les troubles de la Martinique : c'est un devoir sacré. Les patriotes gémissent dans cette île sous le joug le plus rigoureux, et vous ne serez pas sourds aux cris de vos frères. L'autre a pour objet de voter des remerciements aux Etats-Unis d'Amérique, et à l'Etat de Pensylvanie, qui ont prêté généreusement des secours aux colons. Que ne leur prêtent-ils ces bons quakers, et leurs lumières sur la manière de conduire les esclaves, et leurs mœurs pures ! Le sang n'arroserait pas le sol de Saint-Domingue, et la paix y régnerait comme elle règne dans la Pensylvanie depuis plus d'un siècle. (Applaudissements.) Voici le projet dé décret:
PROJET DE DÉCRET.
« Art. 1er.L'Assemblée nationale déclare qu'il y a lieu à
accusation contre l'assemblée générale de Saint-Domingue séant au Gap, comme prévenue d'avoir
menacé et tenté de séparer cette colonie de la métropole, et de la livrer à une -puissance
étrangère ; comme prévenue d'usurpation du pouvoir législatif, d'actes d'oppression,
de vexations, d'emprisonnements arbitraires, et la suspend en conséquence de toutes fonctions. Décrète que ceux de ses membres qui ont porté des cocardes noires ou autorisé à en porter, qui ont pris part aux délibérations par lesquelles on a envoyé des commissaires à la Martinique, empêché de partir des « avisos » pour la France, surtaxé les marchandises, enlevé marchandises et argent, emprisonné sur des ordres arbitraires, seront mis en état d'arrestation par les commissaires ci-après ; qu'ils seront embarqués pour la France et traduits devant la haute cour nationale, pour leur être fait, sur la poursuite des grands procurateurs de la nation, leur procès et à tous leurs complices, fauteurs et adhérents, tant aux colonies qu'en France. (Applaudissements dans les tribunes.)
« Art. 2. Décrète que les 6 députés de l'assemblée coloniale de présence à Paris seront traduits à la barre et interrogés sur les questions qui leur seront faites.
• Art. 3. Déclare qu'il y a lieu à accusation contre M. Blanchelande, pour ne pas s'être opposé aux projets de cette assemblée, tendant à séparer la colonie de la métropole, n'en avoir pas prévenu les pouvoirs constitués en France, pour avoir agi de concert avec ladite assemblée ; en conséquence, qu'il sera rappelé, suspendu de ses pouvoirs, mis en état d'accusation et traduit devant la haute cour nationale.
« Art. 4. Décrète qu'il sera procédé à la formation d'une nouvelle assemblee coloniale ; que les membres en seront choisis par les assemblées paroissiales, conformément aux décrets des 8 et 28 mars, sans distinction de couleurs et sans autres conditions que celles déterminées par l'article 4 du décret du 28 mars ; que cette assemblée se réunira à Léogane, et s'y occupera, aussitôt après sa formation, de l'examen du projet de constitution coloniale, dont l'Assemblée nationale lui a décrété l'envoi.
« Art. 5. Que pour faire procéder à l'exécution des articles ci-dessus, il sera choisi par l'Assemblée nationale, au scrutin individuel, et hors de son sein, des commissaires, dont 3 pour Saint-Domingue, 3 pour la Martinique et Sainte-Lucie, et 1 pour la Guadeloupe.
« Art. 6. Que ces commissaires seront autorisés à informer des troubles arrivés dans ces îles, recevoir les dépositions, faire arrêter et traduire en France ceux qu'ils jugeront coupables ; à informer pareillement contre ceux qui ont pris part à la révolte des noirs ; à procéder à la formation de la nouvelle âssemblée coloniale; à recevoir le vœu des assemblées coloniales sur le projet de constitution coloniale qui leur a été adressé ; enfin, à ordonner toutes les mesures nécessaires pour rétablir la tranquillité dans les îles et la maintenir, jusqu'à ce que la constitution des colonies ait été décrétée définitivement par l'Assemblée nationale et exécutée dans les colonies..
« Art. 7. Décrète que le roi sera prié de rappeler le sieur Blanchelande, et les officiers qui pourront être accusés, ainsi que les bataillons de Normandie et d'Artois; d'envoyer 2 vaisseaux de ligne à Saint-Domingue, 1 à la Martinique,-avec un nombre de frégates proportionné; que sur ces vaisseaux et frégates seront embarqués les 7 commissaires ci-dessus dénommés, et 3,000 gardes nationaux ; que ces troupes ainsi que celles de ligne, qui sont et seront envoyées aux îles, ne pourront être mises en activité qu'à la réquisition et avec l'autorisation des commissaires ci-
vils ; qu'aussitôt arrivées dans les îles, les pouvoirs des commissaires envoyés ci-devant, sont suspendus.
« Art8. L'Assemblée déroge expressément à tous décrets relatifs aux colonies, contraires aux présentes dispositions.
« Art. 9.1'Assemblée nationale vote, au nom de la nation française, des remercîments aux blancs et aux hommes de couleur qui ont, par leur zèle et leur vigilance, empêché la ruine de la colonie.
« Art. lu. L'Assemblée vote des remercîments aux citoyens des Etats-Unis d'Amérique et à l'assemblée générale de Pensylvanie, qui ont offert et prêté des secours aux colons de Saint-Domingue. Autorise son président à écrire une lettre au président du congrès des Etats-Unis, au président du gouvernement de Pensylvanie et à celui de l'assemblée générale de cet Etat.
« Art. 11. L'Assemblée charge son comité colonial de lui présenter incessamment un mode de secours pour Saint-Domingue, et un proiet de. décret, qu'il concertera avec le comité de législation, pour autoriser les planteurs à hypothéquer à leurs emprunts leurs biens meubles et immeubles dans les colonies, et autoriser les créanciers à saisir par les voies de droit, faute de payement.
« Art. 12. L'Assemblée charge pareillement son comité colonial de lui présenter incessamment son rapport sur l'état des îles de la Martinique, de la Guadeloupe] et de Sainte-Lucie. » (Vifs applaudissements. )
Je demande à faire une motion d'ordre. Le projet de décret qui vient de vous être lu, a rapport aux mesures définitives qu'il conviendra ae prendre pour rétablir l'ordre dans les colonies. Or, l'Assemblée ne saurait s'occuper en ce moment des mesures définitives sans s exposer à les manquer par une trop grande précipitation. Vous avez ajourné à ce matin la discussion d'une mesure provisoire qui vous a été proposée par M. Guadet (1) et qui me paraît nécessaire pour préserver les citoyens de couleur de Saint-Domingue des vengeances auxquelles on voudrait faire servir les troupes que vous y enverrez, c'est celle de confirmer provisoirement le concordat, et de décréter que les troupes ne pourront agir qu'à la seule réquisition des commissaires envoyés par le roi. Je crois qu'il est important que les orateurs qui vont monter à la tribune, se renferment uniquement dans la discussion de cette motion. (Applaudissements.)
appuie les observations de M. Ver-gniaud.
Je m'oppose à la proposition de M. Vergniaud. Il me paraît inconséquent de prendre des mesures provisoires qui devront être exécutées à 1,800 lieues d'ici, lesquelles mesures seront très longtemps à parvenir, et, à peine parvenues, devront être remplacées par les mesures définitives que vous aurez prises. Ces mesures définitives auront peut-être des vents favorables et feront une traversée deux fois moins longue que les mesures provisoires. Au milieu de tant d'agitations, au milieu de tant de mesures, tantôt provisoires, tantôt définitives, toujours contradictoires, où voulez-vous que les colons mettent leur confiancè, iquand voulez-vous qu'ils reposent ? Qui péut rassurer
les esprits, si ce n'est une loi définitive, une résolution stable et solide?
Je demande que la motion de M. Vergniaud soit rejetée et je conjure tous les membres de l'Assemblée de peser bien attentivement le projet de décret présenté par M. Brissot avec celui qui sera présenté par le comité colonial ; et après, en joignant l'amour de la patrie et de la Constitution, à laquelle est attachée la conservation des colonies, et notre humanité pour nos frères de Saint-Domingue, j'ose croire que nous terminerons cette malheureuse affaire par un décret digne de nous, qui attachera les colonies à la métropole et qui sera à la fois un monument d'humanité et de politique. (Vifs applaudissements.)
Je pense comme M. Vaublanc qu'il serait infiniment dangereux de prendre des mesurés provisoires qui pourraient se trouver en contradiction avec les mesures définitives, et ce n'est pas là l'objet de ma motion; mais la mesure proposée par M. Guadet est impérieusement commandée par les circonstances, vous avez des troupes-prêtes à s'embarquer. Il est indispensable de déterminer d'une manière claire quel sera l'emploi de ces troupes, et par qui elles pourront être requises ; ce provisoire-là est indispensable.
Vous avez déjà décrété que vous ne prononceriez définitivement qu'après avoir entendu le rapport de votre comité colonial: or, ce rapport ne doit être fait que le 19 décembre.
Plusieurs membres: Le .10 ! le 10!
Eh bien, le 10. Peut-être ce rapport donnera-t-il lieu à une longue discussion, et avant que votre décret définitif puisse être rendu, les troupes seront parties : elles auront été l'instrument aveugle du parti- dominant, et votre décret ne trouvera à Saint-Domingue, d'après les dispositions aujourd'hui bien connues des colons blancs, au lieu d'hommes, que des cadavres ; au lieu de sucreries, que des ruines. Voilà, Messieurs, ce que l'amour bien entendu de l'humanité me fait craindre. Je demande donc qu'on s'occupe d'une mesure avant le départ des forces destinées pour Saint-Domingue. (Applaudissements.)
La lecture qui vous a été faite d'un arrêté de l'assemblée générale de Saint-Domingue, par lequel les gens de couleur et les blancs sont d'acCord sur leurs moyens de défense, me paraît détruire les craintes du préopinant et vous convaincre de l'inutilité d'une mesure provisoire qui, d'ailleurs, semblerait préjuger la mesure définitive. Vous n'êtes point en état de rendre un décret définitif; cela est contraire à tout ce que vous avez fait jusqu'ici. En effet, M. Brissot a demandé à faire seul le rapport, vous en avez senti les inconvénients et vous avez décidé que vous entendriez le comité colonial. On a pris ensuite Une autre marche. On a demandé à juger un incident qui touchait au fond. M. Brissot a été admis à prononcer un discours. Toute l'Assemblée a cru que cela était juste, parce qu'on veut savoir les faits de part et d'autre. Mais véritablement nous ne les connaissons encore que sur les rapports de sens qui s'accusent mutuellement. Nous devons donc attendre le rapport plus sûr d'un intermédiaire impartial, qui pèsera devant vous les motifs et les allégations des deux parties et qui fixera l'opinion de tous ceux qui cherchent la vérité.
(.Applaudissements.) Je demande donc qu'on ne prenne aucun parti sur la motion de M. Guadet, avant d'avoir entendu le rapport du comité colonial.
Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!
Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Vaublanc, et je soutiens que, même en écartant les faits énoncés dans le discours de M. Brissot, nous avons assez de données pour prendre un parti sur la proposition de M. Guadet, qu'on appelle improprement une mesure provisoire. Je soutiens qu'elle est définitive. (Exclamation.) Vous ne pouvez, sans rétracter votre décret, ne pas traiter la question telle qu'elle a été ajournée. En effet, les mesures provisoires ne peuvent être ainsi appelées que parce qu'elles portent sur un objet infiniment instant; mais, ni M. Guadet ni moi, ne pensons qu'il s'agisse de rendre un décret que nous pourrions révoquèr, lorsque nous aurons entendu le rapport du comité colonial. (Murmures.) Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour.
Je demande à lire le décret que j'ai proposé pour prouver qu'il n'est pas distinc-tif de celui du 24 septembre. Le voici :
« Le roi sera invité d'employer les forces destinées pour Saint-Domingue, à assurer provisoirement, dans toutes les colonies,, l'exécution et le maintien du concordat passé le 11 septembre dernier, entre les colons blançs et les gens de couleur de la partie de l'Ouest. » (Murmures.)
Plusieurs membres demandent une nouvelle lecture.
fait une nouvelle leeture de son projet de décret.
Si l'on justifiait encore la nécessité d'adopter sans examen une pareille mesure, sur ce que le comité ne fera son! rapport que dans dix jours, je demanderais avec étonnement ce que c'est que cette vivacité française qui précipite les décisions les plus importantes. Certes, Messieurs, il est temps enfin que cette vivacité cède à la lenteur sage et réfléchie, et que l'Assemblée des législateurs de la France prenne le caractère imposant qui lui .convient.
Si nous voulons sauver lathose publique, pour un législateur dix jours ne sont pas un siècle, s'il veut les employer à méditer une si grande question.
L'humanité d'un côté, la politique de l'autre, ' l'intérêt de votre commerce et de vos frères d'Amérique, tout exige de vous les plus profondes reflexions. Il faut que nous n'adoptions pas, de confiance, des mesures de cette importance. Il faut qu'avant de prendre une décision, chacun des membres de l'Assemblée ait eu le temps de recueillir les connaissances et les notions nécessaires sur les colonies avant de prononcer; et pour cela dix jours ne me paraissent que dix minutes. Je demande donc que les motions de MM. Guadet et Vergniaud soient ajournées jusqu'après le rapport du comité colonial et que cependant le roi soit invité de suspendre le départ des troupes et l'envoi du décret du 24 septembre dernier, si l'on juge nécessaire d'accompagner ce départ d'une mesure provisoire, parce que rien n'est plus dangereux que les mesures provisoires. (Applaudissements.)
La discussion du fond de la question serait plus simple que ces discussions d'ajournement, et il serait de meilleure foi de donner tout de suite la parole à ceux qui ont réfléchi
sur cette matière. Je demande donc l'ordre du jour.
Ce que propose M. Guadet serait la violation provisoire (Tune loi constitutionnelle. Je crois que la proposition de M. Vaublanc n'est
Sas plus admissible. Il ne vous appartient pas e suspendre le départ des troupes; si vous adoptiez des mesures comme cela, que deviendrait la responsabilité? (Murmures.)
Au roi appartient le soin de prendre toutes les mesures propres à réprimer les désordres dans les départements; si vous le gênez dans l'exercice de ce droit, vous portez atteinte à la prérogative, vous détruisez la responsabilité des ministres.
Le rapport du comité colonial est pour le 10. Il ' n'est malheureusement que trop vrai que les secours destinés à Saint-Domingue ne pourront partir d'ici au 10 de ce mois. La nouvelle d'une insurrection à Brest, dont nous avons été instruits ce matin au comité colonial, détruit notre espérance de voir partir les secours aussitôt que nous le désirerions. Ainsi, que ce ne soit pas la crainte du départ précipité des troupes qui vous fasse prendre une mesure provisoire qui serait dangereuse ou suspendre le départ des troupes, ce qui serait inconstitutionnel. Je demande que la discussion de la motion de M. Guadet soit ajournée après le rapport du comité co-lônial.
Un membre : Les députés de Saint-Domingue vous ont bien rendu compte des malheurs de cette île ; ils vous ont même parlé d'un arrêté de l'assemblée générale, en date du 20 septembre ; mais, ce qu'ils ne vous ont pas dit, c'est que postérieurement à cet arrêté, des députés du Port-au-Prince sont venus apporter à l'assemblée générale le concordat, et que, le 25 septembre, cette assemblée a pris un nouvel arrêté par lequel elle confirme celui du 20, et déclare qu'elle ne s'opposera pas à l'exécution du décret du 15 mai, quand il lui sera officiellement parvenu. Que veulent donc dire ces députés quand ils s'opposent au maintienprovisoire du concordat que rassemblé générale a elle-même confirmé? Quelle choquante contradiction! Que veut-on, dans ce moment-ci, en envoyant des troupes à Saint-Domingue? Elles vont y exécuter le décret du 24 septembre, c'est-à-dire le signal de la mort. "
Je demande donc, en insistant, sur la proposition de M. Vaublanc, que le roi soit invité à suspendre l'envoi des commissaires et le départ des troupes jusqu'à ce (pie l'Assemblée, suffisamment éclairée, ait pris à cet égard un parti définitif : et je propose, en outre, que l'Assemblée nationale mande à sa barre les députés extraordinaires de Saint-Domingue, à l'effet de les sommer de déposer sur le bureau la délibération du 25 septembre dont ils doivent,être porteurs, comme de celle du 20. (Applaudissements.)
Je demande la parole pour présenter un projet de décret.
Lorsqu'une première fois, par respect pour les formes constitutionnelles, vous avez été• forcés de différer d'un ou de plusieurs jours le vote des dépenses nécessaires pour les secours destinés à la colonie de Saint-Domingue, on n'a pas manqué de calomnier vos intentions, de vous accuser d'une indifférence coupable, et pour accréditer ces reproches, on a eu l'adresse de l'insérer dans une lettre signée par le roi, et contresignée Bertrand. Si vous prononcez en ce moment la suspension du départ de ces secours réclamés
avec tant de force par des citoyens malheureux, avec quelle énergie et quelle apparence de raison ne répétera-t-on pas ce reproche d'insouciance? (Murmures.)
Je ne dirai pas qu'il serait inconstitutionnel de prononcer cette suspension, comme on la présente; car elle n'est proposée que sous la forme d'une invitation au roi; mais je dis que la nécessité et l'urgence des secours étant démontrées, toute suspension serait dangereuse. Il faut régler les réquisitions de manière que vos intentions ne soient pas trompées. La motion de M. Guadet a paru effaroucher plusieurs esprits, parce qu'on a confondu le maintien provisoire au concordat avec sa confirmation ; c est-à-dire un provisoire avec une mesure qui préjugerait par le fait la détermination défmjtive. Je demande à rétablir ma motion, et j'ose croire que personne n'y verra une atteinte au décret du 24 septembre et qu'on y trouvera la base des pouvoirs à accorder aux commissaires et aux troupes. Le voici :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'aussitôt qu'elle a été instruite des désordres arrivés à Saint-Domingue, elle a décrété qu'une somme de 10 millions serait employée à faire passer dans les colonies les secours dont elle pourrait avoir besoin en troupes de ligne, armes ou instruments ; considérant qu'elle s'occupe dans le moment de chercher les causes et les moyens les plus efficaces pour les faire cesser ; considérant qu'elle s'est déterminée, dans cette circonstance critique, par les sentiments douloureux qu'ont dû lui inspirer des Français malheureux, et par ceux de fraternité qui uniront toujours la métropole aux colonies ; considérant enfin que l'espoir des colons serait déçu, et les intentions de l'Assemblée nationale trompées, si des factieux malveillants parvenaient à diriger l'emploi des forces destinées à secourir Saint-Domingue, de manière à favoriser des actes d'oppression, et préparer ainsi la renaissance des troubles ; décrète ce qui suit i
« Art. fer. Les troupes de ligne qui sont dans la partie française de Saint-Domingue, celles qui sont embarquées ou qui doivent Fêtre pour s'y rendre, ne pourront y agir que sur la réquisition des commissaires civils envoyés par le roi.
« Art. 2. Les commissaires civils seront tenus, sous leur responsabilité, de faire toutes les réquisitions nécessaires pour le rétablissement de 1 ordre dans les colonies et de la subordination dans les ateliers.
« Art. 3. Ils seront tenus également de faire toutes les réquisitions nécessaires pour protéger les réclamations qui seraient faites dans les formes prescrites par les lois pour protéger la liberté des assemblées coloniales, la sûreté de tous les individus, et pour assurer à toutes ces personnes la jouissance de l'état qui leur avait été accordé par les assemblées coloniales, et dont, en conséquence, elles se seraient trouvées en possession à l'arrivée desdits .commissaires civils à Saint-Domingue.
« Art. 4. Si en usant de la faculté qui leur est laissée par le décret du 24 septembre dernier, les assemblées coloniales faisaient, après l'arrivée des commissaires civils et des troupes de ligne, quelque innovation dans l'état déjà accordé aux personnes, les commissaires civils ne pourront requérir la force armée pour l'exécution des arrêtés qui ordonneraient ces innovations, qu'autant quelesdits arrêtés seront revêtus des formes légales, et notamment de la sanction du roi.
« Art. 5. Les commissaires civils sont chargés, au nom de la patrie, d'employer tous les moyens que le civisme, le zèle et le patriotisme pourront leur suggérer, pour pacifier tout, pour ramener la paix, faire régner la justice, et rétablir dans les colonies le calme, avec l'espoir d'un avenir plus heureux.
« Art. 6. Le roi sera prié de presser les assemblées coloniales de toutes les îles françaises, pour qu'elles émettent promptement leur vœu sur la Constitution, qui, en fixant dans leur sein la question sur 1 état des personnes de couleur, et assayant leur régime intérieur sur de bonnes bases, les préservera à l'avenir des troubles...
Plusieurs membres : C'est le fond, cela!
, continuant la lecture « ... qui les affligent depuis la Révolution, et qui les unira plus que jamais à la métropole.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
L'exemple de ce qui s'estpassé sone l'Assemblée constituante, doit nous éclairer sur nos devoirs et nous engager à ne pas nous exposer aux reproches qu'on a pu lui faire. Elle a rendu différents décrets contradictoires, parce qu'elle les rendait sans discussion, et ils ont produit les effets les plus funestes. Nous devons nous préserver de tomber dans cet inconvénient. Je propose à l'Assemblée d'ajourner tous les projets de décret après le rapport du comité colonial, parce qu'alors vous prendrez une mesure définitive, qui assurera, d'une manière précise et invariable, le sort des colons. . 1 !
Je demande, en outre, que, dès à présent, le roi soit prié de suspendre le départ des troupes, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué définitivement sur les moyens à prendre pour rétablir l'ordre et la tranquillité dans les colonies. (Applaudissements.)
Plusieurs membres: La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres: La priorité sur la motion de M. Delacroix!
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Delacroix.)
Plusieurs membres : La division!
(Après quelques débats, l'Assemblée décrète la division.)
Je mets aux voix là première partie de la motion de M. Delacroix.
Que ceux qui demandent la responsabilité se lèvent.
(L'Assemblée décrète à une grande majorité la première partie de la motion de M. Delacroix et prononce, en conséquence, l'ajournement au 10 décembre de la discussion des projets de décret de MM. Brissot de Warviile, Guadet et Vergniaud.)
Je demande la question préalable sur la seconde partie de la proposition de M. Delacroix.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Vautres membres : A l'ordre ! à l'ordre ! aux voix la suspension du départ!
On demande la question préalable sur la séconde partie dé la proposition ae M. Delacroix : je vais mettre aux voixla question préalable.
Un grand nombre de membres, interrompant avec violence: Non! non! aux voix la suspension!
Je demande à motiver la question préalable.
Les mêmes membres : Vous n'avez pas la parole. M. Gérardin. Je demande à la motiver. (Non! non!) J'ai résisté à tous les genres de despotisme (Murmures.), et je résisterai encore à celui-ci. (Rires).
Je demande que M. Gérardin soit entendu, et je demanderai moi-même à motiver la question préalable.
(Plusieurs instants se passent au milieu de grandes rumeurs et de vives altercations.)
demandent avec insistance à être entendus.(L'Assemblée décide qu'ils ne seront pas entendus.)
Je mets aux voix la question préalable.
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable sur la seconde partie de la proposition de M. Delacroix.) — (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres de la minorité réclament contre cette décision.
Je vais renouveler l'épreuve. (Une seconde épreuve a lieu et l'Assemblée décide^ une grande majorité, qu'il y a lieu à délibérer.)
Je demande par amendement que l'on ajoute à la proposition de M.Delacroix, ces mots: « sans cependant suspendre les préparatifs. (Applaudissements.) (Le calme se rétablit.)
Je demande par amendement l'ajournement de la seconde partie de la motion de M. Delacroix. Je vous prie de bien considérer que vous allez vous charger d'une reponsabilite effrayante. (Murmures.),
Il est étonnant que les mêmes personnes qui vous ont dit qu'il était dangereux ae prendre une résolution précipitée, vous proposent dé décider, sans discussion, une pareille question.
Je dis qu'en suspendant l'envoi des troupes, vous allez vous charger d'une responsabilité terrible. Le pouvoir exécutif ne pourra agir; vous n'aurez aucune garantie contre ses agents. Et si les troubles se renouvellent, ce que l'envoi du 24 septembre dernier est très capable de faire, vous n'aurez personne sur qui vous pourrez faire retomber la responsabilité. Vous vous exposez aux reproches que vous feront avec justice les colons et tous les peuples voisins. Dans une circonstance de si haute importance, vous ne pouvez pas vous dispenser de laisser partir les troupes. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour sur la seconde partie de la motion de M. Delacroix, ou qu'elle soit ajournée.
La colonie de Saint-Domingue vous demande et des secours et des vivres. Voulez-vous suspendre l'envoi des secours? Pensez-vous un instant suspendre l'envoi des vivres? Voulez-vous vous charger de la malédiction des colonies et des villes de commerce ? Voulez-vous vous charger de la responsabilité que vous appelez sur l'Assemblée nationale par une mesure aussi profondément impolitique, par une mesure qui, j ose le dire, ne serait plus soutenue, si elle avait supporté la lumière de la discussion?
J'appuie de toutes mes forces l'ajournement de la question. C'est au pouvoir exécutif à savoir s'il est important ou non de suspendre le départ
des forces destinées à secourir Saint-Domingue. (Murmures.) C'est au ministre à donner des ordres sous sa responsabilité. Mais, ce que je vous demande par dessus tout, pour l'honneur de l'Assemblée (Murmures prolongés.) et pour la tranquillité de l'Etat, c'est de ne pas prendre une décision de cette importance au milieu du tumulte et dans le choc des passions, mais d'ajourner à demain.
Vous n'attaquez point la Constitution en suspendant l'envoi des troupes. On vous a dit que vous vous chargeriez d'une responsabilité terrible ; et moi, je vous dis que vous vous chargez d'une responsabilité bien plus terrible, si vous vous laissez reprocher par l'Europe et par la postérité d'avoir envoyé des assassins pour
poignarder des citoyens.....(Murmures prolongés
et exclamations.)
Un grand nombre de membres : A l'ordre ! à l'ordre 1 A l'Abbaye !
(Le désordre et les clameurs se prolongent pendant plusieurs minutes. Au milieu du tumulte, on distingue les motions d'ordre de MM. Merlin et Delacroix ayant pour objet d'entendre, préalablement au rappel à l'ordre, les explications de M. Lasource.)
Je demande que M. Lasource soit entendu, parce qu'il n'a pas eu sans doute l'intention d'insulter nos braves soldats.
(Le calme se rétablit.)
On propose que M. Lasource soit rappelé à l'ordre. Il demande à s'expliquer ; je lui accorde la parole.
Je demanderais moi-même à être rappelé à l'ordre si j'étais coupable d'une autre inconséquence que d'un Vice d'expression et d'une mauvaise construction de phrase : mais je déclare solennellement que j'étais loin de vouloir inculper les braves soldats français qui seront envoyés dans les colonies, etquejen'ai pas voulu dire autre chose, sinon qu'il était à crain dre que si on ne donnait aux chefs des instructions précises, ils devinssent, sans le savoir, des assassins, des instruments aveuglés des vengeances d'un parti. (Applaudissements.) Jamais je n'ai-voulu attirer un semblable soupçon sur les troupes.....
Un membre: Et sur qui donc, alors?
C'est sur les intrigants qui sont dans les colonies, et -je pourrais m'appuyer de l'expérience du passe pour prouver combien il serait dangereux de mettre les troupes à la disposition de ces hommes qui, ennemis implacables de la Révolution, n'ont peut-être travaillé à la destruction des colonies que pour porter un coup mortel à la Constitution.
C'est cela, vous avez raison 1
Maintenant, Messieurs, si l'Assemblée est satisfaite de cette explication, je poursuis mon opinion. On vous a dit encore que vous pouviez peut-être perdre les colonies par le retard qui vous est proposé. Eh bien, je demande maintenant à qui l'on envoie ces troupes? Par qui vous sont-elles réclamées ? Par ces mêmes commissaires qui vous ont aujourd'hui présenté une adresse dans laquelle leur perfidie est dévoilée (Applaudissements.), qui réclament contre l'exécution provisoire du concordat, seul moyen d'avoir la tranquillité.
Je m'explique : quand M. Guadet a demandé le maintien provisoire du concordat, on s'est ré-
crié contre cette proposition. Hé bierç, Messieurs, je vous le demande, ou ils ont consenti ce concordat de bonne foi, bu ils ne l'ont pas consenti de bonne foi. {Murmures.) S'ils ne l'ont pas consenti de bonne foi, je dis que vous devez vous défier de ceux qui vous demandent des troupes, car ils veulent sans doute exercer des vengeances et tourner ces forces contre les hommes de couleur avec lesquels ils ont fait ce concordat. S'ils l'ont au contraire consenti de bonne foi, pourquoi s'opposent-ils donc à ce que vous le mainteniez provisoirement, lorsqu'il ést commandé par l'intérêt de la paix? :
Plusieurs membres ; Ce n'est pas la question.
Je dis que la question est de savoir si l'on mettra des troupes sous l'influence des colons, sans leur prescrire une règle de conduite, sans ordonner formellement l'exécution du concordat ; je suis dans la question quand je prouve que les sentiments des colons sont suspects ; et je ne crains pas d'avancer que l'Assemblée générale, que M. Blanchelande, sont les véritables ennemis de la Constitution- {Quelques applaudissements. )
Je conclus en observant qu'on a dit que les troupes ne pouvaient ni ne devaient partir de suite, et que, par conséquent, il n'y a pas d'inconvénient à suspendre leur départ.
Je demande l'ajournement de cette question à demain, et j'observe qu'il y aurait de la mauvaise foi de la part de ceux qui demandent la suspension, a s'opposer à un ajournement, qui'est une suspension dè fait, ou qui du moins n'empêche pas la suspension, câr certai1 nementles troupes ne partiront pas demain.
J'appuie la motion de M. Ducos.
Je demande que le départ des troupes, annoncé par les papiers publics comme devant avoir lieu le 15 de ce mois, soit reculé au 20.
Je crois qu'avant de faire auprès du roi la démarche qu'on propose, il faudrait s'informer jdè l'époque présumée du départ des troupes qui sont à Brest ; car, s'il est vrai qu'elles ne peuvent pas s'embarquer avant le 15 ou le 20 décembre, c'est-à-dire avant l'époque de votre décret définitif, cette démarché serait iuutile. Si elles doivent partir auparavant, vous ferez l'invitation. J'appuie donc 1 ajournement à demain. (Applaudissements.) >
Plusieurs membres prennent encore successivement ou simultanément la parole, pour reproduire les motifs déjà allégués dans les déux opinions.
Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion et ajourne à demain la discussion de la seconde partie de la motion de M. Delacroix.)
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères oui l'a demandée.
, ministre des affaires étrangères, ancien ministre de Vintérieur. Monsieur le président, je viens d'apprendre qu'on a dénonce à l'Assemblée ipes actions et mes principes. J'ose dire qu'il me sera, facile dg justifier les unes et les autres, et3 peut-être dois-jè me féliciter d'avoir une occasion de les produire au grand j our et de confondre mes détracteurs. Mais j'ai besoin pour cela que les faits articulés soient sous mes y eux; j'attends donc avec impatience que les papiers
publics m aient fait connaître quelles sont ces inculpations, pour pouvoir y répondre.
Il est un objet cependant sur lequel je m'empresse de mé justifier, c'est sur l'article d,es subsistances. On me reproche de n'y avoir pas donné tous mes soins, peut-être même dé m'etre livré à une négligence reprochable. J'ose dire, et je ne crains pas d'être démenti ici, qu'il n'y a pas d'efforts, pas de soins, pas de genre de prévoyance que je n'aie employés, soit pour empêcher l'exportation des grains à l'étranger, ce qui est impossible par la nature des choses et par le haut prix où les grains sont moiités, soit pour faciliter la circulation à l'intérieur du royaume qui n'est malheureusement que trop interrompue. J'en rendrai compte à l'Assemblée, et comme j'ai eu sur cet objet des rapports assez multipliés avec beaucoup de membres de cette Assemblée, j'ose invoquer ici'leur témoignage pour me rendre justice.
Plusieurs membres (Applaudissant) : Oui ! oui î C'est très vrai !
Plusieurs membres demandent la parole.
Voix diverses : L'ordre du jour! — La clôture de la séance !
Vautres membres : Non! non! (Vive agitation.)
et plusieurs membres à gauche, observent qu'il y a séance ce soir et qu'il est temps de lever la séance.
Les réclamations contraires qui se font de tous côtés prouvent que l'Assemblée a besoin d'exprimer son vœu. Plusieurs membres demandent la parole, d'autres que la séance soit levée; je consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée, consultée, décrète que la séance est levée.)
(La séance est levée à quatre heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
PROCLAMATION du roi relativement à Varrestation de 4 bateçiux chargés de grains, qui a eu lieu à Saint-Omer, le 4 novembre 1791.
Le roi est informé que, malgré les précautions prises par les officiers municipaux de la ville de Saint-Omer pour protéger le passage de 4 bateaux chargés de grains destinés pour les départements du royaume qui manquent de subsistances, et malgré les acquits à caution en bonne forme, visés par lesdits officiers municipaux, dont étaient munis lés maîtres ou conducteurs desdits bateaux, le peuple égaré par de fausses alarmes, s'est attroupé, lè 4 de ce mois, pour s'ôpposèr au passage desdits bateaux ; qu'en vain les officiers municipaux ont requis la force publique au nom de la loi ; qu'il n'a pas été possible de rassembler la garde nationale en nombre suffisant, et que les troupes de ligne prêtes à obéir aux ordres qui leur ont été donnés, n'ont cependant pu être employées, parce que le passage delà rivière s'est trouvé en un moiùent obstrué par un amas de pierres qui y a été formé par les attroupés, et que les ouvriers commandés pour lès ôter ont refusé
formellement d'obéir ; que dans cette position, et attendu l'impossibilité de faire partir les 4 bateaux chargés de grains, les officiers municipaux, après avoir fait tout ce que leur zèle pouvait leur commander, ont été forcés de faire rétrograder les 4 bateaux et de les faire placer près du corps de garde pour les mettre sous sa protection à l'abri de toutes voies de fait et violences.
Le roi a appris avec douleur une violation aussi caractérisée ae la liberté de la circulation intérieure des grains, et justement alarmé des consé-
Suences fâcheuses qui pourraient en résulter, Sa ajesté ne peut différer d'user de l'autorité que lui donne la Constitution pour assurer, autant qu'il est en elle, l'exécution des lois et la soumission de tous les citoyens aux réquisitions des corps administratifs chargés d'en maintenir l'observation. Sa Majesté veut néanmoins rappeler les lois déjà rendues en faveur de la libre circulation des grains, afin de faire connaître combien l'Assemblée nationale constituante a jugé cette libre circulation nécessaire pour l'intérêt du peuple, puisqu'elle en a fait l'objet d'une attention particulière et la matière de plusieurs décrets.
Le 29 août 1789, l'Assemblée nationale constituante a décrété « que la vente et Circulation des grains et farines seraient libres dahs toute l'étendue du royaume, et que ceux qui feraient des transports de: grains ou farines par mer seraient assujettis à des déclarations, et a justifier de leur arrivée au lieu de destination, et l'exportation à l'étranger a été défendue. »
Lé 18 septembre 1789, l'Assemblée nationale constituante, convaincue « que la sûreté et la sécurité du peuple étaient essentiellement attachées à l'exécution rigoureuse du; décret du 29 août précédent, a ordonné que toute opposition à là vente et libre circulation dés grains dans l'intérieur du royaume serait considérée comme un attentat contre la sûreté et la sécurité du peuple, et que ceux qui s'en rendraient coupables seraient poursuivis extraordinaîrement côifime perturbateurs du repos public? »
Le 2 juin 1790, l'Assemblée nationale constituante, informée que par des excès commis dans plusieurs départements, la liberté si nécessaire, est-il dit, de la vente et circUlàtion des grains avait été attaquée, et que ces excès, s'ils n'étaient réprimés, amèneraient promptemertt la famine, a déclaré ennemis de la Constitution, de l'Assemblée nationale, de la nation et du roi, tous ceux qui excitent le peuple à des Voies! devait et à'dés violences contre la liberté de Venté et de circulation des denrées et subsistances. Elle met sous la protection et sauvegarde de la loi, de la Constitution, de l'Assemblée nationale et au roi, tous les citoyens, les laboureurs, fermiers ët métayers, les commerçants et marchands dé grains et subsistances. Elle ordonne que les Contrévè-nants seront reconnus et dénoncés par les honnêtes gens, comme ennemis de la Constitution et des travaux de l'Assemblée nationale; de la nation et du roi. Elle ordonne en même temps àùx gardes nationales, qui sont les citoyens actifs eux-mêmes, et aux troupes de ligne, de déférer sans délai à-toutes les réquisitions qui leur seront faites par les corps administratifs et municipaux. ■ ' ' •'-•"- ■ ""' •"'
Le 7 décembre 1790, l'Assemblée nationale constituantes ordonné, sur la pétition du conseil général du département du Pas-de-Calais, que la loi du 29 août 1789, et les articles 3 et 4 dé colle du 18 septembre suiyant, sur la libre circulation intérieure seraient exécutés dans les 10 lieues
frontières pour les transports de grains par les canaux et rivières, lorsque les chargements excéderaient 30 quintaux, et que de quelques lieux que les grains fussent partis, les acquits à caution seraient pris ou visés dans les municipalités de la route des 10 lieues frontières.
Enfin, le 26 septembre dernier, l'Assemblée nationale constituante, convaincue de la nécessité de réprimer efficacement toute atteinte qui pourrait être portée à la libre circulation des "rains, et d'en punir les auteurs, a rendu gra-uellement responsables de la valeur des grains les départements, les districts et les municipalités où il se serait commis quelque violation à la loi dé m libre circulation, de manière que cette responsabilité pût retomber en définitive sur les auteurs de la violation et du désordre.
L'Assemblée nationale constituante ne s'est pas contentée d'ordonner aussi formellement la libre circulation; l'exacte et scrupuleuse obéissance aux lois déjà rendues sur cette matière, lui a paru si nécessaire et d'une si haute importance, qu'elle a voulu en faire un article particulier du serment de la fédération. Et c'est au nom de toutes les gardes nationales du royaume que leurs députés à la fédération générale ont juré, le 14 juillet 1790, d'être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le roi; de protéger la sûreté des personnes et des propriétés M ta circulation des grains et des subsistances dans Vintérieur du royaume.
Gomment la promulgation de lois aussi positives n'a-t-elle pas encore prémuni le peuple contre de fausses alarmes? Comment l'évidence des principes sur lesquels ces lois sont fondées n'a-t-elle pas éclairé sa raison ? Comment, con-tinue-tril à se livrer à des soupçons injustes, à des mouvements si peu réfléchis, à lune désobéissance si répréhensible et en mêmé temps si contraire à ses véritables intérêts? Gomment refuse-t-jl sa confiance aux administrateurs qu'il a lui-même choisis, lorsqu'ils ne lui parlent qu'au nom de la loi, lorsqu'en voulant la faire exécuter ils remplissent un devoir qu'ils ne pourraient négliger sans se rendre coupables, sans trahir leur serment, sans mettre la Constitution même en danger, puisque c'est par la soumission seule àux lois qù'elle peut être inébranlable. Les citoyens qui se sont inscrits dans la garde nationale ont-ils donc oublié qu'ils ont été armés pour assurer l'exécution des lois ? que leur premier devoir est d'obéir aux réquisitions qui leur sont faites par les corps administratifs, sous leur responsabilité, et que cette responsabilité retombe tout entière sur leur propre honneur, lorsqu'ils trompent ainsi la confiance que les administrateurs doivent avoir dans leur attachemènt pour la: Constitution^ et dans leur zèle à se dévouer pour assurer l'exécution des lois. ••"
Le roi, dans toutes les occasions où il a été donné des atteintes particulières à la libre circulation des grains, a donné les ordres les plus précis pour les faire cesser. 1 Sa Majesté a cherché à multiplier les instructions sur ce sujet de tant de fausses opinions, de tant d'inquiétudes mal fondées, et c'est par une suite de ce sentiment de bonté qui la porte toujours à ne voir que des citoyens trompés par leurs propres craintes sur leurs besoins, plutôt que des hommes d'une désobéissance réfléchie à la loi, qu'elle veut encore aujourd'hui essayer de les faire, revenir de leur
erreur avant de les livrer à la poursuite des tribunaux.
Le roi répète à tous enfin, qu'en même temps qu'il s'efforce de maintenir, conformément aux lois, la libre circulation intérieure, il a fait donner les ordres les plus précis sur toutes les frontières, pour empêcher qu'il ne se fasse aucune exportation à l'étranger. La même surveillance a été recommandée dans tous les ports et sur toutes les côtes. La formalité des acquits à caution sous laquelle il est permis, par la loi du 29 août 1789 et par celle du 7 décembre 1790, de faire des transports de grains par mer et par les canaux et rivières pour les autres ports du royaume, est exigée et observée avec la plus grande exactitude. line peut donc y avoir aucune inquiétude raisonnable sur les expéditions des grains qui se font par les ports et paries rivières ou canaux navigables, puisque les acquits à Caution garantissent que ces expéditions n'ont et ne peuvent avoir aucune destination étrangère. Ces explications claires et précises ne laissent plus de prétexte à la résistance. La justice, la raison, l'intérêt même bien entendu du peuple, lui font maintenant un devoir de ne plus apporter d'obstacles au libre passage des grains ; car il Éé peut plus ignorer qu'ils sont destinés à secourir les départements dû royaume, qui, ayant eu le malheur d'éprouver une grande disette, ne peuvent se procurer de subsistances qu'en faisant faire pour leur compté des achats dans lés départements, dont le produit des récoltes est supérieur à la consommation. Ceux qui ont été favorisés cette année par une abondante récolte, ne doivent-ils pas prévoir qu'ils ^peuvent éprouver à leur tour le malheur qui afflige aujourd'hui quelques parties du royaume? Ne doivent-ils pas craindre que s'ils refusent de secourir du superflu de leurs besoins leurs concitoyens, leurs frères, ils ne soient exposés aux mêmes obstacles, sans avoir le droit de réclamer une réciprocité à laquelle ils se seraient imprudemment refusés.
Le roi, après avoir ainsi fait tout ce qui est en son pouvoir pour dissiper les inquiétudes du peuple, veut en même temps pourvoir, par tous les moyens que la Constitution lui donne, à ce que la loi soit observée et exécutée par tous; mais c'est à regret que Sa Majesté se verrait forcée de provoquer la sévérité de la justice contre ceux qui continueraient à opposer une résistance coupable à la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume.
En conséquence, le roi ordonne que les lois précédemment rendues et qui ordonnent la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume seront exécutées selon leurs forme et teneur; ordonne Sa Majesté aux officiers municipaux de la ville de Saint-Omer de faire cesser sans délai les obstacles qui ont empêché jusqu'ici le libre passage des quatre bateaux chargés de grains arrêtés à Saint-Omer le 4 de ce mois et dont les maîtres ou conducteurs étaient munis d'acquits à caution en bonne forme et visés par la municipalité. Enjoint Sa Majesté auxdits officiers municipaux de requérir au besoin la force publique ; aux gardes nationales, à la gendarmerie nationale et aux troupes de ligne d'obéir aux réquisitions qui pourraient leur être faites, à peine de demeurer responsables des conséquences qui pourraient résulter de leur refus de prêter assistance à la loi. Ordonne Sa Majesté que la responsabilité graduelle établie par le décret du 26 septembre pour garantir aux propriétaires la valeur de leurs denrées, sera exercée conformément au-
dit décret contre ceux qui encourraient la peine de ladite responsabilité. Ordonne que ceux qui s'opposeraient encore au libre passage desdits bateaux, seront dénoncés aux tribunaux et poursuivis conformément à la loi. Ordonne, en outre, Sa Majesté que la présente proclamation sera lue, publiée et affichée dans la ville de Saint-Omer, qu'elle sera également publiée et affichée partout où besoin sera.
Fait au conseil d'Etat tenu à Paris le 13 novembre 1791. Signé : Louis. Et plus bas : delessart.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
opinion de M. Jean-François Afichon-Du-maret, député du département deRhône-et-Loire (i), surle projet de décret de M. Brissot, ,î concernant les troubles des colonies (2) .
Inscrit des derniers pour.parler sur les colonies , je n'ai pas l'espoir de pouvoir développer à la tribune mes idées sur les grandes questions que fera naître, sans doute, le rapport au comité colonial; je prends donc le parti de les exposer au public, et de réfuter par la voie de l'impression, trois des principales questions de M. Brissot. Les talents et l'influence du membre qui présente une opinion, rendent plus impérieux le devoir de la combattre à tous ceux de ses collègues qui la croient erronée.
Quand l'origine des désordres qui viennent d'anéantir une partie de la colonie de Saint-Domingue serait aussi connue que leurs funestes résultats, on serait sans doute embarrassé de déterminer les- formes d'après lesquelles on devrait poursuivre et faire punir d'aussi énormes attentats; mais lorsque ces crimes restent encore cachés sous un voile épais ; lorsque des imputations mutuelles, vagues, dénuées non seulement de preuves, non seulement de probabilités, mais la plupart de vraisemblance, quel a été mon étonne-ment de voir un membre de r Assemblée nationale proposer froidement de déclarer qu'il y avait lieu à accusation contre les premières victimes de l'incendie que nous devons chercher à éteindre ! Si la justice avait jamais besoin des ressorts de la sensibilité, cette douce émotion de l'âme aurait dans cette circonstance pu lui fournir des armes bien puissantes pour appuyer ses droits; mais on ne doit chercher à toucher que ceux qu'on nej>eut convaincre, et l'éloquence devrait être bannie du temple des lois.
Pour assurer, il faut un commencement de preuves ; mais, regardera-t-on comme tel, les insinuations de la théorie systématique de M. Brissot? Regardera-t-on comme un commencement de preuves, des récriminations peut-être justes, mais qui ne sont encore appuyées d'aucun fait certain? Regardera-t-on comme un commencement de preuves l'embargo mis sur tous les na-
vires, dans un instant où l'on avait un si pressant besoin de tous leurs secours, dans un instant où l'excès du danger pouvait conseiller des mesures imprudentes, mais que cet excès même justifiait? Enfin, regardera-t-on comme un commencement ae preuves, l'aviso enVoyé à la Jamaïque, avant d'en avoir dépêché un en France? Mais, dans un péril imminent, on s'adresse à son voisin le plus proche, fût-il notre ennemi, parce qu'on attend ae son humanité les plus prompts secours. On impute, il est vrai, des arrestations illégales à l'assemblée coloniale; mais d'abord a-t-on examiné si ces emprisonnements étaient en effet illégaux? D'ailleurs, s'il est des circonstances où la nécessité ne permet pas de recourir à la lenteur des formes de la loi, la situation où se trouvait Saint-Domingue n'en est-elle pas une des plus pressantes? La municipalité de Quimper n'a-t-elle pas obtenu des applaudissements pour avoir arrêté, quoique illégalement, le sieur Tardi? La sûreté publique sera toujours la première des lois. Enfin, c'est à l'occasion de la révolte des nègres, qu'on propose d'accuser les colons : ceux-ci chargent à leur tour les amis des noirs, d'avoir provoqué cette insurrection. Eh bien, ce qui est le plus probable, c'est que ni les uns, ni les autres ne méritent de telles imputations. Lorsque les Français, dans leurs sublime sefforts, brisèrent en un instant des fers rivés avec art pendant 1,200 ans, fit-on un crime à des écrivains philosophes d'avoir révélé aux nations, leurs forces et leurs droits? La vérité peut bien quelquefois être impolitique, mais elle n'est criminelle qu'à la cour des tyrans ; là, elle se cache sous le voile le plus épais; elle peut se montrer toute nue aux regards d'un peuple libre. Il est bien plus naturel de penser que le sentiment de la liberté, qui peut sommeiller, mais qui vit toujours dans le coeur du plus vil esclave, s'est réveillé avec énergie dans l'âme de quelques nègres fiers et courageux; qui ont communiqué ce sentiment à leurs compagnons d'infortune; et que l'étincelle, sortie du cerveau qui, quoique sous une toison de nègre, est capable de fortes conceptions, a électrisê tous ceux qui ont brisé leurs chaînes.
Mais supposons un instant les colons coupables. D'après quelles lois les jugera-t-on ? Quel serale tribunal compétent pour reconnaître léurs crimes et en prononcer le châtiment?Us ne sont encore gouvernés que par leur ancien code, qui; peut suffire pour les délits ordinaires: mais dans un temps de révolution (et ils sont encore dans ce .temps, leur Constitution n'étant point faite), doit-on juger des crimes de haute trahison d'après les lois rédigées par le despotisme ? S'il en était ainsi, ceux à qui la patrie doit des autels auraient pu périr sur un échafaud. Serait-ce à la haute cour nationale qu'ils devraient être renvoyés ? mais ils n'ont point fourni, mais ils ne doivent jamais fournir aucun membre au tribunal de cassation : ils n'ont pas de jurés : et certes si un tribunal est compétent à leur égard, c'est celui à l'établissement, à la composition duquel ils n'ont pas concouru.
M. Brissot propose ensuite d'envoyer dans les colonies des commissaires civils choisis par le Corps législatif : mais, ou ces commissaires ne seront revêtus d'aucun pouvoir, ou ils auront celui de faire exécuter des lois. Dans le premier cas quel peut être l'utilité de cette mission ? Dans le second cas, le Corps législatif pourrait-il déléguer des fonctions essentiellement séparées des siennes, et empiéter de la sorte sur le pouvoir auquel la Constitution a confié expressé-
ment l'exécution des lois ? Un principe généralement reconnu, est que nul ne peut déléguer un droit qu'il n'a ni ne peut avoir. D'ailleurs quelles seraient les lois que feraient exécuter les commissaires ? Mes réflexions sur la troisième proposition de M. Brissot démontreront peut-être combien serait difficile la désignation de celles dont on leur confierait l'exécution.
La quatrième proposition de M. Brissot est bien plus spécieuse, et la bonté des motifs dont il se sert pour l'appuyer, ne saurait être révoquée en doute. Le concordat, dont tous les principes découlent de la nature et de la justice, proposé et exécuté solennellement entre des hommes égaux en droits, doit réunir de plus l'avantage d'étouffer toutes les semences de haine et de discorde entre des colons divisés par l'orgueil, mais unis par le même intérêt, d'une couleur différente, mais souvent d'un même sang» Certes, je regarderai comme un des beaux jours de la législature, celui où les colons viendront proposer une loi que demandent impérieusement l'humanité, la raison, l'égalité et leurs intérêts ; un cri universel de joie fera retentir les voûtes de la salle ; les suffrages unanimes des représentants de la France ^approuveront au milieu des applaudissements de tous lés amis de l'humanité.
Mais pour faire une loi, il ne suffit pas qu'elle soit juste, qu'elle soit sage ; il faut encore en avoir le droit. Examinons donc quel est celui que l'Assemblée législative peut exercer à l'égard des colonies.
L'Assemblée constituante, dépositaire de tous les pouvoirs de la nation, composée des représentants de tout l'Empire français, avait le droit d'établir une Constitution pour l'intégrité de ce même Empire. Des considérations politiques, solidement appuyées sur les différences de sol, de culture, de climat, de mœurs, d'habitudes, de relations, la déterminèrent à ne pas comprendre les colonies dans la Constitution française. 11 ne s'agit point ici d'examiner si les inconvénients qui résultaient des diversités dont j'ai parlé sont balancés par ceux que peuvent faire naître deux Constitutions dans le même Empire. Le fait est qu'elle l'a ainsi décidé, et qu'il n'appartient pas a l'Assemblée nationale seule de changer cette décision. Je n'ai pas même besoin d'examiner si le décret du 24 septembre est Constitutionnel ou non, et s'il est possible, comme on l'a avancé dans la tribune, qu'un décret soit constitutionnel pour le peuple dont il doit faire la règle et ne le soit pas pour le corps qui fait les lois. Cette maxime serait bonne dans la bouche des despotes, qui croiént bien que leurs sujets devaiènt obéir à leurs lois, mais qui n'entendaient pas y être eux-mêmes soumis. Userait cependant facile de prouver que l'Assemblée constituante, en déclarant,le 3 septembre, qu'elle ne pouvait plus rien changer à la Constitution française, qui se trouvait terminée, n'entendait pas se démettre du pouvoir de donner aux colonies une Constitution dont les premières bases n'étaient pas encore posées.
Mais quand le décret du 24 septembre ne serait pas constitutionnel, l'Assemblée nationale actuelle a-t-ellé le droit ae substituer spontanément le concordat à ce décret ?
Elle ne peut tenir le droit de donner des lois aux colonies que des colons eux-mêmes, ou de l'Assemblée constituante. A quel autre titre, « les lois étant l'expression de la volonté générale, et tous les. citoyens ayant droit de concourir per-
sonnellement ou par leurs représentants à leur formation », à quel autre titre, dis-je, un corps TRmçràMïï imutv qui n'a, dans son sein aucun représentant des inuiou^m Ammaji Colonies pourrait-il s'investir de la puissance de leur dicter des lois?De ce défautde représentants des colonies dans l'Assemblée.nationale actuelle, il résulte qu'elle ne peut user que d'un pouvoir émané de l'Assemblée constituante ; mais alors l'exercice de ce pouvoir est restreint à là latitude qu'elle a tracée, aux formes qu'elle a prescrites. Elle a déclaré que l'initiative des lois coloniales appartenait à nos colonies. Voyons si le concordat peut être considéré comme une initiative.
Encore une fois, je répète que mon vœu le plus ardent est de voir présenter ce concordat comme la première pierre sur laquelle doit être assise la Constitution. Je déclare même que je ne donnerai mon assentiment à aucune disposition qui pourrait contrarier les principes d égalité, de justice, qui devraient former toujours le nœud social, "
Comme la loi, l'initiative nè peut être que l'expression de la volonté générale, légalement recueillie, et présentée officiellement au corps ou à l'individu qui doit lui donner la sanction. Le concordat ne réunit point ces caractères essentiels ; c'est une transaction passée entre des particuliers sans convocation, sans délibération préliminaire; qui rie peut obliger que ceux qui l'ont souscrite, bien différente en cela de la loi, qui soumet à ses dispositions ceux qui n'ont pas voulu ou qui n'ont pas pu assister à la délibération, et la minorité même, qui n'y a pas consenti. De plus, le concordat vous est parvenu par l'organe de M. Blanchelande, qui, èri fait de législation, n'est point ni ne peut être l'intermédiaire ou l'agent des colonies. Il n'est donc pas possible que voùs puissiez regarder le concordat comme une initiative, et que sous ce titre il puisse être soumis à votre délibération.
D'ailleurs, je ne doute pas que les colons blancs, instruits par l'expérience ex le irialheur, pénétrés de la reconnaissance qu'ils doivent aux hommes de couleur, et de la sainteté d'un engagement très solennel, trop récent poiir être déjà oublié, ne fassent enfin taire les préjugés et l'orgueil, pour écouter la voix de la raison et de la vérité. Mais, comme il serait imprudent d'âttendre que les sentiments qui les àmiherônt àii jour de leur délivrance, .puissènt sè refroidir, ils devraient être invités à présenter, daiis lè plus bref délai; les bases de leur Constitution. Il serait monstrueux que plus longtemps, dans le même Empire, une partie des citoyens eût une Constitution, pendant que l'autre èh serait privée.
Je ne peuxqù'applaudir â la quatrième disposition du projet dé II. Brissot ; et èn la considérant sôusles rapports commerciaux sur lesquels nous pouvons dès à présent statuer, je pense comme lui que' les habitations situées aux colonies doivent être assujetties aux mêmes hypothèques et aux mêmes saisies que les biens situés en France. J
Jé conclus donc en demandant la question préalable sur les trois premières dispositions de M. Brissot, ainsi que sur les articles qui y ont rapport, et le renvoi de la quatrième aux comités de législation et des colonies.
a la seance de .l'assemblée nationale législative dû samedi 3 décembre 1791, au matin.
A LA SEANCE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE LEGISLATIVE DU SAMEDI
LETTRE de M. Belle, député d'Indre-et-Loire, insérée au numéro 68 du Journal des Débats et des Décrets, et relative à la dénonciation de M. l'abbé Fauchet contre M. Delessart, minisire de l'intérieur (1);
Paris, iè
« Je viens, Messieurs, de recevoir, avec la 16e livraison du procès-verbal un exemplaire du discours prononcé le 3 de ce mois par M. l'abbé Fauchet, contenant la dénonciation contre M. Delessart ,: ministre. Je m'étonne -d'abord; d'avoir trouvé ce discours jojint au. procès^yerbal de l'Assemblée, lequel, ce rie semble, ne devrait être accompagné que de pièces avouées par l'Assemblée elle-même.
« Quoi qu'il en soit, je me demande pourquoi je n'ai pas retrouvé dans ce. discours les pas-r sages les plus remarquables de celui prononcé à la tribune \ ou plutôt pourquoi je les ai trouvés travesti^ et déguisés. En enet, Messieurs, suivant ce discours prononcé à la tribune^ et extrait fidèlement dans , votre numéro 64 : « Les subsistances, « les comestibles de toute espèce s'écoulent par tous « les portai et par toutes les frontières du royaume, u ïè ministre s'est rendu le. protecteur dé tous les « ennemis de la chose publique. » De là l'orateur semble induire que ces approvisionnements sont pour nos ennemis du dehors,
« Suivant le discours imprimé J ^ Les grains, « les farines, jusqu'aux moindres graines comes-« tibles s'écoulent par les côtes du royàume, par « les frontières, sans arriver aux départements mé-« ridionaux qui en manquent. » Ici l'orateur flagorne: les députés dés départements méridionaux, justement indignés contre liii, pour avoir, à la tribune, fait un crime de haute trahison au ministre de ce que celui-ci laissait s'écouler par les ports des subsistances destinées ên effet pour l'approvisionnement de leurs départeihents, mais arrêtées par le peuple.
« Suivant votre version, toujours fidèle, Messieurs, ce ministre évangélique prétend que : « tous « les morts enterrés à Avignon, sont des victimes « immolées par Delessart, Je voudrais, dit-il, que « ces ombres indignées s'attachassent éternellement « à ses pas; que toujours présentes à ses yeux elles « le poursuivissent partout; que le. remords ron-« geur dévorât ses entrailles. Oui y Messieurs, qu'il « vive, mais que ce soit pour respirer, dans la gla-« cière d'Avignon^ l'odeur.infecte des cadavres san-« glants, qui n'ont été privés de la lumière que par « sa férocité, »
« Mais cette imprécation, féroce elle-même, et qui a soulevé l'Assemblée, se trouve infiniment adoucie dans le discours, imprimé. L'orateur voudrait seulement que : « l'imagination du ministre, « longtemps tourmentée de remords, contemplât « cette caverne infecte où ils (lés morts d'Avignon) sont engloutis. »
« Ainsi', lorsque la France retentit du frémissement qu'a produit, dans l'Assemblée, la déclamation furibonde de M. Fauchet, cet évêque la
reproduit sous d'autres formes, et il provoque insidieusement la censure de la nation contre l'im-probation qu'il a encourue.
« Je demande s'il est permis à un membre du Corps législatif de publier des discours qu'il n'a même?
« Je pourrais observer ici qu'à la séàiïcë d'hier le ministre de la marine, ihcûlpé, ayant lu un discours pour sa justifîcàtion, le dépôt en fût requis sur-le-champ, afin qu'il iie lui rat pas permis de le réformer à l'impression; il semble due la règle doit être aussi rigoureuse pour le dénonciateur.
« Je suis; etc.
« Signé : Belle, l'un de vos abonnés. » (1)
Séance du
présidence dè m. ducastèl, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir;
Un membre, au nom du comité d'inspection des secrétariats et bureaux, présente à l'Assemblée un projët de décret qui est adopté dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses cpmmissaires-inspébteùrs des secrétariats et bureâux, décrète que sur l'état des gratificàtions accordées aux secrétaires-commis de l'Assemblée constituante, en Vertu dû décret du 26 septembre dernier, le nom dy sieur Douày, ci-devant secrétaire-commis èt chef du bureau de la seizième division du comité d'aliénation, sera substitué à celui du sieur Tourné père, employé par erreur pour une somme de 100 livrer sur l'état desdites gratificàtionsj annexé àù décret dû 30 du même mois. »
, au nom du comité de division, fait un rapport sur une pétition de la commune de Bercy (2) dépéndant du district de Bourg-la-keirie, et présente le projet de décret suivant :
Décret d'urgéncé,
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de division, sur la demande de la commune de Bercy, tendant à ériger en paroisse la chapelle qu'elle possède dans son sein; attendu que cette commune a été séparée de la paroisse Sainte-Marguerite de Paris, dont elle dépendait ; qu'elle se trouvé maintenant sans paroisse et sans pasteur; qu'elle est fondée à demander une paroisse, et que lés électeurs du district vont se réunir incessamment joui1 nommer aux curés vacantes, décrète qu'il y à urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après àvojr 6ilï le rapport dé son comité de division, sur la dé-
« Art. 1er. La chapelle de la commune de Bercy est érigée en
église paroissiale, sous le titre de Saint-Edme.
« Art. 2. Les limites de ladite paroisse de Bercy sont celles, qui sont circonscrites dans le procès-verbal du directoire du district de Bourg-la-Reinè, du 30 août 1791, qui demeurera annexé à la minute du présent décret.
« Art. 3. Le présent décret sera porté incessamment à la sanction du roi. »
(L'Assemblée décrète l'impression des projets de décret, et l'ajournement de la discussion à samédi prochain.)
, au nom du comité de marine, fait une seconde lecture du projet de décret, présenté jeudi soir, et concernant les maîtres de quai et les jaugeurs de navires (1).
Gomme ce projet dé décret n'a été distribué que cç matin, et que par conséquent on n'a pas eu le temps de l'examiner, j'éh demande l'ajournement.
, rapporteur. Si l'Assemblée renvoie ce décret, il deviendra parfaitement inutile, parce que les assemblées rectorales sont formées, et qu'il faut sUr-le-champ statuèr sur l'admission des jaugeurs. Si vous voulez, je vais relire le rapport que je vous ai fait, et 1 Assemblée sera suffisamment eclairée. . (L'Assemblée, consultée, ajourne la discussion à demain.)
Un membre : Les habitants de la commune de Châteaupannex district de Saint-Florent-le-Vieux, départènieiit ae Maine-et-Loire, et dont la paroisse a été réunie à celles.de Montjean, se sont adressés àu dirëçtoire dû district pour avoir une paroisse, parce quë l'éloignement et la.crue des eaux ne leur permettent pas de se rendre à Montjean. Le directoire léiir a répondu qu'ils devaient s'adresser à l'Assemblée nationale. Cependant je ne crois pas que ce sciit àT'Assemblée immédiatement qu'ils ddivént porter leur réclamation.
(L'Assemblée renvoie au pouvoir exécutif pour eh charger lë département.)
Un de MM. lès secrétaires donne lecture dès lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Loyeux, député du département de la Somme, qui annoncé que sa mauvaise santé ne lui permet pas de remplir à l'Assemblée nationale la place à laquelle Font appelé le suffrage des électeurs, et prie M. le Président de faire agréer sa démission.
(L'Assemblée accepte la démission deM. Loyeux.)
2° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine; par laquelle il annonce l'envoi à
l'Assemblée d'un mémoire contenant des observations sur lès obstacles que mettent à la
reddition dés comptes de son département, diverses dispositions relatives à la liquidation
des dépenses arriérées; terminé par 1 indication des moyens dé lés faire cesser;
30 Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui fait passer un mémoire relatif'à la formation du corps des gardes nationales volontaires parisiennes à cheval autorisée par décret du 12 septembre deriyer; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris,
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous faire passer un mémoire relatif à la formation du corps des gardes nationales volontaires à cheval, autorisé par le décret de l'Assemblée nationale au 12 septembre dernier ; je vous prie de vouloir bien le mettre sous les yeux de l'Assemblée, qui trouvera sans doute dé sa justice d'accueillir la proposition dont il est question.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
* Signé : cahier. »
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire du ministre de l'intérieur au comité militaire.)
4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui adresse avéc son avis, les pièces relatives à la demande formée par le directoire du département de Paris, tendant à être autorisé à faire continueriez ouvrages relatifs à Y achèvement du Panthéon français; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris,
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser, avec mon avis, les pièces qui m'ont été adressées par le département de Paris, pour se faire autoriser à faire continuer les ouvrages nécessaires à l'achèvement du Panthéon français.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : cahier. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de l'intérieur et les pièces au comité des dépenses publiques.)
5° Lettre des députés de la Guadeloupe, par laquelle ils font part des événements qui se sont
Fassés le 15 septembre 1791, dans la ville de la ointe-à-Pitre, de l'île de Guadeloupe, au sujet de l'insurrection de la compagnie de grenadiers du deuxième bataillon du quatorzième régiment d'infanterie ; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Dans la séance du 24 du mois dernier, on a donné lecture à l'Assemblée nationale d'une lettré datée de Bordeaux, dans laquelle il est question de la Guadeloupe.
« Comme cette lettre a été renvoyée au comité de la marine, comme il a été dit qu'elle
Sourra servir à démêler le fil des trames our-ies contre la liberté, il est de notre devoir .de fixer un moment l'attention de l'Assemblée nationale sur la colonie qui nous a confié ses intérêts.
' V«: Il serait étrange de supposer que la Guadeloupe dût entrer en aucune manière dans les projets politiques qui intéressent le régime de la France. Chacun sait que cette colonie est placée à 1,500 lieues de la metropole, que sa population
blanche est fort au-dessous des besoins pour contenir les esclaves* que son intérêt est de cultiver paisiblement un champ fertile pour se procurer les commodités de la vie et enriehir le royaume par un commerce utile; d'où il résulte que le sort de cette possession précieuse est de veiller journellement sur la sûreté intérieure et que l'ignorance et la perfidie peuvent seules alarmer la France sur les projets des Guadelou-piens contre une Constitution dans laquelle ils ne sont pas compris quoiqu'ils s'honorent de faire partie de l'Empire français.
« On vous écrit que le parti aristocrate s'est réuni, qu'il a voulu faire une fédération, que les citoyens se sont aigris, qu'il y a eu plusieurs combats singuliers, etc.
« Toutes ces assertions vagues exigent que nous rétablissions les faits.
« Le danger que courut la Guadeloupe par le complot formé à Sainte-Anne il y a quelques mois, décida les habitants à proposer aes fédérations par quartier contre les ennemis de l'intérieur. C'était une manière de prévenir les horribles malheurs qui viennent de ruiner la plus belle partie de la plus riche colonie de la France. L'assemblée coloniale, faisant droit aux pétitions qui lui furent adressées, assigna, le 15 sép-tembre, pour consacrer une fédération générale. Tous les colons y furent invités ainsi que les troupes de ligne, la marine militaire et marchande et les officiers d'administration. Tous prêtèrent le serment requis et signèrent le procès-verbal de cet heureux événement. Les soldats députés du 14e régiment jurèrent, mais ne signèrent pas.
« A midi, les grenadiers du même régiment se retirèrent sur le morne du gouvernement et s'y retranchèrent., Aussitôt les officiers municipaux suivis du lieutenant-colonel de Forez et de l'aide-maj or de la place envoyé par le gouverneur se transportent sur le morne et signifient aux rebelles l'ordre de rentrer dans le devoir. Sur leur refus, l'assemblée coloniale part avec le gouverneur et tous les fidèles colons qui se trouvèrent à portée de l'accompagner ; cette petite armée, sans autres armes que quelques sabres oji épées, et quelques paires ae pistolets, monte à 1 assaut, force le poste des grenadiers, les désarme et les ramène tous prisonniers dans la ville.
« Les détails de cette journée sont consignés dans le procès-verbal de l'assemblée générale de la Guadeloupe en date du 20 septembre dernier. Nous vous envoyons copie certifiée, et nous vous prions d'en faire donner lecture à l'Assemblée nationale.
« Il est d'une grande importance que l'opinion publique se forme sur des faits authentiques, et non sur des assertions individuelles, qui ne sait qu'un gouvernement ne peut avoir une action réglée, toutes les fois qu'il reçoit les divers mouvements qu'impriment les vues ou les consciences particulières? C'est ce qu'a voulu réprimer l'assemblée coloniale de la Guadeloupe.' Forte des lois de l'Etat qui lui donnent les moyens 'd'éviter l'anarchie et toujours, heureusement, secondée par les représentants du roi, elle s'occupe du maintien de la hiérarchie de tous les pouvoirs, et elle emploiera toute son énergie contre lés ennemis de l'ordre et de la tranquillité publique.
« Dans un tel état de choses, la Guadeloupe a des droits sur la reconnaissance de tous les bôùs Français, et l'Assemblée nationale, se rappelant
que la première législature a toujours honoré cette colonie de sa confiance et de sa protection, ne souffrira pas qu'on calomnie des hommes connus par leur invariable attachement aux autorités légitimes.
f Nous sommes, avec respect, etc.
« Les Députés de la Guadeloupe. » (Suivent les signatures.)
(L'Assemblée rénvoie cette lettre au comité colonial.)
6° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, qui envoie à 1 Assemblée le relevé de l'assiette ae la contribution publique sur les bordereaux qui lui ont été envoyés par les directoires de département jus-, qu au 1er novembre dernier, cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Au moment où l'Assemblée nationale s'occupe des finances, ie crois devoir mettre sous les yeux l'état actuel dè la contribution patriotique. Au premier novembre dernier, les bordereaux d'assiette montaient à 142,749,600,1. 1 s.
10 d., les sommes recouvrées à 64,391,859 1.13 s.
11 d., les décharges et modérations à 938,965 1. 15 s. 2 d:; ce qui reste à recouvrer sur les rôles à 77,418,775 1, 2 sols 9 d. Je presse le département de m'envoyer les bordereaux d'assiette des municipalités pour lesquelles ils ne m'en ont point encore fourni. Je réclame de leur zèle et de leur patriotisme la surveillance la plus active pour que ces recouvrements se fassent avec exactitude. Je vous prie. Monsieur le Président, de faire part à l'Assemblée de ces résultats.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : AMELOT. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comitédes contributions publiques.)
7° Pétition des citoyens de la ville de Valen-ciennes sur la perte des assignats contre le numéraire, et spécialement d'assignats contre assignats.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des assignats et monnaies.)
8° Adresse des administrateurs du département du Gard, qui sollicitent un décret pour faire payer à leurs contribuables, qui y sont disposés, ta seconde moitié de l'imposition de 1790, cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Les bons citoyens savent que chaque émission d'assignats que les besoins du Trésor public nécessitent, ranime l'espoir des ennemis de la Révolution et propage la malveillance. Dès le milieu de cette année, le conseil administratif extraordinairement assemblé, à l'occasion des troubles qui agitaient le département, demanda à l'Assemblée constituante un décret qui ordonnât le payement des impositions de 1790, a-cômpte des contributions de 1791. La loi du 29 juin fixa cet acompte à la moitié des impositions de 1790. Les citoyens se sont empressés d'acquitter cette dette, et le recouvrement en est déjà fort avancé. Les citoyens administrateurs du département viennent aujourd'hui
inviter l'Assemblée législative à renouveler une loi également utile et favorable à l'Etat.
« Quelque zèle que les corps administratifs mettent à accélérer la confection des rôles des contributions foncière et mobilière, la nouveauté du mode, la multiplicité des détails, l'exactitude scrupuleuse qui est prescrité dans toutes les opérations qui en dépendent, entraînent une lenteur inévitable. Cependant les besoins de l'Etat se multiplient; témoins de la bonne volonté des citoyens confiés à cette administration, nous croyons que le moment est opportun pour en profiter. Les récoltes des vins ont, été extrêmement médiocres cette année, mais leur produit est la seule ressource disponible des contribuables. Il serait à craindre, s'il venait à s'échapper de leurs mains, que ce qu'ils offrent aujourd'hui volontairement, leur devînt un sacrifice impossible, et que quelques-uns se trouvassent dans l'impossibilité absolue de payer cette dette sacrée.
« Telles sont, Messieurs, les considérations qui portent les citoyens administrateurs du département du Gard à solliciter de votre sagesse une loi qui ordonne le payement de. la seconde moitié des impositions de 1790, pour être imputée,comme la première, sur les contributions foncière ét mobilière de 1791, en exceptant néanmoins de cette disposition, tout particulier dont la cote n'excéderait pas 3 livres.
« Nîmes, le 24 novembre 1791. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des contributions publiques, ajourne le rapport à mercredi prochain et décrète la mention nono-rable au procès-verbal de l'activité du département et du zèle des administrateurs du département du Gard.)
9° Lettre du sieur Gaspard de Cambis, qui annonce qu'il a 92 ans et que ses infirmités ne lui permettent pas de se présenter à la barre. Il prie l'Assemblée d'accueillir une pétition dont l'objet est la conservation d'une pension accordee à ses services : il se félicite d'avoir assez vécu pour voir le règne de la liberté et de l'égalité. "
(L'Assemblée renvoie la lettre et la pétition au comité de liquidation pour en faire son rapport demain.)'
, député du département de l'Aube, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.'
Un membre : Je demande que l'Assemblée, expliquant le décret du 10 août dernier, détermine combien le domanier doit retenir au foncier sur la rente convenancière dans les lieux de domaine congéable et notamment dans les départements du Morbihan et du Finistère. (Appuyé ! appuyé !)
(L'Assemblée renvoie cette motion au comité des contributions publiques.)
, au nom du comité-des domaines, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à proroger jusqu'au 1er mai 1792, le terme fixé par l'Assemblée constituante au 1er janviei' de la même année, pour le payement des biens nationaux (1) | il s'exprime ainsi :
Messieurs, le terme de 1? années, accordé pour le payement des domaines nationaux, a été,
vous
Cette mesure favorise toutes lès classes d'ac-qûéreurs ; elle a particulièrement appelé à la concurrence les citoyens qui. n'ayant pas actuellement les capitaux suffisarits, ont espéré de lès retrouver dans leurs économies annuelles ; cëiix qui, propriétaires dè créances sur le Trésor public, exigibles à des époques graduées, ont pu faire concourir les termes de leur libération avec l'échéance dé leurs remboursements, sans être forcés à des sacrifices onéreux ; d'autres qui, au prétendu Courage d'acheter des domaines a leur convenance; garantis par la nation, ont allié la crainte pusillanime de sê libérer trop tôt avec des valeurs dont le seul gage est ces mêmes domaines.
Enfin, une classe nombreuse et intéressante, les agriculteurs; les laboureurs péu aisés, ôht trouvé dans cette disposition de la loi le^moyëii de se procurer une propriété qu'ils acquitteront avec les produits mêmes de leur acquisition; améliorés par leurs mains laborieuses ; et ces nouveaux propriétaires sont devenus les plus fermés appuis de la liberté et de la Constitution.
Lorsque le 3 novembre 1790; un décret vint réduire à 4 ans èt demi, et à 2 ans et 10 mois la faveur de 12 années, précédemment àccordée alors les acheteurs,se retirèrent epeS ventes furent suspendues. Le corps constituant Se vit forcé d'abroger, presqu'aussitôt qu'il l'avait ordonnée, cette mesure prématurée ; les dispositions du 14 mai 1790, relatives au payement des biens de la première, classe, furent prorogées jusqu'au 15 mai 1791, et bientôt après jusqu'au 1er janvier 1792,
Nous touchons à l'expiration de ce délai, et par toutes les considérations que j'ai exposées, votre comité des domaines pense, Messieurs, qu'il est urgent dè le proroger encore.
Mais jusqu'à qiièl terme, l'étendrez-vous? A mesure qué la masse des domaines diminuera, il conviendra; sans douté; de rapprocher graduellement les termes dès payements; peut-être même jùgerez-voUs utile dé faire concourir çeux des ventes futures avec les époqiies dès rentrées des ventés déjà consommées- Cette discussion paraît devoir être renvoyée au moment où la nature et la valeur des domaines qtii rés-tent à aliéner, mieux Connues, et où le tableau de vos besoins et de vos ressources enfin rédigé, permettront d'ordonner un système des finances : alors vous serez peut-être nécessités à des changements essentiels dans les formes d'aliénation actuellement en usage.
C'est donc jusqu'à cette époque seulement qu'il paraît convenable de ororoger les dispositions au décret du 14 mai 1790., Elle ne .saurait être éloignée, puisque le plus long terme proposé dans cette tribune, a. été le premier mai prochain. »
En conséquence, votre comité vous propose, Messieurs, le projet de décret suivant:
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, voulant favoriser l'aliénation des domaines nationaux, afin d'accélérer la liquidation de la dette publique; convaincue que l'une des dispositions les plus efficaces à cet effet, est la faculté accordée pour les payements aux acquéreurs de ces domaines, par l'article 5
du titre III du décret du 14 mai 1790, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ouï son coinité des domaines, et vu le décret d'urgence de ce jour, décrète que le terme du premier janvier 1792 fixé par le décret du 27" âvril 1791, aux acquéreurs des domaines nationaux» pour jouir des facultés accordées pour leurs payements par l'article 5 du titre III du décret du 14 mai 1790, sëra prorogé jusqu'au 1er mai 1792, mais seulement poUr les biens ruraux; bâtiments et emplacements vacants dâns les villes, maisons d'habitation et bâtiments; en dépendant, quelque part .qu'ils soient situés; les bois.et usines demeurant formellement exceptés dè cette faveur.
« Passé le lor mai 1792, les payements seront faits dans les termes et de la manière prescrite par l'article 9 du décret dû 31 décembre 1790. »
Je demandé que lè terme soit prolongé jusqu'au 1er juillet 1792, parce qu'alors nous aurons des renseignements; certains sur, la ye.nte des biens nationaux ; je demande, en outre, l'impression èt l'ajournement du projet à mardi
SOir. . .(ffikjk ... ... j & jMù/i
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, décrète l'impression au rapport et des, projets de décret et ajourne la discussion à mardi soir.)
, au nom du comité d'instruction publique (l). Messieurs, votre comité d'instruction publique, à qui vous avez renvoyé l'examen des réclamations des artistes qui ont exposé cette année au salon du Louvre,, ni'a charge dé vous proposer le décret suivant dont la première lecture vous. a été faite à la séance du 29 novembre, au soir.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité .d'instruction publique sur les réclamations des artistès qui ont exposé, cètte année, leurs ouvrages au salon dû Louvre, èt Sëiîtârtt, l'instante nécessité de révoquer son décret de suspension du 19 octobre dernier, afin de faire jouir, sans plus de retard, du bienfait du décret du 17 septembre dernier, ceux qui auront mérité des encouragements, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale*'après. ^YQÎrs rendu je décret d'urgence, voulant faire cesser les difficultés qui se sont élevée^ sur l'éxecution du décret au 17 septembre dernier, déerète ce qui suit :
Art. 1er. Tous lès artistès qui ont expose, cette année, leurs ouvrages au salon du Louvrë
et qui se sont fait inscrire pour ^exposition avant 1 é-mission du décret du 17 septembre
dernier, tànt académiciens, agréés? que riôri-académiciéhs, se réuniront dans la huitaine,
dans le lieu qui leur sera indiqué par la municipalité, pour nommer ensemble et parmi les
exposants, àù scrutin dé liste et à la pluralité relative, 40 commissairës-juges dont 2D pris
parmi les académiciens, ét 20 parmi les non-académiciens.
« Art. 3. Parmi les peintres et statuaires exposants, l'assemblée des commissaires nommera 16 artistes qui, à son jugement, se seront montrés les plus dignes d'encouragement.
« Art. 4. La somme de 70,000 livres consacrée à des travaux d'encouragement pour cette classe d'artistes, par l'article 1er de la loi du 17 septembre, sera divisée en 16 portions, graduées ëntre elles selon l'échelle de mérité de| ouvrages exposés par les 16 artistes que rassemblée des commissaires aura distingues ; de manière Cependant qu'aUcûne de cës sommés partielles ne pourra être de plus de 10,000 livres, ni de moins de 3,000 livres.
Art. 5. L'assemblée des commissaires nommera aussi 10 artistës parmi les peintres dits « de genre »> et les graveurs exposants qui, à son jugement; se seront montrés les plus dignes d'encouragements.
, Art. 6. La somme de 20,000 livres qui, aux termes de la loi du 17 septembre, article 1er, est destinée à des travaux d'encouragement pour cette classe d'artistes, sera divisée én 10 portions, pour la graduation desquelles on suivra l'échelle de mérite des ouvrages des 10 artistes distingués i dans l'exposition ; de manière que i le « maximum » ne pourra être de plus de 3,000 livres, et le « minimum » de moins dé ' 1,000 livres.
« Art. 7. Les travaux d'encouragement seront gradués et distribués selon la même échelle que ci-dessus.
« Art. 8. Pour la nature et les proportions des travaux ordonnés, on suivra l'usage qui a eu lieu jusqu'à présent; en tout ce qui ne dérogera pas au présent décret.
« Art: 9. L'Assemblée nationale déroge à la loi du 17 septeïhbre en tout Ce qui n'est point conforme au présent décret, et n enterid préjuger en rien ce qui pourra être déterminé parla siiitë pour l'encouragement dès beàux-arts.
« Art. 10. L'exécution du prëserit décret est mise soUs l'inspection immédiaté du directoire du départemënt. »
Je mets aux voix le décret d'urgence.
(L Assemblée adopte le décret d'urgence.)
Le projet qui vous est présërité a été discuté mûrement daris le comité. Plusieurs membres ont admis le projet de M. Roriime ; d'autres étaient d'avis de conserver la loi du 17 septembre dernier. Je suis'du nombrëde cë&derriiérs. Le comité de l'instriiëtiori publique a bien conservé quelques dispositions de Cé décret; mais il eh a rejeté unë, et C'est l'idée d'unè corporation que présente le mot académie, qui l'a enrayé. Si nous étions obligés de choisir les jugés, au scrutin individuel, ne nommerions-nous pas lès David, les Vincent, les tlaffieri, etc. ? fih bien i ils sont de l'Académie. Qu'à, voulil l'Assemblée constituante ? Récompenser les talents, c'est le moi encouragement qui fait l'équivoque. Mais ori Oublié qu'il est joint aux mots arts et talents. 11 s'agit de sâVoir à qui sera confié le jugëment des travaux qui Prétendent à ces prix. Or, c'est ce qu'a décidé M décret de l'Assemblée constituante ; je dëinàndem
doncqu'il soit maintenu ; èt que le projet du comité soit rejeté par la question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet du comité.)
Un membre : Je demande que la discussion s'ouvre successivement sur chaque article.
(L'Assemblée, consultée, décrété cette motion.)
, rapporteur, donne lecture du préambule et de l'article premier qui sont ainsi conçus:/. -
« L'Assemblée nationale; après avoir rendu le décret d'urgence, voulant faire cesser les difficultés qui se sont ëlevéës sur l'exécution du décret du 17 septembre dernier, décrète ce qui suit :
« Art. 1er.
« Tous les artistes qui ont exposé, eëtté année, leurs ouvrages au salon du Louvre, èt qui së sont fait inscrire pour l'exposition, àvâht rémission du décret du 17 septembre dernier, tant académiciens, agréés, que non académiciens, sé réuniront dans la huitaine, dariâle lieu qui lëûr sëra indiqué par la municipalité; pour nommei-ensemble et parmi les exposants, au scrutin dé liste et à la pluralité relative, 40 commissaires-juges, dont 20 seront pris parmi les académiciens, et 20 parmi les non-académiciens. »
M. Pastoret a invoqué les talents de l'Académie. Personne rie conteste ses taleùts. S'il était question de la prendre pour juge d'une affaire ou elle "në serait point partie, alors nulle difficulté, on la choisirait. Mais nous ne sommes point juges des talents. Si l'esprit de parti était éteint, il faudrait appeler tous les artistes à juger. Mais la rivalité est manifeste, et en adoptant la disposition du décret du 17 septembre, ce serait rendre les artistes, non plus les riVaûx, mais les justiciables des académiciens. J'appuie le premier article du projet de M. Romme; je demande seulement pàr amendement qu'on y supprime les mots : « èt qui se sont fait inscrire poUr l'expOsition; avant l'émission du décret du 17 septembre dernier, » parce que 8 jours de plus ou de moins ne doivent pas être un motif d exclusion pour ceux qui auraient exposé de bons ouvrages au salon, même après cette époque:
(L'Assemblée, consultée, adopte l'amendement de M. Quatremère-Quincy,:).
En conséquence, le préambule et l'article premier sont décrétés dans les termes suivarits :
« L'Assemblée nationale, après avoir rendu le décret d'Urgence, voulant fairècësser lès difficultés qui se sont élevées sur l'exécution- du décret du 17 septembre dernier, décrète ce qui suit :
Art. ler.
« Tous les artistës qui ont exposé cette annéë leurs ouvrages au salon du Loilvrë; tarit académiciens, agréés, que non académiciens ; se réuniront dans la huitaine, dans le lieu quijeur sera indiqué par la municipalité, pour nommer ensemble ét parmi les exposants aù scrutin de listé et à la pluralité relative, 40 commissairès-juges. dont 20 seront pris parmi les académiciens, et 20 parmi les non académiciens. »
Après plusieurs amendëriiènts. ou retranchements, les autres articles sont décrétés ainsi qu'il suit :
Art. 2.
« A ces commissaires-juges se réuniront cinq autres commissaires non académiciens et non exposants, nommés par le directoire du département, à l'effet de procéder ensemble à la répartition des travaux d'encouragement, de la manière suivante.
Art. 3.
« Parmi les peintres d'histoire les statuaires exposants, l'assemblée des commissaires-juges nommera 16 artistes qui, à son jugement, se seront montrés les plus dignes d'encouragement.
Art. 4.
« La somme de 70,000 livres consacrée à des travaux d'encouragement pour cette classe d'artistes, par l'article 1er de la loi du 17 septembre, sera divisée en 16 portions, graduées entre elles selon l'échelle de mérite des ouvrages exposés par les 16 artistes que l'assemblée des commissaires-juges aura distingués; de manière cependant qu aucune de ces sommes partielles ne pourra etre de plus de 10,000 livres, ni de moins de 3,000 livres.
Art. 5.
L'assemblée des commissaires-juges nommera aussi 10 artistes parmi les peintres dits de genre, les architectes et les graveurs exposants qui, à son jugement, se seront montrés les plus dignes d'encouragement.
Art. 6.
« La somme de 20,000 livres qui, aux termes de la loi du 17 septembre, article 1er, est destinée à deux travaux d'encouragement pour cette classe d'artistes, sera divisée en 10 portions, pour la graduation desquelles on suivra l'échelle de mérite des ouvrages des 10 artistes distingués dans l'exposition; de manière que le maximum sera de 3,000 livres, et le minimum de 1,000 livres.
Art. 7.
« Les travaux d'encouragement seront gradués et distribués selon la même échelle que ci-dessus.
Art. 8.
« Pour la nature et les proportions des,travaux ordonnés, on suivra l'usage qui a eu lieu jusqu'à présent, en tout ce qui ne sera pas contraire au présent décret.
Art. 9.
« L'Assemblée nationale déroge à loi du 17 septembre, en tout ce qui n'est point conforme au présent décret, et n'entend préjuger en rien ce qui pourra être déterminé par la suite pour l'encouragement des beaux arts. »
demande que l'Assemblée fixe un jour pour un rapport du comité militaire et se plaint de ce que le rapporteur prend un ton protecteur.
s'élève avec force contre les assertions de M. Chéron et dément ce qui vient d'être avancé.
(Cette discussion dure quelques instants.)
est deux fois rappelé à l'ordre.
justifie le comité militaire du retard du rapport.
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Gumpert, commandant de Vartillerie des gardes nationales de Saint-Hippolyte. Il a reçu plusieurs coups de fusil, il a femme et enfants, est très avancé en âge etse plaint de ne pas recevoir une pension qui lui a été accordée par l'Etat.
Un membre : Je fais la motion de faire payer leurs pensions aux militaires dans les lieux de leur résidence.
Un membre : Je demande que cette motion soit étendue à tous les pensionnaires en général, et je propose que le comité de liquidation soit chargé de présenter, sous huitaine, un mode pour faire payer les pensions dans chaque département.
(Cette motion, appuyée, est mise aux voix et décrétée.)
Une députation de la société des Inventions et découvertes, séant au Louvre, sollicite son admission à la barre pour faire hommage à l'Assemblée du fruit de son travail relativement à la fabrication des armes.
(L'Assemblée décrète qu'elle sera admise à l'instant.)
La députation est introduite.
Vorateur de la députation s'exprime ainsi : « Messieurs,
« Des citoyens, membres de la société des inventions et découvertes, tenant ses séances au Louvre, viennent individuellement vous apporter le résultat de leur travail commun, relatif à la fabrication des armes.
« Après plusieurs aperçus qu'on vous a donnés Messieurs, on vous a dit en définitive (et on vous a trompés) que les usines de Saint-Etienne, de Charleville, ae Maubeuge et de Tulle ne pouvaient fournir ensemble, et par an, plus de quarante-quatre mille fusils.
« S'il est permis de se tromper, ce ne peut pas être d'une manière aussi grossière. Les quatre usines peuvent fournir, dans l'état où elles sont, 200,000 fusils ; Saint-Etienne seul, lors des guerres de Flandre, en fournit 60,000 ; Saint-Etienne, disons-nous, si on voulait supprimer les ouvrages de quincaillerie, donnerait même les 200,000 fusils, car il y a dans cette fabrique 4,600 forges, 47 meules à canon, et 581 meules qui servent aux ouvrages de quincaillerie, et qu'on pourrait employer à ôter le trop de fer des armes, et aux fo-renes nécessaires.
« Vous serez convaincus, Messieurs, de cette vérité, lorsque vous saurez que pour avoir 48 fusils par jour, il ne faut que 50 forges 6 meules et 256 ouvriers pris en masse.
« Si 256 ouvriers donnent par jour 48 fusils, nous aurons par an (l'année prise pour 300 jours), 14,400 fusils. - ;
« Si 256 ouvriers donnent par an 14,400 fusils, 20,000 ouvriers donneront 1,123,200 fusils.
« Si on porte maintenant le nombre des ouvriers à 30,000, ce qui sera facile, soit en faisant des augmentations aux usines dont nous venons de parler, soit en se servant généralement de tous les moyens de fabrication qui sont dans toutes les villes du royaume, nous aurons par an 1,684,800 fusils, et sans faire de grands efforts,
on pourrait en avoir 2 millions, quantité bien différente de celle de 200,000.
« Nous laissons à l'Assemblée nationale les conséquences à tirer de la conduite qu'on a tenue à son égard, et nous ajouterons que puisqu'on a voulu paralyser les ressources ae la nation en écrasant son industrie, il est bon de faire voir aux malveillants que si les hommes ne peuvent pas se mettre à l'abri des persécutions, ils savent au moins compter.
« Il y a dans le royaume, sans exagérer, 4,000 arquebusiers, fabricants ou marchands ; il n'en est pas qui ne puissent fournir des fusils de munition ; nous portons le nombre, l'un dans l'autre, à 20; 4,000 arquebusiers fourniront donc à l'instant 80,000 fusils.
« Plus, si nous faisons servir les fusils qui ne sont pas de calibre (car, Messieurs, il vaut mieux avoir ceux-là, que de ne pas en avoir du tout), nous aurons de plus 40 à 50,000 fusils, qui, forés ou réunis en masse, auraient des cartouches particulières: on donnerait ces fusils aux gardes nationales intérieures, en échange des leurs qui sont de calibre, et on ferait passer ceux-ci (avec soin) sur les frontières.
« Il est encore beaucoup de citoyens, et surtout dans les grandes villes qui ont deux fusils ; ce serait de les engager à n'en conserver qu'un, et vous verriez bientôt. Messieurs, du sein de la détresse, éclore l'abondance.
« Enfin, Messieurs, un moyen tout à fait puissant, ce serait de décréter, le plus promptement possible, une somme que vous fixeriez pour être distribuée, par forme ae prime, après le complet de 400,000 fusils, à tous les marchands, arquebusiers ou fabricants qui, dans le délai de six mois, ou avant, auraient concouru en plus ou en moinséà cette fourniture, laquelle serait rendue publique, éprouvée et conforme au modèle de 1777.
« C'est ainsi, Messieurs, que, provoquant le zèle et l'intelligence du Français, vous verrez ce que peut son industrie, lorsque la justice se plaît à lui accorder une récompense.
« La Société des Inventions et Découvertes, dont le titre seul vous. annonce le mérite des hommes qui la composent (nous devons le dire toujours individuellement), n'a pas la prétention Messieurs, comme ces corporations encore académiques, d'avoir le privilège exclusif de penser. Essentiellement occupée de la chose punlique, elle ne fait en cela que son devoir. En ce moment, la fabrication des assignats est l'objet de ses recherches.
« Nous espérons, Messieurs, vous apporter hientôt le fruit de quelques inventions à cet égard, et nous croyons qu elles seront aussi dignes d'honorer de bons patriotes, que de tranquilliser et d'assurer la confiance publique. (Applaudissements.)
« Paris, le 3 décembre 1791. « Signé: E.-B. grafe, F;-E. guiraut, Jeu-neux, Delaplace, LEGROS, LEVAYER, Baradelle, Barthelemi, Mereklein aîné, Michel, Féron, Demonchaux, Lenoir. »
L'Assemblée nationale est satisfaite de votre zèle et de votre patriotisme: elle vous doit des éloges, elle vous les donne; elle pèsera vos vues; elle vous invite à assister à la séance.
Plusieurs membres : L'insertion au procès-ver^ bal et le renvoi au comité militaire.
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal et le renvoi au comité militaire.)
Je demande la parole pour faire une dénonciation contre M. Duportail, ministre de la guerre, (démissionnaire.
Vous avez la parole.
Le ministre de la guerre vient de donner sa démission ; mais, avant de la donner, s'est-il comporté comme il le devaitj et laisse-t-il la France tranquille sur son administration? Je jette un coup cPœil rapide sur les opérations de son ministère, et je vois qu'il n'a pas craint d'abuser hautement l'Assemblée nationale. Il n'a pas craint de vous dire, dans un rapport qu'il vous a fait, qu'il n'y avait que 60,000 fusils en France dans les arsenaux, et qu'il n'avait pu remplacer les armes qui avaient été perdues, attendu que toutes les fabriques de France ne pouvaient fournir que 40,000 fusils par an....
Plusieurs membres : Il n'a pas dit cela 1
qu'il avait cherché, en conséquence, les moyens de faire des achats dans les pays étrangers. Voilà, Messieurs, les propres expressions du ministre de la guerre. Je vous avoue que je fus indigné d'un mensonge aussi révoltant. J'écrivis sur-le-champ à un fabricant que je connaissais à Saint-Etienne pour lui proposer de faire la fourniture nécessaire : en lui recommandant expressément de chercher à vivre, et non pas à gagner en servant la patrie : ce sont les propres expressions de ma lettre. Ce digne patriote me répondit aussitôt et m'envoya en même temps 5 fusils de différents calibres pour modèles. Je les ai chez moi, avec une procuration par laquelle il me donnait pouvoir de m'en-gager, en son nom, à fournir à la nation tel nombre d'armes dont elle pourra avoir besoin, et à en donner 50,000 au bout de trois mois, il ne mettait pour condition que d'avoir la faculté de prendre du bois dans les ateliers de la nation.
Je demande, Messieurs, si un seul fabricant offre à la nation de fournir en trois mois 50,000. fusils, quel nombre pourraient fournir toutes les fabriques réunies du royaume en une année. Quelle foi devez-vous donc ajouter aux paroles de cet ex-ministre? Ne devez-vous pas vous empresser de le mander à la barre, de l'interroger sur l'achat des fusils qu'il a fait à l'étranger, sur ce qu'ils sont devenus, comment il les a payés, en quelles espèces et à quel prix? Vous devez d'autant plus exiger cette reddition de comptes de sa part que vous devez vous rappeler qu'il vous promit solennellement de vous le rendre lui-même sous peu de jours. Près de deux mois sont écoulés; vos écus sont peut-être partis, et les fusils .ne sont pas encore prêts d'arriver {Applaudissements dans les tribunes.)
Mais je suspends tout'jugement jusqu'à sa réponse sur ce dernier point et me renfermant dans l'esprit de la loi qui veut qu'on ne reconnaisse pour coupable que celui qui est condamné ou du moins atteint et convaincu d'un délit, je passe au délit dont je suis bien convaincu. Il est évident que le sieur Duportail vous en a imposé; il a trahi votre confiance, si quelquefois il vous en restait pour lui ; quant à moi, il n'a jamais trahi la mienne, car il ne l'a jamais eue. Il a privé des citoyens français, cette partie saine et laborieuse delà population, ces braves artisans, de travailler utilement,pour leur patrie; il les a privés d'un secours de travail pour aller porter
cet engrais dans un pays étranger, ou peut-être même en terre ennemie pour y faire passer vos écus, tandis que les citoyéns français eussent été trop contents de travailler pour des assignats. Il n'a pas craint d'invoquer la Constitution pour servir ses desseins. Il vous a dit qu'on ne pouvait avoir plus de 40,000 fusils dans les fabriques de Francé, parce que, d'après là Constitution, on rie pouvait plus forcei* lés ouvriers, comme on le faisait so\is l'ancien régime, à travailler pour 40 sois par jour. Or, chacun sait que la fabrication des fusils des gardés nationaux rapporte 7 à 8 livres par jour.
Ah ! Messieurs, s'il était possible de faire une loi qui pût avoir un effèt rétroactif sur la responsabilité des anciens miriistrës, que d'horreurs vous découvrirais-jé à1 ce sujet, et vous verriez bientôt que la sueur dé ces pauvres ouvriers qu'on forçait à travailler pont 40 sols par jour, n'en-gressait pas le Trésor national, mais celui des ministres et de léurs vils suppôts. ( Vifs applaudissements dans les tribunes, et cris : Bravo ! bravo !)
Pesez, Messieurs, dans votre sagesse, les vérités que je vous annonce. Si voiis les voyez du même oeil que je lés vois' môi-mêmè, vous n'hésitçréz
Bas un seul instant à mander demain le sieur uportail à la barre, pour rendre compté de sa conduite. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Donnez les preuves !
J'entends à mes côtés qu'on demande des preuves... f
Plusieurs membres : Qui ! oui ! Des preuves !
Un membre : Ce n'est pas nécessaire.
Je demande à l'Assemblée si tous les faits que j'ai avancés ne sont pas vrais. Les preuves sont dans vos procès-verbaux qui constatent les assertions du ministre. (Applaudissements dans les tribunes.) Quant à la possibilité d'une très grande fourniture, je m'en vais déposer sur le bureau l'acte de procuration en forme qui me donne le pouvoir (fe contracter l'obligation de fournir les 50,000 fusils. (Applaudissements dans les tribunes. )
Un membre ; Je ne viens point pour défendre le ministre, mais pour voûs donner des renseignements. Lés pétitionnaires qui viennent dé paraître à la tribune vous ont dit Une très grande vérité, c'est qu'il se fabrique réellement à Saint-Etienne 60,000 fusils par année. Je vous l'ai dit moi-même l'autre jour, dans l'instant dû il était question dé rédiger un ' article'sûr l exportàtiôn dés armes- mais le préopinant n'est pas tout à fait bien instruit dé ce qui se passe, lorsqu'il vous dit que le ministre ae la guerre a ôté la subsistance aux ouvriers de Sainf-Étienné, pour faire passer notre or chez l'étranger. Si M. Rouyer eût eu dep repseighements sûrs ^ il vpûs aurait dit qu'il, se fabrique éffèCtivémênt 60,000 fusils à Sâmt-Étiennë; mais sur ces 60,000 fusils ij. né s'en fabrique pas un millier au calibre de guerre. Le ministre vous à dit à cet égard la vérité, parce que les fusils dé guerre ne donnent à l'ouvrier que 40 sols par jour. (Murmures dans les tribunes.)
' Eû effet, Messieufs, il y a trois sortes de fusils fabriqués à Saint-Etieriûe I les fusils de guerre, et 'cep^-là ddhiiéht '40 spus par jour à l'ouvrier, lés fusils pour les gardes nationales, qui donnent 4 livres, et les fusils dé chasse, qui donnent 7 à 8 livres. Autrefois, quand on avait bésoin de
fusils pour l'armée, comme on avait le despotisme en main, ôn forçait les ouvriers à ne fabriquer de fusils que pour l'armée, et non seulement ils y étaient iorees, mais il leur était même défendu ae sortir dé Saint-Étienne ; maïs, aujourd'hui que chacun a la liberté bien juste de travailler comme il lui plaît, les ouvriers font ce qu'ils veulent, et quand on leur présente de l'ouvrage à 40 sois oii à 4 livres, ils n'en veulent pas. Voilà pourquoi vos gardes nationales et vos troupes de ligne manquent de fusils.
Je réponds au préopinant que je sais mieux que lui ce qui se passe à Saint-Etienne : il n'y a pas huit mois que j'y ai fait faire trois mille fusils de guerre et en très peu de temps. Je lui observe que les fusils que j'ai pour modèle sont des fusils de guerre et que ce ne sont ni des fusils de chasse, ni des petits fusilé.
Plusieurs membres : A quel prix?
A quel prix? vous ne le saurez pas parce que je veux auparavant savoir celui de M. Duportail. (Applaudissements dans les tribunes.) Le preopinant avait dit en commençant qu'il ne défendrait pas le ministre et cependant vous voyez que soq discours n'a pas d'autre intention. (Applaudissements.) Je réitère la motion que j'ai faite qué M. Duportail rende compte personnellement ou par écrit des fusils qu'jl a dit à l'Assemblée avoir fait fabriquer en pays étranger, au détriment des manufactures françaises.
Voix diverses : Le renvoi au comité militaire ! — L'ordre du jour !
Un membre : L'ordre du jour? ef vous laisserez partir vos ministres 1
L'Assemblée devrait s'occiiper de principes plus généraux sur la responsabilité pour faire rendre compte aux ministres. S'ils donnent leur démission sans avoîf rempli cette formalité, ce sont des comptables qui partent Sans avoir rendu leurs comptes. On a décrété que M. Duportail rendrait compte dé toûté son administration; il faut qu'il le fâsse. Il pçut avWir manqué aux lois : il 'peut lés avoir exécutées avec négligence,^ autrement qu'il rie doit lés exécuter. Je demande qu'il soit tepu dé, répondre aux imputations faites Contre lui, et de rendre compte de sa conduite et de la manière dont il a exécuté les lois. (ApplaudisSëmeftt's ' à gauche et dans les tribunes.) '
Un membre .-' M Tous ne vous ;y prenez pas ainsi, Messieurs, vous laisserez passer vos ministres comme des ombres chinoises. (Rires.) Vous n'aurez aucun fonds de responsabilité, si vous n'avez au moins la tête d'un coupable, et vous n'en avez pas encore. (Murmures dans l'Assemblée. — Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je fais la motion expresse que tout ministre qui partira sans avoir rendu sès comptes, soit déclaré ' banqueroutier fratrdùfléUx et poursuivi comme tel (Vifs applaudissements et acclamations prolongées dans les tribunes.)
Un membre : Je demande que M. Duportail ne puisse sortir de Paris sans avoir rendu ses comptes. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande l'ordre dû iouf, parce que vous avez rendu hier un décret qui Ordonne aux ministres de rendre leurs comptes. (Murmures).
Je |is que, non...
C'est ça.
et j'ajoute que la motion de M. Delacroix n'est point détruite. (Applaudissements.)
Je demande la parole pour rétablir un fait très intéressant. Un des préopinants a prétendu, Messieurs, que vous aviez rendu un décret portant que le ministre de la guerre rendrait ses comptes. C'est une erreur; on a bien fait cette motion, mais elle n'a pas été appuyée; on a seulement décrété que le comité de législation ferait, sans délai, son rapport sur le mode de reddition de compte des ministres. Quant à moi je ne suis pas d'avis de poursuivre les ministres dans l'hypothèse proposée par M. Delacroix, c'est à-dire comme banqueroute^ frauduleux, mais Comme dès ministres prévaricateurs qui méritent la mort. (Vifs applaudissements.)'
D'un autre cote, il y a une yérité qui est in-contestable? c'.est que M. Duportail ne petit pas, par " aucun motif plausible , , se réfugèr à rendre compte de l'achat qu'il dit avoir fait de 60,000 fusils chez l'étranger. Je demande qu'il nè puisse sortir dé Paris avantd'avoir rénaube compte. (Applaudissements.)
J'observe que M. Duportail a fait passer au comité militaire quatre marchés d'où il résulté qu'il a traité âVec l'étrange*; pour l'achat de 180,000 fusils ; mais Jes fusils ne sont pas encore arrivés'.
Un grand nombre de membres : Que ne le disiez-VQUS plus tôt.
Je n'avais pas la parole.
Il ne suffit pâs que M. Duportail ait fait passer au comité militaire copié des marchés dont il nous à parlé, il faut qu'ilprouve que cès fusils sont entrés en France et n?ont point été livrés aux contre-révolutionnaires.
Il est absolument certain que le ministre a fait à l'étranger des achats considérables de fusils. Jé le dis parce que je le sais, et je puis vous assurer que, dëptps quinze jours ou trois semaines,rôh es]t occupé à recevoir les armes que le ministt'e à fait acheter à Liège. ïT est si peu vrai que ces fusils aillent servir à nos ennemis, 'comme plusieurs opinants ont vôulu lé faire entendre, qu il y a maintenant, à Givêï, quatre officiers d'artillerie qui ne sont occupés qu-à recevoir les armes. Déjà ipêine il y en a beaucoup dans les magasins ainsi, que me l'ont appris des lettres que j'ai reçues de Givet. La proposition dé M. thuriot 'est donc parfaitement inutile. Je demandé, afin que l'Assemblée ne se compromette pas, que toutes les questipns soient renvoyées âu comité militaire. (Murmures prolongés.)
(assis aw banc des ministres)-. Si vous ne preniez pas des précautions, le ministre pourrait s'en aller. !
Ce n'est pas vôtre place, Monsieur Taillefer, c"ëèï;;celïe des ministres : allez prerïdrelà vôtre, elle est sur les bancs ae l'Asèem-blée.
La loi de la surveillance ne doit pas être marquée au coin de ia prévention ; elle doit être dictée par la justice, n faut faire une loi générale qui astreigne les ministres à rendre leurs comptes avant de sortir dé placé. Rien n'est plus juste, En efifet,' lorsqu'un ministre esj obligé par la Constitution à rendre un compte quand M est en place, il ne doit 'pas sortir ^e fonctions sans i'avoir rendu; ou bien, s'il est sorti defonctions sans avoir rendu ce compte, il doit, avant
de quitter la capitale, tranquilliser l'opinion. Il lui importe d'ailleurs de prouver qu'il a rempli ses devoirs avec' droiture èt exactittide. Je demande donc que les motions soient réduites daiis un projet que je conçois ainsi :
« Les sieurs Montmorin et Duportail ayant donné leur démission sans avoir rendu leurs comptes, ne pourront sortir de la capitale qu'ils niaient auparavant satisfait à cette obligation, a peine d'être prévenus, par leur fuite, de prévarication dans leur administration. » (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : La discussionferméel (VAssemblée ferme la discussion.)
Le sietir Duportail vous a annoncé hier qu'il avait donné sa démission et vous a fait part en même temps de son intention obligeante aé donner à son succésseur tous les renseignements nécessaires. Il aurait dû plutôt songer à sa responsabilité. Les ministres sont des agents publics qui n'ont été revêtus d'un grand pouvoir que sous deux conditions : d'être comptables et d'être responsables. S'ils ont la faculté de s'évader, il est éyidéht que Ces ïriots dé comptabilité et de responsabilité seront des mots perpétuellement nuls dont ils pourront se jouer impunément. (Murmures.)
Plusieurs membres : Le discussion est fermée !
Je conçois que ce que je dis là peut trouver des improbateurs, mais je parle principe (Applaudissements dans les tribunes) et cela ne m'empêchera pas...
Un membre : Monsieur, ne nie désignez pas.
Je ne désigne jamais personne.
Plusieurs membres: Vous désignez au moins les ministres.
Je dis, Messieurs, que le principe rigoureux veut que le devoir vous commande d'exiger un compte du sieur DuportaïL Je vais même plus loin, et par un second principe qui veut que tout comptable soit présumé reliquataire jusqu à l'apurement de son compte, je dis que
eproches n'auriez-vous pas combien de reproches vos commettants ne vous feraient-ils pas, si le1 sieur Duportail, véritablement coupable, ce que je ne dis être encore, s'éloignait, s'il s'échappait et qu'il fût démontré qu'il a joué la nation, Tcius seriez blamables de ae ne lur àvoîf pas fait rendre compte, surtout dans lé môïiïént où il à donné une démission affectée. ; ~ ':
Ainsi, je demande qu'il soit décrété sur-le-champ que le sieur Duportail rendra compte de toutes les parties de son administration, et que, jusqu'à ce qu'il ait rendu ce compté, ij ne pourra pas sortir de Paris. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Un membre : Onjtëçd"de vue que vous avez déjà décrété que le Ministre rendrait' compte : à tël point qu'il vous a écrit hier qu'il l'avait rendu, ce qué je ne crois pas. Vous ne pouvez doric rendre Un second décret qu'autant quele premier serait insuffisant. Vous n'avez pas encore entendu votre comité militaire, et, dans le moment actuel, l'Assemblée n'est pas suffisamment instruite. (Murmures dans les tribunes.) Il n'y a que le comité militaire qui puisse faire son rapport. Il faut donc l'attendre. Il n'y a plus qu'une question à décider, celle de savoir si vous êtes
assurés de la présence du ministre. Pour éviter toute détermination à cet égard, je demande que le rapport du comité militaire soit ajourne à demain matin.
Plusieurs membres : La question préalable !
Un membre : J'observe à l'Assemblée que nous ne pouvons pas prononcer avant le rapport du comité et qu'il nous est impossible sur de simples soupçons... (Les huées des tribunes couvrent la voix de Vorateur.)
Un membre : M. Lafon-Ladebat a entre les mains le compte du ministre.
Un membre : Je demande la levée de la séance, attendu que nous ne sommes pas en nombre suffisant.
Un membre : Je demande que l'Assemblée veuille bien mettre en question si, dans de telles conditions, nous pouvons accepter la démission du ministre.
Un grand nombre de membres se levant : L'ajournement à demain !
J'observe à l'Assemblée qu'elle délibère depuis longtemps sur une hypothèse, puisqu'il s'agit de contraindre M. Duportail à rester à Paris, s'il n'a pas rendu son compte. Or, je prie l'Assemblée de vouloir bien se rappeler que M. Duportail, en vous annonçant sa démission, vous a envoyé un mémoiretrès volumineux, que je crois bien être la reddition de son compte. Il est entre les mains du rapporteur du comité qui est près de moi et qui ne peut vous en parler parce qu'il a un grand mal de gorge. (Rires.)
, rapporteur du comité mi-litaire. Le voilà, ce mémoire, je l'ai entre les mains; mon rapport est prêt ; demain, j'en rendrai compte.
Alors, la question change de nature. Il s'agit maintenant de savoir si le ministre peut être empêché dans ses actions, après avoir remis son compte, jusqu'à ce que ce compte ait été accepté par l'Assemblée. Je crois que l'affaire est d'une telle importance, que l'Assemblée ne peut prendre, dans ce moment, un parti définitif. Avant ae rien décréter, vous devez entendre le rapporteur qui ne vous demande qu'un court aélai. Mais, ait-on, le ministre partira. Est-ce sur ces soupçons que vous devez prendre une détermination?...
Plusieurs membres : Oui ! oui !
Je dis que non et je demande le renvoi de la discussion de toutes les motions après le rapport. D'ailleurs la séance n'est ni assez complète, ni l'Assemblée suffisamment éclairée, pour prendre à cette heure une décision. En conséquence, je demande à l'Assemblée qu'elle ajourne à demain, à l'ouverture de la séance. Lorsque le rapporteur vous aura mis sous les yeux le compte de M. Duportail, alors vous prononcerez en connaissance ae cause.
Plusieurs membres : Fermez la discussion ! . (L'Assemblée ferme la discussion et ajourne la discussion sur le tout après le rapport du comité militaire qui doit être fait demain.)
(La séance est levée à dix heures et demie.)
Séance du dimanche
présidence de m. lemontey, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance au samedi 3 décembre, au matin.
Un membre : La dénonciation faite hier par M. Vabbé Fauchet contre M. Delessart est si grave et porte un caractère si atroce, que je crois que l'Assemblée doit faire une exception à la règle générale qui s'oppose à ce que les noms des membres qui ont fait des motions, soient désignés dans le procès-verbal. Je demande, en conséquence, que le procès-verbal fasse mention que c'est M. l'abbé Fauchet qui a dénoncé M. le ministre de l'intérieur sur tel ou tel objet.
Plusieurs membres à droite : Appuyé ! appuyé !
Sans doute, le préopinant n'a pu entendre ma motion, parce qu'il aurait vu qu'elle était dictée par l'honnêteté et le patriotisme. En conséquence, je demande, mais par d'autres motifs que le preopinant, que mon nom soit énoncé au procès-verbal pour cette dénonciation. Je prétends que vous et le public verront que, loin qu'il y ait de l'inhumanité dans mes principes et dans ma manière d'exposer les faits, il y a. au contraire, beaucoup d'humanité, parce que 1 intérêt du peuple est pour un citoyen ce qu'il y a de plus humain et que j'ai gardé toute la modération qui convient a un vrai patriote. (Rires à droite. — Applaudissements dans les tribunes.)
Quels que soient les principes de M. Fauchet, quels qu'aient été les termes et la forme de la dénonciation qu'il a faite, il ne convient pas à l'Assemblée de déroger à une règle générale qui s'oppose à ce que les auteurs des motions soient nommés au procès-verbal. Je demande la motion préalable.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je demande que le membre qui a fait cette motion se pénètre davantage de la dignité des fonctions qu'il doit remplir. Croit-il pouvoir, avec ces propositions insidieuses, appeler sur notre tête une responsabilité que la Constitution n'y a pas mise? Messieurs, il n'y a ni gloire, ni mépris à recueillir, lorsqu'on fait une dénonciation; il y a seulement un devoir à remplir. Je demande donc, afin que ces sortes de propositions ne se renouvellent plus, que le membre qui l'a faite soit rappelé à l'ordre, et que la question préalable soit admise sur la proposition. (Murmures à droite. — Applaudissements dans les tribunes.)
La motion de M. Guadet est la plus, conforme aux principes. Celui qui a voulu que le nom de M. Fauchet fût inscrit au procès-verbal, a reconnu lui-même que sa demande était contraire au règlement. Ainsi donc, lorsqu'il l'a demandé, il a cru que ce serait une peine infligée à M. Fauchet. De semblables demandes n'ont pour but que de gêner la liberté des opinions. Je demande donc qué ce membre soit rappelé à l'ordre.
(Plusieurs membres demandent la parole.)
Vautres membres : L'ordre du iour !
(L'Assemblée,consultée, passe àl'ordre du jour.)
Voici une lettre de la municipalité de Caen qui annonce à l'Assemblée que les informations relatives aux particuliers détenus dans le château de cette ville pour Vaffaire du 5 de ce mois, se poursuivent avec activité, et qui envoie une partie des déclarations déjà prises dans cette affaire. La municipalité leur a fait subir un interrogatoire, mais elle a cru devoir les tenir toujours au secret. Leurs parents, leurs amis, demandent la permission de les voir ; ils invoquent l'exécution des Droits de l'homme, et la loi qui veut que le prisonnier puisse être assisté d'un conseil après avoir subi son interrogatoire. Les officiers municipaux ont cru qu'ils ne pouvaient pas céder à ces réclamations sans avoir préalablement consulté l'Assemblée, pour être autorisés par elle à laisser communiquer les prisonniers avec les personnes qui demandaient à les voir. Maintenant que le premier interrogatoire est subi, je propose de rendre un décret pour autoriser les officiers municipaux à délivrer du secret les personnes qui ont subi le premier interrogatoire.
L'autorisation de l'Assemblée est absolument inutile parce que les lois ont décidé formellement qu'un prisonnier ne pouvait plus être tenu au secret après avoir subi son premier interrogatoire.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation !
Vautres membres : Non! non! Il faut décider sur-le-champ.
Je demande la question préalable, motivée sur ce que la demande de la municipalité dé Caen est jugée par les lois.
(L'Assemblée adopte la question préalable ainsi motivée, sur la motion de M. Faucnet, et renvoie les pièces au comité de législation.)
Un de MM, les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Arrêté des supérieur, préfet et professeurs du collège deîjouhans, département de Saône-et-Loire, membres de la congrégation de Saint-Joseph, par lequel ils prennent l'engagement de distribuer à leurs frais, le 14 juillet prochain, après un exercice public, des prix à ceux de leurs élèves qui auront le mieux répondu sur la Constitution, et de fournir aussi à leurs frais un exemplaire du Code constitutionnel à ceux d'entre eux qui n'auraient pas le moyen de s'en procurer.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet arrêté dans le procès-verbal, et que cette pièce sera renvoyée au comité d'instruction publique.)
Un membre ; Je demande que M. le Président soit chargé, au nom de l'Assemblée, d'écrire une lettre de remerciements à ces professeurs.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
2° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui soumet à l'Assemblée un mémoire sur la fixation du prix de la poudre de traite, et prie l'Assemblée de le prendre en considération.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ce mémoire au comité de commerce.)
3° Pétition des sieurs dYvernois frères, qui ré-clament en faveur d'une mère de dix enfants, que deux d'entre eux, ci-devant employés en
qualité de secrétaires commis auprès des comité ae l'Assemblée nationale constituante, soient continués dans leurs fonctions.
(L'Assemblée renvoie cette pièce au comité des pétitions.)
4° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui adresse à l'Assemblée un mémoire contenant des éclaircissements sur la demande faite par plusieurs corps administratifs, de l'exemption du droit d'enregistrement des certificats de vie, que les Invalides sont obligés de joindre aux quittances de payement de leur pension.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité des contributions publiques.)
5° Adresse des volontaires nationaux du second bataillon du département de l'Orne, qui offrent à l'Assemblée l'hommage de leur respect et de leur dévouement, et qui protestent de vivre libres ou de mourir pour la cause commune. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
6° Pétition de M. de Gennes, ancien curé de la paroisse de Blanzac, qui réclame iine pension à raison de ses services et de ses infirmités.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
7° Lettre de M. James Rutledge, qui demande à être entendu à la barre sur des inculpations qu'il prétend lui avoir été faites dans un discours ae M. Fauchet (1) prononcé à la tribune dans la dernière séance ; cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président,
« Monsieur Fauchet, évêque du Calvados, m'a compromis dans le procès que je crois avoir soutenu avec quelque gloire contre le sieurNecker et adhérents. Je demande, Monsieur le Président, en vertu de la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, à répondre à la barre à mon calomniateur.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : james rutledge. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je demande que M. Rutledge soit entendu à la barre comme il le désire, pour qu'on sache en quoi je l'ai calomnié.
M. Rutledge n'a qu'à se justifier par écrit et à faire parvenir sa justification à un comité.
Ce particulier a la voie des -papiers publics ; il peut s'en servir pour répondre à M. Fauchet.
Il serait singulier que l'on permît à un citoyen, lorsqu'il lui aurait plu de se prétendre inculpé par une motion ou par une discussion qui aurait lieu à la tribune de l'Assemblée, d'être entendu sur cette discussion toutes les fois qu'il le demanderait. Ce serait faire perdre un temps très considérable et mettre chaque jour des embarras dans vos délibérations. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
8* Pétition de la commune de Mîttelseheffolt-zeim, département du Bas-Rhin, qui réclame des
secours pour des citoyens ruinés par un incendie.
9° Pétition de M. Dubois, chirurgien, qui, en attendant le règlement des indemnités qu'il réclame, demande des secours provisoires.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
10° Lettre des commissaires de la Trésorerie, qui envoient à l'Assemblée l'état des recettes et des dépenses du mois de novembre.
(L'Assemblée renvoie cet état au comité de la Trésorerie.)
11° Pétition de Jean Duvivier, ci-devant bedeau de Véglise des Bénédictins de Montdidier, qui demande une modification à la loi du 20 septembre dernier, relative aux personnes qui étaient àttacbéès au service des églises supprimées.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)/
12° Pétition de plusieurs particuliers, ci-devant attachés à l'église collégiale de Saint-Florent-de-Roye, qui réclament également une modification à la loi du 20 septembre dernier.
(L!Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
13° Adresse de F. Lanthenaz, qui fait hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage destiné à combattre le fanatisme, et à préparer une des plus importantes réformes dans les lois civiles.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)
Un membre : Je propose de décréter qu'il sera fait mention honorable de l'adresse et de l'ouvrage dans le procès-verbal.
Un autre membre : Je demande l'ajournement dè cette motion jusqu'après le rapport du comité de législation.
(L'Assemblée adopte cette dernière motion.)
14° Pétition du sieur Séguin, ancien entrepreneur de tabac, et receveur du grenier à sel de la ville de Cette, qui réclame une pension de retraite de 800 livres.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
15* Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Metz, qui offrent à l'Assemblée nationale l'hommage de leur reconnaissance pour le décret qu'elle a rendu contre les émigrés.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
16" Pétition des notaires de la ville de Tulle, qui réclament contre les dispositions de la loi du 29 septembre dernier.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
,17° Pétition de M. Bayard, accusateur public près le tribunal du deuxième arrondissement de Paris, qui expose à l'Assemblée qu'il existe un grand mal dans la conduite que tiennent les citoyens pendant les élections. Les assemblées primaires sont presque désertes, tandis que les salles de spectacles sont toujours pleines. Pour remédier a ce mal, il propose de porter une loi qui ordonne que, pendant la tenue des assemblées primaires, tous les spectacles seront fermés aux heures pour lesquelles les assemblées primaires sont convoquées.
Voix diverses; Le renvoi au comité de législation! L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
13° Pétition du sieur Raffin, prêtre, âge de 70 ans, qui réclame une augmentation de pension.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
19» Pétition de plusieurs citoyens négociants établis au Caire, qui réclament des indemnités.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce.)
La parole est à M. Carez qui demande à donner lecture d'une lettre de la municipalité de la ville de Toul, relative à des projets d'enrôlement et des manœuvres contre la sûreté publique.
Il paraît que les enrôlements se multiplient dans plusieurs parties du royaume et que les ennemis implacables de notre Révolution, en perdant l'espoir d'intéresser sérieusement à leur cause les puissances étrangères, ont formé le projet de répandre l'alarme et l'inquiétude dans l'intérieur en. y fomentant des di-_ visions à l'aide desquelles ils cherchent à se faire un parti puissant. Je suis convaincu de l'inutilité de leurs efforts-mais je; crois qu'il faut sévir contre les perturbateurs acharnés qui ne réussissent que trop à persuader aux hommes faibles la possibilité d'une contre-révolution. C'est en harcelant ainsi le peuple, en lui inspirant des craintes sur sa liberté, qu'ils parviennent du moins à retarder les heureûx effets d'une. Constitution qu'ils ne peuvent anéantir. Voici une lettre delà municipalité de Toul où elle dénonce des enrôlements qui se font dans cette ville :
« La ville de Toul recèle dans son sein de-nombreux ennemis de la Révolution; mais la surveil-^ lance active d'une municipalité patriote a su; jusqu'à présent déjouer les manœuvres des prêtres fanatiques et des nobles contre-révolution-naires qui y abondent. Les officiers municipaux s'étaient aperçus que depuis quelque temps un assez grand nombre dejeunes gens avaient quitté leurs foyers pour passer à Coblentz. Ils cherchaient a découvrir les auteurs de ces enrôlements secrets; plusieurs citoyens sont venus faire au greffe de la police des déclarations qui ont donné lieu à une information de plusieurs témoins qui attestent que le sieur Nicolas-François-Xavier Gauthier, ci-devant garde-du coips du roi, est en relation avec les ennemis de la patrie, pour former dans l'intérieur un parti qui pût les favoriser en cas d'invasion sur le territoire français ; qu'il a promis à plusieurs jeunes gens que leur service commencerait à compter du jour qu'ils se seraient présentés à lui, et que la récompense serait la même en servant au dedans du royaume qu'en servant au dehors.
« Il résulte encore de l'information que le sieur Charles-François Marc lui servait d'embaucheur et que le sieur Charles-François Malvoisin, lieutenant-colonel commandant le 13e régiment des dragons, a eu quelque part à cette affaire. » )
Le conseil général de la commune a recueilli tous les faits et les déclarations contre les sieurs Gauthier, Marc et Malvoisin et me les a envoyés pour en faire part à l'Assemblée, je demande qqe' cette affaire soit renvoyée à l'examen de votre comité de surveillance, pour vous en faire le rapport incessamment. Je dépose sur le bureau les pièces contenant l'information et la délibération en forme du conseil général de la commune.
Plusieurs membres : La lecture des pièces I
D'autres membres :Le renvoi au comité de surveillance pour en faire le rapport séance tenante.
(L'Assemblée, consultée, décrète que les pièces seront lues.)
J'observe àl'Assemblée que lalecture de toutes-ces pièces, qui sont très longues, fera perdre beaucoup de temps; il est plus simple de charger le comité de surveillance de s'assembler sur-le-champ, et d'en faire le rapport.
Je demande la lecture des pièces. Le. principal auteur des enrôlements est à Paris. L'Assemblée jugera peut-être convenable, après la lecture des pièces, de porter contre lui un décret d'accusation. Ainsi il n'y a pas de temps à perdre.
Voix diverses : La lecture des pièces 1 Le renvoi au comité !
Les enrôlements ne sont pas les seuls moyens employés par les princes pour renverser la Constitution. Un négociant digne de foi m'écrit qu'ils ne négligent aucune dépense pour avoir des ouvriers qui fabriquent de faux assignats. Il faut que l'Assemblée s'occupe de cet objet et qu'elle ordonne, que le timbre des assignats soit changé, chaque année, comme cela a été pratiqué en Espagne.
(Cette motion n'a pas de suite.)
Le renvoi dés pièces au comité a pour objet de faire examiner s'il y a lieu de rendre un décret d'accusation! Un pareil décret est d'une si haute importance, que l'Assemblée .doit être bien réservée a le rendre. Elle aimera mieux, sans doute, connaître par elle-même les pièces qui doivent être la base de l'accusation, que de les connaître par l'organe de son comité; je demande qu'elles soient lues.
La ville de Toul n'est pas la seule où il se fait des enrôlements. Il est important de connaître le fil de toutes ces trames ourdies contre la sûreté publique. Je demande la lecture des pièces.
et d'autres membres demandent la parole. (L'Assemblée est dans une vive agitation )
Plusieurs membres : La discussion ferméé!
(L'Assemblée ferme la discussion.) |
Je consulte dé nouveau l'Assemblée pour savoir si ellô veut entendre la lecture des pièces.
(L'Assemblée, consultée, ordonne la lecture des pièces.)
Voici l'extrait des registres de la municipalité :
. « Aujourd'hui, 25 novembre 1791, dix heures et demie au soir, le corps municipal de Toul, extra-ordinairement assemblé, un des membres a représenté qu'il avait appris dans la journée que plusieurs jeunes gens ae la ville se disposaient à émigrer, et qu'ils avaient été décidés à cette démarche par des citoyens de la ville, que dans le nombre de ceux qui devaient partir était le sieur Charles-François Marc, fils mineur du sieur Clément Marc, ci-devant chantre à la collégiale, et que l'on accusait le sieur Marc de faire le métier d'embaucheur ; qu'il était très intéressant de connaître la vérité des faits à cet égard.
« Sur quoi la matière mise en délibération par le procureur de la commune, il a été arrêté que le sieur Marc serait à l'instant mandé pour répondre sur les inculpations qui lui étaient faites : ce qui ayant, été exécuté sur-le-champ,-et ledit sieur Marc s'étant présenté, il a été interrogé sur
les faits ci-après : savoir s'il n'a pas conduit chez le sieur Gauthier, garde du corps, les sieurs Jean-Baptiste Simon, François Simon èt Philippe Marc, fils mineur demeurant en cette ville : il a répondu que non.
« Interrogé s'il n'a pas été, avec ces jeunes gens, chez M. Malvoisin, commandant le 13e régiment de dragons, en garnison en cette ville pour prendre des renseignements sur les moyens f émigrer : a répondu que non.
« Sur quoi le corps municipal a observé qu'il ne disait pas la vérité et que pour l'en convaincre on allait le confronter. Pourquoi François-Simon et Philippe Marc ont été mandés, et se sont rendus à 1 instant à l'assemblée, où, étant arrivés, M.-le maire leur a demandé, savoir, air sieur François Simon, s'il n'avait pas été chez le sieur Gauthier, le 23 du courant, pour se concerter sur la manière de pouvoir rejoindre les émigrés et fugitifs de France à Coblentz.
« A répondu que, le 23 du présent mois, s'étant trouvé à la porte de Metz, chez le sieur Benoît, au-bergistè, avec le sieur Marc, et autres jeunes gens de cette ville, et instruit que le sieur Marc était dans la disposition de sortir du royaume, et avait des relations nécessaires pour favoriser cette évasion, il feignit d'avoir le même dessein, afin de s'assurer les sentiments dudit sieur Marc et lui dit de le conduire chez les personnes chargées de faire passer les mécontents à Coblentz ; qu'en conséquence, ledit sieur Marc applaudit aux sentiments qu'il manifestait, le mena chez le sieur Gauthier, ancien garde du roi, où, étant parvenu, conduit par le sieur Marc, comme émigrant, le sieur Gauthier, en le louant beaucoup et faisant l'éloge de ses sentiments, lui dit qu il ne lui conseillait pas d'émigrer dans le moment, qu'il fallait rester à Toul pour y défendre la cause des honnêtes gens qui étaient dans la même opinion que lui ; que son service lui serait compté en resr tant dans le royaume comme en le quittant; que sur ce qu'il insistait pour partir, ledit sieur Gauthier lui répliqua que puisqu'il ne voulait pas l'en croire, il n'avait qu'à s'adresser à M. Mal-voisin, commandant le régiment des dragons. - « En conséquence, il s est transporté chez le sieur Malvoisin où le sieur Marc est entré seuli et étant sorti un quart d'heure après* il raconta au répondant qui 1 attendait à la porte, qu'il était très satisfait de la réception qu'il lui avait faite, sur ce qu'il avait annoncé àM. Malvoisin qu'il y avait dix ou douze jeunes gens dont il était le moins grand, animés du même sentiment; M. Malvoisin lui témoigna de la satisfaction, et lui dit qu'une armée composée de ce genre serait une Jbonne armée; qu'il parlerait le lendemain à M. Gauthier de cette affaire et qu'il n'avait qu'à revenir à 9 heures du matin. Il ignore si le sieur Marc ^est allé ou non au rendez-vous : qu'il est tout ce qu'il a dit savoir. Lecture à lui faite de ses réponses et des interrogats, a dit ses réponses contenir vérité, et a signé : François Simon.
«Le sieur Baptiste Simon, interrogé s'il n'avait pas été engagé, par le sieur Marc, à aller chez lé \ sieur Gauthier, ci-devant garde du corps, pour lui faciliter et procurer les moyens d'émigrér, a répondu que non ; mais, ayant feint d'en avoir envie, pour connaître le complot qu'on disait être excité dans cette ville, il a fait part de son dessein âu sieur Marc, qui l'a conduit, le 13 du , courant, chez le sieur Gauthier, ci-devant garde du corps." Etant arrivé chez lui avec son frère, Marc lui commanda de ne pas entrer plusieurs ensemble pour n'être pas suspects. :
« Au sortir de la maison du sieur Gauthier, le sieur Marc leur a dit que le sieur Gauthier les avait renvoyés pour recevoir des éclaircissements nécessaires à /exécution du projet d'émigration qu'ils avaient, à M. Malvoisin, commandant le régiment des dragons ; qu'en conséquence ils se rendraient tous les quatre ensemble chez M. Mal-voisin; que le sieur Marc entra seul : étant sorti environ un quart d'heure après, il dit qu'il avait été très bien reçu, parce qu'il lui avait annoncé qu'il y avait plusieurs jeunes gens de sa connaissance dont il était le plus petit, qui étaient dans l'intention d'émigrer. M. Malvoisin avait répondu qu'une armée de cette sorte ferait une bonne armée ; que pour mieux parler de cette affaire, il verrait, le lendemain, M. Gauthier; qu'il n'avait qu'à revenir à ladite heure; qu'il ignore si ledit sieur Marc s'est trouvé au rendez-vous ; mais qu'il sait que le sieur Marc est allé avec le sieur Simon, chez le sieur Malvoisin, vers lés 7 heures du soir : ce qui est tout ce qu'il dit savoir.
« Le sieur Philippe Maré, interrogé s'il a été engagé à émigrer, etc., a raconté les faits de la même manière.
« D'après ces trois dépositions, faites en présence du sieur Marc qui en a eu lecture, ledit sieur Marc, interpellé de nouveau de s'expliquer sur ce qui s'était passé, vu qu'il est contredit sur sa première réponse, a déclaré que le 23 du présent mois, s'étant trouvé avec plusieurs jeunes gens chez le sieur Benoist, aubergiste à la Corne-de-Gerf, il a entendu dire à un nommé Lelorrain, garçon épicier, natif d'Arles, demeurant chez le sieur Genneveau, qu'il partait le lendemain ; que sur ce qu'il lui répondit que peut-être il le suivrait sous peu de temps, sur cette équivoque quelqu'un proposa d'émigrer, ce qui fut accepté par la compagnie ; que quelqu'un de la compagnie ayant dit que c'était au sieur Gauthier, ci-devant garde du corps, qu'il fallait s'adresser, pour avoir les renseignements nécessaires pour ce projet; et le sieur Marc ayant plus de connaissance de M. Gauthier, que tous les autres qui ne le connaissaient pas, ils partirent au nombre de quatre pour s'y rendre. Etant parvenus à la maison audit sieur avec François Simon, le répondant dit au sieur Gauthier le sujet de leur venue ; que le sieur Gauthier leur conseilla de ne pas émigrer, mais de rester dans cette ville pour y soutenir la cause des honnêtes gens ayant les mêmes sentiments qu'eux ; que leur service leur serait compté au dedans du royaume comme au dehors; qu'il suffisait qu'il connût leur bonne volonté ; qu'au surplus ils pouvaient s'adresser en toute confiance à M. Malvoisin, commandant du treizième régiment de dragons ; qu'étant allé effectivement chez le sieur Malvoisin, celui-ci lui répéta le même discours, et lui donna les mêmes conseils ; qu'au surplus, s'il voulait du service, il le placerait dans son régiment, et aurait soin de lui ; et c'est tout ce qu'il a dit savoir, et a signé : ■ Charles-François Marc.
« Le 26 novembre, le sieur François Martin, fils mineur, s'est présenté devant la municipalité, en vertu du mandement à lui donné, et a déposé que le sieur Marc lui avait proposé d'émigrer ; que pour vaincre ses refus, il lui avait proposé ae transporter une partie de ses effets dans une armoire appartenant audit sieur Marc, et qu'il déposerait le reste de ses effets dans des malles qu il se chargeait de faire partir: qu'il lui avait ensuite offert de l'argent pour les frais de sa
route, ce qui est tout ce qu'il a dit savoir, et a signé François Martin.
« Le même jour est comparu Charles-François Malvoisin, lièutenant-colonel commandant le 1,3e régiment de dragons, en garnison en cette ville, lequel a dit qu'ayant appris indirectement qu'on l'accusait d'avoir voulu favoriser les projets de l'émigration de plusieurs jeunes gens de cette ville, il se présentait à l'effet de s'instruire de ce qui se passait à ce sujet. A l'instant, le corps municipal lui ayant fait donner lecture des déclarations faites par François et Jean-Baptiste Simon et le sieur Marc, contenues aux procès-verbaux ci-dessus, mondit sieur Malvoisin a répondu que des quatre déclarations ci-dessus, celle du sieur Marc est la seule qui puisse le concerner ; qu'elle n'est point conforme à la vérité, n'ayant fait autre chose que ce qu'il va déclarer:
« Le 23 du courant, sur les 8 heures du soir, il est entré chez lui un jeune homme à lui inconnu, qui a dit que son dessein était d'émigrer; qu'il venait prendre les informations nécessaires à l'exécution de son projet, et a demandé des lettres de recommandation ; qu'à ces propositions le commandant a répondu qu'il lui conseillait de rester dans la ville et que si son intention était de servir, il le placerait dans son régiment et lui procurerait une place où il pût exercer son talent dans la pharmacie - que cette déclaration dudit sieur Marc est de là plus grande faussèté, et„très injurieuse aux sentiments de dévouement à la Constitution, dont il a donné des preuves en plusieurs circonstances ; que le 24, le même jeune homme s'étant présente chez lui vers les 9 heures du matin, il lui a répété les mêmes discours, et même avec plus dé sévérité : et sur ce que ledit Marc, dans la même conférence, le prévint que deux autres jeunes gens nommés Simon viendraient le trouver incessamment pour obtenir des lettres de recommandation auprès des émigrés, mais que c'était un piège qu'il devait éviter, parce que leur intention était de les remettre à la municipalité, le comparant répliqua qu'il né donnait de lettre à personne pour ae pareils projets et a signé Malvoisin.
« Ledit jour est comparu le sieur Nicolas-François-Xavier Gauthier, ci-devant garde du corps au roi, demeurant en cette ville (Ah ! ah /). lequel a dit qu'ayant été inculpé de favoriser des projets d'émigration de plusieurs jeunes gens de la ville, dans les jours derniers, il se présentait et invitait le corps municipal de vouloir bien recevoir la déclaration qu'il va faire.
« Le mercredi 23 novembre présent mois, deux jeunes gens sont venus me voir vers 8 heures et demie du soir. J'étais alors à souper chez mon frère ; je fus les recevoir sur l'escalier attenant à la grande salle de la maison. Là, ne les connaissant pas, je m'informai de leurs noms, et de ce qu'ils désiraient de moi. L'un d'eux, garçon apothicaire, me dit qu'il avait projet d'émigrer ainsi que son camarade et qu'il venait me démander avis ainsi que ma protection. Je leur répondis sur-le-champ que je n'étais point un homme à protéger; et tranchant sur des compliments qu'ils croyaient me faire à ce sujet, je leur ajoutai que je mettrais mon bonheur a rendre service" à un citoyen de Toul, si l'occasion s'en présentait; mais que pour l'objet dont il me parlait, je ne pouvais lui être d'aucune utilité, et que s'il voulait avoir confiance en moi, le parti le plus sage que j'avais à lui proposer était de rester chez eux; qu'ils étaient sans doute plus utiles à leurs parents et dans l'intérieur de la
France, que chez l'étranger. Les jeunes gens insistèrent, et je leur répétai la même chose en leur ajoutant « Si c'est intention de servir, nous avons ici de braves commandants, entre autres, M. Malvoisin ; allez le trouver, il pourra vous être
Elus utile et vous donner du service: si vous êtes ons sujets, il vous avancera. » Ils me répondirent qu'ils ne le connaissaient pas. «Il n'est pas besoin, leur dis-je, de le connaître, vous pouvez lui dire, si vous voulez, que c'est moi qui vous envoie ; » et là-dessus je les congédiai, sans même m'enqué-rir du nom du second jeune homme.
« Hier vendredi, un bruit public me rapporta que ces jeunes gens étaient connus pour vouloir emigrer et que l'on me regardait comme le moteur de cette émigration. Aujourd'hui, on me rap-orte qu'il y a. beaucoup de fermentation, dans a ville, par rapport à [moi ; qu'on m'accuse de de distribuer ae l'argent à des jeunes gens. Je viens rendre compte ae ma conduite et démentir ces faussetés. « De tout a été dressé procès-verbal, etc. » Voilà, Messieurs, l'extrait des pièces. Il s'agit de savoir si l'assertion de MM. Gauthier, Malvoisin et Marc doit être crue contre quatre témoins qui déposent absolument les mêmes faits. C'est là, je crois, le point de la question sur lequel l'Assemblée doit délibérer.
Je demande le renvoi au comité de surveillance.
Il est inutile maintenant de renvoyer ces pièces à un comité dont le rapport n'apprendrait rien de plus, et je demande en conséquence que l'Assemblée rende sur-le-champ un décret d'accusation contre les sieurs Gauthier, Malvoisin et Marc. L'Assemblée a plus de preuves qu'il n'en faut pour rendre, sur des procès-verbaux légalement dressés, le décret d accusation contre les trois particuliers accusés. Nous avons contre le sieur Malvoisin la déclaration du sieur Marc, contre celui-ci et contre le sieur Gauthier la déposition de quatre témoins. Les dénégations des accusés ne peuvent pas atténuer le poids de ces dépositions. Il ne serait pas difficile d'ailleurs de prouver que le sieur Malvoisin est le
Slus coupable de tous. Je conclus donc au décret 'accusation. ( Applaudissements.) Un membre : Je demande préalablement le renvoi-de ces pièces à un comité, au comité de surveillance, par exemple, pour qu'il vous en fasse son rapport.
Les preuves qui viennent à l'appui de la dénonciation sont si claires et si précises que je ne crois pas qu'il soit nécessaire de renvoyer a un comité, qui ne pourrait vous donner plus de lumières que les procès-verbaux. Si, sur une simple lettre signée Varnier, vous vous êtes crus assez instruits pour rendre un décret d'accusation contre lui, vous êtes, dans l'hypothèse présente, bien plus suffisamment éclairés, bien plus autorisés, passez-moi cette expression, à rendre un décret d'accusation contre les sieurs Malvoisin, Gauthier et Marc fils. En parcourant les réponses des prévenus, qui ne s'aperçoit que ces malveillants se sont évidemment dénoncés eux-mêmes dans leurs propres réponses? On s'en rend facilement compte en examinant les réponses du sieur Gauthier. Je demande qu'il soit fait une deuxième lecture de la déposition du sieur Gauthier, et je soutiens que, lorsque vous aurez entendu cette lecture, vous serez en état de rendre un décret d'accusation.
En appuyant la motion des préo-
pinants, je me permettrai deux amendements. Le premier, c'est qu'un courrier extraordinaire sera expédié aujourd'hui pour s'assurer des prévenus, parce que le courrier de Toul part demain et qu'il serait possible qu'à la nouvelle de la dénonciation, les accusés cherchassent à s'évader. Le second amendement est motivé par ce fait que plusieurs membres de l'Assemblée nationale ont reçu des lettres qui leur apprennent que de pareils enrôlements se font sur les frontières, à l'étranger et dans Paris même. C'est pourquoi je demande que l'Assemblée enjoigne de la manière la plus formelle, tant aux corps administratifs et aux municipalités qu'aux commandants des gardes nationales de surveiller tous ces enrôlements et toutes ces machinations qui se trament contre la sûreté publique dans l'intérieur du royaume et de lui rendre compte le plus promptement possible.
Il -est temps, Messieurs, que les amis de la Révolution et ae la Constitution jouissent enfin du repos qu'elle leur assure. Je vous dirai que la ville de Toul est infectée d'aristocratie. Cette aristocratie y est d'autant plus dangereuse qu'elle y avait établi, il y a 15 ans, un chapitre de chanoines ndbles, et que l'on avait ainsi privé tous les citoyens d'aspirer aux places de ce chapitre auxquelles cependant ils avaient des droits. Qu'est-il arrivé ? Ces chanoines se trouvant supprimés par la Révolution, en sont les plus ardents ennemis , et non contents de troubler la ville, plusieurs sont allés à Coblentz , où ils ont pris les armes contre leur patrie.
Je suis de Toul, Messieurs; ma famille y est souvent exposée à des insultes à cause de mon patriotisme reconnu. Si l'Assemblée ne nous protège pas, quel parti nous restera-t-il à prendre et que deviendrons-nous ?
Ainsi, en appuyant la motion des préopinants, je demande que les sieurs Malvoisin, Marc et Gauthier soient mis en état d'accusation et que le pouvoir exécutif soit chargé d'expédier ce soir à la municipalité de Toul un courrier extraordinaire pour les faire arrêter. Vous pouvez y avoir toute confiance, car, grâce à Dieu, il n y a ni nobles ni aristocrates, dans cette municipalité (Vifs applaudissements.) et le peuple y est bon patriote. Je suis persuadé que si le 13e régiment de dràgons voulait faire un mouvement pour protéger son lieutenant-colonel, la garde nationale de Toul seule, qui est excellente, suffirait pour lui en imposer.
Plusieurs membres : Vous n'avez pas besoin de cela.
veut parler.
Je demande à faire un amendement.
Monsieur, j'ai la parole et je ne vous la céderai pas.
Plus cette affaire est grave, moins les commencements de preuves que vous avez reçues doivent vous laisser de doute. J'ai demandé la parole afin que le décret d'accusation fût mis promptement aux voix. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande par amendement que les prévenus soient conduits sur-le-champ et séparément dans les prisons d'Orléans, dans la crainte que si on les mettait dans les prisons de Toul, les dragons, dont M. Malvoisin est le chef, ne tentent de délivrer les prisonniers. (Applaudis-
sements dans les tribunes.)Je demande, en outre, que les scellés soient apposés sur leurs papiers.
Je ne m'oppose, pas à l'amendement de M. Delacroix. Plus on mettra de précipitation dans l'envoi du courrier, plus on assurera la tranquillité publique et plus j'approuverai les mesures prises ; mais je dis que c'est trop témérairement juger le patriotisme d'un régiment qui, dans aucune circonstance, n'a donné fieu de présumer,.. (Murmures.)
Un membre : Monsieur le Président, c'est indiscret.
Je réclame pour Monsieur la liberté des opinions.
qui, dans aucune occasion, n'a jamais pu inspirer de doute sur ses sentiments. Je l'avouerai Îranchement; je n'attache pas une grande importance à ce qui a été dit par M. Delacroix relativement à ce régiment. Mais il est nécessaire que, dans toutes les circonstances où l'on paraît douter du patriotisme des troupes de ligne et des dragons dont j'ai l'honneur de commander un régiment, il y ait quelqu'un dans l'Assemblée qui ait le courage de déclarer que si, dans tous les régiments, il existe des aristocrates, il existe aussi, dans tous, des .officiers patriotes toujours portés à défendre l'intérêt public, toujours veillant sur la conduite des officiers aristocrates, toujours courageux pour maintenir le patriotisme trop effervescent des troupes, toujours prêts à faire respecter leur grade, par cela seul qu'ils sont officiers, et que la subordination est nécessaire. Il faut que l'on sache encore que s'il y avait le moindre .doute, la moindre inquiétude sur le salut de la chose publique,, ces officiers seraient les premiers à s'emparer de ceux de leurs camarades d'armes dont la conduite serait coupable et seraient sûrs d'être soutenus par tous les dragons ou" soldats qu'ils commandent. (Vifs applaudissements.)
M. Jaucourt a mal compris ou a fait semblant dé, ne pas comprendre ce que j'avais dit J Ce n'est pas le patriotisme des dragons que j'ai voulu inculper, mais celui de leurs officiers. J'ai dit qu'il fallait éviter tout inconvénient qui pourrait s'opposer à ce qu'on s'assurât de la personne de ce iieutenant-colonel. Et certes ce n'est pas la première fois que des commandants de régiment ont abusé de leur autorité pour soustraire à la loi des officiers arrêtés en vertu de décrets de prise de corps. Il serait donc à craindre ; qu'un officier supérieur ne trouvât, non pas dans la totalité des dragons, mais dans un assez grand nombre...
Plusieurs membres : C'est mauvais, Monsieur Delacroix, c'est mauvais ; taisez-vous !
Oui, Messieurs ; oui, Messieurs, c'est pour répondre à M. Jaucourt. Je connais le patriotisme comme lui ; et malheureusement ie sais que le nombre des officiers patriotes est très petit. Je n'ai voulu parier que des officiers, quand j'ai témoigné des craintes de mouvement. (Murmures prolongés. Le bruit couvre la voix de l'orateur
Plusieurs membres : La discussion fermée sur l'amendement de M. Delacroix! . (L'Assemblée ferme la discussion sur l'amendement de M. Delacroix.)
Un membre : Je demande l'ajournement du décret d'accusation. (Murmures.)
(Cette motion, qui n'est pas appuyée, n'a pas de suite.) y
Plusieurs membres demandent une seconde lecture des procès-verbaux.
D'autres membres : La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion 'de relire les procès-verbaux.)
consulte successivement l'Assemblée sur les diverses motions qui ont été faites.
(L'Assemblée porte le décret d'accusation contre les sieurs Mal voisin, Gauthier et Marc fils, sauf rédaction et désignation; ordonne que le pouvoir exécutif sera chargé d'envoyer ce décret sur-le-champ à Toul, par un courrier extraordinaire, que les scellés seront apposés sur les papiers des accusés et qu'ils seront conduits à l'instant et séparément dans les prisons d'Orléans.)
Un membre : Je demande que les accusés soient tenus au secret jusqu'après leur interrogatoire.
Un membre : Je demande la question préalable sur cette motion, en la motivant sur la disposition dé la loi qui ordonne précisément de tenir ies accusés au secret jusqu'après leur interrogatoire.'' ^
(L'Assemblée adopte la question préalable ainsi motivée.)
Je rappelle à l'Assemblée le deuxième amendement de M. Gouvion tendant à ce que les corps administratifs, les municipalités et gardes nationales soient chargés de surveiller les enrôlements et machinations qui se trament contre la sûreté publique dans l'intérieur du royaume.
J'observe à l'Assemblée qu'il existe déjà une loi qui défend que les enrôlements soient faits par des hommes qui n'auraient point un caractère légal pour cet objet.
Jedemande le renvoi.au comité de législation pour en faire le rapport demain et nous présènter un projet de décret à cet égard.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Gouvion au comité de législation pour faire le rapport demain.)
Je demande que les membres du comité de législation se retirent à l'instant dans leur comité pour rédiger le décret d'accusation.
Un membre : Il serait plus simple d'ordonner que les secrétaires s'occuperont sur-le-champ de la rédaction de Ce décret.
(L'Assemblée, consultée, adopte cette dernière motion.) (Voir la rédaction du décret, ci-après p. 567.)
Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite sage et patriotique de la municipalité et du conseil général delà commune de Toul.
(L'Assemblée, consultée, décrète cette motion.)
Un membre : J'observe qu'il ne faut point perdre de temps, parce que M. de La Galissonnière enverrait un courrier à l'un des accusés, son allié, et rendrait ainsi les mesures de l'Assemblée inutiles.
se plaint du tumulte dans lequel l'Assemblée délibère.
C'est une réflexion que je fais bien souvent.
J'observe à l'Assemblée qu'il serait grand temps que le comité de législation nous fit son rapport sur l'affaire de Caen, qui concerne
cependant quatre-vingt-quatre accusés de la plus haute espèce.
Je demande aussi que M. Noireau, actuellement détenu dans les prisons de Dijon, soit transféré dans celles d'Orléans. Voici, en effet, une lettre du procureur général syndic du département, qui me témoigne ses inquiétudes sur la garde de ce prisonnier, quoiqu'il ait eu la précaution de mettre à la porte de sa chambre des gardes nationales sur le zèle desquels il peut compter; mais il me marque que les prisons sont environnées de gens suspects, que même elles en contiennent et qu'il est véritablement inquiet.
Je demande que tous ceux contre qui l'Assemblée nationale portera un décrét d'accusation soient transférés sans délai dans la prison d'Orléans dès qu'ils seront arrêtés.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Lacombe-Saint-Michel.)
Un de MM. les Secrétaires donne lecture d'une pétition du sieur Gauthier, aubergiste à Stenay, qui a pour objet de demander une loi interprétative des décrets de l'Assemblée nationale constituante, des 27 et 29 mai 1791, relative aux fermes, et régies.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce.)
L'ordre du jour appelle le rapport dû plan d'organisation .des comités des finances et la discussion de la motion relative à l'invitation à fairè au roi de suspendre le départ des troupes pour les colonies ; mais j'observe que la séance du dimanche est consacrée à entendre les pétitionnaires et qu'ils sont aujourd'hui en très grand nombre.
Plusieurs membres : La priorité pour l'admission des pétitionnaires.
(L'Assemblée, consultée, décrète que les pétitionnaires seront admis.)
Plusieurs membres demandent qu'il soit fixé une séance extraordinaire, ce soir, pour entendre les différents rapports.
D'autres membres demandent que cette séàhce extraordinaire soit fixée à [demain soir.
(L'Assemblée décrète qu'il y aura demain soir une séance extraordinaire.)
Les 15 commissaires du Bureau de la comptabilité sont admis à la barre. Ils présentent le plan (1) de leur organisation et le tableau général de l'état actuel de la comptabilité ancienne et nouvelle : ils protestent de leur patriotisme, et assurent qu'ils ne croiront pas avoir rempli toutes les obligations qui leur sont imposées, tant que la patrie aura encore quelque chose à exiger d'eux.
s*adressant aux commissaires de la comptabilité. L'Assemblée nationale reçoit votre
hommage, et s'occupera sans retard des plans que vous lui soumettez. Elle compte sur votre
.zèle, votre pénétration, votre inflexible probité. Telle est l'importance de vos fonctions
que vous ne pouvez être vertueux ni coupables à demi. Secondez par votre infatigable
vigilance les intentions de l'Assemblée nationale, car le plus cher de ses devoirs, la plus
ferme de ses volontés est de connaître tout l'emploi des deniers
L Assemblée vous accorde les honneurs de la séance. ( Vifs applaudissements.).
Plusieurs membres demandent successivement l'impression du discours des commissaires, de la réponse de M. le Président et des mémoires et tableaux présentés par les commissaires du Bureau de la comptabilité.
(L'Assemblée décrète successivement ces différentes motions; puis renvoie les mémoires au comité de l'examen des comptes.)
, ancien officier, est admis à la barre. Il se plaint de ce que le colonel du régiment dé Royal-Touraine lui a ôté sa place de capitaine de ce régiment en écrivant au ministre de la guerre que le pétitionnaire avait donné sa démission; il demande qu'aux termes du décret du 12 septembre il soit réintégré dans le grade qu'il devrait avoir suivant son ancienneté de service, et, en toutre, la décoration militaire.
Adressant au pétitionnaire. Les vieux militaires qui ont droit, par les blessures dont ils sont couverts, à l'estime et à la reconnaissance publiques doivent attendre une prompte justice ae l'Assemblée, lorsque surtout il portent à côté de ces nobles blessures les cicatrices du pouvoir arbitraire. Elle, prendra votre pétition én considération et vous invite à assister à sa séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Ducamp au comité militaire.):
Un de MM. les secrétaires présente, dans les termes suivants, la rédaction du décret d'accusation rendu contre ies sieurs Malvoisin, Gauthier et Marc.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des procès-verbaux de la municipalité de Toul, département de la Meurthe, en date des 25, 26 et 27 novembre, et de l'arrêté du conseil général de la commune, en date du même jour 27 novembre dernier,
« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre Charles-François Malvoisin, lieutenant-colonel, commandant le 13° régiment de dragons; Nicolas-François-Xavier Gauthier; ci-devant garde du corps du roi ; et Charles-François Marc, fils mineur de Clément Marc, ci-devant chantre de l'église collégiale de Toul, comme prévenus d'attentats à la sûreté de l'Etat, d'enrôlements et de complots én faveur des ennemis de l'Etat.
« Décrète que le pouvoir exécutif sera chargé d'envoyer le présent décret à Toul, sur-le-champ et par un courrier extraordinaire ; que les accusés, aussitôt après leur arrestation, seront transférés séparément dans les-prisons de la ville d'Orléans, et que les scellés seront apposés sur leurs papiers. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Messieurs, le roi vient de me faire dire qu'il recevra à trois heures la députation chargée de lui porter ce décret.
L'ordre du jour, qui est l'admission de plusieurs pétitionnaires à la barre, est repris.
Je demande que les pétitionnaires ne puissent lire que leurs conclusions. (Murmures.) .
(Cette motion n'a pas de suite.)
, députés par les habitants de l'île de Noirmoutier, sont introduits à la barre.
ayant obtenu la parole, s'exprime ainsi :
« Messieurs, si sous l'ancien gouvernement, si dans les crises diverses qui l'ont agité; si, ennn, dans l'état délabré des finances de cet Empire, qu'on a vu réduites aux derniers expédients, les habitants de l'île de Noirmoutier se sont fait entendre jusqu'au trône, quel espoir n'ont-ils pas aujourd'hui de se faire écouter dans le sanctuaire de la loi, sous le régime de la justice et de la liberté ! autrement serait-il possible que l'aurore de la félicité de la France fut pour ces insulaires l'avant-coureur d'une nuit éternelle?
« Tel est pourtant, Messieurs, le malheur dont est menacée l'île de Noirmoutier, qui nous députe vers vous, pour réclamer contre les impositions énormes sous lesquelles de nouveaux oppresseurs veulent l'anéantir.
« Nous contractâmes,au mois de février dernier, l'obligation d'acquitter la dette sacrée des contributions, en sollicitant, auprès de l'Assemblée constituante, de n'être plus ce que d'adroits financiers appelaient autrefois étrangers effectifs, malgré qu'en conséquence, ainsi que toutes les îles au département de la Vendée, nous ne payions ni dixième, ni taille; ni capitation, ni aucun impôt de n'importe quel genre.
« C'est en opposant la justice à toutes*les tentatives fiscales, que tous nos rois, jusqu'à Louis XVI, ont pris notre état précaire en considération. Nous rougirions de demander, sous ces prétextes, à ne pas partager les charges de l'Empire, pour ne participer qu'à ses avantages ; on a voulu pourtant insinuer que ces fausses prétentions étaient celles de nos communes ; elles nous ont spécialement chargés d'en donner un désaveu formel au milieu de la nation assemblée, et ,de déposer dans cette enceinte leur soumission aux lois à côté du trésor de la liberté.
« Il est naturel que si du fond de nos îles nous moissonnons les fruits de la nouvelle Constitution, nous coopérions à leur culture : puisque tous les citoyens sont appelés par elle à les moissonner également, ils doivent également, en raison de leurs facultés, contribuer à la dépense et à l'entretien qui en sont inséparables. C'est sur ces bases, Messieurs, que nos pays, qu'on impose pour la première fois, demandent à l'être ; et alors devenus sujets aux contributions, ainsi que l'intérieur du royaume, il est de la majesté, de la justice et de la dignité d'une aussi grande nation, de prendre ces îles sous sa protection, de les garantir avec l'art et à ses frais, puisque les autres domaines de l'Etat le sont par la nature.
« Mille fois ces vérités ont été mises sous les yeux des corps administratifs, dont l'un est à 30 ou 40 lieues ae nous ; ils ont été constamment sourds à ces justes réclamations ; et cela, pourquoi ? Parce qu'elles étaient éloignées de tendre à leur décharge ; en conséquence, nous sommes informés que nous devons être taxés arbitrairement ; comme si la justice sociait avec l'arbitraire ! ce qui, en matière d'imposition, se trouve, sitôt que leur assiette a pour base des principes défectueux. On veut imposer en raison de la population : est-ce un point invariable? Tous les pays de même valeur et de même étendue sont-ils donc également peuplés ? Quand, par supposition, ils le seraient, n'y aurait-il pas à excepter les bords de la mer, où, à cause des pêches, des armements et du commerce, se fixent une infinité d'individus de toutes les parties du globe ? Outre ces considérations, nos pays en offrent d'autres ; c'est qu'à défaut de bestiaux,
tous les travaux, même ceux de l'agricultnre, s'y font à force de bras. C'est pourtant, d'après la population qu'on veut asseoir dans l'île de Noirmoutier, la cote contributive.
« C'était là, dit-on, la seule base qu'on devait adopter dès lors que l'île de Noirmoutier était en retard relativement aux sections cadastrales requises par la loi : autre faux principe, surtout quand on saura que dans cette île il n'a jamais existé de rôle d'imposition ; ses charges, ses réparations journalières en ayant toujours tenu lieu ; que les propriétés, d'ailleurs, y sont divisées, subdivisées et morcelées à l'infini : d'où il
11 résulte une impossibilité morale d'exécuter la loi des sections comme dans le continent. Ainsi donc, nulles raisons, nuls motifs pour y asseoir arbitrairement les contributions en blessant ainsi les droits de la justice distributive.
« Dans ces circonstances, et environné des ténèbres de l'incertitude, était-il un autre parti à prendre que celui d'ordonner aux municipalités ae l'île de choisir un arpenteur, qui, conjointement, avec un autre nommé par le directoire du district, procéderait à l'arpentement entier de cette île, en désignant, par un procès-verbal authentique, les rochers escarpés et de nul produit; les dunes de sable mobiles, nuisibles et arides, les terres vaines et vagues, les landes stériles, et enfin, la partie productive, seule sujette à la contribution foncière, pour ensuite frapper ces propriétés ainsi et de la même manière que sont atteintes celles du continent de pareille valeur ; telles que celles des paroisses ae Notre-Dame, et de Saint-Jean-de-Mont, de Beauvoir-sur-Mer, et de Saint-Gervais, qui cernent notre île, et qui sont absolument de même nature ? Alors, voilà où il n'y aurait plus d'arbitraire, et où la balance serait dans son juste équilibre, à la seule charge des digues et chaussées qui défendent cette Ile des irruptions de la mer.
« Nous n'avons cessé, Messieurs, de demander des commissaires, tant pour constater la valeur respective des propriétés, que pour visiter ces travaux coûteux élevés contre l'Océan : s'ils eussent été accordés à nos instances, ils vous diraient que nous sommes une classe de Français dont les fortunes sont incertaines, et dont les plus précieuses espérances peuvent redevenir, dans un instant, la proie des flots ; ils vous attesteraient que notre île n'est point, comme ces superbes jardins de l'Egypte, suspendus dans les airs ; mais ils vous apprendraient que ces terrains productifs sont assis au fond de l'Océan, à
12 pieds environ au-dessous du niveau de la mer qui tantôt marche amicalement et majestueusement sur les remparts qu'on lui oppose, tantôt déploie contre eux des montagnes écumantes ; et enfin, que ces derniers ouvrages sont, ainsi que les premiers, dignes de Sémiramis.
« En assujettissant ces pays à la contribution foncière, telle que les paroisses limitrophes, outre que non seulement A est de la grandeur de la nation de mettre au rang de ses travaux publics toutes les digues que baigne l'Océan, et par lesquelles sont garantis les fonds hypothéqués à ses contributions, c'est qu'il est également juste que les emprunts contractés jusqu à ce jour, deviennent la propre dette de l'Etat, parce que, sans ces engagements, il ne serait plus question d'imposer ces domaines qui n'existeraient peut-être plus.
« Nos ennemis, s'il en existe, pourraient objecter que nos terres produisent tous les ans ; mais ils
ne diront pas que nos deux récoltes réunies ne peuvent souvent atteindre celle qu'ils ont moissonnée après un an de repos ; quand bien même il y aurait un peu d'excédent, us se donneraient bien de garde, vu les dangers que nous courons, de changer leurs champs pour les nôtres, pour y vivre dans une prison continuelle, nuit et jour dans les craintes et dans les alarmes, et dans un endroit où il n'y a ni foire, ni marché, ni manufacture, etc., etc.
« Dans la Révolution, les habitants de l'île de Noirmoutier perdent tout; il ne leur reste que leur patriotisme et leur amour pour la liberté, constant et inné avec eux, qui, inaccessibles, se sont montrés aussi fermes et aussi inébranlables que les rochers voisins, où viennent se briser les flots qui les environnent. La Constitution française y est si sacrée, que, s'ils en étaient les seuls dépositaires, à l'exemple de ce grand homme de l'antiquité, elle échapperait à l'Océan, viendrait-il à franchir les limites qu'ils lui ont imposées.
« Le patriotisme exige que l'on veille à la conservation de nos propriétés, qui nous lient de si près à la Constitution. Ne serait-ce pas attenter à celles de ces insulaires que de les imposer, sans égard à leurs charges, aux risques et aux dangers qu'ils courent, et en vertu desquelles ils n ont jamais été imposés? C'est sous la garantie de n'avoir point d'autres fardeaux qu'ils s'étaient originairement soumis à des redevances prodigieuses, qui viennent d'être vendues comme biens nationaux au profit de l'Etat.
« Dans la régénération de l'Empire, l'île de Noirmoutier n'a pu rien obtenir, malgré ses réclamations ; il semble qu'elle ait été totalement mise en oubli, excepté lors de l'assiette des impositions ; et il est à croire que, dans les temps malheureux où une guerre, surtout sur mer, menacerait cet Empire, on pourra y trouver plus de 500 des meilleurs marins bien connus sur nos vaisseaux, et auxquels on devrait nécessairement un hydrographe pour y enseigner la marine sur-les lieux.
« Cette île a été oubliée dans le seizième des biens nationaux, malgré que ses communes aiênt, dans les temps opportuns, fait leur soumission de 1,400,000 Livres, pour acquérir tous ceux que renferme ce canton.
« Elle a été oubliée dans les secours qu'elle a réclamés pour une perte de plus de 120,000 livres, causée a ses digues et chaussées par les hautes marées des 19 et 20 janvier dernier.
« Elle a été oubliée enfin, quand çlle a demandé la défense définitive d'aliéner le château de la ville de Noirmoutier, les bois de la Chaise et de la Blanche, dont, au mois de février dernier, nous avions obtenu, par un décret, la conservation
{provisoire, comme d'une utilité indispensable à a défense de l'île, au commerce, à la navigation; en un mot, à l'Etat entier, pour ne pas dire même aux nations étrangères.
« En nous résumant,Messieurs, nous ne connaissons que deux partis à prendre, ou de nous laisser le pesant fardeau des digues, des chaussées, de nos canaux, et de nos côtes, dont la conservation coûte immensément, et surpassait tous impôts, la digue de Devin ayant seule absorbé près de 300,000 livres, sans compter que la même somme ne suffirait pas pour la garantir, et qu'il existe, en outre, environ 12,000 toises d'autres digues; ou d'assujettir nos pays auxcontributions d'après le même mode et sur les mêmes bases que les paroisses circonvoisines; qu'en èonsé-quence, les communes choisiront un expert-arpenteur, qui, avec celui que nommerait le dis-
trict, à moins que l'Assemblée, à nos prières, ne veuille de suite en envoyer, « pour y procéder à l'arpentement, en distinguant dans leur procès-verbal les dunes de sable, les rochers, les terrains vagues et incultes, d'avec les parties productives, pour, d'après le résultat, imposer chaque arpent, comme le sont les voisins; qu'alors toutes les digues et chaussées que baigne l'Océan, tant celles existantes aujourd'hui, que celles que les temps nécessiteront d'élever, seront et demeureront pour le compte de la nation, qui toujours laissera sur les lieux une certaine somme dont les municipalités pourront disposer dans les cas pressants, à la charge d'en rendre compte, et de mander de suite le préposé du gouvernement, afin qu'il vienne aussitôt faire réparer les dommages arrivés : le tout sous peine de responsabilité ».
« Sans ces précautions,l'île serait infailliblement bientôt submergée, s'il fallait aller au loin chercher des secours; et il en serait ainsi qu'il en est du chemin, qui, deux fois par jour, à marées basses, communique au continent, où, faute de réparations bien sollicitées, plusieurs personnes ont trouvé leur tombeau.
« Que les dettes contractées par les communes seront acquittées des premiers deniers des impositions, ou sur le produit du bénéfice de la vente des biens nationaux auxquels cette île a droit de prétendre, en vertu de ses soumissions.
« Qu'il sera établi à la résidence de la ville de Noirmoutier un hydrographe, pour y tenir une école gratuite de marine.
« Que les deux paroisses ne pouvant être réunies, mais seulement les municipalités, seront conservées, et que la succursale ae l'Epine, immédiatement entre les deux paroisses, le sera comme leur oratoire.
« Que le château de ladite ville de Noirmoutier, le jardin qui en est séparé non compris, ensemble les bois de la Chaise et ceux de la ci-devant abbaye de la Blanche, situés le long de la mer, et hors des murs de clôture, seront définitivement inaliénables comme utiles à l'Etat, servant de rade et de balises à la navigation, lesquels continueront à être sujets à l'administration forestière.
« Que la défense d'aliéner les biens du ci-devant abbé de Noirmoutier sera levée, s'il y a lieu, plusieurs personnes Se présentant pour en acquérir en tout, ou partie.
« Cette récompense, Messieurs, est due à ces insulaires, qui se sont empressés de satisfaire à la loi du don patriotique, sitôt qu'elle leur fut connue; qui n ont cessé, et , notamment depuis deux ans, de donner des preuves du patriotisme le plus épuré; qui n'ont rien épargné pour faire respecter dans leur sein les nouvelles lois, y faire régner la paix au milieu des troubles que de fanatiques oppresseurs fomentaient dans leur département ; qui, en conséquence, n'ayant pu être armés par leurs administrations, ont envoyé, à leurs frais, chercher des armes et munitions, tant à la Rochélle qu'à Rochefort, s'en sont tous munis, sans exception, pour la défense de la patrie, pour réprimer le moindre attentat contre la liberté et l'audace de ceux qui ont été porter chez l'étranger leur esprit corrupteur et corrompu. .'V.:,
« Cette île enfin demande le secours et la protection de la nation dont elle fait partie, et de plus, à être, sans aucune différence, régie, administrée et gouvernée comme le reste de l'Empire français. »
Messieurs, l'Assemblée prendra votre pétition en considération; elle vous invite à sa séance.
(L'Assemblée décrète que les réclamations contenues dans le mémoire des habitants de l'île de Noirmoutier seront renvoyées aux comités des contributions publiques et de marine, pour les objets qui les concernent.)
Une députation d'artistes de la société des Arts, de la société des Neuf-Sœurs, et d'autres, sociétés fraternellement réunies, est introduite à la barre.
L'orateur de la députation lit une pétition signée individuellement par un grand nombre d'entre eux, et par laquelle ils demandent : 1° que la nation accorde des secours aux artistes qui ne sont pas aisés; 2° que le décret du 27 septembre 1791 soit rapporté et que le bureau de consultations qui, suivant ce décret, doit être composé de 15 commissaires de l'académie des sciences, et de 15 commissaires des autres académies, le soit de 60 membres, en y ajoutant 30 commissaires choisis parmi d'autres sociétés d'artistes légalement établies; 3° que quand, il sera établi, ses séances soit publiques.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la 'séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités réunis d'instruction publique et dè commerce.)
Une députation du bataillon des vétérans et du bataillon des jeunes enfants de la patrie, est introduite à la barre.
, commandant du bataillon des Vétérans, et oratéur de la députation, s'exprime ainsi :
« Monsieur le Président et Messieurs les honorables membres de l'auguste Assemblée,
« Lé bataillon des vétérans, par une députation de 12 de ses membres, offre à l'auguste Assemblée, par la voix de son instituteur et commandant, son vif et pur hommage, ainsi que celui des enfants de la patrie, gui vous apportent, au milieu de nous, leur pétition de quelques pièces de petits cahons, afin que, sous vos auspices, ils puissent tous s'exercer en même temps, dans l'art de l'artillerie, depuis 10 jusqu'à 18 ans, pour entrer, tout formés, dans les corps militaires. Quoi de plus capable de réveiller et d'exciter pour jamais dans cette vive et première jeunesse, la plus ardente émulation, surtout si l'auguste Assemblée veut bien, dans sa sagesse, décréter, dès à présent, que les élèves de la patrie entreront a 18 ans, décorés du grade de sous-lieutenant, dans les corps militaires !
« L'incorruptible Pétion, le noùveàu maire, à
3ui nous avons présenté les trois petits bataillons e nos petits enfants, sous les noms d'Henri IV, Louis XIV et de Saint-Martin; ce digne maire veut réunir ces élèves delà patrie sous le même drapeau de l'espérancé qu'èlle leur a donné en vertu d'un décret de vos prédécesseurs, au Champ-de-Mars, à la première et si solennelle fédération, en présence des bannières des 83 départements réunis de là nation.
« Puisse l'auguste Assemblée opérer cette réunion dans son sein même !
« Quel bonheur pour moi, après avoir présenté en l'Assemblée constituante, l'hommage des prémices du bataillon des vétérans, comme leur instituteur, d'offrir en ce jour à la première Assemblée législative l'hommage réuni de plus de quatre-vingts bataillons de vieillards, et pres-qu'autant de Bataillons d'enfants de la patrie,
formés sur le même plan de patriotisme entre lesquels se trouve vigoureusement placée la force incalculable de 83 armées de l'Empire française, bien capables, sans doute, Messieurs, d'entourer victorieusement l'auguste Assemblée nationale, de la soutenir dans la fière attitude où elle vient de rendre des décrets admirés de l'univers, et de faire baisser et fléchir devant elle toutes les couronnes des tyrans de la terre, et de la préparer au doux règne de la constitution et de la liberté; enfin de lui faire goûter les fruits des Droits de l'homme, et ceux du code équitable que votre sagesse lui prépare.
« C'est pour le succès de ce grand ouvrage que les grands-pères, les enfants et les petits-enfants vous offrent, par ma voix, le sacrifice de leur sang pour la gloire de la patrie et de l'humanité. » ( Vifs applaudissements.)
L'instituteur des jeunes élèves de la 4e division des enfants de la patrie prend ensuite la parolé et s'exprime ainsi :
« Messieurs,
« L'instituteur des 200 élèves de la 4e division, section de Louis XIV, ayant eu le précieux avantage d'assurer la majesté de l'Assemblée constituante, qu'il se trouvait trop heureux d'offrir à sa patrie le sacrifice de ses soins, de ses veilles et de ses modestes revenus; qu'il ne consentirait jamàis à en recevoir aucune espèce de récompense, et que la seule qui péut être chère à son cœur, c'est de voir ses jeunes élèves, ornés, dès l'âge le plus tendre, des sciences et des beaux-arts, des vertus morales et patriotiques, jouir des doux'fruits de notre aimable liberté ; regarde, en ce moment, comme un dé ses devoirs les plus sacrés, de vous offrir de nouveau, accompagné des fils de la loi et assisté des vétérans-inspec-teurs décrétés, l'hommage pur de ses sentiments et de jurer, en présence de la religion et delà sagesse de la nation française constituée en corps législatif,"dans le sanctuairé de la justice, qu'ils n'ojnt pas dégénéré ; que jusqu'au dernier soupir et tant qu'il circulera une goutte de sang dans ses veiues, il se souviendra que C'est le sang illustre des Français libres, et qu'il descendra content dans la nuit du tombeau, s'il' a été assez heureux pour inoculer dans l'âme de ses jeunes citoyens soldats les séntiments qui l'animent pour le salut et la liberté de sa patrie victorieuse. (Vifs applaudissements.)
« Dans cette-circonstance, Messieurs, encouragé par les progrès rapides que font, dans les arts civils et militaires ces jeunes défenseurs de l'autel de la patrie, et par les vifs applaudissements que leur prodiguèrent, lors de la distribution des prix faite par M. le maire et La Fayette le 30 août dernier, les députations de l'Assemblée nationale, du corps municipal et électoral, etc., l'instituteur désirant ne les priver d'aucune des connaissances nécessaires aux différents arts qu'ils cultivent, réclame en leur faveur l'exécution du décret qui les constitue, dont voici les expressions textuelles et littérales, section 2, article 35 des décrets des 27 et 28 juillet 1791, concernant l'organisation des gardes nationales : « L'Assemblée nationale permet également qu'il s'établisse dans chaque canton, sous la même forme d'organisation, un bataillon composé de jeunes citoyens au-dessous de l'âge de dix-huit ans : cette compagnie, commandée par les officiers de la même classe, sera soumise à l'inspection de trois vétérans nommés à cet effet par leurs compagnies. »
« Aux termes du décret, les enfants de l'Espérance sont donc organisés également et sous la même forme que les autres bataillons; or, dans l'organisation des bataillons, ils ont chacun deux pièces de campagne de quatre; il croit donc, d'après les dispositions qui paraissent renfermées dans le décret, que ce serait le cas d'ordonner, pour le complément de leur instruction, qu'il leur serait délivré, comme aux élèves de Lorient, Rochefort et de divers autres lieux, des pièces de deux, afin de procurer aux élèves ingénieurs, qui se présentent en foule tous les jours, les connaissances relatives à l'artillerie et au jet des bombes, et par ce nouveau bienfait qu'ils sollicitent en se soumettant aux sages decrets de l'auguste Assemblée, exciter de plus en plus leur émulation, exalter leur courage, déconcerter les scélérats qui espéraient renverser l'inexpugnable rempart constitutionnel, et faire répéter à tous les peuples étonnés, que chez les Français les héros n'attendent pas le char despotique des années. » (Vifs applaudissements.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
Je fais la motion expresse que l'Assemblée décrété sur-le-champ la demande faite pour les jeunes volontaires.
Plusieurs membres : Le renvoi aux comités militaire et de marine réunis.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités militaire et de marine réunis.)
Plusieurs membres demandent l'insertion des deux discours au procès-verbal, avec mention honorable.
' (L'Assemblée ordonné l'insertion des deux discours dans le procès-verbal avec mention honorable.)
est introduit à ta barre et lit une pétition tendant à obtenir la concession de Utle Seychelles ; cette pétition est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Être utile à sa patrie,c'estle devoir des hommes.
« Procurer à la France une augmentation de ses revenus, accroître sa population et son commerce, rendre à une culture précieuse, des terres dont jusqu'à présent on n'a tiré aucun parti, donner à une quantité d'hommes indigents les moyens de travailler, en faire même des propré-taires : tel est le but que je me propose,
« Les événements malheureux dont nos possessions d'Amérique viennent d'être le théâtre, ajouteront peut-être un nouveau degré d'intérêt a la pétition que j'ai l'honneur de vous faire.
« L'arcnipel au nord des îles de France et de Bourbon est un domaine de la nation; sa propriété en est reconnue par toutes les puissances qui ont des possessions dans l'Inde,
« Les îles qui forment cet archipel s'étendent, en latitude sud, du troisième degré au seizième 40 minutes i du cinquantième au soixante -onzième degrés et en longitude orientale (méridien de Paris) du 50e au 71e degré, c'est-à-dire qu'elles occupent,du nord au sud, un espace d'en viron 270 lieues, et de l'est à l'ouest* environ 400 lieues.
« En donnant à ces îles inhabitées les différentes espèces de culture dont: elles sont susceptibles, elles deviendront intéressantes et précieuses.
« Le gouvernement ne pouvant faire valoir, par lui-même, cette partie de ses domaines, ne penseriez-vous pas. Messieurs, qu'il serait convenable d'en faire la concession ?
« Cette concession ne serait donnée qu'au particulier qui ferait sa soumission de mettre en valeur, dans un temps déterminé, l'île qu'il aurait obtenue, à la charge de payer le tribut, et l'impôt dont l'époque et l'accroissement progressif seraient fixés par l'Assemblée nationale.
« Tout particulier qui ne remplirait pas cet engagement, serait déchu de la concession qui lui aurait été faite.
« C'est à cette condition. Messieurs, que je vous démande la concession de l'île Seychelles, une de cet archipel.
« Elle est située par la latitude sud de quatre degrés 30 minutes, et par la longitude orientale de 53° .25'.
«Je ne dois point vous cacher, Messieurs, que là nature a destiné plusieurs de ces îles aux mêmes productions que celles de l'Amérique! La canne a sucre, le coton, l'indigo, y viennent sans "culture ; le café y sera naturalisé par des plans de Moka ou de Bourbon, ce qui donnera un café toujours supérieur à celui'd'Amérique.
« N'est-il pas temps. Messieurs, que l'expérience nous donne la solution de ce fameux problème ? on vous dit qu'il faut des esclaves pour cultiver les colonies, on peut être de bonne foi : mais, si j'obtiens ie vous la concession_que je sollicite, je ne veux que des bras libres pour la faire valoir.
« Colonie du nouveau régime, elle doit être la terre de la liberté ; sous peu d'années, la France^ l'Europe entière, seront à même de comparer et de juger.
« Du moins, par les moyens que j'ai l'honneur de vous présenter, l'humanité n'aura point à rougir, et le gouvernement de dépenses à .regretter, ni à faire.
« Quel exemple pour la postérité, que l'établissement d'une colonie' d'hommes libres ?
«. Quelle mine de richesses vous. ouvrirez au peuple français ! De quels moyens d'industrie n'enrichirez-vous pas les individus ! L'abondance de tous ces avantages doit être plutôt sentie que détaillée. ;;
« Le spectacle du bonheur, dont on doit espérer que jouiront les habitants de cette nouvelle colonie, sous l'empire de la loi, et sous une administration juste, y attirera des émigrants de toutes les côtes qui avoisinent cet archipel.
« Le Mozambique, l'habitant de Madagascar, n'y porteront point de fers : l'Indien, timide mais industrieux, fuira son gouvernement arbitraire; ils viendront cultiver le sol delà liberté; ils l'enrichiront de leurs talents ; ils y recueilleront le fruit le plus doux de leurs travaux, celui delà propriété.
« Gréer à la liberté un peuplé nouveau, c'est acquérir des droits certains à la reconnaissance des siècles ; c'est s'élever d'une manière sublime aux fonctions augustes de législateurs; enfin, Messieurs, c'est digne de vous. {Applaudissements.)
L'Assemblée, en donnant des éloges à votre zèle et à vos vues philosophiques, aura égard à votre pétition : elle vous invite a assister à sa séance.
(L'Assemblée ordonne l'insertion au procès-verbal du discours de M. l'Arches, avec mention honorable, et renvoie sa pétition aux comités réunis de commerce et des colonies.)
, métallurgiste, et un autre citoyen sont introduits à la barre.
lit un discours où il fait part à l'Assemblée d'un moyen qu'il a. découvert pour
rendre le métal des cloches assez ductile pour se plier à froid à l'effort du balancier et l'employer a une monnaie de billort. Il offre de faire une expérience à ses frais, en présence de commissaires de l'Assemblée nationale, pour prouver la bonté de son système.
répond aux deux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie le discours et le projet de M. Gauthier au comité des assignats et monnaies.)
Une députation des capitaines et autres officiers ayant rang de capitaine dans la garde nationale parisienne soldée est introduite à la barre.
Vorateur de la députation lit une pétition par laquelle ils réclament des explications sur divers articles de la loi du 18 septembre dernier.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire.)
(La séance est levée à trois heures et demie,).
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Plan d'organisation du Bureau de comptabilité (1).
TITRE Ier
Des commissaires du Bureau de comptabilité, et de leurs fonctions en général.
Art. 1er.
Les 15 commissaires du Bureau de comptabilité seront sous la surveillance directe et habituelle de l'Assemblée nationale, et ne pourront être destitués qu'après avoir été préalablement entendus.
Art. 2.
L'ordre et la distribution du travail des cinq sections établies par la loi du 29 septembre 1791, demeurent, quant à présent, fixés suivant les différentes natures de comptabilités tant anciennes que nouvelles conformément à l'état annexé au présent décret.
Il ne pourra, par la suite, y être apporté de changement qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi.
Art. 3.
La division des 15 commissaires dans les 5 sections, et leur répartition au nombre de trois dans chacune de ces sections, se feront entre eux par la voie du scrutin individuel : leur renouvellement aura lieu tous les ans de la même manière.
Art. 4.
Les sections ainsi formées seront désignées par ordre numérique.
Art. 5.
L'alternat prescrit par l'article 2 du titre II de la loi du 29 septembre 1791, se fera toujours de manière que les mêmes commissaires ne puissent se trouver ensemble, ni rentrer dans une section où ils auraient déjà été placés, qu'après un intervalle de deux années.
Art. 6.
Autant que faire se pourra, et sans déroger aux dispositions de l'article ci-dessus, ils s'attacheront à passer successivement dans les cinq sections, et à parcourir ainsi le cercle entier de la comptabilité dans l'espace de 5 ans.
Art. 7.
Les commissaires de la comptabilité s'assembleront et se formeront en comité général au moins une fois par semaine, et lorsqu'ils en seront requis par l'Assemblée nationale, ou que le bien du service l'exigera.
Art. 8.
Le comité général sera présidé par un des commissaires, choisi au scrutin, pour deux mois, à la majorité absolue des suffrages; le président ne pourra être réélu qu'après un intervalle de deux mois.
.Art. 9.
Les délibérations seront prises à la majorité des voix. Il en sera tenu registre, et elles seront signées par tous les membres présents.
Dans le cas de partage, la voix du président départagera.
Art. 10.
La nomination à toutes les places du Bureau de comptabilité appartiendra aux commissaires ; elle sera toujours faite en comité général : pour la première fois au scrutin après discussion, et sur l'indication des fonctions et emplois précédemment exercés par les sujets qui se présenteront.
A l'égard des remplacements, la nomination sera faite à la majorité des voix sur le rapport d'un des commissaires de la section où la place se trouvera vacante ; en cas de partage d'opinions, le président aura voix prépondérante.
Art. 11. .
Le comité général aura seul le droit de destituer les commis et employés du bureau qui ne rempliraient pas leurs devoirs : mais les deux tiers des voix seront nécessaires pour effectuer la révocation.
Art. 12.
Le comité général aura la surveillance sur tous les commis et employés du bureau; lui seul ordonnera les changements d'une section à*, une autre, dans les cas nécessaires, et prendra, pour
la police intérieure, telles délibérations que le bien du service et les circonstances exigeront, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions du présent décret.
Art. 13.
Les commissaires du Bureau de comptabilité correspondront tant avec les directoires des départements, qu'avec les commissaires de la Trésorerie nationale, et de la caisse de l'extraordinaire, et généralement avec tous les administrateurs, les comptables et préposés tenus de compter au Bureau de comptabilité, pour accélérer la présentation et la remise des comptes ; et en outre, pour se procurer tous les renseignements, pièces et instructions dont ils auront besoin dans le cours de la vérification des comptabilités, tant anciennes que nouvelles.
Art. 14.
Dans le cas où ils éprouveraient des refus ou retards de la part des ordonnateurs ou des comptables, ils en informeront l'Assemblée nationale, et lui proposeront les moyens d'y. remédier et de les prévenir.
Art.,15.
Conformément à l'article 7 du titre premier de la loi du 29 septembre 1791, ils presseront, vis-à-vis des directoires des départements, la remise des registres, comptes et pièces à l'appui retirés des greffes des anciennes chambres des comptes, ou rapportés depuis aux directoires.
Art. 16.
Ils presseront également, vis-à-vis des comptables, la remise des états, mémoires et soumissions mentionnés aux articles 1er .et 2 du titre III de la même loi, ainsi que la remise des comptes qui seront déclarés être prêts et en état d'examen.
Art. 17.
Le délai d'un mois fixé par la loi sus-men-tionnée pour la remise au Bureau de comptabilité desdits états, mémoires et soumissions, ne commencera à courir que du .... ; après ce délai, les peines prononcées par la même loi seront encourues par les comptables.
Art. 18.
Afin de faciliter, aux comptables les moyens de dresser eux-mêmes leurs comptes, et pour maintenir l'ordre et l'uniformité dans la rédaction, le Bureau de comptabilité est provisoirement autorisé à donner toutes formes et instructions nécessaires aux comptables, et ils s'y conformeront jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait décrété de nouvelles règles sur les plans qui lui seront incessamment présentés par le Bureau de comptabilité.
Ces instructions seront arrêtées en comité général; aucune section n'aura le droit d'en faire de particulières;
Art. 19.
Il ne pourra être présenté au Bureau de comptabilité aucun compte qu'il ne soit en état d'examen, et accompagné de pièces justificatives.
Art. 20.
Tous les comptes seront présentés en comité général par les comptables en personne, ou par leur fondé de procuration spéciale ; il y sera joint un bordereau sommaire contenant l'intitulé et la somme en masse de chaque chapitre de recette, dépense, reprise, et le résultat du compte. Le bordereau, ainsi que le compte, seront certifiés véritables par les comptables, ou leurs fondés de pouvoir, aux peines de la loi.
II sera tenu registre de la présentation des comptes et de leurs distributions aux sections.
Art. 21.
Les commissaires ne pourront recevoir aucun compte, qu'il ne soit coté et paraphé sur chaque feuillet par le comptable ; les renvois et ratures seront approuvés et signés de lui ; il n'y aura pas d'interligne, et il ne pourra être fait aucun changement après la présentation.
Art. 22.
Pour conserver l'unité de principes, et instruire également tous les commissaires de l'état des différentes comptabilités, il sera donné connaissance au comité général des rapports arrêtés dans les sections, et des principales difficultés qui y auront été traitées.
Ces rapports, avant d'être remis à l'Assemblée nationale, seront inscrits par extrait sur le registre destiné à en constater la remise.
Art. 23.
Après l'envoi au Bureau de comptabilité des décrets rendus sur les comptes, le comité général en prendra d'abord connaissance, en fera mention sur le registre, en marge des extraits des rapports, et les renverra ensuite, pour l'exécution, à la section où les comptes auront été vérifiés.
Art. 24.
A l'égard des comptes arriérés, déjà jugés, mais non encore apurés ou corriges, le Bureau de comptabilité présentera incessamment à l'Assemblée nationale un plan qui aura pour objet de déterminer et simplifier la forme des apurements et corrections, et d'accélérer la libération définitive des comptables.
Art. 25.
Après l'arrêté des comptes avec charges ou sans charges, les commissaires du Bureau de comptabilité feront donner copie entière des résultats et décrets d'apurement des comptes à l'agent du Trésor public, qui en tiendra registre ; ils lui feront aussi délivrer des certificats, copies et pièces nécessaires dans tous les cas où il y aura lieu à contestation sur les comptes.
Art. 26.
Toutes les fois que l'Assemblée nationale chargera le Bureau de comptabilité de lui présenter un plan de travail sur la comptabilité en général, ou sur quelques-unes de ses parties, ces plans seront discutés et arrêtés en comité général, quoiqu'ils puissent avoir un rapport direct avec les travaux de quelques-unes des sections.
Il en sera de même lorsque les commissaires, par suite de leur vérification, croiront devoir proposer à l'Assemblée nationale des vues d'accélération, réformes ou améliorations dans les différentes parties de la comptabilité.
Art. 27.
Indépendamment de leurs fonctions collectives, les commissaires de la comptabilité suivront journellement et individuellement toutes lés opérations relatives à là vérification et au rapport des comptes dans les 5 sections du Bureau ae comptabilité auxquels ils seront particulièrement attachés, et dont il sera parlé au titre III.
TITRE III.
Du Bureau central.
Art. 1er.
Il y aura un bureau central composé d'un nombre de commis suffisant, et toutes ses opérations seront suivies et surveillées par un commissaire nommé à cet effet, et renouvelé chaque mois.
Art. 2
Le commis principal de ce bureau tiendra le registre des délibérations, celui de présentation et de distribution des comptes, et tous autres registres nécessaires.
ÏÏ fera passer au président les lettres et mémoires adressés au Bureau de comptabilité; il rémettra, sans délai, aux différentes sections, les comptes présentés; il projettera la correspondance et les mémoires généraux, dont la rédaction pourra lui être confiée par le commissaire du bureau central.
Art. 3.
Il sera aussi chargé de tenir en ordre, dans les dépôts et archives, les expéditions des décrets du Corps législatif, les comptes, pièces et bordereaux après l'apurement définitif, les registres de contrôle des différentes parties de dépenses, ainsi.que tous les étàts, mémoires et pièces de renseignements adressés au Bureau de comptabilité.
Art. 4.
Il ne pourra être délivré aucuns certificats de présentation ni récépissés de comptes et autres pièces, qu'ils n'aient été visés par le commissaire de service au bureau central. Le même commissaire collationnera èt signera les doubles des comptes et toutes expéditions, extraits et copies de pièces émanées au Bureau de comptabilité.
TITRE III.
Des Sections
Art. 1er.
Les trois commissaires attachés à chacune des 5 sections auront, sous leurs ordres, le nombre de commis suffisant pour préparer le travail de la vérification des comptes.
Art, 2.
Aussitôt après la présentation d'un compte et son enregistrement au bureau central, il sera remis, avec les pièces et le bordereau, dans la section chargée ae le vérifier.
Art. 3.
Il sera tenu, dans chaque section, deux registres : l'un à colonnes, servira à constater, jour par jour, l'arrivée des ! comptes à la section, la remise des rapports, la réception des décrets rendus sur les comptes, et la remise des comptes et nièces au bureau central.
L'autre registre à nji-marge, contiendra, littéralement les rapports et les décrets y relatifs.
Il y aura, ae plus, un répertoire par ordre alphabétique, des comptes en vérification dans chaque section.
Art. 4.
Le travail préliminaire à la vérification des commissaires, aura pour objet de voir toutes les pièces justificatives, de les rapprocher de chaque article du compte, les viser et coter; afin d en constater l'existence, préparer des cahiers d'observations sur les parties sujettes à difficultés, de s'assurer de la vérité des calculs, et d'en relever les erreurs.
Art. 5.
Les commissaires de chaque section vérifieront, par eux-mêmes, la régularité de la perception et de l'emploi des revenus publics, la légitimité des ordres, la validité des pièces, l'exactitude des calculs, et généralement tout ce qui tend à opérer l'allocation des recettes, dépenses et reprises des comptes.
Art. 6.
La présence des trois commissaires sera toujours nécessaire à la vérification définitive des comptes. L'un tiendra le compte, un autre les pièces, le troisième le bordereau et le cahier des observations; les avis sur les difficultés seront arrêtés à la majorité des voix; et les rapports, signés de trois commissaires, seront remis, sans délai, à l'Assemblée nationale, après ayoir été communiqués au comité général, et inscrits sur les registres destinés à cet usage.
Art. 7.
Lorsque les commissaires, après avoir pris connaissance des pièces et cahiers d'observations, auront quelques éclaircissements, à donner aux comptables, ils pourront les appeler au bureau dé leur section.
Ces sortes de communications seront toujours faites en présence des 3 commissaires, et dans le lieu d'assemblée de la section. Dans aucun cas, et sous aucun prétexte,, les commis ne pourront communiquer avec les comptables, ni entretenir avec eux, relativement à leurs comptes, aucunes correspondances directes ou indirectes.
Art. 8.
Si, dans le cours de la vérification, les commissaires d'une section sont indécis sur quelques
difficultés, iis pourront dans ce cas en référer au comité général, et se conformeront au résultat de sa délibération dans la rédaction du rapport.
Art. 9.
Pour constater lés rapports des diverses comptabilités entre elles, et assurer l'exactitude des recettes, les commissaires de sections, après la vérification de chaque compte, feront un relevé des versements d'une caisse à une autre, et le remettront au bureau central, où il en sera tenu registre pour y recourir lors de l'examen des comptes.
Art. 10,..
Aussitôt que les décrets d'apurement seront
Sarvenus aux sections, les 3 commissaires procé-eront ensemble à leur exécution sur les comptes ; ils mettront les apostilles, sommeront chaque chapitre, et dresseront l'arrêté final en conformité des décrets.
Ces apostilles, sommés de chapitres, et arrêtés finals écrits de la main d'un des commissaires, sans interlignes et en toutes lettres, seront signés des 3 commissaires, qui parapheront les renvois et ratures.
Art. 11.
Les décrets d'apurement seront transcrits en entier à la suite des arrêtés des comptes, et par extraits à la fin des bordereaux. Après leur transcription sur le registre, ils seront déposés, ainsi que les bordereaux, aux archives, et les comptes et pièces seront remis aux dépôts.
TITRE IV.
Des traitements et des dépenses.
Art. 1er.
Les traitements des commissaires, appointements des commis, gages des concierges, garçons de bureaux, et autres personnes attachées au Bureau de la comptabilité, seront fixés annuellement à la somme dé... conformément à l'état annexé au présent décret.
, Art. 2...
L'entretien et les frais de bureau en papier, bois, lumière et autres menus frais, non compris ceux d'impressions, poste et messageries, sont fixés annuellement à la somme de *»
Art. 3;
Les traitements, appointements et gages fixés parles articlès précédents, commenceront à courir du jour des nominations.
Ils seront payés chaque mois par la Trésorerie nationale.
TITRE V.
Des dispositions dê discipline générale.
Art. 1er.
Les comptes et pièces pourront être communiquées sans déplacement à l'agent du Trésor
public, ou aux comptables, lorsqu'ils en requerront les commissaires: mais dans aucun cas, et sous aucun prétexte, les comptes et pièces ne pourront être transportés hors du bureau et du dépôt, si ce n'est par ordre de l'Assemblée nationale; il n'en sera délivré aucunes expéditions ou extraits qu'ils ne soient collationnés et signés par le commissaire de service au bureau central.
Art. 2.
Dans le cas prévu par l'article 15 du titre II de la loi du 29 septembre 1791, et autres cas où les commissaires, en vertu d'un décret du Corps législatif, seront obligés de se transporter hors de leur résidence pour des vérifications ou autres missions, il leur sera alloué, outre leur traitement, une somme pour indemnité et frais de voyage, d'après un état certifié d'eux, arrêté au comité général et définitivement réglé par l'Assemblée nationale.
Art. 3.
En cas de décès, absence ou empêchement d'un des trois commissaires d'une section, il sera remplacé pendant Vintérim, pour le travail de cette section, par un autre commissaire désigné par le comité général, en observant toutefois, à l'égard du substituant, les règles prescrites pour l'alternat par l'article 7 du titre premier.
Art. 4.
Si, lors du renouvellement des sections, la vérification d'un compte n'est pas achevée dans une section, le comité général le constatera, et les trois commissaires séparés par l'effet de l'alternat, se réuniront pour terminer la vérification commencée et les autres opérations y relatives.
Art '.«J
Conformément à l'article 14 du titre Ier, les commis n'alterneront pas ; ils resteront attachés aux sections dans lesquelles ils seront placés, mais le comité général pourra les faire passer d'une section à une autre, en tel nombre et toutes les fois qu'il le jugera convenable à l'utilité du service, en vertu de délibérations prisés à ce sujet sur le rapport des commissaires de sections.
Art. 6.
Aucun commis ou employé ne pourra s'ab-séntèr, sans un Congé par écrit des commissaires ; il n'en sera délivré qu'au comité général sur le rapport des commissaires dé chaque section. La durée du congé ne sera jamais de plus de 15 jours, et lé commis absent qui excédera ce délai, ne pourra prétendre d'appointements, ni même reprendre ses fonctions, sans être réintégré en VêrtU d'une décision du comité général.
Art. 7.
A chaque trimestre, les commissaires remettront au comité général un tableau par eux certifié de la capacité, de l'intelligence, de l'assiduité, des mœurs et de la conduite des commis et employés de leurs sections respectives.
Ces tableaux seront rangés par ordre de date dans une armoire dont le président aura la clef.
Art. 8.
Les commis d'une même classe pourront concourir dans toutes les sections aux emplois vacants de classes supérieures; et l'ancienneté, à mérite égal, sera toujours préférée.
Il ne pourra, dans aucun cas, être disposé des places, a titre de survivance ou adjonction.
Art. 9.
A mesure de l'apurement définitif des comptes arriérés, le nombre des commis pourra être réduit dans la proportion du travail et des comptabilités restantes ; cette réduction ne s'opérera que lors de la vacance dés emplois par mort, démission ou destitution, et en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale.
Art. 10.
Les certificats d'emplois, pour tenir lieu d'im-matricules, les expéditions et extraits délivrés aux parties prenantes, seront sur papier timbré et sujets à l'enregistrement; mais les comptes et leurs doubles, les soumissions, mémoires, états ou bordereaux, les journaux, registres et livres servant au Bureau de comptabilité, ainsi que les récépissés et reconnaissances des comptes et pièces, certificats, expéditions ou extraits délivrés, soit à l'agent du Trésor public, soit aux comptables, ne seront assujettis ni à la formalité du timbre, ni à l'enregistrement.
Fait et arrêté en rassemblée générale des commissaires de la comptabilité, en exécution de la loi du 29 septembre 1791.
Paris, ce 3 décembre 1791.
Signé : Beaulïeu, Boucher, Brière-de-Surgis, la Merlière, le Vacher, le Dée, le duc de Survilliers, Michelin, Normandie, Parizot, Prisye, Regardin, Perchel-de-Limery.
État général des commis et employés au Bureau de comptabilité.
sections.
Section n° 1.
2 commis de première classe, à 6,000 livres....;................?
2 commis de seconde classe, à. 4,000 livres.....................
8 commis de troisième classe, à 2,400 livres.....................
3 commis calculateurs, à 2,0001iv. Un teneur des registres de la section, à..........................
3 commis expéditionnaires, à
1,500 livres .....................
Un garçon de burea.u, à........
Section n° 2.
Idem.
Section n° 3.
Idem.
12,000 liv.
8,000
19,200 6,000
2,400
4,500 720
52,820
52,820
Idem. Idem.
Section n° 4. Section n° 5.
A reporter..... 158,460 liv.
bureau central.
Un commis principal, à......
Un commis en second, à.......
Un commis teneur de livres et
des registres, à.....-....-.........
2 commis aux écritures, à 1,5001. Un premier commis des dépôts, à Un second commis des dépôts, à Un garçon de bureau........ .
158,460 liv. 52,820 52,820
6,000 3,000
2,400 3,000 3,000 1,800 720
284,020 liv.
2 garçons porteurs, frotteurs et balayeurs dès dépôts, à 600 livres. 1,200
Concierge de l'hôtel, à......... 1,200
Un portier, à.................. 800
Frais de bureaux en bois, lumière, papier, plumes, encre, cire, etc.
par approximation.............. 36,000
Traitements des commissaires de la comptabilité.................. »
Nota. Il sera remis incessamment à Messieurs du comité d'examen des comptes, un état exact et comparatif de ce que coûtaient annuellement les ci-devant chambres des comptes, et l'ancien bureau de vérification des états au vrai au conseil, dont le Bureau de comptabilité va remplacer les fonctions.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 3 décembre au soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses, léttres et pétitions suivantes :
1° Adresse des officiers municipaux de la viUe de Montmirail qui demandent une loi qui oblige les cultivateurs à ne vendre leurs grains qu'aux marchés et assujettisse en même temps les acheteurs à représenter une autorisation de leur municipalité. Les enlèvements de blé se font en telle quantité que la ville est menacée de la famine, si on en souffre la continuation. Ils proposent quelques mesures tendant à prévenir les abus de la liberté de la circulation des grains.
Je demande le renvoi au département pour qu'il ait à faire exécuter les lois.
Il est important de prendre ces j pétitions ^en considération. On a enlevé dernièrement, près d'Orléans, 27,000 sacs de farine, en disant que c'était pour la municipalité de Paris. Cela a causé quelque mouvement au marché d'Orléans; et je tiens d'un officier municipal de Paris, que ces 27,000 sacs sont pour Nantes. Il est bien étonnant que Messieurs des ports de mer viennent prendre des farines dans Pintérieur du royaume. Je demande le renvoi de cette adresse aux comités d'agriculture et de commerce réunis.
(L'Assemblée renvoie l'adresse aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
Les comités d'agriculture et de commerce ont un rapport tout prêt sur les achats de grains hors du royaume. Je demande qu'il soit ajourné à jeudi. ' (L'Assemblée décrète la motion de M. Rougier-La-Bergerie.)
- 2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui expose à l'Assemblée la demande du département du Calvados, d'être autorisé à prolonger ses séances. Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer une adresse des administrateurs du département du Calvados, avec une adresse au roi, par laquelle ils demandent que la session actuelle soit prorogée de 15 jours au delà du terme qui est fixé. La loi du mois de janvier 1790, en constituant les assemblées administratives, a ordonné que la première session des conseils serait de 6 semaines, et celle des années suivantes d'un mois au plus. La loi du 27 mars dernier, relative aux mêmes assemblées, a accordé au roi le pouvoir d'avancer ou de retarder les sessions des conseils, de les faire discontinuer ou ajourner à une autre époque, d'après une difficulté reconnue par la majorité des administrateurs et sur leur pétition. Mais il n'est pas dit que la session serait prolongée au delà de la durée fixée à un mois par la loi constitutive. Dans cet état, quoique la demande des administrateurs du département du Calvados présente des motifs très urgents, je crois devoir la déférer à la sagesse de l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Cahier. »
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette question au comité de division pour en faire le rapport demain.)
3® Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui expose une demande du département des Bouches-du-Rhône, d'être autorisé à prolonger ses séances.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division.)
4° Lettré de M. Duport, ministre de là justice, qui rend compte de l'affaire des laboureurs de Péri-gueux, qui paraissent avoir été retenus dans les prisons, malgré l'amnistie du 15 septembre; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Les éclaircissements que j'avais demandés me sont parvenus sur les causes et le terme de la détention des 61 laboureurs de Périgueux; je m'empresse de les mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale.
« Dès le mois d'août dernier, il se forma dans le département de la Dordogne une coalition entre les métayers et les autres, agriculteurs. Les uns avaient pour but de se soustraire au remplacement de la dîme, au payement des fermages qu'ils devaient aùx propriétaires ; les autres, de s affranchir des rentes ci-devant seigneuriales. Des attroupements armés , des proclamations menaçantes, des incursions dans les maisons particulières pour enlever les armes, et forcer les propriétaires à souscrire la renonciation à leurs droits, des résolutions atroces, hautement manifestées, augmentèrent la consternation et avec elle l'audace des séditieux. La terreur et la désertion devinrent universelles. Quelques districts prirent les armes pour se garantir de ce
fléau ; ceux de Bergerac et de.....dissipèrent
les séditieux qui inondaient leur territoire, en arrêtèrent 75 et les livrèrent à la justice. Ce fut alors que le département prit le parti de réunir à Périgueux un fort détachement de gendarmerie nationale, auquel se joignirent des citoyens de bonne volonté; deux commissaires civils, l'un du département, l'autre du district partirent avec ' cette petite armée. Le bon ordre fut bientôt rétabli. Chaque municipalité désigna les criminels. Ils furent conduits dans les prisons de Périgueux, et interrogés par les commissaires du département et du district. Les moins coupables furent élargis, l'accusateur public rendit plainte contre les autres.
« L'instruction était commencée, et L'on décernait les décrets lorsque l'on reçut la nouvelle de l'amnistie, c'était le moment de recevoir les demandes en élargissement provisoire. Le tribunal, après une conférence tenue avec le procureur général syndic et plusieurs membres du directoire, convint de les admettre. En peu de temps les 6 premiers qui avaient été arrêtés furent mis eu liberté, et le 25 il n'en restait pas un seul dans les prisons. La loi du 15 septembre fut enregistrée le 30 au tribunal.
« Le 3 octobre, un sieur Chrétien fit sommer le commissaire du roi, d'en requérir l'exécution, avec menace, en cas de refus, de le dénoncer à l'Assemblée nationale. Les juges avaient quelques doutes sur l'explication de cette loi et mavaient écrit pour me consulter. En attendant ma réponse, ils crurent devoir éclairer l'opinion publique sur les motifs de leur conduite. Tous les accusés jouissent depuis longtemps de leur liberté, aucun nest venu reclamer l'amnistie prononcée par la loi. Cependant le commissaire du roi, pour donner à l'amnistie toute la latitude qu'elle doit avoir, m'annonce qu'il va requérir un jugement général déclaratoire de son application à tous les délits relatifs à la Révolution.
« Voilà, Monsieur le Président, le. détail exact des faits d'après lesquels l'Assemblée pourra juger de la conduite de l'administration.
« Je suis, avec respect, etc.
« Signé : DUPORT-DUTERTRE. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
5' Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui envoie un mémoire sur l'organisation de l'administration des forêts.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
6° Pétition des musiciens des ci-devant cathédrale et'collégiale de Chartres.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
7° Lettre de M. Rossel, capitaine de vaisseau, qui demande d'être admis à la barre.
(L'Assemblée ordonne que M. Rossel sera admis à la séance de ce soir.)
80 Lettre de M. Gauzon aîné, artiste, qui demande d'être admis à la barre.
(L'Assemblée ordonne que M. Gauzon sera admis à la séance de ce soir.)"
9° Lettre de M. Vincent Olivant, ex président de la section des Quatre-Nations, qui demande d'être admis à la barre. _ (L'Assemblée ordonne que M. Vincent Olivant sera admis à la séance de ce soir.)
Un membre, au nom du comité des secours publics, fait un rapport sur une pétition adressée yar les habitants de la commune de Saint-Sauveur , département de la Haute-Saône, ruinés par un incendie terrible qui a détruit les biens de plus de 180 habitants. Les pertes sont évaluées à 200,000 livres. En exécution de la loi du mois de septembre dernier, sur les secours destinés aux particuliers victimes d'accidents aussi désastreux, il propose les projets de décret suivants (1) :.
Décret d'urgence. — « L'Assemblée nationale, considérant la cruelle position où se trouvent les habitants du village de Saint-Sauveur, département de la Haute-Saône, district de Luxeuil, dont les maisons, les meubles et effets ont été incendiés; le besoin pressant qu'ils ont de secours pour se procurer les objets ae première nécessité, et la rigueur de la saison, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif. « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, et vu le décret qui porte qu'il y a urgence, décrété qu'il sera accordé au département de la Haute-Saône une somme de 12,000 livres, pour être distribuée aux habitants de Saint-Sauveur, qui ont été incendiés, à titre de secours provisoires, par le directoire du département, sur l'avis de celui de district ; et pour être statué définitivement, l'Assemblée nationale renvoie le procès-verbal qui constate les pertes, au pouvoir exécutif.
« L'Assemblée nationale décrète que le présent décret decret sera port*; dans le jour a la sanction. »
Je demande Texecution du regle-ment et Tinipression des projets dc decret.
(L'Assemblée ordonne l'impression des projets; de décret.)
Une députation du conseil général du département du Nord est introduite à la barre pour demander de prompts secours pour le soulagement des pauvres et des infirmes dans ce département.
L'orateur de là députation s'exprimeainsi :
Représentants de la nation souveraine, députés vers l'Assemblée nationale de la part du
conseil général du département du Nord, nous venons dans ce temple sacré, où la liberté fut
créée pour les Français', où les droits imprescriptibles de l'homme furent enfin reconnus et
déclarés pour leur bonheur, nous venons y réitérer l'engagement solennel de maintenir l'une,
et de ne pas souffrir que les autres soient altérés.
Le département du Nord éprouve dans ce moment toutes les horreurs de la misère la plus affreuse sur une population de douze cent et quel-. ques mille âmes, il compte deux cent quatre-vingt mille indigents. En vain les administrateurs ont cherché les moyens de secourir les malheureux ; le dénuement absolu de toutes ressources les a mis dans l'impossibilité de fournir les plus petits secours . Les nôpitaux de ce département, autrefois richement dotés sur le produit des octrois, ont essuyé, par la suppression de ces droits justement proscrits, une très grande diminution dans leurs revenus. De 480,000 livres, ils sont descendus à 10,000 livres. Aussi ils ne peuvent plus suffire au nombre des infortunés qui les remplissent. Plusieurs grandes municipalités sont sans maison de secours, et cependant elles comptent par milliers les victimes de l'infortune. Elles ont sollicité des secours extraordinaires en hypothéquant leurs biens pour venir au secours de leurs frères indigents, et la loi les y a autorisées. Les fonds sont ertiployés ; et les biens, hypothéqués pour leur valeur, n'offrent plus les mêmes ressources. Les administrateurs du département ne connaissant pas de moyens d'administrer sans fonds, se voient à la veille d'être forcés de remettre leur gestion en d'autres mains.
Déjà les propriétaires ont abandonné leurs biens à des mains étrangères, faute de moyens pour les cultivér. Des ateliers considérables de filature sont déserts. Les travaux suspendus, la cherté des dénrées, accrue encore des obstacles que rencontre partout la circulation des grains, tout semble conjuré pour appesantir sur l'ouvrier et le cultivateur le joug de l'indigence. Deux cent quatre-vingt mille malheureux réclament des secours. Jamais la paix ne fut plus nécessaire, et jamais on ne fut plus près au désordre. Et quel désordre, grand Dieu, que celui enfanté par la misère publique !
Nous réclamons, législateurs, l'exécution de la loi du 2 novembre 1889, par laquelle l'Assemblée constituante a décrété que les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, à la cnarge de pourvoir, d une manière convenable, aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres. Nous demandons un secours extraordinaire de 2,800,000 livres, c'est-à-dire un secours qui assure pour un an l'existence de ces malheureux.
Et certes, Messieurs, un département qui offre dans son étendue, depuis le 7 janvier 1791 jusqu'au premier octobre, une vente de biens nationaux de 40,891,986 livres et qui présente encore une vente à effectuer de plus de cent millions, a; certainement quelque droit à réclamer en faveur de ses pauvres.
Encore un mot, législateurs, et notre mission est remplie ; Ce mot est l'adhésion formelle aux mesures vigoureuses et fermes contre les prêtres dissidents, dont les circonstances n'exigent que trop impérieusement la prompte exécution, puisque de cette exécution dépendent la sûreté ae l'Empire, le maintien de la liberté et celui de
la Constitution, que nous avons tous juré de maintenir. (Applaudissements.)
, répondant à la députation. Messieurs, les citoyens au Nord qui vous ont envoyés vers nous ont toujours donné des preuves de leur patriotisme ; ils prouvent aujourd'hui leur amour pour l'humanité. L'Assemblée nationale vous prouvera, par l'attention qu'elle donnera à votre demande, le respect d'un peuple libre pour l'humanité, et sa reconnaissance pour le patriotisme. Elle vous invite à as-sister à sa séance. (Applaudissements.)
Les faits avancés par les députés du département du Nord sont très vrais. Je demande le renvoi de leur pétition au comité des secours publics.
Il n'est pas un seul des 83 départements qui ne pût présenter un tableau aussi affligeant, des calamités aussi alarmantes, des motifs aussi pressants. J'appuie le renvoi et je demande que le comité des secours publics remplisse l'objet de son institution, et vous présente un rapport pour le soulagement de tous les départements du royaume.
Un membre : Je demandé que ce rapport soit fixé au 15 de ce mois.
Un membre : Il est impossible que l'Assemblée fixe un jour déterminé pour ce rapport. Le comité a écrit à tous les départements. Il faut qu'il ait réçu leurs réponses pour terminer son travail et ce travail a besoin d'une mûre réflexion. Nous ne perdrons pas un moment pour vous le présenter, dès que nous serons en état d'y mettre la dernière'mam.
Un membre ; L'Assemblée connaît les misères du département du Nord. 300,000 individus souffrent. Je demande que l'Assemblée leur accorde un secours provisoire.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics, ordonne que le comité fera un rapport sur les Secours provisoires à répartir dans tous les départements, et particulièrement dans celui du Nord, et passe à l'ordre du jour sur la proposition d'ajourner le rapport à jour fixe.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre qui a pour' objet le bonheur public et la gloire de 1 Assemblée.
Vous avez la parole.
(1). Messieurs, depuis plus de deux mois, j'ai écouté en silence, j'ai médité, j'ai suivi la marche de cette Assemblée.
J'ai réfléchi sur nos devoirs, j'ai interrogé l'opinion publique.
Ma conscience m'inspire le courage de dire la vérité ; votre justice vous donnera le courage de l'entendre.
Qu'avions-nous à faire? qu'avons-nous fait? que sommes-nous? Que devrions-nous être?
Le développement rapide de ces questions me fournira les bases d'un projet de décret réglementaire que je vais vous proposer dans un instant.
Un ordre invariable à mettre dans toutes lès parties des finances ; des contributions
nouvelles a surveiller, à faire marcher; une éducation nationale à établir pour créer des
hommes à la liberté ; un code de lois à faire digne du génie de
Telle est, Messieurs, la tâche glorieuse que cette Constitution nous impose, que la nation est empressée de nous voir remplir.
Osons jeter un coup d'œil en arrière, et voyons de bonne foi ce que nous avons fait sur ces grands objets. (Murmures.).... Rien encore.....
Le citoyen paisible qui lit de sang-froid le récit de nos séances, y cherche vainement un travail utile et suivi.
Le citoyen plus curieux qui vient assister à nos délibérations est encore plus étonné du vide énorme qu'il y trouvé..... Il semble chercher parmi nous les représentants du peuple français.....
Mais, Messieurs, que disent de nous nos ennemis? que pensent de nous les nations étrangères ? qu'en devons-nous penser nous-mêmes ?
Osons nous juger avec sévérité; et nous aurons bientôt repris l'ascendant qui nous appartient.
Nous nous occupons d'affaires particulières', comme si nous n'étions pas chargés des affaires publiques ; nous donnons dés décisions au lieu de faire des lois; nous ne,.délibérons point, nous intriguons : (Murmures à gauche. — Applaudissements à, droite et dans les tribunes.) ; nous ne parlons pas, nous déclamons (Applaudissements.) ; de là, de grands mots au lieu de grandés choses ; de la tactique au lieu d'éloquence ; des raisonnements qui mènent à l'erreur, un patriotisme qui tue la patrie. (Applaudissements.)
Arrivés tous ici avec des intentions pures, une méfiance cruelle s'est établie parmi nous...
Quel est donc le génie malfaisant, ennemi de la France, qui jette au milieu de nous cet esprit de. vertige, qui divise les hommes à qui tout commande l'union et la confiance?
Serait-ce une fausse et malheureuse imitation de l'Assemblée constituante ?
Mais, Messieurs, quelle différence de position !
Les intérêts, les opinions, les hommes : tout est changé.
Dans l'Assemblée constituante, des gens de castes absolument différentes,. composés, pour ainsi dire, d'éléments contraires, pouvaient-ils s'accorder ?
Les uns, armés par la .philosophie, voulaient détruire tous les abus ; les autres, cuirassés par les préjugés et par l'intérêt, voulaient tout défendre: citait un combat à mort; les deux partis étaient perpétuellement en présence.
Mais nous, Messieurs, nous, les représentants d'un peuple qui vient de conquérir les droits de l'homme; nous, tirés de son sein, investis de sa confiance,: le crime seul pourrait nous diviser.
Notre intérêt est le même ; tous les préjugés sont déjà loin de nous; toutes les idées sont fixées..... Devant nous marche un étendard commun autour duquel nbus devons nous rallier, que nous avons juré de défendre jusqu'à la mort: qui pourrait abandonner cette bannière sacrée ? des parjures ou des traîtres. (Applaudissements. )
D'où vient donc le désordre qui règne dans cette Assemblée ?
Pourquoi ne voulons-nous entendre que les orateurs qui abondent dans notre sens ? Qu'ar-rive-t-il de là ? c'est que personne n'est entendu.
Celui qui parle avec énergie est un factieux ;
celui qui parle avec prudence est un endor-meur...
, Le tumulte, la confusion, l'intolérance : telle est, Messieurs, l'histoire scandaleuse et trop publique de nos débats. (Applaudissements.)
Cependant le peuple français nous voit et nous juge (Applaudissements.), et quand je parle du peuple, je n'entends pas seulement celui qui vous écoute et vous applaudit ici ; car, Messieurs, toute la France n'est pas dans Paris, ni tout Paris dans vos tribunes. (Applaudissements.)
Gardez-vous donc de vous laisser séduire par des applaudissements éphémères que souvent il vous sera glorieux de ne pas obtenir. (Applaudissements.)
La France, la France entière attend de vous sa tranquillité, la postérité son bonheur.
C'est vers ce grand objet que tous nos soins doivent tendre : ils sont tous nos devoirs ; là sera toute notre « gloire ».
Eh! Messieurs, ne nous abusons pas sur ce mot; il n'est pas pour nous de gloire isolée...
La gloire de l'Assemblée nationale est toute solidaire.
Quelque^ chose que puissent faire les individus, noiis serons tous jugés sur le travail de tous; et chacun de nous sortira de la carrière couvert de la gloire ou de la honte commune. (Applaudissemen ts. )
Je le répète, deux mois se sont écoulés sans que nous ayons encore commencé les travaux qui nous attendent... Cependant, j'ose dire que la nation peut encore nous le pardonner.
Des esprits de toutes les trempes, rassemblés de tous les climats de l'Empire, échauffés à différents degrés du feu sacré de la liberté, ont dû naturellement fermenter pendant quelque temps avant de pouvoir reconnaître et prendre ce calme de la raison si nécessaire à la maturité d'un grand travail.
Mais, Messieurs, cette fermentation tumultueuse a elle-même un terme; si elle durait plus longtemps, elle pourrait nous mener, elle nous mènerait infailliblement à la dissolution de tous les éléments du corps politique. (Applaur dissements à droite. — Murmures à gauche.)
Quel ordre, en effet, peut-on espérer dans l'Etat, si le désordre règne dans l'Assemblée nationale ? La confiance renaîtra-t-elle parmi les citoyens, si la méfiance divise leurs représentants?
Comment se flattera-t-on de nous voir achever des travaux immenses, si l'on nous voit perdre le temps de la patrie en discussions indecentes et frivoles? Quelle idée prendra-t-on de la sagesse de vos lois, si on les voit éclôre au milieu de folles divagations ? Comment enfin pourra-ton croire à rétablissement de la Constitution, si les pouvoirs constitués se heurtent et semblent Chercher à se détruire ?
En effet, Messieurs, tous les pouvoirs ne font que de naître; ils marchent à peine. Le pouvoir exécutif surtout a besoin d'être surveillé; mais il ne doit plus être tenu à la lisière (Exclamations ironiques à gauche.): laissons-lui prendre sa marche naturelle, celle qu'il doit avoir (Murmures à gauche. — Applaudissements à droite.), ne le perdons pas de vue, mais ne l'arrêtons pas ; s'il tombe, sachons le relever; mais gardons-nous* de l'intimider, de l'entraver : nous serions cou-
pables de son inertie ou de ses chutes.
C'est à l'union de toutes les parties du politique; c'est à l'accord, à l'harmonie qui doivent régner entre toutes les autorités, que corps
Fatiennent essentiellement la félicité publique, le salut de l'Etat, le sort de la Constitution.
Les gouvernements humains, pour être bons, pour être parfaits autant qu'ils peuvent l'être, doivent imiter, s'il est possible, le gouvernement général de l'univers, dont la sublime harmonie est tellement insensible, qu'elle permet presque de douter s'il existe un modérateur qui le dirige.
J'ai parcouru, Messieurs, avec rapidité, les principales causes qui, dans la carrière de ces devoirs, comme dans celle de l'opinion publique, donnent à l'Assemblée nationale une marche lente et presque rétrograde.
Avoir reconnu les causes du mal, c'est en avoir indiqué le remède.
Quand on a de grands devoirs à remplir, rien au monde ne peut nous les faire perdre de vue.
Quand on a de grandes choses a faire, on ne doit point s'occuper de petites.
Quand on a une grande tâche à remplir, il ne faut pas se charger de celles des autres.
Quand on a des travaux importants à consommer, le moyen de doubler le temps est de ne rien faire d'inutile, et de mettre beaucoup d'ordre dans son travail.
Quand on ne peut pas tout faire à la fois, il faut commencer par ce qui est indispensable. Je mettrai en action ces principes dans un rojet de décret réglementaire, que je crois de a plus grande importance pour la gloire de l'Assemblée nationale, et pour l'accélération de ses travaux.
Mais ce qui importe par dessus tout, ce qui est instant, ce que nous devons à nous-mêmes, au peuple que nous représentons, c'est de faire prendre promptement à l'Assemblée nationale cette attitude imposante, ce ton de décense et de dignité qui inspirent en même temps le respect et la confiance.
Car, Messieurs, ou la majesté du peuple n'est qu'un nom, ou l'on doit en apercevoir l'image dans l'Assemblée de ses représentants ; et c'est aussi par leurs discours, par leurs écrits, qu'on doit juger du caractère de. ce peuple et ae sa probité.
Représentants du peuple français, pénétrez-vous de cette dernière idée, ne la perdez jamais de vue ; et bientôt vous Vous élèverez à la hauteur de tous vos devoirs. Voici les bases du projet de décret : L'Assemblée doit fonder une grande partie de ses espérances sur le travail de ses comités.
Une premier idée, quelque séduisante qu'elle paraisse, n'est souvent que l'apparence du bien, et recèle quelquefois de grands inconvénients.
Il faut donc laisser aux comités le temps de travailler, de méditer, de mûrir dans le silence de leurs bureaux, par des discussions raisonnables et tranquilles, les décrets qu'ils ont à présenter à l'Assemblée.
Uh mauvais projet fait perdre beaucoup de temps ; c'est une source de débats interminables.
Au contraire, au projet sage, dont les principes ont été clairement développes, trouve une entrée facile dans tous les esprits : s'il donne lieu à quelque discussion, elle ne peut être longue; il en résulte bientôt, ou le rejet de l'objection, ou un amendement utile.
Les séances du soir, telles qu'elles existent, sont funestes au travail des comités et à l'Assemblée elle-même. Les membres se partageant entre la séance et les comités, l'Assemblée est incomplète, les comités sont déserts; et puis,
Messieurs, il faut le dire, l'esprit humain a ses bornes : l'attention trop partagée en est moins sûre, et ne peut suffire à tout.
Je propose donc de modifier lés séances du soir, de les rendre infiniment utiles, sans aucun des inconvénients qu'elles ont aujourd'hui.
Les séances du matin, dégagées d'une foule de-petits objets qui peuvent être renvoyés aux séances du soii% deviendront entièrement libres aux rapports des comités et aux discussions importantes.
Un ordre exact doublera l'emploi du temps ; et le concours de tous les membres à l'exécution des règlements de police intérieure, achèvera, je l'espère, de nous mettre à même de faire face a tous nos travaux.
Projet de décret.
«- Art. 1er. Les séances du soir seront réduites à deux par
semaine ; elles seront destinées à recevoir et à entendre les pétitions, à lire les pièces et
adresses envoyées à l'Assemblée, à écouter les pétitions des membres, recevoir les députations
a faire les renvois à l'examen des comités.
« Art. 2. Il ne sera rendu dans ces séances aucun décret définitif destiné à devenir une loi d'Etat.
« Art. 3. Aucun des objets affectés aux séances du soir ne pourra êtrë traité dans les séances du matin.
« Art. 4. Les séances du matin seront divisées en trois époques : la première, qui sera l'ordre du matin, depuis le commencement de la séance jusqu'à midi; la seconde depuis midi jusqu'à deux heures ; la troisième depuis deux heures jusqu'à quatre.
« Art. 5. L'ordre du matin sera employé aux affaires urgentes qui y auront été spécialement renvoyées, ou qui. surviendront inopinément. Les ministres seront avertis de s'y rendre, lorsqu'ils voudront être entendus, ou qu'ils y seront appelés.
« Art. 6. L'ordre de midi et celui de deux heures seront exclusivement et invariablement employés à la lecture et la discussion des rapports des comités.
« Art. 7. Il sera tenu un registre, dans lequel les rapporteurs des comités feront inscrire leurs rapports à mesure qu'ils seront prêts ; et ces rapports seront présentés à l'Assemblée dans l'ordre invariable du registre.
« Art. 8. Lorsque l'Assemblée aura jugé nécessaire d'ordonner à ses comités de s'occuper extra-ôrdinairement d'une affaire, le rapport en sera fait, aussitôt que le rapport sera prêt, à l'ordre du matin.
« Art. 9. En tout état de discussion, même après que la discussion aura été fermée, la parole ne pourra être refusée à un membre qui voudra prouver qu'un projet de loi proposé est' contraire à la Constitution. On pourra même, en ce cas, lors de la lecture du procès-verbal, demander le rapport du décret, en faisant lecture de l'article de la Constitution qu'on prétendra être attaqué, sans que la discussion puisse s'engager au delà d'une simple lecture du texte de l'Acte constitutionnel. » (Vifs applaudissements à droite et au centre de VAssemblée.)
Je demande la question préalable sur le tout.
Je demande la parole pour Combattre la question préalable.
Je crois que le préopinant, dans les idées qu'il vient de soumettre à l'Assemblée, en a présenté beaucoup qui sont parfaitement justes, mais je pense qu il aurait bien pu se dispenser de tracer certains tableaux qu il nous a fait passer successivement devant les yeux.
Plusieurs membres : Non! non ! C'est une leçon !
Je pense que dans le moment Où l'on veut inviter une Assemblée nationale à calculer les moyens de ne point perdre son temps, on doit soi-même se piquer d'une grande économie. Je pense, relativement au projet de décret, qu'il tend à contrarier la liberté de l'Assemblée qui doit être entière. Je ne vois aucune raison qui puisse le faire adopter. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Le membre qui vous a proposé de si belles observations, vous a dit que sa conscience le forçait de tenir ce langage, et moi, la mienne me force de vous dire que le langage qu'il a tenu, je l'ai trouvé dans les écrits de Royon, de Durozoi et autres écrivains de cette espèce. (Quelques applaudissements.) Je demande donc que ce discours et ce projet de décret soient récompensés comme ils le méritent, par la question préalable.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours et du projet de décret.
D'autres membres : Le renvoi à la liste civile!
M. Sédillez, en proposant de mettre de l'ordre dans les délibérations, pour ne pas perdre de temps, vient de faire perdre une heure à l'Assemblée par la lecture ae son discours. Les finances étaient à l'ordre, du jour. Je demande qu'on passe à l'ordre "du jour et qu'on ouvre la discussion sur le projet du comité de la caisse de l'extraordinaire, conformément au décret que vous rendîtes samedi dernier.
Et moi, Messieurs, je demande l'impression du discours du préopinant. (Quelques murmures.) Je n'approuve pas cependant un des termes dont il s'est servi, celui d'intriguer au lieu de délibérer; mais, excepté ce mot, et peut-être deux ou trois autres expressions qu'il pourra corriger, je maintiens que nous avons tous besoin de lire et de relire ce discours pour nous nourrir des idées qu'il renferme. (Applaudissements.) Lorsqu'un membre a le courage de dire la vérité, lors même qu'il se laisse-' rait entraîner au delà du but, il n'en mérite pas moins notre reconnaissance, et ces, .réflexions, dictées par le vrai patriotisme, méritent d'être, méditées. Je demande donc l'impression et la distribution du disepurs et du projet de décret, mais la manière de partager les délibérations du matin en trois parties égales, ne me paraît pas admissible. (Murmures et applaudissements.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je demande à faire une observation.
Voix diverses : La discussion fermée! — La question préalable ! — L'impression ! — L'ordre au jour !
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
L'état tumultueux de l'Assemblée prouve précisément que le pré-opinant avait raison. J'insiste sur l'impression.;
Un membre : C'était avant les décrets sur les émigrants et sur les prêtres qu'il fallait nous tenir un pareil langage.
(Le calme se rétablit.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande l'impression et la distribution.
J'appuie la motion de l'impression.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression I
(L Assemblée,, consultée, rejette la question préalable sur l'impression.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée décide qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.)
Un membre (ironiquement) : Je demande l'envoi du discours dans l'Europe entière !
(L' Assemblée décrète 1 impression et la distribution du discours et du projet de décret de M. Sédil-lez et ordonne le renvoi au comité de législation pour en faire son rapport sous trois jours.)
, au nom des commissaires chargés de présenter une nouvelle organisation des comités qui ont pour objet les diverses parties des finances de l'Etat. Messieurs vos comités de finances, ën éxécution de votre décret, se sont occupés du nouveau plan d'organisation que vous les avez chargés de vous offrir; je viens en leur nom vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant :
« 1° Que les travaux de ses comités chargés des matières relatives aux finances, ne peuvent atteindre le but d'utilité qu'elle doit se propose^ qu'autant que les attributions entre chacun d'eux seront clairement déterminées et circonscrites ;
« 2° Qu'un bon système de financés ne peut résulter que de l'accord de toutes les parties, et d'un équilibre parfait et constant entre toutes les charges et toutes les ressources, entre toutes les recettes et toutes les dépenses ; qu'ainsi toute opération qui peut changer pette balance et influer sur le crédit public ne peut être utilement préparée que par le travail commun de ceux de ses comités qui sont à portée d'en rapprocher toutes les bases ; après avoir entendu le rapport des commissaires des différents comités de finances et des domaines, décrète ce qui suit :
« Art. 1 . Le comité de liquidation entendra les rapports du commissaire-liquidateur, présentera à l'Assemblée les projets de décrets à former sur ces rapports, et proposera des lois qu'il jugera nécessaires pour terminer les difficultés qui pourraient naître dans le cours des liquidations ainsi que pour eh régler et accélérer la marche.
« Art. 2. Le comité de l'examen des comptes sera chargé d'examiner les compte^ sur pièces et acquits comptables, et tous les comptes qui auraient été présentés au bureau de comptabilité établi par le décret du 15 septembre 1791, d'en faire le rapport à l'Assemblée, de proposer les lois à former pour compléter les règles de la comptabilité et pour accélérer la présentation et 1 apurement soit des Comptes courants soit des comptes arriérés.
« Art. 3. Le comité des domaines s'occupera de la recherche des anciens domaines engagés, aliénés ou usurpés, et de tout ce qui concerne l'administration forestière, ainsi que des projets de décret sur les objets ajournés ou réservés par la loi du 5 novembre 1790.
« Art. 4. Le comité des assignats et monnaies
1 surveillera les opérations, la vérification de la fabrication des assignats considérés comme monnaie, le travail des monnaies, l'exécution des règlements concernant les titres des métaux. Il sera chargé de l'examen des projets et de la proposition des lois que ces parties peuvent exiger.
« Art. 5. Indépendamment du comité des assignats et monnaies, il séra formé une commission particulière pour la surveillance immédiate de la fabrication du papier-monnaie, de l'impression des assignats et autres opérations, jusqu'à l'entrée dudit papier dans les archives nationales.
« Cette commission sera composée de douze membres et elle se renouvellera tous les mois.
« Art. 6. Au lieu desdits comités précédemment établis, sous le nom de comités de la dette publique et caisse de l'extraordinaire de la Trésorerie nationale, des contributions publiques et des dépenses publiques, il sera formé deux comités seulement, sous le nom, l'un de comité de l'ordinaire, l'autre, sous celui de l'extraordinaire . des finances.
« Ces deux comités s'occuperont respectivement des objets désignés ci-après, et néanmoins ils seront tenus de se réunir toutes les fois qu'il y aura lieu d'établir la balance de la dette et des ressources, des dépenses et des recettes, de déterminer ou de changer le mode et les termes de l'engagement et de la libération de l'Etat, en sorte qu'il ne soit présenté à l'Assemblée nationale aucun rapport sur ces matières qu'en suite d'un rapport fait en commun par ces deux comités ; auquel effet ces comités se rassembleront sans délai, pour déterminer, de concert, les parties de renseignements que chacun d'eux s'attachera à recueillir pour les rapporter au travail commun, et parvenir à compléter l'état des dèt-fes et ressources de la nation,
« Art. 7. Le comité de l'ordinaire des finances sera chargé, indépendamment de la surveillance habituelle de la caisse de la Trésorerie nationale, de tout ce qui a rapport aux contributions publiques et à la fixation des différentes parties de la dépense publique, de l'examen des comptes, aperçu des dépenses et états de distribution des ministres, de Fexamen des comptes sur les registres et états de situation des payeurs et receveurs, des reprises et poursuites à faire contre les débiteurs du Trésor public et générale-, ment de toutes opérations relatives aux fonctions attribuées aux commissaires de la Trésorerie nationale, ainsi que de la proposition des lois à former pour maintenir l'ordre et la régularité du service.
« Art. 8. Le comité de l'extraordinaire des finances sera chargé, indépendamment de la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, de l'examen de l'état des recettes et dépenses de cette caisse, de ceux concernant les rentes, régie et emploi des-biens nationaux, des difficultés qui pourraient naître à l'occasion des aliénations de ces revenus, de leur revendication par des tiers, des états des liquidations faites et à faire, de tout ce qui a rapport à la circulation, émissions et brûleménts de papier-monnaie; des mesures à prendre pour la fabrication à l'avance de ce papier et généralement de tout ce qui est et sera payé par ladite caisse de l'extraordinaire.
« Art. 9. Chacun des comités dè l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, sera composé de 24 membres élus pour 3 mois après lesquels il sera renouvelé par moitié, en la forme du rè-
glement. Pour opérer, dès à présent, cette réduction, chacun des comités de la caisse publique et la caisse de l'extraordinaire de la Trésorerie nationale, de la dépense publique et des contri butions publiques, se réduira lui-même par la voie du scrutin dans les proportions suivantes, savoir:
« Le comité de là Trésorie nationale ,à 6 membres, et les 3 autres, chacun 14 membres. Ces différents membres conservés, savoir les 14 membres du comité de la caisse de l'extraordinaire, 5 des contributions publiques, et 5 des dépenses publiques, formeront le comité de l'extraordinaire des finances.
« En ce qui concerne le comité de l'ordinaire des finances, il sera formé de 6 membres du comité de la Trésorerie nationale, de 9 de celui des contributions publiques et de 9 des dépenses publiques. Les membres non élus des quatre comités deviendront les suppléants des deux comités établis par le présent décret.
x Art. 10. L'organisation des comités de finances et des domaines arrêtée par le présent décret, ne pourra suspendre les rapports et projets de décrets que ces différents comités ont délibéré et qu'ils sont prêts à présenter à l'Assemblée nationale. Ils seront seulement invités aies communiquer aux différents comités à qui les différentes parties seront attribuées. »
(Les articles sont successivement mis aux voix et décrétés avec quelques légères modifications.)
Je demande la parole pour présenter un article additionnel : le voici :
« Les deux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, indépendamment de leurs assemblées particulières, seront tenues de se réunir, le 1er de chaque mois, à l'effet de présenter à. l'Assemblée nationale un rapport par aperçu de la situation de la recette et dépense, et de l'état général des finances.
Je demande, par amendement à cet article additionnel, que les 2 comités rendent également compte dés progrès de leur travail.
(L'Assemblée, consultée, adopte l'article additionnel et l'amendement sauf rédaction.)
Plusieurs membres : La question préalable sur le préambule !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le préambule.)
Un membre: Je demande qu'on imprime le projet de décret parce qu'il importe à tous les comités de le connaître.
! (L'Assemblée décrète l'impression du projet de décret.)
Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des commissaires des différents comités de finances et des domaines, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Le comité de liquidation éntendra les rapports du commissaire-liquidateur ; présentera a l'Assemblée les projets de décret à former sur ces rapports, et proposera les lois qu'il jugera nécessaires pour terminer les difficultés qui pourraient naître dans le cours des liquidations, ainsi que pour en régler et accélérer "la marche.
Art. 2.
Le^comité de l'examen des comptes sera chargé
d'examiner les comptes, sur pièces et acquits comptables, et tous comptes qui auront été présentés au Bureau de comptabilité établi par le décret du 15 septembre 1791 ; d'en faire le rapport à l'Assemblée ; de proposer les lois à former pour compléter les règles ae la comptabilité, et pour accélérer la présentation et l'apurement, soit des comptes courants, soit des comptes arriérés.
Art. .3.
Le comité [des domaines s'occupera de la recherche des anciens domaines engagés, échangés, aliénés ou usurpés, de tout ce qui concerne 1 administration forestière, et des projets de décret sur les objets ajournés ou réservés par la loi du ¦5 novembre 1790.
Art. 4.
Le comité des assignats et monnaies surveillera les opérations générales concernant la vérification et la fabrication des assignats, considérés comme monnaie, le travail des monnaies, l'exécution des règlements concernant les titres des métaux ; il sera chargé de l'examen des projets et de la proposition des lois que ces parties peuvent exiger.
Art. 5.
Indépendamment du comité des assignats et monnaies, il sera formé une commission particulière pour la surveillance immédiate de la fabrication du papier-monnaie, de l'impression et autres opérations, jusqu'à l'entrée dudit papier dans les archives nationales. Cette commission sera composée de 12 membres, et elle se renour vellera tous les mois.,
Art, 6.
Au lieu; des comités précédemment établis sous le nom de comités de la dette publique et de la caisse de l'extraordinaire, de la Trésorerie nationale, des contributions publiques et des dépenses •publiques, il sera formé seulement 2 comités sous les noms, l'un, de comité de l'ordinaire des finances l'autre, sous celui de comité de l'extraordinaire des finances. Ces deux comités s'occuperont respectivement des objets ci-après indiqués, et néanmoins ils seront tenus de se réunir toutes les fois qu'il y aura lieu d'établir la balance de la dette et des ressourcés, des dépenses et des recettes ; de déterminer ou de changer le mode et les termes des engagements ou de la libération de l'Etat, en sorte qu'il ne soit présenté à l'Assemblée nationale aucun rapport sur ces matières, qu'en 1 suite d'un travail fait en commun par ces deux comités ; auquel effet les " deux comités se Tassembleront sans délai, pour déterminer, de concert, les parties de renseignement que chacun d'eux s'attachera à recueillir pour les rapporter au travail commun, et parvenir à compléter l'état des dettes et ressour de la nation.
Art . 7.
Le comité de Vordinaire des finances sera chargé, indépendamment de la surveillance habituelle de la caisse de là Trésorerie nationale, | de tout ce qui a rapport aux contributions pu-l bliques, et à la fixation des différentes parties
de la dépense publique, de l'examen des comptes, aperçus des dépenses et états, distribution des ministres, de l'examen des comptes sur registres et états de situation des payeurs et receveurs, des reprises et poursuites à faire contre les débiteurs du Trésor public, et généralement de toutes opérations relatives aux fonctions attribuées aux commissaires de la Trésorerie nationale, ainsi que de la proposition des lois à former pour y maintenir l'ordre et la régularité du service.
Art. 8.
Le comité de Vextraordinaire des finances sera chargé indépendamment de la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, de l'examen des états de recette et dépense de cette caisse, de ceux concernant les ventes, régie et emploi des biens nationaux ; des difficultés qui pourraient naître à l'occasion de l'aliénation de ces biens, et de leur revendication par des tiers, des états ae liquidations faites et à faire; de tout ce qui a rapport à la circulation, émission et brûlement du papier monnaie ; des mesures à prendre pour la fabrication à l'avance de ce papier, et généralement de tout ce qui est et sera payé par ladite caisse de l'extraordinaire.
Art 9.
Les deux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, indépendamment de leurs assemblées particulières, seront tenus de se réunir le premier de chaque mois, à l'effet de présenter à l'Assemblée nationale un rapport par aperçu sur le progrès du travail, sur la situation de la recette et de la dépense, et l'état général des finances.
Art. 10.
Chacun des comité de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances sera composé de 24 membres élus pour 3 mois, après lesquels il sera renouvelé par moitié en la forme du règlement.
Art. 11.
Pour opérer dès à présent cette réduction, chacun des quatre comités de la dette publique et caisse de l'extraordinaire, de la Trésorerie nationale, de la dépense publique et des contributions publiques, se réduira lui-même, par la voie du scrutin, dans les proportions suivantes, savoir : le comité de la Trésorerie nationale à 6 membres; et les 3 autres, chacun à 14 membres.
« Ces différents membres conservés, savoir : les 14 membres du comité de la caisse de l'extraordinaire, 5 des contributions publiques, et 5 des dépenses publiques, formeront le comité de l'Extraordinaire des finances.
« En ce qui concerne le comité de l'ordinaire des finances, il sera formé de 6 membres du comité de la Trésorerie nationale ; de 9, de celui des contributions publiques et de 9 des dépenses publiques.
« Les membres non élus des 4 comités deviendront les suppléants des deux comités établis par le présent décret.
Art. 12.
L'organisation des comités de finances et des domaines, arrêtée par le présent' décret, ne
pourra suspendre les rapports et projets de décret que ces différents comités ont délibérés, et qu'ils sont prêts à présenter à l'Assemblée nationale ; ils seront seulement invités à les communiquer aux comités à qui ces parties sont attribuées par le présent décret.
(de Toulon) présente un mémoire des administrateurs du département du Var, pour la construction des magasins nécessaires à l'entrepôt du commerce de l'Inde à Toulon.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire à l'examen du comité des dépenses publiques.)
, secrétaire, donne lecture des lettres et adresses suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Ger ville ,ministre de l'intérieur, qui fait part à l'Assemblée de la promptitude avec laquelle il a exécuté le décret rendu hier portant accusation contre les sieurs Malvoisin, Gauthier et Mare ; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai reçu hier, sur les trois heures et demie, le décret d accusation que l'Assemblée nationale a rendu contre les sieurs Malvoisin, Gauthier et Marc. Moins d'une heure après, toutes les dispositions étaient faites, et le courrier parti. J'ai recommandé au directeur du département de la Meurthe d'apporter la plus extrême diligence dans l'exécution de ce décret. .
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : cahier. » "
2° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris le
« Monsieur le Président,
« J'ai eu l'honneur de vous adresser, le 27 du mois dernier, le relevé des états approximatifs des domaines nationaux vendus et a vendre au 1er novembre dans 45 districts. Je joins ici un tableau qui contient le relevé de ceux qui sont parvenus depuis ce moment, réunis aux 45 états, pour présenter l'ensemble jusqu'au 3 décembre au soir. 11 en résulte que, depuis le 3 novembre, date de ma demande aux départements, 89 districts ont fourni leurs états. Ils s'élèvent à 490,116,250 livres, tant en biens nationaux vendus au 1er novembre qu'en biens restant à vendre.
« Il faut considérer, Monsieur le Président, que la ville de Paris se trouve portée dans ce tableau pour 86,000,000 de livres. Le département, en m'adressant l'état qui le concerne, me marque que par défaut de renseignements sur plusieurs objets, et par l'augmentation qui a lieu sur les estimations, cette somme de 86,000,000 pourra, en définitive, être doublée. Je vous prie, Monsieur le Président, de mettre ces résultats sous les yeux de l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
Je suis avec respect, etc.
« Signé : Amelot. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de la caisse de l'extraordinaire.)
3° Adresse des administrateurs du département de la Gironde pour remercier l'Assemblée des mesures qu'elle a prises pour arrêter et réparer
les malheurs de la colonie de Saint-Domingue ; cette adresse est ainsi conçue :
« Bordeaux, le
« Messieurs, les administrateurs du département de la Gironde consacrent les premiers moments de cette session à. vous présenter leurs hommages et des tributs de reconnaissance. Ces sentiments vous sont dus, Messieurs, à plus d'un titre. Vous pouvez les attendre de tous les bons Français ; mais vous deviez les inspirer plus vivement aux citoyens d'un département dont le commerce est la principale richesse par les secours que vous venez d'accorder aux habitants de l'île de Saint-Domingue ; il vous reste encore, Messieurs, à peser, dans votre sagesse, les moyens les plus propres à réparer les maux extrêmes de ces colons infortunés.
« Vos promptes et puissantes mesures, Messieurs, dans cette circonstance, satisfont à ce qu'attendait de vous l'intérêt de la patrie et de 1 humanité; mais,par là, vous faites plus encore, vous renversez les projets de quelques hommes indignes de voir le jour de la liberté : en opérant cette terrible commotion dans les colonies, ils espéraient, ces hommes pervers, de communiquer à la métropole un ébranlement funeste, qui renverserait l'édifice auguste de la Constitution. Ainsi, Messieurs, chargés spécialement de la maintenir, cette sainte Constitution, vous portez avec rapidité la surveillance et les forces nationales jusqu'aux extrémités des mers. Ah ! puissent tous ceux qui vont concourir à l'exécution de vos mesures, mettre dans leurs efforts toute la pureté qui dirige les vôtres.
« Sans doute, Messieurs, que lès chefs de cette expédition seront dignes de la nation française, et justifieront le choix du roi d'un peuple libre, qui a solennellement associé sa gloire et son bonheur à la gloire et à la prospérité nationales. Sans doute que, loin d'imiter quelques-uns de leurs prédécesseurs, ils n'iront point porter la discorde et la guerre où ils sont chargés de rétablir la paix; sans doute que, pénétrés du véritable esprit de la Constitution, pleins d'amour pour la patrie, ils exerceront plutôt l'empire de la persuasion, que celui de la force; que moins guerriers que citoyens, leurs armes menaceront bien longtemps avant de frapper, et qu'ils ne chercheront à rétablir l'obéissance à la loi, que par ce qui créa la loi même, par la puissance de la raison.
. « Ce sont là, Messieurs, les espérances qu'inspire aux citoyens dé Ge département le vif intérêt qu'ils prennent au sort de leurs frères de Saint-Domingue : nous croyons ces espérances fondées ; non, cette nouvelle expédition pour les colonies ne sera suivie d'aucuns regrets. Ah! que deviendrait en effet la patrie si les lois n'étaient que de vaines paroles: si ceux chargés de les faire exécuter n étaient pas immuablement fidèles aux principes de la Constitution acceptée par le roi, et si la nation ne trouvait en eux, dans les moments de crises, que des ingrats qu'elle réchauffait dans son sein !
« Nous sommes avec respect, Messieurs, les administrateurs du département de la Gironde,
« Signé : durand la grangère, président, etc... »
( L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal.)
4° Lettre des administrateurs du département du Finistère par laquelle ils annoncent les nouveaux troubles suscités par un prétendu mandement du ci-devant évèque de Léon, et les mesures répressives que les circonstances leur ont force de prendre ; cette lettre est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Les prêtres coupables et trop longtemps impunis, portent la contagion dans l'esprit de la multitude aliénée par le fanatisme.
« Le désordre s accroît, les malheurs se succèdent, le sang coule.
« Le sieur Lamarche, ci-devant évêque de Léon, profitant de l'instant où l'impôt allait se recouvrer, vient de jeter, au sein de la campagne, le brandon de la guerre civile. Sa lettre soi-disant pastorale provoque la discorde, appellele crime, et les cultivateurs paisibles vont devenir un peuple d'assassins. Déjà le patriote Favaux, électeur du canton de Vifava, expire victime de son civisme. Il a été assassiné dans la nuit du 27 de ce mois. Déjà les curés placés par la Constitution -ont été contraints de renoncer par écrit à l'exercice de leurs fonctions ; des prêtres non assermentés prêchent ouvertement la révolte contre la loi, mi trompent les citoyens en leur faisant comparer la quotité des impositions anciennes, avêc la nouvelle, et ils ont la perfide adresse de passer sous silence l'énormité des impositions indirectes qu'on payait autrefois.
« Les campagnes agitées, soulevées partout par les ennemis de la chose publique, font naître les inquiétudes les plus vives. Les uns demandent une diminution d'impôts, les autres veulent avoir leur ancien curé, et réunissant hommes, femmes, garçons et filles, ils accablent de leurs pétitions les districts dont ils dépendent. Pour mettre un frein à ces délits, dont les suites sont incalculables, le conseil général a donné des ordres nécessaires pour faire arrêter, dans l'étendue du département, les perturbateurs tant réguliers que séculiers. (Applaudissements.) Cette mesure rigoureuse a été impérieusement dictée par les circonstances, et ils espèrent qu'elle recevra l'approbation du Corps législatif et du roi. (Applaudissements^
« Nous sommes avec respect, etc.- »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres demandent la lecture de la lettre pastorale.
La lettre pastorale est très longuet, Je demande que l'Assemblée, pour économiser son temps, renvoie le tout au comité de surveillance, pour qu'il s'en occupe à l'instant. (Appuyé! appuyé !)
Je demande la lecture des pièces afin que F Assemblée puisse rendre sur-le-champ un décret d'accusation s'il y a lieu.
(L'Assemblée, consultée, ordonne que les pièces seront lues.)
, secrétaire, donnant lecture des pièces:
« Ordonnance de M. VEvêque de Léon au: clergé séculier et régulier, et à tous les fidèles de son diocèse.
« Londres, le...
« Jean-François de Lamarche, par la miséricorde de Dieu et l'autorité du Saint-Siège apostolique, évêque de Léon, au clergé séculier et régulier, et
à tous les fidèles de notre diocèse, salut et bénédiction en Notre Seigneur Jésus-Christ.
« Lorsque des circonstances qui vous sont connues, nos très chers frères, nous forcèrent de nous éloigner de vous, l'espoir de communiquer avec notre clergé, et par lui, avec les peuples de notre diocèse, détermina notre retraite, et fut le seul adoucissement à nos peines. Cette consolation nous a bientôt été enlevée; les communications sont devenues plus difficiles; les visites, les recherches, les inquisitions ont été multipliées pour intercepter les correspondances, si la confiance publique a été ouvertement trahie.
« Ce n'est qu'avec des précautions extraordinaires qu'une partie des exemplaires de notre lettre du 8 avril vous est parvenue, et nous ignorons si celle que nous vous adressons aujourd hui pourra tromper cette inquiète et jalouse vigilance qui observe et contrarie toutes nos démarches. Nous avons su que la persécution régnait d'une extrémité du royaume à l'autre ; que des évêques, elle s'étendait à tous les pasteurs, et qu'elle s'animait de jour en jour dans notre diocèse. Votre attachement à la foi catholique nous était connu depuis trop longtemps pour que nous eussions à craindre que les promesses et les démarches changeassent vos sentiments, mais nous désirions d'apprendre vos combats et vos triomphes, la situation de chacun de vous, l'état de chaque église particulière, lés dispositions des fidèles de notre diocèse. Nous désirions des instructions détaillées sur des objets si dignes de notre sollicitude pastorale, lorsque nous avons appris que plusieurs de nos chers coopé-rateurs venaient de se refugier sur une terre étrangère. Nous nous sommes sentis aussitôt pressés d'aller jusqu'à eux ; après une navigation longue et difficile, nous avons débarqué sur une terre hospitalière qui avait ouvert un asile à nos frères ; nous avons eu la satisfaction de les embrasser.
« Nous avons entendu le récit des dangers auxquels ils venaient d'échapper et de la violence qui les avait réduits à s'y exposer; nous avons appris de quelles mains partaient les coups redoublés, qui accablaient des ministres fidèles; nous avons su que les pasteurs étaient poursuivis par des outrages et des calomnies ; que, sans respect pour l'âge, sans égard pour les infirmités, plusieurs avaiènt été arrachés de nuit, et à main armée, du milieu de leurs troupeaux, et traînés indignement dans les prisons ; que d'autres, pour se soustraire à de pareilles'viôleïices, avaient été forcés de prendre la fuite, sans àsile, n'osant pas même séjourner chez les hôtes charitables qui les recueillaient, dans la crainte d'attirer sur eux quelques malheurs en leur demandant l'hospitalité; que néanmoins, un grand nombre dans les villes, et la presque totalité des peuples dans les campagnes, gémissaient de ces excès; qu'ils s'attachaient déplus en plus à leurs pasteurs légitimes ; qu'ils marquaient de l'éloi-gnement pour les intrus, et refusaient constamment de communiquer avec eux. Tel est, mes chers frèrés, le récit qui toujours a pénétré notre âme de douleur et d'admiration ; en voyant ce qu'est aujourd'hui notre diocèse, nous nous sommes rappelés ce qu'il fut, et des larmes ont coulé de nos yeux... » (Rires prolongés.f
Un membre : Qui, des larmes hypocrites!
Plusieurs membres : Assez! assez! Le renvoi au comité de surveillance !
J'appuie le renvoi au comité de
surveillance et je demande que le département envoie les renseignements nécessaires pour que nous puissions rendre le décret d'accusation.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre des administrateurs du département du Finistère et des pièces y jointes au comité de surveillance.)
J'ai pensé que je ne devais pas monter à cette tribune- pour annoncer un fait à l'Assemblée quand on n en avait pas uné preuve légale. En conséquence, j'ai écrit hier au ministre de la marine. Voici sa réponse :
« Paris, le
« J'ai l'honneur de vous adresser, Monsieur, une note de l'expédition faite pour aller au secours de Saint-Domingue. Je désire qu'elle remplisse l'objet de votre lettre d'hier.
« Signé : BERTRAND. »
Expédition de Saint-Domingue.
« Troupes. Le bataillon de Provence, parti de Brest sur la frégate la Fine, qui a mis à la voile le 5 novembre, et sur la frégate la Normande, 500 hommes; un bataillon doit être embarqué dès lé 25 novembre, sur des bâtiments de Lorient, qui n'attendaient que le bon vent, 600 hommes; 200 hommes d'artillerie sont arrivés à Brest lé 1" décembre pour être embarqués sur une frégate qui a ordre de mettre seule à la voile ; elle emporte, outre ces 200 hommes, 60,000piastres. Un bataillon de Béarn s'est embarqué au Havre sur des bâtiments prêts à mettre à la voile, 750 hommes. Un bataillon d'Agenois s'est rendu le 29 novembre à Rochefort pour s'y embarquer sur deux frégates et deux autres bâtiments, qui ont pu être en état d'appareiller le l*r décembre, 750 nommes. Total 2,800 hommes.
« Un bataillon de Royal-Auvérgrie a dû arriver, le 4 décembre, au Havre, et doit mettre à la voile le 12; 750 hommes du bataillon de la Reine sont à Lorient et doivent s'embarquer vers le 15 décembre, etc... »
Ces troupes, Messieurs, et d'autres dénommées par le ministre, forment au total 6,300 hommes. On envoie aussi 216,000 piastres, 10 à 12,000 fusils, des sabres, des tentes et beaucoup de vivres.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que le ministre de la marine n'a fait que ce qu'il dévait faire, car les mesures qu'il a prises sont absolument conformes à l'exécution du décret que vous avez rendu il y a quelques jours. Mais i'ajoute que pour sauver les Colonies, l'Assemblée n'a pas un moment à perdre sur le parti définitif qu'elle doit prendre.
Plusieurs membres : Oui ! oui ! Il faut adopter de suite le concordat.
Sans doute, car c'est lui qui a saûvé les colonies. Monsieur le Président, je vous prie de vouloir bien mettre à l'ordre , du jour la motion relative aux colonies qui, samedi dernier, avait été ajournée à hier matin, mais qui n'a pu venir en discussion.
J'appuie cette proposition et ie demande que le aecret sur lequel se fonde le ministre de la marine pour envoyer 6,300 hommes soit lu à l'Assemblée, parce que je soutiens que c'est un fait faux. (Murmures prolongés.)
D'après ce que vient de dire le préopinant, il paraît qu'il a entendu que ce que j'ai dit était une réflexion du ministre. C est
absolument une réflexion gui m'appartient et qui n'appartient point au ministre. J'ai cru qu'il était de mon devoir, après la lecture de ces détails, de dire que le ministre de la marine n'avait fait que ce qu'il devait faire, parce que peut-être on aurait pu l'inculper encore. (Applau-aissements.)
Ce n'est pas le moyen de prononcer sur le sort des colonies que d'élever, avant l'ouverture de la discussion, ae nouvelles contestations sur ce qu'a fait le ministre. Nous devons nous occuper seulement du sort des colonies et de la motion qui a été faite samedi.
Je demande donc qu'on ouvre à l'instant la discussion sur la motion de suspendre le départ des troupes. Et sans doute l'Assemblée en sentira la nécessité lorsqu'elle réfléchira que ce décret du 24 septembre est parti, que ies troupes qu'on envoie aux colonies sont chargées d'assurer l'êxécution de ce décret, que c'est peut-être le seul moyen de perdre toutes nos colonies, parce que les rigueurs qu'il faudra employer pour faire exécuter ce décret vont augmenter la division et la discorde. Il est donc temps, Messieurs, de prendre un dernier parti et de le faire passer promptement aux colonies. Le gouverneur, ou celui qui sera à la tête de l'expédition sera à l'abri de la responsabilité en disant que toute la rigueur qu'il a déployée était nécessitée pour assurer Inexécution du décret du mois de septembre. Si vous agissez autrement; vous écarterez le concordat qui a un peu rétabli le calme pour faire exécuter une loi qui a été la première cause de la discorde.
Je ne m'oppose point à une partie de la motion de M. Delacroix ; mais qu'il me soit permis d'observer que les troupes qui vont dans les colonies n'ont pas pour but unique d'assurer l'exécution de la loi du 24 septembre, c'est aussi pour former une force puissante qui intervienne et s'oppose à l'insurrection terrible des noirs. Sur ma motion, vous votâtes des remerciements à milord Effingham ; sur celle de M. Brissot, Vous avez été priés d'en voter aux Etats-Unis d'Amérique et au gouvernement de Pensylvanie, pour avoir envoyé des secours à nos frères des colonies. Gomment donc la nation se mettrait-elle aujourd'hui en contradiction avec elle-même ? S'il est question d'ouvrir la discussion sur le fond, je demande que demain elle soit ouverte.
M. le ministre de la marine demande la parole pour se justifier relativement aux plaintes portées contre lia par la municipalité de Brest ; je la lui accorde.
, ministre de la marine (1). Messieurs, j'attendais avec impatiencequ'une dénonciation formée contremoime fournît une occasion de soumettre à la sagesse et à la justice de l'Assemblée nationale quelques considérations assez importantes pour la déterminer à n'accueillir qu avec la plus grande circonspection les inculpations sans cesse renaissantes et toujours injustes qu'on se permet de hasarder, dans son sein, contre les principaux agents du pouvoir exécutif.
Quelques membres : C'est vrai !
, ministre de la marine. Il est de . votre dignité; Messieurs, d'apprendre enfin à la
On m'accuse d'avoir faussement annoncé que nul officier de marine n'avait quitté son poste ; je vais répondre à cette inculpation; mais je dois d'abord vous rendre compte de ce qui à été fait dans le département de la marine, relativement aux objets des dispositions du décret du 29 novembre dernier qui porte que « les ministres présenteront à l'Assemblée, d'ici au 15 décembre prochain, l'état de radiation qui a dû être fait en exécution des décrets des 4 janvier et 1B décembre 1790, des appointements, traitements et pensions des fonctionnaires publics ou pensionnaires de la nation, qui, à cette époque, étaient absents du royaume, ou qui s'en sont absentés depuis, sans mission expresse, du gouvernement ; et de ceux qui, étant employés dans les pays étrangers, n'auraient pas prêté le serment civique dans le délai prescrit ».
Les décrets précédents, dont vous avez ordonné ainsi l'exécution, portent : 1° qu'il ne sera payé même provisoirement, aucunes pensions ni aucuns traitements et appointements attribués à quelques fonctions publiques, aux Français habituellement domiciliés dans le royaume, et actuellement absents, sans mission du gouvernement, autérieure à ce jour; 2° que tous Français fonctionnaires publics ou recevant des pensions ou traitements quelconques de l'Etat, qui ne seraient pas présents et résidents dans le royaume, et qui n'auraient pas prêté le serment civique dans le délai d'un mois après la publication "de ce décret, sans être retenus dans les pays étrangers, par une mission du .roi, pour les affaires de l'Etat, seront, pas ce seul fait, déchus de leurs grades et emplois, et privés de leurs pensions, appointements et traitements.
J'ai lieu de croire qu'à l'époque du premier de ces décrets (4 janvier 1790), aucun officier de la marine n'était absent du royaume; mais quoi qu'il en soit,-il ne peut être douteux que la loi n'ait eu son exécution, puisqu'il était ordonné aux trésoriers de ne payer aucuns appointements, que sur la présentation du certificat de résidence, et sur celle des quittances de contribution patriotique et autres.
Il a été expédié des ordres pour l'exécution de ces dispositions ; et les trésoriers n'ont pu y contrevenir sans s'exposer à voir rayer ces articles de leurs comptes. Deux officiers de la marine, M. le chevalier ae Sade... (Murmures.)
Plusieurs membres : Monsieur le Présidèntrrap-pelez le ministre à l'ordre !
Il n'y a plus de chevaliers.
Monsieur, l'Assemblée vous rappelle que la Constitution porte l'abolition de tous les titres et que vous devez vous y conformer.
, ministre de la marine. Je vais m'y conformer.
Deux officiers de la marine, M. de Sade et M. de La Bintinaye, ayant passé en pays étranger, annonçant l'un, qu'il ne voulait pas prêter le serment civique ; l'autre, qu'il ne rentrerait pas en France, le ministre de la marine proposa au roi de les faire rayer des listes, conformément au décret du 18 décembre 1790, et l'Assemblée constituante en fut informée par des lettres des 16 mars et 16 avril 1791.
Trois officiers généraux, MM. Deshayes, de Gry,
d'Apchon et de Gastellet étaient absents du royaume depuis quelques mois ; le premier, à Spa ; les deux autres, à Nice ; l'état de leur santé ne leur permettait pas de rentrer. M de Gastellet présentait un motif de plus, celui de rester dans l'asile où il s'était réfugié, après avoir couru les plus grands dangers à Toulon dans quelques insurrections.
Le ministre de la marine écrivit plusieurs fois à l'Assemblée pour exposer avec détail la situation de ces trois officiers généraux, et demander, en leur faveur, une exception à la loi.
Il n'a rien été prononcé sur ces demandes. Deux de ces officiers ont cessé d'écrire; mais M. de Gastellet continue à représenter qu'il est sans ressource; qu'il n'a échappé qu'avec les plus grandes difficultés au danger qui l'a menacé dans le moment même où il venait de prêter le serment civique à Toulon, et que son traitement lui est absolument nécessaire pour subsister; et néanmoins aucun d'eux n'a été payé.
Les différentes lois qui ont été faites relativement au serment civique, ont été exécutées par les officiers de la marine.
On peut même dire que ce corps en a devancé l'exécution dans un moment où son zèle pouvait intéresser la chose publique.
En effet, la loi au 15 juin, qui prescrit une nouvelle formule de serment, porte qu'il sera prêté par les officiers de la marine, « après la nouvelle formation du corps, en recevant les nouveaux brevets ». Cependant, au moment de la nouvelle du départ du roi, les officiers qui étaient à Brest et àLorient s'empressèrent de renouveler leurs serments, et prévinrent l'envoi du décret du 22 juin. Des commissaires de l'Assemblée furent envoyés alors dans les départements des frontières, pour recevoir le serment des troupes de ligne. On était prêt d'en nommer également pour les ports, lorsque les députés de Brest firent eux-mêmes l'observation qu il serait peu nécessaire d'y envoyer, et que, d'après la loi au 15 juin, il fallait attendre la nouvelle organisation.
. Depuis cette époque, le ministre n'a fait expédier que les congés de droit qui étaient réclamés par les officiers revenant de la mer. Quelques autres, exposant des affaires majeures ou des raisons de santé, ont obtenu aussi des congés ou des prolongations, mais sans appointements pour ceux qur, d'après les règles et les usages suivis depuis les dernières ordonnances devaient en être privés.
Ainsi, on ne peut regarder que comme l'effet d'un zèle inconsidéré, les demandes qui ont été faites plusieurs fois à l'intendant au port de Brest, ae suspendre tout payement d'appointements aux officiers qui n'étaient pas présents.
Cela n'était pas nécessaire pour empêcher que les officiers absents du royaume pussent toucher, leurs traitements; puisqu on ne les payait que sur le vu des certificats exigés par la loi, et qui prouvaient leur résidence. Il en résultait donc seulement la privation du traitement pour les officiers qui, revenant de la mer, avaient obtenu des congés ordinaires, et pour céux que leurs affaires, leur mauvaise santé, ou toute autre cause aussi légitime appelait ou retenait chez eux.
Ainsi, lés décrets relatifs au payement des appointements, et ceux qui prescrivent les ser--ments, ont été exécutés par les officiers de la marine autant qu'il était possible pour ce corps qui a été supprimé par la loi du 1er juin, et dont la nouvelle formation n'est pas encore faite.
Je n'ignore certainement pas que, dans ce moment, beaucoup d'officiers de la marine sont hors du royaume; mais il est vrai aussi que, parmi ces officiers, il n'en est point qui ait abandonné son service ; c'est-à-dire, qu aucun de ceux qui sont employés, soit à la mer, soit dans les ports, n'a déserté son poste. On me reproche (ravoir annoncé publiquement ce fait; mais il était certain alors ; et j ai lieu de croire qu'il l'est encore. J'ai donc pu le dire, et j'ai dû le publier. Je développerai les motifs qui m'ont guidé, après que j'aurai éclairci l'équivoque sur laquelle est fondée l'objection qu'on m'oppose.
J'observerai d'abord que tous les officiers de la marine ne sont pas toujours en service. Les capitaines de vaisseaux sont employés dans les ports à tour de rôle; et lorsque le temps de leur service est fini, ils sont libres de se retirer chez eux, sans avoir pour cela besoin de congé. Les nouvelles lois relatives à la marine ont consacré cette disposition dès anciennes ordonnances; elle est formellement établie par l'article 3 de la loi dit lçr juin 1791 qui porte : « que les capitaines et les lieutenants qui ne sont pas de service à la mer, ou dans les arsenaux, ne seront pas tenus alors de résider dans les départements. » Les officiers revenant de la mer avaient aussi la permission de s'absenter pendant un temps qui était fixé ordinairement à la moitié de la durée des campagnes qu'ils venaient de faire, et il était aussi accordé des congés pour raison de santé. Ainsi, quoique tous les officiers de la marine fussent portés sur l'état de quelqu'un des ports, il n'y avait ordinairement dans ces ports que le nombre réellement nécessaire au service; et les officiers qui étaient ainsi employés et en activité réelle, ont, jusqu'à présent, demeuré à leurs postes, ainsi que tous ceux qui étaient sur les bâtiments de l'Etat.
Je sais trop bien qu'un grand nombre d'autres ont abusé de leurs congés, ou de la facilité qu'ils avaient de s'absenter, pour passer en pays étrangers, et tandis que je m'occupais des moyens d'arrêter les progrès alarmants ae cette émigration. Je crus très utile d'opposer à l'opinion qui entraînait un grand nombre de ces officiers, une opinion contraire; j'essayai de leur-présenter l'exemple de ceux de leurs camarades que le sentiment de leurs devoirs tenait attachés au service des ports. Je voudrais pouvoir dire que cette mesure a eu le succès que je désirais ; mais, quoi qu'il en soit, je me Crois bien loin d'être blamable de l'avoir adoptée. Je serais coupable, sans doute, si j'avais favorisé alors l'idée qu'on cherchait à répandre sur l'opinion générale des officiers de la marine à cet égard, puisque ç'aurait été le moyen de déterminer l'irrésolution de quelques-' uns d'entre eux, et de ■ les porter à émigrer. Il était essentiel, au contraire, de prouver que les sentiments étaient au moins partagés, et que celui du devoir l'emportait sur toute autre idée chez ceux de ces officiers qui étaient actuellement attachés à des fonctions actives.
Mais, quelqu'utilité qui dût en résulter pour la chose publique, je ne me serais pas permis d'annoncer ce fait, s'il n'avait pas été exactement vrai. Les efforts qu'on fait pour tâcher d'attaquer cette vérité sont nuisibles, sans doute, puisqu'en faisant considérer l'idée de l'émigration comme générale dans le corps de la marine, on augmente l'effet de cette opinion funeste; mais on ne pourra parvenir à détruire mon assertion positive, qu'en l'attaquant d'une manière directe, c'est-à-dire en prouvant que quelques-uns des officiers de
la marine qui étaient en service actuel, ont déserté leurs postes.
On a dirigé contre moi une seconde accusation. Elle est relative à la nomination de M. de La Jaille au commandement du vaisseau le Dugué-Trouin; et à cet égard, ma réponse ne peut être que très simple.
Je suis chargé depuis trop peu de temps du ministère de la marine, pour connaître personnellement les officiers. Je suis par conséquent obligé de m'en rapporter, pour ces Choix, aux notes qui me sont présentées sur leurs services antérieurs, et à l'opinion établie sur leur compte. J'ai soin de consulter particulièrement le chef de ce corps que je suis à portée de voir, et dont les sentiments patriotiques et le civisme sont le plus connus : c'est ce que j'ai fait dans cette circonstance; et tous les témoignages sans exception ont été favorables à M. de La Jaille.
J'ignorais et j'ignore encore les reproches réels qu'on peut avoir à lui faire, car, s'il est vrai, comme on le prétend, qu'on ait formé contre lui quelques inculpations devant l'Assemblée constituante, et qu'elle les ait trouvées assez peu fondées pour n'y pas donner la moindre suite, elles ne méritent sans doute aucune considération. La diversité et la violénce des partis qui ont agité les colonies depuis le commencement de la Révolution, ont exposé tous ceux qui y ont été employés pour quelque service public, à des accusations, à des plaintes, et pjus souvent encore à des déclamations vagues, mais toujours très vives de la part de quelqu'un de ces partis. Il serait difficile de se les rappeler toutes, et bien injuste sans doute d'attacher quelque importance à celles que l'Assemblée constituante a trouvées assez dépourvues de vraisemblance, pour ne pas daigner s'en occuper.
Je vous prie, Messieurs, de vouloir bien observer que je n'ai aucun moyen de connaître d'avance des opinions qu'on n'énonce pas sur la plupart des officiers particuliers, dont le public ne s'occupe que lorsqu'ils sont destinés à quelque service qui les met en évidence. Je sens vivement combien il serait important pour moi de pouvoir diriger les nominations du roi de manière à prévenir les malheurs affreux qui sont la suite delà violence avec laquelle l'opinion se déclare ensuite dans les ports ; mon devoir est de ne rien négliger pour éviter que les scènes cruelles qui viennent d'avoir lieu à Brest, et que rien ne saurait excuser, ne se renouvellent jamais. Je demande à être éclairé; je désire qu'on me donne des avis; je les approfondirai tous, et je ferai ce qui dépendra de moi pour distinguer ceux de ces avis qui seront dictés par le patriotisme, de ceux qui pourraient n'être que le résultat de haines personnelles, ou de passions des particuliers ; mais lorsque rien n'aura pu m'indiquer d'avance l'opinion qui s'élèvera dans un port après la nomination d'un officier, et que je n'aurai eu aucun moyen de la prévoir, je suis bien convaincu que l'Assemblée nationale ne me jugera pas susceptible du moindre reproche.
Je ne puis terminer ce que j'ai à dire sur cet objet, sans réclamer votre humanité et votre justice en faveur de M. de La Jaille, dont vous connaissez la situation. Il est toujours renfermé dans les prisons du château de Brest; il demande avec instance que sa conduite soit examinée, jugée et punie si on a un reproche fondé à lui. faire, mais que s'il est exempt de blâme, ses calomniateurs, et ceux qui ont mis sa vie dans le plus grand danger, ne demeurent pas impunis.
Ce funeste événement, joint à celui, de l'insurrection de l'équipage de la frégate l'Embuscade, a inspiré les plus vives inquiétudes aux officiers destinés à commander les bâtiments qui étaient en armement à Brest. Ils demandent à les remettre en d'autres mains, et il sera très difficile de trouver des officiers qui osent s'exposer aux dangers qui peuvent être la suite du désordre des ports, et de l'insubordination des équipages.
Le roi m'a chargé de vous inviter à vous occuper des mesures que les circonstances exigent, et des moyens de pourvoir au service de cette partie importante des forces publiques.
Le corps de la marine, supprimé par la loi du 15 mai, n'existe actuellement que d'une manière provisoire ; il doit être incessamment recréé ; et je serai prêt à proposer au roi les listes de la nouvelle formation, dès que les divers objets qui doivent faire partie de cette organisation générale, et dont j'ai rendu compte à l'Assemblée nationale, le 29 octobre dernier, seront déterminés. Les officiers qui n'obéiront pas aux ordres qui leur seront donnés d'après cette formation, et qui ne se rendront pas aux postes qui leur seront assignés, devront sans doute être rayés des états. Si le nombre en était très considérable, les dispositions faites par les lois générales pour les remplacements ordinaires du corps de la marine, pourraient être insuffisantes, et il deviendrait nécessaire de déterminer un mode particulier pour faire ces remplacements de la manière la plus prompte et la plus facile. L'Assemblée trouvera sans doute les moyens de la concilier avec la nécessité de ne pas compromettre la sûreté des vaisseaux de l'Etat, et l'honneur du pavillon français.
Mais en attendant cette formation nouvelle du corps de la marine, les besoins actuels du service exigent les mesures les plus promptes.. Beaucoup d'officiers sont absents ; d'autres, qui n'ont cessé de témoigner leur zèle et leur attachement à leurs devoirs, craignent peut-être de s'êxposer au mouvement d'effervescence qui agité les équipages et les habitants des portsrou bien ils en sont repoussés par l'opinion publique.
Je sais qu'on a annoncé à l'Assemblée nationale qu'un grand nombre d'officiers de la marine marchande étaient en état de commander les vaisseaux dé guerre et qu'ils en avaient le désir comme les moyens. Je m empresserai de proposer de les employer, mais je ne peux me dispenser d'observer que les concours qui ont été ouverts pour les places d'enseignes entretenus et d'aspirants, ne présentènt pas encore les moyens de remplacement qu'on devrait en attendre. L'examinateur annoncé depuis deux mois à Brest, y est arrivé -le 24 novembre, et aucun navigateur ne s'est encore présenté pour l'examen d'enseigne entretenu, et il n'y a eu que 7 concurrents pour * 24 places d'aspirants.
Je dois représenter aussi que les lois du 15 mai déterminent les grades exigés pour le commandement des bâtiments des divers rangs, et que les enseignés entretenus ou non entretenus ne pourront , commander ni les vaisseaux de ligne, ni les frégates, à moins qu'une loi formelle n'autorisât, dans les circonstances actuelles, cette exception à la règle générale.
Je crois avoir suffisamment prouvé combien les dénonciations présentées contre moi étaient peu fondées, et quelorsque j'ai annoncé qu'aucun des officiers de marine n'avait quitté son poste, j'ai avancé une vérité exacte, et, j'ose le dire, une vérité utile.
La dénonciation fondée en preuves est toujours un devoir quand elle peut etre utile à la chose publique; mais la calomnie est toujours un crime et un crime que la vengeance des lois doit atteindre partout, parce que le privilège de porter impunément atteinte à l'honneur ou à la vie d'un Citoyen, quel qu'il soit, ne peut appartenir à personne dans un Etat policé ; et si ce privilège horrible pouvait exister, l'abus le plus coupable qu'on pût en faire serait de l'employer Contre les fonctionnaires publics, parce que ce serait les mettre dans la dure nécessité de consacrer à repousser des inculpations injurieuses, le temps qu ils doivent à la patrie, et qu'ils consacrent à mériter ses éloges et sa reconnaissance.
Enfin, Messieurs, l'intérêt de la Constitution et de ses véritables amis, c'est qu'elle soit exécutée. C'est au roi qu'est confié le soin important d'y veiller sans cesse. Les ministres sont ses principaux agents : ils doivent être investis d'une grande considération, parce que cette considération est toujours la mesure de la soumission aux ordres qu'ils transmettent, et parce qu'il est impossible d'y porter la moindre atteinte sans affaiblir dans leurs mains tous les moyens d'exécution. Ainsi, autant ceux qui inculpent avec fondementles ministresprévaricateurs acquièrent de droits à la reconnaissance publique, autant ceux qui osent {calomnier les ministres attachés à leurs devoirs, sont dignes de blâme, parce qu'en effet la Constitution ne peut avoir de plus dangereux ennemis. Si les nombreux mécontents que notre sévère exactitude doit faire naître, veulent, par là, fatiguer notre zèle et faire porter, pour ainsi dire, à chacun de nous la peine de sa probité, j'ose avancer au nom de tous que leurs efforts seront infructueux. Nous sommés trop glorieux de cette espèce de supplice, pour être jamais tentés d'y échapper. ( Vifs applaudissements dans VAssemblée et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'impression du discours du ministre!
et plusieurs autres membres demandent la parole. Voix diverses : L'ordre du jour ! L'impression ! M
Je demande que l'on passe à I l'ordre du jour sur ce que vient de dire le ministre et sur la demande que j'entends faire de l'impression de son discours. Le rapport du comité de marine, qui se fera demain au soir, prouvera combien on doit peu ajouter de foi à cette prétendue justification.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de marine ! {VAssemblée est dans une vive agitation.)
rappelle les différentes propositions qui ont été faites.
{Vinterrompant). Je demande la parole. {Murmures.) Je fais mon devoir en répondant à l'insolente diatribe du ministre. Monsieur le Président, je demande que vous consultiez l'Assemblée pour savoir si je dois être entendu.
M. Rouyer demande la parole sur le mémoire du ministre. Je mets aux voix s'il sera entendu.
(L'Assemblée décide à une grande majorité que M. Rouyer ne sera pas entendu et renvoiè le mémoire du ministre de la marine au comité de marine.),
Plusieurs membres : L'impression du mémoire!
Je demande la question préa-
lable sur la motion d'impression. {Appuyé! appuyé!) \ ' ' :
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète l'impression.)
Vous venez d'ordonner l'impression, du mémoire, cependant le ministre le garde. Je demande qu'il soit tenu de remettre sur le bureau, et à l'instant, la copie de son discours pour que les mots ne soient pas changés. {Rires et murmures.)
, ministre de la marine, se lève pour parler.
Plusieurs membres : L'ordre du jour! l'ordre du jour!
monte à la tribune et commence un discours sur la motion qui a été faite d'inviter le roi à suspendre l'envoi des troupes à Saint-Domingue (1). Il rappelle l'empressement que l'Assemblée a montré à envoyer à Saint-Domingue des secours sollicités par l'intérêt de sauver les colonies, secours demandés et offerts avec le zèle le plus empressé par toutes les Villes de commerce. Il s'étonne de Ce que cet empressement -paraît ralenti depuis la connaissance qu'on a du concordat passé, lé 12 septembre,. entre les colons blancs et les hommes de couleur. Il cherche les causes qui peuvent porter à demander la suspension de l'envoi des secours, et il voit que la seule cause peut être la défiance sur l'observation de ce concordat de la part des colons blancs, et sur leurs dispositions en faveur des hommes de couleur. Il entre dans l'examen et dans la discussion de la solidité et de la légitimité de ces motifs.
, ministre de la marine, sort de la salle au milieu de cette discussion.
, interrompant M. Castel. On laisse sortir le ministre sans lui demander son discours. .
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre! Un membre : Puisque le ministre emporté son manuscrit, sans doute pour y faire des changements, je demande qu'il ne soit pas imprimé.
et plusieurs autres membres appuient cette motion.
, secrétaire. Je dois rendre compte de ce qu'a dit le ministre. Comme nous lui demandions son manuscrit, il nous a répondu qu'il avait lu son discours sur une minute écrite de sa main et que cette minute était trop informe pour qu'on pût l'envoyer à l'impression; qu'il allait faire mettre son discours au net et qu'il l'enverrait sans délai.
Un membre : Et ce ne sera plus la même chose !
Un membre : Et le Logographel
Je demande, pour tranquilliser l'Assemblée, qu'on envoie chercher le discours tel qu'il est.,
Je demande le rapport du dé-crèt qui a ordonné l'impression.
L'Assemblée a ordonné l'impression du discours du ministre; je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
insiste pour faire rapporter le décret.
Je demande qu'à l'avenir... .
Plusieurs membres : A l'ordre 1 à l'ordre !
l'Assemblée ne décrète l'impression d'aucun discours, même de ceux des ministres, qu'au préalable ils'n'eussent été remis sur le bureau ; car, Messieurs, si un ministre refusait de remettre son discours, vous ne pourriez pas l'imprimer.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
présidence de m. lemontey, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 4 décembre 1791.
(L'Assemblée adopte la rédaction du procès-verbal.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Charon, officier municipal, qui annonce à l'Assemblée qu'il lui a déjà présenté une pétition sur les maisons de jeu, qu'elle a été renvoyée au comité de législation sans avoir été lue. Il prie l'Assemblée de hâter le rapport sur ces infâmes repaires.
Il est impossible que l'Assemblée laisse subsister plus longtemps des repaires de brigands où l'on dépouille les citoyens et où les antirévolutionnaires s'engraissent. C'est au nom des. mœurs que je demande la destruction de 2 ou 3,000 maisons de jeu qui infestent la capitale, et que je prie l'Assemblée d'ajourner à jour fixe le rapport du comité de législation sur cet objet. (Applaudissements dans les tribunes.)
(L'Assemblée, consultée, charge le comité de législation de faire son rapport, le 15 de ce mois, sur un projet de loi propre à réprimer les excès de la passion du jeu.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse d'un citoyen à l'Assemblée, pour assurer la subsistance dans tout le royaume.
(L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
2° Adresse des administrateurs du département des Côtes-du-Nord, qui félicitent l'Assemblée sur le décret contre les émigrants attroupés aux frontières; cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Le décret que vous avez rendu dans votre sagesse, contre les émigrés, est tellement l'expression du vœu le plus ardent de tous les amis ae la Constitution, que nous croyons de notre devoir de vous témoigner toute la satisfaction et la joie que nous a fait éprouver son émanation. Il était temps enfin de mettre un terme à l'indulgence de la nation envers des ingrats et des re-
belles obstinés. Il eût été injuste de laisser impunis les complots de ces lâches conspirateurs, qui font tous leurs efforts pour porter le fer et la flamme dans leur patrie. En vain, se plaindraient-ils de la rigueur des moyens qu on emploie contre eux ; ils devaient s'y attendre : ils ont eu tout le temps de reconnaître et de réparer leurs fautes, s'ils en avaient eu le désir ; mais ils ont constamment manifesté et manifestent encore des intentions absolument contraires. L'envie de satisfaire leur ambition, le ridicule espoir de recouvrer leurs privilèges odieux, et de faire revivre le despotisme et les abus à jamais bannis de la France, voilà le seul sentiment qu'ils embrassent avec ardeur.
« Vous avez pris, Messieurs, le seul parti digne des représentants d'une nation libre et pleine de confiance dans ses propres forces. Elle applaudit, cette nation, à votre décret, et n'attend plus que le moment où la sanction royale permettra de lui donner une entière exécution.
« Sa Majesté, dont les intentions ne peuvent être suspectes, ne s'est sans doute portee à en suspendre l'effet, que pour aggraver davantage les torts de nos ennemis, et mettre le comble à la mesure de l'indulgence nationale; après ce délai de grâce, quel prétexte pourrait jamais les excuser? (Vifs applaudissements.)
« Les administrateurs composant le directoire, et le procureur général syndic du département des Côtes-du-Nord.
« Signé : CorVoisier, M. Lemée, Bouttier, N. Armés, prêtre. »
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal, avec mention honorable.)
3° Adresse des administrateurs du département de la Mayenne qui envoient à l'Assemblée l'expression de leur patriotisme, et l'assurent du zèle des citoyens à défendre la liberté ; cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Vivre libre ou mourir, c'est la devise des Français régénérés par la Constitution, c'est le cri de ralliement des enfants de la patrie, c'est un sentiment que vous avez manifesté avec autant de solennité que d'énergie à votre avènement à la législature ; il est gravé dans vos cœurs ; nous le trouvons dans les nôtres, et nous en avons avec vous répété l'expression.; il vous éclaire dans la carrière immense ouverte devant vous : il nous a toujours dirigés dans celle que nous avions à parcourir. Nous ne vous louons pas de votre civisme, il est un devoir ; le culte ae la liberté que nous professons tous, rejette l'encens de l'adulation. Nous félicitons seulement l'Empire d'avoir choisi pour ses représentants des citoyens qui travaillent de bonne foi à son bonheur et à sa prospérité. La Révolution a produit de grandes secousses, beaucoup de fortunes particulières sont altérées, beaucoup de ressentiments sont nés des plaies qu'elle a faites, l'intérêt et la vanité se sont armés contre elle sous le voile sanglant du fanatisme ; enfin la Constitution a triomphé de tant d'efforts, et sur la destruction des abus, elle a fondé le règne de l'égalité et de la loi. C'est à vous maintenant à rétablir, c'est à vous à distribuer les parties de l'édifice dont les bases sont posées, à remplir le plan qui vous est tracé, à faire renaître le crédit, la confiance, l'union et la pa4x par lesquels la Constitution deviendra durable et chère aux
Français fatigués de tant d'agitations. Nous ne doutons point qu'en remplissant avec succès cette grande tâche, vous n'imposiez silence à vos détracteurs. Nous vous seconderons de toutes nos forces, et si malheureusement l'Etat ébranlé venait à périr, nous nous ensevelirions avec vous sous ses débris. Tel est l'hommage que, chargés spécialement de l'exécution de la loi, nous mêlons à celui du conseil général du département delà Mayenne ; il est le seul digne des législateurs de la France, le seul qui puisse vous natter. (Vifs applaudissements.)
« Signé : les administrateurs du directoire du département de la mayenne. »
( L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)
4° Adresse des citoyens de la ville de Tulle pour féliciter l'Assemblée du décret rendu contre les émigrants. Cette adresse est ainsi conçue :
,« Législateurs, si
« Une émigration téméraire alarmait déjà les esprits incertains et timides, la France attendait avec sollicitude une loi qui pût réprimer cette émigration coupable. Elle attendait que votre sagesse se développât avec une juste sévérité pour renverser le colosse ridicule du fanatisme, et dissiper la cohorte qui s'était ralliée autour de lui. La France voit aujourd'hui avec une pleine satisfaction les résultats de votre prudence et de votre énergie ; vous avez porté ae grands remèdes aux grands maux qui nous menaçaient.:
« Interprètes immédiats et fidèles du peuple, les membres composant le conseil d'administration du département dé la Gorrèze, vous assurent que les citoyens delép-r arrondissement; sont pénétrés dé dévouement pour;.la;Constitution, et de confiance pour vos lois: Réunissez-vous, renouvelez le serment du Jeu de Paume ; les administrations des départements vous imiteront aussitôt, et l'Empire aura bientôt partout* d'impénétrables remparts. (Vifs applaudissements).
« Signé : Les membres composant le
conseil d'administration du département de la cor-rèze. ».
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)
5° Adresse des citoyens d'Angers, département de Maine-et-Loire, pour féliciter l'Assemblée du décret rendu contre les émigrants attroupés aux frontières. Cette adresse est ainsi conçue :
« Représentants du peuple,
« Chargés du précieux dépôt de notre liberté, Tous veillez chaque jour à sa conservation avec la plus active sollicitude : grâces vous en soient réndues. Vos sages décisions seront toujours l'objet de notre reconnaissance, et notamment le décret du mois d'octobre 1791 contre les émigrants.
« Des hommes que leur éducation et toutes les circonstances de leur vie n'avaient alimentés que de vanité et de sottises ; des hommes, qui, incapables de s'élever à ces idées si nobles et si touchantes de liberté et d'égalité, préféreraient de se vautrer encore dans la fange de l'esclavage
au pied du Trône, plutôt que de renoncer, dans nos villes et dans nos campagnes, au rôle non moins avilissant d'insolents protecteurs, menacent' de porter la désolation et la mort au sein de cet Empire. Les nombreux enfants de la patrie veillent attentivement sur elle, et ces ridicules bravades n'ont sans doute excité que vos mépris. Cependant il étaitd'une haute importance de réprimer des manœuvres criminelles, qui forcent l'Etat à d'énormes dépenses, pour se tenir sur un pied respectable de défense, • et altèrent les sources de la prospérité publique, en favorisant les convulsions intérieures, en anéantissant partout la confiance, qui seule peut ramener la paix, le travail et l'abondance.
« Vous avez alors adopté des mesures sages, vigoureuses et dignes de la nation au nom de laquelle vous dictez des lois. Cet acte émané de vous, pour arrêter des projets qui ne tendent qu'à replacer le despotisme sur le Trône, avait-il besoin d'un consentement pris hors de votre sein? "Vous l'avez jugé ainsi. Vous n'avez pas. voulu qu'on pût vous reprocher la moindre violation des formes constitutionnelles. Satisfaite de'vos délibérations, la France était attentive! la réponse a été un refus...! Grâces vous soient néanmoins rendues,; Représentants du peuple, vous avez bien mérité de lui !
« Nous comptons sur de nouveaux efforts de votre part, pour en bien mériter encore ; les partisans de. l'esclavage redoublent d'astuce et d'audàce, ils vous environrient de pièges et d'obstacles ; mais forts de toute la volonté nationale, guidés par une prudence consommée et un indomptable courage, vous écraserez vos ennemis découverts et vous déjouerez ceux qui se cachent !
. « Ceux-là, vous le savez, sont les plus dangereux; et leur secrète influence semble diriger en ce moment toutes les opérations du gouvernement. Mécontents d'avoir vu rejeter, par l'Assemblée constituante,. un ordre de choses au moyen duquel ils espéraient concentrer tous les pouvoirs dans leurs mains et les y perpétuer, ils ont dit : anéantissons l'esprit public, empa-rons-nous des avenues du Trône, suspendons l'action de la machine politique, faisons échouer toute mesure vigoureuse, qui pourrait atterrer tout à fait les ennemis du peuple et faire briller, au sein de la France, le jour de la prospérité nationale ; et nous persuaderons aux Français, harcelés par nos manœuvres habiles, que leurs maux ne viennent que d'une mauvaise combinaison politique êt de la faiblesse réelle du gouvernement ; nos desseins triomphent, le peuple est dans nos fers.... Dans vos fers.... Ah ! ne l'es-A pérez pas ! malgré tous vos soins criminels pour l'éteindre, le feu sacré de la liberté embrase encore tous nos sens ! Chaque jour, son esprit nous éclaire, et ce n'est pas à présent que vous ferez croire, que lorsqu on a vu dans l'antiquité, comme dans les temps actuels, les gouvernements les plus monstrueusement conçus, s'élever au plus haut degré de prospérité ; le gouvernement français le plus régulier du globe, serait arrêté dans son action par des vices inhérents à sa nature ! Si le corps politique reste sans mouvement, ou si ses mouvements sont trop irréguliers, il sera démontré que c'est à la mauvaise volonté seule des agents du pouvoir qu'on devra s'en prendre.
« On ne verra point alors un peuple généreux, dupe de la friponnerie et de l'intrigue, abandonner lâchement les institutions qui garantissent
son indépendance ! Connaissant bien la source de ces maux, il fera plier la tête des superbes sous le joug du vœu national, et loin de nriser les instruments de son bonheur, il saura les conserver avec courage, et d'un seul acte de sa volonté, il les retirera des mains de ceux qui n'au ront pas voulu les employer au bien de tous, et il les fera passer en ae plus dignes de sa confiance.
« Tels sont, augustes représentants, les sentiments du peuple français: il fonde sur vous de grandes espérances ! Continuez de Je servir avec zèle, et comptez sur son appui. Quant à nous, fidèles interprètes de l'opinion de la grande mà-jorité de nos frères dans ce département, nous vous jurons que les armes des citoyens de Maine-et-Loire se trouveront partout où il faudra combattre pour la liberté et le maintien des lois. (Vifs applaudissements.)
« Angers, 27 novembre, l'an troisième de la liberté française. »
6° Adressé des administrateurs du département de la Drôme. Cette adresse est ainsi conçue :
« Dignes successeurs des grands hommes, auxquels la France doit sa Constitution,
« Vos travaux et vos succès ne sauraient être arrêtés que par des obstacles supérieurs à la prudence humaine.
« Veuille la Providence les écarter ! Vous surmonterez tous les autres, et la nation attend avec confiance, de votre sagesse et de votre courage, le complément de son bonheur. (Applaudissements.)'
« Signé : Freycinet, président, Bouvier, secrétaire.
r. « Valence, le
i (L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal, avec mention honorable.) $
. ;7° Pétition de plusieurs citoyens de la ville de Paris, propriétaires de rentes sur VHôtel-de-Ville, qui réclament le remboursement des arrérages qui leur sont dus.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
L'ordre du jour appelle différents rapports sur les finances. ; Plusieurs membres : Demain ! demain ! (L'Assemblée renvoie à la séance de demain les questions relatives aux finances.)
Je demande que l'Assemblée reprenne la suite de la discussion de l'affaire des colonies.
Plusieurs membres : Demain ! demain ! Il faut entendre les pétitionnaires !
Je m'oppose avec énergie à l'ajournement à demain; une partie des troupes destinées aux colonies est déjà en mer, et ayant que les autres puissent partir, il faut décider la question.
(Après quelques débats, l'Assemblée ajourne la suite de la discussion sur l'affaire des colonies à la séance dé demain, et immédiatement après la lecture du procès-verbal»)
, dont l'admission à la barre avait été décrétée à la séance du matin, est introduit et annonce qu'il va lire un travail sur les finances.
Je demande que M. Olivant ne soit pas entendu; Nous sommés ici pour écou-
ter les pétitionnaires. L'Assemblée n'est pas une académie pour entendre des lectures et jugeriin» ouvrage, fût-il excellent, sur les finances ou sur les assignats. M. Olivant n'a qu'à envoyer son travail au comité.
, s'adressant à M. Olivant. Je vous invite à énoncer succinctement le but de votre ouvrage.
Je viens proposer les moyens d'établir une banque dont le fonds serait de 1,560*000,000 en 300,000 actions de 5,200 livres, au moyen de laquelle l'Etat sera bientôt libéré de ses dettes.
accorde au pétitionnaire, au nom de l'Assemblée, les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie le mémoire de M. Olivant au comité de l'extraordinaire des finances.)
, dont l'admission à la barre avait été décrétée à la séance du matin, est introduit et fait hommage à l'Assemblée d'une gravure représentant le combat de M. Ducouédic; il s'exprime ainsi :
Messieurs, c'est aux yeux des représentants d'une grande nation que j'ai l'honneur d'exposer dans la gravure du combat de M. Ducouédic, une des plus célèbres actions de mer de la dernière guerre. L'éloge de ce grand homme consacré dans l'histoire, le mausolée que le roi a fait élever à Brest à ce guerrier magnanime, lui mériteront dans tous les temps les hommages de la postérité. Heureux d'avoir été chargé par le gou-vernèment de faire revivre sur la toile ce combat mémorable, j'en ai peint le grand tableau : il fait partie des dix-huit que le roi a ordonnés, et dont l'exécution m'a été également confiée. Le motif, Messieurs, qui a déterminé cet ouvrage, a été de fixer au sein de la patrie, le monument d'uné véritable gloire, afin d'élever l'âme des citoyens, préserver de l'oubli la célébrité qu'ils ont acquise, et transmettre à leurs descendants des modèles dignes d'être imités : j"ajouterai que les palais des rois' d'Angleterre, ainsi que ceux des autres royaumes, onrent aux yeux de chaque nation la représentation de ses faits de guerre, et qu'elle y va puiser sans cesse une nouvelle ardeur pour se distinguer.
Vous êtes, Messieurs, persuadés de ces vérités. Je viens avec confiance réclamer auprès de vous un nouvel encouragement, et. les moyens pour achever l'entreprisç de la gravure de ces combats, que mon peu de fortune ne me permet plus de continuer à mes frais. Animé du même zèle qui a secondé mes travaux, je ne peux me dispenser de vous faire cette remarque très importante, que si la gravure dont il est ici question ne se bornait qnaux trois seules actions déjà gravées, qui sont déposées dans vos archives, et que la dernière Assemblée avait considérées comme un monument vraiment national, il en résulterait qu'il n'y aurait que trois combats qui auraient ae la publicité, au lieu des dix-huit qui forment l'ensemble de la collection entière ; ce qui nous attirerait une critique amère de la part des ennemis de la France, qui ne manqueraient pas de vouloir affaiblir nos véritables succès.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'hommage de M. de Rossel et renvoie sa pétition au comité d'instruction publique.)
L'offre qui vous est faite par le talent m'inspire une motion qui ne sera pas indigne de l'Assemblée. Phidias avait fait la statue de Jupiter, et les Athéniens lui bâtirent un temple. Yous avez dans cette salle deux tableaux, faites-leur donner un cadre qui soit digne d'eux.
(Cette motion n'a pas eu de suite, bien qu'un membre désignât qu'elle regardait le buste de Mirabeau.)
Les anciens secrétaires-commis de VAssemblée constituante sont introduits à la barre; ils demandent à être replacés dans les bureaux de l'Assemblée, de préférence à des sujets qui n'y ont jamais travaillé.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs delà séance. " (L'Assemblée renvoie leur pétition aux commissaires inspecteurs de la salle.)
Une députation des maîtres et maîtresses de pension de la ville de Paris est introduite à la barre. Ils ont offert, leurs hommages à l'Assemblée et protestent de leur zèle et de leur patriotisme ; ils ne cesséront d'inspirer aux élèves qu'ils sont chargés de conduire l'amour de la Constitution et de seconder l'Assemblée dans ses efforts pour propager, par l'instruction, les lumières de la philosophie. (Applaudissements.)
répond aux pétitionnaires et leur, accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
est introduit à la barre et présente un plan pour faciliter le recouvrement des impositions et pour simplifier les impôts ; il s'exprime ainsi
Messieurs, par un mémoire imprimé en mai 1789. sous le titre de Vœu de Paris, j'ai prouvé la possibilité desubstituer deux seuls impôts directs à tous les autres. Je viens offrir à l'Assemblée un nqoyen d'accélérer le recouvrement de l'arriéré des impositions é,t de vérifier la dette exigible sans suspendre les remboursements. Je vais d'abord vous exposer les moyens d'exécution de mon projet, et je vous proposerai d'adopter le projet de décret que je vais vous présenter.
(Lepétitionnaire commence lalecturede ce projet de décret, et comme elle paraît devoir etre un peu longue, il est interrompu par des murmures.)
Les pétitionnaires sont admis pour faire des pétitions pour eux et non pour présenter des projets de décret? Nous aussi, nous avons des projets de décret à présenter et lorsque nous demandons la parole pour les proposer au nom des comités, nous avons beaucoup de peine à l'obtenir. Un étranger ne doit pas avoir plus de privilège qu'un représentant de là nation. Je demande que 1 Assemblée spit consultée pour savoir si lé pétitionnaire continuera sa lecture.
(L'Assemblée, consultée, décide que la lecture sera continuée.) ;
Plusiéurs membres demandent une seconde épreuve.
Il y a une distinction à faire entre les citoyens qui .se préséntent à la barre. Tout pétitionnaire qui a quelque réclamation à faire sur des faits qui lui' sont personnels, a droit d'être entendu, parce que le droit de pétition est sacré. Quant à ceux qui ont consacré leurs veilles à des: ouvrages utiles au bien public, et qui désirent en faire hommage, à l'Assemblée, elle doit les recevoir avec reconnaissance. Mais
comme le temps de l'Assemblée est infiniment précieux, comme il lui serait impossible de l'employer à entendre la lecture de très longs mémoires, je demande qu'il soit décrété que M. le Président demandera aux pétitionnaires qui se présenteront à la barre, quel est l'objet de leur pétition. Lorsqu'il s'agira d'une réclamation individuelle, ils seront entendus; quand il sera
Question de mémoires sur des objets généraux
'utilité publique, ils ne seront point lus en séance, mais renvoyés aux comités qui doivent en connaître.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Vergniaud, renvoie le mémoire de M. Bayard au comité des finances et l'invite à sa séance.)
est introduit à la barre et sur interpellation de M. le Président; annonce que.son mémoire est relatif à la fabrication des assignats.
(L'Assemblée renvoie le mémoire de M. Vallier au comité des finances et l'invite à sa séance.)
est introduit à la barre.
Monsieur, le sujet de votre pétition ?
Monsieur le Président, c'est justice que je viens réclamer. J'ose dans ce moment-ci, auparavant la réclamation que je me propose de vous faire, invoquer votre indulgence pour les fautes que je pourrais commettre contre la grammaire dans le :cours de ma réclamation ;
Messieurs, ayant été constitué prisonnier le 16 juillet de cette année 1791, je suis sorti de prison le 16 septembre en vertu du décret d'amnistie du 14, époque à jamais mémorable, qui cimenta l'union de tous les Français, celle de la signature faite par Louis XVI de la Constitution. Ce jour-là l'Assemblée constituante rendit un décret qui nous remit en liberté, je dis, Messieurs, qui nous remit en liberté, parce que nous sommes plusieurs ; mais je réclame particulièrement pour moi, ensuite pôur ceux pour qui le décret a été rendu. L'amnistie, en me rendant la liberté, ne m'a pas rendu ma réputation. Partout on me regarde comme un scélérat. Le décret nous accordant une amnistie, nous présente comme coupables. Or, l'Assemblée constituante s'est érigée en tribunal, elle a défendu, par ce décret, aux tribunaux d'instruire ni sur les faits ni sur la suite. On me regarde donc toujours comme coupable. Il ne suffit pas de dire qu'un homme est coupable, il faut encore le prouver. Comment le prouvera-t-on? par un jugement,
Ainsi, Messieurs, l'Assemblée constituante a défendu aux tribunaux de me rendre justice ; c'est donc l'Assemblée actuelle qui est mon tribunal. Je demande donc, à l'Assemblée d'ajourner un moment où je pourrai être entéridu pour lui faire le rapport de ce dont on m'a inculpé ; elle jugera s'il y a lieu à accusation contre moi. Je suis innocent ; je veux qu'on me rende l'honneur sans lequel ma liberté n'est rien. J'aime mieux mourir ou être esclave, ce qui est à peu près la même chose que de vivre, déshonoré. Messieurs, ensuite vous pourvoirez dans votre sagesse à ce que vous devez faire de moi ; mais provisoirement je parais coupable puisque j'ai été inculpé. Je crois, avec le peu de lumière que j'ai, que la justice veut que l'on m'accorde un secours ou par argent ou par travail, parce que cette amnistie m'empêche de trouver de l'occupation chez les personnes que je connais, puisqu'elles me disent que je suis coupable et que
j'ai perdu leur confiance. Je n'ai pas d'autre ressource que ma réputation. La réputation est le plus grand des biens. Si j'ai perdu ma réputation, je ne peux plus subsister.
En conséquence, je vous demande que vous ayez à prononcer sur mon sort. J'ai soulagé ma mère ae ce que j'avais, elle est aux portes du tombeau. Et moi, Messieurs, je vous demande justice et vous me la devez ; mon cœur, mes bras sont à vous. Si je suis coupable, punissez-moi ; que l'on fasse ae moi un exemple ; mais si je suis innocent, il faut le dire hautement, afin que je puisse retrouver dans ceux qui m'occupaient la même confiance et la même estime qu'avant mon arrestation.
Ainsi, Messieurs, dans ce moment-ci, je vous expose ma position ; je ne peux plus subsister, puisque ma réputation est perdue.
, Le pétitionnaire ne sera pas plus instruit dans huit jours qu'à présent du sort de sa pétition. Il doit connaître les motifs de sa détention. Je demande qu'il nous fasse le narré de ses malheurs, et alors l'Assemblée lui donnera, puisqu'elle lui doit, des juges compétents. Ce n'est pas l'état de misère dans lequel il paraît qui doit nous répugner, puisqu'il est homme.
Monsieur le Président, la Constitution; dit que tous les citoyens çnt le droit de concourir à la formation de la loi, par éuX-mêmes ou par leurs représentants. -Pour exercer ce droit, je me suis donc trouvé au Champ-de-Mars le 16 juillet; j'ai fait une pétition individuelle; voilà l'objet de mon inculpation. Je n'ai rien fait autre chose. J'ai été arrêté le 16 juillet, donc je ne suis pas coupable dé ce qui est arrivé le 17. J'ai fait une pétition, voilà ce dont on m'a inculpé. Il faut savoir ; si ma "pétition est un crime. On m'a dit qu'on me remettait en liberté sous le titre d'amnistie, voilà le jugement. Si l'on vous demande sur quel objet la pétition a été faite, je vous dirai qu'elle exprime un vœu. Ce vœu est bon ou mauvais, C'est ce que je vous prierai de vouloir bien examiner.
Un membre: Je demande que le pétitionnaire rédige sa pétition par écrit, et que l'Assemblée la rerivoié au comité des pétitions pour y faire droit.
Monsieur le Président, ma pétition est entre les mains du ministre de la justice. ; .
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition de M. Jean Larcher au comité des pétitions.)
L'Assemblée doit prendre part aux malheurs de ce citoyen. Le décret d'amnistie ne préjugeant rien, je demande, pour lever l'espèce ae suspicion dont se plaint le pétitionnaire, qu'on lui accorde les honneurs ae la séance.
appuie la motion de M. Grange-neuve.
Quelques membres : La question préalable !
Plusieurs pétitionnaires incul-
Eés se sont déjà présentés à la barre de l'Assem-
lée, et On les a admis aux honneurs de la séance. Nous ne sommes plus au temps où on jugeait les hommes par leurs habits. Ainsi je demande que le pétitionnaire, bien qu'il ne soit qu'en veste et en tablier, y soit aussi admis, (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
, s'adressant à M. Larcher. Monsieur, vous demandez à être jugé: ce vœu
est celui d'un cœur fier et honnête. L'Assemblée nationale examinera votre pétition et vous accorde les honneurs de la séance. (Vifs applaudissements.) .
, commandant de la garde nationale de Landrieux} est introduit à la barre pour se plaindre des vexations qu'il dit avoir essuyées, ae la municipalité, des districts et du département.
, secrétaire. Les conclusions de la pétition de M. Chantai, paraissent présenter son objet ; le voici :
« Toutes les trames sont ourdies contre le sieur Chantai par des hommes épaulés ou infectés par l'aristocratie, et qui, par l'exécution de leurs différents complots, ont réduit un honnête citoyen dans la plus affreuse misère et dans l'impossibilité de poursuivre.devant d'autres tribunaux, cette horde de conjurés contre lui et de dévoiler aux yeux dé tous les citoyens de l'empire, un mystère d'iniquité, dont la France entière a intérêt de découvrir la cause. AugUstes représentants que rla France entière, que la France libre appelle ses vrais pères, tendez à un infortuné une main paternelle, portez un regard de compassion sur Louis Chantai, dont les malheurs sont l'hommage le plus complet de son civisme et de sa probité. »
L'Assemblée nationale prendra votre demande en considération et vous invite à sa séance. (.Applaudissements.)
Un membre: Je demande le renvoi au comité des secours publics.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Chantai au comité des secours publics.)
Voici les noms des quatorze membres élus par le comité de la dette publique et de la caisse de Vextraordinaire et qui,- en vertu du décret rendu Ce matin, doivent composer en partie le comité de Vextraordinaire des finances, ce sont:
MM. Fouquet. Debry. Espariat. Bordas. Rataud. Clauzel.
Càrtier-Douineau.
MM. Haussmann. Dyzès. Chazaud. Boscary.
Debray-Ghamont.
Deliars.
Marbot.
Suppléants.
Gay-de-Vernon. Gaudin (Joseph). Drouin. Desgranges.
Rudler. Guillois. Salmon. Garchery.
Un membre: Je demande la parole pour une motion d'ordre. Le comité de la dette publique et de la caisse de l'extraordinaire sollicite l'Assemblée de s'occuper, du rapport fait depuis un mois sur la situation de la caisse de Vextraordinaire. Il me charge de vous prévenir que chaque jour, l'Assemblée ayant éludé la discussion sur une nouvelle émission d?assignats de 5 livres, vous allez vous trouver tout à l'heure obligés de la décréter, sans avoir pris là-dessus les connaissances nécessaires. Votre comité vous propose d'ajourner à demain cëtte|discussion si importante et si urgente, après la lecture du procès-verbal.
appuient cette proposition-
. Je m'opposa à la motion qui vient
d'être faite. La discussion sur les colonies a été fixée à demain après la lecture du procès-ver-bal. Je demande que le décret soit maintenu et que l'on s'occupe ensuite des finances.
appuie les observations de M. Merlin.
Je demande la priorité pour la discussion des finances.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que la priorité sera accordée à la question qui intéresse les colonies.)
Un de MM. les secrétaires donné lecture des adresses et pétitions suivantes :
1° Pétition de Joseph Proast, dit Prévôt, citoyen de la ville de Coutances et de Jean-BaptiSte Delme, citoyen de la même ville.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
2° Pétition de Jean-Baptiste-Louis-Alexandre Le-sueur, ancien curé de Saint-Aubin, département de la Seine-Inférieure.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
3° Adresse des administrateurs du département de la Corrèze, qui expriment leurs sentiments de patriotismé. Cette adressé est ainsi conçue :
« Messieurs, « Vous les avez enfin rendus ces décrets si désirés contre les émigrés et les prêtres fanatiques et séditieux ; vous avez pris eette attitude imposante et majestueuse^ la seule digne des représentants d'un peuple libre; attitude que la majeure partie de vos prédécesseurs avait abandonnée depuis longtemps.
« Ah! comme les ennemis de la liberté vont trembler sous la massue de la loi ! Comme ils vont être terrassés ! Le roi, sans doute, ne mollira point dans cette circonstance ; il sentira combien vos derniers décrets contre la théocratie sont urgents, et combien une proclamation serait insuffisante pour arrêter des manœuvres exécrables.
« Pénétrés de la plus vive satisfaction de voir la nouvelle législature marquer ses premiers pas par les lois les plus sages, lés plus justes, les mieux vues, et par un patriotisme imperturbable, les citoyens soussignés vous expriment lés sentiments qu'ils éprouvent. Oh ! qu ils sont délicieusement affectés, de vous voir répondre à l'attente générale ! De pareils travaux sont bien faits pour nous rassurer sur l'avenir. Au reste, pourriez-vous ne pas persévérer dans votre glorieuse carrière ? Les folliculaires ministériels ne cessent de dire du mal de vous ; leur acharnement contre les législateurs est le thermomètre des talents et du patriotisme de ceux qu'ils déchirent.
« Persévérez donc, dignes représentants, la confiance et l'opinon publique vous entourent et vous soutiennent ; l'amour de vos concitoyens, la gloire d'avoir bien servi la patrie seront votre r&Mmpense. (Applaudissements.)
« Signé : Les administrateurs du département de la corrèze. »
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal, avec mention honorable.)
4° Adresse des citoyens de Givet au sujet du dé- { cret contre les émigrants. Cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Vous avez rendu contre les émigrants un décret digne de la majesté du peuple français ; nous
vous félicitons de votre courage. Le roi y a refusé sa sanction. Quels que soient les motifs du roi, 24 millions d'individus ne peuvent pas être victimes de ses caprices. L'opposition du premier fonctionnaire public ne doit pas vous empêcher de punir les coupables par un décret d'accusation. L'Assemblée doit le rendre responsable, lui et ses ministres, des événements que le veto mis sur ce décret pourra occasionner. . » (Murmures.) Plusieurs membres : L'ordre du jour ! j
L'Assemblée a jusqu'ici éntendu des( adresses de félicitations sur son décret contre les émigrés. Je demande à lui lire le réquisitoire du procureur-général-syndic du départe-tement de la Moselle, qui n est pas tout à fait rédigé dans le même style.
Nous ne devons pas entendre les réquisitoires des procureurs-syndics, mais les adresses qu'on nous envoie directement. Il faut que Monsieur dise s'il est chargé de présenter ce réquisitoire à l'Assemblée. Si c'est son opinion personnelle, aucun membre ne doit manquer aux principes au point de faire prévaloir son opinion . Je demande l'ordre du jour.
Je demande qu'on entende
nu'à la fin la lecture de l'adresse dès citoyens ivet, parce que si lés principes de la Constitution y sont violés, il faudra y rappeler ceux qui l'ont faite. Nous ne devons pas souffrir que lés corps constitués violent la Constitution pour flagorner l'Assemblée. (Applaudissements.)
M. le secrétaire annonce que l'Adresse est signée par 30 citoyens de Givet et en achève la lecture.
Quelques membres : Mention honorable au procès-verbal. (Murmures prolongés.) D'autres membres, L'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) M. Mangin. Le réquisitoire dont je vous ai parlé m'a été adressé par le directoire du district ae Longwy. Je laisse a l'Assemblée le soin de décider si je dois en faire lecture. (Oui! oui!)
Un membre : Nos commettants ne nous ont pas envoyés ici pour entendre un réquisitoire de procureur-syndic, mais pour faire des lois; je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, déclare que le réquisitoire sera lu.)
, lisant: « Extrait des délibérations du directoire du département de la Moselle.
« M. le procureur-général-syndic a mis sur le bureau un exemplaire d'une proclamation du roi, et de deux lettres écrites aux princes français, ses frères, en date des 11 et 12 novembre 1791, et a dit : Messieurs, je dépose sur le bureau deux lettres du roi aux princes, ses frères, et une proclamation relative aux décrets de l'Assemblée nationale contre les émigrants et contre les princes absents. Vous y reconnaîtrez la bonté du monar-
2ue, et sa sollicitude paternelle pour le maintien e la tranquillité publique. Combien est précieuse pour nous la pérogative royale, combien peut nous avons à en redouter l'usage et combien au contraire nous devons en espérer d'avantages !
« L'Assemblée nationale a cru devoir prendre des mesures rigoureuses, soit pour forcer ces émigrés à rentrer en France, soit pour prévenir les suites de cette émigration. Le roi, dont le cœur bienfaisant et généreux a toujours répugné aux partis violents, a pensé qu'il fallait, avant
d'user de sévérité, essayer encore les voies de la persuasion envers ceux dont le crime n'a peut-être pour principe qu'une erreur; il a voulu les désabuser, et par des sollicitations où la tendresse fraternelle s'unit à la fermeté du prince, les engager à rentrer au sein de leur patrie. De tels sentiments sont bien propres à perpétuer pour lui l'amour des bons Français. Je requiers en conséquence que la présente proclamation et les deux lettres jointes seront imprimées sur-le-champ. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
5° Adresse de la société des amis de la Constitution réunis à Auch, qui félicite l'Assemblée nationale sur son décret relatif aux émigrants; cette adresse est signée par le président et le secrétaire de la Société,
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal.
Vautres membres : Non ! non ! L'adresse est inconstitutionnelle ! A l'ordre du jour !
Il est bien étonnant qu'on repousse ainsi l'hommage des sociétés patriotiques. Je soutiens qu'aucun article, de la Constitution ne leur défend d'exprimer collectivement leurs sentiments. La Constitution porte que les citoyens ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes. Or, les amis de la Constitution, assemblés à Auch, usent de ce droit et vous devez recevoir leur adresse. Jè demande qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal.
Et moi je soutiens qu'aux termes de la Constitution qui a aboli toutes les corporations et qui défend aux citoyens l'émission de vœux collectifs ; je soutiens, dis-je, que nous devons rejeter cette adresse et passer à l'ordre du jour.
Je réponds que l'adresse des amis de la Constitution dfAuch, n'est ni une pétition, ni un vœu collectif, mais seulement un hommage pur adressé à l'Assemblée nationale par des citoyens patriotes et assemblés paisiblement et sans armes. Or, je soutiens que cette adresse ne porte aucun caractère inconstitutionnel, et je demande qu'il en soit fait mention honorable au procès-yerbal. (Applaudissements.)
Je déclare, que je m'oppose, pour le soutien de la Constitution et l'honneur de l'Assemblée, à la mention honorable qu'on demande. Y a-t-il quelque chose d'honorable dans ce qui est contraire à la loi ? Lès sociétés connues sous le nom de club, n'ont pas le droit de délibérer, n'ont pas le droit de présenter des délibérations signées par des présidents et des secrétaires. La loi qui les a envisagées comme de simples particuliers sans fonction, a mis, par là, la distance qui devait être entre de simples individus et des administrateurs ; elle n'a pas voulu leur donner ce caractère de rapprochement tendant à leur donner une importance qu'ils n'ont pas ; elle n'a pas prétendu en faire des corps administratifs qui pussent croire qu'elle leur a confié la moindre fonction ; elle n'a pas voulu élever autel contre autel, et mettre les administrations dans le cas de yoir leur autorité en opposition avec une autorité fictive dans le principe ; mais qui croirait peut-être en avoir si on lui reconnaissait de la réalité, en reconnaissant des présidents, des secrétaires. Ces sortes d'adresses, effet de l'enthousiasme ou du vœu réfléchi d'un petit
nombre d'hommes, ne peuvent être reçues, parce qu'elles tendent à donner l'expression d'individus pour celle de la totalité \ enfin, elles sont au delà de la loi ; contre la loi; elles sont prohibées; la prohibition vous en est confiée, vous devez la prononcer, et je la sollicite de votre attachement a la Constitution, de votre amour pour les principes.
Le préopinant s'est trompé dans tout ce qu'il a avancé contre les sociétés des amis de la Constitution : La Constitution n'a pas proscrit l'établissement de ces sociétés. Je suis convaincu que si la précédente Assemblée eût - eu plus de temps, elle aurait mis dans la Constitution l'établissement de ces sociétés. C'est à la fin de ses séances, au moment où l'Assemblée constituante n'avait pas reçu depuis longtemps d'adresses de sympathiey ; qu'elle s'est élevée contre ces sociétés. Elles sont le plus ferme rempart, les colonnes les plus inébranlables de la société. Peut-on trouver mauvais qu'on applaudisse aux actes de fermeté, de sagesse et de justice que vous faites ? (Applaudissements dans les tribunes.)
S'il était question pourla première fois dans l'Assemblée de prendre une délibération pour savoir si on fera mention honorable au procès-verbal ou non d'une adresse envoyée par une société des amis de la Constitution, sans doute les réclamations qui s'élèvent pourraient être discutées, approfondies et décidées. Mais, Messieurs, ceux qui demandent que cette mention honorable soit faite au procès-verbal ont en leur faveur une infinité de décrets qui l'ont ainsi décidé en pareilles circonstances. (Applaudissements.) Inutilement voudra-t-on invoquer l'ordre du jour pour éviter de confirmer par un décret une mention honorable autorisée déjà par vingt décrets. Lorsqu'il a été question de faire mention de ces adresses, on a établi avec beaucoup de raison la différence qu'il y a entre une pétition et une simple adresse d'hommages. Ainsi donc il est inutile de renouveler des prétentions qui ont déjà été proscrites. Il faut suivre l'usage que l'Assemblée nationale a adopté avec connaissance de cause après une discussion mûre et faire mention au procès-verbal de l'adresse des citoyens d'Auch, parce qu'elle ne contient rien contre là. Constitution et que c'est un simple hommage d'adhésion aux décrets. (Applaudissements.)
Un membre : Messieurs, l'adresse est doublement inconstitutionnelle : 1° en ce qu'elle présente une délibération prise par un corps qui n'est point constitué; 2p en ce qu'elle présente un résultat collectif au nom de citoyens qui se sont assemblés par un président et un .secrétaire, formule que la Constitution réserve aux seuls pouvoirs publics.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voix diverses : La question préalable ! — L'ordre du jour !
(L'Assemblée rejette la question préalable, décrète qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour et qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'adresse de la société des amis de la Constitution d'Auch.) — (Applaudissements dans les tribunes.)
J'espère que cette question est décidée une fois pour toutes.
Voici les noms des membres élus par le comité des dépenses publiques qui, en vertu du décret rendu Ce matin, doivent composer, en partielles comités de Vordinaire et de Vextraordinaire des finances.
Pour le comité de l'extraordinaire des finances :
MM. Ballet.
Meunier
Cailhasson.
Duphénieux.
Monnot.
Pour le comité de l'ordinaire des finances :
MM. Langlois (Pierre-Nicolas).
Lafon-Ladebat.
Douyet.
Cornudet.
Fleury.
Amat.
Lacoste-Monlausur.
Lambert (Joseph).
Richard-de-Villiers.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens de Lille sur les travaux de l'Assemblée et sur la nécessité de faire cesser les accaparements scandaleux des blés , des grains et des comestibles. , .
(L'Assemblée décrète, qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
Voici les noms des membres élus par le comité de la Trésorerie nationale pour entrer dans le comité de l'ordinaire des finances, en vertu du décret de ce matin. Ce sont :
MM. Guyton-Morveau.
Cambon.
Dupont.
Dieudonné.
Dubout.
Dithurbide.
Suppléants.
MM. Bouvenot.
Collet.
Vivier.
Un membre, au nom du comité de division, fait un rapport et présente un projet de décret interprétatif de quelques questions adressées à l'Assemblée par le directoire du département de l'Oise, relativement à l'élection de ses administrateurs.
(L'Assemblée en ordonne l'impression et ajourne la discussion à jeudi soir.)
, au nom du comité de marine, fait une nouvelle lecture d'un projet de décret concernant l'admission au concours pour les places de capitaines et lieutenants de port, des maîtres de quai et jaugeurs de navire (1).
L'Assemblée adopte, sans discussion, le décret d'urgence et le décret définitif ainsi qu'il suit:
« L'Assemblée nationale, considérant que le moment des élections aux places de capitaines et lieutenants de port est arrivé, ainsi que celui du concours aux places de jaugeurs, et que l'intérêt commun exige qu'il soit fait quelques changements à la loi qui fixe le mode de ces élections, décrète qu'il y a urgence.
a L'Assemblée nationale, Ouï le rapport de son comité de la marine, ayant reconnu qu'il
n'est ni juste, ni conforme aux intérêts de la navigant)
Art. 1er.
« Les conseils généraux des communes, qui, conformément à l'article 5, titre III du décret du 9 août 1791, concernant la police de la navigation ét des ports de commerce, doivent nommer les capitaines et lieutenants de port, et qui, suivant l'article 11 dudit titre delà même loi, sont obligés de les prendre exclusivement parmi les navigateurs âgés de plus de 30 ans, et pourvus de brevets d enseigne dans la marine française, pourront, pour la première fois seulement, admettre en concurrence et comme éligibles, aussi bien que les enseignes de la marine, les maîtres de . quai, ci-devant attachés aux ports de leur arrondissement, s'ils sont âgés au moins de 30 ans, et s'ils ont 5 ans de service en cette qualité.
Art.-2,
« Les jaugeurs actuellement en exercice, seront maintenus dans leurs places, si, après avoir été examinés par les professeurs d'hydrographie en particulier, ils sont reconnus capables de suivre la méthode uniforme de jauger, qui doit être déterminée pour tous les bâtiments, en vertu de l'article 7 du titre III du décret du 9 août 1791. »
(La séance est levée à dix heures./
Séance du mardi
PRÉSIDENCE DE M. LACÉPÈDE.
La. séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les Secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du troisième bataillon de gardes nationales volontaires du Haut-Rhin, district de Bel-fort, qui protestent de leur zèle et de leur constante fidélité à observer les règles de la discipline et qui se plaignent de ne pas recevoir leurs appointements.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal et la renvoie, pour le surplus, au comité militaire.)
2° Mémoire du sieur Lenormand, marchand épicier à Amiens, qui demande la payement des livraisons qu'il a faites en 1789 et 1790 à l'abbaye de Cercamps.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de l'extraordinaire des finances.)
3° Adresse de la section de Henri IV, qui supplie l'Assemblée de dédommager le roi des désagréments inséparables de sa place et de lui exprimer le véritable attachement que tous les bons citoyens lui portent ; cette adresse est ainsi conçue:
Section d'Henri IV. « Du er décembre
1791.
« Messieurs,
« Les citoyens de la section d'Henri IV, témoins de vos efforts, applaudissant aux mesures que vous avez adoptées pour confondre les excès de l'orgueil et la rage au fanatisme, nous chargent de vous porter l'expression de leur vive reconnaissance.
« Mais tandis que vous êtes occupés d'assurer le bonheur général, à réprimer les ennemis publics, nous voyons avec regret des efforts impuissants se multiplier pour égarer on pour tromper les bons citoyens; dans l'impossibilité d'abattre la Constitution, l'on ose outrager les autorités constituées. La calomnie s'attache aux magistrats qui nous gouvernent, l'on élève, des soupçons sur les intentions du roi lorsqu'il a accepté la Constitution, et lorsque, par une foule d'actes solennels, il a juré de la défendre et de la maintenir.
« La liberté du roi, ses intentions, qu'on a pu égarer, mais dont la pureté ne doit plus être méconnue, nous force de nous rallier autour de Vous, pour vous supplier d'agréer de nouveau le serment d'être fidèles à la nation, de défendre de tout notre pouvoir la Constitution. .
« 'Daignez, Messieurs, dédommager le premier magistrat du peuple, des désagréments inséparables de la place éminente que la nation lui a conférée, en l'assurant que tousles bons citoyens ont l'œil constammment fixé sur lui, pour prévenir les malheurs auxquels ses ennemis, qui sont les nôtres, semblent vouloir le livrer ; dites-lui que la rage impuissante de ceux qui voudraient le tromper viendra se briser contre l'expression du véritable attachement que nous lui portons, que notre respect pour la loi nous aurait fait un précepte de l'amour, s'il avait pu être commandé pour un roi auquel les, bons citoyens aiment à payer le tribut d'un sentiment qui honore également ceux qui l'éprouvent et celui qui en est l'objet.
« Et pour présenter la présente pétition, la section a nommé MM. Etienne de La Rivière, juge de paix et président de la section ; Cuvillez, commissaire de police; Théodore Grenier, assesseur du juge de paix; Armand Gibert, Letellier, Lemaignien, Haudot et Prudhon, citoyens de la section.
« Signé : Etienne de la Rivière, président, Lambert, secrétaire. »
Plusieurs membres demandent l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention ho^ norable.
D'autres membres : La division.
(L'assemblée décide qu'il y a lieu à division et décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.) I
: Je mets aux voix l'insertion de l'adresse au procès-verbal.
Plusieurs membres : La question préalable !
Cette adresse est l'expression pure de l'amour et du respect des citoyens pour le roi, et je regarde comme un devoir bien doux de consigner ces sentiments dans le procès-verbal parce qu'ils sont dans le cœur de tous les bons Français. (Applaudissements.)
Quelques membres : Point d'amour pour un homme!
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et décrète l'insertion de l'adresse au procès-verbal.)
4° Lettre de M. Soller à laquelle sont jointes une pétition et diverses pièces relatives à la perte que M. Soller dit avoir faite à la poste, d'une somme de 10,464 livres 10 sols en assignats.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du sieur Soller au comité de l'extraordinaire des finances.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 décembre, au matin.
J'observe que le secrétaire, en rendant compte de l'adresse du conseil général du département du Nord, a omis de faire mention du renouvellement du serment civique qu'ils Ont fait, au nom de tous les citoyens de ce département et du zèle et du dévouement patriotique qu'ils ont témoignés en leur nom. Je demande que Cette omission soit réparée.
Un membre : Les administrateurs n'ont aucun caractère pour émettre un vœu quelconque ; ils ne sont établis que pour administrer. Leur reconnaître un autre droit serait blesser la Constitution.
(La motion de M. Gossuin n'a pas de suite.)
, secrétaire, donne lecture d'uhe lettre des députés de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, qui se plaignent de ce qu'un membre "de l'Assemblée nationale a accusé lès colons blancs de cette colonie d'avoir eux-mêmes provoqué l'insurrection des noirS ; cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président.
« Nous avons dénoncé lès amis des noirs comme les véritables auteurs des troubles qui ont dévasté la colonie de Saint-Domingue. Il n'est aucun homme de bonne foi, s'il est instruit, qui puisse encore en douter. Cependant M. Brissot, un des membres de cette société qui s'est Occupée sans relâche de faire naître ces troubles, ose nous accuser d'avoir nous-mêmes excité nos esclaves à la révolte pour invoquer le secours et la protection des étrangers; et comme si cette perfidie était réelle ou prouvée, il a demandé avant-hier que - l'assemblée générale de Saint-Domingue fût traduite à la haute cour nationale. Embarrassé du poids des maux qu'il a faits à la France, il cherche à détourner de lui l'attention publique ; il veut lier les représentants de la nation à sa défense personnelle. Il se flatte d'égarer la justice de l'Assemblée nationale pour se mettre à labri de ses décrets... tDes murmures prolongés interrompent cette lecture pendant quelques instants.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je demande que la lecture soit continuée jusqu'à la fin. Le comité colonial fera incessamment son rapport; vous verrez si les faits sont tels qu'on vous les a dénoncés, et certainement alors le parti qUe prendra l'Assemblée justifiera beaucoup de citoyens inculpés
, secrétaire, quitte la tribune.
Un membre : Je demande que le secrétaire ne quitte jamais la tribune sans un décret.
Un membre : Je demande que la lecture soit continuée afin que l'Assemblée puisse connaître la vérité ou la calomnie.
, secrétaire, remonte à la tribune et continue la lecture :
« ... Eh biën, qu'il donne ses preuves; nous supplions l'Assemblée nationale de les exiger. Et quant à nous, qu'une grande colonie a chargés au soin de la défendre, nous apporterons dans cette question des renseignements si multipliés, que l'opinion publique et la justice n'auront pas le droit de balancer sur la désignation des coupables.
« Signé : Les commissaires de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité colonial ! ,
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du sieur Poncelin, ci-devant chanoine de l'église de Montreuil, qui se plaint de n'avoir pas été compris, pour son traitement, dans la liste des ci-devant chanoines de la même église, et qui fait à l'Assemblée l'hommage de deux ouvrages relatifs à la Révolution.
(L'Assemblée agrée l'hommage, décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal et renvoie la demande au comité de l'extraordinaire des finances.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal dè la séance du lundi 5 décembre au soir.
Un membre : On. a fait mention honorable dans le procès-verbal de la séance d'hier au soir d'une adresses des amis de la Constitution de la vîlle d'Auch (1). Je soutiens qu'en cela on a contrevenu directement au décret du 29 septembre qui défend les pétitions en nom collectif.
Plusieurs membres : Ce n'est pas une pétition, c'est une adresse.
Le même membre : C'est jouer sur le mot, que de répondre que c'estune adresse ; elle a été délibérée et cette forme est proscrite. Je demande qu'on rapporte la loi du 29 septembre, ou qu'on retranche du procès-verbal la mention honorable décrétée hier. (Murmures.), .
Les réclamants confondent sans cesse le droit de pétition avec celui d'adresse. La question a déjà été jugée 20 fois, et il est bien extraordinaire que l'on s'acharne ainsi à la reproduire. La mention honorable a été décrétée nier à une grande majorité et il ne faut pas accoutumer ces Messieurs (M. Delacroix désigne la partie droite) à revenir le matin sur une décision de la veille. (Murmures à droite. —Applaudissements dans les tribunes.) Je demande qu'on passe à l'ordre du jour !
A droite ; Non ! non !
appuie la motion de M. Delacroix.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour. (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : Je conviens que l'on devait l'ordre du jour lorsqu'on demandait à revenir sur une décision rendue dans la séance précédente ; mais lorsqu'il s'élève à chaque instant des difficultés de cette nature, je ne conçois pas comment 6n peut s'opposer à ce que la loi soit rapportée et approfondie.
Je demande que les.termes de président et de secrétaire, qui sont au bas de l'adresse et
qui se trouvent consignés dans le procès-verbal, en soient rayés. Comme cette question se
représente tous les jours et se re-
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres : L'ajournement de la question] ;
Un membre : Je dois témoigner mon étonne-ment de ce qu'on propose de faire un faux dans le procès-verbal pour colorer une prétendue contravention à la loi. Je demande l'ordre du jour.
Je ne conçois pas, moi, comment on peut demander de passer a l'ordre du jour, lorsqu'une grande partie des membres de l'Assemblée demande l'ajournement d'une question aussi importante. Je demande que l'Assemblée renvoie à 1 un de ses comités l'examen de la question de savoir si les sociétés d'amis de la Constitution peuvent, en nom collectif, faire des adresses au Corps législatif. Nous pourrons ainsi discuter sur le droit de pétition et nous éclairer enfin sur le véritable esprit de la loi
Un membre : C'est pour la trentième fois que l'on rejette cette réclamation par des décrets. Je demande aujourd'hui, pour la trentième fois, qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, députés du département de la Corse, prêtent le serment individuel prescrit par la Constitution.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un arrêté pris par les administrateurs du département du Gard relatif aux inondations qui viennent de dévaster ce département. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une lettre que je viens de recevoir de M. le procureur général syndic du département du Gard. J'ai pensé qu'il était nécessaire d'instruire sur-le-champ l'Assemblée nationale des désastres que ce département vient d'éprouver par le débordement du Rhône et de plusieurs rivières.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : CAHIER. »
(L'Assemblée renvoie l'arrêté du département du Gard au comité des secours publics.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un arrêté du département du Nord, avec les pièces relatives au "sujet d'un incendie arrivé au village de Gon-nelieu.
(L'Assemblée renvoie l'arrêté au comité des secours publics.)
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui envoie à l'Assemblée un mémoire du département de Paris, qui demande que le décret par lequel il a été accordé une pension aux émployés pour le service divin dans les ci-devant chapitres, soit étendu aux mêmes employés dans les communautés religieuses.
(L'Assemblée renvoie le mémoire au comité de liquidation.)
4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un rapport et différentes pièces justificatives sur la demande formée par six gardes nationaux volontaires, d'une somme de 840 livres pour leur traitement comme gardiens des scellés mis en juillet dernier au Petit-Luxembourg.
(L'Assemblée renvoie la pétition et le rapport du ministre au comité de l'extraordinaire des finances.)
5° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande, formée par le directoire du département de Paris, d'une somme de 50,000 livres, pour les travaux, pendant cette année, des carrières de l'extérieur de Paris.
(L'Assemblée renvoie le mémoire et les pièces y jointes au comité de l'extraordinaire des finances.)
6° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, ayant pour objet la demande, formée par le directoire du département de Paris, du payement des 4 gardiens des archives des anciens tribunaux de Paris.
(L'Assemblée renvoie le mémoire et les pièces y annexées ati comité de l'extraordinaire des finances.
7° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, gui envoie à l'Assemblée un mémoire des administrateurs du département des Gôtes-du-Nord, relatif à quelques dispositions de la loi sur les jurés.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de législation.)
8° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un Mémoire des administrateurs du département de l'Aisne, qui réclament une indemnité en faveur des membres des conseils de département et de district.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de législation.)
9° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui fait part à l'Assemblée de la demande formée, par les administrateurs du département des Deux-Sèvres, d'un emplacement pour l'administration.
(L'Assemblée renvoie le rapport et les pièces y jointes au comité de division.)
10° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande que fait la compagnie charitable du payement des sommes par elle avancées, pour la dépense des chemises des prisonniers de Paris.
(L'Assemblée renvoie le mémoire au comité de l'extraordinaire des finances.)
, 11° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande formée par le directoire du département de Paris, de déterminer par quelle caisse, soit de la Trésorerie nationale, soit des districts, doivent être
payées les pensions accordées aux ci-devant employés des chapitres.
(L'Assemblée renvoie i'examen de cette question au comité de l'ordinaire des finances.)
12° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande formée par le directoire du département de Paris, du payement par le Trésor public de 2,400 livres, pour honoraires, fixées à 48 personnes chargées, en juillet dernier, de faire des perquisitions dans les maisons suspectes.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'ordinaire des finances.)
13° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministreJie l'intérieur, ayant pour objet la demande du département de Paris sur la continuation delà collection des registres du ci-devant Parlement et sur le payement des commis et fournisseurs qui ont été employés jusqu'ici pour cette collection.
(L'Assemblée renvoie cette demande et les pièces y relatives au comité de l'extraordinaire des finances.)
14° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, ayant pour objet la demande faite par le département de la Mayenne, d'êtrê autorisé à acquérir une maison pour y loger l'évêque.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de division.)
15° Pétition du sieur Claude-Renard Montcœur, lieutenant d'invalides retiré à Vesoul, qui réclame le payement des arrérages d'une pension de 200 livres.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.
16° Lettre du sieur Bordier, élu maire de la ville de Nemours, qui proteste de son attachement à la Constitution et de son courage à faire exécuter les lois.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal.)
17° Pétition de la demoiselle Salomon, qui réclame le payement des arrérages d'une pension de 150 livres, qui lui fut accordée en 1779, sur le bureau des nouveaux convertis.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
Avant de passer à l'ordre du jour, l'Assemblée veut-elle me permettre de lui faire lecture d'une lettre qui m'a été adressée comme Président de l'Assemblée nationale. Elle a été écrite par l'Assemblée constitutionnelle des Wighs.
Plusieurs membres : Oui ! oui !
J1 y a aussi une adresse à l'Assemblée nationale. Cette adresse m'avait déjà été envoyée le 25 octobre dernier, elle ne m'est points parvenue. Je viens de recevoir une seconde lettre ae M. Ramsdat, secrétaire de la Société, qui m'envoie un duplicata de la première lettre et de l'adresse. Elles sont écrites en anglais; en voici la traduction :
« Londres, le
« Monsieur.
« Le 25 octobre, j'ai eu l'honneur de vous adresser une lettre à laquelle était joint l'arrêté de la Société constitutionnelle des Whigs. Soupçonnant que ces papiers ont été égarés ou perdus à la poste, je saisis cette occasion de vous
en faire remettre les duplicata par un membre de notre société, qui aura l'honneur de vous les présenter.
« Je suis avec resp'ect, etc.
« Signé : Pierre Ramsdat, secrétaire de la Société. »>
Voici la lettre du 25 octobre.
« Londres, le 25 octobre.
« A M. Pastoret, Président de l'Assemblée nationale.
« Monsieur,
« Dans une assemblée générale de la Société constitutionnelle des Wighs, l'abrégé de la Constitution française a été lu et applaudi comme vous le verrez par l'arrêté ci-joint qui a passé à l'unanimité; je suis chargé par la Société ae vous faire passer ses arrêtés que je transcris à cet effet des registres de notre Société, pour vous les faire parvenir j espérant que vous voudrez bien les communiquer à l'Assemblée nationale, au roi. et à la nation française.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé
Pierre Ramsdat, secrétaire de la Société. »
Voici l'arrêté de la société :
« Londres, le
A l'4ssemblée nationale, auroi et à la nation française, la Société des Wighs constitutionnels à Londres; M. Briton, Président.
« L'abrégé de la Constitution,française ayant été lu par le secrétaire, les résolutions suivantes ont été prises à l'unanimité :
« Arrêté que la Société applaudit à la Révolution française et aux principes fondamentaux, d'après lesquels l'Assemblée nationale a formé la Constitution.
« Arrêté que la Société félicite l'Assemblée na-' tionale, le roi et la nation sur l'acceptation donnée à la Constitution par le roi des Français.
« Arrêté que la Société présente ses remerciements à l'Assemblée constituante sur le patriotisme sublime et le noble désintéressement qu'elle â montrés en établissant et maintenant jusqu'à sa séparation, les principes d'une Constitution, ouvrage de la sagesse et de l'intégrité, les bases de la liberté, l'anéantissement de l'aristocratie et l'émancipation générale d'un peuple hospitalier, généreux et bravé.
« Arrêté par nous Wighs constitutionnels, enfants de la liberté, que si un ou plusieurs pouvoirs despotiques, quels qu'ils soient, faisaient quelques tentatives pour enchaîner le peuple français, même pour altérer la liberté dont il jouit, notre vie et notre fortune seront employées (Vifs applaudissements.) à repousser leurs efforts jusqu'à la destruction entière de l'esclavage, dé l'usurpation et de la tyrannie. (Vifs applaudissements.)
«• Arrêté que copie de cette délibération sera faite par le secrétaire de la Société, et envoyée par lui à l'Assemblée nationale de France. (Applaudissements réitérés.)
Plusieurs membres demandent l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.
Vautres membres demandent l'impression.
Je demande que M. le Président soit autorisé à répondre à la Société des Whigs, pour lui témoigner la reconnaissance de la nation française.
Je demande l'envoi aux 83 départements.
Un membre : Et aux puissances étrangères.
Je dépose sur le bureau les originaux anglais.
Il né faut pas confondre toute une nation avec quatre ou cinq particuliers qui nous envoient des compliments. Je m'oppose à ce que M. le Président réponde à cette Société* (Murmures.)
Je demande que M. le Président réponde à cette Société. C'est une association qui embrasse l'Angleterre entière. Oh peut dire que la voix du club dés Whigs est la voix de tous les vrais Anglais. C'est elle qui maintient la Constitution dans ses vrais principes, c'est l'opposition de l'Angleterre, c'est l'Angleterre elle-même. On doit regarder comme un hommage précieux celui de cette Société. Je demande que M. le Président soit chargé d'écrire une lettre pour exprimer la satisfaction de la nation française dé recevoir les hommages de la partie la plus saine d'un peuple anciennement libre et les témoignages de son attachement à une Constitution qui promet le bonheur de l'humanité. (Applaudissements.)
Plusieurs membres: Pourquoi s'appellent-ils Whigs constitutionnels?
Plusieurs membres demandent pourquoi cette Société prend le titre de Wighs constitutionnels. J'observerai qu'au moment où la révolution s'est faite en Angleterre, les Wighs se séparèrent en deux parties. Les uns voulaient apporter quelques changements à la Constitution, les autres promirent de la maintenir et de la défendre». Ce sont ceùi-ci qui se sont perpétués sous le titre de Société constitutionnelle et qui vous écrivent aujourd'hui.
Plusieurs membres: Aux vofx les propositions !
(L'Assemblée décrète que l'adresse de la Société des Wighs sera insérée au procès-verbal én. français et en anglais (1){ imprimée et envoyée aux 83 départements, qui la feront publier dans les paroisses de leur territoire, avéc la réponse que le Président de l'Assemblée nationale est chargé de faire au Président de la Société constitutionnelle des Wighs.)
Un membre: Je demande que les commissaires qui porteront le décret à la sanction du roi soient chargés de lui présenter une expédition de l'adresse des Wigns. (Applaudissements.) ;
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Je prie l'Assemblée de me permettre de lui faire la lecture d'une lettre adressée au comité de la Trésorerie nationale par les commissaires de la Trésorerie nationale.
« Paris, le
« Nous avons l'honneur de vous adresser copie de la lettre me nous avons écrite mercredi
dernier à M. Tarbé, sur l'embarras que va jeter très incessamment dans le service des caisses
« Nous avons l'honneur d'être, etc. »
(Suivent les signatures.)
Votre comité, Messieurs, a cru qu'il était important de vous faire connaître cette lettre qui lui était particulière pour vous engager à vous occuper sans relâche des finances. Je demande que l'on mette à l'ordre du jour le projet du comité ajourné depuis longtemps.
Plusieurs membres : Après les colonies!
(L'Assemblée décrète qu'elle s'occupera des finances après la discussion de la question des colonies.)
L'ordre du jour est la discussion de l'invitation à faire au roi de suspendre l'envoi des troupes dans la colonie de Saint-Domingue (1).
Je demande à faire une motion d'ordre. Dévons-nous discuter des mesures provisoires qui préjugent le fond de la question des colonies? L-Assemblée nationale se croit-elle suffisamment instruite pour prononcer sur le fond de la question? Faut-il {livrer encore une fois au hasard l'effet de nos lois? Vous aviez, Messieurs, sur les observations très sages de quelques membres, ajourné la discussion ae tous les objets de législation relatifs aux colonies après l'audition du rapport de votre comité colonial. Quelle est donc cette nouvelle tactique (Murmures ptolongés.)... qui reproduit toujours les mêmes objets? Je prie l'Assemblée de considérer comment on l'a conduite à cette, discussion prématurée. A peine les nouvelles les moins fondées étaient-elles arrivées, qu'on s'est hâté de les commenter ? et depuis, tous les rapports officiels qui nous sont arrivés, sont précipitamment entrés dans lé cadre où l'on a voulu nous les montrer, non pas comme l'a dit l'orateur, le plus fécond sur cette matière, à travers le prisme au bon sens, qui n'a point de prisme, mais à travers le prisme de 1 esprit de système et des passions.Il n'a point paru suffisant... (Murmures.)
En parlant contre la tactique, on nous en donne une bonne leçon.
Je demande que l'opinant soit rappelé à la question.
Monsieur, l'Assemblée vous, rappelle que vous n'ayez la parole que pour une simple motion d'ordre.
J'ai dit, Monsieur le Président; que je faisais une simple motion d'ordre. Elle tend à prouver que nous allons nous occuper d'un objet qui n'a point été ajourné. (Murmures.)
Je rappelle à l'opinant qu'il y a un décret qui ajourne a aujourdhui la discussion sur la
suspension de l'envoi des troupes dans les colonies.
Je ne tiens point du tout à motiver ma motion d'ordre quelque important que cela me paraisse. Elle tend seulement à représenter à l'Assemblée que nous ne devons nous occuper que de l'invitation à faire au roi de suspendre les troupes, et non pas, comme dans la discussion qui a eu lieu hier, du fond de la question. Je conclus à ce que, sur-le-champ, on commence la discussion sur cette; branche seulement de la question des colonies, et je me réserve de demander la parole à mon tour.
Un membre : Je demande là question préalable sur toute la discussion des colonies.
Un membre : Les bâtiments destinés à Saint-Domingue n'ont pas encore de commandants et il sera peut être difficile d'en trouvèr. Il n'est donc pas possible que les troupes puissent partir avant le jugement que vous rendrez sur le fond de la question après le rapport qui vous sera fait par le comité colonial.
On vous a proposé d'inviter le roi à suspendre le départ de la flotte destinée à aller secourir la colonie de Saint-Domingue, dans la crainte que les colons ne se servissent des forces qu'elle leur porterait pour rompre le concordat qu'ils ont passé avec les gens de couleur. Je vous ai dit là-aessus qu'il fallait premièrement calculer si cette crainte était fondée; qu'il fallait, en second lièu, bien calculer les suites de la démarche qu'on vous propose.
Et d'abord, pour juger la réalité dès soupçons que l'on porte sur la fidélité des colons à exécuter le concordat, voyons quelle a été la conduite des habitants de Port-au-Prince, après la confection de ce traité ; ils l'ont aussitôt présenté à l'assemblée générale de la colonie pour y être ratifié. Celle-ci, qui avait déjà manifesté l'intention, comme vous l'avez vu dans un acte authentique, de récompenser le zèle des hommes de couleur, et d'étendre les bienfaits de l'égalité plus loin queledécretdu l5mai; celle-ci, qui doit par conséquent embrasser dans une loi générale les hommes de couleur de la colonie entière, a jugé convenable, sans déroger à aucune des clauses du concordat, d'en remettre la ratification solennelle au moment où elle traitera cette grande question.
Je ne vois, dans cette conduite, que bonne foi de la part deg citoyens de Port-au-Prince, que sagesse dans l'assemblée générale, que motifs d'assurance pour les hommes de couleur. Aussi ne voyons-nous point, depuis la paix de Port-au-Prince, qu'ils en aient fait aucune plainte, ni qu'une nouvelle division ait éclaté entre eux et les blancs. Non, Messieurs, ce n'est point ainsi qu'agit la mauvaise foi. Dans le péril elle promet tout, sûrej quand il sera passé, de ne tenir rien ; mais celui qui délibère, qui réfléchit avant de promettre, annonce par cela même qu'il sera invariable quand il aura accordé.
C'est, cependant, de cette conduite de l'assemblée coloniale, conduite qui n'inspiré aucun soupçon aux parties intéressées qui en sont témoins, que l'on a voulu tirer, à 1,800 lieues de distance, des inductions pour vous faire suspecter à vous-mêmes la foi et la loyauté des colons. On vous a dit : ou ils sont secrètement décidés à rompre le concordat, ou ils sont résolus à l'observer religieusement. Dans le premier cas les troupes leur serviraient d'instrument ; vous devez en suspendre le départ; dans lé second
cas, vous pouvez aussi le suspendre parce qu'elles leur deviennent inutiles. Ce raisonnement serait bon si, en effet, les colons n'avaient de démêlé qu'avec les mulâtres; mais vous connaissez tous les détails de la guerre sanglante que leur ont faite les nègres révoltés ; vous savez que, dans la partie du Nord, les blancs ont été réunis avec les mulâtres et que tous ensemble ils ont failli de succomber sous les coups des noirs; vous savez que les plantations des uns et des autres ont été brûlées parles nègres esclaves, que leurs femmes et leurs enfants ont été égorgés ; enfin, vous savez que les blancs, malgré leur réunion aux hommes de couleur, ont été forcés d'implorer les secours de tous les peuples voisins. Le concordat passé dans la partie de l'Ouést, ce concordat n'empêche donc pas que la colonie entière n'ait le plus pressant besoin de secours de toute espèce, comme la réunion des blancs et des mulâtres n'a pas empêché dans la partie du Nord une perte ae 600 millions, la perte de 15,000 nègres, le massacre de 1,100 blancs.
Remarquez, je vous prie, que dans le même raisonnement l'on a suppose que les troupes françaises serviraient d'instruments aux blancs pour tyranniser les gens de couleur ; que cependant M. Brissot avait dit, quelques minutes auparavant, qu'il fallait être fort réservé sur l'envoi des troupes dans les colonies, parce que les Soldats français, pleins d'idées de liberté, répugneraient peut-être à servir la cause des blancs contre des esclaves.
Ainsi, l'un veut que l'on envoie peu de troupes parce qu'elles refuseront d'obéir aux blancs et de combattre contre des esclaves révoltés ; l'autre veut qu'on n'en envoie point du tout parce qu'elles refuseront d'obéir aux blahcs et qu'elles combattront contre les mulâtres libres et paisibles. C'est sur de pareilles contradictions et sur des conjectures aussi frivoles que l'on veut pousser l'Assemblée nationale à une mesure qui serait en opposition avec ses précédents décrets, qui consternerait les villes commerçantes de l'Empire et réduirait peut-être les colonies au désespoir.
Pour juger de l'impression que ferait sur les colons la démarche qu'on vous propose, mettez-vous dans la position où ils se trouvent : environnés de meurtres et de ruines, épuisés de fatigue, agités de continuelles terreurs, ils cherchent partout des remèdes au présent, ayant tout à craindre pour l'avenir. C'est donc au milieu de ces angoisses qu'ils apprendront que les secours après lesquels ils soupirent, étaient prêts ; mais qu'ils ont été arrêtés par un ordre du Corps législatif auquel on avait fait craindre qu'ils ne lussent destinés pour violer les lois de la colonie . Et à défaut de secours, si ces retards occasionnaient de nouveaux massacres, si les nègres poussaient plus loin leurs ravages et continuaient leurs cruautés, à qui, Messieurs, imputerait-on ces retards ; sur qui retomberait la terrible res-
Êonsabilité ? Je le démande à tout homme de onne foi, qui pourrait, dans un tel excès de malheurs, reprocher à la colonie la résolution désespérée à laquelle la forcerait cet abandon ? On vous propose un retard de quinze jours ou trois semaines ; mais les vents peuvent encore le prolonger dé trois Semaines et au delà ; ils peuvent retenir lar flotte lorsque nous désirerons enfin qu'elle parte ; et cependant vous yous rendez caution de l'événement ; vous prenez sur vous tous les accidents qui seront l'effet du premier délai.
Je vous prie de considérer combien cette sus-
pension est contraire aux vœux de toutes les villes de commerce qu'elles ont si énergiquement exprimés, aux souscriptions qu'elles ont ouvertes, aux secours qu'elles ont dépêchés, au zèle avec lequel elles en préparent de nouveaux. Songez, Messieurs, que si le roi se rendait à votre invitation, et qu elle eût les suites probables que je viens d'exposer, le blâme en retomberait tout entier sur vous ; que si, au contraire, le roi ne s'y rendait pas, votre démarche n'en serait pas moins l'objet de la plus sévère censure ; songez qu'il est déjà parti assez de forces pour seconder la prétendue perfidie des colons contre les mulâtres et trop peu pour seconder la colonie contre les nègres rebellés.
Je vous en prie. Messieurs,, n'écoutez pas les injustes et impolitiques déclamations que l'on vous fait sur le caractère d'une intéressante portion de la France ; comptez plutôt sur le progrès des lumières, sur l'ascendant de la raison, sur l'intérêt bien entendu, sur la nature même dés choses;;et ne laissez pas périr ou échapper de vos mains, pour des soupçons chimériques, une superbe colonie nécessaire à votre commerce, à la prospérité de vos villes, à celle de votre agriculture et à l'existence de plusieurs millions de vos concitoyens.
Jè demande donc que l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion tendant à prier le roi de suspendre l'envoi des vaisseaux destinés à secourir Saint-Do-mingué.
Ma motion n'a pas pour objet la suspension du départ des troupes, et je m'étonne que les membres de l'Assemblée s accordent avec les journaux, pour m'âttribuer cette motion qui n'est pas de moi: (1).
Des scènes de carnage ont ensanglanté vos colonies. Saint-Domingue n'offrira bientôt plus que le spectacle d'une vaste solitude ; et cette île, qui alimentait notre commerce, va le faire tomber dans un entier dépérissement.
Dans le premier mouvement (findignation et de pitié qu a excité l'insurrection subite des
nègres, vous avez agréé des mesures qui présentent de grands avantages, mais qui peuvent
entraîner de grands abus. Vous envoyez des troupes dont les chefs sont, par principes et par
habitude, les
Vos colonies, vous dira-t-on, ont le droit de se gouverner ; elles ont l'initiative pour proposer des lois. Eh bien ! parce que les colonies ont le droit de se gouverner, parce qu'elles ont l'initiative, les Français doivent-ils seconder leurs vues, lorsqu'elles veulent enchaîner des hommes ? Ne serait-ce pas fouler aux pieds la Constitution et méconnaître les Droits de l'homme?
Loin de nous de pareilles maximes; aucun intérêt personnel, aucunes raisons politiques ne sauraient justifier des opinions semblables.
Le langage que je tiens, Messieurs, ne peut être suspect : je suis propriétaire à Saint-Domingue, j'ai épousé une créole, son bien fera peut-être toute ma fortune, on m'a dit qu'elle avait des nègres; je ne l'ai jamais cru, parce que je ne pourrais jamais croire être propriétaire d'un seul nomme. (Murmures et applaudissements.) Je ne me dissimule pas, Messieurs, que la manifestation de mon opinion va me faire beaucoup d'ennemis (Murmures.), mais quels qu'en soient les motifs, j'aurai dit à l'Assemblée nationale que les hommes doivent être reconnus également libres sur l'un et sur l'autre hémisphère ; que ce serait une tyrannie que de chercher à les enchaîner; qu'on n'a pas pu les acheter, plus que le recéleur n'a le droit de recéler les ODjets volés. (Murmures.) Qu'ils n'ont pu se vendre, ni vendre leurs enfants ; que des Français qui ont reconnu les Droits de 1 homme., se déshonoreraient à jamais s'ils étaient les premiers à violer ces droits, en fournissant les lorces pour les violer.
Je suppose les noirs comme de nouveaux héros de la Bastille, que loin d'être forcés par les Français à rentrer ou à demeurer dans l'esclavage, ils vinssent à obtenir sur nous quelques avantages et nous réduisissent à leur condition.
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question !
Que feriez-vous, Messieurs? Mettez-vous un instant à leur place et jugez-vous.
Au surplus, vous ne devez pas vous méprendre sur les vues des commissaires de la colonie; un
d'eux a déclaré publiquement que, si l'Assemblée nationale approuvait ce concordat, tous les
Je ne suis pbint député des colonies ni du commerce : j'ai dit de grandes vérités ; je le répète, puissent-elles se propager, et j'ai assez vécu...
Plusieurs membres : Oh ! oh !
Je déclare donc que je m'oppose au départ de ces troupes jusqu'après le rapport de votre comité colonial ; et lorsque vous vous déterminerez à envoyer des troupes, je demanderai que leurs bras et leurs armes ne puissent être employés sous aucun prétexte à d'autres usages qu'à la sûreté des personnes et des propriétés des colons, sans que, sous aucun rapport, ils puissent employer leurs forces, soit à maintenir l'esclavage, soit à priver les gens de couleur libres de leur qualité de citoyens actifs.
Je viens m'opposer, Messieurs, à la proposition qui vous a été faite d'ordonner la suspension de l'envoi des troupes prêtes à s'embarquer pour aller arrêter les suites de l'insurrection des noirs dans la colonie de Saint-Domingue.
Je crois cette suspension inutile ou dangereuse ; elle est inutile, si par le concours fortuit des circonstances, votre décret ne produisait aucun effet réel.
Or, sur les 6,000 hommes dont l'embarquement pour Saint-Domingue a été ordonné, 2,800 sont déjà partis ; en voilà près de la moitié que votre suspension ne saurait atteindre ; et quand vous parviendriez à retenir les autres, vous auriez perdu tout l'avantage qu'on vous fait envisager dans cette mesure, a l'instant même où vous la rendriez partielle.
Quel est en effet le but proposé par cette suspension? d'empêcher que les troupes destinées a réprimer une insurrection des noirs, ne soient employées à renverser, par la force, les dernières conventions passées entre les blancs et les hommes de couleur : or, quel que soit le nombre des troupes arrivées à Saint-Domingue, si ce perfide dessein y avait été conçu, elles seraient toujours suffisantes, non pour le faire réussir, mais pour le favoriser ; 2,800 hommes de plus ne parviendraient pas peut-être à réduire les mulâtres dans l'oppression ; mais ils serviraient du moins à alimenter le feu de la guerre civile. Ils seraient assez nombreux pour faire le mal que vous en redoutez; ils le seraient trop peu, pour produire le bien que vous devez en attendre.
Je raisonne dans une autre hypothèse : s'il est vrai que l'insurrection des équipages à Brest, suspende par le fait l'embarquement des troupes restantes, votre décret de suspension devient alors superflu : il a le double inconvénient de causer des alarmes inutiles et de prolonger peut-être l'état d'insubordination des matelots, en leur laissant l'espoir d'un plus long séjour à terre,
J'ai dit que la suppression du départ des troupes serait dangereuse, si elle n'était pas inutile. On ne peut nier, Messieurs, que les secours sollicités par le gouverneur et l'assemblée coloniale, ne soient extrêmement pressants. La révolte des noirs est bien loin encore de son terme ; des lettres du 20 octobre annoncent qu'ils continuent leurs ravages avec la même fureur ; un ferment de sédition existe dans toute la colonie; les nègres de la patrie de l'Ouest et de la bande du Sud sont alarmés par des mouvements de révolte ;
ceux de l'habitation Cambey, située aux environs de Gayes, étaient déjà en état d'insurrection. Les autres n ont été contenus que par l'exemple de deux exécutions sévères et surtout par l'accord momentané des blancs avec les hommes de couleur. En suspendant le départ des troupes, pou-vez-vous suspendre aussi la révolte des noirs, qu'elles sont appelées à réduire? Songez-vous qu'un retard de nuit jours peut amener la ruine entière de la colonie? Mais ne dût-il causer que la perte d'une seule propriété, ou la mort d'un seul citoyen français, voulez-vous consentir à en demeurer responsables ?
La suspension qui vous est proposée, soit qu'elle ait ou n ait point son effet, est nuisible sous un autre point de vue ; elle fournira une arme nouvelle à la calomnie. On ne manquera pas de dire que vous sacrifiez le sort de la plus florissante colonie à l'ordre de vos discussions ; je connais, Messieurs, l'esprit des places de commerce, ce seul mot inconsidérément jeté peut v répandre le découragement, il peut suspendre les expéditions si nécessaires dans ce moment; car quel armateur voudrait compromettre d'immenses capitaux, si la crainte d'un incendie général lui enlève la perspective de la vente de ses chargements et des retours en denrées coloniales ; l'idée seule d'un décret de suspension, rendu après un décret d'urgence, peut voUs faire accuser d'une inconséquénte contradiction; la nouvelle en arrivera sûrement à Saint-Domingue avant les mesures définitives que vous préparez, et ceux ui l'y feront passer ne ' se chargeront point I l'apologie de vos motifs. Doutez-vous que les ennemis de la mère-partie ne tirent parti de cette démarche, pour éloigner de vous les hommes de bonne foi ? Messieurs, vous pouvez, comme individus, mépriser la calomnie ; comme Goïps législatif, vous devez la craindre et la prévenir. Une calomnie adroitement répandue contre les représentants de la nation, est, dans ces circonstances, un véritable malheur public.
Ceux qui vous ont proposé cette suspension de l'envoi des troupes s appuient, il faut en convenir, sur un motif très plausible; ils ne veulent pas que le gouvernement puisse, contre vos intentions, faire marcher contre les mulâtres des troupes destinées à réduire et contenir les noirs ; ils ne veulent pas que les moyens employés pour calmer une sédition servent à faire éclater une guerre civile. Je partage avec eux ces alarmes; mais je ne veux pas, à mon tour, par intérêt pour les mulâtres, sacrifier les blancs et les noirs et les mulâtres eux-mêmes. Vous ne pouvez, dites-vous, sans un extrême danger, laisser partir les troupes, avant d'avoir réglé leur destination; donc il faut suspendre leur embarquement. Je suis loin de raisonner ainsi, Messieurs, puisqu'il est vrai qu'une mesure provisoire ou définitive doit précéder l'envoi des forcés militaires à Saint-Domingue, cé' n'est pas la suspension de leur départ qu'il faut adopter; mais cette mesure qu'il faut prendre incessamment. Celle que vous' a proposée M. Guadet me paraît la plus convenable, Je dis plus, elle est, mdis-pensablement nécessaire.
Daignez remarquer que le rapport de votre comité colonial est ajourné au 10 de ce mois; qu'une longue discussion, interrompue sans doute par de longs intervalles, doit précéder ensuite votre détermination. L'importance du sujet, la gravité, la complication des circonstances, l'intensité des passions opposées, tout vous com-
mande la plus circonspecte lenteur dans la décision que vous allez prendre; et j'ose avancer ici que rendre un décret définitif sur les colonies avant la fin de décembre, ce serait vous exposer aux reproches et aux dangers d'une grande précipitation. Que deviendra votre colonie durant ce périlleux intervalle? Si vous suspendez l'envoi du reste des troupes, vous risquez de la livrer aux dernières fureurs des noirs insurgents; si vous les laissez partir sans régler leur destination, vous hasardez d'un autre côté la vie et l'existence civile des hommes de couleur. Tout vous ramène donc, Messieurs, à une mesure provisoire.
Observez, Messieurs, avec quelles ressources d'esprit on est parvenu à vous faire rejeter, sans que la discussion ait pu s'ouvrir, cette précaution indispensable; car c'est en effet rejeter une mesure provisoire, que de l'ajourner jusqu'à l'instant où les résolutions définitives doivent être prises.. On s'est opposé à la discussion de la motion de M. Guadet, par des moyens pris dans le fond même de la discussion; on a dit qu'elle contrariait les dispositions du décret du 24 septembre, c'est ce que la discussion aurait fait voir; on a dit qu'elle préjugeait les dernières résolutions de l'Assemblée, c est encore un point que la discussion aurait éclairci. Enfin, Messieurs, on vous a menacés du reproche de légèreté française, comme si la légèreté ne consistait pas plutôt a rejeter sans discussion, qu'à adopter après un mûr examen. Il eût été si simple^ de si bonne foi, de débattre paisiblement cette mesure pour l'adopter, si elle était reconnue utile ; la rejeter, si on était parvenu à en démontrer les inconvénients et les dangers; mais il est clair qu'on redoutait cette discussion; et tout ce que je me permets d'en conclure, c'est qu'elle n'eût pas été favorable à ceux qui sont parvenus à s'en débarrasser.
Messieurs, vous ne pouvez, sans danger, suspendre le départ des troupes ; vous ne pouvez, d'autre part, les laisser partir sans réglèr leur destination. Une mesure provisoire vous est proposée, pouvez-vous refuser de la prendre en considération? Je demande que la motion faite de maintenir provisoirementles conventions passées entre les blancs et les hommes de couleur soit discutée sur-le-champ, et qu'on ne crie point à la surprise; je ne veux point enlever un décret, mais appeler la lumière sur une proposition. Ce n'est jamais ceux qui provoquent 1 examen, qu'on pourra soupçonner de vouloir surprendre cette Assemblée. Il ne sera plus temps, Messieurs, de revenir sur cette mesure provisoire à l'époque fixée pour son ajournement. Si elle est utile, en effet, comme un . grand nombre de vous l'a déjà pensé, n'auriez-vous point quelques regrets à former, quelqué reproche à vous faire, de vous être volontairement privés de ses avantages.
Je demande : 1° la question préalable sur la suspension de l'envoi des troupes à Saint-Domingue ; ie demande, 2° que la discussion soit ouverte sur la motion de M. Guadet. (.Applaudissements.) ;
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je crois, Messieurs, que la suspension demandée n'entraîne aucun inconvénient, ou du moins je crois qu'il est à la disposition de votre comité colonial de les prévenir, puisqu'il dépend de lui d'éviter toute espèce de retard.
En effet, vous avez-décrété, jeudi, qu'il vous ferait part de ses idées le 10 de ce mois, et ce n'est
que le 12 que l'embarquement doit être effectué, d'après le plan du ministre. Que votre comité réponde à votre attente, qu'il s'empresse de satisfaire à son propre zèle, et toute discussion sera terminée. Il ne résultera alors d'autre retard que le temps nécessaire à un courrier pour aller de Paris à Brest. Le parti, au contraire, opposé à la suspension, me paraît avoir tous les inconvénients. Je me bornerai à citer un seul de ces incon; vénients, parce qu'il est si nuisible, si grand et si affreux, qu'il renferme tous les autres ; c'est que dans l'état où sont les choses, si avant que vous ayez pris une détermination, nous laissons partir nos troupes, de deux chose l'une, ou-bien il faudra que nos soldats, comme l'équipage de la frégate l'Embuscade, se refusent à la subordination et à l'obéissance (Murmures), ou bien, ils doivent être, contre leur, sentiment le plus cher, les instruments de l'injustice la plus cruelle et du massacre le plus affreux.
Il ne faut plus douter de la perversité des colons blancs, des desseins perfides de ces lâches déserteurs ae la cause des hommes, qui s'attachent à servir leurs basses intrigues. Attendez-vous à tout des uns et des autres, n'espérez rien de l'humanité de ces hommes, qui ne trouvent d'autre excuse à leur orgueil effréné, que l'aveu de leur excessive faiblesse. Vous avez assez entendu les diatribes qu'ils ont débitées à votre barre, qu'ils ont insérées dans des adresses.
Si vous laissez partir le Convoi avant de s'être assuré des moyens de précautions nécessaires, ce serait marcher à l'oppression, ce serait couronner les crimes des colons blancs, ce serait étouffer la liberté, eei serait la ravir à une classe d'hommes à qui elle est due aussi bien qu'aux colons. Je ne veux pas anticiper sur la délibération, qui bientôt achèvera de dissiper les ténèbres dont on s'est continuellement enveloppé. Mais j.e réponds à l'objection qu'on a faite que Si l'Assesmolée nationale demande la suspension, elle affranchira les agents du pouvoir exécutif d'une responsabilité donfelle deviendra garante; je réponds, dis-je, en observant que ce prétendu délai peut être si court qu'il ne peut rien changer, aux événements. Mais dût-il y avoir une responsabilité véritable, telle qu'on voudrait la faire envisager, je crois qu'il vaut mieux s'y exposer que de devenir oppresseurs de ceux qui réclament leurs droits. Quelle que puisse être d'ailleurs la calomnie,que des ennemis de la liberté ajouteront à celles qu'ils vomissent chaque jour, nous ne devons point balancer à prévenir des crimes inévitables.
Je demande qu'on invite le pouvoir exécutif à suspendre l'envoi des troupes qui restent encore à envoyer,, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale aitpris une mesure définitive. (Applaudissements.}
Lorsque je proposai, à l'Assemblée nationale d'inviter le roi de faire provisoirement maintenir et exécùter, dans la partie française de Saint-Domingue, le concordat passé en septembre, entre les blancs et les hommes de couleur, j'étais bien loin d'imaginer que cette motion pût amener celle de suspendre l'envoi des troupes destinées pour Saint-Domingue.
Lom de moi, Messieurs, cette supposition que cette mesure ait eu d'autre but, ait pu avoir d'autres motifs que l'amour de la patrie et le désir bien sincère de ramener le calme dans cette importante colonie. Mais, Messieurs, puisque les nommes entièrement dévoués au parti aes colons blancs, puisque des hommes dont la
propre gloire et l'intérêt tiennent à l'exécution du décret du 24 septembre ont osé dire, imprimer, publier que, pour achever de perdre la colonie, j'avais proposé moi-même cette suspension de l'envoi des troupes, il doit m'être permis de faire remarquer quelle, différence il y a entre les deux propositions : par l'une, vous pouviez sauver la colonie ; par l'autre, vous pouviez la perdre. Quel est en effet le dernier état de la partie du nord de Saint-Domingue ; je ne parle que de celle-là. Des lettres arrivées du Havre, apportées par un navire parti le 20 octobre, annoncent qu'à cette époque encore les noirs étaient sur les mornes et dans un état d'insurrection. Les mêmes lettres annoncent que dans la partie de l'Ouest on apercevait de très vifs mouvements
dans presque tous les ateliers de------ qu'il est
probable que la colonie de Saint-Domingue est encore livrée dans ce moment à tous les malheurs dont les députées de l'assemblée Coloniale Vous ont présenté le tableau. D'un autre côté, il est pronable aussi que les forces destinées pour Saint-Domingue serviront malheureusement au parti des citoyens blancs contre les gens de couleur. Il est à craindre que la violation du concordat, si elle est soutenue par des forces dont le savoir serait de faire exécuter le décret du 24 septembre, n'amène de très grands maux. I Mais, Messieurs, songez mie pour des législateurs, il1 ne peut y avoir d incertitude lorsqu'il s'agit de se prononcer d'un côté sur des faits, et dé l'autre sur des probabilités. Or, les faits sont qu'il faut arrêter la révolte des noirs par laquelle toutes les propriétés' sont exposées à des invasions et à des ravages. Voilà ce qui est certain.
D'un autre côté, la probabilité est que les forces ne seront pas envoyées dans le sens que le désirerait votre humanité ; mais encore une fois, d'un côté je vois des faits certains, je vois de l'autre de simples Conjectures, et d'après cela je ne peux pas balancer. J'observe, de plus, que les Convois destinés pour Saint-Domingue doi-vént porter non seulement des hommes, mais des vivres, dont cette malheureuse colonie doit avoir un très grand besoin ; car vous vous imaginez bien, Messieurs, que les négociants qui calculent, n'ont pas fait partir beaucoup de navires pour la colonie de Saint-Domingue depuis qu'ils ont pu craindre que les retours ne seraient pas bons. Il est donc probable que la colonie de Saint-Domingue manque des choses les plus urgentes pour sa subsistance, et cependant vous ne pouvez guère arrêter l'envoi des troupes sans arrêter en même temps les vivres destinés pour cette colonie.
Voilà, Messieurs, des Considérations assez importantes pour devoir vous déterminer dans cette occasion. Qu'il me soit permis de vous les rappeler au nojn de la patrie, de l'humanité, au nom même de nos frèresi que vous ne voulez pas envoyer au tombeau* Est-il donc impossible que lorsque de bons citoyens, animés du désir du bien public, vous disent: le salut de la colonie tient peut-être à cette mesure provisoire, est-il donc impossible qu'on ne l'examine, qu'on ne la dispute et qu'on Padopte ou qu'on la rejette?
Messieurs, je paie ici le tribut què'jé dois à ma patrie, et de ma conscience et de mes lumières, lorsque je dis à l'Assemblée nationale : Vous perdez Saint-Domingue sans retour, si avant que vos forces partent, vous ne leur donnez pas des instructions telles que vos intentions ne soient pas trompées. Oui, Messieurs, vous courrez le risque immense de perdre la plus: florissante de
vos colonies. Il n'est plus possible de se taire : les colons blancs de Saint-Domingue ne veulent pas de concordat, ils l'ont tous déclaré, ils ont reproché avec aigreur, avec indécence peut-être à un ami de l'humanité d'avoir dit, dans cette tribune : « Périssent les colonies, plutôt que de sacrifier un principe. » Eh ! ils ne rougissent pas de dire : « Périssent les colonies, s'il Faut que nous accordions aux hommes de couleur les droits que leur concordat leur assure ! » Tel est, en effet, le langage des six commissaires de l'assemblée générale de Saint-Domingue ! (Applaudissements) Qu'arrivera-t-il donc, Messieurs ? Ce qui arrivéra, le voici : Les hommes de couleur sont armés; ils sont plus nombreux que les blancs ; eh ! manque-t-on jamais de courage lorsqu'il s'agit de recouvrer les droits imprescriptibles des citoyens ? (Applaudissements.) ,
Plusieurs membres: Bien! bien!
Ils ont souscrit un concordat dans lequel on a reconnu leurs droits par trois sentiments bien respectueux : celui de l'éternelle justice, celui de la reconnaissance et celui de la raison. Croyez-vous, Messieurs, et pour-riez-vous croire que les hommes de couleur se laisseront ainsi enlever les droits qu'on leur a reconnus ? Non, Messieurs, c'est chose impossible ; si les députés de l'assemblée générale de Saint-Domingue vous ont peint d'une manière si énergique cette fureur des nègres qui empalèrent un enfant blanc pour leur servir de drapeau, qu'ils craignent de voir bientôt sur la bannière des hommes de couleur cette devise d'après laquelle la colonie doit être ensevelie: « le désespoir. »
Voilà. Messieurs, ce que des législateurs froids, des législateurs qui pèsent sainement les intérêts des peuples, doivent calculer dans leur sagesse; et, je ne crains pas de le dire, vous auriez aux yeux de la France, aux yeux de la postérité, aux yeux de l'humanité, un reproche éternel à vous faire, si, pouvant d'un seul mot, diriger les forces destinées pour Saint-Domingue vers des intentions pacifiques, vous les laissiez partir, au contraire, avec l'obligation de seconder la perfidie des citoyens blancs, et de faire exécuter le décret du 24 septembre.
Voilà les réflexions que je crois devoir vous proposer; si pourtant vous ne les croyez pas capables de déterminer la mesure provisoire qui vous à été proposée par M. Vergniaud, car je la préfère à la mienne; alors, comme j^ ne sais pas balancer, ainsi que je vous le disais tout à l'heure, entre les craintes qui naissent dans mon cœur, des probabilités bien fondées, et celles qui naissent, d'un autre côté, de faits certains , je déclare de nouveau m'opposer à la proposition de la suspension de renvoi des troupes. (Applaudissements.)
Plusieurs membres: Aux voix! aux voix!
Vautres membres: Fermez la discussion! (Non! non !)
M. Cahier, ministre de l'intérieur, demande la parole.
, ministre de l'intérieur. Je parlerai après la discussion.
Un membre: Ah! la discussion est trop intéressante pour l'interrompre.
(L'Assemblée, consultée, décrète que la discussion sera continuée.)
Je viens appuyer la demande qui a été faite de suspendre l'envoi des troupes à Saint-Domingue. Je suis bien loin, Messieurs, de
m'opposer aux secours que la France doit à ses colonies.
Mais, Messieurs, je demande que l'envoi qu'on se dispose à faire soit déterminé avec tant de prudence, tant de sagesse, que la France ne puisse douter qu'il remplit l'intention de l'Assemblée nationale. Je ne crois pas les troupes qui se disposent à partir dirigées comme elles devraient l'être ; je ne crois pas que ces troupes puissent répondre à vos vues. Pour vous le prouver, Messieurs, je n'aurai pas besoin de grands efforts ; je vous rappellerai ce qui s'est passé dans ces différentes îles, et notamment dans les Antilles. La force armée qu'on y a employée jusqu'à présent, loin de maintenir l'ordre et la paix, loin d'y assurer la tranquillité, d'y assurer la protection des personnes et des propriétés, n'a, au contraire, été jusqu'à présent qu'un moyen de troubles et ae désordres. Je n'accuse point ici les soldats français, leur patriotisme est trop connu ; mais dirigés jusqu'à i présent d'après un système de contre-révolution, / dirigés par des vues ambitieuses, toujours les soldats qui ont été envoyés dans les îles, se sont trouvés en opposition avec les principes de la Constitution.
" Je sais que rien n'est plus pressant que de secourir nos colonies. Mais aussi, Messieurs, je sais qu'il faut que ce secours soit efficace, et je soutiens qu'il ne le sera jamais, tant que les commandants qui sont dans ces pays, tant que les officiers supérieurs qui dirigeront les troupes, seront animés de l'esprit qui les a dirigés jusqu'à présent.
Je proposerais donc, pour mesure générale, de substituer aux 2 ou 300 hommes qui doivent suivre Ceux qui sont déjà partis, des troupes tellement inaccessibles à toutes épreuves ou suggestions, des troupes tellement confiantes, dont les chefs soient tellement pénétrés des principes de la Constitution, que jamais vous ne puissiez avoir la moindre inquiétude sur le succès de leur expédition. En vous proposant, Messieurs, des troupes dirigées par des chefs patriotes, éclairées elles-mêmes sur les principes de la Constitution, je vous ai nommé des gardes nationales. On me dira que ce serait retarder trop longtemps l'envoi des troupes ; mais, Messieurs, daignez remarquer que le dernier envoi de forces ne peut avoir lieu, dans tous les cas, que vers le 15 ou le 20, et vous aurez assez de temps pour préparer rembarquement des gardes nationales. Cette époque peut être encore retardée par la disposition des soldats qui ont peu de confiance en leurs chefs, comme l'a prouvé- l'insurrection de Brest, où on n'a pas voulu suivre l'officier désigné par le pouvoir exécutif. La mesure que je propose est donc la seule efficace, la seule qui puisse empêcher que les secoUrs qu'on envoie aux colonies ne deviennent dangereux.
Un membre: Tout ce qu'on vous offre sur la question d'accélérer ou de retarder le départ des troupes, n'est que systématique; mais,on ne vous expose pas ce que vous perdrez, si vous retardez ces secours. Vous ne connaissez pas vos richesses; je demande à vous en présenter le tableau. (Murmures.)
(L'Assemblée décide que le préopinant ne sera pas entendu.)
Le débàt sur l'invitation à faire au roi pour suspendre le départ des troupes, me paraît arrivé à un tel point de maturité qu'il est inutile de répéter les arguments qui ont été
données pour et contre. Je me contenterai de les résumer en peu de mots, et pour cela je me réduis à ce dilemme : ou le roi se rendra à votre invitation, ou il ne s'y rendra pas. S'il s'y rend, vous vous chargez d'une responsabilité effrayante, et ses agents n'en auront aucune. S'il ne s'y rend pas, vous aurez fait une démarche inutile et éventuellement dangereuse. J'ajouterai encore qu'il y aurait une incohérence, une contradiction manifeste entre les diverses décisions de l'Assemblée nationale. Nous avons remercié l'Angleterre pour lés secours qui avaient été d'abord promis et depuis envoyés à Saint-Domingue; nous avons remercié les Etats-Unis pour le même objet et nous prononcerions, sinon la suspension totale, du moins une suspension partielle, des secours nécessaires et demandés. Lorsqu'on approuve les démarches faites par les autorités, pour hâter les secours étrangers, il est étrange que l'on Veuille suspendre les secours nationaux. Enfin, Messieurs, je vous observerai encore que s'il est nécessaire que les forces qui doivent être envoyées aux colonies soient augmentées, vous vous chargerez vainement de la responsabilité du pouvoir exécutif en cette partie. Le roi ne pourrait y obtempérer parce qu'il demeurerait responsable envers la nation au retard qu'il aurait pu occasionner en laissant échapper l'instant favorable de faire partir ces secours.
On paraît craindre que les forces envoyées dans les colonies ne soient mal dirigées. L'Assemblée me semble divisée d'opinion à cet égard...
Plusieurs membres : Non! non! Pas du tout!
Quelques-uns d'entre nous croient qu'il y a un danger imminent, dans la circonstance actuelle, à envoyer des forces qui pourraient être dirigées contre les gens de couleur. D'autres, et je suis de ce nombre, pensent que le malheur, la nécessité, et disons-lej Messieurs, car il faut rendre encore quelque justice aux principes de nos concitoyens et nous n'avons pas le droit de les calomnier, disons qu'il est au moins possible, qu'il est vraisemblable, que les blancs et les gens de couleur, réunis dans le sentiment du danger commun, voudront jouir en commun des bienfaits de la loi.
Voix diverses: Non! non! Oui! oui!
Enfin, Messieurs, le principal agent de l'autorité, celui entre les mains de qui cette force sera confiée, vous a-t-il donné quelque motif de douter de ses intentions ? Non. M. Blanchelande, dans toutes ses dépêches officielles, parle avec éloge du zèle des gens de couleur, et personne n'a révoqué en doute qu'il ne se soit concilié leur confiance, et qu'il n'ait usé, pour l'avantage commun, des forces des gens de couleur, qui ont été mises entrasses mains.
Messieurs, avant de conclure à la question préalable sur l'invitation à faire au roi, qu'il me soit permis, puisque, ainsi que je l'avais prévu avec raison, l'Assemblée s'est laissée déjà entraîner et ne s'est pas renfermée strictement dans la branche de la discussion qui était à l'ordre du jour, qu'il me soit permis, pour chercher à former une opinion commune et dans le même esprit qui doit tous nous animer, de ré-
Kondre quelques mots aux observations de
F. Guadet.
Voix diverses : Non ! non ! Ce n'est pas là la question ! Laissez-le parler !
Je demande que la discussion porte uniquement sur la suspension de l'envoi des troupes.
Je demande que M. Dumas soit entendu dans tous les moyens qu'il veut présenter à l'Assemblée.
Il y a là tleux questions absolument séparées. Pour le moment, la question est de savoir si on suspendra ou non. L'Assemblée entend-elle traiter à la fois la question des mesures à prendre et la question de la suspension ?
Plusieurs membres : On ne peut pas !
Si on ne peut pas, il faut les diviser, sans quoi nous tomberons dans une discussion interminable.
J'observe que dans la motion d'ordre que j'avais faite au commencement de la séance et que l'on a interrompue, j'avais bien prévu que la discussion prendrait le cours
Su'elle a pris et qu'on unirait les deux questions, epuis, M. Guadet parlant comme moi contre la suspension du départ des troupes, a été entraîné à nous donner son opinion sur les mesures provisoires déjà ajournées. Eh bien, moi aussi, je les renfermerai dans ma discussion et je prouverai que la mesure provisoire que vous propose M. Guadet est radicalement anticonstitutionnelle. (Rires et murmures à gauche.)
Avant de vous laisser entrer dans cette voie, je dois consulter l'Assemblée .pour savoir ji vous unirez ou si vous séparerez dans votre discussion la question de la suspension et celle du maintien provisoire du concordat.
Je ne discuterai pas plus longuement s'il y a opportunité à prendre une mesure provisoire; je me référé a l'esprit du décret qui a fixé à aujourd'hui la partie de la discussion relative à la suspension de l'envoi des secours, et je ne serais pas entré dans la discussion des mesures provisoires, si l'Assemblée, en écoutant M. Guadet, ne m'avait ouvert une voie que ie croyais pouvoir suivre. Mais je rentre dans l'ordre du jour, et je fais formellement la motion que la discussion soit fermée sur cet objet et que l'on puisse aller aux voix par oui ou par non.
Je demande à faire une motion d'ordre. Il était très simple de prévoir ce que M. Dumas a prévu, c'est-à-dire qu'on ne pourrait engager la discussion sur la question de savoir si on suspendrait le départ des troupes sans l'engager aussi sur les mesures provisoires qui ont été proposées. Et pourquoi cette prévoyance est-elle venue à l'esprit de tout le monde? Parce que ces deux questions sont si intimement liées qu'il est impossible de les séparer, parce qu'il est impossible de sentir les inconvénients de la suspension du départ des troupes, sans désirer en même temps remplacer cette mesure par une autre. Voulez-vous, Messieurs, que nous perdions le temps en vaines délibérations, ou voulez-vous que nous l'employions d'une manière utile à la patrie? Dans le premier cas, bornez-vous à discuter sèchement la question ridicule de savoir si nous ferons une invitation au roi pour qu'il suspende l'envoi des secours. Quand vous aurez là-dessus prononcé la question préalable, je vous demande quel est celui de vous qui sortira de la séance
content de ce qu'il aur,a fait pour la patrie: Personne.
Au contraire, Messieurs, lorsgu'en calculant les dangers qu'il y aurait à laisser partir les troupes sans leur donner les instructions précises qui doivent rendre utile leur envoi, nous aurons délibéré sur ces instructions ; alors, dans le fond de notre conscience, nous aurons le sentiment que nous avons rempli un devoir sacré, et la patrie pourra peut-être nous avoir quelque obligation.
Je demande donc, attendu .que nous ne saurions faire une chose utile en nous renfermant dans la première partie de la discussion, que nous délibérions sur les instructions qu'il convient de donner aux troupes qui vont partir, et qu'en conséquence M. Dumas soit entendu en réponse à M. Guadet, ainsi que tous ceux qui voudront parler sur cette question. (.Applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Nous n'avons qu'une question à trancher. Laisserons-nous partir les troupes, ou ne les laisserons-nous pas partir? Lorsque vous aurez épuisé cette question, si vous décidez
Sue les troupes partiront, alors il sera temps 'ouvrir la discussion sur les instructions à donner. Si, au contraire, vous décidez què vous inviterez le roi à suspendre le départ des troupes, alors vous n'aurez.pas besoin de ces instructions. Je demande donc l'ajournement de la motion de M. Vergniaud et que la discussion soit continuée sur cette question : « Enverra-t-on des troupes ou n'enverra-t-on pas des troupes ?
Pour donner satisfaction à M. Masuyer, voici ma motion : mettre aux voix sur-le-champ la question préalable ~sur la suspension du départ des troupes et ouvrir la discussion, sans désemparer sur les mesures provisoires.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion sur la proposition de suspendre le départ des troupes, puis rejette cette proposition par la question préalable.)
Un grand nombre de membres : Aux .voix ! aux voix ! La seconde proposition de M. Vergniaud!
Je demande la parole avant qu'on mette aux voix la discussion immédiate des mesures provisoires. (Non! non !—Le bruit couvre la voix ae Vorateur.)
(Pendantquelques minutes l'Assemblée est dans le plus grand tumulte.)
On veut provoquer la guerre civile. (Murmures prolongés?)
Monsieur le Président, faites votre devoir !
Faites le vôtre-, Monsieur, en vous taisant!
Un grand nombre de membres : Aux voix la discussion des mesures provisoires! (Non ! non!)
Monsieur le Président, consultez l'Assemblée! (Le calme se rétablit.)
Je ne peux pas parler à une foule en tumulte, mais je dois consulter une Assemblée délibérante. On demande là parole sur la question de savoir si l'Assemblée s occupera en ce moment des mesures provisoires. Je
vais consulter l'Assemblée pour savoir si ces messieurs seront entendus.
(L'Assemblée décide qu'ils ne seront pas entendus.)
Je mets maintenant aux voix si là discussion s'ouvrira immédiatement sur lés mesures provisoires.
Un membre : Je demande la question préalable!
(La question préalable qui n'est pas appuyée n'est pas misé aux voix.) ,.,
(L'Assemblée décrète qué la discussion des mesures provisoires sera ouverte sur-le-champ.)
Avant de commencer cette discussion, je donne la parole à M. le ministre de l'intérieur, qui l'attend depuis longtemps pour vous lire trois mémoires : le premier, sur les troubles survenus à Saint-Omer, au sujet de l'exportation des grains ; le second sur les frais que le rassemblement des gardes nationaux destinés pour les frontières a occasionnés dans divers départements ; le troisième sur les vexations exercées en Espagne par le- gouvernement espagnol contre les Français qui sont établis dans ce pays.
, miniitre de l'intérieur. Messieurs,jedois vous apporter quelques éclaircissements sur Y affaire de Saint-Omer, dont l'Assemblée a déjà eu connaissance. La récolte ayant été abondante dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, il paraît que les négociants ont déjà fait leurs spéculations et qu'ils y ont fait des achats assez cônsidérablés pour que le prix du blé ait augmenté tout à coup d'environ un tiers. Ce renchérissement subi a alarmé les citoyens et produit une fermentation qui s'est manifestée surtout à Saint-Omer où se reunissent les bateaux chargés de grains qui descendent par différents cânaux. Plusieurs de ces bateaux ont été arrêtés et déchargés par un grand nombre d'habitants qui ont même encombré le canal avec des pierres, sans que la municipalité ait pu empêcher ce désordre. Les troupes qu'elle a requises n'ont point cédé au mouvement populaire.
Il y à eu une proclamation du roi (1) pour rappeler les différentes lois concernant la libre circulation des grains, et pour en assurer Y exécution : les officiers municipaux de Saint-Omer, munis de cette proclamation, Ont Cru pouvoir faire, à l'aide d'un nouveau régiment,'une; seconde tentative pour le passage des gâteaux ; mais il résulte de leur procès-verbal qu'ils' n'ont , pas été plùs heureux que la première fois ; ayant été mêmè obligés de se retirer à l'hôtel de ville, au milieu des insultes et d'une grêle de pierres.
M. de Rochambeau, commandant général, instruit de ces événements, a mandé, le 30 hovem-bre,
à M. Delbecq, officier général, dè prendre les mesurés les plus efficaces et de réunir toutes
les forces qu'il croira nécessaires pour rétablir l'empire, de la loi. Le commandant général
a écrit en ihême temps au directoire au département du Pas-de-Calais pour l'engager à envoyer
à Saint-Omer deux commissaires qui agiraient de concert avec M. Delbecq. Je n'ai pas encore
été informé du résultat de ces dernières mesures. Il paraît qu'on craignait que les
malintentionnés n'allassent .détruire les écluses qui sont à une demi-lieue de Saint-Omer, si
on voulait employer la force pour favoriser le passage des bateaux. On m'a fait part
d'ailleurs de différents bruits alar-
J'ai écrit aux directoires de ces deux départements pour les engager à surveiller cette partie importante de leur administration ; je, les ai engagés à se procurer tous les renseignements nécessaires, a vérifier avec le plus grand soin si les précautions ordonnées pour ' empêcher l'exportation des subsistances à l'étranger sont exactement observées et si les circonstances n'en exigent pas d'autres ; enfin à méditer tous les moyens qui pourraient tendre à concilier l'exécution de la loi pour la libre circulation des grains, avec la sûreté des approvisionnements et le maintien de la tranquillité publique dans ces départements. Dès que j aurai reçu leûrs réponses, j'aurai soin de rendre compte à l'Assemblée nationale du résultat de leurs recherches et de leurs opérations.
Il est aisé de sentir toutes les difficultés des circonstances : d'un côté, les besoins des pays méridionaux et la liberté de la circulation exigent le passage des grains ; d'un autre côté, il y a tout lieu de craindre que ce passage forcé et la trop grande cherté, en portant les habitants des départements du' Nord et du Pas-dê-Galais à la révolte,, ne causent les plus grands malheurs et né Secondent les projets des ennemis de la patrie.
(L*Assemblée renvoie ce mémoire au comité d'agriculture et de commerce, pour en faire le rapport jeudi.)
ministre de l'intérieur. Je demande à l'Assemblée nationale de'lui fairé lecture d'un second mémoire concernant les gardes nationales pour la défense des frontières. L'Assemblée nationale ayant ordonné par sôn décret du 21 juin dernier, que chaque département enverrait un certain nombre de gardes nationales pour la défense des frontières, les directoires se sont occupés, depuis cette époque, dé l'organisation de ces corps, mais comme la somme accordée à ceux-ci pour leur paye et qui estuii Compte de l'administration de la guerre, ne doît;;coùrir que du jour de la revue des commandants militaires, il se présente d'autres dépenses pour le payement desquelles il n'a été ordonné aucuns fouds : ce sont 1? les traitements des commissaires chargés par les corps administratifs de cette opération ; les frais, de route des gardes nationales jusqu'au chef-lieu de leurs départements respectifs ; ô° ceux de leur séjour dans ces dernières villes jusqu'au jour de leur reVue ; enfin, d'autres menus frais dont il paraît également juste de tenir compte. Les directoires des départements, n'ont pu, jusqu'à présent, fournir à ces dépenses qu'avec les fonds que leur ont avancés les trésoriers de districts, et même des citoyens ; mais, pressés aujourd'hui de faire leurs remboursements, ils demandent avec les plus vives instances qu'on leur en procure les-moyens.
Une autre circonstance déterminera sans doute l'Assemblée nationale à s'en occuper incessamment; c'est que ce défaut de fonds paraît ralentir considérablement la formation des corps qui restent à organiser. Quoique le décret garde le si-
lence sur ces faits, je ne doute pas que leur nature et leur importance ne les fassent regarder comme dépenses publiques.
Je prie donc l'Assemblée nationale de prendre ces objets en considération, et de me donner, le' plus tôt possible, une autorisation pour faire passer aux. directoires des départements, d'après les états certifiés qu'ils m'enverront, les fonds nécessaires pour le remboursement de frais faits et à faire pôtir la formation de ces corps jusqu'au iour de leur rassemblement, sous les ordres de leurs commandants militaires.
(L'Assemblée renvoie l'examen de ce mémoire au comité militaire.)
, ministre de Vintérieur. Je demande à l'Assemblée la permission de lui faire lecture d'un. troisième mémoire, sut les Français sortis d'Espagne. Une cédule du roi d'Espagne, du f 20 juillet, oblige, tous les étrangers qui exercent ; des arts libéraux et des professions mécaniques dans le royaume do s'y domicilier, de vivre dans la religiop catholique, de prêter serment de fidélité à la souveraineté du roi d'Espagne, avec renonciation à tout privilège d'étranger, à toutes relations, union, .etc. avec le pays où ils sont nés, | et avec promesse de ne point user de la protection d'icelui ou de celle de leurs ambassadeurs, | jpinistres ou consuls, sous peine de galères ou expulsion absolue du royaume et de confiscation dè leurs biens. (Mouvement d'indignation.) Cette loi force ceux qui ne veulent pas s'y soumettre à sortir de Madrid sous quinze jours, et sous deux mois dû ( royaume. Beaucoup de Français de nos pays méridionaux, des journaliers, surtout, allaient en Espagne exercer leur industrie, et rentraient ensuite dans leur patrie, après avoir fait quelques économies.
A J'époqué de la publication de la cédule, on calculait qu'il y avait en Espagne 70,000 Français, Les dispositions tyranniques de cette loi ont déterminé les bons Français, attachés à leur patrie, â quitter l'Espagne et à préférer de quitter les avantages qu'ils se procuraient par leur travail, à la nécessité de se soumettre à une domination étrangère. (Applaudissements.) Il paraît que ceux qui étaient près des frontières et qui avaient des moyens personnels pour subsister, sont rentrés en France sans réclamer de secours : il n'en a pu être de même de ceux qui se trouvaient éloignés et dénués de toute, ressource; 485 de ces derniers, qui sont presque tous des laboureurs, ont eu recours, au sieur Poirel, vice-consul de France à Cadix, pour leur procurer les, moyens de retourner dans leur pays. Cet officier s'est cru obligé de leur fournir des secours.
Il a frété six bâtiments pour leur transport en France, (Applaudissements.), sans attendre des ordres. Sans doute l'Assemblée nationale approuvera sa; conduite. (Applaudissements.) On a avis que le Consul de Mafaga en a fait partir de ce port 81, à la destination de Cette; et il faut s'attendre que cette opération se renouvellera successivement à Cadix, à Malaga, et se fera dans les autres ports d'Espagne...
Un membre : Tant mieux!
, ministre de l'intérieur. Quatre de ces bâtiments, frétéspar le sieur Poirel, sont partis de Cadix avec 353 passagers. Deux de ces bâtiments sont arrivés a Marseille; les autres ne peuvent tarder d'y être rendus.
Lès conditions du traité que le consul a passé avec les capitaines de vaisseaux chargés de ces passagers, sont :
1° Qu'il leur sera payé une somme déterminée ; une livre tournois, monnaie de France, pour le passage, et une piécette de quatre réaux de veillon, monnaie d Espagne pour la nourriture de chacun des passagers, sur le pied fixe de 25 jours ;
2° Que la valeur de la monnaie d'Espagne sera réglée sur le pied du change à Marseille, et sera payée au bureau des classes de ce port, en argent effectif, ainsi que le prix du passage;
3° Qu'en cas de quarantaine, les frais seront à la charge du gouvernement, ainsi que ceux de relâche forcée par le manque de vivres.
Les capitaines, arrivés a Marseille, furent se présenter au commissaire de la marine, et en vertu de leur traité, ils ont demandé le payement du passage et de la nourriture des hommes qu'ils ont transportés. Le commissaire a cru devoir faire des payements provisoires ; mais il a observé en même temps que cette dépense ne pouvait être prise sur les fonds destinés à la mariné, parce qu'elle était relative à l'administration intérieure du royaume. Il s'est présenté en même temps des difficultés sur la manière définitive d'effectuer ces payements : il demande si ce sera en assignats ou en argent effectif.
Je défère à l'Assemblée nationale les faits qui m'ont été transmis par le ministre de la marine.' Le Corps législatif approuvera, sans doute, la conduite du sieur Poirel et celle des autres consuls établis dans les ports d'Espagne qui l'imiteront. Il leur sâura gré de faire rentrer dans le royaume des citoyens qui n'ont pas voulu cesser d'être F rançais (Applaudissements.), dont lepatrio-tismè les aurait exposés, si on ne leur avait pas fourni les moyens de sortir d'une terre où 1 on voulait leur faire renoncer à leur origine pour les assujettir et dont les travaux et l'industrie vont devenir utiles à la nation. (Applaudissements.)
S'il est nécessaire de pourvoir aux dépenses qu'occasionnera le retour de ces citoyens, il est du devoir du ministre de l'intérieur, qui est chargé plus particulièrement de veiller au maintien de la population et à l'accroissement de l'agriculture et de l'industrie, de solliciter de l'Assemblée nationale les secours que nécessitent les circonstances en faveur de l'humanité et de l'intérêt national. Je la prie donc de vouloir bien mettre à ma disposition les fonds nécessaires pour acquitter les engagements des consuls de France. On peut évaluer à 32,000 livres environ ceux qu'ont déjà contractés nos agents de Cadix et de Malaga. Il est impossible d'évaluer ceux qu'ils seront obligés de prendre successivement et ceux qui pourront être pris pour le même objet. J'aurai l'honneur de les mettre exactement sous les yeux de l'Assemblée nationale dès que j'en aurai eu connaissance.
Aux termes des contrats, que le sieur Poirel a passés avec les capitaines, il semble qu'on ne peut élever aucun doute sur la forme des payements qui doivent leur être faits. Il a été stipulé expressément qu'ils seraient payés en argent effectif, cette condition a fixé le prix de la nourriture et du passage, et en a déterminé la modération. Il faut observer, d'ailleurs, que les capitaines ont été obligés d'acheter à Cadix, avec des piastres effectives, les approvisionnements qui leur étaient nécessaires pour leurs passages. Il paraît donc juste de remplir rigoureusement cette disposition, en payant en argent effectif ou en modifiant, suivant le cours de la place, la différence qui existe entre le papier et l'argent.
Plusieurs membres : C'est juste ! c'est juste ! Un membre : Je convertis en motion la demande du ministre de l'intérieur, et je demande qu'on vote à l'instant les sommes nécessaires pour le remboursement des avances faites à ces Français, qui ont préféré leur patrie à leur fortune. Je demande, en outre, qu'on écrive au sieur Poirel pour lui témoigner la satisfaction de l'Assemblée nationale. (Appuyé ! appuyé !)
Un membre :Je demande le renvoi du mémoire au comité de l'extraordinaire des finances.
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite des consuls de Cadix et de Malaga.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du sieur Poirel et renvoie, quant au payement des frais, au comité dé l'extraordinaire des finances pour en faire le rapport fncessamment.)
Depuis longtemps, la conduite du gouvernement espagnol nous est suspecte. Je demande le renvoi au comité diplomatique, pour examiner s'il n'y a pas là une violation du droit des gens.
Un membre : Le roi d'Espagne a certainement le droit de faire chez lui leslois qu'il lui plait, si le peuple a l'imbécillité de les souffrir. (La motion de M. Dumolard n'a pas de suite.) La discussion sur les mesures provisoires pour remédier aux troubles des colonies est reprise.
Je propose à l'Assemblée un projet de décret qui conciliera tous les esprits et que j'appuie par une simple réflexion. Deux opinions se sont manifestées dans l'Assemblée sur les mesures provisoires à prendre relativement aux secours a envoyer dans les colonies. On a proposé le maintien provisoire du concordat passé entre les gens de couleur libres et les colons blancs. Une partie de l'Assemblée s'oppose à cette mesure, parce qu'elle craint que ce maintien provisoire ne préjuge la question sur le fond; une autre partie de l'Assemblée voit avec peine partir dans les colonies des agents du pouvoir exécutif, au milieu de lois qui se contrarient; ils craignent qu'ils né servent les ennemis de la patrie. Je crois que ces deux opinions peuvent être conciliées par un projet de décret, qui, ne préjugeant rien sur le fond, assure cependant à l'Assemblée nationale, qu'on ne pourra pas tourner les troupes qu'on envoie dans les colonies contre les gens de couleur libres et contre la Constitution. Voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale, considérant que le salut des colonies dépend uniquement du maintien de l'union et de la bonne intelligence entre les colons blancs et les hommes de couleur libres, décrète que le roi sera prié de donner les ordres les plus précis aux agents du pouvoir exécutif à Saint-Domingue, pour que les forces nationales ne soient employées qu'à repousser et arrêter l'insurrection des noirs, et afin qu'ils concourent, par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, au maintien de l'union et de la bonne intelligence que les liens de l'intérêt commun Ont fait naître entre les hommes de couleur libres et les colons. » ( Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
Cela n'est pas suffisant; je demande la parole contre ce projet de décret.
Un membre : Je demande la question préalable sur ce projet de décret.
Plusieurs membres demandent une seconde lecture.
Un membre : Je demande à vous rendre compte d'un fait qui pourra instruire l'Assemblée et éclairer sa décision. Messieurs, pour vous faire connaître le véritable état des colonies et les dispositions des colons, les commissaires de Saint-Domingue auraient dû vous rendre compte, ce qu'ils n'ont pas fait, de la délibération qui a été prise par l'assemblée générale, le 25 septembre, lorsque les députés du Port-au-Prince sont venus apporter le concordat.
Je vais Vous rendre compte du discours qui a été prononcé par M. Gamat, président des commissaires représentant les citoyens blancs, lorsqu'ils ont porté aux colons de couleur le concordat du 11 septembre. Voici ses expressions :
« Messieurs, nous vous apportons enfin des paroles de paix, nous ne venons plus traiter avec vous, nous ne venons plus vous accorder des demandes, nous venons, animés de l'esprit de justice et de paix, reconnaître authentiquement vos droits, pour vous engager à ne plus voir dans les citoyens blancs que des amis, des frères auxquels la patrie en danger vous invite, vous sollicite de vous réunir pour lui porter un prompt secours. Nous acceptons entièrement, et sans réserve aucune le concordat que vous nous proposez._Des circonstances malheureuses què vous connaissez sans doute, nous ont fait hesiter un instant, mais notre courage a franchi tous les obstacles ; nous avons imposé silence aux petits préjugés, au petit esprit de domination.
« Que le jour où le flambeau de la raison nous a éclairés tous, soit à jamais mémorable, qu'il soit un jour d'oubli pour toutes les erreurs, de pardon pour toutes les injures. Ne disputons désormais que de zèle pour le bien de la chose publique. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent la lecture du projet de M. Brissot.
Voici le projet de décret que je présente à l'Assemblée :
« L'Assemblée nationale, considérant que l'union entre les hommes blancs et les hommes de couleur a contribué principalement à arrêter la révolte des nègres à Saint-Domingue ; v, « Que cette union a donné lieu à différents accords entre les blancs et les hommes de couleur, et à divers arrêtés pris à l'égard des hommes de couleur les 20 et 25 septembre dernier, par l'assemblée coloniale séant au Gap ;
« Après avoir délibéré l'urgence, décrète que le roi sera prié de donner des ordres, afin que les troupes de la nation, qui sont destinées pour Saint-Domingue, ne puissent être employées que pour rétablir l'ordre dans les colonies et maintenir l'état des gens de couleur tel qu'il était à l'époque du mois de septembre dernier, sans entendre rien préjuger sur l'état de ces personnes de couleur. » (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche.)
Avant que l'on aille aux voix, je demande qu'il soit fait lecture du décret constitutionnel du 24 septembre dernier.
et plusieurs autres membres. Il n'est pas constitutionnel.
Je demande la pa-irole sur le mot constitutionnel..
Je demande que celui qui a dit que le décret du 24 septembre était constitutionnel soit rappelé à l'ordre..,
Plusieurs membres ; Ah ! ah ! C'est plaisant!
L'Assemblée constituante a solennellement déclaré à la fin de la Constitution, qu'elle ne pouvait y rien ajouter ni rien y changer.
Voix diverses : La priorité pour le décret de M. Gensonné ! — La priorité pour le décret de M. Brissot!
Plusieurs membres demandent la lecture du projet de décret présenté par M. Vergniaud dans la séance de samedi dernier.
Je demande de deux choses l'une... (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)
Plusieurs membres : La lecture du proiet de décret de M. Vergniaud !
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Vergniaud fera la lecture de son projet de décret.)
Voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'aussitôt qu'elle a été instruite des désordres arrivés à Saint-Domingue, elle a décrété qu'une somme de dix millions serait employée a faire passer dans les colonies les secours dont elles pourraient avoir besoin, en troupes de ligne, armes ou instruments ; considérant qu'elle s'occupe dans le moment de chercher les causes et les moyens les plus efficaces pour les faire cesser ; considérant qu'elle s'est déterminée, dans cette circonstance critique, par les sentiments douloureux qu'ont dû lui inspirer des Français malheureux, et par ceux de fraternité qui uniront toujours la métropole aux colonies ; considérant enfin que l'espoir des colons serait déçu, et les intentions de l'Assemblée nationale trompées, si des factieux malveillants parvenaient à diriger l'emploi des forces destinées à secourir Saint-Domingue, de manière à favoriser des actes d'oppression et préparer ainsi la renaissance des troubles ; décrète ce qui suit :
« 1° Les troupes de ligne qui sont dans la partie française de Saint-Domingue, celles qui sont embarquées ou qUi doivent l'être pour s'y rendre ne pourront agir que sur la réquisition des commissaires civils envoyés par le roi ;
« 2° Les commissaires civils seront tenus, sous leur responsabilité, de faire toutes les réquisitions nécessaires pour le rétablissement de l'ordre dans les colonies, et de la subordination dans les ateliers;
« 3* Ils seront tenus également de faire toutes les réquisitions nécessaires pour protéger les réclamations qui seraient faites dans les formes prescrites par lés lois, pour protéger la liberté des assemblées coloniales, la sûreté de tous les individus, pour assurer à toutes ces personnes la jouissance de l'état qui leur avait été accordé par lès assemblées coloniales et dont, en conséquence, elles se seraient trouvées en possession à l'arrivée des commissaires civils à Saint-Domingue;
« 4° Si, en usant de la faculté qui leur est laissée, par le décret du 24 septembre dernier, les assemblées coloniales faisaient, après l'arrivée des commissaires civils et des troupes de ligne, quelques innovations dans l'état déià accordé aux personnes, les commissaires civils né pourront requérir la force armée, pour l'exécution des arrêtés qui ordonnaient ces innovations, qu'autant que ces susdits arrêtés seront revêtus des formes légales, et notamment de la sanction du roi; ... v
« 5° Les commissaires civils sont chargés, au
nom de la patrie, d'employer tous les moyens que le civisme, le zèle et le patriotisme pourront leur suggérer, pour pacifier tout, pour ramener la paix, faire régner la justice et rétablir dans les colons le calme, avec l'espoir d'un avenir plus heureux;
« 6° Le roi sera prié de presser les assemblées coloniales de toutes les îles françaises, pour qu'elles émettent promptement leurs vœux Sur la Constitution, qui, en fixant dans leur sein, la question sur l'état politique des personnes de couleur, et asseyant le régime intérieur sur de bonnes bases, les préservera à l'avenir des troubles qui les affligent depuis la Révolution et qui les unira plus que jamais à la métropole. » ..
Divers membres demandent successivement la priorité pour chacun des trois projets.
Je mets aux voix la priorité pour le projet de décret de M. Gensonné. . (Deux épreuves successives donnent un résultat douteux.)
Plusieurs membres : L'appel nominal !
Un membre : Je demande la question préalable sur les trois projets.
f| Un membre:. Et lé renvoi au comité de législation pour en faire le rapport ce soir.
et plusieurs membres à Vextrémité gquçhç demandent la priorité pour le projet dé décret de M. Brissot.
Je retire mon projet de décrétât je demande une nouvelle lecture des projets de MM. Gensonné et Brissot; Nous; pourrons ensuite aller aux voix sur la priorité à accorder à l'un ou à l'autre.(L'Assemblée ordonne une nouvelle lecture des projets de décret dè MM. Gensonné et Brissot.)
lisent successivement leur projet de décret.
Plusieurs membres à l'extrême gauche ; La priorité pour, le projet de M. Brissot !
D'autres membres : La priorité pour le projet de M. Gensonnél
Je vais mettre aux voix la priorité pour le projet de M. Gensonné.
Un membre : Monsieur le Président, vous né faites point votre devoir, voUs changez l'état de la délibération. (Murmures.)
J'ai mis aux. voix là priorité pour le projet de décret de . M. Gensonné. Deux épreuves ont paru- douteuses. Au moment de faire une troisième épreuve, on a demandé uné seconde lecture1;des deux projets ; les deux projets ont été. lus. Je dois mire, une troisième épreuve pour ;celui de M. Gensonné. Ensuite je mettrai aux voix la priprité pour Celui de M. Brissot, dans le cas où çelui de M. Gensonné n'obtiendrait pas cette priorité. ...
(M. le Président consulte l'Assemblée.)
Trois membres du bureau ccrntre un, sont d'avis que la priorité ne soit pas accordée au projet de M. Gensonné. (Applaudissements à gauche. — Murmures et vive agitation à droite.)
Plusieurs membres à droite: Il y a doute! l'appel nominal !
On réclame l'appel nomi- • nal; je vais consulter l'Assemblée... (Oui! oui! Non! non!)
Plusieurs membres à droite: Faites exécuter le -
règlement, Monsieur le Président ; nous demandons l'appel nominal.
Je donne lecture de l'article 15 du chapitre IV du règlement :
« Sur toutes les motions, les voix seront recueillies par assis et levés ; et en cas de doute, on ira aux voix par l'appel nominal sur une liste alphabétique de tous les membres, complète, vérifiée et signée parles secrétaires de l'Assemblée.»
Plusieurs membres à gauche : Il n'y a pas de doute!
D'autres membres à droite : Il y en a !
Je propose de placer en tête de mon projet de décret Le considérant de celui de M. Brissot.,
Plusieurs membres : Non! non!
, secrétaire. Nous n'avons élevé aucun doute sur la priorité, nous avons toujours pensé que la priorité était'accordée au projet de M. Brissot.
MM. Delacroix, Goùpilleau, Chabot, Albitte, Leàôiitire et plusieurs autres' membres à gauche demandent avec insistance qu'on mette aux voix' le projet de M. Brissot. '
veut parler ; sa voix est couverte par les cris répétés : A l'ordre ! à l'ordre!
On me dit que l'appel nominal ne doit être réclamé que lorsqu'il y, a du doute sur les motions principales : je vais consulter l'Assemblée pour savoir s'il y a lieu à l'appel nominal. (Bruit prolongé.)
(L'Assemblée devient tumultueuse.) -
Un membre : 11 n'appartient qu'à l'Assemblée de décider s'il y a du doute;
Un autre membre. Si M. le Président dit qu'il n'y a pas de doûte, c'est qu'il n'y en a pas. (Murmures prolongés à droite.)
Voix diverses : L'appel nominal ! — Aux voix le projet de M. Brissot f
Au nom de la patrie, taisez-vous. De toutes parts, on demande d'aller aux voiX: de toutes parts, on m'en refuse la faculté par Je bruit.
Un membre .- Levez la séance !
Cris .* A l'ordre ! à l'ordre !
Un membre : Si on veut mettre l'appel nominal aux voix, il faut que ce soit par l'appel nominal même.
Je dois, pour épargner lé temps de l'Assemblée, la consulter pour savoir s'il y du, doute ou non.
A gauche : Oui ! oui !..
A droite: Non ! non ! L'appel nominal!
Je demande la parole. (A l'ordre ! à l'ordre !) J'insiste pour avoir la parole. (Al'ordre! à l'ordre !)
Je vais mettre aux voix s'il y a doute.
Plusieurs membres à droite : Cela ne Sè peut pas !
monte à la tribune. .
Plusieurs membres: Monsieur Castel, vous n'avez pas la parole.
Monsieur le Président, rappelez à l'ordre ceux qui vous interrompent et que leurs noms soient inscrits sur le procès-verbal. (Applaudissements et bruit.)
Un membre ; Je demande, par amendement, qu'ils soient conduits à l'Abbaye. (Applaudissements.)
Encore une fois, Messieurs, je ne pense pas faire exécuter de force l'appel nominal. Il faut bien que l'Assemblée prononce. Je vais consulter l'Assemblée sur la question de savoir s'il y a eu du doute dans la dernière épreuve. (Non! non! — Le tumulte recommence.)
Il ne dépend pas de la^mi-norité de tenir la majorité dans l'inaction, il faut en sortir. Monsieur le Président, mettez aux voix...
Plusieurs membres à droite : Rappelez M. Delacroix à l'ordre !.
Un membre .- Monsieur le Président, l'Assemblée doit s'apercevoir que la chose publique souffre. L'Assemblée ne peut décider que lorsque le président l'a consultée. Je fais une motion d'ordre, c'est que, lorsque le président consultera l'Assemblée, ceux qui l'interrompront soient rappelés à l'ordre. (Applaudissements.)
Je mets aux voix s'il y.a du doute.
Plusieurs membres à gauche : Il n'y en a pas!
Plusieurs membres à droite : Il y en a!
Plusieurs membres : A l'Abbaye ceux qui interrompent!
Messieurs, le Président et le bureau ne peuvent être que les organes ,dé la volonté de l'Assemblée. Ils ne sont point infaillibles : c'est à l'Assemblée de décider s'il", y a eu du doute ou non. (Bruit.) Si l'Assemblée prononce qu'il n'y a point de doute, la priorité sera refusée: au projet de M. Gensonné : s'il y a du doute on fera l'appel nominal. Que ceux qui sont d'avis qu'il y a du doute... (Murmures à droite.)
Un membre: Monsieur le Président, vous avez un chapeau et l'Abbaye - (Le calme se rétablit.)
Je mets aux voix la ques-i tion dé savoir s'il y a du doute, no 1 . ^L'Assemblée,consultée, décide qu'il n'y a pas 4e doute et que la priorité est refusée au projet r de décret de M. Gensonné.) ,
En conséquence, la priorité est accordée au projet de décret de M. Brissot, (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Aux voix le projet de dé-' cret !
Y a-t-il lieu au décret d'urgence ? (Oui ! oui !)
Un membre : Je demande que la discussion s'ouvre sur le projet de décret de M. Brissot. (Non ! non !)
Un membre : Je fais la motion que le projet dé décret de M. Brissot soit imprimé et ajourné.
Voix diverses : Ouis! oui ! Non ! non !
Pusieurs membres : La question préalablè sur l'impression et l'ajournement.
(L Assemblée décide qu'il n'y a pas liéu à délibérer sur la demande d'impression êt d'ajournement.)
Plusieurs membres: Le décret d'urgence!
Il n'en faut pas !
Plusieurs membres : Aux voix le décret d'urgence !
(L'Assemblée, consultée, décrète l'urgence.)
et plusieurs membres demandent la parole sur le projet de décret. (Leur voix est couverte par des cris.)
D'autres membres : Aux voix le projet de décret!
Je vois dans le projet de M. Brissot une. ratification déguisée du concordat. Jè demande que la discussion soit remise à demain matin ; l'importance de la matière l'exige...
f Voix diverses : La question préalable ! — La discussion fermée !
Le salut public en dépend, méfions-nous de ceux qui craignent la lumière et demandent la question préalable. (Bruit prolon-
Wm
Plusieurs membres demandent que l'Assemblée soit consultée pour savoir si la discussion sera ouverte sur le projet de décret.
(L'Assemblée, consultée, décide que les membres qui ont demandé la parole sur le projet de décret de M. Brissot ne seront point entendus.) (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je mets aux voix le projet de décret de M. Brissot.
Plusieurs membres à droite : Monsieur le Président, nous demandons à parler contre vous.
D'autres membres .- Ajournez à demain et levez la séance.
(La majorité des membres du côté droit se lèvent simultanément et démandent que l'Assemblée se forme en comité général. Ils quittent leurs places avec quelques membres du côté gauche et vont au bureau p.Ù un de MM. les secrétaires reçoit un grand nombre de signatures pour établir la demande de se former en comité général.)'
Plusieurs membres q, l'extrémité gauche de la salle demandent à grands cris que le bureau soit
Plusieurs membres autour du bureau: Ne souffrez pas cela, Monsieur le Président !
Je fais la motion que M. le Président se couvre pour dissiper ces attroupements scandaleux. (Grand bruit.)
(Le tumulte va grandissant.)
Plusieurs membres à gauche : Couvrez-vous ! couvrez-vous, Monsieur le Président !
Monsieur le Président, je vous somme de vous couvrir!
se couvre : tous lés membres se découvrent. Le silence règne dans l'Assemblée.
On continue à signer la demande du comité général ; le bureau se dégage peu à peu. Les membres reprennent leurs places.
Un membre ; On n'a qu'à faire passer la fëuillé de rang en rang.; On ne peut pas nous ôtér un droit que la Constitution nous donne.
Plusieurs membres : A bas le chapeau, monsieur le Président! .
se découvre ; les membres dé l'Assemblée së recouvrent.
MM. Viénot-Vaublanc et DucàStél ont demandé la parole ; je la leur accorde.
Plusieurs membres a gauche : Aux voix le. projet de M. Brissot!
Vous avez accordé la priorité au projet de M. Brissot; lé décret est rendu; il est irrévocable, et je m'y soumets ; mais la justice demande qu'on puisse le discuter. Pourquoi empêcherait-on la discussion? Est-ce parce qu'elle a été faite? Non. Est-ce parce qu'elle est interdite par le règlement ou par la raison ? Non. Je ne me présente à la tribune que pour réclamer une chose juste sur le point le plus important : l'honneur de l'Assemblée, l'intérêt de nos colonies, l'intérêt de la métropole. Je demande, Messieurs, que la discussion s'ouvre et pour qu'elle puisse être faite avec le calme qui convient, je vous demande encore de l'ajourner à demain.
Plusieurs membres à gauche ; Non ! non !
Je demande l'ajournement à
demain matin. Cette mesure est sage ; elle maintient tous les intérêts et dès qu'elle les maintient, des législateurs doivent se rendre à cette exhortation.
Nous ne sommes pas dans le calme, quoique nous y soyons en apparence. Nous 'avons besoin de la méditation d un jour ; nous ne blessons personne en différant de quelques heures. Je crois que ma motion est équitable; elle est appuyée. Je demande qu'elle soit mise aux voix. (Applaudissemen ts.)
( L'Assemblée, consultée, ajourne à demain matin la discussion du projet de décret de M. Brissot.)
annonce que, vu l'heure tardive, il n'y aura pas de séance le soir.
(La séance est levée à cinq heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
London,
Constilutional Wighs grand Lodge of England : Président, the most noble Briton, in the chair.
« Theepitome of the French Constitution being read by tne Secretary, the following resolutions were agreed unanimously :
«Resolved, that this society do approve of the French Révolution and of the fundamental principes formed for the French Constitution by the national Assembly of France.
« Resolved , that this society do congratulate the national Assembly, the king and the nation, on the accéptation of tne principles of the French Constitution by the king of the French.
« Resolved, that the thanks of this society be given to the late national Assembly, for tneir exalted patriotism and disinterested proceedings in constructing andmaintaining untiltheir sécession the principles of the Constitution the resuit of wisdom and integrity, the basis of liberty the annihilation of aristocrâcy, and the général émancipation of a brave, generous and hospi-table people.
. « Resolved, that us eonstitutional Wighs, the sons of liberty, should any attempt power, or be made by any despotic powers, to enslave the people of France, or diminish their liberties, that we will, with our lives, intérêts and fortunes, oppose ail such measures, until the destruction ôf slavery, usurpation and tyranny is comple-ted. '
« Resolved, that these resolutions be transcri-bed by our secretary from our register, and by him be transmetted to the national Assembly of France. » " :
Londres, le
A VAssemblée nationale, au roi et à la nation française, la société des Wighs constitutionnels à Londres ; M. Briton, président.
« L'abrégé de la Constitution française ayant été lu par le secrétaire, les résolutions suivantes ont été prises à l'unanimité :
« Arrêté que la société applaudit à la Révolution française et aux principes fondamentaux d'après lesquels l'Assemblée nationale a formé la Constitution.
« Arrêté que la société félicite l'Assemblée nationale, le roi et la nation, sur l'acceptation donnée à la Constitution par le roi des Français.
« Arrêté que la société présente ses remerciements à l'Assemblée constituante sur le patriotisme sublime et le noble désintéressement qu'elle a montrés en établissant et maintenant jusqu'à sa séparation les principes d'une Constitution, ouvrage de la sagesse et de l'intégrité, les bases de la liberté, l'anéantissement de l'aristocratie et l'émancipation générale d'un peuple hospitalier, généreux et brave.
. « Arrêté par nous, Wighs constitutionnels, enfants de la liberté, que si un ou plusieurs pouvoirs despotiques, quels qu'ils soient, faisaient quelques tentatives pour enchaîner le peuple français, même pour altérer la liberté dont il jouit, notre vie et notre fortune seront employés a repousser leurs efforts jusqu'à la destruction entière de l'esclavage, de l'usurpation et de la tyrannie;
« Arrêté que copie de cette délibération sera faite par le secrétaire de la société, et envoyée par lui à l'Assemblée nationale de France. »
a la séance de l'assemblée nationale législative du
A L'ASSEMBLÉE NATIONALE contre la motion faite par M. Guadet, relative à Vêlât politique
des gens de couleur ( 1), et contre toute autre motion tendant à faire révoquer ou altérer le
Messieurs, avant de considérer ce qu'on vous propose de décréter, il est de la plus haute importance de fixer votre attention sur ceque vous êtes. La mission de l'Assemblée constituante a été de déterminer vos pouvoirs ; la vôtre est de vous y conformer. Vouloir faire un seul pas hors du cercle dans lequel le corps constituant vous a circonscrits, c'est tenter une seconde révolution, c'est la commencer effectivement: et attaquer un seul des décrets constitutionnels dont le dépôt sacré fut mis sous votre garde, c'est donner tout à craindre pour tous les autres décrets constitutionnels ; ce serait faire désirer peut-être à des esprits fatigués de changements, le calme du despotisme à la place d'une révolution éternelle.
Députés par vos commettants pour exercer le pouvoir législatif sous la sanction du roi,- vous ne pouvez faire aucune loi seuls, et vous n'en devez proposer aucune qui soit contraire aux lois constitutionnelles de l'Assemblée constituante.
Quel est le projet de décret qu'on vous propose? C'est, j'en atteste ceux mêmes qui vous le présentent, une révocation véritable du décret du 24 septembre dernier, dont l'article 3 vous interdit de faire aucune loi sur l'état des personnes dans les colonies.
t Or, qu'était le décret du 24 septembre dernier? un décret constitutionnel rendu par l'Assemblée Constituante, accepté et non sanctionné par le roi. La lettre du décret y est formelle ; et si quelqu'un me répondait ce qui a déjà été dit devant moi, que la lettre tue et l'esprit vivifie, si l'Assemblée nationale pouvait régler sa conduite et prendre ses aisances suivant cet axiome, je dirais qu'il n'existe plus de Constitution.
Par quels moyens espère-t-on donc yous faire révoquer le décret du 24 septembre ? Je n'en vois
Sue deux; ou il faut prétendre que vous avez le roit de révoquer un décret rendu constitution-nellement par l'Assemblée constituante , ou il faut soutenir que vous avez le droit de décider que l'Assemblée constituante n'a pu rendre cons-titutionnellement le décret du 24 septembre, qu'elle n'était plus constituante lorsqu'elle a déclaré qu'elle rétait encore. Or, qui pourrait, Messieurs, dans cette Assemblée purement législative, se permettre de soutenir qu'elle peut révoquer des décrets constitutionnels, lorsqu'elle n'a pas même le droit d'en proposer la revision ? Qui pourrait même prétendre que cette Assemblée législative peut s'établir juge du corps constituant dont elle tient son institution? Si une seule fois le pouvoir constitué se permettait de
décider que le pouvoir constituant n'a pu rendre constitutionnellement tel décret, quelle garantie la nation aurait-elle que les autres décrets constitutionnels seraient respectés ?
Je me résume, Messieurs. Le décret du 24 septembre- est rendu constitutionnellement par l'Assemblée constituante ; il a reçu l'acceptation du roi ; il ne lui manque rien pour être un décret constitutionnel ; et, puisqu'il l'est textuellement, vous ne pouvez ni le révoquer, ni prononcer que le pouvoir qui vous a institués n'a pu le décréter constitutionnellement.
Je pourrais borner là ma discussion, mais il faut consoler ceux qui regrettent que la révocation qui vous est proposée ne puisse être adoptée. Je vais prouver": 1° que l'Assemblée nationale a dû rendre constitutionnellement le décret du 24 septembre ; 2° que la révocation qu'on vous propose ne peut être utile même à ceux de l'intérêt desquels on prétexte ; que, loin de là, elle leur serait préjudiciable ; 3° que, dans tous les cas, cette révocation, si vous vous permettiez de la prononcer; resterait absolument sans effet.
Deux choses sont à Considérer, Messieurs, dans le décret du 24 septembre, le fond et la forme. Au fond, ce décret a eu deux objets : le premier, d'assurer, d'une manière invariable, la tranquillité des colonies ; le second, d'assurer, d une manière invariable aussi, les avantages que la France retire de ses colonies.
Ici, Messieurs, j'ai besoin que vous voustrans-portiez à l'époque où le précédent comité a eu à proposer à l'Assemblée constituante les mesures tranquillisantes qu'exigeaient, et les nouvellés officielles de Saint-Domingue sur l'effet qu'y produisit la nouvelle du décret du 15 mai, et une multitude infinie de pétitions des principales villes maritimes, de commerce et de manufactures du royaume. '
-- Suivant les lettres du gouvernement, au moment de la nouvelle reçue du décret du 15 mai, ce décret avait paru une violation manifeste de, la promesse faite par le décret du 12 octobre.
... « La première partie, ajoutait-il, du décret sur les esclaves, ne rassure même pas à l'égard des propriétés : on n'y voit qu'une disposition, qu'un décret subséquent abrogera, comme celui-ci anéantit la promesse du 12 octobre. Ainsi (Messieurs, remarquez ces expressions), ce qui est le plus grand des malheurs, disait ce gouverneur) la confiance des colons en l'Assemblée se détruit. » ;
Le procureur général du conseil supérieur du Cap marquait « que trois jours s'étaient passés dans des commotions qui ne diminuaient pas ; que la garantie accordée à la colonie par le décret du 13 (mais relatif aux hommes non libres), n'était regardé que comme un nouveau pacte aussi vain que celui du 12 octobre, et aussi facile à violer ».
P'autres nouvelles officielles portaient « qu'on avait pris la délibération de ne point recevoir le décret (comme contraire à celui du 12 octobre), que l'on avait exigé la parole du gouverneur qu'il ne le ferait point proclamer, qu'on s'était mis sur la défensive, et que l'on avait fait prêter le serment aux troupes de servir pour la colonie ».
Je dois vous faire remarquer en passant, Messieurs, non que cela soit nécessaire pour l'objet que je me propose aujourd'hui, mais pour répondre à ce qui a été dit si souvent à votre tribune, que c'est par le retard du départ des commis-
saires, et parce que l'on n'a pas pressé l'exécution du décret du 15 mai, que les malheurs dont nous gémissons sont arrives; je crois vous faire remarquer, dis-je, que c'est au reçu de la nouvelle non officielle du décret, et longtemps avant que les dépêches officielles, les commissaires et les moyens coaCtifs eussent pu arriver dans la colonie, qu'on s'y est mis sur la défensive, ainsi que ie viens de vous l'exposer; je dois vous dire que le gouverneur annonçait l'impossibilité de faire exécuter ce décret, et même ses craintes pour les commissaires qui en seraient chargés. Ainsi, il est de toute vraisemblance que, si les commissaires et les moyens coactifs fussent arrivés dans la colonie à l'époque possible, loin qu'ils eussent, pu prévenir les desastres du mois d'août, ils les eussent au contraire hâtés, et peut-être,ces désastres eussent-ils parcouru toute la colonie.
Enfin, Messieurs, l'assemblée provinciale du Nord, cette assemblée dont le dévouement, dont le zèle pour l'exécution des décrets avaient antérieurement obtenu les éloges du Corps législatif; cette assemblée décrivait, au reçu des mêmes nouvelles : « De quel étonnement n'avons-nous; pas été frappés, lorsque la lecture de ce décret nous a présenté, la violation la plus manifeste de là garantie nationale que vous avez donnée par vos précédents décrets!...La première exécution de ce décret, si elle avait lieu, serait désastreuse pour la colonie. Tous les cœurs sont ulcérés; les agitations dont nous sommes témoins peuvent amener une explosion générale, affreuse dans ses effets. »
Vous voyez, Messieurs, que ces nouvelles officielles annonçaient le plus grand désespoir, et toute Confiance en l'Assemblée nationale absolument détruite;
D'un autre côté, le commerce transmettait à l'Assemblée les résolutions les plus fâcheuses, prises dans la colonie, contre ses intérêts et ses droits qui sont en même temps ceux de la métropole. Une multitude de pétitions, signées de plusieurs milliers de négociants^ étaient remplies ae doléances sur le décret du 15 mai, et des pronostics les plus alarmants.
Dans cette conjoncture tout à fait délicate, où le comité devait concilier les mesures qui pouvaient tranquilliser à jamais les colons, et celles qui pouvaient tranquilliser à jamais le commerce, ce fut de sa part, peut-être, une conception de la plus haute sagesse que celle du décret du 24 septembre, par lequel, attribuant aux colonies les lois à faire sur l'état des affranchis et des esclaves, et au Corps législatif celles du surplus du régime intérieur et de tous les rapports commerciaux, il donna à celles-là l'assurance de ne jamais être inquiétées par des tentatives contraires à leur système colonial ; et au commerce de la métropole, la certitude que les colonies ne pourraient jamais s'affranchir d'une juste dépendance pour les lois d'intérêts communs, pour les lois commerciales.
Remarquez, Messieurs, que pour que cette assurance réciproque fût réelle et stable, ce décret devait être constitutionnel; et.c'est ce que j'ai à établir quant à sa forme. : Une raison d'un ordre supérieur, Messieurs, et indépendante des circonstances, exigeait aussi que ce décret fût constitutionnel ; tellement que si l'Assemblée constituante se fût séparée sans le rendre constitutionnellement, elle n'eût rempli qu'une partie de sa mission, elle eût laissé son œuvre incomplète.
En effet, quel est le devoir d'une Assemblée
constituante? c'est d'établir les rapports politiques par lesquels toutes les parties d'un Empire doivent coexister, c'est d'assigner à chaque partie la place qu'elle occupera dans l'ordre social.
L'Assemblée constituante, Messieurs, avait rempli ce devoir pour les 83 départements européens par l'Acte constitutionnel; mais elle avait déclaré aux colonies qu'elles n'étaient point comprises dans cette Constitution.
Cependant elle avait déclaré aussi qu'elles faisaient partie de l'Empire français ; et elle avait admis'dans son sein leurs députés qui avaient concouru à la confection de l'Acte constitutionnel. Pouvait-elle donc se séparer, pouvait-elle renvoyer ces députés sans assigner aux colonies qu'ils avaient représentées, leur rang dans l'Empire dont elles étaient déclarées taire partie, sans établir invariablement les rapports constitutionnels qui les uniraient an surplus de l'Empire? C'est; cei qu'elle a fait et dû faire par le décret du 24, septembre, qu'on vous propose indirectement de révoquer.
Je sais qu'on a prétendu que la législature actuelle devait être constituante- pour les.colonies, et cela, disait-on, parce que la constitution des colonies reste à faire ; de là on concluait que cette législature constituante pour les colonies aurait le droit de révoquer le décret constitutionnel du 24 : septembre. C'est ainsi qu'une proposition vague ou une fausse expression conduisent souvent à de fausses conséquences.
En effet, j'observerai que c'est très improprement qu'on a souvent désigné par le mot de Cons-titution l'organisation particulière de Chaque colonie. Ce mot Constitution ne peut signifier que le pacte social par lequel une nation, ayant en elle la plénitude de sa souveraineté, établit, sans le concours, sans la dépendance d'aucune autre nation, le gouvernement qui lui convient; or, ce n'est pas certainement le cas où se trouvent nos colonies : on ne peut donc supposer qu'il y ait pour elles une constitution à faire, et que l'Assemblée nationale puisse avoir relativement à elles'un pouvoir constituant.
Ce que l'Assemblée aura à décréter pour les colonies, quand elles auront usé de leur initiative, c'est, non pas leur constitution, j'ai fait voir que cette expression était :inconvenable; mais leur organisation intérieure, sauf le point de l'état des personnes et lesi lois de leur régime extérieur, c'est-à-dire de. leurs rapports communs avec la métropole, i
Au surplus, si l'on veut persister dans l'abus des expressions, appeler constitution des colonies, ce qui n'est que leur organisation, et appeler pouvoir constituant de la part de la législature actuelle, ce qui n'est que le pouvoir de faire des lois réglementaires pour le régime des Golonies, je dirai qu'il existe au moins entre ce pouvoir prétendu constituant et le pouvoir véritablement constituant qui a produit le décret du 24 septembre, une différence essentielle et que je vous prie de ne pas perdre de vue, parce que j'aurai bientôt lieu d'y revenir : c'est que ce décrétai n'a dû être et n'a été pré-senté qu'à l'acceptation du roi, tandis que tout ce que vous décréterez pour l'organisation ou pour la constitution prétendue des colonies, sera sujet à la sanction du roi.
j'ai annoncé poùr sécondé proposition, qué la, révocation du décret du 24 septembre, supposé que l'Assemblée s'attribuât le droit de la décréter, et que le roi la sanctionnât, ne pourrait
être utile aux gens de couleur; qu'au contraire, elle leur serait préjudiciable. . s; ,
En effet, c'est s'égarer étrangement que de ne considérer une loi qu'en elle-même, et ae ne pas tenir compte des difficultés d'exécution. Les colonies ont le droit de compter sur la jouissance invariable du décret constitutionnel du 24 septembre. Quand j'emploie ici le mot invariable, c'est l'expression du décret. On ne peut douter que toute atteinte portée à ce décret les Indignerait à l'égal de tout ce qu'elles ont manifesté contre letlécret du 15 mai, quelle que soit d'ailleurs leur disposition en faveur des gens de couleur, parce qu'il ne leur,est point indifférent.que ce soit d'elles ou de l'Assemblée que. ceux-ci tiennent leur état politique. Si l'Assemblée nationale rendait sur ce point une loi qu'à elles sëules il appartient dè faire, ce vice d'incompétence ferait certainement rejeter cette loi par les assemblées coloniales, quand même elle leur conviendrait au fond ; et. alors pour peu que les gens de Couleur prissent le Change'sur le motif du refus de cette loi, on peut prévoir quelles mésintelligences fâcheuses pour les deux parties il pourrait résulter de cette méprise, et du décret qui l'aurait occasionnée.
De deux choses l'une }i\ou les colonies voudront accorder aux gens de couleur.: les: droits qu'ils réclament, ou ils sont obstinés à les leur refuser. Dans le premier cas, le décret du 24 septembre doit d'autant plus subsister, qu'il leur attribue* ce point de législation, et il convient pour l'harmonie générale que les gens( de couleur tiennent leurs droits politiques des'assem-blées Coloniales plutôt que de les tenir'de vousv Dans le second cas, si vous décrétiez ces droits en faveur dès gens de couleur, Votre décret serait d'autant plus repoussé par lés colons, que, leUr déplaisant qùant au fond, ils y verraient en outre, par cela que vous vous'seriez attribué ce point de législation qui leur appartient suivant le décret du 24 septembre, l'infraction d'une assurance qui leur lut donnée comme'invariable.
Mais nous sommes heureusement dispensés de toute hypothèse. Des nouvelles sur lesquelles on peut compter, nous donnent copie d'un arrêté de l'assemblée générale dé Saint-Domingue tellement favorable aux gens dé Couleur, que non-seulëment les dispositions du décret au 15 mai y sont adaptées, mais qu'il y est même promis une amélioration d'état à ceux qui, n'étant pas nés de père et mère libres, n'ont pas été compris par ce décret.
Ainsi, la révocation du décret du 24 septembre, si elle était possible, serait, comme je l?ai annoncé, absolument inutile aux gens dé'couleur. J'ai dit qu'elle leur serait préjudiciable, et en voici la raison : du moment que les gens de cou-leÙTVon't avoir obtenu les droits politiques qu'ils désiraient, et voufc venez de voir que c'est une chose déjà décidée par l'assemblée,coloniale de Saint-Domingue, de ce moment l'article 3 du décret constitutionnel du 24 septembre n'a plus d'effet que pour les lois çt la police relatives aux hommes non libres ; il ne restera plus à faire, en vertu de cet article, que des lois d'esclavage.
Or, pensez-vous, Messieurs, qu'il n'importe pas aux gens de couleur autant qu'aux blancs, que ces lois se fassent dans les assemblées coloniales où ils siégeront eux-mêmes, où toutes les convenances locales seront connues plutôt qu'en France, dans le sein de cette Assemblée où l'ignorance des localités pourra sans cesse égarer les
meilleures intentions, et où les sensations heureuses de la liberté pourront ramener sans cesse le projet de rendre libres aussi des hommes dont le plus grand malheur serait de le devenir, n'y étant aucunement préparés? La seule discussion de cette matière, dans le sein decette Assemblée, serait du plus grand danger pour tous les habitants des colonies qui ont des'esclaves, et vous savez queles gens de couleur en possèdent comme les blancs. Ainsi, j'ai eu raison ae dire que la révocation du décret du-24 septembre serait, sous ce rapport, préjudiciable aux gens de couleur eux-mêmes, pour l'intérêt desquels on semble vouloir faire rendre un décret qui'comprendrait implicitement cette révocation.
Mais vous, Messieurs, ne devez-vous pas quelque reconnaissance à l'Assemblée constituante, de cet article 3 du dééret du 24 septembre ? Législateurs dans des contrées où vous ne devez plus voir qu'égalité et liberté,^ trouvez-vous heureux de ne plus avoir à faire des lois pour le maintien de l'esclavage, et d'être dispensés de ce qui eût été le plus ^pénible de vos fonctions?
Plus je réfléchis, Messieurs, à ce décret du 24 septembre que l'on attaque aujourd'hui, plus je reconnais, coîribien il était sage sous tous les rapports, et je gémis de toutes les imputations que, relativement à ce décret, jevois imprimées de toutes parts contre l'ancien comité dolonial, et surtout contre son rapporteur. J'aime à croire qu'ils ont le bon esprit de s'en affecter peu; ils savent que le fanal de la libèrté de la presse est une institution qui vant bien quelque tribut, et que l'on endure pour elle les bouffées de la calomnie;
Enfin, Messieurs, cette révocation du décret du 24 septembre, renfermée implicitement dans le décret qu'on vous propose ; cette révocation que vous n'avez pas le droit de prononcer, parce que ce décret est constitutionnel, parce que vous n'avez pas le droit de décider qu'il n'a pas dû être constitutionnel ; cette révocation qui serait inutile, et même nuisible à ceux pour l'intérêt de qui l'on semble vous la proposer; Gette révocation qui vous deviendrait odieuse à vous-mêmes, parce qu'elle vous ramènerait des discussions infiniment répugnantes aux législateurs d'une nation libre; cette révocation, Messieurs, si vous vous promettiez de la prononcer,' resterait sans effet, parce que la sanction nécessaire à vos-actes de législation vous serait refusée. Le roi, Messieurs, est de son côté, commé vous l'êtes du vôtre, le gardien des décrets constitutionnels rendus par l'Assemblée constituante ; il est le représentant de la nation pour veiller sur vos infractions, comme vous représentez la nation pour veiller sur les siennes. Le roi a donné son acceptation constitutionnelle au décret du 24 septembre, lorsqu'il lui fut présenté par l'Assemblee constituante; vous ne-pouvez douter qu'il ne refusât, comme il le doit, sa sanction à la révocation d'un décret qu'il a si formellement reconnu constitutionnel.
Enfin, Messieurs, après vous avoir ouvert si franchement mon opinion sur le décret du 24 septembre, je veux vous la montrer tout entière. Ce qui me reste à vous dire sera , hardi peut-être ; mais puisque je suis citoyen français, il m'est permis de manifester ma pensée. Ne pensez-vous pas comme moi, Messieurs, que les 83 départements européens qui ont contracté ensemble la Constitution française, ce pacte social réciproquement obligatoire, sont maintenant tellement liés entre eux par cet acte, et tellement engagés à l'observer, qu'aucun d'eux, tant que le
pacte social s'exécutera, ne peut se détacher du corps politique pour s'en rendre indépendant ou s'unir ailleurs ? Mais n'est-il pas vrai aussi que, si la nation avait un jour l'insigne mauvaise foi de rompre ce pacte social vis-a-vis d'un ou de plusieurs départements, de briser les rapports politiques de l'union commune; ces départements, gémissant de ce qu'une nation, la plus sage dans le travail de sa Constitution, serait devenue la plus perfide à une autre époque, ces départements auraient acquis, par le pacte social enfreint, le droit d'une existence indépendante, ou de leur réunion à tout autre peuple de l'univers? •
Eh bien ! Messieurs, ce qu'est la Constitution française entre les 83 départements d'Europe, l'Acte constitutionnel du 24 septembre l'est entre la France européenne et les colonies françaises d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. Observez avec elles ce pacte social ; et si elles veulent se désunir, contenez-les, développez votre puissance, vengez la foi trahie, tous les peuples au monde, toutes les générations des siècles vous approuveront. Mais, si c'est vous qui commettez l'infraction, qui rejetez l'acte d'union, j'y verrai de votre part plus que la foi trahie, parce que vous êtes les plus forts, parce que vous l'aurez trahie au moment où la plus grande de vos colonies est accablée de désastres. Si c'est vous qui commettez l'infraction, je vous dirai que vous n'avez plus de colonies que par le fait ; de droit, elles seront indépendantes. Je vous dirai que vous aurez plus fait en un jour pour les perdre, que l'Angleterre ne fît, durant un siècle de domination, pour aliéner les colonies qu'elle a perdues ; vous aurez donné à toutes les puissances de la terre plus de sujets de venger vos colonies de vous, que la France, l'Espagne et la Hollande n'en ont jamais eu pour seconder la scission des Anglo-Américains.
Telles sont, Messieurs, les raisons d'observer envers les colonies, l'Acte constitutionnel du 24 septembre. Telles seraient les conséquences de son infraction. J'ose espérer que les législateurs d'une nation libre ont vu, sans peine,le ton de franchise avec lequel je les ai exposées, et qu'ils en croiront davantage à l'assurance de mon profond respect.
Signé : Du MORIER.
Du 6 décembre, 1791.
Séance du
présidence de m. lemontey, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 6 décembre qui est adopté sans réclamation.
Ùn de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Pétition du sieur Olivier Chauffé. Il a quitté Saint-Domingue au mois d'août dernier ; pressé d'y retourner pour protéger ses propriétés com-
promises, il n'a pas le temps d'acquérir le domicile exigé par la loi pour contracter mariage ; il demande en conséquence que l'Assemblée nationale rende un décret qui, dans toutes les circonstances semblables à celle où il se trouve, dispense du domicile requis, attendu que l'ancien conseil du roi, qui donnait, dans ces cas, des lettres de dispense, n'existe plus.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de législation).
2\Lettre du sieur Ferlus, principal de l'Ecole militaire de Sorèze, qui renouvelle l'hommage déjà fait à l'Assemblée nationale constituante, d'un ouvrage intitulé : Projet d'Education nationale.
(L'Assemblée renvoie la lettre et l'ouvrage au comité des pétitions.)
3° Adresse des citoyens de Lavaur. Ils présentent à l'Assemblée nationale leurs félicitations sur ce qu'elle a déjà fait contre le fanatisme ; ils lui demandent d'achever son ouvrage.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
4° Adresse des citoyens libres de Saintes, assemblés sous l'autorisation de la municipalité, qui engagent l'Assemblée à dénoncer au roi que M. Du-portail a perdu la confiance de la nation; cette adresse est ainsi conçue :
« Les citoyens libres de la ville de Saintes, assemblés sous l'autorisation de la municipalité, à l'Assemblée nationale.
« L'intérêt de la chose publique nous force à dénoncer un ministre. Il y a longtemps que la conduite du sieur Duportail est suspecte ; il y a longtemps que l'opinion publique l'assiège ; mais il vient de se démasquer lui-même aux yeux de la nation, par l'indécence de sa conduite avec le Corps législatif. La France a vu avec indignation un fonctionnaire public, appelé pour rendre compte de sa conduite, se présenter pour braver l'Assemblée, substituer des insultes aux justifications, et l'audace effrontée d'un coupable à la contenance ferme et modeste qui caractérise l'innocence.
« Il a voulu avilir l'Assemblée nationale et le peuple qu'elle représente. Il a osé la taxer de malveillance et de mauvaise foi ; et, pour se laver des délits qu'on lui imputait, il s'est rendu coupable d'un délit plus punissable encore ; et vous, sur qui la nation entière a les regards fixés, de qui elle attendait un grand exemple ; vous qui devez faire valoir sa souveraineté, vous n'avez répondu aux provocations du ministre que par des murmures. Comme si c'était par des murmures, et non par un coup d'autorité qu'il fallait réprimer cette audace.
« Ainsi vous avez pu oublier le grand caractère dont vous êtes revêtus. Vous avez peut-être manqué à la dignité de la nation qué vous représentez. L'audace du ministre a moins affligé les citoyens, que la faiblesse avec laquelle vous l'avez soufferte.
« Législateurs, voulez-vous conserver la vénération des citoyens, hâtez-vous de déclarer au roi que le sieur Duportail a perdu la confiance de la nation, qu'il se hâte de donner au peuple des ministres patriotes, et ne confier l'exécution dos décrets qu à des hommes qui sont véritablement amis des lois.
« Pour nous, Messieurs, nous vous déclarons que nous ne voyons plus dans le sieur Duportail qu'un citoyen coupable de lèse-majesté nationale,
indigne du ministère dont il est revêtu, et par l'insouciance funeste avec laquelle il a rempli ses fonctions, et notamment pour son mépris pour le Corps législatif.
«i Si le sieur Duportail eût véritablement aimé la Constitution, il n'aurait pas manqué aussi essentiellement à ceux qui sont préposés pour en être les premiers défenseurs. Ce serait donc manquer à nos devoirs de citoyens et trahir la patrie que de ne pas solliciter la destitution d'un ministre prévaricateur.
« Signé : Les citoyens de la ville de Saintes, assemblés sous l'autorisation de la municipalité. «
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal I Vautres membres : L'ordre du jour !
L'ordre du jour n'est pas appuyé. (L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du iour.)
5° Adresse des administrateurs composant le conseil général du département du Finistère et qui dénoncent le ministre de la marine; cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs, nous vous dénonçons le ministre de la marine (Applaudissements dans les tribunes.) pour avoir trompé votre religion, en lui assurant que les officiers de son département n'ont pas quitté leur poste ; il est évidemment prouvé, par le résultat de la dernière revue passée au port de Brest, qu'il existe 104 officiers absents par congé, 271 sans congé, 28 demandant leur retraite; ce qui forme sur 660 officiers un déficit de 403 ; nous vous dénonçons le ministre de la marine pour avoir confié des forces destinées pour les colonies à des hommes tarés dans l'opinion publique, et qui n'inspirent que la méfiance et le mépris. Le ministre vient d'occasionner à Brest une émeute populaire. Les citoyens indignés virent arriver avec horreur le sieur La Jaille, capitaine de vaisseau, chargé de l'expédition de Saint-Domingue.
« Cet officier a été dénoncé à la France entière comme fauteur et complice des troubles des colonies, lorsqu'il commandait la frégate l'Engageante, en 1790. On l'accuse d'avoir versé ie sang des Français; s'il est coupable de ce crime, peut-on employer encore, au service de l'Etat, un des ennemis les plus cruels de son bonheur? Veut-on confier à des mains criminelles le salut de l'Empire? Nous joignons à notre mémoire les pièces qui nous ont été remises par les corps administratifs et municipaux qui ont réussi, par leur énergie et leur courage, à soustraire le sieur La Jaille à la colère du peuple. Ils ont été secondés par M. de La Bouraon-naie, chef divisionnaire, et par le zèle infatigable des gardes nationales et des troupes de terre et de mer.
« Il est de la dernière importance, Messieurs, d'empêcher des ministres corrupteurs de tramer ouvertement la perte de notre liberté. Jamais, non jamais nous ne serons tranquilles, tant que vous vous reposerez sur eux. Sans délicatesse et sans principes, ils vous ont trompés et ils vous tromperont encore. Ils entraînent la France entière dans l'abîme affreux qu'ils ont creusé sous ses pas. Forcez-les de remplacer les officiers de l'armée, forcez-les d'en confier le commandement à des hommes dont les principes soient connus, à des hommes distingués par leur patriotisme, par leur amour pour la paix, qui
porteront en tous lieux des idées, des principes ae la Constitution française ; honorés de la confiance générale, ils propageront l'esprit public, qui fait la force des Empires. Si l'on continue, au contraire, d'en confier le commandement à des chefs corrompus, c'en est fait, l'édifice de la Constitution s'écroule, ou la guerre civile ensanglante nos campagnes, jette un voile sur notre liberté naissante et nous prépare des jours d'horreur.
« L'événement arrivé à Brest nous fait sentir, Messieurs, la nécessité de demander une décoration extérieure pour les membres de district et de département. (Rires.)... Un membre : Il n'y a pas de quoi rire ! M. le secrétaire continuant la lecture... Ceux qui se trouvaient à Brest lors de l'émeute, et qui se sont présentés pour apaiser le bruit, ont été repoussés et méconnus, ainsi qu'il est prouvé par une lettre du district. « Nous sommes avec respect, Messieurs, etc.
« Signé : Les administrateurs composant le directoire du département du Finistère. »
A cette adresse était joint l'extrait d'une lettre des administrateurs du district de Brest, à M. Lar-tigue, eu date du 28 novembre, et une expédition en forme du procès-verbal fait par la municipalité de Brest, le 27 du même mois.
Je convertis en motion la proposition des administrateurs du département du Finistère. Je demande le renvoi au comité de législation pour ce qui concerne la décoration extérieure et la mention honorable de l'adresse au procès-verbal. Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Chacune de nos séances commence par des dénonciations et jamais elles n'aboutissent à rien. Cependant, il existe des coupables, ou il n'en existe pas. S il n'y a pas de coupables, il est inutile de faire retentir constamment la tribune nationale de déclamations, qui, quoique sans fondement, n'en altèrent pas moins la confiance due à des fonctionnaires publics. S'il y a des coupables, il faut faire sur eux un grand exemple, et il est juste que la loi les punisse.
Je demande donc, pour qu'on ne finisse pas par intituler nos séances, d'histoires de dénonciations, qu'il n'en puisse être fait aucune qu'elle n'ait passé par le comité de surveillance, parce qu'alors les dénonciations auront du poids ; parce qu'alors on aura prouvé quelque chose, et nous ne nous compromettrons plus aux yeux de l'opinion publique et du peuple français.
Je m'oppose à la motion que vient de vous faire M. Lasource. Le comité de surveillance ne doit absolument connaître que des pièces que vous lui renvoyez, et préparer là-dessus des rapports. Il est donc nécessaire que l'Assemblée nationale commence par recevoir les dénonciations qui sont faites, et M. Lasource s'est étrangement trompé quand il a paru craindre qu'on appelât nos séances : l'Histoire des dénonciations. Car, Messieurs, nos séances sont faites pour délibérer, et ce n'est pas nous qui dénonçons le ministre de la marine, c'est le département du Finistère, ce sont les administrateurs, ce sont les citoyens qui ont droit de vous faire des pétitions et de vous faire connaître les vices de l'Administration ; vous êtes
en dernier ressort le grand juré des grands coupables. Ce n'est donc pas nous qui- faisons les dénonciations ; c'est à l'Assemblée a les recevoir et au comité de surveillance à en préparer ensuite le rapport.
Je m'oppose donc à ce qu'on renvoie les dénonciations à faire au comité de surveillance, mais je demande que celle-ci lui soit renvoyée, parce que le comité de surveillance est déjà nanti des pièces que vous lui avez renvoyées à ce sujet. Le ministre de la marine vous en impose. Il est venu, non pas se blanchir, mais se noircir lui-même par ses insolences ; et le comité, quand il fera son rapport, fera sans doute le rapprochement, tant des dénonciations qui sont faites contre lui, que de la maladresse avec laquelle il s'est défendu. '
Je demande donc : premièrement, que vous fassiez mention honorable de l'adresse des administrateurs du département du Finistère ; secondement, que vous renvoyiez cette adresse au comité de surveillance pour vous en faire, très incessamment le rapport.
Je m'oppose à ce qu'il soit fait mention honorable de l adresse au procès-verbal. On ne peut faire mention honorable que d'une chose nonorable; ce qu'ont fait les citoyens de Brest n'est qu'un acte ae devoir, si cette dénonciation est fondée ; ; et c'est ce qu'il faudra voir. Mais, en appuyant. ce que vient de dire M. Chabot, je demande que toutes les dénonciations, dussions-nous en avoir 6 tous les matins, car nous n'avons que 6 ministres, soient lues à l'Assemblée nationale, qui ordonnera ce qu'elle jugera convenable.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Lasource!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de Lasource:)
Plusieurs membres : La question préalable sur la mention honorable 1
(L'Assemblée, consultée, rejette la mention honorable par la question préalable et renvoie les pièces aux comités de marine, de surveillance et ae législation pour en faire incessamment leur rapport en ce qui les concerne.)
6° Pétition de Jeanne de Laroche, veuve du sieur Thomas Gresté, à laquelle est joint le tableau historique des services militaires de son 'mari, Elle demande que trois enfants mâles qui lui restent soient placés à l'Ecole militaire et dans celle de la marine.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
7° Lettre de citoyens députés par. les habitants de la ville de Saint-Pierre, île de la Martinique, qui demandent à être admis à la barre de l'Assemblée pour rendre compte de faits essentiels relativement aux troubles des îles du Vent ; cette lettre est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Nous avons des pièces impartiales à soumettre à l'Assemblée nationale, concernant les troubles qu'ont éprouvés et qu'éprouvent encore les îles du Vent. Hier, nous avons écrit à M. le Président pour être admis à la barre : nous n'avons pas été assez heureux pour en obtenir la la permission. Nous vous prions de nous accorder cette faveur, que nous croyons bien intéres-
1 santé pour la chose publique, surtout dans les circonstances.
« Nous sommes avec respect, etc..
« Signé : A. crassous, coquille du gommier.»
Je demande que les députés de la ville de Saint-Pierre de la Martinique soient admis à la barre, et avant la discussion sur l'affaire des colonies.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Lecointe-Puyraveau.) (Voir ci-après p. 623.)
8° Pétition de M. Vieilh de Varennes, ancien ingénieur des ponts et chaussées, ayant pour objet d'obtenir au pétitionnaire, qui fut un des vainqueurs de la Bastille, le même avantage dont l'Assemblée nationale à fait jouir MM. de Lasalle et Desandrais.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions pour en faire le rapport dans le plus court délai.)
9° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, par laquelle il annonce qu'il vient de recevoir et qu'il s empresse de transmettre à l'Assemblée nationale les procès-verbaux qui n'avaient pas encore été envoyés des nominations des hauts jurés.
10° ,Lettre du procureur général syndic du département des Vosges, qui adresse à l'Assemblée nationale Une délibération du directoire de ce département, contenant des détails qui peuvent servir d'instructions sur le nombre et le placement dès'notaires dans son territoire',
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité de division.)
11° Pétition de MM. Doucet et Girard, volontai-, res dans le bataillon du département du Loiret. Ces citoyens-soldats espèrent que l'Assemblée national fixera incessamment le mode du remplacement des officiers de l'armée, et qu'elle ne le laissera pas à l'arbitraire d'un ministre quia perdu, disent-ils, la confiance publique.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
12° Lettre de M: Garderot, rédacteur du journal politique du Cap français. Victime de la faction tyranique de Saint-Domingue, et calomnié par ses émissaires, il supplie 1 Assemblée nationale de fixer le iour où elle pourra l'entendre.
(L'Assemblée- décrète qu'il sera admis à la barre dans le cours de la séafieel)
, au nom des commissaires-inspecteurs de la salle, demande à faire un rapport prêt depuis,quinze jours, sur les changements à faire dans les dispositions intérieures du lieu des séances de l'Assemblée.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à une séance extraordinaire du soir.)
Voiciune lettre de M. Be-lin-Villeneuve, qui renferme la copie de celle que M. La Jaille lui a écrite au sujet des troubles de Brest, et dont je demande le renvoi au comité, de marine.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint copie de la lettre qui m'a été écrite par M. La Jaille, capitaine de vaisseau.
- « Une émeute populaire, dont il a pensé être la victime, a forcé d'enfermer dans le château de Brest-cet'officièr malheureux. Cette émeute a pris naissance dans l'opinion Où est le peuple qu'il existe au comité de marine une dénoncia-
tion contre lui. Cette dénonciation n'existe point, et pour le prouver aux hommes abusés dont il a éprouvé le ressentiment, il m'a chargé de demander à M. le président du comité de marine une attestation a cet égard.
« Je supplie l'Assemblée nationale, par votre organe, Monsieur le Président,.de me faire passer un certificat qui attestera qu'il n'y apoint de dénonciation. S'il ne rend point la liberté à M. La Jaille, il lui fera supporter avec patience au moins le reste de sa captivité. i.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : Belin-Villeneuve. »
Un membre du comité de marine : On a déjà fait la recherche de cette dénonciation au comité, sans qu'on ait rien trouvé qui annonce qu'elle ait été mite. Je demande que le comité soit autorisé à en donner sa déclaration, conformément au vœu de M. Lajaille.
Un membre : Cette autorisation n'est pas nécessaire, je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion et renvoie la lettre de M. Belin-Villeneuve au comité de marine.)
Je prie l'Assemblée nationale de prendre en considération la motion d'ordre que je fais pour une mesure de police générale extrêmement urgente dans les circonstances où nous sommes, il s'agit, Messieurs, de la messe de minuit et d'autres cérémonies nocturnes. Elles donnent lieu à des rassemblements, dont les malveillants pourraient abuser pour exciter des troubles. Il n'y a pas besoin d'explication à cet égard ; je serai entendu par la simple exposition des faits. Je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgénce, décrète que, dans toutes les églises et oratoires catholiques, les premières cérémonies de Noël, qu'il est d'usage de célébrer à minuit, seront remisés aù point du jour, pour la présente année et les suivantes,, jusqu'à ce. qu'il en ait été autrement ordonné par les législatures I que1 les corps municipaux et administratifs, spécialement chargés de la tranquillité publique, tiéndront la main à l'exécution du present décret, et veilleront à ce que l'exercice de tous les cultes soit fait publiquement et en plein jour. Toute cérémonie nocturne leur est expressément défendue, comme contraire à la liberté des cultes, à la décence publique au bon ordre et à la sûreté de l'Etat. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Lguquestion préalable ! "
Un membre : Je demande qu'on mette- pour cette année seulement, et non pour les suivantes. Cette disposition pourrait être très dangereuse, surtout dans les campagnes.
Cette mesureest très importante ; mais on doit en excepter la cérémonie du viatique qu'il est souvent nécessaire de porter aux malades pendant la nuit.
J'observe que toutes ces précautions sont du ressort du département de la police ; elles ont toujours été prises pendant lés deux ans que j'ai été administrateur de police à Paris.
Plusieurs membres. Il, n'est pas question de Paris, mais dès campagnes.
C'est une mesure de police que commande la sûreté générale ; mais il faut
prendre des précautions pour les lieux seulement où il peut y avoir des troubles. Je propose d'interdire les rassemblements nocturnes dans les villes d'une certaine population.
Il serait très impolitique d'adopter la mesure proposée par M. François de Neufchâteau. Car, Messieurs, quoique nos ennemis aient dit bien des absurdités, ils ne les ont pas encore épuisées toutes. Ils diront aux habitants de la campagne que nous voulons toucher à la religion et abolir les pratiques de la religion ; ainsi, les inconvénients qui résulteraient de cette précaution seraient plus dangereuses que les maux qu'elle voudrait prévenir.
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour, en invitant les corps administratifs et municipaux à redoubler de zèle et de vigilance pendant la nuit de Noël et à prendre les précautions nécessaires pour assurer la tranquillité publique.
(L Assemblée ferme la discussion et passe à l'ordre du jour, mais ordonne que les motifs qui viennent d'être présentés et par lesquels die s'est déterminée, seront insérés au procès-verbaL)
, députés des citoyens habitant la ville de Saint-Pierre-Martinique, dont l'admission à la barre a été décrétée au cours de la séance, sont introduits (1).
M. Crassous s'exprime ainsi :
« Messieurs, les citoyens delà ville de Saint-Pi erre-Martini que m'ont chargé de vous remettre lé dépôt 'dès pièces qui doivent enfin dévoiler le secret des troubles auxquels cette colonie a été enproie. Ces pièces ne peuvent être suspectes ; la Providence nous les remit entre les mains à une époque où le directôire de l'assemblée coloniale s enfuit avec. M. Damas, pour ne pas céder à de justes réclamations, et alluma la guerre civile qui nous a déchirés pendant sept mois et demi. La correspondance particulière de M. Vioménil, celle de l'assemblée coloniale avec ses députés en France, les procès-verbaux et autres actes émanés de èette assemblée, des procédures sur plusieurs événements ; voilà ce que j'ai à vous présenter.
« Je le dis avec un sentiment profond de douleur. Je ne serais pap fsorti de la ville dont j'avais fait ma patrie ; je n'aurais pas fui avec ma famille, avec 4,000 citoyens, et abandonné les fruits de plusieurs années de travail; je n'aurais pas passé les mers pour ne remettre qu'à vous ce dépôt important, si les commissaires civils, à qui il devait être .confié, avaient conservé le caractère imposant d'envoyés de la nation, s'ils avaient soumis tous les partis aux lois d'une sévère impartialité, si, oubliant qu'ils devaient maîtriser et» diriger les agents du pouvoir exécutif, ils n'avaient pas laissé M. Behague se coaliser avéc le parti de l'assemblée coloniale, le seconder pàr "tous les elfurts d'une puissance vraiment arbitraire, et achever la ruine d'une ville où la métropole a l'entrepôt le plus conséquent pour sa mariné et ses manufactures, où les amis dé la Constitution se comptent par le nombre des citoyens, où l'attachement intime à la nation ne souffre pas de modification, ne connaît pas dé rési stance
«Je sais qu'un décret, rendu par l'Assemblée constituante le 28 septembre, porte que « pour
Su'il leur en a coûté leur fortune, des combats, u sang, des victimes innombrables ; qu'ils n'ont échappé à une entière destruction que par une constance et un courage bien supérieurs à leurs faiblès moyens ; et que tantôt luttant avec un égal avantage, tantôt écrasés par la supériorité des forces, presque anéantis aujourd'hui par les combinaisons les plus perfides, ils tournent encore leurs regards vers vous ; c'est de vous qu'ils attendent des lois, une Constitution, la faculté de vivre libres. (Applaudissements.)
Sans doute, Messieurs, vous pressentez que la première cause des maux dans les colonies est attachéé à ce que jamais on n'a pu y abattre les têtes du despotisme. Avant la Révolution, le ministre de la marine en était le véritable souverain; depuis la Révolution, tout a tendu à y maintenir la même souveraineté; les décrets régénérateurs de l'Empire n'ont pénétré dans ces climats que parce que l'éternelle raison les appelait aussi à la régénération; et je dois à la vérité de dire que ses premiers accents ont également ému tous les quartiers de la Martinique, tous ont célébré avec quelque enthousiasme la destruction de la Bastille; (Applaudissements.) mais cette impression n'a pas eu partout les mêmes effets : elle a' été pure à Saint-Pierre; les citoyens y ont pensé qu'ils faisaient partie de la nation, qu'ils ne pouvaient s'égarer en marchant avec elle ; ils ont tout rapporté au grand principe de la liberté et de l'égalité ; ils ont eu un comité, une municipalité, des assemblées populaires, une garde nationale; ils ont oublié qu'ils étaient créanciers, 11 dans la campagne, ils ont eu pour amis, pour imitateurs, des paroisses entières, ou au moins de nombreux partisans, offrant leur culte sincère à la liberté.
« Ce fut Saint-Pierre qui, dans son généreux enthousiasme, provoqua la formation d'une as-sémblée coloniale. Il en existait déjà une, créée par le ministre en 1787, et bien digne par sa composition du temps où elle était née. Saint-Pierre fit tout pour la faire remplacer par une assemblée générâle librement élue, ayant la population pour base. Cette ville crut servir la cause de la liberté : elle ne pensait pas que de là partiraient les fers qui devaient l'enchaîner; mais la cour des gouver-
neurs, les propriétaires de grandes habitations, les commandants de milice ou aspirants à l'être, presque tous débiteurs obérés, soumirent la Révolution au calcul de leur intérêt et de leur orgueil, et l'assemblée coloniale ne fut plus pour eux qu'un moyen de s'ériger une puissance. Ils se maintinrent sous ce nom d'assemblée coloniale, quoique les députés de Saint-Pierre et de plusieurs autres paroisses n'y prissent aucune part; sous ce nom, ils ont eu dans l'Assemblée constituante des députés qui paraissaient représenter la colonie, lorsqu'ils ne représentaient qu'une faction. Ces députés vantaient l'attachement de la prétendue assemblée coloniale à la Constitution, lorsqu'elle osait dire avec orgueil qu'elle « agréait » quelques dispositions faites par l'Assemblée nationale; ils appelaient amour de la paix ce qui se tramait à la Martinique pour étouffer le patriotisme ; ils appelaient envie de dominer, l'élan que Saint-Pierre avait pour la Révolution ; et c'est à ces députés qu'on doit attribuer les voiles épais dont toutes les manœuvres'de leurs commettants ont été enveloppées.
« Ils n'auraient cependant jamais eu leurs affreux succès, si deux intérêts puissants n'avaient fourni a leur faction des chefs dans l'île et des rapports en France, qui ont assuré leur domination. Le premier de ces intérêts est celui des gouverneurs, choisis et guidés par les ministres : l'autorité arbitraire n'a point été choquée de se lier avec l'autorité nouvelle de l'assemblée coloniale; ils se sont unis par la conformité de sentiments, et l'aristocratie des officiers s'est, parfaitement accordée avec l'hypocrisie des planteurs. C'est pour cela que le régiment de la Mar-tinique? aveuglé par ses chefs, a servi longtemps l'ambition de l'assemblée, a déclaré en son nom la guerre à Saint-Pierre, a voulu forcer la ville à une capitulation pour rendre hommage aux vertus de M. Vioménil, a marché contre elle sous M. Damas, et que ses grenadiers et officiers l'ont abandonné, lorsque, revenu à lui, il a servi la cause de l'humanité et le patriotisme : c'est pour cela que les hommes de couleur ont été entraînés dans la plus cruelle erreur; ils faisaient partie des milices royales que l'assemblée coloniale et M. Vioménil ont soigneusement conservées; le gouverneur les commandait au nom du roi ; l'assemblée coloniale leur prodiguait les promesses, leur représentait le régime populaire comme un régime oppressif ou comme un acte de révolte, et ils ont combattu contre Saint-Pierre ; c'est pour cela que M. Rivière, commandant le vaisseau la Ferme, et M. OrléanSj commandant l'Embuscade, au lieu de s'immortaliser en interposant leur médiation que les patriotes demandaient, se sont déclarés contre eux, les ont bloqués et affamés en trompant leurs propres équipages ; c'est pour cela, enfin, que M. Béhague, arrivé avec 24 vaisseaux ou frégates, avec 6,000 hommes de troupes, avec un appareil formidable d'artillerie, a fait cesser la guerre sans opérer la conciliation, et regrettant sans doute de ne pouvoir faire usage de ces moyens pour exterminer les citoyens trop obéissants à son gré, a fait au moins toutes dispositions pour les empêcher de se relever jamais ■de l'abattement dans lequel il les a plongés.
« Le second intérêt n'est que celui d'une famille ; les législateurs ne pourront s'empêcher d'y reconnaître le principal fil de tous les maux.
« Le sieur Dubuc père, ci-devant dans les bureaux de la marine et intendant général des colonies, doit à l'Etat une somme capitale de 1,580,627 livres argent de France et deux années
d'intérêt mbntant à 226,000 livres. Cette somme reconnue par un contrat passé avec M. de Castries, ministre de la marine, le 22 février 1786, est hypothéquée sur une habitation située au quartier de la Trinité-Martinique ; elle lui fut avancée pour servir à l'établissement d'une raffinerie.
« Longtemps avant la Révolution, le sieur Dubuc avait écrit contre la réunion du commerce à Saint-Pierre, afin de l'attirer dans le quartier de sa raffinerie. En 1787, il avait déterminé l'assemblée coloniale de ce temps à faire porter l'impôt de la colonie sur le commerce de Saint-Pierre, et il avait inspiré à la campagne le désir de détruire cette ville.
« D'après une réunion d'intérêts si puissants, on aperçoit, sans doute, comment s'est formée l'opinion coloniale contre le patriotisme; comment la haine contre Saint-Pierre s'est confondue avec la haine contre la Révolution. La ville fut déclarée ennemie de la colonie, parce qu'elle était amie de la métropole ; sa perte fut jurée, parce qu'elle était un onstacle invincible à l'exécution des projets ; et ces projets, je les trouve dans les lettres du sieur Bellevue-Blanchetières, député extraordinaire de l'assemblée coloniale. Je ne vous citerai point ses diatribes amères contre l'Assemblée constituante et contre le nouvel ordre de choses; mais, le 28 mars 1790, il écrivait au sieur Dubuc fils : « Je crois pos-« sible qu'au moment où vous lirez cette lettre, « si elle vous parvient, vous soyez aux Anglais. r Songez que si cela arrivait, il y aurait un « grand coup à- faire au sujet de la dette de « M. Dubuc envers le roi. Cette dette appartien-« drait au roi d'Angleterre : il s'agirait de pré-« senter des arrangements faits ici, qui ôteraient « aux vainqueurs le droit de l'exiger. » Il écrivait à l'assemblée coloniale elle-même, le 15 juin suivant : « Le moment des réclamations vio-« lentes est venu pour vous comme pour toute la « France : prenez donc et soyez inflexibles. Vous « n'aurez que ce que vous aurez pris. » C'est-à-dire clairement qu'on voulait soustraire à la nation une somme ae 1,700,000 livres, anéantir un contrat passé avec le ministre, par des arrangements faits sans doute avec lui ; passer sous la domination anglaise, ou au moins se rendre redoutables; s'emparer de la puissance, et braver la justice et la nation : tels sont, Messieurs, les nommes que nous avons combattus. (Applau-• dissenients.)
« Leurs députés leur conseillaient la guerre, ils l'ont faite, et elle a été digne de leurs principes. Furieux de notre résistance, ils ont armé les esclaves, les ont rangés en compagnies que des blancs commandaient ; ces instruments aveugles ont porté la dévastation dans tous les quartiers qui leur étaient désignés; les habitations des patriotes marquées àla craie ont été ravagées et incendiées; eux-mêmes ont été massacrés ou condamnés aux ceps; ceux qui ont échappé sont venus dans la ville partager les horreurs du siège et de la famine. Sept mois et demi se sont écoulés dans une situation impossible à dépeindre ; nous tenions les forts, nous étions défendus par les braves régiments de la Martinique et de la Guadeloupe, par des détachements de l'artillerie et de la Sarre, par les volontaires patriotes des îles voisines, à la tête desquels était ce généreux colon présent devant vous (L'orateur montre M. Coquille du Gommier, chevalier de Saint-Louis, membre de la députation.), supérieur aux préjugés qui l'entouraient. (Applaudissements.) Mais, ce qui nous rendait invincibles, c'était l'espoir que nous
avions fondé sur l'arrivée prochaine des envoyés de la nation demandés par vos députés extraordinaires, et la certitude qu'en leur remettant les forts, nous assurions à la France la possession de la colqnie.
« Là, sans doute, devait être la fin de nos maux. Le décret du 29 novembre consacrait les mêmes propositions que nous avions faites à l'Assemblée coloniale et qu'elle avait rejetées; nous devions croire que la nation avait pris quelque part à ce que nous avions souffert pour sa cause : mais les intentions de la loi ont été emprisonnées par ceux qui devaient la faire exécuter. M. Béhague ne venait pas poursuivre une route opposée à celle de ses prédécesseurs; les commissaires civils n'ont pas su prendre le poste que la loi leur assignait ; l'instant où les fonctions de l'assemblée coloniale étaient suspendues, a été l'instant où sa domination s'est plus cruellement établie ; les défenseurs de Saint-Pierre ont été désarmés et renvoyés en France ; ceux qui les avaient combattus, les officiers et grenadiers du régiment de la Martinique ont été conservés. La ville a été dépourvue d'armes et de munitions, on en a fait des dépôts dans les campagnes : les troupes ont été écartées parce qu'on redoutait leur patriotisme; on n'a laissé que deux bataillons et on a désarmé les forts qui étaient à leur garde. Sur 24 vaisseaux ou frégates, on a choisi la Ferme et Y Embuscade, à qui nous devions cç que la guerre avait eu de plus atroce, YEole et la Ca-lypso commandées par les sieurs Girardin et Malvaut, créoles liés au parti de l'assemblée colonial. Les commissaires et le général se sont renfermés dans le Fort-Royal, tandis que tous ceux du parti s'obligeaient, par le serment le plus fort, à ne jamais communiquer avec Saint-Pierre, à expulser de la colonie tous ceux qui avaient tenu à la cause de Saint-Pierre, que des vexations inouies, des menaces, des meurtres restés impunis, ont forcé une multitude de citoyens à s'expatrier, à renoncer à un pays où il n'y avait plus ni protection ni sûreté.
« C'est peu que de jjj voir l'ancien régime rétabli, mais il l'est avec l'idée d'une contre-révo-lution, et par conséquent avec toutes les intentions ae vengeance ; on n'a cessé de le dire tojit haut : la fuite du roi a été annoncée à la Martinique au mois de mai, les capitaines des navires marchands sont partis pour la France avec la crainte de la trouver en proie aux horreurs de la guerre civile ; la ville de Saint-Pierre est dans la crainte continuelle d'une invasion, et tout annonce qu'à la Martinique la Révolution française ne doit plus trouver de partisans à peine de mort.
« Au milieu de ce désordre affreux, ceux qui n'ont pu s'y soustraire, restés dans l'humiliation, ont prouvé mieux encore que dans les combats, combien ils sont dignes de la Révolution. Stricts observateurs de la loi, ils ont fait quelques représentations ; mais il est impossible que M. Béhague lui-même les accuse d'aucune desobéissance, et quoique les hommes de couleur aient été les agents de leurs ennemis, ils est déclaré qu'ils obéiraient au décret du 15 mai. (Applaudissements.)
« Mais la constitution des colonies n'est pas faite, et les pouvoirs d'un général y sont plus étendus que tous ceux que la Révolution a renversés. L'assemblés coloniale qui, depuis 18 mois, s'est exercée à usurper tous les pouvoirs, au lieu de présenter son vœu, et qùi ne présentera jamais que le vœu du parti qui y dominera ; l'assemblée coloniale est le foyer criminel de toutes
les discussions. Cependant, elle est rétablie par le décret du 28 septembre, et quoique ce décret ne la rétablisse qu'à raison de l'amnistie qu'il prononce, elle ne fera pas inoinsregarder ce rétablissement comme un triomphe, et les humila-tions de Saint-Pierre vont encore s'accroître, s'il est possible. '
« Je demande que l'Assemblée nationale daigne prendre en considération la situation vraiment déplorable de , la ville de Saint-Pierre ; qu'elle lui fasse connaître si ses habitants doivent renoncer à l'existence ; qu'elle ordonne l'éloignement de M. Béhague et de tous les chefs militaires ou d'administration qui ont combattu pour l'un ou pour l'autre parti; qu'elle accorde une juste indemnité des dépenses et emprunts que la ville a faits pour ne pas succomber en combattant les ennemis de là Révolution ; (les dépenses de l'assemblée coloniale ont été payées par les commissaires, à 1.30,000 livres prés, et toutes les réclamations des patriotes ont été écartées) je demande enfin que les lois qu'elle fera dans sa sagesse, soient confiées à des agents patriotes, qui mettent leur gloire à les faire fidèlement executer. » (Applaudissements.).
, chevalier de Saint-Louis, s'exprime ensuite en ces termes :
« Les droits de la justice et de la vérité sont imprescriptibles comme les droits- de l'homme. La Révolution, en relevant ces derniers, les j fait triompher tous autour de vous; mais dans» nos contrées, profitant delà distance immense qui nous sépare, des hommes pervers, accoutumés à;voir sacrifier la justice èn leur faveurr ont couvert depuis longtemps la vérité d'un voile funèbre qu'il faut déchirer... Ils ne veulent la liberté que pour éux, ils abhorrent l'égalité. (Applaudissements.) Voilà la source de tous les. maux qui affligent nos oolonies ; envoyé vers vous par une très grande partie des ^colons planteurs et d'autres états, je demande à prouver que les amis de la Constitution sont vexés, opprimés, détruits sur une terre où ils travaillaient à faire fructifier le nouvel arbre de vie»
« La Martinique a donné, la première, le fatal exemple d'employer la force, pour en couper les racines. Les événements lui ont été favorables ; et dans ce moment tous les cultivateurs du plus bel arbre du monde gémissent dans l'opprobre et dans la persécution ; les citoyens qui l ont pu, se sont éloignés de la désolation. Après avoir donné à ces malheureux frères un long témoignage de mes sentiments, après avoir soutenu avec eux une lutte constante et courageuse ; enfin après avoir remis nos drapeaux et les' intérêts de là régénération entre les mains des commissaires du roi,' je me suis retiré dans mes foyers. Je ne les avais abandonnés qu'en cédant au désir des volontaires confédérés qui m'avaient choisi pour leur premier camarade ; les secours donnés à nos frères avaient lé sceau de la loi. Réquisition de la municipalité , approbation de l'assemblée coloniale, représentée par son comité général, sanction du gouverneur, tout devait me promettre d'être à l'abri d'aucun reproche, tout devait n'assurer le repos dont j'avais besoin, après les fatigues d'une guerre pénible ; mais les ennemis que j'avais combattus avaient porté dans mon pays lé souffle empoisonné de leurs ? opinions : les Sectateurs de leurs principes s'étaient coalisés pour les imiter. Je trouvai donc encore la guerre, et lorsque nos ennemis apprirent le criminel abus que le général Béhague
avait fait des forces confiées à ses soins, lorsqu'ils apprirent qu'au mépris de l'impartialité que lui prescrivait sa mission, ce général s'était déclaré chef départi, alors tout fut employé pour anéantir le patriotisme à la Guadeloupe comme à la Martinique (1).
« Ils dirigèrent leurs premières menaces contre moi, le feu de leur animosité m'éclaira sur le parti que j'avais à prendre ; tranquille dans une conscience, indifférent sur mon sort, je voulais attendre l'événement et détourner l'orage. Mais, instruits, à n'en pas douter, par des avis-réitérés, qu'ils voulaient s envelopper pour me porter leurs coups, les patriotes me pressèrent de mettre en sûreté ma liberté et de venir ici veiller à la- leur. Mon départ fut décidé, et je le précipitai au moment où je reçus une adresse d'un grand nombre de citoyens victimes de l'oppression du général Béhague. Ils s'écriaient dans léur douleur profonde : « Portez, nous vous en prions; portez à « l'Assemblée nationale, nos doléances et nos ré-« clamations; elle nous doit le soulagement à « nos maux; martyrs de sa Constitution, nous « avons droit à sa protection : dites-lui que nos « souffrances, dussent-élles durer au delà des « siècles, ne sauraient altérer notre amour pour « notre nouvelle religion. (Applaudissements.) « Dites que nous avons fait le sermentde lui être « fidèles. »
« Par quelle fatalité, Messieurs, des secours demandés par les députés de Saint-Pierre, ont-ils tournés contre cette ville et ces adhérents? Quel est le'ressort secret qui les a dirigés? Serait-ce le ministre, dont les instructions auraient réglé la marche du sieur Béhague?
« La confiance de la nation est trahie ; si le sieur Béhague est seul coupable, le ministre n'en est pas moins responsable. Il faut donc les confronter; il faut punir la félonie,' et donner enfin un exemple de responsabilité. (Applaudissements.)
, répondant à la députation.
L'Assemblée nationale, décidée à approfondir la cause des troubles qui ont désolé la colonie, vous rend grâce des lumières que votre patriotisme lui apporte. Sa prudence et sa justice lui dicteront l'usage qu'elle en doit faire. Elle vous invite à assister à sa séance. (Vifs applaudissements.)
Je demandé l'impression et la distribution des deux discours, et le rénvoi au comité colonial avec ordre de faire incessamment son rapport sur les demandes et lès vues que ces rapports renferment.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)
ainé, artiste musicien, est admis à la barre.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de sa pétition, dont voici l'extrait :
Cet artiste fait hommage à l'Assemblée nationale d'une messe en musique, à grand orchestre,
intitulée : Messe pour Mirabeau et pour les représentants de la nation qui ont bien mérité et
qui mériteront bien de la Patrie. Il prie l'Assemblée nationale d'ordonner que le second jour
du mois d'avril prochain, sa messe sera exécutée aux frais de la nation, à Saint-Eustache,
paroisse de Mirabeau ; que l'Assemblée nationale y assistera par commissaires, et qu'il lui
sera permis, après l'exécution de Son ouvrage, d'en déposer la partition aux archives de
l'Assemblée nationale,
, répondant au pétitionnaire, donne des éloges à ses talents et à son zèle, et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée agrée l'hommage de M. Janson et ordonne qu'il en sera fait mention honorablé au procès-verbal.)
Un membre convertit en motion la demande de M. Janson. (L'Assemblée accordé cette demande.) M. le Président. Avant de passer à l'ordre du jour, je vais vous donner lecture de la réponse que vous avez chargé votre Président de faire à la société constitutionnelle des Wighs, conformément au décret rendu hier. 1
« Paris, le
« J'ai mis. Monsieur, sous les yeux de l'Assemblée nationale l'arrêté de la société constitutionnelle des Wighs que vous m'avez adressé ; elle a ordonné qu'il serait inséré en anglais et én français dans son procès-vèrbal, avec une mention honorable ; envoyé dans tous les départements de l'Empire, et présenté au roi par des commissaires choisis dans son sein. Elle m-a chargé, en outre, de témoigner à la Société constitutionnelle des Wighs la reconnaissance que méritent ses généreuses résolutions.
« Telle est; Monsieur, laj solennité que 1?Assemblée nationale a voulu donner à l'alliance qui vient de s'établir entre la liberté anglaise'et la liberté française ; traité inviolable que l'inspiration de la vertu a seule négocié, et qui, n'appartenant ni aux calculs de l'intérêt, ni aux caprices dè la politique, sera simple comme la vérité, éternel comme la raison. (Applaudissements.) Puisse-t-il être aussi le présage de cette fédération du genre humain, devant laquelle s'anéantiront tous les préjugés qui désolent la terre !
« Salut à l'antique société des WighSj salut à Vous innombrabies défenseurs de la liberté ! saris doute la nation française accepte avec transport et vos vœux et vos Offres fraternelles. Elle accepte surtout le grand, exemplè que vous lui donnez d'un inflexible dévouement, d'un amour sans mélange pour là Constitution de son pays : c'est par de tels ressorts qu'un Etat est vraiment impérissable, qu'il brave les Conjurations et les revers et qu'il sortirait même du naufrage^ debout et majestueux à côté de ses lois (1)^ (Applaudissements,)
« Le Président de VAssemblée nationale, ' ' «. Signé -. Lacépëde. »
(L'Assemblée adopte la rédaction de cette lettre et en ordonne l'insertion au procès-Verbal.) .
Je reçois à l'instant un billet du roi ainsi conçu :
« Je vous prie, Monsieur le Président, de faire part à l'Assemblée nationale que j'ai nommé M. de Narbonne au département de la guerre à la place de M. Duportail.
« Signé : louis. »
Je demande l'insertion de cette lettre au procès-verbal-. « (Cette motion n'a pas de suite.)
Messieurs, avant que la discussion soit-ouVérte sur l'affaire des colonies, ie demande à faire part à l'Assemblée d'un article que renferme un journal intitulé : Correspondance patriotique entre les citoyens qui ont été membres de l'Assemblée nationale constituante. !^, rédaction enest confiée à M. Dupont (de Nemours) dont la véracité n'est pas suspecte. Ce fait consigné dans cette lettre, qui n'est insérée dans aucune autre feuille, est si important, que je prie l'Assemblée nationale de demander, séance tenante, des éclaircissements au ministre de la marine.
' « De Philadelphie, le
« M. de Roustan est arrivé ici chargé de lettres de rassemblée coloniale de Saint-Domingue et de M. Blanchelande, adressées directement au congrès et aux Etats de Pensylvanie: il comptait suivre directement la négociation au nom de la colonie: il avait pris le titre publie de député de la colonie et avait montré des pleins pouvoirs pour traiter en cétte qualité avec le congrès et les Etats particuliers.
« M. de Ternan, Ministre de,France, connu par son patriotisme, son attachement à la Constitution et sa fermeté en affaires, a rappelé à M. de Roustan que la Colonie de Saint-Domingue était une province de France et non un Etat indépendant. M. de Roustan s'est excusé, en disant qu'on ignorait à Saint-Domingue qu'il y eût un ministre de France près des Etats-Unis.; mais cependant M, de Ternan avait déjà reçu plusieurs lettres de M. Blanchelande, qui sont aux archives de. la légation." „
« M. de Terna,n a exigé que M. de Roustan y fît le dépôt dè foutes les pièces dont il était porteur. Il n'a pas moins mis d'activité à procurer lès secours dont on avait besoin, que de sagesse à empêcher la colonie de traiter sans le concours de la mère patrie. »
Messieurs, cet article est , important parce qu'il jette un très grand , jour sur la conduite de l'assemblée coloniale et sur ses vues. Je demande que, séance tenante, M. le Président écrive au ministre de la marine pour qu'il rende'compte de ce. fait dont il doit avoir connaissance par la correspondance de M. de Ternan. -
Un membre i:'C'est le ministre des affaires étrangères que celapregarde. Plusieurs membres : II faut écriré aux deux. (L'Assemblée charge le président d'écrire sur-le-champ au ministre de là maririe et' au ministre des affaires étrangères pour demander des éclaircissements.) (Voir ci-après, p. 637).
, secrétaire, donne lecture dés lettres suivantes :
1° Lettre des jeunes ecclésiastiques de là congrégation de Saint-Lazare, qui demandent à être admis à la barre pour présenter à l'Assemblée nationale leurs sujets ae plainte contre l'administration arbitraire de leurs supérieurs. Ils font part à l'Assemblée-qu'on déménage la maison, après avoir arrêté dans une espèee de consistoirè de ne pas prêter le sermènt civique,
(L?Assemblée décrète, qu'ils seront entendus dans la séance du soir.) >
2° Lettre du sieUr {Leseurre, dans laquelle il présente un plan de libération pour l'Etat.
(L'Assemblée renvoie le plan au comité de l'examen des comptes.)
3° Lettré du président du département de Rhône-et-Loire, qui transmet à l'Assemblée un arrêté
du directoire de ce département, dans lequel se trouvent exposées les contestations qu'a fait naître à Lyon l'établissement d'un tribunal de commerce. Le directoire du département sollicite un décret qui les fasse cesser.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les nombreuses pièces qui l'accompagnent au comité de commerce.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret de M. Brissot ae Warville, relativement aux mesures provisoires qu'il convient de prendre pour que les forces qu'on envoie à Saint-Domingue soient uniquement employées à faire cesser l'insurrection des esclaves, sans pouvoir être tournées contre les hommes de couleur libres, au mépris du concordat qu'ils ont
Sassé avec les colons blancs. La parole est à [. Brissot.
Je demande à l'Assemblée la permission de lui lire mon projet de décret (1) tel qu'il a été imprimé, avec quelques mots additionnels et de donner quelques explications qui réuniront tous les esprits. Le voici : «L'Assemblée nationale, considerantquel'union entre les blancs et les hommes de couleur libres a contribué principalement à arrêter la révolte des nègres à Saint-Domingue ;
« Que cette union a donné lieu à différents accords entre les blancs et les hommes de couleur, les 20 et 25 septembre dernier, par l'assemblée coloniale séant au Cap ;
« Après avoir délibéré l'urgence, décrète que le roi sera invité à donner des ordres, afin que les forces nationales destinées pour Saint-Domingue ne puissent être employées que pour rétablir l'ordre dans les colonies, et pour maintenir l'état des gens de couleur tel qu'il était à Saint-Domingue à l'époquesdu mois de septembre dernier, sans entendre rien préjuger sur le fond de la question. »
« Messieurs, la contestation très vive qu'a éprouvée hier le projet de décret que j'avais eu l'honneur de vous présenter sur l'envoi des trou-
Ses aux colonies, et à laquelle il m'a paru que es gens, dont la bonne foi est démontrée, ont pris part, m'ont engagé à la méditer profondément, et il m'a paru qu'il était facile de dissiper tous les doutes qui s'étaient glissés parmi ces membres. Il me semble que c'est une opinion générale établie dans l'Assemblée, que les troupes destinées pour Saint-Domingue ne peuvent pas partir sans être accompagnées d'un décret provisoire pour en diriger remploi et pour empêcher que cet emploi ne soit fait contre l'intention de l'Assemblée nationale. Ce décret provisoire doit, ce me semble, pour être efficace, réunir ces trois dispositions :
1° De maintenir l'état des personnes qui a été fixé par le concordat entre les citoyens blancs et les citoyens de couleur:
2° De ne point blesser les droits des hommes de couleur;
3° De ne point blesser les droits de l'assemblée coloniale tels qu'ils lui soht attribués par le décret du 24 septembre.
. Maintenant, Messieurs, si je parviens à vous prouver que le projet dé décret que je vous
ai proposé remplit ces trois dispositions, je croirai vous avoir prouvé que l'on doit
l'adopter sans difficulté.
Maintenant, Messieurs, il me semble, en vous reportant à mon projet ae décret, que ce projet remplit d'abord cette première partie. C'était un défaut que j'avais remarqué dans le projet de décret ae M. Gensonné; il ne parlait point du tout de cet état des gens de couleur qui avaient amené l'union. Il disait bien que les troupes ne seraient employées qu'à maintenir l'union ; mais cela n'était qu un mot vague. Ce mot n'aurait certainement point satisfait les hommes de couleur. Les hommes de couleur n'y auraient pas vu un gage assuré d'être maintenus, provisoirement au moins, dans les droits qui leur avaient été accordés par les blancs.
Vous devez, Messieurs, donner des gages et aux hommes de couleur et aux blancs; vous devez maintenir provisoirement les hommes de couleur dans leurs droits, mais en même temps vous ne devez point abroger le décret du 24 septembre, car, étant le dernier décret constitutionnel pour les colonies, et l'Assemblée ayant révoqué les autres, il doit être respecte. (Murmures.)
Plusieurs membres : Il n'est pas constitutionnel.
Lorsque vous examinerez la question de ratification du concordat qui vous a été proposée par M. Guadet et qui a étér ajournée lors de la discussion du rapport du comité colonial^ c'est à cette époque que vous pourrez discuter si le décret est constitutionnel. Quant à présent, vous ne prenez qu'une mesure provisoire ; ne décidant point sur ce décret du 24 septembre vous ne devez point le blesser.
Or, je soutiens que les dispositions de mon décret provisoire ne blessent en aucune manière les dispositions du décret du 24 septembre : loin que mon décret le blesse il le confirme au contraire. La dernière partie, Messieurs, vient à l'appui de ce que j'avance ; elle est ainsi conçue : « sans entendre rien préjuger sur le fond de la question. »
Lorsque je proposai mon premier projet de décret, il y avait ces mots : « sur l'état des hommes de couleur libres. » Ces mots firent naître quelques scrupules dans l'esprit de plusieurs membres. C'est afin d'éclaircir ce décret que j'y ai ajouté ces expressions qui ne peuvent plus maintenant laisser aucun doute.
Lorsque vous agiterez la question du concordat, diverses questions devront être discutées. Pouvez-vous ratifier le concordat sans la demande préliminaire de l'assemblée coloniale, ou ne le pouvez-vous pas? C'est une question qui devra être agitée et sur laquelle je ne prononce pas. Vous voyez, Messieurs, que cette réserve faite par le décret, réserve nécessairement les droits accordés par le décret du 24 septembre, aux
blancs, de .disposer des hommes de couleur, et que conséquemment, il ne doit y avoir aucun doute dans les esprits ; que, d'un coté, les gens de couleur trouveront dans le décret un garant que les troupes françaises ne seront pas employées à les dépouiller des droits qui leur ont été accordés par les blancs mêmes et par l'assemblée du Cap ; que, de l'autre, les colons doivent-être satisfaits de la réserve qui maintient les droits de l'assemblée coloniale.
Messieurs, malgré les réflexions que je viens de faire, s'il peut encore rester quelques doutes dans les esprits, je supplie l'Assemblée de vouloir bien entendre ceux qui ont des amendements à proposer; car, nous pouvons discuter cette matière avec-le plus grand calme, éviter de renouveler ces scènes scandaleuses qui ont affligé douloureusement l'âme des vrais patriotes. Proposons, écoutons les amendements, je suis prêt à donner tous les éclaircissements. L'ami de la vérité ne craint pas la lumière de la discussion.
Eh ! Messieurs, il importe excessivement de prendre une mesure provisoire, car les nouvelles arrivées des colonies ne laissent plus de doutes sur les intentions des blancs. Il existe une lettre dans les mains d'un membre de cette Assemblée qui prouve qu'il a déjà été fait une proclamation par M. Blanchelande, portant ordre aux hommes de couleur de mettre bas les armes. Je demande si voUs ne devez pas venir à leur secours. Vous savez que la vérité n'a pas toujours été révélée par les colons les mieux intentionnés, parce qu'ils ont craint que s'ils paraissaient dans l'Assemblée nationale, cela ne servît de prétexte aux malintentionnés pour ruiner leurs habitations.
Plusieurs membres à droite : La lecture de la lettre !
La vérité est qu'il existe dans cette Assemblée un membre possédant des habitations à Saint-Domingue, qui m'a montré la lettre par laquelle on lui annonce une proclamation de M. Blanchelande.
Plusieurs membres à droite : La lecture ! la lecture !
La motion faite hier par M. Brissot et ajournée à aujourd'hui, ne lui appartient plus et il n'est pas maître de la changer. Elle appartient à l'Assemblée entière. Le lait dont M. Brissot vient de vous rendre compte, vous prouve que ce n'est point par des tergiversations, que ce n'est point par des conciliations illusoires que nous parviendrons à rétablir la paix dans les colonies, ce n'est qu'en soutenant d'une manière très ferme les vrais principes. Je demande donc purement et simplement que l'on discute le projet de M. Brissot tel qu'il a été présenté hier, et je demande à l'appuyer.
Gomme le nouveau projet de M. Brissot satisfait beaucoup plus de membres que celui qu'il a proposé hier, je demande qu'il soit soumis à la discussion; mais auparavant je demande la lecture de la lettre dont il a parlé, parce qu'elle jettera un grand jour sur la discussion.
Plusieurs membres : L'ordre du jour sur la lecture I
. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la lecture de la lettre.)
Je propose sans aucune restriction, sans modification, l'exécution
du concordat entre les blancs et les hommes de couleur. s
Quelques voix : Ce n'est pas là la question.
(1). Messieurs, les mesures provisoires qu'on vous propose pour maintenir l'exécution du concordat passé entre les hommes blancs et les hommes de couleur libres sont si manifestement justes, qu'aucune voix ne s'est élevée parmi vous pour en contester l'équité.
L'espèce de partage d'opinions qui a paru se former n'a porté que sur les effets dangereux qu'on dit en avoir a craindre, et sur les atteintes qu'elles donnent à la prétendue loi constitutionnelle du 24 septembre dernier.
Un membre : Monsieur, vous vous écartez de la question.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
La nation française qui nous a envoyés, l'Europe entière qui nous contemple, et la postérité qui s'approche derrière nous, auraient lieu d'être étrangement surprises, si la première Assemblée, véritablement nationale, pouvait se refuser à consacrer, dans les premiers temps de sa formation, le grand principe de l'égalité des droits auquel elle doit son existence, et que l'Assemblée constituante, composée d'éléments si incohérents, a formellement proclamé dans son berceau, entouré d'orages. Non, Messieurs, vous ne mériterez pas le reproche qu'on a fait à tant de peuples libres, de ne reconnaître le droit ae la liberté que lorsqu'il s'agit pour eux d'en éprouver les bienfaits, et de les méconnaître lorsqu'ils croient pouvoir opprimer à leur avantage. Vous serez justes par amour pour la justice, par respect pour l'humanité qui vous a chargés de défendre ses droits, avant même que vous eussiez les pouvoirs de la nation française, et par soumission à ces lois primitives de la nature, véritables fondements de toutes les sociétés humaines, qui n'ont perdu l'indépendance et le bonheur que pour s en être écartées.
Les concordats passés entre les citoyens blancs et les citoyens de couleur sont le plus grand pas que l'humanité ait encore fait vers cette association universelle, qui doit unir un jour sous les mêmes lois tous les peuples de la terre. C'est un grand pacte de famille passé entre deux branches jusqu?alors divisées. Ce pacte n'estpas fondé, comme ceux 'des rois, sur des intérêts privés, que d'autres intérêts peuvent combattre, que le mouvement fait naître et que le temps changera bientôt ; il porte sur la base inébranlable de l'égalité, malheur à ceux qui entreprendraient de le détruire !
On vous trompe, Messieurs, comme on a trompé l'Assemblée constituante, quand on vous crie
que l'exécution de ce concordat et sa confirmation par l'Assemblée nationale vont causer la
perte des colonies, et y allumer une guerre nouvelle.. C'est l'injustice, l'oppression et la
tyrannie qui soulèvent les hommes, qui leur mettent les armes à la main ; c'est la
reconnaissance de leurs droits, le respect pour la foi des traités qui assurent la paix
publique et qui. les désarment. Sans des allégations de cette espèce, sans ces alarmes par.
lesquelles on a si longtemps empêché, dans l'Assemblée constituante,
interrompent violemment M. Garran.
Monsieur le Président, je vous prie de rappeler à l'ordre ceux qui sont à ma gauche et .qui m'interrompent. (Applaudissements.)
Vous m'en dispensez en les y rappelant vous-même.
La réunion d'Avignon à l'Empire français a pu seule ramener le calme dans ce malheureux pays; c'est en reconnaissant aux hommes de couleur, dans nos îles, les mêmes droits qu'aux 'colons blancs que vous y rétablirez la paix et le règne des lois.
Et qu'on ne vous dise pas, Messieurs, que ce concordat est l'ouvrage de la force, qu'il a été dicté les armes à la main. Citez-moi l'exemple d'un seul peuple opprimé qui ait retrouvé ses droits autrement qu'en se ressaisissant de la force qui l'en dépouillait. Non seulement c'est ainsi que les républiques de Suisse et des Provinces-Unies ont acquis leur indépendance ; mais ces actes sacrés qui assurent les droits des hommes et des nations sans les arracher à leurs chefs, ont toujours été souscrits sous la garantie des armes. N'est-ce pas en se révoltant contre Jean sans Terre que les Anglais ont obtenu leur grande charte ? N'est-ce pas en se révoltant contre les successeurs qui voulaient la violer, qu'ils en ont obtenu si souvent la glorieuse confirmation ? N'est-ce pas enfin ainsi qu'ils ont obtenu de nouveaux garants de leur liberté, lors de cette « pétition des droits », qui a préparé si heureusement les déclarations des droits que les Etats-Unis et la France Ont depuis publiées.
Je ne vous rappellerai point, Messieurs, les circonstances où ces deux peuples se sont trouvés, lorsqu'ils ont fait leur Constitution. Ni l'un ni l'autre de ces deux événements ne vous sont étrangers. Le tocsin sonnait dans tousles villages de la France, nos gardes nationales sortaient armées du sein de la terre dans toutes les parties de l'Empire, la Bastille venait d'être prise ; nos princes et nos nobles montraient déjà, par leur fuite précipitée, ^tôut ce qu'ils redoutaient du juste ressentiment d'un peuple si longtemps opprimé-, quand l'Assemblée constituante élevait le frontispice de la Constitution française dans cette immortelle déclaration des droits, qui nous a fait plus d'amis parmi les peuples que d'ennemis parmi leurs tyrans.
Les hommes de couleur ont suivi votre exemple. Las de solliciter vainement une demi-justice, que la politique seule aurait dû leur obtenir, ils ont profite du besoin qu'on avait d'eux, pour assurer leurs droits ; et, comme tous les Opprimés, ils n'ont exigé par la force que ce que la raison et la justice les autorisaient à demander. Mais, plus ils ont été modérés dans leurs réclamations, plus vous pouvez être sûrs qu'ils seront constants à maintenir l'exécution du concordat qui les leur a reconnus. Vous ne pouvez pas vous le dissimuler; il faut ou les en dépouiller les armes à la main, ou les leur reconnaître par vos décrets. Si les colons blancs ne voulaient pas contester l'exécution de ces concordats, les anéantir ou les modifier, ils seraient I
les premiers à vous supplier de les confirmer. Les troupes que vous enverrez dans lés îles ne peuvent être neutres. Elles marcheront contre les hommes de couleur, si elles n'assurent pas leurs droits. Voyez si vous voulez les envoyer protéger l'esclavage au nom d'un peuple libre.
Votre décret, dit-on, préjugera la question de la constitution des colonies. Messieurs, il faut bien qu'il la préjuge,: s'il ne la préjugeait pas en faveur des hommes de couleur, il la préjugerait contre eux. Quand une convention a été souscrite les armes à la main, il faut bien que les législateurs la ratifient, ou qu'ils la proscrivent, s'ils ne veulent pas laisser perpétuer l'état d'anarchie que le silence des lois produirait. Vous devez donc ici vous déterminer sur les mêmes principes qui vous détermineront quand vous statuerez sur la constitution des colonies. Vous devez surtout vous garder de : reconnaître des lois universellement rejetées, avant leur proclamation.
Dans la nécessité où vous êtes de vous décider sur cette grande question, permettez-moi de vous présenter les su ites dangereuses qu'entraînerait le décret du 24 septembre, si vous le reconnaissez comme une loi constitutionnelle, tout attentatoire qu'il est à la déclaration des droits. Cette déclaration n'est pas un système politique, appuyé sur des étais de convention, applicable à telle circonstance, et fait pour Un seul peuple. C'est là proclamation solennelle des propriétés communes à tous les hommes, des droits qu'ils apportent en naissant, qui leur appartiennent dans tous les pays. C'est le patrimoine du riche et du pauvre, du philosophe et de l'ignorant, de l'insulaire et du.con-tinental, des sauvages du Nord et des barbares du Midi, du pâtre et du roi. On né peut y déroger sans outrager la nature, et sans compromettre le vaisseau sacré et pourtant si fragile de la liberté.
Si des circonstances particulières pouvaient permettre cette dérogation perpétuelle en Amérique, pourquoi pas en Europe ? Manque-t-il aussi de. circonstances pour la justifier ? Si les gens de couleur ne sont pas égaux aux blancs dans nos îles, pourquoi les serfs du Mont-Jura auraient-ils réclamé les mêmes droits que leurs seigneurs? Pourquoi, les Juifs , de Metz et des pays voisins seraient-ils admis à la participation de nos lois ? Pourquoi les princes posses-sionnés en Alsace ne conserveraient-ils pas leurs droits, garantis par tant de traités? Pourquoi les nobles et le clergé seraient-ils dépouillés des privilèges dont ils jouissaient depuis tant de siècles?: --.s • : ..•.'-'• : ~ ,
Messieurs, il n'y a qu'une route pour la liberté, comme pour la justice. Laissez subsister l'inégalité des droits dans l'Amérique, et bientôt l'aristocratie dont les racines profondes ne sont pas,encore toutes arrachées parmi nous, dont les plantes léthifères couvrent toute l'Europe, poussera des rejetons qui étoufferont, dès sa naissance, le bel arbre de votre Constitution.
Les créoles américains n'avaient-ils pas tous la prétention d'être assimilés aux nobles? N'y avait-il pas, et n'y a-t-il pas encore, des fiefs au Canada? Comment empêcherêz-vous le roi des Français, devenu séparément le « roi des colonies », d'y rétablir toutes ces grandes distinctions que des hommes sans mérite ont tant de raison de préférer au choix du peuple? Comment l'empêcherez-vous de rétablir, ou plutôt de
laisser subsister pour eux dans nos îles, ces ordres de chevalerie, ces livrées, ces cordons, ces armoiries, si douloureusement regrettés ; de les étendre aux propriétaires qui n'y sont pas domiciliés? C'est ainsi qu'il resterait aux ci-devant nobles un moyen sùr d'échapper à vos réformes, d'être au milieu de la nation même une nation privilégiée qui flatterait le roi pour, en obtenir toutes les faveurs, qui les obtiendrait toutes effectivement par ce mélange d'élévation et de bassesse, et qui rendrait bientôt aux yeux de la cour, le titre de « sujet » préférable à celui de « citoyen ». (Applaudissements.)
Ce ne sont pas là des terreurs paniques. Messieurs. Les députés des colonies,ceux-mêmes qui avaient eu l'honneur inappréciable de concourir à la Constitution française, n'ont pas eu honte de se qualifier de « sujets » dans l'adresse qu'ils ont présentée au roi: vous avez vu comment cette adresse a été accueillie.Et pensez-vous que les coupables projets des colons se bornassent aces dignités d'outre-mer? La rivalité s'établirait bientôt entre les « sujets » d'Amérique et les « citoyens » de nos départements, et dans cette association contre nature d'une Constitution libre et d'un établissement féodal, il faudrait que l'un engloutît l'autre. Les citoyens français dédaigneraient avec raison ces sujets orgueilleux, qui, comme les Cap-padociens d'infâme mémoire, auraient refusé la liberté qu'on leur aurait offerte ; et les aristocrates américains mépriseraient des hommes qui ne seraient que des citoyens; ils les corrompraient par leur mauvais exemple; ils prodigueraient leurs trésors pour ruiner cette liberté qui leur serait odieuse. Qui peut vous garantir qu'ils n'y réussiraient pas?
C'est l'effet des révolutions d'élever les sentiments, de les diriger vers la grandeur et la vertu, d'exalter le patriotisme au delà des bornes ordinaires, et d'étouffer toutes les petites passions qui conduisent le commun des hommes. Voilà pourquoi les peuples ne se montrent jamais plus grands, plus forts, plus invincibles que dans ces moments terribles qui semblent, au premier coup d'oeil, menacer l'Etat d'unë entière subversion. Les citoyens ne croient pas alors qu'il soit possible de detruire l'édifice qu'ils élèvent à la liberté; et ils auraient raison, si l'on pouvait compter, pour la maintenir, sur les vertus qui ont présidé à son établissement. Mais les grands efforts amènent un long repos, et ie sommeil profond succède aux veilles les plus assidues. La liberté se perd plus facilement qu'elle n'a été conquise.
Si la Constitution, qui rend la couronne héréditaire, pour prévenir les orages des élections, l'intrigue des ambittieux, et cette espèce d'anarchie que des nouveautés inopinées amènent presque toujours avec elle; si cette Constitution rend la personne du roi inviolable, elle nè nous défend pas de prévoiries dangers inhérents à la constitution monarchique ; ou plutôt elle nous avertit elle-même, en cherchant à nous en garantir par les barrières sans nombre dont elle entoure le pouvoir exécutif. Après avoir séparé le trésor du prince des revenus nationaux; après avoir, pour ainsi dire, mis les troupes à la disposition au Corps législatif, après avoir ôté au roi la nomination des ministres du çùlte, des administrateurs et des juges, elle a soumis ses agents mêmes à la responsabilité la plus sévère, tant elle a senti combien les usurpations du pouvoir exécutif étaient redoutables. Elles doivent l'être dans un Etat où la maison régnante joint aux
droits que la Constitution lui assure des prétentions plus anciennes qu'elle lui a enlevées, puisque dans les pays mêmes où la liberté n'a pu s'établir qu'en expulsant la maison régnante, celle qui lui a succédé, n'a cessé d'élever son pouvoir sur les débris des droits du peuple qui l'avait appelé. L'histoire du stathouaérat offre une suite trop continue de ces effrayants exemples, pour qu'il soit nécessaire de les rappeler. Mais on ne sait peut-être pas assez que la maison royale d'Angleterre est absolument dans le même cas. Ce roi Guillaume qui liguait toute l'Europe contre les usurpations de Louis XIV, qui avait chassé des îles Britanniques son propre beau-père, parce qu'il n'avait pas respecté les droits de ses peuples, n'a cessé de les livrer sourdement, et même de les attaquer ouvertement, lorsqu'il a pu le faire avec quelque espérance de succès. Les princes de !a maison de Hanovre ont constamment suivi ses traces et ravi les droits du peuple, tantôt par la ruse et la corruption, tantôt à force ouverte. Telle a été leur conduite jusqu'à la fameuse révolution américaine, et l'émancipation de l'Irlande, contre lesquelles une administration coupable avait dirigé l'essai des batteries qu'elle voulait employer ensuite à l'asservissement de la métropole.
En laissant nos colonies indépendantes de l'Assemblée nationale sous les rapports de l'intérieur, et sujettes du roi des Français, il n'est pas un des principes de la Constitution que vousn'en-freigniez, pas un des; abus proscrits par elle que vous ne ressuscitiez. Ce n'est pas seulement la déclaration des droits qui est violée, l'unité de l'Etat qui est divisée, la souveraineté nationale qui est ébranlée dans ses fondements ; mais les bornes que l'on a mises à la liste civile, ces bornes déjà si reculées disparaissent entièrement: le pouvoir exécutif aura des armées qui ne seront plus dans votre dépendance, des flottes dont vous ne pourrez plus disposer, des agents qui ne seront plus comptables envers vous. Il tiendra dans sa main tous nos ports de mer. à cause de leurs.liaisons avec les colonies ; juge suprême des besoins et des rapports de ses « états » divers, il aura sans doute le droit d'y envoyer à son gré nos vaisseaux, nos troupes de ligne, et ces gardes nationales qui n'avaient pas conquis leurs armes pour aller défendre les droits du roi, mais céux de la nation. C'est ainsi qu'il sera facile de rendre ce service redoutable aux meilleurs patriotes, en les y. envoyant comme dans un exil, en leur y préparant les dégoûts, les persécutions et tous les abus du pouvoir arbitraire, sans en excepter les fers que l'on vient de donner à St-Domingue aux passagers d'un vaisseau français. C'est ainsi qu'on parviendra sans peine à tourner vers le pouvoir exécutif, comme vers la source du bien et du mal, les regards que la Constitution n'avait voulu diriger que vers la patrie ; c'est ainsi enfin qu'on pourra rassembler dans l'archipel du nouveau monde, ces orages inattendus qui viendront porter la désolation et la mort de l esclavage dans la métropole. Qui ne sait que c'est dans les, montagnes stériles de l'Ecosse que s'est formée la conjuration qui a détruit la république d'Angleterre, et que Charles II avait été proclamé roi à la Virginie avant de l'être en Europe ?
IL suffit, Messieurs, de vous avoir offert ces considérations pour vous en faire sentir la justice et l'importance. Il n'est pas un d'entre vous qui ne doive les accueillir, si vous en avez le pouvoir. Mais on vous oppose des lois constitu-
tionnelles, et l'on prétend que la loi du 24 septembre, présentée à l'acceptation du roi, ne peut pas être révoquée par vous. Eh ! qui ne voit que ce décret, qui contraste d'une manière si étrange avec la Déclaration des droits, avec la Constitution française que vous avez juré de maintenir, avec la souveraineté nationale qui est essentiellement inaliénable, n'est pas une loi pour nous, et n'a pu le devenir; Bien moins encore peut-on vous l'opposer comme une loi constitutionnelle.
La véritable Constitution, célle que nous avons jurée, y est absolument contraire. L'article 1er du titre III des pouvoirs publics, dit littéralement : « La souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible ; elle appartient à la nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'en attribuer l'exercice. » L'article III délègue le pouvoir législatif à une Assemblée nationale composée de représentants temporaires, pour être exercé par elle avec la sanction du roi ; et cependant les décrets contradictoires sur les colonies délèguent une autre partie de ce pouvoir législatif à une assemblée coloniale absolument étrangère à la nation française. Sans parler des décrets des 13 et 15 mai, l'article 3 de celui du 24 septembre déclare comme article constitutionnel que « les lois concernant l'état des personnes non libres et l'état politique des hommes de couleur et nègres libres, ainsi que les règlements relatifs à 1 exécution de ces mêmes lois, seront faites par les assemblées coloniales, s'exécuteront provisoirement avec l'assemblée des gouverneurs des colonies, et seront portés directement à la sanction du roi, sans qu'aucun décret antérieur puisse porter obstacle au plein exercice du droit conféré par le présent article aux assemblées coloniales. »
Observez que tous ces décrets étant étrangers à la Constitution française le mode de revision déterminé par le titre VII de cette constitution ne peut pas s'y appliquer, et qu'il n'y a aucun mode de révision determiné par les décrets sur les colonies. Il suit de là que ces prétendues lois constitutionnelles devront être éternellement observées, quels que soient les inconvénients qu'elles entraînent, à moins que l'on ne compte comme un moyen ies réformer celui de l'insurrection, cette terrible ressource des peuples opprimés. Pouvait-on porter atteinte d'une manière plus décidée à l'unité, à l'indivisibilité, à l'im-prescriptibilité de la souveraineté nationale ? Et peut-il y avoir un Français en deçà ou au delà des mers, qui puisse reconnaître comme constitutionnels ae pareils décrets ?
Observez encore que ces lois ont été faites sans que les gens de couleur y aient concouru, soit par eux, soit par leurs représentants ; et cependant l'article 57 de l'édit de 1685, qui n'a point été révoqué, « déclare les affranchissements faits dans les îles, tenir lieu de naissance dans les îles, et les esclaves affranchis n'avoir besoin des lettres de naturalité pour jouir « des avantages des sujets naturels dans le royaume, terres et pays de notre obéissance, encore qu'ils soient nés dans les pays étrangers ». L'article 59, encore plus précis, « octroie aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres, veut qu'ils méritent une liberté acquise, et qu'elle produise en eux tant ». pour leurs personnes que pour leurs biens », les mêmes effets que la liberté naturelle cause à nos sujets »v
Ainsi, des citoyens libres, car ils étaient devenus citoyens en 1789, des citoyens égaux en droit à tous les autres, avaient perdu leur liberté, sans espérance de la recouvrer, ni pour eux, ni pour leur postérité, par cette même Révolution qui assure l'égalité des droits à tous les autres Français ! Ils l'auraient perdue, par la décision d'une Assemblée où ils n'avaient pas de représentants, quoiqu'ils eussent dû y en avoir, et où leurs adversaires avaient été aamis, malgré l'irrégularité de leur élection.
Observez enfin que si la position, des colonies exigeait que la mère patrie ne pût pas statuer sur leur régime intérieur, sans l'initiative des colons, l'Assemblée nationale constituante n'aurait pas eu le droit de régler, sans le concours des gens de couleur, l'organisation des assemblées coloniales et de leurs éléments.
Certes, s'il y a des lois frappées d'une nullité radicale, ce sont sans doute celles qui statuent sur les droits d'une classe d'hommes, gui les privent même de ceux dont ils jouissaient, et des droits communs à tous les hommes, sans qu'ils aient pu se faire entendre et concourir à la formation de ces lois; ce sont sans doute celles qui leur interdisent à jamais toute réclamation auprès de l'Assemblée qui a proposé cette interdiction, et ne leur laisse de recours qu'à ceux mêmes qui sont intéressés à rejeter leurs demandes. Ce sont celles enfin qui établissent une Constitution, rejetée tout à la fois par les hommes en faveur de qui elle est faite. La Constitution française reconnaît dans les peuples le droit incontestable et imprescriptible de changer leur Constitution. La colonie de Saint-Domingue a changé la sienne. Les blancs et les gens de couleur se sont réunis dans le même vœu. Je demande que nos troupes soient chargées de protéger l'exécution de ce vœu fraternel.
Pour l'honneur de l'Assemblée je demande l'impression et la distribution du discours vraiment philosophique qui vient d'être prononcé.
Plusieurs membres: Appuyé ! appuyé! "
D'autres membres: La question préalable!
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et décrète l'impression du discours de M. Garrah-de-Coulon.)
(Il s'élève une discussion sur l'ordre de la parole et un colloque assez vif a lieu autour du bureau.)
se plaint très énergiquement de ce que son nom a été rayé sur la liste de la parole.
, secrétaire. Je demande à l'Assemblée la permission de lui donner quelques explications à ce sujet. Deux listes pour la parole ont été faites : l'une, des membres qui veulent parler sur le maintien du concordat ; l'autre, des membres qui veulent parler sur le projet de M. Brissot. M. Bergeras est sur cette dernière liste. M. Garran-de-Coulon qui vient de parler était sur la première. Je prie l'Assemblée de décider quelle liste je dois suivre.
(Après quelques débats, l'Assemblée décide qu'elle suivra la liste des membres qui veulent parler sur le projet de décret de M. Brissot.)
, ministre de la justice; de HTar-bonne, ministre de la guerre et Tarbé, ministre des contributions publiques, entrent dans la salle.
M. le ministre de la guerre demande la parole, je la lui accorde.
, ministre de la guerre. Messieurs, le roi m'a confié le ministère ae la guerre, vacant par la démission de M. Duportail. J'ai cru voir du dévouement dans l'acceptation de cette place ; et cette pensée ne m'a plus permis d'hésiter. J'ai cru, d'ailleurs, que refuser le ministère de la guerre dans les circonstances où nous nous trouvons, pouvait paraître ne pas se fier aux forces de la France ; et montrer un tel doute en présence de l'Europe, ne m'a pas paru possible. L'attachement que je dois et que j'ai voué personnellement au roi depuis que j'existe, n'a pu, dans d'autres temps, m'empecher de témoigner hautement mon amour pour la Révolution. Maintenant que ces sentiments sont réunis, et qu'il n'est plus permis à un Français de les séparer, je viens vous promettre, Messieurs, de consacrer tous mes efforts à rendre à l'armée tout l'éclat que lui assure sa force et son courage, que lui assure ce sentiment d'honneur, caractère distiiic-tif des Français, et qui ne leur rappelant plus des idées féodales, doit devenir l'impulsion de tous, en cessant d'être le privilège de quelques-uns. Mais la considération politique d'une nation dépend encore plus de 1 exécution de ses lois dans l'intérieur, que de la force publique armée sur ses frontières. C'est donc de vous, Messieurs, que la France a le droit d'attendre un bien que l'Assemblée constituante n'a pas eu le temps d'opérer, l'établissement de 1 ordre et le maintien de la justice. C'est vous qui hâterez cette époque, si redoutable pour nos ennemis ; car ils dateront de ce jour votre triomphe et la perte de leurs espérances. Pour moi, Messieurs, je ne peux vous offrir qu'un profond respect pour le pouvoir dont vous êtes revêtus par le peuple que vous représentez, un ferme attachement pour la Constitution que vous avez jurée, un amour courageux pour la liberté et pour l'égalité, sceau de la Constitution française, pour l'égalité qui trouve beaucoup d'adversaires, mais qui ne doit pas avoir de moins ardents défenseurs. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution du discours du ministre de la guerre, ainsi que l'insertion au procès-verbal.)
La discussion du projet de décret de M. Brissot de Warville relatif aux colonies est réprise.
Je plains le sort des gens de couleur et des nègres libres de nos colonies ; iouets de l'orgueil et du despotisme des blancs, leur état politique, toujours flottant et incertain, a passé successivement par diverses épreuves, dont la dernière a été la plus étrange et la plus cruelle.
Avant que la loi politique eût prononcé sur l'état des esclaves devenus libres, la raison, qui est la loi de tous les temps et de toutes les nations, disait que l'affranchissement n'était que la réparation dun grand attentat commis contre la liberté, et que l'homme, rentré par cette voie dans son état naturel, devait jouir de tous les droits civils garantis par la société dont il était membre. Mais les blancs de nos colonies, abusés par l'habitude de dominer, voyaient toujours dans la classe de ces affranchis, des hommes qui avaient été leurs esclaves, et ne savaient pas y voir des citoyens devenus leurs égaux. Ils les excluaient de leurs cercles, de leurs assemblées, des fonctions municipales, et les tenaient sans cesse dans une sorte de proscription.
La loi vint enfin au secours de ces hommes
opprimés, et essaya de les rétablir dans leur état naturel.
Louis XIV, ce fier despote, qui voulut commander à l'opinion et à la conscience, sut respecter les droits civils des nègres et des gens de couleur sortis de l'esclavage; il ne distingua point la liberté naturelle de la liberté acquise, qui n'est que le retour de la première : par lédit de 1685, il plaça sur la même ligne, dans l'ordre politique, le maître qui n'avait jamais porté des chaînes, et l'esclave qui avait brisé les siennes.
Tel était l'état des gens de couleur libres dans les colonies françaises, à l'époque de la Révolution.
A cette époque, les blancs ont avancé à grands pas dans la carrière de la liberté, èt les gens de couleur n'ontfait que rétrograder vers l'esclavage.
Dès le mois de mars 1790, l'Assemblée nationale avait annoncé aux colonies la ferme volonté qu'elle avait d'établir comme article constitutionnel dans leur -organisation, qu'aucunes lois sur l'état des personnes ne seraient décrétées que sûr la demande précise et formelle des assemblées coloniales, et le décret du 12 cotobre de la même année avait expressément confirmé cette intention.
Cette disposition générale, relative à l'état des personnes, sans aucune distinction, embrassait les gens de couleur libres, comme les esclaves, et faisant dépendre leur état politique, consacré depuis longtemps par la loi, delà volonté intéressée de rassemblée Coloniale. Leur condition devait être la même que celle des blancs ; mais qu'elle a été différente ! Dans la régénération de 1 Empire, les blancs ont conservé leurs anciens droits, et en ont acquis de nouveaux; les gens de couleur n'en ont acquis aucun, et ont couru le risque de perdre ceux qu'ils avaient. Le pré-' mier acte de 1 Assemblée nationale à leur égard, a été un décret de proscription ; elle a rendu incertain l'état politique que Louis XIV leur avait assuré. Quel a été 1 excès de leur infortune? Ils n'ont pu que gémir sur leur sort, au milieu de la prospérité publique, et, à la naissance de la liberté, ils ont eu a regretter la loi du despotisme.
Cependant, le décret du 15 mai dernier, rendu sans avoir consulté les colonies, a paru améliorer leur sort, et rendre à la plupart d'entre eux l'exercice de leurs droits politiques.
Le décret du 24 septembre dernier a enlevé aux gens de couleur, nés de père et mère libres, l'état politique, aux affranchis la certitude de l'obtenir ; et à vous, du moins en apparence, le pouvoir de rendre cet état aux uns, et de l'accorder aux autres. Il a transporté à l'assemblée coloniale le pouvoir de faire les lois concernant l'état des personnes non libres, et l'état politique des hommes de couleur et nègres libres; et, pour surcroît de malheur, ce décret a été déclaré constitutionnel. -- ulv
Ce n'est pas le moment d'examiner s'il est vraiment constitutionnel ou simplement législatif ; cette question ne devrait être agitée que dans le cas où l'on proposerait un projet de décret tendant à le révoquer ou à le suspendre; mais la discussion ne roule que sur le projet de décret de M. Brissot. Et, à cet égard, je dirai qu'il n'est pas besoin de prier le roi de diriger les forces qu'il envoie en Amérique contre les auteurs des troubles qui sont survenus ; ce devoir sacré lui est imposé par la Constitution, et les agents du pouvoir exécutif ne peuvent pas s'en écarter impunément.
Mais doit-on prier le roi d'employer les forces à maintenir provisoirement dans les colonies l'état politique des gens de couleur libres tel qu'il était à l'époque du 24 septembre? Veut-on donc qu'il suspende, par sa seule autorité, le décret du 24 septembre qui a changé l'état de ces hommes ? Veut-on qu'il tourne contre la loi des forces qui ne lui ont été confiées que pour la maintenir? Veut-on qu'il fasse introduire, à main armée, dans les assemblées des paroisses et dans l'assemblée coloniale, des gens à qui la loi en interdit l'entrée, jusqu'à ce qu'ils y soient appelés par le vœu libre et spontané des colons ? Observez que le décret du 24 septembre a le caractère et la force de la loi; observez que l'invitation qu'on vous propose de faire au roi n'est pas une loi qui révoque ou qui suspende ce décret : la révocation ou la suspension d'une loi doit être formelle, et elle ne peut être prononcée que par le Corps législatif. Vous ne voulez ni révoquer ni suspendre, par un décret, celui du 24 septembre dernier ? Eh bien ! le roi ne peut point maintenir l'état des gens de couleur, tel qu'il était avant ce décret, qui a essentiellement changé leur état et l'invitation qu'on lui ferait de contrarier ainsi une loi subsistante, serait une vraie dérision.
De deux choses l'une : ou le décret du 24 septembre est constitutionnel ou il est purement législatif. Au premier cas, vous ne pouvez pas y porter la plus légère ^atteinte ; au second cas, fl doit être exécuté, jusqu'à ce qu'il y ait été abrogé par une loi contraire.
La provision , du moins appartient à la loi, et l'on veut qu'elle lui soit enlevée par la force. Le pouvoir exécutif est tenu de faire exécuter la loi, et l'on veut qu'il en empêche l'exécution ! L'àssemblée- coloniale est légalement revêtue du pouvoir de faire les lois concernant l'état politique des gens de couleur libres, et l'on veut qu'ils aient un état politique indépendant de ce pouvoir!
Et pourquoi n'aurions-nous pas enfin quelque confiance à cet égard dans l'assemblée coloniale? (Rires.) Elle aie pouvoir exécutif. Pourquoi ne nous reposerions-nous pas un instant sur l'intérêt que les blancs ont a s'attacher les gens de couleur libres par des liens intimes ? Des parois de paix, des assurances d'amitié ont été portées entre eux: si toutes les apparences ne sont point trompeuses, là loi sainte de l'égalité, offerte par les blancs, ne tardera pas à consacrer leur union : laissons aux uns le mérite de l'offre, aux autres le sentiment de la reconnaissance : cette marche ne sera pas inutile pour leur bonheur ; ils se sont unis d'eux-mêmes comme soldats ; ils s'uniront d'eux-mêmes comme citoyens ; et après avoir partagé tous les périls de la guerre, ils sauront partager aussi tous les bienfaits de la paix.
Si quelque mesure provisoire pouvait être adoptée dans ce moment, ce ne serait point celle d'inviter le roi à rétablir les gens de couleur libres dans un état politique que la loi leur a enlevé ; ce né serait point celle d'inviter le roi à suspendre, par la force des armes, l'exécution d'une loi subsistante ; ce ne serait point celle de faire naître, par ce moyen, un choc de pouvoirs qui entraînerait la destruction de l'ordre et la subversion de l'Empire. Je propose la question préalable contre le projet de décret de M. Brissot.
D'après le décret d'bief, qui a rejeté par la question préalable la proposition de suspendre l'envoi des troupes, les mesures provi-
soires que l'on vous a proposées deviennent très instantes. Je ne répondrai pas aux différentes questions qui se sont élevées soit sur l'exécution du concordat, soit sur l'exécution de la loi du 24 septembre, parce que je crois que ce n'est pas ici le moment de s'occuper d'objets aussi importants et que vous avez seulement a délibérer sur des mesures provisoires pour empêcher que lés troupes qui vont aller à Saint-Domingue puissent être dirigées par des vues contraires à celles que se propose l'Assemblée nationale. - J'approuve une partie des mesures qui vous sont proposées par M. Brissot ; mais je crois qu'elles demandent à être modifiées et qu'il faudrait que le décret fût ainsi rédigé :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que le roi sera prié de donner des ordres pour que les forces navales destinées pour Saint-Domingue ne puissent-être employées que pour maintenir l'ordre dans les colonies et pour maintenir les droits des citoyens, tels qu'ils ont été déterminés parles arrêtés de l'assemblée coloniale, séant au Gap, les 20 et 25 septembre, sans entendre rien statuer sur l'état des personnes. »
Je pense que pour ne pas donner lieu de croire que vous attaquez le dépret du 24 septembre, vous ne devez en aucune manière parler de l'état des personnes. Vous devez maintenir les citoyens de couleur dans les droits qui leur ont été attribués par l'assemblée coloniale, laquelle, jusqu'à présent, nous doit paraître en avoir le pouvoir. Vous devez d'autant plus ne. rien préjuger sur l'état des personnes, que vous n'avez pas encore entamé la discussion au fond. Gi'est pourquoi je me résume en proposant à l'Assemblée d'adopter la rédaction que j'ai eu l'honneur de lui lire,
(1). Messieurs, la colonie française de Saint-Domingue a besoin de secours : c'est un point reconnu et décrété.
L'envoi de ces secours ne doit pas être suspendu : vous le décidâtes hier.
Mais dans quelle occasion ces forces doivent-elles être employées ! Telle est la question actuelle. '
S'il ne s'agissait que de soumettre ou de contenir des esclaves révoltés et cruels, nous serions tous d'accord.
La question, malheureusement, n'est pas aussi simple.
Des colons blancs voient leurs semblables dans des colons noirs ; ils y voient des hommes libres, des Français, et ils refusent d'y voir leurs égaux.
Ce plan étonne d'abord, mais, bien ou mal fondé, il est devenu la cause d'une discussion très affligeante.
Si des troupes passent à Saint-Domingue dans une mission précisément déterminée, elles pourront favoriser ou les blancs, ou les hommes dé couléur. Il est même présumable que les agents du pouvoir exécutif protégeront plutôt les colons blancs que les«autres. Voilà ce que redoutent les amis des hommes de couleur.
Quelle mission doit-on donner soit aux conducteurs des troupes, soit à ceux qui seront chargés d'en requérir l'emploi ?
Pour bien déterminer cette mesure, il faudrait connaître la position relative des colons en
droit et en fait.
Vous connaissiez, Messieurs, la différence qui existe entre ces décisions versatiles. Le décret du 15 mai réglait équitablement l'état civil des hommes de couleur ; mais le décret du mois de septembre soumet politiquement ce même état à la décision des colons blancs.
La position de fait n'est pas connue de même.
On doit la considérer sous quatre aspects.
D'abord, nous savons imparfaitement en quel état se trouvait la colonie, au moment où les nouvelles que nous en avons reçues sont parties de Saint-Domingue.
Secondement, quel est, à l'instant où je parle, l'état de cette colonie. Nous l'ignorons.
En troisième lieu, quelle sera la situation de cette colonie lorsque les secours déjà embarqués y arriveront ? C'est ce que nous ne pouvons ni connaître, niprévoir.
Enfin, quel emploi fera-t-on des sécours déjà embarques ? Il est possible qu'au moyen de ces forces on ait déjà tout changé dans la colonie, avant que, sur l'invitation de l'Assemblée nationale, le roi y fasse parvenir de nouveaux ordres.
Ces diverses considérations doivent être examinées profondément.
D'autre part,, voici, une réflexion très importante. Des troupes sont déjà embarquées. Le roi a dû fixer leur destination par des ordres positifs. Les ordres arriveront avec ces troupes.
Or,quels sontTces ordres? Il me semble que nous aurions dû, d'abord, nous en informer ; mais, à l'avance, je crois que le roi a donné des ordres conformes aux lois.
Quelles lois le pouvoir exécutif a-t-il donc dû suivre? Lé dernier décret sur la colonie, le décret du mois de septembre. 1791.
Tant que Ce décret n'était pas révoqué ou modifié par un autre également obligatoire, il était la seule règle du pouvoir exécutif. La Conséquence est donc que le roi a donné des ordres conformes au décret : ainsi c'est ce décret que les agents du pouvoir exécutif à Saint-Domingue feront exécuter par les troupes déjàembarquées. Les agents du pouvoir exécutif seront exempts de reproches, puisqu'ils auront observé les lois régnantes, puisque vous n'avez pas décrété le contraire, en invitant le roi à secourir la colonie, puisqu'à l'instant même, lé roi ne doit Connaître encore pour règle que le décret du mois dé septembre.
Ceci posé, je viens au projet de M. Brissot.
Cé projet tend « à prier le roi de donner des ordres afin que les troupes de la nation, qui sont destinées pour Saint-Domingue, ne puissent être employées que pour rétablir l'ordre dans les colonies, et maintenir l'état des gens de couleur, tel qu il était à l'époque du mois de septembre dernier, sans entendre rien préjuger sur l'état de ces hommes de couleur •>.
Tels sont les termes de M. Brissot.
La première partie du projet est incontestable. Les troupes ne peuvent être employées que pour rétablir l'ordre dans les colonies. Mais que signifie ce mot « ordre » ? L'ordre est le juste résultat des lois II n'y a pas d'ordre quand les lois sont méprisées ou sans exécution.
Si donc le roi enjoignait seulement à ses agents dans les colonies d'y rétablir l'ordre, ils devront y faire exécuter le décret du mois de
septembre qui est la dernière loi et qui n'est ni révoqué, ni suspendu.
M. Brissot explique sa pensée par la seconde partie du projet.
Il veut que les troupes « maintiennent l'état des gens de couleur, tel qu'il était à l'époque du mois de septembre dernier ».
Je vois parfaitement le but de M. Brissot.
Cet état des gens de couleur est celui qui résulte du concordat dont vous avez ordonné l'impression.
Ce concordat est fait entre les commissaires de la garde nationale des citoyens blancs du Port-au-Prince, et les commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur du même lieu.
Je n'examinerai point si les commissaires respectifs avaient de légitimes pouvoirs, s'ils représentaient légalement le peuple, s'ils en ont obtenu l'aveu suffisant, si le concordat est dans une forme régulière, s'il nous est officiellement parvenu. Je suppose l'affirmative, et je raisonne dans ce rapport.
Voilà donc un concordat fait dans une portion de la colonie. S'il y est valable, s'il oblige cette portion, il est sans force ailleurs. Les autres portions de la colonie sont donc dans l'état où elles seraient, si le concordat n'existait point. Cette conséquence est inattaquable.
Or, d'après cela, que signifie le décret proposé par M. Brissot ?
Ce dernier veut que l'on maintienne provisoirement l'état des gens de couleur, tel qu'il était à l'époque du mois de septembre dernier.
Il prétend donc qu'une partie de la colonie aura pour règle le concordat, et que les autres portions seront régies pour les lois générales.
Cette disparate offre d'abord un plan étrange.
Je dis plus, M. Brissot suppose que les positions n'ont pas changé depuis le mois de septembre jusqu'à présent ; quelles seront les mêmes quand nos troupes déjà embarquées paraîtront à Saint-Domingue, et que ces troupes ne produiront nulle innovation.
Mais M. Brissot ignore, comme nous, tout ce qui s'est passé depuis le mois de septembre, tout ce qui pourra être fait avant l'arrivée de nos troupes, et tout ce qu'elles opéreront.
S'il est possible que les positions n'aient pas changé depuis le concordat, le contraire est possible également.
Je dis même que, suivant toutes les apparences, nos troupes déjàembarquées produiront des changements avant que des ordres contraires à leur première mission parviennent dans la colonie.
Elles sont envoyées pour soumettre les esclaves, et faire exécuter le décret du mois de sep--tembre; elles seront soutenues par les portions de la colonie qui n'ont pas admis le concordat par les blancs de la portion qui l'a fait, et par tous les agents du pouvoir exécutif. Elles seront dans la colonie peut-être un mois avant que les nouveaux ordres y soient connus. Or, dans un mois, on peut faire bien des changements. -• Si-donc le concordat était anéanti, soit à présent, soit à l'arrivée de nos premières troupes, soit par elles : et si l'ordre « de maintenir l'état des gens de couleur tel qu'il était à l'époque du mois de septembre dernier », paraissait dans la colonie, il faudrait, pour exécuter cet ordre, renverser ce qui existerait, vaincre toutes les résistances, et peut-être renouveler les plus affreuses dissensions.
Si nous connaissions bien les positions actuelles, si nous étions sûrs qu'elles ne varieront pas, on pourrait vous proposer des mesures. Mais nous ne sommes pas certains du passé, nous ignorons le présent, et nous ne pouvons prévoir ravenir. Dans de pareilles circonstances, on ne peut pas même conjecturer. Comment pourrait-on vous conseiller de prendre un parti ?
D'ailleurs, en vous proposant de maintenir l'état des gens de couleur, tel qu'il était au mois de septembre dernier, M. Brissot entend que le concordat sera suivi, quelles que soient les positions, lorsque les nouveaux ordres parviendront dans la colonie. C'est au moins la conséquence juste et nécessaire de son projet.
M. Brissot entend donc aussi que le concordat, qui est contraire au décret du 24 septembre, doit provisoirement avoir plus de force que ce décret.
Mais M. Brissot-a-t-il bien médité ce système?
Je lis dans la Constitution ces mots énergi.-
3ues : « Les colonies et possessions françaises
ans l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, quoiqu'elles fassent partie de l'Empire français, ne sont pas comprises dans la présente Constitution. »
Il suit de là que l'Assemblée constituante se réservait la faculté de décréter ce qu'elle croirait convenable pour les colonies.
Pouvait-elle décréter des articles constitutionnels pour Saint-Domingue ?
Qui que ce soit ne contestera raisonnablement ce droit à l'Assemblée constituante.
Aussi elle a usé de ce droit. Le décret du mois de septembre porte ces mots : « L'Assemblée nationale constituante décrète comme articles constitutionnels. » (Murmures et interruptions.)
Plusieurs membres à gauche : Non ! non !
Nous examinerons dans le calme si le décret est constitutionnel ou.
Plusieurs membres à gauche : Non, il ne l'est pas!
Je défie tous ceux qui sont ici de dire que ce qui est constitutionnel ne doit pas nous arrêter, et jusqu'ici, du moins, le décret du 24 septembre doit être regardé comme tel ; je reprends mon opinion.
Elle prend donc sa qualité, son titre d'Assemblée constituante, elle décrète donc les articles comme étant constitutionnels ».
Elles s'exprime ainsi, parce qu'elle voulait que la colonie qui n'était pas comprise dans la Constitution du royaume, eût sa constitution distincte quant aux objets énoncés par les articles constitutionnels.
Qui, de bonne foi, pensera que l'Assemblée eût employé ces mots « constituante, articles constitutionnels », si elle eût cru rendre un décret révocable !
Le décret du 24 septembre est accepté par le roi, et M. Brissot propose d'inviter le roi à prendre des mesures contraires à ce décret ?
Mais n'est-ce pas engager l'Assemblée dans une fausse démarche ? Qu'attendez-vous donc, Messieurs, du roi constitutionnel des Français ? n'est-il donc plus chargé d'exécuter les lois du royaume ? S'il devait s'expliquer sur votre invitation, ne répondrait-il pas : Quoi ! vous voulez que je suspende l'exécution d'un décret dont les articles sont « constitutionnels » ? Vous désirez cette suspension, lorsque vous ne la décrétez pas lorsque ce décret subsiste dans toute sa force, lorsque vous ne l'avez préalablement modifié, d'aucune manière ? Si vous ne croyez pas pou-
voir y déroger maintenant, je peux encore moins le suspendre, je dois et je veux le faire observer. Tai donné des ordres relatifs à ce décret : ils sont portés, et seront peut-rêtre exécutés par les troupes de la nation, avant que de nouveaux ordres parviennent à la colonie. Je n'ai pas le droit, au mépris d'une loi, d'ordonner qu'un concordat que la crainte et le malheur acceptèrent, qui n'eut lieu que dans une portion de la colonie, qui peut n'être pas suivi maintenant, qui pourra être abandonné quand les premières troupes seront arrivées, soit cependant maintenu ou rétabli malgré les résistances quelconques. Ce serait donner une nouvelle secousse à la colonie déjà trop ébranlée : ce serait y violer la loi pour y introduire la guerre.
Oui, Messieurs, le roi pourrait et devrait tenir ce langage. Il aurait encore à vous observer que vous connaissiez le décret, quand les secours ont été demandés, préparés, annoncés, embarqués ; que cependant vous n'avez point manifesté votre intention actuelle ; que par conséquent vous laissez le décret dans toute sa force : et qu'étant une loi pour vous, il en était une pour le pouvoir exécutif.
Comme M. Brissot, je chéris la liberté (Murmures et applaudissements.), je déteste l'esclavage: je proclame le droit naturel et civil des hommes de couleur. Je voudrais que tous les colons blancs l'eussent reconnu ; mais je respecte religieusement la Constitution et les lois existantes. Le décret subsiste; il est ma règle. M. Brissot vous propose de l'enfreindre indirectement. Les détours ne vous conviennent pas. (Applaudissements.) Votre marche doit être grande et loyale. Vous n'avez qu'une chose à voir : c'est le décret ; ses articles sont-ils décrétés comme « constitutionnels » par l'Assemblée nationale, sous le titre d'Assemblée « constituante » ? Vous ne pouvez ni détruire ni dénaturer cette loi. Les articles ne sont-ils pas ainsi décrétés ? vous pouvez anéantir ou modifier ce décret par un autre. Mais il faut que vous rendiez cet autre décret. L'ihvitation qui vous est proposée n'y supplée pas. Le roi ne pourra y voir une loi qui l'autorise à suspendre le décret du 24 mars. Il n'apercevra dans l'invitation que votre embarras ou vos doutes. Il sera contraint de se décider pour la loi : ses agents n'oseront admettre un plan opposé. Tout citoyen pourrait déclarer qu'il y résiste.
Or, Messieurs, rendrez-vous un décret qui déroge à celui du 24 septembre ? Ce sera l'obj et d'une autre discussion, on examinera ces points intéressants. Les articles du décret sont-ils constitutionnels ? Le Corps législatif peut-il déroger? S'il le peut, le doit-il dans la forme exprimée par M. Brissot?
Si la colonie entière avait reçu le concordat, si elle l'observait actuellement, si nous étions sûrs que rien ne serait changé soit à l'arrivée de nos premières troupes, soit par elles, je désirerais, Messieurs, que le décret ne subsistât plus.
Mais je le répète, la colonie entière n'a pas reçu le concordat; les positions actuelles et futures nous sont inconnues, et le décret est en vigueur. Voilà ce qui repousse sans cesse le projet de M. Brissot.
On a dit : « Périssent à jamais les colonies plutôt que de sacrifier un principe ! » Si la proposition est juste, j'avoue que je n'aurais pas le courage d'en solliciter l'application. Mais puisque les principes sont si précieux, respectons-les toujours. Ne violons pas implicitement un dé-
cret qui n'est ni révoqué, ni déclaré révocable. (Applaudissements. )
MM. Vergniaud et Gensonné vous ont aussi présenté des projets : moins éloignés des saines règles, ces projets méritent cependant un examen. Je ne les discuterai pas en ce moment. Je dirai seulement que MM. Vergniaud et Gensonné n'ont pas assez vu les changements que les circonstances et nos premières troupes pourront opérer ; que M. Vergniaud suppose Pétat de paix, et ne règle point l'état de guerre; et que M. Gensonné donne aux agents du roi un pouvoir vague et par conséquent arbitraire.
Je n'ai demandé la parole que pour combattre le projet de M. Brissot, parce que ce projet est le seul point soumis à la discussion. Ma tâche est remplie.
Quant à vous, Messieurs, ou vous devez laisser agir le pouvoir exécutif, ou vous devez l'inviter à prendre des mesures.
Au premier cas, vous n'avez rien à faire ; au second, vous êtes obligés d'énoncer ces mesures. Mais dans une situation aussi critique, je pense qu'il faut suspendre cette discussion, et la reprendre après le rapport de votre comité colonial. (Murmures. ) Vous donnera-t-il des éclaircissements capables de vous décider ? J'en doute. Mais enfin, si une résolution vous est permise, c'est lorsque vous serez environnés de toutes les lumières possibles. (Applaudissements.) Plusieurs membres : L'impression ! D'autres membres : La question préalable! (L'Assemblée, consultée, rejette la question réalable et décrète l'impression du discours de i. Ducastel.)
Messieurs, vous m'avez chargé d'écrire à M. le ministre des affaires étrangères et à M. le ministre de la marine, pour leur demander des éclaircissements sur Vaffaire de M. Roustan; voici leur réponse :
M. le ministre des affaires étrangères dit qu'il va faire tout ce qui dépendra de lui pour nous donner les éclaircissements que nous lui demandons sur l'affaire de M. Roustan ; mais il observe que les bureaux des affaires étrangères étant placés dans un quartier très éloigné, il pourrait arriver que les éclaircissements ne pussent point être donnés avant la fin de la séance.
M. le ministre de la marine répond que ses commis sont sortis, qu'il va les faire rappeler, et qu'il tâchera de vous donner les éclaircissements demandés avant la fin de la séance.
La discussion du projet de décret de M. Brissot de Warville relatif aux colonies est reprise.
Messieurs, je me présente pour appuyer le projet de décret proposé hier par M. Brissot. Voici la question qui se présente :
«Convient-ilde maintenir provisoirement l'exécution de ce concordat, des autres pactes
souscrits entre les blancs et les hommes de couleur, et les arrêtés de l'assemblée coloniale
qui les ratifient, jusqu'à ce que l'assemblée coloniale ait ultérieurement statué sur les
mesures à prendre pour rétablir l'ordre et la paix dans les colonies ? » Permettez-moi de le
répéter, Messieurs, c'est demander, en d'autres termes, si, pour conserver Saint-Domingue à
la France, il est indispensable d'y maintenir l'ordre de choses qui vient de sauver cette
île. Daignez envisager a'abord la marche naturelle des événements;
Telle sera, Messieurs, la fermentation des esprits et la chaleur de la crise lorsque les forces, envoyées par le pouvoir exécutif pour arrêter les dernières tentatives des noirs insurgents, arriveront dans la colonie. Je frémis devance des malheurs que ce débarquement prépare, si vous ne vous hâtez de les prévenir; une triste expérience a appris à vos prédécesseurs que les troupes françaises envoyées dans les Antilles pour y maintenir l'ordre et la paix, fatiguées de la contrainte d'une sévère discipline dans ces contrées lointaines, mécontentes par l'incivisme de leurs chefs, égarées par les mauvais citoyens, séduites par les divers partis, finissaient toujours par se dévouer aux intérêts de l'un d'eux, et par fomenter elles-mêmes les désordres qu'elles devaient réprimer. Est-ce pour apaiser la révolte des noirs qu'elles se rendent à Saint-Domingue? Eh bien, j'ose affirmer ici, Messieurs, si vous ne réglez leur destination, c'est ce qu'on appellerait une révolte de mulâtres qu elles seraient appelées à punir. Les assemblées de la colonie, armées du décret du 24 septembre, feraient peut-être, de ce nouveau renfort, un nouvel instrument de despotisme ; les mulâtres combattraient avec énergie ; et qui de vous oserait blâmer leur résistance? Ils s'armaient au nom de leurs droits sacrés, au nom du pacte solennel garànti par les serments des colons blancs de Saint-Domingue, au nom de leurs services récents et méconnus, au nom de la patrie, enfin, dont ils sont les plus fidèles enfants et les plus fermes défenseurs dans la colonie. Une nouvelle secousse de révolution bouleverserait cette florissante plantation, fumante encore des ravages de l'incendie, et l'ardeur que vous mettez à la secourir ne produirait que des crimes inutiles et de nouveaux malheurs.
Une considération plus importante achèvera de vous déterminer ; la récolte des noirs, châtiée plutôt qu'apaisée, peut recommencer avec des caractères plus effrayants; voulez-vous qu'elle trouve les deux classes d'hommes libres divisés d'opinions et d'intérêts, prêts à en venir aux mains, ou s'égorgeant déjà pour soutenir leurs prétentions ? Voulez-vous engager les forces des mulâtres, si utiles, si redoutables contre les noirs, à la défense de leurs propres droits? Vous le savez, Messieurs, les gens de couleur, habitués aux intempéries au climat, accoutumés aux allures des noirs, doués d'une audace et d'une agilité qui leur fait franchir les mornes et traverser les plus étroits défilés sont le véritable rempart de nos îles contre les soulèvements des esclaves ; et sans doute on ne dira plus aujourd'hui que « l'activité » des gens de couleur produirait la révolte des nègres, puisque la révolte qui a éclaté pendant qu'on la leur refusait, n'a commencé à être réprimée qu'à l'instant même où les droits de citoyens leur ont été rendus.Un un mot, Messieurs, la question se réduit à savoir si la réunion dé ceux qui n'ont qu'un intérêt commun donnera plus ae force à la classe d'hommes libres que leur division et leur guerre.
Ainsi, Messieurs, l'intérêt, des Côlons blancs, celui des gens de couleur, l'intérêt des noirs eux-mêmes, dont le sang est sans doute de quelque prix à vos yeux, tout vous presse de maintenir provisoirement pour la conservation des colonies, un accord qui vient d'assurer leur salut.
Je le demande à ceux qui ont combattu cétte mesure : si les dispositions dés citoyens blancs sont sincères, quel inconvénient trouvez-vous à les maintenir ? Leur générosité pourrait-elle être offensée de votre empressement à faire exécuter un accord si honorable pour eux? Si, au contraire, ils n'avaient cédé qu'à la voix irrésistible de la nécessité, si le préjugé pouvait l'emporter encore sur la délicatesse et la reconnaissance, dités-nôus avec franchise, voulez-vous voir les scènes atroces d'Ogé, de Chavanes et de leurs infortunés compagnons ensanglanter encore Saint-Domingue? Donnez-nous un garant solide, que les blancs ne se vengeront pas dè ce cruel affront de l'égalité auquel un impérieux besoin les a forcés de consentir. Voulez-vous répondre vous-mêmes que l'accord juré entre les blancs et les mulâtres sera maintenu jusqu'à l'arrivée des lois que nous préparons? Vous ne l'oseriez. Pourquoi donc osez-vous, inspirant une confiance que vous ne partagez pas, arrêter les efforts de l'Assemblée nationale pour maintenir encore cette union qui a sauvé la colonie?
Mais, dira-t-oh, « aux termes du'décret du 24 septembre, vous ne pouvez statuer sur l'état des personnes dans les colonies; or, le décret du 24 septembre est constitutionnel et par conséquent irrévocable ». . '
Si, quand il s'agit dè1 sauver mes frères, je pouvais condescendre à subtiliser, pour détruire une fin de non-recevoirr je prouverais jusqu'à l'évidence que lé décret du 24 septembre n est point et ne peut pas être constitutionnel; je dirais que je ne Connais de décrets constitutionnels que ceux qui sont compris dans la Constitution, qu'elle-même annonce expressément que les décrets rendus par l'Assemblée nationale constituante seront exécutés comme lois, tant qu'ils n'auront pas été révoqués ou modifiés par le pouvoir législatif. Je demànderais que lé premier d'entre nous qui oserait avancer cette
étrange opinion, fût rappelé à l'ordre (.Applaudissements et murmures.), pour avoir cnerché à glisser dans la Constitution un décret purement législatif, et tenté par là de la changer dans une de ses parties ; j'observerais, au surplus, que les efforts de quelques membres de l'Assemblée constituante, pour donner au décret du 24 septembre une teinte constitutionnelle, ne prouvent autre chose que la crainte de voir cette loi révoquée par leurs successeurs. (Applaudissements.)
Le moment d'entamer cette discussion n'est pas encore venu ; sous peu de jours, l'Assemblée nationale jugera dans sa sagesse s'il importe au salut, au bonheur des colonies, à l'intérêt dé la métropole^ que le décret du 24 septembre soit maintenu ou révoqué. Tout ce qu'il faut dire aujourd'hui, c'est que la question dont on vous oc-cupe h'estpas celle dont il s'agit; qu'elle consiste uniquement à savoir si vous pouvez adopter provisoirement, sous peine de perdre à jamais la plus florissante de vos îles, une mesure qui ne contrarie même pas les dispositions de ce décret. Qu'on prouve, s'il est possible, que ce décret du 24 septembre est constitutionnel! J'ajourne à dix jours ma réponse; mais je prouve aujourd'hui que ce décret est entièrement respecté dans le projet de M. Brissot.
Que porte, en effet, Ce décret du 24 septembre? Que les lois concernant l'état politique des hommes de Couleur et nègres libres seront faites par les assemblées coloniales. Mais je vous le demande, Messieurs, est-ce une loi sur l'état des personnes qui vous est proposée? A-t-on sollicité de vous un décret qui exprimât quelques dispositions nouvelles et non comprises dans le concordat passé à Saint-Domingue? Si vous aviez à rendre une loi, employeriez-vous cette forme ? « Le pouvoir exécutif sera prié de maintenir provisoirement... » N'énonceriez-vouspoint une volonté qui vous fût propre? Ces concordats, d'autre part, ne doivent-ils point être considérés comme lois de la colonie, puisqu'ils ont été ratifiés par leurs assemblées représentatives? Or, que vous a-t-on demandé ? d'assurer l'exécution de ces lois, en priant le pouvoir exécutif decir-conscrire le service des troupes qu'il fait passer à Saint-Domingue ; à calmer la rébellion des noirs ; à rétablir la paix, l'ordre et le bon accord dans la colonie» C'est là une précaution de surveillance, une simple mesuré de police que vous indiquez au pouvoir exécutif. Et, certes, on restreindrait étrangement les droits de cette assemblée, si on osait lui contester celui d'arrêter, par des moyens si simples et si légaux, l'effusion du sang français dans quelque partie de l'Empire que ce puisse être.
On ajoute que le concordat passé au Port-au-Prince n'est peut-être point adopté dans toute la colonie, que l'Assemblée s'exposerait par conséquent à ne prendre qu'une mesure partielle, et par cela: même dangereuse ; qu'enfin ce concordat n'ayant point été officiellement communiqué par l'assemblée coloniale, vous ne pouvez y statuer régulièrement.
Je réponds à la première objection par des faits que personne n osera contester, c'est que ce Concordat passé au Port-au-Prince pour toute la partie de l'Ouest le 12 septembre, et adopté peu ae jours après dans la balade du Sud, a été entier rement agréé par l'assemblée générale du Cap, pour toute la province ; dû Nord, Vers le 15 du même mois : voilà ce qu'exprime un arrêté de cette assemblée lu à votre tribune ; voilà ce que
rapportent toutes les lettres authentiques, arrivées de Saint-Domingue depuis cette époque ; il est donc constant qu'un régime uniforme est établi sur ce point dans la colonie, et que les mulâtres y jouissènt partout de toute l'étendue de leurs droits.
« L'assemblée coloniale ne vous a pas prévenus officiellement ! » je le crois sans peine ; les membres qui la composent, ennemis déclarés des gens de couleur, sont trop intéressés à leur retirer les avantages dont ils ont payé leurs services; ils craignent que l'Assemblée nationale, instruite de. Ce pacte solennel, ne se hâte de le consacrer définitivement. Et quel autre motif pourraient-ils donner de leur silence ? Pour vous, Messieurs, vous ne devez y voir qu'une raison plus pressante d'adopter, le parti qui vous est proposé, sans égard pour l'omission d'une forme qui n'ajouterait aucune certitude morale aux bases de votre délibération. Et je le demande à ceux qui hasardent de produire cette objection : si vingt lettres authentiques s'accordaient pour annoncer qu'un département est en proie a de nouveaux troubles, si elles ajoutaient que le sang a déjà coulé, si elles imploraient les secours d'une force répressive, attendriez-vous, dans une méthodique inertie, que l'avis officiel d'un directoire négligent ou coupable, vînt solliciter les remèdes, lorsque lès maux seraient à leur comble ? (Applaudissements.)
On vous dira peut-être encore que des motifs de politique, que des égards de convenance vous engagent à laisser aux colons blancs. l'honneur de rendre seuls aux citoyens de couleur des droits. si longtemps contestés. On ajoutera même que la nécessité les oblige et que vous
Souvez vous reposer sur leur intérêt de ,1'oubli e leurs préjuges.
J'aime a penser. Messieurs, que les colons blancs ouvriront enfin les yeux, qu'ils rougiront des motifs qu'ils ont opposés jusqu'à ce jour au bonheur de leurs frères ; mais devez-vous laisser le sort des gens de couleur, celui des blancs eux-mêmes à la merci d'un sentiment douteux encore? Pouvez-vous confier à la foi d'une promesse si souvent démentie, la vie;et la liberté de vingt mille Français ? Je ne veux pas calomnier ici la sincérité des colons blancs de Saint-Domingue ; mais ne vous ont-ils pas eux-mêmes donné le droit de douter de leurs résolutions ! Rappelez-vous leur langage à l'instant où, menacés du décret du 15 mai, ils concertèrent leurs efforts pour l'écarter. « Reposez-vous sur nous », disaient-ils, « du soin de rendre les mulâtres heureux et libres ; laissez-nous le mérite du bienfait, pour jouir des douceurs de la reconnaissance ». Vous le voyez, Messieurs, ils n'avaient usurpé ce droit que pour appesantir un joug plus pesant sur la tête ae ces infortunés ; il fallait le besoin pressant dé leurs secours pour rappeler cet engagement effacé de leur mémoire. Ne comptez pas davantage, Messieurs, sur la voix de leur intérêt ; c'est une étrange erreur en morale, de penser qu'un intérêt bien entendu dirige toujours les hommes : ces imprudents calculateurs oublient de mettre les passions en ligne de compte. Si cette consolante maxime avait quelque réalité, nous verrions les préjugés et les crimes bannis de la surface de la terre, les hommes ne travailleraient pas depuis tant de siècles à se donner des tyrans, à se forger des fers. Que dis-je ? Messieurs, ils n'auraient pas même besoin de vos lois. •
Je n'ajoute qu'un mot : le salut de Saint-Do-
mingue est dans vos mains ; prévenez de nouveaux troubles, prévenez la guerre civile dans cette colonie ; le parti soutenu par les troupes de la mère patrie y sera sans doute le plus fort ; que ce soit au moins le parti de la justice et de lhumanité.
Je préfère le projet de M. Brissot à tous ceux qui vous ont été présentés, parce qu'il exprime plus nettement et plus francnement le but que vous vous proposez. Pourquoi n'oserez-vous point parler au concordat et des arrêtés de l'assemblée coloniale, puisque c'est du concordat et des arrêtés que vous vouiez assurer l'exécution ? Quelle est cette étrange timidité de n'oser nommer la Chose dont on parle ? On n'a déjà rendu que trop dè lois vagues sur les colonies ; elles y ont déjà fait naître trop de désordres, et fait couler trop de sang. Une loi vague, Messieurs, " plaît d'abord à toutes les parties, qui croient y trouver leurs prétentions sanctionnées ; quand il s'agit de l'exécution, les contestations s'élèvent, elles dégénèrent en querelles ; et les querelles sont bientôt ensanglantées. Telle est la déplorable histoire des colonies françaises pendant la Révolution. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression !
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Ducos.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres demandent la question préalable sur le projet de M. Brissot.
Je demande à proposer un amendement agréé par M. Brissot.
Je demande que l'on n'entende point d'amendements.
Je demande qu'on entende d'abord les amendements parce qu'il est possible qu'un décret qui serait rejeté tel qu on le propose soit adopté s'il est amendé.
jepense, au contraire, qu'il vaut mieux mettre d'abord aux voix la question préalable parce que, si le décret est rejeté, les amendements deviennent inutiles. , (L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle entendra M. Gensonné développer son amendement.)
Je crois, Messiéurs, que les explications que M . Brissot a données auraient dû nous mettre déjà d'accord. Je déclare bien formellement qUé les principes qu'il a développés ce matin à la tribune étaient les miens lorsque j'ai proposé hier le projet de décret sur lequel l'Assemblée se divisa quand il fut question de la priorité ; mais l'Assemblée a dû être aussi frappée de la différence qui existe entre ses principes et la rédaction de son projet de décret. C'est pour le mettre d'accord avec lui-même que je monte à la tribune. L'Assemblée nationale ne veut point ôtèr l'initiative aux assemblée coloniales ; elle ne délibère point sur cela ; mais elle veut qu'on ne puisse pas employer les forces nationales qu'elle envoie dans les colonies pour les diriger contre les gens de couleur et empêcher l'exécution des arrêtés des 20 et 25 septembre. Il faut donc que les projets présentés à 1 Assemblée dans ce moment-ci ne préjugent en rien la question de l'initiative et, d'un autre côté, donnent une garantie que les forces nationales ne seront point tournées contre les hommes de couleur libres. Si nous laissons subsister dans la rédaction de M. Brissot les mots : « maintenir l'état des gens de couleur, ». ïl est évident que nous
préjugeons la question définitive parce qu'alors nous confirmons le concordat et les arrêtes, laissant aux assemblées coloniales la faculté de s'expliquer. Il y a même une contradiction bien marquante entre cette disposition qui ratifie de la manière la plus expresse le concordat et la disposition finale, qui dit que l'Assemblée nationale n'entend point le préjuger. Il faut donc que vous disiez, non pas que les troupes seront employées à maintenir le concordat, mais qu'elles ne seront point employées à le renverser. Je propose, en conséquence, que le projet de M. Brissot soit rédigé en ces termes :
« L'Assemblée nationale,considérant que l'union entre les blancs et les hommes de couleur libres a contribué principalement à arrêter la révolte des nègres à Saint-Domingue ;
« Que cette union a donné lieu à différents accords entre les blancs et les hommes de couleur, et à divers arrêtés pris à l'égard des hommes de couleur, les 20 et 25 septembre dernier, par l'assemblée coloniale séant au Cap ;
« Après avoir délibéré l'urgence, décrète que le roi sera invité à donner des ordres, afin que les forces nationales destinées pour Saint-Domingue ne puissent être employées que pour réprimer la révolte des noirs, sans qu elles puissent agir directement ni indirectement pour protéger ou favoriser les atteintes qui pourraient être portées à l'état des hommes de couleur libres, tel qu'il a été provisoirement fixé à Saint-Domingue, à l'époque du 25 septembre dernier. »
Plusieurs membres demandent la parole.
D'autres membres demandent une seconde lecture de la rédaction de M. Gensonné.
fait une seconde lecture de sa rédaction.
Je demande qu'on retranche le mot « provisoirement ».
(L'Assemblée décrète la suppression du mot «provisoirement. »)
J'ai aperçu dans le projet de décret ces mots : le roi sera invité. Messieurs, ou votre intention est de faire une loi, ou votre intention est de faire une invitation. Si votre intention est de faire une loi, comme vous l'avez manifesté par le décret d'urgence, il faut dire que le roi donnera des ordres. Si vous vous bornez à une simple invitation, ce ne sera point une loi pour le pouvoir exécutif,et il pourra s1 y soustraire. Il faut donc mettre : le roi donnera des ordres.
J'appuie l'amendement de M. Delacroix ; c'est ce mot invité qui me frappe dans la rédaction. S'en servir, ce serait d'abord reconnaître qu'au roi seul, et sous sa responsabilité (Exclamations.), appartient le droit de donner ou refuser des ordres, mais c'est aussi le mettre dans une situation embarrassante ; car, de deux choses l'une : ou le roi déférera à notre invitation, ou il n'y déférera pas. S'il y défère et qu'il en mésarrive à cause de la non-exécution du décret du 24 septembre, qui existe toujours et que votre décret d'invitation ainsi conçu ne révoque pas, ne sera-t-on pas fondé à lui dire qu'il était le maître de ne pas y déférer ? Si le roi ne défère pas à l'invitation, alors vous le mettez aux prises avec le Corps législatif, vous le rendez suspect, vous centuplez dans l'opinion publique la responsabilité.
Plusieurs membres : Il n'est pas responsable j
Alors, vous rendez dangereux sur ce point l'exercice des droits qui lui sont
dévolus. Je demande donc que l'amendement de M. Delacroix soit adopté.
Je demande à combattre l'amendement de M. Delacroix et je demande à prouver à l'Assemblée qu'autant le projet de M. Gensonné est conforme aux lois établies, autant l'amendement qui vous est proposé les renverse de fond en comble. La loi du 24 septembre est conservée dans la rédaction de M. Gensonné; elle'est violée dans l'amendement de M. Delacroix. Quelqu'in-constituwonnelle que me paraisse cette loi au fond, vous la reconnaissez tout au moins pour un acte législatif; vous ne voulez pas y déroger autrement que par une suspension ou une révocation, et votre intention n'est pas de décider cet objet en ce moment. Si donc vous dites au roi de donner des ordres, vous lui dites de contrevenir à une loi qu'il est obligé de maintenir, puisqu'elle n'est pas révoquée. Mais si vous le priez seulement de donner des ordres, vous l'invitez alors indirectement à donner sa sanction aux arrêtés pris par l'assemblée coloniale, et. par ce moyen, votre but est rempli et la loi n est pas violée. Cette loi du 24 septembre donne aux colonies l'initiative relativement aux gens de couleur; les colonies ont exercé cette initiative; vous devez donc prier le roi de sanctionner le vœu des colonies. Je demande donc que l'Assemblée adopte la rédaction de M. Gensonné et qu'elle rejette par la question préalable l'amendement de M. Delacroix.
, ministre de la justice, se lève et demande la parole.
Plusieurs membres à Vextrême gauche : Non! non!
parle au milieu du tumulte.
, ministre de la justice. J'aurai l'honneur d'onserver à l'Assemblée nationale que l'objet actuel intéresse essentiellement mon administration; car il s'agit ici d'une objection relative à la sanction. Je prie l'Assemblée d'observer que la difficulté qui vient de s'élever est plus sérieuse qu'on ne pense. L'amendement de M. Delacroix est absolument conforme aux principes ; car l'Assemblée ayant décrété l'urgence, il est impossible que ce ne soit pas un décret qui intervienne sur la question.
Si l'Assemblée se borne à faire un message au roi "et à prier le roi de prendre telle ou telle mesure, cela j ne sera pas. une- loi, et, comme l'observait un des préopinants, le roi se trouvera dans un véritable embarras. Il dira : voilà une prière que vous me faites; cette prière est de donner tels ou tels ordres; ces ordres sont formellement contraires à la loi du 24 septembre ; vous me priez donc, comme l'a observé trè$ sagement M. Ducastel, comme l'a observé après lui M. Fressenel, de violer la loi et d'y contrevenir. Ainsi je crois qu'il est impossible que l'Assemblée puisse se permettre une pareille démarche.
C'est donc une loi qu'il s'agit de faire, et l'Assemblée l'a si bien senti quelle a décrété l'urgence. Mais c'est ici peut-être que se trouve la difficulté. Je prie l'Assemblée ae vouloir bien observer si la loi du 24 septembre doit ou ne doit pas être rapportée. La question au fond, celle de savoir si cette loi est constitutionnelle ou non, est ajournée à très peu de jours. Or, je demande de quelle utilité pourra être une mesure provisoire?... (Il s'élève de violents mur-
mures; de toutes parts on interrompt pour faire observer que le ministre n'a pas le droit de parler sur le fond, de la question.)
demande la parole contre le ministre, et insiste avec chaleur pour l'obtenir.
D'autres membres : Non ! non ! Laissez parler le ministre !
Le ministre de la justice insulte l'Assemblée au lieu de lui donner des renseignements. J'observe à l'Assemblée que du moment où le ministre ne fournit pas de renseignements, il ne peut obtenir la parole pour venir se mêler à une discussion et influencer l'Assemblée.
, ministre de la justice. J'observe que je dois avoir la parole puisqu'il s'agit ici d'un objet relatif à mon administration.
Monsieur Delacroix, on observe que vous ne pouvez pas avoir la parole.
Consultez l'Assemblée pour savoir si je serai entendu.
, ministre des contributions publiques. Monsieur le Président, je demande a être entendu. (Murmures.)
, ministre de la justice. Je vais prouver à l'Assemblée...
On demande, d'une part,
Sue le ministre de la justice conserve la parole ;
e l'autre, que M. Delacroix soit entendu. Je consulte l'Assemblée pour savoir à qui elle accordera la parole.
(L'Assemblée décide que M. Delacroix sera entendu.)
- (Plusieurs membres réclament contre cette décision.)
les rappelle à l'ordre.
Je Connais la disposition de l'Acte constitutionnel qui accorde aux ministres le droit de siéger ici et de parler sur les objets relatifs à leur administration. Ils ont la faculté de faire des propositions sur les objets nécessaires à la marche de leur administration. Mais toutes les fois qu'ils veulent donner des éclaircissements sur d autres objets, il faut qu'ils attendent qu'on les leur demande. Telle est la disposition de la Constitution. (Murmures dans l'Assemblée. — Applaudissements dans les tribunes.)
, ministre de la justice, se lèVe et veut parler.
Je demande l'exécution du décret qui m'accorde la parole. Les ministres me répondront après, car je suis membre du Corps législatif.
Voici l'article 10 de la section IV, chapitre III de la Constitution :
« Les ministres du roi auront entrée dans l'Assemblée nationale législative, ils y auront une place marquée.
« Ils seront entendus toutes les fois qu'ils le demanderont, sur les objets relatifs à leur administration, ou lorsqu'ils seront requis de donner des éclaircissements.
« Ils seront également entendus sur les objets étrangers à leur administration, quand l'Assemblée nationale leur accordera la parole. »
Le ministre.devait d'abord être entendu, parce qu'il a commencé par dire que c'était sur un objet relatif à son administration ; mais aussitôt après il est entré dans le fond de la discussion, alors même que cette discussion était fermée
pour les membres de l'Assemblée. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Un membre : Il a eu la parole.
J'en suis bien fâché, mais il faut que vous m'entendiez jusqu'au bout.
Je dis que l'Assemblée constituante, en donnant aux ministres le droit d'assister aux séances, ne les a autorisés à prendre la parole que sur des objets relatifs à leur administration ou lorsqu'ils seront requis de donner des éclaircissements. Ils pourront encore être entendus sur des objets étrangers à leur administration, mais seulement quand l'Assemblée nationale leur accordera la parole...
Plusieurs membres : Ce n'est pas cela !
Et moi je dis que c'est cela ! En effet, s'ils avaient le droit de parler dans une discussion, vous sentez quelle influence leur donnerait leur caractère. (Applaudissements dans une partie de VAssemblée et dans les tribunes.—-Quelques murmures.)
Il faut distinguer entre la faculté de discuter sur une loi, qui est accordée exclusivement aux représentants du peuple, et le compte des faits que doit rendre un agent du pouvoir exécutif. Si vous laissez les agents du pouvoir exécutif discuter avec vous, ils marcheront sur la même ligne que les représentants du peuple, et ils auront, en outre, un recours contre eux en allant conseiller le veto sur la loi qui aura passé contre leur opinion. (Applaudissements.)
Ne souffrons donc jamais, j'en fais la motion expresse, que dans le cours (l'une discussion, à l'instant de rendre un décret, un ministre vienne la troubler et surtout entrer en lice avec les membres de l'Assemblée. Dès que le ministre de la justice a demandé la parole, il est entré dans la discussion, a résumé les opinions pour vous proposer peut-être un projet de décret. (Applaudissements) Il a demandé implicitement la question préalable sur la proposition du décret ; en adoptant mon amendement, il vous a dit qu'il était dans les véritables principes, comme si, sans son observation, l'Assemblée ne pouvait pas s'en apercevoir. (Rires et applaudissements dans les tribunes et à l'extrême gauche.) .
Je fais donc la motion expresse que l'Assemblée décrète que les ministres ne pourront pas discuter....
Plusieurs membres : Cela est fait !
et que dans toute discussion les ministres ne pourront être entendus que lorsqu'ils apporteront des éclaircissements ou lorsqu'ils en seront requis par un décret. (Applaudissements.)
, ministre de la justice et M. Tarbé, ministre des contributions publiques insistent de nouveau pour avoir la parole.
Plusieurs membres à l'extrême gauche : Aux voix la motion de M. Delacroix !
ministre de la justice. Je prie l'Assemblée de me permettre de répondre. (Les murmures couvrent sa voix.)
Un membre : 11 y a trois cas dans lesquels les ministres, d'après la Constitution, ont le droit d'être entendus. Le premier est celui où il s'agit des objets relatifs à leur administration. Or, les difficultés qui peuvent survenir à la sanction et proposées par les ministres, sont bien du ressort de leur administration.
Plusieurs membres parlent à la fois.
A Vextrême gauche : L'ordre du jour!
, ministre de la justice, insiste pour avoir la parole malgré le tumulte^
II est inutile de décréter que les ministres ne pourront pas discuter ici, car la Constitution le leur interdit formellement. Mais je ferai la motion que M. le Président, au nom de l'Assemblée, soit chargé de rappeler à l'ordre... Plusieurs membres : A la loi
Eh bien, à la loi, MM. les ministres toutes les fois qu'ils discuteront ainsi
quera
1 ordre M. le Président. (.Applaudissementsf)
, ministre de la justice, insiste de nouveau pour avoir la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Plusieurs membres observent que le ministre ne doit pas avoir la parole parce que, dans la discussion actuelle, il ny avait rien ae relatif à l'administration du ministre de la justice.
et plusieurs autres membres : Aux voix l'ordre du jour !
, ministre des contributions publiques. On ne peut pas passer à l'ordre du jour!
Je demande à l'Assemblée sur quoi elle veut passer à l'ordre du jour» ..
Sur le tout.
, ministre de la justice. Cela n'est pas possible.
On demande qu'avant que je mette aux voix si M. le ministre de la justice sera entendu, je consulte l'Assemblée sur l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le ministre de la justice sera entendu.)
, ministre de la justice. Je vais avoir l'honneur de remontrer à l'Assemblée nationale que je n'entrais pas dans la discussion, et si elle avait eu la bonté de m'entendre, .peut-être au-rait-elle vu que je ne m'écartais point du tout des principes. Les ministres ont le droit d'être entendus toutes les fois qu'il s'agit d'objets relatifs à leur administration. Ils peuvent encore être entendus sur des objets étrangers, toutes les fois que l'Assemblée leur accorde la parole. Je dis que j'étais dans la prémière hypothèse, dans celle d'un ministre qui demande a parler sur un objet de son administration et que je ne m'en suis pas écarté. Voici, en effet, la question. L'Assemblée est dans cette alternative, ou de faire une loi qui enjoigne au pouvoir exécutif de prendre des mesures, ou dé faire simplement au roi une invitation sur telle ou telle chose. (Murmures.) Dans les deux cas, le roi et lés ministres seront compromis.,
J'ai eu l'honneur d'observer à l'Assemblée que s'il était question d'un simple acte du Corps législatif, portant invitation au roi de dtinner tel ou tel ordre, le roi et ses ministres seraient darçs une position critique; c'ést-à-dire dans un cas qui compromettrait leur responsabilité. En effet, la loi du 24 septembre ayant statué d'une manière positive sur telle ou telle chose, des ordres qui seraient contraires à cette loi pourraient un jour mettre le ministre dans le cas d'urië Véritable responsabilité. : 0 ; , r
Si, d'autre part, l'Assemblée entend rendre un décret, et elle entend rendre un décret puisqu'on
a décrété l'urgence, la responsabilité du ministre n'est pas moins compromise, et il est clair que c'est un objet qui concerne mon administration, et essentiellement mon administration. La loi du 24 septembre existe. Si l'acte du Corps législatif est présenté au roi comme une loi, il s'en suivra, par un simple décret, que le roi aura sanctionné, il aura vraiment violé cette loi du 24 septembre, qui a été décrétée comme constitutionnelle.
Je n'examine pas si cette loi est ou n'est pas constitutionnelle. (Murmures à l'extrême gauche.) Je dis seulement qu'il est possible qu'après une délibération au fond, l'Assemblée reconnaisse cette loi comme constitutionnelle. Je n'entends pas préjuger la question • mais toujours est-il vrai qu elle est intitulée ainsi, et que jusqu'à ce que cette loi ait été déclarée non constitutionnelle, le ministre ne peut proposer au roi aucune mesure qui y porterait atteinte, sans compromettre sa responsabilité.
Je dis donc que de quelque manière que l'Assemblée s'y prenne, il y a un très grand danger. Si c'est une loi qu'elle entend faire, cette loi peut compromettre le ministre ; si c'est un simple acte du Corps législatif portant invitation, la responsabilité est infiniment plus compromise. De là, je dis, et je pense que j'avais le droit de dire, que de telles communications peuvent être très utiles, surtout lorsque nous y mettons autant de zèle et de bonne foi; je dis que la Constitution serait violée», si le- décret rendu pouvait tendre à porter atteinte à un décret qui a été déclaré constitutionnel, et que le Corps législatif n'a pas déclaré ensuite n'être pas constitutionnel. Je dis que vraiment alors la Constitution serait compromise, et j'ajoute encore que ces communications-là, sans doute, sont utiles lorsqu'elles sont données par des ministres qui ont fait leurs preuves a amour pour la liberté, pour l'égalité et à qui on ne peut rien reprocher. (Vifs applaudissements.), ;
J'aurais encore à dire quelque chose,' mais j'aurais besoin, pour cela, d'un décret de l'Assemblée.
Un membre : Il n'est pas nécessaire que M. le ministre réclame une seconde fois la permission de l'Assemblée pour avoir la parole, parce qu'il y à un décret qui le lui donne.
, ministre de la justice. J'ai besoin d'un décret parce que les quelques réflexions que j'ai A vous donner ne sont pas relatives à mon administration.
M. le ministre vient de parler sur un objet relatif à son administration.
Je nie le fait. (Bruit.)
Il a parlé sur un projet de décret de l'Assemblée qui le lui a permis.
Sans rien1 préjuger sur le droit que l'Acte constitutionnel donne aux ministres, M. le ministre de la justice demande maintenant que l'Assemblée décrète s'il parlera sur un objet qu'il déclare être étranger à son administration. (Bruit.)
Plusieurs membres parlent dans le tumulte.
Je demande la parole.
Si le ministre de la justice a la parole, ce ne peut être que par le vœu de l'Assemblée ; je consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète que le ministre de la justice sera entendu.)
Un grand, nombre de membres réclament contre cette décision, disant qu'il y a doute. (Vive agitation.)
On prétend qu'il y a doute, je vais renouveler l'épreuve.
ministre de la justice. C'est inutile; je renonce à la parole.
Messieurs, M. le ministre ne demande plus la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (OuiJ oui ! Non! non!}
(L'Assemblée devient tumultueuse.).
J'ai demandé la parole uniquement sur l'ordre du jour, c'est-à-dire sur l'amendement proposé par M. Delacroix ; c'est cet amendement que je me propose de combattre.
Un grand nombre de membres : Il n'est pas appuyé!
(Les ministres se retirent.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je mets aux, voix l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres: Monsieur le Président, vous escamotez les décrets. (L'Assemblée est dans une vive agitation.)
On n'a pas entendu.
Je ne réclame pas contre le passage à l'ordre du jour ; mais il est absolument indispensable de donner ici une explication sur ce qui vient de se passer, afin de prévenir à l'avenir de pareilles scènes. (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre!.
Vautres membres : L'ordre du jour!
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Les prétentions ,et la conduite des ministres, dans l'Assemblée nationale, sont contraires aux dispositions de l'Acte constitutionnel. Je demande que les limites du droit que la Constitution leur laisse soient fixées avec précision, et qu'on s'en occupe sur-le-champ.
L'Assemblée doit prononcer sur la prétention du ministre et sur la mienne ; mais comme cela retarderait la délibération, j'en demande l'ajournement à jour fixe.
Voix diverses : A samedi ! Le renvoi au comité de législation !
(L'Assemblée ajourne les motions relatives aux droits des ministres à samedi prochain et charge lé comité de législation d'en faire le rapport.)
Voici mon amendement. Au lieu de : Le roi sera invité à donner des ordres, il faut mettre : Le pouvoir exécutif donnera des ordres,
Je demande la parole sur l'amendement de M. Delacroix. Il serait excessivement dangereux de l'adopter, car il donnerait à l'acte du Corps législatif le caractère d'une loi. Or, l'Assemblée, d'après la discussion qui a eu lieu, n'a pas voulu toucher le moins du monde à la loi au 24 septembre ; elle ne peut donc l'attaquer par une mesure indirecte. Si j'eusse pu me faire entendre hier, j'aurais, je crois, démontré à l'Assemblée qu'elle ne devait pas décréter l'urgence, qu'elle ne faisait pas une loi, mais un acte du Corps législatif. En me résumant, je demande le rapport du décret d'urgence, et la
question préalable sur l'amendement de M. Delacroix.
J'y consens, si l'Assemblée n'a pas voulu faire une loi.
Nous ne pouvons pas faire au pouvoir exécutif une invitation contre une loi qui existe. La question est donc de savoir si, lorsque la voie de l'invitation nous est fermée, nous pouvons faire une loi contre les dispositions d'une autre loi que nous ne révoquons pas. (Bruit.) Or, il est clair que nous ne pouvons pas adopter les mesures de m. Brissot et de M. Gensonné sans leur donner le caractère d'une loi, et que, d'un autre côté, il est impossible de faire une loi qui contrarie la loi au 24 septembre sans... (Murmures.)
Messieurs, c'est la précipitation qui. peut nous perdre, je demande l'ajournement à samedi. (Exclamations.)
Plusieurs membres .' Oui ! oui ! fc;
L'Assemblée connaît l'objet important sur lequel elle a à statuer, et le devoir qu'elle a à remplir; samedi prochain votre comité vous proposera de traiter la question au fond. Conformément à l'avis de M. Ducastel, qui n'a pas été combattu, je demande l'ajournement à samedi.
Il me semble que dans toute cette discussion, il y a une erreur de fait qui entraîne une erreur de principe. On prétend que la mesure provisoire qui vous est proposéepar M. Gensonné attaque le décret du 24 septembre, ou est contraire à ce décret. Or, Messieurs, je maintiens que c'est une très grande erreur. La mesure pro-I visoire ne touche nullement au décret du 24 septembre, et ici, comme cela doit nécessairement jeter une grande lumière capable de faire adopter ou de faire rejeter, l'amendement, je prie l'Assemblée de vouloir bien me donner un instant d'attention.
Qu'est-ce que vous faites par ce décret ? Vous dirigez les forces envoyées à Saint-Domingue suivant les mêmes vues que celles qui vous ont dirigés quand vous avez décrété là* dépense à ce nécessaire!
Lorsque le pouvoir exécutif est venu vous demander dix millions pour les secours à porter à Saint-Domingue, il vous a dit qu'une insurrection des noirs, dans la partie du nord de Saint-Domingue, rendait nécessaire l'envoi des forces dans cette partie de la colonie. Vous avez décrété cette somme, mais pourquoi? Uniquement pour réprimer l'insurrection des noirs. Vous avez donc le droit d'ordonner que les sommes que vous avez votées n'auront pas d'autre destination. (Applaudissements.) Or, Messieurs, on tromperait vos intentions si on les employait dans d'autres vues; et c'est cela précisément que le décret proposé par M. Brissot, amende par M. Gensonné, peut empêcher.
Plusieurs membres : Bien! bien! Arrêtez-vous là1.
Voilà, je le répète, l'unique objet du projet de M. Brissot, amendé par M. Gensonné. Les forces serviront tant qu'il sera nécessaire d'empêcher les troubles ; mais elles s'arrêteront s'il est'question dé violer le concordat passé entre les citoyens blancs et les hommes de couleur, parce qu'il ne peut pas être question, et il n'a pas été dans votre intention de favoriser un acte de perfidie qui n'aurait pas d'exemple chez les peuples les plus corrompus de l'.univers.
D'après cela, Messieurs, le décret proposé ne portant aucune atteinte à la loi du 24 septembre, il n'y a pas d'inconvénient à faire une loi pour cela.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
veut parler.
Plusieurs membres : La discussion est fermée I
La discussion est fermée sur le fond ; mais j'ai la parole sur l'amendement. (Non ! non!)
Plusieurs membres : La discussion fermée sur les amendements !
(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)
Monsieur Delacroix, je vous observe que je retire mon amendement, sous la réserve du rapport du décret d'urgence.
J'observe à l'Assemblée que je n'ai retiré mon amendement que sur la proposition de faire une invitation et non une loi. Si l'on fait une invitation, on ne doit pas dire : le roi fera telle chose : il faut le priver ae faire telle ou telle chose, et alors le décret d'urgence n'est pas nécessaire. Il faut donc que 1 Assemblée prenne une délibération préalable à mon amendement. Si elle veut conserver son décret d ur-genceet faire une loi, je persiste dans monamende-dement ; si elle veut faire une simple invitation, je demande le rapport du décret d'urgence, et alors je retire mon amendement.
Plusieurs membres : Aux voix le rapport du décret d'urgence !
D'autres membres : La question préalable sur le rapport du décret d'urgence!
Avant de consulter l'Assemblée sur le rapport du décret d'urgence, je dois la consulter sur l'ajournement à samedi qui a été demandé avant tout.
Plusieurs membres observent que, dans la dernière séance et même dans la séance actuelle, il a été décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur l'ajournement- ils demandent, en conséquence, la question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.
Je mets maintenant aux voix la question préalable sur le rapport du décret d'urgence.
(Après deux épreuves, l'Assemblée rejette la question préalable sur le rapport du décret d'urgence.)
Un membre : Monsieur le Président, j'ai l'honneur de vous observer qu'il y a à la porte une députation nombreuse qui veut forcer la garde.
Je demande la parole.
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre!
Monsieur le Président, veuillez rappeler à l'ordre ceux qui demandent qu'on m'y rappelle.
M. le Président. Je vais mettre aux voix si M. Garran sera entendu.) :f-1 |
(L'Asemblée, consultée, décrète que M. Garran ne sera pas entendu).
Je mets aux voix le rapport du décret d'urgence.
Le bureau est d'avis qu'il y a doute. Je recommence l'épreuve.
(Une nouvelle épreuve a lieu.)
prononce que le rapport du décret d'urgence est prononcé.
Plusieurs membres réclament en disant qu'il y a doute.
J'ai voté contre le rapport du décret d'urgence, et je déclare qu'il n'y a pas doute ; le décret d'urgence est rapporté.
Plusieurs membres : Recommencez l'épreuve !
demande que je renouvelle l'épreuve.
Voix diverses : Oui ! oui ! Non ! non ! L'appel nominal!
Je prie les membres des députations qui ont reçu les honneurs de la séance de se séparer des membres de l'Assemblée. (Les membres des députations se rangent de côté.) Je renouvelle l'épreuve.
(L'Assemblée décrète le rapport du décret d'urgence.)
Je demande la question préalable sur la rédaction de M. Gensonné, qui ne peut avoir d'autre but que de contrarier une loi rendue.
Un membre: Il est inconcevable que le Corps législatif propose au roi de contrarier ses propres opérations. En conséquence, i'appuie la motion de la question préalable sur 1 invitation.
Le Corps législatif ne peut décemment, sans se déshonorer, proposer au roi de suspendre l'exécution d'une loi. Je me borne à demander la question préalable sur l'invitation et l'ajournement du tout à samedi. (Applaudissements.)
Ajourner la question, c'est décider contre la question. Les troupes vont partir. Hier vous étiez impatients de porter ce décret, et aujourd'hui, à force de chicane, on est venu à bout de demander l'ajournement. Ainsi, Messieurs, vous devez inviter le roi. (Murmures.) C'est par respect pour la loi du 24 septembre que vous vous bornez à une invitation. (Bruit.)
appuie les observations de M. Cambon.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.) (L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Je demande la parole. Tout bon citoyen doit avoir le courage de résister à ce tumulte indécent.
Je vais mettre aux voix l'ajournement.
L'ajournement a été rejeté par la
Question préalable; on ne peut pas le repro-uire.
Monsieur le Président, l'Assemblée vous a honoré de sa confiance; faites votre devoir. (Bruit.) J'ai demandé à être entendu. (Murmures prolongés.)
Je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Delmas sera entendu.
(L'Assemblée décrète que M. Delmas ne sera pas entendu.)
L'ajournement a été rejeté de fait. (Murmures à droite.) (S'adressant à la droite.) Vous êtes avides du sang des mulâtres! (A l'ordre! à l'ordre!)
n'a rien changé au projet de M. Brissot, et puisqu'on a admis la question préalable sur l'ajournement, on ne peut remettre l'ajournement aux voix. {Bruit prolongé.)
Je demande la question préalable sur le projet d'invitation.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je mets aux voix la question préalable sur la rédaction de M. Gensonné.
(L'Assemblée rejette la question préalable et adopte la rédaction de M. Gensonné.)
Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, considérant que l'union entre les blancs et les hommes de couleur libres a contribué principalement à arrêter la révolte des nègres de Saint-Domingue ;
« Que cette union a donné lieu à différents accords entre les blancs et les hommes de couleur, et à divers arrêtés pris à l'égard des hommes de couleur, les 20 et 25 septembre dernier, par l'assemblée coloniale séant au Gap.
« Décrète que le roi sera invité à donner des ordres, afin que les forces nationales destinées pour Saint-Domingue, ne puissent être employées que pour réprimer la révolte des noirs, sans qu'elles puissent agir directement ou indirectement pour protéger ou favoriser les atteintes qui pourraient être portées à l'état des hommes de couleur libres, tel qu'il a été fixé à Saint-Domingue, à l'époque du 25 septembre dernier.
(La séance est levée à cinq heures.)
Séance du
présidence de m. lacépède.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° lettre de M. Droukin, éditeur d'un ouvrage ayant pour titre : Antiquités nationales. Il fait hommage de la douzième livraison.
( L'Assemblée accepte cet hommage et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
2° Adresse des citoyens de Dijon' ils se plaignent de ce que les liquidations des offices supprimés ne se font pas avec assez de célérité; ils soumettent dés observations relatives à la proposition faite de suspendre les remboursements.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de liquidation.)
3° Lettre de M. Pinet aîné, député du département de la Dordogne, qui annonce qu'une maladie grave l'a empêché et l'empêche encore de se rendre au poste honorable que les suffrages des électeurs lui ont assigné.
4° Lettre de MM. Beylié et Monneron, anciens députés de l'Inde à l'Assemblée nationale, et chargés par de nouveaux pouvoirs des intérêts des établissements français en Asie. Ils adressent une lettre de l'assemblée coloniale de l'île Seychelles.
Us annoncent qu'ils viennent de recevoir, par la frégate la Thétis des dépêches de l'assemblée coloniale des Indes, qui intéressent la tranquillité des colonies au delà du cap de Bonne-Espé-rance ; qu'il est important qu'ils en donnent communication à l'Assemblée nationale et qu'ils profitent des vaisseaux qui sont sur leur départ pour l'instruire de leurs démarches.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront reçu8 à la barre dans une séance du soir.)
5° Adresse des citoyens de Dijon. Ils félicitent l'Assemblée nationale de la réquisition faite dans les termes de la Constitution à Louis-Stanislas-Xavier, prince français et des mesures par elle prises contre les émigrés. Ces citoyens expriment leurs regrets sur l'opposition du veto du roi ; mais ils respectent ses motifs. Il ne les discutent pas, puisqu'il n'a fait qu'user du droit que lui a conféré la Constitution. Cependant, inquiets des suites de la protection accordée aux émi-grants par les petits princes d'Allemagne, ils. demandent qu'on porte le décret d'accusation contre les chefs des rassemblements des conjurés contre la France, lorsque le comité diplomatique aura rendu compte de toutes leurs mànœuvres.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
6° Lettre du sieur Marc Léoni, se disant Anglais, qui soumet des observations sur l'adresse de la société constitutionnelle des Wighs, cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Permettez que j'aie l'honneur de vous adresser quelques observations que m'a inspirées la crainte de voir troubler dans les circonstances actuelles, l'harmonie qui doit régner entre la France et la Grande-Bretagne. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien les communiquer à l'Assemblée, dans le cas où vous le jugeriez de quelque utilité. Il doit être permis à un Anglais qui a respiré en naissant l'air de la liberté, de contribuer, autant qu'il est en son pouvoir, à écarter toute espèce de nuage qui pourrait en obscurcir son éclat dans le nouveau temple que vient de lui élever la nation française.
« Recevez, Monsieur le Président, les témoignages du respect avec lequel je suis, etc...
« Signé: Marc Léoni, Anglais. »
Plusieurs membres : Il faut lire les observations!
, secrétaire. Ces observations portent qu'il serait dangereux de donner une trop grande importance et publicité à la lettre de la Société constitutionnelle des Wighs ; que cette société est très peu nombreuse, qu'elle a causé les derniers troubles de Londres...
Cette affaire est entièrement consommée; la lettre de M. le Président est partie ; il faut passer à l'ordre du jour.
, secrétaire. Il est inutile de lire ces observations. Vous avez accueilli avec transport les sentiments de fraternité que vous ont adressés les Wighs constitutionnels, et vous avez décrété que le président répondrait au nom de l'Assemblée. Certainement, il ne doit pas dépendre d'un seul Anglais de venir détruire les effets d'un si beau mouvement par des observations déplacées. Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
7° Lettre du ministre de Vintèrieur. Il annonce que les commissaires médiateurs envoyés par le roi à Avignon, ont ordonné des dépenses dont les avances ont été faites par le département du Gard et par le département de la guerre à Toulon. Dans la persuasion que l'Assemblée en ordonnera le remboursement sur le Trésor public, il fait passer l'état des avances et les pièces au soutien.
(L'assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité de l'extraordinaire des finances.
8° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire. Il prévient qu'il sera brûlé vendredi prochain à la caisse de l'extraordinaire 4 millions d'assignats provenant des rentes sur les domaines nationaux, lesquels joints aux 344 déjà brûlés, font au total 348 millions.
Il prévient, en outre, qu'il sera brûlé, le même jour, 7 millions sur les 30 millions restants de l'échange des premiers 100 millions d'assignats de 100 sols; et que ces 7 millions réunis aux 70 millions déjà brûlés, forment la somme de 77 millions.
9° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintèrieur. Il envoie, avec ses avis, les pièces relatives :
I. — A la demande formée par le directoire du district d'Hyères, pour fixer définitivement son administration dans la partie de la maison des ci-devant Gordeliers, qu elle a occupée jusqu'à présent.
II. — A la demande formée var le .directoire du district de Rocroy, pour l'établissement de son administration, du tribunal du district, d'une brigade de gendarmerie nationale, de la conciergerie et des prisons civiles et criminelles, dans la maison du ci-devant lieutenant du roi de cette Ville.
III. — A la demande formée par le directoire du district de Saint-Paul, département du Var, pour être autorisé à louer une partie de la maison du sieur Huart, et le premier étage de celle du sieur Mongins, à l'effet d'y établir son administration et celle du tribunal du district.
IV. A la demande formée par le directoire du district de Grasse, département du For, pour être autorisé à acquérir une partie du ci-devant palais épiscopal, et l'ancien palais de justice, à l'effet d'y établir son administration, les tribunaux de district et de commerce, le bureau de conciliation, la maison d'arrêt et la gendarmerie nationale.
V. — A la demande formée par le directoire du district de Salon, pour être autorisé à acquérir le château de Salon, dépendant du ci-devant archevêché d'Arles, à l'effet d'y établir l'administration et le tribunal du district.
VI. — A la demande formée par le directoire du district de Beaucaire, pour être autorisé à placer son administration et le tribunal de district dans la maison commune, et à acquérir une petite maison de la valeur d environ 1,500 livres, qui y est contiguë.
VII. — A la demande formée par le district*de Brignolles, département du Var, pour être auto-tonsé à acquérir la maison servant autrefois de collège, appartenant à la commune de Brignolles, à l'effet cf'y établir son administration et le bureau de paix.
VIII. — A la demande formée par le directoire
du district de Marseille, pour l'établissement de son administration dans le couvent des ci-devant Trinitaires, dits de la Palu de cette ville.
IX.—A la demande formée par le directoire du département de V Yonne, pour l'établissement du tribunal criminel dans le ci-devant Palais de la ville d'Auxerre.
(L'assemblée nationale renvoie toutes ces pièces au comité de l'extraordinaire des finances.)
10"Lettre du sieur Laverrière. Il fait passer copie des lettres qu'il a adressées à M. Duportail, lorsqu'il était ministre de la guerre, pour lui proposer 3,000 fusils et une nouvelle compagnie à Saint-Etiènne pour àugmenter la fourniture annuelle d'armes, et restées sans réponse. Il demande qu'on examine les modèles qu'il a reçus et qu'on statue sur la proposition qu'il' fait de fournir" les 3,000 fusils et de nouvelles armes.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité militaire.)
11° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie les procès-verbaux qui constatent les pertes des habitants de Bourbonne et de Sarrey, dont les maisons ont été incendiées.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité des secours publics.)
12° Lettre de M. Duchesne qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Mémoire au roi, d'un autre intitulé : Observations sur un projet d'administration, de plusieurs mémoires à l'Assemblée nationale et tune adresse au roi et à la nation.
(L'Assemblée agrée cet hommage.)
13° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine. Il annonce que l'attente depuis longtemps trompée d'une nouvelle organisation pour les troupes de la marine est. une cause toujours prochaine d'insurrection dans les ports. Il observe qu'il en existe une particulière à Brest, la réclamation faite par les cinq divisions de canonniers-matelots de sommes considérables sur les masses et d'un produit de cantine. S pense qu'il est important que l'Assemblée nationale presse le rapport de son comité de la marine sur l'organisation générale et sur la réclamation des cinq divisions, qui avait été portée à l'Assemblée nationale constituante.
^L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
14° Lettre dés membres de l'assemblée générale coloniale de la Guadeloupe, contenant une déclaration imprimée de ses principes, faite le 7 octobre 1791.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité colonial.)
15. Lettre de M. Roustan, commissaire de la colonie de Saint-Domingue, qui demande d'être admis à la barre pour donner des renseignements sur la mission qu'il a remplie auprès des Etats-Unis.
(L'Assemblée décide que M. Roustan sera admis à la barre à la séance de ce soir.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 7 décembre.
Un membre : J'ai une observation à faire sur la rédaction du décret rendu hier relatif à l'invitation à faire au roi au sujet des colonies. La rédaction insérée au procès-verbal porte ces mots : « Tel qu'il a été fixé à Saint-Domingue à l'époque du 25 septembre dernier », or, le projet proposé
par M. Gensonné n'a fixé aucune date déterminée; il y avait simplement : « Tel qu'il a été fixé à Saint-Domingue à l'époque du mois de septembre dernier. » Je prétends que l'Assemblée, en adoptant le projet de M. Gensonné, avait en vue cette dernière rédaction.
, secrétaire. Je n'ai fait que transcrire le décret d'après la minute qui m'a été remise par M. Gensonné. Or, sur la minute, la date du 25 septembre est expressément rapportée.
Plusieurs membres : Consultez la minute !
, secrétaire. Je ne l'ai pas ici, mais M. Gensonné pourra vous certifier, quand il sera arrivé,, que sa minute portait bien le 25 septembre.
Un membre : Pourtant le Journal des Débats, qui a déjà imprimé le décret, ne porte pas la date du 25 septembre.
, secrétaire. Voilà une belle autorité à opposer au procès-verbal ; il est singulier qu'on veuille en contester l'authenticité par une feuille qui n'en a aucune. Ainsi nous nous sommes trompés, nous, les pièces à la main, après avoir entendu les lectures multipliées qui ont été faites du projet de M. Gensoniie; et une feuille, l'ouvrage d'un homme qui saisit au hasard ce qui se fait ou ce qui se dit dans l'Assemblée, aura plus de. créance que nous. .
je demande que, sans égard, ou plutôt en faisant justice d'une aussi étrange assertion, l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour, puis adopte la rédaction du procès-verbal.)
, sec rétaire, donne lecture des lettres et adresses suivantes :
1° Adresse des citoyens de Bordeaux, suivie de vingt feuilles de signatures ; elle est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Les hommages d'un grand peuple, les témoignages éclatants de sa confiance, doivent être l'objet de l'ambition de ses représentants. Vous avez prouvé vous-mêmes quils étaient dus à une Assemblée qui fixe en ce moirient les regards de l'Europe. Il faut, én effet, que toutes les puissances de la terre apprennent que vous êtes les représentants de 24 millions d'hommes; il faut que ces vils courtisans, qui frémissent d'entendre les mâles accents de la liberté, sachent que c'est maintenant le langage de tous les Français, et qu'ils n'ont pas fait en vain le serment de vivre libres ou mourir.
« Les citoyens. de Bordeaux, soussignés, toujours fidèles à ce serment sacré, viennent vous assurer, avec tous les vrais citoyens de cet Empire, qu'ils ont gémi de l'attentat commis dan» le sein même du sanctuaire des lois, et qu'ils n'ont pu voir, sans quelque indignation, la volonté suprême de la nation influencée par les menaces de quelques audacieux. A-t-on cru qu'on parviendrait à avilir la majesté nationale, et à seconder ainsi les projets insensés des traîtres d'outre-Rhin ? Qu'on connaît mal l'esprit de nos départements ! on y aimé la patrie de bonne foi, on n'y prononce qu'avec indignation les noms des intrigants et des ennemis de la liberté, quel qu'ait été leur rang, quelle que soit leur décoration ; on vous y regarde comme les gardiens de cette liberté si chère, et comme les seuls organes de la volonté générale.
« Continuez, Messieurs, et vous serez puissamment secondés, continuez à présenter cette attitude imposante, qui convient aux représentants de la nation française, à déployer cette énergie qui est l'apanage d'un peuple libre, et qui fera rentrer dans la poussière et les intrigues de cour et les conquêtes des tyrans.
« Tous les citoyens-soldats et tous les soldats-citoyens n'ont qu'un but et un même désir : la liberté ou la mort. (.Applaudissements. Bravo ! bravo!) Ils ont le même zèle que celui que ne cessent de montrer sous nos yeux nos nraves frères, les Parisiens, qui répondent de vos jours précieux et dont le patriotisme, digne d'être célébré, n'a pu être compromis par un de leurs prétendus chefs : ils en ont fait justice, sans doute; ils le doivent à la majesté nationale et à la liberté des représentants de la nation si indignement outragée.
« Nous sommes, etc... »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
2° Adresse des citoyens de la ville de Strasbourg, qui dénoncent les rassemblements qui menacent nos frontières et qui prient l'Assemblée .de prendre enfin Un parti à cet égard; cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs,
« La dignité de la nation a été outragée en la personne de deux citoyens de Strasbourg ; elle l'a été par la détention de M. Duveyrier, et par l'insulte faite au pavillon national sur la Méditerranée. Nulle part, nos concitoyens ne peuvent trouver la sûreté et la protection que trouvent en France les habitants de toutes les contrées de l'Univers ; et c'est même, en Espagne et en Italie un crime d'être Français.
« Le roi a promis de faire respecter la Constitution au dedans et au dehors. Cependant quelques princes de l'Europe paraissent douter de cet engagement, se permettent de méconnaître la souveraineté de la nation et tolèrent encore, sur leur territoire, des rassemblements de rebelles qui violent chaque jour les droits des gens à notre égard. Ûn plus long silence pourrait donc nous être funeste et fairè croire une pusillanimité qui, seule, alimente l'espoir des ennemis de la patrie. Il est temps que la nation française fasse entendre aux puissances qui l'entourent la voix majestueuse d'un peuple libre ; il est temps de leur apprendre que. respectant les droits de tous, il faut qu'on respecte les nôtres, et qu'ayant fait serment de n'attenter à la liberté d'aucun peuple, nous ne permettrons pas qu'on cherche a attaquer là nôtre.
« Veuillez donc," Messieurs, faire signifier à toutés les puissances, que notre Constitution n'est point un vain simulacre ; que nous voulons vivre en paix avec nos voisins ; mais que nous deviendrons les ennemis des tyrans qui chercheraient à nous opprimer ou à persécuter nos concitoyens, et que s'ils nous forcent à prendre, les armes, nous ne les quitterons qu'après avoir délivré la terre de tous les despotes qui l'oppriment. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal et la renvoie au comité diplomatique.)
3° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui,- pour ue mettre aucun retard aux renseignements que l'Assemblée nationale lui a demandés sur ce qui s'est passé aux Etats-Unis, entre le ministre de France et le sieur Roustan, commissaire de la colonie de Saint-Domingue, s'empresse d'adresser en original, trois pièces y relatives, dont une seule seulement signée. Le ministre demande que ces pièces lui soient renvoyées.
4° Lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères, relativement au même objet. Il envoie extrait de la dépêche de M. de Ternan, datée de Philadelphie du 28 septembre 1791, en ce qui concerne les points sur lesquels l'Assemblée a désiré être éclairée. Cet extrait est ainsi conçu :
« M. de Ternan annonce qu'il fut informé, le 20 septembre, qu'il était arrivé un commissaire de la colonie de Saint-Domingue pour réclamer des secours des Etats-Unis ; que le vice-consul général, frappé de l'irrégularité de cette mission, dans un pays où il y avait un ministre de France accrédité, l'avait engagé à ne faire aucun usage de ses lettres de créance, et a sollicité le ministère de M. de Ternan. M. de Ternan chargea le vice-consul général d'engager M. de Roustan (c'est le nom du commissaire) à lui communiquer sans délai les pièces dont il était porteur, M. de Ternan reçut le lendemain une lettre de M. de Roustan, en daté du 21 septembre, par laquelle, après avoir exposé la -situation de la colonie, il dit que l'assemblée générale constituée conformément aux décrets, et réunie au gouverneur général, avait cru qu'il était important de recourir aux puissances voisines. Qu elle avait, en conséquence, choisi des commissaires auxquels elle avait donné, conjointement avec le gouverneur, le pouvoir de déclarer leur mission, et que le choix, pour les Etats-Unis, était tombé sur lui ; qu'à son départ de Saint-Domingue, le 26 août, tant l'assemblée générale que le gouverneur, ignoraient absolument qu'il y eût, dans le continent, un représentant de la nation française ; qu'il n'aurait pas hésité un moment, s'il l'avait su, de s'adresser à l'ambassadeur de Sa Majesté ; qu'il ne l'avait appris
Îu'à son arrivée dans cet Etat, , et il prie M. de ernan de lui indiquer l'heure à laquelle il pourrait le recevoir!
« M. de Roustan vient aussitôt communiquer à M. de Ternan les originaux de sa commission et les lettres dont il était chargé pour le président du Congrès et pour les Etats ae la Caroline du Sud.
« En parcourant ces pièces, M. de Ternan y trouva plusieurs expressions qui donnaient l'air à l'assemblée coloniale de traiter avec les Etats-Unis de souverain à souverain. On y parlait des rapports qui existaient depuis longtemps entre les Etats-Unis et Saint-Domingue, de leur attachement fraternel et des lettres de créance dont le sieur de Roustan était muni. M. de Ternan fit sentir au sieur de Roustan que ces pièces ne pouvaient être présentées ; il n eut pas ae peine, non seulement à l'engager de n en pas faire usage, mais à les déposer aux archives de la légation, et attendre de M. de Ternan seul les secours que lui, M. de Roustan, était chargé de demander aux Etats-Unis. M. de Ternan dit d'ailleurs, dans la même dépêche, qu'en effet M. de Roustan a pris publiquement le titre de
député de la colonie de Saint-Domingue près des Etats-Unis.
« Certifié conforme à l'original :
« Signé : DELESSART. »
(L'Assemblée renvoie ces deux lettres et les pièces y jointes au comité colonial.)
Le décret rendu hier relativement aux troupes destinées à réprimer les troubles des colonies exige que l'Assemblée fixe la forme de l'invitation qui doit être faite au roi. Voici une formule que je soumets à l'Assemblée et que je lui propose d'adopter :
« Sire,
« Les lois existantes donnent à Votre Majesté le droit de sanctionner les résolutions des citoyens des colonies, relativement à l'état dès hommes de couleur libres. C'est l'exercice de cette faculté que l'Assemblée nationale vient réclamer de votre justice et de votre patriotisme.
« Vous le savez. Sire, la colonie ae Saint-Domingue était perdue sans l'heureuse réunion des citoyens blancs et des hommes de couleur libres, réunion dont les conditions ont été consacrées par un acte de l'assemblée coloniale et qui a ramené le calme dans la colonie. Vous pouvez la rendre irrévocable et prévenir d'un mot toutes les dissensions qui peuvent naître du retour des blancs à leurs projets, et celui des hommes de couleur à leur désespoir. Ce mot, tout vous invite à le prononcer. Humanité, raison, justice, politique, Constitution ; à ces puissants motifs, nous venons joindre le vœu des représentants de la nation; nous osons dire, celui de la nation elle-même.
« Sire, faites parvenir vos ordres à la colonie avec les nouvelles troupes qui vont étouffer les germes de la rebellion; et si les blancs voulaient tenter de faire revivre leurs injustes prétentions, ne condamnez pas notre armée à protéger leurs repentirs hypocrites, et à devenir les instruments d'une tyrannie renaissante.
« Cet effort serait peut-être difficile à obtenir de soldats qui se sentent Français ; et la nation verrait en gémissant, ses forces dirigées contre des droits dont elle-même est trop jalouse pour ne pas les respecter dans autrui. C'est avec douleur que l'Assemblée s'est livrée à cette supposition qui lui fait voir dans des citoyens français, des hommes perturbateurs du re"pos des colonies, et en même temps parjures et oppresseurs. Elle n'a garde de le croire; il lui a suffi que de nouveaux malheurs puissent être présumés, pour qu'elle ait cru nécessaire de vous engager a les prévenir.
« L'Assemblée nationale, pleine de confiance dans un roi aussi ami des droits de l'homme et des intérêts de la nation, va se livrer à l'examen des mesures propres à établir un ordre harmonieux et durable dans les colonies. »
Voix diverses : La question préalable ! L'ordre du jour!
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour appelle la discussion des projets de décret relatifs aux finances.
Plusieurs membres demandent la priorité pour chacun des différents projets présentés sur cette question.
La question de priorité qui s'élève
aujourd'hui est très sérieuse et très importante. Non seulement vous avez à l'ordre du jour deux projets, mais encore vous en avez d'autres dont le rapport est tout prêt, et qui sont tous dépendants les uns des autres. C'est le premier pas que vous allez faire en finances ; il est intéressant que vous le fassiez avec prudence et circonspection. Vous avez d'abord un rapport sur la situation de la caisse de l'extraordinaire, relativement à une nouvelle émission de petits assignats^). Ce projet vous conduit à la question de savoir s'il sera fait une nouvelle émission de 200 millions d'assignats. M. Cambon vous a déjà présenté sur cet objet un travail dont vous avez ordonné l'impression (2).
Vous avez entendu à la barre un pétitionnaire (3) qui, sous le prétexte de présenter une pétition, vous a développé son opinion. Elle contient de grandes vues et de grands erreurs ; cette opinion a été vivement soutenue par M. Brissot, qui a prétendu qu'il fallait suspendre les liquidations. Ce projet, relatif à la réduction des intérêts qui sont dus sur les offices de judicature, est depuis longtemps ajourné. Enfin, vous avez le projet du comité aes domaines, présenté par M. Vincens(4) sur la question de savoir à quelle époque les acquéreurs des biens nationaux auront la faculté ae se libérer. Décréterez-vous qu'il y aura une réduction d'un vingtième sur les liquidations futures, avant de décider ces liquidations seront suspendues ou modifiées? D'un autre côté, l'émission des assignats est subordonnée dans sa quotité, comme dans sa totalité, à la suspension des remboursements. Il est donc naturel de n'examiner les deux questions sur la réduction des intérêts et l'émission des assignats, qu'après avoir déterminé lé mode des liquidations. Je demande la priorité pour cette dernière question.
Le rapport fait au commencement dû mois de novembre sur l'émission de 200 millions d'assignats a été renvoyé de jour en jour. Cependant, il est urgent de s'en'occuper. Le comité de la caisse ae l'extraordinaire vous propose une augmentation de circulation de 200 millions. Je suis convaincu que cette augmentation est nécessaire. M. Brissot, en proposant de suspendre les liquidations, a demandé aussi l'augmentation de la circulation. Mais avant de mettre les assignats en circulation, il faut en avoir de fabriqués. Nous avons retardé un mois la question de savoir si l'Assemblée décréterait des assignats de 10 livres et de 25 livres, et même des valeurs au-dessous des assignats de 5 livres. Il s'en suit que le travail de la fabrication a été retardé, parce que le ministre n'a pas osé prendre sur lui de faire fabriquer de nouveau papier. Il faut donc l'autoriser à ordonner la fabrication de ce papier, pour que nous ne soyons pas arrêtés lorsque noUs aurons décrété l'émission de petits assignats.
De plus, il y a tous les jours des assignats annulés et brûlés qu'il faut remplacer.
L'atelier
J'appuie la motion de M. Cambon et je propose pour accélérer la fabrication d'adopter les coupures de 10 et 25 livres.
Si l'Assemblée veut discuter, il faut qu'elle établisse la priorité ; sans cela, on viendra vous entretenir à la fois de plusieurs projets différents. Je ne crois pas que l'Assemblée soit en état de décider aujourd'hui la question de la coupure des assignats; et je pense qu'il faut en renvoyer l'examen aux divers comités des finances, dont vous avez ordonné la réunion pour en présenter le rapport et une discussion préparée. 11 faut surtout mettre de l'ordre dans la discussion, parce qu'il faut, avant de répandre les assignats, les économiser.
Je demande donc la priorité pour le projet de décret qui a déjà été proposé trois fois relativement à la retenue à faire sur les intérêts que paye la nation aux titulaires d'offices, corps, communautés, compagnies de finance, etc. (1). Le retard d'un mois que cette discussion a éprouvé coûte à l'Etat plus de 400,000 livres.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur la priorité !
(L'Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité à la discussion sur la coupure et la fabrication des assignats.)
Tout le royaume demande de petits assignats ; nous cherchons les moyens de les multiplier.
Nous avons ordonné la fabrication de 300 millions d'assignats de 5 livres ; il est prouvé que cette fabrication ne peut pas fournir à nos besoins. Tels moyens d'échanges que nous prenions, nous n'en aurons jamais assez. Il est urgent d'enlever de la circulation les assignats de 500, de 1,000 et de 2,000 livres; il s'est présenté plusieurs questions, une relative à la coupure de 10 sous, une autre relativement à la coupure de 50 sous, une autre relativement aux coupures de 10 et de 25 livres. Il est instant d'en pourvoir le Trésor public.; si nous discutions sur les cou-
Euresde 10 et de 50 sous, sur lesquelles l'Assem-
lée n'est pas encore assez éclairée, nous risquerions de nous laisser entraîner dans une longue discussion, et nous retarderions la fabrication nécessaire aux besoins publics, si nous adoptions les coupures de 10 et de 25 livres. -Conséquemment, en montant une fabrique pour les assignats de 10 livres et pour ceux de 25 livres, nous fabriquerions facilement 14 à 15 millions par jour, ce qui serait suffisant pour les remboursements, en cas que vous vouliez les décréter, et pour les besoins ordinaires.
En conséquence, pour accélérer la décision de l'Assemblée, je proposerais qu'il fût décrété
que le ministre donnera l'ordre de préparer du pa-
C'est précisément parce que les provinces demandent des petits assignats, qu'il est instant de rendre un décret pour la fabrication du papier. Messieurs, la coupure doit être décidée, et elle doit l'être promptement.. Je demande qu'on divise les assignats en quatre sortes différentes et que l'on fixe ces quatre sortes d'assignats, afin que les quatre fabriques travaillent ensemble. (Vifs applaudissements.)
J'appuie de tout mon pouvoir la motion de M. Cambon. Les moyens qu'il vous a donnés, Messieurs, sont impérieux. Les besoins des départements l'exigent, et vous ne pouvez trop tôt vous en occujper. A l'égard des divisions d'assignats inférieures; à ceux de 5 livres, sans doute d'autres considérations pourront vous déterminer à descendre à cette mesure, mais elle exige une grande maturité de réflexions.
Le comité des assignats et monnaies s'en est déjà occupé, et il demande encore des renseignements pour pouvoir vous présenter à cet égard, des considérations qui pourront tendre à bannir de la circulation des effets de confiance dont souvent on abuse vis-à-vis du peuple mal instruit.
Je demande donc qu'aujourd'hui l'Assemblée nationale se borne à délibérer sur la question de savoir de quelle somme seront les assignats intermédiaires qu'elle décrétera entre le prix de 5 livres et le prix de 50 livres, Je demanderais aussi que vous voulussiez bien renvoyer à l'examen du comité de l'extraordinaire des finances, une question qui se présente en ce moment.
Il y a aux fabriques de Courtalin et du Marais 96 rames de papier fabriqué et destiné à des assignats de 200 livres. Comme les mesures que nous allons prendre ne regardent en rien les assignats excédant 50 livres, je demande que dans le plus prochain délai possible le comité de l'extraordinaire et des finances soit tenu de vous présenter ses vues sur la quèstion de savoir s'il est utile et à propos que l'on emploie le papier fabriqué de 200 livres, à faire de nouveaux assignats de 200 livres, qui pourront entrer dans les émissions que l'Assemblée nationale se déterminera à décréter. (Murmures.)
trouve insuffisant le plan de M. Cambon et fait sentir l'urgence de fabriquer des assignats d'une valeur inférieure à 5 livres. Il demande des coupures d'assignats au-dessous de cent sols (1).
Tout le monde est d'accord sur différents points ; le premier : qu'il faut une émission
prochaine de petits assignats ; le second : qu'une émission d'assignats de 5 livres serait
impraticable, parce que l'on serait obligé de multiplier les ateliers de fabrication sur ces
mêmes coupons-là, ce qui présenterait les dangers de la contrefaçon à laquelle on ne saurait
trop pourvoir.
Je dois expliquer pourquoi je ne suis pas d'accord ayec les préopinants sur cette question. Tout le monde convient que le royaume entier éprouve, dans le moment présent, le plus grand besoin de petits assignats, tout le monde convient qu'il y a un très grand inconvénient à permettre qu'il existe dans la circulation beaucoup de ces signes d'échange, dont la valeur intrinsèque n'est ni positivement assurée, ni très connue. Mais croyez-vous que la proposition qui vous est faite remplisse parfaitement l'objet de ceux qui l'ont proposée? je ne le crois pas. Vous éprouvez, à Pans même, où vous avez des assignats de 50, 40, de 15 et de 10 sols, vous éprouvez encore dans mille circonstances l'embarras de l'échange. Eh! comment feront les départements qui n'ont pas la facilité de ces signes d'échange partiels et locaux, établis dans toutes les sections de la capitale ; je crois que, dans ce moment, nous négligerions le salut de l'Empire, nous négligerions 1 intérêt de l'Empire entier, si, ne regardant qu'auprès de nous, nous négligeons de donner à nos rrères des départements des moyens d'échange qui leur sont nécessaires.
Je crois donc que, dans le moment présent, il nous convient de chercher une division quelconque, autre que celle de 25 livres et de cent sous, cette division se rapprochant des besoins des artisans et des journaliers.
En conséquence, je vous proposerai 4 coupures nouvelles ; la première, celle de 25 livres; elle me paraît avoir un grand avantage, en ce que, comme les 5 livres se rapprochant de 6 livres, ces 25 livres se rapprochent de la valeur de 24 livres, valeur de notre louis ancien ; je vous proposerai ensuite, au-dessus de 5 livres, .3 coupures dans la fraction de nos assignats ; je proposerai d'avoir au-dessus de 100 sous, une subdivision de 50 sous, au-dessous une subdivision de 25 et de 10 ; vous voyez, Messieurs, que par là vous fermez toujours la porte à l'agiotage, et vous donnez infiniment moins d'avantage aux ressources des marchands d'argent.
Je conçois que lors des premiérs millions d'assignats il n'eût pas été politique, peut-être, d'émettre dans la circulation des effets modiques ; la très grande abondance eût pu produire des effets très dangereux; ils eussent été repoussés, et il fallait que la nécessité les rendît désirables; c'est ce qui est arrivé aujourd'hui. Il faut nous mettre dans le cas de nous passer de ces marchands d'argent; il faut que le pauvre qui n'a que 3 livres à recevoir, reçoive des monnaies qu'il puisse échanger en acquit de tous les objets nécessaires à ses besoins, et vous n'y parviendrez que quand vous aurez mis dans la circulation les signes dans la proportion que j'ai proposée, parce qu'alors ces signes d'échanges seront infiniment modiques ; ainsi je vous proposerai ces 4 coupures et j'ajouterai que, comme il n'est pas possible d'arrêter dans une grande Assemblée les formes ni les papiers propres à cette me-sure-là, je vous proposerai dis-je, de renvoyer à votre comité des monnaies et assignats, qui
sera chargé de vous présenter ses vues à cet égard.
Je vous proposerai encore, car il ne faut pas négliger nos départements, je vous proposerai de demander à vos comités des finances un mode pour assurer la répartition égale, dans les départements, de tous ces petits coupons dans une proportion relative à leurs contributions. Ainsi, ie me résume : coupons de 25 livres ; de 50, 25 et 10 sous; demain, rapport du comité des finances sur la forme à donner aux assignats ; et demain encore rapport sur le mode de répartition dans toutes les parties de l'Empire. (Applaudissements.)
Un membre : Pour se dispenser de l'émission proposée par M. Tarbé, je propose de faire d'avantage de monnaie de cuivre.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
J'ai déjà manifesté mon opinion sur l'émission des assignats de 10 sols et de 50 sols, puisque dans un projet que j'ai eu l'honneur de présenter à l'Assemblée cette disposition s'y trouvait. Depuis lors, dans le comité des Finances, à la Trésorerie, cette question a été discutée. On m'a dit que pour faire 100 millions d'assignats de 10 sols, cela coûterait 10 millions de fabrication. Je suis persuadé qu'il est nécessaire que cette émission ait lieu ; mais je ne voudrais pas que l'Assemblée prît une fausse mesure par un manque de discussion. Je crois qu'il est de mon devoir de lui communiquer tout ce qu'on m'a opposé (Applaudissements.)
Dans le moment présent, les assignats de 5 livres reviennent à environ 2 sols. Mais, Messieurs, quel est l'objet que je vous ai proposé de décider, presque sans délibération parce que l'Assemblée et tout le royaume sont unanimes? C'est qu'il faut vite presser les assignats de petite valeur, pour faire le service des caisses. Je fais donc la motion qu'on se borne, dans le moment actuelrà adopter les assignats de 10 livres et de 25 livres, qui n'ont pas les mêmes inconvénients que ceux de 10 sols et qui sont nécessaires au service des caisses ; voilà la question urgente.
Un membre: Je viens soumettre à l'Assemblée un moyen de se procurer toutes ces petites valeurs sans qu'il en coûte un sou (Ah! ah!) et le voici : Je propose, quand on arrivera aux assignats de 5 livres, d'en faire de 5 livres 5 sols, 5 livres 10 sols, 5 livres 15 sols. (Murmures). Par là, Messieurs, je remédie provisoirement à la pénurie des petits assignats. (Murmures)-. :
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera procédé de suite, sous les ordres et la direction du ministre des contributions publiques, et sous la surveillance des commissaires de l'Assemblée, à la fabrication du papier nécessaire pour l'émission d'assignats de 10 et 25 livres, sans que cette nouvelle fabrication puisse retarder celle des assignats de 5 livres.
« L'Assemblée nationale ajourne à trois jours la question des assignats au-dessous de 5 livres et la renvoie au comité de l'extraordinaire des finances, qui sera tenu de lui proposer un projet de décret sur cet objet, ainsi que sur les moyens d'échange dans les départements. >>, .
Voici le mien :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera fabriqué incessamment des assignats de 25 livres,
de 50 sols et de 25 sols. Elle ajourne à lundi la discussion sur la question de savoir s'il y aura des assignats de 10 sols et charge son comité de l'extraordinaire des finances, ae lui présenter ses vues sur les moyens d'économie dans l'émission et la fabrication et sur le mode de répartition des assignats entre les 83 départements. »
Plusieurs membres : C'est juste ! c'est juste !
Je demande la priorité pour le projet de M. Cambon. Je soutiens que la rédaction de M. Tarbé ajourne et décide tout à la fois la question. Il s'agit, en effet, de savoir s'il est avantageux d'avoir des assignats au-dessous de 5 livres ou de n'en pas avoir. Or, M. Tarbé vous propose d'ajourner le principe de cette question et en même temps il vous demande de décréter qu'il y aura des assignats de 25 sols et de 50 sols. Je demande donc la priorité pour la rédaction de M. Cambon.
D'autres membres demandent la priorité pour le projet de M. Tarbé.
(Après quelques débats, l'Assemblée accorde la priorité au projet de M. Cambon.)
Un membre : Je demande qu'on fixe pour quelle somme on fabriquera du papier.
Il n'y a qu'à en fabriquer pour 100 millions de chaque sorte d'assignats.
Un membre : J'adopte l'avis de M. Cambon, mais j'y propose un amendement. Je trouve que M. Cambon vous propose de faire des assignats de trop petite valeur et en trop grande quantité. Cette fabrication sera trop longue et ne suffira pas aux besoins que vous avez. En conséquence, je vous propose de ne décréter la fabrication que pour 50 millions en petits assignats de 10 et de 25 livres et de décréter la fabrication de 50 autres millions de 60, 80 et 90 livres.'{Bah! bah! Murmures.)
Un membre : Il a été avancé par M. Cambon que la fabrication de 100 millions de petits assignats de 10 sols coûterait 10 millions, et je suis bien aise d'observer à l'Assemblée que cela est faux. Par un calcul que j'ai été conduit à faire, il résulte que l'émission de ces petits assignats ne revient pas tout à fait à la somme de quatre deniers et demi pour chacun. (Murmures.) .
Je propose à l'Assemblée de décréter dès aujourd'hui le principe, c'est-à-dire qu'il y aura des assignats au-dessous de,5 livres, et de renvoyer au comité la question de savoir quelles en seront les coupures pour le rapport en être fait dans trois jours.
Plusieurs membres demandent l'ajournement de cette proposition, parce qu'il fallait que ce principe rat discuté et que l'on en' connut les avantages et les inconvénients afin qu'on ne puisse pas accuser le Corps législatif d'avoir pris précipitamment un parti sur un objet aussi important.
D'autres membres La question préalable sur l'ajournement !
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et ajourne à trois jours.)
(Plusieurs amendements sont proposés sur la rédaction et écartés par la question préalable.)
Je demande qu'on mette aux voix l'urgence.
(L'Assemblée décrète l'urgence.)
! En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant que le service des caisses publiques, la demande générale
des départements d'assignats de petite valeur, exigent impérieusement une nouvelle fabrication de papier, décrète qu'il est urgent de délibérer sur cet objet. »
Voici la rédaction que je propose pour le décret définitif :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgencej décrète qu'il sera procédé de suite, sous la direction et responsabilité du ministre des contributions publiques, et sous la surveillance des commissaires de l'Assemblée nationale, à la fabrication du papier nécessaire pour 100 millions en assignats de 10 livres, et 100 millions en assignats de 25 livres, sans que cette fabrication puisse retarder celle des assignats de 5 livres.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
(L'Assemblée, consultée, adopte ce projet de décret.)
Voici la rédaction de l'autre décret qui n'est pas soumis à la sanction. « L Assemblée nationale ajourne à trois jours... Plusieurs membres : A lundi J
Je consens à lundi, à l'ouverture de la séance, pourvu qu'il n'y ait pas de dénonciation. (Rires prolongés.) Voipi ma rédaction :
« L'Assemblée nationale ajourne à lundi la discussion sur la question de savoir s'il sera fabriqué des assignats au-dessous de 5 livres, et charge son comité de l'extraordinaire des finances de lui faire un rapport à ce sujet. » (L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
Je propose un article additionnel au décret de M. Cambon. Vous devez vous rappeler que je vous ai parlé de 96 rames de papier qui se trouvent dans les fabriques de Courtalin et du Marais. Ces 96 rames ont été fabriquées dans un temps où l'on craignait que la nouvelle législature, succédant à l'Assemblée constituante, n'eût des besoins urgents qui obligeassent à l'émission. Elle n'a pas eu lieu ; ces 96 rames existent; elles ne peuvent être employées qu'en assignats de 200 livres. Si l'on ne doit pas s'en servir, il faut lés anéantir. Je demande que par un article additionnel au décret que vous venez de rendre, vous décrétiez ce qui suit :
« L'Assemblée nationale ajourne la question de l'emploi ou de la suppression de 96 rames de papier destinées à des assignats de 200 livres, et renvoie au comité de l'extraordinaire des finances, qu'il charge de lui présenter un projet de décret sur ce point. »
(L'Assemblée, consultée, adopte l'article additionnel de M. Dorizy.)
Je viens présenter à l'Assemblée quelques faits relatifs aux abus qui se sont glissés dans la fabrication des assignats, et que l'économie de l'Assemblée réprouve. Vous verrez, sans doute, avec étonnement, que plus de 300 individus sont employés pour inspecter, signer et numéroter les assignats; ils reçoivent par jour, depuis 9 jusqu'à 10 livres 10 sous, et ne travaillent cependant que jusqu'à 2 heures après-midi. Vous seriez peut-être étonnés si le trésorier de la caisse de l'extraordinaire avait choisi dans cette classe intéressante que la Révolution a privée de ses places ; mais il n'en est rien. Je vous observerai qu'il existe dans cette administration de grands abus ; qu'il est instant de les faire cesser, mais vous n'y parviendrez
qu'autant que vous restreindrez le trésorier de la caisse de l'extraordinaire dans les objets de sa Trésorerie, et que vous créerez une commission expresse à laquelle vous confierez tous les détails relatifs à la fabrication, confection, échange, annulation et rentrée des assignats, toujours à la charge d'en rendre compte à l'Assemblée nationale, et sous la surveillance de ses commissaires. Vous chargerez ces commissaires, non seulement de rendre cette confection moins dispendieuse, mais encore de chercher les moyens de simplifier, de diminuer les frais de la caisse de l'extraordinaire et de son administration; car n'attendez jamais de renseignements utiles à cet égard de la part du commissaire du roi, administrateur général de cette caisse, non plus que du trésorier ; le premier ne trouvera jamais assez considérable la somme de 440,000 livres qu'il a tous les ans à sa disposition tant pour ses émoluments que pour les frais de son administration. Vous ne devez pas espérer non plus que le second s'occupe de diminuer les frais de ses bureaux et qu'il vous propose une réduction sur la modique somme de 260,000 livres dont il dispose tous les ans.
L'article 4 de la loi du 6 décembre 1790 porte que l'Assemblée nationale a organisé provisoirement cette administration. Il suffit de connaître cette disposition pour se persuader que l'Assemblée constituante n'a entendu rien statuer définitivement à cet égard, et qu'elle a pensé que l'expérience ferait trouver des moyens plus économiques d'administrer cette caisse. Pour trouver ces moyens, il faut se servir de personnes qui aient intérêt à l'économie. C'est pourquoi je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'on ne saurait établir une surveillance trop active sur tous les objets relatifs aux assignats et à la caisse de l'extraordinaire, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. A compter du 15 décembre courant, la confection,
émission, échange, annulation et rentrée des assignats feront l'objet d'une administration
expresse, sous la surveillance de l'As^ semblée nationale.
« Art. 2. Cette administration sera confiée à quatre commissaires, qui seront nommés par le roi et ne pourront être destitués qu'en cas de forfaiture, ou sur la demande du Corps législatif, après les avoir entendus.
« Art. 3. Le premier soin des commissaires sera de présenter à l'Assemblée nationale des moyens de réduire les frais de la fabrication et confection des assignats, ainsi que ceux de l'administration de la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 4. Lesdits commissaires emploieront par préférence, dans la confection des assignats, des individus qui se trouvent avoir perdu leur état par l'effet des réformes qu'a exigées l'intérêt public, et qui auront surtout donné des marques ae vrai patriotisme.
« Art. 5. A compter dudit jour 15 décembre courant, le salaire donné à chaque signataire, numéroteur et vérificateur d'assignats sera provisoirement réduit aux deux tiers de celui qu'ils reçoivent actuellement ; et ce, en attendant toutes les réformes économiques dont cette administration sera susceptible.
« Art. 6. Les quatre commissaires seront responsables des assignats qui leur seront délivrés ; en conséquence, ils fourniront chacun un cautionnement, en immeubles, de 40,000 livres.
« Art. 7. Les commissaires auront le droit d'exiger des renseignements sur toutes les par-
ties quelconques d'administration et de trésorerie de la caisse de l'extraordinaire ; ils prendront note des abus qu'ils apercevront, et en rendront compte tant aux commissaires de l'Assemblée nationale auprès de ladite caisse qu'au comité des dépenses publiques.
« Art. 8. Il sera accordé à chaque commissaire un traitement annuel de 5,000 livres ; et de plus, ils auront droit à une gratification qui sera fixée d'après les améliorations et économies qui résulteront de leur administration. Au Corps législatif seul appartiendra le droit de fixer la quotité de cette gratification. »
(L'Assemblée renvoie le projet de décret de M. Duphénieux au comité de l'extraordinaire des finances.)
L'Assemblée néglige le rapport sur le compte rendu par le ministre de la marine relativement aux officiers absents de leur poste. Je vous assure que leur nombre s'élève à plus de 400. Je demande que cet objet soit traité sur-le-champ.
Je demande l'ajournement du rapport du comité de marine à la séance de ce soir et je propose d'ajourner également à cette même séance un rapport du comité militaire sur l'organisation des gardes nationaux volontaires et un rapport du même comité sur l'état des frontières. La situation est infiniment rassurante, et il est intéressant que la France entière la connaisse. ( Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée ajourne à ce soir le rapport du comité de marine et les deux rapports du comité militaire.)
Le rapport des commissaires de la salle, sur les changements à faire dans la distribution de la salle est ajourné également à ce soir.
Il s'élève quelques débats sur la question de savoir si l'on discutera à la séance de demain le rapport sur la répartition des petits assignats entre les 83 départements, ou la-question relative à la retenue d'intérêts sur les sommes dues aux ci-devant titulaires d'offices.
On propose de discuter dans la même séance les deux objets et de commencer, aussitôt après la lecture du procès-verbal, parla discussion du projet de répartition des assignats.
Cette motion est appuyée, mise aux voix et décrétée.
(La séance est levée à trois heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion de M. Boisrot-de-Ijacour sur la question de savoir si l'Assemblée nationale doit créer des assignats au-dessous de 5 livres (1).
Messieurs, jeudi dernier, j'ai dit à la tribune une partie des choses que je vais répéter ici (2). Alors, comme aujourd'hui, j'étais bien convaincu de la nécessité d'émettre des assignats au-dessous de 5 livres. L'Assemblée nationale m'en paraissait également si pénétrée, que je vis avec étonnement la discussion finir par un ajournement. Je
suis inscrit pour la parole; mais un grand nombre de mes collègues l'ont avant moi. La discussion serait peut-être fermée avant que i'eussê pu présenter mes observations en faveur ae l'émission. Elle me paraît si intéressante pour tout le royaume, que je me reprocherais d'avoir négligé le moyen de l'impression pour en démontrer l'avantage.
N'en doutons pas, Messieurs, les ennemis des assignats sont ceux de cette Constitution, dont ils ont été, dont ils sont encore un des plus fermes appuis.
N'en doutons pas, les amis des gros assignats sont aussi ceux de cet énorme agiotage auquel ils ont trop donné lieu.
Les premiers vous disent sans cesse que le peu de confiance qu'on a dans ces effets, est la seule cause de la perte qu'ils font.
Les seconds vous assurent que la disparition absolue du peu de numéraire qui circule, serait une suite nécessaire de l'émission d'assignats inférieurs à ceux de 5 livres.
Il est aisé de vous prouver que les uns et les autres sont de la plus insigne mauvaise foi et de la plus grossière ignorance.
Je suis loin d'envier, sans doute, à un riche bénéficier le plaisir de rêver que nos ci-devant chevaliers, qui veulent au premier jour reconquérir la France, et la guérir à coups de baïonnettes du délire de la raison, guerroyent pour lui rendre ses biens. Je le plains seulement d'avoir encore la bêtise de leur envoyer une partie de ce qui lui reste. Je lui dis, moi, que les plus grands zélateurs de la contre-révolution comptent encore sur les assignats pour en payer les frais.
Je sais très bien que leur ministre des finances a de grandes ressources dans son imagination fiscale; mais je doute encore qu'elle lui fournît le moyen de payer notre dette nationale sans y employer les domaines nationaux.
On me répondra que la dette nationale est ce dont ces Messieurs s'inquiètent le moins;.mais je répondrai, moi, que c'est ce dont la nation s'inquiétera davantage.
Il ne s'ensuit pas môins, pour tout esprit non-prévehu, que, dans les suppositions même les plus extravagantes, les domaines nationaux, et les assignats qui en représentent une faible partie, sont des effets dont l'hypothèque et la solidité sont démontrées à tous les yeux.
Et s'il en était autrement, ces biens nationaux se seraient-ils vendus deux fois plus qu'ils ne valent?
Et s'il en était autrement, nos bons amis de l'autre rive du Rhin les auraient-ils achetés comme nous?
Ils nous disent, je le sais bien, qu'ils sont toujours prêts à les rendre ; mais ils me permettront, a moi qui ne suis point abbé, de n'y croire pas davantage qu'à la contre-révolution.
J'ai donc prôuvé, Messieurs, que la confiance dans les assignats existe pour tout le monde en France, excepté pour quelques abbés ou quelques chanoines abuses.
La défiance n'est pas du tout la vraie cause de la perte qu'ils ont éprouvée.
Elle l'est si peu, qu'on ne me citera personne qui ait emprunté des assignats à un moindre taux que celui de l'intérêt de l'argent; et j'en citerais, moi, beaucoup qui le payent à 5 0/0. Puis, il est clair que le défaut de confiance n'est rien pour la valeur d'un effet dont le cours est forcé.
Que l'homme à qui je dois 2,000 livres ait ou n'ait pas de confiance dans mon assignat de 2,000 livres; n'est-il pas évident qu'il ne l'acceptera pas moins?
Si cet homme doit aussi 2,000 livres, peu lui importe encore la confiance ou la défiance de son créancier. ihmâ tgl;
Mais s'il ne doit que 200 livres, alors sa position devient embarrassante.
S'il présente son assignat à son créancier, ce-lui-ci lui dira qu'il n'a point à lui rendre.
Le débiteur est obligé de faire l'appoint; cela est de toute justice : il faut donc, ou que le créancier lui rende 1,800 livres, ou qu'il change son assignat avec quelqu'un. C'est ici que l'embarras et la perte vont naître, parce que eelui qui est dans le besoin, existe toujours dans la dépendance, et ne peut qu'en subir la loi.
Si l'homme qui se trouve en ce moment forcé de changer son assignat de 2,000 livres ne veut que des assignats de 300 livres et de 500 livres, par exemple, l'agioteur qui les aura, lui fera payer moins que s'il lui demande des assignats de 200 et de 300 livres.
S'il veut des assignats de 50 livres et de 5 livres, il payera plus fort encore.
Et s'il veut enfin de l'argent, il le payera plus que les assignats.
Mais si, au lieu d'un assignat de 2,000 livres mon second débiteur eût eu 6 assignats de 300 livres en sa disposition, il n'aurait pas fait sur ses assignats la perte qu'il a supportée.
L'exemple de l'assignat de 2,000 livres est évidemment applicable, dans des suppositions différentes, à tous ceux de sommes intermédiaires entre lui et celui de 5 livres : il est même applicable à ce dernierr.
Il était applicable encore à des pièces d'or de sommes) équivalentes à la qualité de tous ces assignats de 5 livres à 2,000 livres.
Dans tous les temps on a vendu des louis pour des écus.
Dans tous les temps, c'est la nécessité de dénaturer un effet, d'en rapprocher le payement, de l'échanger, en un mot, contre une valeur, contre un numéraire quelconque, qui a donné naissance au droit exigé pour l'échange.
Je l'ai donc démontré, c'est la seule nécessité de l'échange des assignats qui les a fait perdre à l'échange, et cette perte n existe pas par défaut de confiance en eux.
L'Assemblée constituante avait établi les assignats pour suppléer à -la disette du numéraire ; elle voulait leur donner le cours de la monnaie, il fallait donc qu'elle les établît de sommes ou proportionnelles, ou relatives aux pièces de monnaie qui étaient alors en circulation.
Or, la plus forte pièce de monnaie était celle de 96 livres. Il fallait donc créer le plus fort assignat tout au plus de 100 livres ; il fallait en établir la décroissance dans une proportion quelconque, jusqu'à la somme de 5 ou 6 livres. Alors, et je n'en doute pas, si les assignats n'eussent pas gagné sur l'argent, au moins se seraient-ils conservés au pair avec lui.
Quel homme, en effet, ayant à transporter, par exemple, une somme considérable d'argent d'une extrémité du royaume à l'autre, n'eût pas préféré nos assignats à des écus?
On me répétera l'objection de la caisse d'escompte, dont les billets, nous a-t-on dit, étaient pris sans difficulté pour de l'argent comptant, quoiqu'ils fussent de sommes semblables à celles de nos assignats.
Je répondrai que cette facilité pouvait exister de caisse à caisse, de négociant à négociant, d'agioteur à agioteur, parce que tous étaient plus ou moins intéressés à entretenir cette confiance aveugle, qui eût été si mal récompensée si l'Assemblée nationale ne fût elle-même venue remplir des engagements qu'elle n'avait pas contractés; mais j observerai que les simples habitants des départements ne prenaient pas ainsi le billet noir, ou celui d'une autre couleur, pour de l'argent comptant.
Je répondrai que si la caisse eût été obligée de payer en un même jour tous ces billets prétendus remboursables à vue, on aurait vu ce qu'au reste on a vu, ses payements suspendus très souvent.
Je répondrai qu'il était différent d'établir un papier dont la circulation n'était que volontaire, ou d'en établir un dont elle était forcée; que les bases, que les proportions de cet établissement ne pouvaient pas être semblables.
Je suis bien loin, au reste, de vouloir critiquer ici les opérations de l'Assemblée constituante. Personne n'admire plus que moi ses inconcevables, ses étonnantes opérations. Personne n'est moins étonné que d'aussi faibles erreurs lui soient échappées. Dans ce dédale immense, dans ce tortueux et terrible labyrinthe des opérations financières; au milieu des orages, des efforts inouis des intérêts, des partis opposés; ce -qui me surpreud davantage, c'est qu'elle ait encore pu faire aussi bien ce qu'elle a fait. Ce que je viens de dire suffirait pour prouver la nécessité de l'émission d'assignats au-dessous de 5 livres. Mais, pour achever de convaincre ceux qui paraissent s'opposer à cette émission, j'ajouterai que l'expérience vient encore à l'appui du raisonnement; j'ajouterai que ce que je propose d'établir en ce moment avec toute la solidité de la garantie nationale, existe malheureusement dans les caisses patriotiques, dont la solidité n'est sûrement pas comparable à l'autre.
J'ajouterai que Paris, que toutes les villes un peu considérables ont été amenées, parla nécessité de l'échange, à prendre de pareilles mesures; qu'il en résulte partout , des effets infiniment avantageux ; que dans les pay s où ces caisses, c'est-à-dire où les petits assignats existent, on fait passer pour 200 livres son assignat de 200 livres ; que dans d'autres où il n'en existe pas, on perd quelquefois 40 0/0.
J'ajouterai que c'est évidemment le seul moyen d'extirper cet agiotage honteux, qui ruine tous ceux qui n'ont pas la bassesse de s'y livrer.
J'ajouterai que ceux qui s'opposent à ce projet, n'ont jamais vu quelle défaveur les gros assignats avaient jete, parmi le peuple des campagnes, sur une Constitution qui est cependant toute à leur avantage ;
Qu'ils ne savent pas quel parti les ennemis de cette Constitution savent en tirer.
J'ajouterai que pour éviter d'avoir de ces gros assignats, il n est sorte de ruses que les malheureux habitants des départements ne soient obligés d'employer.
Le laboureur ne porte qu'un seul setier de blé au marché ; le vigneron ne vend qu'un seul poinçon de vin à la fois.
Tous les deux, tous les paysans, tous les maîtres d'atelier unissent, en ce moment, leurs voix à la mienne pour solliciter, Messieurs, l'émission bienfaisante de ces petits assignats, dont il faut encore que vous assuriez l'envoi jusqu'à eux par
des moyens bien différents, tout opposés à ceux qu'on vous a proposés.
Enfin, Messieurs, ou ceux qui s'opposeraient à l'émission des petits assignats, n'ont jamais réfléchi sur les malheurs qiront entraînes les gros, ou ils se plaisent à entretenir ces malheurs.,
Cela est si évident à mes yeux, que je ne peux pas m'empêcher de vous l'assurer.
Mais, nous dit-on, les gros assignats ont fait disparaître les louis, ont fait disparaître les écus ; ceux inférieurs encore à ces derniers feront disparaître la monnaie.
D'abord je ne prends pas ici le parti des gros assignats, puisque je veux les faire ôter de la circulation ; mais je réponds qu'il est faux que les gros assignats au-dessus de 5 livres doivent faire disparaître la monnaie : je soutiens, au contraire, que cette émission fera probablement reparaître le numéraire; je le prouve.
Il serait ridicule de supposer^ sans doute, qu'aussitôt que 100 millions d'assignats ont été répandus dans le royaume, il en est sorti pour 100 millions dé numéraire : mais ce qu'il n'est pas ridicule de supposer, c'est que les différents propriétaires de ces 100 millions aient raisonné comme je vais vous le dirê.
L'Assemblée nationale émet comme monnaie des effets qui ne peuvent absolument pas se convertir de manière à subvenir à tous les besoins des porteurs, sans qu'ils soient obligés de les changer. Ces derniers seront donc forcés de les convertir en numéraire. Nous en avons : gardons-le donc, et nous le leur vendrons !
Nous le leur vendrons d'autant plus, que leur effet souffrira plus de difficulté pour l'échange. Nous le leur vendrons d'autant plus, que nous leur ferons croire que l'argent est très rare. Dès lors l'argent est disparu, non pas pour toujours, non pas pour le propriétaire ; non pas aussi pour celui qui veut l'acheter; mais seulement pour celui qui voudrait l'avoir pour rien ; mais seulement pour celui qui n'offre en compensation qu'un effet dont les proportions ne sont pas analogues à celles des pièces de monnaie qui composent ce numéraire.
Il en serait autrement, si tous les assignats étaient construits de manière à ce que les por-teurs]pussent subvenir aux différents revirements du commerce, sans avoir recours à l'échange.
Alors l'homme aux écus serait forcé de garder son argent inactif, ou le serait de placer ses écus à intérêt. Il ne pourrait plus les vendre pour du papier, puisque les porteurs n'auraient plus besoin d'argent; mais il aimerait mieux encore placer ses écus, que de n'en rien tirer. L'argent reparaîtrait donc. La perte sur les assignats serait évitée; et cet effet tout naturel résulterait de leur réduction à des sommes plus modiques.
A la bonne heure, nous dira-t-on encore ! vous êtes ainsi parvenus à empêcher la perte des assignats dans l'intérieur du royaume ; mais l'empêcherez-vous, cette perte, dans l'étranger ?
Je répondrai que ce serait déjà beaucoup que d'être parvenu à empêcher l'agiotage dans l'intérieur.
En second lieu, ce négociant étranger qui a des rapports de commerce avec la France, se chargera volontiers des papiers qui y ont un cours de monnaie, quand il sera sûr que ces papiers y seront pris pour la valeur qu'ils énoncent réellement.
Ce n'est, au surplus, ici, qu'une objection gé-
nérale sur tout système de papier-monnaie. Je n'ai pas dit, et je n'ai même pas pensé que ce système n'offrait aucun inconvénient. J'ai dit et j'ai .prouvé qu'ils étaient nuls pour l'intérieur, infiniment moindres pour l'extérieur, en adoptant les assignats de sommes inférieures à 5 livres.
J'avais proposé, jeudi dernier, de les établir dans la progression douzimale, au lieu de celle décimale. Je vais développer ici cette idée, qui n'est pas de moi, et qui présente des vues dignes de fixer l'attention de l'Assemblée nationale.
Le mieux serait certainement de compter par douze, le carré, le cube, et les autres puissances de douze, puisque parmi les petits nombres il est celui qui contient le plus de parties aliquo^ tes ; la division du pied est plus commode que si l'on eût divisé par îO pouces, 10 lignes, 10 points : cette division dans les poids, dans les mesures, dans les monnaies, serait donc préférable dans la proportion douzimale à celle dans la proportion décimale. ,
En ce dernier cas? la livre serait de 12 sols; on frapperait des pièces d'argent de 12 de ces livres, qui seraient nos écus.
On frapperait des pièces d'or de la valeur de 12 de ces écus, ainsi que d'autre de 1/2, de 1/3 de 1/4 de ces pièces.
La grande difficulté de ce système, c'est qu'il tendrait à changer la numération; mais l'habitude ne détruira jamais la vérité des principes.
Un ancien militaire instruit, un excellent patriote, un véritable ami de la Constitution qui cependant l'a privé de tous les avantages de l'ancien régime * m'écrivait, il y a quelques jours, que la rêformation du calcul décimal était le seul de ce qu'il appelait les châteaux en Espagne que VAsserhblée constituante eût laissé à décréter.
Il serait à désirer, sans doute, que quelqu'un plus instruit que moi pût faire valoir cette idée, dont je sens toute l'importance.
Les changements qui en résulteraient ne peuvent cependant pas être adoptés sans les plus sérieuses réflexions. Il s'agit d'apporter' un prompt remède aux inconvénients des gros assignats, inconvénients auxquels ceux de 5 livres n'ont remédié que très imparfaitement. Je renouvelle donc à l'Assemblée nationale ma proposition d'émettre des assignats au-dessous de 5 livres, en décrétant ce qui suit :
PROJET DE DECRET.
Art. 1er.
« H sera émis le plus promptement possible des assignats de 2 liv. 10 s., 1 liv. 5 s., 15 sols, et 10 sols.
Art. 2.
« Le comité des assignats et monnaies sera chargé de présenter, dans la quinzaine, le mode de la fabrication, de l'émission et la quotité des assignats à émettre. »
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de plusieurs colons domiciliés à Paris qui demandent à être admis à la barre pour présenter à l'Assemblée une pétition relative aux troubles des colonies.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront entendus à la séance de demain, à fheure de midi.)
2° Lettres des -prêtres, clercs et étudiants de la maison de Saint-Lazare, qui se plaignent de la dénonciation qu'on a faite hier à l'Assemblée contre le régime et l'administration de leur maison.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
3° Lettre du sieur Ferry, professeur de physique au collège de Limoges, qui offre à l'Assemblée l'hommage d'une Ode qu'il a composée sur la Révolution française.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage dans le procès-verbal.)
4° Lettre du sieur Rouvière, qui demande à l'Assemblée de lui permettre de présenter, à la barre, quelques réflexions sur la pétition de M. Glavière, et sur quelques abus qui se sont introduits dans la vente des domaines nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)
5° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale qui demandent à l'Assemblée de lui présenter leurs vues sur les besoins extrêmes qu'ils éprouvent de petits assignats} et sur le mode le plus avantageux de distribution pour les départements; cette lettre est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Chaque jour, nous recevons de plusieurs départements soit directement, soit par l'intervention des ministres, les demandes les plus instantes d'assignats de 5 livres, fondées sur les besoins de "agriculture, du commerce et sur la crainte de voir les ouvriers abandonner leurs ateliers. Voilà, d'ailleurs, le moment où nous devons faire parvenir aux départements des sommes considérables pour les frais du culte du quartier de janvier, dont l'envoi doit toujours être fait à 1 avance. Il est donc d'une extrême importance que la volonté de l'Assemblée nationale nous soit connue, soit pour que nous puissions répondre négativement sans qu'on soit en droit de se plaindre de notre refus, soit pour que nous sachions dans quelle mesure nous devons accorder, soit enfin pour que nous puissions faire entrer dans nos envois les mêmes proportions de petits assignats que par le passé, ou adopter telle autre mesure que l'Assemblée nationale pourra décréter. Peut-être l'Assemblée nationale jugera-t-elle que la circonstance serait favorable pour procurer aux départements un moyen d'échange qui serait exempt de frais, de
risques et de tous inconvénients. Nous vous prions, Monsieur le Président, de nous permettre de lui faire quelques représentations kxe sujet.
« Nous avons à faire passer dans les départements pendant le cours de ce mois :
« 1° Pour les dépenses du culte, 33 millions;
« 2° Pour les ponts et chaussées, 1 million 200,000 livres;
« 3° Pour faciliter, par voie d'échange, le service des douanes nationales, 600,000 livres ;
« 4° Pour les secours accordés en faveur des enfants trouvés, 600,000 livres ;
« 5° Pour diverses dépenses, 1,200,000 livres;
« Total, 36,600,000 livres.
« Rien ne paraîtrait plus simple que d'envoyer cette somme soit en totalité en assignats de 5 livres, soit en telle proportion que l'Assemblée nationale pourrait indiquer, en autorisant les départements à réserver un quart pour les ap-
§ oints des dépenses auxquelles ces fonds seraient
estinés, et à disposer de trois autres quarts pour faire les échanges que les besoins du commerce pourraient exiger.
« Indépendamment de ces 36,600,000 livres, les dépenses de la guerre et de la marine, qui monteront pour le mois courant à plus de 20 millions, procureront une autre facilité pour faire passer de petits assignats dans les départements frontières ; et cette distribution, d'ailleurs moins limitée que par le passé, économiserait à la Trésorerie nationale un emploi onéreux du numéraire. Enfin, on pourrait alimenter le département de Paris en augmentant les payements en petits assignats, ce qui a été observé jusqu'ici dans le payement des dépenses qui se font directement par les caisses de la Trésorerie nationale. Les autres départements en profiteraient encore, car la plupart de ces dépenses, quoique faites à Paris, se répartissent sur presque toute la surface du royaume. Ces mesures, au surplus, ne préjudicie-raient en rien celles que l'Assemblée pourrait prendre dans la suite pour l'échange direct des petits assignats dans les départements ; elles éviteraient les frais et les risques d'un envoi de petits assignats que les départements seraient obligés de faire à Paris, dès que les petits assignats leur seraient parvenus et elles n'empêcheraient pas, d'ailleurs, qu'on pût apprécier les dépenses qui se font par M. Lamarcne, en exécution des décrets rendus.
« L'état ci-joint, qui présente un aperçu des dépenses pour le mois ae décembre, se prêtera à toutes les combinaisons que l'Assemblée nationale jugera à propos de faire sur cet objet. Nous la supplions de proportionner nos moyens aux mesures qu'elle aura décrétées et déterminées. Dans quelle proportion sera réglée la portion des petits assignats qui entrera dans chaque nature de dépenses et quelle sera la quotité dont les départements pourront disposer pour l'échange sur les sommes qui leur auront été adressées ; voilà sur quoi il faut prendre un parti promptement; car le mois s'écoule et nous serions bientôt forcés à retarder des dépenses urgentes, faute de savoir dans quelle proportion nous pourrions y admettre des assignats de 5 livres.
» Nous sommes, avec respect, etc. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
6° Adresse des volontaires nationaux du second bataillon du département du Gard, qui met sous
les yeux de l'Assemblée le détail des troubles survenus dans la ville de Lunel, à l'époque du 24 novembre dernier et jours suivants.
7° Mémoire des citoyens cfAigueviues, qui adressent à l'Assemblée des éclaircissements sur la conduite des communes du département du Gard,
3ui avoisinent la ville de Lunel, pendant le mois
e novembre.
(L'Assemblée renvoie ces deux pièces au comité de division.)
8° Pétition du sieur Hentz, juge de paix du canton de Sierck, district de Thionville, département de la Moselle, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage qu'il a composé pour prévenir les habitants des campagnes contre le fanatisme.
(L'Assemblée renvoie cfet ouvrage au comité d'instruction publique pour en faire le rapport incessamment.)
9° Adresse des administrateurs du directoire du district de Chartres, qui félicitent l'Assemblée des décrets qu'elle a rendus contre les émigrants et les prêtres séditieux ; cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Votre entrée dans le sanctuaire de la législation, avait tenu en suspens l'espérance des amis comme des ennemis de la Révolution. Ceux-ci reprenaient courage et affichaient un triomphe prématuré, dans la persuasion, ou que vous n'oseriez pas déployer la même énergie que l'Assemblée constituante de 1789, ou que leur hardiesse simulée arrêterait l'essor de votre patriotisme. Ceux-là, au contraire, étaient attentifs sur vos premiers pas qui doivent affermir la Constitution sur sa base ou y substituer l'anarchie. Ils attendaient avec impatience le moment où votre conduite ferme allait purger l'Empire de ces insectes, désespérés de ne plus dévorer la substance des citoyens qu'ils égaraient. Ce moment n'a pas tardé ; votre décret sur les prêtres non sermentés, qui prétendaient être nourris aux dépens de l'Etat, dont ils continueraient à troubler le bon ordre, celui sur les émigrants et le régent présomptif, èt celui sur les princes qui violent le droit des gens pour soutenir les révoltés, ont fixé l'opinion générale sur votre caractère et rassuré les fidèles citoyens.
« Que ces décrets soient ou non paralysés par le « veto » royal, vous n'en avez pas moins rem-
Eli votre devoir, et la sanction de l'opinion pu-
lique vaut bien celle de tous les monarques ensemble... (.Applaudissements.) »
Il faut renvoyer cette adresse au département dé Paris.
, secrétaire, continuant la lecture « ... et ce ne sera pas vous qu'atteindra la responsabilité des suites funestes que peuvent avoir les erreurs dans lesquelles on ne cesse d'entraîner le chef du pouvoir exécutif.
« Il est temps d'atterrer nos ennemis communs; nous le pouvons, nous le devons. Des ménagements ultérieurs ne serviraient qu'à nourrir le criminel espoir de ceux qui, chargés de l'exécution des lois, l'arrêtent avec autant d'audace que de constance depuis le moment de la Révolu-lion ; ils ne sont forts que de cette indulgence dont ils ont trop longtemps abusé; du moment où leur horde sacrilège sera menacée sérieusement, elle sera dissipée, et les .agents du premier magistrat, sentant alors l'inutilité de s opposer aux
lois, consentiront peut-être à n'en plus arrêter l'action salutaire.
» Nous administrons un district plus exposé que tout autre aux troubles religieux; surchargé comme il l'est d'un grand nombre de ceux qui, mécontents des lois politiques nouvelles, se sont érigés en une secte religieuse séparée du reste de l'Empire, pour avoir droit de l'infester du poison au fanatisme. Nous vous promettons de continuer sur eux cette surveillance que nous n'avons cessé d'exercer jusqu'à ce jour.
« Nous vous promettons encore, législateurs, de continuer l'activité de nos efforts pour accélérer le recouvrement de l'arriéré des impositions, de rester appliqués sans relâche au service de l'administration dans toutes ses parties, de nous rendre utiles à la chose publique en concourant à toutes vos vues, et de nous dévouer plutôt que de transiger sur la moindre atteinte au dépôt sacré des lois. » ( Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres demandent que cette adresse soit imprimée et distribuée et qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal.
Un membre: C'est véritablement ici le cas, et j'en fais la motion, que copie de cette adresse soit envoyée au département de Paris (1). (Rires.)
Sans doute, et je l'appuie.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
J'appuie l'ordre du jour. On n'en finirait pas si on faisait attention aux libelles dont Paris est inondé. Il faut que la lettre des citoyens, qui se disent administrateurs du département de Paris, soit livrée au même mépris. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
On a demandé une mention honorable de l'adresse avec l'impression et la distribution; on a aussi demandé l'ordre du jour...
Oh t oh !>0n a demandé l'ordre du jour, mais pas sur ces propositions.
(L'Assemblée décrète que l'adresse sera insérée au procès-verbal et passe à l'ordre du jour sur la motion d'en envoyer une copie au département de Paris.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
10° Adresse de plusieurs citoyens du Mans, département de la Sarthe, qui applaudissent aux décrets contre les émigrants et contre les prêtres séditieux : parmi les signatures se trouve celle de l'évêque.
Plusieurs membres à droite : Mention honorable ! (Murmures.)
Cette adresse est ainsi conçue :
« Sages législateurs, tous les vrais Français applaudissent au décret que vous avez rendu contre ces perfides conspirateurs, les prêtres réfractaires qui agitent les torches du fanatisme et de la discorde pour détacher les citoyens de l'amour de la patrie et de ses lois. Vous avez parfaitement senti que l'indulgence et l'impunité, loin de les toucher, ne serviraient, au contraire, qu'à les rendre plus entreprenants et à favoriser leurs complots désastreux.
« Dans une circonstance aussi périlleuse, le
Plusieurs membres à droite : Mention hono^ rable !
, secrétaire, s'adressant à la droite. Messieurs, voudriez-vous bien me laisser lire?
Un membre à droite : Je ne vous empêche point !
Monsieur le secrétaire, je vous rappelle à votre lecture ; continuez.
, secrétaire, continuant la lecture. « N'aurait-il pas dû réservér l'exercice de sa liberté pour un autre acte, dans une autré occasion que sur un décret d'ordre, de circonstance, décret qui ne tient point à l'administration du royaume et dont l'exécution retardée plus longtemps sera infructueuse et ne pourra plus dissiper les orages qui nous menacent? Puisse le vœu du peuple frapper l'oreille de Louis XVI et lui ouvrir enfin les yeux sur sa trop faible indulgence !
« Vous- avez, dans votre prudence, adopté contre les prêtres perturbateurs, les mesures rigoureuses que commandent les circonstances présentes ; nous avons surtout admiré votre politique juste, vôtre politique pleine d'humanité dans l'article du décret qui reverse dans le sein des pauvres les traitements et pensions dont les prêtres rebelles se priveront volontairement par la désobéissance.
« Continuez, sages législateurs, votre fermeté inébranlable écartera tous les périls: Que le pouvoir exécutif vous seconde, et la Constitution triomphera; il ne restera à nos ennemis que la honte d'avoir tenté l'exécution de leurs projets infernaux; le patriotisme vous applaudira et la patrie, qui fixe sur vous ses regards touchants, vous offrira, par la voix de ses enfants, les justes témoignages de sa reconnaissance.
« Nous sommes, etc. »
(Suivent lès signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal).
11° Adresse des administrateurs du conseil général du département de Maine-et-Loire pour féliciter l'Assemblée de ses décrets contre les émigrants et contre les prêtres séditieux,
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
12° Pétition de M. Vallée, officier réformé, qui demande qu'en expliquant le décret du 5 septembre dernier, l'Assemblée décrète que les officiers qui ont été arbitrairement privés de leur grade, obtiendront, dans l'armée, le rang qui leur appartiendrait, s'ils n'avaient pas éprouvé cette Injustice.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au Comité militaire.)
13° Pétition du sieur Moulin, qui Sollicite des articles additionnels à la loi qui établît et détermine la juridiction des juges de paix.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
14° Pétition du sieur Labbie, qui réclame un traitement à raison de ses services dans une église supprimée.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité dés pétitions,)
15° Pétition de plusieurs citoyens de Périgueux
âui se plaignent delà manière dont le décret
'amnistie a été exécuté à l'égard des 61 laboureurs détenus à Périgueux. Ils prétendent que le ministre a fait présenter un officier de justice, qui a obtenu l'élargissement des déténus, à la charge par eux de se rèprésenter à la première réquisition;
Un membre, député du département de la Dor-dogne : J'ai des faits très importants à présenter à 1 Assemblée sur cet objet avec pièces justificatives à l'appui. Je demande à être entendu demain à l'ouverture delà séance.
Un membre : Je demande la question préalable sur cette motion, les éclaircissements que Monsieur veut donner à l'Assemblée pouvant être fournis directement au comité qui sera chargé du rapport de cette affaire. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée, consultée, rejette la question prealable, décrète que ce membre sera entendu a la séance de demain, immédiatement après la lecture du procès-verbal et ordonne le renvoi de la pétition au comité de législation, pour en faire le rapport incessamment!) '
16° Pétition du sieur Jean Choubé qui réclame une place à l'Hôtel des Invalides.
(L Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
17° Pétition dé M. Lalande qui fait hommage à l'assemblée de l'invention d'un nouveau cabestan et qui se plaint de la négligence crue lé corps constituant a mise à examiner cette découverte. M.Malouet avait été nommé pour l'èxaminer avec des membres dé l'académie des sciences, et l'on n'en a rieii fait. Il prie l'Assemblée d'en faire faire l'expérience* dans son comité d agriculture en y appelant des membres de l'académie des sciences.
Un membre ; Je demande le renvoi au comité de marine.
Un membre : Messieurs, des objets très importants nous Occupent. Je demande que nous n employions pas notre temps ainsi que le pétitionnaire le demande. Ce n'est pas à l'Assemblée que M. Lalande doit s'adresser ; qu'il aille se présenter devant un corps de savants. (Rires prolongés et quelques murmures.)
L'Ordre du jour ! (Appuyé !)
Un membre rappelle l'objet de la pétition et appuie le renvoi au comité de marine.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ordre du iour ! ^
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de passer àl'ordre du jour et renvoie la pétition au comité de marine.)
180 Arrêté du. Conseil général du département de làRaute-Saônê,tendant à obtenirdes modifications sur les dispositions de la loi du 28 juin dernier, qui oblige les contribuables à payer la totalité aé leurs impositions arréragées, avant d'être
admis à se pourvoir en remise ou modérations de leurs contributions de 1791.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cet arrêté au comité de l'Ordinaire des finances.)
19° Adresse des administrateurs du conseil général du département dé la Somme qui présentent à l'Assemblée l'hommage de la reconnaissance publique et protestent de leur attachement à la Constitution ; cette adresse est ainsi conçue :
Amiens, le
« Législateurs,
« Nous renouvelons, dans vos mains, le serment que nous avons prêté à l'Assemblée nationale constituante. Nous défendrons-jusqu'à la mort les Droits de l'homme et notre liberté ; nous serons fidèles à la nation, à la loi et au roi ; « à la nation », de qui tous les pouvoirs émanent, et qui les a délégués tous pour le maintien de l'ordre social; « à la loi », dont vous êtes les organes, qui fixe l'étendue de nos devoirs et de nos droits, qui garantit la sûreté individuelle des citoyens, leurs propriétés, leur liberté ; « au roi », que la nation a chargé de concourir avec vous à la formation des lois, et de les faire exécuter : à qui elle a remis la direction de toutes les forces destinées à nous protéger, dont le véritable intérêt est essentiellement lié avec le nôtre, qui ne' doit et ne peut être heureux que par le bonheur dû peuple.
« Nous maintiendrons cette Constitution sublime, qui unit la nation, la loi et le roi, qui, en instituant et en séparant tous les pouvoirs, nous garantit également du despotisme d'un seul, et du despotisme de plusieurs.
« Nous ne nous permettrons pas de juger entre la législature qui décrète et le roi qui ne sanctionne pas ; nous dirons seulement à ces deux pouvoirs suprêmes établis par la nation :
« Les destinées de la France sont dans vos « mains ; ayez réciproquement l'un pour Fautre « les mêmes sentiments d'amour et de confiance « que vous inspirez à la nation entière; c'est de « votre union la plus intime que dépendent le « bonheur des Français et le salut de l'Empire.»
« Législateurs, nous nous fions à vos serments, à vos lumières, à votre amour pour la patrie. La sagesse de vos décrets affermira la Constitution, étouffera toutes les haines, dissipera tous les soûpçons et toutes les craintes, rétablira l'ordre et la paix.
« Signé: Les administrateurs du conseil général du département de la Somme. »
Plusieurs membres demandent la mention honorable et l'insertion de cette adresse au procès-verbal.
(L'Assemblée, consultée, décide qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal.)
Je mets aux voix l'insertion au procès-verbal.
Plusieurs membres, a Vextrême gauche : L'ordre du jour!
D'autres membres : La question préalable sur l'ordre du iour !
(L'Assemblée décide, à une grande majorité, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de passer a l'ordre du jour et décrète l'insertion de l'adresse au procès-verbal.)
20° Pétition du sieur François Fleury, citoyen duf Calvados, qui se plaint de ce que le ministre de la guerre a donné l'ordre de ne plus faire les
remontes de la cavalerie, dans la Normandie, notamment pour le régiment çi-devant Royal-Champagne, et de les avoir fait faire en Allemagne. Il démontre les inconvénients de ce nouvel ordre de choses et vante les chevaux du pays qu'il habite. Il accuse le ministre, par les dispositions qu'il a prises, d'avoir été la cause de la perte de son commerce au moment où des promesses faites par des régiments l'avaient engagé à faire plusieurs traités avec des marchands de chevaux. Il demande que les ordres du ministre soient révoqués.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire!
Je ne m'y oppose point; j'ajouterai seulement uné observation; c'est que du noûvel ordre de choses établi par le ministre, il résulte non seulement que tout notre numéraire s'écoule en Allemagne, mais encore que le commerce fïe la Normandie est privé d'une branche très considérable, et que les habitants ne peuvent pas payer l'impôt. C'est encore là une des combinaisons perfides de M. Duportail.
Un membre : J'ignore si c'est une bonne opération que le ministre a faite en ôtant aux régiments la faculté de se remonter, et en la remettant dans les mains de l'Administration; mais je sais qu'il n'est pas vrai que l'on n'achète plus de chevaux en Normandie, et la preuve de ce fait, c'est qu'il y a un haras établi dans la contrée. Je demande le renvoi de la pétition aux comités militaire et dè commerce réunis.
Je voulais faire les mêmes observations. Le pétitionnaire n'a pas le droit de se plaindre à nous ; il n'était autrefois que commissionnaire des régiments ; ,c'est par conséquent aux régiments qu'il faut qu'il s'adresse.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la pétition aux comités militaire et de commerce réunis.),
Deux jeunes séminaristes de la congrégation de Saint-Lazare, dont l'admission à la barre avait été décrétée à la séance d'hier, sont introduits.
L'un d'eux lit une pétition où ils se plaignent de Ce que, dans les congrégations provisoirement Conservées, les pères gardiens et procureurs ont le maniement exclusif des deniers, sans être obligés à partager les reliquats avec leurs confrères. Ces pères procureurs et gardiens sont entichés d'aristocratie. Ils ne prêteront jamais aû-cun serment. Ils se disposent à déloger, et déjà ils déménagent ; il n'y a pas de nuit qu'ils ne fassent esquiver tantôt une malle, tantôt un coffre. S'ils s'aperçoivent que leurs jeunes confrères épient les mouvements dé ces coffres et de ces malles, ils les frappent et lès blèssent. Plusieurs ont été obligés de les appeler devant le jugé de paix pour obtenir la nourriture d'usage.
Us demandent que les supérieurs de leur congrégation soient tenus de rendre compte de leur administration et que lés ecclésiastiques non prêtres aient le droit de participer à la gestion des biens de la communauté, à l'usufruit desquels leur travail leur donne des droits égaux. Ils appellent, en outre, l'attention de l'Assemblée sur le despotisme exercé contre ceux de leurs collègues qui annoncent de l'attachement aux principes de la Constitution.. (Vifs applaudissements.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition des Lazaristes au comité des domaines.)
Une députation des citoyens du Havre est admise à la barre.
Vorateur de la députation s'exprime ainsi : « Messieurs,
« Les citoyens du Havre, inquiets sur les suites des désastres arrivés dans les colonies, tremblant sur l'avenir, qui semble devoir encore ajouter à leur infortune, viennent déposer leurs craintes dans le sein du Corps législatif, et lui faire part des moyens qu'ils croient les plus salutaires dans des circonstances également critiques et cruelles. Leurs pertes, déjà immenses, ne sont pas ce qui les effraie le plus ; ils craignent de voir tarir les sources de la richesse nationale, de voir la prospérité de l'Etat, l'aliment des manufactures, la subsistance des indigents s'engloutir avec leur fortune.
« Le sort de l'Empire est intimement lié à celui des colonies. Leur perte paralyserait des milliers de bras et couvrirait la France d'un deuil universel. (Murmures.) Si l'on en doutait, que l'on examine la baisse subite des changes depuis que l'on aconnaissâncé,enEurope, de la Révolution de Saint-Domingue, et l'on verra quelle influence la ruine d'un grand nombre de particuliers peut avoir sur le crédit public ; voilà les objets qui nous donnent les plus vives alarmes, et sur lesquels nous vous prions de redoubler d'attention.
« Nous ne rechercherons pas les causes de la révolte de ces hommes dont on a trop exagéré les peines; nous n'accuserons pas la philosophie d'avoir produit les maux incalculables qui ont dévasté nos possessions d'outre-mer: quand ils sont au comble, cë n'est pas le moment de remonter à la source ; il faut y chercher un remède et le guérir promptément.
« Les deux partis ont semblé se rapprocher, s'accorder même. On vous a présenté 1 acte qui constate leurs démarches, en vous proposant de lui donner force de loi. Aux termes des lois constitutionnelles, la proposition d'une loi pour les colonies doit être 1 émanation libre d'une assemblée coloniale. Le concordat est-il revêtu de cette formalité ? Il y a plus, est-il probable que l'exécution des dispositions qu'il renferme, indépendamment de toute autre considération, ramènera et conservera la paix ? Car, s'il n'a pas cet heureux effet, il sera dangereux par cela seul qu'il sera insuffisant. Cet acte ne peut être regardé comme l'effet de la volonté libre des deux partis. Il est le fruit du désordre, de la terreur et de la violence. (Murmures.) Son nom seul rappellera qu'il fut écrit en lettres de sang, à la Rieur des flammes qui ravageaient les propriétés d'une portion de signataires. Est-ce au milieu des fléaux que nous déplorons, que l'on pouvait délibérer efficacement sur les moyens de les empêcher de renaître?
« Des hommes qui vivent dans un pays doivent obéir à ses lois. En donnant au concordat cet auguste caractère, n'est-ce pas autoriser un exemple dangereux et consacrer la rébellion? Il ne iaut pas oublier cette maxime sacrée, base de toute société que nous trouvons consacrée dans la lettre même des gens de couleur à leurs frères des îles françaises ; il faut souffrir, disent-ils, les injustices, et ne jamais s'en venger par ses propres mains, mais se borner à en poursuivre la réparation auprès des autorités constituées. Il faut que la loi seule tienne le glaive. A: elle seule appârtient le droit de venger l'injustice, car si chaque homme avait le droit de se venger lui-même quand il croirait ses intérêts lésés, où ne
l'entraîneraient pas des passions toujours injustes?
« Est-ce d'après ces maximes que les gens de couleur se sont conduits ? Si le projet de loi qui vous est soumis a cette marque de réprobation, c'est-à-dire, qu'il soit l'œuvre de la sédition d'une part, et de l'autre, celui de la nécessité, il n'est pas vraisemblable, selon vos vues, qu'il puisse rétablir la paix et la maintenir. Il semble qu'il serait bien plus avantageux, en envoyant des forces dans les colonies, de les charger expressément de faire cesser toutes hostilités, de commander la paix, et de réduire les deux partis à une inaction absolue. Ce ne sera qu'après avoir rétabli l'ordre et assuré la tranquillité que l'on pourra connaître, après tant de troubles, la vraie situàtion des esprits, et procurer à ces régions importantes, non les meilleures lois possibles, mais, selon les maximes de Solon, les lois qui leur conviennent le mieux.
« Faites fléchir, Messieurs, faites fléchir, nous vous en conjurons, la rigueur des principes pour sauver les colonies. (Murmures.) Leurs localités, leur bonheur et le notre exigent ces sacrifices ; les Français qui les habitent sont nos frères ; ils tendent, dans leur malheur, leurs mains suppliantes vers vous,"ils n'ont jamais formé Sincèrement le coupable projet de méconnaître la mère-patrie. Nous sommes loin d'excuser le désir de l'indépendance, manifesté par quelques-uns d'entre eux ; mais cette erreur, fruit de leur douleur et de leur désespoir et qui. n'a duré qu'un instant, ne mérite-t-elle pas quelqu'indulgence, et n'a-t-elle pas été d'ailleurs repoussée ,par le vœu général et le plus solennellement prononcé ? »
Messieurs, l'Assemblée nationale a déjà désiré s'entourer de toutes les lumières ; elle appréciera les vUes que vous lui présentez. Elle s'est déjà occupée avec ardeur du sort des colonies; son zèle ne ralentira pas. Elle vous invite à sa séance.
Plusieurs memb res : Le renvoi au comité colonial !
Je ne m'y oppose pas, à condition qu'il ne retardera point le rapport de votre comité. Il semble que l'on prenne à tâche de le retarder en faisant sans cesse paraître à la barre des pétitionnaires qui ont des intérêts particuliers. Je demande donc par amendement que ce renvoi ne puisse retarder le rapport du comité sur les troubles des colonies, (vifs applaudissements).
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée rejette la question préalable, renvoie la pétition des citoyens du Havre au comité colonial et adopte l'amendement de M. Delacroix.)
Un, de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du conseil général du département du Doubs, qui annonce à l'Assemblée les troubles survenus à Besançon le 24 novembre dernier et jours suivants; cette lettre est ainsi Conçue.
« Besançon, le
« Monsieur le Président,
« Nous vous prions de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale, le récit des événements qui, depuis 24 heures, altèrent la tranquillité des citoyens de Besançon. Depuis longtemps, le vingt-deuxième régiment de cavalerie, en garnison dans cette ville, manifestait des' dispositions aussi favorables aux princes, qu'elles sont oppo-
sées à la Constitution qu'ils ont fait serment de défendre. Souvent M. de Toulongeon les envoyait dans les campagnes, sur la réquisition du corps administratif, et toujours ils s'y montraient protecteurs des fanatiques. Enfin le 4 de ce mois, plusieurs de ces cavaliers, instruits qu'un bataillon des volontaires du département du Jura devait passer en cette ville, ont exécuté le projet qu'ils avaient formé depuis plusieurs iours. Un caporal du 6e régiment de chasseurs a pied fut, le premier, objet de leur agression. Trompés par la ressemblance de son uniforme avec celui des volontaires, plusieurs cavaliers le provoquèrent dans une auberge, où ils se trouvaient au nombre de 6. Ensuite, ayant découvert qu'il servait dans les troupes de ligne, ils l'accablèrent de caresses et l'invitèrent à dîner pour le lendemain.
« Quelques instants après, 2 volontaires du département du Jura furent insultés par des cavaliers, qui buvaient dans la même auberge. Un de leurs camarades, appelé Boussoir, reçut 3 coups de sabre sur la joue, sans avoir eu le temps de se mettre en défense ; les volontaires ayant voulu soutenir leur camarade et désarmer son assassin, furent attaqués par 5 cavaliers, qui mirent le sabre à la main ; au même instant, plusieurs cavaliers du même régiment parurent devant l'auberge, en menaçant de fendre la tête à tous les démocrates. Les gardes nationales se réunirent sur la place, située au centre de là ville; les officiers municipaux et les notables s'assemblèrent à la maison commune, pour veiller à la tranquillité publique.
« Le calme n'est pas encore rétabli. M. Toulongeon n'a pris, jusqu'à ce jour, aucune mesure efficace pour arrêter les provocations indécentes et les violences que se permettent journellement ces cavaliers. Mille personnes attesteraient, s'il était nécessaire, qu'ils se font un jeu d'avilir la majesté nationale. Enfin nous ne répondons pas des suites que produirait leur séjour dans cette ville, s'ils restaient exposés plus longtemps à l'indignation générale. Nous enverrons, par le premier courrier, le procès-verbal détaillé des événements de cette malheureuse journée.
« Nous sommes avec respect, etc. »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres ; Le renvoi au comité militaire !
Je demànde qu'à tout événement les ministres de la guerre et de l'intérieur soient tenus de fournir, dans le plus bref délai, les éclaircissements qu'ils ont sur cette affaire, et le détail des mesures qu'ils ont pris ou dû prendre pour l'arrêter, afin que sur le tout un comité vienne vous présenter des vues sages et vigoureuses.
(L'Assemblée renvoie la lettre du conseil général du département du Doubs au comité militaire et adopte la motion de M. Delacroix.)
Je demande que l'on renvoie M. Toulongeon et son régiment dans l'intérieur du royaume, parce qu'ils y seront moins dangereux que sur les frontières.
(Cette motion n'a pas de suite.)
rappelle à l'Assemblée les divers objets qui ont été mis à l'ordre du jour.
Plusieurs membres demandent la priorité pour le rapport des commissaires-inspecteurs de la salle.
(L'Assemblée accorde la priorité au rapport des commissaires-inspecteurs de la salle.)
, au nomdescommissaires-inspecteurs de la salle, fait un rapport et présente trois plans proposés au comité pour modifier la salle actuelle.
Plusieurs membres proposent diverses dispositions, parce que les trois projets paraissent demander de trop grandes dispenses.
Je voudrais que la disposition du local soit telle qu'on n'y vît plus cette malheureuse division en côté droit et côté gauche»
Plusieurs membres : Elle existera toujours.
demande que les commissaires-inspecteurs rendent compte à l'Assemblée, tous les mois, des dépenses de la salle.
Plusieurs membres demandent le renvoi des nouvelles propositions aux commissaires-inspecteurs, pour en faire le rapport dans lè plus bref délai.
Les diverses propositions sont successivement mises aux voix.
(L'Assemblée décrète que les commissaires-inspecteurs de la salle lui présenteront, tous les mois, le compte des dépenses de la salle et des bureaux et renvoie tous les plans aux commis-saires-inspecteurs qui s'adjoindront M. Dumas pour les examiner et en feront incessamment le rapport.)
, au nom du comité des domaines, soumet à nouveau à l'Assemblée un projet de décret tendant à proroger, jusqu'au 1er mai 1792, le terme fixé par l'Assemblée constituante au 1er janvier de la même année, pour le payement des biens nationaux, et dont la discussion avait été ajournée à la séance de mardi soir 6 décembre; ce projet est ainsi conçu (1) :
« L'Assemblée nationale, ouï son comité des domaines, et vu le décret d'urgence dé ce jour, décrète que le terme du 1er janvier 1892 fixé, par le décret du 27 avril 1791, aux acquéreurs des domaines nationaux, pour jouir des facultés accordées pour leurs payements par l'article 5 du titre III du décret du 14 mai 1790, sera prorogé jusqu'au 1er mai 1792, mais seulement pour les biens ruraux, bâtiments et emplacements vacants dans les villes, maisons d'habitation et bâtiments en dépendant, quelque part qu'ils soient situés ; les bois et usines demeurant formellement exceptés de cette faveur.
« Passé le 1er mai 1792, les payements seront faits dans les termes et de la manière prescrite par l'article 9 du décret du 31 décembre 1790. »
Ce projet de décret ayant été discuté et amendé, la rédaction suivante a été définitivement adoptée comme suit :
« L'Assemblée nationale, ouï son comité des domaines j et vu le décret d'urgence du 3 de ce mois, décrète que le terme du premier janvier 1792, fixé par le décret du 27 avrill791,aux acquéreurs des domaines nationaux, pour jouir des facultés accordées pour leurs payements par l'article 5 du titre III du décret du 14 mai 1790, sera prorogé jusqu'au premier mai 1792, mais seulement pour les biens ruraux, bâtiments et emplacements vacants dans les villes, maisons d'habitation et bâtiments en dépendant, quelque part qu'ils soient > situés ; les bois et usines demeurant formellement exceptés de cette faveur. •>
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Pétition du sieur Jean Marquis-Cheminon, qui réclame une pension pour des services rendus à la nation.
2° Pétition d'Ambroise Pouxlandry, ancien soldat aux gardes-françaises, blessé à la prise de la Bastille, qui réclame une pension.
3° Pétition du sieur Halbecq, qui, ayant perdu un bras par les suites d'une blessure qu'il a reçue au siège de la Bastille^ réclame Une pension.
(L'Assemblée renvoie ces trois pétitions au Comité de liquidation.)
4° Adresse du sieur Hubert Soulès, membre du collège de chirurgie de Marseille, qui offre à l'Assemblée l'hommage de plusieurs dissertations qu'il a composées, et d'un modèle de machine ae son invention.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage au procès-verbal.)
, secrétaire. Je demande à lire une pièce qui est intitulée : « Règlement de la formation en différentes compagnies des membres du tiers état rassemblés auprès de Monsieur et de Monseigneur le comte d'Artois. »> (Rires). La voici :
« Un grand nombre de bourgeois, de propriétaires. de gros fermiers et d'autres personnes aisées du tiers état qui sont toujours restés fidèles à leur devoir et ^ui ont été forcés, par les mauvais traitements qu'ils ont éprouvés, de sortir du royaume, ayant fait connaître à leurs Altesses Royales (Rires.) leur désir de se joindre à la noblesse pour venir défendre la religion, la monarchie et les propriétés, intérêts sacrés qui leur sont communs avec les gentilshommes, ce vœu a été accueilli d'autant plus favorablement par les princes, qu'ils y ont reconnu les sentiments nobles et vertueux qui ont toujours caractérisé les véritables Français. En conséquence, Monsieur et Monseigneur îe comte d'Artois désirant leur marquer la satisfaction qu'ils en ont ressentie, ont décidé et décident ce qui suit :
« Art. 1er. Tous les gros bourgeois, les gros fermiers, les
propriétaires et les autres personnes aisées de divers états, qui,, par les raisons énoncées
ci-dessus, sont sortis et sortiront du royaume,
Pourront se rendre au chef-lieu le plus prochain
e l'arrondissement, et se faire inscrire chez l'officier général qui y commandera. »
, ironiquement. Aux voix l'article ! (Rire général dans l'Assemblée et dans les tribunes.)
, secrétaire, continuant la lecture : « Art. 2. Il sera fait mention dans cette inscription, de leurs noms, âge et qualités, ainsi que ae leurs... (Rires.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
D'autres membres : Le renvoi aux boulevards !
J'observe que l'Assemblée n'a pas en ce moment la gravité qui lui convient ; je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de marine, fait un rapport sur la nécessité de mettre à exécution la loi du 15 mars 1791, concernant l'organisation de la marine; de remplacer les officiers émigrés ou qui ont déserté leur poste; et de ré-
former quelques abus relatifs aux congés. Il s'exprime ainsi (J) : Messieurs,
Vous avez, par un décret du 31 octobre dernier, chargé votre comité de marine d'examiner une pétition des citoyens actifs de la ville de Brest, ayant pour objet la prompte exécution de la loi du 15 mai 1791, concernant l'organisation de la marine, et la radiation sur les états de tous les officiers qui ne se rendraient pas à leur département à une époque déterminée (2).
Le comité des pétitions a aussi renvoyé au comité de ia marine une seconde pétition des citoyens actifs de la même ville, dénonçant des traitements payés à des officiers absents sans congé, et dont plusieurs sont sortis du royaume (3).
Ces deux objets paraissant au Comité devoir être traités ensemble, j'ai été chargé de les faire entrer dans le même rapport.
En lisant attentivement ces deux pétitions, votre comité a vu: 1° que de 804 officiers affectés au département de Brest, le nombre de ceux présents au corps ou embarqués ne s'élevait, à l'époque du 1er octobre, qu'à 426; que des 378 absents, 107 l'étaient par congé, et 271 sans congé ; et que la seule raison qui a retardé jusqu'à présent l'organisation de la marine, est 1 absence d'un grand nombre d'officiers, nonobstant l'ordre formel donné à tous de se rendre pour le 15 septembre à leurs départements respectifs.
2° Que M. du Bouexic, lieutenant de vaisseau, absent du département depuis 19 mois 16 jours, avait obtenu un rappel d'appointement de 2,604 liv. 8 s, 11 d„ quoiqu'il ne lui eût été accordé, à son départ, qu'un congé de trois mois sans appointement.
3° Qu'on vient de compter également une somme de 1,500 livres au sieur Eschallard, major de division, absent depuis le lor avril 1788.
4° Enfin, qu'on continue de payer régulièrement des officiers dont la sortie du royaume est constatée et notoire.
Votre comité ne pouvant révoquer en doute ni l'exactitude d'un état de situation fait sur les lieux, d'après l'extrait même de la revue, ni des pièces signées par un grand nombre de citoyens dont quelques-uns sont employés dans les bureaux de la marine, a pensé qu'il était instant de faire cesser des abus aussi contraires à la discipline militaire, que préjudiciables aux intérêts ae l'Etat. Il s'occupait donc sérieusement des moyens de prévenir, pour la suite, l'expédition illégale de congés illimités ou qu'on prolongeait à son gré, et le payement plus illégal encore d'appointements cPofficiers absents sans congé.
Persuadé d'ailleurs que les 271 officiers qui ne se sont pas présentés à la revue du lep
octobre avaient quitté le royaume, ou projetaient d'en sortir, et qu'en conséquence il était
inutile de s'appésahtir sur la nécessité de leur remplacement, votre comité se disposait à
vous en proposer le mode, lorsqu'il a vu avec la plus grande surprise la lettre du ministre
de la marine, insérée dans le n° 321 du Moniteur (4) : cette
Le ministre avance d'abord, avec l'assurance d'un homme qui peut administrer^sur-le-champ les preuves de son assertion, qu'il n'y a pas un seul officier de marine 'qui ait quitté son poste.
Sur ce premier point, votre comité pense qu'on est en droit de demander au ministre depuis quand et d'après quelle loi on constate la présence, des officiers a leur poste, autrement qu'en en faisant la revue ; pourquoi les officiers de la marine affectés au port de Brest n'ont pas répondu à l'appel du 1er octobre, si à cette époque ils étaient réellement à leur département? de quelle autorité enfin, et par quel motif on a pu les dispenser de cette obligation, dans un temps où il est essentiel que chaque fonctionnaire public se tienne constamment au poste qui lui est confié ; dans un temps où il est de la dernière importance pour la nation, de connaître parfaitement les chefs militaires sur les sentiments desquels elle peut compter; dans un temps enfin où l'on doit, moins que- jamais, déroger aux lois et se relâcher sur leurs dispositions. Indépendamment de ces raisons, qui paraissent sans réplique, on peut encore observer ad ministre de la marine que son assertion ne saurait détruire des faits qui sont de notoriété publique : or, il est notoire que le sieur Hector, commandant ci-devant la marine à Brest, et dont le sieur Marigny ne remplit les fonctions que par intérim, a passé par Paris dans les premiers jours d'octobre, pour se rendre à Coblentz, accompagné du sieur Soulanges, son beau-frère ; il est notoire que le sieur Vaudreuil a eu l'impudence de dire au roi, en prenant congé de lui, qu'il allait à Coblentz ; il est notoire qu'un grand nombre d'officièrs du même corps se sont empressés d'aller grossir cette ridicule et criminelle croisade.
Le ministre dit ensuite que dans le nombre des officiers qui sont absents, plusieurs ont été forcés, par des attentats plus ou moins graves contre leurs personnes ou contre leurs propriétés, à quitter le lieu de leur résidence ordinaire, et y reviendront sans doute aussitôt que l'ordre, la tranquillité et la soumission aux lois seront rétablis dans le royaume.
Il a paru à votre comité, Messieurs, que si de semblables réflexions étaient déplacées dans la bouche de tout bon Français, elles étaiènt bien plus inconvenantes dans «elle d'un des premiers agents du pouvoir exécutif. En effet, si c'est une lâcheté dans un simple citoyen de s'éloigner de sa patrie, parce qu'il croit y courir quelque danger, ç est une trahison dans un militaire de fuir honteusement, sur la moindre apparence de prétendus troubles. Est-il d'ailleurs vraisemblable que 271 officiers, habitant différents lieux du royaume, se trouvent en même temps, et sans les avoir provoqués, exposés à des actes de violence de la part au peuple? Et, quand cela serait vrai, est-ce une raison d'abandonner leur patrie qu'ils ont juré de défendre au péril de leurs jours? Et ne doivent-ils pas plutôt se tenir à leur département, qui est leur véritable, leur seul et constant domicile?
N'est-il pas révoltant que des officiers payés par la nation attendent, pour rentrer dans leur poste, le retour de l'ordre et de la tranquillité, au maintien desquels ils étaient appelés à concou-; rir, et le rétablissement de la soumission aux lois, dont ils devaient les premiers donner l'exem-
ple? le ministre de la marine peut-il autoriser une conduite aussi coupable? peut-il admettre d'aussi mauvaises excuses? peut-il les faire valoir lui-même? et vouloir pallier le crime, n'est-ce pas en quelque sorte le partager? (Applaudissements.)
Le ministre ajoute que d'autres officiers ont, en partant, eu l'attention de lui indiquer la voie par laquelle il pourra leur faire parvenir les ordres du roi et leur empressement à se rendre partout où sa majesté jugerait à propos de les employer pour le service de la patrie.
Ici parait au grand jour la partialité du ministre de la marine ; et l'on ne peut plus douter du désir qu'il manifeste de conserver aux officiers absents leurs places et leurs traitements, et de concilier leur existence fictive dans les ports avec leur existence réelle hors du royaume : autrement se donnerait—il tant de peiné pour justifier leur éloignement, en leur prêtant des motifs prétendus légitimes et qui ne vous paraîtront sans doute, ainsi qu'à votre comité, que des prétextes mal déguisés. Il semblerait même, en pesant les expressions du ministre, qu'il est reconnaissant de Vattention qu'ont eue quelques officiers de lui donner les moyens de correspondre avec eux et de leur empressement h remplir lèurs devoirs; èt cependant le peu de câs qu'ils ont fait de la proclamation du roi concernant les militaires émigrés prouve combien était sincère leur promesse de se rendre à leurposte au premier ordre, et à quel point la nation peut compter sur de pareils défenseurs.
i Votre comité, après vous avoir soumis les réflexions qu'il a faites sur la lettre du ministre de la marine, pense que ce derniér a été induit en erreur par des comptes infidèles, ou qu'il cherche à ménager aux officiers absents la facilité de se soustraire aux lois; il pense qu'on ne peut sans danger se reposer sur les assurances qu'il donne relativement à son département', assurances démenties par des ^preuves irrécusables confirmées par la notoriété publique. Il croit en conséquence devoir vous proposer les moyens les plus prompts et les plus sûrs dé remplacer convenablement lés officiers dé la marine, émigrés ou déserteurs de leur posté, et de rétablir l'ordre dans un corps qui, depuis longtemps, ne connaît point de discipline et dont le service porte entièrement sur des formes arbitraires.
Votre comité ne s'est point dissimulé les difficultés qu'il aurait à surmonter pour atteindre le premier de ces deux buts; il a senti que le remplacement des officiers de la marine ne pouvait être fait de la même manière que celui des sous-lieutenants de l'armée de ligne ; qu'on trouvait beaucoup d'hommes", en France, exercés au maniement des armes et aux évolutions militaires, et peu de marins qui réunissent lés connaissances théoriques et pratiques dé la navigation en général, et de la marine militaire en particulier. Mais il a pensé qu'entre le défaut d'instruction suffisante et la mauvaise volonté caractérisée, il n'y avait pas à balancer, et il s'est sérieusement occupé de trouver un mode de remplacement qui Kit à la fois justé et exempt d'inconvénients.
Ses recherches ont confirmé ses espérances. Il a été rassuré par la certitude que les sous-lieutenants de vaisseau brevetés, les sous-lieutenants auxiliaires, les maîtres entretenus, les capitaines du commerce, dont plusieurs ont servi avec distinction pendant la dernière guerre, les anciens volontaires et élèves de la marine offrent des ressources certaines et permettent même la
liberté du choix. Votre comité a surtout été persuadé que l'expérience, le zèle et lé patriotisme de ces candidats étaient bien propres à compenser avantageusement ce qui pourrait leur manquer du côté de la théorie et de la tactique.
Votre comité a jugé que, pour compléter son rapport, il devait encore vous exposer combien il est nécessaire de limiter, par une loi positive, la faculté que se sont arrogée jusqu'à ce jour les ministres et les commandants delà marine, d'accorder aux officiers des congés et des permissions de s'absenter, en leur conservant leurs traitements. D'après les informations qu'il a prises, et les renseignements qui lui ont été fournis à cet égard, votre comité s est assuré qu'on expédiait des congés avec appointements à la plupart des officiers qui en sollicitaient, et que ceux qui en obtenaient sans appointements, trouvaient tôt ou tard le moyen de se faire rappeler sur les états de payement; il s'est assuré que le commandant de la marine prenait sur lui ae donner des permissions avec lesquelles on pouvait parcourir tout le royaume, pourvu qu'on s'abstînt de se montrer à Paris, et surtout a Versailles; que ce même commandant répondait à la revue pour ceux qui ne s'y trouvaient pas, et que les officiers non embarqués, qu'on traitait avec le plus de rigueur, n'étaienttenus, pour toucher leurs appointements, que de paraître 4 jours de l'année a leur département. Votre Comité s'est enfin assuré que, sur la demande faite dernièrement par les citoyens de Brest aux commandants de terre et de mer, d'une revue générale des officiers servant sous leurs ordres, le ministre est taxé par la correspondance de la municipalité de faire expédier 10 à 12 congés chaque courrier, pour mettre à l'abri du blâme et de la retenue ae leur traitement ceux qui avaient omis de se mettre en règle avant leur départ, ou qui ne s'étaient absentés que sur des permissions verbales. (Rires.)
Vous sentez, Messieurs, que si de tels abus n'ont dû être tolérés dans aucun temps, ils doivent l'être encore moins dans les circonstances présentes, où l'intérêt et la sûreté de l'Etat exigent impérieusement qu'on soumette à un examen sévère, à une inspection active, à une Surveillance continue, toutes les parties de l'administration du royaume.
Pour arrêter ces prévarications, et pourvoir au remplacement des officiers émigrés ou absents sans congé, votre comité vous propose, le décret d'urgénce préalablement rendu, ae décréter ce qui suit :
PROJETS DE DÉCRETS.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine, considérant qu'il est urgent de mettre à exécution la loi dn 15 mai dernier, concernant l'organisation de la marine ;
« Considérant que les mêmes motifs qui ont déterminé le remplacement des officiers ae l'armée de ligne qui ont déserté leurs drapeaux, exigent aussi qu'on remplace ceux de la marine qui ont abandonné léur poste ;
« Que s'il a paru nécessaire de ne conserver à la tête des régiments d'infanterie quedes chefs attachés à leur patrie et disposés à mourir pour elle, il n'est pas moins essentiel de ne nommer au commandement des bâtiments de l'Etat, et surtout dé n'envoyer aux colonies que dps officiers dont les sentiments et le civisme ne lais-
sent aucune crainte, aucune incertitude sur la conduite qu'ils tiendront dans ces possessions éloignées de la surveillance du gouvernement ;
« Considérant que la nation ne doit de traitement qu'à ceux qui la servent et se dévouent pour elle, et que les appointements payés à des hommes inutiles ou à des transfuges mal intentionnés, sont des vols manifestes dont doivent être punis ét ceux qui en profitent, et ceux qui souffrent et favorisent de semblables abus;
« Considérant que nul n'a le droit de modifier ou de restreindre la loi ; qu'en conséquence le ministre de la marine ne peut ni ne doit accorder ou prolonger des congés à son gré, et qu'il convient de limiter, par une disposition précise, son autorité à cet égard ;
« Par toutes ces considérations, l'Assemblée nationale décrète :
Premier décret dans le cas de l'urgence.
« Art. 1er. La loi du 15 mai dernier, concernant l'organisation
de la marine, sera mise à exécution dans le courant du présent mois de décembre.
« Art. 2. Tous les officiers de marine absents sans congé, ou par congé, avec ou Sans appointements, en activité de service ou sans activité, qui ne seront pas rendus à leurs départements respectifs le 15 janvier prochain, seront censés avoir déserté leur poste.
« Art. 3. Ils seront, à compter de ladite époque, destitués de leur emploi, privés de tout traitement et déclarés incapables de remplir à l'avenir aucune fonction militaire.
« Art. 4. Le ministre remettra sous les yeux de l'Assemblée la liste nominative des officiers tant absents que présents à la revue, le 1er février prochain, au plus tard.
« Art. 5. Les officiers qui ne se seront pas présentés à la revue, seront remplacés sur-le-champ de la manière indiquée ci-après.
« Art. 6. Seront exceptés des dispositions énoncées ci-dessus les officiers qui, pour raison de santé, se seront trouvés dans l'impossibilité de se rendre à leur département à l'époque indiquée.
« Arj. 7. Ils seront tenus de produire à cet effet une attestation signée par deux officiers de santé, et certifiée par la municipalité du lieu de leur résidence.
« .Art. 8. Ceux de ces derniers qui sont absents sans congé, seront, de la même époque, privés de tout traitement, jusqu'à leur retour à leur département.
« Art. 9. Les contre-amiraux, lieutenants-généraux, capitaines et lieutenants de vaisseaux, seront remplacés par les officiers du gradé immédiatement au-dessous, de la manière prescrite par l'article 2 du chapitre IV de la quatrième section de la Constitution.
« Art. 10. Les places vacantes d'enseignes entretenus seront complétées comme il suit :
» La moitié par les sous-lieutenants brevetés restant sans emploi ;
« Et.de l'autre moitié, un tiers par les enseignes non entretenus ;
« Un tiers par les aspirants ayant droit d'y prétendre, suivant la loi du 15 mai ;
« Et un tiers à partager entre les maîtres entretenus et les sous-lieutenants auxiliaires qui ont servi en cette qualité pendant la guerre, et qui se sont depuis voués à ce service, soit en
embarquant sur les bâtiments de l'Etat, soit par leur résidence dans les grands ports.
« Art. 11. Les remplacements énoncés au précédent article auront lieu, le tiers au choix du roi, et le surplus d'après l'ancienneté de service.
« Art. 12. Les dispositions ci-dessus concernant le mode de remplacement seront adoptées pour cette fois seulement, et sans préjudice pour la loi du 15 mai 1791, qui sera invariablement suivie à l'avenir.
« Art. 13. La revue du 15 janvier prochain sera passée en présence de deux officiers municipaux qui la signeront avec tous les officiers présents.
« Art. 14. Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »
Second décret, soumis aux délais prescrits par la Constitution.
Art. 1er. Il ne sera à l'avenir délivré de congé its qu' de
1786, seront
avec appointements qu'aux officiers, qui, d'après
dans le cas d'en
l'ordonnance obtenir.
« Art, 2. Le ministre ne pourra accorder une prolongation avec appointements que pour raison de santé duement constatée.
« Art. 3. Les officiers qui auraient obtenu une prolongation de congé pour des raisons autres que celles de santé, seront privés de leur traitement à compter du jour de l'expiration de léur congé.
« Art. 4. Tout officier qui, pour raison de santé, obtiendra un congé, jouira de son traitement jusqu'à son entière guérison.
« Art. 5. Ceux, au contraire, qui demanderont à s'absenter pour affaires de famille ou autres, seront privés de leurs appointements, à compter du jour de leur départ jusqu'à celui de leur retour à leur poste.
« Art. 6. Le commandement des armes ne pourra, sans en rendre compte au ministre, permettre à aucun officier de s'absenter pendant plus de 15 jours, ni de s'éloigner de plus de 20 lieues de son département.
« Art. 7. Il y aura àu moins un mois d'intervalle entre chaque permission accordée au même officier.
« Art. 8. Ces permissions ne pourront, dans aucun cas, dispenser de paraître aux revues. »
Je demande l'impression de ces deux projets de décrets et l'ajournement.
Un membre : Je demande que copie du rapport soit envoyée au ministre de la marine et qu'il soit tenu d'y répondre dans trois jours.
J'applaudis avec tous les membres de cette Assemblée au rapport qui vient d'être lu, mais je blâme la faiblesse de ses conclusions. Je demande comment l'on peut établir qu'un ministre a trompé l'Assemblée et comment Ion ne parle pas de ce ministre dans le projet de décret. Je demande comment on prouve que des officiers sont à Goblentz et comment on propose de leur laisser la faculté de rentrer dans leurs places en leur laissant la possibilité de revenir le 15 janvier. D'après ces différentes considérations, je demande de renvoyer au comité pour nous présenter un rapport et plus digne de lui et plus digne de nous.
Le comité de marine a pu, sans doute, être incompétent pour les objets de surveillance. Il y a un comité de surveillance pour vérifier ces faits ; je demande qu'on renvoie les pièces au comité de surveillance pour qu'il nous propose un décret d'accusation. (Murmures.)
J'appuie l'àjournement et l'impression du rapport et des projets de décrets, précisément par les motifs qui ont été donnés par le préopinant. Certainement, il est bien extraordinaire qu'il faille une loi, pour que le ministre de la marine ne continue pas de payer les officiers transfuges; mais, enfin, il faut que l'Assemblée prenne en considération tous les faits énoncés dans le rapport, qu'elle le mûrisse par la réflexion. Je demande donc l'impression du rapport et des projets de décrets-et l'ajournement à huit ou à quatre jours.
Je demande que l'Assemblée ordonne la lecture de deux pétitions faites et signées, l'une par 150 citoyens actifs, la municipalité de Brest et les administrateurs de la marine de Brest, et l'autre par 198 personnes. Je suis en effet persuadé qu'après la lecture de ces deux pétitions, elle pourra se décider contre le ministre qui n'a pas nonte de venir ici nous traiter de calomniateurs, d'insolents et certains autres termes qu'il s'est permis et dont il n'aurait jamais du faire usage. Je demande que la lecture de ces deux pétitions soit faite. (Applaudissements.)
Je crois que l'Assemblée natio-nàle, avant de prendre un parti contre le ministre, doit s'assurer ae la vérité des faits consignés dans les différentes pétitions envoyées à l'Assemblée nationale, et qui ont donné lieu au rapport qu'on vient de lire. Pour cela, Messieurs, je demande qu'il soit envoyé au ministre de la marine une copie de ce rapport, pour y répondre, et j'ajoute qu'on doit lui demander la preuve des faits qu'il a articulés là (Montrant la place des ministres.) avec un air que je ne veux pas qualifier, mais que tout le monde a aperçu. Il faut qu'il vous donne une liste des officiers qui sont absents avec congé, de ceux qui sont absents sans congé, et de ceux qui ont laissé au ministre leur adresse, parce qu'alors il sera facile de vous assurer si ces officiers ont résidé dans le lieu qu'ils ont indiqué, sans quoi vous en induirez qu ils sont établis à Coblentz ou ailleurs. H faut d'abord établir ces faits. Je crois que, dans la copie qui doit être remise au ministre, on doit en distraire le projet de décret qui a été présenté ; il faut lui envoyer seulement le rapport et la copie des pétitions; afin qu'il réponde et qu'il articule la preuve des faits par lui avancés dans son discours. (Applaudissements.)
, rapporteur. Le rapport n'avait pour objet principal que le remplacement des officiers de marine. Si on a rapporté quelques faits qui ont rapport aux malversations du ministre de la marine, c'est indirectement. Mais, comme vous avez renvoyé à votre comité de marine le mémoire que le ministre a prononcé ici; le comité vous fera incessamment son rapport, et c'est dans ce rapport qu'il conclura sur la peine à prononcer contre le ministre. (Vifs applaudissements.) .
Je m'oppose à ce que l'on communique le rapport au ministre, car le ministre sera obligé ae répondre au rapport, et cette espèce de lutte entre le comité et le ministre est hors des principes. L'Assemblée doit demander des éclaircissements au ministre, voilà la marche à tenir. Il serait très possible que le'ministre retardât votre délibération en alléguant que c'est la grande multitude d'affaires qui l'a empêché de répondre. Je démande l'impression et l'ajournement du projet de décret.
Plusieurs membres ; Il est trop faible.
S'il est trop faible, oïl saura le renforcer avec des amendements. (Rires et applaudissements.)
Vous cherchez des preuves. Je vais vous faire lecture d'une lettre du roi aux commandants des ports (1), et vous verrez que le ministre avait connaissance des émigrations; qu'il approuve et estime les émigrants ; cette lettre est signée par le roi et contresignée De Bertrand; la voici :
« Lettre du roi aux commandants des ports.
« Paris, le
« Je suis informé, Messieurs, que les émigrations se multiplient tous les jours dans le corps de la marine, et je ne puis pas différer plus longtemps de vous faire connaître combien j'en suis vivement affecté. »
Voici un paragraphe de cette même lettre où le roi parlant des émigrants s'exprime ainsi :
« Dites bien à ces braves officiers que j'estime, que j'aime et qui l'ont si bien mérite, que l'honneur de la patrie les appelle... »
Vit-on, jamais, Messieurs, de termes plus inconstitutionnels ?,(Rires et murmures.) Plusieurs membres : Bah! bah! L'ordre du jour! (L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret, et l'ajournement de la discussion à mercredi.) (La séance est levée à dix heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Pétition des citoyens actifs de la ville de Brest
à VAssemblée nationale demandant le remplacement des officiers de marine absents (2).
Législateurs, Les citoyens de Brest, animés du zèle le plus pur pour le succès de la Révolution, vous dénoncent un. abus, qui, par sa nature, peut causer les plus grands dangers à la patrie. L'Assemblée constituante a, par ses décrets, les 29 avril et 1er mai derniers, donné une nouvelle organisation à la marine, et le ministre ne l'a point encore mise à exécution. Ce retard, que rien ne peut justifier, décourage les vrais patriotes restés au service, enhardit les traîtres qui l'ont quitté pour courir aux frontières augmenter le nombre de l'armée des émigrés. Le tableau ci-joint vous fera connaître le nombre des officiers absents.
Législateurs! à vous est réservé le droit de réprimer un pareil oubli des lois; ordonnez au nouveau ministre de la marine de mettre à exécution les décrets rendus pour son département, et s'il ne pouvait de suite satisfaire à cet ordre, prescrivezlui un temps ; mais, qu'au préalable, il fixe pour le 15 novembre prochain une revue générale dans tous les ports du royaume, et que ceux des officiers qui ne sont point à leur poste soient déchus de leur emploi et remplacés aussitôt. Cet exemple de justice apprendra aux puissances étrangères que nous ne voulons à la tête de nos armées que des officiers dignes de commander à des Français. Voilà, législateurs, ce que l'amour du bien public nous dicte. C'est à vous à justifier notre confiance, en rappelant à tous les fonctionnaires que lorsqu'un peuple se donne des lois il est dans un état de crise qui ne permet à aucun citoyen d'abandonner ses fonctions. Les habitants ae Brest, dévoués au maintien de la Constitution, vous jurent de plutôt mourir que de souffrir qu'on y porte atteinte.
ÉTAT de situation des officiers de la marine, en activité à la revue du 1er octobre 1791,
Présents....................... Embarqués..................... En congé...................... Demandent leur retraite......... Absents sans congé............. CAPITAINES de vaisseau. MAJORS de vaisseau. LIEUTENANTS sous- LIEUTENANTS ÉLÈVES. TOTAL.
5 8 6 3 31 9 5 9 10 13 71 66 50 17 141 37 99 14 1 40 3 92 28 » 46 125 270 107 31 271
33 46 345 191 169 804
Nota. — Il est bon d'observer qu'avant la Révolution, dans le temps le plus calme, les revues se passaient tous les deux mois, mais à présent, comme elles contrarieraient les opérations des méchants, les on passe tous les trois mois, et moyennant le jour de présence, ils obtiennent la totalité de leurs appointements. Depuis la dernière revue, il en est parti plus de la moitié sans congé; il est bon d'observer qu'il existe une lettre du ministre, qui leur enjoint à tous d'être à leur département respectif pour le 15 septembre, pour la nouvelle organisation qu'on ne se dispose point à mettre à exécution. On observera également que de cinq majors de division du corps royal des canonniers matelots, un seul est présent depuis peu, et les quatre autres en congé avec appointement depuis très longtemps, parce que ces messieurs ne se trouvent point à leur aise à la tête d'un corps aussi patriote,. , Le directeur en chef de l'artillerie n'a jamais paru au département. Il serait convenable que la revue demandée pour les officiers de la marine, fût également applicable à ceux du département de la guerre.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
pétition des citoyens de Brest tendant à demander la suppression des traitements et appointements des officiers de la marine, absents sans congé, que l'on continue de payer, même à ceux actuellement émigrés (1),
Législateurs,
Pendant que vous vous occupez de l'examçn de la conduite tenue par le ministre de la guerre, celui de la marine "suit ses traces, et comme lui seconde de tout son pouvoir les vues et les projets de cette caste orgueilleuse ennemie de la liberté et de la Constitution.
Le ministre Duportail est en vain stimulé de toutes parts de mettre nos frontières en état de défense et d'armer nos gardes nationales ; de telles mesures contrarieraient trop le plan formé de nous réasservir ; animé du même zèle, le ministre de la marine, instruit que les citoyens de Brest avaient contribué de tous leurs moyens à l'armement des batteries de nos côtes, qu'il existait dans le port des vaisseaux en commission, prêts à servir au besoin, se hâte d'ordonner le désarmement de ces vaisseaux et des batteries, sous le spécieux prétexte de la conservation des effets.
Un tel ordre dans la circonstance où la patrie se trouve, peut bien se qualifier de trahison, c'est au moins un délit grave, et ce n'est pas le seul dont ce nouveau ministre de la marine se soit rendu coupable. Il y ajoute, avec moins de ménagement que ses précédesseurs, la déprédation des fonds publies en faveur de sa caste chérié, les ci-devant nobles, servant dans la marine: auxquels il fait payer des appointements qu'ils méritaient de perdre pour cause d'émigration et d'absence illégitime.
Un sieur Bouexic, lieutenant de vaisseau, absent du service depuis près de deux ans, vient d'obtenir, par ordre de ce ministre, un rappel d'appointements de 19 mois 16 jours formant une somme de 2,604 liv. 8 s. 11 d., sous le prétexte que cet officier avait été contraint par maladie, a la suite d'une campagne, de rester pendant 2 ans aux eaux de Bannière.
Ce rappel d'appointements est d'autant plus injuste qu'on ne peut se dissimuler la fausseté des motifs allègues pour l'obtenir, puisqu'il est justifié par les registres des bureaux de la marine que lors du départ de cet officier, on ne lui accorda qu'un congé de trois mois sans appointements, et qu'un tel congé ne se délivre point à ceux qui desarment ou qui sont malades, parce qu'en pareil cas ils ne perdent jamais leurs appointements. Le ministre de là marine ne peut donc s'excuser d'avoir disposé aussi légèrement des fonds de là nation.
Le sieur d'Eschallard, major delà seconde division du corps des canonniers-matélots, absent du service depuis le 1er avril 1788, vient aussi
d'obtenir de la faveur de ce ministre, un rappel d'appointements de 1,500 livres. Des congés avec appointements sont encore accordés à d'autres officiers qui, comme les sieurs Hector et Sou-lange en jouissent en pays étrangers ; ainsi des récompenses se trouvent prodiguees à ceux qui s'abstiennent de remplir leurs devoirs et à ceux qui les trahissent ouvertement, tandis qu'on en est avare à l'égard des patriotes, dont le zèle et le courage pour le maintien de la Constitution ne se sont jamais ralentis.
Législateurs, tels sont les abus que nous avons résolu de vous dénoncer, dans la persuasion, que vous ne souffrirez pas plus longtemps, qu'une ville aussi importante que Brest demeure sans défense ; que vous vous empresserez de mettre un frein salutaire aux déprédations, en faisant connaître à la Francé entière que la responsabilité des ministres n'est plus une chimère.
Les citoyens actifs de la ville de Brest assemblés en vertu ae permission de la municipalité., ce jour, 6 novembre 1791.
Ensuite est écHt :
Vu la présente pétition, signée par 158 citoyens actifs de cette ville, qui ont demandé et obtenu la permission de s'assembler à cet effet.
A Brest, le 7 novembre 1791,
Les officiers municipaux : Berthomme,
Gesnouin, N. Leroy, Siviniant, substitut du procureur de la commune.
a la séance de l'assemblée nationale législative dû
Lettre de M, De Bertrand, ministre de la marine, au rédacteur du Moniteur universel.
De Paris, le
Je m'empresse de relever une erreur très grande que j'ai remarquée dans votre feuille de cè jour (page 1326, col. 2). La phrase que j'ai prononcée dans la séance du samedi lz de çe mois est très différente de celle que vous mettez dans ma bouche. Je n'ai pas dit en effet qu'en demandant à être entendu, j'avais uniquement pour motif d'instruire 1 Assemblée des mesures prises quant à mon département contré les émigrants. M. le Président ne m'ayantaccordé la parole qu'après avoir prononcé le décret de passer à l'ordre du jour, je dis seulement qu'après le décret qui venait d'être rendu, je n'avais plus rien à dire, et que si j'eusse été entendu un moment plus tôt, j aurais dit que le message dont nous étions chargés avait uniquement pour objet d'instruire l'Assemblée des mesures que le roi avait prises relativement aux émigrés ; mais j'ai donne si peu à entendre qu'aucune de ces mesures fût relative à mon département, que si j'avais été dans le cas de m'exjpliquer à cet égard, je me serais fait un devoir cPafnrmer qu'il
n'y avait pas un seul officier de marine qui eût quitté son poste; que dans le nombre de ceux qui étaient absents, plusieurs avaient été forcés, par des attentats plus ou moins graves contre leur personne ou contre leurs propriétés, à quitter le lieu de leur résidence ordinaire, et y reviendraient sans doute aussitôt que l'ordre, la tranquillité et la soumission aux lois seraient rétablis dans le royaume ; que d'autres ont en partant eu l'intention de m'indiqùer la voie par laquelle je pourrais leur faire parvenir les ordres du roi, et de m'assurer de leur empressement à se rendre partout où Sa Majesté jugerait à propos de les employer pour le service de la -patrie. Voilà ce que j'aurais eu à dire, et ce que j'aurais'dit de mon département, si l'avais été entendu avant que l'Assemblée eût décrété de passer à l'ordre au jour ; et comme les expressions que vous me prêtez pourraient faire naître une opinion différente, j attends de votre zèle pour la vérité, la publication de ma lettre dans votre feuille la plus prochaine.
Signé : De Bertrand, ministre de la marine.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Adresse au roi, relative au décret sur les troubles religieux.
Sire,
Nous avons vu les administrateurs du département de Paris venir vous" demander, il y a huit mois, d'éloigner les perfides conseils qui cherchaient à détourner de vous l'amour du peuple français. Ils bravèrent, pour vous faire entendre la vérité, jusqu'aux tourments de votre cœur; c'était le seul effort qui pût coûter à des Français devenus libres.
Nous, Citoyens pétitionnaires, venons aujourd'hui,1 non pas avec la puissance d'opinion qui appartient à un corps imposant, mais forts de notre conviction individuelle, vous adresser un langage parfaitement semblable dans son principe, quoique différent sous plusieurs rapports ; nous venons vous dire que les dispositions des esprits, dans la capitale, sont aussi bonnes, aussi rassurantes que Votre Majesté peut le désirer ; que le peuple y veut avec ardeur la Constitution, la paix, le retour de l'ordre, et le bonheur du roi ; qu'il manifeste ce dernier sentiment avec la plus touchante sensibilité au milieu même de ses propres peines. ''
Mais nous vous dirons en même temps, Sire, que ceux-là vous tromperaient bien cruellement, qui oseraient tenter de vous persuader que leur amour pour la Révolution s'est affaibli ; qu'ils verraient en ce moment âvec indifférence, ils disent peut-être avec joie, le succès de nos implacables ennemis, et que leur confiance dans leurs représentants n'est plus la même,
Défiez-vous, Sire, de ceux qui vous tiennent cet odieux langage ; il est faux, il est perfide dans tous ses points
Le peuple est calme, parce qu'il se fie à votre probité, à la religion ae votre serment, parce que le besoin au travail ramène toujours les
; hommes vers la paix ; mais croyez, et croyez bien, qu'au moindre signal du danger pour la Constitution, il se soulèverait tout entier avec une force incalculable. Croyez aussi que même un grand nombre de ceux qui se sont montrés moins attachés à la Révolution, sentiraient tout à coup l'indispensable nécessité de la défendre contre des ennemis ' qui, sans pouvoir guérir leurs maux actuels, les précipiteraient dans les plus horribles malheurs; et que, par conséquent, il existera toujours pour le maintien du nouvel ordre de choses la majorité la plus imposante et la plus formidable.
Croyez que quelle que puisse être l'opinion publique sur tel ou tel décret du Corps législatif qui aura été surpris à son zèle, c'est toujours près des représentants du peuple, élus par lui, que retournera, que reposera nécessairement sa confiance.
Vous avez attaché, Sire, votre bonheur à la Constitution ; nous ajoutons qu'il est là tout entier, et qu'il ne peut plus être désormais que là; que cela est incontestable dans toutes les suppositions possibles ; que vos ennemis, vos seuls ennemis sont ceux qui méditent le renversement de l'ordre actuel, en vous livrant à tous les périls ; que leurs démonstrations de dévouement pour votre personne sont fausses, leurs applaudissements hypocrites ; .qu'ils ne vous pardonneront jamais, non jamais, Ce que vous avez fait en faveur de la Révolution, et particulièrement cet acte courageux de liberté, par lequel, usant du pouvoir qui vous est délégué, vous avez cru nécessaire, pour détruire plus sûrement leurs espérances, de les sauver eux-mêmes delà rigueur du décret dont ils étaient menacés.,
Nous en concluons, Sire, que tout moyen de conciliation doit vous paraître maintenant impraticable, que trop longtemps ils ont insulté à votre bonté, à votre patience ; qu'il est urgent, infiniment urgent que par une conduite ferme et vigoureuse, vous mettiez à l'abri de tout danger la chose publique, et vous qui en êtes devenu inséparable ; que vous vous montriez enfin tel que votre devoir et votre intérêt vous obligent d'être l'ami imperturbable de la liberté, le défenseur de la Constitution, et le vengeur du peuple français que l'on outrage.
Nous avons senti le besoin, Sire, de vous faire entendre ces vérités, elles n'ont rien qui ne soit d'accord avec les sentiments que vous avez manifestés.
Un autre motif nous conduit aussi auprès de vous. La Constitution vous a remis un immense pouvoir, quand elle vous a délégué le droit ' de suspendre les décrets du Corps législatif. Il eût été désirable, sans doute, qu'une telle puissance reposât longtemps sans qu on fût obligé d'y recourir, et protégeât la liberté par sa seule existence, sans étonner l'Empire par son action réif térée. Mais quand le salut public le commande, cette arme redoutable ne peut demeurer oisive dans vos mains, la Constitution vous ordonne de la déployer ; et cette même Constitution appelle tous les citoyens à éclairer votre religion sur ce que la patrie attend de vous dans ces circonstances difficiles.
Nous venons donc avec un sentiment pénible; il est vrai, et pourtant avec une forte confiance, vous dire que le dernier décret sur les troubles religieux nous a paru provoquer impérieusement l'exercice du veto.
Nous ne craignons pas que la malveillance ose se servir de notre franchise, pour accuser nos
intentions. On persuaderait difficilement que des hommes, qui, par la persévérance de leurs principes. pendant le cours de la Révolution, ont mérité des haines dont ils s'honorent; qui les méritent chaque jour, d'autant plus qu'ils se montrent les amis infatigables de l'ordre, et combattent sans relâche tous les genres d'excès dont se nourrit avec complaisance l'espoir des contre-révolutionnaires ; que des hommes qui savent que plusieurs d'entre eux sont à la tête des listes de proscription, tracées parla fureur de nos ennemis, veuillent servir leurs criminels desseins.
Nous abhorrons le fanatisme, l'hypocrisie, les discordes civiles excitées au nom au ciel. Nous sommes dévoués à jamais par nos affections les plus intimes, plus encore, s'il est possible, que
Far nos serments, à la cause de la liberté, de égalité, à la défense de la Constitution, et c'est dans ces sentiments mêmes que nous trouvons tout le courage nécessaire pour vous demander ce grand acte de raison et de justice. ,
Sire, l'Assemblée nationale a certainement voulu le bien et ne cesse de le vouloir : nous aimons à lui rendre cet hommage et à la venger ici de ses coupables détracteurs ; elle a voulu extirper les maux innombrables, dont en ce moment surtout les querelles religieuses sont la cause ou le prétexte. Mais nous croyons qu'un aussi louable dessein l'a poussée vérs des mesures que la Constitution, que la justice, que la prudence ne sauraient admettre.
Elle fait dépendre, pour tous les ecclésiastiques non fonctionnaires, le payement de leurs pensions, de la prestation du serment civique : tandis que la Constitution a mis expressément et littéralement ces pensions au rang des dettes nationales : or, le refus de prêter un serment quelconque, de prêter le serment même le plus légitime peut-il détruire le titre d'une créance qu'on a reconnue ? et peut-il suffire, dans aucun cas, à un débiteur d'imposer une condition pour se soustraire à l'obligation de payer une dette antérieure ?
L'Assemblée nationale constituante a fait, au sujet des prêtres non assermentés, ce qu elle pouvait faire ; ils ont refusé le serment prescrit ; elle les a privés de leurs fonctions, et en lés dépossédant, elle les a réduits à kune pension. Voilà la peine, voilà le jugement. Or, peut-on prononcer une nouvelle peine sur un point déjà jugé, toutes les fois qu'aucun délit individuel ne change pas l'état de la question?
L'Assemblée nationale, après que les prêtres non assermentés auront été dépouillés, veut encore qu'on les déclare suspects de révolte contre la loi, s'ils ne prêtent pas un serment qu'on n'exige d'aucun autre citoyen non fonctionnaire. Or, comment une loi peut-elle déclarer des hommes suspects de révolte contre la loi? A-t-on le droit de présumer ainsi le crime ?
Le décret de l'Assemblée nationale veut que les ecclésiastiques qui n'ont point prêté le serment, ou qui l ont rétracté, puissent, dans tous les troubles religieux, être éloignés provisoirement, et emprisonnés, s'ils n'obéissent à l'ordre qui leur sera intimé. Or, n'est-ce pas renouveler le système des ordres arbitraires, puisqu'il serait permis de punir de l'exil, et bientôt après de la prison, celui qui ne serait pas encore convaincu d'être réfractaire à aucune loi ?
Le décret ordonne que les directoires de département dressent des listes des prêtres non assermentés, et qu'ils les fassent parvenir au
Corps législatif, avec des observations sur la conduite individuelle de chacun d'eux, comme s'il était au pouvoir des directoires de classer des hommes qui, n'étant plus fonctionnaires publics, sont confondus dans la classe générale des citoyens ; comme si des administrateurs pouvaient se résoudre à former et à publier des listes, qui, dans des jours d'effervescence, pourraient devenir des listes sanglantes de proscription; comme, enfin, s'ils étaient capables de remplir un ministère inquisitoral que nécessité^ rait l'exécution littérale de ce décret.
Sire, à-la lecture de ces dispositions, tous les individus qui vous présentent cette pétition se sont demandé s'ils se sentiraient ce genre de dévouement ; tous ont gardé le plus profond silence.
Eh quoi ! il faudrait donc qu'ils tinssent ce langage à chacun de leurs concitoyens : « Dites quel est votre culte ? Rendez compte de vos opinions religieuses : Apprenez-nous quelle profession vous avez exercée, et nous verrons alors si vous avez droit à la protection de la loi. Nous saurons s'il nous est permis de vous donner la paix. Si vous avez été ecclésiastique, tremblez; nous nous attacherons à vos pas; nous épierons toutes vos actions privées ; nous rechercherons vos relations les plus intimes; quelque régulière que puisse être votre conduite, à la première emeute qui surviendra dans cette ville immense, et où le mot de religion aura été prononcé, nous viendrons vous arracher à votre retraite, et malgré votre innocence, nous pourrons impunément vous bannir des foyers que vous vous êtes choisis. »
Si la France, Sire, si la France libre était réduite à entendre ce langage, où est l'homme qui pourrait se résoudre à en être l'organe?
L'Assemblée nationale refuse à tous ceux qui ne prêteraient pas le serment civique, la libre profession de leur culte. Or, cette liberté ne peut être ravie à personne; aucune puissance n'a pu la donner ; aucune puissance ne peut la retirer; c'est la première, c'est la plus inviolable de toutes les propriétés. Elle est consacrée à jamais dans la Déclaration des Droits, dans les articles fondamentaux de la Constitution. Elle est donc hors de toutes les atteintes.
L'Assemblée nationale constituante ne s'est jamais montrée plus grande, plus imposante peut-être aux yeux des nations, que lorsque, au milieu des orages même du fanatisme, elle a rendu un hommage éclatant à ce principe. Il était perdu dans les siècles d'ignorance et de superstition; il devait se retrouver aux premiers jours de la liberté ; mais il ne faut pas qu'il puisse se reperdre ; il ne faut pas que, sur ce point comme sur tout autre, la liberté puisse rétrograder.
Vainement, on dira que le prêtre non assermenté est suspect; et sous le règne de Louis XIV, les protestants n'étaient-ils pas suspects aux yeux du gouvernement, lorsqu'ils ne voulaient pas se soumettre à sa religion dominante? et les premiers chrétiens n'étaient-ils pas aussi suspects aux empereurs romains? et les catholiques n ont-ils pas été longtemps suspects en Angleterre, etc. ? Sur un tel prétexte, il n'est aucune persécution religieuse qu'on ne puisse justifier. Un siècle entier de philosophie n'aurait-il donc servi qu'à nous ramener à l'intolérance du xvi® siècle, par les routes mêmes de la liberté? Que l'on surveille les prêtres non assermentés; qu'on les frappe sans pitié au nom de la loi, s'ils l'enfreignent, s'ils osent surtout exciter le peuple à lui déso-
béir, rien de plus juste, rien de plus nécessaire; mais que, jusqu'à ce moment, on respecte leur culte comme tout autre culte, et qu'on ne les tourmente point dans leurs opinions. Puisqu'au-cune religion n'est une loi, qu'aucune religion ne soit donc un crime.
Sire, nous avons vu le département de Paris s'honorer d'avoir professé constamment ces principes. Nous sommes convaincus qu'il leur doit en partie la tranquillité religieuse, dont il jouit en ce moment. Ce n'est pas que noua ignorions qu'il est des hommes turbulents, par système, qui s'âgiteront longtemps encore, et qu'on espérerait vainement de ramener à des sentiments patriotiques : niais il nous est prouvé, parla raison et par l'expérience de tous lés siècles, que le vrai moyen de les réprimer est de se montrer parfaitement juste envers eux, et que l'intolérance et là persécution, loin d'étouffer le fanatisme, ne feront qu'accroître ses fureurs.
Par tous ces motifs, et au nom sacré de là liberté, de la Constitution et du bien public, nous vous prions, Sire, de refuser vôtre sanction au décret des 29 novembre et jours précédents, sur les troubles religieux; mais en même temps, nous , vous conjurons de seconder de tout votre pouvoir le vœu que l'Assemblée nationale Vient ae vous exprimer avec tant de force et de raison contre les rebelles qui conspirent sur lés frontières du royaume. Nous vous conjurons de prendre, sans perdre un séul instant, dés mésures fermes, énergiques et entièrement décisives contre ces insensés qui osent menacer le peuple français avec tant d'audace. C'est alors, mais alors seulement que, confondant les malveillants et rassurant à la rois les bons citoyens, vous pourrez faire, sans obstacle, tout le bien qui est dans votre cœur, tout celui que la France attend de vous. Nous vous supplions donc, Site, d'acquiescer à cette double demande, et de ne pas les séparer l?ùne de l'autre.
A Paris, ce
Signé : Germain Garnier, membre du directoire du département de Paris ; J.-B. Brousse, mémbre, etc.; Talleyrand-Pé-
; RicoRD, membre, etc.; Beaumès, membre, etc. ; La Rochefoucauld, président du département de Paris; Desmeunier, membre, été.; BlondEL, secrétaire général du département de Paris ; Thion de La Chaume, membre, etc.; Anson, membre du directoire; Davous, membre.
Séance du
présidence de m. lacépède.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donné lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 8 décembre 1791, au matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Narbonne, ministre de la guerre, qui ihet sous les yeux de l'Asséinbléé les ques-
tions qui lui sont présentées par M. d'Affry, administrateur général des Suisses, concernant la nouvelle revue et la nouvelle prestation de serment civique ordonnées par les décrets de l'Assem-; blée nationale ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« M. d'Affry, administrateur général des Suisses et Grisons, a demandé à mon prédécesseur si le décret du 24 juin était applicable aux Grisons et Suisses comme au reste de l'armée; il observe que plusieurs des cantons et autres Etats souverains de la Suisse, ont fait défendre à leurs sujets présentement en France, de prêter à l'avenir aucun nouveau serment, sans préalablement les prévenir et en obtenir le consentement. Le terme que l'Assemblée nationale a fixé pour les revues et celui de la prestation du Serment sont si rapprochés qu'il est impossible que les régiments suisses puissent recevoir à temps l'autorisation dé leurs souverains rèspectifs. L'obéissance et le respect qu'ils leur doivent donnent lieu de craindre qu'ils ne se voient forcés à un refus qui pourrait avoir les conséquences les plus fâcheuses. Cet administrateur désire bien vivement, qu'en leur qualité d'officiers de guerre, étrangers et sujets d'une autre puissance, on lçs dispense pour ce moment de ce nouveau serment, qu on se contente de celui qu'ils ont déjà prêté et qu'ils doivent renouveler au 14 juillet prochain, époque à laquelle il est à présumer qu'il sera statué sur cet objet avec le corps helvétique. Si l'on observe sur ce point qu'on a été content jusqu'ici dés régiments suisses, qu'on n'a aucun reproche à leur faire, ni sur leur civisme, ni sur leur fidélité à remplir leurs engagements, on sentira que l'on peut continuer d'avoir en eux la confiance qu'ils seront toujours empressés dé justifier.
« J'ai cru, Monsieur le Président, devoir vous faire part des observations de M. d'Affry, et vous prier de vouloir bien les mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale qui fixera dans sa sagesse les égards qui leur sont dus.
- « Signé; Narbonne. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guerre aux comités diplomatique et militaire réuniSk)-
2e Lettre de M. Amelot, commissaire du roi, près la caisse de l'extraordinaire, sur l'état de situation de cette caisse; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai eu l'honneur de vous écrire de la part du roi, le 24 octobre dernier, et de vous prier de mettre sous les yeux de l'Assembléé, un mémoire sur la situation de la caisse de l'extraordinaire, et sur la nécessité de procurer à cette caisse les moyens de pourvoir tant aux remboursements qu'aux dépenses particulières qu'elle, est tenue d'acquitter d'après les décrets de l'Assemblée : les comités delà caisse de l'extraordinaire et des assignats réunis, auxquels le mémoire avait été renvoyé, avaient cru devoir proposer à l'Assém-blée la mise en circulation ae 300 millions en sus des 1,300 millions qui existaient; mais l'Assemblée, par un décret, a simplement ordonné que la circulation serait portée à 1,400 millions, et à ajourné à huitaine le surplus du projet de décret. Près de six semaines se sont écoulées, et il n'a encore été pris aucune mesure pour faire
face aux diverses dépenses de la caisse de l'extraordinaire et de la Trésorerie nationale.
« Je ne répondrais pas à la confiance de la nation et du roi, si je ne prévenais l'Assemblée nationale qu'aucun des services de la Trésorerie nationale et de la caisse de l'extraordinaire ne pourrait être continué sans les mesures les plus promptes.
« Je vous prie, Monsieur le Président, de fixer l'attention ae l'Assemblée sur cet important objet.
Signé : ÂMELOÏ. » ?
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de la Trésorerie nationale.)
Je prends occasion de cette demande pour observer à l'Assemblée la nécessité d'ordonner promptemeht une nouvelle fabrication d'assignats. La grande question de la nouvelle émission étant subordonnée à celle de la suspension des remboursements des liquidations, il laut s'occuper sans délai de cette dernière question. Je demande qu'on la mette à l'ordre du jour et que l'on ne s oécupe en finances d'aucun plan, d'aucune émission, qu'elle n'ait été décidée.
et plusieurs autres membres demandent qu'on traite auparavant la question sur l'émission des petits assignats au-dessous de 5 livres.
(Après quelques débats, l'Assemblée accorde la priorité àla question proposée par M. Dorizy;)
Un de MM. les secrétaires donné lecture d'une lettre écrite au nom de Vassemblée électorale de Valenciennes et d'une adresse au roi par les électeurs du district de Valenciennes, pour le prier d'apposer sa sanction au décret sur les troubles religieux ; la lettre est ainsi conçue :
« Messieurs,
L'assemblée électorale de Valenciénnés m'a chargé de vous faire parvenir la copié. d'une adresse au roi, que nous venons d'envoyer â M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, en le priant de la mettre sous les yeux de Sa Majesté. Vous y verrez quels sont les sentiments et les principes qui animent les électeurs de Valenciennes sur les derniers décrets de l'Àsssemblée relatifs aux troubles religieux et aux machinations des prêtres séditieux et perturbateurs. Le corps électoral du district de Valenciennes espère, Monsieur le Président, que vous voudrez bien fairé agréer de l'Assemblée nationale cette démarche ae sà part, comme un hommage rendu à la confiance que nous inspiré....
Plusieurs membres.' L'ordre du jour!
Ce n'est pas une pétition, c'est une adresse; je demande qu'elle-soit lue.
(L'Assemblée décide que l'adresse sera lue.)
M. le secrétaire ; Voici l'adresse au roi :
« AU ROI.
« Sire,
« Les électeurs du district de Valenciennes, au département du Nord, légalement assemblés pour continuer la nomination aux cures vacantes dans le district, n'ont pas cru devoir se séparer sans témoigner à Votre Majesté leur vœu sur l'exécution des lois relatives à la discipline extérieure de l'église.
«Nous ne voyons, Sire, dans la constitution civile du clergé, que le retour aux maximes des premiers siècles du christianisme, le rétablissement
du culte catholique dans toute sa pureté, le rappel aux préceptes du divin législateur, la réforme aes abus et l'anéantissement des entreprises de la puissance sacerdotale sur les droits des peuples et sur l'autorité des rois.
« Il était plus que temps, Sire, de rappeler aux ministres de la religion cette vérité consacrée par l'Evangile, qu'en rendant à Dieu ce qui api partient à l)ieu, il faut aussi rendre à Gesar ce qui appartient a César.
; « Votre Majesté a témoigné le désir de connaître la disposition des esprits sur une matière aussi importante; nous venons, Sire, de renou-veler, à l'Unanimité, lé serment que nous avions déjà prêté de fidélité à la nation, à la loi. et à Votre Majesté, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution du royaume, décrétée par l'Assemblée nationale constituante, aux années 1789, 1790 et 1791, et nous avons aussi juré spécialement de maintenir la constitution civile du clergé.
« Permettez-nous de présenter à Votre Majesté, que pleins de confiance dans son amour pour le bonheur et la prospérité de la nation française, dans son attachement à la Constitution et dans son vif désir de maintenir la paix, la tranquillité intérieure et l'observation des lois qui sont l'unique source du bonheur public, nous mettons tout notre espoir dans l'exécution du décret que l'Assemblée nationale vient de porter pour réprimer les troubles occasionnés par les prêtres séditieux. Nous vous supplions, Sire, de vouloir bien le revêtir de votre sanction, et de lui donner le caractère et la force de loi de l'Etat.
« Jamais, Sire, il n'y eut de loi si nécessaire et si instante.
« Il n'est pas de moyens que n'aient employés les prêtres non assermentes pour allumer partout les torches du fanatisme. Nous voyons employer la flamme, le fer et le poison. Ils agitent les esprits faibles et les dévôts superstitieux; ils leur montrènt l'enfer prêt à s'entr'ouvrir pour engloutir et faire tomber dans l'abîme ceux qui he suivent pas leurs projets de révolte. Déjà plusieurs citoyens, ainsi égarés par ces manœuvres, se sont livrés au désespoir, et ont tranché eux-mêmes le fil de leurs jours. On emploie tantôt les caresses les plus perfides, tantôt les menaces, et jusqu'à des voies ae fait pour surprendre des signaturès par lesquelles on engage les personnes faibles à une ligue avec les factieux.
« Nous n'affligerons pas le cœur paternel de Votre Majesté par un récit détaillé des meurtres, des incendies et des autres attentats qui sont les suites déplorables de la conduite pernicieuse et pérverse des prêtres non assermentés. Ils sont d'autantplusrépréhensibles, que leurs démarches sont occultes et imperceptibles : ils ne tyrannisent que les consciences, toutes leurs menées sont nocturnes, et souvent c'est dans leur domicile et même dans l'asile des campagnards, et même au fond des cabanes qu'ils dressent des autels à la haine et à la méchanceté.
« Daignez, Sire, exaucer les vœux d'un peuple fidèle, ami de l'ordre, du bien public et de la paix intérieure. Les électeurs de 1 un des districts, le plus peuplé du royaume, vous en supplient au nom de la patrie en danger, et leur espoir est fondé sur l'amour que Votre Majesté porte à tous les Français.
« Signé : Les Électeurs de Valenciennes. »
Plusieurs membres ; Mention honorable au pro-cès-verbal!
D'autres membres : L'ordre du jour!
Un membre : Je demande l'envoi de l'adresse au directoire du département de Paris. (Rires et applaudissements.)
Un membre : L'adresse est faite au roi et non à l'Assemblée, je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture :
.1° D'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui transmet à l'Assemblée deux lettres du procureur général syndic du département de la Meurthe annonçant qu'on n'a pu encore opérer l'arrestation des trois personnes mises en état d'accusation par le décret du dimanche 4 de ce mois, qu'à l'égard du sieur Marc fils ; ces lettres sont ainsi conçues :
Lettre du ministre de Vintérieur.
« Monsieur le Président,
« Je reçois plusieurs pièces que m'envoie le
Srocureur général syndic du département de la
eurthe, relativement à l'exécution du décret d'accusation que l'Assemblée nationale a rendu contre les sieurs Malvoisin, Marc fils et Gauthier. Je vous prie de les mettre sous les yeux de l'Assemblée.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Cahier. »
Première lettre du procureur général syndic du département de la Meurthe.
« Monsieur,
«Le courrier, porteur du décret du 4 de ce mois, portant accusation contre les sieurs Malvoisin et autres, vient d'arriver.
« Le directoire du département, qui se trouvait assemblé alors a fait partir un ordre dé la gendarmerie nationale pour Toul, avec une copie certifiée de ce même décret, et une lettre à la municipalité de Toul, pour lui recommander les mesures les plus promptes et les plus sûres pour son exécution. Il en attend impatiemment le succès ; il ne manquera pas, Messieurs, de vous en rendre compte par le courrier prochain.
Deuxième lettre du procureur général syndic du département de la Meurthe.
« Monsièur,
.« Je reçois à l'instant, de la municipalité de* Toul la nouvelle que le sieur Marc fils a été arrêté ; mais que les sieurs Malvoisin et Gauthier ne se sont pas trouvés en cette ville. Le premier parce qu'il est à Joinville où il commande son corps; le deuxième, parce que sur- le bruit des soupçons qui existaient contre lui il avait quitté Toul deux jours auparavant.
« La municipalité mande qu'elle a à l'instant dépêché un courrier à Joinville, avec une copie certifiée de ce décret et un autre dans le lieu qu'elle a pensé que le sieur Gauthier avait choisi pour se retirer. Je ne sais pas encore d'autres détails. »
2° D'une lettre du procureur général syndic du département de Saône-et-Loire qui annonce que
été apporté dans ce département au répartement ae l'impôt, a pris des mesures actives pour s'acquitter de-cé devoir sacré. Il rend compte des causes qui ont retardé l'achèvement de ce travail.
fait lecture d'un extrait des registres de la municipalité de: Saint-Cur qui atteste que le curé de cette paroisse, M. Mailli, a demandé et reçu la bénédiction nuptiale ; que ses paroissiens ont assisté à cette cérémonie et ont reconduit leur curé et sa femme en criant : Vive la Constitution! vive l'Assemblée nationale! (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!
Gomme la loi n'a encore rien prononcé sur cet objet, je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de division, demande que 1 Assemblée ajourne à la séance de demain soir, le rapport ae l'affaire relative à la suspension de la municipalité de Toulon, prononcée par le directoire du département du Var.
(L'Assemblée décrète la motion) de M. Barris.)
Une députation de propriétaires de Saint-Domingue, résidant à Paris, est introduite à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi , (1) :
Messieurs, nos fortunes sont détruites, nos frères égorgés, le fer et la flamme ravagent nos établissements ; le commerce national, la fortune publique périssent avec nous.
Dépuis un mois, ce tableau déchirant est sous vos yeux; depuis un mois, cette enceinte retentit des cris funèbres des colons, des alarmés de toutes les villes maritimes, et c'est devant vous qu'on nous outrage, qu'on insulte à notre infortune, qu'on calomnie nos représentants, qui sont venus invoquer vos secours et vous demander justice de nos ennemis. Ces secours ont été suspendus pour entendre leurs récriminations et leurs plans désastreux; ces secours sont arrêtés par des manœuvres dont le scandale vient d'éclater à Brest : Ces secours se combinent enfin, pour achever la subversion de la colonie de Saint-Domingue.
Vous n'accorderez pas, Messieurs, aux calomniateurs, aux véritables criminels de lèse-patrie, ces heures précieuses que la pitié, comme l'intérêt public, sollicitent pour des Français expirant sous le fer des nègres révoltés.
M. Brissot vous a dénoncé, qui?.., La colonie tout entière, ses propriétaires, ses
représentants, ses administrateurs. Il vous a dit que nos députés trahissaient, qui ?...
leurs commettants... Leurs commettants sont ici et à Saint-Domingue, et tous sont réunis pour
ajouter à leur pouvoir, pour concourir à leur défense, pour poursuivre, avec eux, les ennemis
delà nation èt leurs complices. Qu'ils consomment notre ruine, ce dernier succès manquait à
leur audace ! Mais vous, Messieurs, voust les représentants du peuple, qui devez protéger son
industrie, son travail, sa subsistance, Vous ne voudrez pas le réduire, comme nous, au
désespoir. Vous né vous laisserez pas tromper, jusqu'au dernier moment, par des impostures
dont l'absurdité égale la perfidie.
Il est'absurde de croire que ceux qui se déclarent les ennemis des colons blancs, parce qu'ils ont des esclaves noirs, aient épousé la cause des gens de couleur qui ont aussi des esclaves, par d'autres raisons que celle de mettre aux prises les blancs et les .gens de couleur, de les faire égorger les uns.par les autres,fpour assurer ensuite la liberté des noirs, qui resteraient seuls maîtres du territoire : voila les projets bienfaisants de ces amis de l'humanité.
Il serait donc injuste et cruel d'accorder à de tels hommes quelque influence, sur le sort des colonies, et de recevoir d'eux, comme moyen de régime et de conservation, les expédients, qui les conduisent le plus promptement à leur but de destruction.
Mais ils sont aussi barbares qu'absurdes, lorsqu'ils veulent .vous persuader que les , colons blancs, qui ont tout a perdre par la ruine des colonies, se sont fait incendier, égorger, pour avoir le plaisir de se livrer aux Anglais-
Messieurs, ijs étaient Français et ne pouvaient cesser de l'être *. mais la Constitution du royaume n'est pas celle des colonies ; l'Assemblée constituante n'a pas voulu , nous y soumettre, elle a reconnu qu elle ne. le pouvait pas, et cet acte solennel est à jamais;la garantie.de^ nos,droits.
Que nos ennemis choisissent donc du rôle d'accusateurs, ou d'accusés ; mais qu'ils ne .violent pas notre^Constitutiotti en. discutant nos inté-rêts et les lois qui irious conviennent, eux qui ne nous ont encore présenté que des torches et des poignards.
Messieurs, nous vous demandons donc justice et secours : nous nous référons aux demandes motivées de nos députés, et aux,pétitions des différentes villes de commerce. .Nous- n'opposons à nos ennemis que l'indignation et le mépris : ils veulent immoler avec nous la moitié des Français ; mais qu'ils apprennent , qu'en f dépit ; dés complots, lés- colons conserveront à la France les colonies, ou périront avec elles.. (Applaudissements.) .
,, répondant à la députation. Messieurs,TAssejnblée nationale prendra vos demandes en considération. " Crôyez qu'elle protégera les droits et; les propriétés de tous les Français ; elle vous invite à assister à sa séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition àu comité colonial.)
^journaliste .dans les colonies^ est introduit a la barrerei s'exprimeainsi (1) : ''
Messieurs, arrêté).aU cap yjançais le 15 juillet dernier, par ordre du comité secret de
l'assemblée provinciale du Nord, jeté dans les cachots, dépouillé de mon état et .de ma
fortune, embarqué pour la France au miHéu des ténèbres de la nuit, je suis/air'ivéà Marseille
après une;très longue traversée,. C'est au moment où je m'approchais du sanctuaire de la
liberté, pour ,y dénoncer tous ,ceSi âctês^é tyranpie?..(jue!lçs commissaires de
jSaihtTDomingue opt osé. désigner en moi l'un de^pripcipaux auteurs des troubles qui désolent
çétte riche et malheùrèuse colonie.
Ces vérités vous conduiront à la véritable source des troubles, et : vous ; .indiqueront les moyens de la tarir.
Il existe à Saint-Domingue une coalition qui veut, ou la contré-révolution, ou l'indépendance sous l'égide d'une puissance étrangère. Par la contre-révolution, elle échapperait à la saisie réelle; par la protection d'unçs puissance;étrànT gère, elle n'échapperait pas à la'saisie réelle, mais, elle se dispenserait de payer les dettes énormes qu'elle a contractées envers la France.
Cette coalition est soutenue par , les ouvriers blancs,, qui détestent les hommes de couleur, et par les gens sans aveu qui vivent de isa honteuse magnificence- Elle a. fait éloigner des* assemblées primaires les^nonnêtes colons et les hommes de couleur libres- Elle a fait promener sur l'âne, et; pendre dans l'occasion, ceux qui s'avisaient ou de désapprouver, ses violences,, ou de présenter de simples pétitions pour réclamer l'exercice de leurs j.droits. Elle s'est emparée dé toutes les places dans les assemblées eoionialès, administratives et municipales, elle ,a renversé le goii-verneinent et les tribunaux, licencié les troupes, décrété l'indépendance^ emprisonné, juge, embarqué pour la Frahçejtjfôùlé çîux pieds le signe sacré de la Révolution, arboré la cocarde- noire, menacé, de pendre lesycommissaires;,du roi aux. vergues des navires qui les porteraient, ouvert, .intercepté les lettres, des honnêtes,,gens qu'elle opprimait, etjjeté la terreur dans toutes les âmes par l'appareil formidable de ses satellites.
Moi seul, Messies, fait pour annoncer la vérité^ moi seul j'ai; o§é la dire au milieu des poisons et sous le cpute^u des assassins. J'ai tonné contre les infracteurs des lois, dé la morale et de l'honneur ; j'ai soulevé le> voile impur de l'hypocrisie . nuancé des' .couleurs du . patriotisme ; j'ai montré à découvert et dans toute leur horreur ces crimes, qui, pour être d'une espèce différente, n'en découlaient pas ,m$ins de la même source, j'ai fait : trembler les méchants, et lès méchants n'ont pu ébranler ma fermeté, ma constance in-trépidQ à le^ fajre connaître. .
C'est moi qui, par, un journal , très répandu, arrêtais iles ^gmpîots. cès; gommes perdus,de detteii, qui. ont ouvert dans. là colonie l'abime aifreux.que vbus.bliprchez à combler. C'est moi qui avais prédit le décret d'indépendance de }a première assemblée coloniale, deux mois avant qu'il fût rendu, et qui-'a] publié ses plus sécrètes manœuvres, ,C'e?t nioï qui," par de sages conseils,, ai lqngtémps préservé les troupes dé ligne de l'ouest et au sud, des insinuations perfides des municipalités qui, dans ces. deux provinces, sont enfin parvenues^ à: détourner la force publique de la véritable destination pour la faire servir aux sinistrés .proj^ de la coalition dont elles font partie-;
; C'esfo m.oi qui aurais conservé à l'Amérique septentrionale un des héros de son indépendance, à l'armée française un de ses officiers les plus , braves,est .les .plus distingués, à l'Assemblée nationale un homme d'honneur qui,'lié par ses ser-
ments, était le plus sûr garant de l'exécution de ses décrets, si celui de mes journaux qui dénonçaient aux troupes les faux décrets en date du 17 décembre et l'horrible dessein de faire assassiner le colonel Mauduit au nom de l'assemblée constituante, n'eût été retenu à la poste du Port-au-Prince. C'est moi qui ai prouvé que les membres de la municipalité du Port-au-Prince étaient complices du meurtre. C'est moi qui ai fait aux bataillons d'Artois et de Normandie des adresses qui les auraient fait rentrer dans le devoir, sans la moindre secousse, sans le moindre danger pour les traîtres qui les avaient égarés, s'il n'eût été de leur intérêt de perpétuer l'erreur de ces soldats patriotes 1 ;
C'est moi qui, tantôt par de sages conseils, tantôt par des éloges mérités, ai maintenu le régiment du Cap dans la subordination.
C'est moi qui, soutenant les débris de l'organisation sociale dans la province du Nord, ranimais dans toute la cdlbnie l'espoir des propriétaires de toutes les couleurs que les brigandages et les violences de 15,000 gens sans aveu en-voyés 'de France par les 85, et autorisés par le silence des assemblées et des municipalités, jetaient dans l'alternative cruelle ou de se voir ruinés ou de se joindre aux factieux qui faisaient agir cette horde aveugle et barbare.
C'est moi qui ai conservé à la mère-patrie les colons honnêtes et tranquilles, les seuls dont l'attachement soit sincère, et dont le silence forcé ne saurait être coupable- Ils ne vous ont point envoyé des députés pour vous demander des troupes; ils n'ont à grossir ni moyens d'oppression, ni moyens de résistance à vos décrets. Les malneureux! ils n'ont point d'armée; ils ne sont forts que de leurs vertus ; ils attendent, dans les angoisses de la crainte et de la douleur, qu'une voix secourable dirige votre main bienfaisante vers la caverne affreuse où les rugissements de la trahison étouffent la voix plaintive de l'innocence et de la fidélité!
Je n'affligerai pas vos regards du tableau déchirant des cruautés dont j'ai été le témoin. C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient 'd'envoyer sur cette terre de désolation, des lioihmes justes, humains, éclairés ; qu'ils aillent y sonder les plaies des honnêtes1 colons blancs, des hommes de couleur libres persécutés; tantôt au nom de la nation et de la loi, tantôt au nom de la sûreté des propriétés mobilières, toujours par la mauvaise foi des débiteurs insolvables : qu'ils aillent sonder les plaies dé ces dignes1 colons! ils y trouveront lés dards envenimés d'une! coalition scélérate, qui s'offre à toutes les nations, et que toutes les nations rebutent avec méprit. À chaque pas, ils rencontreront des preuves de perfidie. Ils verront un gouvérneur qui n'ose seulement pas écrire la vérité, qui est obligé de communiquer aux assemblées ses /lettres et le livre où il les consigne ; ils trouveront des comités secrets, des commissaires préposéspouriintercepter les lettres, des caisses publiques vides, des registres de geôle qui les feront frémir; ils trouveront des commissaires de rade qui, depuis les premiers jours de la Révolution, visitent tous les navires, toutes les poches et saisissent des écrits qui n'apprendraient rien aux nègres esclaves, parce qu'ils ne savent pas lire; qui n'apprendraient rien aux hommes de 'couleur, parce qu'ils ont toujours connu leurs droits, ils découvriront bientôt que la seule vérité contenue dans le rapport de la députation de Saint-Domingue, est le désordre affreux dont elle vous a fait le tableau. Elle n'a
pas parlé de ces cris imprudents que j'ai moi-même entendus, et dont bien d'autres que moi furent indignés; elle n'a pas dit qu'à l'arrivée du décret du 15 mai, on faisait crier dans les villes et par les campagnes, que l'Assemblée nationale allait bientôt rendre aux nègres leur liberté, que tout retentissait de ce mensonge meurtrier, tandis que le décret du 15-mai ne regardait que les hommes de couleur libres. Mais il fallait rallier, en les alarmant sur leurs propriétés, tous ceux dont le cœur brûlait encore de l'amour de la patrie ; et les factieux, entièrement livrés à ce coupable calcul, ne songeaient pas qu'ils étaient parmi les esclaves.
Ceux à qui vous accorderez votre confiance, après avoir acquis les plus simples connaissances locales, seront bien assurés non seulement què la publication du décret du 15 mai n'a pu causer aucun trouble; mais encore que la justice et la saine politique ont dicté les dispositions de ce décret.
Lapremière assemblée coloniale aurait, l'année dernière, accordé aux hommes de couleur l'exercice de tous leurs droits, s'ils eussent pris les armes en sa faveur, lorsqu'elle leur fit écrire par MM. Guérin et Saintard. Il dépendait d'eux aussi d'accepter l'offre qu'on leur faisait des habitations des proscrits; mais ils ^refusèrent avec' in-dignation et ne voulurent pas acheter par des bassesses des avantages qu'ils tenaient delà nature.
Pourquoi n'aurait-on pas craint alors de détruire la subordination dans les ateliers, en effaçant la ligne de démarcation qui sépare les blancs des hommes de couleur ? G est qu'à cette époque, on était, comme aujourd'hui, pénétré de cette grande vérité, que les propriétaires de couleur, avilis de tous les temps et cependant toujours obéis de leurs esclaves, exerceraient sur eux une puissance morale bien plus active s'ils cessaient d'être avilis,, assassinés impunément sous leurs yeux, s'ils avaient enfin l'existence civile et politique des blancs.
Il est donc évident que le décret du 15 mai n'est què le prétexte des clameurs de la coalition qui règiie a Saint-Domingue et que la saisie réelle est l'objet réel de ses craintes. Entourée de forces'considérables, elle vous a demandé des secours pour repousser les nègres rebelles que les seuls nommes de couleur pouvaient réduire. Puisse-t-elle n'avoir pas égaré votre sensibilité paternelle ! Mais tout m'annonce que ceux qui osèrent lutter d'autorité avec l'Assemblée constituante, pourront bien oser lutter de force avec vous.
Cette prédiction paraîtra, sans doute, exagérée à ceux qui ne connaissent pas le cœur des mé-phants, à ceux qui n'ont jamais parcouru les détours dé ce labyrinthe effrayant où la vertu timide n'oserait pénétrer; mais d'après ce que j'ai'vu, je dois vous préparer à de nouveaux événements.
Au nom de la patrie, Messieurs , au nom de l'humanité, hâtez-vous d'envoyer à Saint-Domingue des hommes incorruptibles et fermes, avec des troupes sûres, et bien informés de leur destination, qu'ils y parlent au nom de la seconde législature française, , qu'ils disent aux honnêtes colons blancs, et aux hommes de couleur libres ; ' « Jusqu'à présent, vous avez été trompés, vôs droits ont été méprisés, vos espérances déçues ; nous venons vous arrâcher à l'oppression, terrasser le mensonge et faire régner la loi. » Aussitôt, ils les verront voler sur leurs traces ; aussitôt, le rétablissement de l'or-
dre et le triomphe de la Constitution seront assurés à Saint-Domingue. Ces hautes montagnes, qui ne répètent que des gémissements, retentiront du cri de la reconnaissance ; vous serez bénis dans le nouveau monde et vous pourrez vous dire à vous-mêmes : c'est à nous qu'il appartenait de montrer le courage de la vertu.
Quant à moi, Messieurs je laisse à votre justice le soin de fixer les indemnités qui me sont dues, et d'indiquer les hommes qui les doivent supporter. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
, L'Assemblée nationale applaudit à vos sentiments patriotiques. Elle approfondira les faits que vous venez de lui révéler et vous rendra la justice que vous avez droit d'en attendre avec confiance. Elles vous invite d'assister à sa séance. (Applaudissements.)
Je demande le renvoi de la péti" tion de M. Garderot au comité colonial. Je puis assurer, parce que je connais les ipœurs et lei jour demain.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Garde-rot au comité colonial.)
Je demande l'impression du discours de M. Garderot.
Un membre : Des déux.
Je demande l'impression du second discours, parce qu'il contient des éclaircissements et que l'autre n'est qu'un tissu de déclamations et d'injures pour l'Assemblée.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression !
(L Assemblée rejette la question:préalable.et décrète l'impression du discours de M. Garderot.),
Un membre : Je démande l'impression du discours des colons blancs.
Plusieurs membres : La question préalable !
C'est d'une partialité indécente. Quand deux plaideurs yo us présentent chacun des pièces, si vous n'acceptiez que celles d'une partie, vous auriez l'air de favoriser l'autre. Je demandé l'impression du discours des colons.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours des colons.)
, député suppléant du Puy-de-Dôme, est admis â prêter, son serment en remplacement de M. Téalier, décédé.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. L'imprimeur ne nous a pas fait encore distribuer le discours de il/. Brissot, quoique l'impression en ait été ordonnée depuis plus de huit jours (1). Je demande que les commissaires-inspecteurs surveillent sà conduite.
Je propose qu'il soit procédé à la nomination ae la commission chargée de l'inspection de la fabrique des assignats.
(L'Assemblée, consultée, décrète cette motion.),
Un membre : Les commissaires que vous avez nommés pour le& lettres de cachet se
sont pré-sentésjaux Arphives pour retirer les papiers de l'ancien comité dès lettres de
cachet. M. Camus les leur a refusés. Il a observé qu'il lés lui fallait et a demandé â être
entendu à la barre.
accorde la parole à un membre qui, dans la séance d'hier, avait demandé à donner des éclaircissements à l'Assemblée sur Vaffaire des 61 laboureurs détenus dans les prisons de Périgueux.
Un membre, député du département de la Dor-dogne: J'ai demandé hier à l'Assemblée de m'ac-corder quelques moments dont je n'abuserai point au sujet des 61 laboureurs détenus à Périgueux. Il s agit de mettre en activité la surveillance d'un ministre que vous regardez tous comme un bon citoyen, qui, dans cette affaire, j'aime à le croire, n a eu aucun tort personnel, et sous l'administration duquel, cependant, je vois l'exécution d'une loi sacrée complètement éludée. Jugez, Messieurs, si nous voulons faire notre devoir, jugez avec quelle attention nous devons surveiller les agents du pouvoir exécutif.
Voici, une lettre que je lui ai écrite :
« J'apprends, dans ce moment, que les 61 lar boureurs détenus dans les prisons de Périgueux ne jouissent point encore de la liberté. La France entière sera étonnée que, Sous le ministère d'un ami de la Constitution, il Se trouve de malheureuses victimes de l'inexécution de la loi. Vos agents vous ont dit que ces prisonniers étaient de mauvaiSî sujets; peut-être ont-ils ajouté des brigands. Rien n'est plus faux. Les 61 laboureurs, en refusant de payer une dette onéreuse et conventionnelle, ont été trompés sans doute; mais ils ne sont point de mauvais sujets. Ce sont pour la plupart ae bons citoyens qui valent mille fois mieux que ceux qui les accusent. Leur emprisonnement a été mit presque arbitrairement : ce n'est que six semaines après que leur affaire a été portée au tribunal de district, qui a ordonné: l'élargissement provisoire, à la charge de Se représenter en état d'arrestation; et sous quel prétexte ont-ils ordonné cet élargissement provisoire? c'est parce que ces 61 laboureurs avaient contracté, dans leur horrible prison, des maladies contagieuses. Je vois avec douleur que le mal qui est fait est difficile à réparer; C'est cependant en le réparant que vous pourrez, dans une place délicate, braver la calomnie, et vous maintenir dans l'estime publique. »
A ce sujet, M. le ministre de la justice vous a écrit une lèttre (1), datée du 5 décembre, contenant deux faits principaux :
Le premier, qu'il y a eu, dans le département de la Dordogne, des attroupements armés, des proclamations menaçantes contre le payement ae la dîme, des fermages et des rentes ci-devant, seigneuriales.
Ce premier fait, Messieurs, est relatif au fond de la question qu'il ne s'agit pas de
discuter ici. J'observerai seulement que le ministre de la justice a été induit en erreur par
les mémoires qui lui ont été envoyés sans doute, et qu'il est de toute fausseté que le refus
du payement eût pour objet les rentes ci-devant seigneuriales, il était question seulement
d'un prélèvement conventionnel entre le propriétaire et le colon; prélèvement très onéreux
qui est toujours le mêmedans les années de calamité qpmme dans les années d'abondance, et que
ie pauvre laboureur, qui en connaît l'injustice et qui imagine que la Révolution a tout
réparé, croyait ne plus devoir subsister; sans
Ces insolents contre=revolutionnaires, saisis-sant'avéc;avidité cet instant de faveur, fondirent,. sûr ces ^malheureux laboureurs, presque tous à leur; charité et travaillant .leurs têrres, ils les saisirent aux. cheveux pour la plupart, les jetèrent j^rterre, leur donnèrent des coups de plat de sabré1; ils1 firent traverser à plusieurs, liés et garottés', tout le département, voilà lès hommes qu'on a la hardiesse de faire figurer au ministère comme des hommes de bonne volonté.'-'
Je demande à l'opinant .dé conclure, afin que nous puissions passer à l'ordre du jour.
; Le-même membre : ; Le-sécond fait, Messieurs,» articulé dans la lettre du ministre, ,est que le tribunal, après, une; conférence tenue avec- le procureur; général„ syndic, convint d'admettre la aemande.en élargissement ides laboureurs ; que, le 25 septembre, il, n'en restait pas un seul dans les prisons,et. que la loi. du 15 septembre ne fut enregistrée; #ue, le 30. Il résulte de l'éhoncia-tion de ce fait que les laboureurs auraient été effectivement élargis avant ., l'enregistrement de la loi d'amnistie.; mais j'atteste que le fait est faux, et je le prouve parles jugements mêmes dont les expéditions, en très. bonne forme, sont entre mes mains, et que je remettrai sur le bureau ;,on y verra que, quoique les.commissaires du roi. aient affecté, de retarder l'enregistrement de la loi d'amnistie, ,ce n'est .cependant que quelques. jours après .cet enregistrement qu'ils avaient été. élargis, non pas en vertu de 1 amnistie, mais sur des demandes;en élargissement provisoire, qui, tenaient toujours ces citoyens sous la main de la justice. ;
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Le même membre : Voici le projet de ,décret que j'ai l'honneur de vous présenter :.
« L Assemblée nationale, après avoir entendu la pétition des soixante et un laboureurs de la Dor-aogne, accusés de délits relatifs à la Révolution, s'étant fait rendre compté dés jugements rèndus par lé tribûnal de •Périgueux sur lès accusations, décrète que lés pétitions et les jugements qui y sont joints, seront remis au comité dé législation, lequel autorisé à requérir du ministre de la justice comnmriication des autres pièces relatives à la même procédure, sera tenu dé faire son rapport sur le tout dans la séance de mardi prochain et préséntera un projet de décret, qui, en déterminant avec précision la nâture de l'affaire, fixera irrévocablement et sans équivoque l'application de la lbï• d'amnistie et l'abolition des procédures! et • dés jiigements interVenûs contre les soixante et un laboureurs pour faits rèlatifs à la Révolution. »....................... - -
(L'Assemblée renvoie ce projet de décret au comité de. législation:)
- Un de MM. les secrétairesdonne lecture d'une note de M. Baudoin, imprimeur de VAssemblée nationale, où il rend compte des causes qui ont retardé la distribution du discours de M. Brissot, dont l'impression a été ordonnée. M. Brissot n'en a remis qu'une partie le 1er décembre ; il a remis le reste feuille .par feuille, et la dernière n'a été remise à l'imprimerie que le 7. Les épreuves sont remises à M. Brissot pour les corriger,' et ;on les attend pour tirer l'ouvrage et en faire la distribution.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question relative aux remboursements des liquidations.
L'Assemblée paraît avoir assez généralement'reconnu qu'il fallait, avant de rien statuer définitivement sur les différentes mesures
3ue nous avons à prendre en finance, s'occuper e la liquidation et des mesures qu'il faut prendre en cetté partie. Voùs savez, Méssièùrs, que cette qùestion sur là liqûidation n'est qû'une question incidente au rapport qui vous a été fait par le comité de l'extraordinaire qui voùs demandait une émission de 300 millions, et sur laquelle vous avez décrété une émission de 100 millions. Je ne vois pas que l'Assemblée puisse discuter aujourd'hui à fond, et d'après les vrais principes en finance, la question de la liquidation.
Je crois cependant qu'il est une opinion formée dans l'Assemblée et qu'elle a rejeté, pour ainsi dire, la suspension des remboursements des liquidations, qui a été demandée, d'un côté par M. Glavière, pétitionnaire ; et d'un autre, par M. Brissot, député. Il est donc plutôt question aujourd'hui, Messieurs, de déterminer comment se feront les liquidations, quelle méthode on v apportera, et en adoptant une mesure sage, à cet égard, vous rentrerez dans les dispositions des décrets du corps constituant. Il y a ae grandes questions à examiner sur la modification de cette liquidation,.. Il est impossible de vous présenter un'projet de décret .digne du^Corps législatif. * Ce décret, exigeant. peut-être;quinzefpu vingt articles, ne peut être que l'ouvrage de vos comités, et .vous proposér une ifresuredéfinitive, sans âvopf mûri dans un comité, ce serait sans doute vous proposer un mauvais projet.
Cependant, Messieurs, vous connaissez le besoin de vos caisses, vous savez que le service pourrait être interrompu, vous avez donc des considérations puissantes à envisager, et je crois les avoir toutes rassemblées dans le projet dé décret que je vais vous soumettre ici.
« L Assemblée nationale, considérant , qu'il, est de la loyauté française de rejeter, tout projet de suspension daiis les remboursements de la dette exigible {Vifs applaudissements) :, mais ; qu'en même tenjps il est de son, devoir- -de jdéterminer, le mode et d'en prescrire les époques, qu'il est de sa sollicitude, pour le bonheur :publifi^tdè né pas porter l'émission des assignats a une somme supérieure à la valeur certaine dès domaines nationaux, qui en sont le gage ; mais que rien ne doit l'arrêter lorsque, d'un côté, ellé est assurée qu'elle est infiniment supérieure ; et que, d'un autre, elle doit pourvoir au service de ses caisses, décrète, ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera mis à la disposition de la caisse de
l'extraordinaire 100 millions d'assignats,-et à ce moyen, les assignats seront portés à
15,000 millions: « Art. 2. L'Assemblée nationale charge ses co-
mités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances: dé lui. présenter, lundi prochain, un projet de décret sur le mode et les époques du remboursement de la dette: exigible. » . Je demande que la discussion, s'ouvre sur cé projet de décret ou sur tout autre qu'un membre de l'Assemblée pourrait présenter.
Je demande l'ajournement même de la proposition de M. Dorizy. Des questions de cette importance ne doivent pas être traitées avant d'être éclairées par un rapport du comité.
, Je demande que l'Assemblée décide d'abord le principe que les remboursements ne seront pas suspendus ; la vente des biens nationaux en dépend. (Applaudissements;.)
. "Plusieurs membres appuient la motion de M. Roux-Fasillac.
Plusieurs membres : La discussion fermée ! . (L'Assemblée ferme la discussion;)
Demander un terme pour faire des payements n'est point suspendre ses payements ; il faut convenir de ce principe. Or, le salut public exige que je vous demande, au nom de la nation, de ne pas décrier vos assignats, et ce serait 'les décrier que d'en fabriquer une grande quantité.
Un membre : La discussion est fermée, il faut décréter sur-le-champ qu'il n'y aura point de suspension ^
Un de nos collègues possède un état de nos finances. Un pareil ouvrage ne peut que nous donner beaucoup dé lumière sur un objet aussi important ; j'en demande la lecture.
Je connais cet état; il ne donnera pas de nouveaux renseignements. Je demande que l'on aillé immédiatement aux voix sur lé projet de M. Dorizy.
(La discussion se prolonge pendant quelques minutes.)
D'après les observations qui viennent d'être présentées à. l'Assemblée, voici comment je propose de rédi'gér mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de la loyauté française de rejeter tout projet de suspension dans les remboursements de la dette exigible, mais qu'en même temps il est de son devoir d'en déterminer le mode ;
« Décrète que les remboursements de la dette exigible ne seront point suspendus, et ouvre la discussion uniquement sur le mode des remboursements. » (Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée adopte le projet de décret de M. Dorizy.) .
Messieurs, j'avais tout à l'heure demandé la parolé pour ; exposer que l'on ne pouvait pas s'arrêter à Hidéé de suspendre les remboursements de la dette exigible; qu'il s'agissait surtout de mettre de l'ordre dans les remboursements et de .melttre à .exécution le déri cret de l'Assemblée constituante qui déterminait que, lorsque^lésli liquidations excéderaient la sommé de 600 millions,: elles cesseraient d'être payées à bureau - ouvert, qu'elles seraient alors payées suivant un ordre. de: numéros, c'est-à-dire suivant l'état desisommes :qu.e .l?état des finances permettrait de, fixer : aux liquidations successives. L'Assemblée n'a pas ;eu nesoin de ces développements: Les vérités que je voulais lui ex-
poser,elle Tes a sèntiés et elle vient de décréter qu'il n'y aura pas de suspension, qu'il sera seulement question du mode suivant lequel s'effectueront, ces remboursements. Or, il est impossi-blè de déterminer le mode qui doit être suivi sans connaître lè montant des liquidations, sans connaître ,1a nature;des créances, le nombre des grandes et de's petites. Je prépare en ce moment un travail sur le mode de remboursements par numéros ; il n'est pas encore entièrement fini: mais je l'achèverai et je le présenterai à l'Assemblée. Il faut donc ajourner cette question jusqu'après le rapport que lè comité vous fera d'après; le mémoire qui lui a été envoyé par M. Dufresne-Saint-Léôn, directeur général de la liquidation. Ce mémoire donné de ; très" grands détails sur l'état dés liquidations. Nous pourrons alors nous former-line opinion sur le mode de remboursement, parce qu'une.opinion ne peut jamais s'établir que sur des faits.
Un membre demande la lecture du mémoire de M. Dufresne-Sàint-Léon.
Plusieurs membres : Non ! non ! L'impression !
(L'Asssemblée décrète l'impression èt la distri-bution du mémoire de M. Dufresne^Saint-Léon (t), puis charge ses comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances de lui présenter lundi prochain un projet de décret sur le mode des remboursements.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture :
1° D'une lettre et de plusieurs pièces envoyées par la municipalité des Cayes, île de Saint-Domingue.
\ .(L'Assemblée renvoie les pièces au comité colonial.)
.':-2° D'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, relative aux objets de la responsabilité du trésorier de la caisse de l'extraordinaire ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Au moment où je me préparais de vous prier de donner connaissance à TAssémbléénationale de l'objet d'une lettré que je venais de recevoir de M. le trésorierjde là Caisse de l'extraordinaire; lé décret qui, en ordonnant, la fabrication d'assignats de 10 et de;,25 livres," et aùi ajourne à trois jours la question de savoir s'il en sera fait au-dessous ae 5 livres, me fait une loi plus impérieuse de soumettre promptement à 1 Assemblée les observations de ce trésorier,* puisqu'elles peuvent déterminer les mesures .particulières pour "cètte nouvelle fabrication. Gommé çès observations'; exigeaient quelques développements qui 's'écarteraient des bornes 'd'une lettre, j'ai rédigé le mémoire ci-joint. Je vous prie, Monsieur le Président, d'ètf Monnér connaissance à l'Assemblée.
« Je suis avec respect, etc.
«" Signé, : âmelot. »
Dans le mémoire joint à cette lettre. M. Le-couteulx, trésorier de l^t Caisse
de-l'iextraordi-nâire demande à être déchargé de la responsabilité des opérations manuelles de
là fabrication des assignats, dont la surveillanc^lui.a .été attribuée par extension : à ses
fonctions, et à la condition de répondre des principaux; agents seulement. Il ne croit pas
qu'il soit, de- son
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité de l'extraordinaire des finances.)
Un membre : J'observe que le décret du 22 mai a ordonné que les marchés relatifs à la fabrication des assignats seront déposés aux Archives. Or, M. l'archiviste a imprimé dans sa notice sur le comité des assignats, que ces pièces n'y existaient pas. Je fais la motion que ces pièces soient rétablies par ceux qui en sont dépositaires et que le comité de l'extraordinaire des finances soit chargé de s'occuper de cet objet en même temps que du mémoire de M. Lecouteulx.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Jé demande que l'on s'occupe sur-le-champ du prÔjèt de décret sur le mode de Véchange des assignats entré les départements.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Isnard et décrète qu'elle entendra préliminairement la lecture des divers projets de décret relatifs à cet objet.)
, au nom du comité dès assignats et monnaies, soumet à nouveau à l'Assemblée un projet de décret sur le màdè d'échange des petits assignats (!)•; ce projet de décret est ainsi conçu :
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale,, après avoir entendu le rapport de son comité des assignats et monnaies, considérant qu'il est de sa sollicitude de retirer de la circulation des assignats de 2,000 à 500livres, et dé procurer à tous les citoyens les moyens les plus prompts de suppléer à la rareté du numéraire par l'échange ae 100 millions d'assignats de 5 livres dans lès départements et les districts, décrète qu'il y a urgence. '' .« L'Assemblée nationale, après avoirJdëcrété l'urgence, décrète ce qui suit i
« Art. 1er. Les 100 millions d'assignats de 5 livrëà;destinés,
par le décret du 1er novembre, à l'écharige des\ assignats dè plus forte somme, seront
répartis entre les 83 départements, d'après les nas'es de la Contribution foncière et
mobilière, suivant le tableau dé répartition qui en sera formé.
« Art. 2. La somme en assignats de 5 livres attribuée au service des caisses de l'extraordinaire et du Trésor public, sur les 100 millions destinés à l'échange, sera remplacée1 sur les 300 millions, dont la fabrication a été ordonnée.
« Art. 3. Le commissaire du roi, chargé de la caisse de l'extraordinaire, adressera à chacun des directoires de département, par la même ;voie et de la même manière que les fonds destinés aux traitements des fonctionnaires publics, la somme qui lui reviendra en assignats de 5 livres, conformément au tabléau qui lui sera remis.
« Art. 4. Les envois d'assignats dans les départements commenceront le 15 décembre prochain
et seront continués de 10 jours en! 10 jours, jusqu'à concurrence définitive ae 75 millions.
« Art. 6. Les directoires dé,district fixeront un certain nombre de jours par semaine destinés à l'échange des assignats de 5 livres ; ils feront connaître la somme qui devra être échangée chacun de ces jours pour un nombre déterminé de municipalités, qui en seront prévenues à, l'avance.
« Art. 1. Les citoyens, qui auront des assignats à échanger se rendront au directoire du district, munis d'un certificat de leurs officiers municipaux, qui constatera leurs domicile et profession; le directoire formera unè liste nominative de personnes et de valeurs d'assignats. Cette liste sera portée au recèveur, qui ne pourra faire d'autres échanges que ceux y énoncés.
« Art. 8. Tous les citoyens sans exception seront admis aux échanges. Les directoires auront égard aux cultivateurs qui justifieront avoir entrepris des travaux sur leurs possessions, ainsi qu'aux fabricants et' chefs d'ateliers en proportion du nombre dè leurs ouvriers.
« Art. 9. Les assignats de 51ivpes seront donnés en échange d'assignats de toute valeur.
« Art. 10. Les assignats de 50 livrés jusqu'à 300 livres réçus en échange, seront particulièrement employés à échanger ceux de 2,000, de 1,000 et de 500 livres, concurremment avec ceux de 5livres; mais il ne pourra en être donné de ces derniers que pour 300 livres au plus pour ceux de 2,000 livres, et en proportion pour les 8.utr6S.
« Art.il. Les assignats de 2,000, de 1,000 et de 500 livres reçus en échange, seront, à mesure de leur rentrée, et en présence des porteurs, marqués d'un timbre et annulés.
« Art. 12. La durée des échanges ne pourra être de plus d'un mois, à compter du jour de la réception du dernier envoi d'assignats de 5 livres. Dès lors tous les assignats restant chez le receveur, après l'épuisement total de ceux de h livres, seront annulés. ..
« Art. 13. Ne pourront les receveurs de district faire aucun échange d'assignats de 5 livres que sur l'ordre ou le visa des directoires de district, et les directoires de district ne viseront ou n'ordonneront des échanges que sur des listes nominatives de personnes et de valeurs.
« Art. 14. Les listes d'échange seront chaque dimanche affichées dans lès lieux accoutumés de la ville chef-lieu.
« Art. 15. Le comité d'assignats et monnaies présentera incessamment un projet sur la somme d'assignats de 5 livres qui devra être attribuée aux échanges particuliers des villes de Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Rouen, La Rochelle fet autres villes principales de commerce* indépendamment de leur part à la répartition des 100 millions.
« Art. 16. Les receveurs de district adresseront tous les 8 jours au trésorier de la caisse de l'extraordinaire les assignats annulés provenant de l'échange, lesquels, sous aucun prétexte, et à peine :de responsabilité de leur part, ne pourront être confondus avec ceux provenant du produit des biens nationaux.
i Art. 17. Les directoires de district feront
passer tous les 8 jours aux: directoires de départements, et ceux-ci au trésorier de la caisse de l'extraordinaire l'état des assignats annulés.
« Art. 18. Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire en rendra compte tous les 8 jours à l'Assemblée nationale/
« Art. 19. Lès assignats annulés provenant des échanges seront brûlés publiquement en présence des commissaires du comité des assignats et monnaies, de la même manière que ceux provenant du produit des biens nationaux. »
Plusieurs membres lisent successivement d'autres projets (1).
M. Cambon, au nom du comité de Vordinaire des finances, fait un rapport èt présente un projet de décret sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange 'des assignats dé cinq livres dans les districts (2) ; il l'exprime ainsi V'
Messieurs, vous renvoyâtes, hier soir, à votre comité de l'ordinaire des finances, une lettre des commissaires dè la Trésorerie nationale, qui vous faisaient part dès demandes les plus instantes d'assignats de Slivrès'quileur sont adressées par plusieurs départements ; ils vous remettaient en même temps un aperçu-dès sommes qu'ils doivent envoyer avant la fin du mois dans les départements, pour les frais de culte,' guerre, marine, ponts et chaussées et autres objets, qui se montent à 79 millions ; ils vous observent que la circonstance serait favorable pour procurer aux départements un m,0yên;'d'échange d'assignats de 5 livres qui %érâit exeriipt de frais, puisqu'il se concilierait avec le besoin des caisses.
Votre comité, a pensé qu'un objet de cette importance ne devait souflrir auc'un retard, puisque vous aviez ajourné à ce matin la question de l'établissement des caisses d'échange dans les départements, qui vous a été présentée par votre comité d'assignats et monnaies'. En conséquence il1 m'a chargé de vous présenter, ses vues. ^4
Il résulte du rapport qui vous a été fait par votre comité, qu'il y aura de fabriqués, le 31 'décembre courant, 85 millions en assignats de 5 livres, sur les' 100 millions dont la fabrication avait été ordonnée par le Corps constituant, et qui, d'après vos décrets, doivent être employés a l'échange des ! assignats de plus forte somme, actuellement en circulation.
Vous avez déjà ordonrié ^échange de 25 millions'^mI ne vous reste donc à disposer que de 60 millions sur les 85 millions qui seront prêts dans le mois.
Votre comité des assignats et monnaies vous propose d'en faire la répartition dans les départements, d'après les bases de la contribution foncière et mobilière, en chargeant les directoires de département de les diviser d'après les mêmes bases dans les caisses dés receveurs de district, qui ne pourront les échanger aux particuliers que d'après des formes sages et prudentes qu'il vous propose d'adopter.
Votre comité de l'ordinaire h'â' pas cru devoir examiner les bases qui vous ont été
proposées ; il s'est seulement occupé dé concilier rétablissement dés caisses d'échangé avec
les besoins journaliers du service public; car si vous décrétez l'envoi des 60 millions aux
départements
Le seul moyen, sans doute,de mettre fin à l'agiotage sur le papier, serait d'accélérer la fabrication des assignats ae petite valeur ; car il n'est soutenu que par la rareté, la répartition se faisant assez naturellement par la correspondance qui existe entre tous les départements ; .et si la disette se faisait sentir dans un endroit plus que dans un autre, les spéculations du commerce-y apporteraient bientôt l'abondance.
Votre comité des assignats a annoncé'que ;dans le mois de janvier prochain, il se fabriquerait 3,500,000 livres par jour, d'assignats de 5 livres : les mesures que vous avez décrétées à la séance d'hier, rendront les petites valeurs beaucoup plus abondantes : vous pourrez donc satisfaire, sous -peu, à toutes les demandes de petits assignats qui jvous seront faites. •
Mais en attendant, devez-vous abandonner tout projet d'échange dans les départements? Votre comité de l'ordinaire des finances a été bien éloigné de cette idée; il a seulement pensé qu'il convenait d'adopter une mesure provisoire, qui, s'accordant avec les circonstances^ pût remplir les besoins des caisses et celui des échanges.
Il résulte des états qui vous ont été adressés par les commissaires de la Trésorerie nationale, que les fonds à envoyer dans les, départements d'icrau premier janvier prochain, se montent à 79 millions. Vous n'aurez que 60 millions en assignats de 5 livres ; les besoins des caisses exigent qu'il leur en soit fourni pour les appoints : votre comité a cherché à vous présenter un projet qui conciliât tous les besoins, et qui accélérât l'établissement des caisses d'échange que vous désirez. ;
Il vous propose de décréter que les 60 millions d'assignats de 5 livres, qui seront fabriqués d'ici au 1er janvier prochain, seront remis à la Trésorerie i nationale, en échange d'assignats de plus forte somme, qui seront de suite annulés et brûlés.
II a pensé que ces 60 millions devaient être employés dans les envois que la caisse delà Trésorerie nationale doit faire d'ici au premier janvier prochain, dans les départements : en con- . séquence, il a cru que les fonds nécessaires pour les frais du culte, qui se montent à 33,140,920 livres, d'après les états qui vous ont été adressés, devaient être faits en assignats de 5 livres.
Cette mesure lui a paru se rapprocher de l'état de population du royaume, puisque le nombre et le traitement des ecclésiastiques se trouvent réglés d'après cette base.,
Il a pensé que le fonds nécessaire au payement des objets relatifs à la guerre devait être fait moitié en assignats de 5 livres, parce que ce service, qui n'offre pas la même égalité dans la répartition parmi les. départements, exige un fonds en numéraire effectif; cet objet exigerait une somme de 8,550,000 livres en assignats de 5 livres.
11 a pensé que les fonds affectés au service de la marine ne devaient être faits qu'un quart en assignats de 5 livreSj puisque l'emploi de ces fonds ne se fait que dans quelques départements du royaume : cette dépense remploierait .1,328,187 livres en assignats de 5 livres.
Le fonds à faire pour les dépenses relatives aux
ponts et chaussées, qui se montentà 1,180,813 livres devant être réparti surtous les départements du royaume, doit être fait, d'après votre comité, en assignats de 5 livrés.
Il existe plusieurs autres petites dépenses relatives aux enfants trouvés, hôpitaux et prisons, douanes nationales, etc., qui se montent à 4,400,000 livres ; ces objets, qu'on peut appelèr de bienfaisance, ou qui sont relatifs aux salaires de citoyens peu fortunés, doivent être; payes, d'après votre comité, en assignats de 5 livres.
Enfin, votre comité a pènsé qu'il convenait; de déterminer la quotité d'assignats de 5 livrés qui seront employés aux payements journaliers des caisses établies à Paris, afin d'éviter tout arbitraire de là part des payeurs ; cette fixation anéantirait l'agiotage que peuvent faire les caissiers, puisque fous les sréanciers pourront r&Ôlamer la somme d'assignats de 5 livres qui leur serait allouée par la loi. : ;
Eh conséquence, il vous propose de décréter que les payements relatifs aux rentes, pensions, intérêts, liste civile, etc., seront faits un huitième en assignats de 5 livres, et les sept hûi^ tièmes en assignats de plus forte somme; cette mesure exigerait un fonds de 2,267,263 livrés en assignats de 5 livres?
Votre comité ne s'est point dissimulé que ces bases de répartition n'olfrissent quelques inégalités; mais il doit vous observer qu'elles-offrent aussi une grande célérité dans les moyens d'exé-Cution, puisque les fonds qui seraient envoyés dans les départements serviraient pour faire face aux échanges et aux payements ; votre : comité vous proposant de n'écnânger les assignats de 5' livres que contre ceux de 50 à 300* livres; qui serviraient dé suite au payement des\dëpenses publiques.
Votre comité a pensé-qu'il convenait dé çoii-^ servér un fonds pour rectifier les erreurs quf pourraient résulter de cette répartition ; en conséquence, il vous propose de laisser un fbnds.de réserve de 5,032,817 livres en assignats de 5 livrés, qui sera réparti par les commissaires de la Trésorerie, sous la surveillance diicomité de l'ordinaire, d'après lés - demandes des départements. .
Enfin, votre comité vous propose de conserver la caisse d'échange établie a Paris, qui est régie par M. Délamarchej cet établissement offrant une ressourcé aux agriculteurs, fabricants et chefs d'ateliers du royaume, en leur imposant lès frais de voiture; cet objet exige un fonds de 3,600,0001i-vres en assignats de 5 livres.
D'ailleurs ces mesures, qui ne seraient que provisoires, et pour Cette fois seulement, né pré-judiCiéraient en rien celles que vous pourriez prendre dans la suite pour l'échange direct des petits assignats, dans les départements ; elles éviteraient les frais êt les risques d'un envoi d'assignats que les départements seraient obligés de faire repasser à Pétris, dès que les petits assignats leur seraient parvenus ; enfin elles éviteraient un double emploi de fonds, dans un moment où la fabrication du papier a été retardée, puisqu'en envoyant les assignats de 5 livres dans les caisses d'échange des départements, il faudrait faire, en outre, les fonds des dépenses ordinaires.
: Les bases qui vous sont indiquées ne serviraient que pour l'envoi des fonds dans les départements ; elles ne pourraient pas servir de prétexte aux créanciers et fonctionnaires salariés, pour réclamer leur entier payement en assignats
de 5 livres, puisque votre comité vous propose de décréter que les receveurs 'de district ne payeront qu'un huitième en assignats de 5 livres, et les sept huitièmes en assignats dé plus forte somme ; le fonds excédant devant être employé à l'échange des assignats de 50 jusqu'à 300 livres.
Votre comité a adopté i les mesures sages qui vous ont été proposées par votre comité d'assignat^ :,et monnaies pour l'établissement des caisses d'échange' dans les chefs-lieux : dés districts,-^ lés'moyens à employer pour prévenir tout monopole.
Elles se trouvent dans le projet de décret que je vais vous proposer qui est suivi du tableau de répartition des 60 millions en assignats de, 5 livres, pour les envois à faire dans les départements, d'après les bases que je vous ai indiquées.
Je dois vous observer en finissant qu'il est urgent de prendre un parti sur ces différents objets; car le mois de décembre s'écoulant, la Trésorerie nationale, serait bientôt exposée à retarder des dépenses urgentes, faute de savoir dans quelle proportion elle devrait y admettre des assignats : dé 5 livres ; en conséquence, je vais vous proposer un projet de décret d'urgence.
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, considérait qu'il est de son devoir dé procurer :â^pus^^itpYens les moyens les plus prompts de-suppléer à la rareté du numéraire, en facilitant l'échange dans les départements et districts, dés assignats de 5 livrés contre ceux de plus forte somméï èî de concilier cet échange avec le sérvice des caisses publiques, décrète qu'il est urgent de délibérer sur cet objet.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgencë, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le commissaire du roi auprès de la caisse de ;
l'extraordinaire, remettra à la Trésorerie nationale à fur et mesure de la fabrication, et
d'ici au 1er janvier prochàin, 60 millions en assignats de 5 livres en échange de ceux de
plus forte somme, qui seront brûlés et annulés.
« Art. 2. Les commissaires de la Trésorerie nationale emploieront les 60 millions d'assignats de 5 livres qui leur seront remis, dans les envois des fonds qu'ils doivent faire d'ici au Ier janvier prochain, aux départements, et aux payements et échanges journaliers de leur caisse, en se conformant à. l'état de répartition annexé au présent décret.
« Art. 3. Les assigna^ de 5 livres qui seront envoyés aux départements seront adressés aux directoires, qui fes enverront, d'après les. bases adoptées pour la répartition, annexées ,au présent décret, dans les caisses des • receveurs des districts de leur ressort, en en donnant avis au directoire du district. t j o
« Art; 4. Les receveurs de district emploieront les assignats de. 5 livres qui leur seront adressés par. le directoire de département : 1° au huitième au montant des sommes qu'ils auront à payer, sôit pour les frais du culte, ponts et chaussées, etc., et autres dépenses de leur caisse; 2° à l'échange des assignats depuis 50 jusqu'à 300 livres.
« Art. 5. Les assignats de 50 jusqu'à 300 livres qui proviendront de l'échange dés assignats de 5 livres serviront de fonds pour les objets que les receveurs de district sont chargés d'acquitter.
« Art. 6. Les citoyens qui auront des assignats
à échanger se rendront au directoire de district munis d'un certificat de leur municipalité-, qui ' constatera leur domicile et profession, et le nombre des ouvriers qu'il occupent.
« Art. 7. Tous les citoyens, sans exception, seront admis aux échanges ; mais les directoires de district auront cependant égard aux demandes formées par les cultivateurs qui justifieront ayoir entrepris des traVaux sur leurs possessions,.ainsi qu'à celles des fabricants, Chefs d'àtelier et armateurs, en proportion du nombre de leurs ouvriers.
| « Art. 8. Les directoi res de district remettront un bon aux citoyens qui seront admis à l'échange, lequel contiendra le nom de . la personne, le nombre et là valeur des assignats à lui remettre.
9 «Art. 9. Les receveurs de district, ne pourront remettre des assignats en échange1 qu'aux porteurs des .bons des' directoires, èt âpres les avoir fait acquitter.
« Art. 10. Les rece veurs de . district Viendront compte aux directoires de district, chaque mois, des échanges, qu'ils auront faits; ces comptes, avec lés1 pièces justificatives, seront envoyés par le procureur syndic, aux directoires dé département, après ^cependant que lés directoires lés auront vérifies et donné leur avis.
« Art. 11. Les payements qui se feront à la caisse de la trésorerie et aux caisses des payeurs à Paris seront composés d'un huitième en assignats dç 5 livres et lès sept huitièmes en assignats de plus forte somme. ; «Art. 12. 11 sera fourni 1 5Q,Ô0Ô livres par jour,.en assignats de 5 livres, à la caisse établie a Paris, pour lès échanges des agriculteurs, fabricants et chefs d'atelier du royaume,:lesquels échangés seront continués d'après l'ordre et le mode actuellement établis.
« Art. 13. Les départements qui se trouveront lésés d'après oies bases adoptées pour la répartition adresseront leurs demandes aux commissaires de la Trésorerie nationale., qui, d'après un avis motivé, pourront augmenter s la somme à envoyer aux départements, l'Assemblée nationale affectant la somme de.5;032;817 livres pour faire les fonds aux échanges qui seront ordonnés par lésdi.ts;;commissaires; de la Trésorerie,' sous la surveillance du comité de -l'ordinaire dés -finances.
«Art. 14. Les commissaires de la Trésorerie na-tionaléprésenteront chaque mois à l'Assemblée nationale. le tableau des assignats de 5 livres qu'ils auront employés, avec la note de leur emploi.; /
- « Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Plusieurs rHembres L'impression !.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet dé décrét de M. Cambon.) t
Plusieurs membres demandent la priorité pour lé projet de décret de M. Cambon et l'ajournement à mardi matin.
? D'autres membres : La question préalable sur la priorité !
D'autres membres .- L'ajournement de tous les projets dë décret à mardi matin !
(L'Assemblée fixe rajoprnèment sur tous les projets à mardi matin.)
Plusieurs membres réclament coritre cette décision. 1
M. le Président. Il s'élève du doute; on croit que l'ajournement préjuge la priorité.
Un grand nombre de membres f NonXûOn ** (La séance estlevéèà trois heures un quart.)
à la séance de l'assemblée nâtionàle législative du
Mémoire sur la liquidation, ses progrès, son état
actuel, ses engagements et ses besoins, rédigé par
Louis - César -Alexandre Dufresne - Saint-: léon, commissaire du roi, directeur général de - la Liquidation-'
Messieurs, la liquidation est étroitement liée au système adopté pour l'aliénation foncière des propriétés nationales ; et les rapports mutuels de çes deux, opérations sont si intimes, qu'elles! pa7 raissent n'en faire, qu'une,: et qu'elles ne peuvent marcher que de front.
. La nation, en se chargeant de subvenir par rimpôt;aux frais du culte, s'est remise en possession des domaines immenses dont la religion de, ses aïeux leur avait assigné les produits.
Pour parvenir à vendre utilement et prqnjpte-meht ces propriétés innombrablesVuu'uné àdmi-nistration;eQlîectiye: eût stérilisées,. il fallait qu'à Côté d'elles jl setçouvât en même temps dés ca-pitaux disponibles qui pussent les payer.
Un autre; o^)jet encore demandait de grandes ressources pécuniaires. î ; Lejgpuyei-nément de la nation française avait, depuis longtemps, dans ses études fiscale^ épuisé lés ressources de Cét esprit ingénieux ét fécond dont on l'a tant loué, et dont on aurait dû* le plaindre. Indépendamment de la dette publique, avouée ;et évidente, le territoire de l'Empire etait couvert, depuis la capitale jusque dans le bourg le plus reculé, de ^propriétés conventionnelles dont le gouvernement avait reçu et dissipé le prix, .et-idont les possesseurs étaient les agents exclusifs de toutes les fonctions publiques et du gouvernement même. ; Des titulaires ; d'offices étaient ainsi ..devenus propriétaires héréditaires du droit de ; çom mander i la justice}.de répartir et de percevôir les tributs, de commander dans les provinces, dë représenter le peuple dans,ses murs, d'en régir les intérêts, d administrer les domaines publics, de faire le commerce, d'exploiter Tipdustrie, et, jusqu'aux fonctions de secrétaires d'État, tout était le prix OU la représentation d'une somme d'argent que l'État paraissait avoir reçue : le peuple était encore obligé de payer l'intérêt de ces finances, et il gémissait ainsi à la fois sous le régime féo.dal, dans ses propriétés foncières ; et sous la féodalité des richesses, dans sa personne et dans l'exercice de toutes, ses . facultés partout, l'or avait tracé autour de lui le cercle de Popilius. _ La nation a brisé à la fois toutes ses barrières ; elle a secoué toutes ses. chaînes,, et s'est ressaisie de tous ses droits; mais juste, mais généreuse dans son. triomphe, elle s'est obligée d'indemniser et de rembourser les propriétaires des titres de son ancienne servitude.
Cet engagement entraînait une effrayante quantité de remboursements à faire. Quelle somme de capitaux ne fallait-il pas pour effectuer tous ces rachats, pour se promener ainsi, la bourse à la main, d'un bout ae l'Empire à l'autre, remboursant tous les droits, dédommageant de toutes les suppressions?
Il ne paraissait pas convenable que la nation, imitatrice de son ancien régime d'administration, prétendît s'acquitter avec des reconnaissances de sa dette : 1° parce que rembourser avec des contrats, ce n'est pas rembourser; 2° parce que ces reconnaissances ou contrats auraient produit des intérêts qu'il aurait fallu représenter par des impôts impolitiques, et peut-être impossibles à exiger dans ces circonstances ; 3° parce que ces reconnaissances ou contrats eussent été avilis au profit des agioteurs et au détriment des créanciers directs, et par leur af-fluence, et par le discrédit inséparable de la crise d'une grande Révolution; et, enfin, parce qu'il était également juste et important de ne pas ruiner et aliéner de la Révolution une quantité considérable de familles citoyennes, dont tous les moyens de vivre résidaient dans les offices et créances à liquider.
Propriétaire, d'un côté, de ses nouveaux domaines, débitrice, de l'autre, de la dette résultant de ses suppressions, la nation, en suivant les procédés habituels, eût vendu ses domaines et se fût libérée de sa dette nouvelle avec le produit de ses ventes.
Mais où trouver des capitaux libres de tout emploi antérieur, et suffisants pour payer les noue velles propriétés à vendre? Tous ceux qui existaient alors appartenaient à la circulation et au commerce qui. s'étaient déjà naturellement mesurés et combinés avec ces capitaux, qui en avaient besoin, qui ne pouvaient s'en dessaisir, qui même allaient en exiger davantage pour fournir au plus grand développement que leur promettait le régime de la bienfaisante liberté ; ainsi, cette grande aliénation et cette grande liquidation parurent impraticables, en suivant la marche ordinaire; et ce qu'on pouvait en attendre de moins défectueux, c'était de vendre lentement et à vil prix d'une part, c'était de rembourser lentement et de rembourser moins de l'autre.
On se trouva donc obligé de prendre une route directement contraire; on arrêta de créer une monnaie nouvelle pour rembourser, et pour multiplier à la fois les moyens d'acquérir, en gonflant ainsi les signes représentatifs en circulation, et ensuite de recevoir cette monnaie en paiement des acquisitions, et de l'anéantir à mesure delà rentrée du prix des ventes. Par cette marche inverse, par cette anticipation sur le déguerpisse-ment de ses propriétés au profit de ses créanciers, la nation bénéficiait encore de tous les intérêts moratoires qu'il aurait fallu payer, en suivant la route ordinaire de vendre avant de rembourser, et affranchissait le peuple des impôts représentatifs de ces intérêts.
Dans ee système, l'émission des assignats, leur emploi en acquisitions, leur extinction à mesure des rentrées et des paiements, devaient constamment se mesurer sur le nombre et la rapidité des liquidations.
Le défaut de perception des contributions publiques, destinées à fournir aux dépenses ordinaires et indispensables, a voulu qu'il en fût autrement. Ce déficit dans la perception de l'impôt est l'objet d'une grande douleur pour les bons citoyens; longtemps la chose publique en
sera compromise. L'émission des assignats n'est peut-être susceptible que d'un reproche : c'est d'avoir donné, au grand détriment de la fortune nationale, et à la charge de l'avenir, un moyen de suppléer à l'impôt avec trop de facilité. Mais, quoi ! Le danger existerait encore, si les représentants de la volonté èt des intérêts du peuple perdaient un seul instant dé vue, séparaient un seul moment de leurs méditations et de leurs devoirs, que c'est là le plus redoutable écueil que la Révolution et la liberté aient à craindre : puissent-ils observer que cette ressource qui a conduit leurs prédécesseurs jusqu'au terme de leurs travaux, peut se tarir avant qu'ils soient arrivés au bout de leur carrière, longue encore! que, peut-être, ces étrangers qui, naguères enfants dé Jia nation, en sont aujourd'hui les ennemis, dorment en apparence dans l'attente calculée de cette époque ! Il ne serait pas question aujourd'hui de manquer à la foi que le peuple a donnée hier, de jeter l'épouvante et le désespoir dans le cœur de ses créanciers, d'employer en simples frais d'administration ce qui resté du fonds même de ses propriétés publiques, sans la nécessité où se sera trouvée, à la fin de cette année, la caisse des assignats, de suppléer dans le Trésor public un déficit de 700 millions sur les contributions qui lui étaient nécessaires et dues.
Je vais maintenant entrer dans quelques détails sur l'état actuel de la liquidation et de ses besoins futurs, en suivant, pour rendre compte des matières; la division qui en a été adoptée par l'Assemblée nationale, lors de la formation des bureaux de mon établissement; et je me permettrai ensuite, en usant des droits de simple citoyen, quelques observations sur la liquidation considérée dans son ensemble et dans ses rapports avéc les autres parties de l'administration publique.
Arriéré des départements.
Les objets compris sous cette dénomination sont, en général, ceux qui auraient été acquittés par les départements et par le Trésor public, s'ils eussent, à toutes les époques, reçu des fonds suffisants pour satisfaire à toutes leurs dépenses jusqu'au 31 décembre 1790, et s'il n'y avait jamais eu de suspension de paiement.
La première classe des réclamants est composée de salariés, d'entrepreneurs, constructeurs, marchands, fournisseurs ; tous ont compté sur la rentrée de leur créance, et elle ne leur produit pas d'intérêts.
Viennent ensuite les indemnités résultant des baux ou traités résiliés par l'Assemblée nationale , les créances non encore liquidées et jugées : les intéressés ont dû compter sur la rentrée plus ou moins prompte de ces créances, et la plupart ne leur produisent pas d'intérêts.
La troisième, classé comprend les remboursements exigibleSj ou à époque convenue, sur le prix des acquisitions de maisons, terres et terrains, ci-devant faites au nom de l'Etat, et pour la plupart ou démolies, ou revendues comme domaines nationaux, les remboursements sur les emprunts faits en pays étrangers, et ce qui reste à rembourser des anticipations : ces objets, en général, produisent des intérêts.
Les liquidations sur l'arriéré qui ont été faites et qui sont décrétées, s'élèvent à la somme de 170.235,583 liv. 5 s. 8 d. : sur cette somme il y a 58 millions de livres d'anticipations rembour-
sées, 32 millions délivrés pour le -payement des gages des tribunaux et offices pour l'année 1789 et 1790 ; le reste est sur l'arriéré des départements de la guerre, de la marine, de la maison du roi et des finances; mais tout ce qui est liquidé n'est pas payé. Je n'ai aujourd'hui, 10 no-
acquittees pi dinaire, en comprenant l'arriéré des gages des tribunaux liquidé et décrété, que pour la somme de 135,251,585 liv. 9 s.
Reste sur l'arriéré, en objets liquidés, décrétés et exigibles, 34,983,997 liv. 16 s.7? d.
Je n'ai aucune connaissance des motifs qui peuvènt empêcher les parties intéressées dans cette somme de venir me demander leurs reconnaissances de liquidation, pour aller toucher à la caisse de l'extraordinaire. Ces retards peuvent provenir de ce qu'il y a des oppositions de la part de leurs créanciers, des décès, des directions et autres obstacles. Plusieurs réclamants sont émigrants, et par conséquent dans l'impossibilité de toucher. J'expédie successivement et journellement les affaires liquidées et décrétées, dont les parties se présentent en règle, sans pouvoir en présumer ni en calculer d'avance le montant. Cette observation est également applicable à toutes les autres natures de créances liquidées et décrétées : j'y ajouterai qu'il arrive souvent qu'on vient me demander de suspendre et de ne pas rapporter la liquidation d'offices ou autres créances dont les titres m'ont été produits, et qu'on me demande même de retirér ces titres. Je crois me devoir refuser à ce vœu, dont je soupçonne que l'émigration, ou l'espérance d'un changement dans les affaires, est le motif : et dès que les titres m'ont été produits, je les liquide et rapporte à leur tour, quel que soit le vœu du propriétaire, afin de faire cesser, par la liquidation, les intérêts que leur dépôt produit à la charge de l'Etat. C'est pour la même raison que je ne rends point non plus les titres des créances et réclamations qui ont été rejetées par décrets, sur le rapport du comité de liquidation ; elles montent à plus de 35 millions, et il serait à désirer qu'à cet égard on écartât toutes les réclamations renouvelées, que font,-et. ne manqueront pas de faire, comme ils- le faisaient sous l'ancien régime, à chaque changement de ministre, ces prétendus créanciers évincés et jugés.
Ce qui reste à liquider sur l'arriéré, y compris les créanciers des bâtiments, ne me paraît pas devoir s'élever au delà de 40 millions. Je n'ai reçu aucun état général de l'arriéré d'aucun département, il en est tel d'entre eux, comme celui de la marine et des colonies, qui serait lui-même dans l'impossibilité de donner un aperçu de sa propre dette.
Un décret rendu dans les dernières séances de l'Assemblée constituante a renvoyé à la liquidation, pour être liquidé comme arriéré, et acquitté par la caisse de l'extraordinaire, tout ce qui reste de non acquitté par le Trésor public sur les dépenses de l'année 1790. Jusqu'à ce décret, l'arriéré que j'étais chargé de liquider se terminait aux dépenses dues au 31 décembre 1789. M. de Montesquiou, dans son excellent et véridique mémoire sûr les finances, qu'il a publié récemment, évalue cette' dépense à 20 millions : cela posé, il resterait d'arriéré à liquider pour 60 millions de livres.
Liquidation des offices.
Ce bureau comprend la liquidation de tous les offices de magistrature, de judicature, police, eaux et forêts, monnaies, amirautés, municipalités, offices ministériels, notaires, et généralement de tous les offices supprimés par l'effet des décrets qui révoquent la vénalité, autres toutefois que les offices militaires ét de finance, dont je parlerai ci-après, i
Il y a aujourd'hui 12,000 offices de liquidés et décrétés, indépendamment de 1,500 offices dont j'ai mis la liquidation en état d'être décrétée depuis la clôture de l'Assemblée nationale constituante.
Ces 12,000 offices liquidés et décrétés montent à................ 318,836,249 1. 5 s. 4 d.
Sur quoi il y a d'expédié et remboursé pour
la somme de......m.. 265,043,053 1. 4 s. 7 d.
A quoi il faut ajouter d'expédié en coupures et reconnaissances à charge d'opposition et susceptibles, aux termes des décrets, d'être employés en payement de
domaines nationaux... 300,645 1. 1 S. 9 d.
Total. .......... 265,343,698 1. 6 s. 4 d.
Reste à payer sur les offices liquidés et décrétés 53,492,550 1. 19 s.
J'estime que la liquidation des offices entraînera au total une dépense de 800 millions; peut-être ce calcul est-il exagéré, mais je pense qu'ici l'exagération sera moins coupable que ne le serait la réticence. Il m'est impossible d'asseoir ce calcul sur des bases fixes, puisque la quotité des remboursements dépend, en grande partie, et notamment pour l'indemnité des offices ministériels, de contrats et transactions entre particuliers qui peuvent n'être connus qu'à mesure de leur production.
Cette somme est beaucoup plus considérable que celle à laquelle on avait, dans l'origine, évalué ces remboursements : cette différence résulte de ce que plusieurs natures d'office, tels que ceux des amirautés et des provinces de Flandre, Hainaut et Artois, n'avaient pas été évaluées, et n'avaient pas pour cette raison été comprises dans les tables d'évaluation ; de ce que plusieurs offices, aux termes des décrets, sont remboursables à raison des contrats d'acquisition, et non à raison des évaluations ; de la bienfaisance avec laquelle on a accordé à tous les titulaires la restitution des droits de marc d'or et frais de provisions qu'ils ont payés ? et enfin de la générosité avec laquelle on a rectifié l'évaluation et accordé des indemnités à la classe innombrable dès officiers ministériels.
L'intérêt du capital à rembourser aux officiers leur est accordé par les décrets, à compter du jour où ils ont produit leurs titres complets dans mes bureaux ; et jusqu'à présent, il leur a été payé à 5 0/0, sans aucune retenue, par la caisse ae l'extraordinaire.
- J'avais invité le comité central de liquidation de solliciter un décret qui fixât une époque prochaine, passé laquelle il ne serait plus accordé d'intérêts à mesure des productions de titres ; et une époque suivante, passé laquelle il ne se-
rait plus admis de productions nouvelles. Depuis les décrets de suppression, les parties intéressées ont eu plus que le temps nécessaire pour rassembler et produire leurs titres ; celles qui ne l'ont pas fait ne pourraient en imputer le dommage qu'au refus de leur part d'obéir à la loi.
Ce décret qui ne serait pas injuste, aurait eh outre l'avantage, s'il était appliqué à toutes les parties de la liquidation (l'arriéré de la marine et les réclamations sujettes aux vérifications des départements excepté) de me mettre à portée de faire prochainement un rélevé plus exact qu'un aperçu de ce à qiioi pourra monter la liquidation.
Les propriétaires d'officfes supprimés ont j le droit de me demander dés reconnaissances provisoires, susceptibles d'être admises en payement de domaines nationaux, jusqu'à concurrence de la moitié de la finance présumée de. leurs offices non encore liquidés. Ce n'est.pas.sans scrupule que j'ai obéi à la loi à cet égard, .parce; que j'ai toujours considéré cette opération comme une création d'assignats, qui, bien qu'ordonnée par la loi et rendue publique ,tbus les mois dans les comptes de la caisse de l'extraordinaire, n'est pas aussi immédiatement sotis les yeiix du peuple.
J'ai expédié de reconnaissances provisoires proprement.dites surles offices, pour 14,996,7771.
3 s. 10 d. On liquide encore les taxations attribuées aux finances ,secondaires exigées des officiers à différentes époques, et d'autres rentes produisant à leurs propriétaires plus que le denier Vingt. Ces remboursements montent aujourd'hui en capitaux à 195,444 1. 13 s., 10 d.
- On liquide aussi dans le même bureau les dettes des mêmes compagnies supprimées. Aux termes des décrets, toutes les dettes passives des compagnies, à qiii on voulait ôter tout prétexte de se rassembler, et tout intérêt de corporation, ont été mises à la charge de la nation, sauf pour quelques-unes, et dans certains cas, une déduction proportionnelle sur ,-les finances ; en revanche^ toutes leurs créances actives ont été adjugées à la nation. La balance, n'est pas égale : ces compagnies étaient en général! plus débitrices qué créancières; la différence en plus à la charge de la nation ne s'élèvera pas à 500,000 livres d'intérêts; sur cette somme, il y aura très peu de chose à rembourser, et une grande partie de l'excédent, sera couverte par les déductions et compensations faites sur les finances des officiers lors de leur liquidation.
Les dettes passives : de-toutes les compagnies de judicature, liquidées jusqu'à présent, montent à 21,836,331 1. 10 s. - 1 m
Leurs créances actives ne montent qu'à 16,246,6491. 11 s. 8 d. ri
Plusieurs de ces capitaux ne produisent que
4 et 3 0/0 d'intérêts ; mais plusieurs de ces rentes sont aussi à 5 0/0 sans retenue. J'en ai arrêté l'expédition, jusqu'après le décret qui a déjà été proposé et lu deux fois à l'Assemblée nationale.
Il faut observer, d'ailleurs, que le travail des dettes est fait sur les compagnies les plus susceptibles d'en avoir contracté, et je ne pense pas que le capital de cette différence soit doublé parles liquidations qui restent à faire.
La liquidation des offices va très vite, et j'oserais assurer qu'elle sera terminée dans moins de 18 mois, si rien ne l'arrête, et lorsque le comité aura pris une marche qui laisse moins d'intervalle entre mon tratail et les décrets de liquidation qui les consomment.
S'il était jugé nécessaire d'adopter des mesures suspensives relativement à la liquidation des offices et qu'il fût jugé convenable de faire un choix, je devrais peut-être observer que les officiers ministériels et, en général, les offices possédés par la classé la moins aisée des citoyens sont ceux dont les titulaires me paraissent, par ma correspondance, avoir le plus acheté de domaines nationaux, sur. la foi de la liquidation qui leur est promise par la loi.
Offices militaires, et de finance; brevets de retenue et charges de la maison du roi..
: Un troisième bureau est destiné à liquider les brevets de retenue de toute nature, les offices de finance, les" charges et emplois militaires, les fonds d'avance et cautionnements des grandes compagnies de finance et dé leurs employés, telles que la régie et la ferme générale, l'administration dès domaines, la loterie royale, la régie dés poudres, et enfin les charges de la maison du roi, aux termes "du décret sur la liste civile, du 6 mai 1791, lorsque le mode en aura été définitivement arrêté par l'Assemblée.
Les charges et offices militaires et de finance et les brevets dé retenue que j'ai liquidés individuellement montent à.........'......... 38,627/458 1. 18 s. 4 d.
Dans cette'somme, les charges des Commissaires des guerres forment .un objet de 13,845,253 livres; les brevets de retenue des secrétaires d'Etat, un objet de 1,700,000 livres ; ceux des gouverneurs de province, un objet de 2,901,250 livres; ceux des magistrats, un objet de. 790,0001. Il avait été affecté à cet article de remboursement un fonds de 3 millions par mois, que l'on est bien loin d'avoir employé ; le reste concerne des offices militaires et des offices de finance, dont les cbmptes ont été rendus et l jugés, ainsi que cela est justifié par les quitus joints aux pièces.
Il y a d'expédié en reconnaissances dé- . finitives acquittées parla caisse ae l'extraordinaire. ....... 26,786,893 18 »
Reste à payer.. 11,840,565-lv » s. 4 d.
Plus, il a été délivré en reconnaissances provisoires pour :652,105 liv. il s.
Je n'estime pas.à plus de 4 millions les offices militaires et.brevets ;de retehue restant à li-? quider; une partie dé^cette somme ne serarem-boursable qu à des époques plùs ou moins éloignées, les brevets de retenue des officiers en
activité n'étant remboursables que lors.de leur démission, décès ou changement de grade, A l'égard des offices de finance, tels que receveurs généraux et particuliers des finances, gardes du Trésor royal et autres trésoriers généraux, il, en reste environ pour 56 millions à liquider mais cette liquidation ne pourra avoir lieu qu'après que leur comptabilité aura été jugée et apurée ; et il y a lieu de penser qu'alors il y aura de grandes .compensations à faire au profit de la nation entre leurs débets et leur finance?
A la première, somme des remboursements ci-dessus, il convient d'ajouter le montant des remboursements que se font à eux-mêmes les anciens administrateurs des postes, sur, le. produit de leur régie actuelle. Quoique cette liquidation; ne se fasse pas par - mon ministère,, j'ai demandé des. renseignements à cet égard au directeur actuel des postes, dans l'intention de compléter le plus possible l'état actuel de la liquidation, mais ]e n'en ai pas reçu de réponse.
Par son décret des 21 et 22 juillet, sanctionné le 1er août,
l'Assemblée nationale a décrété le remboursement, par, neuvième et seizième, de mois en
iriois, des fonds d'avance et cautionnements dés. compagnies de finance et de leurs employés.
Ceux dé' l'administration dés'!domaines
montent a......?...
Ceux des régisseurs généraux, à
33,600,000 1. 32,400,000 68 j640,000
» ' S? '» d.
iuciauAi a,.........
Céux dès fermiers généraux à?. ?? | ? g.
tés cautionnements des employés de la ferme,....: 27,141,900 r>;
Lès cautionhemènts'des employés de 4a régie.. v SKP 3,301,100 ^V
Les cautionnements des employés des messageries. |:r.,;?/.. ;! ' ; 217,752. 5 Les administrateurs , de la loterie royale de France et de la régie -dés poudres n'ont point produit leurs titres, ci. •. • • • • • • H ' Mémoire (1). ;
Total............ 165,300,752 l:n5, s.' ggti?
Sur cette somme il y a de remboursé aujour^ d'hui, 10'novembre, savoir : îo - Al'administration ui s ! : des domaines... . . :? U] 5,878,331 1. » s. » d. A la régie générale. 7,479,300 ff®l| U)'v " Aux fermiers généraux . fi • 2,751,562n.!5ii¥i^: g |
Aux employés de la ferme .............. 612,400. ' i » H
A ceux de la régie. 231,000 % » - : » ;; Plus, sur les fonds
A reporter.. 16,952,593 îï » s? » d.
Report... no 16,952,593 1. » ,si » d. de la ferme, de. ,1a , régie et de l'administration." des' domaines;1 én * reconnaissances | définitives, qui n'ont pas été'' I remboursables par la caisse de l'extraordinaire mais qui ont été applicables en payement de domaines nationaux, et qui sont, aussi à déduire sur les" remboursements réels
qui restent à faire., 4,528,215 » »..
Total,;;?;.,...?.
Reste à rembourser sur les, .cautionnements et fonds d'avance de ces compagnies; de finance et de leurs employés...
21,480,808 1. »» s. .»»;.d.
143,819,944 1. 5 s. ». d.
; Cet objet^peut entraîner une dépense d'environ 10 millions pair mois : la plupart des fonds des intéresses dans les compagnies de finance, ne leur appartenaient pas, mais à léurs créanciers, qui sont extrêmement nombreux.
A l'égard des cautionnements des employés, le remboursement est exigible de leur part, aussitôt qu'ils se sont mis en.règle.
Les Charges ^e'là maison duroi. de la reine et des "princes: Sont estimées par M: de Montes-quiou, dans sôn mémoire sûr les finances; mohr ter à 52 millions de livres ; mais il observe que cette' somme®est- le maximum dès demandés, et que les' conditions prescrites au remboursement en modérèrpnt la quotité? .
Sur cette sommé, lès. charges des maisons des priiîcès montent "à '17 millions, ét j'ajouterai à l'observation dé M.: de Montéâquiou, que, par un décret récent, de l'Assemblée constituante, et postériéurè à son mémoire,' il a été, sur Un rapport du ^comité dé'liquidation, dans la vuë aé décharger la nation • du remboursement de Ces chargés,' à raison de leur casualité, assigné aux officiers de .ces maisons, un ;ïraitement viager égal aux gages5 certains dôht ils jduissaiènt ; lé payement de cés traitements viagers a été affectédu roi pour l'entretien dé leur maison? Aû moyen de ces traite1 ménts viagers, la nation 'est déchargée du reni-f boursement de ces offices viagers, et en déduisant 17 millions sur les ' 52 millions ci-dessus, reste pour lès; offices^iiôri viagerà de la màisôn 'du roi et de la reine 35 millions, mais il m'a été communiqué un plan d'opération qui pourrait réduire cet article à 20 ou 25 millions.1
Dette du clergé, créances sur les corps , et communautés ecclésiastiques, et dettes dés pays ] d'Etats.
La dette comprenant les, emprunts ci-devant faits par le clergé én; corps, montait,; lorsque la nation l'a adoptée, à 132 m illions jdé capital,; sur cette somme, il faut déduire le.capitaines rentes constituées individuellement au profit de corps ou.communautés ecclésiastiques,.et qui se trouvent éteintes au profit de la nation, qui est aux droits de ces corporations,. sien
Reste, suivant le calcul de M. de Montesquiou.............. 85,000,000 1. » s. » d.
Le clergé était dans l'usage de faire des remboursements annuels sur ses emprunts. Quoique cette dette soit à rente constituée, et qu'aucun des créanciers n'eut individuellement le droit d'exiger son remboursement, la nation a affecté 10 millions par an à des remboursements en leur faveur ; aux termes du décret, les 10 millions qui étaient destinés à cet usage pour cette année, étaient applicables à rembourser en partieles rentes à 4 f/z 0/0 del785,et,les rentes à50/0 crééesparles emprunts du clergé des années 1780 et 1782. Les remboursements effectués sur ce fonds de 10 millions, montent à.......... 6,630,876 1. 13 s. 4 d.
Reste à rembourser..........................3,369,123 » 6 » 8 »
Il ne reste plus de rentes à 4 1/2 0/0 à rembourser cette année; les propriétaires des rentes à 5 0/0 paraissent ne vouloir pas profiter de la faveur au remboursement, et préfèrent d'en être déchus aux termes du décret du 21 janvier 1791.
Quant aux dettes sur les communautés religieuses, et autres corps du clergé, et aux offices ae receveurs des décimes, il n'en a été liquidé jusqu'à présent que pour la somme capitale de.........:....... 1,934,102 1. 17 s. 10 d.
Sur cette somme il y a de payé..... 413,868 » 12 » 4 ,»
Reste..
...... 1,520,234 1. 5 s, 6 d.
Mais il faut observer que moitié de cette dernière somme n'est pas exigible, mais composée de capitaux de rentes, pour lesquels il s'agit de délivrer des contrats nouveaux ; ci à payer 700,000 livres.
En effet, la dette à liquider sur les communautés religieuses et corps particuliers du clergé, est de deux natures : celle composée de créances exigibles, pour fournitures, constructions et prêts à époque fixe, et celle dont les capitaux sont aliénés à rentes, ou remboursables à des époques successives et éloignées. ,. Il m'est impossible de donner des renseignements d'aucun poids sur les sommes auxquelles pourront s'élever ces dettes, parce que la liquidation ,èn est soumise à des opérations et vérifi-: cations préliminaires de la part des corps administratifs, qui ont retardé la production des titres dans mes bureaux ; mais je ne pense pas que la dette exigible, qui reste à liquider, puisse s'élever à plus de 5 millions, payables par la caisse de l'extraordinaire ; et voici sur quoi je me fonde : les bordereaux des sommes que les directoires des départements sont autorisés à faire payer aux créanciers pour les arrérages échus de rentes de l'année 1790, et des années antérieures, et pour acompte sur les créances exigibles des ouvriers et fournisseurs, montent, suivant les états de ces payements adressés au ministre des impositions publiques, et qu'il m'a communiqués, à 1,405,390 livres.
Mais ces états ne portent point d'acompte sur les créances exigibles par billets ou par obligations à échéances, et c est en les y ajoutant par aperçu, que j'estime à 5 millions au plus l'objet de cette liquidation.
Les propriétaires de rentes sur le clergé qui acquièrent des domaines nationaux, sont autorises par les décrets à les payer, en donnant quittance de remboursement du capital de leurs rentes, mais seulement à raison du denier vingt
du produit pour celles à 4 0/0. Peu se sont présentés pour faire cette opération qui atténue les capitaux d'un cinquième, et je n'ai expédié de reconnaissances définitives de liquidation de cette nature, que pour la somme de 1,172,272 1. 5 s., sur laquelle la nation a profité environ du quart ae cette somme, ou du cinquième des capitaux originaires.
Quant à la dette des pays d'Etats, les créanciers ayant été autorisés par le décret du 21 septembre à continuer de toucher leur revenu pendant cette année, comme par le passé, et mes opérations ne devant commencer à partir que du 1er janviér prochain, je n'ai point encore tous les états qui pourraient en fixer le montant, et je ne puis que m'en rapporter au rapport fait par M. Garesché à l'Assemblée nationale, dans lequel cette dette est évaluée, en capitaux, à 160millions; mais il ne paraît pas que sur cette somme il y ait rien de remboursable à époque fixe.
Pensions.
Un autre bureau est occupé de l'examen et de la reconstitution des pensions. Cette partie ne présente dé susceptible a" rembourser par la caisse de l'extraordinaire, que l'objet des dé-: Comptes anciens.
Lorsque, sous le ministère de M. Neckér, en 1779, il fut ordonné que toutes les pensions ci-devant accordées et acquittées dans les différents départements, seraient réunies et payéês seulement par le Trésor public, le Trésor ne fut chargé d'acquitter que les années courantes et à échoir, à partir du 1er janvier 1779 : quant aux années arriérées, et qui se trouvaient dues aux pensionnaires, on les énonça dans les nouveaux brevets de pensions, et on promit de payer ces décomptes comme un soulagement juste au fond, et propre d'ailleurs à donner plus de facilité aux pensionnaires pour attendre la décision dé léur sort. Il y' en a de payés pour 5,958,07,0 livres.il a, dè plus, été expédié de reconnaissances définitives de liquidation pour décomptes applicables en paie-, ment de domaines nationaux, pour 59,996 liv. 14 s. Ce qui reste à payer ne me paraît pas, d'après^ les pièces qui me sont produites, devoir s'élever à un million.
En 1766, il était dû aussi plusieurs années de pensions aux pensionnaires, principalement du département de la guerre et de la marine : on n'avait pas de quoi les acquitter ; on les additionna, et on ordonna que les intérêts à six pour cent de la somme à laquelle ils montaient, seraient payés à titre d'accroissement viager au profit des pensionnaires. L'Assemblée nationale, en supprimant les pensions, a conservé ces intérêts viagers, comme représentant une créance ; j'en expédie des contrats de rentes viagères, payables par les payeurs des rentes sur l'Etat. 310 parties de rentes viagères de cette nature sont liquidées et expédiées, et ne montent qu'à 56,779 liv. 12 s. 9 d. : je ne pense pas qu'il en reste à se présentier pour une somme deux fois plus considérable.
Le travail des pensions est extrêmement long, parce qu'il faut recommencer la justification dès services allégués par les pensionnaires ; ces justifications sont difficiles et lentes à réunir (1).
Depuis l'établissement du bureau qui en est chargé sous ma direction, j'ai examiné et rapporté les pensions des pensionnaires nés en 1716, 1717, 1718,1719, 1720, 1721 et 1722 : indépendamment de quelques objets particuliers, comme les vainqueurs de la Bastille, et autres. Les pensions de 1723 et 1724 sont prêtes et remises au comité. Un décret récent de l'Assemblée .constituante m'a renvoyé la liquidation des pensions ou gratifications une fois payées, à accorder, d'après les bases déterminées par ce décret, aux employés ci-devant attachés à la ferme générale, à l'administration des domaines, à la régie, aux intendances, aux administrations des pays d'Etats et des régimes particuliers d'impôts. On ne m'a point accordé en même temps de fonds, ni de commis, ni d'emplacement en raison de cet accroissement immense de travail. J'ai cependant formé un commencement d'établissement pour cet objet; j'ai loué un bureau où il y a quelques commis choisis, mais trop peu nombreux. Tout sollicite, et bien vivement, un accroissement au bureau des pensions; la justice, l'humanité, l'économie : la justice, qui veut accorder dès aujourd'hui ce qui est juste aujourd'hui ; l'humanité qui est blessée de voir reculer, en pure perte pour tout le monde, la décision du sort des pensionnaires. Je dis en pure perte pour tout le monde, parce que les pensions vérifiées et rétablies courent toujours du 1er janvier 1790. L'économie, parce qu'en attendant la vérification de leurs pensions, tous les ci-devant pensionnaires (les émigrants exceptés) reçoivent un provisoire qui peut s'élever à. 2,400 livres pour ceux âgés de plus de 50 ans. Or, parmi les ci-devant pensionnaires qui touchent ainsi un provisoire, il y en a une très grande quantité à qui il reviendra moins, ou à qui il ne reviendra rien, par le travail définitif qui se fera sur leurs pensions, lorsqu'on sera arrivé à leur âge. J'estime qu'il en coûte ainsi, annuellement, à la nation plus de 6 millions de secours provisoires, dont elle serait dispensée par un travail plus hâtif sur les pensions. J'évalue à 36,000 livres l'augmentation de dépense nécessaire pour cette économie, et pour hâter cette partie ae liquidation dans une proportion plus conforme aux principes de justice et d'humanité.
Je m'occupe à rédiger un mémoire très détaillé sur les décrets de supplément, dont le travail a successivement démontré la nécessité pour compléter la loi du mois d'août 1790, et son exécution.
La liquidation des pensions est une opération si importante, si multipliée dans ses détails, et
si pressante, que ce serait peut-être une mesure très sage que l'établissement d'un commissaire du roi qui ne fût chargé que de cette nature de liquidation.
liquidation des affaires féodales et domaniales.
On liquide dans ce bureau les finances d'engagement des greffes domaniaux ;
Celles des divers droits féodaux supprimés, mais qui avaient été originairement aliénés par le domaine à titre d'engagement ;
Celles de tous les domaines corporels, et droits domaniaux ci-devant engagés, dont la réunion au domaine national a été ou sera décrétée;
Les indemnités qui peuvent être dues aux échangistes ;
Et enfin, les droits ci-devant féodaux et fourriers, et autres charges dont pouvaient être grevés les domaines nationaux vendus francs et libres. •
Il n'y a point de partie de liquidation qui exige un travail plus soigné, et la réunion d'un plus grand nombre de connaissances. Le comité central de liquidation n'examinait aucun rapport de cette nature, sans la présence de membres du comité des domaines, et je ne présente moi-même aucun rapport, sans avoir demandé et sans y joindre un avis écrit des administrateurs des domaines. J'estime, par aperçu, cet objet à 50 millions.
On liquide aussi dans ce bureau les dîmes inféodées ; mais les formalités prescrites par les décrets et instruction /de l'Assemblée nationale, la nature de cette propriété,' les procédés, trop peu sévères encore peut-être, à remplir par les directoires de département, et par les municipalités, pour l'évaluation des dîmes inféodées, apportent, dans ce genre dé liquidation, des retards qui rendent difficile d'en prévoir l'issue, et impossible d'en évaluer le montant, attendu la petite quantité de titres complets qui me sont produits. ; ...... .r ,
Je les ai évalués, par aperçu, à 80 millions, d'après les renseignements que des conférences m'ont donnés sur la quotité des dîmes inféodées dans divers départements.
II n'a été liquidé de parties domaniales et féodales, que pour 3,479,577 1. 18 s. 8d. sur quoi il a été délivré de reconnaissances de liquidation acquitables à la caisse de l'extraordinaire, pour................ 2,139075 1. 14 s. 10 d.
Plus, des reconnaissances définitives qui, grevées d'oppositions, n'ont été susceptibles que d'être employées en payement de domaines nationaux, pour la somme de... 111,752 12- 10
Reste à payer sur les liquidations de cette nature faites et décrétées........... 1,228,449 12 »
Il a, été en outre dé-""-livré de reconnaissances provisoires sur des dîmes inféodées, pour être, aux termes des décrets,employées en payement dé domaines .nationaux,
pour..............1,387,747 1. 15 s,-
Ce bureau aurait, ^évidemment besoin d'une, augmentation déi liquidateurs, surtout si l'Assemblée nationale législative donne suite au décret portant réunion, revente et liquidation de tous les domaines ci-devant engagés ; opération qui pourrait produire,.sur la revente définitive, un bénéfice de 200 millions. ™
Jurandes et mal trises.
La liquidation de cette nature de créance est excessivement ;minuMeuse/et multipliée .dans-ses détails. Les intéreMés/M sont yivement plaipts, dans i les . commencements.) de çé qu'ils étaient tenus de payer actuellement leurs patentes et contributions: patriotiques,,tandis que leur liquidation, assujettie à des rapports et ,â d'autres formalités, ne leur présentait leur remboursement qu'en perspective.. J'ai pris le parti, pour venir, a leur secpurs,et avec \ le .^consentement du comité central de liquidation/aè leur-délivrer,; ;dans une formé concertée avec l'Administration, des certificats de la retenue du montant de,ce qu'ils doivent, qui sera faite sur leur liquidation; > ces certificats, servent à j les acquitter, pàr une sorte de compensation anïicipég,; j'ai;, proposé la même facilité aux départen^ënts, et j'ai, à .cet effet, adressé une* lettre circulaire, avec une instruction. et des, modèles ,à tous les directoires, mais ils n'en ojat pas usé. ./-.
Le comité des impositions de l'Assemblée nationale constituant?, qui a proposé les ; décrets relatifs aux droits de patentes et, à la suppression des jurandes, avait évalue \ les ^ remboursements à 30 millions,/ y compris les offices d'agents de change et de perruquiers. II y. a, aujourd'hui 10 novembre, près, de 8,000 maîtrises et jurandes liquidées,. indépendamment des 4,500 .qui" sont en rapport au comité. Ces 8$00.maîtrises montent à 7,987,235 1. 11 s.' 3 d, /
; Sur, quoi,jl a.été délivré , de reconnaissarices défi-, nitivés...rV.. . ." f.'.ï. /.. 6,537,619 14 :• ; 6 ;
Reste à acquitter sur ., / ' ;
les parties.liquidées..... , 1,449,615 1. 16s. 9 d-
Et à liquider, si l'évaliiatio^ dû !comité pas èxageréé:"cè'que^ je1 sô'ùpçbhnë, environ.....:................;22,000,000
. La. suspension , de . cette nature de. liquidation et de remboursement est une. de celles. ;qui;rçn-contreraient le plus d'obstacles y «parce;, qu'elle, intéresse la partie du peuple, actif la plus .nombreuse, et la moins fortunée : c'est pa.r . cette, frai-son que, par un décret proposé par le . comité de liquidation le 30.septembre1i?AssemMée(Cpnsf; tituante m'a ordonné, ce que. |'ai fait* de/*continuer i cette; liquidation sur . ma responsabilité, pendant l'intérvallë dé l'activité des .deiî.x .comités. J'en ai liquidé 1,000.4e ç,ett'e maxiji.^re, et depuis, 1,500 maîtrises qui sont, en rappprt.au comité.
On ne voit pas, d'ailleurs,, quelles natures de valeurs on pourrait substituer au numéraire pour rembourser des créances dé 50, 100/ 150-1ou,200 livres, le payement d'intérêts' d'âUssi petits Capitaux jetterait l'Etat dans une dépende dè comptabilité, et les parties elles-m'êHiés dans ufté dé-pense de production de titrés èf.quittàrtces' qui absorberait leur recette, ';•■,
L'actif de ces communautés appartiènt à l'Etat, et il est chargé de leurs dettes ; mais les rensei-
gnements sur cet objet ..doivent, être recueillis par les municipalités, et ne sont pas encore assez complets pour présenter même un aperçu.
A l'égard de la liquidation des dettes des corporations supprimées en 1776 dont je suis, aussi chargé de continuer l'achèvement, il en reste à liquider .1000 parties, tellement atténuées que l'ensemble rie s élèvera pas à plus de 25,000 livres en rentes perpétuelles, à plus de 2,480 livres en rentes .viagère^ et à 50,000 livrés .en créances exigibles. Cette liquidation est en mouvement dans mes bureaux; mais elle, ne peut s'opérer que lentement, par, la difficulté de justifier des emplois;et d'établir, les qualités des créanciers. Plusieurs parties sont pretep., mais le: comité central: de liquidation n'avait pas eu le loisir d'en examiner les rapports.
J'ai; résumé;ies;.détails dans, lesquels, je viens d'entrer sur . l'état actuel de la liquidation, dans un tableau; que je.?joins .ici.
On yiovoit que ies liquidations laites et décrétées par des. décrets généraux ou particuliers,
montent à..,,.;..... 723,787,743 1. 16 s. 11 d.
/ Que sur; cette .som-me il a été acquitté/ soitenreçonnaissan-, c.es; ..définitives, paya-1 : bleii| àyla caisse dé .•-. l'extraordinaire, soit en reconnaissances i j. définitives., 'accepta-., blés en payefnents^de;
domainés,.natiQHaux. , 472,083,262iyî .l5 ] » ;
. Que partant il reste, m à acquitter. . /..... 251,704,481/1.?
1 S; 11 d.
; Pour se former une Idée,des.sortîmes nécessaires pour achever la liquidation, .suivant les engagements à la charge i de la nation, résultant des décrets .actuels, il faut, d'abord tirer hors ligne la; somme restant, à acquitter sur les liquidations faites, et dont, sauf l'exception des fonds d'avance des grandes compagnies de finance, qui,.montent à 110 millions de livres, et ne sont exigibles que. dans une période de 9 et 16 mois, le payement peut être réclamé d'un jour à l'autre.,,.....,.„,.,..„ .251,704,481 1. 1 s. 11 d.
A cette somme... il faut ajouter par.û . évaluation, lé 71 montant des liquidations .qui | restent :/à f ai re à ; suivant les errements que je viens , d)expliquQrj'/^dër / :
duçkipn ; 'faife / de / ce qui est liquidé, t
Arriéré des dépàr*, tements., /
Y compris, l'an-,
.Offices,... :Officès militaires, .et brevets '; dé tetértué ......
. Lés, /charges comptables de fi-
60,000,(000>1.. » s/ ». d. 480', 000-, 000 ,.
4,000,000 ; »> . >
A reporter..795V704V48M. 1 s. 11 d.
Report... 795,704,4811. 1 s. 11 d. nance, montent à 57 millions, mais on ne court aucun risque en évaluant à7 millions environ les compensations qui seront à faire avec les débets des comptables ; reste à............... 50*000,000 »
Offices de la maison du roi, d'après les moyens de réduction qui peuvent être proposés.........fi 25,000,000 »
Dette constituée
du clergé....... 78,369,123
Dette exigible sur les corps et communautés ecclésiastiques..... 5,000,000 » »
Décomptes de
pensions...........1,000,000 » V-
Dîmes inféodées................80,000,000
Objets domaniaux et féodaux. 46,600,000 » »
Jurandes et maîtrises. .......... 22,000,000 »
Total de la somme à fournir pour achever la liquidation résultant des suppressions et autres opérations de l'Assemblée nationale, dont je suis actuellement chargé : un milliard, cent trois millions six cent soixante-treize mille six cent quatre livres un sol onze deniers :
ci.............. 1,103,673,'604 1. 1 s. 11 d.
Sur cette somme il faut déduire le montant des reconnaissances provisoires que j'ai expédiées, et qui sont susceptibles d'être employées, et peut-être déjà employées en acquisitions de domaines nationaux, et sont d'autant à défalquer sur les payements effectifs, lorsque le tour de la liquidation définitive des objets qu'elles
Report... 1,103,673,604 1. 1 s. 11 d. concernent, sera arrivé: elles montent à.......... 17,036,630 10 5
Reste des fonds nécessaires pour achever la liquidation des objets
ci-dessus........ 1,086,636,903 1. 11 s. 6 d.
A reporter... 1,103,673,604 1. 1 s. 11 d. 1"
Sur cette somme on peut déduire au moins les 86,636,903 1. 11 s. 5 d., qui, probablement, seront acquittés par la caisse de l'extraordinaire, sur ce qui reste à émettre des 1,800 millions d'assignats dont la création a été décrétée.
Ainsi, en se reportant à l'époque où ces dix-huit cents millions d'assignats seront absorbés, la continuation de la liquidation et des remboursements qui en sont la suite, présentera encore un besoin d'un milliard. .
Les domaines nationaux sont-ils d'une valeur évidemment reconnue, qui puisse permettre deux milliards huit cents millions d assignats hypothéqués sur le produit de leur vente ? M. dé Montesquiou les évalue, en y ajoutant le bénéfice de la vente des anciens domaines de la Couronne, et de la revente de ceux qui sont engagés, à 3,100,090,982 livres.
] Ce serait déjà 300 millions de marge propre à rassurer sur les besoins que le Trésor public pourra éprouver encore avant que la répartition et la collecte de l'impôt soient en pleine activité ; mais la nation peut, d'ailleurs, donner plus d'un milliard de latitude à cette hypothèque dans la vente des bois taillis que M. de Montesquiou estime 300 millions ; et enfin, dans les forêts nationales, dont l'état dë leur dilapidation actuelle sollicite de confier la garde et la conservation à l'intérêt particulier, surveillé par de sages lois forestières.
La suspension des liquidations entraîne avec-elle la solution de plusieurs questions dignes de l'examen le plus réfléchi.
Si on suspend la liquidation et le remboursement des créanciers de l'Etat, on ne peut se dispenser du moins de liquider le capital de leurs créances, et d'en payer l'intérêt.
On ne pourra se dispenser, par suite, d'ajouter la somme de ces intérêts à la masse de la dette publique, et d'augmenter les impositions dans la même proportion ; car on se tromperait étrangement, si parce que la valeur des domaines nationaux est censée représenter, et bien au delà, le capital dés liquidations qui restent à faire, on supputait que le revenu de ces mêmes domaines sera égal a l'intérêt qu'il faudra payer pour raison de ces liquidations suspendues. L'intérêt moratoire alloué par les décrets aux liquidations qui attendent, est de 5 0/0, et on né peut guère présumer que le revenu de ces domaines produisît 2 1/20/0 de leur capital évalué, défalcation faite des frais de régie et d'entretien et même de l'impôt qu'ils payeraient entre les mains des propriétaires individuels.
On ne peut douter qu'en suspendant les liquidations, on ne provoque la folle enchère des acquisitions très multipliées de domaines nationaux, qui ont été faites sur la foi des remboursements attendus.
On ne peut douter de même que les domaines nationaux qui restent à vendre, ne le soient à un prix bien moins favorable, alors que la circula-
tion, au lieu de recevoir une somme d'assignats toujours à peu prés égale, jusqu'à ce que tous les domaines nationaux soient adjugés, verra au contraire les signes représentatifs diminuer tous les jours par l'acquittement des annuités et termes échus sur les acquisitions déjà faites; car enfin, après la suspension des liquidations et remboursements, ou l'on ne créera plus du tout d'assignats, ou l'on n'en créera qu'à mesure et en proportion des besoins du Trésor public, dont il est permis, sans doute, de prévoir le terme ; et dans ces deux hypothèses, on dérogera à l'intention primitive des assignats, qui était précisément de gonfler la circulation de ces signes représentatifs, dans une proportion qui élevât la valeur numériqne des domaines nationaux qui se présentaient pour les absorber.
Toutes les liquidations qui restent à faire n'ont pas un titre également impérieux à leur rem«-boursement : il en est, telles que les rentes sur le clergé, les droits domaniaux, les dîmes inféodées, qui ne produisaient à leurs propriétaires qu'un revenu fixe, et dont le capital n'était pour eux ni espéré ni attendu ; mais on ne pourrait pas objecter la même raison à tous les, fournisseurs et autres créanciers de l'arriéré, aux officiers supprimés, et principalement aux officiers ministériels, aux différents employés des fermes et régies qui se trouvent privés des places pour raison desquelles on avait autrefois exigé d'eux
le versement au Trésor public d'un cautionnement effectif. Sans doute, on peut prendre des longueurs pour faire les remboursements ; mais il en coûtera des intérêts, et on ira contre le but de provoquer les ventes des domaines par des émissions d'assignats rapides et simultanées. On peut faire un triage et mettre des restrictions, mais un tel choix sera toujours délicat et difficile.
Tel est l'état actuel, tels sont les besoins pré-sumables de la liquidation générale ; opération qui ne consiste pas, comme celles qui portaient son nom sous l'ancien régime, à déguiser de nouveaux emprunts ou de nouvelles créations d'offices, mais dont le but est d'exécuter en détail la révolution dans les rapports des fortunes individuelles avec l'établissement social, d'effacer les traces de l'ancienne vénalité et de l'ancienne féodalité sous laquelle gémissait la France;* dont l'effet est d'acquitter les paroles données au nom du peuple par ses représentants, delibérer les propriétés de chacun, hypothéquées par le fait à la dette publique, avec les propriétés communes et disponibles, et dont ennn 1 utilité accessoire est de provoquer et de faciliter la vente de ces domaines nationaux.
Signé : Dufresne-Saint-LÉON, commissaire du roi, directeur général de la liquidation.
Tableau.
DIRECTION GENERALE DE LA LIQUIDATION.
RÉSUMÉ des opérations faites et consommées dans les bureaux de la liquidation, depuis son établissement jusque et compris le 10 novembre.
SAVOIR
NATURE DES OBJETS.
LIQUIDÉS
par
DÉCRETS PARTICULIERS
Offices de judicature.......................................................................
Reconnaissances définitives délivrées à charge d'oppositions applicables en payement de domaines
nationaux.
Plus coupures délivrées, aussi applicables en payement des domàines nationaux...............
Taxations liquidées ....................;.....................................................
Arriéré des départements...................................................................
Plus remboursement des anticipations.......................................................
Montant des états, des gages de finance et de judicature pour 1789 et 1790......................
Brevets de retenue, charges de finances et militaires.........................................
Reconnaissances provisoires.................................................................
Remboursements aux anciens administrateurs des domaines................................*....
— — régisseurs généraux.............................................
Fonds d'avance sur les fermiers généraux...................................................
Cautionnement des employés de la ferme......................................................
— — de la régie.......,................................................
— des anciens fermiers des messageries..........................................
Reconnaissances définitives, applicables au payement de domaines nationaux....................
Non compris, quoique décrétés, les fonds d'avance des administrateurs de la loterie de France, ceux de la régie des poudres ; non plus que le cautionnement de quelques employés des anciennes messageries, qui n'ont point présenté leurs états ni leurs titres. Ces objets réunis peuvent former par aperçu une somme de................... 7,000,000 livres
1. s. d. 318,836,249 5 "4
195,444 13 10 82,423,214 » » 56,278,257 12 4 31,534,111 13 4 38,627,458 18 4
Rentes sur le ci-devant cierge; décret général pour l'année 1790..............................
Plus, offices des receveurs des décimes; dettes sur les communautés religieuses et autres corps
particuliers du clergé........................................................................
Plus, expédié sur les autres emprunts applicables seulement en payement de domaines nationaux.
Arriéré des anciens décomptes de pensions exigibles et payables...............................
Plus, applicables en payement de domaines nationaux...........................................
Gratifications accordées par la loi du 23 août dernier et payées par la Trésorerie nationale en trois parties, montant ensemble à............................................... 31,000livres.
Offices et droits domaniaux ou de féodalités.................................................\
Reconnaissances délivrées à charge d'opposition, applicables en payement de domaines nationaux Jurandes et maîtrises........................................................................
Totaux.
33,600,000 32,400,000 68,640,000 27,141,900 3,301,100 217,752
RECONNAISSANCES
PROVISOIRES,
expédiées et délivrées.
10,000,000 » »
1,934,102 17 10 1,172,272 5 » 5,959,070 » 6 59,996 14 6
3,479,577 19 8
7,987,235 11 3
123,787,743 16 11
1. s. d. 14,996,777 3 10
652,105 11
1,387,747 15
17,036,630 10 5
DÉFINITIVES,
expédiées.
1.
265,043,053
d. 7
149,585 9 9
151,059 12 »
195,444 13 10
47,439,216 3 4
56,278,257, 12 4
31,534,111 13 4
26,786,893 18 »
5,878,431 » »
7,479,300 » »
2,751,562 » »
612,400 » »
231,000 » »
4,528,215
» »
6,630,876 13 4
413,868 12 1,172,272 5 5,959,070 » 59,996 14
2,139,375 14 10 111,752 12 10 6,537,619 14 6
472,083,262 15
RESTE à
EXPÉDIER ET A PAYER.
53,492,550 19
34,983,997 16 8
155,660,509 5 4
3,369,123 6 8 1,520,234 5 6
1,228,449 12 » 1,449,615 16 9
251,704,481 1 11
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a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion et projet de décret (1) sur rémission des cent millions d'assignats de cinq livres, décrétée le leP novembre 1791, pour être échangés dans les départements, par M. Vuillier, député du Jura (2).
Messieurs, il n'est que trop vrai qu'il y a dans les départements, surtout les plus reculés, une pénurie d'espèces et de petits assignats qui porte le plus grand préjudice aux manufactures, aux artisans et aux journaliers.
La cause de cette pénurie n'est pas ignorée : elle provient essentiellement de l'accaparement des petits assignats à la source de leur émission et des spéculations usuraires dans leur échange.
L'agriculture et toutes les manufactures du royaume souffrent; celles en fer surtout, isolées dans les campagnes, et qui font subsister des milliers de familles, sont au moment de férier par l'impossibilité de pourvoir aux pavements de détail, ou par la perte énorme qu'il faut éprou-vér pour s en procurer les moyens.
Cette perte, dans les échanges très difficiles de gros assignats contre des petits est communé-ment de 10 à 12 0/0; et le malheureux, qui reçoit pour prifc de son travail et de ses sueurs un assignat de 50 livres, l'échange, lorsqu'il peut en trouver l'occasion, contre 9 assignats de 5 livres; et ces 9 assignats de 5 livres, contre 40 livres d'argent;,ce qui fait une perte de 200/0 qui le désespère.
Vous avez senti que l'établissement d'une caisse d'échange à Paris est à peu près nul pour les départements. J'ajoute qu'un pareil établissement dans chaque chef-lieu de département deviendrait infructueux pour le peuple des campagnes. . En effet, comment se persuaderait-on qu'un malheureux, dont l'avoir consistera en un assignat de 50 livres, que le besoin du iour le forcera d'échanger, puisse s'exposer à faire, et souvent en vain, 12 a 15 lieues pour arriver à la ville de son département, et autant pour s'en retourner ? On sent d'avance, qu'il dépenserait une partie de la valeur de son assignat, et qu'il éprouverait de plus la perte de trois a quatre journées de travail.
Il serait donc à souhaiter qu'on pût établir un change dans toutes les municipalités pour atteindre plus facilement l'indigent; mais je ne le proposerai pas, parce que je sens l'impossibilité de les multiplier à ce point, par 4a raison que les connaissances nécessaires, peut-être même les sûretés, ne se trouveraient pas partout pour les diriger.
Il suffira, Messieurs, de les fixer dans les chefs-lieux de districts, avec lesquels les habitants des campagnes ont journellement leurs rélations particulières, et de déterminer le mode de l'échange de manière que tous les citoyens d'une
municipalité soient libres d'en profiter dans la proportion de leurs contributions ; et qu'en dernière analyse, les plus gros assignats soient de préférence annulés.
Mais, en adoptant une mesure quelconque, sans doute votre attention ne se bornera pas à un bienfait momentané; ce qui arriverait néanmoins si vous ne portiez un regard sur les receveurs particuliers des districts, en les assujettissant à recevoir en payement de contributions les assignats qui excéderont immédiatement l'objet de libération du payeur, et de lui par-fournir l'appoint autant qu il sera possible.
Sans cette précaution, les cotes individuelles des impôts, les droits d'enregistrement, du timbre et des patentes, communément au-dessous de 50 livres, auraient bientôt repompé les assignats de 5 livres, d'où renaîtraient la pénurie et les inconvénients désastreux que le peuple et les manufactures éprouvent dans ce moment; ce qu'il est de votre sagesse de prévenir.
En vain objecterait-on que ces petits assignats seraient renvoyés dans les départements. Je réponds d'avance :lo que le temps pendant lequel ils rentreraient dans les caisses de district pour y rester durant le trimestre, occasionnerait une souffrance dans la circulation ; 2° que celui qui se passerait entre l'envoi à la Trésorerie nationale et le retour dans les départements, serait un temps de privation absolue qui jetterait le plus grand désordre dans la société, paralyserait la perception de l'impôt, rendrait illusoire l'effet du décret, perpétuerait le vil agiotage, et multiplierait à l infini tous les trois mois les doubles irais d'envoi et de retour.
Oui, Messieurs, je le répète, sans cette ressource active des petits assignats dans la circulation, la cessation forcée du recouvrement des contributions publiques va s'opérer, et vous lé craindrez comme moi, si vous considérez que, par la nouvelle forme, les contributions vont s acquitter par mois et se diviser en douze parties» Je ne doute pas que déjà ce ne soit là la cause principale du retard éprouvé jusqu'à présent.
Vous pouvez en juger par la diminution sensible des perceptions, réduites, pour ainsi dire, à une nullité absolue dans ce moment, et vous convaincre qué l'épuisement du numéraire a pris sa source dans deux moyens employés avec un égal succès. Le premier a été l'émission et l'envoi d'assignats dans les départements pour l'acquittement des charges de l'Etat,au lieu d'y faire repasser le numéraire qui en avait été extrait; le second,- de n'émettre dans le principe que de gros assignats, afin que les contributions ne pussent s acquitter qu'avec du numéraire.
Si donc l'Assemblée ne presse l'émission des assignats de 5 livres. ; si les receveurs dès deniers nationaux dans les départements ne sont pas tenus de recevoir en payement les assignats qui excéderont la libération du payeur, et de lui rendre les appoints,_ j'ai dit qu'il y aurait impossibilité de percevoir dorénavant les contributions. Je vais le démontrer.
Par exemple, dans mon département (et sans doute il en est de même dans les autres, proportion gardée) les contributions directes et indirectes se portent, je le suppose, à 4 millions ' par an, ce qui fait un recouvrement d'environ 333,333 livres par mois, et d'un million pour le trimestre.
Eh bien, jusqu'au 1er novembre, il n'a été envoyé dans ce département en assignats de 5 livres, pour payer les fonctionnaires publics, que
343,800 livres. Or, à supposer, ce qui ne peut pas être, que ceux qui les ont reçus se soient empressés de les diviser, et transmettre à leurs concitoyens pour s'en prévaloir dans le paiement des contributions ; il ne s'ensuit pas moins que si les receveurs des deniers nationaux ne sont pas tenus de les rééchanger par la reddition des appoints, il s'en manquera de 656,200 livres que le recouvrement du trimestre puisse s'opérer, même avec la meilleure volonté des contribuables. Et ce serait une mauvaise raison d'alléguer que déjà ils sont autorisés à se réunir plusieurs pour les acquitter simultanément; parce que l'un est prêt que l'autre ne l'est pas, parce que v la difficulté pour les appoints est plus forte entre différents contribuables réunis, qu'elle ne l'est pour le collecteur, parce qu'enfin cette faculté de réunion, pour ainsi dire impraticable, n'a été accordée que pour l'impôt direct, et non pour les droits d'enregistrement, du timbre et des patentes, qui, par leur modicité, absorbent le numéraire et les petits assignats.
Dans l'ancien régime, où le contribuable pouvait aisément fournir son appoint, c'était le receveur qui le donnait: aujourd'hui que le numéraire est épuisé, que le signe representatif est fort éloigné d'équivaloir à l'anciènne monnaie, obligera-t-on le débiteur à l'impossible? Exerce-ra-t-on contre lui des contraintes, lorsque pour se libérer d'une contribution de 4 1. 10 s. ou de 45 livres, il offrira un assignat de 5 livres ou de 50 livres, sous réserve au premier cas de recevoir 10 sous et au second un assignat de 5 livres? Ce serait vraiment une tyrannie que l'Assemblée nationale s'empressera de réprouver.
Ne vous y trompez pas, Messieurs, c'est principalement à la difficulté de l'appoint qu'il faut attribuer le retard dans le recouvrement de l'impôt, et souvenez-vous que vous n'avez point d'ennemis plus redoutables à combattre que les agents des finances, et que c'est dans le chaos d'une administration déprédative, que lès contre-révolutionnaires mettent leur unique espoir.
Suivez la marche du caissier de rextraordi-naire, dès le principe de votre session; voyez son affectation à ne jamais vous demander des fonds qu'au moment où ils supposent'des besoins impérieux, en vous présentant toujours la cessation imminente du service. Et qui vous répondra que l'emprunt des 25 millions que vous avez: accordé les 11 et 30 novembre, ne soit, contre votre intention, employé, au moins en partie, à alimenter le commerce scandaleux de la rue Vivienne? et jusqu'où n'est-il pas permis d'élever ses soupçons, lorsque l'on considère l'échange arbitraire qui se fait dans une caisse établie à Paris, pour verifier tous les jours 150,000 livres de petits assignats dans le commerce, où néanmoins ils sont si rares?;
Je m'arrête, et je conjure l'Assemblée, au nom de la patrie, de peser dans sa sagesse et de
S rendre dans la plus haute considération les réT
exions que je viens de lui soumettre : je la prie, pour éviter les maux incalculables qui seraient la suite du non-paiement des impôts, d'aviser aux moyens de rétablir et> de conserver dans les départements une quantité suffisante de signes représentatifs pour acquitter les charges de l'Etat, alimenter l'agriculture, les manufactures et le commerce:
Je n'en vois point, Messieurs, de plus efficace que de faire payer dans les départements ; lés pensionnaires de l'Etat par les receveurs de district, et de leur laisser fes fonds nécessaires pour
pourvoir aux dépenses générales qui sont ordonnées au compte au Trésor national.
Par ce moyen, vous éviterez des dépenses énormes aux créanciers de l'Etat; vous ferez cesser plus facilement encore l'agiotage et la pénurie des signes représentatifs. Vous économiserez des frais immenses dans le transport et vous n'aurez plus les dangers du transmarche ment à.courir.
Il est temps de mettre fin au monopole qui se pratique au détriment du peuple : il est temps que 1 égalité soit rétablie partout, et que le dernier des hameaux qui supporte les charges de l'Etat, comme la plus grande ville, participe proportionnellement à tous les avantages.
projet de décret.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété, le premier du mois dernier, l'urgence et l'émission ae 100 millions d'assignats de 5 livres pour être échangés dans les départements contre les assignats ae 2,000 livres ae J,000 livres et 500 livres, après avoir entendu le rapport de son comité des assignats et monnaie, sur le mode de l'échangé, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
A compter du.....du présent mois, l'émission desdits 100 millions d assignats de 5 livres sera faite par 25 millions, de huitaine à autre, dans le 83 départements du royaume, à raison de leur représentation à l'Assemblée nationale.
Art. 2.
La répartition desdits assignats sera faite par les directoires de département dans les districts de leurs arrondissements respectifs, au marc la livre des. contributions foncières et mobilières.
Art. 3. '
Immédiatement après la réception de chaque envoi desdits assignats aux directoires de districts, la remise en sera faite dans les mains de leurs receveurs, qui en fourniront leurs charges, lesquelles seront incontinent envoyées par les directoires de districts aux directoires de départements, et par les directoires de départemèntsau trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
Art. 4.
Dans la huitaine qui suivra la réception de ces envois, les directoires de districts formeront un tableau de répartition entre toutes les municipalités de leur ressort, au marc la livre des contributions directes ; ils le feront afficher dans les lieux de leur situation, et passer auxdites municipalités.
Art. 5.
A la réception de ce tableau, lès municipalités feront proclamer et afficher, dans les formes ordinaires, un avertissement aux citoyens qui voudront profiter de cet échange, d'avoir à se faire inscrire, dans la huitaine, au secrétariat de la municipalité.
Art. 6.
Dans la huitaine suivante, la municipalité procédera à la confection d'un rôle distributif, par-
mi ceux qui se seront fait inscrire, au marc la livre de leurs contributions particulières. Ce rôle sera fait triple, dont un double restera au secrétariat de la municipalité, un autre sera déposé au directoire du district, et le troisième, par lui visé, sera remis au receveur du district, pour s'y conformer dans l'échange qu'il fera des assignats de 5 livres contre d'autres de toute valeur, sauf aux échangeurs à se réunir pour former le montant du contre-échange, et à se diviser ensuite les assignats de 5 livres dans la proportion de leur mise individuelle.
Art. 7.
L'échange sera ouvert 'du moment de la remise du rôle entre les mains du receveur, et ne pourra se proroger au delà de huitaine.
Art. 8.
Ce délai expiré, le rééchange des assignats au-dessous de 2,000 livres, reçus en contre-échange, sera continué contre de plus forts, au gré des porteurs,pendant un autre délai de huitaine, passé lequel, les receveurs de district rendront compte définitif de leurs opérations.
Art. 9.
Au fur et à mesure que les gros assignats rentreront en dernière analyse par les échanges susdits, les receveurs de districts, après les avoir empreints de l'estampille ordinaire, écriront en gros caractères, sous le mot annulé, ceux par échange, et les feront parvenir tous les huit jours à la caisse de l'extraordinaire, pour être brûlés dans la forme prescrite par la loi.
Art. 10.
La monnaie de cuivre qui doit être fabriquée
en exécution du décret au.......
sera répartie dans les départements et districts, d'après les bases indiquées par les articles 1 et 2 du présent décret.
Art. 11.
Cetté monnaie sera divisée, sur les ordonnances des directoires de. districts, parmi les receveurs des deniers nationaux, à raison de leurs besoins, pour faciliter .les appoints qu'ils auront à rendre aux payeurs. S il y a un excédent notoire,1 il sera échangé contre des assignats dé 5 livres, au peuple des campagnes de préférence.
Art. 12.
Les receveurs des impositions, de la contribution patriotique, et des droits de patente, seront tenus de se servir d'un cahier-journal, coté, ét paraphé par la municipalité du lieu, pour y enregistrer, jour par jour, et par ordre de numéros, les payements qui leur seront faits, avec désignation des espèces et nature des assignats.
Art. 13.
Les receveurs des. districts seront également tenus d'énoncer sur leurs registres-journaùx le montant des espèces et des valeurs reçues qui seront versées dans leur caisse.
Art. 14.
Lés receveurs des droits d'enregistrement et du timbre observeront, dans leur recette, le même ordre qu'en l'article précédent.
Art. 15.
Tout receveur de deniers nationaux quelconques sera tenu de recevoir en payement, spécialement les assignats qui excéderont immédiatement l'objet ae libération du payeur, et de lui parfournir, autant qu'il sera possible, l'appoint en monnaie, lorsqu'il sera au-aessous de 5 livres et en assignats lorsqu'il sera au-dessus. Il en fera mention sur son registre, afin de pouvoir vérifier en tout temps l'état de situation de la caisse.
Art. 16.
Sur la réclamation des contribuables, il sera" procédé à la vérification de l'état des règistres, journaux et des caisses ; savoir : pour les receveurs des impôts, de la contribution patriotique et des droits ae patentes, par la municipalité du lieu ; ainsi que pour les receveurs des droits d'enregistrement et du timbre, où il n'y a pas d'administration de district ; pour les receveurs des droits d'enregistrement et du timbre placés dans les chéfs-lieux de district, par les directoires de district. S'il y a contravention reconnue, il sera de suite dressé procès-verbal qui, au premier cas, sera remis au directoire de district, et dans l'un et l'autre, adressé par celui-ci au directoire du département,, pour juger s'il y a lieu à accusation ; et, dans ce cas, porter la dénonciation à l'accusateur public, pour être le contrevenant poursuivi comme concussionnaire, sans préjudice de la déchéance de sa place.
Art. 17.
Tout receveur, lors de son versement dans une caisse supérieure, joindra un bordereau constatant l'argent et les valeurs en papier qui en font partie, dans un double, signé ae lui, sera remis au directoire de son district, ét par celui-ci envoyé au directoire du département qui en fera un relevé général, lequel sera adressé tous les 3 mois au pouvoir exécutif, tenu d'en justifier au Corps législatif. Il justifiera pareillement des sommes en argent* ou en différentes espèces d'assignats que le Trésor national aura fait passer dans les départements pour le payement des dépenses ordonnées au compte de la nation (1).
Séance du
présidence de m. lemontey, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 9 décembre.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 8 décembre, au soir.
Le même secrétaire donne lecture dés lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse de plusieurs citoyens de Honfleur relative aux troubles de Saint-Domingue, et priant l'Assemblée de prendre des mesures nécessaires à la conservation des. colonies.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité colonial.)
_2° Lettre de M. Monneron, qui demande à être admis à la barre pour faire part à l'Assemblée des nouvelles qu'il a reçues des Indes par la frégate la Thétis.
(L'Assemblée décrète que M. Monneron sera admis à la barre.)
3° Adresse du sieur Dominique Çotin, député de la régence de Stavelot, qui demande le renvoi aux comités diplomatique, militaire et de l'extra-dinaire des finances, d'un mémoire contenant la réclamation des habitants du pays de Stavelot.
(L'Assemblée décrète ce renvoi.)
Voici une adresse signée par deux cents citoyens de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, qui font hommage à l'Assemblée nationale de leur respect et de leur reconnaissance pour ses travaux ; elle est ainsi conçue :
« Messiéurs,
« Si l'Assemblée constituante a tiré l'Etat de l'abîme où iL était plongé, nous n'attendions pas moins de votre fermete, et nous fûmes toujours assurés que vos âmes grandes et généreuses ne déploiraient pas moins d'énergie pour sauver la patrie des périls imminents qui la menacent.
« Les enfants de Brutus tramèrent, à Rome, une conspiration en faveur de TarqUin; l'inflexible consul les fit périr : triste, mais nécessaire fermeté! Nos princes arment aujourd'hui contre la France entière^ et une Assemblée qui fixe les regards de l'Europe étonnée, vient de porter un décret digne du caractère et de la majesté d'un peuple libre. Pourrait-on ne pas applaudir aux sentiments patriotiques qui l'ont dirigée! Sages législateurs, cette loi seule vous garantit pour jamais la confiance publique, titre infiniment doux pour de vrais citoyens. Qu'il est beau de se signaler par des actes de vertu! Heureux les hommes dont l'unique destin est de s'occuper du sort de leurs semblables'. Puissent vos travaux futursjsoùtènir l'idée que nous avons de vous !... Mais, que disons-nous, vos actions passées ne sont-elles pas déjà le présage dé tout ce que vous devez faire?
« Recevez l'hommage franc et sincère d'une grande cité; d'une cité, qui, fière de sa liberté, qui, riche de ses vertus, qui, capable de tout pour servir la patrie, combattra, jusqu'à ses derniers moments, les factieux qui veulent, en attaquant jusqu'aux droits de l'homme renverser
l'édifice de nos lois. La France a donc des ennemis déclarés! Vous les aviez justement frappés... Mais, hélas ! quelle douleur pour nous !" Vos travaux ont été superflus. Qui eût jamais pensé que vos plus belles mesures eussent pu être déconcertées? Eh! serait-il donc impossible d'atteindre les Gatilinas qui veulent ensanglanter le sein de la patrie! Le crime restera-t-il toujours impuni? Non, non, c'est trop longtemps abuser de notre patience, sévissez contre ces infâmes conspirateurs ; la patrie le demandé à grands cris. Hâtez-vous de porter sur ces. têtes impies un décret d'accusation! Qui pourrait vous arrêter? Ignorez-vous que 25 millions d'hommes sont prêts à braver le danger? Déjà nos volontaires ont reçu leur mission ; disposés à les suivre contre les ennemis du dehors, nous saurons nous multiplier pour surveiller encore les ennemis du dedans.
« 0 vous qui tenez en vos mains les destinées d'une vaste Constitution, songez que les hommes qui ont bien mérité de la patrie, ont pour trône pendant leur vie, le cœur de tous les Français; songez qu'après leur mort, il est un temple où repose la cendre dès amis de l'humanité. »
(L'Assemblée décrète l'insertion et la mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
, archiviste de l'Assemblée, est introduit à la barre conformément au décret rendu hier; il s'exprime ainsi :
Je viens, Messieurs, soumetre à l'Assemblée nationale plusieurs difficultés relatives au déplacement et à la remise des pièces des différents comités de l'Assemblée constituante qui ont dû être déposées aux archives. Le décret qui a ordonné ce dépôt portait qu'il serait fait en même temps un état sommaire de tous les papiers déposés. Ces états ont été faits, mais ils ne sont pas suffisants. Le décret portait aussi que tous ces papiers pourraient être communiqués aux comités à qui ils deviendraient nécessaires. Il y a dans ces pièces des papiers qui concernent plusieurs comités, et il arrive aujourd'hui qu'un comité réclame des pièces qui ne peuvent lui être communiquées, parce qu'elles ont été remises à d'autres. Il s est élevé, Messieurs, plusieurs autres embarras auquels il est nécessaire et urgent de mettre fin. Je vous prie de me permettre de vous faire la lecture des quelques articles qui, je crois, préviendront tous les inconvénients que l'on peut craindre, assureront la conservation des pièces de l'Assemblée nationale^ garantiront la responsabilité dont je suis chargé, et feront en même temps que les travaux de vos comités ne soient entravés d'aucune manière. Voici ce que j'ai l'honneur de vous proposer : -
1° Les actes émanés de l'Assemblée nationale ou de ses comités, les minutes originales des lois et des actes authentiques et les pièces déposées aux archives en vertu des décrets de l'Assemblée nationale, né seront jamais déposés aux archives sans un décret formel, aux termes du décret du 7 septembre 1790. Les jrièçes seront communiquées aux membres de l'Assemblée et aux autres personnes qui le requerront, mais sans déplacement. Si quelque comité juge nécessaire d'en avoir une copie, il enverra un de ses secrétaires-commis en prendre, dans le bureau des archives, une expédition qui sera collation-née et signée par l'archiviste;
2° Il sera procédé, sans délai, au tirage et à l'inventaire général sommaire de tous les papiers
réunis aux archives par les comités de l'Assemblée nationale constituante, existant encore dans ce dépôt. L'inventaire sera fait double ; une copie sera remise aux comités dont les travaux auront un principal rapport avec ceux des comités dont les papiers seront inventoriés, l'autre copie demeurera aux archives ;
3° Pour faire cet inventaire, l'archiviste est autorisé à prendre, de concert avec les commissaires des archives, des commis extraordinaires, qui se retireront aussitôt que le travail de l'inventaire sera fini ; les divers comités dont les travaux ont rapport à ceux des comités de l'Assemblée constituante, pourront nommer un ou deux de leurs membres commissaires, à l'effet d'assister au triage et à l'inventaire des papiers, sans néanmoins que leur nomination ou leur absence puisse retarder le triage ou l'inventaire. L'archiviste rendra compte, dans quinze jours, des progrès et de l'état du travail ;
4° Les cahiers de la double copie de l'inventaire seront, au fur et à mesure qu ils seront faits, communiqués aux comités respectifs, qu'ils intéresseront, à l'effet de. désigner par eux, d'après ces inventaires, les pièces qui, n'étant pas de la nature de celles que l'article 1er spécifié, pourront leur être communiquées avec déplacement ;
5° La note des pièces que les comités désireront sera dressée d'après les numéros de l'inventaire; la demande en sera formée par une délibération du comité, laquelle indiquera ceux de ses membres auxquels les pièces seront remisés; ils en donneront le récépissé, véilleront à leur conservation, et les feront remettre aux archives lorsqu'elles ne seront plus nécessaires aux comités. La remise sera en conséquence faite par l'archiviste, aussitôt après la demande, et après néanmoins que les notes et états de demandes auront été communiqués par lui aux commissaires surveillants des archives ;
6° Il sera dressé, par les soins des divers comités de l'Assemblée auxquels il a déjà été remis des pièces sorties des archives, des inventaires généraux et sommaires desdites pièces, et ils en feront passer des copies aux archives ; à l'égard des pièces qui leur seront envoyées à l'avenir, elles seront exactement inventoriées, et un double de l'inventaire qui sera fait sera déposé, tous les trois mois, aux archives, avec les pièces qui concernent les affaires terminées ;
7° Aucune expédition autre que celles qui sont délivrées sous la signature des secrétaires de l'Assemblée, ne sera délivrée qu'avec la signature de l'archiviste ou des commissaires aux archives dans le cas prévu par l'article 5 des décrets des 4 et 7 septembre 1790, et sous le sceau des archives. La recherche, communication, collation des pièces, signature et apposition du sceau, continueront d'être absolument gratuites.
Tel est, Messieurs, le projet que je vous prie de vouloir bien prendre en considération le plus tôt qu'il vous sera possible, afin que l'on travaille à l'inventaire et que les travaux des comités n'éprouvent aucun obstacle.
L'Assemblée nationale est convaincue de votre zèle et de vos lumières, elle prendra en. considération les vues què vous - lui soumettez. L'Assemblée vous rend à vos fonctions.
(L'Assemblée renvoie le mémoire présenté par M. Camus à l'examen de ses commissaires aux archives.)
Messieurs, je reçois une
lettre du curé constitutionnel de Dolus, île d'Olé-ron, qui demande à l'Assemblée la permission de se marier. (Rires et applaudissements.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
M. de Roustan, dont vous avez décrété l'admission à la barre à la séance du 8 au matin, demande à paraître devant vous; Quelques membres ont réclamé contre ce décret, parce que, d'après les pièces remises par M. le ministre des affaires étrangères, ce colon paraît être inculpé. J'observe à PAssemblée qu'il conviendrait peut-être de lui épargner les désagréments d'une discussion peu favorable.
Plusieurs pétitionnaires sont déjà venus en imposer à l'Assemblée : mais comme ils ont été admis, je demande la même faveur pour M. de Roustan.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. de Roustan sera admis.)
est introduit à la barre ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée nationale a entendu, dans la séance du 7 de ce mois, la lecture qui lui a été faite par un de ses membres, M. Daverhoult, d'un paragraphe du journal connu sous le nom de Correspondance patriotique, dont les auteurs sont plusieurs membres de l'Assemblée constituante, et dont la rédaction est confiée à M. Dupont de Nemours (1). Le fait contenu dans ce paragraphe a paru si important à M. Daverhoult qu'il a prié l'Assemblée nationale de demander au ministre de la marine des éclaircissements qui devenaient essentiels; j'étais présent à cette lecture, et comme il s'agissait de la. mission que j'ai remplie aux Etats-Unis, en qualité de commissaire de l'assemblée générale, j'ai eu l'honneur d'écrire à M. le Président de l'Assemblée nationale, pour lui demander la permission d'être introduit sur-le-champ à la barre, pour donner à l'Assemblée tous les renseignements qu'elle exigerait.
La discussion sur les colonies qui a terminé la séance n'a pas permis à M. le Président d'occuper l'Assemblée nationale de cet objet sur lequel elle avait déjà prononcé que le ministre s'expliquerait. Ce fait est important, et il doit jeter Un grand jour sur la conduite de l'assemblée générale.
Il paraît, d'après le compte-rendu par M. Dupont fils, secrétaire de M. de Ternan, à M. Dupont père, que l'assemblée coloniale m'a envoyé auprès du congrès des Etats-Unis, comme ambassadeur, pour traiter individuellement avec cette puissance, et que, de cette démarche adroitement présentée par M. Dupont père, bien connu pour un ami des noirs et par conséquent ennemi des blancs (Murmures), il en résulterait..
M. Dupont n'est pas ami des noirs.
il en résulterait la preuve du reproche sur lequel nos accusateurs reviennent sans cesse,
que nous avons voulu nous rendre indépendants. Je pense, comme M. Dupont, que de toutes les
imputation^ par lesquelles nos ennemis ont cherché, jusqu'à présent, à nous faire un crime de
cette indépendance chimérique, la moins absurde peut-être, est l'envoi d'un ministre
plénipotentiaire, chargé de traiter directement avec une puissance étrangère comme
L'assemblée générale, après s'être assemblée à Léogane, avait fixé le lieu de ses séances au Cap, et s'était ajournée au 25 août. La majeure partie des membres était déjà rendue dans cette ville, dès le 23, époque à laquelle la révolte des noirs s'est manifestée d'une manière effrayante. La rapidité avec laquelle des scélérats portaient partout le feu et la mort, décida cette asssemblée à se former en comité général, pour délibérer sur le parti le plus convenable à prendre dans une circonstance qui devenait chaque jour plus effrayante. Elle résolut de recourir à toutes les puissances voisines, comme ayant les mêmes intérêts. Le choix pour les États-Unis tomba sur moi, et je fis voile du Gap le 26 août. Il est nécessaire de vous donner lecture de la proclamation de l'assemblée générale, et de celle de M. de Blanchelande, lieutenant du gouvernement, que M. Dupont appelle pompeusement des pleins pouvoirs, pour traiter avec les puissances étrangères.
J'ai l'honneur de vous observer, Messieurs,
?ue j'ai déposé copie de ces pièces chez M. de
ernan, dans les archives de la légation, et que j'en ai exigé une copie revêtue du sceau de cette même légation; la voici :
Extrait des registres de rassemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
« La partie française de Saint-Domingue se trouve dans la situation la plus déplorable ; les habitations sont incendiées, les blancs sont égorgés; ceux qui sont échappés au fer des assassins, sont obligés de rentrer dans les villes et d'abandonner leurs propriétés. Dans cette crise affreuse l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, réunie avec le gouverneur général, considérant que l'attroupement des nègres augmente chaque iour, et que bientôt les habitants seront dans l'impossibilité de se défendre dans le sein même de leurs villes ; considérant que le fléau qui dévore la plus importante possession de l'Amérique menace toutes les colonies qui les avoisinent, si elles né se réunissent pas pour le détruire dans son- origine,
« Arrête que toutes les puissances voisines sont instamment priées, au nom de l'humanité et de leurs intérêts respectifs, à donner à ia partie française de Saint-Domingue en danger, un secours prompt et fraternel, et à lui envoyer, avec la plus grande célérité, des troupes de ligne et des munitions de guerre et de bouche qui la mettent en état d'arrêter les progrès d'un mal qui ne finirait que par l'anéantissement total des îles de l'Amérique; arrête, en outre, que M. le gouverneur général sera invité de joindre à la présente une adresse particulière aux mêmes puissances voisines pour solliciter leur secours. »
A cet arrêté, Messieurs, est jointe une lettre de de M. de Blanchelande, président de l'assemblée générale, au président des Etats-Unis, ainsi conçue :
« Très honorable Président,
« Les maux de Saint-Domingue sont à leur comble. Bientôt cette superbe contrée ne sera plus qu'un monceau de cendres. Déjà les planteurs ont baigné de leur sang la terre que leur sueur avait fertilisée. Le feu consume en ce mo-. ment des productions qui faisaient la splendeur de l'Empire français. Les principes destructeurs de nos propriétés ont porté chez nous la flamme et arme le bras de nos propres esclaves. La philosophie, qui fait la consolation des hommes, porte chez nous le désespoir. Dans ce moment de désolation, nous avons promené nos regards sur tout ce qui nous environne. Nous àvons trouvé quelque soulagement en songeant aux rapports qui subsistent entre ces Etats de l'Amérique et nous. Nous àvons résolu de solliciter de vous des secours ; et comptant sur votre attachement, la partie française de Saint-Domingue n'a pas balancé de députer vers vous pour vous engager à donner à cet infortuné pays un secours consistant en troupe et munitions de guerre et de bouche; car la famine désolerait bientôt cette contrée, et vous n'auriez sauvé les habitants du fer que pour les voir succomber à la faim.
« L'assemblée générale a donc choisi, pour vous -présenter ses demandes, M. de Roustan, un de ses membres, qui vous remettra cette lettre de créance avec l'arrêté qui le nomme, et la proclamation faite pour solliciter des secours des puissances voisines. Il vous remettra aussi un acte de notre Constitution qui constate notre caractère de représentants légaux de la partie française de Saint-Domingue. »
Je vais avoir l'honneur de vous donner lecture de cet acte de Constitution parce qu'il est très essentiel.
Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, siégeant à Léogane; séance du 9 août après-midi.
« L'assemblée constituée purement et simplement, après avoir, dans ses séances des 5, 6 et 8 de ce mois, discuté les bases constitutionnelles, a arrêté et arrête, à la majorité de 66 voix sur 46, qu'elle se constituait légalement en vertu des pouvoirs de ses commettants,, en assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. L'assemblée ainsi constituée ne voulant laisser aucun doute sur ses intentions et sur ses principes jusqu'à ce qu'elle ait pu les manifester hautement en s'occupant de la constitution de Saint-Domingue, déclare que, Saint-Domingue étant portion de l'Empire français, elle reconnaît qu'à l'Assemblée nationale seule appartient irrévocablement de prononcer sur les rapports politiques et commerciaux qui unissent Saint-Domingue à la France, d après les plans qui seront présentés par l'assemblée générale ; déclare, en outre, qu'elle met sous sa sauvegarde et sous celle de la loyauté des citoyens, les créances, tant des négociants de France que de ceux des îles ; qu'elle maintiendra l'observation des lois qui en assurent le payement dans sa vigueur, et qu'elle provoquera, à cet effet, toute "influence de l'opinion et de la force publique ; invite tous les citoyens à se prémunir contre les impressions défavorables qu'on pourrait leur donner, etc. »
Vous voyez, Messieurs, que l'assemblée générale, en écrivant au président des Etats-Unis, qu'elle m'avait nommé son commissaire pour
réclamer des secours, annonçait en même temps que je remettrais l'acte de la constitution de rassemblée générale. Or, que porte cet acte? Vous venez de l'entendre.
Arrivé à New-York, je m'y reposai douze heures, avant de me rendre à Philadelphie, où le congrès réside. Ma seule visite à New-York fut chez le consul de France, M. Laforêt. Ce digne et estimable patriote me donna des avis sur la manière de remplir ma mission, et je réclamerai son témoignage pour constater que je lui ai dit que je me conformerais à tout ce qu'il exigeait de moi, pourvu que je puisse obtenir les services que j'étais venu demander. Je l'engageai très instamment à m'accompagner à Philadelphie, pour m'aider de ses conseils et me diriger dans toutes mes démarches. Il poussa la générosité jusqu'à faire le sacrifice de ses affaires personnelles, pour donner des preuves non équivoques de son attachement à la nation française-
Rendu à Philadelphie, le 15 du meme mois, à 10 heures du soir, mon premier soin fut d'écrire à M. de Ternan, ministre plénipotentiaire dont M. Laforêt m'avait appris la résidence. Pénétré de la nécessité d'appeler les plus prompts secours aux maux de Saint-Domingue, M. de Ternan me fit dire par M. de Laforêt qu'il m'engageait à me rendre ae suite chez lui, il trouva facilement l'excuse de tout ce qu'avait ma mission d'irré-gulier, dans le trouble où le premier moment de la révolte avait jeté les esprits. Au surplus, il m'offrit d'attendre la rentrée du. congrès,' fixée aù 2 novembre, pour m'adresser directement à lui, si je le jugeais à propos. Il prit à notre situation l'intérêt que l'humanité commande. Toutes les démarches auprès des ministres du Congrès pour avoir des armes, des munitions de guerre et de bouche, furent faites par lui seul ; c'est lui seul qui a fixé les sommes que le ministre des finances a fournies ; c'est lui seul qui les a employées, d'après l'état qUe j'ai signé, en ma qualité de commissaire de rassemblée générale, état qui a été fait dans son cabinet, et sous sa dictée.
La copie de ma première lettre à l'assemblée générale, que j'offre de remettre sur le bureau de l'Assemblée nationale, pour qu'on puisse la comparer avec l'original, contient la preuve de tous ces faits, celle que j'ai écrite à M. de Blan-chelande lui dit expressément que désormais il pouvait s'adresser, pour les demandes ultérieures, à M. de Ternan. Je dois ajouter que la seule visite que j'ai faite à. M. le ministre du bongrèS, a été de l'aveu et accompagné de M- de Ternan.
Quelques jours après les premiers envois, j'appris, par un capitaine parti du Cap le 15 septembre, qu'il avait été impossible à la colonie d'expédier un bâtiment pour la France; j'appris en même temps et le refus des Espagnols, et la réponse du gouverneur de la Jamaïque. Je vis la colonie de Saint-Domingue privée absolument de tous les secours sur lesquels, elle comptait pour arrêter l'insurrection, puisque le congrès n'avait point de troupes de ligne; et qu'une des bases constitutionnelles du gouvernement américain empêche que, dans aucun cas, les milices puissent sortir de leur territoire.
Dans l'espoir de faire une courte traversée, je me décidai à m'embarquer sur un navire qui partait pour Bordeaux, le lendemain des nouvelles venues du Cap, afin de solliciter de l'Assemblée nationale un envoi de forces suffisantes pour arrêter les ravages. J'ai trouvé en cette ville six commissaires arrivés deux jours avant
moi, et notre mission ayant le même objet est devenue commune. J'ai eu l'honneur d'être admis à la barre de l'Assemblée nationale avec eux, et j'ai partagé avec eux lés sentiments de reconnaissance que nous a inspiré la réponse de M. le Président, sensible à nos malheurs, et la part que l'Assemblée nationale a paru y prendre. Après avoir donné des éloges a notre patriotisme, elle nous a promis ce que nous avions droit d'attendre, justice, protection et secours.
Nous comptons sur sa promesse solennelle, parce que, nous le répétons, la foi honore les nations ; mais combien la route pour obtenir justice est pénible et douloureuse pour nous !
Nos ennemis, que nous avons dénoncésà la nation et à l'univers comme les auteurs de tous nos maux, sont autorisés à exhaler leur rage et leur fiel contre nous. A la veille de se voir découverts, d'être punis de la peine due à leurs forfaits, ils cherchent à éloigner le moment qui doit terminer leurs complots contre les colonies et contre l'Etat, et croyant y parvenir plus sûrement, ils ne balancent pas sur le choix des moyens ; la calomnie surtout, leur est une arme très familière ; et nous en trouvons la preuve dans un paragraphe du journal rédigé par M. Dupont, qu'on regarde comme dénonçant un fait très important, et capable de donner un très grand jour sur les vues de rassemblée coloniale, c'est-à-dire de prouver qu'elle a voulu se rendre indépendante. M. Dupont, dit dans son journal, que je suis arrivé à Philadelphie chargé des lettres de l'assemblée coloniale adressées directement au congrès, et que j'ai pris publiquement le titre de député de la colonie, que j'ai pris cette qualité sans l'autorisation de l'assemblée générale.
Tous ces faits, excepté mon arrivée à Philadelphie sont faux ; et encore dans l'énoncé de mon arrivée se trouve une omission volontaire, et par cela même d'une perfidie bien digne de quelques amis des noirs ; c'est que j'étais accompagné du premier représentant ae la nation française que j'avais trouvé sur ma route, à qui non seulement je m'étais adressé, mais^que j'avais prié de faire le voyage avec moi. Tous ces faits sont contradictoires avec les dépêches de M. de Ternan, qui, trouvant ma mission irrégu-lière dans la forme seulement, a rendu néanmoins un compte absolument différent de celui de M. Dupont.
Si M. Dupont fils avait écrit comme M. de Ternan; s'il avait annoncé, comme lui, que ma seule démarche avait été auprès du premier représentant de la nation française ; s'il avait écrit à M. Dupont, son père, et il pouvait le faire d'autant plus facilement qu'en sa qualité de secrétaire de M. de Ternan, il était dans le cabinet de ce dernier et, par conséquent, présent à toutes les conversations que j'ai eues avec lui;s'il avait écrit, dis-je, que ma première observation à ce ministre fut que j'étais membre de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue; que cette assemblée, par son acte de constitution, son premier acte, avait déclaré que Saint-Domingue faisait partie de l'Empire français, et qu'à l'Assemblée nationale était réservé le droit de régler nos rapports commerciaux ; que le but de ma négociation auprès des Etats-Unis était d'avoir le plus promptement les secours que sa situation malheureuse exigeait ; qu'en conséquence, je lui remettais tous mes pouvoirs dont je le laissais maître; que je me soumettais à tout ce qu'il exigerait de moi,
pourvu que les secours fussent portés; enfin, s'il avait écrit qu'en partant de Philadelphie, M. de Ternan m'avait donné une lettre particulière pour le ministre des affaires étrangères, lettre qui m'a été remise par M. Dupont fils lui-même, lettre par laquelle il dit qu'il a trouvé que ma mission auprès des Etats-Unis ne pouvait mieux finir pour les intérêts de la colonie; que, par mon départ pour la France, afin de donner à M. de Montmorin tous les éclaircissements qu'il pourrait désirer; si, dis-jé, il avait rendu compte ae tout ce qui S'est passé à Philadelphie pendant mon séjour, il aurait certainement épargné au patriotisme de M. DaVérhoult, de vous énoncer, comme un fait très important et capable de jeter un grand jour sur les intentions de l'assemblée générale ae Saint-Domingue, un fait qui ne prouve que ses bonnes intentions. Mais il fallait un aliment à la malignité de M. Dupont, ami des noirs... (Murmures.)
Un membre à gauche : Point de déclamations!
pour appuyer les délations mensongères...
Monsieur le Président, l'Assemblée a décrété qu'elle n'entendrait désormais que l'extrait des pétitions. Je demande l'exécution de ce décret. (Murmures.) .
Hier, j'ai ouï dire à cette même barre par M. Gardérot que la municipalité du Port-au-Prince avait fait assassiner M. Mau-duit. Or, Cette municipalité n'existait pas lors de la mort de M. Mauduit. Parmi les premiers officiers municipaux, j'ai eu mon père, et j'ai entendu cette calomnie sans interrompre. Je demande que les autres en fassent autant; on peut bien attendre patiemment la justification a'un homme inculpé.
Un membre : II est indécent d'ifiterrompre.
Mais il fallait un aliment à la malignité de M. Dupont, ami des noirs, pour appuyer les délations mensongères qui ont profané la tribune de Cette Assemblée auguste. Impossibles ou absurdes toutes les combinaisons paraissent bonnes aux méchants pourvu qu'ils puissent les présenter avec une apparence de raison.
Je dis impossibles ou absurdes parce que quand l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue aurait su qu'il y avait, auprès des Etats-Unis, un représentant de la nation française, cela n'aurait rien changé, ni à la proclamation, ni à la lettre pour le président des Etats-Unis j elle aurait seulement chargé son commissaire d'une lettre pour le ministre, afin d'appuyer la réclamation ae cette colonie, qui demandait des secours aux Etats-Unis, et non au ministre plénipotentiaire de France près des Etats-Unis. Elle n'aurait donc, dans aucun cas, pu regarder ce ministre que comme un intermédiaire, ; comme Un préposé peut faire valoir la proclamation par laquelle une colonie française, dans -une; position aussi critique, demandait du secours à une puissance voisine.
Ainsi donc, la sagesse de M. Dupont, si fort exaltée par M. Daverhoult, ne l'a conduit qu'à apprendre au public que les avis que monsieur son fils, secrétaire de M. de Ternan, lui donne de ce qui se passe dans le cabinet de (je ministre, ne méritent aucune espèce de confiance.. (Murmures.)
Au surplus, il faut avoir une envie bien dé-
mesurée de trouver des coupables, pour supposer que l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue écrivant à la lueur des incendies qui brûlaient les propriétés de la majeure partie des membres qui la composaient, étourdis des cris des victimes qui tombaient sous le fer des assassins, a pu manquer à une formalité à laquelle elle n'était pas rigoureusement tenue, sans qu'on l'accuse de vouloir se rendre indépendante, parce qu'elle a crié au secours à des personnes qui étaient à portée de l'entendre.
Vous pouvez juger du prix des accusations portées contre les colons blancs de Saint-Domingue, par celle sur laquelle j'ai été obligé de donner a l'Assemblée l'explication qu'elle vient d'entendre, vous pouvez juger par la nature de la démarche que j'ai faite aux Etats-Unis, et par -la manière perfide avec laquelle elle est rendue par M. Dupont de Nemours, si la calomnie n'est pas la seule arme dè nos ennemis. -
L'assemblée générale, vous a-t-on dit, a voulu traiter de puissance à puissance avec les Etats-Unis, elle lui a envoyé un député ; donc elle a voulu se rendre indépendante. Comme si toutes les pièces dont j'étais porteur et surtout la lettre du président de l'assemblée générale au président des Etats-Unis ne disaientpas formellement que le premier titre pour justifier ma qualité et celle des colons qui m'envoyaient, était l'acte de constitution contenant la profession de foi de l'assemblée générale et sa déclaration que Saint-Domingue fait partie de l'Empire français.
Est-il possible de supposer, pour chercher à rendre la colonie indépendante, qu'on m'avait expressément chargé d'une délibération des colons, qui prouvait authentiquement qu'HS venaient de reconnaître cette colonie comme faisant partie de l'Empire français. Mais par quelle fatalité toutes nos démarcnes sont-elles regardées comme suspectes? par quelle fatalité sommes-nous obligés de nous justifier ^ nous qui sommes les victimes, tandis que les inculpations hasardées de nos ennemis, je pourrais dire de nos bourreaux, sont regardées comme des vérités incontestables ! -De quel droit M. Brissot et tous ceux des membres de l'Assemblée nationale.-... (Murmures et exclamations.)
Plusieurs membres : Monsieur le Président, rappelez le pétitionnaire à l'ordre.
, C'est indigne, on ne doit pas traiter dé bourreaux les mèmbrés de l'Assemblée nationale.
Un membre : Je demande qu'il soit infligé une punition exemplaire au pétitionnaire.
Je demande qu'enfin, au bout de trois ans, on articule un fait contre moi au lieu de me calomnier sans cesse. Je prie l'Assemblée de continuer la parole à M. de Roustan.
Plusieurs membres : A l'ordre ! Monsièur le Président, rappelez M. de Roustan à l'ordre! (Murmures à droite et au centre.)
Plusieurs membres à droite : Non ! non!
Je fais la motion qu'on rappelle à l'ordre ceux qui s'opposent à ce qu'on y rappelle M. de Roustan. Ce sont ses partisans ; ils manquent de respect à l'Assemblée. (Applaudissements à gauche.)
Un membre à droite : Je réclame pour le silence et l'impartialité.
Je sais que l'Assemblée doit être instruite, mais je demande jusqu'à quel degré on peut l'insulter.
Mais à aucun degré.
, s'adressant à M. de Roustan. Monsieur, je vous rappelle que toute personnalité est interdite dans le sein de l'Assemblée et je vous rapppelle au respect que vous lui devez.
Un membre : Ge n'est pas assez de le rappeler au respect ; il mérite une toute autre peine. (Oui ! ouiï)
(Le calme se rétablit.)
Gomment se fait-il que lorsque nos ennemis ne donnent aucunes preuves de ce qu'ils avancent, nous qui offrons des preuves, nous soyons obligés de justifier ce que nous avons dit? A quel excès de désespoir ne portera pas nos infortunés commettants, ce compte que nous leur devons de tout cè qui a été dit dans vos discussions? Quelle confiance leur inspirera un journaliste qui imprime des choses comme celle-ci? (Ici, M. de Roustan cite quelques extraits d'un journal.) Ge journal est signé Condorcet.
M. Ducastel a déployé toute sa logique (Murmures prolongés.) pour prouver que le décret du 24 septembre, soit qu'il fût constitutionnel ou purement législatif, devait être respecté; que le roi constitutionnel lui-même ne pourrait se permettre de le suspendre. Il a rappelé ces mots célèbres inutilement prononcés dans l'Assemblée constituante : « Périssent les colonies plutôt que de sacrifier un seul principe. » Inutilement prononcés, c'est-à-dire que le vœu, que le désir de l'auteur de ce paragraphe serait que ces mots n'eussent pas été une vaine et stérile déclamation. Inutilement prononcés ! Je croirais blesser la délicatesse de l'Assemblée nationale, si je cherchais à commenter ces paroles. (Murmures prolongés.)
Qu'il me soit permis, pour dernière observation, de disculper les colons blancs de Saint-Domingue d'une accusation aussi peu fondée que toutes les autres qui leur ont été faites à votre séance du 3 de ce mois. On nous a dit que nous reprochions avec indécence peut-être à un ami de l'humanité d'avoir dit : « Périssent les colonies ; »> on nous a dit que nous disions nous-mêmes : « Périssent les colonies plutôt que de consentir à accorder l'état politique aux gens de couleur. » Ge blasphème, Messieurs, n'a jamais été que dans la bouche de nos ennemis. Nous avons dit, et nous dirons jusqu'au dernier moment, que si l'Assemblée nationale voulait s'occuper de faire des lois qui étaient réservées aux assemblées coloniales, nous avons dit et nous le répétons, que les colonies périraient. Cette prédiction fondée sur l'expérience, ne s'est que trop malheureusement vérifiée.
Représentants du peuple français, vous venez d'entendre la vérité que je vous ai présentée sans ornements, parce qu'elle n'en a pas besoin. Je crois vous avoir prouvé que toutes mes démarches sont celles d un bon citoyen, d'un bon Français. (Murmures et interruptions.) S'il vous restait quelque doute encore, si ma conduite: peut être éncore suspectée, je dois être regardé comme un des membres de l'assemblée coloniale ; si après avoir concouru comme eux, en donnant ma voix, à ce qu'on fît une démarche pour rendre la colonie indépendante, j'ai été encore l'instrument dont on s'est servi pour exécuter cet abominable projet. Messieurs, je ne vous dirai pas avec une tournure de phrase mé-
ditée dans le silence du cabinet, et amenée tout exprès pour exciter la sensibilité et pour attirer des applaudissements, que je marcherai à l'écha-faud, si on peut me prouver une démarche criminelle; mais je le dis sans crainte et avec la confiance d'un homme sans reproche; si vous l'ordonnez, je me rends en sortant de cette enceinte dans les prisons de la haute cour nationale, et je prends le même engagement au nom de mes collègues. Que nos accusateurs s'y rendent aussi, et que ceux qui seront jugés coupables ou de trahison ou de calomnie, n en sortent que pour subir le supplice destiné aux uns comme aux autres! (Applaudissements.)
, répondant à M. de Roustan. L'Assemblée nationale examinera avec soin les explications que vous venez de lui présenter; elle vous invite à assister à sa séance.
Je demande la parole. L'Assemblée nationale a reftisé les honneurs de la séance à M. Rovère, député d'Ayignon...
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
et vous admettriez un particulier qui vient calomnier les membres ae cette Assemblée ! Je ne sais si l'Assemblée sera de mon avis, mais j'aurai du moins la gloire de m'être opposé à 1 admission de M. de Roustan... (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) -
, secrétaire. Voici une lettre de la municipalité de Caen, qui en envoyant diverses pièces relatives à l'affaire du 5 novembre, annonce qu'elle aura un dernier envoi à faire.
J'observe à l'Assemblée que la dernière fois j'avais fait la motion que les personnes détenues au secret pussent voir leurs parents. On a passé à l'ordre au jour sous le prétexte que cela était dans la loi; et cependant les raisons sur lesquelles ce décret était motivé n'ont pas paru suffisantes aux officiers municipaux pour les autoriser à ne plus tenir au secret les prisonniers. Je demande, en conséquence, que l'Assemblée veuille bien s'expliquer d une manière plus précise et autoriser directement la municipalité à permettre à ces prisonniers de communiquer avec leurs parents.
Un membre : Je demande que le comité de législàtion soit autorisé à écrire à ce sujet à la municipalité de Caen.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour en le motivant sur l'existence et les dispositions de la loi, qui veut que les prisonniers qui ont subi leur interrogatoire, ne soient point tenus au secret; et qu'à moins d'une ordonnance expresse du juge, les officiers civils puissent permettre aux parents et amis des prisonniers de communiquer avec eux. (Appuyé ! appuyé!)
(L'Assemblée décrète la motion de M. Bigot de Préameneu.)
L'ordre du jour appelle l'Assemblée dans ses bureaux pour y procéder à la nomination d'un Président.
Un membre : Je démande que cette élection soit renvoyée à demain et que l'Assemblée entende en ce moment le rapport du comité colonial.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
L'ordre du jour appelle le rapport du comité colonial sur les troubles ae Saint-Domingue.
, au nom du comité colonial (1). Messieurs, de grands troubles ont affligé notre colonie de Saint-Domingue : empressés d'en prévenir les suites fâcheuses, vous avez voté des secours provisoires : vous avez fait tout ce qu'exigeaient les besoins du moment ; mais vous avez pensé eii même temps qu'il était de votre sagesse de vous procurer lTiistoire fidèle des agitations convulsives auxquelles dette colonie est en proie depuis la Révolution et d'en chercher les causes et lés remèdes.
Votre comité, Messieurs, aurait désiré pouvoir donner à ce travail les soins qu'exigeait Importance de la matière : forcé de vous faire son rapport dans un délai déterminé, il ne s'est-plus occupé que de vous présenter des faits exacts ; et le plan qu'il s'est prescrit à cet égard est tel qu'il peut vous garantir la vérité des faits dont il m'a chargé de Vous rendre compte.
La première époque des troubles de Saint-Domingue fut celle de notre Révolution. Le grand mouvement imprimé en ce moment à la métropole se transmit rapidement aux autres parties de l'Empire : et. le sentiment de la liberté dut exciter dans les colonies une commotion d'autant plus grande, que le pouvoir arbitraire y était absolu et que les longues vexations du gouvernement y avaient naturalisé l'esprit de haine contre tous les dépositaires de l'autorité.
Les premiers mouvements qui eurent lieu ne présentent aucunes particularités frappantes; ils. n'offrent que la lutte de la liberté contre le despotisme.
Celui-ci succomba, et cela devait être. Mais, ce qui arrivé ordinairement aussi dans l'enfance de la liberté, la colonie abusa de cette première victoire, en se permettant des actes d'autorité répréhensibles. Tel fut, par exemple, le rétablissement du conseil supérieur du Gap, qui avait été supprimé par un éait de 1787; telle fut encore la rejection d un plan d'organisation^ coloniale, qui lui avait été envoyé par les ordres du roi, et 1 adoption d'un autre plan d'organisation, que les comités dés trois parties de la colonie concertèrent de leur propre autorité, et d'après lequel la première assemblée coloniale se constitua, et se fixa à Saint-Marc le 14 avril 1790.
Ici commence la seconde époque, et avec elle une plus grande complication de faits et d'intérêts.
Votre comité, Messieurs, a cru devoir entrer dans quelques détails sur les événements de cette époque et sur les personnes qui y ont joué le plus grand rôle, afin de prévenir la confusion que l'on fait ordinairement de la première assemblée coloniale de Saint-Domingue avec l'assemblée actuelle. . '. - - ' f
La joie, qu'avait répandu l'anéantissement du pouvoir arbitraire, avait-été troublée presque aussitôt par la nouvelle reçue de France, et con-coïisignee dans lés papiers publics, qu'une société déjà connue sous le nom d'amis des noirs faisait les efforts les1 plus actifs, pour étendre aux colonies françaises lés principes de liberté et d'égalité consacrés par la Déclaration des droits de l'homme.
Déjà, des hommes de couleur, armés dans la plaine de l'Artibonite venaient déjà de réclamer
la jouissance dès droits accordés aux colons blancs ; ils avaient été dissipés par les
volontaires
Aussi, alarmés des effets que pourrait produire ce système d'innovation, ils s'étaient adressés de suite à l'Assembléè nationale, et l'avait priée de prononcer sur la constitution particulière des colonies. Mais la grande distance des lieux, la multiplicité et la haute importance des autres travaux du Corps constituant, empêchèrent quelque témps ce dernier de statuer sur leurs réclamations. Ce né fut qu'au mois, de mars 1790 qu'il put s'en occuper; et, avant que la nouvelle en eût pu parvenir dans la colonie de Saint-Domingue, l'assemblée coloniale, dont j'ai parlé, avait eu le temps de se former et de se constituer sous le titre d assemblée générale .de la partie française de Saint-Domingue.
La première séance de cette assemblée fut -remarquable par un discours véhément que prononça son président, et dans lequel il ne respecta guère les droits de la métropole. Ce discours devait être repoussé par un cri d'indignà-tion : il ne le fut point; et dès lors, les hommes qui connaissaient la marche du cœur humain,. durent présager que ceux dont les oreilles n'étaient pas choquées par des principes anticiviques, ne tarderaient pas à oublier leurs devoirs iet outrepasser leurs droits.
C'est ce que justifia bientôt l'expérience. Le secret des lettres fut violé'; des citoyens, sans distinction d'âge, d'état et de distance, furent mandés à la barre ; et bientôt encore, l'assemblée Coloniale, élevant plus haut ses prétentions, prétendit marcher l'égale de l'Assemblée constituante, en décrétant l'inviolabilité de ses membres, et déclarant aux paroisses qu'elles n'avaient plus de droit sur leurs députés.
Toutes ces déterminations furent l'ouvrage de 12 joûrs ; et tel était l'état des choses, l'on reçut à Saint-Domingue le décret de l'Assemblée nationale du 8 mars 1790, et les instructions du 28 du même mois, relatives à Y organisation des colonies. *
Quoique l'Assemblée nationale connaisse déjà ces deux actes du corps constituant, il n'est pas inutile d'en rappeler 1 esprit et l'objet sommaire.
Par le décret du 8 mars, l'Assemblée natio^-nalé déclarait : « qu'en considérant les colonies « comme une partie de l'Empire français, et dési-« rant les faire jouir des fruits de l'heureuse régénération qui s'y était opérée, elle n'avait ja-; mais entendu Cependant les comprendre dans « la constitution décrétée pour le royaume, et les « assujettir à des lois qui pourraient être incom-« patibles avec leurs convenances locales et parti-« culières ; et elle autorisait chaque colonie à faire « connaître son voeu sur la constitution, la légiste lation et l'administration convenables àla prospérité et au bonheur de ses habitants, à la « charge de se conformer aux principes généraux « qui lient les colonies à la métropole, et qui « assurent la conservation de leurs intérêts res-« pectifs. »
L'instruction du 28 mars prescrivait : » les « conditions d'éligibilité à l'assemblée coloniale, « et le nombre des députés qui devaient la com-« poser à raison du nombre des citoyens éligi-« nies ; elle portait que les députés élus se ren-« draient immédiatement à Léogane, et y déter-« mineraient le lieu où doit siéger l'assemblée « coloniale : enfin, elle déterminerait l'étendue « de ses fonctions déléguées aux assemblées co-
« loniales, et posait les limites de celles confiées « aux agents du pouvoir exécutif. » Quoique ces deux pièces ne fussent pas trans-• mises officiellement, comme on ne pouvait pas les révoquer en doute, elles furent reçues au Cap, à Saint-Marc, et au Port-au-Prince, avec des transports de joie et de reconnaissance, et ces sentiments se répandirent aussitôt dans toute la colonie. On était convaincu enfin que l'Assemblée nationale constituante avait mis au rang de ses premières obligations, celle de faire participer les colonies au bienfait de la Révolution, èt de leur donner une Constitution appropriée à leur position et à leurs besoins.
L'assemblée générale reçut aussi ces décrets avec les signes de la plus grande satisfaction ; et, le jour même, elle vota des remercîments à l'Assemblée nationale. ;
Mais cette délibération ne fut pas exécutée.; des réflexions postérieures, et des doutes élevés sur l'interprétation de l'article IV des instructions, avaient refroidi le premier enthousiasme des membres de rassemblée, qui croyaient y lire la destruction d'un ordre de choses, auquel ils attachaient la plus grande importance.. Cet article portait ;
« Qu'immédiatement après la proclamation du décret et de l'instruction, toutes les «personnes âgées de 25 ans accomplis, propriétaires d'immeubles, ou, à défaut d'une telle propriété, domiciliées dans la paroisse depuis 2 ans, et payant une contribution, se réuniraient pour former l'assemblée provinciale. »
Quelques personnes craignirentque les hommes de couleur libres, privés jusqu'alors de l'exercice des droits politiques, ne voulussent, d'après cet article isolé, se présenter dans les assemblées paroissiales et quoique, à cette époque, ce droit ne fut pas réclamé par les hommes de couleur, la crainte des difficultés auxquelles l'interprétation de cet article 4 semblait pouvoir donner lieu, contribua beaucoup à entraîner l'assemblée générale dans les mesures inexcusables, qui ont amené sa dissolution.
Voici celles de. ces mesures qui sont les plus remarquables. L'assemblée générale se déclara permanente, enjoignit à l'ordonnateur des finances de transporter ses bureaux et sa caisse auprès d'elle ; manda à sa barre des commandants militaires; suspendit toutes réunions et concessions des domaines ; organisa les municipalités ; enfin rendit le fameux décret du 28 mai 1790, par lequel entre autres principes erronés et attentatoires à la souveraineté nationale, elle déclara : 1° qu'à elle appartenait, essentiellement et nécessairement, le droit de statuer sur son régime intérieur; 2° qu'en ce qui concerne les rapports commerciaux, et les autres rapports communs entre Saint-Domingue et la France, ie nouveau contrat devait être formé d'après le vœu, les besoins et le consentement des parties contractantes; 3° que tout ce qui est relatif aux subsistances ne fait point partie des objets compris dans la classe des rapports communs de Saint-Domingue avec la France ; 4° que ce décret, constitutionnel pour Saint-Domingue, serait envoyé en France pour être présenté à l'acceptation de l'Assemblée nationale et du roi.
Lorsque l'assemblée générale rendit ce décret, elle n'avait pas encore reçu officiellement les lois des 8 et 28 mars. Elles ne lui parvinrent que quatre jours après, le 1er juin, et sur-le-champ elle rendit un décret, par lequel elle déclara : 1° qu'elle adhérait au décret au 8 mars, en tout
ce qui n'était pas contraire à son arrêté du 28 mai; 2° que. sans rien préjuger' sûr les instructions du 28 mars, elle invitait les paroisses à se réunir et à délibérer si elles voulaient que l'assemblée générale continuât ses fonctions. Tous ces décrets étaient des contraventions formelles aux lois et aux droits de la métropole ; mais il s'en fallait bien qu'ils obtinssent l'approbation de la colonie tout entière.
Diverses paroisses, et notamment celles de la Croix-des-Bouquets, du Petit-Goave, du Fond-de-Nègres, du Môle, de Jacmel, de l'Acul et de l'Anse-à-Veau, prirent, du 20 au 25 mai, des délibérations vigoureuses, dans lesquelles elles réclamaient 1-exécution des décrets de l'Assemblée nationale. ,
La commune du Port-au-Prince désavoua au-thentiquement tous principes qui seraient contraires aux lois de l'Assemblée constituante.
L'assemblée provinciale du Nord, surtout, s'éleva avec la plus grande force contre le système d'innovation de l'assemblée générale ; et, malgré la suprématie d'autorité affectée par celle-ci, aliéné craignit pas de délibérer « qu'elle ne permettrait, à l'avenir, la promulgation d'aucune loi, si elle n'avait été préalablement communiquée aux assemblées provinciales, revêtue de la sanction du gouverneur général, et terminée par les mots,« sauf la décision définitive de l'Assemblée nationale, et la sanction du roi. »
Cependant, l'assemblée coloniale ayant convoqué Ja totalité des paroisses pour délibérer, aux termes de l'instruction du 28 mars, si elle serait continuée dans l'exercice de ses fonctions, elle fut confirmée à une légère majorité, et de ce moment elle ne mit plus de bornes à ses espérances et à ses projets.
S'il s'agissait, en ce moment, de prononcer sur la conduite de cette assemblée de Saint-Marc, ou si tous les faits relatifs à cette époque des troubles de Saint-Domingue, n'étaient enveloppés sous le voile de l'amnistie prononcée par l'Assemblée constituante, je pourrais vous rappeler ici un grand nombre ae décrets de l'assemblée de Saint-Marc, dans lesquels vous reconnaîtriez toujours cet esprit inquiet qui a provoqué sa dissolution.
Le comité se contentera, Messieurs, de vous retracer les traits qui caractérisent le mieux sa marche systématique. Le 20 juillet, elle ouvrit tous les ports aux étrangers; le 22, elle se rendit maîtresse du magasin à poudre de Lëogane ; le 27, elle licencia l'armée, et la réorganisa sous ie nom de gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue ; le même jour, elle enjoignit au commandant du vaisseau de ligne le Léopard, de ne point quitter la rade du Port-au-Prince.
Le gouverneur, inquiet des entreprises de rassemblée générale, et après avoir essayé inutilement de le ramener aux principes, fit une proclamation dans laquelle il déclara les membres de l'assemblée générale, traîtres à la patrie, et il invita tous les bons citoyens à se réunir à lui pour sauver la patrie.
Cette proclamation était du 29 juillet. Le même jour, dans une assemblée dans laquelle se trouvaient tous les chefs militaires, après une longue délibération sur les moyens employés par l'assemblée générale, pour soustraire le vaisseau le Léopard à l'obéissance du gouverneur, il fut résolu d'arrêter quelques membres du comité du Port-au-Prince, pour servir de garants de la conduite de l'assemblée générale. L'expédition fut
confiée à M. Mauduit, qui, depuis, a payé bien cher l'honneur du succès de cette entreprise.
Il est difficile de peindre, la situation de l'assemblée générale à la nouvelle de cette expédition. Elle fit à la hâte une proclamation pour inviter toutes les paroisses à se réunir.
Elle présentai expédition de M. Mauduit comme un projet de contre-révolution ; elle le proscrivit et le déclara traître à la patrie, ainsi que les autres chefs militaires.
Elle déclara M. de Peynier, déchu de fait du gouvernement de la colonie; et déféra le commandement général à M. Fierville, commandant particulier de la villè des Gayes : enfin,, elle autorisa les mulâtres et nègres libres à prendre les armes, et à se réunir aux citoyens armés qui se vouaient à la défense de l'assemblée générale.
L'acte de proscription que l'assemblée générale avait prononcé contre les officiers militaires fut immédiatement suivi d'une exécution vio^ lente dans la ville des Cayes. La municipalité extraordinaire de cette ville avait intercepté des lettres adressées-par le commandant en second de la colonie, à M. de Caudère, commandant pour le roi dans la partie du,Sud. Elle fit arrêter cet officier et le fit conduire dans les prisons de la ville des Gaves. Bientôt, il en fut arraché par le peuple qui le traîna sur la place publique, et malgré la résistance apparente des officiers municipaux, ce citoyen, non entendu,, non jugé, y périt de deux coups d'armes à feu, au milieu des plus affreuses violences.
Tandis que dans la ville des Cayes, on secondait d'une manière si barbare les projets de vengeance de l'assemblée générale, l'orage grondait sur celle-ci, et l'instant approchait,où elle devait se trouver anéairtie.
L'assemblée provinciale du Nord n'avait cessé de réclamer contre l'usurpation des pouvoirs de l'assemblée générale ; elle crut devoir enfin prendre une mesure vigoureuse et décisive. Dans une assemblée à laquelle furent appelés tous les militaires et membres des corps administratifs, il fut arrêté qu'il serait envoyé quatre commissaires à M. de Peynier, pour le requérir d'opérer la dissolution de l'assemblée générale; cette démarche eut le succès qu'on en espérait.
Le 6 août, M. de Vincent, qui avait, été chargé de cette expédition, fit sommer l'assemblée générale de se séparer dans 42 heures, sous peine d'y être contrainte par la force ; celle-ci, ne se sentant pas en état de résister, s'embarqua à bord du vaisseau le Léopard, et fit voile pour la France.
Avant son départ, elle fit une adresse touchante dans laquelle elle protestait de son dévouement pour la colonie et de sa fidélité pour la métropole, au sein de laquelle elle ne craignait pas, disait-elle, d'aller chercher des juges, et où elle espérait obtenir une vengeance éclatante de ce qu'elle appelait les forfaits de MM. Mauduit et Vincent. Le ton de sensibilité qui régnait dans çette adresse, et cet intérêt naturel que l'on porte aux malheureux, lui réconcilièrent beaucoup d'esprits. Présente, on la suspectait ; absente, on la plaignit, et de tous côtés on s'empressa bientôt de la justifier.
On a vu que les écarts de l'assemblée générale avaient été l'effet de son inquiétude sur les intentions de la métropole, relativement aux hommes de couleur, et peut-être aussi de quelque velléité d'indépendance. Telles furent aussi les bases du décret rendu, le 12 octobre 1790, par l'Assemblée constituante.
« L'assemblée générale fut déclarée déchue de ses pouvoirs ; MM. de Peynier, Mauduit et Vincent furent remerciés, ainsi que l'assemblée provinciale du Nord, les troupes patriotiques du Cap, les volontaires de Saint-Marc et du Port-au-Prince ; et l'assemblée annonça sa ferme volonté d'établir comme article constitutionnel dans les colonies qu'aucune loi sur l'état des personnes ne serait décrétée pour les colonies que sur la demande précise et formelle des colonies. »
Nous remplirions imparfaitement, Messieurs, l'obligation d'impartialité que nous impose notre mission, si nous ne vous rendions compte ici d'un grand nombre de pièces qui inculpent le gouvernement de Saint-Domingue et l'assemblée provinciale du Nord, dans leur conduite à l'égard de l'assemblée coloniale de Saint-Marc.
Les uns ont cru voir en M. de Peynier un agent secret des contre-révolutionnaires, et dans sa conduite, les vengeances de l'aristocratie contre les dépositaires d'une autorité élevée , sur les ruines de la sienne; les autres croient entrevoir dans la conduite de l'assemblée provinciale du Nord les traces d'une jalousie secrète, et les vengeances de l'esprit de corps.
On ne saurait juger les intentions, mais nous devons à la vérité de déclarer que les actes privés et publics de la correspondance de M. de Peynier, qui sont venus à notre connaissance, portent tous les caractères de l'obéissance aux décrets de l'Assemblée nationale, et que les arrêtés, les proclamations et les autres actes authentiques de l'assemblée provinciale du Nord, sont généralement conformes aux principes de la Constitution.
On conçoit d'ailleurs combien il est difficile de démêler les fils secrets d'une révolution qui s'est opérée à 1,800 lieues de nous, lorsque nous ignorons encore les vrais coupables des scènes sanglantes qui ont déshonoré la nôtre.
Nous passons aux événements de la troisième époque ; elle embrasse l'intervalle de la dissolution de l'assemblée générale dans les premiers jours d'août 1790, à la formation de la nouvelle assemblée coloniale qui a eu lieu du 3 au 10 août dernier, c'est-à-dire l'espace d'une année à peu près.
Les événements arrivés à Saint-Domingue pendant cet intervalle n'ont point de liaison suivie, et tiennent un.peu de la désorganisation des pour voirs de la colonie à cette epoque. Ils jetteront néanmoins un nouveau jour sur les causes des troubles de la colonie.
Après le départ de l'assemblée générale pour la France, à bord du navire le Léopard, beaucoup de paroisses de l'Ouest crièrent à la vexation et à la violence. Une confédération fut résolue ; et Léogane fut indiqué pour lieu de réunion. Des troupes s'yrendirent dedifférents endroits. L'état-maior de cette petite armée prit ie titre de conseil général de guerre et de politique, et s'occupa d'abord du plan de son organisation.
Une députation du district du Port-au-Prince se rendit auprès des confédérés, leur fit un tableau énergique des malheurs qu'entraîneraient des guerres intestines, et les invita, au nom de la colonie en danger, à abandonner une entreprise qui occasionnerait nécessairement de grands désordres.
Ces paroles de paix produisirent l'effet qu'en attendait la députation ; les confédérés arrêtèrent de faire des propositions à M. de Peynier ; et des commissaires furent chargés de les lui présenter.
Le gouverneur général y répondit avec modé-
ration, mais avec fermeté : les confédérés renoncèrent à leurs projets, se retirèrent dans leurs paroisses, et la tranquillité fut encore une fois rendue à la colonie.
Un incident cependant avait failli l'éloigner.
Lorsque les paroisses se confédéraient et annonçaient des projets hostiles contre le gouverneur, M. Mauduit, usant d'un moyen dont l'assemblée générale avait fait usage le 3 août, s'était décidé à inviter les mulâtres et nègres libres à s'armer et se réunir à lui.
L'armement et le rassemblement de ces mulâtres sur l'habitation du sieur Baudry-des-Lo-zières delà Crête-à-Piquant, près Léogane, avaient alarmé diverses municipalités voisines. Celle de Léogane se décida à y envoyer un détachement de gardes nationales et de maréchaussée ; mais à la première attaque, le sieur Dambouville, commandant Ce détachement, ayant été tué, le reste se retira.
La' municipalité de Léogane se plaignit au gouverneur, qui demanda les procès-verbaux et autres actes relatifs à cet événement : et, comme rien ne constatait que le sieur Baudry-des-Lozières eût donné lieu à l'envoi des forces répressives sur son habitation, le gouverneur représenta qu'on ne pouvait lui faire un reproche d'avoir repoussé l'incursion faite chez lui a main armée. Cette affaire n'eut pas de suite.
Il y eut dans les premiers jours de septembre, et dans diverses parties de la paroisse du Petit-Goave, des mouvements de nègres, dont un mulâtre, nommé Sinth-Dopson, était soupçonné d'être l'instigateur. Ces désordres furent réprimés aussitôt que connus. x . ; u
Vers la fin au mois suivànt, la tranquillité de la colonie fut encore une fois troublée. Un mulâtre, nommé Ogé, qui avait passé un an à Paris, débarqua le 21 octobre dans la colonie, sous le costume d'un matelot américain, et se trouva, dès le 28, à la tête d'une petite armée de gens de couleur, désarmant les blancs, enrôlant les nègres, et exerçant des actes de violence de tous genres.
Il s'était fixé dans le quartier de la Grande-Rivière : sa troupe était de 600 hommes, à peu près, et elie grossissait tous les jours. L assemblée provinciale du Nord sentant qu'il était prudent de prévenir un plus grand rassemblement, se hâta de se réunir aux commandants militaires, pour concerter les moyens de repousser les révoltés.
Ogé et un nommé Chavanne, autre mulâtre qu'il avait associé au généralat, écrivirent alors au gouverneur général de la colonie, au commandant pour le roi au Gap, et à l'assemblée provinciale du Nord. Ogé disait dans ces lettres, dont les copies officielles sont déposées au comité, qu'il avait concouru à obtenir le décret du 28 mars, qu'il venait en demander l'exécution, et qu'il emploierait, pour réussir, la force contre la force.
Chavanne écrivait qu'ils étaient sûrs de trouver 25,000 hommes pour faire exécuter ce décret, et qu'ils remporteraient la victoire par les précautions qu'ils avaient prises.
Le décret du 28 mars, réclamé par Ogé et Chavanne, n'était qu'un prétexte. Ce décret avait pour unique objet d'indiquer le mode d'élection provisoire de l'assemblée générale ; il y avait 6 mois que cette élection était faite ; l'assemblée coloniale existait encore ; il n'y avait donc aucun motif, aucune raison sérieuse de réclamer l'exécution de cette loi : il n'y en avait
point, surtout de le faire d'une manière hostile et offensive, et d'appuyer cette demande par des menaces et des violences.
Ces menaces et ces violences n'eurent heureusement pas de suite. Ogé, à la tête de sa petite armée, avait pillé et assassiné, le 29 octobre, les sieurs Sicard et Prion, habitants. Le même jour, portant leurs têtes avec des piques en si-
Sne de triomphe, Ogé vint attaquer le bourg du
ondon ; il y tua quelques personnes, mais il fut repoussé. Peu de temps après, il opposa la résistance ouverte aux troupes de ligne et aux milices patriotiques du Cap ; mais, repoussé de nouveau avec pertes, et abandonné des siens qui déclarèrent depuis qu'il les avait forcés à le suivre, il se retira sur le territoire espagnol. Le gouverneur français le réclama ; et, peu de jours après, Ogé, un de ses frères, le nommé Chavanne et treize autres chefs de son parti, ayant été arrêtés, furent rendus à la France, en vertu de l'article 6 du traité de 1777.
Ogé a été jugé et condamné à mort par arrêt du conseil supérieur du Cap. L'instruction de ce procès ne laisse aucun doute sur le projet d'une insurrection générale de la part des hommes de couleur. Son jeune frère, par son testament de mort, du 9 mars 1791, qu il confirma le lendemain, déclara que les nommés Fleury et L'Hirondelle, députés des gens de couleur auprès de l'Assemblée nationale, étaient revenus dans la colonie sur un bâtiment bordelais ; que leur présence dans la colonie soutenait îè soulèvement des gens de couleur ; et que, sans le débordement des rivières, ces hommes de couleur, réunis à des nègres au nombre de 11,000, seraient venus, au mois de février dernier, fondre sur la ville du Cap et la livrer au* pillage. Il dénonça, en outre, les principaux agents de ces troubles, dont plusieurs se trouvaient déjà compromis au procès, et il indiqua les points de ralliement et les diverses mesures qui avaient été prises pour exécuter ce complot abominable.
Ce qui prouve , que l'entreprise d'Ogé était liée à un plan général, c'est qu'au même instant, et dans toutes les parties de la colonie, les hommes de couleur et nègres libres firent des mouvemènts plus ou moins inquiétants ; mais partout ces mouvements furent réprimés dès leur naissance; et l'on dut particulièrement ce succès à l'activité des chefs militaires, et à la grande subordination des troupes de ligne, à l'époque de la fin de l'année 1790.
Malheureusement pour la colonie, cette subordination ne dura pas longtemps.
Les forces de terre et de mer qui étaient parties de Lorientle 3 février 1791, arrivèrent sur la rade du Port-au-Prince le 2imars suivant, portant un bataillon d'Artois, un bataillon de Normandie et un détachement du corps royal d'artillerie.
Les casernes du Port-au-Prince ne suffisant pas pour loger ce renfort de troupes, M. Blanche-lande ordonna à M. Devillàge, commandant de la station, d'aller les débarquer au môle Saint-Nicolas. Les équipages et la troupe avaient été en insurrection pendant toute la traversée; à leur arrivée au Port-au-Prince, l'insubordination augmenta, et M. Devillàge se trouva dans l'impossibilité d'exécuter les ordres du gouverneur. Les volontaires patriotes du Port-au-Prince, les troupes de ligne et les équipages de la station se firent des députations respectives. Les députés d'Artois et de Normandie furent reçus au Port-au-Prince au milieu des applaudissements, et il y eut des illuminations dans toute la ville.
Le récit de l'accueil qui leur avait été fait exalta toutes les têtes. Tous demandèrent à être débarqués; et le commandant se trouva dans la nécessité d'y souscrire.
Artois et Normandie firent connaissance avec le régiment du Port-au-Prince, commandé par M. Mauduit; les habitants prodiguèrent les fêtes et le vin aux nouveaux débarqués, la journée se passa dans une allégresse bruyante, mais point orageuse.
Cependant, les anciens partisans de l'assemblée générale et du comité provincial de l'Ouest, dissous par M. Mauduit dans la nuit du 29 au 30 juillet 1790, mécontents du décret du 18 octobre 1790, crurent l'occasion favorable pour se venger. Ils assurèrent aux soldats enivrés qu'un nouveau décret du mois de décembre avait pleinement justifié l'assemblée générale et improuvé cette expédition du 29 au 30 juillet 1790! et ils leur firent entendre que c'était une tâche pour le régiment du Port-au-Prince, qui avait concouru à cette expédition.
Une démarche ostensible et dirigée dans la même vue, vient d'assurer lè succès de ces projets criminels. Une députation des officiers des districts se rendit avec appareil chez M. Mauduit, et le somma, de la part du peuple, de remettre les drapeaux enlevés de la maison du comité dans la nuit du 29 au 30 juillet. Il offrit de les délivrer à l'instant; mais on s'y refusa, en exigeant qu'il vînt, à la tête dé son régiment, les remettre lui-même dans le liêj|td'où ils avaient été enlevés. On fixa l'heure; il s'y rendit : et, à la porte de ce comité, au milieu de son régiment, au milieu de la ville entière, il fut assassiné par ses propres soldats. Sa tête fut coupée et placée au haut de la potence de la ville; son corps dépouillé de vêtements fut traîné dans toutes les rues au milieu des cris d'une joie effrénée ; et l'on n'abandonna son cadavre en lambeaux que pour se livrer au pillage de sa maisou.
M. Blanchelande avait eu beaucoup de peine à se soustraire aux furieux, et s'était retiré au Cap. Après son départ il se forma au Port-au-Prince une nouvelle municipalité qui s'empara de tous les pouvoirs.
Cette ville ne jouit pas longtemps des fruits de son criminel triomphe. Un régiment qui s'était livré à de pareilles violences ne pouvait aisément rentrer dans le devoir. Le nouveau commandant y fit de vains efforts ; l'insubordination devint extrême et la municipalité, après avoir fait marcher contré lui, les bataillons d'Artois et de Normandie, après l'avoir désarmé, le fit embarquer et partir pour la France.
La nouvelle du, décret du premier février dernier, par lequel le roi était prié d'envoyer trois commissaires civils dans la colonie, avec pouvoir de suspendre tout jugement d'affaires relatives aux derniers troubles, avait rétabli le calme à Saint-Domingue. La métropole avait annoncé authentiquement vouloir s'occuper de tous les moyens propres à assurer le honneur et la tran-
Suillité des colonies ; elle avait promis de leur
onner une constitution appropriée à leur position, compatible avec leurs besoins et leurs usages particuliers: elle avait annoncé qu'il ne serait statué sur 1 état des personnes dans les colonies, que sur leur initiative; le dernier décret annonçait l'envoi très prochain d'instructions relatives à l'organisation du régime colonial : les colonies paraissaient devoir respirer, lorsque le décret du 15 mai, en anéantissant l'effet de ces
promesses, vint exciter de nouvelles convulsions à Saint-Domingue.
Nous ne prononçons point, Messieurs, sur le fond de ce décret. Il contenait trois dispositions principales.
La première, « que le Corps législatif ne délibérerait jamais sur l'état politique des hommes de couleur, qui ne seraient pas nés de père et mère libres »;
La seconde, « que les assemblées coloniales actuellement existantes continueraient leurs fonctions; »
La troisième, « que les hommes de couleur nés de père et mère libres seraient admis dans toutes les assemblées coloniales et provinciales futures, s'ils avaient d'ailleurs les qualités requises ».
Les colons blancs se plaignirent que la troisième disposition était une infraction aux. décrets des 8 mars et 12 octobre 1790, et répétèrent alors ce qu'ilg n'avaient jamais cessé de dire : Que de la suppression de cet intermédiaire politique entre les Dlancs et les noirs résulterait nécessairement la subversion de la colonie.
D'un autre côté, l'attente des hommes de couleur libres ne se trouva pas remplie. L'exclusion prononcée par la loi contre ceux qui n'étaient pas nés de père et mère libres, mécontenta singulièrement cette dernière classe, que l'on assure être la plus nombreuse, et qui paraissait avoir sollicité le plus vivement le décret.
La nouvelle de ce décret fut donc un germe funeste de discorde entre les blancs et les mulâtres ; et, dans cette dernière classe, entre les affranchis et ceux nés de père et mère libres. Le mécontentement fut général et extrême.
« N'exigez pas (écrivait le gouverneur au « ministre de la marine)* n'exigez pa^ que je « vous fasse part des propositions, toutes plus « violentes les unes que les autres, auxquelles ce « décret a donné lieu. La guerre civile la plus « affreuse, et la perte de la colonie peuvent être « les suites delà disposition présente des esprits. « La première partie de ce décret sur les esclaves ^ ne rassure même pas à l'égard dés propriétés ; « on n'y voit qu'une disposition, qu'un décret «subséquent abrogera, comme celui-ci anéan-« tit la promesse du 12 octobre.
« La garantie accordée par le premier article « (écrivait le procureur général du conseil supé-« rieur du Cap) est regardée comme un nouveau « pacte, aussi vain que celui du 12 octobre, aussi « facile à violer. »
Ecoutez les membres de l'assemblée provinciale, écrivant à l'Assemblée nationale : « La « première exécution de votre décret, disent-ils, « serait désastreuse pour la colonie. Tous les « cœurs sont ulcérés ; les agitations dont nous « sommes témoins, peuvent amener une explo-« sion générale, affreuse dans ses effets; alors « nous n'avons qu'à envisager une résistance « désespérée et un vaste tombeau dans la co-« lonie.
« Le désordre est au comble (écrivait un capi-« taine du Havre, le 22 juillet dernier); Saint-« Domingue s'ensevelira sous ses ruines, plutôt «: que de souffrir la promulgation du décret du « 15 mai. Tout est en combustion au bas de la « côte, surtout au Port-au-PrinCe, où l'on vou-« lait, au départ du courrier, mettre en dérive les navires bordelais. »
Il n'est pas inutile, Messieurs, d indiquer les causes de cette animosité particulière des colons contre les Bordelais. Les corps administra-
tifs de Bordeaux avaient fait une adresse de félicitations à l'Assemblée nationale, au sujet du décret du 15 mai ; ils l'avaient suppliée de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour Vexécution de ce décret, et lui avaient fait le secours des gardes nationales du département. Ces dispositions, qui contrariaient l'esprit dominant à Saint-Domingue, avaient aigri les colons contre les capitaines, les équipages et les passagers arrivant de Bordeaux.
Ce gui acheva d'effrayer les colons sur les dispositions de la métropole, fut la lettre fameuse d'un membre de l'Assemblée constituante, qui écrivait que bientôt le soleil n'éclairerait plus en Amérique que des hommes libres. Les colons sentaient que de pareilles espérances données aux colons pouvaient avoir les suites les plus fâcheuses; et l'expérience prouve aujourd'hui que leurs inquiétudes n'étaient pas sans fondement.
Cependant quelques-uns de ceux qui avaient le plus appuyé le décret du 15 mai, commençaient à sentir la difficulté de son exécution ; le gouverneur écrivait que si la loi parvenait officiellement, il ne prendrait pas sur lui d'en ordonner la promulgation: toutes les places maritimes, toutes les villes de commerce, toutes les manufactures du royaume faisaient des réclamations : l'Assemblée constituante, éclairée par ce cri général, convaincue que l'incertitude des esprits sur les principes de la métropole avait été la première cause des troubles des colonies, reconnaissant enfin la nécessité de donner une constitution à cette partie intégrante et précieuse de l'Empire français, décréta constitutionnélle-ment pour les colonies, les quatre articles ci-après :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale législative statuera exclusivement avec la sanction du roi, sur le régime extérieur des colonies ; en conséquence, elle fera : 1° les lois qui règlent les relations commerciales des colonies, celles qui en assurent le maintien par l'établissement des moyens de surveillance, la poursuite, le jugement, et la ^punition des contraventions, et celles qui garantissent l'exécution des engagements entre le commerce et les habitants des colonies ; 2° les lois qui concernent la défense des colo-nies, les parties militaires et administratives de la guerre et de la marine.
« Art. 2. Les assemblées coloniales pourront faire, sur les mêmes objets, toutes demandes et représentations; mais elles ne seront considérées que comme de simples pétitions, et ne pourront être converties dans les colonies en règlements provisoires sauf néanmoins les exceptions extraordinaires et momentanées, relatives à l'introduction des subsistances, lesquelles pourront avoir lieu à raison d'un besoin pressant, légalement constaté, et d'après un arrêté des assemblées coloniales, approuvé par les. gouverneurs.
« Art. 3. Les lois concernant l'état des personnes non libres, et l'état politique des hommes de couleur, nègres libres, ainsi que les règlements relatifs à l'exécution de ces mêmes lois, seront faites par les assemblées coloniales, s'exécuteront provisoirement avec l'approbation des gouverneurs des colonies, pendant un an pour les colonies américaines, et pendant deux ans pour les colonies asiatiques, et seront portées directement à la sanction du roi, sans qu'aucun décret antérieur puisse porter obs-
tacle au plein exercice du droit Conféré par le présent article aux assemblées coloniales . « Art. 4. Quant aux formes à suivre pour la
par le pouvoir législatif, ainsi que le surplus de l'organisation des colonies, après avoir reçu le vœu que les assemblées coloniales ont été autorisées à exprimer sur leur constitution. »
Cette loi, qui devait assurer invariablement la tranquillité des colonies, n'a pu malheureusement y arriver assez tôt pour prévenir les événements affreux qu'embrasse la quatrième époque, dont il me reste à vous rendre compte.
Ici, Messieurs, commence un nouvel ordre de choses. La révolte des noirs éclate; les événements, les délibérations, les dispositions militaires se succèdent avec rapidité ; et l'homme sage, qui ne veut pas juger légèrement, est obligé de se recueillir pour suivre le fil des faits, et pour apprécier les mesures qui furent adoptées dans ces circonstances critiques.
J'épargnerai à votre sensibilité un nouveau récit des faits particuliers dont l'atrocité vous a déjà fait frémir plusieurs fois ; je me bornerai à vous indiquer la marche générale des révoltés, et les moyens que leur Ont opposés le gouverneur et l'assemblée coloniale.
La formation de la nouvelle assemblée coloniale, que diverses Circonstances avaient retardée jusqu'à ce moment, s'était enfin opérée à Léogane, le 10 août dernier, et cette assemblée s'était constituée de suite sous le nom d'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
Le même jour, on avait agité la question de savoir si l'assemblée continuerait ses travaux à Léogane ou si, conformément 'à la faculté que lui en accordait l'instruction du 28 mars, elle choisirait une autre ville pour lieu de ses séances. Les opinions s'étaient trouvées partagées : les uns préféraient Léogane, comme point central de la colonie; les autres insistaient pour le Cap, par la raison que cette ville avait de plus grandes liaisons avec la métropole, et parce que, disaient-ils encore, c'était le moyen de détruire entièrement les anciens germes de division ; on fut au scrutin : au troisième tour, le Gap obtint la majorité, et la réunion générale dans cette ville fut ajournée au 25. L'assemblée se sépara ensuite.
Il n'est pas inutile, Messieurs, de vous rappeler quelques délibérations que l'assemblée générale avait prises au moment de sa formation et de sa réunion provisoire.
A l'ouverture de ses séances, le 3 août, elle avait exigé que tous ses membres prêtassent serment, et jurassent sur l'hOnnèur et au nom du salut de la colonie en danger, de se réunir d'esprit, de cœur et d'intention avec leurs collègues, et d'ensevelir dans une nuit éternelle les discussions qui avaient précédé leur rassemblement.
Le 9, elle déclara ne vouloir laisser aucun doute sur la pureté de ses intentions et de ses principes, jusqu'à ce qu'elle eût pu les manifester plus formellement en s'occûpant de la constitution de Saint-Domingue et elle arrêta, en conséquence, que Saint-Pomingue étant portion de l'Empire français, elle reconnaissait qu'à l'Assemblée nationale seule appartenait irrévocablement le droit de prononcer sur les rapports politiques et commerciaux qui unissent Saint-
Domingue à la France, d'après les plans qui seraient présentés par l'assemblée générale. Elle déclara, en outre, qu'elle mettait sous sa sauvegarde, et sous celle de la loyauté des citoyens, les créances, tant des négociants de France que de Saint-Domingue, qu'elle maintiendrait l'observation des lois qui en assurent les payements dans toute leur vigueur, et qu'elle provoquerait à cet effet toute l'influence des opinions et de la force publique.
Ces arrêtes, et celui par lequel elle avait déterminé de se fixer au Gap, furent adressés et soumis au représentant du roi par des commissaires nommés à cet effet, et cette formalité fut étendue aux diverses délibérations prises postérieurement par l'assemblée générale.
Conformément à celui du 10 août, les membres de l'assemblée générale s'étaient séparés, résolus de se rendre au Gap le jour indique.
Dans leur route, quelques-uns d'entre eux furent témoins, le 16 août, de l'incendie d'une case à bagasse, sur l'habitation Ghabeau, aU quartier du Limbé; plusieurs, dont deux sont présentement en France, traversèrent des sucreries incendiées et eurent beaucoup de peine à échapper aux révoltés ; quatre autres, enfin, ont été impitoyablement massacrés en se rendant paisiblement à leur poste.
Avant que l'assemblée générale fût réunie, le 22 août, rassemblée provinciale du Nord fit prier M. Blanchelande d'être présent à la déclaration des diverses personnes blanches et de couleur arrêtées la veille par des patrouilles.
Ces personnes déposèrent qu'il existait un projet de conspiration dirigé particulièrement contre la ville du Gap. Ce projet devait s'effectuer la nuit. On devait mettre le feu à des habitations voisines du Gap et, à ce signal, un massacre général devait avoir lieu dans toutes les parties de la ville.
M. Blanchelande prit aussitôt des mesures pour prévenir ce désastre ; mais elles ne purent s'étendre à toute la partie du Nord qui se trouvait menacée.
Pendant la nuit, des nègres révoltés sur l'habitation Noé, à l'Acul, y assassinent les blancs, passent sur l'habitation Clément, y signalent également leur rage, penètrent aux trois habitations Gàlifet et y commettent les mêmes horreurs.
Le 23 au matin, on vit arriver de divers quartiers, des blancs fuyant leurs habitations. Les uns annonçaient la révolte de plusieurs ateliers, les autres racontaient les massacres qui se commettaient dans la plaine ; tous demandaient l'asile ou des secours.
Le commandant général envoya aussitôt une compagnie du régiment du Gap sur l'habitation Noé, et il invita les dragons patriotes à les y accompagner.
L'assemblée provinciale, de son côté, envoya des troupes à cheval et des volontaires au haut du Gap, où M. Blanchelande établit ensuite un fort détachement de troupes de ligne.
Les membres de l'assemblée générale arrivaient successivement au Cap, à travers les plus grands dangers. Ils se formèrent d'abord en comité, et arrêtèrent que sur-le-champ on donnerait avis aux [provinces de l'Ouest et du Sud des malheureux événements qui affligeaient les environs du Cap ; le président fut spécialement chargé de cette commission.
Les premières dispositions faites par le gouverneur et l'assemblée provinciale du Nord,
avaient un peu dissipé la terreur qui s'était répandue dans la ville ; mais cette situation ne fut pas de longue durée.
A chaque instant, on apprenait des nouvelles plus fâcheuses les unes que les autres ; tous ceux qui arrivaient de la plaine rapportaient que les violences des révoltes augmentaient avec leur nombre, et que le mal s'étendait progressivement à toute la partie du Nord.
La position particulière du Cap n'était pas tout à fait tranquillisante. Cette place, qui contient 8 à 10,000 nègres mâles, fourmille, comme toutes les grandes villes, d'une foule d'aventuriers, rebut de l'Europe entière. Comme on découvrait à tout moment des complots qui prouvaient que la révolte était concertée entre la ville et la plaine, l'assemblée générale et l'assemblée provinciale du Nord craignirent que, dans le cas d'une attaque extérieure, il ne se manifestât une révolte au dedans, et elles firent part de leurs inquiétudes au général, qui se détermina à rappeler le poste oe la baie de l'Acul pour couvrir le Gap. Il y eut, dans cette marche, une escarmouche entre ce détachement et les révoltés : 50 nègres restèrent sur le champ de bataille.
Cependant, il s'opérait successivement des jonctions d'ateliers nouvellement révoltés ; la province du Nord était en proie aux plus grands désordres, et les divers corps de troupes patriotiques de cette province, agissant sans concert, ne produisaient presque aucun effet.
Le 24 août, l'assemblée générale pria M. Blanchelande d'en prendre le commandement, et de pourvoir par lui seul à tout ce qu'exigeait la sûreté publique. Il accepta, et s'occupa de sùite de former un plan général de défense.
Il établit au haut du Cap un poste d'environ 250 hommes, tant d'infanterie que de cavalerie, dont il confia le commandement à M. Touzard ; il envoya à la petite Anse un autre détachement d'environ 200 nommes, avec l'artillerie convenable ; il forma divers corps de garde, fit em-bosser la corvette la Fauvette et la frégate la Prudente pour battre sur les chemins et intercepter les passages, et prit toutes les précautions nécessaires pour mettre le Gap en sûreté.
Comme rassemblée générale observait que l'attroupement des nègres augmentait chaque jour, et que bientôt les villes mêmes seraient dans l'impossibilité de se défendre, si la colonie ne recevait des renforts du dehors, elle arrêta d'expédier promptement plusieurs petits bâtiments, pour demander aux puissances voisines des secours d'hommes et des munitions de guerre et de bouche. Il est essentiel de rappeler ici les expressions mêmes de cet arrêté, pris le 24 août :
« Arrêté que M. le général seul traitera cette « affaire importante avec les commandants des « possessions espagnoles ; mais que, pour traiter « avec les autres puissances, M. le général et « l'assemblée feront les réquisitions en commun.
« Arrêté, en outre, que ces réquisitions seront « précédées d'une proclamation de l'assemblée « générale, qui constate l'urgente nécessité de « recourir à cette ressource extraordinaire. »
Le même jour et les quatre suivants, l'assemblée générale prit divers autres arrêtés relatifs aux circonstances.
Elle déclara qu'elle tiendrait ses séances jour et nuit; elle chargea l'assemblée provinciale de nommer une commission prévôtale dont les fonctions seraient de juger les hommes pris les armes à la main ou en état de révolte ; elle accepta l'offre faite par les hommes de couleur de
s'armer pour la défense commune; elle empêcha l'embarcation de l'argent sur les bâtiments qui étaient en rade,-dans la vue d'arrêter la disparition du numéraire et le refroidissement du zèle de plusieurs citoyens propres à la défense publique: elle mit un embargo sur tous les navires de long cours qui existaient dans les ports de la colonie, et laissa aux assemblées provinciales, corps administratifs et municipalités, la liberté de lever cet embargo sur les, bâtiments dé cabotage seulement, si Je cas . le requérait : elle forma, sous l'approbation du gouverneur, deux régiments, sous le titre de gardes de Saint-Domingue, soldés, et les soumit à toutes les ordonnances relatives à la discipline et police militaire, en vigueur dans la colonie.
Le général, de,son côté, acceptait les offres de la marine nationale, qui demandait à-occuper le Morne de Saint-Michel; il nommait des chefs dans les divers points; il fortifiait l'île de la Tortue; il établissait des petits bateaux d'observation, pour croiser depuis Caracole jusqu'au
Sort Margot, et de ce dernier lieu dans le canal . e la Tortue, avec ordre de couler bas toutes les petites embarcations suspectes, et surtout celles qui auraient à leur bord des nègres révoltés; il s'emparait des gorges et des passages depuis la Marmelade jusqu'à la mer. . Peu de jours après, le général proposa de faire .une proclamation pour inviter les nègres à rentrer dans le devoir, et il offrit de se mettre en -campagne pour réduire et écraser les révoltés qui continuaient de saccager la plaine. On crut que son projet de proclamation ne produirait pas l'effet qu il en attendait, ce qui empêcha de l'adopter; et la crainte, encore subsistante, d'un soulèvement intérieur, fit rejeter également sa proposition, de se mettre en campagne avec la plus grande partie de la force armée.
On se borna à régler la marche des troupes .destinées à protéger la province de l'Ouest, afin d'empêcher les progrès de l'incendie, et d'intercepter toute communication des ateliers de la
Frovince du Nord avec ceux de la province de
Ouest et du Sud, qui n'étaient pas encore infectés de l'esprit de sédition.
Les circonstances devenant plus critiques de jour en jour, l'assemblée générale et l'assemblée provinciale arrêtèrent qu en cas d'attaque, leurs membres prendraient eux-mêmes les armes, tant pour partager les périls des citoyens que pour ranimer leur zèle et conserver l'ordre ; et, pour servir de signe de reconnaissance et de ralliement, il fut arrêté, le 28 août, que les membres de rassemblée générale porteraient en séance et sous les armes une écharpe de crêpe noir, et les membres de l'assemblée provinciale une écharpe rouge, image du sang dont leur territoire était arrosé; il rut arrêté, en outre, que le président porterait, pour être reconnu et pour qu on obéit a sa voix, une écharpe rouge et noire : il fut arrêté enfin que ces écharpes ne seraient portées que durant l'état de guerre où se trouvait la colonie.
Le 29, l'assemblée générale arrêta que l'officier d'administration faisant les fonctions d'intendant se transporterait au Cap avec ses bureaux et les titres relatifs aux finances de Saint-Domingue, vu qu'il était plus important que jamais de connaître l'état de ses finances, et que les retards occasionnés par l'éloignement du trésorier pourraient produire des effets funestes.
Le 2 septembre, l'assemblée générale prit un .nouvel arrêté relativement aux cargaisons desti-
nées pour France. Il est intéressant de rappeler ici le dispositif littéral de cet arrêté :
«L'assemblée générale, considérant qu'il se « trouve sur les bâtiments mouillés actuellement « sur la rade du Cap, des chargements de denrées « et de piastres appartenant aux habitants de « Saint-Domingue, et dont la destination est d'être « vendus en France pour leur compte.
« Considérant que ce secours leur devient d'au-« tant plus nécessaire dans le moment de crise « actuel quela plupart, ayant tout perdu, sonthors « d'état de se procurer même les premiers be-« soins de subsistance; considérant enfin que la « partie du nord de Saint-Domingue étant dénuée « ae tout secours, menacée de tous les besoins, « il «est de sa sagesse dé conserver la plus grande «. masse de ressources pour se les procurer,
« A arrêté que tous les propriétaires ou char-« geurs de denrées ou de piastres sur la rade, « sont autorisés à retirer lesdites denrées et « piastres.
« Tout capitaine à qui la réclamation en sera « faite sera tenu de les remettre aux propriétaires « ou chargeurs, à leur première demande, à la « charge par lesdits propriétaires ou chargeurs « de payer les frais de chargement et de déchar-« gement.
« Ne pourront les capitaines prétendre aucune « indemnité pour raison de fret.
« Le présent arrêté aura son exécution à la « simple notification qui en aura été faite aux-« dits capitaines.
« Sera bien et valablement déchargé le capi-« taine des marchandises contenues au connais-« sement, par la déclaration que mettra le proprié-« taire ou chargeur au dos dïudit connaissement, « que les marchandises lui ont été remises. »
Cet arrêté qui, comme tous les autres, fut soumis à l'approbation du gouverneur, donna naissance à une décision rendue le 5 septembre, qui renvoie aux juges de l'amirauté les contestations qui pourraient s'élever en conséquence, parce que (porte cette décision) rassemblée ne pouvait en même temps dicter les lois et les faire exécuter.
L'assemblée générale prit depuis, et suivant les circonstances, divers arrêtés, dont voici les plus importants :
Elle accorda la liberté à un nègre commandeur, qui avait préservé un atelier de la révolte, et avait dénoncé, divers instigateurs de troubles;
Elle restreignit provisoirement la liberté de la presse, etla vente et la distribution d'aucuns écrits relatifs aux affaires politiques et à la Révolution française.
' Uii sieur Fournier, commandant le Triton de Bordeaux, refusait de fournir de la farine aux habitants du Bongre, parce que ceux-ci, épuisés en ce moment, ne pouvaient le payer comptant; l'assemblée arrêta qu'eu égard à la circonstance, ce capitaine serait tenu de fournir des vivres au commissaire du Bongre, jusqu'à la concurrence de 6,600 livres payables en 3 mois, sous la solidité de tous les gens de la paroisse.
Elle augmenta le droit de sortie sur les sucres et cafés, dans la vue, porte l'arrêté, d'établir la balance entre les recettes et les dépenses.
Elle permit aux habitants des Etats-Unis d'Amérique de s'expédier deux à la fois, dans la crainte qu il ne vînt pas du secours de ce pays ; si on y apprenait l'embargo général,.
Elle suspenditprovisoirementle droit d'aubaine à l'égard des étrangers établis dans la colonie» qui, dans ces circonstances difficiles, auraient pris
les armes, comme les 'autres citoyens - pour la défense de la Colonie.
- Sur la lecture d'une lettre venue de France, gui annonçait qu'une foule d'émigrants passaient journellement a Saint-Domingue, âvec des principes contraires à son état politique, l'assemblée arrêta que tout particulier arrivant dans la partie française de Saint-Domingue qui n'aurait pas de propriété dans le pays, ou qui ne serait pas adressé, et qui ne pourrait pas se faire réclamer de parents, tels que père, fils, frère, oncle et neveu, propriétaires ou citoyens domiciliés ou connus, ne pourrait être débarqué, et resterait consigné, soit à bord du navire qui l'aurait amené, soit à bord du navire de la nation qui se trouverait dans la rade où le navire aurait mouillé:
Les 5, 6 et 14 septembre, sur la proposition spontanée de quelques-uns ae ses membres, elle délibéra sur les moyens d'améliorer l'état des hommes de couleur libres. Le 5, on arrêta qu'il serait formé une commission "chargée spécialement de ce travail, et à laquelle les hommes de couleurlibres pourraient adresser leurs pétitions, et que cette commission serait tenuedeprésenter son travail à l'assemblée 'dans le plus bref délai. Le 6, sur le rapport de cette commission, elle autorisa les hommes de couleur libres, sans exception^ se réunir paisiblement dans leurs paroisses et à rédiger des pétitions tendant à fixer leur état ; et elle enjoignit aux municipalités, corps populaires et commandants, de protéger ces assemblées d'hommes de couleur libres, afin que l'émission de leur vœu parvînt le plus librement et le
Elus promptement possible. Le 14, elle autorisa les ommes dé couleur libres, alors sous les armes, à former des assemblées, dans ieurs camps mêmes, pour la rédaction de leurs pétitions. $ Pendant que l'assemblée générale s'occupait, dans la partie du Nord, des moyens d'améliorer l'état des hommes de couleur libres, ceux de la partie de l'Ouest s'étaient armés auprès du Port-au-Prince, et avaient réuni sous leurs ordres un assez grand nombre de nègres. Un détachement de troupes de ligne et de gardes patriotiques, envoyé pour les réduire, fut repoussé avec perte. Les hommes de couleur, et les troupes patriotiques nommèrent respectivement des commissaires pour proposer des articles de paix, et cette conférence se termina par le concordat dont vous avez connaissance.
Cependant les noirs révoltés continuaient leurs forfaits dans la partie du Nord : leurs échecs semblaient ajouter à leur audace, et l'on assurait qu'ils avaient grande provision d'armes et de munitions de bouche et de guerre.
M. Blanchelande, après avoir mis le Cap à couvert, disposa les forces qu'il avait à ses ordres, de manière à faire une attaque vigoureuse, et annonça l'intention de se mettre en campagne. Un grand nombre d'aventuriers du Cap se présentèrent pour marcher avec lui, s'il, voulaitleur accorder les deux tiers du pillage qui serait fait sur les habitations incendiées ; mais M. Blanche-lande rejeta leur offre avec indignation. Il marcha ensuite sur les révoltés, les battit, les mit en fuite sur les habitations d'Agoult et Galifet et leur enleva huit pièces de canon et beaucoup d'effets.
Cîes avantages cependant ne tranquillisaient point parfaitement ie général ; ses forces ne lui
garnissaient pas assez considérables pour com-attre longtemps une armée de cent mille nègres bien armés, dans un pays où nos troupes s'épuisent promptement, par la: chaleur et la fatigue.
Il écrivit au * chef espagnol'et lui demanda des secours, en exécution ae l'article 9 du traité du 3 juin 1777; mais ce dernier lui répondit froidement : « Ce n'est pas le cas prévu par le traité. .« Ce sont, ajoutait-il, des dissensions intestines i' qui se sont élevées dans l'intérieur de votre' « gouvernement, èt qui font le sujet d'une rixe « entre des sujets d'un même prince sur la réci-; « procité dés droits, f
Tandis .que-les Espagnols refusaient ainsi de secourir leurs alliés, ils garnissaient leurs frontières de troupes et repoussaient avec cruauté lee Français qui cherchaient un asile contre la barbarie des nègres, fournissaient des munitions de1 guerre aux rebelles, et leur livraient, à 130 livres par tête, nos malheureux frères, quibientôtpéris--saient sous le fer des révoltés.
Ce n'est pas ici le moment de prononcer sur ces: procédés ennemis et barbares ; vous avez renvoyé déjà l'examen de cette affaire à vos' comités diplomatique et colonial, qui, s'empresseront sans doute de vous en faire le'rapport:
L'assemblée coloniale avait arrêté, lé 9 septembre, que, dans le plus bref délai, il serait expédié deux avisos en France ; mais l'incertitude de l'état dans lequel se trouvait la province de l'Ouest, fit suspendre le départ d'un de ces avisos.
Le 18, elle suspendit l'effet de! là prescription des créances pour les objets qui auraient pu échoir depuis le 23, époque où avaient commencé les malheurs'dé la colonie.
Les secours de la Jamaïque arrivèrent le 21. Le commodore Affleck, commandant la frégate qui avait apporté ces secours, mit pied à terre, et se présenta avec le général dans là salle de l'assemblée, où il fut remercié par le président. :
L'assemblée générale avait besoin de fonds et sentait l'impossibilité de s'en procurer de France' avant 5 ou 6 mois : enhardie par la générosité des Anglais, elle arrêta qu'il serait fait à la Jamaïque un emprunt de 1.80,000 livres sterling, et elle nomma des députés pour traiter cette importante affaire.
Le 20 septembre, l'assemblée générale, craignant que les gens de couleUr-ne fussent pas encore parfaitement satisfaits des arrêtés qu'elle avait pris les 5, 6 et 14 du même mois, crut devoir en prendre un nouveau, dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture.
L'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, après avoir délibéré pendant quatre séances, a arrêté et arrête :
« Art. 1er. Qu'elle ne s'opposerapoint à l'exécution de la loi du 15 mai, concernant les hommes de couleur libres, lorsqu'elle sera connue officiellement.. v ,
« Art. 2. Déclare que voulant donner aux hommes de couleur libres, même de père-.et mère. n6n libres, et qui ne participent pas au bénéfice de ladite loi du 15 mai, une preuve non équivoque de la. bienveillance qu'il ont méritée par leur empressement à défendre la cause publique, elle se propose provisoirement, avec l'approbation de M. le lieutenant ou gouverneur général, et définitivement avec l'approbation de l'Assemblée na-tionale et la sanction, du roi, d'améliorerileur état aussitôt après la promulgation de' ladite loi; intention qu'elle a déjà manifestée par ses arrêtés des. 5, 6 et 14 de ce mois. ..
« Art. 3. Déclare, en outre, l'assemblée générale, qu'elle^ dénonce, à la nation française, comme traîtres à la; nation,, à la loi et au roi, les homv mes de couleur libres, qui, aussitôt après: la prexclamation du présent arrêté, ne voleront pas à
la défense de Saint-Domingue en danger, et qui, tranquilles spectateurs de l'incendie et des assassinats, voudraient justifier leur inaction par le doute sur les intentions de l'assemblée générale. »
« L'assemblée générale charge son président de se retirer par devers M. le lieutenant ou gouverneur général, pour lui communiquer le présent arrêté, avoir son approbation, l'inviter de le faire notifier de suite aux assemblées administratives, qui demeureront chargées de le notifier aux municipalités , corps populaires et civils, etc. »/.
Tel était l'état des choses, lorsque les députés de Saint-Domingue sont partis pour se rendre auprès de vous, Messieurs , et c'est à cette époque aussi que cessent les avis officiels qui nous sont parvenus.
Cependant la révolte continue à Saint-Domingue ; les bruits particuliers reçus de cette colonie annoncent que les noirs dans la partie du Nord, et les mulâtres dans la partie de l'Ouest, exercent encore les actes de violences les plus inquiétants. Les principaux auteurs de ces révoltés sont arrêtés ; on instruit leurs procès ; il en résultera nécessairement de grandes lumières ; et, appelés à vous indiquer les causes de ces derniers événements, nous regrettons, Messieurs, que votre empressement à vous éclairer pour tout ce qui peut contribuer à rétablir le calme dans les Golonies, ne vous ait pas permis de noUs accor-der un délai plus considérable : il se réserve de vous présenter ses réflexions avec l'indication des moyens propres à rétablir l'ordre dans les colonies. Il m a chargé de vous proposer d'ajouré ner ce second rapport à mercredi prochain.
(L'Assemblée ajourne la suite du rapport à mercredi prochain. )
Plusieurs membres : L'impression et la distribution !
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution du rapport de M. Tarbé.)
La parole est à M. le mir nistre de la guerre qui l'a demandée.
, ministre de la guerre. Messieurs, je voulais ne m'adresser à vous qu'après avoir pris une connaissance assez précise du département de la guerre, pour pouvoir demander au roi de voUs proposer les mesures décisives dignes des circonstances qui nous environnent, de la cause que nous servons, et de l'énergie, de la volonté nationale. Je voulais commencer par vous demander la parole sur la loi de la responsabilité, lorsqu'elle sera mise à l'ordre de vos travaux; et adoptant avec plaisir la définition qui vous en a été donnée par un de vos membres, lorsqu'il a dit que la responsabilité c'est la mort, je vous aurais proposé de ne nous épargner aucun péril, mais de. nous doiiner tous les moyens de iaire marcher la Constitution, d'augmenter nos dangers, mais de diminuer nos entraves. {.Applaudissements.)
J'apprends dans l'instant, par les journaux, que l'Assemblée a décrété que je lui rendrai dompte de ce qui s'est passé à Besançon, Je n'ai eu que le temps d'écrire à M. de Toulongeon, pour savoir la cause d'un silence gardé également par tous les corps administratifs qui correspondent avec le ministre de l'intérieur.Nous n'avons eu ni l'un ni l'autre de nouvelles. Le patriotisme des habitants de Besançon, dont j'ai eu l'honneur de commander la garde nationale à l'époque de la Révolution, m'est si connu, que j'aurais besoin de me défendre de la prévention qu'il m'inspire. Je
saisis cette occasion pour conjurer les membres de cette Assemblée ae m'instruire de ce qu'ils croiront utile au bien public dans mon département. Nos intérêts, nos ennemis sont communs. Ce n'est pas seulement la lettre de la Constitution qu'on doit exécuter; ce n'est pas s'acquitter qu'il mut, c'est réussir. (,Applaudissements.)
Vous verrez, Messieurs, que le ministère est convaincu qu'il n'y a point de salut pour la liberté, et par conséquent pour la France j si le bien ne s'opère pas avec vous et par vous. Vous ferez donc cesser, je l'espère, ces méfiances sans objet, ces précautions pour avoir des rapports avec nous, qui ne conviennent, j'ose le dire, ni à la loyauté de votre caractère, ni à la grandeur de votre mission. Vous nous condamnerez, si nous l'avons mérité; mais avant, vous ne nous refuserez aucun moyen de vous servir. (On applaudit à plusieurs reprises.)
Je profite de la bienveillance de l'Assemblée pour la prier dé'vouloir bien faire connaître l'ordre du jour aux ministres. Il est mille affaires sur lesquelles il est nécessaire, pour le bien pu-
Elic, que les ministres soient entendus ; il serait ien à désirer aussi que pour les choses dont nous avons à rendre compte à l'Assemblée, nous puissions en avoir connaissance autrement que par les journaux, et que les relations des ministres avec l'Assemblée soient plus intimes et plus promptes. (Applaudissements.)
Un membre : Je convertis en motion la demande du ministre de la guerre, afin que l'on délibère sur les objets qu'elle contient.
Je demande l'impression du discours du ministre de la guerre.
Plusieurs membres : L'insertion au procès-verbal.
Un membre : J'observe que le comité de législation s'occupe actuellement de la question soumise à l'Assemblée par le ministre de la guerre.
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur la motion d'insérer au procès-verbal le discours du ministre de la guerre.
Le discours qui Vient d'être prononcé contiént certainement 'des vues très patriotiques, mais je ne crois pas que cela suffise pour en motiver l'insertion au procès-verbal. (Murmures.) Vous ne pouvez accorder aux uns ce que vous refusez aux autres. Pourquoi en effet ne décrétez-vous pas l'insertion au procès-verbal de tous les discours patriotiques qui se prononcent ici? C'est parce que ceux qui les prononcent.....
Plusieurs membres : La discussion fermée !
ne font que leur devoir. Or, Messieurs, dès qu'un ministre vient nous tenir un tel langage, il ne remplit que son devoir, et dans son intérêt même, je dirai que décréter l'insertion au procès-verbal,. c'est regarder ce langage comme une chose très extraordinaire. ( Quelques applaudissements. ) Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour.
Voix diverses: L'impression! l'insertion au procès-verbal !
Plusieurs membres : La quèstiôn préalable sûr l'impression ! 1 " % ,
(E?Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'impression.)
Plusieurs membres : L'insertion au procès-verbal !
D'autres membres : L'ordre du jour I
(L'Assemblée décrète qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour et que le discours du ministre de la guerre sera inséré au procès-verbal.)
L'ordre du jour étant épuisé, l'Assemblée pourrait s'occuper de Vélection du Président et des douze commissaires pour la surveillance des assignats.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
En conséquence, l'Assemblée se retire dans ses bureaux et rentre en séance une demi-heure après.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vinté-rieur, qui annohce que le sieur Malvoisin, mis en état d'arrestation par un décret de l'Assemblée du 4 de ce mois, a été arrêté à Joinville, et qu'il va être conduit dans les prisons d'Orléans, ainsi que le sieur Marc fils, arrêté précédemment; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai eu l'honneur de vous faire part, avant-hier, des lettres que j'avais reçues de M. le procureur général syndic du département de la Meurthe, par lesquelles il m'annonçait l'arrestation de M. Marc fils. Je joins ici une nouvelle lettre qu'il vient de m'écrire, et les procès-verbaux et autres pièces qu'il m'a adressées. L'Assemblée nationale y verra que M. Malvoisin a été arrêté à Joinville (Ah.! ah! Applaudissements dans les tribunes ), et qu'on le conduit, ainsi que M. Marc fils, à Orléans. M. Gauthier n'a pas été arrêté ; il était parti de Toul et l'on ignorait où il s'était rendu. L'Assemblée nationale décidera si les procès-verbaux doivent être envoyés à la haute cour nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : cahier. »
La lettre dont vous venez d'entendre la lecture vous annonce que les accusés vont être conduits à Orléans, et ils n'y trouveront point de .juges. Vous voyez encore au milieu de vous, et malgré votre décret, vos grands procurateurs. Il serait bon que l'Assemblée leur demandât quels sont les motifs qui les ont empêchés de se rendre à leur poste.
, l'un des grands procurateurs de la nation. Messieurs, ceux que vous avez honorés des fonctions de grands procurateurs ne peuvent les remplir qu'auprès des juges. Jusque-là, ils peuvent et doivent même remplir leur devoir dans l'Assemblée. Or, les juges ne sont pas encore partis pour Orléans parce qu'ils n'ont pas reçu encore les décrets de l'Assemblée nationale. D'après cela, vous voyez, Messieurs, qu'il n'y a aucun reproche à faire à vos deux grands procurateurs.
Je demande que le ministre de la justice informe l'Assemblée de l'exécution qu'il a donnée au décret.
Je propose de demander compte au ministre de la justice des motifs qui ont pu retarder la notification de ce décret aux quatre grands juges.
Un membre : Je demande que l'Assemblée s'informe si le décret a été envoyé au pouvoir exécutif et que le comité des [décrets en rende compte ce soir.
Un membre du comité des décrets : Il est impossible au comité de s'assurer si les décrets sont exactement remis au ministre, parce que les secrétaires négligent dè lui donner les listes d'obligation.
(L'Assemblée renvoie l'examen de ce fait au comité des décrets.)
La municipalité de Toul m'a fait passer une ampliation d!information relative à MM. Gauthier et Malvoisin. Gomme ces pièces demandent une nouvelle détermination de la part de l'Assemblée, j'en demande le renvoi au comité de surveillance.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de surveillance.)
, secrétaire. Voici une lettre d'un citoyen de Paris, signée Pacoul, qui en renferme une décachetée.
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai été hier à l'Abbaye pour y voir un de mes parents qui est compromis dans une malheureuse affaire. Une voix plaintive s'est fait entendre à travers une porte; je me suis approché : on m'a demandé en grâce de me charger de mettre à la poste une lettre qu'on écrivait à son frère, disait-on, pour lui demander quelques secours. J'ai promis. On a exigé de moi le serment d'exécuter la commission; je fai fait parce que mon cseur me portait à obliger un infortuné. Enfin on m'a passé la maudite lettré par les barreaux. Le patriotisme dans un bon citoyen, Monsieur le Président, veille toujours. J'allais à la poste lorsque tout à coup je me suis repenti de ma démarche et une force invincible
m'a porté à décacheter la susdite lettre......»
(Oh! oh! —Mouvement d'indignation dans toute l'Assemblée.)
Un grand nombre de membres : L'ordre du jourl
Un membre : Je demande que cette lettre soit brûlée à l'instant même en présence de l'Assemblée.
J'en demande le renvoi au comité de surveillance.
Un membre : Je suis loin d'approuver la manière dont là lettre dû prisonnier vous est parvenue; mais le salut public exige que les raits qu'elle contient soient connus.
C'est agir conformément à la Constitution que de refuser de lire cette lettre, mais je demande qu'on ne lui fasse pas l'honneur d'être brûlée en séance, et que M. le Président soit chargée de la supprimer.
Le particulier qui vous a écrit s'est rendu coupable d'un abus de confiance, et l'Assemblée ne doit pas délibérer sur cet objet. Elle doit témoigner son indignation pour la violation du secret des lettres, ordonner la suppression ou le brûlement de cette lettre et passer à l'ordre du jour.
Je suis bien loin d'approuver l'abus de confiance que s'est permis le particulier dont il s'agit; ce citoyen peut être extrêmement coupable ; il n'y a qu'un seul cas où cet homme serait parfaitement lavé de son crime, ce serait celui où en le commettant il aurait sauvé la patrie.
Un membre : H ne devait pas le prévoir.
Vous ne pouvez condamner cet homme avant de savoir si la lettre ne renferme pas des renseignements extrêmement importants. Vous avez établi un comité de surveillance ; je demande que la lettre lui soit renvoyée. (Ah! ah! — Murmures d'indignation.)
Je réclame le respect dû aux propriétés. Je demande que la lettre de ce particulier soit rejetée et que la lettre du prisonnier lui soit rendue parce qu'elle est sa propriété.
J'ai lu en entier la lettre de celui qui envoie celle du prisonnier. Il annonce qu'il a montré cette lettre ;«u Palais-Royal et que plusieurs personnes ont reconnu qu'elle était du sieur Poupart-Beaubourg. C'est pour cela qu'il me l'a envoyée.
Quel que soit le contenu de cette lettre, l'Assemblée n'en doit pas moins manifester sa souveraine indignation pour une telle violation de ce qu'il y a de plus sacré. (Applaudissements.) Rien ne peut excuser la déloyauté. On a dit qu'il pouvait être question du salut de la patrie. La patrie ne peut se sauver que par la loyauté et par l'observation des lois. (Applaudissements.) Je demande donc que la lettre soit brûlée dans le pode.
Le salut de la patrie excuse tout, on confond toujours la morale privée avec la morale publique. (Des murmures d'indignation couvrent la voix de Vorateur.)
J'approuve de toute mon âme la morale cfe M. Garran et je regrette avec indignation la morale détestable de M. Basire.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée décrète que la lettre ne sera pas lue et qu'elle sera supprimée et passe à l'ordre du jour.)
Un membre : Je demande que l'on mette aux voix que l'Assemblée a passé à l'ordre du jour avec indignation. (Appuyé ! appuyé !)
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
, secrétaire. Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un président : Sur 441 votants, M. Lemontey a obtenu 326 voix, fin conséquence, il est élu président.
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Lettre de M. Claude Fauchet, député du Calvados, insérée au n° 70 du Journal des Débats et Décrets, en réponse à une lettre de M. Belle, député d'Indre-et-Loire.
« Ce
« Messieurs, « Je ne suis point un furibond ; mais M. Belle,
votre abonné, n'a pas la mémoire fidèle, je n'ai jamais proféré les expressions exécrables qu'il m'impute. Je n'ai parlé ni d'ombres indignées attachées aux pas de M. Delessart, ni d'entrailles dévorées, ni de le mettre dans la glacière d'Avignon pour y respirer l'odeur des cadavres, ni de sa férocité ; je lui ai souhaité la conservation de la vie, et les remords qui lui rappelleraient cette caverne infecte où tant de morts sont engloutis par l'effet de son refus à accorder les secours que le médiateur lui avait demandés. Au reste, M. Belle, votre abonné, peut aller voir le brouillon même de mon manuscrit au comité de législation ; il se convaincra que ie n'ai rien changé à mon discours, et que c est le Journal de Paris, et lui, M. Belle, qui m'ont prêté des idées et des expressions qui ne sont ni de mon style ni de mon caractere.
« Claude Fauchet, évêque du Calvados. »
Lettre de M. Belle, député d'Indre-et-Loire, insérée au n° 71 du Journal des Débats et Décrets, en réponse à la lettre ci-dessus (1).
« Paris, ce
« Je dois; Messieurs, un mot de réplique à la réponse amère de M. l'évêque du Calvados, insérée dans votre feuille de ce jour :
« Le reproche d'infidèle qu'il fait à ma mémoire me taxe de falsification de ses expressions et de sa pensée. J'oppose à ce reproche le murmure d'improbation qu'a produit dan» l'Assemblée le passage de sa dénonciation qu'il désavoue, et qui se trouve altéré dans son discours imprimé ; je lui oppose l'autorité d'un grand nombre de mes collègues qui ont entendu comme moi ; je lui oppose la version du Moniteur, de la Gazette universelle, du Journal de Paris, etc., qui ont traduit dans le même sens ; enfin la version du Journal des Débats et des Décrets, qui par son impartialité mérite bien de faire autorité.
« Que M. l'abbé Fauchet, dans un moment d'abandon oratoire, ait cessé de porter les yeux sur son manuscrit, et que, cédant aux mouvements impétueux d'un cœur indigné, il ait été au delà de sa propre réflexion ; que dans le calme de la raison, il ne croie pas en avoir franchi les limites, cela peut être. Mais en est-il moins vrai qu'il ait débité à la tribune ce que tant de personnes ont entendu? Quod dictum est, indictum fieri nequit.
« Au reste, i'ai donné dans ma première lettre l'explication de mes motifs.
« Je n'ai point entendu faire une levée de bouclier contre lui ! Je ne suis l'ennemi que des ennemis de la nation qui veulent nous ramener en deçà, ou à nous entraîner au delà des limites de la Constitution. Je me tiens entre ces deux lignes de démarcation ; c'est là où je dois me trouver avec M. l'évêque du Calvados lui-même, parce c[ue c'est le poste qui nous est assigné à l'un et à l'autre par le serment que nous avons prononcé à la tribune ; s'il s'y retranche comme moi ; s'il s'y montre avec franchise; s'il s'y défend avec le courage dont il est capable, avec tous les moyens qui sont en sa puissance, je me ferai gloire d'y combattre à ses côtés, et j'y périrai s'il le faut, pour y défendre la Constitution et lui-même.
« D'après cette explication, il peut juger quelles ont pu et dû être mes intentions. « Je suis, etc.
« Signé ; Belle. >
a la séance de l'assemblée nationale législative du
observations impobtantes SUT les troubles de saint-domingue (1) (Inutilité absolue des moyens qu'on prend pour les apaiser, si l'on n'améliore pas en même temps le sort des nègres esclaves, si l'on n'interdit pas aux colons les rigueurs excessives qu'ils se permettent d'exercer îur-éux.) Par M. Blangilly, député du département des Bou-ches-du Rhône (2).
Messieurs,
Les désordres de Tîle Saint-Domingue sont de-Venus la matièré d'un plaid célèbre que votre sagesse seule peut conduire à d'heureuses fins.
Remonter aux œuvres premières de ces désordres, embrasser tous les moyens qui peuvent faire succéder une paix durable, c'est votre Unique but, c'est l'état naturel de la question qu'on ne peut établir sur d'autres principes.
Les différents rapports que vous avez entendus ont jeté une certaine masse de lumière sur les dépendances de Ces troubles, sur les maux souf-lerts par les colons blancs, sur les droits légitimes que lès gens de couleur libres réclament ; de là devait découler naturellement un décret pour l'envoi des troupes nécessaires à rétablir la paix et à protéger la ratification du concordat passé entre les gens de couleur libres et les colons blancs ; mais comme ma persuasion intime est que ni la ratification de ce concordat changé en loi, ni la présence des troupes ne pourront jamais ramener une paix durable dans cétte malheureuse contrée, lé sentiment de mes devoirs, l'impulsion de ma conscience et le, cri de l'humanité me forçent à manifester lès, moyens que je crois indispensables pour faire un décret complet d'un décret qui ne l'est qu'à demi, un décret radical d'un décret de circonstance, qui ne peut attaquer le mal dans sa source.
En examinant lès troubles de cette côlofiie sous le point de vué d'une grande querelle venue entre les 3 classes d'hommes qui l'habitent, je ne puis voir dans la décision de l'Assemblée nationale autre chose que le jugement d'un procès dans l'instruction duquel on a oublié de peser les raisons, les plaintes, les motifs d'une des parties ; conséquemment, un dès grands poids de cette affaire n'a pas été hais dans la balance.
Pour porter un remède infaillible à une pareille révolte, il faut d'abord consulter les localités ; elles seules noUs offrent une des causes originaires de Cette révolte dans la haine que se portent réciproquement les trois castes de là population coloniale. Saint-Domingue et toutes les autres colonies se distinguent des autres pays par les plus monstrueuses disparates; là, tous les individus sont unis par les liens du sang, et rien ne fut jamais plus irrévocablement prononcé que leur séparation sociale. Dès nègres et mulâtres courbés sous le joug du plus affreux esclavage; des nègres et mulâtres libres
qui n'ont jamais été regardés comme citoyens, quoiqu'ils en remplissent tous les devoirs ; des nlancs de notre race qui, presque tous, sont les bourreaux des premiers, et qui repoussent les seconds avec autant d'injustice que de dédain; tel est en deux mots l'image de cette étrange société où tous les membres sont maintenant égaux en malheur par l'effet naturel des réactions qui vengent l'humanité trop longtemps outragee.
Peut-on être surpris de la révolte des nègres? Quel est celui qui n'a pas entendu dire, dès son enfance, que les colonies périraient tôt ou tard par Un massacre général? Quel est celui qui n'a pas entendu parler des nombreuses tentatives que les nègres font depuis plus d'un siècle pour secouer le joug de leur intolérable captivité? Quel est enfin celui qui peut ignorer que la vengeance des esclaves renversa les plus grands Empires ?
Remplis du désir de vous éclairer sur les événements et les causes de cette révolte* toute votre attention, Messieurs, s'est fixée sur les rapports qui ont été faits dans l'Assemblée. Vous avez entendu les colons blancs plaider leur cause, retracer les scènes sanglantes assouvies sur eux parleurs nègres esclaves; le sentiment d'horreur que vous avez éprouvé vous a fait dire que les blancs étaient très malheureux, et leurs esclaves très barbares. Un de nos collègues a plaidé la cause des gens de couleur libres ; la vérité des principes, la force du raisonnement, le concours des-recherches, vous ont confirmé l'équité de ce jugement prononcé depuis longtemps, que cette portion de la société coloniale ne pouvait être rejetée de la classe des citoyens*; vous y ayez trouvé de plus cette affligeante vérité, que la révolte de colonies est encore l'ouvrage de cette faction sacrilège, qui, depuis trois ans, enhardie par l'impunité, ne cesse d'entamer conspiration sur conspiration, dans l'espérance de porter le coup mortel à la patrie; mais, à la suite de ces nombreux éclaircissements, ne restait-il pas à connaître les réclamations de la dernière des parties querellantes? Quoi! la plus nombreuse, la plus outragée des 3 classes, n'a aucune sorte de droits et de plaintes à faire valoir? N'était-il pas naturel de mettre en quèstion les motifs de son désespoir, au lieu de rappeler à l'ordre de la question celui d'entre nous qui a voulu prononcer un seul mot en faveur des nègres? Certes, à ce repoussement inattendu, je n'ai pas balancé de renoncer à la parole, quoi-, qu'inscrit sur le tableau ; réduit à la ressource plus heurèuse de l'impression, puisse-t-elle être plus favorable à la cause déjà trop oubliée !. .,,.« Qu'ai-je dit? Non, il n'est pas possible, les représentants de la nation française ne termineront point cette grande affaire par un pareil abandon du nègre infortuné qui n'a d'autres défenseurs que ses larmes et ses tourments.
Le sort affreux des nègres esclaves n'est pas assez connu, et ceux qui en ont quelque idée, pensent sans doute qu'il n'est guère possible d'y porter du soulagement. Il importe donc que les malheurs des nègres soient dévoilés ; car ce n'est que de cette seule idée que se sont servis les conspirateurs, pour allumer la torche du désespoir dans leurs âmes. Il importe aussi de détromper sur la prétendue impossibilité de diminuer, sans inconvénient, les rigueurs excessives de l'esclavage. Une dépense de 10 millions a été décrétée; une armée deJ,000 hommes est en marche. Oui, les événements nous forcent à prendre ce parti ; mais, si en déployant cette force qui désarme les-
bras, nous pouvons offrir les moyens propres à adoueirles esprits aigris, à guérir les cœurs ulcérés, ne devons-nous pas user de ces moyens salutaires? Je dis bien plus, s'ils étaient rejetés ces moyens, ceux de la force armée deviendraient inutiles. Nous n'aurons pas tous les ans une si grande somme d'argent a fournir, ni un pareil nombre de troupes à faire passer au delà des mers ; il est donc prouvé que si nous ne tendons pas une main secourable aux nègres esclaves, nos colonies périront au moment le moins attendu.
Ici le bien public réclame avec autant de force que la pitié. Quand la sainte proclamation des droits de l'homme fut entendue dans l'autre hémisphère, le pauvre nègre épanouit son cœur à cette espérance si naturelle, ae voir, sinon briser ses fers, soulager du moins ses misères. Jugez du déchirement de son cœur, quand il a vu tous les regards se détourner de Jui. Alors il a calculé les hasards de la révolte; alors les conspirateurs, attentifs à sa position, ont guidé tous ses mouvements. Dans les premières convulsions de son désespoir, on lui entendit proférer ces paroles que les législateurs ne sauraient trop peser : * Elle nous appartient cette terre », s'écria-t-il; « nous l'avons assez arrosée de notre sang et de nos larmes pour qu'elle soit à nous. »
Voilà des calculs qui portent leurs preuves, et i'aime à vous les présenter, Messieurs, avec toute leur aspérité, de crainte d'affaiblir la force d'une cause juste. Tournez vos regards sur le nègre esclave ; relevez-le de l'accablement de ses maux ; ils sont affreux : vous ne sauriez vous en faire une idée, puisqu'ils sont incroyables à ceux mêmes qui en ont été les témoins. C'est trop peu de vous dire que les maîtres se sont arrogé le « pouvoir de vie et de mort; ils se permettent de les supplicier dans les tortures. » Je ne déchirerai pas le voile qui couvre cet affreux spectacle ae misères et ae tourments ; je n'en retracerai qu'une idée rapide, non pour éprouver votre sensibilité, mais afin que la loi invoquée dans cette cause si pressante soit l'ouvrage de votre unanime décision,
Ne craignez pas, Messieurs, d'être induits à erreur; plus terribles et nombreuses ont été les tentatives du nègre pour briser le joug de son esclavage, plus aussi la continuité de cés malheurs vous est démontrée. Ce sort désespérant d'être assujettis aux travaux les plus durs sans jamais toucher de salaire, ce sort désespérant qui, dans nos climats est la plus terrible punition des malfaiteurs, ce sort désespérant, dis-je, est à peine la centième partie des maux que souffrent les nègres esclaves.
Il faut se les représenter quand, pour les fautes les plus légères, leurs maîtres cruels assouvissent sur eux ces tortures que la férocité ne suggère qu'à des Néron. Déchirés par lambeaux, on en a vu mille fois expirer sous le fouet ou se détruire eux-mêmes ;en se frappant de la tête sur la pierre où ils étaient enchaînés. Pourrez-vous croire que des femmes prêtes à accoucher ne sont pas épargnées ? Pourrez-vous croire qu'après huit ans de travail, l'homme le plus robuste, devenu perclus de ses forces est alors impitoyablement renvoyé, réduit à se nourrir de souris et de bêtes mortes? Souvent, le voyageur a rencontré sur sa route cette scène effroyable d'un cadavre qui dévore un autre cadavre. Vous nommerai-je deux frères fameux, riches colons du Port-au-Prince, qui ont fait périr plusieurs de leurs nègres dans le four et un entr autres dont tout le crime était d'avoir
trop salé un ragoût ? Vous en nommerai-je quelques-uns de la Martinique, qui naguères, en ont fait brûler sur des bûchers ? La Guadeloupe en a produit un qui faisait périr lentement les siens en leur faisant avaler de la cendre brûlante : et quand, parfois, ils brisent leurs chaînes, vous attendriez-vous d'apprendre qu'on va à la chasse de ces malheureux fugitifs comme on va à la chasse des bêtes fauves, qu'on les relance avec des chiens, et qu'après les avoir terrassés, on porte leur tête en triomphe à la ville ? C'est en cela que consiste cette bravoure, cet infatigable courage des mulâtres qu'on vous a tant vantés. Faut-il être surpris si, tous les jours, on voit de ces infortunés ae tout âge, de tout sexe se précipiter, étouffer leurs enfants, s'étrangler avec eux pour se délivrer d'une vie qui ne leur présente aucun terme à tant de souffrances ? C'est à ce prix que sont cultivées les riches productions destinées à nos délices ; et il se trouve des barbares qui ne tremblent pas de calomnier les bons citoyens qui déplorent de si grands maux:.. Je m'arrête : il est impossible de fixer plus longtemps ces épouvantâmes horreurs. On ne me taxera pas, j espère, d'avoir exagéré; il me serait facile de prouver qu'elles se reproduisent tous les jours, ces scènes horribles, que j'en dérobe encore de plus atroces ; et sans sortir des murs de cette capitale, je produirais une foule de témoignages. L'aveu formel qu'en ont fait les députes de Saint-Domingue serait mon garant à l'égard des incrédules et j'interpellerais surtout un des plus sages, un des plus grands génies de l'Europe. M. Bernardin de Saint-Pierre qui plaide cette même cause dans ses ouvrages immortels.
Jusqu'ici, Messieurs, vous ne connaissez les nègres que par leurs malheurs, comme esclaves ; par la férocité de leurs vengeances comme peuples barbares livrés au désespoir : qu'un seul trait maintenant vous les fasse connaître par des vertus dont ils furent souvent capables comme hommes simples et naturels. Un colon allait être jugé pour un crime d'assassinat; son généreux esclave a la constance de s'avouer lui-même le coupable et de subir le supplice de la roue pour sauver celui qui n'avait d autres droits à sa reconnaissance que ses bons traitements et son humanité. Quel est donc ce sentiment céleste qui se montre avec tant d'éclat après avoir passé à travers les ténèbres d'une éducation sauvage et les fers de la servitude ?
C'en est assez, Messieurs, pour prouver la nécessité d'améliorer le sort des esclaves. Eh ! plut à Dieu que ce fût possible à cette heure de prononcer leur affranchissement ! Mais ce serait les perdre au physique comme au moral. Le bienfait d'une loi sage leur sera maintenant plus salutaire que l'aiiment de la liberté. Vos cœurs sentent le besoin urgent de cette amélioration, tous les intérêts la réclament : ceux des gens de couleur honnêtes, ceux de ces vertueux colons blancs
3ui conservent les mœurs patriarchales au milieu
e leurs nègres \ ceux mêmes de ces colons inhumains qui doivent reconnaître à présent par leur funeste expérience que la tyrannie a son terme. Les intérêts du commerce la réclament aussi. Un temps viendra bientôt que la traite des nègres s'abolira d'elle-même parce que l'espèce se détruit tous les iours. On n'en trouve plus sur les côtes; on les recherche jusqu'à 200 lieues dans l'intérieur des terres; les vaisseaux négriers sont souvent obligés de partir sans compléter leurs cargaisons; il faut, par consé-
quent, prévenir cet inconvénient que l'agriculture manquât de bras; et quel autre moyen y a-t-41 sinon d'adoucir le sort de la famille noire qui se multipliera pour lors avec tant de rapidité qu'elle pourra fournir à de nouvelles colonies ?
Il ne me reste plus qu'un mot à dire sur une objection que je vois venir, si toutefois une objection si puérile peut se faire sérieusement : c'est l'initiative donnée, dit-on, constitutionnellement aux assemblées coloniales pour les lois concernant leur régime intérieur. Une pareille objection mériterait bien plutôt le mépris que la réfutation ; aussi j'ai lieu de croire que la discussion n'en sera pas longue dans l'Assemblée législative.Quand l'Assemblée constituante a déclaré que les colonies et possessions françaises d'Asie, d'Afrique et d'Amérique n'étaient point comprises dans la Constitution, c'est qu'elle a bien senti qu'en les y comprenant, l'affranchissement des esclaves se trouvait prononcé de droit et n'y avant point encore de moyen de prononcer un affranchissement qu'il faut préparer pour éviter des embarras et des malheurs incalculables, elle a très sagement fait de déclarer que les colonies n'étaient point comprises dans la Constitution quoi que faisant partie de l'Empire français. Au surplus, la déclaration du 3 septembre portant ces mots sacramentels : « Que la Constitution est terminée et qu'elle ne peut y rien changer ; » cette déclaration, dis-je, ne prohonce-t-elle pas l'abdication de ses pouvoirs constituants, et comment accordera-t-on la prérogative constitutionnelle à une loi qui a été faite 21 jours après cette solennelle déclaration ? J'espère bien qu'on ne voudra pas faire dire à l'Assemblée constituante, qu'après avoir fait une constitution de liberté pour les hommes à peau blanche, elle en a commencé une d'esclavage pour les hommes à peau noire. Je ne crois pas qu aucun de mes collègues soit tenté de se déshonorer à défendre, comme constitutionnelle, l'initiative des colonies prononcée dans le décret du 24 septembre. Celui qui le proposa ce décret,mentit à sa conscience, et l'indignation publique l'en punit trop; pour qu'il ait des imitateurs.
Ce sera donc vous, Messieurs, qui le révoquerez ce décret injuste, parce qu'il n'est aucun de. vous qui ne voie dans l'initiative le germe de la séparation des colonies avec la métropole ; et ce faible obstacle levé, quand vous aurez déterminé l'usage de la protection accordée aux colons blancs, quand vous aurez rétabli les droits natu-
relsdes gens de couleur, ne laissez pas passer le jour [sans rendre une loi favorabte au nègre infortuné qui implore votre pitié. N'en doutez pas, Messieurs,au même instant que vous essuierez ses larmes, cette fatale destinée qui devait perdre les colonies sera changée en prospérité.
Projet de loi relatif aux nègres esclaves.
L'Assemblée nationale, profondément affligée des désordres qui ont agitée l'île de Saint-Domingue et la plupart des autres colonies françaises, considérant que les causes originaires dé ces désordres dérivent principalement des rigueurs excessives que souffrent les nègres esclaves ;
« Considérant qu'après s'être occupée du bonheur des colons, l'humanité réclame d'elle le bienfait d'une loi qui adoucisse le sort des esclaves, autant que leur propre intérêt et les circonstances peuvent le permettre, prononce le décret d'urgence et décrète définitivement ce qui suit :
« Art. 1er Dans toute l'étendue des possessions françaises, les
colons ne pourront, sous aucun prétexte, maltraiter de coups leurs esclaves, et la
disposition du Code noir qui limite le nombre des coups de fouet est abolie.
« Art. 2. Le colon qui aura maltraité de coups son esclave, perdra tout pouvoir sur lui. Sera le colon convaincu de son délit quand six témoins autres que ses esclaves, déposeront le fait en témoignage judiciaire. Le tribunal de la police recevra la plainte verbale de l'esclave. Il jugera trois jours après l'audition des témoins et prononcera l'affranchissement s'il y a lieu.
« Art. 3. Le colon qui aura à se plaindre de quelqu'un de ses esclaves à raison du travail auquel il se refuserait, ou pour cause de vol, se pourvoira en redressement suivant la disposition ci-après.
« Il y aura une maison de fprce au chef-lieu de tous les cantons. Cette maison appelée le Dépôt des nègres, recevra ceux contre lesquels leurs maîtres auront porté des plaintes. Ils y pourront être échangés de gré à gré, pour tel temps déterminé entre les maîtres contractants; et si l'échange ne peut s'effectuer, le nègre sera détenu prisonnier, nourri aux dépens de son maître pendant un mois ou jusqu'à promesse de travailler ; et pour cause de vol, autant qu'il serait prouvé par le témoignage même des autres esclaves du maître, la détention sera do quatre mois.
« Art. 4. L'esclave maltraité par son maître, et qui ne pourrait le prouver, sera reçu au dépôt sur la plainte avec serment, et pourra profiter du droit de l'échange qui sera fixé par le tribunal.
« Art. 5. La municipalité du chef-lieu de canton exercera la police et l'administration du dépôt. Elle fera diviser l'intérieur en petites prisons bâties à rez-de-chaussée. Les nègres seront enfermés séparément, chacun dans une de ces prisons, sans qu'il leur soit jamais accordé de communication entre eux. La municipalité occupera aux travaux publics ceux des nègres qui n'auront pas mérité d'être enfermés sous l'éerou.
« Art. 6. Les nègres qui ne pourront plus travailler à cause d'infirmité ou ae vieillesse, Continueront à recevoir leur subsistance comme à l'ordinaire, et les maîtres qui s'y refuseront contraints de les nourrir à l'hospice de l'hôpital où les nègres se présenteront.
« Art. 7. Les esclaves qui auront des moyens suffisants pour se racheter, le pourront dès à présent s'ils le demandent. Le prix du rachat sera fixé au prix moyen des ventes de traite faites sur les lieux dans le courant d'une année. L'acte d'affranchissement sera délivré sans frais et sans perception d'aucuns droits.
« Art. 8. Les enfants des nègres esclaves seront désormais libres en naissant. Les maîtres pourront en exiger les services proportionnés à leur âge jusqu'à douze ans, moyennant la nourriture ; et après cette époque les enfants nègres pourront exiger deux sols par jour en sus jusqu'à dix-sépt ans révolus, s'ils veulent rester auprès de leurs maîtres.
« Art. 9. Les nègres fugitifs qu'on saisira seront regardés comme vagabonds, et punis de prison pour autant de semaines qu'ils seront restés de jours dans leur fuite.
« Art. 10. Les nègres qui sont actuellement esclaves depuis quatre ans avec un maître, seront libres et affranchis dans l'espace de quatre ans à compter du jour de la publication de la
présente loi. Ce droit leur sera refusé s'ils se sont rendus coupables de refus de travail, de vol et de marronage ; dans ce cas ils seront forcés de recommencer leur temps. Les nègres nouveaux seront libres et affranchis sous les mêmes obligations après huit ans, à compter de leur premier achat de traite. A cette époque ils seront obligés de travailler bu à leur propre compte ou a la journée. Le prix de la journée sera de 6 francs argent des colonies avec la nourriture. Dans les villes le prix de la journée ne sera pas fixé, mais la municipalité sera "tenue de limiter le nombre des nègres de fatigue, en sorte que le commerce ne souffre pas, et que les nègres ae la campagne ne refluent pas dans les villes.
« Art. 11. Sera la présenté loi publiée avec appareil dans toutes les villes, bourgs et églises, pendant trois jours consécutifs, par les ordres des commissaires pacificateurs envoyés à cet effet dans les colonies d'Amérique, îles de France, de Bourbon et autres possessions.
« Art. 12. Après les trois premières publications, les commissaires pacificateurs convoqueront une assemblée de nègres esclaves en place publique, ils leur annonceront, en présence des gardes nationales et troupes de ligne, l'intérêt que l'Assemblée nationale prend à tout ce qui peut faire leur bonheur. Ils leur recommanderont l'obligation du travail et leur feront prêter solennellement le serment d'obéissance aux lois.
« Art. 13. Les nègres révoltés de Saint-Domingue et autres lieux, qui retourneront à leurs ateliers dans l'intervalle de cinq jours, à compter de la première, publication, seront absous et pardonnés en vertu de l'amnistie qui leur est accordée par la présente loi. Sont exceptés de l'amnistie ceux qui se sont rendus coupables d'assassinat.
« Art. 14. Les révoltés qui, après le délai des cinq jours, ne seront pas rentrés dans leurs ateliers, ne pourront plus prétendre à la grâce de l'amnistie, et subiront leur jugement selon les lois. »
P. S. — Comme les connaissances locales sur cette matière manquent au plus grand nombre des membres de l'Assemblée, je les prie instamment de donner une attention particulière à ce projet de loi, d'y remarquer son extrême simplicité, le balancement et le rapport de toutes les convenances du maître, de resclave et du bien général des colonies.
Cette loi rend les maîtres et les esclaves tellement dépendants de leur bonne conduite réciproque que s'ils s'écartent des principes de l'équité et du devoir, leurs intérêts les plus chers sont déjà frustrés avant même l'application de la loi par jugement. Les trois granas défauts des esclaves, le refus de -travail, le vol et le marronage y sont prévenus par l'éloignement de la plus précieuse de leurs espérances, l'époque de leur affranchissement; de manière que les maîtres sont assurés d'avoir pendant huit ans une assiduité si complète du travail de leurs esclaves que les résultats leur équivaudront au double du nombre dans l'état actuel de contrainte. Eh ! que peuvent désirer de plus les colons ? s'ils sont justes, s'ils calculent bien leurs intérêts et leur sûreté individuelle, ils seront les premiers à invoquer cette loi. Qu'ils ne se bercent pas plus longtemps de la possibilité de maintenir l'esclavage avec toutes les horreurs dont ils l'ont accablé jusqu'à ce jour.
10 décembre 1791.
Séance du
présidence de m. lemontey.
La séance est Ouverte à six heures.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse du département du Puy-de-Dôme, ayant pour objet le dégrèvement des impositions.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de l'ordinaire des finances.)
2° Lettre de M. Duport,ministre de la justice, qui envoie à l'Assemblée la note des décrets présentés à la sanction (1).
3° Lettre de M. de Narbonne,ministrè de la guerre qui transmet à l'Assemblée un état des employés; a1 artillerie avec leurs appointements. Cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
« Monsieur le Président,
« Mon prédécesseur a envoyé à l'Assemblée nationale constituante, le 16 septembre, l'état sommaire des différents employés d'artillerie. Sa séparation l'ayant empêchée de s'en occuper, j%i l'honneur de vous en adresser un nouveau avec celui de leurs appointements que je propose de leur conserver, montant à la somme de 174,590 livres par an. J'y ai joint à l'appui un état détaillé qui', vous présentera le traitement actuel de chaque employé ; celui que je propose est la différence. L'économie qui en résultera sera de 16,0481ivres.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : NARBONNE. »
(L'Assemblée renvoie l'adresse et les états au comité militaire.)
4° Adresse des citoyens d'Ornans, département du Finistère, qui félicitent l'Assemblée du décret contre les émigrants et du décret contre les prêtres réfractaires : ils se plaignent de la négligence des administrateurs à réprimer les perturbateurs et accusent les conseils perfides qui ont provoqué le veto du roi sur celui contre les émigrants. Les lettres du roi aux princes émigrés ne leur paraissent être que de la poudre jetée aux yeux du peuple, et le décret contre les prêtres ne leur paraît pas encore assez sévère. (Applaudissements.) Ils prient l'Assemblée de réduire le nombre des couvents de religieuses, dans lesquels il se fait continuellement des rassemblements qui nuisent à la tranquillité publique.
Plusieurs voix : Mention honorable !
L'Assemblée nationale doit assortir ses démarches à sa dignité :" là mention honorable
qu'elle fait d'une adresse, d'une pétition ou d'un ouvrage doit être un éloge flatteur, une
récompense; il est aussi politique que juste d'assurer à cet acte toute la gloire qui y est
attachée, si on veut qu'on en fasse un point d'honneur vers lequel on se dirige. Si on
prodigue, au contraire, cette mention honorable, si flatteuse jusqu'ici
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse des citoyens d'Ornans au procès-verbal.)
5° Pétition du sieur Charles - Guillaume Vial, d'Alais, colonel d'infanterie, qui demande une pension.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
6° Adresse des citoyens de là ville d'Angoulême, souscrite de 589 signataires, qui félicitent l'Assemblée sur son décret contre les émigrants, se plaignent du veto que le roi y a apposé, et engagent l'Assemblée a prendre contre les rebelles des mesures rigoureuses, en se hâtant de lancer contre eux le décret d'accusation; cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs, « Nous avons applaudi, ainsi que tous les bons citoyens, au décret que vous avez rendu contre des Français indignes de cé nom, puisqu'ils sont assez lâches pour déserter leur poste quand la patrie est en danger ou qu'ils sont assez coupables pour aller aiguiser les poignards avec lesquels ils se proposent de venir déchirer son sein, et forger des chaînes pour des hommes qui ont fait vœu de vivre librès ou de mourir.
« Nous avons gémi de voir ce décret frappé de nullité par un veto que la Constitution permet suspensif, mais qui, dans les circonstances actuelles, a des effets véritablement absolus. Le roi, sans doute, s'est flatté que des ménagements et les voies de la douceur feraient promptement yentrer dans le devoir les hommes qu'il a cru seulement égarés ; l'événement prouve qu'il s'est trompé ; déjà, probablement, il' reconnaît son erreur, èt va bientôt laisser un libre cours à la sévérité des moyens que vous avez cru devoir employer pour le salut public.
« Cependant, si la bonne foi de Louis XVI, à laquelle nous nous plaisons de rendre hommage, nous inspire de la confiance, nous ne sommes pas de même rassurés sur la nature des conseils
3u'il peut recevoir, et nous ne pouvons pas nous atter que les écueils aient cessé d'environner lè trôné; c'est à vous, législateurs, qu'il appartient de pr-évoir les dangers et de les éviter; prévenez surtout les funestes effets d'une coalition coupable entre les principaux agents du pouvoir exécutif et les Français émigrés. On ne peut plus se dissimuler leurs véritables sentiments ; leurs projets et leurs complots ne sont plus un mystère ; ils sont altérés de sang, ils brûlent de répandre celui de leurs concitoyens, ils ne cherchent qu'une occasion favorable pour exécuter leurs abominables desseins. Déjouons-les, Messieurs, vous, par votre prudence, et nous par notre courage. Hâtez-vous de prononcer contre ces ennemis, de la patrie, le décret d'accusation qui ramènera bientôt parmi nous ceux dont le crime est dans la faiblesse ou dans la séduction, et qui marquera enfin les victimes que le glaive dé la loi devra immoler, et si ces monstres que l'on devrait proscrire de dessus la terre entière trouvent encore un refuge et un appui chez nos voisins, alors dépositaires de l'honneur des Français, interprètes
de leur volonté suprême, vous déciderez sans doute que la première nation du monde qui, dans sa Constitution, a promis de ne jamais porter d'armes offensives sur un territoire étranger, ne doit jamais souffrir impunément qu'on ose entreprendre de renverser ses lois, et de lui ravir sa liberté qu'elle a juré de maintenir jusqu'au tombeau. »
Mention hono^ rable et l'insertion au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)
7° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, sur la demande du département des Côtes-du-Nord, qui réclame une prorogation de .15 jours pour la session du conseil général , cette lettre est ainsi conçue :
« Paris; le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer une lettre par laquelle les administrateurs du département des Côtes-du-Nord demandent que leur session actuelle soit prolongée de 15 jours au delà du terme qui leur est fixé. Comme il ne paraît pas qu'aucune loi donne au pouvoir exécutif la faculté d'accorder cette prolongation, ainsi que je l'ai observé sur une pareille demande des administrateurs du département du Calvados, que j'ai déférée à la sagesse de l'Assemblée nationale, je ne puis que lui soumettre également les motifs du département des Côtes-du-Nord.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé: cahier. »
Un membre : J'observe que cette pétition a le même obiet que celles faites par lè département du Calvados et celui des Bouches-du-Rhôné. Je demande que le décret qui sera rendu pour ces deux départements soit commun à celui des Côtes-du-Nord.
(L'Assemblée adopte cette motion et ordonne que le comité de division lui fera le rapport de ces pétitions pendant la séance.)
, 8° Pétition des citoyens de Iq, ville du Saint-Es-prit, qui demandent que leur cité soit conservée comme chef-lieu du district.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
9° Pétition des citoyens de Villefranche tendant, conformément à l'arrêté du conseil de département, à l'acquisition de bâtiments nationaux, à l'effet d'y placer l'administration et lé tribunal.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraor d inaire des fin ances.)
10° Adresse des citoyens jdes îles Saint-Pierre et Miquelon.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité colonial.)
Ila Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui annonce que le calme étant rétabli à Arlés, les commissaires qui y ont été envoyés par le roi demandent d'être rappelés.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des
Pétitions avec plusieurs pièces relatives à l'affaire
'Arles.)
12° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, sur la comnïune d'Aix qui réclame des secours.
13° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui fait part d'une lettre du procureur général syndie du département du Gard qui demande des secours pour les campagnes ravagées par le débordement du Rhône.
(L'Assemblée renvoie ces deux lettres âu comité des secours publics.)
14° Adresse des administrateurs du district de Clermont-en-Argonne qui félicitent l'Assemblée de son décret contre les émigrés et contre les prêtres perturbateurs ; cette' adresse est ainsi conçue :
« Législateurs,
« La nation française vous a confié la défense de sa liberté, elle a mis dans vos mains la destinée de 25 millions d'hommes ; elle a reposé sur vous l'esprit de la génération présente et celui de la postérité. Vos premiers pas dans cette vaste et pénible carrière lui annoncent que vous êtes dignes, par votre courage, de représenter le premier peuple libre de l'univers. Vous avez fait ce que tous les Français attendaient de vous contre cette horde de brigands assemblés pour détruire notre Constitution, par ceux-mêmes que cette Constitution comble ae faveurs et de bienfaits; et si les mesures que votre sagesse vous a dictées ne sont pas suivies, la faute- n'en sera imputée qu'à ceux qui refusent de les exécuter. Vous venez enfin de couper la dernière tête à cette hydre de superstition qui ne voulait profiter que pour renverser les lois, éteindre le flambeau de la raison et nous redonner des fers. Maintenant, nous attendons avec une impatience mêlée de crainte, la sanction de ce salutaire décret, de ce décret sans lequel nous allons voir renouveler, dans toutes les parties de l'Empire, les scènes sanglantes, les atrocités dont le fanatisme a trop souvent souillé les époques de notre histoire.
« Non, le monarque placé sur le trône par la loi constitutionnelle, qui a pu voir parmi nous l'àmour ardent des Français pour la liberté et la Constitution, qui naguère a reçu de toute la France des témoignages d'affection si touchants, lorsqu'au milieu de votre auguste enceinte, il est venu accepter et jurer le maintien de la Constitution; non, le chef de cet Empire n'écoutera point les perfides conseils des ennemis du bien public, qui sont et doivent être les siens. Il n'arrêtera point l'exécution d'une loi commandée pour le salut du peuple, la première, la suprême loi; non, il ne se séparera pas de la nation sans laquelle il n'est rien. 11 ne voudra plus faire contre la natipn l'essai d'un pouvoir qui ne lui a été confié que pour elle; il ne portera plus ses regards au delà de nos frontières que pour dissiper les rassemblements et en punir les auteurs, quels que soient les coupables.
« Ici commencent ses obligations; les vôtres sont remplies. Recevez, législateurs, si dignes de remplacer les auteurs ae notre linerté et ae consommer leur ouvrage immortel, recevez, par notre hommage, celui des citoyens de la subdivision de l'Empire, dont l'administration nous est confiée. Si dans une grande circonstance leur courage et nos efforts ont été honorés de l'approbation de vos prédécesseurs, nous vous assurons aujourd'hui que l'ardeur de nos concitoyens augmente, en proportion des menaces et des projets de nos ennemis, et nous vous jurons que chaque jour verra redoubler notre amour pour la liberté, notre zèle pour le maintien de la Constitution, notre soumission à la loi, comme
chaque jour vos travaux vous acquerront de nouveaux droits à notre reconnaissance et à l'admiration de la postérité.
« Signé ; Les administrateurs composant le airectoire du district de Clermont au département de la Meuse. »
15° Compte rendu par les administrateurs du district de Clermont-en-Argonne de leurs travaux pour la répartition des impositions.
(L'Assemblée décrète qu il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
16° Lettre de M. Papillon, commandant de la gendarmerie nationale, qui envoie une pétition de plusieurs officiers du même corps pour l'interprétation de la loi sur la formation ae la gendarmerie.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
17° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, sur la réclamation des receveurs qui ont eu des assignats dont les valeurs n'étaient pas exactement exprimées dans les lettres d'envoi.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des assignats et monnaies.)
18° Lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères, sur les prétentions de la ville de Mul-hausen, enclavée ci-devant dans la province d'Alsace, dans le département du Haut-Rhin; cette lettre est ainsi conçue ;
« Monsieur le Président,
« La ville et la citadelle de Mulhausen, enclavée dans l'anciénne province d'Alsace, qui composent actuellement le département du Haut-Rhin, considérant les changements qui résultaient pour spn commerce, du reculement des barrières aux extrémités du royaume, a demandé au roi de fixer, par une convention, la manière dont elle pourrait à l'avenir faire son commerce* tant à l'intérieur qu'avec l'étranger. Le roi a jugé à propos d'avoir égard à la demande d'une ville unie au corps helvétique ; la convention a été signée par les commissaires respectifs, après que tous les articles qu'elle renferme ont été discutés dàns les comités de l'Assemblée constituante.
« Pour me conformer à l'Acte constitutionnel relatif aux engagements contractés par le roi avec les puissances étrangères, j'ai l'honneur de vous envoyer copie de cette convention. Je vous serai ohligé de faire ep sorte qu'il en soit rendu compte à l'Assemblée nationale, afin qu'elle la ratine, l'état de Mulhausen ne pouvant demeurer plus longtemps incertain sans porter un grand préjudice aux habitants et même aux Français qui l'avoisinent.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : delessart. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre et la convention aux comités diplomatique et de commerce réunis.)
' 19° Lettre de M. Benoy, curé de Saint-Laurent de Paris, contenant un désaveu des sentiments imputés dans les papiers publics aux prêtres de cette paroisse; cettelettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser un désaveu de Messieurs les ecclésiastiques de la communauté de Saint-Laurent, au sujet d'une dénoiicià-
tion qui se lit dans tous les papiers publics, et qui semblerait les inculper ainsi que moi. Voulez-vous bien, Monsieur le Président, en faire part à l'Assemblée, afin que les papiers publics corrigent leur erreur.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : BENOY. »
10° Lettre du tribunal du district de Chaumont, département de la Haute-Marne, qui informe l'Assemblée qu'il a condamné à être lacéré et brûlé un catéchisme ayant pour titre : Instruction familière sur la religion à portée des habitants des compagnes, comme séditieux et attentatoire à la tranquillité publique, il en a défendu la distribution et a ordonné la poursuite de ses auteurs.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal.
Je m'oppose à la mention honorable parce que ce tribunal a attenté à la liberté de la presse.
(L'Assemblée, consultée, décrête la mention honorable au procès-verbal de la conduite du tribunal du district de Chaumont.)
21° Pétition de la municipalité de Digny, district de Châteauneuf, département d'Eure-et-Loir, sur les biens de fabriques.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
22° Adresse des citoyens de la ville de Lorient, qui félicitent l'Assemblée de son décret, contre les émigrés ; cette adresse est ainsi conçue :
Lorient,
« Législateurs français,
« Les citoyens dè la ville de Lorient ne voient pas sans éprouver la plus vive satisfaction, l'énergie que vous déployez dans ces moments de crise ; votre bon décret sur les émigrants est conforme au vœu des véritables patriotes. Ils savent qu'il existe dans la société deux crimes qui encourent la peine de mort : la trahison et l'assassinat.
« Or, toute la France ne peut ignorer les intentions homicides de ces parjures ; ce sont des traîtres qui méditent le massacre et la ruine d'une nation dont ils ont fait partie. Ce sont des Cati-lina ; donc, votre décret est juste et nous l'admirons.
» Quelques malintentionnés s'efforcent en vain de préjuger l'opinion de tout un peuple qui n'aperçoit dans la conduite de ces vils transfuges que la rage et le désespoir des tyrans détrônés qui rassemblent le reste de leurs forces pour lui forger de nouveaux fers ; mais tous leurs efforts sont impuissants. La liberté est le cri des Français régénérés ; que ces perfides qui calculent froidement les maux dont ils tentent d'affliger leur patrie, tremblent eux-mêmes à l'aspect d'une armée de patriotes. Le jour des vengeances approche ; ils tomberont sous le glaive des lois outragées.
« Que la même fermeté vous anime constamment; ayez toujours devant les yeux la majesté du peuple ; rappelez-vous sans cessé que vous êtes les mandataires d'une nation libre, et que tant que vous réprimerez les insultes faites à sa souveraineté, son cœur et ses bras vous seront entièrement dévoués. Croyez qu'elle est prête à épuiser tout le sang qui coule dans ses veines
pour le maintien des lois qui assurent sa liberté.
« Courage, législateurs, conservez votre grand caractère, et continuez de mériter notre estime, notre amour et notre reconnaissance.
« Signé : Les citoyens libres de la ville de Lorient. »
Un membre : Le renvoi au département de Paris!
Plusieurs membres : Mention honorable et insertion au procès-verbal !
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)
23° Pétition des citoyens de la ville de Lorient, relative au licenciement des troupes coloniales.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
24° Adresse de plusieurs citoyens de la section de la halle au blé de Paris ( 1) relative aux décrets contre les émigrants et contre les prêtres réfractaires. Us dénoncent les ministres comme cherchant à égarer le peuple et à discréditer l'Assemblée nationale, et se plaignent du veto apposé par le roi au décret contre les émigrants ; cette adresse est ainsi conçue : -
« Représentants du peuple français,
« Au mois de juillet 1789, une armée assiégeait la capitale et Versailles; une artillerie nombreuse menaçait nos foyers, une garde formidable assiégeait le sanctuaire de la liberté ; la ville aux 800,000 habitants s'est agitée, les piques immortelles ont paru, et les armes du despotisme, comme la fumée chassée par un vent impétueux, ont disparu.
« Revenu de son premier effroi, le despotisme a voulu fatiguer la confiance du peuple, et depuis bientôt 3 ans les plus abominables manœuvres ont été employées pour anéantir cette redoutable énergie; mais, sûr de sa force, la Déclaration des droits dans le cœur, appuyé sur ses armes, le Français a conjuré toutes les tempêtes et le calme terrible du 21 juin a dû convaincre enfin les amis de l'ancien régime, que jamais la force ne pourra le faire ressusciter.
« Depuis le 21 juin, une tactique nouvelle et machiavélique a été employée. On a voulu faire perdre à l'Assemblée nationale la confiance du peuple. Ce projet infernal n'a été que trop bien secondé par des gens dont l'opinion publique a fait justice, par des gens qui, redoutant l'égalité comme le néant, ennemis de la liberté, de la nation, du roi, ennemis même des ministres, n'aiment qu'une chose au monde : le ministère. C'est par les intrigues de ces ambitieux qu'il est arrivé que le peuple se demandait avec inquiétude quel serait donc le terme des travaux de l'Assemblée constituante; ce sont leurs mains sacrilèges qui ont essayé de flétrir les lauriers immortels dont la patrie reconnaissante avait couronné les héros qui avaient juré au Jeu de Paume.
« Législateurs, lorsque le vaisseau de l'Etat vous a été confié, cet amour pour la liberté,
cette énergie qui ont fait les miracles de 1789, soutenaient notre courage; mais le ministère
n'apercevant plus cet enthousiasme qu'avaient exigé les premiers moments de la Révolution, le
ministère a cru, sans doute, que l'esprit public était
« Alors parurent ces placards qui dévouaient à la haine, a la fureur du peuple, les amis de la liberté constitutionnelle; alors une bande d'écrivains mercenaires, une foule d'intrigants couverts du masque de l'impartialité, toutes les sangsues de l'ancien régime, les ridicules spadassins d'outre-Rhin,les lâches flagorneurs d'outremer se prosternant au pied du trône, ne demandèrent rien moins que la dissolution de la législature et la dictature pour le roi. Alors disparut entièrement le numéraire, et une disette inconcevable, après deux années d'abondance, menaça, à l'entrée de l'hiver, et la capitale et l'Empire. Alors le ministère, affectant une sécurité profonde sur les desseins des princes de l'Europe, poulait attirer tous les regards, toutes les inquiétudes sur les menaces du magnifique seigneur le Dey d'Alger. Dans le même temps, on négligeait la défense des frontières, l'armement des gardes nationales, le remplacement des officiers. Des nouvelles sûres, cependant, annonçaient des projets d'une invasion prochaine; dans le même temps une confédération inouïe de tous les tyrans contre un peuple libre qui a juré la paix à l'univers, une confédération avouée officiellement par la Suède et l'Espagne, le fanatisme secouant ses flambeaux, aiguisant ses poignards dans les 83 départements, les ministres accablant chaque jour 1 Assemblée de nouvelles exagérées de séditions, de meurtres, de combats, Saint-Domingue en feu, Avignon inondé de sang, une attaque épouvantable au dehors, au dedans tous les feux de la guerre civile, poussés par le fanatisme et l'ambition, semblaient annoncer la dissolution, les derniers jours de ce bel Empire. Dans d'aussi déplorables circonstances, il eût suffi à votre gloire de n'avoir pas désespéré du salut de la chose publique.
« C'est dans ces mêmes circonstances, que vous avez déployé une énergie digne des grands intérêts qui vous sont confiés. Vous avez cherché la racine du mal, vous l'avez trouvée dans la longue impunité accordée aux conspirateurs du dehors et du dedans. Un décret longtemps attendu, digne de la majesté du peuple, lancé par vous, allait atteindre et soudoyer dans leurs asiles ces brigands dans les projets desquels on ne sait ce qu'on doit admirer le plus, de l'impudence ou de la férocité.
. « Pour la première fois le restaurateur de la liberté française a fait usage du veto, et c'est pour sauver les conspirateurs.
« Représentants de la nation, nous avons toujours cru que le veto accordé au roi ne pouvait que suspendre un décret et jamais l'anéantir; et cependant dans la circonstance, le roi né suspend point, il anéantit la loi. Le veto devient absolu, ce n'est plus un appel au souverain, le roi se met à sa place, il usurpe son autorité, et le veto delà Constitution n'est plus qu'une lettre de cachet.
« Ce n'est pas tout ; par une proclamation, le roi veut suppléer la loi (1) ; il y reconnaît
le dé-
« Nous ne donnerons pas aujourd'hui de suite à ces réflexions. Nous garderons sur ce veto le silence prudent et religieux que l'Assemblée paraît s'être imposé. Le jour approche où Ton pourra peut-être agiter à cette occasion de grandes questions, où, la Constitution à la main,, on pourra en agiter d'autres auxquelles les circonstances actuelles ont déjà donné naissance, ou qui pourront naître de I immense responsabilité dont le roi s'est grevé gratuitement.
« Aujourd'hui, nous devons vous dire que votre conduite ferme et prononcée, que le nouveau décret par lequel vous frappez les prêtres conspirateurs, qUe Celui par lequel vous sommez lé pouvoir executif de déployer enfin, aux yeux de l'Europe, la dignité nationale, vous assurent la confiance et les bénédictions du peuple. Laissez siffler autour de vous les serpents de l'intrigue et de la calomnie ; marchez, forts de votre-cons-cience, forts des grands intérêts que vous avez à défendre , forts ae notre confiance et de toute la puissance de la nation. Peut-être un nouveau veto conservera les prêtres conspirateurs dont les intérêts sont si intimement liés à ceux des princes, n'en soyez pas ébranlés. Il est décour vert; le système des ennemis de la Révolution, Ils veulent fatiguer le peuple par des inquiétudes, l'écraser par les dépenses, suites des mesures lentes qu ils aiment, qu'ils ont toujours adoptées, de ces mesures lentes qui ont fait couler dës ruisseaux de sang dans les colonies, dans Avignon, qui font reprocher à la Révolution des atrocités dont ses féroces* ennemis sont seuls coupables. Déjouez par votre fermeté tous ces projets d'outre-Rhin qui tendent à ramener le peuple à l'esclavage par la lassitude. Rendez au nom français son antique dignité : esclaves on nous craignait, libres qu'on nous respecte. N'abaissez pas vos regards jusqu'à ces petits potentats, effrayés eux-mêmes du rôle étonnant qu'on leur fait jouer; faites oublier plutôt, qu'à la fin du xvrii8 siècle, après la proclamation de la Constitution françaiset après la Déclaration des droits, ce vaste Empire a été insulté, menacé par trois évêques et un pape ; adressez-vous aux puissants qui nous outragent, et souvenez-vous que vous avez pour vous la justice, la liberté et 5 millions de baïonnettes. »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
Je demande la question préalable sur la proposition de la mention honorable, et voici mes motifs :
J'ai remarqué dans cette adresse une critique extrêmement amère du veto apposé par le roi
J'ai remarqué qu'on y disait qu?il serait bientôt temps d'examiner le droit accordé au. roi de suspendre les actes du Corps législatif par un veto.
Plusieurs membres : C'est faux, cela" n'y est pas !
Vautres membres : Gela y est !
J'ai juré de maintenir la Constitution; or, le droit de veto est constitutionnel, et quand le roi en use, je ne crois pas qu'aucune corporation ni qu'aucune Section de l'Empire puisse s'en permettre la critiqup;. {Murmures.) Je rappellerai à cet égard un souvenir imposant: Lorsqu'on nous a annoncé, ici l'usage que le roi avait fait de son'veto, personne dans 1 Assemblée n'a élevé la voix. M. Cambon vous a dit qu'il fallait respecter ce premier acte de la liberté : du rQi. (Murmures.)
J'ai appuyé ici la motion qu'on a faitë de ne pas souffrir que les ministres puissent critiquer les actes du Corps législatif. Je crois, par le même principe, que nous devons respecter l'usage que fait le pouvoir exécutif du droit qui lui est accordé par la Constitution et pour le; salut du peuple. (Murmures.) L'un dés fondateurs de la liberté, Mirabeau lui-même; disait qu'il aimerait mieux vivre à Constantinople qu'en France si le roi n'avait pas le veto. Je dis donc que ceux qui attaquent le veto, quand l'usage en est fait constitutionnellement, attaquent la Constitution. (Murmures.)
11 est temps de déchirer lè voile on s'attache touà les jours, en critiquant cette disposition de la Constitution par des attaques directes ou indirectes, à nous précipita dans une révolution nouvelle. "Je1 demande la question préalable sur la mention honorable qui Vo'us .ést proposée.
J'ai écouté avec attention et la pétition qui voussa été présentée, et les observations du préopinant. Sans doute, en demandant la question.préalable, son intention a été pure ; mais je-crois qu'en développant ses motifs, il n'a pas atteint son but. Il a dit què censurer .un acte du pouvoir exécutif, c'était attaquer,la Constitution. Eh bien! moi, je lui prouve, la Constitution à la main, qu'il est dans l'erreur; car la Constitution permet atout citoyen d'exercèr sa censure sur les actes de toute autorité quelconque. Or donc, quand cette censure se trouverait dans l'adresse qui vous a été lue, ,elle n'attaquerait pas la Constitution, elle ne pourrait pas empêcher, la mention honorable, si d'ailleurs l'adresse contenait des principes sages et bien développés, et une adhésion formelle à vos décrets. Vous avez ordonné la mention honorable de toutes les adresses qui vous félicitaient de votre énergie. Ici la question est absolument la même : vous ne pouvez avoir deux mesures et vous dispenser d'accorder à celle-ci le même honneur. En.conséquence, je demande la mention honorable au procès-verbal. (Applaudissements.)
Un membre : Le raisonnement de M. Lecointe-Puyraveaù n'est applicable qu'à la liberté de la pressé que personne n'entend contester ; mais il ne nous a pas démontré que le Corps législatif témoignera son respect pour la Constitution en faisant mention honorable dans son procès-verbal d'une critique de cette Constitution.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs, membres : La question préalable sur la mention honorable !
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'adresse des citoyens de la Halle au blé.)
M. le secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
25° Pétition des religieuses ursulines de la ville de Pezenas, poiir l'interprétation de la loi relative aux pensions des religieuses.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
26° Adresse des citoyens de Calais, qui félicitent l'Assemblée de ses/décrets contre les émigrants et les prêtres perturbateurs ; cette adresse est ainsi conçue : '
« Représentants des Français,^
« Entendez de toutes parts' les bénédictions dé la France, entendez ces voix de 25 millions d'hommes libres applaudissant à vos travaux et aux efforts què vous faites pour conserver notre liberté; comptez sur nous, ces efforts seront couronnés de succès. Vos pas sont semés de plus d'épines que ceu* des conquérants de la liberté, mais votre courage les aplanira. *"«' La-nation entière a sanctionné voire décret contre les émigrés (Applaudissements) ; le roi doit maintenant reconnaître l'erreur qui lui a fait refuser sa sanction à ce décret. Il ne la refusera pas à celui que vous venez de lui présente^ qui va disperser cette horde noire (Rires) qui conspirait de Concert avec les brigands d'Outre-Rhin : leurs, espérances sur : les. troubles intérieurs-suscités par les iprêtrès sont iévanouies, nous verrons désormais Mous ;nos; ennemis en facè, et leur perte est. assurée. - « Le roi des Français ne doit pas tarder à suivre les mesures sages que vous, lui avez indiquées par votre dernier décret ; c'est.la volonté de la nation. La guèrre ! la guerrel;(0iM ! oui ! tt-. .Applaudissements dans VAssemblée et dans, les tribunes...) estleiCri de tous les. Français. Écrasons ces tigres altérés de sang, sur qui la voix de la raison est impuissante; delivrons-nous tout d'un coup des inquiétudès qu'ils nous'causent, et qui n'ont déjà duré que trop longtemps. Nos bras sont armés et prêts à laver nos injures dans leur sang. Il ne faudrait qu'une poignée de Français libres pour les disperser, et nous sommes des m illions. ( Vifs applaudissements.)
« Signé : Les citoyens de Calais, membres de là société des Amis de la Constitution. »
, (L'Assemblée décrète . l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.) , t
27° Pétition des administrateurs du département de VEure, pour un dégrèvement de contribution.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.) 1
28° Pétition des administrateurs du départe^ ment de la Sarthè,\}outse rassembler le 15 janvier à l'effet de répartir les impositions de 1792.
(L'Assemblée renvoie, cette pétition âu comité de division.)
29° t Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui envoie les actes de la prestation du serment civique par les consuls et vice-consuls de la nation dans les pays étrangers, conformément aux décrets.
30° Adresse des administrateurs du bureau de commission sur les petits assignats.
Je rappelle à l'Assemblée que, déjà, plusieurs citoyens, en vertu de l'article de la Constitution qui regarde le mariage comme un contrat purement civil, ont demandé d'être autorisés à former des nœuds selon le vœu de la nature. En vertu de ce même article deux citoyens viennent de faire une demande entièrement opposée : celle d'être autorisés à rompre les liens qui leur sont devenus insupportables. Ils ont, en conséquence, passé, devant un officier public, ^mé demande en divorce dont ils sollicitent la ratification. Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) L'Assemblée ajourne à jeudi un rapport du comité de législation sur un projet de loi qui lui a été renvoyé contre les administrateurs qui déclareront ne vouloir pas exécuter certaines lois.
, députés par les volontaires du troisième bataillon du département de la Drôme, sont introduits à la barre pour présenter une pétition individuelle signée- par un grand nombre de volontaires sur le choix de leurs officiers.
, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Législateurs, Nous sommes députés vers vous par le troisième bataillon des volontaires de la Drôme ; ils nous envoient de 180 lieues pour vous présenter une pétition qu'ils ont signée individuellement : jugez, par là, de l'importance qu'ils y attachent, et que cette considération nous attire de votre part une attention bienveillante.
Législateurs, tous vos moments sont précieux pour la patrie, et celui qui, dans l'état de crise où nous sommes, détourne vos regards du bien général pour les fixer sur ses intérêts particuliers, ; ne connaît pas encore tous les devoirs du citoyen. Vous n'aurez point de reprochés à nous faire. Soldats volontaires de la patrie, à qui nous avons déjà fait de sacrifice de nos plus tendres affections et de nos plus douces habitudes, nous ne voyons plus qu'elle, nous ne respirons que pour elle, et c'est pour elle seule que nous venons aujourd'hui, non pas solliciter votre bonté, mais éclairer votre justice, et lui demander un décret que demande l'intérêt général.
Des circonstances inouies ont forcé le Corps législatif à prendre des mesures extraordinaires; il a frappé la terre, et des légions arméés sont sorties ae son sein ; il a parlé, et des citoyens paisibles se sont transformés en intrépidés soldats ; mais le courage suffit pour braver la mort, et ne suffit pas toujours pour assurer la victoire. Il faut y joindre la discipline et la tactique, deux points importants qui ne peuvent être que le fruit de l'habitude et de l'instruction. Les volontaires avaient donc besoin de chefs capables de les former et de les diriger, de chefs qui joignissent à la connaissance de l'art militaire, cet amour de la patrie et de la liberté, qui seul peut le diriger vers un but utile.
L'Assemblée nationale l'a bien senti, et pour remplir ce double objet, elle a voulu, d un côté, qu'ils fussent élus par le choix libre des volontaires ; et de l'autre, elle a sagement limité ce choix, en la .bornant à des citoyens qui eussent déjà été -honorés de quelque commandement dans les troupes de ligne.
Les volontaires du troisième bataillon de la Drôme crurent remplir ce vœu de la loi, et remplirent complètement celui de leur patriotisme^ en nommant pour leurs commandants, MM. Gou-vion et Vaubois, capitaines au quatrième régiment d'artillerie, en garnison à Vafencè.
Dans cette atmosphère corrompue, que l'air de la liberté, que vos travaux et vos vertus n'ont pas encore eu le temps de purifier; dans [ces temps malheureux où tout s'apprécie encore au poids de l'or, nous pourrions borner l'éloge de nos chefs, à vous dire qu'ils l'ont méprisé, qu'ils ont préféré ces places où notre confiance les appelait, à celles qu'ils occupaient dans le corps ae l'artillerie, et dont les émoluments étaient d'un tiers plus considérables. Mais, Messieurs, ce noble desintéressement est la moindre de leurs vertus. Nous avons trouvé en eux moins dés chefs que des amis, moins des instituteurs que des pères. Occupés sans relâche de nos besoins et ae notre instruction, leur tendre sollicitude ne nous laisse d'autre souci que celui de ne pas répondre assez dignément a leur zèle ardent et infatigable pour nous enseigner un art dans lequel ils sont consommés.
Sous eux, la discipline la plus sévère pourra nous paraître douce ; sous eux, les travaux les plus pénibles ne seront pour nous que des jeux; sous eux, en un mot, nous osons vous jurer de vaincre; sous d'autres, nous n'oserions vous jurer que de mourir. (Applaudissements.) Et savez-vous, Messieurs, pourquoi nous leur sommes si dévoués, pourquoi nos cœurs sont entièrement à eux? c'est que les leurs sont entièrement à vous et à la patrie. (Applaudissements.)
Législateurs, cPaprès les sentiments que nous venons d'exprimer, jugez quelle a été la profonde affliction des volontaires du troisième bataillon de la Drôme, en apprenant qu'ils étaient menacés de perdre leurs chefs; en apprenant qu'une lettre du ministre de la guerre leur enjoignait d'opter définitivement entre leurs anciennes et leurs nouvelles places, c'est-à-dire, en d'autres termes^, leur enjoignait'de renoncer à commander les volontaires, et de laisser imparfait un ouvrage si important et si bien commencé. Car ènfin, Messieurs, quels que soient les vertus et le patriotisme de nos chefs, avons-nous le droit d'attendre, aurions-nous même la cruauté de désirer qu'après nous avoir offert le sacrifice d'une partie considérable de leur fortune, ils nous en fissent le sacrifice tout entier et qu'ils préférassent un état précaire et passager, à un état solide et permanent ? Non, Messieurs, nous ne pouvons ni le demander, ni le souhaiter ; ce que nous pouvons, ce que nous devons, c'est de nous adresser aux pères de la patrie, à des législateurs justes, humains et éclairés ; c'est de leur dire : Voyez notre situation, considérez-la relativement au salut public, qui doit être, et qui est en effet la loi suprême d'où découlent toutes celles que vous portez. Nous sommes armés pour la liberté qu'on menace de toute part; le destin de l'Etat, dont vous êtes la tête, dépend peut-être de nous qui en sommes les bras. (Applaudissements.) Nous sommes jeunes et ardents, pleins de courage et de patriotisme : mais nous manquons d'art et d'expérience, et nous ne pouvons y suppléer que par les talents de nos chefs et par notre confiance en eux. Ceux que nous avons choisis réunissent toutes les qualités que nous pouvions désirer ; ils ont même surpassé notre attente. Nous les respectons, nous les aimons ; notre obéissance à leurs ordres se confond avec
notre tendresse par leurs personnes et la règle de la. discipline n'est autre chose, pour nos cœurs, que l'impulsion de l'amour. (.Applaudissement i?.)
Aù surplus, Messieurs, nous avons dans nos mains, et nous déposerons sur votre bureau, un arrêté de l'administration de notre département, qui atteste l'impossibilité de fait où nous sommes de pouvoir choisir nos chefs ailleurs que dans les troupes de ligne en activité ; et si nos élections étaient contraires à vos lois (ce
Sue nous sommes loin de croire) elles seraient u moins conformes à la plus impérieuse des lois, à celle de la nécessité.
Législateurs, nous vous avons exprimé nos vœux; mais ils ne fussent jamais sortis de nos cœurs, si nous n'avions pas cru que l'intérêt de la patrie nous imposait le devoir sacré de vous les faire connaître. Nous attendons votre détermination avec une confiance respectueuse et quelle qu'elle puisse être, elle ne changera rien à Celle que nous avons invariablement formée d'obéir a tous vos décrets avec une soumission religieuse et de coUrber, sans murmure et sans délai, sous le joug de la loi, des têtes qu'on abattrait plutôt que de leur en imposer une autre. (Vifs applaudissements.)
, répondant à la députation. Les défenseurs de la patrie sont toujours écoutés avec intérêt par ses représentants. L'Assemblée nationale applaudit au langage que vous inspirent le patriotisme et la sensibilité. Elle prendra votre demande en considération ; elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)
(Les pétitionnaires traversent la salle au milieu des applaudissements unanimes.)
Plusieurs membres : L'insertion au procès-verbal avec mention honorable !V'
jeune. Il est difficile d'exprimer d'Une manière plus énergique et plus noble un patriotisme aussi épure, une obéissance plus exacte à la loi, et il est impossible de . donner à nos gardes nationaux un exemple plus grand et des sentiments plus élevés et plus heureux. Je demande donc que cette adresse soit , imprimée pour être envoyée et distribuée aux 188 bataillons de volontaires destinés aux frontières. (Applaudissements.)
(L'Assemblée adopte la motion de M, Lacuée, décrète l'insertion de cette adresse au procès-vérbal avec mention honorable (Vifsapplaudissements.) et renvoie l'objet de la pétition au comité militaire pour en faire un rapport très prochain.)
fait la seconde lecture du projet de décret relatif aux frais des funérailles aHonoré-Riquetti Mirabeau (1). .
Un membre, au nom du comité de division, fait un rapport sur la demande des administrateurs des départements du Calvados et des Buches-du-Rhône, pour la prolongation de la session de leurs conseils généraux jusqu'au 30 décembre; il s'exprime ainsi :
« Messieurs, vous avez ordonné à votre comité de division de vous faire un rapport sur une difficulté dont la décision devient très urgente à la fin des sessions des directoires de département.
Les administrateurs du département des Bou-ches-du-Rhône et ceux du Calvados, réunis en
Bn second lieu; l'Assemblée constituante a pensé, avec raison, qu'un mois bien employé pourrait suffire aux départements'pour la préparation et même l'achèvement des travaux qui leur sont confiés. Elle a peut-être aussi jugé qu'il serait dangereux de prolonger trop longtemps, dans le cours d'une année, l'existence politique de 83 corps nombreux, délibérant et revêtus d'une grande autorité d'exécution. Aussi a-t-elle exactement fixé le cas où les conseils de département pourraient être convoqués, et ces cas sont ceux où la sûreté intérieure du royaume serait évidemment menacée. Encore est-il nécessaire qu'aussitôt la législature et le pouvoir exécutif soient avertis de ce rassemblement extraordinaire. Enfin il a été sans doute dans les vues de l'Assemblée constituante, que des citoyens, que des pères de famille, ne fussent pas trop longtemps enlevés à leurs affaires, a leur famille, pour se livrer à des fonctions pénibles auxquelles les lois n'ont attaché aucune indemnité.
Si de ces considérations générales nous passons aux considérations particulières, nous ne voyons dans les motifs des deux départements aucune circonstance pour autoriser une dérogation funeste aux lois, du mois de janvier 1790 et 27 mars 1791, d'autant plus que ces lois ont attribué aux directoires de département le pouvoir1 d'achever eux-mêmes les travaux qui ont été retardés.
D'après tous ces motifs, le comité de division me charge de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale; après avoir entendu son comité de division sur la lettre du ministre de l'intérieur expositive des demandes faites par les administrateurs des départements du Calvados et des Bouche-du-Rhône, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer. »
Le département du Calvados, dont il est question n'a reçu que la veille de la fin de sa session le décret pour la répartition de l'impôt.
Plusieurs membres : Le directoirele fera.
Le but de la Constitution ne sera pas rempli si vous adoptez ce projet de décret, car cette partie est confiée à la surveillance des conseils ae département.
Vous vous êtes imposé la règle de ne jamais adopter un projet de décret avant de l'avoir fait imprimer. Je né sais pas pourquoi vous adopteriez celui-ci aussi légèrement. Je conçois mieux qu'un autre combien il est dangereux ae charger les directoires de département des fonctions attribuées aux conseils généraux et combien il est important d'avoir une loi qui puisse vous donner la faculté de prolonger les sessions des corps administratifs. 11 arrive très souvent que les travaux des directoires ne sont pas prêts et les conseils généraux, quoiqu'en pense le préopinant, n'ont pas assez d'un mois pour traiter les affaires qui leur sont soumises. En charger les directoires, c'est livrer les affaires à des délégués peu nombreux, à une aristocratie
de quelques administrateurs, enfin c'est compromettre la sûreté de l'Etat.
L'Assemblée constituante a voulu éviter ces inconvénients en établissant un conseil général pour un mois, mais l'esprit de la loi veut aussi que le conseil général ait pu remplir tous ces devoirs dans le courant de ce mois. Il était impossible au département du Calvados de remplir ses devoirs, puisque la loi sur la répartition de l'impôt ne lui est parvenue que le 27 novembre; il était impossible au département des Bouches-du-Rhône, de les remplir, puisque des troubles qui appelaient tous ses soins l'ont distrait de ceux qu'il devait à la répartition des impôts et autres objets d'administration. D'après ces différentes considérations, je demande l'impression du pro-jet de décret et l'ajournement de la discussion a huitaine.
J'appuie le projet du comité, parce
Su'il y a au danger à laisser assemblés, au delà
u terme qui leur est prescrit, 83 Corps aussi puissants que les conseils généraux de département. De plus, il y aurait un grand inconvénient à faire une loi de circonstance pour deux départements, les directoires peuvent parfaitement continuer le travail. En conséquence, jédemandé que lé'pro-jet du comité soit mis aux voix. '
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression et l'ajournement ! :
(L Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y;a pas lieu à délibérer sur la motion d'impression et d'ajournement et adopte le projet de décret du comité.)
L'ordre du j our est la discussion du projet de décret du comité de division sur une pétition de la commune de Bercy, dépendant du district de Bourg-la-Reine, tendant à l'érection de sa chapelle en église paroissiale (1).
, rapporteur, fait lecture de ce projet de décret qui est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
> « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur la demande de la Commune de Bercy, tendant à ériger en paroisse la chapelle qu'elle possède dans son seiri ; ^attendu que cette commune a été séparée de la paroisse de Sainte-Marguerite de Parié, dont elle dépendait ; qu'elle se trouve maintenant sans paroisse et sans pasteur ;, qu'elle est fondée à demander une paroisse par son étendue territoriale et le nombre de ses habitants, et que les électeurs du district vont se réunir incessamment pour nommer aux cures Vacantes, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.,
' « L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son Comité de division, sur la démande de la commune de Bercy, tendant à érigèr en paroisse la chapelle qu'elle possède dans son sein, et décrété qu'il' y a urgence ': sur le compte qui lui a été rendu du proCès-verbal du directoire du district dé Bburg-la-Reine, du 30 août 1791 ; de l'avis de l'évêque du département de Paris, et de l'arrêté du directoire de Ce département :
toutes lesquelles pièces ont été vues et examinées par le comité, décrète ce qui suit :
Art. Ier.
« La chapelle de la commune de Bercy est érigée èn église paroissiale, sous le titre de Saint-Edme.
Art. 2.
« Les limites de ladite paroisse de Bercy sont celles qui sont circonscrites dans le procès-ver-bal du directoire du district de Bourg-la-Reïne, du 30 août 1791, qui demeurera, ainsi que le plan circonscriptïf de ladite paroisse, annexé à la minute du présent décret.
Art. 3.
Le présent décret sera porté incessamment à la sanction dû roi. »:
(L'Assemblée adopte ces deux projets de décret.)
Messieurs, il s'élève une difficulté assez singulière, au sujet de la nomination du quatrième député du département delà Haute-Marne, .'M. Henry fut élu au premier tour,dé scrutin; mais il fut écarté, sur le prétexte qu'il ne justifiait pas sur-le-champ son éligibilité par le paiement du marc d'argent. On devait recommencer le scrutin; on fit un; second et un troisième tour. M. Landrian fut nommé à ce troisième toiir. Ses pouvoirs ont été vérifiés par le septième bureau, qui en a fait le rapport le ,2 octobre dernier et les a déclarés valides. Mais, soit qu'il y ait dû lbuclie dans la rédaction du procès-verbal,' soit par d'autres motifs, M. Landrian ne s'èst pas rendu à Paris. M. Henry y est venu, muni d'une lettre précise du comité des pétitions, qui lui mande, en effet, qu'il doit S'y rendre. Cependant, le premier suppliant du département de la Haute-Marne, M. Baudot, réclame de son côté la place qui serait vacante par l'absence de M. Landrian. Dans ces circonstances, il est important de savoir qui de MM. Henry, Landrian oU Baudot doit être appelé et admis dans l'Assemblée, pour compléter la députation de la Haute-Mariié. Je fais la motion què cette difficulté soit renvoyée au cëirtité dé division pour y être examinée contradictoirement avec MM. les députés du département dé la Haute-Marne. :
(L'Assemblée adopte la motion de M. François de Neufchâteau.)
l'aîné, du nom des comités, d'agriculture et de commerce réunis, fait un rapport sur plusieurs adresses et pétitions de différentes sections de Paris et de diverses autres communes de l'Empire, relativement aux subsistances ; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs; vous avez renvoyé -à vos comités d'agriculture et de commerce réunis, l'examen
des plaintes d'nn grand nombre d'habitants de trente sections de la capitale et plusieurs
autres des villes et bourgs de Saint-Omer, Montélimart, Coye, Samer, ChaumùrifcsUr-Marne ,
Neuilly-Saint-Front, Bèaumont^la-Digne^ MâCôn, Villers-Outreaux, Souppes, Dunkerque, '
Saint-Venant,
Si la pétition est un droit sacré du citoyen, c'est surtout lorsqu'elle à pour objet l'aliment de sa vie. Dans l'ancien régime, des plaintes sur la cherté du pain n'auraient fixé l'œil atroce de l'accapareur que pour grossir sa fortune de la substance du peuple, sous la protection d'un ministère complice de son crime. SoUs le règne de la liberté et de la justice, ces plaintes attireront toute votre attention pour en tarir la source, si elle dépend de vous, ou du moins pour y com-
Eâtir, si elle est indépendante de vos moyens, a nature est avare ou prodigue des récoltes ; et vos soins ni votre prévoyance n'ont d'influence sur la dispënsation qu'elle en fait chaque année ; mais la distribution de ces récoltes est confiée à des hommes ; et vous pouvez et vous devez veiller à ce qu'elle soit faite de la manière la plus équitable et la plus conforme à l'intérêt général des citoyens. Si les plaintes sont fondées, vous devez en détruire la cause et en faire punir les-auteurs ; si elles sont destituées de preuves, si elles reposent sur des inquiétudes inspirées par le besoin ou suggérées par de coupables factions, vous devez plaindre, vous devez excuser les esprits égarés ou séduits qui vous les adressent; mais vous devez surtout les éclairer, vous devez, à la place du verre obscur et mensonger de la Séduction, substituer le prisme clair et fidèle de Ta vérité.
Dans les plaintes qui vous sont adressées sur les subsistances par plusieurs pétitionnaires de la capitale, il faut distinguer celles qui inculpent particulièrement l'administration de Paris, et celles qui attaquent les usages et les mesures généralement établis, tant pour la vente et 1 achat des grains, que pour leur circulation dans le royaume. Dans la première classe sont les plaintes formées contre la municipalité de Paris, sur le s commercé et l'accaparement des grains • qu'on lui impute, sur l'exposition qu'elle a fait faire à la halle de farines viciées sortant de ses greniers, et sur l'obligation qu'elle a imposée aux boulangers d'en acheter à un prix fixe, concurremment avec les bonnes farines apportées de la campagne. La connaissance de ces faits qui, suivant leurs motifs et les circonstances dont ils sont accompagnés, peuvent être ou des mestires prudentes ou de véritables délits, vous appartient sans doute, parce que suivant la Constitution,chapitre 3, section lre, articlë 1er, au Corps législatif appartient le droit de poursuivre les individus, et à plus forte raison, les corps administratifs prévenus d'attentats et de complots contre la sûreté générale de l'Etat ; et certes l'accaparement de la subsistance d'un million de citoyens, est bien un attentat contre la sûreté de tout l'Empire ; mais l'instruction qui doit précéder votre délibération et votre décision, vous est étrangère. Le moyen de ne rien faire de bien serait de vouloir tout faire, de s'attribuer la connaissance ét des détails ét des résultats. Il existe une hiérarchie de pouvoirs sagement combinée : vous ne l'intervertirez pas, Vous qui devez la maintenir. C'est au département que la municipalité doit rendre compte de son administration ; et c'est entre les mains du pouvoir exécutif que le département doit les déposer. Vous devez donc vous borner à inviter le pouvoir exécutif d'exiger la reddition de ce
compte, et de vous le soumettre, avec l'avis du département, dans le plus court délai possible.
Nous nous garderons bien, en voulant trop précipiter le jour pur de la vérité qui doit naître ae cette marche sage et réfléchie, d'y substituer la lueur incertaine des conjectures ; mais il est cependant un fait que nous ne pouvons'dissimuler : c'est que si la municipalité de Paris fait le commerce des blés, si elle en tire des autres départements pour se procurer un bénéfice en le vendant dans la capitale, elle est bien trompée dans sa spéculation ; car le lieu du royaume où le pain est le plus beau, le meilleur et à plus bas prix, est la ville de Paris.
Je passe maintenant aux plaintes générales. Aux pétitions d'un grand nombre d'hanitants de la capitale sur les subsistances, se joignent celles de plusieurs citoyens des différents départements du royaumè.
Les objets de ces plaintes, sont : 1* la sortie; des blés et des farines à l'étranger, sous prétexte d'exportation par mer dans.les coloUiès.ou dans les lieux du royaume qui en ont besoin ; 2° les accaparements dans les grenièrs des pro- s priétaires ae blés. On demande pour remède à Ces maux : 1° que vous exigiez des propriétaires de blés qu'ils en portent aux marchés chaque semaine une quantité proportionnée à celle qu ils ont en grenier; 2° que vous enjoigniez aux départements de veiller à ce que les marchés soient toujours et suffisamment approvisionnés ; 3° qu'il soit fait dans chaque département un dépôt de blé dans les années abondantes, qui puisse fournir au besoin dans les années de disette. ^ § ' ; ' .•'Je réponds, au.-hom de vos comités, sur le premier point, que- sous aueun prétexte, on n'a jamais pu exporter des blés à la destination de ; nos colonies, attendu que dans cette partie dé l'Empire français, il n'existe ni moulins,.ni aucune mécanique pour le moiidre,. et qu'à l'égard des farines les mêmes précautions prises pour l'exportation d'un port à l'autre du royaume, peuvent être et sont effectivement employées pour assurer le transport dans nos colonies exclusivement à tout autre lieu.
Bien loin qu'il sorte des blés du royaume, pour l'étranger, nous sommes assurés, Messieurs, qu'il en est venu et qu'il en est attendu beaucoup de l'étranger pour le royaume. Nous pourrions citer plusieurs preuves incontestables de cette assertion. Qu'il nous suffise de vous annoncer que l'empressement à importer des blés en France est tel, qu'il en est venu tout récemment d'un pays étranger, brisé en trois ou quatre morceaux, sous une meule ouverte, afin d'éluder la défense qui a lieu dans ce pays, de sortir le blé en nature. Ce n'est pas que la récolte de cette denrée ait été aussi modique en France que la malignité l'a répandu, et qu'il y ait de véritable disette à craindre ; màis une aveugle défiance et les obstacles- mis à la libre circulation dans les départements où la récolte a été abondante, auraient produit les effets de cette disette dans ceux jpù, elle a été moins, si lés importations de l'étranger n'étaient venues à leursêcours.' * -
Le vrai moyen d'augmenter la défiance du propriétaire de blés .est de lui faire sceller la porte de ses greniers, c'est d'exiger, comme on vous y invite; qu'il les porte au marché. Une pairéme inquisition •Opérerait sur le blé l'effet que fit sur le numéraires dans le temps de la régence, la défense à tout particulier d'avoir chez soi plus
de 500 livres en espèces ; et c'est alors que l'on verrait une véritable disette résulter des mêmes moyens pour produire l'abondance.
Une seule chose, Messieurs, peut faire cesser le surhaussemant local dans le prix des subsistances ; c'est leur libre et très libre circulation dans toute l'étendue du royaume. De la suspension dans quelque branche de cette circulation, résulte nécessairement, d'un côté, une abondance quelquefois superflue pour le consommateur et ruineuse pour le cultivateur, et de l'autre une disette plus ou moins grande.
Les pétitionnaires se plaignent d'accaparements; mais si l'accaparement est, à craindre, ce n'est jamais dans la main du propriétaire ni sur le marché. L'accaparement est mû par l'avarice ou la scélératesse. Dans les deux cas son but est de faire naître ou d'augmenter le Jjesoin. Or, toute mesure qui tendrait à exciter l'inquiétude du propriétaire de blés, à lui faire resserrer son grain en l'obligeant de le porter au marché, ne conspirerait-elle pas précisément avec les vues de l'accapareur? Ne serait-elle pas le signal de la détresse et le moteur du renchérissement ? C'est donc parce que l'accaparement est un très grand mal, parce qu'il faut prendre tous les moyens de le détruire dans sa source, qu'il est indispensa-blement nécessaire de maintenir la plus grande liberté dans les ventes et dans les marchés. Ces moyens, qui consistent principalement dans une surveillance attentive, ne peuvent vous appartenir; ils sont essentiellement dans la dépendance du pouvoir exécutif et des corps administratifs.
Quant aux dépôts ou magasins de blés, vos comités ont vu dans cette mesure une foule d'inconvénients et bien peu d'avantages, si même il en existe. Une première difficulté, qui est peut-être insurmontable, c'est le très gros capital crue le Trésor public serait obligé de fournir aux départements pour former le premier fonds des magasins. Que l'on calcule à quelle somme monterait la subsistance de 25 millions d'hommes mise en réserve seulement pour trois mois, et l'on verra qu'elle excéderait lé tiers de la totalité des revenus publics. Une autre difficulté, qui n'est guère moindre, serait de trouver dans chaque département la même pureté parmi ce très grand nombre de mains dans lesquelles passeraient indispensablement et l'argent des achats et l'argent des ventes; mais ce n'est pas tout cCêtre pures; il faudrait4 encore qu'elles ne pussent être soupçonnées de ne pas l'être. Or, comment, sur un pareil objet, se mettre à l'abri des soupçons du peuple ? et cependant quelle cause perpétuellè de troubles, d'émeutes et d'insurrections ! Ajoutez à ces dangers ceux des blés gardés longtemps, le germe, l'échaufaison, le mauvais pain qui en serait le produit, la nécessité des renouvellements, la continuité des soins, la stagnation des prix par défaut de concurrence, enfin la ruine de l'agriculture, qui en résulterait. Il vaut mieux sans doute pour cet objet faire reposer l'intérêt général sur l'intérêt particulier, car les chances seront toujours et plus multipliées et moins hasardeuses.
Après avoir exposé la fausse direction de quelques plaintes, démontré la nullité des motifs de plusieurs autres, et dévoilé le danger des moyens proposés comme remèdes, je vais, au nom de vos comités réunis, vous soumettre quelques mesures qui leur ont paru propres à fortifier les précautions prises pour que la circulation des grains soit vraiment concentrée dans les limites du royaume.
Un décret rendu, le 29 août 1789, par l'Assemblée constituante, ordonne : « que tous ceux qui « feront transporter des grains ou farines par « mer, seront tenus de faire leur déclaration « exacte par devant la municipalité du lieu de « départ et du chargement, et ae justifier de leur « arrivée et de leur déchargement, au lieu de « leur destination, par un certificat de la munî-« cipalité desdits lieux ». Ce décret exige quelques développements, sans quoi il serait à craindre qu'il n'aboutît le plus souvent qu'à une vaine formalité de bureau. Nous pensons qu'il conviendrait que les municipalités non seulement fussent tenues de recevoir les déclarations de chargement des grains, et de délivrer les certificats de leur déchargement, mais encore d'assister à l'embarquement et au débarquement, de vérifier les quantités, et de ne certifier la décharge des acquits-à-caution qu'avec une parfaite connaissance ae cause. Ce sera un assujettissement pénible sans doute; mais quel est le fardeau public que ,1e patriotisme ne sache alléger? Et quelle belle récompense au: sacrifice de quelques journées, que d'assurer la subsistance, ou seulement de calmer les inquiétudes de 25 millions de Français? Déjà plusieurs corps administratifs des départements voisins des ports de mer, vous ont donné trop dé preuves de leurs précautions sur la circulation des subsistances, pour que vous deviez ,douter de leur empressement à se conformer à celles que vous leur indiquerez.,
Aucun moyen d'éclairer le peuple ne doit être négligé; car son,ignorance est presque toujours la cause de ses alarmes et de ses injustices. Nous croyons, en conséquence, qu'il conviendrait que chaque municipalité des ports de mer exposât dans le lieu de ses séances un tableau des chargements de grains dont elle aurait délivré les acquits-à-caution, de leur destination et de la décharge des acquits, à mesure qu'ils lui auraient été envoyés.
Un autre moyen de surveillance, car on ne peut trop les multiplier pour cet objet, serait d'enjoindre aux municipalités des lieux du départ des grains d'envoyer au ministre de l'intérieur un duplicata de Tacquit-à-caution délivré pour accompagner le. chargement au lieu de sa destination. Le ministre ferait passer ce duplicata à la municipalité du lieu indiqué par 1 acquit-à-caution, laquelle serait obligée de l'informer de l'arrivée et de la vérification desdits grains. Il résulterait un grand avantage de cette disposition. Le ministre ae l'intérieur, en faisant tenir un registre des acquits-à-caution, relatif à la circulation des grains, serait à portée de rendre compte, en tout temps, au Corps législatif, des départs et des quantités de grains expédiés par tel ou tel port, d'informer; si elles sont ou non arrivées à leur destination, et de faire poursuivre les soumissionnaires qui n'auraient pas satisfait à leurs engagements.
Il nous reste à détruire une erreur accréditée, source de beaucoup d'inquiétudes. Les personnes peu instruites du régime de la circulation des grains, croient qu'ils peuvent être transportés de tous les ports au royaume dans celui de Marseille, comme dans tout autre; et que de Marseille, attendu sa franchise,; ils sont dans le cas d'être exportés à l'étranger a; c'est une erreur. Lorsque la sortie des grains pour l'étranger est suspendue, elle l'est également pour le port de Marseille, et pour tous lis autres ports francs ! Ainsi, dans ce moment,; fil n'en peut pas être expédié par mer directement pour le port de
Marseille; mais il est permis d'en envoyer dans les départements voisins, en passant par Marseille; et nous conviendrons que, dans ce passage, la destination ne peut être soumise à cette surveillance sévère que les circonstances exigent. Nous pensons, en conséquence, que les grains destinés pour les lieux voisins de Marseille doivent être provisoirement assujettis à y arriver par un autre port, tel que celui de la Ciotat, ou tout autre.
Voici lé projet de décret de vos comités :
PROJET DE DÉCRET
» L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités d'agriculture et de commerce réunis, sur les plaintes concernant les subsistances d'un grand nombre de citoyens, tant de la capitale que des différents autres départements ; attendu les troubles qui se sont élevés dans* plusieurs endroits relativement à cet objet;le danger de les laisser se propager et s'accroître, et la nécessité d'en extirper promp-tement la cause, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, désirant approfondir l'objet des plaintes d'Un grand nombre de citoyens sur les subsistances, et voulant, en maintenant la libre circulation des grains dans le royaume, fortifier par de nouvelles précautions les obstacles mis a leur sortie dans les pays étrangers, après avoir rendu le décret d'urgence, décrété les articles suivants :
« Art. 1er. Lè ministre de l'intérieur présentera à l'Assemblée
nationale, dans le délai aejl5 jours, le compte que la municipalité aura rendu au département
de son administration relative aux subsistances, avec l'avis du directoire du département sur
cet objet.
« Art. 2. Les ; municipalités des ports du royaume nommeront, dans leur sein, un ou deux commissaires pour assister, indépendamment des préposés aux douanes, à tous tes chargements et déchargements de grains déclarés pour être transportés d'un port à un autre. Ces commissaires s'assureront : des quantités mentionnées dans les acquits-à-caution ; et ils n'en certifieront l'arrivée qu'après en avoir constaté la-conformité avec l'état du chargement." - « Art. 3. Il sera exposé dans le lieu des séances des municipalités, d où il est expédié des grains par acquits-à-caution, un tableau des chargements de ces grains, qui contiendra, par colonies, la quantité, la destination et la décharge des acquits-à-caution, à mesure qu'ils seront renvoyés.
«Art. 4. Les municipalités enverront au ministre de l'intérieur un duplicata des acquits-à-caution délivrés pour Je chargement en grains destinés à passer d'un port à un autre du royaume, et ce, aussitôt le chargement complété. Le ministre de l'intérieur enverra ce duplieàta aux municipalités des lieux de destination, lesquelles seront tenues de l'informer de l'arrivée et du déchargement des quantités de grains éhoncéês dans lesdits acquits ; de manière que, dans tous les temps, le ministre puisse faire connaître à l'Assemblée nationale les quantités de grains expédiées d'un port à un autre, et celles pour lesquelles on n'aura pas justifié du certificat d'arrivée.
« Art. 5. La faculté de faire parvenir des grains d'un port du royaume dans l'intérieur du département des Bouches-du-Rhône, par Marseille, est révoquée. Les grains qui auront cette destination ne pourront rentrer par mer, dans le royaume, que par Toulon, la Giotàt, ou tout autre port que celui de Marseille.
« Art. 6. Il sera fait une instruction en peu de mots pour rappeler au peuple les principes et les lois pour la libre circulation dés grains dans le royaume, et les mesures prises contre leur exportation à l'étranger. Cette instruction sera imprimée, et il en sera envoyé dés exemplaires dans tous les districts. Lés directoires de district la feront afficher dans les endroits les plus apparents du chef-lieu, et lire dans les principales paroisses, tous, lès dimanches, à l'issue de la grand-messe. »
(L'Assembléé décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à jeudi soir.)
jeune, au nom du comité militaire, fait un rapport sur une lettre du ministre de ^ la guerre relative à Vexécution de deux décrets sur le'mode d'examen des élèves du corps du génie et de Vartillerie ; il s'exprime ainsi : On rendit, le 15 septembre dernier, un décret sanctionné le 23, pour régler les formes d'admission et d'examen dans les corps dé l'artillerie et du génie. Le 28 du même mois, fut rendu un second décret, sanctioriné le 13 novembre, qui, en supprimant quelques dispositions du premier, en laissa subsister plusieurs articles. Xe 29 novembre, le ministre de la guerre s'adressa au Corps législatif pour lui demander lequel de ces deux décrets devait être exécuté (1) ; l'Assemblée nationale renvoya cette demànde au comité militaire pour lui en faire le rapport le plus tôt possible.
Votre comité militaire, Messieurs, a pensé que votre décret du 28 septembre étant postérieur et sanctionné postérieurement à celui du 15, il ne pouvait y avoir aucun doute qu'il dût être exécuté dans tout son entier et que celui du 15 septembre, dût l'être également dans toutes les dispositions qui ne sont pas contraires aux lois postérieures et notamment à celles du 28 septembre. Votre comité militaire vous propose, en conséquence, * de décréter qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la lettre du ministre de la guerre en date du 29 novembre, relative au mode d'examen $our lés corps de l'artillerie et du génie.
• (L'Assemblée décrète, conformément à l'avis du comité, qu'il n'y a pas liéu à délibérer sur la lettre du ministre de la guerre.)
jeune, au nom du comité militaire, soumet à nouveau à l'Assemblée un projet de décret sur les gardes nationales volontaires ; il s'exprime ainsi :
- Je viens, Messieurs, soumettre à la discussion le projet de décret sur les gardes nationales volontaires, qui vous a été présenté le 22 novembre et dont vous avez ordonné l'ajournement (2).j
Décret d'urgence.
« L'Assemblée natiohaîe, considérant qu'il importe au salut de l'Empire de régler d'une ma-
nière définitive et prompte tous les. détails relatifs tant à la formation, à l'organisation et à la solde des bataillons des gardes : nationales vo-, lontairés qu'au remplacement de leurs officiers et sous-officiers, décrète qu'il y a lieu à urgence. » (L'Assemblée adopte le décret d'urgence.)
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er. ,
« Les bataillons des gardes nationales volontaires seront payés de leur solde, depuis et y compris le jour fixé pour leur rassemblement, jusques et y compris le jour de leur licenciement.
« Il sera accordé, déplus, à chaque garde volontaire national trois sous par lieue, pour se rendre de son domicile à l'endroit du rassemblement, et de l'endroit du licenciement à son domicile. » {Adopté.)
Art. 2.
« A mesure que les gardes nationales volontaires arriveront .dans le lieu désigné pour le rassemblement de leur bataillon, ils se présenteront au commissaire du directoire du département chargé du soin de ce rassemblement ; celui-ci inscrira sur un registre à ce destiné, le nom de chaque volontaire national, le jour de son arrivée et le nombre de lieues pour lesquelles il devra être payé. Ce registre servira provisoirement de livret de revue. » (Adopté.)
Art.3
Les bataillons déjà sur pied recevront, par forme d'indemnité, la solde et le dédommagement au-
3uel ils auraient eu droit de prétendre en vertu e l'article 1er du présent décret ; ils en seront payés sur des états fournis et certifiés par les directoires de leurs départements respectifs. (Adopté.)
Art. 4.
Une moitié de la somme, qui, en vertu de l'article précédent, reviendra à chacun des gardes volontaires nationaux, dont les bataillons sont déjà formés, sera remise à sa libre disposition ; l'autre moitié sera appliquée soit au payement des habits et autres effets qu'ils auront reçus, soit au remboursement des avances que les directoires leur auraient faites avant qulls, passassent à la charge du département de la guerre. » (Adopté, sauf rédaction.)
Art. 5.
« Le ministre de la guerre est chargé de faire payer sans délai les indemnités accordées par l'article 3 et opérer les recettes prescrites par l'article 4. (Adopté.)
Art. 6.
« Les commissaires, chargés par les directoires de départements du rassemblement des bataillons de gardes nationales volontaires, remettront aux commissaires des guerres, lors de la première revue qu'ils en passeront, le contrôle qulls
en auront fait, en vertu de l'article 2 du présent décret. » (Adopté.)
Art. 7.
« Immédiatement après la première revue, chaque garde volontaire national prêtera le serment : de vivre libre ou mourir, de maintenir de tout son pouvoir la Constitution du royaume, décrétée par VAssemblée nationale constituante aux années 1789,1790 eti791, et d'être en tout fidèle à la nation, à la loi et au roi. »
La formule de ce serment sera prononcée par le commandant du bataillon, et chaque volontaire proférera les mots : « Je le jure. » {Adopté, sauf rédaçtion.)
Art. 8.
Tous les citoyens admis dans les bataillons de gardes nationales volontaires seront libres de se retirer après la fin de chaque campagne, en prévenant 2 mois d'avance le capitaine de leur compagnie afin qu'il soit pourvu a leur remplacement, ainsi qu il sera dit articlé 17.
« La campagne, sera censée terminée le 1er décembre de chaque année. » (Adopté.)
Art. 9.
Tout citoyen admis dans les bataillons de gardes nationales volontaires, qui aura servi sans interruption depiiis l'époque du rassemblement de son bataillon jusqu'au moment de son licenciement, jouira, dès lors, de la plénitude des droits de citoyen actif, et chaque mois de service qu'il aurait fait lui sera compté pour 2 mois, tant pour obtenir la décoration militaire que, les récompenses pécuniaires accordées à ceux qui ont servi l'Etat. »
Il est de votre justice de faire tout ce que vous pourrez pour les gardes nationales; mais je vous prie de considérer une disposition qui pourrait mettre en opposition les gardes nationales et les troupes de ligne. C'est un système pernicieux, très suivi par nos ennemis, que celui de diviser les gardes nationales et les troupes de ligne ; ce serait peut-être servir leurs vues que d'établir par la loi un privilège qui pourrait être le sujet d'une rivalité entre les unsetles autres. Je ne prononce pas Sur les observations qui pourraient être faites sur cet article, mais j'en demande l'ajournement.
Plusieurs membres : Appuyé ! Appuyé !
J'appuie les observations faites par M. Lameth. Il serait extrêmement impolitique ae décréter l'article proposé, il serait également impolitique de l'ajourner. Je ne crois pas qu'on; doivè mettre de différence entre des citoyens soldats et des soldats citoyens. Je demande donc que cet articlerlà soit supprimé et que l'on y substitue une disposition qui exige» poiir être citoyen actif, le même nombre d'années dans les troupes de ligne et dans les gardes nationales.
Je consens à l'ajournement de l'article ; mais si on veut le décréter, je crois qu'il ;faut mettre les gardes nationales et les troupes de ligne sur le même pied, parce que, comme l'a dit M. Gérardin, il n y aucune différence entre un citoyen soldat et un soldat citoyen. Je demande donc- que l'on dise : « Et ceux qui avàientle droit de citoyen actif acquis continueront d'en jouir. Quant aux autres, ils l'acquerront comme les troupes de ligne.
Je m'oppose à la
seconde partie qui tend à introduire l'esprit militaire parmi les citoyens; rien ne serait plus contraire àj'esprit de la Constitution. C'est parce que j'estime les gardes nationaux, que je ne: veux pas qu'on leur accorde le même droit qu'à ceux qui font là profession militaire, de compter leur service pour deux années.
Je suis d'avis qu'on assimile pour là valeur du temps de service. Il ne faut point entendre par similitude, qu'on puisse les militariser, Comme a paru le craindre un des préopinants.
Il est question seulement de ne pas établir une espèce de privilège. Il établirait entre les gardes nationales et les troupes de ligne, une rivalité dangereuse. Je conclus à ce que, dès ce moment, on les y assimile absolument. Quant aux droits de citoyen actif, il est certainement inutile de dire qu ils le conserveront; car on ne perd pas le droit de citoyen quand on l'exerce d'une manière aussi remarquable et aussi utile. Mais ie vais plus loin, et je dis que l'intention de l'article, qui est de jlonner les droits de citoyen actif à celui'qui aura marché aux frontières, est de toute justice, et qu'il n'est pas nécessaire, sous ce rapport, d'assimiler les gardes nationales aux troupes de ligne, qui ne
l'acquièrent qu'après un certain temps ; d'abord, parce qu'il ne peut y avoir de parité pour le temps, puisqu'il n'est pas vraisemblable que le service momentané des gardes nationales volontaires puisse ni doive durer aussi longtemps que celui des troupes de ligne; secondement, parce que c'est toujours, dans un moment de dangèr èt où le dévouement à la patrie est plus remarquable, que lés gardes nationales auront à marcher, et que celui qui quitte ses foyers, pour marcher volontairement au secours de la'patrie, qui n'a point signé antérieurement de contrat particulier à cet égard ; je dis que celui-là a véritablement acquis cette1 préférence, ou du moins que c'est lui accorder le véritable avantage qu'il a voulu acquérir, que de lui donner les droits de citofèn actif, par cela seul qu'il s'est enrôlé dans l'armée dis la liberté.
Je demande que les gardes nationaux qui sont citoyens actifs, exercent ce droit partout où ils se trouveront. (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion fermée ï
Je demande l'ajournement de l'article. (Appuyé.')
(L'Assemblée ajourne l'article ainsi que le reste du projet.)
(La séance est levée à dix heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
NOTE des décrets sanctionnés par le roi ou reçus par lui pour les faire exéeuter, depuis le 27 novembre-jusqu'au 4 décembre 1791.
dates des décrets
12 novembre 1791.
13 novembre. 17 novembre.
22 novembre.
24 novembre.
24 novembre. 24 novembre.
26 novembre.
note des decrets
Décret relatif aux fonctions du comité des décrets.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 3 décembre.
Décret relatif à la pétition du sieur Rouhière et à i'apurement( idem, de son compte. j 29 novembre.
Décret qui charge le ministre de l'Intérieur de rendre compte, dans 3 jours, des motifs qui ont retardé et suspendu l'exécution du décret relatif aux Acaaiens et aux Canadiens.
Décret relatif aux propositions faites à M. de Wimpffen, par) • j les princes français émigrés, pour leur livrer la ville de Neuf-j 27 novembre
idem.
Décret qui déclare valables les nominations faites.de deux hauts) jurés, parles départements de l'Allier, du Puy-de-Dome et deTIlle4 je et-Vilaine. )
Décret portant réunion de la municipalité de la Foraine de Sainte Sanctionné Flour à celle de Saint-Flour. v ( le 30 novembre.
Décret portant qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Delattre, ( às^S^M^K professeur en droit de la faculté de Paris, qu'il sera traduit dans] ^ "r donné les prisons de l'Abbaye et qu'il sera fait inventaire et procès-) i.'lntinniû verbal de ses papiers. ( 3 décembre11 16
Décret portant suppression et réunion des trois paroisses de la] Sanctionné ville de Romans, et partie de celle de Mours, pour n'en former} la m nnvomw qu'une seule. j leatriiovemiire.
note des décrets
dates des décrets
28 novembre.
2 décembre.
4 décembre.
Décret qui met à la disposition du ministre de la guerre les) ~ n-sommes nécessaires aux masses de. boulangerie èt fourrages de> i « l'armée. ': ^ ie ^ aecemore.
Décret qui autorise le sieur Thomas Eccleston, cultivateur} anglais, à faire embarquer pour l'Angleterre 15 juments et 3 éta-> idem. Ions. )
!Non sujet à la sanction. Le roi
Texécutionle 4 décembre.
Paris, le 10 décembre 1791.
Signé : M.-L.-F. Duport.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
observations sur la pétition de quelques membres du département de Paris (1) concernant le décret de l Assemblée nationale sur les troubles religieux, par M. Mjeeoz, évêque métropolitain du Nord-Ouest, député du département ae Vllle-et-Vilaine (2).
Vous m'avez parlé, Monsieur, de la pétition adressée au roi par quelques membres du département de Paris, au sujet du décret de l'Assemblée nationale, concernant les troubles religieux qui agitent le royaume. Je viens de la lire. Voici franchement ce que j'en pense.
Je respecte les intentions qui ont inspiré cette pétition; j'admire le talent qui l'a rédigéè ; mais les motifs sur lesquels on l'appuie, je ne peux les approuver, j'ose même les combattre, quelque illustres, quelque imposants que soient les noms de ceux qui les ont adoptés. Il est possible que de grands nommes n'aient pas toujours raison.
Gomme les pétitionnaires, je hais le fanatisme, j'abhorre la persécution. Je crois tous les hommes mes frères; tous, je les voudrais heureux ; et ils le seraient bientôt, si leur bonheur ne dépendait que de moi.
C'est de ce sentiment si doux pour un cœur honnête, que les pétitionnaires tirent leurs motifs pour attaquer le décret; c'est aussi de ce même sentiment que je tirerai mes raisons pour combattre leurs assertions.
Nous aimons nos concitoyens : nous désirons sincèrement qu'ils soient heureux : invitons-les donc à se regarder tous comme frères, comme amis ; écartons d'eux soigneusement tout ce qui pourrait s'opposer à leur union réciproque , à cette douce fraternité à laquelle les invitent la nature, la religion et la Constitution.
Nous voulons que les Français soient heureux; peuvent-ils l'être au sein d'une société toujours agitée, toujours divisée, toujours infectée des poisons de la malveillance et de la haine ? Peuvent-ils être heureux ces hommes qu'on ne cesse d'environner de tous les fantômes de la superstition et de la terreur? Peuvent-ils être heureux ces citoyens séduits, égarés, à qui l'on n'offre pour la vie présente, que les horreurs d'une guerre civile, et pour la vie future que des maux plus grands encore ?
Or, tel est l'état de la plupart des citoyens français dans les départements. On veut y armer lé voisin contre son voisin, la sœur contre son frère, la mère contre son fils, l'épouse contre son époux. On y annonce, de 15 jours en 15 jours, des hordes d'étrangers qui vont fondre sur les patriotes, qui vont rétablir l'ancien régiffiej combler d'honneurs et de richesses tous ceux qui y seront restés fidèles, etc., etc.
Et ces erreurs funestes, ces inquiétudes déchirantes, tous ces poisons mortels du bonheur du peuple, qui les provoque, qui les alimente? Ne sont-ce pas ces prétendus ministres du Dieu de vérité et de paix, ces prêtres d'une religion de douceur, de bienveillance, d'égalité et de fraternité?
C'est dône par les intrigues de ces hommes qui regrettent d'anciens abus que, surtout dans les provinces, les citoyens sont empêchés de sentir la sagesse de nos lois nouvellés, de goûter les fruits de notre bienfaisante Constitution. C'est par ces intrigues qu'ils sont détournés de payer les subsides, de seconder les amis de l'ordre et de la paix, de concourir à la sûreté et à la prospérité générale ; c'est enfin par ces intrigues que le peuple cruellement trompé, retarde et son honneur et le bonheur de l'Etat.
Vouloir que nos, concitoyens soient heureux, et les laisser en but à ces perfides manœuvres, ce serait donc une contradiction manifeste et choquante. ,
Les législateurs se sont montrés plus conséquents, ils ont dit : Nous voulons la tranquillité de l'Empire et le bonheur de tous. Ils sont empêchés par ces Français rebelles qui, au delà du Rhin, menacent nos frontières, et par ces prêtres factieux qui, dans l'intérieur du royaume, fomentent la discorde et le trouble, il faut faire cesser le rassemblement dés premiers ; de là le
décret contre les émigrés : il faut arrêter les pernicieuses manœuvres des seconds ; de là le décret contre les prêtres perturbateurs de l'ordre public.
Mais, disent les pétitionnaires de Paris, par cette loi, vous détruisez la liberté des cultes. Erreur, nous la favorisons, au contraire. Nous écartons les horreurs de l'anarchie au milieu desquelles ni la liberté des cultes, ni aucune sorte de liberté politique ne saurait exister. Nous affermissons les bases de la société au sein de laquelle tout homme qui n'en sera pas l'ennemi déclaré pourra, dès lors, exercer librement son » culte et les autres droits. Notre décret le dit assez clairement.
Mais avant d'accorder cette liberté, vous exigez le serment civique ? Oui, et nous le devons. Celui qui le refuse, nous annonce qu'il n'admet point votre régime social. Nous pouvons ajouter ; dans les circonstances actuelles, ce refus nous indique un ennemi de notre société; nous pouvons donc ne point permettre~au refusant, je ne dis pas d'exercer son culte, mais même d'exister dans cette société. C'est un corps étranger qui ne peut que nuire au corps social. Des législateurs, qui sont comme des médecins politiques, doivent donc extirper ce corps nuisible qui tend essentiellement à affaiblir, à détruire le corps social dont la vie leur est confiée. En un mot le droit d'exister dans une cité est le premier que doit acquérir un citoyen ; mais ce droit ne s'acquiert que par le serment civique, réel ou présumé. Le droit d'exercer librement son culte n'est qu'un droit secondaire fondé sur le premier. Si celui-ci n'existe pas, quelle qu'en soit la cause j il est évident que, dès lors, l'autre ne peut avoir lieu : Priùs .est te esse quàm te esse talem, disait avec raison l'ancienne philosophie.
Mais, ajoute-t-on, de la prestation de ce serment vous faites dépendre, pour les ecclésiastiques non fonctionnaires, le payement de leurs pensions. Or, la Constitution a expressément mis ces pensions au rang des dettes nationales : et le refus de prêter un serment quelconque, de prêter le serment même le plus légitime (1), ne peut détruire le titre d'une créance qu'on a reconnue.
J'avoue que je n'étais point d'avis que- le refus de prêter le serment civique entraînât la déchéance de la pension. Gela répugnait a des principes ou à des sentiments qui peuvent m'être particuliers; mais je n'en suis pas moins éloigné de taxer d'injustice l'article du décret qui prononce cette déchéance.
En effet, on ne peut nier qu'il n'existe dans le royaume des troubles affligeants; il est également incontestable que les auteurs de ces troubles sont coupables envers la patrie. Enfin, on n'est malheureusement que trop fondé à imputer ces troubles à des prêtres insermentés. Il est notoire qu'il existe entre ceux-ci et les émigrés une criminelle coalition : ieurs manœuvres sont combinées, leurs efforts sont simultanés, et leurs espérances, comme deux thermomètres fidèlement correspondants, sont toujours au même degré. Leur cause est donc commune, le but où ils tendent est évidemment le même; ils veulent anéantir notre liberté, en armant contre elle, ceux-là les peuples étrangers, ceux-ci les enfants même de la patrie. Ils se placent, pour ainsi
dire, aux deux côtés du roc constitutionnel, et, avec deux redoutables leviers, ils essaient de l'arrachèr de ses fondements pour le briser impitoyablement.
Mais, puisque leur délit est si semblable, pourquoi leur punition ne le serait-elle pas ? Si l'on a pu, sans blesser les lois de la justice, ôter aux émigrés leurs traitements et leurs pensions , pourquoi taxerait-on d'injustice un décret qui prononce la même peine contre des prêtres factieux et complices de ces émigrés? Faut-il qu'un peuple qu'ils rendent malheureux, fasse pour eux des sacrifices? Faut-il que la patrie continue à se montrer généreuse à leur égard, tandis qu'ils continuent à méconnaître la voix de cette patrie, tandis qu'ils la nécessitent à des dépenses extraordinaires et ruineuses?
Les motifs des pétitionnaires pour contester à l'Assemblée nationale la faculté de supprimer, dans l'hypothèse, ces pensions, me semblent à moi les plus propres à la lui assurer. L'Assèmblée constituante, disent-ils, a fait au sujet des prêtres non assermentés ce qu'elle pouvait faire. Ils ont refusé le serment prescrit ; elle les a réduits à une pension.
Si le refus d'un serment prescrit a pu autoriser cet acte de la part de l'Assemblée constituante, pourquoi le refus d'un serment plus simple, plus naturel, d'un serment plus impérieusement commandé par les circonstances, d'un serment qui ne peut être rejeté que par ceux-là même qui rejettent la Constitution; pourquoi dis-je, le refus de ce serment n'autoriserait-il point l'Assemblée législative à retrancher aux prêtres insermentés cette même pension? Un délit grave les y avait réduits ; un délit plus grave encore les fait descendre plus bas. Je ne vois en cela qu'une gradation de torts, et une gradation de punitions analogues. Je me trompe. L'Assemblée constituante, en privant de leurs fonctions les prêtres insermentés, en les dépossédant, en les réduisant à une pensionna plus fait contre eux que n'a fait l'Assemblée législative, en les dé-darant déchus de cette pension dans les conjonctures actuelles. Ces prêtres, à la première époque, n'étaient coupables que de ne pas prêter un serment dont la nature encore peu approfondie fournissait à quelques-uns des prétextes spécieux; mais à l'époque actuelle où les discussions les plus lumineuses ont dû ôter à la bonne foi ses moindres doutes, à l'époque actuelle où la religion et la patrie éplorées conjurent ensemble leurs enfants .de se réunir, à l'époque actuelle, ne s'agit-il que d'un simple refus de serment? Plût à Dieu qu'il en fût ainsi! mais les dénonciations si multipliées, si motivées par les divers départements du royaume, ne forment contre cés mêmes prêtres qu'une masse de reproches et de délits trop accablants, hélas, pour les vrais amis de la religion et de la patrie!
L'alternative qu'offre à cés prêtres l'Assemblée nationale, ou de prêter à la patrie un serment de fidélité qu'elle a le droit d'exiger de tous ses enfants, ou de renoncer à ses bienfaits, qu'elle ne peut ni ne doit prodiguer à des ingrats, n'est donc qu'une mesure juste, qu'une mesure sage, qu'une mesure que semble impérieusement commander l'obligation de faire cesser les troubles qui déchirent si douloureusement le sein de cette même patrie. Le reproche des pétitionnaires à cet égard, n'est donc pas bien fondé. En voici uh autre qui ne l'est pas davantage ;
Le décret déclare suspects de mauvaises in-
tentions contre la patrie les prêtres qui refuseront de prêter le serment civique; cette disposition paraît révolter les pétitionnaires. Ce serment, disent-ils, n'est exigé d'aucun autre citoyen non fonctionnaire, pourquoi l'exiger des prêtres? Comment une loi peut-elle déclarer des hommes suspects de révolte contre la loi? à cela voici ma reponse :
La société ne prescrit point ce serment à d'autres citoyens non fonctionnaires, pourquoi? parce que ces citoyens ne lui ont encore donné aucun motif fondé de suspecter leurs sentiments : mais si cent mille voix les dénonçaient comme perturbateurs de l'ordre public, comme complices, de projets affreux contre la société; celle-ci, pour la sûreté, pour le bonheur de ses autres membres, ne pourrait-elle pas, ne devrait-elle pas s'assurer des sentiments de ces citoyens inquiétants? Ne pourrait-elle pas exiger deux une explication nette et tranquillisante? Et, s'ils s'y refusaient, quelle teinte sinistre ne prendraient pas les soupçons déjà accumulés sur leurs têtes? La loi qui, dans ce cas, les déclarerait suspects de révolte, pourrait-elle être regardée comme une loi inutile? Et ce cas, n'est-ce pas celui où se trouveraient les prêtres dont il s agit?
Les pétitionnaires continuent leur censure, et ils l'étayent d'un raisonnement: peu convenable de la part d'hommes aussi patriotes et aussi célèbres. Le décret prescrit aux prêtres qui auront refusé le serment civique ou gui l'auront rétracté, de s'éloigner des lieux où s élèveraient des trounles religieux, et d'obéir à la réquisition qui leur en sera faite, sous peine d'emprisonnement. C'est là, disent nOs censeurs, c'est là renouveler des ordres arbitraires. Mais, je leur demande : Y-a-t-il l'arbitraire là où la loi seule parle, là où la loi seule commande. ?
Des troubles religieux agitent une contrée ; je m'y trouve. Le refus que j'ai fait de prêter le serment civique, peut me faire soupçonner d'avoir quelque part à ces troubles ; pour écarter ces soupçons, pour obvier à des malheurs dont moi-même je pourrais être la victime, la loi me commande de m'éloigner de cette contrée ; cette précaution est sage; ce n'est point à moi de m'en plairfdre. Elle a pour objet et la tranquillité des mes frères et ma propre sûreté. J'y dois obéir avec reconnaissance : du moins, je neMois point crier à l'arbitraire. Un ordre arbitraire est l'effet du caprice d'un homme. L'ordre dont il s'agit, c'est l'effet d'une loi formelle.
Ce qui paraît révolter le plus les pétitionnaires, ce sont les listes des prêtres non assermentés, qui doivent être adressées aux directoires des départements, et par ceux-ci au . Corps législatif ; c'est là, selon eux, porter une atteinte violente aux droits les plus sacrés ; c'est là énoncer une loi inquisitoriale dont l'idée seule leur fait horreur.
Considéré isolément, cet article, comme la plupart des derniers articles d'une loi pénale quelconque, aurait: de quoi: étonner. .Mais pourquoi l'envisager ainsi ? Pourquoi feindre d'oublier que la demande de cette liste est, une suite naturelle des article précédents, lesquels supposent des hommes rebelles à la loi, des hommes suspects d'intentions criminelles contre la patrie ?; Où est la déraison,; où est l'injustice de mettre de tels hommes sous la surveillance des corps constitués ? Si l'on annonçait qu'il y eût dans cette capitale des hommes violemment soupçonnés de projets contre la sûreté publique,
même contre la . sûreté-personnelle du roi, la municipalité de Paris croirait-elle blesser le droit naturel, en s'enquérant de ces hommes, en s'informant ae leurs noms, de leurs demeures, en surveillant leur conduite, en suivant, avec l'œil d'une sage défiance , toutes leurs démarches ? toutes ces précautions porteraient-elles la moindre atteinte à la vraie liberté de ces hommes suspects ?
Mais avec ces entraves, que devient la liberté ? la liberté en devient plus pure et plus solide. Elle n'a rien à craindre des entraves qui n'ont pour objet que d'empêcher de nuire à la chose publique. Par de telles entraves, les vrais citoyens ne deviennent que plus libres, plus tranquilles et plus heureux.
Au reste, cette liberté qu'on réclame ici, ne peut être qu'un fruit de la Constitution. Mais ceux-là qui ont l'arbre en horreur, ceux-là qui réunissent tous leurs efforts pour l'anéantir, ont-ils bonne grâce d'exiger qu'on leur en fasse goûter le fruit le plus délicieux?
Que le talent d'écrire est un talent dangereux! 11 séduit jusqu'à ceux qui le possèdent. Ainsi l'éloquent discours que nos pétitionnaires font adresser à un prêtre : insermenté, semble leur en avoir imposé à eux-mêmes. Voyons cependant si cette brillante prosopopée est un argument invincible.
Ou le citoyen prêtre, dont il s'agit, a prêté le serment civique, ou il ne l'a point; prêté. Dans lé premier cas, il en aura dans son portefeuille un certificat; et en le montrant, il aura bientôt mis fin à ces interrogations incommodes. Dans le second cas, qu'il soit soumis, aux petits désagréments d.'une surveillance, nécessaire, rien de plus naturel ; c'est lui, lui seul qui les provoque ces désagréments ; et la société est bien plus que fondée à s'en plaindre. Il les aurait épargnés à l'un et à l'autre, en donnant de la fidélité ce gage si simple qu'il refuse opiniâtré-ment. mim & : '•■..ùu.un.: :£j .••'.;" .*tvA
Ces désagréments, d'ailleurs, peuvent lui être bien légers. S'il demeure dans un pàys où il soit connu,, et sous un costume qui, annonce son état, certes sa, municipalité n'ira point lui demander d'où il vient, ce qu'il a été, ce. qu'il est., etc. ...■. M . -
S'il passe dans une, autre contrée, quel mal y aura-t-il qu'il s'y fasse connaître ? Il n'en sera que plus sûrement sous la sauvegarde de la loi qui protège tous ceux qui la respectent, et ne frappe que. ceux qui méprisent son autorité. Si, dans sa nouvelle demeure, il prétend exercer publiquement son culte,: qu'il ait ou qu'il n'ait pas prêté le serment civique, il y aura quelques mesures préalables à observer soit auprès du magistrat civil, soit auprèsdu chef même de son culte. Il sera, dans tousles cas, soumis à quelques-unes de ces mesures qui alarment nos pétitionnaires et qui, au fond, ne sont effrayantes que sous leurs plumes enchanteresses.
Les pétitionnaires ne cessent de crier que, par le décret, une loi naturelle et constituticmnelle est violée, je n'y puis voir une violation. Je Crains qu'en professant votre culte, vous n'attaquiez les lois de ma patrie, les lois sur lesquelles je fonde mon bonheur- Je demande, pour dissiper cette crainte, que vous me juriez de respecter ces lois; et, à cette condition, je vous offre la liberté de votre culte, Vous me refusez ce serment. A mon tour, je vous refuse cette liberté ;
gui de nous deux a tort? L'Eglise est clans l'Etat, e principe était reconnu même sous l'ancien
régime ; mais, d'après ce principe, n'est-il pas évident que, lorsqu'il s'agit de lois extérieures, celles du culte doivent être subordonnées à celles de la société? Mon droit est donc antérieur au vôtre. Et puisque vous refusez de le reconnaître, ie n'ai nul tort de m'opposer à l'exercice de celui que vous réclamez.
Vainement prétendez-vous assimiler votre position à celle des protestants, sous le règne de Louis XIV. Elle en est absolument différente. Les protestants juraient d'obéir à toutes Les lois civiles de l'Empire. Vous refusez de les reconnaître. Les protestants offraient 4e fournir, comme les autres Français, aux contributions publiques. Vous êtes accusés de détourner le peuple de les payer. Les protestants demandaient à s'unir à leurs concitoyens contre les ennemis de la France. Vous' êtes soupçonnés de vous liguer avec les ennemis de la nation pour opprimer vos concitoyens; les protestants respectaient la religion de l'Ëtat et ne demandaient, pour eux-mêmes, qu'une tolérance fraternelle. Vous demandez qu'on tolère vos préjugés, vos opinions religieuses, et vous déclamez sans cesse contre les opinions de vos frères, contre le culte salarié de l'Etat. Enfin, ce qu'on exigeait des protestants, c'était qu'ils renonçassent à leur culte pour obtenir les droits de citoyens; ce qu'on exige de vous, c'est que vous vous montriez cin: toyens pour obtenir la liberté de votre culte. L'on peut donc dire des protestants qu'ils étaient persécutés ; et de vous, au contraire, que vous êtes des persécuteurs ; le décret de 1 Assemblée nationale n'est donc ni injuste ni inconstitutionnel.
L'objet de ce décret, c'est d'arracher aux vrais perturbateurs de la tranquillité publique ce masque religieux dont ils abusent si cruellement; c'est de les faire bien connaître à ce peuple que, depuis près de deux ans, ils séduisent, ils égarent, ils tourmentent par des discours fanatiques et séditieux. C'est de détruire les funestes préjugés contre la Constitution dans lesquels ils entretiennent surtout les bons citoyens des campagnes ; c'est enfin d'anéantir tous les obstacles qui s'opposent à la propagation de cet esprit de fraternité, d'union et de patriotisme qui est la principale base de notre Constitution, et qui seul peut faire la force, la sûreté et le bonheur des citoyéns français.
Le décret peut paraître rigoureux ; mais les circonstances le commandaient ainsi, Tandis que le corps social est en santé, des lois douces et simples, un régime sage et modéré lui suffisent. Mais peuvent-ils lui suffire, lorsqu'il est travaillé d'agitations convulsives, lorsquil est en proie au feu dévorant d'une fièvre inquiétante ? Ne lui faut-il point alors des remèdes du moment, des remèdes quelquefois violents et qui répugnent même à la sensibilité du médecin ? Or, n'est-ce point le Cas où nous nous trouvons ? Les jours de l'insurrection ne sont pas encore tous écoulés. Notre Constitution, toute belle, toute sublime qu'elle est, n'en paraît pas moins encore battue des flots menaçants de l'orgueil, de la haine et de la vengeance. Notre corps social est vraiment dans un état de crise orageuse ; ce serait l'exposer à la dissolution, à la mort, que de ne les traiter qu'avec des moyens généraux, qu'avec des lois et des formes déjà prescrites. Ces lois et ces formes auront leur temps. Aujourd'hui il faut des remèdes plus prompts, plus efficaces, plus adaptés à la grandeur et à l'intensité du mal : le décret dont il s'agit a paru de ce genre.
C'est sous ce point de vue que l'Assemblée nationale l'a adopté. C'est aussi sous ce point de vue que les pétitionnaires auraient dû l'envisager.
Un autre reproche qu'on serait fondé à leur faire, c'est d'avoir, par l'état de leur département, voulu juger ae celui des 82 autres. Ainsi des voyageurs lettrés et expéditifs, pour avoir vu rapidement quelques capitales, osent prononcer sur les mœurs, les usages, les opinions, les préjugés, les,lois, le commerce,> laisance, la population, etc., des royaumes qu'ils parcourent dans leurs chars élégants.
Si les pétitionnaires s'étaient bornés à dire que leur département pouvait se passer de cette loi nouvelle, on eût pu les croire, quoique leur opinion, même à cet égard, semble bien contestée; les lumières plus variées et plus répandues, les communications plus faciles et plus fréquentes, les dissipations plus multipliées ; les rapports mêmes des citoyens avec 1 Assemblée nationale, tout donne à Paris, de ce côté, de très grands avantages. Le fanatisme y est moins concentré. Il y est travaillé et combattu de toutes les manières possibles. Aussi les feux y sont moins ardents et les explosions plus rares et moins redoutables.
Mais supposer tous les autres départements dans le même état, ce serait une erreur (1) : une erreur qui pourrait avoir des suites désastreuses en empêchant de voir les désordres locaux, et, si, j'ose le dire, les maladies particulières de chaque département. Cette méprise empêcherait aussi d'y préparer les remèdes convenables. Tel membre, telle partie intégrante de l'Empire que, par cette trompeusé analogie, l'on croirait aans un état de force et de santé, serait ainsi abandonnée à tous les hasards d'une épidémie inconstitutionnelle," à tous les ravages d'une gangrène politique.
S'il est quelques départements où le décret semble peu nécessaire, combien plus grand est le nombre de ceux où il est jugé absolument indispensable ! Il y est attendu des vrais amis de l'ordre et de la paix; il y est attendu même d'une foule de prêtres non assermentés (2). Pour les uns ce sera une occasion désirée, pour les autres un motif réel et sacré d'abjurer leurs opinions antipatriotiques, de se ranger sous la bannière du civisme, de se rapprocher de leurs frères, de se consacrer enfin avec eux au bonheur et à la gloire de la religion et de la patrie.
Si ces jours heureux étaient écartés par les -pétitionnaires; si à cette douce attente, à ces précieuses espérances, ' leur indiscrète adresse allait substituer de nouveaux orages, de plus grands troubles, quels reproches eux-mêmes n'auraient-ils point à se faire ? Combién peu ils paraîtraient excusables d'avoir osé s'établir, comme de sublimes aréopagistes entre l'Assemblée nationale et. le pouvoir exécutif? d'avoir osé dire à l'un : « Qu'aVez-vous fait ? Le décrét
que vous venez de rendre, nous le déclarons contraire au principe de la raison, aux droits de la justice, aux lois de la Constitution et aux intérêts des peuples »; et d'avoir osé dire à l'autre : « Qu'allez-vous faire ? Arrêtez 1 gardez-vous d'apposer à ce décret le sceau de la sanction ! Nous vous le déclarons : vous ne ferez qu'une loi impuissante- et nulle. Nous, les premiers, nous donnerons l'exemple de la méconnaître et de la fouler aux pieds. » Telle, sans doute, n'a pas été l'intention ae MM. les administrateurs du dépar-
tement de Paris. Mais telle est l'analyse, tel est le résultat naturel de. leur pétition individuelle ; et c'est du moins une bien grande hardiesse d'avoir ainsi voulu paralyser à la fois les deux pouvoirs suprêmes de l'Empire; et il doit être permis de s'étonner que des administrateurs, que des membres de l'Assemblée constituante aient donné à la nation un exemple dont l'effet direct semblerait être de changer la nature et la forme du gouvernement.
Paris, 10 décembre 1791.
FIN DU TOME XXXV.
1° Réponses des puissances étrangères à la notification de l'acceptation par le roi de l'acte constitutionnel (16 novembre 1791, t. XXXV, p. 92), (p. 100).
2° Inizan propose de le traduire en idiome breton (26 novembre, p. 371); — Malassis offre de le faire imprimer à ses frais (ibid.)) ; — mention honorable au procès-verbal de ces deux motions (ibid.).
suiv.), (27 novembre, p. 392), (p. 393), (p. 396), (28 novembre, p. 415), (p. 422 et suiv.), (29 novembre, p. 448 et suiv.), (30 novembre, p. 453), (p. 459), (1" décembre, p. 468), (p. 471), (p. 499), (2 décembre, p. 508), (p. 509), (3 décembre, p. 553), (p. 557), (4 décembre, p. 561), (p. 562), (5 décembre, p. 576), (p. 584), (p. 591 et suiv.), (p. 596 et suiv.) (p. 598), (6 décembre, p. 598 et suiv.), (p. 601), (7 décembre, p. 620 et suiv.), (8 décembre, p. 645), (p. 647 et suiv.), (p. 656 et suiv.), (p. 662), (10 décembre, p. 695), (p. 716 et suiv.).
Administrateurs. Adresse de félicitation (27 novembre 1791, t. XXXV, p. 392). — Réclament une indemnité en faveur des membres des conseils de département et de district (6 décembre, p. 601).
Directoire du département. Demande un décret pour convoquer les électeurs à l'effet de nommer aux cures vacantes et se plaint des tribunaux du département (2 novembre 1791, t. XXXV, p. 264 et suiv.); —renvoi au comité de division (ibid. p. 265).
1® Le Tourneur dénonce l'inexécution de la loi d'amnistie du 14 septembre 1791 dans le département de la Dordogne et demande que le ministre de la justice rende compte de l'exécution de cette loi (13 novembre 1791, t. XXXV, p. 51 et suiv.) ; — adoption de cette motion (ibid. p. 52) ; — rapport du ministre de la justice (16 novembre, p. 101 et suiv.), (5 décembre, p. 577). — Pétition de plusieurs citoyens ae Périgueux (8 décembre, p. 658) ; — renvoi au comité de législation (ibid.). — Eclaircissements fournis par un membre, député de la Dordogne (9 décembre, p. 675 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 676); — renvoi au comité de législation (ibid.)
2e Rapport par Carnot-Feuleins relatif à la dénonciation de la non-exécution de la loi d'amnistie envers 4 soldats du Rouergue détenus dans les prisons de Blois (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 297 et suiv.);
projet de décret (ibid. p. 299 et suiv.) ; — observations de Chabot (ibid. p. 300) ; — ajournement (ibid. p. 301).
Dépôts ordonnés. De la lettre du sieurVarnier annonçant un plan de conspiration (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 40); — de plusieurs lettres relatives à l'affaire Varnier (25 novembre, p. 359).
Arena, député de la Corse. — 1791. — Prête serment (t. XXXV, p. 273).
§ ler — 1° Distribution. — Impressions. —Sur la mo tion de
Chéron-La-Bruyère, l'Assemblée décrète que les projets de dëerets pour lesquels les comités
demanderont l'urgence devront être imprimés et dis-
tribués au moins 24 heures à l'avance (11 novem- bre 1791, t. XXXV, p. 5).
2° L'imprimerie royale fera parvenir au sieur Baudouin le nombre d'exemplaires nécessaire de toutes les lois sanctionnées, proclamations, règlements et autres pièces d'administration pour être distribués à tous les membres de l'Assemblée, à leur domicile (14 novembre, p. 59) ; — cette distribution n'aura lien que pour tout ce qui a été imprimé depuis le l*r octobre 1791 (lor décembre, p. 469).
3° Plaintes d'Albitte au sujet du retard apporté à la distribution du discours de Brissot sur les affaires de Saint-Domingue (9 décembre 1791, t. XXXV, p. 675) ; — causes de ce retard (ibid. p. 676).
§ 9. Procès-verbaux. — Observations sur le procès verbal du 12 novembre 1791 : Merlin, Delacroix, Chabot (t. XXXV, p. 46 et suiv.);— sur celui du 16 novembre (p. 105).
§ 3. Séances du soir. — Motion de Delacroix tendant à faire consacrer exclusivement les séances des mardi, jeudi et samedi à entendre les rapports des comités . et à les discuter (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 305); — adoption [ibid.).
§ 4. Députations admises à la barre (13 novembre 1791, t. XXXV, p. 52), (p. 54), (p. 56), (18 novembre, p. 130), (20 novembre, p. 256), (27 novembre, p. 396), (p. 402 et suiv.), (28 novembre, p. 418), (l,r décembre, p. 471), (3décembre, p. 556), (4 décembre, p. 567 et suiv.), (5 décembre, p. 578), (8 décembre, p. 660), (9 décembre, p. 672), (10 décembre, p. 722).
§ 5. Bons et hommages (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 6), (13 novembre, p. 54), ("18 novembre, p. 131), (20 novembre, p. 248), fp. 253), (p. 256), (21 novembre, p. 265), (23 novembre, p. 309), (24 novembre, p. 350), (27 novembre, p. 392), (p. 393), (p. 404), (28 novembre, p. 423), (29 novembre, p. 449), (lor décembre, p. 500), (4 décembre, p. 562), (5 décembre, p. 593), (7 décembre, p. 620), (8 décembre, p. 645), (p. 646), (p. 656), (p. 657), (p. 662).
§ 6. Travaux. —Motion de Sédillez sur l'organisation destrayaux et les délibérations (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 579 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 581); — débat : Thuriot, Albitte, Cambon, Viénot-Vaublanc (ibid.)', — renvoi au comité de législation (ibid.).
§ 1. Salle dès séances. — Bapport par Calon sur des changements à faire dans sa distribution (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 661); — renvoi aux commissaires-inspecteurs (ibid.).
§ 8. Dépenses. — Les commissaires-inspecteurs présenteront tous les mois le compte des dépenses de la salle et des bureaux (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 661).
§ 1er Emploi et échange.
§ S. Annulation et brûlement.
§ 3. Emission. — Circulation.
§ 4. Moyens de prévenir la fabrication de faux assignats.
§ 5. Fabrication du papier.
§ 6. Administration des assignats.
§ 7. Envoi des assignats.
§ 8. Commissaires de VAssemblée.
§ 9. Commissaires du roi.
§ 10. Mémoires. — Adresses. — Pétitions.
§ 1er Emploi et échange, —l" Rapport par Dorizyten-dant à faire
délivrer 25 millions d'assignats de 5 livres au caissier de la caisse de l'extraordinaire (11
novembre 1791, t. XXXV, p. 2. et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 3.} ; — discussion :
Lavigne, Isnard, Pieyre, Audrein, Merlin, Dorizy, rapporteur (ibid. et p. suiv.) ; —adoption
de l'urgence (ibid. p. 5); — suite delà discussion: Cambon, Delacroix (ibid. et p. suiv.); —
l'Assemblée décrète qu'il sera versé 10 millions d'assignats à la caisse de l'extraordinaire
(ibid. p. 6).
2° Etat de distribution des 94 millions d'assignats de 5 livres remis à la trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire, à compter du 11 juillet au 9 inclus de novembre 1791 (11 novembre, p. 19 et suiv.).
3° Projet de décret relatif à la délivrance de 15 millions d'assignats de 5 livres (28 novembre 1791, t.XXXV, p. 407 et suiv). — Discussion.— Article 1er : Poujet, Haussmann, Vincens-Plauchut, Brua, Dorizy, rapporteur (ibid. p. 409); — adoption (ibid.). — Article 2 : un membre, Caininet (ibid. p. 410) ; —adop-tion (ibid.).—Article 3: adoption sans discussion (ibid.) — Article 4 : Delaporte, Guyton-Mopveau, Delacroix, Duhem, Thuriot, Briche, Caminet, Dorizy, rapporteur (ibid. et p. suiv.) ;— rejet (ibid. p. 412). — Article4 nouveau (ancien article 5) ; — adoption sans discussion (ibid. p. 413).—Article 5 (ancien article 6)*: un membre, Lavigne (ibid.) ; — adoption (ibid.). — Article 6 (ancien article 7); — adoption sans discussion (ibid.).
4° Bapport par Lavigne sur le mode d'échange des petits assignats (30 novembre 1791, t. XXXV, p. 455 et suiv); — projet de décret (ibid. p. 457 et suiv.). — (9 décembre, p. 678) ; — Bapport par Cambon sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange des assignats de 5 livres dans les districts (9 décembre, p. 679 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 680 et suiv.).
5° Les commissaires de la Trésorerie sont autorisés à délivrer des assignats dé 5 livres à la caisse d'échange du sieur Delamarche (30 novembre 1791, t. XXXV, p. 458).
6° Les commissaires de la Trésorerie font connaître leurs vues sur le besoin extrême de petits assignats et sur le mode de distribution aux départements (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 656); — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
7° Opinion et projet de décret de Vuillier sur l'émission des 100 millions d'assignats décrétée le 1er novembre 1791 pour être échangée dans les départements (9 décembre 1791, t. XXXV, p. 692 et suiv.).
§ S. Annulation et brûlement. 1° brûlement des 9 millions d'assignats (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 78) ; — de 6 millions (22 novembre ,p. 287) 7 — de 10 millions (24 novembre, p. 335);— de 11 millions (8 décembre, p. 646).
2° Rapport par Dorizy sur le brûlement des assignats fautés ou surnuméraires qui appartiennent à l'émission dos 100 millions d'assignats de 5 livres décrétés le 6 mai 1791 (16 novembre, p. 86 et suiv.); —projet de décret (ibid. p. 87);— nouveau projet de décret (.19 novembre, p. 146);—adoption (ibid. p. 147).
3° Rapport par Dorizy sur l'estampille qui sert à annuler les assignats versés dans les caisses de district (20 novembre 1791, t. XXXV, p. 253); — projet de décret (ibid.) — adoption de l'urgence et du projet de décret (ibid.). '
§ 3. Emission.— Circulation.—1° Proposition de porter l'émission des assignats à 16,000 millions (24 novembre 1791, t. XXXV,p. 322);—discussion : Brissot de Warville (ibid. p. 337 et suiv.).
2° Lettre des commissaires de la Trésorerie sur la nécessité de se préparer à une nouvelle émission (6 décembre 1791, t. XXXV, p. 602 et suiv.).
3° Opinion et projet de décret de Vuillier, sur l'émission de 100 millions décrétée le l6r novembre 1791 pour être échangés dans les départements (9 décembre, p. 692 et suiv.).
§ 4. Moyens de prévenir la fabrication de faux assignats. Projet présenté par Gauthier (28 novembre 1791, t. XXXV, p. 418).
§ 5. Fabrication du papier. Discussion à ce sujet : Cambon, Legras, Dorizy, Boisrot-de-Lacour, Tarbé, Cambon, Tarbé, Guyton-Morveau, Delacroix (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 649 et suiv.);—l'Assemblée décrète la fabrication nécessaire pour 100 millions en assignats de 10 livres et 100 millions en assignats de 25 livres (ibid. p. 652).
§ 0. Administration des assignats. Projet de décret présenté par Duphénieux, tendant à établir une nouvelle administration chargée de la confection, de l'émission, de l'échange, de l'annulation et de la rentrée des assignats (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 652 et suiv.);— renvoi au comité de l'extraordinaire des finances (ibid. p. 653).
§ 1. Envoi des assignats. Réclamation des receveurs de finances au sujet du défaut de désignation des valeurs dans les lettres d'envoi (10 décembre 1791, t. XXXV, p. 718).
§ 8. Commissaires de l'Assemblée. Chargés de surveiller la fabrication du papier (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 652).—Motion pour leur nomination (9 décembre, p. 675).
§ 9. Commissaires du roi. Adresse des administrateurs du bureau de la commission sur les petits assignats (10 décembre 1791, t. XXXV, p. 722).
§ 10. Mémoires.—Adresses.— Pétitions. Mémoire de Fiquenel sur la circulation (2 décembre 1791, t. XXXV, p. 508). —Projet d'adresse de Sarrot sur la répartition des assignats de 100 sols (3 décembre,
!). 526). — Pétition des citoyens de Valenciennes 3 décembre, p. 553). —Adresse des administrateurs du bureau de la commission (10 décembre, p. 722).
Directoire. Mémoire relatif à une dénonciation faite contre lui (30 novembre 1791, t. XXXV. p. 454); — renvoi au comité des contributions publiques (ibid.)
Volontaires. Les volontaires en service aux frontières demandent des armes (17 novembre 1791, t. XXXV, p. 104).
Conseil. Adresse de félicitation (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 525).
Directoire. Demande d'emplacement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 349).
teurs dramatique^ (27 novembre 1791, t. XXXV, p. 391); — renvoi au comité d'instruction publique (ibid).
Société des amis de la Constitution. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350).
Tribunal criminel. Le directoire du département demande qu'il soit établi dans le ci-devant palais (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 646).
Fait un rapport sur l'insurrection de certains ouvriers de l'imprimerie de l'Assemblée (p. 362). — Membre du comité de surveillance (p. 370). — Fait une motion relative à l'envoi du papier-monnaie par la poste (p. 459). — Parle sur la remise au point du jour de la célébration de la messe de minuit (p. 623); — sur la lettre remise par le sieur Pacoul (p. 711), (p. 712).
1° Rapport par Quatremère-Quincy sur la pétition des artistes non académiciens qui ont exposé au salon du Louvre (14 novembre 1791, t. XXXV, p. 60 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 61); — ajournement (ibid. p. 62) ; — compte rendu par le ministre de l'intérieur (28 novembre, p. 438).
2" Les artistes demandent que l'Assemblée veuille bien entendre le rapport de son comité relatif à la répartition des travaux d'encouragement (27 novembre 1791, t. XXXV, p. 391) ; — rapport par Romme (29 novembre, p. 451 et suiv.).; — projet de décret (ibid. p. 452 et suiv.); —ajournement [ibid. p. 453) ; — adoption de l'urgence (3 décembre, p. 555) ; — observations de Pastoret (ibid.). — Discussion : Art. 1er. Quatremère-Quincy (ibid.)', — adoption avec amendement, (ibid.). — Adoption des articles 2 à 6 (ibid. p. 556).
un article additionnel à l'article 4 du projet relatif aux prêtres réfractaires (p. 126). — Développement de cet article (ibid. et p. suiv.). — Parle sur raffaire Varnier (p. 394 et suiv.). — Présente des réclamations du sieur Varnier (p. 469 et suiv.).
1° Rapport par Cambon sur l'estimation et le produit des biens nationaux (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 324 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 331 et suiv.).
2° Motion relative à la prorogation du terme de payement accordé aux acquéreurs (l»p décembre 1791, t. XXXV, p. 499) ; — renvoi au comité des domaines (ibid.) ; — rapport par Vincens-Plauchut (3 décembre, p. 553 et suiv.);— projet de décret (ibid. p. 554);— adoption de l'urgence (ibid.); — ajournement de la discussion (ibid.) ; — adoption (8 décembre, p. 661) ; — texte définitif (ibid.).
3° Etats des biens nationaux vendus et à vendre (88 novembre 1791, t. XXXV, p. 423), (5 décembre, p. 584).
Ventes. (23 novembre 1791, t. XXXV,p. 308), (25 novembre, p. 364), (28 novembre, p. 406), (p. 423), (2 décembre, p. 509), (5 décembre, p. 584).
* p. 150). — Membre du comité de l'extraordinaire des finances (p. 595).
§ 1er. Versements et payements de la caisse. ) § 2. États de
situation. § 3. Trésorier. § 4. Commissaire du roi.
§ 1er. Versements et payements de la caisse de l'extraordinaire.
Versement, à la Trésorerie nationale (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 2).
§ S. État.s. de situation — Lettre du commissaire du roi (9 décembre 1791, t. XXXV, p. 670).
§ 3. Trésorier. — Lettre du commissaire du roi sur sa responsabilité (9 décembre 1791, t. XXXV, p. 677). — Mémoire du trésorier sur le même objet (ibid. et p. suiv.).
§ 4. Commissaire du rot. — Voir Amelot.
Citoyens. Adresses de féli citation (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 526), (10 décembre, p. 721).
Société des amis de la Constitution. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350).
Administrateurs. — Demandent un secours de 200,000 fr. (23 novembre 1791,t. XXXV,p.308) ;—renvoi au pouvoir exécutif (ibid.).— Se plaignent de la négligence de ministre de la guerre à armer les volontaires (ibid.) ; — renvoi au comité militaire (ibid. p. 309).
Conseil général A" Se plaint du retard apporté à l'envoi du décret concernant la fixation et la répartition des contributions (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 529).
2° Le conseil demande K être autorisé à prolonger ses séances (5 décembre, p. 577); — renvoi au comité de division (ibid.)', — rapport (10 décembre, p. 723); — débat: Fauchet, Gérardin, Léopold (ibid. et p. suiv.)', — l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette demande (ibid. p. 724).
port sur l'arrestation des sieurs Tardy et Noireau (t. XXXV, p. 262). — Parle sur l'établissement d'un tribunal chargé des affaires d'Avignon (p. 376).
fi. 75), (p. 76), — sur les mesures à prendre contre es prêtres réfractaires (p. 99), — sur les affaires de Saint-Domingue (p. 590 et suiv.), (p. 603 et suiv.). — Fait une seconde lecture du projet de loi tendant à faire supporter par le Trésor public les frais des funérailles de Mirabeau (p. 723).
Directoire. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 349).
Adresse des administrateurs au sujet des décrets contre les émigrants et les prêtres séditieux (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 657).
Administrateurs. Rendent compte de leurs travaux pour la répartition des impositions (10 décembre 1791, t. XXXV, p. 718).
Directoire. Adresse de dévouement (24 novem bre 1791, t. XXXV, p. 350).
§ 1er. Comités en général.
§ S. Comités spéciaux selon Vordre alphabétique.
§ 1er. Comités en général. Sont autorisés à correspondre avec
les corps administratifs (20 novembre 1791, t. XXXV, p. 248).
§ S. Comités spéciaux selon l'ordre alphabétique.
Travaux. Rapport sur les subsistances (10 décembre 1791, t. XXXV, p. 724 et suiv.).
Oi-ganisation. Fonctions (5 décembre 1791, t.XXXV p. 583.
Travaux. Rapports sur une nouvelle émission d'assignats de 5 livres (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 2 et suiv.), — sur le brûlement des assignats fautés appartenant à l'émission décrétée le 6 mai 1791
(16 novembre, p. 86 et suiv.), — sur l'estampille qui sert à annuler les assignats versés dans les caisses de district (20 novembre, p. 253), — sur le mode d'échange des petits assignats (30 novembre, p. 455 et suiv.).
Travaux. Rapport sur la vérification des pouvoirs de Bertrand, député de l'Ile de France et de l'île Bourbon (19 novembre 1791, t. XXXV, p. 149 et suiv.), — sur les troubles de Saint-Domingue (p. 701 et suiv.).
Travaux. Rapports sur les affaires de Saint-Domingue (18 novembre 1791, t. XXXV, p. 131 et suiv.), — sur la pétition du sieur Thomas Eccleston (l,r décembre, p. 469), —sur les subsistances (10 décembre, p. 724 et suiv.).
Travaux. Rapports sur les moyens d'accélérer la répartition et le recouvrement des contributions de 1791 (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 72 et suiv.), — sur une demande d'emprunt de 600,000 livres de la ville de Nantes (17 novembre, p. 107).
Sa suppression (5 décembre 1791, t. XXXVp. 583).
Organisation. Est autorisé à prendre trois commis (29 novembre 1791, t. XXXV, p. 424).
Travaux. Rapport sur l'expédition, la sanction et l'envoi des décrets (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 22). — Proposition relative à la forme des décrets d'urgence (16 novembre, p. 86).
Travaux. Rapport sur les moyens de fixer l'état des dépenses ordinaires et extraordinaires (19 novembre 1791, t. XXXV, p. 154 et suiv.).
Sa suppression (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 583),
Travaux. Rapport sur la lettre du ministre de la marine relative aux démêlés politiques avec le dey d'Alger (15 novembre 1791, t. XXXY, p. 72), -— sur les mesures à prendre relativement aux puissances étrangères qui souffrent sur leur territoire des rassemblements des Français fugitifs (22 novembre, p. 290 et suiv.).
Travaux. Rapports sur l'élection des hauts jurés (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 79), — sur l'incompatibilité entre les fonctions de percepteur et celles d'administrateur (19 novembre, p. 147), — sur l'emplacement de la paroisse Notre-Dame de Nantes (22 novembre, p. 297), — sur la réunion des municipalités de la ville et du faubourg de Saint-Flour (24 novembre p. 345), — sur le traitement des curés dont les cures ont été supprimées (ibid. p. 345 et suiv.), — sur la réunion des paroisses de Gournay (ibid. 346), — sur la séparation ae la commune de Passavant du département des Vosges (ibid. p. 351), — sur la création d'une paroisse à Bercy (3 décembre, p. 551), — sur l'élection aes administrateurs du département de l'Oise (5 décembre, p. 598), — sur la demande de prolongation de la session des conseils généraux des Bouches-du-Rhône et du Calvados (10 décembre, p. 723).
Organisation. Six nouveaux commis seront attachés aux bureaux du comité (14 novembre 1791, t. XXXV,
p. 58). — Examinera les demandes relatives aux emplacements des corps administratifs et tribunaux (21 novembre, p. 265). — Fonctions (5 décembre, p. 583).
Travaux. Rapport sur la prorogation du terme fixé pour le payement des biens nationaux (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 553 et suiv.).
Organisation. Rapport sur ses fonctions (19 novembre 1791, t. XXXV, p. 163 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 165 et suiv.); — lecture du projet de décret (30 novembre, p. 459 et suiv.);— ajournement (ibid. p. 460).
1° Comité des finances en général.
2° Comité de Vordinaire des finances.
3° Comité de l'extraordinaire des finances.
Organisation. Établissement, 'fonctions (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 583). — Composition fibid. p. 584) ; — liste des membres et suppléants (ibid. p. 598).
Travaux. Rapport sur les moyens à prendre jpour établir des caisses d'échange des assignats de 5 livres dans les districts (9 décembre 1791, t. XXXV, p. 679 et suiv.).
Organisation. Établissement, fonctions, composition [5 décembre 1791, t. XXXV, p. 584). — Liste des membres et suppléants (ibid. p. 595), (p. 598).
Organisation. Les commissaires inspecteurs présenteront tous les mois le compte des dépenses de la salle et des bureaux de l'Assemblée (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 661).
Travaux. Rapports sur la distribution à domicile, à tous les membres de l'Assemblée, des lois sanctionnées, proclamations, règlements et autres pièces administratives (14 novembre 1791, t. XXXV, p, 59), — sur l'insurrection de certains ouvriers de l'imprimerie de l'Assemblée (25 novembre, p. 362), — sur une gratification à accorder au sieur Douay, secrétaire-commis à l'Assemblée constituante (3 décembre, p. 551), — sur des modifications dans la distribution de la salle des séances (8 décembre, p. 661).
Organisation.— Facultés et pouvoirs. Projet de décret présenté par Roux-Fasillac tendant à autoriser le comité à correspondre avec les corps administratifs (20 novembre 1791, t. XXXV, p. 248); — débat : La-grèvol, Delacroix, Jahan (ibid.)', — adoption avec amendement (ibid.). — Est autorisé à prendre 10 commis (29 novembre, p. 424).
Travaux. Rapports sur la pétition des artistes non académiciens qui ont exposé au salon du Louvre (14 novembre 1791, t. XXXV, p. 60 et suiv.), — sur les encouragements aux beaux-arts (29 novembre, p. 451 et suiv.).
Organisation. Sera divisé en 4 sections pour étudier les mesures à prendre contre les prêtres réfractaires
(14 novembre 1*791, t. XXXV, p. 71). — Est autorisé à prendre 8 commis (28 novembre, p. 407).
Travaux. Rapport sur les troubles occasionnés par les prêtres réfractaires (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 31 et p. suiv.), (p. 42 et suiv.); — projets de décret (16 novembre, p. 88 et suiv.). — Rapporis sur l'arrestation des sieurs Tardi et Noireau' (20 novembre, p. 262), — sur l'établissement d'un tribunal chargé au juger les auteurs des troubles d'Avignon (21 novembre, p. 265 et suiv.), — sur les moyens de mettre en activité la haute cour nationale (ibid. p. 267 et suiv.). — Présente un projet de proclamation pour annoncer la formation de la haute cour nationale et un projet d'accusation contre Varnier (p. 312 et suiv.). — Rapports sur la demande des dames Delattre et Morin (27 novembre, p. 393 et suiv.), — sur l'accusation contre Varnier (29 novembre, p. 450), — sur l'affaire Tardi (2 décembre, p. 516 et suiv.).
Organisation. Liste des membres (29 novembre 1791, t. XXXV, p. 424).
Organisation. Fonctions (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 583).
Travaux. Rapport sur les secours à accorder aux employés supprimés (20 novembre 1791, t. XXXV, p. 254).
Travaux. Rapport sur les affaires de Saint-Domingue (18 novembre 1791, t. XXXV, p. 131 et suiv.);— sur les maîtres de quai et les jaugeurs do navire (l*r décembre, p. 497 et suiv.).
Travaux. Rapports sur la dénonciation de la non-exécution de la loi d'amnistie envers 4 soldats du 58° régiment détenus dans les prisons de Blois (22 novembre 1791, t. XXXV, p 297 et suiv.), — sur la manière dont les officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale prendront rang entre eux (22 novembre, p. 301 et suiv.), — sur l'organisation des volontaires nationaux (ibid. p. 302 et suiv.), — sur la pétition du sieur Pommier (24 novembre, p. 351 et suiv.), — sur les Français qui ont servi dans les armées étrangères (ibid. p. 352), — sur une pétition du sieur Souton (29 novembre, p. 445), — sur une pétition de la ville de Lyon (ibid. p. 446 et suiv.), — sur la revue des gardes nationales et le rappel des officiers de ligne à leur poste (p. 499), — sur le mode d'examen des élèves de l'artillerie et du génie (10 décembre, p. 727).
Organisation. Le comité est autorisé à distribuer aux comités qu'elles concernent les pétitions qu'il a examinées (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 72).
Travaux. .Rapports sur l'élection des prêtres du district de Thionville (11 novembre 1791, t. XXXV,
S. 10), —^ sur les secours à accorder aux marins de alais victimes d'événements de mer (17 novembre, p. 107).
Organisation. Il lui sera adjoint six commis (23 novembre J791, t. XXXV, p. 307).
Travaux. Rapports sur les secours à accorder aux Acadiens et Canadiens résidant en France (17 novembre 1791, t. XXXV, p. 106), -- sur l'interprétation de la loi relative à. la mise en liberté des détenus pour mois de nourrice (1er décembre, p. 502 et suiv.), — sur un secours à accorder à la commune de Saint-Sauveur (5 décembre, p-i 578).
Organisation. Etablissement et attributions (25 novembre 1791, t. XXXV, p. 361) ; —nombre des membres et mode de renouvellement (ibid.) -,— liste des membres et des suppléants (ibid. p. 370). — Est autorisé à prendre deux commis (29 novembre, p. 445).
Organisation. Décret pour la prorogation des fonctions de six de ses membres (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 335). — Suppression (5 décembre, p. 583).
Travaux. Rapports sur les besoins de la caisse de la Trésorerie (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 2), — sur les comptes à rendre par les ministres (29 novembre, p. 151 et suiv.), — sur l'établissement d'un bureau dans la Trésorerie nationale pour la liquidation des offices supprimés (26 novembre, p. 381 et suiv.), — sur les subsistances de l'armée (28 novembre, p. 414 et suiv.).
indemnité en faveur des membres de ces conseils (6 décembre 1791, t. XXXV, p. 601).
§ lor. Contributions en général.
§ S. Contribution foncière.
§ 3. Contribution patriotique.
§ 1er. Contributions en général, i" Rapport par Beequey sur les
moyens d'accélérer la répartition et le recouvrement des contributions de 1791 (15 novembre
1791, t. XXXV, p. 72 et suiv.) ; —projet de décret (ibid. p. 74) ; — motion de Lejosne (ibid.)
; — ajournement de cette motion (ibid.) ; — adoption de l'urgence (ibid.). — Discussion du
projet de décret. — Article 1er : Carnot-Feuleins jeune, un membre, Castel, Beequey,
rapporteur, Vergniaud, un membre (ibid. p. 75); — adoption avec amendement (ibid.). — Article
2 : Castel, un membre (ibid.); — adoption (ibid.). — Article 3 : adoption sans discussion
{ibid. p. 76). —: Article 4 : Mayerne, Delacroix, plusieurs membres (ibid.);—adoption
(ibid.).— Article 5 :Castel, plusieurs membres, Jollivet (ibid. et p. suiv.) ; — adoption
(ibid. p. 77). — Article 6: adoption sans discussion (ibid.). — Article 7 : un membre,
Baignoux, Vergniaud, Chéron-La-Bruyère, Legras, Lacretelle, Vergniaud (ibid. et suiv.);
—adoption avec amendement (ibid. p. 78).
2° Lettres. — Adresses. Lettre du directoire du département de la Meuse sur les mesures propres à accélérer la répartition (15 novembre 1791, t. aXXV, p. 79).
§ S. Contribution foncière. Motion de Gossuin relative à la taxation des maisons situées dans les villages (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 322) ; — renvoi au comité des contributions publiques (ibid.).
§ 3. Contribution patriotique. Etat adressé par Amelot (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 553) ; — renvoi au comité des contributions publiques (ibid.).
1° Communiqueront directement avec les comités (20 novembre, 1791, t. XXXV, p. 248).
2° Projet de décret présenté par Brua relatif aux membres des corps administratifs qui refusent de faire exécuter certaines lois (23 novembre 1791, t. XXXV, p. 307) ; — renvoi au comité de législation (ibid.). ,
2" Le curé constitutionnel de la commune de Dolus demande l'autorisation de se marier (t. XXXV, p. 424).
3° Pierret, député de la Marne, annonce le mariage de M. Mailli, curé de Saint-Cyr (t. XXXV, p. 672).
— Donne sa démission de suppléant au comité de surveillance (p. 372). — Parle sur les rassemblements d'émigrés (p. 399 et suiv.), (p. 402), — sur une dénonciation contre Duportail, ministre de la guerre (p. 559), — sur le procès-verbal (p. 560). — Communique une lettre relative à une mission de Roustan auprès des Etats-Unis d'Amérique (p. 627).
2° Proposition relative à la forme des décrets d'urgence (16 novembre, p. 86);—ordre du jour (ibid.).
3° Dugas offre six volumes formant la suite des décrets de l'Assemblée constituante et demande à être autorisé à continuer la collection des décrets de l'Assamblée législative (27 novembre 1791, t. XXXV, p. 691); — renvoi au comité des décrets (ibid. p. 392).
4° Etats des décrets sanctionnés par le roi, transmis à l'Assemblée par le ministre de la justice (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 27), (19 novembre, p. 167 et suiv.), (2décembre, p. 509), (10 décembre, p. 716).
Brisach (p. 295). — Fait un rapport sur la manière dont les officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale prendront rang entre eux (p. 301 et suiv.). — Demande que les séances du soir du mardi, du jeudi et du samedi soient exclusivement consacrées à entendre les rapports des comités et à les discuter (p. 305). — Parle sur le remplacement des officiers (p. 305), — sur l'armement des volontaires nationaux (p. 308), — sur l'affaire Varnier (p. 313), — sur les mesures à prendre contre les prêtres réfractaires (p. 314), — sur les affaires d'Alger (p. 334). — Fait un rapport sur la pétition du sieur Pommier (p. 351 et suiv.). — Parle sur le remplacement des officiers (p. 386), (p. 387),'(p. 388), — sur une nouvelle émission d'assignats (p. 411), — sur une adresse de la ville de Versailles (p. 449). — Fait un rapport sur la revue des gardes nationales et le rappel des officiers de ligne à leur poste (p. 499). — Donne lecture du projet de décret sur l'organisation de la gendarmerie nationale (p. 503 et suiv.). — Parle sur la responsabilité ministérielle (p. 508), — sur le remplacement des officiers de marine (p. 529), — sur les affaires do Saint-Domingue (p. 544), (p. 546), — sur des enrôlements faits à Toul (p. 565), (p. 566), — sur les affaires de Saint-Domingue (p. 587), — sur une pétition de Jean Larcher (p. 595), — sur une adresse des Amis de la Constitution d'Auch (p. 597), (p. 600), — sur la remise au point du jour de la célébration de la messe de minuit (p. 623), — sur les troubles de Saint-Domingue (p. 640), — sur les droits des ministres (p. 641), — sur les troubles de Saint-Domingue (p. 643), (p. 644), — sur la création des petits assignats (p. 651), — sur les troubles de Besançon (p. 661), — sur l'absence des officiers de marine (p. 665), — sur les volontaires nationaux (p. 728), (p. 729).
nommé ministre des affaires étrangères (t. XXXV,
S. 433). — Annonce sa nomination et renouvelle la éclaration de son attachement à la Constitution (p. 437).
2* Est dénoncé parFauchetau sujet du retard apporté dans l'envoi du décret concernant la répartition des contributions et la sortie des grains du royaume (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 530 et suiv.), — Discussion : Monneron, plusieurs membres, Gérardin, Cambon, Pierre Bernard, Viénot-Vaublanc, Carnot-Feuleins jeune, Chéron-La Bruyère (ibid. p. 531 et suiv.); — renvoi au comité de législation (ibid. p.534). — Sa justification (ibid. p. 546).
Voir Ministre de l'intérieur et ministre des affaires étrangères.
Démission de députés. Loyeux (Somme) (3 décembre 1791) t. XXXV, p. 551).
sur la vérification des pouvoirs de Rcrlrand, député de l'ile Bourbon (t. XXXV, p. 149).
Directoire. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 349).
(p. 648 et suiv.), (p. 650), (p. 652), (p. 671). — Présente un projet de décret sur 1% continuation des remboursements des liquidations (p. 676 et suiv.).
fiort sur une demande d'emprunt de 600,000 livres aite par la ville de Nantes (t. XXXV, p. 107), — le défend (p. 148).
• Voir Ministre de la guerre.
Corse. Admission de Arena, Pietri et Boërio (21 novembre 1791, t. XXXV, p. 273).
Marne (Haute-). Renvoi au comité de division d'une motion de François de Neufchâteau tendant au remplacement de Landrian par Henry (10 décembre 1791, t. XXXV, p. 724).
Colonies. Rapport par Despinassi sur la vérification des pouvoirs de Bertrand, député de- l'île de France et ae l'île Bourbon (19 novembre 1791, t. XXXV, p. 149 et suiv.); — ajournement (ibid. p. 150).
§ 1er.Lois générales. 1° Duport,ministre delà justice, annonce
que le roi a refusé sa sanction au décret du 9 novembre 1791 sur les mesures à prendre contre
les émigrants (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 27) ; — observations de Reboul, Gérardin, Cambon,
Rouyer (ibicl. et p. suiv.).
2° Mesures prises par le roi contre les Français sortis du royaume (16 novembre, p. 93 et suiv.).
3° Proclamation du roi (16 novembre, p. 103 et suiv.).
§ S. Objets divers. — Lettres. — Mémoires. — Adresses. Lettres du sieur Brillac sur les rassemblements d'émigrés à Coblentz (12 novembre 1791,t.XXXV, p.41).— Lettre de Guerlonde, lieutenant-général autrichien, au maire de Thionville (25 novembre,p. 359) ; — adresse des citoyens de Blois (27 novembre, p. 392). — Lettre du président du directoire dti district d'A-lais (28 novembre, p. 406 et suiv.). — Adresse des citoyens de Toulouse (ibid.p.422 et suiv.), —descitoyens de Versailles (29 novembre, p. 448 et suiv.), — du conseil général du département de l'Aude (3 décembre, p. 525), — de 300 citoyens de Calais (ibid. p. 526), — des administrateurs du département des Côtes-du-Nord (5 décembre, p. 591), — des citoyens de Tulle (ibid. p. 592),— des citoyens d'Angers (ibid.),— des administrateurs du département de la Corrèze (ibid. p. 596),—des citoyens ae Givet (ibid.). — Réquisitoire au procureur général syndic du département de la Moselle (ibid.). — Adresse de la Société des amis de la Constitution d'Auch (ibid. p. 597), — des administrateurs du district de Chartres (8 décembre, p. 657), — des citoyens du Mans (ibid.) et p. suiv.), — du conseil général du département de Maine-et-Loire (ibid. p. 658). — Règlement de la formation en compagnies des membres du tiers-état rassemblés auprès de Monsieur et de Mgr le comte d'Artois (8 décembre, p. 662.). — Adresse des citoyens d'Ornans (10 décembre, p. 716), — des citoyens d'Angoulême (ibid. p. 717), — des citoyens de Lorient (ibid. p.- 719), — de la section de la Halle au blé (ibid. et p. suiv.), — des citoyens de Calais (ibid. p. 721).
2° Motion tendant à assimiler les employés d'octroi aux employés des administrations ae l'Etat (20 novembre 1791, t. XXXV, p. 255) ; — renvoi au comité de liquidation (ibid.).
3° Motion en faveur des employés de la gabelle (21 novembre 1791, t. XXXV, p. 264); — renvoi au comité de liquidation (ibid.).
(p. 370). — Parle sur l'affaire Delattre (p. 377), — sur la mise en liberté des détenus pour mois de nourrice (p. 503). — Dénonce Delessart (p. 530 et suiv.), Cp. 560). — Parle sur la remise de la célébration de la messe de minuit au point du jour (p. 623), — sur les remontes de la cavalerie (p. 659). — Sa réponse à une lettre de Belle (p. 712). — Parle sur la prolongation de la session du conseil général du Calvados (p. 723).
2° Les comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire de3 finances feront chaque mois un rapport sur la recette et la dépense et l'état général des finances (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 584).
Administrateurs. Adresse concernant le payement des impositions de 1790 (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 553).
Procureur général-sundic. Demande des secours (10 décembre, t. XXXV, p. 718).
Volontaires nationaux. Adresse relative aux troubles de Lunel (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 656 et suiv.).
§ 1er Organisation. Observations du ministre de la justice sur une erreur commise dans la loi
sur l'organisation (ler décembre 1791, t. XXXV, p. 501 et suiv.) ; — renvoi au comité des
décrets (ibid. p. 502)*
§ S. Dépenses. Rapport du ministre de l'intérieur sur les frais occasionnés aux départements pour le rassemblement des gardes nationaux destinés pour les frontières (6 décembre 1791, t. XXXV, p. 611).
Lettre du ministre de l'intérieur relative à son organisation (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 349) ; — renvoi au comité militaire (ibid.). — Mémoire du ministre de l'intérieur concernant l'organisation de la garde nationale à cheval (3 décembre, p. 552); — renvoi au comité militaire (ibid.). — Pétition pour réclamer des explications sur la loi du 18 septembre 1791 (4 décembre, p. 572).
Organisation. Rapport du ministre de la guerre sur le retard de l'organisation dans plusieurs département? (16 novembre 1791, t. XXXV, p. 100 et suiv.); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 101) ; — rapport par Delacroix sur la manière dont les officiers et sous-officiers prendront rang entre eux (22 novembre, p. 301) ; — projet de décret (ibid. et suiv.) ; — ajournement (ibid. p. 302) ; — seconde lecture du projet de décret (lor décembre, p. 503 et suiv.); — renvoi au comité militaire de deux articles additionnels proposés par Delmas (ibid. p. 504).
Brigades de gendarmerie. Motion de Rouyer
relative à leur augmentation (lsr décembre 1791,
t. XXXV, p. 504) ; — renvoi au comité militaire (ibid).
p. 346); — projet du décret (ibid.); — ajournement à huitaine pour la seconde lecture (ibid.).
E. 21); — renvoi au pouvoir exécutif et mention onorable au procès-verbal (ibid.).
Directoire. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350). — Demande d'un emplace- ment (8 décembre, p. 646).
— Parle sur les troubles des colonies (p.490), — sur les affaires de Saint-Domingue (p. 542). — Son projet de décret sur les mesures à prendre relativement aux colonies (p. 543). — Parle sur le procès-verbal (p. 560), — sur les affaires de Saint-Domingue (p. 604), (p 607 et suiv.), (p. 643)...
Lettre au maire de Thionville relativement aux rassemblements d'émigrants (t. XXXV, p. 35D).
Dépenses et fonds pour la guerre. Le ministre présente l'état des dépenses (2 décembre 1791, t. XXXV, p. 506 et suiv.).
§ ler. Convocation. — Organisation. — Composition. Sur la motion
de Gensonné, l'Assemblée décrète (jue son comité de législation lui présentera un projet de
proclamation pour la convocation de la haute cour et qu'elle procédera à la nomination des 4
grands juges et des 2 grands procureurs qui la composeront (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 40)
; — (19 novembre,
p. 159), (p. 161); — rapport sur les moyens de la mettre en activité(21 novembre,p.267et suiv.);—projetdedé-c,r&\, (ibid. p. 268). —Discussion: Article 1er: Chéron-la Bruyère, Lagrévol, Thuriot, Albitte aîné, Jollivet, Bouestard (ibid. et p. suiv.); — adoption avec amendement (ibid. p. 269). —Article 2 : Saladin (ibid.) ; —rejet (ibid. p. 270). — Article 2 nouveau (ancien art. 3) : Saladin, Jollivet, Lagrévol (ibid.)', — adoption avec amendement (ibid.). —Article 3 (ancien art. 4) : adoption (ibid.). —Article 4 (ancien art. 5): Lagrévol, un membre (ibid.) ; — adoption avec amendement (ibid.). — Article 5 (ancien art. 6) : adoption (ibid.) ; — projet de proclamation pour annoncer sa formation, présenté par Voysin de Gartempe (23 novembre, p. 312 et suiv.) ; — observations de Delacroix et de Gérardin (ibid. p. 313) ; — renvoi au comité de législation (ibid.)', — le comité de législation présentera un projet de décret pour compléter la loi sur la formation de la haute cour (1" décembre, p. 470).
§ 9. Grands juges et commissaires du roi. Décret pour leur nomination (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 40), (21 novembre, p. 270); — commissaire du roi pour la nomination des 4 grands juges (22 novembre, p. 289); — tirage au sort des 4 grands juges (ibid. p. 290);— leurs noms (ibid.); —procès-verbal de la nomination (ibid. p. 296). — Décret qui fixe leur départ pour Orléans (l8r décembre, p. 501).
§ 3. Grands procurateurs de la nation. Décret pour leur nomination (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 40), (21 novembre, p. 270); — scrutins pour leur nomination (22 novembre, p. 301), (23 novembre, p. 313), (24 novembre, p. 336). — Décret qui fixe leur départ pour Orléans (1er décembre, p. 501).
Procureur général syndic. Lettres relatives aux troubles de Montpellier (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 348 et suiv.) ; — (26 novembre, p. 379), (2 décembre, p. 509).
haute cour nationale (p. 269), (p. 270), — sur l'établissement d'un tribunal chargé des affaires d'Avignon (p. 376).
Administrateurs. Adresse de dévouement (29 novembre 1791, t. XXXV, p. 424).
p. 82). —Fait un rapport sur l'organisation des volontaires nationaux (p. 302 et suiv.). — Parle sur le remplacement des officiers (p. 387). — sur une pétition des volontaires du département de la Drôme (p. 723).
Officiers municipaux. Adresse d'adhésion (2 décembre 1791, t. XXXV, p. 508).
Société des amis de la Constitution. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350).
E. 115), (p. 127 et suiv.).— Parle sur la formation de la aute cour nationale (p. 161), — sur les secours à accorder aux employés supprimés (p. 255), — sur la proposition faite au général de wimpfen de livrer Neuf-Brisach (p. 294), — sur l'affaire Delattre (p. 354), — sur les rassemblements d'émigrés (p. 402), — sur les affaires de Saint-Domingue (p. 545 et suiv.), — sur une dénonciation contre Duportail, ministre de la guerre (p. 558), (p. 559), (p. 621).
er quinzaine de novembre (t. XXXV, p. 265).
l'élection des prêtres assermentés dans le district de Thionville (t. XXXV, p. 9). — Fait ce rapport (p. 10 et suiv.). — Parle sur l'envoi à M. Duroutoir ae la médaille qui lui a été décernée par la société humaine du Massachusetts (p. 130), — sur les mesures à prendre contre les prêtres réfractaires (p. 138), — sur une adresse de la section des Lombards (p. 263 et suiv.), — sur les mesures à prendre contre les prêtres réfractaires (p. 427), — sur une adresse des amis de la Constitution d'Auch (p. 597), — sur une adresse de la section de la halle au blé (p. 721).
des conseils généraux des Bouches-du-Rhône et du Calvados (p. 724).
Mémoire sur la liquidation, ses progrès, son état actuel, ses engagements, ses besoins (9 décembre 1791, t. XXXV. p. 681 et suiv.).
Loir-et-Cher (Département de).
Administrateurs. Adresse de félicitation et de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 335 et suiv.).
Directoire. Adresse au sujet d'un drapeau offert par les dames de Nantes (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350).
2° Adresse des habitants des paroisses de Saint-Justet de Saint-Irénée (30 novembre 1791, t. XXXV, p. 453) ; — renvoi au comité de division (ibid.).
3° Lettre du président du déparlement du Rhône au sujet des contestations qu'a fait naître à Lyon l'établissement d'un tribunal de commerce (7 décembre 1791, t. XXXV, p. 627) ; — renvoi au comité de commerce (ibid. p. 628).
Directoire. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350 .
Conseil général. Adresse des administrateurs au sujet des décrets contre les émigrants et les prêtres séditieux (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 658).
Lettres du maire pour rendre compte des adjudications de biens nationaux (23 novembre 1791 , t. XXXV, p. 308).
E. 567). — Son arrestation est annoncée (9 décem-re, p. 672'. — Sera conduit à Orléans (10 décembre, p. 711).
2° Pierret annonce que Mailli, curé de Saint-Cyr, a reçu la bénédiction nuptiale (t. XXXV, p. 672).
. les obstacles qui retardent la reddition des comptes de son département (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 531); — renvoi au comité de marine ((ibid. p. 552).
2° Le ministre demande que l'Assemblée presse le rapport de son comité sur l'organisation des troupes de la marine (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 646); — rapport par Cavellier sur l'exécution de la loi concernant 1 organisation de la marine, le remplacement des ofliciers émigrés (8 décembre, p. 662 et suiv ); — projet de décret (ibid. p. 664 et suiv.). — Observations de Gérardin, Cambon, Reboul, Rouyer, Delacroix, Cavellier, rapporteur, Grangeneuve, Brival (ibid. p. 665 et suiv.); — ajournement (ibid. p. 666).
3° Rapport par Cavellier sur la nécessité de réformer quelques abus relatifs, aux congés (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 662 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 665).
4° Pétition des citoyens actifs de la ville de Brest demandant le remplacement des officiers de marine absents (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 666). — Pétition des citoyens de Brest demandant la suppression des traitements et appointements des officiers de la marine absents sans congé (ibid. p. 667).
ie, de Saint-Malo
Procureur-général-syndic. Annonce l'arrestation d'une des personnes décrétées d'accusation pour enrôlements faits à Toul (9 décembre 1791.,t.XXXV,p.672).
§ 1er Ministres en général. § S. Ministres en particulier.
§ 1er Ministres en général.
1° Rapport par Cambon, au nom du comité de la Trésorerie nationale, sur les comptes à rendre par les ministres (19 novembre 1791, t. XXXV, p. 151 et suiv.); — projet de décret (29 novembre, p. 444); — adoption (ibid). — Opinion de Hérault de Séchelles sur la responsabilité des ministres (2 décembre, p. 509 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 512 et suiv.) ; — renvoi au comité de législation (ibid. p. 513).
2° Rouyer demande que les droits laissés aux ministres par la Constitution soient fixés avec précision (7 décembre 1791, t. XXXV, p. 643); — renvoi au comité de législation (ibid.)
3° Le ministre de la guerre demande que l'Assemblée fasse connaître l'ordre du jour aux ministres (10 décembre, p. 710).
Delessart, ministre. — 1° Est entendu dans la discussion sur les mesures à prendre relativement aux puissances qui souffrent les rassemblements d'émi-
grés (29 novembre 1791, t. XXXV, p. 446). — Donne des éclaircissements sur la mission de M. Roustan (8 décembre, p. 648). — Ecrit au sujet des prétentions de la ville de Mulhouse (10 décembre, p. 718).
2° Lettre du roi annonçant la nomination de Delessart (29 novembre 1791, t. XXXV, p. 433).
Narbonne, ministre. — 1791. — 1° Transmet une demande de M. d'Affry, administrateur général des Suisses (9 décembre, t. XXXV, p. 670). — Demande que l'Assemblée communique Tordre du jour aux ministres (10 décembre, p. 710). — Envoie l'état des employés d'artillerie (ibid. p. 716).
2° Lettre du roi annonçant la nomination de Narbonne au département de la guerre (7 décembre 1791, t. XXXV, p. 627).
l'exécution du décret du 21 février 1191, relatif aux Aca-diens (ibid p. 281). — Rend compte de la situation qui estfaite aux ouvriers de la manufacture de Bourges (ibid. et p. suiv.).— Sa lettre relative à la translation a Mouipellier du directoire du déparlement de l'Hérault (22 novembre, p. 284). — Lettre concernant la demande du directoire du district de Poligny pour obtenir un emplacement (ibid. p. 288). — Lettre au directoire du département du Haut-Rhin pour lui demander uu état du clergé (22 novembre, p. 296). — Lettres relatives à l'organisation de la garde nationale parisienne soldée, à l'emplacement des directoires d'Epinal, de Beaune, d'Orange et du département de l'Aude (24 novembre, p. 349). — Présente des mémoires sur les écoles vétérinaires de Lyon et d'Alfort et sur la conservation des monuments des arts des édifices religieux de Paris, déclarés propriétés nationales (25 novembre, p. 369 et suiv.).— Fera parvenir au comité de secours publics les pièces relatives à la suspension de l'exécution de la loi sur les secours aux Acadiens et Canadiens (26 novembre, p. 312). — Communique des pièces relatives à l'arrestation de Tardy (de Quimper) (ibid. p. 311). — Lettre au sujet d'un passage de troupes (28 novembre, p. 418); — compte rendu sur les troubles survenus à Pamiers et sur l'exposition des Beaux-Arts au Louvre (29 novembre, p. 431 et suiv.).— Memoire sur les travaux des routes (2 décembre, p. 514 et suiv.).
Cahier de Gerville, ministre. 1° Envoie un mémoire relatif à la formation du corps des gardes nationales parisiennes à cheval (3 dècemhre 1191, t. XXXV, p. 552). — Transmet une demande du département ae Paris relative à l'achèvement des travaux du Panthéon (ibid.), — des demandes des départements du Calvados et des Bouches-du-Rhône demandant à être autorisés à prolonger leurs séances (5 décembre,
f>. 511). — Rend compte de la promptitude avec aquelle il a exécuté le décret concernant les personnes accusées d'avoir fait des enrôlements à Toul (ibid. p. 584).— Transmet à l'Assemblée divers mémoires (6 décembre, p. 601). — Fait un rapport sur les troubles survenus à Saint-Omer au sujet de l'exportation des grains (6 décembre, p. 610 et suiv.), — un rapport sur les frais occasionnés aux départements pour le rassemblement des gardes nationaux destinés aux frontières (ibid. p. 611), — un rapport sur des vexations exercees par le gouvernement espagnol contre des Français (ibid. et p. suiv.). — Transmet différentes pièces à l'Assemblée (8 décembre, p. 646), (9 décembre, p. 612). — Annonce le transfert à Orléans des sieurs Malvoisin et Marc fils (10 décembre, p. 111).
2° Lettre du roi anonçant la nomination de Cahier de Gervillé au ministère de l'intérieur (29 novembre 1191, t. XXVI, p. 433).
Î, 116). — Fait des communications au sujet des sieurs ardi et Noireau mis, en accusation par décret du 12 novembre 1791 (20 novembre, p. 251 et suiv.), (23 novembre, p. 307). — Ses observations au sujet d'une erreur commise dans la rédaction de la loi sur l'organisation de la garde nationale (1" décembre, p. 501 et suiv.). — Transmet les procès-verbaux de nomination des hauts jurés (7 décembre, p. 622). — Parle sur les troubles de Saint-Domingue (ibid.p.640 et suiv.), (p. 642). — Envoie la note des décrets présentés à la sanction (10 décembre, p. 116.)
de la navigation (21 novembre, p. 264). — Lettre concernant les marins et ouvriers ae l'arsenal de Toulon (22 novembre, p. 286 et suiv.). — Remet des copies des traités avec la régence d'Alger (ibid. p. 281). — Demande l'adjonction ae deux autres commissaires aux commissaires du roi chargés de se transporter aux îles de France et Bourbon (23 novembre, p. 307). — Demande qu'on règle le sort des anciens officiers des classes de la marine (ibid. p. 309). — Lettre au sujet des troubles survenus sur la frégate l'Embuscade (ibid. p. 316). — Transmet une lettre du roi relative aux affaires d'Alger (24 novembre, p. 333). — Fait connaître le résultat des négociations entamées avec le dey d'Alger (28 novembre, p. 412). — Annonce la formation des écoles de marine dans plusieurs ports (l8r décembre, p. 5i)0 et suiv.), — une insubordination sur le vaisseau l'Ecole (ibid. p. 502). — Rend compte des troubles arrivés k Brest à l'occasion de la nomination de M. Lajaille au commandement d'un des vaisseaux destinés à Saint-Domingue (3 décembre, p. 526). — Ecrit au sujet du retard apporté à la reddition des comptes de son département (3 décembre, p. 551). — Sa note au sujet de l'expédition faite pour aller à Saint-Domingue (5 décembre, p. 586). — Se justifie des plaintes portées contre lui par la municipalité de Brest (ibid p. 587 et suiv.). — Écrit au sujet de la mission de M. Roustan (8 décembre, p. 648). — Adresse une lettre rectificative au rédacteur du Moniteur universel (8 décembre^. 667). — Envoie la liste des consuls et vice-consuls qui ont prêté le serment civique (10 décembre p. 721).
Société des Atnis de la Constitution. Adresse de dévouement (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350).
partement de l'Hérault dans cette ville (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 284); — pétition de la municipalité, relative au recouvrement des impositions (27 novembre, p. 392); — renvoi au comité des contributions publiques (ibid.).
Adresse de félicitations de la municipalité (20 novembre 1791, t. XXXV, p. 248).
Directoire. Demande l'autorisation d'exporter de la mine de fer dans le Luxembourg (27 novembre 1791, (t. XXXV, p. 391); — renvoi aux comités d'agriculture et de commerce (ibid.).
Procureur-général-syndic. Réquisitoire contre le décret concernant les émigrés (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 596).
2° Projet de décret relatif à l'emplacement de la paroisse Notre-Dame (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 297); — adoption (ibid.).
Conseil général. Réclame du secours pour les pauvres du département (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 578).
Procureur-général-syndic. Lettre et mémoire concernant la revendication de la maison des ci-devant capucines de la ville d'Orchies (21 novembre 1791, t. XXXV, p. 265) ; — renvoi au comité des domaines (ibid.).
sommes dues aux titulaires (19 novembre 1791' t. XXXV, p. 150) ; — ajournement (ibid. p. 151).
er. Remplacement des officiers.
Adoption d'une modification au préambule du projet au décret relatif au remplacement des
officiers (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 1) ; — suite de la discussion du projet de décret :
Gohier, Carnot-Feu-Ieins, Rouyer, Lacuée jeune, Jaucourt, Gohier, Rouyer,
Dubois-de-Bellegarde, Léopold, Lameth, Merlin, Beequey, Merlin, Dumas, Delacroix (15 novembre,
p. 81 et suiv.); —adoption des articles 3et 4 (ibid. p. 84) ; — article additionnel proposé
par Carnot-Feuleins (22 novembre, p. 305); — adoption de cet article amendé par Delacroix
(ibid.) ; — texte définitif de cet article devenu l'article5 (ibid.).— Article 6: Albitte
aîné, Lagrévol, Delacroix, un membre, Brissot de Warville (ibid. et p. suiv.); — ajournement
(ibid. p. 306); — reprise de la discussion de l'article 6, Voisard, Henry-Larivière,
Delacroix, Mathieu Dumas. Delacroix (26 novembre, p. 386 et suiv.) ; — adoption sauf rédaction
(ibid. p. 387); — addition à l'article 2 proposée par Mathieu Dumas (ibid.) ;— observations ae
Lacuée jeune (ibid.)', — adoption de l'article 10 du projetdu comité comme amendement à
l'article 2 (ibid.); — Adoption sans discussion des articles 7 et 8 (ibid.). —Article 9:
Mathieu Dumas, Delacroix (ibid. p. 388) ; — adoption (ibid.).— Article 10 : Delacroix,
Cnoudieu, Crestin, Lacombe-Saint-Michel, Cambon, Mathieu Dumas (ibid.)',— adoption (ibid. p.
389). — Adoption sans discussion de l'article 11 (ibid.) — Article 12: Thuriot, Rouyer (ibid.)
;— adoption (ibid.), —article additionnel proposé par Voisard (ibid.) ; — discussion :
Gérardin, Delmas, Le Tourneur (ibid.) ; — adoption sauf rédaction {ibid.) ; — texte définitif
(ibid.) ; — relue du décret (29 novembre, p. 424) ; — adoption de plusieurs modifications
(ibid. p. 424) ; — texte définitif du décret (ibid. p. 425 et suiv.).
§ 2. Rappel à leur poste des officiers de ligne. Rapport par Delacroix sur le rappel des officiers employés dans les bataillons de volontaires nationaux (1« décembre 1791, t. XXXV, p. 499); — projet de décret (ibid.).
Directoire. Demande d'emplacement (28 novembre 1791,t.XXXV,p.406);— renvoi au comité des domaines (ibid.).
Volontaires nationaux. Adresse de dévouement (4 décembre 1791, t. XXXV, p. 561).
1* Motion de Basire, relative à son envoi par la poste (30 novembre 1791, t. XXXV, p. 459); — renvoi au comité des assignats (ibid.).
2° Il sera formé une commission pour la surveillance de sa fabrication (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 716).
l'interprétation de la loi sur l'organisation de la gendarmerie (t. XXXV, p. 718).
§ ler. Commune.
§ S. Département.
§ 1er. Commune.
1° Administrateurs au département de police. Lettre annonçant que le sieur Delattre a un second domicile rue des Banquiers (26 novembre 1791, t. XXXV, p. 379 et suiv.).
2° Sections en général ou plusieurs réunies. Pétition des 48 sections, relative aux subsistances (13 novembre 1791, t. XXXV, p. 56 et suiv.) ; — renvoi aux comités réunis d'agriculture, du commerce et de législation (ibid. p. 58).
3° Sections par ordre alphabétique.
Section de la halle aux blés. Adresse relative aux décrets contre les émigrants et les prêtres réfractaires (10 décembre 1791, t. XXXV, p. 719 et suiv.) ; — observations de Hua et Lecointe-Puyra-veau (ibid. p. 720 et suiv.) ; — l'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal (ibid. p. 721).
Section Henri IV. Adresse de félicitation (6 décembre 1791, t. XXXV, p. 598 et suiv.)
Section des Lombards. Députation et adresse de félicitation (20 novembre 1791, t. XXXV, p. 255) ; — débat au sujet de cette adresse : Un membre, Thurio t, Audrein, Lecointe-Puyraveau, Delacroix (21 novembre, p. 263 et suiv.); — ordre du jour (ibid. p. 264).
Section de Sainte - Geneviève. Députation et adresse (13 novembre 1791, t. XXXV, p. 54).
§ S. Département.
Le directoire demande à être autorisé à faire continuer les ouvrages relatifs à l'achèvement du Panthéon français (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 552) ; — renvoi au comité des dépenses publiques (ibid.). —Adresse au roi relative au décret sur les prêtres réfractaires (8 décembre, p. 668 et suiv.) ; — observations de Lecoz sur cette adresse (10 décembre, p. 730 et suiv.).
1° Un exemplaire de la dernière liste des pensions sera apporté sur le bureau de l'Assemblée (19 novembre 1791, t. XXXV, p. 1581,
2° Le comité de liquidation présentera un mode pour faire payer les pensions dans chaque département (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 556).
1° Le comité des pétitions est autorisé à distribuer lui-même aux comités qu'elles concernent les pétitions qu'il a examinées (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 72). — Renvoi aux parties de 56 pétitions sur lesquelles il n'y a pas lieu de délibérer (20 novembre, . p. 249 et suiv.).
2° Les pétitionnaires seront tenus de lire un extrait de leur pétition (28 novembre 1791, t. XXXV, p. 418).
Société des Amis de la Constitution. Adresse relative à l'érection d'un monument sur l'emplacement de la Bastille (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 350).
§ 1. Mesures à prendre pour réprimer les troubles occasionnés par les prêtres réfractaires. Rapport par Veirieu (12 noveribre 1791, t. XXXV, p. 31 et suiv.); (p. 42 et suiv.); — projet de décret relatif aux mesures à prendre (ibid. p. 43 et suiv.);— observations de Thuriot et de Bigtt de Préameneu (14 novembre, p. 65 et suiv.);— l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet du comité (ibid. p. 66); — mesures proposées par Isnard (ibid. et p. sniv.); — l'impression du d scours d'Isnard est demandée (ibid. p. 68) ; — observation de Lecoz à ce sujet (ibid. et p. suiv.); —l'kipression n'est pas ordonnée (ibid. p. 69) ; — renvo) des mesures proposées à l'examen au comité de législation (ibid. p. 70) ; — projet de décret présenté pir François de Neufchâteau au nom de la 3* section du comité de législation (16 novembre, p. 88 et suiv.);— projet de décret présenté par Tardiveau au nom de la 1" section (ibid. p. 89 et suiv.); projet de décret présenté au nom de la 2* section (ibid. p. 90 et suiv.); — projet de décret présenté par Léonard Robin au nom de la 4* section (ibid. p. 91 et suiv.) ; — l'Assemblée accorde la priorité au projet présenté par François de Neufchâteau et adopte l'urgence (ibid. p. 92).— Discussion.—Article l°r: Hérault ae Séchelles, Lemontey, Jollivet, Rouyer, Voysin de Gartempe, Saladin, Delacroix, Castel, Isnard (ibid. p. 95 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 99); — article additionnel proposé par Saladin (ibid.); — discussion : Garran-de-Coulon, Lequinio, Delacroix, François de Neufchâteau, rapporteur, Gensonné (ibid. et p. suiv.); — rejet (ibid. p. 100). — Article 2 : un membre, François de Neufchâteau, rapporteur, Albitte aîné (17 novembre, p. 103); — adoption (ibid ). — Article 3: un membre, François de Neufchâteau, rapporteur, Richard, François de Neufchâteau, rapporteur, Reboul, Richard, un membre (ibid. et p. suiv.) ; adoption avec amendement (ibid. p. 109). — Article 4 : Tomé, Quatremère-Quincy (ibid. p. 110 et suiv.); — Tomé, François de Neufchâteau, rapporteur, Mayerne,Becquey(z6id. p. 121 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 126). — Article 5 : Jean-Baptiste Debry, Thorillon, François de Neufchâteau, rapporteur, Gorgaereau, Leco nte-Puyraveau (18 novembre, p. 136 et suiv.); — adoption'avec amendement (ibid. p. 138). — Article 6 : Rougier-La-Bergerie, Lamarque, Thorillon, Couthon, Garran-de-Coulon, Vergniaud, François de Neufchâteau, rapporteur, Richard, François de Neufchâteau, rapporteur (ibid. et p. suiv.); — adoption avec amendement (ibid. p. 141). — Article 7 : Isnard, Gossuin, Duhem, un membre, Tartanac, Basire jeune, Albitte aîné, François de Neufchâteau. rapporteur, Rouyer (ibid. et p. suiv.); — adoption avec amendement (ibid. p. 143). — Article 8 : Lequinio, Jouffret, Bouestard, Brissot, Gérardin, Garran-de-Coulon, Rougier-La-Bergerie , Reboul, Gensonné, François de Neufchâteau, rapporteur (ibid. et p. suiv^; — adoption avec amendement (ibid. p. 145). — Article 9 : Morisson (19 novembre, 160); — Demèes, Crestin, Delacroix, François de Neufchâteau, ( rapporteur, Carnot-Feuleins jeune, Garran-de-Coulon, Crestin (ibid. p. 161 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 163). — Article 10 : Avelines, Thuriot, un membre (21 novembre, p. 272 et suiv.) ; — adoption avec amendement (ibid. p. 273) ; — texte de l'article amendé (ibid.). — Article 11 : Regnault-Beaucaron (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 274). — Article 12 : Thorillon (ibid!) ; — adoption (ibid.). —
Article 13 : Brissot de Warville, Gohier, Albitte aîné, Garran-de-Coulon, Beboul (ibid. et p. suiv.); — rejet (ibid. p. 27o). —Article 13 nouveau (ancien art. 14) : Tardiveau (ibid.)', — adoption de la rédaction proposée par Tardiveau (ibid.). — Article 14 (ancien art. 15) : Albilte aîné, Lainourette, Gohier, Cambon, Dubois de Bellegarde, Merlin, Vergniaud (ibid. p. 276 et suiv.) ; —ajournement (ibid. p. 281) ; — adoption d'une nouvelle rédaction de l'article 13 (23 novembre, p. 314). — Article 16 (ancien) : Lemontey, Basire jeune, Gérardin, Guadet, Reboul, Lagrévol (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'article proposé par Lemontey (ibid. p. 316) ; — adoption de l'article 16 (ibid. p. 318). — Article additionnel proposé par Albilte aîné (25 novembre, p. 365) ; — développement (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : Fressenel , Beugnot, Ducos, Lamourette, Guadet (ibid. p. 366 et suiv.) ; — adoption sauf rédaction (ibid. p. 368); — amendement de Briche à cet article (ibid.)', — renvoi au comité de législation (ibid.) ; — sur la motion de Lamarque, l'Assemblée décide de rendre, sans désemparer, le décret sur les prêtres réfractaires (29 novembre, p. 4*26 et suiv.) ; — rapport par François de Neufchâteau sur l'article additionnel de Albitte renvoyé au comité pour rédaction (ibid. p. 427), (p. 428 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 435) ; — préambule du projet de décret (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 436); — texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.).
§ S. Opinions non prononcées. Opinion de Ra-mond (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 44 ei. suiv.) ; — réponse de Chouteau à l'opinion de Ramond (ibid. p. 45 et suiv.) ; — développ ment d'un amendement de Becquey (17 novembre, p. 126 et suiv.) ; — opinion de F ançois (du Pas-de-Calais) (18 novembre, p. 145 et suiv.); — observation de Joseph Cornudet sur l'article 15 du projet de décret présenté par le comité de législation (21 novembre, p. 283).
"§ 3. Pétitions, adresses et lettres. Lettre des administrateurs du directoire du département du Haut-Bhin sur les troubles suscités dans ce département (12 novembre 1791, t. XXXV, p. 26); — renvoi au comité de législation (ibid. p 29) ; — adresses du directoire des Basses-Pyrénées (23 novembre, p. 313) ; — du directoire du district de Chartres (8 décembre, p. 657), — des citoyens du Mans (ibid. et p. suiv.), — du conseil général du département de Maine-et-Loire (ibid. p. 658), — des membres composant le directoire du département de Paris (8 décembre, p. 668 et suiv.), — des électeurs du district de Valenciennes (9 décembre, p. 671), — des citoyens d'Ornans (10 décembre, p. 716), — de la section de la Halle-aux-blés (ibid. p. 719 et suiv.),— des citoyens de Calais (ibid. p. 721).
2° Réponses des puissances étrangères à la notification de l'acceptation par le roi de l'acte constitutionnel (16 novembre, p. 92 et suiv.).
Directoire. Adresse au sujet des troubles provoqués par les prêtres réfractaires (23 novembre 1791, t. XXXV, p. 313).
1° Lettre de Duportail, ministre de la guerre, relative à un emplacement pour la remonte des chevaux dans les bâtiments des haras du Pin (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 71.)
2° Pétition du sieur François Fleury qui se plaint que les remontes ne se fassent plus dans la Normandie (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 659); — observations de Fauchet et de Lameth (ibid.); — renvoi aux comités militaire et de commerce réunis (ibid.).
Directoire. Lettre et arrêté sur les troubles suscités parles prêtres réfractaires (12novembre 1791, t.XXXV, p. 26). —Lettre relative à la proposition faite au général Wimpfen par les princes émigrés de leur livrer Neuf-Brisach (22 novembre, p. 292 et suiv.); — décret (ibid. p. 295). — Lettre relative au transport d'argent arrêté à Belfort (28 novembre, p. 406).
Volontaires nationaux. Le 2e bataillon demande à faire partie des troupes qui doivent être envoyées à Saint-Domingue (16t novembre 1791, t. XXXV. p. 85).
mage d'une gravure représentant le combat de Du-couedic (p. 593).
1* Lettre du roi au sujet d'une demande de 16 millions 370,912 livres pour l'armement extraordinaire qu'exige la situation ae Saint-Domingue (14 novembré 1791, t. XXXV, p. 59) ; — projet de décret présenté par Forfait au nom des comités colonial et de marine réunis (ibid. p. 62) ; — discussion : Delacroix, Forfait, rapporteur, Merlin, Tarbé, Delacroix (ibid. et p. suiv.); — adoption avec amendement (ibid. p. 64); — les volontaires nationaux de Rhône-et-Loire demandent à faire partie des troupes envoyées à Saint-Domingue (16 novembre, p. 85); — lettre de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue relative à la révi. lté des noirs (ibid. p. 87) ; — renvoi au comité des colonies (ibid.); — lettre des citoyens actifs de Bordeaux (17 novembre, p. 112); — lettres de M. de Blanchelande en date des 13, 14, 25 et 29 septembre 1791 (17 novembre, p. 116 et suiv.);— proclamation de M. de Blanchelande aux nègres révoltés (ibid. p. 120); — renvoi au comité colonial des lettres et de la proclamation (ibid.);—rapport par Tarbé au nom des comités colonial et de commerce réunis (18 novembre, p. 131 et suiv.); —lettre de plusieurs citoyens de Bordeaux, membres de la socié é des Amis de la Constitution (20 novembre, p. 259 et suiv.); — discussion sur les troubles de Saint-Domingue : Brissot de Warville, Tarbe, Michel, Brissot de Wàr-ville, Guadet, Cambon, Aubert-Dubayet, Garran-de-Coulon, Brissot de Warville, Tarbé (ibid. p. 260 et suiv.); — l'Assemblée ajourne au l8r décembre la discussion sur les troubles des colonies et renvoie au comité colonial les pièces qui viennent d'être lues (ibid. p. 262) ; — projet de lettre du président de l'Assemblée à l'assemblée coloniale de Saint-Domingue (22 novembre, p. 284); — adoption (ibid.). — Lettre des capitaines ae la marine marchande (26 novembre, p. 385). — Députation de la colonie (30 novembre, p. 454) ; — discours (ibid. p. 460 et suiv.). — Adresse de la ville de Saint-Malo (lor décembre, p. 471). — Pétition de plusieurs Français relative a leur aéteniion et aux mauvais traitements qu'ils ont essuyés (ibid. p. 472 et suiv.); —renvoi au comité'colonial (ibid. p. 473).— Concordat passé entre les citoyens de Port-au-Prince et les citoyens de couleur de la même partie de Saint-Domingue (ibid. p. 492 et suiv.). — Adresse des dé-
putés de la partie française de Saint-Domingue (3 décembre, p. 533 et suiv.) — Note du ministre de la marine sur l'expédition faite pour aller au secours de Saint-Domingue (5 décembre, p. 586). — Lettre des députés de l'assemblée générale d* la partie française concernant une inculpation faite par un membre de l'Assemblée contre les colons blancs (6 décembre, p. 599 et suiv.). — Projet d'invitation au roi proposé par Reboul (8 décembre, p. 648) ;.— ordre du jour (ibid.). — Pétition des citoyens du Havre (ibid, p. 660). — Pétition des propriétaires à Saint-Domingue résidant à Paris (9 décembre, p. 672 et suiv.). — Lettres et pièces envoyées par la municipalité des Cayes (ibid. p. 677).—Observations et projet de décret relatif aux nègres esclaves proposé par Blanc-gilly (10 décembre, p. 713 et suiv.).
2° Dénonciation par Brissot de Warville contre les auteurs des trounles (1er décembre 1791, t. XXXV. p. 474 et suiv.), (3 décembre, p. 536 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 541 et suiv.) ; — observations de Vergniaud, Viénot-Vaublanc, Guadet, Tborillon, Garran-de-Coulon, Ducos, Tarbé, Delacroix, (ibid. p. 542 et suiv.) ; — projets de décret de Guadet et de Vergniaud (ibid. p. 543 et suiv.); — ajournement de la discussion au 10 décembre (ibid. p. 544). — Opinion de Michon-Dumanet sur le projet de décret de Brissot (ibid. p. 548). — Motion de Delacroix relative à la suspension du départ des troupes (ibid. p. 544) ;
— discussion : Garran-de-Coulon, Gérardin, Lasource (ibid. p. 545 et suiv.); — Dumas, Castel, Guadet, Brival, Ducos, Blancbon, Guadet, Merlet, Dumas, Vergniaud, Masuyer (6 décembre, p. 603 et suiv.) ; — rejet (ibid. p. 610). — Discussion sur les mesures provisoires à prendre pour remédier aux troubles : Projets de décret présentés par Gensonné, Brissot de Warville, Vergniaud (ibid. p. 612 et suiv.); — l'Assemblée accorde la priorité au projet de décret de Brissot et décrète l'urgence (ibid. p. 615); — observations de Ducastel (ibid. p. 616) ; — nouvelle rédaction du projet de décret (7 décembre, p. 628) ; — discussion : Garran-de-Coulon (ibid. p. 629 et suiv.); — Bergeras, Merlet, Ducastel, Ducos, Gensonné, Delacroix, Fressenel, Lagrévol, Duport, ministre de la justice, Delacroix, Gérardin, Hua, Guadet, Delacroix (ibid. p. 633 et suiv.) ; — rapport du décret d'urgence (ibid. p. 644); — adoption du projet de décret sur les mesures à prendre (ibid. p. 645).
3° Bapport par Tarbé sur les troubles de Saint-Domingue (10 décembre, p. 701 et suiv.).
4° Opinion de Du Morier sur la motion de Guadet relative à l'état politique des gens de couleur (t. XXXV, trict p. 617 et suiv.).
Conseil général. Arrêté tendant à obtenir des modifications à la loi qui oblige les contribuables à payer la totalité de leurs impositions arriérées (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 658).
Procureur-général-syndic. Annonce que des mesures actives ont été prises pour faire le répartement de l'impôt (9 décembre 1791, t. XXXV, p. 672).
Administrateurs. Demande d'emplacement (6 décembre 1791, t. XXXV, p. 601).
Conseil général. Les administrateurs protestent de leur attachement à la Constitution (8 décembre 1791 t. XXXV, p. 659).
2° Adresse des citoyens qui dénoncent les rassem-. blements d'émigrés qui menacent les frontières (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 647).
3° Sœurs grises attachées à l'hôpital des Enfants trouvés. Pétition (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 305);— renvoi au comité des secours publics (ibid.).
2° Adresse d'un citoyen pour assurer la subsistance dans tout le royaume (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 591).
mingue (p. 131 et suiv.). — Demande que l'Assemblée s'occupe tous les jours de l'organisation des finances (p. 158). — Parle sur les troubles de Saint-Domingue (p. 260), (p. 262), — sur l'organisation des finances (p. 323), — sur les troubles de Saint-Domingue (p. 543), — sur une création d'assignats (p. 650), (p. 651). — Fait un rapport sur les troubles de Saint-Domingue (p. 701 et suiv.).
accusation des sieurs Tardi et Noirot (p. 252), — sur les secours à accorder aux employés supprimés (p.254), — sur une adresse de la section des Lombards (p. 263), — sur l'organisation de la haute cour nationale (p. 269), — sur les mesures à prendre contre les prêtres réfractaires (p.273), (p. 314), — sur les troubles survenus sur la frégate Embuscade (p. 318),— sur l'affaire Varnier (p. 358), — sur la mise en accusation des princes français (p. 359). — Suppléant au comité de surveillance (p. 370). — Parle sur le remplacement des officiers (p. 389), — sur l'affaire Delattre (p.395), — sur une nouvelle émission d'assignats (p. 411), (p. 412), — sur une pétition du sieur Moreton(p. 446), sur l'échange des assignats (p. 458),— sur la nomination des commissaires de la comptabilité (p. 505), — sur une dénonciation contre Duportail, ministre de la guerre (p. 559), — sur l'organisation des travaux de l'Assemblée (p. 581),—sur une adresse de la Société des Amis de la Constitution d'Auch (p. 597).
Marine, port, arsenal. Lettre du ministre de la marine concernant les marins et ouvriers de l'arsenal (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 286 et suiv.); — renvoi au comité de marine (p. 287) ; — pétition des maîtres entretenus relative à une augmentation de paye (30 novembre^ p. 453) ; — renvoi au comité de marine (ibid.).
§ 1er. Versements à la caisse de la Trésorerie.
§ S. Etats de recettes et de dépenses.
§ 3. Correspondance des commissaires du roi avec l'Assemblée.
§ 4. Bureau de liquidation des offices supprimés.
§ S. Payements à la charge de la Trésorerie.
§ 1er. Versements à la caisse de la Trésorerie. Rapport par
Cambon concluant au versement à la trésorerie par la caisse de l'extraordinaire d'une somme de
41,450,830livres (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 2) ; — projet de décret (ibid.)] — adoption de
l'urgence et du projet de décret (ibid.).
§ S. Envois d'états de receltes et de dépenses. Etats de la première quinzaine de novembre 1791 (21 novembre 1791, t. XXXV, p. 265); — état du mois de novembre (4 décembre, p. 562).
§ 3. Correspondance des commissaires du roi avec l'Assemblée. Lettres et mémoires relatifs : à la demande de la dame Méliancourt, concernant la rectification d'une erreur et à la règle de la comptabilité et à l'achat du numéraire (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 288,), —au payement des arréragesau sieur de Bar-ville (23 novembre, p. 307), — aune demande de coupures d'assignats de 5 livres (26 novembre, p. 380), — à la nécessité de se préparer à une nouvelle émission d'assignats (6 décembre, p. 602), — au besoin de petits assignats et au mode de distribution aux départements (8 décembre, p. 656).
§ 4. Bureau de Liquidation des offices supprimés. 1° Rapport par Guyton-Morveau sur son établissement (26 novembre 1791, t. XXXV, p. 381 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 383 et suiv.); — ajournement de la seconde lecture (ibid. p. 385).
2° Observations sur le projet de décret relatif à l'établissement d'un bureau pour la liquidation des offices supprimés (t. XXXV, p. 390 et suiv.).
§ 5. Payements à la charge de la Trésorerie. La Trésorerie versera au ministre de la guerre la somme de 5,185,244 livres (28 novembre 1791, t. XXXV, p. 415).
§ 1. Caen (Commune de). Lettre des officiers municipaux de Caen, au sujet des troubles survenus dans cette ville, le 5 novembre 1791 (11 novembre 1791, t. XXXV, p. 6) ; — procès-verbal du conseil général de la commune (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : Cambon, Guadet, Ducastel, Delacroix, Ducastel, Merlin, Isnard, Delacroix, Lagrévol, Bigot de Préameneu, Lacretelle, Ducastel, Grangeneuve, Pastoret, Delacroix, Henry-Larivière, Guadet, Goujon, Garran-de-Coulon, Couthon, Jean Debry, Becquey, Taillefer, Chabot, Cambon, Delacroix (ibid. p. 8 et suiv.) ; — l'Assemblée décrète : 1° que des expéditions des pièces relatives à cette affaire lui seront envoyées et que les personnes arrêtées continueront à rester en état d'accusation ; 2° que le pouvoir exécutif expédiera à Caen un courrier extraordinaire, chargé de rapporler au Corps législatif les expéditions par lui demandées ; 3° que le ministre de l'intérieur rendra compte des mesures prises pour arrêter ces troubles (ibid. p. 18) ; — compte rendu du ministre de l'intérieur (12 novembre, p. 29 et suiv.) ; — observations de Rouyer, Bonnet-de-Meau-try, Fauchet, Delacroix (ibid. p. 30 et suiv.) ; — ordre du jour (ibid. p. 31) ; — lettre du directoiré du district de Caen (13 novembre, p. 49 et suiv.) ; — transmission par le ministre de l'intérieur des paquets rapportés par le courrier extraordinaire (18 novembre, p. 128) ; — lettre du conseil général de la ville de Caen (ibid. p. 128); — lettre du directoire du département du Calvados (ibid. et p. suiv.) ; — renvoi de ces pièces au comité de législation (ibid. p. 129) ; — envoi de pièces par la municipalité (21 novembre, p. 301) ; — renvoi au comité de législation (ibid.) ; — lettres des officiers municipaux (27 novembre, p. 391), (30 novembre, p. 453), (4 décembre, p. 561), (10 décembre, p. 700).
§ M. Haute-Marne (Département de la). Lettres du directoire du département au sujet des empêchements
que le peuple apporte à la libre circulation des grains (13 novembre 1791, t. XXXV, p. 47 et suiv.); — renvoi au pouvoir exécutif (ibid. p. 49).
§ 3. Rennes (Commune de). Compte rendu par Lecoz des troubles qui ont eu lieu dans cette ville le 4 novembre 1791 (13 novembre 1791, t. XXXV, p. 51).
§ 4. Avignon (District d') et comtat Venaissin. 1° Compte rendu par le ministre de l'intérieur sur son état actuel (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 84) ; — rapport des commissaires du roi (17 novembre, p. 113 et suiv.) ; — renvoi au comité de législation d'une motion de Saladin relative à la composition du tribunal chargé des affaires d'Avignon (ibid. p. 116) ; — Lasource demande l'envoi d'une adresse au peuple avignonnais (18 novembre, p. 127 et suiv.) ; — renvoi au comité de législation (ibid. p. 128) ; — rapport de l'abbé Mulot, commissaire civil envoyé par le roi dans les ci-devant Etats d'Avignon et du comtat Venaissin (19 novembre, p. 169 et suiv.); — renvoi au comité de législation (ibid. p. 190) ; — annexes au rapport de Mulot (ibid. et p. suiv.) ; — mémoire de liovèrè en réponse au rapport de Mulot (ibid. p. 214 et suiv.) ; — réponse de l'abbé Mulot au mémoire de Rovère (p. 222 et suiv.); — correspondance de l'abbé Mulot avec les ministres pendant sa mission à Avignon (p. 224 et suiv.); — lettre de Rovère (20 novembre, p. 257 et suiv.) ; — renvoi au comité de législation (ibid. p. 259) ; — envoi de pièces (27 novembre, p. 396); — lecture de diverses pièces par Rovère (2H novembre, p. 419 et suiv.). — Etat des avances faites pour les dépenses ordonnées par les commissaires médiateurs (8 décembre, p. 646).
2° Tribunal criminel chargé de connaître des crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon. Rapport par Bigot de Préameneu (21 novembre 1791, t. XXXV, p. 265 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 267) ; — ajournement (ibid.) ; — Deuxième lecture du projet de décret (26 novembre, p. 372) ; —discussion générale : Un membre, Saladin, Espariat, Bigot de Préameneu, rapporteur (ibid. et p. suiv.) — adoption de l'urgence (ibid. p. 374). — Discussion des articles. — Préambule et article l" : Latané, Bigot de Préameneu, rapporteur, Mulot (ibid. et p. suiv.);— adoption (ibid. p. 375). — Article 2 : adoption avec amendement (ibid.). — Articles 3, 4 et 5 : adoption sans discussion (ibid.). — Article 6 : Saladin, un membre (ibid.) ; — adoption avec amendement (ibid.). — Article 7 : Carlier, un membre (ibid. p. 376) ; — adoption avec amendement (ibid.). — Article 8 : un membre, Jollivet (ibid.)\— adoption avec amendement (ibid.). — Article 9 : un membre (ibid.) ; — adoption avec amendement (ibid.)', — rejet d'un article additionnel proposé par Denaussy-Robecourt (ibid.).
§ 5. Carpentras (District et commune de). Compte rendu de leur état actuel par le ministre de l'intérieur (15 novembre 1791, t. XXXV, p. 84); — rapport des commissaires du roi (17 novembre, p. 113 et suiv.).
§ 6. Morbihan (Département du). Lettre au sujet des troubles survenus à l'occasion de l'installation d'un curé (16 novembre 1791, t. XXXV, p. 85); — renvoi au comité de législation (ibid. p. 86).
§ 7. Montaigu (Commune de). Compte rendu par Gensonné, dse troubles survenus à l'occasion de l'installation d'un prêtre constitutionnel (21 novembre 1791, t. XXXV, p. 271); — débat : Goupilleau, Saladin (ibid. et p. suiv.);— l'Assemblée décrète que les procès-verbaux de la démission des officiers municipaux, de l'installation du curé constitutionnel et de la nomination des nouveaux officiers municipaux lui seront envoyés (ibid. p. 272).
§ 8. Bois-de-Cené (Commune de). Compte rendu des troubles qui y sont survenus (21 novembre 1791, t. XXXV, p. 271).
§ 9 .Montpellier (Commune de.) Lettre du procureur général syndic du département (24 novembre 1791, t. XXXV, p. 348 et suiv.); — renvoi au comité de législation (ibid. p. 349) ; — lettres annonçant que le calme est rétabli (26 novembre, p. 379), (2 décembre, p. 509).
§ 10. Perpignan (Commune de) .Lettre de la municipalité au sujet des troubles survenus dans cette ville (27 novembre 1791, t. XXXV, p. 404 et suiv.); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 405).
§11. Pamiers (Commune de). Compte rendu par le ministre de l'intérieur des désordres arrivés à l'oc-a-sion des élections municipales (28 novembre 1791, t. XXXV, p. 438).
§ 1S. Brest (Commune de). Lettre du ministre de la marine sur les troubles arrivés à l'occasion de la nomination de M. Lajaille au commandement d'un des vaisseaux destinés à Saint-Domingue (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 526 et suiv.); — lettre des administrateurs du district et de la municipalité de Brest (ibid. p. 527 et suiv.); — renvoi au comité de marine (ibid. p. 529); —justifications du ministre de la marine (5 décembre, p. 587 et suiv.). — Adresse des administrateurs du département du Finistère (p. 621).
§ 13. La Pointe-à-Pitre (Commun de). Lettre des députés de la Guadeloupe concernant les événements qui se sont passés dans ceite ville le 15 septembre 1791 (3 décembre 1791, t. XXXV, p. 552);—renvoi au comité colonial (ibid. p. 553).
§ 14. Finistère (Département du). Lettre des administrateurs au sujet des troubles provoqués par un m;indernent du ci-devant évêque de Léon (5 décembre 1791, t. XXXV, p. 585).
§ 15.Besançon (Commune de).Lettre du conseil général du Doubs au sujet des troubles survenus dans cette ville (8 décembre 1791, t. XXXV, p. 660); — l'Assem-blee renvoie la lettre au comité militaire et décrète que les ministres de la guerre et de l'intérieur seront tenus de fournir des éclaircissements sur celte affaire (ibid. p. 661).
Administrateurs. Mémoire pour la construction des magasins nécessaires à l'entrepôt du commerce de l'Inde à Toulon (5 décembre 1191, t. XXXV, p. 584).
firendre contre les prêtres réfractaires (p. 365),—sur 'affaire Delattre (p. 395 et suiv.).—Fait une motion au sujet de la formation de la haute cour nationale (p. 470). —' Présente une pétition de plusieurs Français détenus à Saint-Domingue (p. 472 et suiv.). — Parle sur les troubles de Saint-Domingue (p. 490 et suiv.), — sur la mise en liberté des détenus pour mois de nourrice (p. 503), — sur les affaires de Saint-Domingue (p. 542). — Son projet de décret sur les mesures à prendre relativement à Saint-Domingue (p. 543 et suiv.).— Parle sur l'admission des pétitionnaires (p. 594), — sur les affaires de Saint-Domingue (p. 609 et suiv.), (p. 613 et suiv.), — sur l'impression d'un discours du ministre de la guerre (p. 710), — sur la lettre remise par le sieur Pacoul (p. 711).
municipaux au sujet d'une inculpation faite à leuj ville par M. Crestin (ibid. p. 450) ; — ordre du jour (ibid).
1° Rapport par Lacuée jeune sur leur organisation en bataillons (22 novembre 1791, t. XXXV, p. 302);—projet de décret (ibid. et p. suiv.); — ajournement (ibid. p. 305); — adoption de l'urgence
(10 décembre, p. 728) ; — adoption sans discussion des articles 1 à 8 (ibid.) ; — article 9 : Théodore Lameth; Gérardin, Delacroix, Voysin de Gartempe, Dumas (ibid.) et p. suiv.) ; — ajournement de l'article 9 et du reste du projet de décret (ibid. p. 729).
2" Projet de décret relatif à la revue des bataillons des volontaires nationaux (1er décembre 1791, t. XXXV, p. 499).
3° Pétition du troisième bataillon des volontaires du département de la Drôme (10 décembre 1791, t. XXXV, p. 722 et suiv.) ; — renvoi au comité militaire (ibid. p. 723).
Procureur-général-syndic. Lettre concernant le nombre et le placement des notaires (7 décembre 1791, t. XXXV, p. 622),
décrétée le 1er novembre 1791) pour être échangés dans les départements (t. XXXV, p. 692 et suiv.).
fiosition qui lui a été faite par les princes émigrés de eur livrer Neuf-Brisach (t. XXXV, p. 292 et suiv.) ; — décret (p. 295). — Lettre au général Liickner à ce sujet (p. 363 et suiv.). — Refuse de faire connaître la personne qui lui a écrit de la part des princes (p. 513).
fin de la table alphabétique et analytique du tome xxxv.
Société d'Imprimerie PAUL DUPONT. Paris, i, rue du Bouloi (CI.) 400.11.90.