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ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Paris. — Imprimerie PAUL DUPONT, 4, rue du Bouloi (Cl.) 107.10.92.
ARCHIVES PARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS AVEC LA COLLABORATION DE MM. LOUIS CLAVEAU ET CONSTANT PIONNIER.
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799)
TOME XXXXIX DU 22 FÉVRIER AU MARS 1792.
PARIS IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT 4, RUE DU BOULOI, 4
1892
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. MATHIEU DUMAS.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les Secrétaires donne lecture du tprocès-ver bal de la séance du mardi 21 février 1792, au matin.
, au nom des comités de législation et de surveillance réunis, fait un rapport sur la détention, dans la maison d'arrêt du tribunal du district de Longwy, de Jean Gircourt, vicaire à Audun-le-Tuhe, pour fait présumé dy embauche-ment (1); il s'exprime ainsi :
Messieurs, le 5 janvier 1792, le sieur Dufay, lieutenant au 7e régiment
de dragons, en garnison à Longwy, ayant reçu la nouvelle qu'un dragon,
qui était en détachement à Audun-le-Tich^, avait déserté avec armes et
bagages, s'est transporté sur les lieux, et après des renseignements, un
officier qui commandait le détachement, lui a annoncé qu'un vicaire de
l'endroit était soupçonné d'avoir déterminé la désertion: il s'est
transporté chez le vicaire; celui-ci n'y était pas ; mais, à son retour,
étant instruit que l'officier était venu dans l'intenlion d'avoir des
éclaircissements, il s'est transporté dans le lieu où il était, et a
consenti à s'expliquer avec lui. Il paraît que le vicaire a soutenu
affirmativement qu'il n était pas.coupable du délit qu'on lui imputait.
Cependant, le sieur Dufay a insisté, et a pressé cet ecclésiastique de
se rendre avec lui par devant le juge de paix. Observons, Messieurs, que
leiuge de paix n'était point le juge naturel du délit, ni de la
résidence de l'ecclésiastique, et que, par conséquent, il n'avait point
de caractère pour connaître du délit; le juge de paix lui a fait subir
un interrogatoire, et dans l'interrogatoire, il a persisté à soutenir
C'est, Messieurs, en cet état que le tribunal du district a cru qu'il devait en référer à l'Assemblée nationale. Vous avez renvoyé les pièces à vos comités de législation et de surveillance (l), ils ont vu que réellement il n'y avait pas de caractère dans le juge de paix qui a fait l'interrogatoire; que le crime de désertion n'était point établi; que la déclaration faite par le dénonciateur n'était pas même motivée suffisamment pour donner une présomption qui déterminât un mandat d'arrêt.
Les deux comités vous proposent de décréter qu'il n'y a pas lieu à accusation.
(L'Assemblée adopte les conclusions des comités de surveillance et de législation réunis.)
En conséquence, le décret suivant est rendu:
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de ses comités de législation et de surveillance réunis, décrète qu il n'y a pas lieu à accusation contre Jean Gircourt, vicaire à Audun-le-Tiche, détenu dans la maison d'arrêt du tribunal du district de Longwy. »
Un membre observe que le tribunal du district de Grenoble, saisi de la connaissance des anciens procès criminels,ne peut pas juger ceux dont il est investi sur des appels à minimâ, avant d'être parfaitement instruit si les appels interjetés par des accusateurs publics, à Vépoque du décret du 12 janvier dernier, sont ou ne sont pas supprimés.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette question à son comité de législation pour lui en faire le rapport.)
, au nom du comité de division, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur les difficultés élevées contre la nomination du sieur Jean Michel, élu membre de Vadministration du district de Metz ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, les trois lectures faites les 30 janvier dernier, 6 février et cejourd'hui, et déclaré qu'elle est en état de rendre le décret définitif, décrète :
« Que nonobstant l'arrêté du directoire du département de la Moselle, du 18 octobre 1791, confirmé par un autre arrêté du département de la Meurthe, au 11 novembre suivant, demeureront nuls et ae nul effet, le sieur Michel sera maintenu dans la place d'administrateur du district de Metz, et y reprendra les fonction* de président qu'il y a précédemment exercées. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, et adopte le projet de décret.)
Je demande la permission de faire connaître un fait qui, peu important en lui-même, peut avoir des conséquences qu'il est bon de prévenir.
Le 8 de ce mois, il a été lu à l'Assemblée nar tionale une lettre par laquelle les sieurs Poulain de La Guerche et Dutertre-des-Roches, ci-devant chanoines de l'église cathédrale d'Angers, département de Maine-et-Loire, ont l'ait nommage a l'Assemblée deleur traitement annuel pendant trois ans. Voici la lettre d'un de ces chanoines qui a appris, par les papiers publics, qu'on fait mention honorable de cette offrande, et qu'on devait lui envoyer extrait du procès-verbal. Il atteste que ni lui ni son confrère n'ont jamais fait de pareilles offres à l'Assemblée nationale, et ne sont pas les auteurs dé la lettre. (Rires.) 11 proteste de son dévouement à la patrie; mais il dit que sa fortune ne lui permet pas un pareil sacrifice; et il craint, d'après la mention honorable qui a été faite de ce prétendu don dans le procès-verbal, que le département.ne veuille pas le payer. (Rires.) Il soupçonne très fort celui qui lui a joué ce tour.
J'observe à l'Assemblée que.,c'est l'exposer très souventàdes démarches inconsidérées que dé lireàcette tribune des-lettres, des pétitions, quand l'envoi, la signature, et même l'existence des signataires ne sont point prouvés. Je demande en conséquence qu'elle renvoie, poùr cet objet, au comité d'inspebtion. En tout Cas, lé chanoine qui m'écrit demande que l'Assemblée veuille bien faire mention,, dans son procès-verbal, de ce qu'il dénie avoir offert afin que cette désignation lui serve pour toucher son traitement.
Un membre : Je demande qu'à l'avenir l'Assemblée ne fasse droit à des pétitions ou qu'elle ne prononce la mention honorable des adresses qui lui sont envoyées qu'après s'être assurée de l'existence des individus qui les ont souscrites.
Plusieurs membres : L'ordre du: jour !
Il serait peut-être prudent de ne recevoir aucune pétition ou lettre
Je demande le rapport du décret qui a ordonné la mention honorable de la lettre des chanoines.
Plusieurs membres présentent à ce sujet diverses observations.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Chéron-La-Bruyère et renvoie la réclamation des chanoines au comité des pétitions.)
Je suis chargé par deux citoyens, qui demandent à rester inconnus, de présenter a l'As-emblée, non point des lettres dont on ne connaît point la signature, mais 965 livres^ en bons et vrais assignats : le premier est un négociant suédois, qui, dépuis un an et demi, est venu demeurer en France; il fait hommage à sa nouvelle patrie d'une somme de 600 livres en assignats qu'il désire voir employer pour la solde de deux volontaires aux frontières ; le second est un artiste de Lille, un vieillard âgé et infirme, qui, lors de la fuite du roi, avait fait le vœu de payer un garde national pour aller aux frontières ; il nra envoyé 300 livres en assignats, ensuite 65 pour compléter les 3 mois, depuis le mois de juin jusqu'au mois d'octobre; je prie l'Assemblée d'accepter ces dons, et d'en faire mention honorable.
(L'Assemblée accepté ces dons et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-ver-bal.) ,
, secrétaire, donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Arrêté du directoire du département de Loir-et-Cher, du 31 janvier.dernier, priant l'Assemblée nationale d'autoriser l'administration de ce département à charger le commissaire faisant fonction de procureur-syndic du district de Blois, de convoquer les électeurs pour la nomination aux deux places vacantes, par démission, dans lé directoire du même district. ou d'indiquer tels autres moyens que sa sagesse lui suggérera, pour qu'il soit pourvu à ces places, et que le directoire du district de Blois recouvre sa pleine activité', les suppléants et tous les membres du conseil, successivement requis, ayant refusé;
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette question au comité de division.)
2° Pétition d'un grand nombre de citoyens d'Auxerre,,qui supplient l'Assemblée nationale de bâter l'envoi dès , cou pures ; d'assignats nouvellement décrétées, et si nécessaires pour faire cesser l'agiotage et soulager le peuple, opprimé par la rapacité des accapareurs.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des assignats et monnaies.).
3° "Lettre des cofmmissaires de la Trésorerie nationale, du 22 de ce mois, qui rendent compte des nombreuses et pressantes sollicitations des cré^ anciers des princes français, frères du roi, mis en état d'accusation. La loi du séquestre a sus-pendu le payement de leurs créances, qui, en vertu d'une loi antérieure, était pris sur leurs rentes apanagères. A cette lettre est joint un mémoire par lequel les administrateurs, séquestres des sommes qui sont distribuées chaque semaine aux créanciers des princes français, demandent que ces sommes continuent à leur être distribuées, pour être employées au payement des gages des officiers résidant en France, des cré-
anciers, rentiers viagers, et anciens domestiques pensionnaires auxquels elles sont destinées.
Je pense que l'Assemblée ne peut immuler la justice et l'humanité en char-eant des créanciers de la peine due à leurs dé-iteurs, en privant des citoyens innocents, si longtemps victimes, des ressources sur lesquelles ils ont des droits garantis par la loi. Je demande que la suspension soit levée.
appuie les observations de M. Gou-pilleau. La loi du séquestre ne lui paraît pas abrogatoire de la loi établissant les droits des créanciers.
Un membre observe que la lettre des commissaires de la Trésorerie trappe moins sur la rente apanagère, que sur le million accordé à chacun des princes pour l'acquit de leurs dettes.
(L'Assemblée renvoie la lettredes commissaires de la Trésorerie et le mémoire au comité de l'ordinaire des finances et à la commission centrale pour en mettre l'objet au premier ordre du jour.)
4° Pétition des fabricants de jayet de Sainte-Colombe, du Peyrat et de la Bastide, département de VAriège, qui sollicitent avec instance un décret qui affranchisse le jayet brut, à son entrée dans le royaume, des droits auxquels il est assujetti, dans le tarif des traites, décrété par l'Assemblée constituante.
jeune. Il est instant que l'Assemblée veuille bien charger la commission centrale de mettre à l'ordre du jour le rapport du comité de commerce, sur les rectifications à faire au tarif des traites, décrété par l'Assemblée constituante, parce qu'une innnité de matières premières, notamment le jayet, ont été assujetties par erreur, à un droit excessif d'importation, droit qui détruit nos fabriques et réduit à la mendicité plus de 20,000 ouvriers,
(L'Assemblée renvoie la pétition des fabricants de jayet aux comités d'agriculture et de commerce réunis et à la commission centrale, pour être mis à l'ordre du jour de la séance de samedi soir.)
5° Lettre des administrateurs composant le directoire du département de VOise au sujet des derniers troubles de Noyon et Compiègne; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Beauvais, le
« Monsieur le Président,
« Le ministre de l'intérieur nous a fait passer par un exprès, le 19 de ce mois, le décret de l'Assemblée nationale du 18, sanctionné le même iour, pour rétablir, dans le département de l'Oise, la libre circulation des grains.
» Nous nous empressons d'exprimer toute notre sensibilité au témoignage d'approbation que l'As^ semblée nationale a bien voulu donner à notre conduite dans cette circonstance.
« Nous n'ignorons pas à combien de calomnies nous étions en butte depuis
quelque temps, mais nous étions bien loin de prévoir les effets qu'elles
avaient produits, et c'est parce que nous connaissons des haines
jalouses qui les ont conçues, forgées et distribuées que nous
nousabstiendrons d'entrer dans de plus longs détails sur toutes ces
noirceurs.
« Nous plaignons les malheureux qui cherchent à se jouer ainsi du patriotisme de l'Assemblée nationale.
« Nous sommes des hommes, et dans le cercle immense d'affaires dont nous sommes entourés, avec le peu de temps qu'on nous laisse pour les terminer, des fautes, peut-être même des erreurs graves, doivent nous échapper; mais de ce tribut qu'il faut payer à la faiblesse humaine, il y a loin jusqu'aux sentiments pervers que la malignité voudrait nous imputer. ;
Les corps administratifs ont besoin de la confiance des administrés, et c'est surtout à. l'Assemblée nationale à les investir de cette considération qui leur est nécessaire pour remplir avec quelque succès leurs pénibles fonctions. Les administralionselles-mêmespeuventaussi rendre à l'Assemblée nationale quelque chose du lustre et de l'autorité qu'elles en empruntent.
« Malgré tout ce qu'on a pu dire de nous, Monsieur le Président, soyez sûr que voilà, de tous nos devoirs, celui que nous avons sans cesse le plus à cœur. Nous ne pouvons avoir d'autre existence que celle de l'Assemblée nationale; ce serait même entendre bien mal nos intérêts que de chercher à séparer notre gloire de la sienne, et lorsqu'on attache autant de prix que nous le faisons, aux marques d'approbation que l'Assemblée vient de nous donner, croyez, Monsieur le Président, qu'on partage tous les sentiments qui l'honorent, plus que ne le voudraient sans doute les ennemis qui nous en prêtent d'autres. (.Applaudissements.)
« Les administrateurs composant le directoire du département de l'Oise.
« Signé : Le Grand, Mouret, De Laon, Simon, Du Bourg. »
Suit la note de la situation actuelle de rassemblement de Compiègne et de Noyon, département de l'Oise.
Rassemblements de Noyon et Compiègne.
Etat de situation (1)
« La loi du 18 février a été remise fort tard le dimanche suivant au directoire par un courrier qui s'était égaré.
« Le directoire a requis l'officier général qu'il retenait à Beauvais de se retirer vers Je pouvoir exécutif à l'effet d'en obtenir assez de forces pour en imposer par leur seule présence, et faire exécuter la loi sans effusion ae sang.
« Par la même délibération, le directoire a nommé trois commissaires, MM> Dauchy, Michet Damerville et Budin pour suivre toutes ces opérations.
« Le lundi, le directoire aprisun second arrêté. Il a prié M. Dauchy, dont aucune fatigue ne peut suspendre le zèle, ae se rendre à Compiègne pour suivre tous les mouvements du rassemblement, et nous en informer par le moyen de la gendarmerie nationale que le directoire a fait disposer et distribuer à cet effet.
« Cette précaution est absolument nécessaire, les districts et les
municipalités s'obstinant à vou-
« Les nouvelles que le directoire a reçues hier au soir par l'exprès qu'il avait dépêche jeudi à M. Daucny, apprennent que tout est tranquille à Compiègue, mais la fermentation est toujours la même dans les environs de Noyon; la crainte a tellement glacé les esprits dans le directoire de ce district, que les administrateurs n'osent pas même faire paraître l'instruction du département.
- « On courrier envoyé par le ministre de Iaguerre arrive en ce moment (une heure après midi); il apporte des dépêches qui annoncent, pour demain il, l'arrivée des troupes à Compiègne, sous le commandement de M. de Witinkuf. Les deux commissaires qui restaient parmi nous vont partir sur-le-champ.
« 21 février 1792. »
« Signé : Du BOURG. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour appelle un rapport du comité de législation sur cette question : » à compter de quel jour les lois sont-elles obligatoires pour les ministres? »
Un membre, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet ae décret, non sur cette question générale, mais sur celle de savoir si, depuis la sanction de la loi du 29 septembre djrnier, concernant les notaires, le ministre de la justice auait pu expédier des provisions; il s'exprime ainsi :
Messieurs, un des grands bienfaits de la Révolution est la suppression de la vénalité des offices; c'est le passage de ce système de vénalité au nouvel ordre de choses, qui a entraîné le plus de difficultés. Dans votre séance du 17 octobre dernier, le ministre de la justice fut dénoncé par un pétitionnaire comme ayant donné des provisions de notaire 8 jours après la sanction du décret du 29 septembre qui supprime la transmissibiiité de ces offices (1).
Quelques instants après, le ministre de la justice vint lui-même vous
exposer les faits telsSu'ils s'étaient passés, et les motifs de sa
con-uite dans cette circonstance (2). Il convient que, depuis le t>
octobre, jour auquel le décret du 29 septembre avait été sanctionné, il
avait accordé des provisions de notaire au sieur Carpen-tier, sur la
résignation du Èiieur Dosfan en observant cependant qu'il avait cru
pouvoir les accorder jusqu'après la promulgation de la loi du 6 octobre
; il ajouta que plusieurs autres maîtres-clercs venaient de se présenter
chez lui pour obtenir de semblables provisions sur des résignations
faites* en leur faveur; qu'il leur avait .répondu qu'il croyait pouvoir
leur en accorder jusqu'à ce que la nouvelle loi eût été pùbliée, mais
que, maintenant, comme on lui avait fut naître sur cela des doutes, il
voulait en référer à l'Assemblée nationale, qu'il sur
Il demanda, en conséquence, que l'Assemblée nationale voulût biendéterminer a quelle époque, de la sanction ou*de la promulgation des lois, devait commencer pour lui l'exécution des lois, en proposant qu'en cas de renvoi de cette question à un de ses comités, FAssemblée nationale voulût bien réserver les droits des citoyens qui s'étaient présentés cliez lui pour obtenir des provisions de notaires avant la publication de la loi du 6 octobre.
Cette proposition, convertie en motion par un membre de l'Assemblée, fut écartée par la question préalable, comme étant superflue, et le renvoi pur et simple au comité de législation fut décrété.
La première section de votre comité a examiné ae quel jour les l»is devaient être obligatoires pour les ministres ; si c'est du jour de la sanction ou de la publication; et, à cet égard, il a cru devoir distinguer deux espèces de loi, celles qui ont pour objet de régler les droits civils de tous les citoyens, comme celles concernant les successions, destitutions et autres semblables, et celles relatives à la distribution de la puissance publique, comme les lois concernant la création ou la suppression des emplois publics. Quant aux lois de la première classe, îe principe général étant qu'elles n'obligent lés citoyens que du jour de leur publication, il a pensé qu'il ne pouvait obliger les ministres que ae la même époque. Quant aux lois de la seconde classe, votre comité a pensé que, dans la rigidité des principes, elles devaient être obligatoires pour les ministres, du jour de la sanction royale; et cette idée servira de base à un projet de décret qui vous sera présenté incessamment, pour déterminer, avec précision, à compter de quel jour les lois seront obligatoires, non seulement pour le ministre, mais encore pour toutes les autorités constituées.
Quoi qu'il en soit, votre comité n'a pu se persuader que ce fût d'après les principes ou d'après ces abstractions, que les questions particulières qui se présenteraient pussent être décidées. En effet, Messieurs, vous avez bien le droit de faire des lois, mais vous n'avez pas celui de leur donner un effet rétroactif qui préjudicierait à des tiers. La loi que vous porteriez aujourd'hui ne pourrait être applicable à des faits antérieurs ; l'avenir seul est soumis au pouvoir du législateur, et le pas-;é ne l'est qu'au pouvoir judiciaire. Ainsi, pour décider les questions que vous lui aviez renvoyées, votre comité n'a dû se déterminer que d'après les lois existantes. Or, non seulement il ; n'existait aucune loi portait que les ministres fussent obligés, par les décrets du Corps législatif, dès l'instant de la sanction, mais il en existait une qui décidait formellement le contraire.
Rappeliez vous, Messieurs, la fameuse nuit du 4 août et jours suivants.
L'article 7 de ces décrets avait supprimé, dès cet instant, la vénalité des charges de judica-ture : ces décrets, sanctionnés par le roi, avaient été promulgués par lettres patentes du 3 no-, vembre suivant, et dès lors, elles étaient devenues lois du royaume, aux termes de la Constitution; cependant, le 16 du mois de novembre, l'Assemblée nationale constituante décréta, qu'à compter du jour de la promulgation du présent décret, il ne serait plus expédié ni scellé aucune provision, ni résignation, vente, où autre
genre de vacances des offices de judicature compris au décret du 4 août, sauf à être provisoire-ment.expedié des provisions pour l'exercice des fonctions de magistrature; en cas de nécessité, le ministre de la justice pouvait donc raisonner ainsi : l'Assemblée nationale constituante, par son décret du 16 novembre 1789, a supprimé l'expédition des offices de magistrature, à compter du jour de l'anéantissement de la vénalité des charges de judicature, et même elle n'a défendu d'en accorder de nouvelles, qu'à compter du jour de la promulgation de ce décret, ce qui suppose que, jusque-là, il pouvait encore en être accordé ae nouvelles; elle a donc pensé qu'on pourrait expédier des provisions d'office, quoique la vénalité de ces offices eût été supprimée précédemment. Elle a donc pensé que les lois n'obligeaient indistinctement les ministres, comme les autres citoyens, que du jour de leur promulgation; le ministre pouvait encore fonder son opinion sur une loi subséquente, celle du 5 novembre 1790, concernant la publication des lois, dans laquelle l'Assemblée nationale constituante déclare que les lois sont obligatoires, du moment où la publication a été faite, sans faire aucune distinction entre les ministres.
En examinant, sous ce premier rapport, les questions qui lui ont été envoyées, le comité s'est convaincu que le ministre de la justice avait pu, jusqu'à la publication de la loi du 6 octobre, accorder des provisions de notaire, sur vente, résignation, ou autre genre de vacance de ces sortes d'offices et que les mêmes motifs de justice et d'équité qui, sans doute, avaient deierminé l'Assemblée constituante, dans une circonstance parfaitement semblible, devait aussi déterminer votre décision dans celle-ci, mais il y a aussi un second rapport non moins Favorable, sous lequel cette affaire a paru à :votre com té devoir être examinée, rapport essentiellement lié au progrès successif de votre nouvelle législation en matière civile.
Je crois devoir rappeler ici succinctement ces dispositions. Le 4 août 1789, l'Assemblée constituante supprima la vénalité des offices de judicature; mais elle permit aux juges supprimés de continuer leurs fonctions ju-qu'à l'établissement du nouvel ordre judiciaire. Elle permit encore au pouvoir exécutif de donner des commissions pour l'exercice des fonctions de juge, dans le cas où il le trouverait convenable, jusqu'à la formation du nouvel établissement judiciaire. Vint ensuite la Constitution française. Elle porte qu'il n'y â plus ni vénalité, ni hérédité dans un office public. J'observe que ce n'était là qu'un principe, duquel devaient émaner des lois subséquentes. Ennn, est venue la nouvelle organisation du 6 octobre. D'abord, cette loi supprime la vénalité et l'hérédité des offices des notaires royaux. Elle supprime ensuite ces offices eux-mêmes, en décrétant que les offices supprimés seront désormais remplis par des notaires publics, et jusqu'à ce remplacement, elle leur permet de continuer l'exercice de leurs fonctions; mais ce n'est pas assez pour l'intérêt de la société, que les anciens notaires eussent cette faculté de continuer leurs fonctions jusqu'à leur remplacement. Comme plusieurs d'entre eux pouvaient décéder avant cette époque, ou renoncer volontairement à l'exercice de leurs fonctions, afin que le service public ne souffrit plus aucune interruption, il fallait qu'on pût obtenir des provisions. Je dis même que cette mesure était indispensable, parce que le premier établissemeut des notaires pu-
bli« s se trouvait subordonné à des opérations ui entraînaient nécessairement des longueurs ont on ne pouvait voir avec précision ce terme. Qu'à défaut d'une loi antérieure qui eût déclaré les lois obligatoires pour les ministres dès 1 instant de leur sanction, celle du 6 octobre dernier concernant les notaires n'était obligatoire pour les ministres ni pour les autres citoyens qu'à compter du jour de sa publication et qu'ainsi, il avait pu accorder des provisions de notaires antérieurement à cette publication, d'autant mieux que la loi du 6 octobre ne contient aucuiie disposition prohibitive à cet égard.
Le comité a pensé que quand le ministre serait répréhensible d'avoir accordé de semblables provisions depuis la sanction de la loi du 6 octobre, cela ne pourrait jamais préjudicier à ceux qui, en vertu de pareilles commissions, ont été reçus dans l'exercice des fonctions de notaires et qui se trouvent aujourd'hui en possession publique de leur état, et que d'ailleurs cet objet ne serait nullement de la compétence du Corps législatif, mais seulement du pouvoir judiciaire. Il a pensé enfin, que, quand même le ministre de la justice n'aurait pas pu accorder de provision proprement dite, depuis la sanction de la loi du 6 octobre, il aurait pu accorder des commissions de notaires, pour occuper des places devenues vacantes, sinon jusqu'à l'établissement des notaires publics, effectué du moins, jusqu'à la publication de la loi du 6 octobre et qu'à ce moyen, si les provisions par lui accordées avant cette époque ne pouvaient valoir en celle qualité, elles vaudraient toujours comme simples commissions, ce qui reviendrait au même pour ceux qui les auraient obtenues.
Quant aux autres signataires ou acquéreurs d'offices royaux de notaires qui, avant la publication de la loi du 6 octobre, ont fait leurs diligences auprès du ministre de la justice pour Obtenir des provisions et dont l'expédition a été suspendue a raison des difficultés énoncées jusqu'à la décision du Corps législatif, votre comité a pensé que, comme d'après les lois anciennes et pendant le régime tle la vénalité, la cô cession des provisions était regardée comme un acte gracieux de la part du roi, les réquisitions faites auprès du ministre de la justice n'avaient pu acquérir aucun droit rigoureux à ceux qui avaient obtenu cette concession, mais il a pensé en même temps qu'attendu que le premier établissement des notaires publics n'existe véritablement pas encore et qu'il ne peut exister de quelque temps, vous concilierez ce qu'exige la rigueur des principes avec les règles d'une équité secourable en les renvoyant au pouvoir exécutif qui pourra, s'il le juge nécessaire et sous la responsabilité de son ministre, leur accorder de simples commissions de notaires en remplacement de ceux qui se sont démis en leur faveur. Le projet de décret est conforme aux bases développées daus le rapport.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité de législation, que plusieurs citoyens acquéreurs ou résh,rnataires d'offices royaux de notaires, ont les uns olJienu les autres requis des provisions du sceau, depuis la sanction et avant la publication du décret du 29 septembre dernier, sur la nouvelle organisation du notariat, voulant faire cesser au
plus tôt les difficultés qui se sont élevées à cet égard, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Tous acquéreurs ou résiemataires
d'offices royaux de notaires ou tabellions, qui auront obtenu des
provisions ou des commissions du sceau avant la publication de la loi du
6 octobre, sur la nouvelle organisation du notariat, et auront été reçus
aux formes ordinaires, jouiront des avantages accordés par ie titre 11
ae cette loi, à ceux qui, à l'époque du premier établissement des
notaires publics, se trouveront en exercice. »
« Art. 2. Ceux desdits acquéreurs ou résignataires qui, après avoir fait leurs diligences pour obtenir de semblables provisions ou commissions avant la publication de la loi du 6 octobre, viendront à en obtenir, avant la formation du premier établissement des notaires publics, et auront été reçus, d'après les examens de droit, jouiront des avantages énoncés en l'article précédent. »
Plusieurs membres : L'impression du projet de décret 1
Je demande la question préalable sur le projet de décret et à plus forte raison sur l'impression, et voici mes raisons : le comité vous propose de décréter que ceux qui ont obtenu des provisions de notaires dans l'intervalle écoulé depuis la sanction jusqu'à la publication de la loi, jouiront paisiblement de leurs offices; il vous propose de décréter que ceux qui se sont pourvus au sceau avant la promulgation de la loi se retireront par devant le pouvoir exécutif qui pourra leur donner des commissions. Je soutiens, moi, Messieurs, que Je Sou voir exécutif n'a pu accorder de provisions ans l'intervalle qui s est écoulé depuis la sanction jusqu'à la promulgation et qu'il ne pourrait, dans l'espèce actuelle, accorder de commission à ceux qui se sont présentés au sceau avant cette promulgation. Ma preuve sera complète si je démontre que les vendeurs n'ont pu vendre, que les acquéreurs n'ont pu acheter et que le pouvoir exécutif n'a pu pourvoir.
Ce n'est pas seulement, Messieurs, la loi du 3 novembre 1789, qui a interdit la vénalité des offices de notaires comme de tous autres; mais c'est l'Acte constitutionnel lui-même : et c'est depuis la promulgation de la Constitution que le ministre s'est permis d'accorder des provisions. La Constitution a dit en termes formels : il n'y a plus de vénalité ni de transmissibilité d'offices pour aucun Français. (Applaudissements.) Si ces ^résignations pouvaient être admises de- Îtuis la loi dû 6 octobre, il eh résulterait d'ail-eurs une dépense considérable. Les offices des notaires doivent être remboursés, mais avec une retenue proportionnée à leur ancienneté; ceux au contraire qui datent d'une époque postérieure à 1785 n'éprouvent aucune réduction; ainsi si l'on ne suspendait les ventes, Je Trésor public éprouverait pour les offices, actuellement concédés, la porte de la non-réduction. Il est donc évident que ceux qui étaient propriétaires d'offices postérieurement à l'acceptation de la Constitution ne pouvaient les vendre, et les acheteurs n'ont pu, de leur côté, acquérir; car, dès
que la vente était interdite, l'acquisition l'était aussi.
Je vais plus loin, et je suppose que les propriétaires d'offices eussent pu les transporter, qu'on eût pu les acquérir. Je soutiens qu'a 1 époque à laquelle on en a demandé, le pouvoir exécutif ne pouvait pas en accorder. En effet, reportons-nous, pour un instant, à l'ancien régime. L'office était le droit accordé à un citoyen, en vertu des provisions qu'il avait obtenues d'exercer telle ou telle fonction de l'ordre civil. Mais ce particulier ne pouvait pas se donner un successeur, car on avait conservé cette fiction de droit d'après laquelle ce n'était pas le contrat de vente qui faisait l'officier, mais les provisions émanées du Trône, et, réellement, il arrivait assez souvent que l'acquéreûr ne recevait pas de provision, et alors la vente était nulle! Ces provisions étaient purement gracieuses, il dépendait du roi de les accorder ou de les refuser. Or, je demande à tous ceux qui m'écoutent comment il est possible de supposer que le roi,^tant le maître d'en accorder ou d'en refuser, ait pu accorder des provisions pour exercer cet état postérieurement à un décret qu'il avait rendu loi de l'Etat en la sanctionnant et qui défendait la vente de ces mêmes offices. Ainsi, puisque le contrat ne transportait pas le droit d'office, puisque c'étaient les provisions, le roi ne pouvait pas, sans être en contradiction avec la loi, lès accorder. II est donc évident qu'elles sont nulles de droit et qu'il ne peut plus en être délivré de nouvelles.
Je conclus en demandant la question préalable contre le projet du comité. (Applaudissements)..
Il est clair comme le jour que le pouvoir exécutif n'a jamais pu délivrer de provisions à partir du moment où il a accepté la Constitution, M. Tardiveau l'a prouvé. Mais mon objet est de répondre à des observations présentées par le comité et auxquelles M. Tar--aiveau n'a point répondu. Le comité de législation vous a dit que, le 4 août, l'Assemblée constituante avait supprimé formellement les offices de judicature, mais qu'en même temps elle avait laissé la faculté de délivrer des commissions. Je dis qu'il y a ici une grande erreur : lorsqu'on a supprimé les offices de judicature, l'on a dit : ceux qui ont des fonctions acquises ne pourront en exhiber les titres que comme quittance de finance; mais, comme il faut enc re rendre la justice, on pourra donner des commissions particulières pour exercer en qualité de juge. A cette époquev Messieurs, l'Acte constitutionnel n'était point fait, mais depuis qu'il est terminé, il n'est plus permis de .faire des concessions ni d'accorder des provisions, et, dès lors, l'argument qui nous a été fait tombe absolument (le lui-même.
Mais, vous a-t-on dit, par la loi relative aux notaires, le pouvoir exécutif pouvait, jusqu'à la promulgation, accorder des provisions. D'abord, il y a une erreur de fait. La loi qui a supprimé les notaires n'a point donné ail pouvoir exécutif le droit de délivrer des commissions jusqu'au moment où le mode qui était prescrit pour la réception serait en vigueur. On a dit simplement que ceux qui avaient des commissions ou des provisions continueraient d'exercer, mais cette disposition n'est point du tout celle dont on voudrait vous faire saisir le sens. Relativement, Messieurs, à l'obtention des provisions, rien ne peut la légitimer; il n'y a, dans la loi de
suppression, aucune énonciation gui puisse tolérer même l'expression de provisions de la part du roi et du ministre de la justice. Il faut qu'en même temps que l'Assemblée déclarera qu'il n'y a pas lieu à délibérer, elle déclare également que tous les traités faits sont nuls, et que nulles provisions ne pourront être délivrées.
L'Assemblée nationale avait renvoyé à son comité de législation non point à statuer sur une exception, mais bien à proposer une loi sur la question de savoir à quelle époque de la sanction ou de la proclamation, les lois sont obligatoires, soit pour les ministres, soit pour les autres citoyens. On vous propose aujourd'hui un projet de loi sur une exception. Moi, je prétends que pour que l'Assemblée statue sur une exception quelconque, il faut que la loi soit faite sur la queslion générale.
Je demande donc, quant à présent, la question préalable sur l'exception jusqu'à ce que le comité ait fait son rapport sur la loi générale.
Messieurs, l'Assemblée nationale s'est prescrit, par son règlement, l'obligation de n'ouvrir une délibération sur les projets de décret qui lui seraient présentés avec urgence, qu'après en avoir décrète l'impression. Ce serait une singulière manière d'éluder une question aussi simple que de demander la question préalable et d'emporter des décisions aussi légèrement sur des questions aussi importantes.
Vous avez du voir, Messieurs, par les opinions qui ont été prononcées, qu'elles dérivaient toutes es principes qu'il faut examiner et peser attentivement. Je dirai même que les opinants n'ont pas seulement abordé la question prin-inale, qui est de savoir comment on pourvoira à rétablissement des notaires, avant que l'institution soit réglée. D'ailleurs, comme on l'a observé, le comité n'a pas rempli la mission qui,lui avait été donnée, de fixer à quelle époque les lois seraient obligatoires pour les ministres. Ainsi, rien n'est encore éclairci, le doute reste entier : il faut que l'Assemblée ait un moyen de s'éclairer, de uiscuterles principes; en conséquence, je demande que le projet de décret soit imprimé, et la discussion ajournée.
Plusieurs membres parlent successivement; les uns demandent la question préalable sur le projet de décret ; les autres, l'impression et l'ajournement; d'autres, enfin, demandent l'ordre du jour.
Je demande l'ajournement de la question incidente jusqu'à ce que le comité ait fait son rapport sur la question principale.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)
reproduit, sous la forme d'un préambule de décret, les arguments de M. Tardiveau auxquels il ajoute de nouveaux développements. Il propose la question préalable qu'il motive par la Constitution même.
appuie les observations du rapporteur.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur le fond.
(L'Assemblée ferme la discussion sur le fond.)
Je m'oppose à la question préalable pure et simple et je demande à faire un
amendement. En ajournant la question générale, ou trouverait un moyen d'éluder la responsabilité, car on ne peut donner aux lois un effet rétroactif. Il ne s'agit pas de faire une loi nouvelle. Si le ministre a violé la loi, il doit être puni. Ainsi, avant de juger la question proposée par le comité, ou la rejeter, il faut savoir si la loi a été pu non violée.
Le fait qu'il est important de relever, c'est que l'Assemblée attendait et que l'on avait mis à l'ordre du jour la question principale de savoir de quel jour les lois seraient obligatoires pour le pouvoir exécutif; or, cette loi est arrêtée au comité de législation, et je n'ai pas vu sans étonnement qu'on vous ait apporté la loi secondaire qui ne peut être rendue qu'après que le principe sera posé.
Je demande que, cessant toute discussion sur ce point, on fasse le rapport de la loi qui est à l'ordre du jour.
Je demande la parole sur la manière de poser la question. Je m'oppose à ce qu'on renvoie au comité la question générale de savoir à quelle époque les lois sont obligatoires pour les ministres, et à ce qu'on détourne la la question de ses termes. Je dis que quand le ministre de la justice est venu si modestement la présenter à l'Assemblée nationale, il n'a affecté tant d'ignorance sur un objet aussi clair que pour couvrir les fautes qu'il avait commises, et tendre un piège à l'Assemblée, en obtenant d'elle une décision qui prouverait que la difficulté était réelle. 11 sentait, én effet, que sans cette décision il ne pourrait se disculper.
M. le Ministre de la justice a délivré fies commissions, depuis l'acceptation de la Constitution qui proscrit la vénalité des offices, et il est venu vous-dire : les lois ne sont obligatoires pour les citoyens que du jour de la promulgation ; existe-t-il une autre loi pour les ministres? Si le ministre avait passé un marché comme citoyen avant la^ promulgation de la loi, je dirais qu'il aurait agi en mauvais citoyen qui feindrait de ne pas connaître la loi ; mais il a feint d'ignorer que c'était Une chose absurde que de demander si, lorsque le pouvoir exécutif venait d'imprimer le dernier caractère de loi à un décret, parla sanction, il pouvait néanmoins faire un acte contradictoire à cette même loi. Le ministre ne pouvait alors ignorer cette contradiction, il ne pouvait pas ignorer qu'il agissait directement contre une loi existante pourlui; car la loi est loi dès l'instant que le décret est sanctionné. En effet, il s'agit ici d'actes faits par lui comme agent du pouvoir exécutif. Si la loi n'est obligatoire pour les citoyens que du jour de sa promulgation, c'est parce qu'elle ne peut être exécut e que lorsqu elle est connue. Or, elle est connue du pouvoir exéeutif du moment de sa sanction et, par conséquent, obligatoire pour lui dès ce moment. Elle a, par la sanction, le caractère d'une loi pour le pouvoir exécutif surtout, qui ne peut pas l'anéantir d'une main, tandis qu'il l'a sanctionnée de l'autre.
Ainsi, Messieurs, j'ai eu raison de dire que le ministre, en venant demander à l'Assemblée nationale de fixer à quelle époque les lois étaient obligatoires aux ministres, avait eu l'intention de couvrir la faute qu'il avait commise et qu'il avait voulu prouver la nécessité d'une décision, en engageant l'Assemblée nationale à en prononcer une. Ce n'est donc pas dans les termes qu'on vous propose qu'il faut poser la question.
Elle est trop claire, cette question, pour être ainsi posée. Mais je demande qu'en adoptant la question préalable sur le projet du comité, la question à discuter soit posée ainsi : Le comité de législation sera chargé de faire un rapport sur le genre de responsabilité qu'a encourue le ministre de la justice pour avoir accordé des provisions. (Applaudissements.)
Je demande la parole pour un fait.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
Un membre : Je dèmande à parler pour prouver à l'Assemblée que la question proposée par M. Vergniaud n'est pas claire. (Murmures.)
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets d'abord aux voix la guestion préalable, quant à présent, sur le projet de décret du comité. (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur le projet de décret du comité.)
Je mets aux voix la motion de M. Vergniaud.
Plusieurs membres : La question préalable!
Plusieurs membres demandent le rnvoi de toutes les propositions au comité de législation en le chargeant de faire un rapport sur la question générale, telle qu'elle était inscrite sur le tableau de travail. (Appuyé ! appuyé !)
On demande maintenant que je mette aux voix la proposition de renvoyer au comité toutes les propositions pour qu'il fasse son rapport sur la question générale.
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Vergniaud!
Plusieurs membres : La question préalable!
consulte l'Assemblée et prononce que la priorité est refusée à la motion de M. Vergniaud. (Viues réclamations.)
Je crois que l'incertitude qui régné dans l'Assemblée ne vient que de ce que la question a été mal posée. On a pensé que la manière dont elle était posée préjugeait la responsabilité encourue par le ministre. Je l'ai cru ainsi. Mais ce n'est pas l'intention de M. Vergniaud qui ne demande le renvoi que pour savoir s'il y a ou non à exercer la responsabilité.
Puisqu'il y a du dissentiment, je demande à poser ainsi la question : Le comité de législation sera chargé d'examiner s'il y a lieu ou non à la responsabilité du ministre de la justice, pour avoir expédié des provisions d'offices de notaires, depuis et après la sanction de la loi du 29 septembre, et quel est le genre de celte responsabilité. (Réclamations.)
Un membre : La manière dont M. Vergniaud pose la question est inconséquente. (Murmures.)
M. Vergnîkud ne peut pas changer la proposition qu'il a faite/ elle ne lui appartient plus, elle appartient à 1 Assemblée.
Je ne veux pas être accusé de vouloir enlever par surprise un décret de l'Assemblée. Dans mon opinion, il n'y a pas de doute que le ministre ne soit coupable, mais mon opinion ne doit point faire loi. D'après ce rapport qui vous sera fait par le Comité de législation, guelles que soient les conclusions de ce rapport, je ine réserve bien alors de soutenir mon opinion, et d'autres, sans doute, qui pensent comme moi la soutiendront aussi.
Un grand nombre de membres : Oh oui ! oui !
Ainsi, je demande que l'on adopte la dernière proposition que j'ai faite, afin que nous puissions prononcer, après un mùr examen, sans que l'on puisse se plaindre.
Je mets aux voix le renvoi au comité, motivé ainsi que l'a fait M. Vergniaud.
(L'Assemblée décrète presque unanimement le renvoi proposé par M. Vergniaud, et passe à l'ordre du jour sur les autres propositions.)
Un membre : Je demande que le rapport soit fait à jour fixe !
Je demande la parole pour un fait!
Plusieurs membres : Non ! non! L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
insiste pour avoir la parole.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Merlin sera entendu.)
Messieurs, vous venez de renvoyer à voire comité de législation la proposition de M. Vergniaud; je demande que vous y envoyiez aussi celle-ci : « Si le ministre n'a pas eu le droit de donner des provisions pour des offices cédés, a-t-il eu le droit de créer des charges ? » J'observe que le ministre de la justice a créé une charge de notaire en faveur du sieur Beville,de Saint-Denis, et une autre en faveur d'un citoyen de Bar. Le tribunal de Bar n'a pas voulu enregistrer les provisions de celui-Ci, mais celles du particulier de Saint-Denis l'ont été au tribunal des Petits-Pères de Paris. Je demande le renvoi de ces faits au comité de législation pour être compris dans son rapport sur la question déjà renvoyée.
(L'Assemblée ordonne le renvoi demandé par M. Merlin.)
Un membre ;-Jè demande que le rapport soit fait sous huitaine !
Plusieurs membres :Le renvoi au comité central!
(L'Assemblée renvoie au comité central pour fixer le jour.)
Je demande aussi la parole pour un fait.-J'ai dans les mains des lettrés de surséance ou de répit, accordées par le ministre de la justice, le 30 octobre 1791, pour soustraire des débiteurs auK justes poursuites de leurs créanciers. Je dénonce ce fait à l'Assemblée nationale, parce qu'au 30 octobre 1791,1a Constitution était faite, les pouvoirs définis, l'ordre judiciaire établi, et qu'une lettre de surséance qui accorde un privilège au débiteur contre son créancier, est un acte qui interrompt le cours de la justice : or, ni le Corps législatif, ni le pouvoir exécutif, ne peuventexercer le pouvoir judiciaire Je demande e renvoi de ma dénonciation au comité de législation pour savoir quelle espèce de responsabilité a été encourue par le ministre de la justice pour cette contravention à la loi qui a supprimé l'usage des lettres royales qui s'expédiaient autrefois à la chancellerie. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne le renvoi demandé par M. Quinette.)
L'ordre du jour appelle un rapport du comité de légUlation sur le mode de la responsabilité des ministres.
, au nom du comité
de législation, fait un rapport et présente unpro-jet de décret sur le mode de la responsabilité des ministres (1); il s'exprime ainsi :
Messieurs, de fréquentes dénonciations contre les ministres ont été faites à l'Assemblée nationale. Convaincus de la nécessité d'établir, dans cette matière, une mesure fixe et précise, vous avez chargé votre comité de législation de vous proposer un mode d'exercer la responsabilité des ministres.
Le principal motif qui vous a fait désirer cette mesure, c'est la négligence, la funeste iuertie que l'on reproche au pouvoir exécutif. Si, parla responsabilité d'un ministre, on n'entendait que ses prévarications directes et manifestes, il est évident qu'elle ne serait qu'un faible garant pour la liberté publique. Rarement, dans les premières places, l'homme le plus corrompu aura-t-il la maladresse de commettre de telles prévarications; c'est aux actions coupables, mais dont la preuve rigoureuse est presque impossible, qu'il saura se réduire. 11 perdra la chose publique par un abandon qui ne paraîtra qu'un défaut d'activité, par de fausses mesures qu'il pourra donner pour de simples erreurs, par des fautes dont son incapacité sera l'excuse. Il causera de grands maux par une foule de petites transgressions presque imperceptibles, et il faudra l'absoudre ou manquer aux règles de la justice.
Votre comité, Messieurs, a examiné très attentivement les inconvénients de cette situation. Avant de juger à quelles nouvelles ressources il faudrait recourir, il a recueilli celles que p uvent offrir les lois déjà existantes : ces lois sont l'organisation du ministère, le Cole pénal et la Constitution. En les méditant avec soin et nous plaçant dans le plus grand nombre possible d'hypothèses nous avons Uni par nous démontrer que tout est suffisamment prévu par ces lois, et, surtout par l'Acte constitutionnel; le doute, s'il en restait à cet égard, proviendrait de ce que vous ne connaîtriez pas toute votre puissance. Mais il faut observer que ce doute a pu être d'abord très naturel. Les moyens que la Constitution renferme ne frappent pas assez au premier coup-d'u il. D'ailleurs, ils se réduisent à des mots tellement épars, isolés et placés à une si grande distance les uns des autres, qu'ils ont besoin d'être réunis et liés ensemble pour former un corps, et pour qu'on sente que la Constitution a fait un ouvrage plus réel qu'apparent, et qu'elle a, pour ainsi dire, plus executé qu'eutrepris.
Il ne reste donc rien à découvrir sur la responsabilité ministérielle; mais n'est-ce pas une sorte de découverte que d'avoir acquis la certitude aue les bases les plus essentielles sont trouvées? Et lorsque le pouvoir exécutif doit redouter toute loi nouvelle dont l'effet serait de rendre sa condition plus onéreuse, ne doit-on pas regarder comme un avantage d'être affranchi, d ins cette occasion, d une lutte de sa pa^t, qui eut consti-tutionnellement arrêté les efforts de votre prévoyance ?
On ne connaît aucune définit'on satisfaisante de la responsabilité.
Souvent nommée, jamais expliquée, quand on lit li Constitution, on ne
peut pas douter de son existence, mais on se demande quelle est son
essence. Sans avoir la présomption de la définir, voici l'aspect sous
lequel nous nous bornerons à la faire envisager; c'est
Elle se divise en plusieurs espèces :
Responsabilité * générale » pour tous les délits contre la sûreté nationale et la Constitution.
Responsabilité « particulière « pour tout attentat à la liberté et à la propriété individuelle : le citoyen qui éprouvera une lésion, pourra poursuivre le ministre en dommages et intérêts.
Responsabilité « criminelle » dans tout ce qui s'appelle délit, et donne lieu au Corps législatif de rendre un décret d'accusation.
Responsabilité « civile » dans ce qui tient à l'examen des comptes, et. n'expose le ministre qu'à une simple action. L'Assemblée nationale, sur la vérification des faits que le bureau de comptabilité lui présente, décide s'il y a lieu à « l'action » de responsabilité; alors cette action est intentée à la requête de l'agent du Trésor public, devant le tribunal dans le territoire duquel le ministre est domicilié.
Enfin, responsabilité « positive » pour tout ce qu'il peut commettre. Responsabilité « négative » pour tout ce qu'il peut négliger. Ce double grief résulte formellement des deux arti les que je vais citer. La loi sur l'organisation du ministère porte : « Les ministres seront tenus de rendre compte de leur conduite toutes les fois qu'ils en seront requis par le Corps législatif. » La Constitution dit : « Les ministres sont responsables « de tous les délits » par eux commis contre la sûreté nationale et la Constitution. »
Cette dernière décision est celle dont nous devons le plus nous occuper. Ici, deux questions se présentent : quels sont les cas où la responsabilité, soit positive, soit négative, doit avoir lieu? De quelle manière le Corps législatif doit-il l'exercer?
Si l'on veut connaître les cas positifs, ce n'est pas la Constitution qu'il faut lire, mais le Code pénal. La Constitution contient, de loin en loin, un certain nombre d'obligations imposées aux ministres. Les unes sont énoncées sans aucune espèce de condition; les autres sont suivies, du moins, de la condition de responsabilité; mais ce mot seul est énoncé et l'on ignore encore en quelles peines il peut se résoudre. Voilà pourquoi des personnes qui n'ont pas assez combiné la Constitution, ou plutôt différentes phrases de la Constitution, avec nos lois nouvelles, demandent depuis si longtemps un système sur la responsabilité des ministres; au lieu que le Gode pénal, postérieur à l'Acte constitutionnel, a le mérite de reproduire et de développer, par détails précis et positifs, les ind.cations sommaires ou au moins inaperçues, dispersées dans la Charte française.
Qu'on lise donc ce Code pénal, surtout aux chapitres qui traitent des crimes contre la propriété publique, des crimes contre la sûreté extérieure de l'Etat, contre sa sûreté intérieure; des crimes contre la Constitution. Qu'on médite ensuite le chapitre des crimes des fonctionnaires publics, dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont confiés; on verra que tous les attentats sont prévus explicitement ou implicitement, mais toujours de manière à être réprimés; on verra la liste et la durée ou l'intensité des peines placées à côté de chacun de ces crimes; la dégradation civique, la détention, la gêne, les fers, la mort : et tandis que des hommes dont le cœur
est resté docile aux impressions de la servitude, s'étonnent qu'un ministre soit soumis lui-même à des peines corporelles, tous ceux qui savent mettre un prix à l'égalité civile, doivent bénir cette conquête récente de la philosophie et de la justice.
A l'égard de ces cas négatifs, il faut convenir qu'aucune main ne les a encore tracés. Les délits 'inexécution sont cependant les plus redoutables; car, en même temns que la négligence est plus dans la nature de 1 homme qu'une scélératesse audacieuse, personne n'ignore qu'un pouvoir exécutif qui voudrait perdre la patrie, n'aurait besoin que d'être négligent pour y réussir.
Mais, Messieurs, considérez qu'il était à lafois inutile, impossible peut-être et surtout dangereux, de hasarder ce dénombrement : inutile; en effet, le ministre étant responsable toutes les fois que la loi n'est pas exécutée, le contenu de chaque loi devient une mesure entre son devoir et sa conduite, et ce serait doubler sans fruit nos codes, que dis-je? ce serait multiplier les règles à un excès où l'embarras de les retenir dispenserait à la fin de s'y soumettre que de répéter sous une autre forme ce qui suffit sous une seule, et d'attacher une peine ou une nuance de peine à l'infraction ou à l'omission de chaque article.
J'ajoute, en second lieu, que cette énuméra-tion est peut-être impossible; il n'y a point de sagacité humaine, il n'y a point de catalogue qui puissent y suffire, du moins d'ici à longtemps : ceux qui veulent tout dire savent bien eux-mêmes qu'ils ne diront pas tout- Et enfin le véritable aanger qu'il y aurait pour la chose publique, c'est qu'en descendant ainsi dans trop de détails, le Corps législatif fournirait aux ministres le moyen continuel d'échapper à leurs fautes et la ressource de dire que la circonstance où ils se trouvent n'a pas encore été prévue.
Il faut conclure de ces réflexions que si l'on ne peut pas faire des lois qui contiennent tous les détails de l'inexécution, au moins il n'est pas impossible, et il est nécessaire d'avoir une mesure commune, au moyen de laquelle l'inexécution elle-même soit généralement et efficacement réprimée; à l'exemple de ces méthodes qui, dans les sciences, attendent tous les problèmes possibles avec une sorte de sécurité.
Nous voici parvenus, Messieurs, ù la seconde question : de quelle manière, par quelle action le Corps législatif doit-il exercer la responsabilité des ministres?
Si vous interrogez l'Acte constitutionnel, il vous dira : « Aucun ministre en place ou hors de place, ne peut-être poursuivi en matière criminelle pour fait de son administration, sans un décret du Corps législatif. » Cet article paraît ne vous donner d'action que lorsque le fait est assez grave pour que lé fonctionnaire soit poursuivi criminellement en vertu du décret d'accusation; et Un tel décret, comme on sait, est déjà un moyen terrible : il exclut un homme de l'exercice des droits de citoyen actif : il le suspend de ses fonctions; il le met en arrestation. Mais quel sera le pouvoir du Corps législatif, si ce fait, quoique sérieux par sa nature, semble pourtant au-aessus du décret d'accusation? Des raisonnements faciles et la lecture de la Constitution éclaircissentpette difliculté.
Le Corps législatif, accusateur, traduit le pouvoir exécutif devant le pouvoir judiciaire. Pourquoi? parce qu'en aucun cas, aux termes de l'Acte constitutionnel, le pouvoir judiciaire ne
peut être exercé par le Corps législatif, ni par le roi. Notre Constitution repose tout entière sur cette séparation des pouvoirs. Si, en aucun cas, le Corps législatif ne peut juger, dans le cas d'inexécution reproché aux ministres, l'intervention du pouvoir judiciaire est donc également indispensable; il faut donc un tribunal qui prononce, et il n'y aurait pas de justice, si un tiers n'existait pas pour départager.
Mais ce tribunal, où peut-il être? En jetant les yeux sur les cours suprêmes établies de l'Empire, espèces de sommets qui dominent les diverses branches de l'administration des lois, nous trouvons le tribunal de cassation, dont le frand objet est de maintenir la certitude et unité de formes dans la dispensation de la justice; nous trouvons le tribunal des crimes d'Etat, devant lequel, comme j'ai déjà dit, les représentants de la nation ont le droit d'accuser les mi-nistres criminels. On est ensuite tenté de croire qu'il manque à la machine judiciaire un troisième tribunal, le tribunal politique dont la compétence et la charge seraient de juger tous les délits politiques commis dans l'ordre de l'établissement public par les mandataires ou agents quelconques qui y sont employés; et l'on regrette que ce tribunal, dont 1 existence lèverait ici toute espèce de doute, n'ait pas été créé par nos prédécesseurs. Mais en parcourant la Constitution, il est impossible de ne pas reconnaître qu'elle y a suppléé pour un seul et même tribunal, destiné à juger à la fois, et les crimes d'Etat, et les délits politiques : c'est la haute cour nationale.
Dans le chapitre III, la Constitution délègue exclusivement au Corps législatif les pouvoirs et fonctions de poursuivre, devant la haute cour nationale, la responsabilité des « ministres » et des agents principaux du pouvoir exécutif. Cette seule attribution suffirait déjà. Mais voulez-vous un texte plus particulier encore, et plus décisif? Lisez l'article 23 du chapitre Y : « Une haute cour nationale, formée des membres du tribunal de cassation et de hauts jurés, connaîtra des « délits »> des ministres et des crimes » qui attaqueront la sûreté générale de l'Etat, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret « d'accusation. »
Assurément, il n'est pas possible de prononcer plus fortement la distinction, quant aux objets et leur réunion, quant au tribunal. Non seulement la haute cour nationale doit connaître des crimes des ministres, elle doit connaître encore de h urs délits.
Mais, dirait-on, pouvez-vous poursuivre les délits comme les crimes, par un décret d'aecu-sation ? Oui, Messieurs, il n'y a pas moyen de refuser à cette, évidence.
La condition est formelle.
La loi sur la formation de la haute cour nationale ne l'est pas moins. L'article 5 est conçu en ces termes : « La haute cour nationale » connaîtra de tous les crimes et « délits » dont le Corps législatif se portera accusateur. »>
L article 6 ajoute : « La haute cour nationale ne se formera que quand le Corps législatif aura porté un décret d'accusation. »
Il suit de ces dispositions, que la responsabilité ministérielle dont la Constitution et le Code pénal ont parlé ; en un mot que la responsabilité des délits est toujours une responsabilité « criminelle ».
On objectera peut-être qu'il n'est pas juste que, dans toutes espèces d affaires indistincte-
ment, les ministres se voient sans cesse exposés à un décret d'accusation. Nous répondrons, telle est la Constitution : il dépendait d'elle de nous fournir d'autres moyens ; elle ne les a pas jugés convenables. Au surplus, il n'est pas à craindre que le Corps législatif décrète un ministre légèrement, et pour une faute ou une négligence qui n'aurait pas un certain caractère de gravité. L'appareil de la publicité, les arrêts sévères de l'opinion, la faveur que tout accusé, quel qu'il soit, finit toujours par obtenir; enfin ce que j'aurais du rappeler avant tout, la conscience d'une assemblée d'hommes libres sur qui tous les sentiments équitables ne peuvent pas cesser de prédominer, et où il se lève toujours quelque zélé défenseur de l'humanité; ne sont-ce pas là de suffisantes barrières, et des garants infaillibles que les représentants de la nation ne hasarderont, en aucune circonstance, uoe accusation qui serait dépourvue de fondement? D'ailleurs, Messieurs, il serait très possible, dans les occasions d'une moindre importance, de mettre à exécution l'article de l'Acte constitutionnel qui, après avoir parlé du décret d'accusation rendu par le Corps législatif lui-même, déclare néanmoins, par une disposition générale, que nul homme arrêté ne peut être retenu, s'il donne caution suffisante, dans tous les cas où la loi permet de rester libre sous cautionnement.'
La seule difficulté qui reste actuellement, est celle de savoir comment prononcera la haute cour saisie par l'accusation d'un délit ministériel, mais réduite à l'impossibilité d'emprunter du Code pénal les châtiments qui ne sont réservés qu'à des crimes.
Ne perdez pas de vue, Messieurs, ce que nous venons de supposer, que l'accusation n aura pu avoir lieu que pour un délit grave. Ne pourrait-on pas alors trouver un moyen dans la Constitution même? les ministres sont responsables de tous délits par eux commis contre la sûreté nationale et la Constitution. Or, la négligence, la lenteur, les fausses mesures ne peuvent-elles pas être placées par un décret au rang des délits contre la sûreté publique? L'Assemblée nationale n'a pas même besoin de le déclarer. Alors le haut juré déciderait si, par cette conduite négative, ia sûreté a été compromise, et, s'il prononçait affirmativement, le ministre serait puni. Craignez-vous qu'il y ait une rigueur trop grande? Redoutez-vous j'usqu'à l'ombre de l'injustice? Eh bien, établissez, pour ce genre de délit, la peine la plus douce : qu'elle ne puisse aller au delà de la privation des fonctions dont le ministre était revêtu; car enfin si l'on ne punit point son délit comme un crime, il ne s'ensuit pas qu'on ne puisse le juger. Puisqu'il en résulte la preuve de l'inaptitude aux fonctions publiques, l'exclusion de ses fonctions doit être prononcée. Votre comité pense que l'on ne peut pas statuer moins, ni même autrement. Il est incontestable que toute négligence grave est une forfaiture, c'est la destitution de l'agent convaincu. On ne peut s'empêcher d'appliquer ici aux ministres, par une analogie nécessaire, ce que la Constitution porte à l'égard des juges lorsqu'elle déclare que ceux-ci seront « destitués pour forfaiture dûment jugée. » Alors vous resterez peut-être en deçà de la justice, mais vous serez sûrs de n'avoir point été au delà. La responsabilité sera donc, mais elle sera réelle; quelques trahisons seront peut-être impunies, mais votre vigilance aura prévenu les suites.
L'homme assez adroit pour ne pas se rendre coupable de crimes capitaux, pour cacher ses délits sous les défauts de son caractère, ou sous des formes qu'il faut respecter, pourra échapper à la vengeance des lois, mais il sera arrêté au milieu de ses projets; et que l'on ne vienne pas opposer ici l'article de la Constitution qui porte : « Au roi seul appartiennent le choix et la révocation des ministres. » Cette objection ne serait ue le sophisme de la mauvaise foi : oui, sans oute, la révocation appartient au roi seul, mais ce n'est pas au préjudice d'un jugement; et du moment que la Constitution a autorisé le décret d'accusation rendu contre les ministres, et toutes les suites qu'elle peut entraîner, elle a prévu qu'il y aurait des cas où cet article recevrait une exception légale et sans réplique.
Ce n'est pas, Messieurs, qu'il n'y ait des circonstances où ce droit de revocation, qui appartient au roi seul ne puisse être provoqué et mis en œuvre par l'intervention du Corps législatif. La loi sur l'organisation du ministère vous fournit de nouvelles ressources, à l'égard des délits difficiles à saisir ou à caractériser, de ces délits légers peut-être, s'ils étaient isolés, mais dont l'accumulation successive peut inspirer à la fin de justes méfiances sur le caractère d'un ministre. Cette loi porle, article 28 : « que le Corps législatif pourra présenter au roi telles observations qu'il jugera convenables sur la conduite des ministres, et même lui déclarer qu'ils ont perdu la confiance de la nation. » Li sage, loi salutaire, qui suppléant la matière d'une accusation, vous dispensant de vous appesantir dans vos décrets jusque sur le mode d'administrer, vous affranchissant d'une foule de petits détails où. vous frapperiez l'Administration d'une inactivité non moins dangereuse que sa perversité, compense l'équilibre dans un point où la balance eût trop penché peut-être en faveur du représentant héréditaire, et rétablit en quelque sorte votre puissance, en plaçant dans vos mains toute la puissance de 1 opinion.
Cependant, Messieurs, quelqu'avnntageuse que soit cette faculté de pouvoir déclarer au roi qu'un de ses ministres a perdu ou mérité de perdre la confiance de la nation, il appartient à votre sagesse de calculer les circonstances et de n'employer ce moyen qu'à propos. Une opposition ouverte entre un ou plusieurs ministres et le Corps législatif est un mal en soi; mais c'est un mal très dangereux et dont il sera difficile de fixer la limite dans un moment où tous les ressorts de la machine politique, créée par une Constitution nouvelle, n'auraient pas encore acquis cette activité, cette facilité que le temps peut donner, où tout ce qui en gène les mouvements au lieu de n'être que l'objet de l'attention des citoyens, deviendrait pour eux un motif d'alarmes et même de divisions.
Vous distinguerez sans doute, entre le cas d'une Constitution nouvelle, où le gouvernement jette encore un regard douloureux sur sa toute-puissance passée, et où, mécontent des limites données à son pouvoir, il a l'air d'être embarrassé, même en agissant; et le cas d'un ordre de choses complètement établi, où l'opinion suffirait pour renverser les ministres lorsqu'ils auraient fatigué la patience du peuple. Dans un gouvernement de cette dernière espèce, l'idée de rester en opposition avec le Corps législatif, ne peut entrer dans la tête d'un ministre, à moins que l'opinion publique ne soit hautement déclarée en sa faveur; et l'opinion publique ne prendra pas
aisément cette direction, parce qu'on sait que, par la nature des choses, il y a plus de r ip,»ort entre l'iutérêtdu pouvoir Législatif et l intérêt commun, qu'entre les vues du pouvoir exécutif et le bien général; mais encore une fois, dans cette matière, tout dépend du moment et de la position. Il nous suffit, Messieurs, de vous avoir rappelé dans leur ensemble les différents moyens dont vous pouvez disposer, d'avoir lié et subordonné entre elles toutes les pièces dont se compose l'instrument de responsabilité que vous tenez de la Constitution.
Nous allons, en finissant, vous présenter un aperçu général de l'organisatioii actuelle de la responsabilité dans les diverses branches du pouvoir exécutif, en remontant jusqu'à son chef. On verra, par ce rapprochement, quel est, à cet égard, le système de la Constitution.
La première responsabilité est celle des corps administratifs. Les administrateurs de déparlement ont le droit, dans les cas de contravention, d'annuler les actes des sous-administrateurs de district, et même de suspendre ceux-ci de leurs fonctions, s'ils compromettaient la sûreté publique, à la charge d'en instruire le roi, qui pourra lever ou continuer la suspension. Le roi peut, à son tour, suspendre les administrateurs de département, à la charge d'en instruire le Corps législatif,qui pourra la confirmer,ou même dissoudre l'administration coupable, et renvoyer tous les administrateurs ou quelques-uns d'entre eux aux tribunaux criminels ou porter contre eux le décret d'accusation.
La seconde responsabilité est celle des ministres : en leur qualité d'agents supérieurs du pouvoir exécutif, ils seront traduits devant le pouvoir judiciaire. Les tribunaux ordinaires connaîtront de leur responsabilité civile d'après une simple action : mais, à l'égard de leur responsabilité criminelle, la haute cour nationale prononcera seule sur leurs crimes et sur leurs délits, en vertu d'un décret d'accusation.
Les crimes seront jugés d'après le Code pénal : les délits, étant tous criminels, seront soumis conséquemment, suivant l'exigence des cas, a des applications du Code pénal, et, par la raison que le moins est contenu dans le plus, par la raison d'analogie que les juge-* sont destitués pour forfaiture, suivant la Constitution, il est évident que la moindre peine que la haute cour infligera aux ministres, pourra être celle de la forfaiture. Dans d'autres circonstances qui ne donneront pas lieu au décret d'accusation, le Corps législatif pourra présenter au roi des observations, et même lui déclarer que les ministres ont perdu la confiance de la nation. Enlin, ce qui est moindre encore, et de simple précaution, le Corps législatif pourra mander les ministres, et les requérir de donner, sur leur conduite, tous les « éclaircissements » néces-aires.
Enfin, la troisième responsabilité est celle du chef suprême de l'administration générale du royaume. On peut se servir avec justesse de celte expression de responsabilité; car, quoique la personne du roi soit inviolable et sacrée, quoiqu'il ne réponde de rien, et que ses ministres répondent de tout, il y a, dans la Constitution, chapitre II, article 6, un intérêt qui lui est personnel dans l'exercice même du pouvoir qui lui est délégué.
L'article est conçu en ces termes : « Si le roi se met à la tête d'une armée, et en dirige les forces contre la nation, ou s'il ne « s'oppose pas par un acte formel » à une telle entreprise, qui
« s'exécuterait en son nom », il sera censé avoir abdiqué la royauté. »
Telle est, Messieurs, la gradation de toutes les responsabilités supérieures. Pour revenir à celle des ministres et au mode dont le Corps législatif est en droit d'user à leur égard, je crois avoir démontré comme je l'avais annoncé au commencement, que la Constitution, la loi sur le ministère et le Code pénal, ont tout prévu, tout déterminé. Ainsi, nous sommes dispensés du besoin d'imaginer d'autres moyens. Ce sera du moins un avantage, d'avoir arrêté nos idées sur un objet aussi important. Si cette question avait été agitée plus tôt, l'Assemblée nationale se serait épargné peut-être quelques embarras. La réflexion seule aurait suffi, sans doute, pour les surmonter; mais il y a des vérités dont il vaut mieux que. la conviction soit acquise ou même Achetée par le temps et par l'expérience. On se livre ensuite plus hardiment, lorsqu'il le faut, aux mesures termes qu'elles prescrivent. L'histoire de la responsabilité présente jusqu'à présent un contraste assez remarquable. « La responsabilité, c'est la mort » a dit un oraleur à cette tribune. C'était la moins complèlè, mais la plus énergique de routes les définitions; et c'est précisément depuis ce mot. et l'impression qu'il a pu laisser que les ministres sont venus sans cesse nous parler de leur responsabilité. On dirait qu'ils s'en sont fait une espèce de propriété qu'ils se plaisent à engager. Ainsi, l'extrême menace a produit l'extrême sécurité; et en voyant la rigueur de la peine, ils ont cessé d'^ croire et de la craindre. Non, la responsabilité n'est pas toujours la mort; elle est aussi la perte ae la liberté, la perte de l'honneur. Quelles peines de plus pourrait-on infliger à des hommes, a des Français? Vous ne chercherez donc plus, îMessieurs, le m >de d'exercer l i responsabilité des ministres; mais en exerçant celle que l'Acte constitutionnel a laissée à votre disposition, en déployant tonte votre énergie, si jamais les circonstances deviennent fortes et périlleuses (et elles deviendront fortes et périlleuses le jour où v us aurez déclaré que la patrie est en danger), vous montrerez à la nation que vous êtes à la hauteur de vos devoirs. Heureux du moins, celui qui, parmi tant d'obstacles, peut vous dire: le pouvoir que vous vous efforciez de découvrir, vous l'avez; le Constitution vous l'a donné; l'instrument existe; il est auprès de vous: agissez.
Votre comité de législation vous propose, Messieurs, la question préalable ainsi motivée :
« L'Assemblée nationale, considérant que la Constitution a établi le mode d'exercer la responsabilité des ministres, en déléguant au Corps législatif le pouvoir et la fonction de poursuivre cette responsabilité devant la haute cour nationale, qui connaîtra des délits des ministres, et des crimes qui attaqueront la sûreté de l'Etat, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d'accusation ;
« Après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète qu'il n y a pas lieu à délibérer. » (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression et la distribution du rapport et du projet de décret.
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution du rapport et du projet de décret.)
Plusieurs membres demandent l'ajournement de la seconde lecture et de la discussion à huitaine.
(L'Assemblée ajourne la discussion.)
La Constitution porte I que la discussion s'ouvrira dès la première lec- j ture si le Corps législatif y consent. Or, le projet qui vous est soumis, quoiqu'il ne soit qu'une question préalable, n'en est pas moins important. Je suis le premier inscrit sur l'ordre ae la parole et je demande à être entendu.
Je conviens que M. Vaublanc peut parler, mais i'observe que l'Assemblée a cru qu'il valait mieux ajourner la discussion après l'impression et la distribution. (Il s'élève quelques débats.)
insiste pour que la discussion soit ajournée.
, secrétaire, lit la liste de la parole. Elle porte les noms de MM. Hé-rault-de-Sechelles et Viénot-Yaublanc. Sur le nom de M. Hérault, il y a une barre et celui de M. Vergniaud est écrit à côté.
Plusieurs membres demandent que M. Viénot-Vaublanc soit entendu.
s'efforce, de faire observer qu'il serait plus utile pour l'Assemblée d'ajourner la discussion.
(L'Assemblée décide que M. Viénot-Vaublanc aura la parole.)
(1). Messieurs, vous avez sagement décidé que vous examineriez le grand principe de la responsabilité des ministres, et que vous chercheriez le mod le plus convenable de l'exercer d'une manière digne de vous.
Vous ne voulez pas déterminer les cas généraux.
La Constitution a déclaré les ministres responsables de tous les délits qu'ils commettraient contre la sûreté nationale et la Constitution ;
De tout attentat à la propriété et à la liberté individuelle;
De toute dissipation des deniers destinés aux dépenses de leur départements.
Le Code pénal est entré dans les détails, et a déterminé les peines.
Dans l'anciert régime toutes les actions des ministres étaient à couvert sous le nom du roi. Le roi seul aurait pu les faire poursuivre judiciairement. Aujourd'hui, tout citoyen peut dénoncer leurs actions, leurs erreurs, leurs négligences, au Corps législatif; et celui-ci peut les traduire devant un tribunal.
Voilà une responsabilité positive à laquelle il est impossible ae rien ajouter légalement; et si nous ne sentons pas toute la force de ce principe constitutionnel, c'est que nous n'en avons pas encore vu l'application immédiate; c'est que, dans un gouvernement qui n'a pas encore été mis à l'épreuve du temps, un sentiment intérieur d'inquiétude, de défiance, et même une sorte d'impatience dont on ne se rend pas compte à soi-même, porte les citoyens qui s'occupent des affaires.publiques, à se hâter de mettre précipitamment en jeu tous les ressorts de la Constitution, à vouloir anticiper sur l'expérience des siècles.
Ceux qui ont médité sur la Constitution et sur les gouvernements en
général, ne tombent pas dans une erreur funeste,' et cependant ordinaire
aux amis de la liberté. Jamais, dans leur pensée, ils ne séparent le
pouvoir exécutif d'avec les fins
L'houime qui médite ne considère jamais le pouvoir exécutif sans en voir la nécessité qui est dans la nature des choses; sans voir dans son existence la volonté générale ; dans sa forme la force publique; dans son action le pouvoir de la loi, la garantie de la liberté inséparable de la division des pouvoirs ; un obstacle à l'ambition des factieux, qui perdraient la chose publique pour s'élever sur ses débris ; un moyen de résistance, mis en réserve pour s'opposer froidement aux passions véhémentes d'une assemblée nombreuse ; enfin, l'énergie nécessaire à l'exécution des lois qui, nous ne le savons que trop, invoquent sans cesse le secours de la force.
Il ne suffit pas d'avoir des lois, il faut encore veiller à leur exécution, et au maintien de l'ordre qui en est la suite ; il faut un gouvernement solide, il le faut surtout pour une nation ardente et légère qui a conquis la liberté sans en avoir pris les mœurs: il le faut pour des citoyens qui, sous vos yeux, dédaignent ou négligent les fonctions attachées à ce titre sacré, et s'éloignent de l'urne des scrutins pour inonder en foule les portiques des salles ae spectacles.
Ecoutez les paroles du grand Rousseau : « Moins les volontés particulières se rapportent à la volonté générale, c'est-à-dire, les mœurs aux lois, plus la force réprimante doit augment-r. Donc, le gouvernement, pour être bon, doit être relativement plus fort à mesure que le peuple est plus nombreux; pourque l'État soit dans un parfait équilibre, il faut, tout compensé, qu'il y ait égalité entre la puissance du gou vernement, pris en lui-même, et la puissance des citoyens qui sont souverains d'un côté, et sujets de l'autre. » (Murmures et applaudissements.) Ces paroles, qui ont excité les murmures, ne sont pas de moi, elles sont du grand homme dont vous avez placé l'image à la tribune, Jean Jacques Rousseau.
Ainsi, Messieurs, c'est à l'affermissement du gouvernement que. doivent tendre tous vos efforts, et j'ose dire que cette tâche est plus difficile que les travaux si glorieux de l'Assemblée constituante ; j'ajoute hardiment, que, sans l'action salutaire et conservatrice d'un gouvernement respecté, vous ne jouirez, ni de la vraie liberté, ni ae la prospérité qui l'accompagne ; sans un gouvernement solide, vous n'aurez pas le paiement des impôts, et par conséquent le crédit public; vous n'aurez pas le respect des propriétés, sans lequel il n'est pas de vif attachement pour la patrie.
^Législateurs, réfléchissez profondément à l'état de la France, aux maux dont elle est menacée. J'interroge tous ceu\ d'entre vous qui ont été administrateurs ; je leur demande si l'exécution de la loi n'éprouvait pas souvent des obstacles dans leurs mains, et si leur âme n'en a pas été souvent affligée?
Un administrateur éclairé par l'expérience sait qu'il n'est pas de loi dont l'exécution rte rencontre des oppositions plus ou moins fortes, et il désir'erait que lorsqu'une loi est décrétée, elje fut renvoyée à un comité chargé de ne l'envi-
sager que sous le rapport de l'exécution ; mais cette marche lente et sure ne conviendrait pas à la vivacité ordinaire de nos délibérations.
Si je pense qu'il faut, à ce vaste Empire, un gouvernement solide et énergique, ce ne sera pas moi qui chercherai à énerver le pouvoir exécutif, non; «nais je chercherai, avec l'attention dont je suis capable, les moyens de forcer les ministres à bien faire, et de les empêcher de faire mal. Us commencent la chaîne des autorités constituées qui composent le pouvoir exécutif, et qui obéissent au roi ; c'est par les ministres qu'elles sont misés én mouvement; et s ils ont 1 âme élevée, s'il sont dignes de leurs fonctions,ils doivent sentir combien elles sont ennoblies par la Constitution : ils commandent à des hommes libres au nom de la loi, et, en son nom, ils peuvent, que dis-je? ils doivent exiger l'obéissance la plus entière. Ce rôle vaut bien celui de faire exécuter les caprices d'une maîtresse ou d'un favori; (Applaudissements.) et celui-là seul, accoutumé à ramper dans les cours, pour avoir le privilège d'être insolent, peut regretter l'autorité de ce ministre qui mettait en morceaux le placet laissé aux genoux de Louis XV enfant, par un magistrat vertueux à genoux sur les marches du Trône.
J'examine d'abord, Messieurs, l'influence des dispositions réglementaires, des lois sur leur exécution, et je pose comme principe cette proposition qui me paraît incontestable.
La responsabilité du ministre dépend de la manière dont les lois sont faites, dont leur exécution est prescrite.
Je ne veux pas le prouver par des raisonnements abstraits, mais par un exemple sensible/ et, cet exemple je le chercherai dans les corps constituants, dans une des circonstances les plus critiques, et dans le ministère qui demande la surveillance la plus active, celui de la guerre.
L'Assemblée nationale voulut lever et armer 97,000 volontaires nationaux pour la défense des frontières; je vous prie, Messieurs, de vous rap-pelerdans quelsdétaiis elle est entrée, com me elle a tracé la marché du ministre, comme elle a mêlé les corps administratifs et le ministère; rappelez-vous qu'il a fallu sans cesse recourir à l'Assemblée constituante, et ensuite à vous solliciter chaque jour de nouvelles décisions, tantôt pour la formation, tantôt pour l'habillement.
Telle chose, disait le ministre, né mé regarde point, c'est du ressort du département; non, répondait celui-ci, c'est au ministre qu'il faut s'adresser. Tantôt le ministre disait que les bataillons ne devaient passer sous la direction du département de la guerre que lorsqu'ils étaient formés, équipés et habillés.
Les gardes nationaux sont-ils arrivés aux frontières, on se plaint qu'ils ne sont point armés; on interpelle lé ministre ; celui-ci répond qu'un décret ordonne que les officiers généraux employés sur les-frontières feront prendre, dans les arsenaux, les armes nécessaires aux volontaires gardes nationales. Ainsi,. dans cette affaire, les départements, le ministres, les officiers généraux, tous sont mêlés.
On se plaint de toutes parts, et pas un agent n'est en prise à la responsabilité.
Maintenant^ Messieurs, je suppose que l'Assemblée constituante eût conçu plus en grand cet armement extraordinaire, qu'elle ait décrété seulement le nombre, la solde des volontaires, l'élèction des officiers, et qu'elle eût chargé le ministre de la guerre de la formation, de l'ar-
mement et de l'équipement ; qu'elle eût ordonné à son comité militaire de combiner avec lui le temps nécessaire pour y parvenir, et qu'ensuite elle eût décrété « impérativement « que les gardes volontaires seraient, à une époque fixe, rendus aux frontières, en état de servir.
Il est clair que l'organisation des volontaires aurait dû être faite aans le délai prescrit, ou que le ministre aurait été coupable.-La chose lui paraissait-elle impossible, il était libre de quitter le ministère ; s'en chargerait-il, il devenait responsable du succès.
Si les gardes volontaires n'avaient pas été en état de servir au jour fixé, et que la défense de la patrie eût été compromise par cette négligence, le ministre, quelle qu'en fût la cause, ignorance ou mauvaise volonté, aurait dû être mis en état d'accusation.
C'est ainsi que je conçois la responsabilité. N'ordonnez que la chose elle-même; laissez tous les détails aux ministres, fixez les époques, et que la chose soit faite.
Avec une conduite opposée, non seulement la responsabilité est impossible, mais elle serait injuste. En effet, quelle prompte, quelle rapide exécution exiger ae celui qui n'a pas été maître des détails, de celui qui peut vous dire : vous ne m'avez pas laissé le choix des moyens, vous ne pouvez pas me rendre responsable des mauvais effets qu'ont produits ceux que vous avez déter-? minés. Et remarquez, Messieurs, que, dans la méthode que je vous propose, rien n'est vag je, rien n'est indetermine, aucune excuse n'est rece-vable. Point de correspondance à produire devant le Corps législatif; il faut avoir rempli son devoir, son engagement, ou être condamné.
Ces réflexions peuvent s'appliquer également au ministre de la marine et à celui de l'intérieur, pour les subsistances. Il ne tient qu'à vous d'être tranquilles sur cet objet important. Mettez à la disposition de ce ministre la sommé nécessaire ; l'année révolue, ou tous les 6 mois, tous les 3 mois, qu'il vous présente son compte de recette et dépense, que tous les articles soient appuyés de pièces au soutien, qu'il ne soit embarrassé ni dans sa marche, ni dans le choix de ses moyens, si Vous voulez qu'il soit responsable du succès. Je sais qu'il est des personnes qui ne pourront jamais approuver cette noble confiance d'une grande nation, qui ne connaissent que les défiances et les soupçons ; eh bien, l'expérience leur apprendra- qu'un tel système ne peut produire un bon gouvernement, qu'il n'est propre qu'à décourager les gens de bien. La vertu cédera les places à des intrigants qui les brigueront dans le dessein de braver les soupçons injurieux, et dans l'espoir de rendre nulle cette prétendue surveillance inquiète. {Applaudissement s.)
D'ailleurs, Messieurs, par cette marche Simple et grande, vous attachez le ministre au succès par son intérêt et parle désir de la gloire.
Il serait doux pour lui d'avoir réusâi, et en s'qccupant avec activité des moyens d'y parvenir, il serait soutenu par l'espoir d'obtenir, du Corps législatif, dés témoignages de satisfaction. Car, à côté de la surveillance la plus sévère', vous devez placer, pour le ministre, l'espoir d'une noble récompensé, et pour vous le plaisir de la ; décerner. {Applaudissements.) C'est une triste fonction que celle de punir, on ne la remplit jamais qu'a regret. Ce ne sont point des victimes qu'il faut, c'est que les lois soient exécutées. Il est doux de louer celui qui a bien fait ; puissiez-
vous, un jour, décréter que tel ministre a bien mérité de la patrie. (Applaudissements.)
Ce que j'ai dit des ministres peut en partie s'appliquer aux corps administratifs. Je suis convaincu que plusieurs des lois qu'on doit à l'Assemblée constituante, sont chargées de dispositions réglementaires, qui, confondant l'autorité mal déhnie des pouvoirs supérieurs et inférieurs. rendent incertaine et lente la marche compliquée des administrations, et ajoutent les embarras qu'entraînent inévitablement des moyens trop multipliés, aux défauts qui proviennent de ce que la subordination respective n'est pas assez clairement exprimée, assez positivement ordonnée.
Je suis loin de penser que notre système administratif ait l'énergie nécessaire, et je crains bien que la lenteur delà rentrée des impositions n'en donne une preuve funeste en se prolongeant bien au delà du terme où les bons citoyens espèrent voir le niveau s'établir entre la recette et la dépense .
Il est une vérité qui commence à être reconnue, c'est qu'il faut fixer la responsabilité des administrateurs par une loi sévère et positive. Je n'ai rien avancé sur cette matière, parce qu'il est des choses qu'il ne faut point traiter avant que 4'opinion soit entièrement fixée sur elles. La loi du 15 mars 1791 a prévu les cas de la désobéissance ouverte, d'une infraction à la loi; mais elle est nulle, pour la négligence de tous les jours, pour la nonchalance de la correspondance ; elle a ordonné aux administrateurs de rendre aux ministres des comptes fréquents et multipliés ; mais ceux-ci n'ont aucuns moyens d'y contraindre les directoires négligents ou inactifs. Ils n'ont pas même sur eux l'influence si salutaire et si heureuse de l'opinion.
Quelles mesures seraient nécessaires pour donner plus d'énergie à la marche graduelle de l'Administration?
Ce n'est pas ici le lieu de les proposer; mais j'ose avancer, comme une règle générale, qu'une Assem blée législative doit soigneusement éviter le trop grand nombre de dispositions réglementaires confiées à des administrations différentes qui les mêlent et les enchevêtrent. Elles ôtent à la loi ce caractère auguste et grand qui doit en être inséparable; elles diminuent le respect qui lui est dû, par la difficulté d'exécuter des détails dont il était impossible de prévoir l'effet; elles ôtent la gloire de l'exécution, en ôtant le choix des moyens, énervent l'autorité du ministre et de l'administrateur, rendent la responsabilité nulle contre eux, et la tournent tout entière contre là loi elle-même, parce qu'elle a employé trop d'agents, et que lorsque tant de monde est responsable, "personne ne l'est effectivement. (Applaudissements.)
Après avoir examiné les lois sous le rapport de l'exécution, après avoir exposé comment je conçois la responsabilité en général, voyons ae quelle manière les ministres exercent leurs fonctions.
Ils écrivent, reçoivent des réponses, écrivent encore, et toujours écrivent' et répondent. Or, qui ne voit, qu'avec une telle méthode, la responsabilité est nulle? Car, quel ministre serait assez maladroit pour donner des ordres qui pussent le compromettre? Cela ne pourrait guère arriver que lorsqu'il méditerait avec hardiesse un grand attentat ; et alors, il n'éviterait pas la punition s'il était découvert.
Mais un ministre peut, avec la correspondance la plus louable, trahir la Constitution, par le choix des agents qu'il emploiera. Il les rappellera sans cesse à leur devoir; mais il aura la certitude que ces agents n'exécutent la loi qu'autant qu'il faut l'exécuter en apparence, pour se soustraire à l'œil vigilant des citoyens.
Ainsi, dans un gouvernement bien ordonné, il ne doit pas être question desavoir si le ministre a écrit, mais si la chose est faite maintenant* ou sera faite à cette époque. Il est évident qu'il n'y aurait aucun lien, aucune responsabilité, si, dans tous les cas, il suffisait au ministre d'invoquer le témoignage de sa correspondance ; d'étaler des phrases, quand on lui demande des faits ; de montrer des ordres quand on lui demande des préparatifs en nature.
Et si l'on trouvait cette idée trop sévère contre le ministre, jé demanderais si, autrefois, les rois ne s'en prenaient pas à lui des fautes de ses agents, et s'ils allaient chercher les coupables obscurs dans les bureaux ou dans les provinces. (Applaudissemen ts.)
Il doit répondre de tout: j'ai donné des ordres; je suis fâché qu'on n'ait pas obéi. Qu'il soit vigilant, qu'il soit sévère, et il sera obéi. S'il découvre une infidélité grave d'un de ses agents, qu'il le livre au glaive des lois.
Mais, pour que cette sévérité soit équitable, il faut laisser au gouvernement toute l'énergie qui lui est nécessaire : il faut que les ministres aient souvent le choix des moyens; il faut que le Corps législatif les protège, les soutienne contre la calomnie, contre les poursuites individuelles, avec autant de soin qu'il mettra de vigilance dans l'examen de leur conduite. On peut être confiant et sévère; mais les grands caractères seuls reçoivent l'union de la confiance et de la sévérité.
J'irai plus loin; vous ne pouvez être excessif vement sévères qu'envers le ministre à qui vous avez témoigné une honorable confiance. Oui, c'est alors, alors seulement, que vous avez le droit de le juger avec rigueur. Les grandes âmes feront avec vous cette espèce de marché; elles vous diront: «Tracez le cercle autour de moi, mais laissez mes pas libres dans ce cercle dont vous m'avez circonscrit; honorez mes pénibles fonctions ; soutenez mes efforts ; préjugez toujours le bien de ma conduite, et jamais le mal. Quand vous m'avez ainsi soutenu, protégé* si ma conduite ne répond pas à votre attente, soyez sévères, inflexibles, ajoutez la sévérité des "circonstances à celle de la loi, et je n'aurai pas à me plaindre. •> (Applaudissements.)
On me dira peut-être qu'en laissant plus de latitude aux ministres dans le choix des moyens d'exécution, c'est augmenter leur autorité ; et je sais qu'il est des personnes qu'effraie cette seule idée.
Je vais répondre, nous chercherons de bonne foi la vérité ; oubliez lin instant toutes préventions, je vous en conjure, pour peser avec attention ce raisonnement.
Que seraient les meilleures lois si elles n'étaient exécutées? De pures abstractions. Il faut donc, avant tout, avoir l'exécution; car leur inexécution assurerait infailliblement Tavilissement du Corps législatif lui-même, et ferait écrouler la liberté, en détruisant la base sur laquelle elle repose.
Or, personne ne contestera qu'un homme peut exécuter et faire exécuter bien plus facilement quand il a le choix des moyens, quand il peut les changer, les modifier, suivant les circons-
tances. C'est donc une grande erreur que d'ôter le choix des moyens pour mieux surveiller, car, dès lors, vous contrariez le succès de la chose la plus désirable, le succès de l'exécution.
Voyez comme on enfreint avec audace une des lois les plus essentielles, celle de la circulation des grains! La loi est méprisée, les serments violés, les magistrats du peuple outragés, avilis, la force publique anéantie. Il vaudrait mieux cent fois que celte loi n'existât point, malgré sa bonté, malgré sa nécessité, que de la voir sans cesse et impunément enfreinte. Le jour de la violation d'une loi est un.jour de deuil pour un vrai patriote. (Vifs applaudissements.),
Je prie, cependant, de ne point donner à mes idées plus d'étendue que ie ne leur en doune moi-même, qu'il soit sage de laisser le plus qu'il est possible aux ministres le choix des.moyens d'exécution, cela me paraît incontestable; mais c'est à la prudence au Corps législatif à l'aire l'application du principe. Je désire seulement qu il ne le perde pas de vue.
Je dois maintenant, Messieurs, examiner comment l'Assemblée nationale peut exercer cette surveillance, un de ses premiers devoirs.
Sera-ce en vous faisant rendre compte exactement des ordres donnés pour 1 exécution? Mais cette méthode minutieuse ne peut vous conduire à la vérité, car jamais les ministres n'oseront donner des ordres contraires à la 1 >i; une telle infraction n'est pas à Craindre, parce qu'elle serait bientôt dévoilée, bientôt punie.
Le ministre le plus mal intentionné exécutera sans vigueur et sans, activité, et paraissant tout préparer, tout conduire au succès, il l'éludera par une négligence méditée dans des détails minutieux, mais essentiels à l'exécution.
La marche en seralente, incertaine. Partout on s'en apercevra: et de tous côtés 1 on dénoncera; que doit faire le Corps législatif?
S'arrêtera-t-il à chaque dénonciation ? Appel-lera-t-il sans cesse le ministre par devant lui? doit-il l'interroger, doit-il se fatiguer à le suivre dans tous les détails, lui demander sa correspondance, en écouter péniblement des lambeaux ? s'exposera-t-il à rester indécis devant le ministre, sans rien prononcer, sans rien décréter?
Non, sans doute; cette conduite ne doit pas être celle du rorps législatif; elle le fatigue; elle le trouble, elle met la passion à la place de la surveillance; elle lui donne un air inquiet, soupçonneux, qui ne pe >t s'allier à la grandeur de ses fonctions; elle le conduit toujours à des résultats qui compromettent sa dignité. Les amis de l'anarchie, les ennemis de la liberté, triom-fihant en même temps de ces scènes scanda-euses, où une assemblée dont le nom doit présenter l'idée de la sagesse, de la vertu, seul fondement réel des bonnes lois, semble s'agiter, se passionner souvent sur une imposture, sur une calomnie. Peut-être n'est-il pas permis de rester indifférent sur les progrès effrayants de ce vice aujourd'hui si commun, dont les résultats doivent inquiéter les législateurs autant que le moraliste.
Un célèbre publiciste a prouvé combien la ca-lomni" est pernicieuse dans les républiques, « et qu'il n'est pas de précautions qu'on ne doive employerjDour la réprimer ou pour la punir. Le meilleur moyen de la détruire, c'est de donner ouverture à l'accusation; autant celle-ci est avantageuse, autant la première est nuisible. La calomnie persuade sans produire des témoins, sans circonstancier aucun détail; tout le monde
y est exposé de la part de tout le monde. L'accusation est appuyée sur les témoignages les plus précis; on exige d'elle des démonstrations; les places publiques sont le théâtre de la calomnie, les magistrats reçoivent seuls l'accusation.
« Mais que le législateur punisse sévèrement les calomniateurs. Que pourront-ils opposer à la justice de leur punition quand on montrera des tribunaux qui auraient accueilli leurs accusations contre ceux qu'ils auront calomniés? Cette partie était le chef-d'œuvre de la législation romaine; mais, dans d'autres républiques, on n'en connût pas les premiers principes, la calomnie y lançait des traits affreux contre les citoyens qui avaient le courage de se montrer dans les affaires importantes; semence funeste qui prod isaitla haine, la discorde, les factions, la ruine entière de l'Etat. »
Si un peuple corrompu porte, dans ses mœurs, dans ses habitudes, des germes destructeurs de la liberté, il n'est peut-être pas de vices qui la mine avec plus d'activité que la calomnie; il ne faut que jeter un coup d'œil rapide sur les fastes du genre humain, pour voir le mal qu'elle a fait aux républiques. De combien de grands hommes ne lés a-l-elle pas privées? Combien de foi n'a-t-elle pas éloigné des places la vertu, pour^élever des factieux aussi nuls de talents, que méprisables de caractère. (Applaudissements.) Et, sans la calomnie, notre Révolution eût-elle été souillée par tant de scènes atroces?Certes, la calomnie peut rendre dures et farouches les mœurs de la nation, qui doivent être énergiques et douces ; elle blesse fortement les mœurs publiques, quand, loin d'être atterrée par un morne et troid silence, elle sourit aux nombreux applaudissements dont, jetentit cette voûte. An! l'homme de bien quji ai^èe la vérité par goût, qui la cherche par aëro^, qui . ne décide jamais sans preuves, gémit dg'ces jugements précipités, et souffre de voir ainsi profané le sanctuaire de la loyauté, de la géi^Srosité française. (Applaudissements.)
Peut-être faut-il, Messieurs, que le Corps législatif se trace à lui-même une marche simple et prudente qu'il suive invariablement, qui le conduise à la vérité par des moyens graduels dont ri3n ne puisse empêcher l'action, ni l'effet, et qu'il mette la même mesure dans les résultats qu'amèneront ces moyens.
Ainsi, la sagesse du Corps législatif peut faire une arme réelle de ce qui ne serait qu'un vain épouvantail dans les mains d'unë législature faible et passionnée. Car l'emportement n'est qu'une faiblesse déguisée, et la fermeté, la grandeur, sont inséparables du calme et de la dignité.
Je voudrais qu'à un comité qu'on désignerait fût renvoyée toute dénonciation faite contre un ministre dans l'Assemblée, par un membre ou par un pétitionnaire, si elle n'était pas de nature assez grave pour qu'il fût nécessaire de délibérer à l'instant. Ce comité serait obligé d'examiner la dénonciation dès le lendemain au plus tard, de prendre une délibération quelconque, et d'en faire note sur un registre particulier.
Avec cette précaution, lorsque les dénonciations s'accumuleraient contre un ministre, l'Assemblée pourrait ordonner au comité de lui en rendre compte dans un bref délai. Le travail déjà fait serait mis sous les yeux de l'Assemblée-par ordre de date et de délibération.
Plusieurs plaintes, dont chacune en particu-
lier n'nurait point paru assez grave pour mériter une décision du Corps législatif, pourrait, par leur réunion et leur analogie attirer son attention. On pourrait y voir une suite d'erreurs ou de négligences paraissant tendre au même but, et l'Assemblée ordonnerait de lui en faire un rapport général et raisonné d'où la passion serait soigneusement bannie. L'Assemblée nationale aurait alors le choix de plusieurs résolutions. Voici celles que je conçois, et l'ordre où e'ies peuvent être placées. L'Assemblée s'arrêterait à l'une ou l'autre, suivant la gravité des circonstances :
1° Décréter que les diverses délibérations du comité, approuvées ou changées par l'Assemblée seraient adressées au ministre pour y répondre par écrit;
2° Si les réponses ne justifiaient pas le ministre, décréter, conformément à la loi du 27 avril 1791, qu'il sera présenté des observations au roi sur la conduite de tel ministre, et discuter ces observations ;
3° Soumettre le ministre à une censure impro-bative;
4° Déclarer au roi que tel ministre a perdu la confiance de la nation, décret qui ne pourrait être définitif qu'après deux délibérations à 6 jours d'intervalle;
5° Décréter qu'il y a lieu à accusation contre le ministre;
Peut-être je m'abuse, mais il me semble que ces 5 moyens sont les seuls que l'Assemblée nationale puisse employer, et qu'ils la mettront toujours en mesure pour exercer une surveillance active.
Le renvoi au comité dans les cas ordinaires, la dispense de_délibérer sur des faits présentés sans preuves, et l'obligation imposée au comité de prendre une décision sans reta d, et de l'insérer sur un registre, donne à l'Assemblée la certitude qu'aucune accusation, même une simple alléga tion, n'est ensevelie dans l'oubli, et cette certitude doit substituer ici le calme à cette agitation que nous causent tant de dénonciations contre les ministres.
Il existerait ainsi un livre effrayant pour le ministre négligent ou prévaricateur et indifférent pour le ministre actif et bien intentionné. Les citoyens sachant que leurs dénonciations sontsévè-rement examinés, recueilleraient les preuves des faits qu'ils auraient avancés, et ne se contenteraient pas de vaines allégations, narcequ'ils n'auraient plus l'espoir d'entraîner l'Assemblée dans des mesures précipitées.
Le Corps législatif doit en même temps s'imposer à lui-même des formes pour juger les ministres avec maturité, sans aigreur et sans passion. Cette lenteur est nécessaire si vous voulez être sévères ; car, si vousdécidiez précipitamment, les gens sages absoudraient plutôt que de condamner, sans avoir examiné. (Murmures à gauche. — Vifs applaudissements au centre et à droite.)
D'ailleurs, il est bien essentiel de donner à de tels décrets un caractère auguste et imposant. Sans ce caractère, ils ne commanderont pas à l'opinion publique.
Au reste, Messieurs, nous ne pouvons trop nous pénétrer d'une vérité bien évidente : la responsabilité des ministres dépend surtout de la conduite du Corps législatif et de la maturité de ses décisions, soit lorsqu'il combine les degrés d'exécution, soit lorsqu'il surveille et juge les principaux agents; de l'Assemblée nationale dépend la marche du gouvernement.
Les assemblées politiques ont leur caraclère, comme les particuliers, et le même pouvoir est bien différent dans des mains différentes. Voyez dans l'histoire, ce qu'est le pouvoir royal dans les mains d'Henri III, et ce qu'il devient dans celles d'Henri IV. Il est de même des assemblées. Une législature peut être véhémente et faible, iiidécise et précipitée, se lançant avec impé uo-sité à travers les événements, sans avoir une marche réfléchie et assurée, trop frappée de la circonstance du jour, et détournant ses regards de l'avenir, se traînant péniblement sur des détails au lieu de saisir puissamment l'ensemble. (Applaudissements.)
Au contraire, une législature accoutumée à voir les choses en grand, qui pèserait assez mûrement ses décisions pour ne jamais revenir sur elle-même, qui n'ordonnerait jamais rien que d'exécutable, do t toutes les délibérations, tous les-décrets seraient empreints du sentiment de sa dignité : une telle législature imprimerait au gouvernement, une marche imposante, commanderait le respect aux nations et aux despotes, intimiderait les ennemis de la chose pub ique. La grandeur de ses desseins, la fe-meté de ses résolutions feraient seules avorter leurs projets insensés. L'éclat de sa gloire rejaillirait sur la nation, qui, fière de la conduite de ses représentants, s'attacherait à la liberté par la reconnaissance envers eux, et s'attacherait à eux par la certitude de jouir des bienfaits de la liberté. (Vifs applaudissements.)
J'ai parcouru les différents rapports sous lesquels j'avais examiné la grande question qui vous occupe.
J'ai tâché de prouver que le Corps législatif devait envisager l'exécution en grand ; laisser, autant qu'il était possible, le choix des moyens aux ministres; éviter soigneusement le trop grand nombre de dispositions réglementaires; n'oublier jamais cette maxime: que le moyen le plus sûr de mal gouverner est de vouloir tout gouverner; j'ai tâché de prouver que les lois, par la nature de leurs dispositions, obtenaient l'avantage d'accéiérer, ou avaient l'inco ivénient de retarder leur propre exécution : enfin, j'ai cherché un mode de surveillance convenable à tous les instants,
11 résulte de tout ce que j'ai dit, que pour que les ministres soient vraiment responsables, il faut qu'ils aient une autorité réelle, et qu'on ne peut énerver leur autorité sans affaiblir leur responsabilité.
Vous ne pouvez, Messieurs, remplir le serment que vous avez fait de maintenir la Constitution, qu'en imprimant de l'activité au gouvernement qu'elle a établi. C'est vers le retour de l'ordre et le rétablissement des finances, que vos efforts doivent se diriger sans cesse. Comment les ministres arrêteront-ils les désordres et feront-ils rentrer les impositions, si, toujours, ils voient leur autorité méconnue, leurs ordr s méprisés? Eh! comment seraient-ils obéis, quand, au mépris de toutes les convenances, au mépris de leur titre de citoyen, qui doit être au moins respecté, ils sont traités comme de vils criminels sur de simples soupçons, tandis qu'un juge parle avec bonté, avec modération, à un scélérat convaincu des plus grands forfaits? (Applaudissements.)
Une si étrange conduite vient sans doute de ce qu'on trouve du courage à combattre les ministres. Est-ce donc les combattre que de les accuser sans preuves? Pour moi, j'aimerais
mieux que le Corps législatif eût à su.veiller des ministres redoutables par leur ambition et leur activi é, que de voir sans cesse l'autorité avilie dans leurs mains. C'est que je crains l'anarchie qui lève déjà sa tête ensanglantée, et non le despotisme qui est écrasé ; c'est qu'à ce seul nom ae l'anarchie, la fosse épouvantable d'Avignon se présente à ma mémoire : c'est que ie n'ai pas de vaines terreurs d'une contre-révolution impossible; c'est que je suis fortement convaincu que la Révolution, qui n'est pas l'ouvrage d'un jour, d'une année, mais celui des siècles qui se sont hâtés lentement, ne peut rétrograder, que la Constitution ne peut périr.
Non, la révolution ne Rétrogradera pas: la Constitution ne périra pas; et si je n'avais horreur des. maux que la guerre entraîne avec elle, bien loin de craindre l'attaque des lois de l'Europe, je la désirerais car la nation française sortirait triomphante de cette lutte glorieuse-, ou elle serait la dernière des nations. {Vifs applaudissements.) Non, la Constitution ne peut périr ; mais de longues souffrances peuvent nous atteindre; la licence peut prendre la place de la liberté; chacun voudra commander, aucun ne voudra obéir, et l'épouvantable anarchie peut avancer sur nous avec la cohorte infernale des fureurs, des vengeances, de la dévastation, de toutes les passions, de tous les forfaits.
Qui peut nous préserver de ces maux? Vous, Messieurs, vous seuls ! Etablissez le despotisme de la loi, ou craignez le développement de toutes les causes de désorganisation que la France recèle dans son sein. (Applaudissements.)
Dans mon projet de décret, je n'ai point cherché à ajouter de nouvelles dispositions au Code pénal, ni à prévoir tous les cas possibles d'erreurs ou de négligence; ce serait peut-être le moyen d'affaiblir la responsabilité. Plus elle est généralisée plus elle est forte. Si nous n'en sommes pas satisfaits, c'est que des temps d'orage amènent les défiances qui emportent souvent au delà du but que les lois doivent se proposer. Mais gardons-nous d'oublier qu'une législation extrême dans ses fins, comme dans ses moyens, se détruit d'elle-même. {Vifs applaudissements.)
Ainsi les articles que je propose sont plutôt dictés par la prudence d'une part, et de l'autre par le désir de mettre les administrateurs dans a nécessité d'obéir aux ministres.
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que la Constitution ne peut s'afferrhir qu'avec le règne impérieux de la loi; que la tranquillité, le bon ordre et la prospérité qui lés accompagne ne peuvent exister dans un grand Empire sans un gouvernement solide et respecté, qui ait assez d'énergie pour faire exé uter les lois, et j percevoir les impositions.
« Déclare qu'elle maintiendra avec fermeté toutes les autorités administratives dans l'exercice de leurs fonctions, et dans les limites que la Constitution a mises à leurs pouvoirs; qu'elle fera respecter les magistratures populaires, qui* ne sont que l'exécution vivante de la loi, et qui doivent, en son nom, exiger la soumission la plus entière;
« Ordonne aux ministres de redoubler de zèle et de vigilance dans les fonctions qui leur sont confiées par le roi; leur promet la confiance et la protection qu'ils ont droit d'attendre et qu'elle leur doit, au moment surtout où elle veut porter
l'œil le plus sévère sur leur conduite et leur administration;
« Décrète, en conséquence, ce qui suit :
« Article 1er. Le comité de législation
nommera parmi ses membres une section de 12 personnes, qui sera chargée
de l'examen de toutes les affaires relatives à l'insubordination des
administrations inférieures envers les supérieures, et de celles-ci
envers les ministres, ainsi que de toutes dénonciations portées à
l'Assemblée nationale contre les ministres. Cette section informera
l'Assemblée de toutes les atteintes qui lui paraîtraient avoir été
portées à la Constitution. Elle ne pourra faire aucun rapport, sans
l'avoir communiqué au comité général de législation.
« Art. 2. Toute dénonciation de la conduite ou de la négligence d'un ministre, si elle n'exige pas une délibératioh -urgente, sera renvoyée à cette section, qui sera tenue de l'examiner dès le lendemain au plus tard, de prendre une délibération quelconque, et d'en faire note ainsi que des motifs, sur un registre particulier. Cette section concertera ses délibérations avec le comité dont les fonctions ont un rapport immédiat au département du ministre contre qui serait faite la dénonciation.
« Art. 3. L'Assemblée nationale se fera représenter les plaintes portées sur le registre quand elle le jugera nécessaire, ainsi que les délibérations de son comité; et suivant qu'elles lui paraîtront fondées, qu'elles seront plus ou moins gravés, ou qu'elles prouveront la négligence du ministre dans ses fonctions, elle pourra prendre une des résolutions suivantes :
« 1° Que les diverses délibérations du comité, approuvées ou modifiées par l'Assemblée, seront adressées au ministre pour qu'il y réponde par écrit;.
« 2° Conformément à la loi du 27 avril 1791, . faire des observations au roi sur la conduite du ministre ;
« 3° Dans le cas d'une négligënce prouvée le Corps législatif pourra le soumettre à une censuré improbative, ën déclarant par une suite de résolutions, quel a été le genre de-son inaction, et quelles suites elle pourrait avoir. Tout ce qui aura été consigné dans lé registre prescrit par l'article 2, sera relaté dans les motifs de la censure;
« 4° Déclarer au roi que le ministre a perdu la confiance de la nation ; décret qui ne pourrait être définitif qu'après deux délibérations, et 6 jours d'intervalle entre elles;
5° Décréter qu'il y a lieu à accusation contre: lé ministre, én mettant le même intervalle dans les délibérations.
« Art. 4. Lorsque l'Assemblée nationale aura prononcé qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de déelarer qu'un ministre a perdu la confiance de la nation, ou de le mettre en élat-d'aeeusation, un autre comité sera chargé d'examiner l'affaire de nouveau et d'en faire un second rapport. Le ministre sera entendu dans cet intervalle, avant que l'Assemblée porte un décret définitif.
« Art. 5. Les ministres sont responsables des délits commis dans leurs départements respectifs, tant par les individus que par les fonctionnaires puDlics qui leur sont subordonnés, s'ils n'en ont pas fait poursuivre la punition.
« Art. 6. Dans ce cas, l'Assemblée nationale déclarera au roi que tel délit est resté impuni. Si, dans l'espace d'un mois après cette déclaration,
le ministre ne met pas sous les yeux du Corps législatif les preuves des mesures qu'il aura dû prendre, pour faire punir, suivant les lois, le fonctionnaire public coupable, ou poursuivre l'infraction faite à la loi, il sera soumis à une censure improbative par le Corps législatif.
« Art. 7. Si le délit, resté impuni par la négligence du ministre, était d'une nature assez grave pour compromettre la sûreté de l'Etat, le Corps législatif déclarerait que le ministre a perdu la confiance de la nation.
« Art. 8. Toutes les fois que des citoyens adresseront au roi des plaintes contre des administrations supérieures ou inférieures, ou que celles-ci auront, porté des plaintes les unes contre les autres, le ministre au département duquel ressortira l'affaire, donnera une décision dans l'espace d'un mois au plus tard, et l'adressera au Corps législatif.
« Art. 9. Le ministre maintiendra dans ses décisions la subordination respective des autorités constituées; et toutes les fois que les plaintes porteront; un caractère grave d'insubordination, d'une administration inférieure envers une supérieure; si celle-ci n'a pas suspendu de ses fonctions l'administration coupable, le ministre en rendra compte sans délai au Corps législatif, après que le roi aura usé de l'autorité qui. lui est déléguée par la Constitution, pour punir encore plus sévèrement l'administration qui n'aura pas réprimé l'insubordination, que celle qui s en sera rendue coupable.
T « Art. 10. Le comité des décrets fera placer dans la salle des séances de l'Assemblée le tableau des lois sanctionnées chaque fois que le ministre de la justice l'adressera à l'Assemblée nationale.
« Art. 11. Une colonne de ce tableau contiendra la date du jour où le décret aura été porté à la sanction.
« Art. 12. L'intitulé de chaque loi sera effacé, à mesure que le ministre chargé de la faire exécuter dans le ressort de son département, aura prouvé que la loi a-été envoyée aux corps administratifs et aux tribunaux.
« Art. 13. Les ministres adresseront pour cet effet, au Corps législatif, une note de l'avis de réception qui lui aura été adressé par les corps administratifs et les commissaires du roi près les tribunaux.
« Art. 14. Lorsque les Corps administratifs et les tribunaux auront passé plus de 15 jours à dater du jour delà réception delà loi, sans en donner avis au ministre, celui-ci instruira l'Assemblée nationale et e n verra chercher la lettre d'avis par un courrier, dont la dépense sera supportée par les administrateurs ou juges en retard.
« Art. 15. Les ministres, en useront de même toutes les fois que , les corps administratifs mettront de la négligence dans l'envoi des renseignements ou instructions qu'ils leur auront demandés.
« Art, 16. Tout ministre qui aura quitté le ministère, ne pourra sortir de la ville où le Corps législatif tiendra ses séances, sans un décret de l'Assemblée nationale, qui examinera préalablement le compte de son administration. » ;
descend de la tribune au milieu des plus vifs applaudissements ; quelques membres de l'extrême gauche s'abstiennent seuls d'applaudir.
Plusieurs membres demandent l'impression et
la distribution du discours et du projet de décret de M. Viénot-Vaublanc.
(L'Assemblée décrète, à une très grande majorité, l'impression et la distribution du discours et du projet de décret de M. Viénot-Vaublanc.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des députés de la ville de Saint-Pierre de la Martinique, par laquelle ils demandent que l'Assemblée veuille écouter au plus tôt le rapport du comité colonial sur Vorigine des troubles des colonies, et annoncent que deux des commissaires civils qui avaient été envoyés aux îles du Vent, eh exécution du décret du 29 novembre 1791, sont arrivés à Paris ; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 22 février 1792.
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale, pour remédier aux maux affreux qui ont désolé les colonies du Vent, a décrété qu'il lui serait fait un rapport sur l'origine et la cause des troubles qui les ont agitées depuis le principe de no're heureuse révolution. Il est instant que l'Assemblée nationle daigne s'occuper de cet objet. Deux des commissaires civils envoyés aux îles du Vent, en exécution du décret du 29 novembre 1791, sont arrivés à Paris. Le ministre de la marine pourra vous rendre compte de ce qui s'est passé à la Martinique et à la Guadeloupe depuis leUr arrivée, jusqu'au moment de leur départ. L'Assemblée nationale, qui veut prendre les moyens les plus efficaces pour rétablir le calme et la tranquillité dans nos colonies, ne pourra le faire avec un succès assuré, que quand elle sera instruite de tous les faits antérieurs. MM.Gonyn etQuestin, qui sont chargés de ce rapport, sont tout prêts.
« Nous sommes, etc. »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs voix : Le renvoi au comité central !
Je demande que le ministre de la marine soit tenu de rendre compte de la mission dont avaient été chargés les deux commissaires envoyés à la Guadeloupe. Ces deux commissaires sont en France depuis un mois. Ils sont à Paris depuis 6 jours, et je ne crois pas que le mini-tre en ait rendu compte à l'Assemblée. Je demande en même temps que le ministre rende compte pourquoi les deux commandants se sont fortement opposés aux proclamations que voulaient faire les deux commissaires envoyés par le roi dans les îles, et pourquoi ces deux commandants ont donné deux fois consécutives leur démission, et repris leurs fonctions, pour empêcher les proclamations que les commissaires voulaient faire. Après que le ministre aura rendu compte de ces faits à l'Assemblée, ie me réserve de les établir avec la plus grande vérité» s'il ne le fait pas.
J'observe à l'Assemblée que le roi avait envoyé 4 commissaires à la Martinique; de ces 4 commissaires, deux seulement sont de retour. Ces deux ont fait cis-sion avec leurs collègues, et ils sont re venus sans que l'ordre de leur rappel leur ait été signifié. Les deux autres sont encore dans la colonie, et y sont restés dans le moment où les nouvelles des troublés de Saint-Domingue y sont 'parvenues, et où leur présence y était nécessaire. Ils n'ont point apporté les procès-verbaux qu'ils avaient dressés ; ils sont sous le scellé. D'après cela, vous
ne pouvez délibérer sur les notions que vous donneront ces commissaires, que lorsque vous aurez entendu les deux autres qui ne doivent pas être longtemps à revenir, puisque les ordres de b'ur rappel leur sont parvenus. Ils vous apporteront alors toutes les informations qui ont é»é faites par les 4 autres commissaires, réunis, et ce n'est qu'alors que vous pourrez prononcer sur les troubles des colonies. Je demande donc qu'en renvoyant la demande des deux commissaires arrivés à votre comité, il soit dit cependant qu'il ne sera (ait de rapp >rt qu'après l'arrivée des deux autres qui doivent vous apporter les pièces justificatives.
M. d'Optère est dans l'erreur, ce ne sont point les deux commissaires arrivés de la Martinique, ce sont des députés de la Martinique qui sont à Paris depuis 15 mois, qui demandent que l'Assemblée veuille entendre le rapport des troubles de la colonie. Je demande le renvoi au comité central de la lettre des députés de la Martinique, afin qu'il fixe le jour où l'on s'occupera des troubles de celte île.
Je mets aux voix le renvoi au comité central.
Je demande la parole (Aro« / non !) pour rendre compte d'un fait. J'observe qu'en renvoyant au comité central, l'Assemblée juge, sans doute, que le rapport est prêt. Or, j'affirme que ce rapport ne sera et ne peut être prêt que lorsque les commissaires auront t'ait leur rapport au roi et que le ministre de la marine l'aura fait parvenir à l'Assemblée. Jusque-là, le renvoi au comité central est inutile.
Il n'est question, dans le rapport demandé par les députés de la Martinique, que des faits antérieurs à l'arrivée des commissaires dans les colonies, faits sur lesquels leur rapport ne peut fournir aucune lumière. Les faits antérieurs et les faits postérieurs à l'arrivée des commissaires forment deux époques et font l'objet de deux rapports distincts, puisque deux rapporteurs en sont chargés. D'après cela, j'appuie Ja demande de renvoi au comité central.
Je suis chargé de faire le rapport qu'on demande, et il est prêt depuis quelques jours. Mais, bien que je ne doive parier que des faits antérieurs à l'arrivée des commissaires dans la colonie, je pense que le rapport qu'ils doivent faire jettera un grand jour sur les causes des troubles et me forcera vraisemblablement à changer beaucoup de choses dans mon rapport. En conséquence, je demande que l'Assemblée veuille bien l'ajourner jusqu'après la remise des procès-verbaux des commissaires envoyés à la Martinique et le compte qui lui sera rendu par le ministre de la marine.
Les nouveaux faits dérangent tous les calculs des comités; il n'y a point d'analogie entre les dernières nouvelles et les pièces qu'il avait dans les mains. Sur 4 commissaires envoyés dans cette colonie, deux seulement sont revenus sans ordre, et sont arrivés à Paris pres-qu'en cachette. En insistant donc sur le renvoi aes nouvelles pièces au comité, j'appuie aussi la proposition faite par M. Rouyer.
et plusieurs autres membres parlent pour ou contre le renvoi au comité central.
Plusieurs membres .*La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion et décrète j
que le ministre de la marine lui rendra compte dans la huitaine, par écrit, de la mission des commissaires civils envoyés aux îles du Vent et revenus à Paris, et de tous les faits y relatifs, et ajourne le rapport du comité colonial aussitôt après le compte rendu par le ministre de la marine.)
, ministre de In guerre. L'Assemblée a décrété, le 18 de ce mois, que, dans trois jours, je lui rendrais compte de ïètat général des gardes nationales, et que je lui pré-senlerais mes vues sur la quantité de bataillons de volontaires nationaux que les déparlements pourraient fournir et qu'il faudrait lever, soit pour couvrir les frontières tant du nord que du midi, soit pour maintenir la tranquillité publique dans les départements méridionaux. Aujourd'hui est le troisième jour; l'Assemblée veut-elle entendre mon rapport?
Plusieurs voix : Renvoyé au comité militaire.
(L'Assemblée renvoie cet objet au comité militaire.)
, ministre de la guerre. L'Assemblée, par son décret d'hier sur la fourniture de la viande aux troupes, n'a entendu parler que des garnisons ; car, d'après un décret précédent, j'avais été autorisé à assurer la lourni-ture de la viande aux armées, quand elles seront en campagne. (Oui! oui!)
Je crois devoir observer à l'Assemblée nationale que le mode qu'elle a jugé utile d'établir, l'adjudication au rabais dans chaque département, pour la fourniture de la viande, va nécessairement occasionner une hausse considérable et subite dans le prix de la viande, dont le résultat pourrait être onéreux au Trésor public, et peut-être à la subsistance des citoyens. J'ai cru de mon devoir de lui présenter cette réflexion. Je me bornerai ensuite à exécuter ce qu'elle a décrété. Je demandé encore à êire autorisé à déposer aux archives de l'Assemblée nationale les marchés que j'ai passés pour les préparatifs de la guerre, mais en lui rappelant l'inconvénient qu'il y aurait à leur donner de la publicité avant leur exécution totale; il n'en est aucun qui n'ait été examiné et discuté avec le plus grand soin, et je ne craindrai jamais, à aucun égard, de livrer mon administration au plus grand jour. J'appellerai même avec confiance la sévérité de l'Assemblée nationale pour les examiner.
Je n'attache point une instante importance à des soupçons exprimés par des personnes qui paraissent avoir attaché une trop grande idée à la séduction de l'argent ; mais, comme j'ai eu toute ma vie une extrême répugnance pour les affaires, j'éprouve encore cette disposition comme ministre, et l'utilité publique pourrait seule me condamner à la vaincre. Je demande que l'Assemblée veuille bien décréter que je déposerai dans les archives les marchés que j'ai passés.
Plusieurs voix : Le renvoi au comité militaire
(L'Assemblée ordonne le dépôt aux archives nationales des marchés passés par le ministres de la guerre.)
(La séance est levée à cinq heures moins un quart.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du mercredi 22 février 1792.
ADRESSE (2) des juges du tribunal de Longuyon, an district de Longwy, département de la Vosrlle, par laquelle ils annoncent l'arrestation du sieur Jean Gircourt, vicaire à Audun-le-Tiche, pour crime d,embauchement.
tribunal de longuion. — département de la moselle.
I
a l'assemblée nationale.
« Messieurs.
« Dans un moment où la patrie est menacée, clans un moment où il se fait des rassemblements d'hommes en pays étrangers dans le vue d'opérer une contre-révolution dans l'Empire français, des citoyens malveillants travaillent sourdement à opérer cette contre-révolution; un délit le plus commun-sur ces frontières est celui de l'embauchement des troupes de ligne en cantonnement; on en voit déserter tous les jours armés qui partent pour se rendre à Coblentz, Worms et autres villes d'Allemagne où l'on fait de ces rassemblements ; des fanatiques cherchent à mettre continuellement à l'epreuve la fidélité ne nos troupes : c'est un délit de cette espèce que l'on vient de dénoncer au tribunal dont voici le lait :
« Le sieur Dufay, officier au 7e régiment des dragons, en garnison à Longwy-bas, ayant appris qu'un dragon du même régiment avait déserté le 3 du courant avec armes et bagages du poste d'Audun-le-Tiche, village sur les frontières, s'y rendit aussitôt et après les documents par lui pris sur les lieux, il s'aperçut que les opinions se tournaient sur le sieur Jean Gircourt, vicaire à Audun-le-Tiche,soupçonné d'avoir séduitcesol dat ; il se rendit aussitôt chez lui et l'emmena à Longwy où le juge de paix reçut son interrogatoire et la déposition du sieur Dufay dont l'original est ci-joint; sur le mandat d'arrêt donné par le iuge de police, le sieur Gircou t a été amené, le (}, en la maison d'arrêt du tribunal où il est maintenant détenu. Les pièces réunies entré les mains de l'accusateur public, il a présenté son réquisitoire par lequel il requiert la relaxation du sieur Gircourt, fondée sur la nullité du procès-verbal du premier juge. Le commissaire du roi près le tribu al a conclu aux mêmes fins, suivant qu'on peut le voir par ses conclusions au bas de l'acte de l'accusateur public aussi ci-joint, mais le tribunal, fort de son devoir et de son patriotisme, n a pas cru devoir ordonner la relaxation de cet accusé dans un moment où il serait du plus dangereux exemple de laisser propager le poison du fanatisme répandu par des ministres de paix.
« L'embauchement est un crime de lèse-nation, un crime contre la sûreté de l'Etat et l'As-
semblée nationale s'est réservée de porter accusation sur ces sortes de crimes, pourquoi le tribunal, quoique déjà le prévenu soit detenu dans la maison d'arrêt et au secret, pensant que la haute cour était seule compétente pour connaître des conspirations contre l Etat ainsi que vient de le décider l'Assemblée nationale dans l'affaire de Perpignan n'a pas hésité, sans ordonner la relaxation du prévenu, d'adresser au Corps lég slatif, et le procès-verbal du juge de paix de Longwy et la plainte de l'accusateur public et les réquisitions du commissaire du roi pour, par l'Assemblée législative, être porté le décret d'accusation s'il y a lieu, ou déterminer la compéten e du tribunal et la marche qu'il doit suivre, le tribunal criminel du département et le juré n'étant pas encore en exercice quoique depuis longtemps la loi soit enregistrée.
« Le tribunal se trouvera trop heureux si les augustes législateurs veuillent bien accepter la présente adresse, comme un hommage de leur respect, de soumission à leur décision, et de son entier dévouement à la Constitution.
« Les juges du Tribunal de Longuion au district de Longwy, département de la Moselle.
« Signé : Lhote; H. F. A. MUTEL;
Petit, etc. »
II
Procès-verbal de l'interrogatoire du sieur Jeàn Gircourt, dressé par le juge de paix de Longwy.
« Aujourd'hui cincr janvier mil sept-cent quatre-vingt-douze, les nuit heures du matin.
« Par devant nous, Laurent Gabriel Claude, juge de paix de la ville et paroisse de Longwy, a été amené par M. Dufay, officier au 7e régiment de dragons en garnison à la ville basse de cette ville, un prêtre soupçonné d'avoir embauché un dragon détaché à Audun-le- riche,
« Interrogé de son nom, âge, qualité et demeure :
« A répondu qu'il si nomme Jean Gircourt, âgé de trente-trois ans, vicaire à Audun-le-Tiche, demeurant à Aussange.
Interrogé s'il a prêté le serment décrété par l'Assemblée nationale : a répondu que non.
« Interrogé s'il connaît les dragons du 7e régiment qui sont en détachement à Audun-le-Tiche :
« A répondu qu'il les connaît pour les avoir vus dans le village;
« Interrogé s'il n'a pas parlé aux dits dragons :
« A répondu qu'il ne leur avait jamais parlé, si non qu'en passant il leur avait dit bonjour.
« Interrogé s'il n'a pas bu avec eux :
« À répondu que non.
«Interrogé s'il n'a pas eu connaissance qu'un dragon du poste d'Audun-le-Tiche ait déserté le 3 du courant :
« A répondu qu'il n'en avait aucune connaissance, mais que cet homme parlait de déserter et qu'il ne sait pas si il a déserté.
Interrogé où le dragon lui a manifesté le désir de déserter :
« À répondu que c'était auprès de Villercept, où il l'avait rencontré à la brune, que le dragon lui avait souhaité le bonsoir, que le répondant lui avait demandé où il allait; à quoi le dragon répondit qu'il avait ordre de rejoindre
et quand ils auraient bu la goutte, il pourrait bien faire un coup de sa tête.
« Lui avons demandé ce qu'il avait dit au dragon :
« A répondu qu'il avait dit au dragon : vous avez donc envie de déserter; que le dragon lui dit qu'il suivrait son idée, à quoi lui, répondant lui répliqua : Je ne vous conseille rien, vous ferez ce que vous voudrez.
« Interrogé s'il ne l'a pas engagé à rejoindre les émigrants à Worras et s'il ne lui a pas dit que son régiment se formait dans cette dernière ville :
« A répondu que cela pouvait bien être parce qu'il l'avait vu dans la gazette de Francfort, et qu'on donnait 45 livres à un fantassin et 60 à 65 livres à un cavalier pour son entretien et celui de son cheval.
« Interrogé s'il a été longtemps à parler avec ce dragon :
« A répondu qu'ils y avaient été trois ou quatre minutes, plus ou moins.
« Lui avons observé que, dans un des précédents interrogatoires, il nous avait dit n'avoir jamais parlé au dit diagon :
« A repondu qu'il ne leur avait jamais parlé à Audun, ajoutant qu'il ne se rappelait pas si c'était le dragon qui l'avait attaqué le premier, ou si c'était lui, répondant, qui lui avait d'abord adressé la parole
« Interrogé pour quel motif il a annoncé audit dragon i|ueson régiment se formait à Worms :
« A répondu que c'est parce qu'il lui avait annoncé le désir de déserter.
« Interrogé s'il n'a pas des relations avec les émigrants et s'il ne va pas souvent les voir à Luxembourg :
« A répondu qu'il n'avait aucune relation avec eux, mais qu'il a été une fois à Luxembourg et que c'était vendredi dernier.
« Interrogé si, le jour de la Fête-Dieu, il n'a pas été amené au district de cette ville :
« A répondu que oui et qu'il y avait été amené par la garde nationale de Tiercelet.
« Interrogé pour quoi il y a été amené :
« A répondu que c'était parce qu'il avait des chansons dans sa poche.
« Lui avons demandé de quelle espèce étaient ces chansons :
« A répondu qu'il y en avait d'aristocratiques et de démocratiques et avons fait donner lecture audit abbé Gircourt du présent interrogatoire et a dit que les réponses contiennent la vérité, après quoi et en présence du dit Gircourt avons reçu la déposition dudit sieur Anne-Guillaume Michel Dufay, officier, sous-lieute-nant au 7e régiment de dragons en garnison à la ville basse, âgé de vingt-deux ans, lequel après serment prêté par lui de dire vérité, dépose qu'ayant appris lui, vers les quatre heures et demie du soir, que le nommé Moncey, dragon de sa compagnie en détachement à Audun-le-Tiche, avait déserté avec armes et bagages; il est monté sur-le-champ à cheval pour prendre des informations sur les frontières, qu'il a passé dans différents détachements sans avoir pu trouver aucun indice à ce sujet; qu'étant arrivé à Audun-le-Tiche, il est descendu chez l'officier commandant le détachement; que ce dernier lui a dit qu'il y avait un certain abbé Gircourt, fort mauvais sujet, se prenant fort souvent de vin, vivement soupçonné aussi d'avoir favorisé la désertion de deux hussards, que M. Ronfort son hôte avait rencontré ledit sieur abbé parlant
rès de Villierscept audit Moncey, que le sieur onfort avait demandé au sieur abbé pourquoi il parlait à ce dragon : que le sieur abbé avait répondu que ce dragon était mécontent de ses ofticiers qui lui faisaient rejoindre sa garnison à la ville basse de Longwy; que ledit ftonfort passa son chemin et laissa ledit abbé avec le dragon; qu'ayant fait quelques pas il entendit le sieur abbé dire au dragon : Adieu, nous déjeunerons ensemble; que lui déposant a demandé audit sieur Ronl'ort la véracité de ce que venait de lui dire son camarade et qu'il lui a confirmé qu'il lui demandait où logeait ledit abbé, que 1 officier commandant les détachements d'Audun-le-Tiche, le conduisit à sa demeure, que lui déposant demanda au propriétaire de la maison si ledit abbé Gircourt n'était point chez lui, que ledit propriétaire le conduisit dans toutes les chambres pour lui faire voir qu'il n'y était pas, qu'étant de retour chez son camarade, le sieur abbé vint le trouver pour soi-disant se disculper, que lui déposant ? proposé audit sieur abbé de venir s'expliquer à Longwy et qu'il y consentit, que pendant la route, ledit abbé lui jura de n'avoir jamais participé à La désertion de ce dragon. Qu il avait déjà eu le malheur d'être conduit à Longwy par la garde nationale pour suspicion; que le sieur abbé se plaignait de fatigue, que lui déposant le fit rafraîchir au détachement de Tiercelet; qu'étant là ledit abbé lui dit qu'il avait effectivement parlé à un dragon qui avait envie de déserter, et qu'il lui avait ait qu'il ne l'engagerait pas à le faire, ni à ne pas le faire; qu'il lui avait dit que le régiment de Dauphin, supprimé en France, était recréé à Worms, qu'en sortant de l'auberge, ledit abbé lui dit M. le chevalier; à quoi le déposant lui répondit: je ne connais plus ce titre; que ledit abbé lui répondit : vous en jouirez plus que jamais bientôt, car la contre-rêvolutiun est faite; et qu'ils partirent; que continuant la conversation sur la révolution certaine, ledit abbé lui dit que M. de Lahausse, ancien oflicier de la légion de Luxembourg, avait fait depuis peu une recrue de 300 et tant d'hommes qu'il faisait passer vers les princes, que lui déposant lui a demandé comment il pouvait faire passer 300 hommes sans que cela p irùt; qu'il lui répondit qu'ils ne passaient pas tous par la même roule ni à la fois; que lui déposant lui demanda s'il n'avait pas encore quelques preuves de la contre-révolution; qu'il lui répondit qu'il venait de Luxembourg depuis peu de jours, qu'il avait vu vingt-cinq officiers de dragons, plus beaux hommes les uns que les autres, partir en poste sur des chevaux anglais, portant l'uniforme contre-révolutionnaire; que lui déposant lui demanda quel était l'uniforme contre-révolutionnaire ; qu'il lui a répondu qu'il était bleu de roi avec des parements hachés de blanc, et qu'il avait passé plusieurs jours à Luxembourg, avec M. Dufresnay, ancien garde du roi; que ledit sieur abbé lui avait encore dit qu'il avait été à Trêves au mois de juin dernier, qu'il avait été à Worms, où il avait vu tous ces Messieurs qui composaient une armée de soixante-cinq mille hommes, que l'Evêque de Trêves lui avait proposé une pension de trais cent vingt-huit livres de France, mais qu'il préférait sa cure de Havauge et son canonicat de Verdun; que lui déposant lui a observé qu'il n'existait plus ni cure ni canonicat pour lui, à quoi il répondit qu'avant peu, il pourrait jouir de son canonicat; ajoutant que le dit Gircourt lui avait encore dit
qu'il avait dit au dragon dont s'agit, qu'il aurait plus d'avancement à Worms où se recréait le régiment qu'ici.
« Lecture faite de sa déposition, a dit icelle contenir vérité et a signé.
Approuvé le mot vu surchargé.
« Signé : Dufay.
« Sur quoi, nous, juge de paix susdit avons renvoyé ledit abbé Gircourt au tribunal du district de Longwy séant à Longuyon, pour son procès lui être fait, et à cet effet ledit abbé Gircourt et le présent procès-verbal seront remis à la gendarmerie nationale pour être conduits et portés audit tribunal.
« Fait audit Longwy ledit jour cinq janvier mil sept cent quatre-vingt-douze à onze heures et demie du matin et avons signé avec notre greffier.
« Signé : forurerme; L. G. claude. »
III
« A Messieurs,
« Messieurs les juges du tribunal du district de Longwy, séant à Longuyon.
« Remontre l'accusateur public près le tribunal,
« Que le nommé Jean Gircourt, vicaire à Audun-le-Tiche, a été amené le 5 de ce mois par-devant le juge de paix de la paroisse de Longwy, par le sieur Dufay, officier au 7e régiment de dragons en garnison à Longwy, ville basse, sous ce prétexte qu'il soupçonnait ledit Gircourt d'avoir embauche un dragon de son régiment détaché à Au-dun-le-Tiche; en conséquence^de quoi le juge de paix de la ville et paroisse de Longwy, a cru pouvoir lui faire subir interrogatoire en suite duquel, et de la déposition dudit sieur Dufay, il a apposé un mandat d'arrêt, en vertu duquel ledit procès-verbal et l'accusé ont été remis entre les mains de la gendarmerie nationale de Longwy, et amené le 6 même mois en cette ville, ledit procès-verbal nous ayant été remis par la voie du greffe, nous avons remarqué qu'il ne contient pas une accusation bien déterminée; il est bien vrai que les circontances rappelées au procès-verbal fortifient le soupçon conçu par le sieur Dufay. mais il y a cette différence que nul ne peut être arrêté sur un soupçon qui ne suppose pas même le crime et que l'existence au crime peut déterminer l'arrestation de celui qui en est prévenu. Le sieur Dufay expose bien qu'il y a un dragon déserté avec armes et bagages, mais cette désertion n'est constatée par aucune pièce juridique et s'il n'y a point de corps de délit, il ne peut y avoir d'accusation, et pour qu'il y ait lieu à accusation, il laut un corps de délit constant, et, ici, tout nous prescrit la plus grande circonspection, surtout si l'on considère encore la forme du procès-verbal déposé.
« Aux termes de l'article 7 de la Déclaration des droits : « Nul homme ne peut être arrêté, accusé, ni détenu que dans les cas déterminés par les lois et selon les formes qu'elle a prescrites. »
« Or, quelles sont les formes? La loi du 29 septembre dernier sur le décret du 16 du même mois, les détermine.
« L'article 13 du titre V porte que : « dans le
« cas où l'officier de police qui a reçu la plainte « n'est ni celui du lieu du délit, ni celui delà ié-sidence du prévenu, il sera tenu de renvoyer « l'affaire avec toutes les pièces devant le juge « de paix du lieu du délit, pour qu'il soit déter-« miné par celui-ci, s'il y a lieu ou non à déli-« vrer le mandat d'amener. »
« C'est à celui-là seul qu'il appartient de délivrer le mandat d'arrêt, aux termes de l'article 17 de la même loi.
« Or, le sieur Gircourdest vicaire à Audun-le-Tiche, le dragon dont on le soupçonne d'avoir provoqué la désertion était détaché à Audun-le-Tiche; donc le juge de paix de ce canton a été seul compétent pour donner un mandat d'amener et décerner le mandat d'arrêt, donc aussi le juge de paix de Longwy aurait du lui-même prononcer le renvoi.
« Mais ce procès-verbal peut d'autant moins nous déterminer à asseoir une plainte qu'il pèche encore contre le rescrit de l'article 3 du titre V de la même loi, qui veut que la plainte soit signée à chaque feuillet par l'officier de police : « elle « sera également (porte la loi), elle sera égale-« ment signée et affirmée par celui qui 1 aura « faite ou par son fondé de procuration spéciale : « il sera lait mention expresse de la signature de « la parlie ou de sa déclaration de ne pouvoir « signer, à peine de nullité. »
« Or, le juge de paix qui a reçu la plainte n'a pas signé à toutes les pages, il s'est contenté de parapher, la partie n'a pas également signé, puisque sa signature ne se rencontre qu'à la fin du procès verbal, qui n'est pas même signé du juge de paix, car j'observe que la signature du juge de paix ne se rencontre qu'à la fin du mandat d'arrêt, ce qui rend ce procès-verbal nul, de toute nullité, insuffisant pour fonder une plainte.
« Cependant, il n'est quelrop vrai qu'on intrigue, il n'est quetrep certain que les ennemis de la Révolution fomentent la discorde parmi nous. Les précautions sont plus que jamais nécessaires et sans nous permettre d'entacher le sieur Gircourt du soupçon, nous croyons apercevoir au moins, dans les dires du sieur Dufay et dans les réponses du sieur Gircourt, des motifs suffisants pour exciter une surveillance contre cette espèce de crime qui ne se propagerait peut-être que trop facilement, mais encore un coup, la désertion dont on se plaint n'est pas constatée, nous ne pouvons y croire, et comment croire véritables les réponses du sieur Gircourt, il ne les a pas signées, et la pièce qui les contient est nulle.
« Par toutes ces considérations, je requiers que Jean Gircourt, arrêté et détenu en prison de cette ville, soit relaxé à la caution juratoire et à charge de se représenter toutes fois et quanfes, sauf au sieur Dufay à se pourvoir par-devant le juge compétent et à faire constaterle délit, pour sur les pièces valables, requérir [iar nous et par vous, Messieurs, statuer ce qu'au cas appartiendra, ordonner en conséquence au geôlier de lui ouvrir les portes, qu'en faisant il demeurera bien et valablement déchargé.
« Et, cependant, ordonner que le procès-verbal dont s'agitdemeurera déposé en votre greffe pour y avoir recours au besoin.
« A Longuyon, le 7 janvier 1792.
« Signé : Tibessart. »
IV
a L'accusateur public près le tribunal du district de Longwv, séant à Longuyon.
« Déclare à Messieurs les juges dudit tribunal,
« Que, sur la plainte donnee'par le sieur Dufay, officier au 7e régiment de dragons, il n'a d'autre dénonciateur contre le sieur Gircourt, vicaire à Audun-le-Tiche, que le procès-verbal du juge de paix de la ville et paroisse de Longwy, en date au 5 du courant et déposé en notre greffe le jour d'hier.
« A Longuyon, le 7 janvier 1792.
« Signé : TiBESSART. »
V
« Vu par nous, commissaire du roi, la requête de l'accusateur public tendant à faire relaxer le n o m m é .1 ea n Gi rcou rt, p rêtre e t vi cai re à A u d u n-le-Tiche sous sa caution juratoire. L'acte de déclaration du 7 du couraiit, l'écrit intitulé : « au-« juurd'hui 7 janvier 1792, les 8 heures du matin « par-devant nous, Laurent-Gabriel Glande, juge « delà ville île longwy, «lequel écrit porte qu'il a été amené par devant ledit officier de justice un prêtre soupçonné d'avoir embauché un soldat du 7e régiment de dragons et contient plusieurs interrogations faites au sieur Gircourt, le témoignage en forme de plainte en dénonciation du sieur Dufay, oflicîèr de dragons, et en outre un mandat d'arrêt donné contre le sieur Gircourt par le juge de paix. Il résulte de l'examen de cet écrit : 1° que le sieur Gircourt est présenté seulement comme soupçonné du crime d'embanche-ment; 2° que si la loi concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l'établissement des jurés était en vigueur et en pleine activité, le juge de paix dont le zèle a fait connaître et punir les ennemis déclarés de la Constitution ne peut être que louable; quoiqu'il l'ait ici poussé trop loin, s'il avait cru trouver dans la déposition ou plainte du sieur Dufay et dans les réponses du sieur Gircourt de quoi asseoir contre celui-ci un mandat d'arrêt, aurait du le renvoyer avec les pièces au juge de paix du canton d'Au-metz qui est le juge du lieu du délit et de la personne soupçonnée, co formément à l'article 13 du titre V de la loi sur l'établissement des jurés; 3° que, suivant les dispositions de cette même loi et ue celle sur la réformation de la procédure criminelle, l'interrogatoire fait à Gircourt, et la déposition de l'officier en forme de plainte sont nuls et de toute nullité, parce que l'interrogatoire n'est pas signé ni par l'interrogé ni par le juge; parce que ce qui le contient et la plainte ou dénonciation du sieur Dufay n'est pas signé du juge ni du plaignant ii chacun de ses feuillets, excepté au bas du troisième feuillet où se trouve seulement la signature du sieur Dufay et ce, contrairement à 1 article 11 du titre de ia loi ci dessus rappelée, ainsi qu'aux dispositions de l'ordonnance de Lorraine qui nous régit tout le temps quQ les jurés d'accusations et de jugement ne seront pas établis et en activité.
« Considérant donc que la loi sur l'établissement des jurés n'étant pasen vigueur, on ne peut, dans le cas présent, comme dans tous autres, suivre la marche qu'elle indique, mais que l'on
doit s'en tenir au vœu et aux dispositions des lois existantes, tant anciennes que nouvelles relatives à la procédure criminelle, que l'écrit en forme d'interrogatoire et de plainte, tout nul et informe qu'il est, ne porte contre Gircourt que les termes de soupçon d'embauchement, mais que rien n'atteste, dans cet écrit, qu'on ait pu formert-ontrelui un tel soupçon, car, pour qu'un délit puisse donner des soupçons sur son auteur, il faut qu'il soit constaté qu'il existe, et rien ne justifie que la désertion du dragon dont on veut soupçonner Gircourt coupable est réelle, sinon le dire de l'officier, le dragon peut, à la vérité, être absent du régiment ou de son poste, mais est-il jugé déser eur, et les délais sur l'absence d'un soldat pour le juger déserteursont-ils écoulés? C'est ce qui n'est point démontré;
Considérant enfin qu'il est énergiquement et expressément ordonné par l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens, que nul ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, qu'il n'y en a aucune qui le permette pour soupçon d'un crime qui n'est pas constaté ou qui n'existe pas, et, je le repète, le dragon peut avoir quitté son régiment pour un temps, sans avoir perdu l'intention de le rejoindre et sa désertion n'est pas prouvée, le temps même pour le juger déserteur suivant la loi martiale n'est pas écoulé, et il est encore moins prouvé, quand la désertion serait vraie, que Gircourt y adonné lieu.
Que nous ne sommes plus sous le régime de l'arbitraire et des suspicions et que si la police de sûreté a dû consulter avant tout la sûreté publique, la justice doit faire céder à toute autre considération le respect et la précaution qui sont dus à l'innocence en péril. L'embaucheur est, sans doute, un des plus cruels ennemis de l'Etat et de la Constitution, mais ce crime ne se suppose pas, l'homme est réputé innocent jusqu'à ce qu'il y ait des preuves contre lui, et jusque-là la loi le protège et défend qu'il soit arrêté et détenu.
« Je requiers donc, pour l'exécution de la loi, que le sieur Gircourt soit relaxé à l'effet de quoi les prisons lui seront ouvertes et à ce, le geôlier contraint quoique faisant, sera valablement déchargé.
Signé : JuROT. »
Séance du
présidence de m. mathieu dumas.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, au nom du comité des pétitions, fait un rapport, et présente un projet
de décret sur les réclamations de là commune de Nantes, relatives aux
opérations du corps électoral du département de la Loire-Inférieure (1;;
il s'exprime ainsi : Messieurs, une députation extraordinaire demande,
au nom de la commune de Nantes, qu'il lui soit permis de remettre en
question la validité solennellement reconnue par votre décret du 5
octobre dernier, de l'élection des dé-
Les faits importants à connaître se rapportent à trois époques.
Les uns sont antérieurs à l'assemblée électorale: les autres se sont passés pendant la tenue de cette assemblée; ceux qui ont une date postérieure ne méritent pas moins que les précédents.
Il est constant que, lors des élections de 1790, la commune de Nantes n'avait fourni que 52 électeurs; à la vérité, son territoire avait eu depuis quelques légers accroissements; mais il est de notoriété qu'ils n'ont pas augmenté sensiblement la masse de la population.
Il paraît aussi certain que, lors des élections de 1790, les campagnes du district de Nantes, prises l'une dans l'autre, avaient fourni un plus grand nombre d'électeurs qu'elles n'en avaient envoyé à l'assemblée électorale de 1791.
C'est un troisième fait littéralement prouvé, que le directoire du département, après avoir vu le tableau du taux des journées de travail proposé par le directoire du district, avait ordonné, le 12 mai 1791, que le taux de la journée de travail de la municipalité de Nanles serait fixé à 20 sols ; qu'au préjudice de cette fixation par l'autorité supérieure et compétente, le corps municipal s'est permis de réduire à 13 sols, par une ordonnance du 12 juin suivant; et, que malgré l'avertissement que le département lui donna, le 18 du même mois, de rectifier ce que, par bon procédé, on appelait son erreur, non seulement les officiers municipaux n'en firent rien, mais même affectèrent de ne pas présenter aux assemblées primaires des sections de Nantes, l'ordonnance du directoire et d'y substituer la leur.
Enfin, c'est encore une incontestable vérité que, contre la disposition précise de la loi, et l'avis contenu dans la circulaire du procureur général syndic, en date du 3 juin 1791, la municipalité de Nantes n'avait pas formé la liste des citoyens actifs et éligibles qu'elle renfermait dans son sein.
Elle s'excuse par des raisons plausibles de n'avoir pas rempli ce préliminaire; mais cette omission excusable, si l'on veut, jointe au tort vraiment impardonnable d'avoir mis un obstacle direct à l'exécution de l'arrêté du département relatif à la fixation de la journée de travail n'en sont pas moins les causes premières des difficultés qui ont éclaté dans Ja seconde époque; car il est évident que si la municipalite .de Nantes eût fait une liste de ses citoyens actifs d'après l'arrêté qui fixait la journée de travail à 20 sols, il serait arrivé de deux choses l'une : ou que les sections n auraient pas nommé 90 électeurs au lieu de 56, ou que si elles eussent dépassé ce dernier nombre, il eût existé un moyen légal et péremptoire de reconnaître si elles n'avaient fait qu'user de leur droit, ou si elles lui avaient donné une extension abusive.
Voilà les faits de la première époque; voici ] maintenant ceux de la seconde : je vous les pré- ! senterai avec toute a fidélité qu'on peut désirer
en analysant avec la plus scrupuleuse exactitude le procès-verbal du corps électoral; il est im- possible de prendre un guide plus sûr. Si la foi ; due à ces sortes d'actes n'était pas entraînante et décisive, la légalité même de cette assemblée pourrait devenir la matière d'un problème, puisqu'il n'y aurait pas un seul de ses membres dont le titre fût au-aessus de tou e atteinte.
C'est le 25 août que le corps électoral s'est réuni : à sa première séance, M. Bérangier, l'un des électeurs de Nantes, s'est trouvé le doyen d'âge, et a rempli provisoirement les fonctions de président.
A la seconde séance, on s'est aperçu que le nombre total des électeurs était beaucoup plus considérable qu'en 1.790. On a cherché la cause de cette augmentation; on a trouvé d'abord que le canton de Pont-Château, n'ayant que 1,341 citoyens actifs, avait pourtant 14 électeurs au lieu de 13; on a arrêté que le quatorzième ne serait pas admis.
La commune de Nantes, qui en envoyait 90 au lieu de 56, ne présentait pas de nouvelle liste de ses citoyens actifs: on a eu recours à celle de 1790: elle comprenait 5,220 citoyens actifs; on aurait pu pretendre que cette commune n'avait pas le droit d'envoyer au delà de 52 électeurs; mais, à cause des réunions de territoire opérées depuis la liste, on a jugé qu'on pouvait en reconnaîire 56. On a donc arrêté de ne pas admettre les 34 derniers élus.
Le rejet de 35 personnes, tant du canton de Pont-Château que de la commune de Nanles, réduisant la totalité des électeurs de 1791, à un nombre un peu moindre que celui de 1790, il devenait évident que les cantons de la campagne pris en masse n'avaient pas excédé les bornes de leur droit; dès lors, il n'y avait p us de véri-lication ultérieure à faire; personne ne s'avisa d'en demander.
M. Bérangier ne parut pas à la troisième séauce, non plus que ses collègues. On députa à 1 hôtel de ville, pour les prier de venir prendre leur place; et, cependant, le plus âgé après M. Bérangier remplit la sienne par intérim.
Les pouvoirs étant vérifiés, l'assemblée se constitua; on ouvrit le scrutin pour l'élection du président. Pendant qu'on faisait l'appel, lesélec-teurs de Nantes arrivèrent; le scrutin fut suspendu et continué à la séance suivante; c'était la quatrième. M. Bérangier s'y trouva, reprit sa place, et déclara qu'une indisposition avait été la cause de son absence de la veille.
Comme on allait continuer le scrutin, un valet de ville apporta une lettre et une délibération de la municipalité de Nantes; on lut ces pièces et on arrêta qu'elles seraient jointes au procès-verbal; on convint ensuitequé les commissaires vérificateurs des pouvoirs se retireraient dans une chambre particulière, pour réduire, suivant les termes de l'arrêté pris la veille, les électeurs de Nanles à 56.
Ces électeurs, au nombre de 65, étaient présents : le procès-verbal att"Ste qu'ils se sont aussi retirés dans une chambre particulière; que renlrés ensuite avec les commissaires vérificateurs, l'un de ces derniers est monté à la tribune, et a dit qu'il avait été arrêté par les électeurs de Nantes eux-mêmes, à la plu alité de 45 voix conlre 24, qu'ils consentaient à la réduction, pour ne pas retarder les opérations importantes de l'assemblée. On continua l'appel pour le scrutin : 50 députés de la commune de Nantes y repondirent et concoururent, par leur suffrage, aux
opérations du corps électoral; cependant le premier scrutin ne donna pas de majorité absolue : l'élection du président fut renvoyée à la cinquième séance.
Celle-ci donna un résultat. Ce fut un électeur de Nantes, 31. Minié, qui fut élu président du corps électoral.
La sixième séance fut ouverte et tenue par M. Minié : on s'occupa du choix des scrutateurs.
M. Mi n ié ti nt encore la septième séance, le 28 août, à 3 heures après midi; il communiqua une lettre qu'il avait reçue de quelques officiers municipaux, (ce sont les termes du procès-verbal); elle portait invitation de se trouver à la maison de ville à 4 heures, pour conférer sur des affaires importantes : cette lettre tendait à priver le corps électoral du concours des électeurs de Nantes; deux d'entre eux déclarèrent qu'ils étaient attachés par devoir et par goût aux travaux de l'assemblée, qu'ils consultèrent néanmoins; elle arrêta de continuer ses opérations et les continua en effet.
A l'ouverture de la huitième séance, M. le président (c'était encore M. Minié) annonça que le procureur de la commune, suivi de 71 électeurs, demandait à entrer; le corps électoral décida que les électeurs de Nantes, qui étaient membres de l'assemblée électorale, n'avaient pas besoin de permission pour venir occuper leur place; qu'à l'égard des personnes étrangères à l'assemblée, l'importance de ces travaux et la nécessité de les suivre sans interruption, ne lui permettaient pas d'entrer en conférence avec elle.
La neuvième séance n'offre aucun événement remarquable : il y avait eu jusque-là un scrutateur de nommé; on procéda à l'élection des deux autres.
Elle se termina à la dixième séance; à la lin de celle-ci, M. Minié, président, observa que la réduction des électeurs de Nantes occasionnait la retraite d'une grande partie d'entre eux; que celte retraite causait une scission; qu'il en était tourmenté; que s'il restait à l'assemblée, la honte et le mépris l'attendaient à la porte ; que s'il quittait pour ss réunir à ses concitoyens, il se couvrait d'opprobre; que, dans cette alternative, il ne voyait d'autre parti à prendre que d'abandonner sa place de président, et de demeurer dans la foule des électeurs. M. Minié n'agissait sans doute que dans de bonnes vues; ses intentions étaient droites et pures; mais il composait avec les principes, avec les devoirs que sa place lui imposait; et la faiblesse n'est jamais plus dangereuse que dans les circonstances difficiles.
La résolution de M. Minié ébranla le corps électoral : il chargea des commissaires de conférer avec ceux des électeurs de Nantes qui s'étaient retirés; M. Minié consentit alors à reprendre le fauteuil.
La condescendance que venait de marquer le corps électoral n'eut que de déplorables effets : la conférence proposée n'eut pas lieu ; on ne Produisit rien ; mais, à la onzième séance, l'assem- lée électorale reçut une protestation signée de 71 électeurs, ou soi-disant électeurs de la commune de Nantes ; 4 de leurs députés vinrent ensuite lireet déposer sur le bureau un écrit rédigé dans le même sens que les protestations; l'assemblée n'y eut aucun égard et continua ses opérations. Alors, le président, M. Minié, quitta le fauteuil et donna sa démission. Le corps électoral arrêta, à l'instant, de lui donner un succes-
seur : M.Coustard fut celui qu'on élut; et M. Cous-tard était un des électeurs de Nantes : tant il est vrai que, malgré les oppositions qui lui étaient suscitées, l'assemblée électorale toujours ferme et toujours sage, se montrait supérieure à toute espèce de ressentiment.
C'est à cette onzième séance qu'il y eut le plus d'événements entre la protestation des 71 électeurs et le discours des 4 députés fait à la tribune du corps électoral; on apporta un écrit saisi par un électeur dans les mains d'une personne inconnue; et ce fut immédiatement après que M. Minié se retira de l'assemblée. Une lettre anonyme fut ensuite trouvée sur le bureau du président, mais tout cela ne put détourner les électeurs de l'objet de leur mission; rien n'indique que ces interruptions trop fréquentes aient été accompagnées ou suivies d'aucun trouble, bien moins encore d'aucun acte de violence.
Les douzième, treizième, quatorzième et quinzième séances furent uniquement employées à l'élection de 3 députés, à la tête desquels était M. Coustard, électeur de Nantes. On allait procéder au scrutin pour la nomination d'un quatrième député, lorsqu'à la seizième séance on reçut la signification d'un nouvel acte de protestation de la part de quelques citoyens de Nantes; cependant, le choix du corps électoral s'arrêta, ce jour-là même, sur un électeur de cette ville (M. Monneron de Launav) : on lui écrivit pour lui annoncer sa nomination; il ne répondit pas : on lui envoya une députation; elle rapporta son refus.
11 ne se passe rien de remarquable depuis la seizième jusqu'à la vingt-deuxième séance, que les élections des députés à l'Assemblée nationale fureat consommées; en résultat, sur 8 députés, la ville de Nantes en fournit 3; ce qui prouve le bon esprit dont le corps électoral était animé, sa justice, sa sagesse et sa modération.
Il allait terminer sa vingt-deuxième séance, lorsqu'il fut averti qu'un grand rassemblement d'hommes menaçait la ville de Nantes et que la garde nationale courait aux armes. L'assemblée chargea des députés d'aller sur-le-chimp offrir aux officiers municipaux le concours des électeurs empressés de partager les dangers de leurs concitoyens et de leurs frères, d'avoir part à leur défense et au rétablissement de la paix publique. Ces offres furent acceptées avec reconnaissance: heureusement; il ne fut pas nécessaire de les réaliser.
Il y eut encore 13 séances pour la nomination des suppléants, du président et du greffier du tribunal criminel, de l'accusateur public, des jurés, et des membres des départements, qui étaient dans le cas dêtre remplacés; toutes ses séances furent parfaitement tranquilles.
Tels sont les faits delà seconde époque : votre comité n'a pu ni dû les puiser ailleurs que dans le procès-verbal du corps électoral ; car, encore une fois, si d'autres titres paraissent digues d'obtenir la préférence sur celui-ci ou seulement de partager la confiance qui lui est due, il n'y aurait plus moyen de constater avec certitude la validité des élections d'aucun des membres de l'Assemblée nationale; au renouvellement de chaque législature, l'existence du corps représentatif pourrait être compromise, et demeurer longtemps suspendue, puisque, même après que les députés présumés auraient vérifié leurs pouvoirs sur les procès-verbaux de 1 assemblée électorale, l'ambition, l'intrigue, la malveillance, sous prétexte d'apporter de nouvelles lumières,.
viendraient produire des actes qui démentiraient en apparence les procès-verbaux d'élection, et de la sorte, rendraient éternelles les contestations sur les pouvoirs, et les doutes sur l'état des représentants, au très grand préjudice de l'intérêt national et de la chose publique.
Il me reste à vous exposer les faits de la troisième époque : des députés extraordinaires de Nantes parurent à la barre de l'Assemblée nationale le 5 septembre, et lui présentèrent une pétition qui tendait à faire annuler les opérations du corps électoral; cette pétition fut renvoyée au comité de Constitution; M. Rabaud de Saint-Etienne flt, en son nom, un rapport, sur lequel l'Assemblée constituante s'est déclarée incompétente, et a passé à l'ordre du jour. Je dois observer que l'exposé fait à l'Assemblée constituante né prévenait pas en faveur du corps électoral il en résultait qu'une partie des électeurs de la commune de Nantes avait été tumultueusement exclue de rassemblée électorale par les'autrjs électeurs du département, quoique du tableau des citoyens actifs de la ville, il résulta qu'elle avait le droit de fournir 90.électeurs
Mais sur quoi ces faits étaient-ils appuyés? sur l'allégation des pétitionnaires. Le procès-verbal du corps électoral n'était pas produit alors, maintenant qu'il l'est, on voit qu'il dément l'un et l'autre fait, car il prouve, ce procès-verbal, que 69 des 90 électeurs ' de Nantes ont délibéré sur la question de savoir s'ils devaient être réduits à 56, et que 45 contre 24 ont consenti à-cette réduction ; qu ensuite la majorité a été fortifiée par l'adhésion de 5 autres électeurs, puisqu'il s'en est trouvé 50 qui ont répondu à l'appel nominal, et que leurs noms sont mentionnés dans le procès-verbal ; il prouve encore, qu'avant la tenue des assemblées primaires, il n'y avait pas eu de liste formée des citoyens actifs de Nantes, et que le tableau que l'on a produit et prétendu faire valoir, depuis la naissance de la contestation, n'était pas admissible, puisqu'il n'était pas conforme à 1 ordonnance du département sur la fixation de la journée de travail. : aussi, l'un des membres de l'Assemblée constituante avait-il observé, le 7 septembre, qu'il fallait rédiger l'arrêté du corps constituant, de manière qu'il ne préjugeât rien sur les faits de l'exactitude desquels on ne pouvait pas être assuré, avant d'avoir entendu les parties, et cette sage observation fut adoptée par l'Assemblée constituante.
Au commencement de votre session, Messieurs, vous avez nommé des bureaux pour examiner les pouvoirs de tous lés représentants : le sixième a été chargé de l'examen de ceux du département de la Loiré-Inférieure. M. Dorizy vous en a rendu compte, ainsi que des réclamations de la commune de Nantes ; son rapport, exact dans les faits, a d'abord obtenu le suffrage du dixième bureau ; il vous a proposé de reconnaître la validité des pouvoirs des députés nommés par le corps électoral : vous les avèz admis par un décret du 5 octobre; et* depuis ce temps, ils siègent parmi vous.
Cependant, ia commune de Nantes, montrant dans cette affaire, une
persévérance qui mériterait peut-être Une autre qualification, est
revenue à la charge : elle a demandé d'être entendue à la barre (11;
vous l'y avez admise : elle a présenté une pétition qui tend à faire
annuler toutes les
Dans cet état de choses, deux questions se présentent à votre décision : pouvez-vous remettre en doute la validité de l'élection que vous avez déjà reconnu valable? En supposant que vous le puissiez les é.éctions que vous avez confirmées étaient-elles dans le cas de l'être?
Remarquez, Messieurs, qu'en général, l'objet d'un.décret rendu dins la session, ne peut être agité dans la même session, sauf les cas des décrets provisoires, parmi lesquels il est impossible de ranger ceux qui portent sur la vérification des pouvoirs, lorsqu'ils ne renferment pas expressément cette réserve. On pourrait donc soutenir que le principe général suffit pour écarter la discussion que l'on cherche à ramener sur la validité des pouvoirs des députés de Nantes ; leur admission a été l'objet d'un premier décret; donc elle ne peut plus être la matière d'une nouvelle délibération du même Corps législatif. Cet argument simple n'en est pas moins positif.
Mais ici, Messieurs, le principe général doit s'appliquer avec d'autant plus de rigueur, que la Constitution en fait un devoir.positif et sâcré.
De quoi est-il question? De savoir si la ville de Nantes pouvait donner à 90 ou seulement à 56 p rsonnés la qualité et les pouvoirs d'électeurs ; ou, ce qui revient au même, s'il y avait plus de 56 électeurs de Nantes, dont la qualité et les pouvoirs pussent être vérifiés par le corps électoral; c'était à ce corps à juger cette question, sauf le jugement de l'Assemblée nationale : le corps électoral l'a jugée, l'Assemblée nationale a confirmé son jugement : tout parait donc irrévocablement décidé.
Cependant, on insiste pour que vous jugiez en-* core; votre comité pense que, pussiéz-vous en général revenir sur vos décrets, un obstacle insurmontable s'opposerait à ce que vous revinssiez sur celui-ci : cet obstacle naît de l'article 5 de là section 4 du chapitre Ie1 de l'Acte constitutionnel, dont voici lès termes :
« Les assemblées électorales ont le droit de vérifier la qualité et les pouvoirs de ceux qui s'y présenteront; et leurs décisions seront exécutées provisoirement, sauf le jugement du Corps législatif lors dé la vérification des pouvoirs des députés. »
Ces derniers mots, Messieurs, sont la règle de votre compétence. Vous pouvez réformer la décision des assemblées électorales : elles ne sont que provisoires jusqu'à votre jugement; mais ce jugement doit intervenir lors de la vérification des pouvoirs des députés; une fois faite, tout votre droit est consommé ; qué vous ayez bien ou mal jugé au fond, il n'existe plus de moyen d'en revenir.
Si, dans les choses qui n'intéressent que les particuliersi la loi a voulu prévenir l'instabilité des jugements en revêtant de toute sa puissance celui qui aurait été rendu dans le deuxième degré de juridiction, il était bien juste que le jugement des pouvoirs des députés, intéressant-la nation entière, ayant une influence incalculable sur la chose publique, la Constitution attachât l'irrévocabilité à ce jugement, lorsqu'il aurait été prononcé par l'Assemblée nationale dans l'ordre de la vérification des pouvoirs.
Supposons qu'après cette épreuve solennelle, celui qui la subit, et qui en sort victorieux, puisse encore être attaqué dans son état; eh bien, Messieurs, qu'arri vera-t-il? que si tel de vos membres»
puissant au milieu de vous par son génie, son patriotisme, son éloquence, oppose un obstacle redoutable aux ennemis de la nation et de la chose publique, quelques malintentionnés, une faction, les ministres, la cour, parviendront peut-être à s'en débarrasser; des pétitionnaires arriveront à la barre et demanderont l'expulsion de ce membre, ou, en d'autres termes, la nullité de son élection : ils n'oseront pas dire que le procès-verbal des élections est faux, mais ils lui opposeront d'autres faits qu'il ne contiendra pas; ils produiront, à l'appui de ces laits, des pièces; ils invoqueront des témoignages étrangers : une intrigue, adroitement conduite, pourra l'aire illusion à un de vos comités, et ce comité, dans l'erreur, pourra vous y entraîner après lui. Ce que nous disons d'un représentant peut s'appliquer à 6, à 2d, à un nombre p us ou moins grand, dans un espace de temps plus ou moins considérable. Voulez-vous, Messieurs, ouvrir la porte à de semblables intrigues, à de tels abus? remettez en constestation le jugement que vous avez rendu lors de la vérification des pouvoirs; voulez-vous au contraire prévenir les dangers qu'a bien aperçus le corps constituant? attachez-vousde toutes vos forces au moyen qu'il a cru propre à vous les faire éviter. (Observateurs scrupuleux de la Constitution, dites comme elle que vous auriez pu rectifier le jugement du corps électoral, lors ae la vérification des pouvoirs; niais que l'avant confirmé pour lors, vous avez consommé votre droit; et puisqu'il n'y a point de tribunal supérieur qui puisse invalider votre décision, n'aidez pas vous-mêmes à rendre incertain le droit de la représentation nationale, qui perdrait une partie du respect dont il doit être environné, s'il était possible de le mettre continuellement en controverse.
Où serait. Messieurs, la sécurité dont il est si nécessaire de faire jouir les représentants, si leur état précaire dépendait de l'obstination que des concurrents ou des ennemis mettraient aies poursuivre; s'ils n'etaient pas à couvert sous l'égide d'un premier jugement rendu lors de la vérification des pouvoirs. Que pourriez-vous attendre de l'énergie d'un députe tenté, par sa position, de calculer sans cesse ce que son opinion, livrée à tel ou tel parti, pourra lui valoir de protecteurs ou d'antagonistes, le jour où son titre sera peut-être débattu de nouveau dans cette Assemblée.
Comment sera-t-il vraiment libre, ce député, qui n'est pas ici le représentant de sa ville, de son district, de son département? Comment sera-t-il libre d'opiner pour l'intérêt générai du royaume, contre l'intérêt particulier du territoire qui l'a envoyé, s'il court les risques, en faisant son devoir, de mécontenter, de soulever contre lui des compatriotes, qui, dans le regret de l'avoir choisi, s'aviseront de quelques prétextes, ou même de moyens solides, pour attaquer et faire tomber son élection?
Non, Messieurs, l'Assemblée nationale ne peut pas consentir à ce qu'on se joue de la sorte du caractère imposant dont nous sommes revêtus.
Et voyez encore un inconvénient terrible de la complaisance avec laquelle vous accueilleriez la tentative de la ville de Nantes.
Il est des cas où le régent du royaume est éli-gible : cette élection aura été faite- le Corps législatif en aura vérifié la régularité; l'élu sera proclamé régent. Si un rival ambitieux veut plonger l'Etat dans les horreurs d'une guerre civile, lorsqu'il sera sur d'être appuyé par un
parti nombreux, il viendra demander au Corps législatif la revision du jugement qu'il aura prononcé sur la régularité de l'élection de son compéliteu"; il ne manquera pas de prétextes, d'actes vrais ou faux, de témoignages de toute espèce; et si, d'abord repoussé par la sagesse des législateurs, ils lui opposent le jugement irréfragable qu'aucune autorité ne peut plus anéantir, et dont la tranquillité publique sollicite impérieusement le maintien, que deviendra cette barrière elle-même lorsque, dans votre jurisprudence, si je peux me servir de cette expression, on trouvera que l'élection d'un représentant, déjà jugée par l'Assemblée nationale, peut encore être remise en jugement sur la demande de quelques particuliers ou d'un conseil général de commune?
Il semble qu'il ne soit question ici que d'une alfaire ordinaire; mais, votre comité. Messieurs, ne voit pas uniquement les circonslan es qui la font naître et les personnes qui y sont intéressées, il aperçoit toutes les conséquences d'une infraction évidente à la Constitution ; il vous les découvre, et, sans doute, vous lui en saurez gré, puisque vous n'avez pas de volonté plus ferme que celle d'employer à la maintenir, toute l'autorité que la nation vous a confiée. Votre comité pense donc, sur la première question, qu'il n'y a pas lieu à remettre en ju ement la validité des pouvoirs des députés du département de la Loire-Inférieure.
Il ne dira qu'un mot sur la seconde question. On oppose que, d'après la liste de ses citoyens actifs, la commune de Nantes avait le droit de fournir plus de 90 électeurs; que l'assemblée électorale n'avait pas celui d'en rejeter une partie; qu'ils l'ont été avec violence; qu'on a fait une injustice à la ville, en n'usant pas de la même rigueur envers la campagne : voilà les objections les plus saillantes.
La réponse à toutes ces objections se trouve dans l'exposé des faits : 1° La commuiv avoue que depuis l'assemblée électorale de 17 0 elle n'avait pas fait un nouveau tableau de ses citoyens actifs; elle ne produisait donc pas le seul titre par lequel elle aurait pu constater et faire reconnaître son droit à nommer 34 électeurs de' plus qu'en 1790.
La Commune a eu beaucoup d'occupations: elle s'est trouvée dans de grands embarras; elle a été environnee d'agitations qui ne lui ont pas permis de faire un nouvèau tableau : nous admettons iout cela, et aussi ne disons-nous pas qu'il faille ni punir ni faire un reproche sévère à la municipalité, de l'inobservation d'un devoir qui lui était imposé par la Constitution; il s'agit de savoir si la prétention de nommer 34 électeurs de plus qu'en 1790, pouvait être établie légalement, de toute autre manière que la présentation d'un nouveau tableau, et si le corps électoral pouvait accueillir cette prétention sans qu'elle fût légalement établie: ni l'un ni l'autre n'est proposable. 11 n'v a pas de tribunal à qui l'on demande la sanction d'un droit, qui n'exige la représentation du titre sur lequel ce droit est fondé ; si le titre ne paraît pas, c'est, par rapport au tribunal, comme si le aroit n'avait pas d'existence.
Le corps électoral était le tribunal chargé par la Constitution de vérifier les pouvoirs des électeurs; il s'en est présenté 90 nommés par la ville de Nantes, qui, un an auparavant, n'en avait nommé que 56; le corps électoral a demandé la représentation de la liste qui constatait un ac-
croissement de population si considérable, cette liste n'a pas été produite : le corps électoral a décidé qu'il ne pouvait pas admettre les pouvoirs des électeurs de Nantes au delà du nombre déterminé par le tableau de 1790 ; il s'est retranché dans ce dernier état; il ne pouvait pas s'en écarter sans tombai' dans l'arbitraire-
Mais, dit-on, une liste a été faite et produite depuis; elle prouve que la ville de Nantes avait eu droit de nommer plus de 90 électeurs : soit! une liste faite depuis le jugement du corps électoral ne pouvait pas l'invalider; d'un autre côté, cette liste tardive était défectueuse, pour y avoir compris des citoyens qui ne payaient que 39 sols de contribution, contrairement à la décision du département, qui avait fixé les trois journées de travail, pour la ville de Nantes, à 3 livres.
L'assemblée électorale a donc eu raison de rejeter 34 électeurs; c'est-à-dire de ne pas admettre leurs pouvoirs et de ne vérifier que ceux des 56 premiers élus ; c'est précisément ce qu'elle a fait. Si le département de la Loire-Inférieure eût envoyé à l'Assemblée nationale 9 députés au lieu de 8, vous en eussiez admis 8; vous eussiez rejeté le neuvième; en effet, il devrait être considéré comme n'ayant pas été élu, dès qu'il n'aurait pas dù l'être.
On parle de violence, mais, non seulement, rien ne le prouve, rien même ne permet de la supposer. La conduite de l'assemblée électorale parait avoir été constamment sage et ferme; il y a d'ailleurs un fait positif, et contre lequel tous les reproches viennent se briser: de 69 électeurs réunis pour délibérer en particulier sur l'exécution de l'arrêté du corps électoral concernant la réduction, 24 sont d'avis de s'y opposer, 45 sont d'avis d'y consentir: le vœu de la majorité devenu la règle de tous, est annoncé à l'assemblée électorale, et 50 électeurs de Nantes le ratifient par leur réponse à l'appel nominal et leur concours aux opérations de l'assemblée. Dans une cause privée, ces circonstances suffiraient pour qu'on n'écoutât pas une première réclamation; comment ne vous paraîtraient-elles pas décisives, lorsqu'il s'agit de maintenir un jugement que l'intérêt national et la disposition précises de l'Acte constitutionnel vous empêchent de remettre en délibération?
On n'a pas réduit les électeurs de la campagne: c'est le dernier refuge de la commune de Nantes. Mais d'abord son assertion n'est pas exacte; on a commencé par réduire de 14 à 13 les électeurs de Pont-Château, ce n'est qu'ensuite qu'on est passé à ceux de Nantes, il n'y avait pas de motif apparent p ur aller plus loin, car, alors, il ne restait pas plus d'individus dans le corps électoral qu'il n'y en avait en 1790. Si la vérification ultérieure eut abouti à constater que quelques cantons de la campagne avaient un électeur de plus, elle aurait nécessairement prouvé que tel autre en avait un de moins; la vérification ultérieure n'eut donc été utile que pour niveler les droits des cantons; mais aucun ne se plaignant, personne ne demandant qu'on se livrât à des opérations dont il ne pouvait plus résulter aucun avantage général, peut-on blâmer le corps électoral de n'avoir pas perdu son temps à un travail de cette espèce?
Toutes ces objections ont été discutées et jugées; votre comité pense que si on vous les présentait pour la première fois, elles ne devraient pas vous paraître plus frappantes, mais
que vous devriez encore les apprécier comme vous l'avez l'ait le 8 octobre.
Il vous propose donc de déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur les réclamations de la commune de Nantes, relatives aux opérations du corps électoral du département de la Loire-Infé-rieure.
(L'Assemblée adopte les conclusions du comité des pétitions.)
Eu conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la réclamation de la commune de Nantes relative à l'élection faite par le corps électoral du département de la Loire-Inférieure. »
Je rappelle à l'Assemblée que lorsqu'elle statua sur le refus fait par la municipalité de Nantes, d'installer le tribunal criminel, elle se réserva le droit «le prononcer sur l'improbation demandée contre le conseil général de la commune En conséquence, je propose de décréter que le conseil général de la commune de Nantes a mérité l'improbation de l'Assemblée.
J'observe que l'improbation proposée contre le conseil général de la commune de Nantes ne pouvait porter que sur le refus qu'il avait fait d'installer le tribunal criminel. Cette affaire est terminée par le décret déjà intervenu à la suite du rapport que j'ai fait il y a quelques jours &ur cet objet (1). Ainsi l'Assemblée doit oublier les griefs qui peuvent donner lieu à quelque improbâtion. Je propose, en conséquence, de passer à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 21 février 1792 au soir et des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Bertrand, ministre de La marine, qui réclame l'attention et la délibération de 1 Assemblée, sur les diverses questions qu'il lui a soumises et dont la solution est nécessaire à l'organisation nouvelle de la marine qui devient de plus en plus pressante; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 22 février 1792.
« Monsieur le Président,
«Plus nous approchons de l'époque delà revue de formation du nouveau
corps de la marine, plus l'intérêt de la nation me fait un devoir de
rappeler avec persévérance au Corps législatif, la nécessité pressante
de s'occuper des règlements de détail que je n'ai cessé de solliciter,
et sans lesquels il est impossible de commencer l'organisation de cette
partie importante de la force publique. J'ai eu l'honneur de représenter
à l'Assemb ée, le 10 et le 16 de ce mois, combien il était indispensable
qu'elle voulut bien mettre à l'ordre du jour les différents rapports que
le comité de marine est sans doute prêt à lui faire, relativement au
service des officiers militaires, tant à la mer que dans les arsenaux,
et au nombre de ceux qui doivent être employés habituellement dans les
ports. Je ne puis" pas me dispenser de renouveler aujourd'hui les mêmes
instances, et de supplier l'Assemblée de consi-
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : De bertrand. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de marine !
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la marine au comité de marine.)
2° Lettre des administrateurs du directoire du déparlement du Haut-Rhin,relativement au compte rendu par le ministre de l'intérieur des troubles religieux qui ont eu lieu dans ce département; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Nous avons vu, dans le Moniteur, que M. Cahier, ministre de l'intérieur, après avoir accusé plusieurs corps administratifs qui, sans doute, ont cherché, ainsi que nous, à garantir leur départe nent d'une guerre civile religieuse, d'avoir empiété sur les fonctions du pouvoir exécutif et sur celles du pouvoir législatif, a annoncé qu'il conférerait à ce sujet avec le comité de législation, pour éclairer le comité ; nous prenons la liberté de vous envoyer copie des lettres que notre procureur général syndic a été dans le cas d'écrire à M. Cahier et à M. le ministre de la justice, et de vous prier de les envoyer au comité de législation.
Nousavons encore lu avecsurprisequeM. Cahier dit qu'il y a beaucoup d'émigrés de la classe de ceux que l'on nommait autrefois le tiers, qu'on
ne pouvait leur supposer aucune autre cause d'émigration, si ce n'est les inquiétudes religieuses; nous osons assurer que, dans notre département, il n'a émigré, dans ceux que M. Cahier appelle tiers, que des bandits, des valets des ci-devant nobles, des prêtres factieux et des parlementaires, ou gens attachés aux justices seigneuriales. Il n'a pas émigré une seule personne pour fait d'opinions religieuses, mais bien pour opinions contre-révolutionnaires; et, suivant toutes les apparences, il en est de même dans les autres départements.
« Signé : Les administrateurs du Haut-Rhin. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
3° Lettre de M. Charles Duval, député de Ville-et-Vilaine, pour demander que les observations à présenter au roi sur la conduite du ministre de la marine soient incessamment lues; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Un enrouement considérable que je croyais devoir se dissiper, me mettant dans l'impossibilité de me faire entendre, je vous prie de faire lire par un secrétaire la motion ci-jointe, que je croyais faire hier, et qui me paraît pressante. Je suis, etc.
Votre collègue, Charles Duval, député d'Ille-et-Vilaine. »
, secrétaire, fait lecture de la motion ainsi conçue :
« Je ne vois point encore, à l'ordre du jour de cette semaine, les observations motivées que, depuis plus de 20 jours, les comités de législation et de marine sont chargés de vous présenter sur la conduite du ministre de la marine, pour être ensuite mises tous les yeux du roi. Et cependant, cet objet est assez important pour que l'Assemblée ne le perde pas de vue. Parce que, si, comme il faut le présumer, ces observations sont suivies de l'effet que vous avez droit d'en attendre, il est très intéressant que cet effet ne soit pas plus longtemps différé, èt que M. Bertrand quitte enfin une place où la confiance publique ne l'a pas mis, et où certes il ne l'a pas gagnée.
« Il est temps, d'ailleurs, que la nation sache que l'Assemblée nationale, en décrétant, le 1er février dernier, qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur le projet du comité de marine, n'a pas entendu que M. Bertrand est digne de la place, qu'il occupe, mais qu'elle a entendu seulement rejeter la mesure proposée pour qu'il ne l'occupât plus, et pour que la nation sache cela, il faut hâter Tenet des observations que vous avez arrêté de présenter au roi.
« Mais si le roi ne renvoie pas son ministre..... alors, je le demande ici à tous les membres de cette Assemblée, je le demande surtout à mes collègues des 5 départements composant la ci-devant province de Bretagne , où nous avons tous connu M. Bertrand, je demande s'il est un seul d'entre eux dont ce ministre ait la confiance? alors, dis-je, ce sera peut-être le moment d'examiner s'il convient à l'Assemblée nationale de dire non au roi, parce que le ridicule et les inconvénients de cette démarche vous ont été trop démontrés, mais de déclarer hautement que le ministre de la marine n'a point la confiance
de l'Assemblée nationale. Alors aussi nous aurons du moins fait notre devoir, et il faudra bien qu'à son tour le pouvoir exécutif fasse le sien.
« Je demande donc qu'on mette à l'ordre de ce jour ou à un terme très prochain les observations que les comités de législation et de marine doivent vous présenter, et l'ajournement de la mesure ultérieure que je vous propose après la réponse du roi. »
Rien n'est plus intéressant, sans doute, que la motion de M. Charles Duval; mais, ce qui est infiniment plus intéressant, c'est de discuter ce qui est mis à l'ordre du jour; j'ai déjà représenté a l'Assemblée nationale qu'elle perdait 200,000 livres par jour, en ne s'occupant point des forêts nationales.
Quelques membres : Cette question est à l'ordre du jour !
Plusieurs membres : Le renvoi au comité central !
(L'Assemblée renvoie la proposition de M. Charles Duval au comité central, pour mettre la lecture de ce rapport à l'ordre du jour le plus prochain).
,secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Bertrand, minisire de la marine, qui demande un fonds particulier de 45,000 livres pour le service du port et des travaux de la rade de Cherbourg.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis.)
De toutes nos institutions sociales, l'armée est sans doute celle qu'il importait le plus de régénérer, et cet immense dépôt de la force publique, dans lequel l'ancien régime avait le plus profondément enraciné les viees dont il était la source, serait certainement le plus dangereux obstacle à l'affermissement de notre Constitution, s'il n'était bientôt complète-mènt organisé suivant les vrais principes de la liberté; mais nous sommes encore loin de cet heureux résultat ; et plus les circonstances ou les préjugés ont retardé le système de lois qui doit un jour nous y conduire, plus il importe au moins que le petit nombre de dispositions provisoires par lesquelles les législateurs ont tenté d'en approcher, soient ponctuellement exécutées, plus il est du devoir de chaque citoyen, de chaque représentant du peuple de vous faire remarquer les erreurs ou les négligences qui, à l'inexécution des lois décrétées, joignent encore l'inconvénient très grave de retarder les nouvelles lois à faire.
En parcourant avec vous, Messieurs, les différents décrets sur le remplacement des officiers de l'armée, que les circonstances ont successivement amenés, il me serait facile de vous faire voir comment une partie considérable des citoyens a été frustrée d'un grand bienfait promis par la Constitution ; comment a été constamment éloignée l'application de ce principe de la Déclaration des droits, que tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. Cependant, pour ne pas abuser des moments de l'Assemblée nationale, je remets à un autre jour les considérations générales que j'aurais à lui présenter à cet égard ; et j'espère incessamment lui démontrer que les mesures que l'on a continuellement substituées aux lois antérieures n'ont servi qu'à
ralentir, à faire rétrograder même, le mouvement donné à l'armée par la Révolution ; que des dispositions très simples eussent suffi dès le premier moment pour mettre en pratique la seule méthode équitable de disposer des emplois militaires ; qu'enfin il est de la plus haute importance de ne pas différer plus longtemps de les employer.
Je passe maintenant, Messieurs, à l'objet particulier que j'ai à vous soumettre; il s'agit, d'une infraction à la loi, dont la réparation exige in-dispensablement des mesures très promptes de votre part.
Conformément à l'article 8 de la loi du 13 novembre dernier, les concours et examens pour les corps de l'artillerie et du génie ont été ouverts au mois de décembre suivant.
J'ignore comment étaient conçues les lettres d'examen envoyées aux sujets qui se présentaient pour l'artillerie; mais j'ai vu la circulaire du ministre de la guerre, à ceux qui se destituaient pour le corps du génie, et ce qui m'a frappé d'abord, c'est que cette lettre, calquée sur l'ancien style des bureaux, contient une longue énumératiôn des objets de l'examen, sans faire aucune mention des principes de la Constitution, que les lois ont mises cependant au rang, ou, pour mieux dire, à la tête des connaissances exigées.
Quoi qu'il en soit, il y a eu une différence bien remarquable dans la manière dont l'examen a été fait pour les deux corps ci-dessus nommés.
L'usage de l'artillerie est, depuis longtemps, que l'examen soit public, et l'on sait que dans celui qui vient d'avoir lieu à Châlons-sur-Marne, l'examinateur a interrogé les candidats sur les principes de la Constitution.
L'usage au contraire adopté, pour le corps du génie, est que l'examen se passe sans témoin entre l'examinateur et chaque concurrent; et malgré la difficulté qui paraîtrait en résulter, de constater ce qui a lieu dans un semblable examen, le témoignage unanime des sujets examinés, a rendu certain que les principes de la Constitution y ont été complèt-ment omis.
Justement affecté de cet oubli si prompt d'une loi qui, par l'importance de son objet, devait être religieusement observée, mais ne voulant ni supposer légèrement des intentions coupables, ni provoquer avec trop de précipitation la censure contre le pouvoir exécutif, je m'adressai directement au ministre de la giierre; il convint sur-le-champ qu'il y avait un manquement à l'exécution de la loi, et nous discutâmes sur les moyens d'y remédier La première pensée qui se présenta à son esprit, fut de remettre au moment où les élèves seraient rendus à Mézières, les interrogations qu'ils avaient à subir sur les principes de la Constitution. Je lui fis quelques réflexions sur l'inconvenance de ce moyen, et il me parut persuadé qu'il n'y avait pas d'autre parti à prendre, que de faire revenir les sujets chez l'examinateur, pour y compléter leur examen, avant que leur admission à l'école du génie fût décidée.
Je ne sais pas par quels motifs le ministre s'est déterminé depuis à changer d'avis ; mais on ne peut douter que cela soit, car i'ai entre les mains une des lettres écrites à 20 des sujets examinés, et dont je remettrai une copie certifiée sur le bureau. Par cette lettre, le ministre de la guerre annonce à l'élève que dans l'examen qu'il a subi sur la théorie de toutes les connaissances exigées pour l'admission à l'école de
Mézières, il a été reconnu qu'il avait mérité d'être admis cette année à ladite école; qu'il doit s'y rendre au plus tard le 1er mars prochain et que cependant il ne doit y être installé et recevoir son brevet de sous-lieutenant, suivant l'intention de Sa Majesté, qu'après s'être conformé à des dispositions de rigueur qui lui sont prescrites; savoir, d'être examiné sur les principes delà Constitution, et de prêter le serment civique.
Maintenant, Messieurs, le ministre de la guerre a-t-il fait ce qu'il devait pour la pleine et entière exécution de la loi? je ne le crois pas; et voici, en peu de mots, les raisons sur lesquelles je me fonde.
La loi veut que les interrogations sur les principes de la Constitution soient une partie intégrante de l'examen, et j'ajoute que c'en est une très essentielle. En effet, l'article 8 de la loi du 13 novembre, qui statue provisoirement pour une seule fois le dit expressément; et l'article 3 de la même loi, qui règle à l'avenir les formes de l'examen, place la Constitution à la tête des connaissances exigées.
Cela est, d'ailleurs,^ conforme aux principes; car les sujets doivent faire preuve de vertus et de talents : or, la première vertu est bien évidemment ici l'amour de la patrie et de la Constitution qui y est adoptée; et l'on conçoit aisément que des interrogations de ce genre sont un excellent moyen pour scruter le cœur des jeunes gens, à un âge où l'on n'a pas encore appris à se déguiser, et où cependant les préjugés de l'enfance ont déjà acquis un empire qu'ils ne perdent ensuite que bien difficilement. Ainsi, Messieurs, l'intérêt national exige que l'on ne s'expose pas à donner des postes de confiance, tels que ceux d'officiers du génie, à des hommes dont les vertus civiques n'auraient pas été fortement garanties. Mais il n'est pas moins évident que les réponses sur la Constitution donnent aussi la mesure de l'intelligence des sujets, et en cela elles concourent avec les objets mathématiques à faire juger de leurs talents.
Puisque l'examen sur la Conslitut on n'est point une vaine formalité, puisqu'il est une partie essentielle du concours, il s'ensuit que le mérite réel des élèves ne peut être apprécié que par la comparaison scrupuleuse de tous les éléments dont il est composé. Donc l'examen doit être fait en entier par le même homme, donc des sujets ne peuvent être admis et d'autres rejetés légitimement qu'après que l'examen est complété, donc les rangs donnés à ceux qui sont choisis ne sauraient être équitables.
Cependant, Messieurs, une liste de 20 élèves admis à l'école du génie circule déjà dans le public; chacun d'eux a reçu une lettre du ministre, qui l'instruit de sa réception, et l'examen n'est pas achevé, et la partie essentie le qui y manque n'aura plus d'influence sur le classement des élèves, et son effet se trouve réduit à retarder seulement de quelques heures le moment de leur installation.
Vous ne voudrez pas que le premier exemple donné aux citoyens qui entrent dans notre armée soit une infraction si manifeste à la loi. Il esi d'une trop haute importance qu'elle soit en tout observée, et les circonstances où nous nous trouvons en font un devoir plus impérieux que jamais. Vous ne laisserez donc aucun doute sur votre inflexibilité à cet égard.
Ainsi, il est indispensable que tous les sujets qui ont été examinés à Paris pour l'école du gé-
nie, et seulement sur l'objet des mathématiques et du dessin, reçoivent l'ordre d'y revenir incessamment, pour être interrogés sur la Constitution par le même examinateur; et comme les législateurs doivent surtout s'attacher à ôter toute idée que cette disposition n'est encore qu'une simple formalité, il n'est pas moins indispensable, pour prévenir toute objection à cet égard, que l'examen qui va avoir lieu sur la Constitution soit public, et d'adjoindre à cet effet à l'examinateur ordinaire deux commissaires nommés par le directoire du département de Paris.
Je n'ai plus, Messieurs, qu'une chose à vous observer; c'est qu'il est instant de presser les mesures que vous croirez devoir prend'e; car les élèves que le ministre a admis oui ordre de se rendre à Mézières pour le 1er mars prochain, et ils préparent déjà leur départ.
(L'Assemblée renvoie cette proposition aux comités militaire et d'instruction publique réunis, pour en faire incessamment le rapport.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Je demande à présenter une observation sur les motions d'ordre. (Non ! non !)
Monsieur Mouysset, vous avez la parole.
300 membres de cette Assemblée ne sont point occupés dans vos comités. Ils désireraient se réunir et conférer entre eux lorsqu'il n'y aurait pas de séance du soir. (Murmures.)
On va changer les comités, ainsi ils seront occupés.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Un membre : Lorsque 300 membres demandent quelque chose, ils méritent bien qu'on ait égard à leur demande.
Au moment où l'Assemblée a passé à l'ordre du jour, j'ai prévenu que M. Mouysset avait demandé la parole pour une motion d'ordre. Je la lui ai donnée et je la lui maintiendrai, à moins qu'il n'y ait dés réclamations, auquel cas je consulterai l'Assemblée.
insiste pour avoir la parole.
Un grand nombre de membres: A l'ordre ! à l'ordre, Monsieur Vergniaud !
(L'Assemblée,consultée, décide que M. Mouysset sera entendu.)
Messieurs, 300 membres de cette Assemblée, qui ne sont point occupés dans vos comités, désireraient d'être autorisés à s'assembler tous les jours où il nJy aurait pas de séance du soir pour conférer entre eux et s'instruire, pendant que leurs collègues, employés aux comités," seraient occupés à préparer les travaux de l'Assemblée et à méditer les projets de décret qui doivent lui être soumis. (Murmures et bruit.)
Un membre: Monsieur le Président, nous vous prions de rappeler à l'ordre ceux qui troublent l'Assemblée.
De cette façon, les moments d'aucun député ne seraient perdus pour la chose publique. Chacun de nous s'éclairerait des lumières de tous. On s'instruirait réciproquement de l'état, des intérêts, des besoins aïs départements; on préparerait des lumières qui éclaireraient ensuite les discussions qui devraient
avoir lieu, dans l'Assemblée, sur les lois importantes qu'elle est chargée de donner à l'Empire. Vous sentez tous combien cet ensemble de connaissances est nécessaire pour un législateur qui doit embrasser dans ses sollicitudes les besoins de toutes les parties de ce vaste Empire, comme il embrasse dans les lois qu'il prononce tous les individus qui le composent. Or, pour effectuer cette réunion, cette manière de conférer, ils ont cru qu'il n'existait pas de local plus commode et plus convenable que la salle même de vos séances; les représentants du peuple ne doivent jamais s'écarter de cet asile sacré qui leur représente sans cesse leurs devoirs et leurs fonctions. (Applaudissements.) En conséquence, les 300 membres dont je viens ae vous parler m'ont chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que, tous les jours qu'il n'y aura pas de séance le soir, la salle sera ouverte à tous les députés qui viendront s'y réunir pour conférer. »
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix I
D'autres membres: L'ordre du jour !
Le projet formé par 300 membres de cette Assemblée pour discuter ensemble, quand il n'y aurait pas de séance, présente les plus grands avantages ; j'appuie donc de toutes mes forces le projet en lui-même, et je me ferai un devoir d'être du nombre de ceux qui se réuniront; mais je crois qu'il serait du plus grand danger de consacrer à des discussions particulières la salle de nos séances, et je m'explique : le peuple sera-t-il témoin de ces discussions? (Non! non!.)
Dans les tribunes : Oui! oui!
Monsieur le Président, rappelez à l'ordre les tribunes !
Si ces discussions ne sont pas entourées de spectateurs, et si la salle de nos séances y est consacrée, il en résultera que ces réunions particulières auront l'air de comités généraux, et comme ce moyen n'est indiqué par la Constitution que dans les circonstances urgentes, il faut éviter même l'apparence de ces espèces de comités généraux, quand les circonstances ne l'exigent pas. Si, au contraire, le peuple est admis dans les tribunes, qu'arrivera-t-il? c'est qu'il verra, dans le sanctuaire de la loi, les représentants de la nation sans caractère, puisqu'ils ne pourront pas délibérer, mais simplement discuter; or, il serait du plus grand danger que le peuple vît jamais les représentants sans caractère, sans décréter, sans faire des lois, car il arriverait que le peuple, trop habitué à voir ses représentants discuter simplement, finirait par perdre beaucoup de son respect. (Murmures.) Je ne dis point pour ses représentants, mais pour la salle même où ils s'assemblent. J'ajoute que vous ne devrez permettre une réunion dans cette enceinte, sous aucun prétexte, que pour faire les lois, car, jamais, dans la salle de vos séances, les représentants du peuple français ne doivent se montrer que comme chargés des intérêts de l'Etat.
Plusieurs membres : Et les comités qui s'y réunissent.
On m'objecte que les 5 comités s'y sont réunis; mais tout le monde sait bien que ce sont des délégués particuliers de l'Assemblée nationale qui préparent, en partie culier, les travaux connus et arrêtés de l'Assem-
blée; ces séances n'ont pas le caractère de publicité qu'auront des séances de 3 ou 400 membres. Je demande donc en appuyant le projet de réunion formé, la question préalable sur la réunion dans la salle même de l'Assemblée.
Je demande la question préalable sur la totalité du projet de décret, et à la motiver. J'ai des considérations puissantes à exposer.
Plusieurs voix : Fermez la discussion !
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
M. Ducos demande la parole pour une motion d'ordre, je la lui accorde.
Le projet de réunion proposé présente la plus grande utilité. D'un autre côté, plusieurs membres pensent que le projet de réunion dans cette salle présente de très grands dangers. De part et d'autre, cette question est d'un intérêt majeur; elle tient à plus de rapports qu'on ne le pense au premier abord. Je crois donc qu'il serait sage, qu'il serait de bonne foi d'examiner.mûrement cette question, et je demande que la discussion ne soit pas fermée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour! l'ordre du jour!
Quand je demandais à présenter quelques explications avant que M. Mouys-set eût proposé sa motion d'ordre, je voulais faire entendre, une fois pour toutes, ce que signifiait ce mot motion d'ordre, afin qu'on fût bien d'accord. (Bah! bah!)
Il faut enfin que la liberté d'opinion soit établie, et la plus légère interruption est une infraction à votre règlement. Je demande qu'on n'interrompe pas.
Il ne peut y avoir de motions d'ordre que celles qui intéressent les travaux de l'Assemblée. Toute motion qui intéresse les membres de cette Assemblée, pris hors de leurs fonctions, est une véritable motion de désordre et non une motion d'ordre. (Applaudissements à gauche.)
Or, Messieurs, il est de toute évidence que la motion de M. Mouysset ne peut intéresser les membres de l'Assemblée, pris hors de leurs fonctions, hors du sein de l'Assemblée, que comme individus, et placés hors de l'Assemblée et non comme représentants du peuple. Ces Messieurs prétendent que n'étant membres d'aucun comité, ils sont bien aises d'avoir un lieu de réunion pour discuter.
Plusieurs membres : Non! non ! pour conférer.
Ou ils veulent conférer comme représentants de la nation, c'est-à-dire que leurs conférences auront lieu en vertu d'un décret, ou bien ils veulent conférer comme simples individus; s'ils veulent conférer comme représentants, c'est-à-dire en vertu d'un décret, il faudra qu'ils désignentles objets sut lesquels doivent porter leurs conférences, de même qu'on désigne aux comités les divers objets de leurs travaux; si c'est comme individus qu'ils demandent à se réunir pour s'éclairer, dès lors la demande de cette réunion ne peut pas être portée à l'Assemblée nationale, qui n'a de police su r ses membres que comme représentants de la nation, et non comme individus. Lorsque les représentants de la nation veulent se reunir comme individus,' alors ils rentrent, comme tous les autres citoyens, sous l'inspection de la police ordinaire, et s'ils veulent former, comme individus, une association
particulière... (Non! non!) je dis que si les représentants de la nation veulent former une réunion ou une association...
Plusieurs voix : Non ! non! point d'association.
J'entends dire que ce n'est pas une association que l'on veut, mais j'observe qu'il est impossible de voir autre chose qu'une association dans une réunion. J'observe encore Su'en ne disputant plus sur le sens grammatical es mots, soit que vous vouliez une association, soit que vous vouliez une réunion; dès l'instant que vous voulez une réunion, que cette réunion est composée de 300 individus...
Plusieurs voix : De tous! de tous!
Cette association a été demandée, et il ne fallait pas m'interrompre par de longs murmures, comme si j'avais allégué un fait qui ne fùt'pas vrai. Cette association a été principalement demandée au nom des membres qui ne sont d'aucun comité, et on les a représentés comme étant au nombre de 300. Mais l'association fût-elle universelle, dès l'instant que vous convenez que ce n'est pas comme représentants de la nation, que c'est comme individus, pour votre instruction particulière que vous vous assemblez, vous n'êtes plus sous les lois de la police del'Assemblée nationale, vous êtes sous les lois de la policé Ordinaire. (Murmures.)
Vous me répondrez, Messieurs. Ce sont les principes de la Constitution sur lesquels je m'appuie ici. Lorsque, comme individus, vous voudrez vous réunir, vous êtes tenus d'en prévenir la municipalité {Oh! ohl) tout comme les autres associations. (Applaudissements et murmures.)
Voix dans les tribunes Oui!,oui!
Gomment se fait-il que chaque partie d'opinion devient l'objet de murmures ou d'applaudissements. Messieurs, il est nécessaire que le Corps législatif, pour imprimer à tous ses mouvements la dignité qui lui convient, garde le silence.
Je disais, Messieurs, que dès l'instant que vous voulez vous réunir, non, comme représentants, mais comme individus, vous rentriez dans la classe des citoyens, que vous ne pouviez vous réunir paisiblement et sans armes, que conformément aux lois prescrites pour tous les citoyens. Je ne me départirai pas de ce principe, que dès que c'est comme individus que les représentants demandent à se réunir, et non comme représentants, dès lors leur demande ne peut pas nous concerner, et nous ne pouvons pas délibérer sur une pareille proposition.
Maintenant, je vais faire sentir les inconvénients de cette proposition à ceux qui l'ont acceptée de bonne foi. Jè suppose des représentants de la nation réunis ici ; je ne rappellerai pas les objections de M. Lasource, auxquelles il serait peut-être difficile de répondre; je suppose les représentants de la nation assemblés ici au nombre de plus de 200, les représentants portent partout leur caractère ; ils peuvent, s'ils le veulent alors, s'ils sont plus de 200, ils .peuvent penser qu'ils ont le droit de se former en Assemblée nationale. (Murmures.)
Je crois à la pureté des intentions de tous ceux qui ont fait et qui pensent que cette proposition peut être adoptée; mais ils ne peuvent pas être garants eux-mêmes des propositions qui
pourraient leur être faites lorsqu'une fois ils seraient ainsi réunis. Ils ne peuvent pas être garants non plus de ce qu'ils pourraient décider dans un moment où on aurait excité leur enthousiasme. Cette réunion aurait l'air d'un comité général. Sous ce point de vue, nous ne devons pas le permettre dans lé sein de l'Assemblée. Sous un autre point de vue, elle offre le danger qu'au moment où il seraient réunis plus de 200; les membres qui la composent ne soient tentés de prendre des délibérations. (Applaudissements. Non! non!) Sans doute, il s'élèverait des réclamations le lendemain; mais qu'arriverait-il? C'est que le temps de nos séances se perdrait comme il se perd aujourd'hui par l'effet de cette motion. (Applaudissements.)
Plusieurs membres ; L'ordre du jour !
Je finis par une seule observation; je crois qu'il est évident, pour ceux qui sont de bonne foi, qu'il y a des dangers dans cette réunion; je crois qu'il est évident, pour ceux qui sont ae bonne foi, qu'elle serait con>-traire aux principes, en ce que l'Assemblée nationale ne peut pas statuer sur ses membres hors de l'exercice de leurs fonctions;.mais cependant, si Gette discussion devait être prolongée, je vous observe que les colonies sont en feu, et que le rapport est à l'ordre du jour.
Elles ne seraient pas en feu s'il n'y avait eu que des Assemblées comme celle-là.
J'observe que les rapports les plus intéressants sont à l'ordre du jour, et retardés chaque jour par des motions incidentes, je vous observe que les plus grands dangers menacent la patrie, et que vous êtes comptables envers elle du temps que nous perdons en de vaines discussions ; je demande donc, au nom de la patrie, qu'on passe à l'ordre du jour. (Vifs applaudissements a gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
et quelques autres membres appuient l'ordre du jour.
demande à répondre.
Monsieur le Président, l'ordre du jour est appuyé, mettez-le aux voix.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
D'autres membres : La question préalable sur la motion principale 1
établit l'ordre de la délibération et met aux voix le passage à l'ordre du jour.
(L'Assemblée rejette à une très grande majorité le passage à 1 ordre du jour.)
et quelques autres membres. L'appel nominal !
Quelques membres viennent s'inscrire au bureau pour réclamer l'appel nominal.
Je réclame l'exécution du règlement qui veut qu'on entende successivement les membres qui veulent parler pour et contre. Je demande à parler pour et à faire connaître la pureté des intentions qui animent la majorité de l'Assemblée. (Applaudissements et murmures.)
(Il s'élève des débats sur l'ordre de la parole. A gauche, oh réclame l'appel nominal et plusieurs membres de ce côté vont s'inscrire au bureau. M. Chabot qui est au bureau le réclame vivement. L'Assemblée reste trop longtemps dans l'agitation.)
J'ai demandé la parole pour un fait, et je crois que son énonciation terminera une discussion qui se prolonge inutilement, et nous fait perdre du temps.
Le projet de décret de M. Mouysset repose sur ce que 300 membres dé l'Assemblée nationale n'étant pas employés dans les comités, voudraient se réunir dans cette salle; mais d'abord 300 membres ne se sont pas réunis, et n'ont point pris cette délibération pour engager M. Mouysset à la présenter à l'Assemblée nationale.. (Murmures.)
M. Mouysset est de deux comités,
Il résulte de ce que je dis, que sironneveutpasregardercette demande comme ayant pour but de former une association quelconque, la question ne peut pas être proposée comme M. Mouysset l'a faite dans son projet de décret.
Voici comment il faut la poser : Les membres de cette Assemblée peuvent-ils se réunir dans cette salle pour y conférer ensemble, ou ne le peuvent-ils pas? Il est constant que si on met aux voix la question préalable sur cette proposition, nous aurons bientôt terminé la discussion. Je demande donc la question préalable sur cette proposition, et je la fonde sur les objections importantes de M. Vergniaud. Plusieurs membres : Aux voixl aux voix !
Je voulais observer à l'Assemblée que personne n'était plus convaincu que moi qu'il était extrêmement urgent que les membres de l'Assemblée nationale pussent se voir et se concecu que pour satisfaire à ce besoinrter ensemble, mais je suis également convain sans blesser les principes, nous ne devons pas transformer l'Assemblée nationale en club. C'est pourquoi je demande qu'un comité général ait lieu deux fois par semaine. (Murmures.)
La question préalable sur la motion de M. Reboul.
Je suis convaincu qu'en examinant avec tranquillité la question qui partage, dans ce moment, l'Assemblée, nous parviendrons plus sûrement à nous éclairer.
Tout le monde convient de la nécessité d'une union fraternelle. (Non! non! Oui! ouï!) Je déclare à ceux qui m'ont interrompu que c'est un besoin pressant pour moi, que cette union fraternelle.^{Applaudissements), que c'est un besoin pressant pour la majorité de cette Assemblée. (Oui! oui! Applaudissements.) Je déclare que la France entière convient aussi de ce besoin de tous les membres de cette Assemblée (Applaudissements.)i et je déclare qu'il n'y aura pas un seul ennemi de la Constitution qui puisse l'ébranler un seul instant, si cette union fraternelle qui a excité des murmures peut enfin régner dans cette Assemblée. (Applaudissements.) Si j'avais le choix pour le maintien delà Constitution, d'une armée de 500,000 hommes les plus -disciplinés, les plus aguerris, ou de cette législature unie fraternellement, Je ne balancerais pas, je rejetterais l'armée et j'adopterais la législature, convaincu que la ligue aé nos ennemis viendrait bientôt se briser contre la masse imposante des représentants d'une nation ainsi liés par un amour égal du bonheur public. (Vifs applaudissements.) Oui, Messieurs, le salut de la chose publique est ici ; nous le savons tous. Des membres de l'Assemblée, pénétrés de ce principe, proposent un moyen de réunir nos pensées, on
fait contre ce moyen des objections. On vous a dit, Messieurs, que la réunion de plusieurs mem bres de l'Assemblée dans cette salle serait une véritable association, et moi je dis que ce serait précisément le contraire, et je vais le prouver. En effet, les membres de l'Assemblée ayant, comme tous les préopinants en sont convenus, le besoin de se réunir, seront obligés de se rassembler dans un local quelconque de Paris; dès lors, il faudra qu'ils forment une véritable association, qu'ils aient un trésorier, qu'ils aient une espèce de mandataire ehargé des affaires de cette association ; il faudra qu'ils aient des chefs temporaires, des secrétaires, il faudra qu'ils aient des scrutins. Par suite, leurs délibérations laisseront une trace quelconque. Bientôt après on voudra étendre cette trace; on voudra correspondre, et voilà véritablement l'association formée.
Les députés qui ont fait, ce matin, cette proposition à l'Assemblée, ne veulent poinf d'association, ils veulent simplement avoir la liberté de se réunir dans un local commode, où ils délibéreront tranquillement, et où ils feront part des lumières qu ils reçoivént de leurs départements respectifs; ils éviteront par conséquent de perdre un temps infini, s'ils voulaient instruire l'Assemblée nationale en corps d'une multitude de faits particuliers dont ils peuvent s'instruire partiellement. Ils veulent, dans ces conférences amicales, profiter des lumières d'un grand nombre de membres de cette Assemblée, que la timidité seule, qu'une modestie, qu'on n'oserait blâmer, empêche de parler au milieu de tous les citoyens qui nous environnent, et au milieu du choc des opinions. (Murmures.) J'avoue qu'il m'est impossible de voir en cela rien de condamnable.
Examinons si les suites pourraient en être dangereuses : on vous a dit, messieurs, que le peuple pourrait être alarmé. Quoi! le peuple s'alarmerait de voir tous ses représentants se réunir pour conférer ensemble sur ses intérêts? Je ne le pense pas. On vous a dit encore, messieurs, que ces conférences pourraient compromettre la dignité de l'Assemblée, parce qu'on ne pouvait pas être réunis ici sans que le public fût présent, et moi je réponds que la vraie dignité de l'Assemblée nationale est dans la bonté de ses décrets, dans la maturité de ses délibérations, et que si des conférences amicales sont un moyen de parvenir à faire de bons décrets, à avoir des délibérations mûres, dès lors la vraie dignité de l'Assemblée est conservée.
ll a été fait auprès de-moi une objection dont j'ai senti toute la force; on a dit : Ne serait-il pas possible que les membres de l'Assemblée ainsi réunis en grand nombre dans un moment où une nouvelle intéressante ferait sentir tout à coup.le besoin de délibérer, ne serait-il pas possible que ces députés oubliassent qu'ils ne sont là qu'en simple conférence, et délibérassent comme Assemblée nationale? Vous voyez, messieurs, que je mets de la bonne foi dans la recherche des objections qui ont été faites. (Ah! ah!) Oui, messieurs, delà bonne foi. (Applaudissements.)
Je rappelle à l'ordre ceux qui interrompent par des murmures aussi indécents.
Un membre : Ils font l'éloge de M. Vaublanc,
Puisque je produis ici la plus forte de toutes les objections, quoiqu'elle n'ait pas été faite à la tribune, je réponds, mes-
sieurs, que le décret de l'Assemblée nationale qui est sollicité par plusieurs membres peut très bien parer à cet inconvénient, en motivant que cette réunion de députés n'aura lieu que le jour oèl il n'y aura pas de séance du soir, et n'aura lieu que comme simple conférence. Mais je suppose que, dans cet effet de choses, il arrive tout à coup un événement imprévu, comme il est arrivé pendant la session du corps constituant, que fera-t-on? Les députés déjà réunis enverront chercher en hâte le président de l'Assemblée nationale et les secrétaires.
Plusieurs voix : Ils y seront !
Eh bien ! s'ils y sont, on saura dans toute la ville que la réunion de l'Assemblée nationale va avoir lieu ; les tribunes seront ouvërtes au public; la générale l'apprendra.
Il est impossible que les membres réunis dans l'enceinte de cette salle aillent se tromper au point d'imaginer qu'ils forment l'assemblée, lorsqu'ils ne sont réunis que pour une conférence, lorsqu'ils savent que la permission ne leur est donnée que comme à des individus qui se réunissent pour une conférence.
Messieurs, la seule chose, à mon avis, est de savoir si cette réunion peut produire de bons effets. Cette question n'a pas été mise en doute, dès lors je conclus que cette réunion peut être permise. (.Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voixl aux voix!
La proposition qui vous a été faite a un peu changé de face par les diverses propositions incidentes qui ont suivi. D'abord on a demandé que trois cents membres, que ceux qui ne font pas partie des comités, puissent se réunir dans cette salle les jours où il n'y aurait point de séance du soir. Ensuite on a étendu la proposition, on l'a rendue plus générale. On a demandé que tous les membres de l'Assemblée puissent se former deux fois par semaine au comité général.
Votre premier objet, Messieurs, a sans doute été de faire des réunions fraternelles et ce but est louable, mais en même temps on doit penser que vous ne voulez qu'une réunion constitutionnelle. Permettez-moi de vous présenter quelques doutes sur la légalité de cette réunion. La Constitution vous donne deux manières de délibérer, ou en assemblée publique, ou en comité général. Quiconque viendra proposer indirectement une autre manière de s'assembler, attaquera indirectement la publicité des séances orcfonnées par la Constitution. Vous conviendrez d'ailleurs que ce ifest pas aux représentants de la nation à donner l'exemple d'une conduite qui serait une violation indirecte delà Constitution, qui tendrait à pouvoir faire secrètement, par voies obliques, ce qu'on ne pourrait faire d'une manière notoire et publique.
Mais de plus, Messieurs, quel serait l'effet de cette mesure ? Que resterait-il, je vous prie, pour vos séances publiques, si vous en formiez ae particulières, dans lesquelles, à l'exception des décrets que vous ne rendriez pas, ils s'établirait des conférences, des colloques, une discussion par conséquent dont vous priveriez le public ? Vous arriveriez à l'Assemblée nationale, a la séance publique, avec une opinion toute préparée, avec des décisions toutes faites. (Rires ironiques et murmures à droite. Applaudissement? dans les tribunes.)
Répétez donc un peu, monsieur le président, qu'il y a des murmures indécents.
Je me suis permis de dire, Messieurs, que vous arriveriez à l'Assemble nationale avec une oçinion formée. Cela est si vrai, que si de vos conférences il ne devrait résulter aucune opinion, si c'était une simple discussion qui n'eût aucun résultat, assurément je ne m'y opposerais pas...
Plusieurs membres : C'est là ce qu'on demande,
.. Mais certainement alors vous ne mettriez pas tant d'intérêt à ces séances Secrètes, et ceux qui négligent les séances et les discussions utiles de l'Assemblée nationale, ne préféreraient pas sans doute des discussions purement oiseuses et le chaos stérile des débats de ce comité. Mais en fût-il autrement, je vous dirai que le public a le droit d'être témoin, non seulement des décrets, lorsqu'ils sont rendus et deviennent publics par la promulgation, mais surtout de la manière dont les décrets se préparent, de la manière dont se forme et s'élabore dans la discussion l'opinion de l'Assemblée. Tel est le but de la loi sur la publicité des séances, parce qu'il importe surtout, et il importera toujours que l'esprit et le sens de la loi soient connus du peuple.
Ainsi, les membres de l'Assemblée qui désirent lui donner par le moyen de ces réunions secrètes, un nouveau degré d'intérêt, ceux-là se trompent singulièrement, et rendent au contraire l'Assemblée nationale infiniment moins intéressante pour le peuple. Croyez-vous que par toute la France on ne dira pas : "L'Assemblée nationale ne porte dans les séances publiques que des avis déjà convenus, des décrets déjà délibérés dans des séances secrètes. (Murmures à droite. — Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : C'est ce qui se fait maintenant aux Jacobins.
Un autre membre : Vous nous apportez l'opinion des Jacobins.
Je suis étonné que plusieurs personnes cherchent à me troubler dans mon opinion malgré la modération que je m'efforce d'y mettre. On me dit que j'apporte ici un esprit de parti, que c'est un avis des Jacobins, que cela même que je veux éviter se fait aux Jacobins. Permettez que j'observe à ces Messieurs que les séances des Jacobins sont publiques.
(Applaudissements dans les tribunes.)
Voix dans les tribunes : Bravo ! bravo !
Messieurs, aux termes dê la Constitution, les séances de l'Assemblée nationale doivent être publiques, et une seule forme vous est indiquée pour les séances secrètes, cette forme doit être très rarement employée : c'est celle du comité général. Je vous prie de ne pas éluder la Constitution, de ne pas la violer indirectement, tandis que vous n'osez la heurter de front. Je demande donc la question préalable sur la proposition. (Applaudissements à gauche et dans les tribune.)
Je demande la parole.
Un grand nombre de membres : La discussion fermée î
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur la proposition de M. Mouysset 1
Je mets aux voix la question préalable sur la proposition de M. Mouysset.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Mouysset.)
et plusieurs autres membres. L'appel nominal! (Bruit.)
Je demande l'impression et l'ajournement du projet de décret.
Je réclame l'appel nominal; Monsieur le président, mettez-le aux voix.
Monsieur le président, rappelez M. Galon a l'ordre (Murmures )
Je demande à présenter quelques observations et à rétablir l'état de la délibération.
Plusieurs membres : Non ! non ! La discussion est fermée.
observe que, conformément au règlement, on ne peut refuser la parole à M. Merlin pour un fait sur la délibération.
La parole est à M. Merlin pour un fait sur la délibération.
D'après la proposition de M. Mouysset, 300 personnes demandent à se réunir pour délibérer...
Plusieurs membres : Non! non!
.. demandent à se réunir dans le sein de l'Assemblée pour y délibérer comme individus, les jours où il n'y aura pas de séance du soir. Or je dis que ces 300 pétitionnaires, qui demandent à s'assembler dans cette salle, ne doivent pas être juges et parties et que, par conséquent, ils ne peuvent pas prendre part à la délibération. (Rires prolongés dans VAssemblée.— Applaudissements dans les tribunes.)
Je fais une seconde proposition. Pour terminer cette discussion et pour entrer dans les vues de ceux qui parlent tous les jours du bien public à cette tribune, je demande que l'Assemblée décrète qu'elle tiendra séance tous les jours, matin et soir. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je demande à rapporter un fait important. Nos ennemis d'outre-Rhin répandent avec prodigalité des pamphlets, par lesquels ils annoncent qu'ilsont trouvé le moyen de... (Quelques murmures)... Ecoutez bien ceci : qu'ils ont trouvé le moyen de gagner quelques membres de l'Assemblée nationale. (Il se fait un grand silence.) C'est sans doute une imposture infâme... Plusieurs membres : Oui ! oui !
Pour les convaincre de leur imposture, dé leur noirceur, de leur crime, je demande que nous tenions séance tous les jours, matin et soir (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.), que tous nos moments soient donnés à la chose publique et que nous travaillions de manière à leur prouver que personne ne peut être gagné. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux voixl.
Je demande à répondre aux Objections et à rétablir ma proposition dénaturée par M. Merlin. (Bruit.)
réclame la parole et parle dans le tumulte.
Monsieur le président, le règlement s'oppose à ce qu'un membre parle deux fois sur la même question.
Je me borne à répondre aux deux dernières observations qui ont été faites par MM. Merlin et Albitte. Les précédentes objec-
tions ayant été suffisamment réfutées, M. Merlin vous a ait : 300 membres sont venus former une pétition ; ils ne doivent pas délibérer sur cette pétition.
J'ai l'honneur de vous observer, Messieurs, què ce n'est point une pétition que l'on fait. On vous a présenté un projet de décret, sur la présentation de cé projet de décret, la discussion a été ouverte. Chacun de ceux qui étaient bien aises que cette discussion eût lieu, a profité des lumières que ses confrères ont présentées, et par conséquent est en état de délibérer; sans intérêt il se décidera. D'ailleurs, Messieurs, il résulterait du principe posé par M. Merlin que lorsqu'un de vos membres vous présenterait un projet de décret, il ne pourrait pas participer à la délibération; que lorsqu'un comité vous présenterait un projet de décret, il faudrait l'exclure de votre délibération. Et qu'enfin lorsque les membres d'une députation formeraient une demande pour leur département, ils ne pourraient pas délibérer sur cette pétition. Ce qui me paraîtrait abso-.' lument ridicule, et surtout contraire à tous nos principes.
Quant à l'objection de M. Albitte-, il peut bien se faire qu'on répande -au delà du Rhin, qu'il y des malintentionnés dans cette assemblée. Mais savez-vous un moyen de les faire cesser ces murmures et ces faux bruits, recueillons-nous comme on le propose. Dès que vous serez tous dans un parfait ensemble, on verra bien clairement que ces faux bruits sont une véritable calomnie. Au reste, Messieurs, le projet de décret que je vous présente n'est pas seulement pour les 300 membres, mais bien pour toiis les membres de l'Assemblée. Qui pourrait empêcher un député de venir dans le sein de cette salle? Je m'oppose à ce qu'il y ait des séances obligatoires et publiques tous les jours; je demande qu'il y ait trois fois par semaine, des conférences amicales où ne viendront que ceux qui voudront en profiter ; Un membre ira aux Jacobins, un autre ira aux Feuillants. Moi, je viendrai ici contempler Mirabeau. (Murmures et rires.) Moi, je viendrai ici me pénétrer des principes de ce grand homme, dont vous avait fait placer ici l'image, de J.-J. Rousseau. (Murmures.)
Monsieur le président, je vous prie de me maintenir la parole.
Je viendrai, vous ai-je dit, Messieurs, contempler Mirabeau et me pénétrer des grands principes qu'il a consacrés et de la nécessité reconnue par lui de combattre les factieux jusqu'à la mort. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Les factieux ministériels !
Je demande, én conséquence, Monsieur le président, que, cédant enfin au vœu de la grande majorité de cette Assemblée contre une petite minorité, vous mettiez aux voix le projet de décret, sur lequel il a été déclaré qu'il y avait lieu à délibérer.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voixl
demandent la parole pour une motion d'ordre.
On ne peut pas faire de motion d'ordre quand on va mettre une proposition aux voix. Je demande la priorité pour la motion de M. Albitte, avant de faire des amendements. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres demandent à faire des motions d'ordre.
On ne peut présenter de mo-
tions d'ordre avant d'avoir établira priorité. Je demande qu'aucun membre ne soit entendu.
Je résume toutes les motions :
1° Entendra-t-on une motion d'ordre?
(L'Assemblée décrète qu'aucun membre ne sera entendu.)
Je mets aux voix la priorité pour la motion de M. Albitte, demandée par M. Delacroix.
Je demande à motiver la priorité.
Vous avez la parole.
Je vous prie, Monsieur le Président, de mettre aux voix la priorité pour la motion de M. Albitte, et voici comme je la motive :
Je dis que l'Assemblée ou un grand nombre de ses membres ont manifesté l'intention de se réunir pour conférer sur les objets qui doivent se traiter dans l'Assemblée ; c est un ordre de travail qui a paru mériter l'attention de l'Assemblée. Eh bien! réunissons-nous; mais le travail qui doit nous occuper plus utilement est celui ae faire des décrets et c'est celui que nous devons choisir. Tenons des séances tous les soirs et nous ne nous amuseront pas à conférer, nous firononcerons. (Applaudissements et murmures.) I y a, dans tous les comités, notamment au comité militaire, un grand nombre de rapports prêts. L'Assemblée les entendra, et sans doute, èn s'occupant de cette manière, elle servira mieux la chose publique que par des conférences. (Applaudissements.) Dans le cas où l'Assemblée viendrait à épuiser toutes les matières, toutes les pétitions et tous les autres objets qu'elle a renvoyés aux comités, alors elle ne pourrait plus tenir de séance le soir, et ses membres seraient libres de sé réunir pour conférer, parce qu'ils n'auraient rien de mieux à faire ; mais, Messieurs, tant que nous pouvons travailler utilement pour la chose publique, nous devons y employer tous nos moments; tant qu'il y ades décrets à rendre, notre poste est ici, le matin comme le soir. La nation nous paye tout le jour de ses deniers et de sa confiance, nous devons travailler tout le jour. Nous lui avons consacré par notre serment tous nos travaux : nous les lui devons et personne ne peut les lui refuser. (Applaudissements des tribunes.) Je demande donc que l'Assemblée nationale, en accordant la priorité à la proposition de M. Albitte, décrète qu'il y aura séance matin et soir, jusqu'à ce que les a'ffaires qui sont distribues aux différents comités soient épuisées. (Applaudissements.)
Plusieurs voix : La question préalable ! (Bruit.)
J'appuie la proposition de M. Merlin, mais j'observe qu'il faut que vos comités aillent toujours leur train, et je fais cet amendement. Il y a 20 comités ; je demande que, tous les soirs, dès que les procès-verbaux seront lus, MM. les secrétaires fassent l'appel des 10 premiers comités, et que ces 10 comités se retirent dans leurs bureaux, et que le lendemain les dix autres comités s'y retirent également. Et je demande, pour que les membres de l'Assemblée soient à leur devoir, que trois fois par semaine on fasse l'appel nominal.
(L'Assemblée ferme la discussion sur la question de priorité.)
Je mets aux Voix la priorité entré la motion de M. Merlin et celle de M. Mouysset.
(L'épreuve est douteuse.)
Plusieurs membres du bu reau déclarent qu'il y a du doute, je recommence l'épreuve.
Plusieurs voix : L'appel nominal !
Je demande qu'on fasse l'appel nominal, qu'on imprime la liste et qu'on renvoie aux 83 départements.
Je réclame l'appel nominal afin que tous les oiseaux de nuit soient mis à découvert.
, secrétaire, monte à la tribune pour faire l'appel nominal. (Il s'élève de /violents murmures. L Assemblée est dans une vive agitation.)
Plusieurs membres demandent la parole pour des motions d'ordre. .
(Après de longs débats, l'Assemblée décide qu'ils ne seront pas entendus.)
Ûn grand nombre de membres : L'appel nominal 1
Voici l'article du règlement qui porte, qu'éii cas de doute, on procédera à l'appel nominal.
« Sur toutes les motions les voix seront recueillies par assis et levé ; et, en cas de doute, on ira aux voix par l'appel nominal sur une liste alphabétique de tous les membres, complétée, vérifiée ét signéé par les secrétaires de l'Assem- blée. » 'v ':
En conformité du règlement, on va faire l'appel nominal. La question sur laquelle on va délibérer est celle-ci :
Ceux qui accorderont la priorité à la motion, qu'il y ait séance tous les soirs, diront oui-, ceux qui seront d'un avis contraire diront non. (Grand bruit.)
(On procède à l'appel nominal.)
Voici le résultat de l'appel nominal (l v- sur 634 votants, 371 ont voté pour le oui, et 263 pour le non. Ainsi, la priorité est accordée à la motion de M. Merlin, c'est-à-dire, que je dois mettre aux voix s'il y aura séance tous les soirs... On moment..., sur cette proposition ion demande la question préalable, et on demande encore l'ajournement de la proposition de M. Mouysset. (Il s'élève de violents murmures.) La motion que je viens de résumer m'a été remise signée : cependant je conviens que, puisque la priorité a été accordée à la motion de M. Merlin, cette proposition seule doit être mise aux voix. _
Je mets donc d'abord aux voix la question préalable sur la proposition dé M. Merlin.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Merlin. ( Vif* applaudissements dans les tribunes.)
Je demande à proposer un amendement. L'Assemblée vient de décréter qu'il
y avait lieu à délibérer sur la motion de M. Merlin qui remplit le
double but qu'on s'est proposé de réunir légalemént les membres de
l'Assemblée, de ne point violer la sainteté du lieu où nous sommes, et
de satisfaire néanmoins au besoin urgent, qu'ont les députés, de
converser intimement et amicalement.
Cet amendement consiste en ce que la proposition de M. Merlin soit admise, sauf qu'il y ait deux fois par semaine, le soir, comité général. (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement !
, après de longs débats et une agitation tumultueuse, se dispose à mettre aux voix la motion de M. Merlin.
Il est sensible que si nous nous assemblons matin et soir, les comités ne;trouveront plus le temps de préparer leurs rapports. 11 faut donc, pour obvier à cet inconvénient très réel, dire de quelle manière les comités s'assembleront pour faire leur travail. Comme cette question pourrait traîner encore un peu en longueur, comme il faut avant de statuer sur la proposition principale, statuer sur la proposition secondaire, qui est de savoir comment et de quelle manière les comités travailleront, je demande l'ajournement de la question principale.
Plusieurs membres : Non ! non !
J'observe que, sous prétexte d'amendements, on présente des propositions nouvelles.
Si le décret, qui porte qu'il y aura des séances tous les soirs, passe, je demande à proposer un amendement et l'on ne peut pas m'en refuser le droit. Je propose que les noms de ceux qui, au lieu d'assister aux séances de l'Assemblée, seront convaincus d'avoir siégé, soit comme président, secrétaire ou membre, dans d'autres assemblées populaires (Murmures et applaudissements,) soient inscrits au procès-verbal avec censure. (Vifs applaudissements à droite. — murmures prolongés à gauche.)
J'appuie de toutes mes forces l'amendement de M. Léopold.
Plusieurs membres : Aux voix l'amendement de M. Léopold!
Je mets aux voix l'amendement de M. Léopold. %
Je demande la parole pour M. Grangeneuve; je la demanderai ensuite pour moi afin de le combattre.
Monsieur le Président, jè demande la parole contre vous si vous ne me laissez jouir, du droit qu'a tout membre de combattre un amendement. (Bruit.)
Je combats l'amendement de M. Léopold. Le Corps législatif, Messieurs, ne peut faire que des lois ou un règlement de discipline pour lui-même. Or, ce n'est pas une loi que l'on vous propose, c'est un règlement. L'Assemblée nationale peut-elle faire un règlement qui s'étende hors des limites du lieu de ses séances?...
Plusieurs membres : Oui! oui! pour ses membres.
Le décret que l'on propose est, en d'autres termes, une défense faite à un député d'être tel jour, à tel endroit, à peiné de..... (Bruit.)
Plusieurs membres : C'est un ordre d'être à la séance, et non pas aux Jacobins.
Toutes les peines à porter contre les députés, qui ne se rendent pas aux séances de l'Assemblée nationale, sont renfermées dans l'Acte constitutionnel, et je ne reconnaîtrai jamais d'autre autorité, dans mes habitudes
privées, que les lois communes à tous les citoyens...
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Quoi, messieurs, vous avez divers députés de certains départements qui n'ont pas encore une seule fois paru à l'Assemblée nationale, vous n'avez rien osé contre eux (Exclamations.) et vous croyez que vous avez le droit de me dire : vous serez ici toutes les séances...
Plusieurs membres : Oui ! oui !
Un membre : Alors, pourquoi demandez-vous des séances du soir ?
Il me semble que l'Assemblée ne peut pas plus m'infliger une peine pour être à tel endroit, tel ou tel jour, qu'elle ne peut m'infliger une peine pour être chez moi. C'est exactement aller contre l'Acte constitutionnel qui, ayant décrété une peine quelconque pour les députés absents, a, par cela seul, interdit à l'Assemblée d'étendre son règlement de discipline jusqu'à leur défendre d'être, tel jour, chez eux ou ailleurs. Vous avez, messieurs, un règle-, ment pour ce qui se passe dans l'intérieur de vos séances ; hors de là, ayez la bonté d'obsêrver que vous n'avez pas plus de juridiction sur un de vos membres qué sur tout autre citoyen.
Daignez encore remarquer à quelle inquisition vous réduirez les membres du Corps législatif : 1° pour constater mon absence du lieu ae l'Assemblée; il faudrait un appel nominal; 2° il faudrait prouver ensuite que j'assistais à telle ou telle séance de telle autre société; vous érigeriez ainsi, dans votre sein, un véritable tribunal in-quisitorial. Vous n'avez, Messieurs, que l'opinion publique pour punir les membres de l'Assemblée nationale qui, pouvant être utiles à l'Etat, ne se rendent pas avec exactitude aux séances et ne reconnaissent pas eux-mêmes combien leurs-devoirs sont sacrés. Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. Léopold. (Applaudissements à gauche.)
J'appuie l'amendement de M. Léopold et je combats la question préalable ; mais je ne répondrai point à ce qu'a dit M. Grangeneuve qui paraît méconnaître l'autorité de l'Assemblée nationale sur ses membres. Elle èst bien évidemment reconnue par tout le monde...
et quelques autres membres. Non! non!
Il est donc inutile que je l'éta-blisse...
Les mêmes membres : Si ! si !
Voulez-vous que je l'établisse. (Oui! oui!) Gela n'est pas bien difficile.
J'ai entendu dire souvent à plusieurs membres, et notamment à M. Grangeneuve, que le devoir d'un fonctionnaire public était d'être toujours à son poste. Or, je le demande à M. Grangeneuve : où est le poste d'un député, quand il y a séance matin et soir, si ce n'est à l'Assemblée nationale? (Vifs applaudissements.) D'après cela, si un député manque à son devoir ae député en n'étant pas à son poste, ie demande si l'Assemblée n'a pas le droit de faire un règlement ou un décret, pour y assujettir ceux de ses membres qui préfèrent assiste^ aux séances de sociétés particulières, au lieu de faire leur devoir en venant aux séances du Corps législatif. Je crois avoir le droit de n'en pas dire d'avantage et j*ajoute qu'il est malheureux que l'Assemblée nationale soit obligée de faire un règlement pour
rappeler à leurs devoirs les membres qui s'en écartent. Quand l'Assemblée ne tient pas de séance, nous sommes à nous ; mais lorsque l'Assemblée délibère, nous devons être ici. Je vous le demande, nos commettants nous ont-ils envoyés pour être aux Jacobins ou ici? (Applaudissements.) Messieurs, voilà la question.
et quelques autres membres réclament avec violence.
Je demande ïa parole pour une motion d'ordre.
Monsieur Thuriot, je suis dans la questiop «t vous n'y êtes pas. D'ailleurs, je ne parle pas pour vous ; ie parle pour la partie saine de l'Assemblée. (Applaudissements à droite et au centre. — Exclamations et murmures prolongés à gauche.)
Je demande que M. Delacroix soit rappelé à l'ordre. (Murmures à droite et au centre, '-r- Applaudissements à gauche et dans les tribunes.). Il n'y a pas de partie saine, ni de partie malsaine dans l'Assemblée.
Je somme M. Delacroix de déclarer quelle est la partie saine de l'Assemblée.
Ce sont ceux qui écoutent et qui n'interrompent pas.
Je prie M. Delacroix d'éviter désormais de pareilles personnalités, de soutenir son opinion et de parler à l'Assemblée.
En ce cas, Monsieur le Président, il faut empêcher qu'on ne m'adresse la parole pour m'interrompre.
Je poursuis, et je répète que nos commettants nous ont envoyés ici pour faire des lois, pour employer tout notre temps, absolument tout notre temps, au salut de la chose publique, et c'est ici exclusivement que nous devons nous réunir lorsque l'Assemblée tient séance et non pas aux Jacobins ou aux Feuillants. {Murmures.)
Plusieurs membres à gauche : Ni dans les antichambres des ministres.
Lorsqu'une fois ce principe non constestable sera reconnu, on en conclura facilement que lorsqu'un membre s'arrache à ses fonctions propres pour se livrer à des fonctions étrangères, lorsqu'il se présente soit aux Feuillants, soit aux Jacobins, pendant la tenue d'une séance de l'Assemblée, il tombe pour ainsi dire en forfaiture envers ses commettants. Je dis qu'alors l'Assemblée a incontestablement le droit de rappeler à leurs devoirs ceux de ses membres qui s'en écartent, et, pour cela, il faut qu'elle fasse un règlement ou une loi. Enfin, ne serait-il pas bien extraordinaire, que ceux qui ont réclamé la priorité pour qu'il y eût des séances tous les soirs, se refusassent maintenant, d'une manière indirecte, à y venir? (Vifs applaudissements.)Ce qu'un législateur doit se proposer* lorsqu'il concourt a l;i création d'uneJoi, c'est sans doute son exécution, et n'est-ce pas attaquer la loi avant qu'elle soit rendue, que de vouloir se dispenser ae l'exécuter par des réticences?
Messieurs, j'appuie donc l'amendement de M. Léopold; mais j'ajoute que, comme notre traitement est l'indemnité de notre travail, ceux qui manquent aux séances doivent en être privés. Voilà ce que je propose pour sous-amendement. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'amendement de M. Léopold.)
Je demande la parole pour un sous-amendement. (Bruit.) Messieurs, j'oserai dire, quoique la discussion soit fermée sur l'amende-, ment, que j'ai été révolté du résultat qu'a tiré M. Delacroix des principes qu'il a posés. (Murmures.)
Plusieurs membres : Allons ! allons ! Ce n'est pas là un sous-amendement.
Monsieur, je vous prie de vous renfermer dans votre sous-amendement.
Je m'y renferme, et je dis, Messieurs, que si la loi exige, que si la Constitution veut que chaque membre assiste à toutes les séances ae l'Assemblée...
Plusieurs voix : On ne parle pas de cela.
L'amendement sur lequel vous vénez de fermer la discussion est fondé sur ce qu'il n'est pas permis à un membre de l'Assemblée nationale ae se trouver hors de ses fonctions. Par conséquent, dès qu'il est décrété qu'il a y aura des séances matin et soir, il est décrété, par cela seul, que chaque membre de l'Assemblée nationale doit se trouver dans cette salle matin et soir: c'est par cette raison-là que je trouve l'amendement inutile ; mais vous venez de fermer la discussion, vous venez de ju^er, ou du moins vous paraissez vouloir juger qu'un membre de l'Assemblée nationale ne pourra point se trouver dans telle ou telle société à l'heure des séances. Je vous demandé, Messieurs, s'il y a une loi particulière pour qu'un membre de l'Assemblée nationale ne puisse...
Plusieurs voix : Nous voulons la faire !
Si un membre de l'Assemblée nationale ne doit pas se trouver dans une société, il ne doit pas non plus se trouver ailleurs qu'à l'Assemblée nationale. Si vous décrétez qu'un membre dé l'Assemblée nationale, à l'heure des séances, ne pourra pas se trouver dans itelle ou telle société, vous devez généraliser cette loi. (Oui! oui!) Je propose donc, par sous-amendement à l'amendement de M. Léopold, amendement qui suppose que nous aurons besoin d'une loi pour exécuter Ja loi; je propose, dis-je, que vous généralisiez la loi. (Murmures et bruit.)
(M. Ramond, ail milieu du tumulte, demande à être entendu ; une partie de l'Assemblée s'y oppose vivement : il parvient cependant à obtenir la parole.)
Je propose une rédaction de l'amendement et du sous-amendement qui remplisse l'objet de l'Assemblée. Lorsqu'un membre ae l'Assemblée nationale ne se trouve pas à sa séance, la présomption naturelle, la seule présomption décente est qu'il lui est impossible d'y être; parce qu'il est malade. La présomption cesse (Bruit.) lorsqu'il est prouvé que les membres absents se sont trouvés dans des sociétés particulières. Je propose donc la rédaction suivante :
« Tout membre qui, pendant la durée des séances, sera convaincu d avoir été dans quelque lieu public que ce puisse être, sera inscrit au procès-verbal avec censure... (Murmures.)
Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Léopold!
et plusieurs autres membres demandent la parole pour présenter des amendements.
(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)
Je vais mettre aux voix la proposition de M. Léopold, sauf rédaction. (Murmures.)
Plusieurs membres demandent que la discussion soit continuée.
D'autres membres : La question préalable sur la motion de M. Léopold!
Un membre : Je demande que l'Assemblée déclare que M. Mouysset a mis le désordre dans l'Assemblée.
Je mets aux voix la question préalable sur la motion de M. Léopold.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. Léopold.)
Il y a deux rédactions de cet amendement : la première de M. Léopold : la seconde présentée par M. Ramond. M. Ramona retire sa rédaction.
Un membre : Et moi, je la soutiens !
Voici la rédaction de M. Léopold :
« Tous membres de l'Assemblée nationale qui, au lieu d'assister aux séances, seront convaincus d'avoir présidé, siégé ou assisté aux séances des sociétés publiques, seront inscrits au procès-ver-bal avec censure. »
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix !
Un membre : Les séances des Feuillants ne sont pas publiques, on pourra donc aller aux Feuillants.
11 faut mettre : « Aucune société particulière », parce que chacun sait que la société dès Feuillants n'est pas publique.
J'appuie l'observation de M. Charlier et je demande qu'on énonce ainsi les dispositions de l'article : «... tous clubs ou sociétés publiques et particulières. »
On demande que les mots * sociétés publiques » soient remplacés par ceux-ci ; « tous clubs ou sociétés publiques et particù-« Hères. » Jé vais donc consulter l'Assemblée sur les amendements et sous-amendements.
Je demande la lecture de l'autre rédaction.
Plusieurs membres : Lisez les rédactions !
M. Ramond a proposé que, pendant la tenue des séances de 1 Assemblée, ses membres ne puissent se trouver dans aucun lieu public. Cette rédaction n'est que ridicule, tandis que celle de M. Léopold est absurde. Je préfère la rédaction de Ramond. (L'Assemblée est dans une grande agitation.)
Plusieurs membres : Levez la séance I
veut établir en vain l'état de la délibération ou mettre aux voix quelqu'une des propositions. Sa voix se perd dans le tumulte.
Nous perdons la patrie et la Constitution !
Je propose une rédaction. (Tumulte. Cris.)
Je demande que l'Assemblée sorte de ce désordre qui est loin de convenir à ëa dignité et qu'on aille aux voix pour la priorité à accorder aux différentes rédactions. Alors, seulement, nous aurons un résultat. ]
Plusieurs membres s'élèvent de différentes parties de la salle pour faire de nouvelles propositions. Un décret accorde la parole à M. Isnard.
Je demande que l'amendement soit rédigé en ces termes :
« Les membres qui seront convaincus de n'avoir pas assisté aux séances décrétées par l'Assemblée nationale, sans faire preuve de causes légitimes, seront inscrits sur le procès-verbal avec censure. »
Voix diverses : La priorité pour la motion de M. Isnard ! La priorité pour la motion de M. Léopold!
Plusieurs membres : Non ! non ! la priorité entre les deux rédactions.
Je mets aux voix la priorité pour la rédaction de M. Léopold. Ceux qui refuseront la priorité à cette rédaction seront censés l'accorder à celle de M. Isnard.
(L'Assemblée est consultée.)
Le bureau est d'avis que la priorité est accordée à la motion de M. Léopold. (Bruit.)
Plusieurs membres : Il y a doute, recommencez l'épreuve !
(L'épreuve est recommencée.)
Le bureau est d'avis qu'il y a doute.
Plusieurs membres : L'appel nominal!
Je demande qu'après 6 heures de débats scandaleux et pour mettre fin à cette séance qui doit être un jour de deuil pour les vrais amis de la patrie et de la liberté, on ajourne les différentes propositions et qu'il y ait, ce soir, séance extraordinaire pour prendre l'ordre du jour. (Applaudissements.)
(Une grande partie de l'Assemblée se lève et appuie la proposition de passer à l'ordre du jour. Un long intervalle se passe dans une vive agitation, la voix du président est étouffée par le tumulte des altercations particulières.)
paraît à la tribune.
Un grand nombre de membres : A bas! à bas 1 A l'Abbaye!
quitte la tribune.
Il n'est pas un membre qui ne sente combien il est important que cette séance finisse avec calme. M. Mouysset demande la parole et il me% fait dire que c'est pour retirer sa motion. (Il se fait un grand silence.)
L'objet de la motion que j'avais faite était ae resserrer de plus en plus... (Murmures.)
Messieurs, que personne ici n'interprète mes sentiments. Je ne le permets qu'à ceux qui les connaissent.
L'objet de la motion que j'ai faite ce matin était de resserrer de plus en plus les liens d'union et de fraternité qui doivent régner, et par sentiment et par nécessité, entre tous les membres de cette Assemblée. Je vois avec peine que, par des motions incidentes, qu'on a ajoutées à la mienne, on est parvenu à éloigner le bon effet qu'aurait pu produire ma proposition si elle avait été accueillie tout d'abord.
L'Assemblée a décrété un point essentiel, c'est qu'il y aurait séance tous les soirs.
Plusieurs membres : Ce n'est pas décrété !
Je présume trop bien des sen-
timents de mes collègues pour croire qu'aucun d'eux manquera à son devoir si l'on se décide à tenir séance tous les soirs. Je retire donc une motion, faite dans des intentions pures, et que j'étais loin de croire capable de désunir ceux que j'avais voulu rallier. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur toutes les propositions.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour sur toutes les propositions. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Messieurs, j'ai à me plaindre de l'inexactitude de la trèsjïrande majorité des membres de l'Assemblée. Elle est cause que la séance commence très longtemps après l'heure fixée. J'invite tous nos collègues, pour réparer le temps perdu aujourd'hui, à se rendre demain à la séance au moins à 10 heures.
(La séance est levée à cinq heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du jeudi 14 février 1792.
liste des députés (1).
Qui ont voté sur la motion d'avoir des séances soir et matin jusqu'à Vépuisement de tous les rapports renvoyés aux comités (2).
oui.
Albitte.
AUain-Launay.
André (de Logny).
André (du Tillot).
Antonelle.
Arbogast.
Archier.
Archinard.
Aubert-Dubayet.
Audoy.
Audrein.
Auguis.
Azema.
Baffoigne.
Bagot.
Baignoux.
Ballet.
Ballue.
Barbotte.
Bardon.
Bardou-Boisquetin.
Barré.
Basire, jeune.
Bassal.
Beaupuy.
Beauvais.
Béguin.
Bélin.
Benoid.
Bernard (de Saintes).
Bezanson-Perrier.
Bissy, jeune.
NON.
Adam (de Chinon).
Allard.
Allut.
Amy.
Anseaume.
Avelines.
Baert.
Barris.
Baudin.
Baumlin.
Béjot.
Bellier-du-Chesnay.
Belot-La-Digne.
Bergeràs.
Bernard (de Hery).
Bernard (d'Ugny).
Bernier.
Besson.
Beugnot.
Blanchard.
Blanchon (de Confolens).
Boisrot-De-Lacour.
Boisseau.
Bonnemère.
Bonnerot.
Boullanger (censuré).
Bournel.
Bousquet.
Bouvenot.
Bravet.
Briche.
Brulley (de Sézanne).
oui.
Blancgilly.
Blanchon (de Chazelles).
Bô.
Boerio.
Bonnet-de-Meautruy.
Bonneval.
Bonnier.
Bordas.
Borie.
Bosc.
Boscary jeune.
Bouestard.
Boutry. .
Bréara.
Briand.
Briolat.
Brissot de Warville.
Brival.
Broussonet.
Brua.
Brugous.
Bruley (de Tours).
Brun.
Galon-.
Cambon.
Caminet.
Gappin.
Garant.
Carnot aîné
Garnot-Feuleins.
Carpentier.
Cariier-Saint-René.
Causse.
CaVellier.
Chabot.
Chassagnac.
Ghaubry (de Laroche).
Chaudron-Rousseau.
Chazaud(de Cofolens).
Chazot (de Saint Chély).
Chedaneau.
Choudieu.
Clauzel jeune.
Clément.
Cochet.
Col.
Collas.
Golomb-De-Gast.
Gondorcet.
Gorbel.
Corn u det-des-Ghaumets.
Coupé.
Gourtin aîné.
Courtois.
Crestin.
Grousse.
Guel.
Curée.
Dameron.
Damourette.
Darneuilh.
Debry (de Vervins).
Delacroix.
Delafout-Braman.
Delaporte.
Delaunay (de Mailly).
Delaunay (d'Angers),
Delcher.
Déliars.
Deliège.
Deperet.
Dereboul.
non.
Brunck.
Calvet.
Garez.
Carret.
Gartier-ûouineau.
Gastèl.
Gazes.
Chaponnet.
Chappe.
Charlier.
Ghasteau.
Ghauvet.
Chéron-La-Bruyère.
Chirat.
Ghouteau.
Ghristinat.
Claye.
Clermont.
Codet.
Collet.
Gonstant-Saint-Estève.
Coppens.
Goubé.
Couget.
Crétet.
Croichet.
Croizé.
Crublier-d'Optère.
Dalibourg.
Dalmas.
Danthon.
Daverhoult.
Debray-Chamont.
Debry (de Paris).
Dehaussy-Robecourt.
Delaizire.
Delon.
Del pierre.
Depère.
Deschamps.
Descrots-Oestrées.
Desgranges jeune.
Desplaces.
Desportes fils.
Desprez.
Deusy.
Dilhurbide.
Domergue-de-Beauregard
Dongois.
Dorizy.
Uouyet.
Drouin.
Ducastel.
Ducreux.
Dumolard fils.
Dupuy-Montbrun.
Durin.
Ûuroussin.
Duval (de Thel Nollent). Duvant.
Duvoisin-De-Laserve.
Esperon.
Ezingeard.
Faure.
Fayolle.
Fleury.
Foissey.
Forfait.
Fraissenel.
Frasey.
Froudière.
Gastelier;
OUI.
Deschamps.
Despinassy.
Devaraigne.
Deydier.
Dherbez-Latour.
Dieudonné.
Digaultray.
Doehier.
Dorliac.
Dubois de Bellegarde.
Dubois-du-Bais.
Dubreuil-Chambardel.
Dubuisson.
Ducos fils.
Dufréxou.
Duhem.
Dumas-Champvallier.
Dumoustier.
Dupin.
Dupont-Grandjardin.
Dupont (Jacob).
Dupuis.
Duquesnoy.
Duval (de Greville),
Duval (de Plessis-Dorin).
Duval (de Vitré).
Dyzès.
Ëlie.
Emmery.
Escîiasseriaux aîné.
Esnuë-de-La-Vallée.
Espariat. j
FaDre (de Ploërmel).
Ferrière.
Fillassier.
Fiquet.
Font.
Foucher.
Fouquet.
François-Primaudière.
Frécine.
Gasparin.
Gaudin (des Sables-d'O-lonne).
Gaudin (de Luçon).
Gaulmin.
Gay-de-Vernon.
Gélin.
Gelot.
Gensonné.
Genty (Louis).
Gérardin.
Germignac.
Gibergues.
Gilbert.
Giroust (de Nogent-le-Rotrou).
Golïaux.
Gossuin.
Goubet.
Goujon.
Goupilleau.
Granet (de Marseille).
Grangeneuve.
Gréau.
Guadet.
Guilhou.
Guimberteau.
Guitard fils.
Guyès.
Guyton-Morveau.
Hainsselin.
non.
Gentil (Michel).
Giraudy.
Gohier.
Gonyn.
Grégoire aîné.
Gros.
Guilhaud-de-Létanche.
Guillois.
Haudouart.
Hébert (de-Montfort-surn
Risle).
Hébert (du Précy).
Hénnequin.
Hugau (de Gravigny).
Jahan.
Jaueourt (despotique-ment).
Jodin.
Jollivet.
Jouffret.
Jounault (de Thouars).
Jouneau (de Saintes), :
Journet.
Juglar.
Eoch.
Labastie.
Lachièze.
Lacoste-Moulausur.
Lacretelle.
Lacuée jeune.
Lafon-Ladebat.
Lafont.
Lambert (de Lanterbourg)
Lameth (Théodore).
Langlois (de Louviers).
Langlois (de Lintot),
Larochette.
Lassabathie père.
Lasale.
Latané.
Laureau.
Lavigne.
Lefranc.
Legendre.
Legressier-Bellanoy.
Lejeune.
Lemaistre.
Léopold.
Lepigeon-de-Boisval.
Leremboure.
Leroy (de Bayeux).
Leroy (de Lisieux).
Lesueup.
Le Tourneur.
Levavassèur (Léon).
Lobjoy.
Lortal.
Loysel.
Lozeran-de-Fressac.
Lucat (de Betteville).
Lucia.
Maleprade.
Malus.
Mangin.
Marie (de Nantes).
Marie (de Prades).
Marie-Davigneau.
Marin.
Mathieu (de Strasbourg.)
Ménard.
Merlet.
Merveilleux.
oui.
Haussmann.
Henry.
Henry Larivière.
Hë rau 1 t-de-Séchelles.
Hilaire.
Hua.
Huguet (de Sargone).
Hureaux.
Ichon.
Ille.
Ingrand.
Isnard.
Jagot.
Jamon.
Jàrd Panvillier.
Jay.
Jolly aîné.
Journu-Aubert.
Jovin-Molle.
Juéry.
La Boissière.
Laborey.
Lacépèae (pusillanime).
Lacoste.
Lafaye-des-Rabiers.
Lagier-La-Gondamine.
Lagrévol.
Laguire.
Laloy.
Lamarque.
Lambert (de Belan).
Lamourette.
Landrian.
Laplaïgne.
Lasource.
Laumond.
Laurens.
Lautour-Duchatel.
Lebœuf.
Leboucher-Du-Lonchamp.
Lebreton.
Léchelle.
Lecointe-Puiraveau.
Lecointre.
Leconte-de-Betz.
Lefebvre.
Lefessier.
Legras.
Lèjosne.
Lemalliaud.
Lemesre.
Lemoine-Villeneuve.
Lemontey.
Lequinio.
Lerebour-de-La-Pigeon-nière.
Letutour.
Levasseur.
Leyris.
Limousin.
Lindet.
Lolivier.
Lomont.
Lonné-Gantau.
Lostalot.
Louvet.
Lucat (de Dax).
Lucy.
Maignen.
Maignet,
Mailhe.
Mailho.
NON.
Meunier.
Michel cadet.
Michelon-Du-Mas-Barreau
Michon-Dumaret.
Michoud.
Molinier.
Monestier.
Montault-Des-Isles.
Morel.
Morivaux.
Mosneron aîné.
Mourain.
Mouysset.
Muraire.
Naret.
Nau.
Navier.
Nogaret, fils.
Pafllet.
Pantin.
Perret.
Perrin (de Lons-le-Sau-nier).
Philibert.
Viénot-Vaublanc-Viquesnel-Delaunay.
Vivier.
Voysin-de-Gartempe.
Walart.
fin des non.
Malasis.
Malus.
Mallarmé.
Manchand.
Maraud.
Marbot.
Marchand fils.
Maribon-Montant.
Martin (de Marseille).
Martin (de Cognac).
Martin (de Loche).
Martineau.
Mathieu (d'Anlezy).
Masuyer.
Maucne.
Menuau.
Méricamp.
Merlin.
Michaud.
Morand.
Moreau (de Bar).
Moreau (de Compigny).
Morisson.
Moulin.
Musset.
Niou.
Oudot.
Paganel.
Pastoret.
Pérignon..
Perreau.
Petit.
Pierret.
Pierron.
Pinet.
Piorry.
Poisson.
Pomiès.
Pontard.
Pozzo-di-Bergo.
Prieur-Duvernois.
Projean.
Quinette.
Reboul.
Régnault-Beaucaron,
Régnier (Jacques).
Reverchon.
Richard.
Ritter.
Rivoalan.
Robin (Léonard) (de No-
gent-sur-Seine).
Robouam.
Rolland.
Romme.
Rongier.
Rouband (de Tourves).
Rouède.
Rougier-La-Bergerie.
Roujoux.
Rousseau fils.
Roux-Fasillac.
Royer.
Ruamps.
Rubat (de Belley).
Sabathier.
Sablière-La-Condamine.
Saladin.
Sallengros.
Salmon.
Sanslaville.
Saulnier.
Sautayra.
Schirmer.
Sers.
Siau.
Siblot.
Sissous.
Solomiac.
Soubey rand-Saint-Prix.
Soubrany.
Taillefer.
Tavernel.
Teillard.
Terrède.
Thévenet.
Thibaut.
Thuriot.
Turgan.
Vacher.
Valdruche.
Vanhœnacker.
Vardon.
Vayron.
Veirieu.
Vergniaud.
Vérité fils.
Vernerey.
Vidalot.
Viennet.
Voisard fils.
Vu illier.
Waelterlé.
imprimerie des ennemis jurés des ministériels.
Séance du
présidence de m. mathieu dumas.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
A onze heures, l'Assemblée, malgré la recommandation faite la veille par M. le Président, ne compte pas 200 membres, nombre nécessaire pour la validité des délibérations.
Plusieurs membres proposent l'appel nominal pour parvenir à connaître les noms des absents.
Monsieur le Président, rien n'est plus scandaleux 'que de voir, chaque jour, des membres monter à' la tribune pour calomnier l'Assemblée sous prétexte qu'elle ne fait pas son devoir et de constater que ces mêmes membres sont ceux qui ne se trouvent pas à l'ouverture de la séance. Je demande que tous les membres qui sont ici présents s'inscrivent au bureau. (Applaudissements dans les tribunes.)
Avant de mettre aux voix cette proposition, je dois rappeler aux citoyens qui sont dans les tribunes que l'acclamatioh qu'ils se sont permise, lorsque les membres de l'Assemblée se sont laissé entraîner par. un mouvement de zèle très louable assurément, est une infraction manifeste au respect dû aux représentants de la nation. Je saisis l'occasion de rappeler à l'ordre les tribunes sur ce point et l'ordonne à MM. les commandants dè renouveler les consignes afin que la loi soit exécutée devant ses organes. Messieurs, c'est au nom du salut
public et c'est pour l'intérêt même du peuple que je réclame cet ordre-là. (Applaudissements.)
Maintenant, je mets aux voix la proposition de M. Thuriot.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Thuriot.)
Pour avoir un résultat plus prompt, et pour obliger les paresseux à plus d'exactitude, il suffit de constater le petit nombre des présents; je demande que tous les membres présents déposent sur le bureau leurs cartes d'entrée, afin qu'au moyen du dépouillement on ait la liste des membres qui se sont rendus à la séance avec exactitude.
(L'Assemblée décrète que les cartes de chaque député seront déposées sur le bureau et que ceux qui les auront oubliées se feront inscrire.)
Un de MM. les secrétaires recueille les cartes.
Un membre : Je demande qu'un de MM. les secrétaires soit chargé de faire la liste des noms inscrits sur les cartes et que cette même liste soit insérée au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Je demande qu'il soit placé aux portes de la salle deux vases, où chaque membre déposera sa carte en entrant. A 10 heures, tous les jours, les huissiers retireront les vases et, le lendemain, on inscrira au procès-verbal les noms de ceux qui n'ont pas déposé leur carte.
Plusieurs membres représentent l'insuffisance de ce moyen par la facilité qu'il y aurait à l'éluder et propose l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du sieur Maximilien Capet, brigadier au 9° régiment de chasseurs à cheval, qui fait hommage à la nation de trois doubles louis d'or (1).
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal.
(L'Assemblée accepte l'offre et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Messieurs, je demande la permission d'entretenir l'Assemblée sur quelque chose qui m'est personnel. Hier, à l'appel nomi-mal, j'ai dit : « ni Vune ni Vautre »...
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) (2).
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des sieurs Lepetit et Guillemard Valné qui offrent à l'Assemblée un exemplaire d'une nouvelle édition de Contrat social; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, ce
« Monsieur,
« L'estime que les augustes représentants du peuple français ont toujours marquée pour les grands hommes, principalement pour J.-J. Rousseau, nous fait espérer qu'ils voudront bien agréer l'hommage que nous vous prions de leur faire pour nous, d'un exe nplaire du grand œuvre politique de cet inappréciable auteur; ce faisant vous obligerez, Monsieur, vos très humbles serviteurs.
« Signé : Lepetit et Guillemard l'aîné.
(L'Assemblée agrée l'hommage et en ordonne la mention honorable au procès-verbal.)
2° Lettre des administrateurs composant le directoire du département de Mayenne-et-Loire, par laquelle ils annoncent qu'ils ont fait imprimer le procès-verbal des séances de leur session; cette lettre est ainsi concue (2) :
« Angers, le
.« Représentants,
« C'est un des droits les plus précieux du peuple, de connaître l'usage que font de sa confiance ceux qu'il en a investis.
« Tout agent public, en lui rendant compte de son administration, appelle sur ses fonctions l'opinion de ses commettants; la justice reprend son empire, la liberté est maintenue et la Constitution respectée.
« Le conseil général du département de Mayenne-et-Loire, fidèle à ces principes, a demandé que le procès-verbal de sa session fût imprimé. Si les espérances de nos administrés n'ont pas été remplies, ils ne pourront s'empêcher de reconnaître notre zèle et notre dévouement pour les grands intérêts dont nous sommes chargés.
« Représentants, nous vous adressons deux exemplaires de ce procès-verbal; daignez l'accueillir avee bienveillance (Applaudissements. )
« Les administrateurs composant le directoire du département de Mayenne-et-Loire,
« Signé : L.-J. bazire, boullez, Duaviault. »
(L'Assemblée applaudit à cet hommage rendu au principe sacre que la publicité est la sauvegarde du peuple.)
3° Lettre du sieur Lacoste, vicaire de Dalbade, qui fait hommage à
l'Assemblée de deux ouvragés sur la constitution civile du clergé; cette
lettre est ainsi conçue (3) :
« Inspirera tous les hommes l'amour de la paix, éclairer la religion du peuple qu'on séduit et qu'on égare, tel est le but que je me suis proposé dans ma lettre à un curé non conformiste.
Veuillez, je vous prie, Monsieur le Président, en faire agréer l'hommage à l'Assemblée nationale; tous mes désirs seront remplis si elle daigne l'accueillir favorablement.
« Je suis avec le respect le plus profond, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Lacoste, vicaire de la Dalbade.
A Toulouse, le 16 de février 1792.
« Permettez, monsieur le Président, que je joigne à ma lettre à un curé non conformiste ma réponse à la critique qui en a été faite. »
(L'Assemblée agrée l'hommage de ces deux ouvrages.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, remettant les pièces relatives aune demande du directoire du district de Metz.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des linances.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, sur l'établissement d'un séminaire dans la ville d'Amiens.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division.)
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, concernant l'établissement de plusieurs foires et marchés.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités du commerce et d'agriculture réunis.)
4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, relative à une demande d'avance de fonds par le département du Nord, sur la vente des biens nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
5° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, remettant le mémoire de M. Laroque, ci-devant commandant du château de Ferrière,
(L'Assemblée renvoie cette lettre et le mémoire y joint au comité de liquidation.)
6° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, expliquant une demande de traitement de M, de Moulon.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
7° Lettre de M. Cahier de Gerville, minUlre de Vintérieûr, annonçant les mesures prises pour l'installation du tribunal criminel de la Loire-Inférieure; cette lettre est ainsi conçue (1).
« Paris, le 20 février 1792,
« Monsieur le Président,
« Le ministre de la justice m'ayant fait passer, le 16 de ce mois, le
décret rendu, le 12, par l'Assemblée nationale pour l'installation du
tribunal criminel du département de la Loire-Inférieure
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
Le ministre de l'intérieur,
Signé : B. G. CAHIER. »
8° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, remettant la cote du prix commun, des grains dans le royaume.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
9° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, faisant passer la liste des citoyens auxquels le pouvoir exécutif propose d'accorder des pensions, avec lés pièces au soutien de leurs demandes.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et la liste au comité de liquidation.) -
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 22 février.
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Vatter, réclamant la restitution d'un emploi dont il a été destitué arbitrairement.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
2° Lettre de M. Vabbé Siffert, demandant un traitement comme titulaire supprimé.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)
3° Lettre de M. de Narbonne, ministre de la guerre, qui communiqué à l'Assemblée l'état des dépenses de son département; II demande des fonds destinés aux réparations des forts et à l'entretien de l'artillerie. Ces fonds, selon lui, sont distincts des 20 millions accordés et mis à sa disposition.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.) ,
4° Lettre de M. de Narbonne, ministre de la guerre, par laquelle il expose que le rassemble-mentdes armées devant avoir lieu très prochainement, il serait nécessaire de donner à cnacune un commissaire des guerres, ordonnateur en chef. Il demande que l'Assembée prononce sur cet objet et lui rappelle la proposition qu'il a déjà faite d'une augmentation de 8 commissaires des guerres.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
5° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui rend compte à l'Assemblée nationale de la prestation du serment civique par tous les fonctionnaires publics de son département; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le 23 février 1792.
« Monsieur le Président,
« La loi du 16 octobre 1791 porte peine de déchéance contre tous ceux
qui, pourvus de places
« C'est avec une vraie satisfaction, Monsieur le Président, que j'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée nationale que je n'ai eu, dans mon département, aucun remplacement à faire pour cause de protestation contre l'Acte constitutionnel, qui soit parvenu à ma connaissance, et que, suivant tous les rapports de ma correspondance très étendue et très active, les ministres de la loi se sont montrés fidèles à la Constitution.
« Je suis, avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : M.-L. DUPORT.
« P. S. Si j'ai différé l'exécution de la loi qui me prescrivait de rendre ce compte, c'est, Monsieur le Président, que j'ai fait faire les recherches les plus exactes, afin d'être en état de pouvoir garantir, autant qu'il est possible, la certitude de ce résultat. •»
« D. »
Je demande que tous les ministres soient tenus de justifier, ainsi que le ministre de la justice, de l'exécution de la loi du 16 octobre, portant déchéance des fonctionnaires protestant contre la Constitution.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Goujon.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée décrète que les ministres qui n'ont pas encore rendu le compte des fonctionnaires de leurs départements respectifs, qui n'auraient pas rétracté leurs^ protestations contre l'Acte constitutionnel, ainsi qu'il est prescrit par la loi du 16 octobre 1791, sont tenus ae le rendre dans la huitaine* ainsi que les causes justificatives du délai par eux apporté à son exécution. »
6° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, relative aux dissentiments élevés entre les commissaires du roi aux îles du Vent, et remettant plusieurs pièces concernant cet événement.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
7° Lettre des membres composant le directoire du département de Paris qui fait part à l'Assemblée ae l'établissement du tribunal d'appel de la police correctionnelle et qui supplie l'Assemblée ae vouloir bien accorder deux juges de plus à chacun des tribunaux de district de Paris.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
8° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée la note des décrets sanctionnés par le roi depuis le 15 février (1).
Voici Une pièce qui
« Monsieur le Président,
« Les officiers du 2e bataillon de l'Yonne ont pensé avec moi que nous devions avoir l'honneur de vous instruire sommairement des motifs de la reconnaissance du bataillon de l'Yonne, envers M. Leroux, commissaire des guerres; j'ai en conséquence l'honneur de vous adresser l'attestation ci-jointe, et vous supplie d'y avoir égard ;
« Signé : Ferrand d'Arblay.
Voici l'attestation :
« Les commandants et officiers du 2e bataillon des volontaires de l'Yonne, après avoir témoigné à M. Leroux, commissaire des guerres, qui nous a passé en revue à Noyon, le 13 de ce mois, avec les officiers municipaux de cette ville, notre juste reconnaissance pour tous les soins, exhortations et démarches salutaires qu'il a employés de concert avec nous, afin de calmer l'insurrection occasionnée par le passage, en cette ville, de plusieurs milliers d'hommes et femmes armés, et qui en menaçaient la garnison et les habitants, en allant à Ourscamps, au sujet des blés arrêtés; nous avons lhonneur de prier Monsieur le Président de l'Assemblée nationale de vouloir bien témoigner la reconnaissance due à ce commissaire pour ses soins dans cette circonstance critique, et de l'honorer de son approbation. »
Plusieurs voix : Mention honorable !
Lors du rapport de ses commissaires, l'Assemblée a déjà décrété la mention honorable qu'on lui demande (1). Il est inutile de la réitérer. Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Les 4 commissaires que vous avez envoyés à Noyon (2) ont reçu hier, de M. Dauchy, des nouvelles de ce qui se passé à Ourscamps. Si l'Assemblée désire; en avoir connaissance, (Oui! oui!) les voici :
« Compiègne, 22 février 1792.
« Messieurs,
Pour suivre l'exécution de l'arrêté du directoire du département, du 19
de ce mois, les trois commissaires nommés pour faire toutes les
réquisitions se sont trouvés réunis ce matin. Les troupes, sont arrivées
en ce moment. Il a été pourvu convenablement à leur logement et à leur
subsistance. Nous avons déjà conféré avec le généraL Nous apprenons que
le tocsin a sonné dans 5 ou 6 paroisses, mais les autres, nous
assure-t-on, n'ont pas laissé sonner. Nous avons lieu de croire que la
loi du 18 de ce mois et l'instruction arrêtée par le directoire du
département, dont
Signé: Dauchy,président.
Copie de la lettre du procureur syndic.
« Le directoire a reçu ce soir, Messieurs, avec votre lettre decejourd'hui,l'exemplaireen forme de la loi du 18 de cç mois, que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser. Il m'a chargé de vous donner les renseignements suivants. Il aurait été très difficile de trouver aujourd'hui, à 10 heures du soir, un nombre de copistes suffisant pour faire distribuer avec célérité la loi du 18 dans toutes les communes. Il a été arrêté de la faire imprimer. On y travaille; et demain, dans la journée, les experts la porteront dans toutes les municipalités.
« Le directoire se conformera, dans la suite de cette affaire, aux dispositions de l'arrêté du directoire du département du 20 février, et il aura l'honneur de correspondre directement avec vous. La disposition des esprits est toujours telle que vous l'avez trouvée; on ne veut pas laisser partir les grains ; et la force seule pourra conserver ce qui n'est pas distribué. Les officiers municipaux et autres, rassemblés à Ourscamps, ont taxé leurs vacations ; savoir : le maire, à raison de 5 livres par jour ; les officiers municipaux, à 3 livres;les gardiens, à 2 livres 10 sous; et les Borteurs qui ont fait le déchargement à 2 livres, s ont arrêté que le tout serait payé en grains; et ils ont taxé le grain à 15 livres le sac : ce qu'il v a de certain, c'est qu'ils en font le partage; et l'on m'assure qu'ils en ont déjà enlevé près de 1,400 sacs. On parle ici beaucoup de grands rassemblements de troupes ; sans doute, le directoire sera informé de leur arrivée; en attendant que le tout se terraiue, nous veillons nuit et jour : toutes les nuits, un membre du directoire, accompagné d'un juge du tribunal et d'un officier municipal, veillent pour savoir s'il n'arrive pas de nouvelles pressées, et s'il ne se forme pas de nouveaux ressemblements ; c'est tout ce que l'on peut vous mander en ce moment. Vous pouvez être assuré d'être instruit sur-le-champ de tout ce qui se passera.
Signé : Le procureur syndic du district de Noyon. »
L'ordre du jour appelle un rapport du comité d'agriculture sur les avances à faire aux départements pour les travaux des ro.utes. (1)
(Le rapporteur étant absent, l'Assemblée veut passer à la discussion d'une autre question qui est également ajournée pour la même raison.)
Je proposeJ à l'Assemblée le projet de décret suivant pour compléter la loi sur Vmstitution du juré.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que les lois relatives à
l'institution des jurés n'ont rien
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. Les titres d'éligibilité des
commissaires du roi, près les tribunaux criminels de départements,
seront vérifiés par les juges composant le tribunal criminel, qui
jugeront si ces commissaires ont les qualités prescrites par les lois
pour remplir lesdites places.
« Art. 2. En cas de partage d'opinions entre les juges du tribunal criminel, sur la validité des titres du commissaire du roi, ils appelleront, pour les départager, le juge du tribunal de district, faisant fonction-de directeur du juré d'accusation, dans le lieu de l'établissement du tribunal criminel.
« Art. 3. Les commissaires du roi près les tribunaux criminels prêteront, devant ces tribunaux, le même serment que celui qui est prescrit aux juges des tribunaux de district, par l'article 3 du titre VII de la loi du 24 août 1790, sur l'organisation judiciaire.. »
(L'Assemblée décrète le renvoi de ces articles à son comité de législation.) (Bruit.)
Je prie les membres qui sont pénétrés de la nécessité d'exiger le respect et la rigide exécution des lois, d'en donner l'exemple par leur soumission au règlement de VAssemblée ; et je déclare qu'il suffirait de l'exécution rigoureuse des 7 premiers articles du chapitre II du règlement sur l'ordre de la salle, pour sauver la liberté, si elle était menacée, et consolider le gouvernement.
Pour faire jouir les hôpitaux du royaume du bénéfice de la loi du 15 juillet qui leur affecte une somme de 3 millions sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, vous savez qu'il faut que les municipalités des lieux où ils sont situés, engagent leur seizième dans le produit des ventes des biens nationaux. Vous avez été prévenus, par M. le ministre de l'intérieur, que cette condition privé plusieurs hospices des secours qu'on avait eu l'intention de leur procurer. Je demande que le comité des secours publics soit chargé de vous présenter ses vues à cet égard.
(L'Assemblée charge son comité des secours publics de lui rendre compte de cette proposition.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret (1) du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés.
, rapporteur, étant absent, la discussion n'est pas ouverte.
Je demande à l'Assemblée, au nom du comité de commerce, de discuter le
projet de décret sur la prohibition de la sortie du
Plusieurs membres : Appuyé I appuyé 1
(L'Assemblée décide que ce projet de décret sera discuté immédiatement.)
En conséquence :
, au nom du comité de commerce, soumet à la discussion un projet de décret sur la prohibition de la sortie du royaume des matières premières ; ce projet de décret est ainsi conçu :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de commerce sur l'augmentation du prix des matières premières servant à la fabrication, et sur leur exportation à l'étranger, considérant que la sortie du lin et des soies est déjà prohibée, et qu'il n'est pas moins nécessaire de retenir les autres matières premières utiles à nos manufactures: considérant qu'il est de sa sollicitude dé prévenir les maux que causerait à la France la disette desdites matières, si leur exportation continuait plus longtemps à être libre, qu'elle doit conserver à tous les citoyens les moyens de gagner de quoi fournir à leurs besoins et priver les ennemis de la chose publique de la faculté de faire passer à l'étranger, en matières premières, l'importance de leurs capitaux, décrète qu'il y a urgence, et après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. ler. La sortie du royaume, par mer ou
par terre, des cotons en laine des colonies françaises, des laines de
France, filées ou non filées, des chanvres crus, tayés ou apprêtés, des
cuirs en vert ou salés et en vert, des gommes du Sénégal et des
retailles de peau et de parchemins, est provisoirement défendue.
« Art. 2. Toute personne qui tentera de faire sortir par mer ou par terre les matières premières, dénommées ci-dessus, encourra les peines prononcées par le titre V de la loi sur les douanes nationales. »
Je demande la question préalable sur le projet de décret. Je n'ai
besoin, Messieurs, que de vous rappeler des faits pour que vous
l'adoptiez. La liberté n'est qu'un fantôme, si vous paralysez toutes lès
parties qu'elle vivifie. Les lois prohibitives sur l'exportation sont le
fléau du commerce et de l'agriculture. Les lois prohibitives sont les
avant-coureurs de la décadence d'un Empire, et de l'anéantissement de
son crédit ; elles flétrissent une nation qui a eu le courage d'établir
la liberté. Voulez-vous alimenter la fraude? faites des lois
prohibitives. Celles que vous avez fréquemment portées pou
Votre comité ne se dissimule pas qu'en demandant la prohibition de l'exportation des matières premières,telles que coton, laine, etc., il porte atteinte aux propriétés, et que c'est en violant le principe le plus sacré de notre Constitution, qu'on espère fasciner les yeux du législateur! Pour faire fleurir quelques manufactures, on entrave le commerce et on ruine l'agriculture, cependant le nombre des agriculteurs est bien plus considérable que celui des m-inu-^ facturiers. On convient que la récolte du lin, du chanvre, de la laine et autres productions servant d'aliment aux manufactures nationales et étrangères a manqué cette année, et on ne craint pas d'en défendre la sortie. Le cultivateur, qui arrosa son champ de ses sueurs, trompé dans ses espérances, n'avait pour ressources que le surhaussement de sa denrée par la concurrence avec l'étranger sur nos marchés, et vous l'en priveriez 1 C'est une injustice à mes veux; l'armateur qui arme à grands frais pour les colonies, qui a peut-être de grandes pertes à réparer par suite des troubles qui les déchirées, qui fait vivre une infinité d'ouvriers, charge en retour des cotons. Par vos lois prohibitives sa spéculation est anéantie, ses espérances sont vaines, et loin de diminuer ses perles, des retours onéreux les augmentent.
Au lieu, Messieurs, d'anéantir ainsi la Constitution, portez vos regards sur le crédit public. C'est là, xMessieurs, que gît la source de tous vo* maux, comme le foyer ae toutes vos espérances; c'est écraser le peuple plutôt que de le soulager, que d'établir des lois prohibitives. Vous manquez absolument votre but et vous ruinez le crédit public. Le fabricant est-il donc à vos yeux une caste plus privilégiée que le négociant, que l'agriculteur? Soyons justes, Messieurs, ne nous égarons point, rallions-nous à des principes invariables, ceux de la Constitution, qui ne sont pas, à ce qu'il me paraît, en ce moment, ceux au comité de commerce, et je n'en ai que plus de confiance à invoquer la question préalable.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
appuie la question préalable.
Je combats la question préalable. La prohibition que vous propose le comité est aussi juste que celle de la sortie des subsistances premières. Ce moyen est seul capable d'assurer l'existence de 2 millions d'ouvriers qui sont menacés de se trouver sans ouvrage. Enfin, on ne parviendra point à supprimer l'agiotage, qui surtout règne dans les ports, si l'on ne prohiDe, pendant un temps, la sortie de nos matières premières; car les armateurs et divers négociants font des accaparements ou forcent les expéditions à l'étranger, à raison du discrédit des assignats.
, rapporteur. J'observe à M. Emmery que le comité de commerce ne propose pas la prohibition des matières premières, parce qu'elle a été déjà prononcée en partie par l'Assemblée constituante. 11 a pense que, lorsque la sortie du lin, qui est une matière première, est prohibée; lorsque la sortie des subsistances est
prohibée, vous deviez également prohiber la sortie de toute autre matière première, par le moyen desquelles le pauvre trouve sa subsistance. Ce n'est pas l'intérêt des manufactures Sue nous plaidons ici, c'est l'intérêt du peuple. Le comité de commerce a pensé que, quant à présent, cette mesure était essentielle pour conserver de l'ouvrage aux ouvriers; mais que» lorsque l'abondance de cette matière -renaîtrait, la prohibition que vous portez dans ce moment-ci, serait levée.
L'Assemblée constituante avait prohibé la sortie du lin et de la soie. Le coton était sujet à un droit de 10 0/0, mais aujourd'hui qu'il est monté de 480 à 500 livres le quintal, augmenta-tien qui n'a lieu que parce que les émigrés font passer de préférence en matières premières à 'étranger, le montant de leurs capitaux, il est de votre prudence d'arrêter ces exportations extraordinaires, puisque le droit de sortie se trouve trop faible en raison de la valeur de la chose.
La prohibition proposée par le comité de commerce ajoutera en notre faveur à la balance du commerce; car les étrangers, en venant chercher dans nos ports les matières premières, les portent chez eux, les travaillent et nous les rapportent ensuite. Ainsi, outre le bénéfice que la baisse de notre change leur assure dans leur achat, ils ont encore celui de la filature, du travail et de l'échange qu'ils en font ensuite chez nous pour de l'argent ou des matières premières. Au moyen de la prohibition, l'étranger rie viendra plus les chercher dans nos ports; elles seront travaillées dans nos ateliers, et la France y gagnera ce que l'échange y aurait gagné.
J'appuie, quant à présent, la question préalable invoquée sur le décret; je ne crois pas possible de l'adopter sans influer désavantageusement sur notre change, et même aussi sur l'importation des matières premières de l'étranger. Vous p rteriez, par là, à nos manufactures un très grand préjudice. Celle de l'Aigle, par exemple, qui ne s occupe que d'épingles, mais qui, pour cela même, entretient une grande quantité d'ouvriers, est à la veille de ne pas travailler, faute de pouvoir tirer de la Suède le fil de laiton qui lui est nécessaire : or, je ne conçois pas comment il serait possible d'entraver l'exportation de nos matières premières, sans entraver infiniment l'importation des matières premières de l'étranger dont nous avons le plus grand besoin pour faire aller nos manufactures. Au reste, messieurs, il me paraît que cet objet, qui est de la plus grande conséquence, n'est pas bien préparé; je ne vois pas que tous les opinants l'aient mûri, et je crois que si l'Assemblée ne voulait ni le rejeter, ni radopter en ce moment, elle pourrait en remettre la délibération à quelques jours.
En commençant par vous dire que je n'ai nulle connaissance des affaires de commerce, je vous ferai des observations appuyées sur des connaissances locales. Dans la ville de Sedan où il y a des manufactures considérables de draps, les manufacturiers ont fait tout ce qu'ils ont pu pour engager les citoyens français qui se trouvent dans les environs de cette ville, à s'appliquer à la filature de la laine, sans avoir pu y réussir ; les manufacturiers sont obligés de faire filer toutes leurs laines dans le comté de Bouillon, et dans le
pays de Luxembourg adjacent, d'où ils les font revenir après qu'elles ont été filées ; si vous défendez l'exportation sans y ajouter les restrictions qui les mettent dans le cas de continuer de foire filer leur laine de cette manière, il faudra que toutes ces manufactures soient fermées.
Plusieurs membres : L'ajournement!
Si l'ajournement n'est pas fixé à lundi, il vaut mieux rejeter le décret Ce qui est important, c'est de rendre un décret quelconque, car si l'ajournement est long, vous verrez l'exportation s'accroître d'une manière effrayante. Je propose la question préalable sur le projet du comité, ou de substituer à la prohibition d'exporter, une augmentation sur le tarif des droits de sortie.
Il vaudrait mieux augmenter les droits à la sortie sur les cotons, que de les prohiber, car c'est nous en priver. Nous tirons nos cotons de Tabago, de la Martinique, de la Guadeloupe et de Saint-Domingue^ Si vous prohibez leur exportation lorsqu'ils seront arrivés dans nos ports, il arrivera que les planteurs et négociants les feront passer sans peine à Curaçao, àSaint-Eustache ou à la Jamaïque pour les vendre à l'étranger; nous «n manquerons alors complètement chez nous et nos manufactures seront dans la dure et ruineuse nécessité d'aller s'approvisionner ailleurs. Augmentez les droits de sortie ; mais ne la prohibez pas. Autrement, vous allez paralyser votre commerce en Amérique, vous allez faire tort à vos armateurs, et les ouvriers qui sont dans vos ports, sont aussi précieux pour le législateur, que les ouvriers qui sont dans les manufactures. Quand on vous dit que nos ouvriers touchent au moment 4e manquer d'ouvrage, on vous induit en erreur. Il faut chercher les moyens de les soulager, et je suis le premier à les proposer. Mais toute prohibition ruinera le royaume et frappera sur les ouvriers.
Je combats la question préalable et l'ajournement. Il n'est pas difficile de vous démontrer combien l'un et l'autre peuvent être dangereux et préjudiciables en même temps. De quoi s'agit-il dans cette discussion ? d'empêcher la sortie des matières premières nécessaires à la subsistance de Vos ouvriers. Ceux qui soutiennent l'ajournement et la question préalable, veulent traîner en longueur, afin que les négociants et les accapareurs puissent profiter de ces délais pour faire exporter les marchandises dont leurs magasins sont pleins et vous les revendre ensuite plus cher. Mais leur intérêt doit céder à celui des ouvriers employés dans nos manufactures.
Un des préopinants a dit : mais ce moyen est propre à vous faire manquer de matières premières, car il ne vous en viendra pas d'Amérique. C'est confondre ici l'importation avec l'exportation. Votre objet, quel est-il? c'est celui que, les matières de France n'aillent pas à l'étranger alimenter les ouvriers des autres, et rentrer en France augmentées du prix de la main-d'œuvre. Or, il est un principe d'économie politique, de ne jamais donner aux autres ce qui peut alimenter les citoyens d'un Etat; et, Messieurs, si vous aviez la faiblesse de vous relâcher, d'adopter la question préalable ou de consentir à 1 ajournement, vous manqueriez de vos matières premières, et vous n'obtiendrez pas celles de la Suède, parce que vous n'avez pas une onvention avec elle. Ainsi vous ne £e-
riez qu'augmenter les malheurs de l'Etat et ag-raver les maux du peuple. J'appuie le projet u comité. (Applaudissements réitérés dans les tribunes„)
Un membre : Je soutiens que la prohibition proposée est très désavantageuse à l'intérêt national, et je le prouve par les faits. Dans mon département et dans 5 ou 6 départements voisins, les chanvres, les laines valent un prix honnête. Si vous défendez la sortie des matières premières, elles viendront à 5 sous, vous ruinerez les propriétaires. (Murmures.)
Je demande la parole pour combattre la question préalable et l'ajournement.
On a dit qu'il existait déjà sur les cotons un droit à la sortie, et qu'il valait mieux doubler et même tripler ce droit que de prohiber l'exportation. L'augmentation du droit est une mesure insuffisante pour remplir le but qu'on se propose, celui de conserver, dans le royaume, assez de matières premières pour alimenter nos manufactures, et je le prouve.
Le droit à la sortie a été fixé dans un moment où la valeur intrinsèque des cotons était de 100 à 160 livres. Dans le moment présent, les cotons valent de 400 à 5001ivres.Donc, le droit fixé sur les cotons en lui-même, n'est pas suffisant. Le motif de l'Assemblée nationale constituante, en fixant à 12 livres le droit de sortie par chaque quintal de coton, était d'établir un équilibre entre la valeur nationale des cotons et la valeur de ces mêmes denrées chez l'étranger. C'était pour assurer, dans tous les temps, à la nation, à nos manufactures, une quantité suffisante de coton, et à cette époque, il eût été imprudent, impoli-tique d'en empêcher la sortie, parce que, dans Les temps ordinaires, les colonies fournissent plus de coton que n'en consomment nos manufactures, et que d'ailleurs nous pouvons nous approvisionner à l'étranger.
Mais aujourd'hui que notre change a malheureusement si fort baissé, que les désastres arrivés dans nos colonies ont considérablement diminué les retours en cotons, il est essentiel de conserver pour l'intérieur du royaume les matières qui nous restent. Actuellement, nous ne pouvons pas recevoir des cotons de l'étranger, parce que la position du change est telle qu'en les faisant venir du Portugal, ils nous reviennent à un prix qui n'en permettrait pas l'emploi. Nous n'avons donc plus, pour notre usage, que les cotons qui viennent des colonies. Les circonstances sont telles que ce qui venait autrefois des colonies a éprouvé une réduction considérable. Il faut donc que nous conservions, autant que possible, les cotons que nous avons,; et cela. Messieurs, dans le moment présent, est de la plus haute importance. En effet, par suite des difficultés du change, vos manufactures actuellement fournissent, à la totalité du royaume, les étoffes qui s'y consomment, parce qu'il n'est plus possible de tirer de l'étranger des matières fabriquées. Ainsi, la consommation a augmenté, les manufactures ont repris une activité qu'il est du plus grand intérêt d'entretenir. Il faut donc, pour l'intérieur du royaume, une quantité plus grande de matières premières et pour cela, il faut conserver avec soin et concentrer, parmi nous, toutes celles qui peuvent y être travaillées.
Si vous vous contentiez d'augmenter le droit de sortie des cotons, vous n'écarteriez pas les étrangers de la concurrence, car si, d'un côté,
l'augmentation sur les droits de sortie leur donne un desavautage dans nos marchés, d'un autre, ils retrouvant un grand avantage par la baisse de notre change, et, tout compensé, ils gagneront encore à venir se pourvoir dans nos ports. J'Observe, en outre, que vous n'empêcherez pas que des hommes mal intentionnés, qui, dans le moment présent, sacrifient volontiers 50 ou 60 Q/Q sur des assignats, sur des obligations nationales, ne consentissent à fàire encore un sacrifice de 35 ou 40livres pour favoriser la sortie de cette matière indispensable, et bientôt vos manufactures se trouveraient dans l'impossibilité de continuer leurs travaux. Ainsi, relativement aux cotons, la question préalable n'est pas du tout applicable : les mêmes raisons peuvent être reproduites relativement aux chanvres. Quant à l'ajournement, il présente les inconvénients les plus grands. A la seule lecture qui a été faite ici du projet de votre comité, il est parti de toutes parts des ordres pour les ports de mer; de toutes parts on prépare des expéditions pour l'étranger; bientôt les magasins seront épuisés et il est possible qu'en ajournant cette question vous rendiez infructueuse la mesure que vous pourriez adopter dans quelques jours» (Applaudissements.)
Je demande que le projet du comité soit adopté, sauf quelques changements que je me réserve |le proposer dans la discussion des articles.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalabe sur le projet de décret!
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de décret.)
Plusieurs membres demandent l'ajournement du projet de décret.
D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement î
(L'Assemblée décrète qu'il n'y s pas lieu à délibérer sur la motion d'ajournement.)
, rapporteur, donne lecture du décret d'urgence qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de commerce sur l'augmentation du prix des matières premières servant à la fabrication, et sur leur exportation à l'étranger, considérant que la sortie du lin et des soies est déjà prohibée, et qu'il n'est pas moins nécessaire de retenir les autres matières premières indispensables à nos manufactures; considérant qu'il est de sa sollicitude de prévenir les maux que causerait à la France la disette desdites matières, si leur exportation continuait plus longtemps à être permise, qu'elle doit conserver à tous les citoyens les moyens de pourvoir à leurs premiers besoins et priver les ennemis de la chose publique de la faculté de faire passer à Fétranger, en matières premières, la masse de leurs capitaux, décrète qu'il y a urgence. T>
, rapporteur„ donne lecture de l'article 1er qui est ainsi coiiçu :
« Article premier. La sortie du royaume, par mer ou par terre, des cotons en laine des colo-
nies françaises, des laines de France filées ou non filées, des chanvres crus, taillés ou apprêtés, des cuirs en vert, ou salés et en vert, des fommes du Sénégal et des retailles de peaux et de parchemins, est provisoirement défendue. «
Le comité présume qu'il suffit de prohiber les cotons en laine provenant des colonies françaises. Je ne sais pas pourquoi le comité restreint ainsi cette prohibition. Si vous l'adoptez, vous ouvrez la porte à une infinité de difficultés, à une infinité de contraventions nouvelles. Il s'élèverait tous les jours une lutte entre le commerçant et le douanier. Le commerçant, s'il avait envie de frauder en dénaturant 1 emballage de ses cotons, prétendrait que ses cotons viennent des colonies. D'un autre côté, le douanier, toujours difficile, prétendrait que le coton qui est originaire de l'étranger est un coton étranger du Portugal, ou un coton du Levant ou de l'Inde, etc., parce qu'il n'y a aucun signe de distinction assez frappant, assez positif, pour qu'on puisse connaître d'où proviennent les cotons.
Je passe actuellement, Messieurs, à l'article des laines de France filées ou non filées. Les mêmes difficultés se présentent encore ici, car ie demande aux personnes qui ont le plus d'habitude de la fabrique, s'il leur serait, possible de distinguer, d'affirmer quand une laine est filée, si cette laine est nationale ou non. Dès lors, il ne faut pas laisser subsister dans la loi une mesure qui occasionnerait des contraventions journalières, ce qui rendrait illusoire la mesure qulon vous propose.
Quant aux cuirs salés et en vert je demanderai qu'on leur donne dans cette disposition de l'article la même dénomination qui se trouve dans le tarif de l'Assemblée constituante, afin de ne pas prêter encore matière aux douaniers d'élever des contestations et de faire des difficultés au commerce.
En cequiconcernelagommeduSénégaljjevous observerai, Messieurs, que cet article-là n'est peut-être pas dans la classe de ceux dont l'ex-portatio i doit être défendue. En effet, le Sénégal fournit habituellement plus que le double de la consommation du royaume en gomme. Il est notoire que la France seule approvisionne tous les marchés de l'Europe. Il serait donc contraire à l'intérêt du commerce de prohiber une matière que nousnepouvons pas consommerentièremeut. Je demande donc que, relativement à la gomme du Sénégal, il soit imposé un droit de sortie assez considérable pour empêcher l'abus excessif de l'exportation. En adoptant les prohibitions comprises dans l'article lrr, je demande que tous les cotons en rame et en graines venant de l'étranger soient prohibés à la sortie du royaume, comme les cotons venant des colonies.
M. Tarbé voudrait faire mettre dans cet état de prohibition les cotons en laine qui nous viennent des comptoirs hollandais et de 1 Inde. J'affirme à l'Assemblée que tous ceux qui ont la moindre connaissance du coton, reconnaîtraient les yeux fermés le coton du Levant d'avec le coton des colonies. J'observe d'ailleurs que nous n'avons qu'un port en France, qui, jusqu'à présent, fait le commerce du Levant,. Si nous gênons l'exportation ou l'importation des matières venant du Levant, il arrivera que le commerce de Marseille, qui cherche toujours son mieux, portera tous les retours du coton du Levant au port de Livourne; et il y
aurait un avantage pour les frais du retour par mer. Dès lors, nous perdrons pour notre commerce les frais du retour à Marseille ; et pour notre intérieur, les frais de transport de Marseille jusques sur les frontières de la Suisse.
Moi, je suis fabricant, je ne suis point suspect, et je dis que cette mesure est faite pour enrichir les fabricants aux dépens des agriculteurs. Mais cette mesure extraordinaire est occasionnée par le discrédit de vos assignats; elle finira avec ce discrédit. En conséquence, je demande la question préalable sur le premier amendement de M. Tarbé, tendant à comprendre tous les cotons dans la prohibition.
Quant au second amendement de M. Tarbé, comme la gomme du Sénégal ne donne presque pas d'industrie aux journaliers, qu'elle n'entretient que cette grande quantité ae fi leurs et de fileuses, qui font une grande main-d'œuvre dans le royaume, je l'appuie de tout mon pou voir.-
Je répète l'observation que j'avais faite sur les manufactures de Sedan. Il y a, dans notre pays, un autre genre d'industrie, qui est là clouterie; hommes, femmes et enfants y sont occnpés; et quand un genre de travail s'est habitué dans un pays, il est difficile de le faire revenir sur un autre. Ou a fait tous les essais possibles, on a donné tous les encouragements, jamais on n'a pu parvenir à engager les citoyen» environnant t^edan à filer de la laine. Je demande donc qu'on fasse, à l'égard de Sedan, des exceptions.
Je combats lrts divers amendements proposés par M. Tarbé. Si vous décrétez la prohibition qui vous est proposée, vous devez la restreindre au produit du sol national ou de vos colonies; car si vous défendez l'exportation des matières importées de l'étranger, il arrivera que le commerce n'ira plus chercher ces matières premières pour les introduire dans l'intérieur, attendu qu elles coûtent plus cher dans le pays où vous allez les prendre. Il arrivera encore que vous détruirez tout votre commerce d'entrepôt, et qu'il sera fait par lès nations rivales, qui, déjà, au moyen de l'ancien système financier, étaient parvenues à vous en enlever la plus grande partie. J'applique ces principes aux divers amendements proposés par M. Tarbé.
11 est de notoriété publique que nos plus beaux draps exigent des laines étrangères; qu'en France on n'a pas su perfectionner cette importante partie de l'économie rurale; il faut donc encourager l'importation de ces laines; ce n'est pas un grand moyen d'encouragement que de dire à l'étranger: « Toutes celles qui sont déjà importées ne pourront plus sortir et nous arrêterons toutes celles que vous importerez par la suite. » Non, ce système serait destructeur de notre commerce.
II en est de même du troisième article relatif à la gomme du Sénégal; s'iLest certain que le Sénégal produise plus de gomme que l'on ne puisse en consommer en France; s'il est encore démontré que ce sont les Français qui vont chercher cette gomme, êt qui là portent aux autres nations, je demande ce que signifierait une loi prohibitive, ce que signifierait même d'augmenter le droit de la sortie? Dès que le commerce français importe au delà de la consommation, il faut qu'une partie soit exportée; n'augmentez dbnc pas les difficultés de 1 exportation, car les Anglais, les Hollandais et les autres peuples navigateurs et commerçants de l'Europe ne man-
queront pas d'aller chercher directement la gomme dont votre commerce les approvisionne.
Maintenant, je propose un amendement que je crois indispensable. Dans l'instant actuel, beaucoup de denrées premières, même les denrées coloniales ont été importées avec la destination, prononcée de l'exportation à l'étranger. Les négociants, qui ont acheté, ont spéculé sur celte exportation; si donc vous les soumettez à la prohibition, sans aucune restriction, ils seront infiniment lésés; vous les mettez dans le cas de payer de très gros intérêts. Ainsi, je voudrais que le comité de commerce vous présentât des vues sur la question des eutrepôts et des acquits à caution.
Je sais qu'aux yeux des publi-cistes, le mot prohibition ne devrait pas se trouver dans le dictionnaire d'un peuple libre; mais je sais aussi que, dans des circonstances particulières. il importe au salut du peuple d'adopter quelquefois des mesures extraordinaires. C'est a'aprè» ces considérations que l'Assemblée constituante regardait les douanes non pas comme un moyen de revenu, mais comme des écluses précieuses, servant, dans les mains d'une administration intelligente, à retenir dans le royaume ou à y faire arriver les matières qui y sont nécessaires pour les progrès de l'industrie et du commerce. L'Assemblée constituante, après avoir senti combien il en coûte à un gouvernement libre d'adopter des mesures prohibitives, sentit cependant la nécessité d'étendre cette prohibition à un assez grand nombre de matières infiniment moins utiles, moins précieuses que celles qui vous sont proposées par votre comité de commerce. Dernièrement enfin, n'avez-vous pas vous-mêmes prohibé la sortie des armes, des munilious de guerre? Et pourquoi n'adopteriez-vous p is, dans le moment présent, une mesure qui défende de sortir du royaume des matières ont la privation armerait peut-être, contre la tranquillité publique, une infinité de bras qui n'ont pas d'autres moyens de s'occuper?
Je crois donc que ies observations de M. Tar-diveau, justes en principe, ne sont pas applicables à la circonstance présente et qu'il ne vous a point convaincus que mes amendements ne dussent point être adoptés.
Je viens ensuite â M. Cambon et je ne reconnais pas, avec lui, que la totalité des cotons des colonies soient susceptibles de ne pas être pris pour des cotons étrangers.
On dit encore que Marseille étant un port d'entrepôt de toutes les manufactures de Suisse, ce serait un moyen de porter un préjudice réel à cette ville que d'adopter une prohibition qui ruinerait son commerce. Je sens toute la force de cette objection ; et si l'on trouve un moyen quelconque d'assurer la destination des cotons entreposés à Marseille pour la Suisse, j'adopte très volontiers l'exception proposée par M. Cambon.
Messieurs, M. Tarbé, pressé sur son amendement, vient de faire un sous-amen-dement qui le rend nul, et il faut expliquer cet objet, car vous ne voulez pas détruire un commerce d'exportation, toujours pour augmenter le bénéfice des fabricants.
Messieurs, Marseille reçoit des assignats en payemeut, comme Rouen, comme les autres villes de com nerce. M. Tarbé est forcé de convenir que Marseille est le seul endroit où le coton du Levant arrive; donc les assignats qui perdent étant la cause de l'exportation de nos denrées pre-
mières, vous pensez bien que dès que l'on trouve l'emploi des assignats à Marseille comme àRouen, on ne s'adresse jamais à Rouen pour avoir du coton du Levant, parce qu'on épargnera toujours les frais de port. Ainsi, l'amendement que vous propose M. xarbé est totalement illusoire, et il oublie que les soies sont encore dans le même cas; car nous tirons beaucoup de soies du commerce du Levant, et jamais on n'a entenduen prohiber là réexportation. Par conséquent, l'amendement de M. Tarbé tombe dans son entier. Je sais qu'il existe quelques cotons étrangers qui ne peuvent pas se différencier; je conviendrai de cette vérité avec M. Tarbé, mais il sera forcé aussi de convenir que si les assignatsdonnent un avantage aux étrangers pour venir chercher nos matières premières, nos assignats donnent un désavantage aux fabricants pour les aller chercher chez 1 étranger. Il conviendra que notre intérêt particulier n'est pas d'aller acheter chez l'étranger, ni des matières premières, ni des matières fabriquées, parce qu'elles nous reviendraient trop cher.
Nous éprouvons dans le moment, par le projet du comité, qu'au lieu de les aller chercher chez l'étranger, c'est l'étranger qui vient les prendre chez nous. Ainsi, il ne faut point ôter au commerce la chance d'aller chez l'étrangi r pour avoir l'expectative de vendre chez nous; au lieu de favoriser les fabriques, le spéculateur qui se trouverait gêné, n'irait plus en Hollande chercher des cotons pour les porter dans nos ports, parce qu'il saurait, qu'une lois chez nous, les cotons y resteraient. 11 faut laisser la liberté entière pour ce que nous tirons de l'étranger; il faut laisser au négociant la faculté de réexporter ce qu'il a apporté, et je répètequ'il est assez malheureux, dans un moment où nos colonies font de grandes pertes, de les imposer à un droit peut-être nécessaire pour les fabricants. Je demande donc la question préalable sur les amendements proposés par M. Tarbé, excepté sur celui qui concerne la gomme du Sénégal.
Je me bornerai simplement à deux amendements à l'article 1er; j'ai toujours le semiment intime et la crainte bien réelle qu'en prohibant les cotons en laine de nos iles, nous n'en recevions plus. J'ai entendu dire, par le rapporteur, que l'on a imposé le colon de nos colonies à 12 livres quand ils en valaient 130 ou 140. Maintenant, Messieurs, qu'ils valent 400 ou 500 livres, je demande seulement qu'au lieu de 12 livres, on les impose à 4S livres plutôt que de les prohiber; et, en vérité, pesez bien cette observation. Késolvez-vous plutôt à un impôt quelconque qu'à une prohibition qui révolte tous les esprits. Je demande, pour second amendement., qu'au lieu de mettre : « provisoirement défendu », on fixe un terme à toutes les prohibitions inconstitutionnelles; que l'on mette 6 mois ou un an.
Je m'oppose à la prohibition absolue pour le coton des colonies; je dis que si vous prononcez celte prohibition, nous sommes exposés à n'en plus recevoir du tout. En effet, la situation actuelle de nos colonies est telle, qu'il est impossible d'empêcher leurs cafés, leurs sucres et autres denrées de passer dans les colonies étrangères.
Nous avons des nouvelles positives que, dans ce moment, on fait des chargements considérables de sucre pour Saint-Eustaclie, en sorte que vos sucres passeront directement en Hollande; et, bien loin d'en voir diminuer le prix en
France, vous devez craindre de le voir augmenter si Ton n'y met. promptement ordr.i. Ainsi la cupidité se trompe elle-même; lorsqu'elle veut tout garder, elle se prive de tout. Qu'arrivera-t—il, en effet, si vous prohibez la sortie des cotons? c'est que les cotons qui passent déjà avec profusion dans les colonies étrangères, y passeront tous directement et qu'il n'en entrera plus en France. Les fabricants de marchandises de coton ont toujours eu en vue, sous le prétexte de favoriser le peuple (car c'est toujours là le grand cheval de bataille de ceux qui ne songent qu'à leur propre intérêt), sous ce prétexte, ils ont toujours demandé des prohibitions^ C'est eux qui sont cause que noire commerce a été si longtemps entravé; et maintenant» ce; qu'ils n'osent pas vous dire, en attaquant les principes,, ils vous le demandent en profitant de la position actuelle des circonstances.
Méfiez-vous, Messieurs, de ces. dangereuses illusions; soyez certains que si vous défendes la sortie des marchandises que vous ne recueillez, pas chez vous, vous défendrez non pas l'importation, mais l'exportation. Dé|à il vient très peu de coton de Gayenne et de Tabago, parce que Cayenne et Tabago ont de grandes facilités à faire passer leurs cotons dans les lies étrangères, notamment à Saint-Eustache. Il nous en viendra encore moins de Saint-Domingue, parce que Saint-Domingue les fait passer à la Jamaïque; et il en résultera que vos cotons iront tout droit en Angleterre, d'où vous serez, obligés de Les tirer. Ainsi, au lieu de voir les Anglais venir acheter chez vous ces cotons et au lieu de compenser un peu la perte de l'échange,, voua per-arez. tous ces avantages; votre commerce sera entièrement interrompu; vos vaisseaux ne trouveront plus à se charger; et ces mêmes manufacturiers qui, dans ce moment-ci,, ne sont mus que par la cupidité,, seront obligés d'aller s'alimenter chez, l'étranger. Vous perdrez ainsi tous les bénéfices du frêt et de la main d'œuvre.
Je fais donc la motion expresse que, pour rétablir l'égalité qui existait entre nos manufactures nationales et les manufactures étrangères, vous portiez à 40 livres le droit sur les cotons qui n'est que de 12 livres. Portez même ce droit à 50 livres si vous le voulez. La nation en bénéficiera; ce sera déjà un très grand avantage. Si vous y ajoutez le prix du frêt que gagneront les armateurs des vaisseaux français, si vous y ajoutez les commissions, la main d'œuvre detous ceux qui sont employés au chargement, au rechargement, à toutes les opérations manuelles qu'exigent ces cotons, vous verrez que vos manufactures' auront encore une immense supériorité sur les manufactures étrangères et que vous ne dépendrez pas de Fétranger,. dans une partie oui vous offre tant d'avantages; les cotons, en effet, sont indispensablement nécessaires aux manufactures étrangères eomme aux nôtres, ils n'en ont point, et dès qu'ils en viennent chercher chez vous, ils sont obligés.de vous rendre une partie des espèces que l'on fait continuellement passer chez eux.
Je me résume et je demande que vous établissiez, un droit de 40 ou de 50/ livres sur les. cotons à la sortie du royaume;
Plusieurs membres : La discussion fermée !
M. Tarbé a. pensé que1 l'intérêt de: la ville de Marseille était en opposition avec l'intérêt général de l'Etat. 14 importe de; détruire cette assertion^ et d'ailleurs je ne
balancerai jamais à dire que si cette opposition pouvait exister, c'est l'intérêt de Marseille qu'il faudrait sacrifier à l'intérêt général. Mais fob-serve qu'il résulterait de la prohibition, un grand préjudice, non pas pour Marseille seulement, mais pour tout le royaume; il en résulterait peut-être même un avantage pour le commerce de Marseille qui porterait ses cotons à Livourne et à Gênes, où il serait payé en argent au lieu d'être payé en assignats.
Je demande que la prohibition soit adoptée, mais qu'on en excepte Marseille d'où les cotons pourront être exportés avec des acquits à caution. Il ne faut pas craindre que les fabriques gagnent trop; bien au contraire, elles commencent à manquer des matières premières. Le peu de coton qui nous reste, les chanvres» les fils sont, déjà accaparés par les étrangers ; et si vous n'en prononcez la prohibition, les toiles de tout genre, qui sont déjà augmentées de 20 sous par aune, s'élèveront à un prix exorbitant.
Vous n'éviterez pas le commerce interlope des colonies, si vous imposez un droit de sortie qui équivaille, par son énorm ité, à un» prohibai ion. Au reste, par le moyen des acquit® à caution, on peut excepter de cette prohibition la ville de Marseille J'ajoute qu'il ne faut pas se récrier sans cesse contre l'intérêt des commerçants. Les Anglais n'ont jamais considéré le commerce comme l'intérêt ae quelques indivi»-dus; car l'exportation est prohibée en Angleterre sous: peine de mort, et la peine capitale n'aurait pas sans doute été prostituée à l'intérêt de quelques individus.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'article Ier.)
Un membre : Je demande que la question soit ainsi posée : « Y a-t-il Lieu a prohibition absor-lue de la sortie des cotons, ou seulement à augmentation du droit de sortie sur les cotons?
Plusieurs membres : Appuyé!1 appuyé i
(L'Assemblée adopte ce mode de délibération et décrète qu'il y a lieu seulement à augmentation du droit de sortie sur les cotons.)
L'Assemblée vient de décréter une augmentation d'imposition» j,e demande les trois lectures conformément à la Constitution.
Je prie l'Assemblée de faire attention qu'il ne s agit point ici du tout d'une contribution publique qui porte sur la France^ c'est une perception indirecte qui frappe positi vement sur l'étranger.
Il est certain qu'augmenter les droite de sortie, c'est augmenter, c'est créer une nouvelle imposition. A la vérité,, cette imposition ne porte que sur une partie des citoyens et sur les étrangers; mais ce n'en est pas moins une imposition. Il y a d'ailleurs un moyen de tout, concilier : on craint que, pendant l'intervalle des tBois lectures, les cotons ne soient exportés. Pour éviter cet inconvénient, il n'^a qu à considérer pour première lecture le projet de décret relatif à l'augmentation du tarif et à statuer que, provisoirement, la sortie des cotons en laine est prohibée jusqu'à, ce que l'augmentation du droit de sortie sur les cotons ait été fixée par l'Assemblée. {Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète la motion de M. Crestra et charge son comité de commerce de lui pré-
«enter incessamment un projet de décret sur la quotité de droits à fixer sur la sortie des cotons «n laîne.)
, rapporteur, fait une nouvelle lecture de l'article 1er ainsi conçu :
Art. 1er.
« La sortie du royaume, par me ou par terre, des laines filées ou non filées, des chanvres en masse, en filasse, tayées ou apprêtés, des peaux et cuirs secs et en vert, en salés et en Yert, et des retailles de peaux et de parchemins, est provisoirement défendue. »
(L'Assemblée adopte l'article 1er.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 ainsi conçu :
Art. 2.
« Toute personne qui tentera de faire sortir, par mer ou par terre, les matières premières dénommées ci-dessus, encourra les peines prononcées par le titre V de la loi sur les douanes nationales. »
Je demande la question préalable sur cet article, parce que les dispositions qu'il contient se retrouvent tout entières dans la loi générale sur le tarif.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 2.)
Pour prouver combien j'étais de bonne foi dans toutes les propositions que j'ai faites, je demande que le décret soit porté, «ans le jour, à la sanction.
(L'Assemblée décide que le décret sera porté, dans le jour, à la sanction.)
Un membre propose une nouvelle exception en faveur des denrées coloniales qui entrent en France par entrepôt, à la destination de l'étranger.
(L'Assemblée renvoie cette motion au comité de commerce pour eh rendre compte.)
Un membre demande que la commission centrale soit chargée de placer incessamment à l'ordre du jour le rapport du comité de commerce sur ces nouveaux objets.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sou comité de commerce sur l'augmentation du prix des matières premières servant à la fabrication, et sur leur exportation à l'étranger, considérant que la sortie du lin et des soies est déjà prohibée, et qu'il n'est pas moins nécessaire ae retenir les autres matières premières indispensables à nos manufactures ; considérant qu'il est de sa sollicitude de prévenir les maux que causerait à la France la disette desdites matières, si leur exportation continuait plus longtemps à être permise; qu'elle doit conserver à tous les citoyens les moyens de pourvoir à leurs premiers besoins, et priver les ennemis de la chose publique de la faculté de faire passer à l'étranger, en matières premières, la masse de leurs capitaux, décrète qu'il y a urgence, et, après avoir préalablement prononcé l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er.
« La sortie du royaume, par mer ou par terre,
des laines filées ou non filées, des chanvres en masse, en filasse, tayés ou apprêtés, des peaux et cuirs secs et en vert, ou salé» et en vert, et des retailles de peaux et de parchemins, est provisoirement défendu.
Art. 2,
« La sortie des cotons en laine des colonies est provisoirement défendue, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait définitivement statué sur l'augmentation de droit à fixer sur l'exportation de cette denrée dans l'étranger.
« Charge son comité de commerce de lui présenter incessamment un projet de décret sur la fixation de cette augmentation. »
, ministre de la guerre. Un courrier du département du Bas-Hhin m'a apporté, avant-hier, deux lettres que je crois ae mon devoir de communiquer à l'Assemblée. La première est une lettre des administrateurs composant le directoire du département du Bas-Rhin, elle est ainsi conçue :
« Nous adressons, Monsieur, à l'Assemblée nationale, par le même courrier, deux lettres: l'une relative aux moyens d'arrêter les effets, ruineux pour la nation et pour notre département en particulier, des pertes énormes que subissent les assignats; et l'autre, sur la nécessité de venir, de la manière la plus prompte, au secours des officiers de l'armée qui, par l'effet du discrédit des assignats, essuient la réduction la plus onéreuse de leur traitement.
«Nous vous en adres«ons la copie, et nous vous prions de vouloir bien appuyer nos réclamations de tout le crédit que votre influence ne peut manquer de leur donner.
« Signé : Les administrateurs composant le directoire du département du Bas-Rhin. »
L'autre lettre m'est adressée par le maréchal Luckner et signée par les officiers généraux qui sont à ses ordres. La voici ,
« J'ai déjà eu l'honneur de vous mander, Monsieur, dans deux lettres différentes du mois de janvier, que la perte des assignats était telle dans les cinquième et sixième divisions, qu'il était impossible que les officiers de l'armée pussent la soutenir. L'échange des assignats ne perdait alors que 25 ou 30 0/0. Maintenant. Messieurs, les assignats de 5 livres, perdent jusqu'à 45 sous; et ceux d'une plus forte valeur étant souvent refusés à moitiéjiertë,je regarde comme indispensable de vous Observer que la justice, le bien du service et la nécessité exigent impérieusement que l'Assemblée nationale et le roi prennent cet objet en prompte considération, et que le Trésor public vienne au secours des officiers de tout grade qui, réduits à la moitié de leurs appointements, non seulement ne profitent pas des bienfaits que la Constitution a voulu répandre sur l'armée, mais même se trouvent dans une situation fort inférieure à celle où ils étaient avant la nouvelle organisation militaire.
« Pour atteindre ce but important, pour concilier l'intérêt de la justiee avec la nécessité de ne point discréditer la monnaie nationale, le plus utile moyen, celui que je crois le plus susceptible d'être promptement adopté, ce serait, conformément à ce que j'ai déjà eu l'honneur de vous mander, d'accorder aux garnisons frontières, une gratification en assignats, proportionnelle graduellement à la perte des assignats dans chaque lieu (Murmure.), et telle que la
perte sur les appointements se réduisit à 12 ou 15 0/0.
« Celte mesure, décrétée par l'équité la plus exacte, l'est aussi par une saine politique; elle rendra aux officiers les moyens de subsister honorablement; elle préservéra du désespoir les officiers parvenus dans les grades sans fortune et qu , souvent chargés d'une famille nombreuse, sont aujourd'hui dansunesituation très fâcheuse ; elle préviendra les émigrations auxquelles cette situation pénible sert très souvent de prétexte. Enfin, cette mesure sera, même utile au crédit public, en diminuant l'empressement excessif Avec lequel les officiers cherchent dans le monde, à échanger à tout prix, les assignats qui leur sont délivrés chaque mois pour le montant de leurs payes.
« Telles sont, Monsieur, les objections aussi graves en elles-mêmes, qu'instantes par la nature des circonstances, que je me suis cru obligé de vous soumettre; je sais qu'elles vont être secondées auprès de 1 Assemblée nationale et du roi, par les administrateurs du département du Bas-Rhin.
« Les officiers généraux qui sont à mes ordres, et qui sont, ainsi que moi, témoins chaque jour des funestes effets que la perte énorme des assignats cause dans l'armée, se réunissent à moi pour vous prier de fixer au plus tôt l'attention de rAssemblée nationale et du roi, sur le moyen simple et salutaire que je vous propose.
« Signé : le maréchal de France, Luckner; lu maréchal-de-camp, Victor Broglie. »
J'appuie, le plus fortement possible, la juste réclamation en faveur des officiers de 1 armée; et j'ose vous demander en même temps de consacrer une partie de vos séances à l'examen de l'état de vos finances. En général, la guerre dé-pend presqu'en entier des moyens d'argent que a trésorerie pourra fournir; la baisse des assignats a des conséquences vraiment effrayantes. Ce malheur, comme lous les autres, peut encore disparaître par la sagesse de vos décrets. Telles sont les ressources de la France, qu'à la veille de sa perte 1 Assemblée nationale peut encore la sauver, et faire trembler, par une force inattendue, les ennemis qui se fondent sur la faiblesse de nos moyens ; j'ose donc recommander celte réclamation à la prompte décision de l'Assemblée.
(L'Assemblée renvoie les deux lettres aux comités militaire et des dépenses publiques réunis.)
, minisire de la guerre. Les soins multipliés que je dois à l'armée pourraient quelquefois me ravir le temps de répondre scrupuleusement à toutes les dénonciations qui honorent beaucoup leurs auteurs, quand toutefois on se souvient de leurs noms, mais qui font souvent perdre à l'Assemblée un temps précieux, ainsi qu'à moi.
Il en est une cependant qui mérite, selon moi, une réponse. On a dit à
l'Assemblée que je n'avais pas fait examiner les élèves du génie sur les
principes de la Constitution (I). Il est très vrai que le mut
Constitution n'a pas été spécialement prononcé dans ma lettre au
commissaire examinateur; mais, d'une part, je lui ai enjoint de se
conformer à la loi du 13 novembre qui l'or-
Lettre écrite à MM. les élèves de l'école du génie de Mèùeres.
« A MM. les élèves,
« Il a été reconnu, Messieurs, que, dans l'examen que vous avez subi dernièrement, sur la théorie de toutes les connaissances exigées pour l'admission à l'école de Mézières, vous avez mérité d'être compris dans le nombre de ceux que le roi a jugé à propos d'y admettre cette année; mais je vous préviens que l'intention du roi est que, des que vous serez arrivés à Mézières, vous soyez examinés conformément à l'article 8 de la loi du 13 novembre dernier, et que vous prêtiez le serment civique.
« Ce n'est qu'après vous être conformés à ces dispositions, qui sont de rigueur, que vous serez installés à cette école, et que je vous ferai passer un brevet de sous-lieutenant, en vertu duquel vous jouirez du traitement qui est attribué à ce graae, par la loi du 31 décembre, etc.
« Le ministre de la guerre,
« Signé : de Narbonne. »
« Lettre écrite à MM. les administrateurs du directoire du département de la Meuse.
« J'ai l'honneur de vous informer, Messieurs, que M. de Villelong, colonel général des fortifications à Mézières, qui va incessanment envoyer dans cette place 20 élèves pour l'école du génie, a ordre, avant leur admission à cette école, de les interroger sur les principes de la Constitution ; et je lui marque de vous prier de nommer parmi vous un ou plusieurs commissaires pour être présents à est examen, conformément à la loi du 13 novembre dernier. Quant aux connaissances purement théoriques de l'état que ces jeunes sujets se proposent d'embrasser, ils subiront cet examen à Mézières; ils y prêteront en même temps le serment civique ordonné par la loi du 23 septembre dernier. Ces sujets sont prévenus que ces formalités sont de rigueur, que nul d'entre eux ne peut être admis à l'école en qualité de sous-lieutenant, sans y avoir été soumis.
« Le ministre de la guerre,
« Signé : de Narbonne. »
J'aurais pu, en publiant ces lettres, éviter le reproche qu'on m'a fait hier. Je pourrais même ajouter d'autres faits. Mais je croirais mal remplir ma place, si je ne cherchais qu'à répandre ae l'éclat sur les soins que je donne à mon administration. Ce serait, dans le moment présent, faire une injure à tous les citoyens et à tous les fonctionnaires publics, que de se faire une gloire de ne pas trahir.
Je dois répondre encore à une autre dénonciation. Elle est relative à l'inexécution de la loi qui ordonne que Us drapeaux de l'armée seront aux trois couleurs. J'ai donné tous les ordres nécessaires pour accélérer l'exécutiou de cette loi. Le roi a enjoint aux divers régiments d'envoyer à l'hôtel de la guerre leurs anciens drapeaux. L'exemple d'un officier qui les a portés de l'autre côté du Rhin a dû faire croire à la
nécessité de èes ordres. Cortex, résolu de faire la conquête du Mexique, détruisit ses vaisseaux pour mettre ses soldats entre la victoire et la mort. Les drapeaux seront brûlés à l'hôtel de la guerre, et la somme de 150 louis à peu près qui pourra provenir des galons en or et des guidons sera donnée par le roi à de vieux soldats distingués par de belles actions. (Applaudissements.) Les drapeaux auxquels on attachait une espèce de superstition sont déjà remplacés dans un très grand nombre de régiments par les couleurs nationales. Tous les régiments étrangers, excepté celui de l'Alsace, les ont déjà reçus ainsi que le drapeau blanc qui doit achever de les assimiler pour l'uniforme au reste de l'armée. Des officiers allemands ont été placés dans les régiments français, et des français dans les régiments allemands. Ils ne chercheront, j en suis sur, à se distinguer que par plus de zèle et de discipline. Leurs principes, quand ils sont joints au respect de la loi et des autorités constituées, nous assureront par toute l'Europe le succès que nous avons droit d'attendre.
J'ai l'honneur de vous prévenir aussi que douze soldats du régiment d'Alsace en garnison à Cambrai, viennent de se rendre à Paris pour réclamer, disent-ils contre quelques vexations. Hier, ils se sont présentés à la municipalité de Paris pour y expliquer leurs motifs, mais on a refusé de les entendre. Ils ont aujourd'hui, m'a-t-on dit, rendez-vous au comité militaire. J'ai cru de mon devoir, comme ministre de la guerre, de les re- garder comme déserteurs, puisqu'ils sont partis u régiment sans permission de leurs chefs et j'ai donné l'ordre qu'ils fussent arrêtés et conduits en prison. (Applaudissements.)
Je vais avoir l'honneur de rendre compte à l'Assemblée des nouvelles que j'ai reçues du département de l'Oise.
(Le ministre donne lecture des deux lettres lues par M. liuugier-La-Berge rie au commencement de la séance.) ( I).
Voici une lettre de M. Witinkhof, chargé du commandement des troupes parisiennes envoyées dans le département de l'Oise :
« Le 23 février 1792, à 7 heures du soir.
« Je suis arrivé hier, à 9 heures du soir, ici. j'ai tçouvé tout fort tranquille. Aujourd'hui, toutes les troupes qui avaient ordre de se rendre ici, sont arrivées; demain 24, je les ferai reposer, étant très fatiguées par le mauvais temps et des journées de marches très fortes. Après-demain, je comptealtaquer les mutins à Ourscamps. Ils paraissent décidés à se défendre dans leur poste, qui est très avantageux. J'espère en effectuer la dispersion sans coup férir. Je compte beaucoup sur les deux bataillons de Paris, et sur le régiment de chasseurs commandés par M. La-meth. Vous recevrez chaque jour de mes nouvelles. Le second bataillon des volontaires de l'Yonne, en cantonnement ici, est parfaitement dans les bons principes, et montre.le patriotisme le pl u s éclai ré. ( 1 pplaudissements.)
« Une lettre particulière rend justice à la disposition des gardes nationales.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : Witinkhof. »
, l'un des quatre
« Je viens de recevoir, Messieurs, une députa-tion de personnes rassemblées à Ourscamps; les esprits nous paraissent bien disposés; je continue d'espérer qu'il n'y aura pas un seul coup de fusil de tiré. (Applaudissements.)
« Signé : dauchy.
« P. S. Je reçois à l'instant même une députa-tion d'Attichy dans les mêmes dispositions. (Applaudissements.)
Je préviens l'Assemblée que le maire et la nouvelle municipalité de Paris demandent à être admis à la barre pour présenter l'hommage de leur respect pour l'Assemblée nationale et de leur dévouement à la chose publique.
Plusieursvoix ; Oui! oui!(Voy. ci-après, p. 58.)
Il est un objet important dénoncé par M. le ministre de la guerre : je veux parler des assignats et des finances. Cet objet intéresse non seulement le prêt des troupes; mais il intéresse aussi la tranquillité publique et la fortune de tous les citoyens. Ainsi, je crois que l'Assemblée doit s'en occuper sans relâche, toute affaire cessante. (Applaudissements.)
Il est instant que l'Assemblée prenne une grande mesure pour rétablir le crédit des assignats. Il faut que nous les remettions au pair, et cela est possible. Je demande donc que l'Assemblée charge son comité central de placer in-cessammeut a l'ordre du johr un rapport des comités des assignats et monnaies et de l'extra-ordinaires des finances, dont j'ai l'honneur d'être chargé, sur la suppression et le remplacement des billets des caisses patriotiques.
M. le ministre vous a'dit que, pour faire la guerre il fallait du numéraire effectif. Quatre commissaires du comité de l'ordinaire des finances ont été nommés pour en surveiller l'achat, et comme j'étais encore ce matin à la Trésorerie. cela a retardé ma venue à la séance. Je suis l'un de ces commissaires; j'ai eu Jà-dessus un entretien particulier avec le ministre, et je dois annoncer à l'Assemblée, je dois annoncer à l'Europe que la France, malgré 1 épuisement dans lequel on s'efforce de faire croire qu'elle est tombée, a encore dans ses coffres plus de numéraire effectif qu'aucune autre puissance. (Applaudissements.)
Pour que cela soit prouvé, je demande que les rapports des comités des fimnces soient mis successivement à l'ordre du jour, et que, pour les affaires courantes, il y ait des séances le soir. (Appuyé! gppnyé!)
(L'Assemblée décrète : 1° que les comités des assignats et monnaies et de l'extraordinaire des finances feront demain un rapport sur la suppression et le remplacement des billets circulant sous le nom de billets patriotiques ; 2° que les discussions sur les matières de finances seront constamment à l'ordre du jour depuis midi jusqu'à 2 heures. Elle décrète,en outre, quelle tiendra, ce soir, une seance extraordinaire pour entendre divers rapports arriérés.)
Un de MM. les Secrétaires donne lecture d'une lettre ne M. Amelot, commissaire du roi pris la caisse de C extraordinaire, sur l'état actuel de cette caisse; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Deux milliards cent millions ont été appliqués à payer les dépenses de l'extraordinaire. 1,110,400,458 livres ont été employées jusqu'au 23 de ee mois inclusivement ; il ne reste donc que 489,599,542 livres dont il soit possible de disposer. Mais les 300 derniers millions décrétés le 17 décembre 1791, faisant partie de 2,100,000,000, doivent être composés de 100 millions en assignats de 5 livres dont la fabrication avait été décrétée, le 1er janvier 1791, de 100 millions en assignats de 10 livres, et 200 millions en assignats de 25 livres : la fabrication de ces deux dernières natures d'assignats s'étant trouvée retardée par des épreuves qui tendent à trouver le moyen de rendre leur contrefaçon presque impossible, ils ne pourront pas servir, de quelque temps encore, aux besoins de la caisse de l'extraordinaire.
« Le service de cette caisse ne repose donc que sur les 100 millions d'assignats ae 5 livres et sur les 300 millions destinés primitivement à l'échange des assignats de 2,000 livres, et dont l'emploi a été décrété le 27 décembre, sauf à être repris sur les 200 millions d'assignats de 10 et de 25 livres. Mais il y avait, hier soir, f 10,400,458 livres, d'employées sur 130 millions, 11 n'y a donc de disponible que 19,599,142 livres dont une partie pouvait être considérée comme dépôt, puisqu'il reste encore 16,650,430 livres de billets de caisse, ou promesses d'assignats à échanger.
« Pour mettre l'Assemblée en état de déterminer de quelle manière elle désire que le service de la caisse de l'extraordinaire s'opère, je vais présenter ici le tableau des créations d'assignats qui offrent des ressources.
« Sur la création de 100 millions d'assignats de 5 livres, du 23 août 1791, l'Assemblée n'a destiné à l'échange que 85 millions; il en reste 15 millions.
« Sur la création de 300 millions d'assignats de 5 livres, du 1er novembre 1791, il n'y en a que 100 millions qui soient entrés dans les paiements, aux termes du décret du 17 décembre suivant; il reste 200 millions, cela forme par conséquent 215 millions d'assignats de 5 livres, sur lesquels l'Assemblée peut destiner u ne somme au service de la caisse de l'extraordinaire, sauf à employer en échange l'équivalent en assignats de 10 et de 25 livres, lorsqu'ils seront achevés. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien inviter l'Assemblée à prendre cet objet en considération pour que je ne soispas arrêté dans la manière de pourvoir aux besoins de la caisse de l'extraordinaire.
« Je suis avec respect, etc...
Signé : Amelot. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de l'extraordinaire des finances !
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Amelot au comité de l'extraordinaire des finances.)
Les nouveaux officiers municipaux de la ville de Paris, ayant à leur tète M. Pétion, maire de Paris, sont ad mis à la barre. {Vifs applaudissements.)
, maire de Paris, prononce le discours suivant :
« Messieurs, le zèle et le dévouement nous entraînant vers vous, nos hommages sont ceux d'homm s libres qui n'aiment que la vérité, qui ne savent que son langage. Vous avez rendu de
grands services, il vous en reste de plus grands à rendre. Le moment où nous vivons est difficile, nous ne craignons pas de le dire, le plus difficile qui se soit encore présenté depuis l'époque glorieuse de notre révolulion. Représentants du peuple, soyez toujours à la hauteur des circonstances; prenez une attitude fière et imposante, déployez tout ce que peut le courage et l'énergie, relevez, l'esprit national qu'on cherche sans cesse àaffaisser. La nation n'attend que le signal pour obéir à l'impulsion généreuse que vous lui donnerez. N'écoutez pascesconseils pusillanimes qui perdent tout. Ce n'est pas dans le moment des combats qu'on peut employer ces moyens mitigés qui pallient et aggravent le mal au lieu de le guérir. Sans cesse des hommes lâches et perfides protestent de leur amour pour la paix; mais la paix qu'ils demandent est la paix des esclaves. Soyons libres, ou cessons de vivre. Forçons nos ennemis mêmes à nous respecter. En vain la ligue la plus criminelle conspire pour enlever aux représentants de la nation l'opinion puissante qui l'environne; elle ne vous abandonnera jamais, parce que jamais, vous né cesserez de la mériter. Vous en avez pris l'engagement à la face du ciel. La patrie t'a reçu, et le peuple est là pour confondre vos ennemis et pour anéantir tous les conspirateurs. » (Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)
, répondant à la municipalité de Paris. L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l'hommage de votre zèle; jamais la sollicitude paternelle des magistrats du peuple ne fut plus instamment réclamée par les circonstances; jamais il ne fut plus nécessaire de fixer l'attention, l'affection, le respect et la soumission du peuple vers sa propre volonté légalement exprimée, vers la loi.
« L'Assemblée nationale se repose sur vous du soin d'instruire le peuple; c'est a vous de lui présenter la loi dans tout son éclat, dans toute sa force, et vous aurez ainsi justifié la confiance et mérité la reconnaissance. »
(Les officiers municipaux traversent la salle au milieu d'applaudissements réitérés.)
Je demande l'impression du discours du maire, l'insertion au procès-verbal et la mention honorable.
Plusieurs membres : Et de la réponse du président.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable du discours du maire de Paris, et l'insertion au procès-verbal avec la réponse du président.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1 ) du projet de décret des comités de législation et des assignats et monnaies réunU sur les moyens d'arrêter et de punir les fabricateurs de faux assignats.
, rapporteur. Messieurs, je vars vous relire les trois articles déjà décrétés et soumettre à votre délibération le quatrième. Voici les articles décrétés :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités
réunis de législation et des assignats et monnaies, considérant que rien
n'est plus important ni plus pressant que les précautions nécessaires
pour assurer la découverte et la conviction des fabricateurs et distri
« L'Assemblée nationale, après, avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Toute plainte ou dénonciation de fabrication ou distribution de faux assignats, seront portées devant le directeur du juré du lieu du délit, ou de la résidence de l'accusé. »
Art. 2.
« Il n'y aura, pour le département de Paris, relativement â cette espèce de crime, qu'un seul tableau de jurés d'accusation, dressé par les procureurs syndics des districts de Saint-Denis et du Bourg-la-Reine, et par le procureur de la commune de Paris réunis; il sera composé de 16 jurés spéciaux, pris parmi les citoyens éligi-bles et ayant des connaissances relatives. »
Art. 3.
« Le directeur de ce juré sera pris à tour de rôle, tous les 3 mois, parmi les membres composant le tribunal du premier arrondissement. »
Voici maintenant farticle 4 :
« Art. 4. Les directeurs de juré exerceront en ce cas-les fonctions d'officiers de police; ils sont autorisés à faire, par eux-mêmes ou par tel juge de paix qu'ils auront commis, les ouvertures des portes et perquisitions chez les personnes suspectées de fabrication ou distribution de faux assignats et leurs complices, sur la réquisition qui leur en sera faite par l'agent du Trésor public à Paris et par les procureurs généraux syndics des départements, procureurs syndics aes districts et procureurs des Communes, et d'après les renseignements que ces directeurs de juré auront pris. »
L'article soumis à la sagesse dé l'Assemblée présente de grands inconvénients. En effet, on met dans la main du directeur du juré seul, l'exercice de la poliee relative au faux. Qu'en résultera-t-il? un délit se pratiquera dans la capitale, le procureur-syndic ou l'agent du Trésor public déterminera le premier mouvement auprès du directeur du juré : eh bien 1 cette marche est trop longue. Si, au contraire, vous le laissez dans la main de la police, il en résultera que la police, toujours surveillante, viendra bien plus facilement à bout de saisir les coupables et remplira plus complètement votre objet. Je demande donc que la police» dans tout l'Empire, conserve la surveillance sur ce crime, qu'elle puisse l'atteindre et le livrer entre les mains de la justice, et que Ton délègue, si l'on veut, au directeur du juré, le droit d'agir concurremment avec les officiers municipaux et les juges de paix pour les perquisitions; cela me paraît très sage.
Mais l'artic e est encore vicieux, en ce que,, si deux particuliers ne veulent pas absolument dénoncer le crime, il restera impuni; c'est ce qu'il faut éviter : le délit qui intéresse toute: la nation doit être dénoncé par tous; les Français lorsqu'ils s'en aperçoivent. Je demande donc que tous les Français domiciliés aient le droit, en signant leur dénonciation, de forcer l'activité, des corps surveillants. Je demande, en second lieu, que l'on conserve aux magistrats chargés de la police, le degré de pouvoir que la loi leur assure.
Ainsi, en me résumant,, je demande que l'ar-
ticle porte que la police conservera son droit, c'est-a-dire que le directeur du juré agira concurremment avec les officiers municipaux et les juges de paix pour découvrir les fabncateurs de faux assignats, et que tout Français domicilié qui aura fait une dénonciation signée aura le droit de provoquer l'action de la police et de dénoncer à l'accusateur public l'ofhcier qui ne fera pas les diligences nécessaires pour poursuivre les auteurs du crime.
Si le délit de faux était un délit ordinaire, M. Thuriot aurait raison d'en donner l'attribution à la police correctionnelle. Mais ce que vous propose M. Thuriot est le renversement de la sage loi sur l'établissement des jurés, portée par l'Assemblée constituante. Dans cette loi, nous trouvons que, pour les crimes de faux, la connaissance des délits appartient d'abord au directeur du juré nommé, pour ce fait, juge de police correctionnelle. 11 n'y a d'exception que pour les villes au-dessus de 40,000 âmes; dans ces villes, la connaissance appartient aux juges de paix, et la raison de cette différence est très simple; ce délit laisse après lui des traces difficiles à découvrir : on n'y parvient que par des comparaisons d'écriture, et en suivant une procédure longue et difficile; je demande à présent si tous les juges de paix et de police correctionnelle, si des citoyens des campagnes sont en état de suivre cette procédure? Non, et c'est ce qu'a très bien senti l'Assemblée nationale constituante, en leur enlevant la connaissance du délit du faux. C'est donc au directeur du juré, et aux juges de paix, dans les villes au-dessus de 40,000 âmes, qu'appartient la connaissance de ces délits. Sous ce point de vue, j'appuie la proposition du comité. Je ne demande, à cet article, qu'un amendement; je trouverais injuste d'accorder au directeur du juré, ou au juge de paix, la faculté d'entrer seul dans une maison pour y faire des recherches; je demande qu'il n'y puisse entrer, conformément à- la loi sur le haut juré, qu'en présence de deux notables, ou, au défaut de ceux-ci, en présence de deux citoyens; actifs.
Le projet dit que le directeur du juré peut donner à l'officier de police le mouvement que je demande qu'on lui conserve naturellement. M. Lagrévol a confondu deux points qui SDnt très distincts, c'est l'instruction qui se . fait naturellement devant le directeur du juré avec faction de police qui n'a d'autre objet que de saisir le coupable et de le conduire oû il doit être pour la sécurité publique. Moi, je demande que, conformément à la loi de la police de sûreté, l'officier de police ait le droit, dans toute l'étendue du royaume,d'arrêter l'homme dénoncé publiquement comme auteur d'un faux.
Sï vous adoptëz la gradation qu'on vous présente, il en résultera que le juge de paix et l'officier de police ne pouvant rien, le directeur du juré étant très loin, il sera impossible de saisir à llnstant, et avec les preuves de conviction, celui qui sera accusé de fabriquer de faux assignats, au lieu qu'en laissant au juge de police le droit que la loi lui assure, on saisira certainement Fnomme et les pièces de conviction.
J'observerai que le pouvoir donné aux différentes autorités constituées ne suffit pas, dans ce moment, pour déconcerter les fabricateurs de faux assignats. La municipalité de Paris a été forcée plusieurs fois de recourir à votre comité de surveillance, également im-
puissant lui-même; et ce n'est qu'en se chargeant d'une responsabilité qui eût pu le compromettre, mais sur laquelle son zèle pour le bien public l'a fait passer, que votre comité de surveillance, aidé des bonnes intentions de la municipalité, est parvenu à découvrir la fabrication des faux assignats établie dans les prisons de la Force. Jamais, si l'on n'eût voulu passer par-dessus les lois existantes, vous 11e seriez parvenus à suivre les traces des fabricateurs des faux assignats; et quiconque vient ici m appliquer les règles que l'on suit dans les tribunaux pour le crime de faux, n'a pas assez réfléchi qu'il n'y a aucune similitude entre les instruments de la fabrication, et la pièce fausse qui se trouve dans la main d'une partie qui veut en tirer avantage.
En effet, l'Assemblée ne se propose que de saisir les fabricateurs et les porteurs en masse de faux assignats; il faut donc une célérité d'exécution que vous devez d.mner à la pjlice. On vous dénoncé une fabrication de faux assignats, mais en même temps on vous annonce tant de personnes intéressées à cette fausse fabrication, que vous craignez, pour ainsi dire, que les murs qui vous entourent ne vous trahissent. Si vous suivez les lenteurs des formes ordinaires; si les oftîciers de police n'ont pas le droit de se transporter dans le lieu indiqué, il est impossible que vous arriviez jamais à la découverte d'une fausse fabrication, parce que les preuves du délit dis-Earaissent avec autant de facilité qu'elles s'éta-lissent. C'est ainsi qu'à la Force, il a fallu que trois particuliers eussent le courage de s'exposer à être égorgés par les prisonniers pour les saisir nantis des planches de faux assignats; c'est ainsi qu'on a été, pendant la nuit, pour découvrir chez le sieur Goliguy, à Komainville, une fabrication de fausse monnaie. Si donc vous ne donnez pas à la police toute l'activité dont elle manque évidemment, vous n'arrêterez jamais la fabrication de faux assignats. J'appuie la proposition de M. Thuriot. (Applaudissements.)
Je crois que la discussion ne se contiuue sur le projet du comité que parce que l'on a perdu de vue qu'il ne s'agit que de fournir des moyens d'instruction contre la fabrication de faux assignats et pour en trouver les auteurs. L'Assemblee nationale a d'abord admis un seul directeur du juré, parce qu'elle a senti qu'il était nécessaire de réunir, dans un centre unique, les titres épars d'une intrigue qui pou va. t diverger, telle que celle d'une fabrication de faux assignats. L'article qui est contesté ne tend précisément qu'à fournir, pour le c.is particulier de l'instruction, à ce directeur du juré, tous les moyens nécessaires pour suivre la trace du crime qui aurait été déféré à son tribunal. Dans ce cas, dès que cette disposition ne porte point atteinte à la police municipale et à la police correctionnelle et les laisse subsister dans leur entier, je regarde que les observations de M. Thuriot sont inutiles.
L'observation qu'il a faite, relativement à la dénonciation, ne me paraît pas avoir plus d'objet; et, en effet, 011 attribue au procureur général syndic du département la faculté de dénoncer comme officier public, mais la dénonciation d'un officier public n'exclut pas le droit qu'a tout citoyen de dénoncer.
Le projet ducomitédoit être considéré dans le rapport unique de l'instruction comme un moyen essentiellement utile renfermé daus une même main. Sous ce rapport, je l'appuie, en croyant avec M. Grangeneuve, que les circonstances sont
tellement urgentes que, loin de resserrer la police municipale, elle a besoin d'avoir encore plus de latitude, pour poursuivre partout un crime aussi funeste que la fabrication de faux assignats. (Applaudissements.)
L'opinion de M. Beusmot confirme de plus en plus la nécessité d'admettre la proposition de M. Thuriot. M. Beugnot pense qu'il est indispensable de punir la fabrication de faux assignats; mais celui qui veut qu'on punisse le crime doit vouloir aussi qu'on trouve la preuve du crime : or, c'est là la proposition de M. Thuriot.
Le comité paraît avoir mis seulement dans les mains du directeur du juré la recherche et la surveillance de la fabrication des faux assignats; vous sentez combien, dans une grande ville surtout, cette surveillance pourrait êire nulleE dans les mains du directeur du juré, qui, déjà occupé de beaucoup d'autres objets, ne pourrait donner a cette surveillance que très peu de moments. Il est donc bien plus naturel de donner celte surveillance aux officiers municipaux.
On devait s'attendre que, pour combattre cette opinion, on prétendrait que les principes de la liberté se trouveraient gênés par cette surveillance. Mais, cependant,Te grand intérêt national n'ayant pas permis qu'on invoquât ce principe, il y a lieu de s étonner qu'on vienne vous dire : la loi a seulement pour objet de fixer la juridiction de ceux qui doivent connaître des crimes de faux assignats. J'en conviens, mais, encore une fois, il me semble qu'avant de s'occuper de la juridiction de ceux qui doivent connaître de ce crime, il est indispensable de s'occuper de le découvrir.
Or, je le répète, c'est dans les mains des officiers municipaux qu'il faut mettre cette surveillance. si vous voulez qu'elle ne soit point illusoire. J'appuie donc la proposition de M. Thuriot, en demandant seulement que ce ne soit pas comme amendement, mais comme article qu'elle soit adoptée.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion, décrète qu'il y a lieu à d-libérer sur l'amendement de M. Thuriot, puis l'adopte.)
Je mets maintenant aux voix l'amendement de M. Lagrévol tendant à ce que le directeur du juré, l'officier municipal ou de police, ne puissent entrer dans les maisons suspectées, qu'en présence de deux notables ou citoyens actifs.
C'est éluder l'exécution de la loi que d'exiger la présence de deux citoyens actifs. Lorsque lé directeur du juré se présentera dans la maison des fabricateurs, quel est le citoyen qui s'exposera à une pareille descente, sans crainte pour lui-même et pour les siens ? Je demande la question préalable sur l'amendement.
L'amendement proposé entrave l'exécution de la loi et la rend, pour ainsi dire, inexécutable.
Il est possible que les citoyens requis soient amis ou parents des personnes soupçonnées,qu'ils fassent prévenir les contrefacteurs et que le crime ne soit pas puni.
J'observe d'ailleurs que, pour l'intérêt même des personnes suspectees, il est de la sagesse de développer le moins d'appareil possible.
D'après ces motifs réunis, je demande la question préalable sur l'amendement de M. Lagrevol.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur l'amendement!
(L' Assemblée ferme la discussion ; décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. La-grévol, puis l'adopte.)
En adoptant l'amendement de M. Lagrévol, je propose un sous-amendement ainsi conçu :
« En cas de refus des deux citoyens actifs
appelés par le directeur du juré ou par l'officier municipal ou de police, pour assister à la visite, le directeur du juré, ou l'officier municipal ou de police, pourra, en constatant le refus par son procès-verbal, faire seul la visite domiciliaire.»
(L'Assemblée adopte le sous-amendement de M. Uehaussy-Robecourt, décrète ensuile l'article4, sauf rédaction, et renvoie la suite de la discussion à la séance du soir.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Note des décrets sanctionnés par le roi depuis le
« Le ministre de la justice a l'honneur d'à dresser à Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, la note des décrets sanctionnés par le roi ou dont sa Majesté a ordonné l'exécution.
dates des décrets.
titre des decrets.
dates des sanctions.
il février 1792. Décret relatif à la rectification d'erreurs dans les titres et contrats de rentes viagères. 15 février 1792.
14 février 1792. Décret relatif aux saisies et oppositions formées sur les sommes
qui s'acquittent au Trésor public. 19 février 1792.
14février 1792. Décret relatif à l'échange de la maison de Sainte-Claire de la
ville de Confotens. i» février 1792.
14 février 1792. Décret relatif à la pension du sieur Gaspard Cambis. 19 février 1792.
15 février 1792. Décret relatif à un versement de fonds à la trésorerie nationale,
par la caisse de l'extraordinaire. février 1792.
îs février 1792. Décret relatif au payement de la gratification accordée aux 19 février 1792. sous-officiers et soldats de la garde nationale parisienne.
18 février 1792. Décret relatif aux troubles du district de Noyon. 18 février 1792.
19 février 1792. Décret qui autorise le pouvoir exécutif à faire sortir de Paris
deux bataillons pour les envoyer dans le département de l'Oise. 19 février 1792.
« Paris, le 23 février 1792.
« Signé : M. L.-F. DUPORT. »
Séance du
présidence de mm. daverhoult et guadet, ex-présidenls.
présidence de m. daverhoult.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, fait lecture de plusieurs pièces envoyées par les
administrateurs composant le directoire du département du Bas-Rhin, et
annoncées, ce matin, par le ministre de la guerre (1), pour appuyer les
demandes qui ont été faites par M. le maréchal Luckner et les officiers
généraux qui commandent sous lui, au sujet du dédommagement à accorder
aux officiers de l'armée, pour la perte des assignats. Ils demandent
aussi qu'on leur
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité des assignats et monnaies.)
, secrétaire, donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre des administrateurs du directoire du département de Loir-et-Cher qui fait parvenir à l'Assemblée un extrait du registre de ses délibérations, dans sa séance du 13 février, qui renferme différentes réclamations des avances faites pour le rassemblement et la formation du bataillon des volontaires nationaux de Loir-et-Cher.
(1,'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité militaire.)
2° Adresse de trois cent vingt pères de famille de la ville de Strasbourg, qui contient diverses réclamations sur la liquidation des maîtrises et jurandes. Cette adresse est appuyée par les administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de liquidation.)
Le ministre de la guerre vous a dit, ce matin (1), que de nouveaux drapeaux allaient être envoyés à tous les régiments de France, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale. J'élève ici la voix en laveur du régiment ci-devant colonel-général, actuellement 1er régiment d'infanterie, régiment très patriote et dont je puis assurer la nonne conduite et attester le civisme. Ce régiment était en garnison à Dunkerque, lors de l'évasion du roi. Le surlendemain, 46 officiers eurent la lâcheté d'abandonner le régiment et tentèrent inutilement d'engager les soldats à les suivre. Ils eurent la bassesse d'emporter avec eux les deux drapeaux -et les cravates blanches dont le régiment était dépositaire et laissèrent ainsi les soldats dans le désespoir. Mais ceux-ci trouvèrent, dans les gardes nationaux de Dunkerque, que j'avais l'honneur de commander, de vrais amis et d'excellents conseils. La garde nationale de Dunkerque partagea ses drapeaux avec ce brave régiment pour de dédommager de la perte sensible qu'il venait d'éprouver par la lâcheté de ses officiers. (Applaudissements.) Aujourd'hui, nos dignes frères du 1er régiment demandent instamment à conserver ces drapeaux qu'ils regardent comme kle signal de l'alliance eteraelle qui doit exister entre les gardes nationales et les troupes de ligne. Je propose à l'Assemblée de renvoyer au comité militaire la motion expresse que je fais de souscrire à ce vœu honorable» (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent que la proposition de M. Emmerysoit sur-le champ mise aux voix.
D'autres membres: Le renvoi au comité militaire!
(L'Assemblée renvoie la demande de M. Em-mery au comité militaire.)
Deux députés de la commune de Bray-sur-Seine, département de Seine-et-Marne, sont admis à la barre.
Ils présentent une pétition, au nom d'un grand i nombre de citoyens actifs de la commune de Bray-sur-Seine, légalement assemblés, en faveur du sieur Bastelot, leur curé constitutionnel, inquiété et traduit de tribunal en tribunal, par le curé réfractaire, le sieur Bernier. Ce dernier a été déchu de ses fonctions, aux termes des décrets, pour avoir faussé son serment en refusant de reconnaître l'autorité de l'évêque constitutionnel. Un arrêté du département a dénoncé le sieur Bernier à l'accusateur public. Le ministre de la justice a renvoyé cette contestation par devant le tribunal du district. Les pétitionnaires récusent ce tribunal comme non compétent dans eette affaire et supplient l'Assemblée de statuer sur la question de savoir si le ministre de la justice peut, sans s'écarter de la loi, saisir un tribunal d'une question qui doit être spécialement décidée par le pouvoir exécutif, et, à son défaut, par le Corps législatif.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Je demande le renvoi de cette pétition au comité de législation, qui
sera tenu
(L'Assemblée charge son comité de législation de lui faire un rapport lundi matin sur cette pétition, avant l'ordre du jour.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret des comités de législation et des assignats et monnaies réunis, sur les moyens d'arrêter et de punir les fabricateurs de faux assignats.
, rapporteur. Messieurs, vous avez chargé, ce matin, vos comités de vous présenter une nouvelle rédaction de l'article 4, comprenant les amendements et sous-amendements décrétés, La voici :
Art. 4.
« Les directeurs de juré, juges de paix, officiers municipaux, et tous officiers de police de sûreté, sont autorisés à faire, en presence de deux notables ou fonctionnaires publics, ou, après les avoir requis de les assister, les ouvertures de portes et perquisitions nécessaires chez les personnes suspectées de fabrication ou distribution rie faux assignats et leurs complices sur les dénonciations, revêtues des caractères exigés par la loi, et d'après les renseignements que ces officiers auront pris. L'agent du Trésor public à Paris, les procureurs généraux syndics de département, procureurs syndics des districts et procureurs de communes, sont spécialement chargés de requérir ces recherches ,et perquisitions. »
(L'Assemblée décrète la nouvelle rédaction.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 qui est ainsi concu :
« Les directeurs de jurés et juges de paix par eux commis, qui, en suite des réquisitions mentionnées ci-dessus, auront commencé la recherche d'un délit ae fabrication ou distribution de faux assignats, pourront la continuer et faire les visites nécessaires hors de leur ressort. »
11 faut ajouter : « les officiers municipaux et de police de sûreté. » C'est une conséquence nécessaire de l'article précédemment décrété, il faut le mettre aussi dans les articles suivants. (Oui! oui!)
(L'Assemblée adopte l'article 5 avec l'amendement de M. Thuriot.)
Suit la teneur de cet article :
Art. 5.
« Les directeurs de juré et autres officiers désignés en l'article précédent, qui auront commencé la recherche d'un délit de fabrication ou distribution de faux assignats, pourront la continuer, et faire les visites nécessaires hors de leur ressort. »
, rapporteur, donne lecture des articles 6,7 et 8, en tenant compte, dans leur rédaction, des modifications déjà adoptées. Ces articles sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 6.
« Dans la huitaine de la publication du présent décret, les municipalités
feront connaître
Art 7.
« Il sera accordé au dénonciateur d'un délit de fabrication ou distribution de faux assignats, dont les auteurs auront été déclarés convaincus, une récompense qui sera fixée par un décret du Corps législatif pour service important rendu à la patrie.
Art. 8.
« Le dénonciateur ne pourra jamais être entendu comme témoin dans la procédure. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 9 qui est ainsi conçu :
« Tout complice d'un défit de fabrication ou distribution ae faux assignats qui en fera la dénonciation et dont la conviction sera acquise, obtiendra, outre une somme d'argent, la grâce de son délit. »
La disposition de l'article 9 du projet du comité m'a paru susceptible de nuances et de développements qui en étendront l'utilité. Ainsi, je proposerai d'accorder l'exemption de la peine encourue au complice qui dénoncera le premier la fabrication de faux assignats. Mais dans le cas d'une simple dénonciation, je ne voudrais pas qu'il reçut de récompense pécuniaire; car, alors, elle pourrait devenir 1 objet d'une spéculation entre des faussaires simulés. Il conviendrait de réserver la récompense pécuniaire au complice qui, tout à la fois, dénoncerait la fabrication, et livrerait les faussaires, les matières et les instruments du faux. Enfin, l'on peut supposer que la fabrication a été dénoncée, que le laboratoire est évacué, les coupables en uite, et les traces du faux dérobées aux recherches de la justice. Il est encore un moyen de décoùverte qu'il ne faut pas laisser échapper, c'est d'assurer la grâce à celui des complices qui livrera les autres. En un mot, les assiguats sont les garants de la fortune et de la liberté publique. Nous serions coupables de négliger aucune des ressources propres à en empêcher la falsification. H me semble que les dispositions que je vous ai proposées, tirées de la nature du cœur humain, sont très propres à déconcerter les sociétés de fabrication de faux assignats. Elles tendent à rendre les coupables un objet d'effroi les uns pour les autres, à les désunir par l'intérêt, par la crainte; c'est avoir gagné beaucoup que d'avoir rendu le malfaiteur solitaire, c'est avoir tout fait contre la fabrication des faux assignats, puisqu'elle ne peut être l'ouvrage d'un seul. Enfin, je proposerai d'étendre ces dispositions aux complices dénonciateurs de fabrications de faux assignats en pays étrangers. Voici, en conséquence, les 4 articles que je proposerais d'ajouter au décret en remplacement de l'article 9.
Art. 9.
« Si un particulier, complice d'une fabrication
de faux assignats, vient le premier la dénoncer, il sera exempt de la peine qu'il a encourue.
Art. 10.
Si le même particulier procure l'arrestation des faussaires et la saisie des matières et instruments de faux, il recevra en outre une somme d'argent.
Art. 11.
« Si, après qu'une fabrication de faux assignats aura été dénoncée, l'un des complices procure, de son propre mouvement, l'arrestation des faussaires et la saisie des matières et instruments de faux, il sera exempt de la peine qu'il a encourue.
Art. 12.
Il en sera de même des complices d'une fabrication de faux assignats, entreprise hors du royaume, qui la dénonceraient soit aux autorités constituées en France, soit à ses agents politiques dans les cours étrangères, ou qui procureraient l'arrestation des faussaires et la saisie des matières et instruments de faux. «
(L'Assemblée décrète les trois premiers articles proposés par M. Lemontey en remplacement de l'article 9.)
La France n'a pas le droit de faire grâce pour des délits sur lesquels elle ne peut pas prononcer, et la France ne peut pas prononcer sur un délit commis en Angleterre, a moins que ce délit n'aboutît en France; alors seulement je conçois que la nation a le droit de punir et de prononcer: mais M. Lemontéy, dans son article, dit que celui qui commettra ce dér lit à l'étranger sera absous; et voilà ce que nous n'avons pas le droit de faire.
Le fabricateur de faux assignats sera puni, ou en France, et alors la promesse de la grâce aura lieu ; ou il sera puni de mort en pays étranger; mais il ne peut l'être alors qu'à la diligence ou à la poursuite de la France. Eh bien alors, votre agent politique ne requerra ni l'arrestation, ni la peine de celui qui sera tenu de livrer les faussaires. Ainsi, ans tous les cas, la grâce aura lieu, et l'article a un effet très positif.
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte le quatrième article additionnel de M. Lemontey.)
rapporteur. Voici une addition à l'article 4, dont vous avez adopté la rédaction tout à l'heure :
« Ils sont également autorisés à requérir toutes pièces de conviction et à délivrer des mandats d'arrêt. »
(L'Assemblée adopte cette disposition additionnelle à l'article 4.)
En conséquence, l'article 4, adopté, est ainsi conçu :
Art. 4.
« Les directeurs de juré, juges de paix, officiers municipaux et tous officiers de police de sûreté, sont autorisés à faire, en présence de deux notables ou fonctionnaires publics, ou, après les avoir requis de les assister, les ouvertures de portes et perquisitions nécessaires chez les personnes suspectées de fabrication ou dis-
tribution de faux assignats ou fausse monnaie et leurs complices, sur les dénonciations revêtues de caractères exigés par la loi, et d'après les renseignements que ces officiers auront pris; ils sont également autorisés à saisir toutes pièces de conviction et à délivrer des mandats d'arrêt. L'agent du Trésor public à Paris, les procureurs généraux syndics des départements, procureurs syndics des districts et procureurs des communes sont spécialement chargés de requérir ces recherches et perquisitions. »
Un membre : Je propose d'étendre les dispositions de ce décret aux faux-monnayeurs, et d'ajouter dans tous les articles aux mots faux-assignats, les mots : fausse-monnaie.
, rapporteurj C'est parce que la fabrication des assignats est extrêmement difficile à reconnaître que nous avons pris des moyens extrêmes dans la loi que nous venons de porter. Nous avons donné une étendue de pouvoirs dont peut-être on pourrait abuser dans certaines circonstances. Nous avons autorisé toutes les municipalités du royaume à pénétrer dans toutes les maisons pour chercher les fabri-cateurs de faux assignats. Nous l'avons fait, parce qu'il s'agissait au salut de l'Etat, et maintenant, vous voulez que cette autorité qui n'a été donnée momentanément que pour le crime de falsification d'assignats, reste perpétuellement, et que toujours les citoyens, sous prétexte d'un crime de fabrication de fausse-monnaie qui peut toujours exister, soient toujours dans la crainte de voir arriver chez eux les officiers municipaux, ou les officiers de police, pour faire des perquisitions qu'on peut taxer d'inqui-sitoriale.
Je demande la question préalable sur la proposition.
Par la même raison que la loi» qui n'a pour objet que les assignats, est une loi temporaire, cette loi peut s'étendre au delà, parce que, lorsque vous n'aurez plus besoin d'assignats, et que vous n'aurez plus que delà monnaie, vous pourrez alors déterminer un mode quelconque : mais vous ne pouvez, dans ce moment, séparer la falsification et des assignats et de la monnaie. J'appuie l'addition proposée.
(L'Assemblée nationale décrète qu'il y a lieu à délibérer, et ordonne l'addition des mots fausse monnaie à la suite des mots faux assignats, dans tous les articles.)
Suit la teneur des articles décrétés (1).
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités reunis de législation et des assignats et monnaie, considérant que rien n'est (dus important ni plus pressant que les précautions nécessaires pour assurer la découverte et la conviction des fabricateurs et distributeurs de faux assignats ou fausse monnaie, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. Ier.
« Toutes plaintes ou dénonciations de fabrication ou distribution de faux
assignats ou fausse monnaie, seront portées devant le directeur du
Art. 2.
« Il n'y aura, pour le département de Paris, relativement à cette espèce de crime, qu'un seul tableau de juré d'accusation, dressé par les procureurs syndics des districts de Saint-Denis et de Bourg-la-Reine et par le procureur «le la commune de Paris, réunis; il sera composé de 16 jurés spéciaux, pris parmi les citoyens éli-gibfes et ayant des connaissances relatives.
Art. 3.
« Le directeur de ce juré sera pris, à tour de rôle, tous les trois mois, parmi les membres composant le tribunal du premier arrondissement.
Art. 4.
« Les directeurs de juré, juges de paix, officiers municipaux et tous officiers de police de sûreté sont autorisés à faire, en présence de deux notables ou fonctionnaires publics, ou après les avoir requis de les assister, les ouvertures de portes et perquisitions nécessaires chez les personnes suspectées de fabrication ou distribution de faux assignats ou faussé monnaie et leurs complices, sur les dénonciations revêtues des caractères exigés par la loi, et d'après les renseignements que ces officiers auront pris: ils sont également autorisés à saisir toutes pièces de conviction et à délivrer des mandats d'arrêt. L'agent du Trésor public à Paris, les procureurs généraux syndics des départements, procureurs syndics des districts et procureurs des communes sont spécialement chargés de requérir ces recherchés et perquisitions.
Art. 5.
« Les directeurs de juré et autres officiers désignés en l'article précédent, qui auront commencé la recherche d'un délit de fabrication ou distribution dé faux assignats et fausse monnaie, pourront la continuer et faire les visites nécessaires hors de leur ressort.
Art. 6.
« Dans la huitaine de la publication du présent décret, les municipalités feront connaître aux directoires dé leurs départements, par la voie des districts, lés différentes papeteries qui existent dans l'étendue de leurs communes. Les iuges de paix sont autorisés à faire, quand ils le jugeront à propos, des visites dans ces papeteries, pour y saisir les papiers qui seraient destinés à fabriquer de faux assignats, et ils seront tenus, ainsi que les autres officiers désignés en l'article 4, de procéder à ces visites à toutes ré-quisitions de procureurs généraux syndics des épartements ou procureurs syndics des districts.
Art. 7.
« Il sera accordé au dénonciateur d'un délit de fabrication ou distribution de faux assignats ou fausse monnaié, dont les auteurs auront été déclarés convaincus, une récompense qui sera
fixée par un décret du Corps législatif, pour service important rendu à la patrie.
Art. 8.
« Le dénonciateur ne pourra jamais être entendu comme témoin dans la procédure.
Art. 9.
« Si un particulier, complice d'une fabrication du faux assignats ou fausse monnaie, vient le premier la dénoncer, il sera exempt de la peine qu'il a encourue.
Art. 10.
« Si le même particulier procure l'arrestation de faussaires et la saisie des matières et instruments de faux, il recevra en outre une somme d'argent.
Art. 11.
« Si, après qu'une fabrication de faux assignats ou de fausse monnaie aura été dénoncée, l'un des complices procure, de son propre mouvement, l'arrestation des faussaires et la saisie des matières et instruments de faux, il serà exempt de la peine qu'il a encourue.
Art. 12.
« Les dispositions des trois articles précédents auront lieu à l'égard des complices de fabrication de faux assignats ou de fausse monnaie, entreprise hors du royaume, qui la dénonceraient, soit aux autorités constituées en France, soitàses agents politiques dans les cours étrangères ou qui procureraient l'arrestation des faussaires et la saisie des matières et instruments de faux. »
aîné, au nom du comité militaire, soumet à la discussion un projet de décret (1) sur la formation des légions; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le moyen le plus sûr de faire la guerre avec succès est d'opposer à l'ennemi des troupes de même arme que celles qu'il emploie avec le plus d'avantage; que les corps des troupes légères connues sous la dénomination de légions rempliront cet objet et qu'il est, par conséquent, très instant d'en faire la levée et de les organiser, décrète qu'il y a urgénce.
« L'Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du roi, contresignée par le ministre, après avoir entendu le rapport de son comité militaire et décrété l'urgence, décrète :
Décret définitif.
« Art. 1er. Il sera formé 6 légiohs sous la
dénomination de lre, 2e, 4», 5e et 6e.
« Art. 2. Chaque légion sera composée de 1 bataillon d'infanterie légère,
de 1 régiment de chasseurs à cheval, de 16 compagnies d'infan-
« Les généraux pourront, lorsqu'ils le trouveront à propos, attacher à ces corps le nombre de pièces de campagne qu'ils jugeront couve-nable.
« Art. 3. Pour la formation des 6 légions, il sera choisi, par le roi, parmi les bataillons d'infanterie légère, 6 bataillons, et parmi les 12 régiments de chasseurs à cheval, 5 régiments.
« Art. 4. Parmi les 6 bataillons d'infanterie légère et les 5 régiments de chasseurs à cheval choisis par le roi, les 4 premiers bataillons se réuniront avec les 4 premiers régiments de chasseurs à cheval dans les lieux qui leur seront désignés et, chacun des 2 derniers bataillons et 2 escadrons du 5e régiment de chasseurs, qui sera partagé à cet elfet, se réuniront également dans les lieux qui leur seront désignés.
« Art. 5. Les bataillons d'iufanierie légère, les régiments de chasseurs continueront leur travail pour se porter au pied de guerre, s'ils n'y sont déjà. Chaque compagnie légionnaire sera formée sur le pied de 100 hommes et pourra cependant être portée, en campagne, jusqu'au nombre de 150; la section d'ouvriers sera composée de 30 hommes.
Art. 6. Parmi les 16 compagnies d'infanterie légionnaire de chaque légion, il y aura une compagnie de carabiniers qui sera composée des hommes les plus vigoureux et les plus listes, de5pieds4 pouces au plus, armés de carabines, équipés et exercés d'une manière analogue au genre de service auquel ils seront destinés.
« Art. 7. Chaque légion sera commandée par un officier, sous la dénomination de chef de légion, qui sera nommé par le roi.
« Art. 8. Indépendamment du chef de légion, il sera créé, pour l'infanterie légionnaire. 2 lieutenants-colonels^ adjudants-majors,4 adjudants sous-officiers, un trésorier quartier-maître et un chirurgien-major.
« Art. 9. Le régiment de chasseurs à cheval et les bataillons d'infanterie légère qui serviront à la formation des légions, seront commandés par leurs chefs et l urs officiers respectifs, qui seront cependant sous les ordres du chef de légion, auquel ils seront tenus d obéir.
« Dans les détachements de même arme, le commandement appartiendra au grade supérieur et, à égalité de grade, à l'ancienneté de brevet. Dans les détachements de différentes armes, les loi3 déjà établies sur cet objet serviront de règle.
« Art. 10. Chaque compagnie légionnaire sera composée de 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 caporal-fourrier, 8 caporaux, 8 appointés, 76 fusiliers et 2 tambours.
« Art. 11. La section d'ouvriers sera composée de 1 sergent, 2 caporaux, 2 appointés et 24 ouvriers. Elle sera attachée à l'état-major et ne roulera point pour le service avec les compagnies.
« Art. 12. Il sera établi par le pouvoir exécutif» dans les villes frontières, des dépôts o'd se rendront les corps qui doivent former les, légions et les hommes qui devront former les compagnies légionnaires.
« Art. 13 Lès, sous officiers e^ soldats sortis des troupes de ligne depuis la 'dévolution et qui seront munis de cartouches, £ déiaut de cartouches, de certificats de [eurs municipalités,
qui attesteront leur civisme, seront placés, à la formation des légions, dans le grade et le rang qu'ils avaient dans leur régiment.
Il sera ouvert à cet effet, par un commissaire des guerres, dans chaque lieu de dépôt, un registre où ils seront inscrits au fur et à mesure qu'ils se présenteront.
Art. 14. Les étrangers seront admis dans les légions et ils y seront traités comme les nationaux.
« Art. 15. Les prix et les conditions des engagements pour l'infanterie légionnaire seront les mêmes que ceux portés pour le reste de l'infanterie, par le décret du 23 janvier dernier.
« Art. 16. Les compagnies légionnaires seront formées au fur et à mesure que le nombre de recrues, arrivé au dépôt, pourra fournir celui qui est déterminé pour la formation d'une compagnie.
« Art. 17. Les appointements du chef de légion sont fixés à 9,000 livres, et s'il est officier-général employé, il recevra les appointements affectés à son grade. Ceux des lieutenants-colonels, des adjudants-majors, adjudants sous-officiers, quartiers-maîtres trésoriers, chirurgiens-majors, sergents-majors, sergents, caporaux-fourriers, ca-poraux, appointés, fusiliers et tambours, seront es mêmes que pour ceux qui occupent les mêmes • grades ou places dans l'infanterie légère.
Art. 18. Les sous-officiers et soldats de la compagnie des carabiniers auront un sou de haute-paye. 1
« Art. 19. La solde du sergent, des caporaux, appointés et soldats de la section d'ouvriers-, sera d'un sou de plus que celle des sergents, capo-Taux, appointés et fusiliers des compagnies légionnaires.
« Art. 20. La solde des sous-officiers, comme tels, ne leur sera payée que du jour où ils seront reçus dans ces grades.
« Art. 2.1.11 sera établi, pour l'infanterie légionnaire, à l'instar de l'infanterie légère, des ronds pour former les masses nécessaires à l'entretien de ces corps ; et ces masses, dont les fonds doivent être augmentés à raison des circonstances, recevront lemêmeaccroissementque celui des bataillons d'infanterie légère portés au pied de guerre.
« Art. 22. Toutes les lois militaires faites pour l'infanterie légère, auxquelles il n'est rien ajouté ou abrogé par le présent décret, seront spécialement applicables à l'infanterie légionnaire et seront en conséquence exécutées.
« Art. 23.. Les chefs de;légions auront le droit de présentation pour toutes les places d'officiers à nommer dans 1 infanterie légionnaire, ainsi que le droit de nomination à toutes les places de sous-officiers, qui vaqueront après la première nomination.
« Art. 24. La nomination du chef de légion, celle du lieutenant-colonel, d'un adiudant-major, de deux adjudants sous-officiers, d'un quartier-maître trésorier et du chirurgien-major, se fera immédiatement après, la publication du présent décret.
« La nomination du second lieutenant-colonél, du second adjudant-major et de deux autres adjudants sous-officiers ne se fera que lorsqu'il y aura 8 compagnies de formées.
« Art. 25. Aussitôt qu'il y aura 8 compagnies de formées, il sera établi un conseil d'adminis-tration, à l'instar de celui de l'infanterie légère.
« Art. 26. Les conseils d'administration des ba-taillons d'inlanterie légère et des régiments de
chasseurs attachés aux légions continueront, chacun dans Ijpurs corps respectifs, à suivre le mode d'administration qui leur est prescrit par les décrets et règlements militaires: mais lisseront tenus de rendre compte de leurs délibérations au chef de légion, qui pourra y assister lorsqu'il le jugera nécessaire et y aura voix délibérative.
« Art. 27. 11 sera formé Un conseil général composé de tous les officiers supérieurs de la légion et du plus ancien officier de chaque grade. Les trois quartiers-maîtres trésoriers rempliront alternativement les fonctions de secrétaire; ce conseil s'assemblera toutes les fois que le bien général de la légion l'exigera. »
(1). Messieurs, je suis très fort de l'avis de" votre comité militaire, quant au principe d'avoir des légions, et de les former avec les chasseurs à cheval et les bataillons d'infanterie légère, parce que ces corps étant une émanation des anciennes légions réformées en 1776, leur véritable destination est de faire la petite guerre, d'être conséquemment employés en avant et sur les flancs de l'armée.
Mais l'expérience m'ayant suffisamment démontré qu'il faut au moins un tiers de cavalerie dans une légion pour qu'elle puisse avoir des succès dans le cours de la campagne, je ne vois pas que votre comité ait atteint ce but en vous proposant seulement un régiment de chasseurs; car le pied de guerre de ces régiments n'étant que de 853 hommes montés, ce nombre est bien inférieur au tiers où il porte le total de chaque légion, puisque, d'après le projet qui vous est présenté, on peut présumer que ces corps seront au moins de 3*00J en infanterie seulement. ,
D'après le plan de votre comité, Messieurs, il est incontestable qu'il faudra plus de 14,000 recrues pour former les 12 bataillons légionnaires de nouvelles levées, non compris celles nécessaires pour porter les bataillons d'infanterie légère au pied de guerre.
Ce projet me paraît d'une grande difficulté dans 1 exécution et je le regarde même comme impossible à effectuer totalement dans le cours de la présente année. Je le crois aussi impossible sous plusieurs rapports. Je me bornerai à un seul aperçu : c'est que les troupes légères, en temps de guerre, étant les yeux du général et l'objet ae la confiance de l'armée, il ne me paraît pas raisonnable d'admettre indistinctement dans ces corps la moitié, et presque les deux tiers d'individus inconnus ou étrangers pour la plupart, et que nous devons bien nous garder de confier à des mains souvent inhabiles des fonctions d'où dépendent .presque toujours la sûreté et la sécurité de l'armée entière.
On reçoit, me dira-t-on, des déserteurs dans les troupes légères en campagne: cela est vrai ; mais un chef qui entend bién son affaire se garde bien de les admettre par centaines à la fois dans son corps; et quand il en arrive un grand nombre montés et armés, on leur paye leurs chevaux et leurs armes et on les envoie sur lès derrières où ils se divisent et preniie'nt ensuite parti dans les régiments qui ont besoin d'hommes : c'est ordinairement dans les brigades étrangères qu'ils sontadmis et rarement dans les troupes à cheval.
Je pense que la coupure que l'on vous propose d'un régiment de chasseurs,
pourles deux légions du midi, ne doit pas être adoptée parce que nous
Sans doute qu'une compagnie d'hommes armés de carabines pourrait avoir son utilité, et d'autant mieux encore que nos voisins ont des régiments entiers armés ainsi; nommément le landgrave de Hesse-Cassel et plusieurs autres princes d'Allemagne. Mais, Messieurs, les hommes qui composent cette espèce de troupes sont des Allemands, chasseurs d'extraction. Leur principale qualité est de tirer fort juste à 6 à 700 pas; leurs carabines sont de deux espèces : les unes plus longues qu'un fusil de chasse, se nomment Icugels-bucks; les autres plus courtes que le mousqueton d'un cavalier, se nomment reffls. Elles ne se fabriquent'bien qu'en Allemagne où les chasseurs sont accoutumés de s'en servir; et j'en conclus que la formation de ces compagnies dépend de la circonstance qui pourra fournir les moyens de les composer ; en attendant, il serait possible d'admettre, 8 hommes ainsi armés par compagnie, sous le titre de carabiniers appointés.
Votre comité, Messieurs, vous propose que le commandement en chef de chaque légion soit déféré à un officier au choix du roi, et qu'ensuite le chef de légion aura le droit de présentation pour toutes les places d'officiers à nommer dans l'infanterie légionnaire, ainsi que le droit de nomination à toutes les places de sôùs-officiers qui vaqueront après la première nomination (art. 23).
11 n'y a nul inconvénient à adopter la première partie de la proposition, en ajoutant : sur la- présentation des généraux çômmandant les armées ; mais j'en trouve beaucoup à ce que ce chef, une fois choisi par le général, ait ensuite la faculté de présenter au moins 52 officiers pour composer les bataillons légionnaires de nouvelles levées. (Je dis aii moins, parce que je suis convaincu que trois officiers ne suffisent pas pour mener à la petite guerre des compagnies que l'on se propose de porter à 150 hommes.) Car il faudrait supposer au chef beaucoup de connaissances et d'amis; et je crois qu'il pourrait arriver qu'à l'exception de 7 ou 8 personnes bien connues de lui, les autres pourraient ne devoir qu'au hasard ou à la recommandation l'honneur d'être nommés officiers; et c'est ce que l'on doit éviter, et ce que vous pouvez éviter, Messieurs, si.vous adoptez les moyens que j'aurai l'honneur de vous proposer dans un instant.
Je ne suis pas non plus de l'avis d'avoir une section d'ouvriers de 30 hommes seulement dans les légions, parce que nous devons présumer que, dans des corps aussi nombreux, il se trouvera des ouvriers de tous genres. Or, en formant une compagnie d'artillerie et d'ouvriers dans chaque légion, vous aurez tout rassemblé sous la main pour faire la guerre avec avantage.
Aussi, je suis bien éloigné de penser avec le comité, qu'il faille laisser au général de l'armée le droit d'accorder, ou non, de l'artillerie aux légions: car je maintiens qu'il leur faut abso-
lument dans leur composition; et on ne doit rien prescrire au général pour l'augmenter lorsqu'il jugera nécessaire.
On m'objectera peut-être que les légions étant ordinairement dispersées sur différents points, l'artillerie courrait des risques et serait souvent embarrassante. Je répondrais qu'en supposant que cela puisse arriver, ce ne serait pas une raison pour s'en passer, parce que l'on n'est pas toujours dispersé; et que s'il arrive qu'un corps de troupes légères porte plusieurs gros détachements en avant, la masse restante, beaucoup plus considérablé, doit toujours être en mesure pour secourir les partis avancés qui, s'il se sont repoussés, se replient sur le fond du corps, c'est alors que le canon est nécessaire. 11 ne l'est pas moins pour enfoncer les portes d'une ville qui ne veut pas les ouvrir; pour arrêter ou couler bas des convois sur des rivières. Il ne l'est pas moins, enfin, pour débusquer des tirailleurs de derrière des haies, des abattis, etc.
Messieurs, toutes les légions ont eu des canons, desobusiers ou des mortiers, même des pétards préparés pour enfoncer des portes de ville et des pontons à leur suite pour passer des rivières. Au moins, je suis assuré que la légion royale où j'ai servi avait de tout cela dans la guerre d'Hanovre.
La légion de Lauzun, dans la guerre d'Amérique, quoiqu'elle ne fut composée alors que de 300 hommes de pied et de 300 hussards, avait deux pièces de canon, dont nous nous sommes bien trouvés quelquefois. Plusieurs de mes col-lèguès vous diront que cette petite légion a fait beaucoup de marches longues et très délicates; et après avoir aidé à en prendre quelques-uns aux ennemis, elle a été assez heureuse pour ramener les siens à Lorient, au mois de juillet 1783.
Je dis, Messieurs, que la crainte de perdre des canons ne doit point empêcher une troupe d'en avoir; et elle n'est pas déshonorée quand ils sont pris, lorsqu'elle^les a défendus glorieusement et de toutes ses forces. Je demanderai donc, en conséquence, qu'il y ait une compagnie d'artillerie et d'ouvriers de. 58 hommes, 4 officiers compris, dans chaque légion avec 4 pièces de canon de 4 livres de balles, ainsi que les caissons, chevaux, attirails et munitions de guerre nécessaires.
D'après ce que je viens d'avoir l'honneur de vous proposer, Messieurs, j'aurai celui de vous proposer en conséquence, pour-former d'abord 6 légions, de porter 6 régiments de chasseurs à 910 hommes montés en 8 compagnies de chacun 112 hommes y compris 4 officiers et 14 personnel d'état-major; d'adjoindre à chacun de ces 6 régiments, les 12 premiers bataillons dHnfan-terié légère, que vous devez pàrèillement portèr à 911 hommes aussi chacun, y compris une division d'artillerie et d'ouvriers de 29 hommes, officiers compris, et de 10 personnes de l'état-major; à raison de 2 bataillons,ou 1,822 hommes d'infanterie légère à chaque régiment de chasseurs à cheval. Les compagnies" d'infanterie lé-gèré seront de 109 hommes compris 3 officiers..
Ces corps, après leur réunion, prendraient le titre: de lre, 2e, 3e, ou 6e légion, suivant le n° du régiment de chasseurs.
Alors, Messieurs, vous aurez d'ici à peu de temps, 6 légions de 2,732 hommes chacune, sans autres frais que ceux de recrutement et saris
autre augmentation d'officiers (1); ce qui vous donnerait 16,392 hommes en état de faire la petite guerre, car il y a encore heureusement d'anciens légionnaires dans les chasseurs à cheval et dans Finfanterie légère, dont la réputation est faite et les talents bien reconuus.
Lorsque ces 6 légions seront formées, leur complément vous placera près de 7,000 hommes, tant de braves soldats de la marine licenciés, que des autres braves militaires arbitrairement estitués. 11 nous restera encore 6 régiments de chasseurs et 6 régiments de hussards, que vous devez aussi porter à 910 chevaux, et qui donneront 10,920 chevaux de troupes légères. Cette augmentation en hommes et en chevaux donne un aperçu de 3 à 4.000; et en adjoignant à ces 12 régiments de cavalerie légère, au besoin, et dans les circonstances importantes, 10 ou 12 compagnies de grenadiers volontaires à chacun, j ose assurer qu'une telle réunion de braves gens ferait des merveilles et qu'ils seraient bientôt maîtres de la campagne.
Aussi, Messieurs, il vous est aisé d'apercevoir la facilité de ces moyens, de vous persuader qu'en les adoptant, vous aurez à votre disposition plus de 33,000 hommes de troupes légères en état de faire la campagne prochaine.
Messieurs, avant de conclure, il est de mon devoir de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale un court aperçu de la composition des armées de l'empéreur et du roi de Prusse. Ce tableau, que je me suis procuré sur les lieux, lors- que j'ai pu voyager pour mon instruction, peut 'autant plus mériter la confiance de l'Assemblée, que les ministres de ces puissances ne se permettent pas, comme ailleurs, de faire annuellement des changements dans les armées et que le feu roi de Prusse ne s'en est permis un'un seul pendant la durée dé son règne, celui d augmenter de 40 hommes toutes les compagnies d'infanterie, pour porter les bataillons de son armée à 900 hommes, qui auparavant n'étaient qu'à 700.
L'armée du roi de Prusse est composée de 161 bataillons de 900 hommes chacun; ce qui donne une force de....... 144,900 fantassins. Plus de 233 escadrons, dont le total en hommes varie de la cavalerie aux dragons et hussards. Dans ce nombre d'escadrons, il y en a 100 de hussards, formant 10 régiments; eu tout......... 34,950 hommes à cheval. --—-
Total général..... 179,850 hommes.
L'armée de l'emnereur est, au pied de paix, d'environ 232,250 hommes; et sur le pied de guerre elle doit être de 280,755 hommes, dont 3,106 hommes de cavalerie, et sur ce dernier nombre, plus de 15,000 de cavalerie légère.
Dans les 227,649 hommes d infanterie, il y a
Les régiments d'infanterie de ligne, au pied de paix, sont de 2,707 hommes; et en guerre de 3,007.
Les régiments sont de 833 à 1,000 chevaux en paix; et en guerre, 1,194.
Mais les carabiniers sont toujours au complet de guerre; et ces régiments sont de 1,362 chevaux.
Outre ce, dans chaque régiment d'infanterie, il y a depuis 200 jusqu'à 700 surnuméraires, que le dernier empereur payait à part, et qui n'étaient pas compris au total de la caste militaire (j'ignore si Léopold a conservé l'ancien usage) indépendamment encore des cadets de régiment et des cadets de l'empereur, attachés à l'état-major. Le ^compagnies d'infanterie sont à 113 hommes, compris 3 officiers, et les compagnies de cavalerie sont à 137 hommes, compris 6 officiers.
Cette armée, dans son ensemble, ne présente que 120 régiments, et une vingtaine de compagnies détachées; ce qui prouve évidemment, Messieurs, que les gros régiments économisent les petits états-majors ; et il est utile d'observer encore que les états majors des régiments de l'empereur ne sont composés que de 10 personnes dans l'infanterie et de i5 dans la cavalerie, dont 4 officiers supérieurs.
D'après ce tableau, dont j'ai tous les détails, et dont il serait difficile de nier l'existence, on doit conclure que si nous somme» forcés de guerroyer avec 1 une ou l'autre de ces puissances, il nous faut de nombreuses troupes légères, principalement pour opposer à celles de l'empereur. Couséquemment, il faut augmenter la force de nos escadrons et de nos bataillons légers d'abord, sauf ensuite à les porter à un plus grand nombre.
Ainsi, Messieurs, en récapitulant les moyens que j'ai déjà eu l'honneur de vous proposer, nous portons les 18 régiments de cavalerie légère à 910 chevaux chacun, ou......... 16,380 h
L'infanterie légère des 6 lésions à 1,822 hommes en deux bataillons à chacun........................ 10,032
Au moins 120 compagnies de grenadiers volontaires nationaux, que l'on peut adjoindre aux 6 régiments de hussards, et aux 6 régiments de chasseurs non employés dans les légions, et pour des entreprises importantes............................ 7,560 h.
Total.......... 33,972 h.
Les grenadiers volontaires ne demanderaient sûrement pas mieux d'acquérir de la gloire, en affrontant souvent les diugers. Si ces premiers moyens ne suffisent pas pour opposer un grand nombre de braves surveillants a nos ennemis, il m'en reste encore un facile et prompt à vous proposer. Messieurs, pour avoir d'ici à peu de temps plus de 9,000 hommes de troupes légères d'un nouveau genre, tant à pied qu'à cheval, lesquels, je n'en doute pas, feraient infiniment de mal à nos ennemis.
Je travaille à rédiger un projet de décret qui remplira les vœux de l'Assemblée et présentera peut-être plus d'avantages pour la nation que celui proposé parle comité. Le temps ne m'ayant
pas permis de l'achever, je demande l'ajournement de la discussion.
J'appuie l'ajournement de la discussion du projet du comité, parce qu'il faut au moins 4 jours pour examiiier et peser mûrement ce projet de decret.
J'appuie l'ajournement, parce qu'il est infiniment intéressant que l'Assemblée, avant de prendre une décision, entende les conséquences que M. Hugau a pu tirer des excellents principes qu'il vient de développer.
J'entends proposer l'ajournement, et je ne sais sur quoi on le l'onde: car le discours de M. Hugau contient plutôt des amendements au projet du comité qu'une réfutation de ce projet et les observations qu'il a présentées peuvent bien être examinées et adoptées au cours de la discussion. Vous ne pouvez vous dissimuler que, pour faire la guerre dont la France est menacée, il faut vous y préparer et former des corps de troupes légère , dont le service est d'une utilité reconnue dans le cours des campagnes. Vous ne pouvez vous dissimule11 que si vos troupes légères ne sont formées que la veille de la guerre, elles ne seront pasexercées. Je m'étonne que ceux qui parlent toujours de leur amour pour la Constitution, soient toujours les premiers à s'opposer aux moyens qui peuvent aider à la défendre et je ne conçois pas comment on montre tant de zèle pour combattre les ennemis de la Constitution et comment on néglige en même temps les moyens de les abattre. Je commence à croire, ou qu'on ne veut Îilus la guerre, ou qu'on veut s'exposer à la aire mal, et je m'indignerais d'une semblable résistance, si jVtais moins convaincu de la pureté des intentions de tous mes collègues. Soit que nous fassions la guerre ou qu'on nous la fasse, il faut des troupes légères et il en faut promplement pour avoir le temps de les organiser et de les exercer. Ce n'est point par des mots qu'on peut engager l'Assemblée à différer cette discussion, et à la faire regarder comme plus importante encore qu'elle ne l'est en efîet. Je demande donc que le projet du comité soit discuté article par article. Si l'on persiste à proposer l'ajournement, je demande qu'on le motive.
M. Lacuée prétend que les objections de M. HugMu ne sont que des amendements au projet du comité. Ce moyen est adroit pour écarter l'ajournement; mais je soutiens que l'opinion de \'. Hugau est absolument opposée à celle du comité. Il est nécessaire de peser ses observations et d'entendre le projet ae décret qu'il doit proposer. Quant au reproche que hasarde M. Lacuée, je lui fais ma profession de foi, je veux la guerre ; je crois qu'elle est absolument nécessaire pour que nous sortions de l'état de mortoû nous sommes ; mais pour faire cette guerre avec avantage je ne veux pas de légions organisées comme le comité le propose. J'insiste donc sur l'ajournement.
La formation des légions, telle que la propose le comité, met dans la main d'un seul homme la sûreté de l'armée entière et le destin de la Constitution. Cet homme peut être pur, mais il peut ne l'être pas, et certes il m'est permis de douter qu'il le soit. C'est au roi qu'appartiendra la nomination du chef des légions ; à ce chef celle des officiers ; ensuite, il y a l'influence du ministre, ensuite la faculté d'y appeler des étrangers. Quels garants, bon Dieu I
Le roi y placera qu'il jugera à propos ; les patriotes ny entreront pas les premiers: je ne veux pas appuyer sur les dangers d'une telle mesure, ils se font aisément sentir, et je ne conçois pas quels motifs peuvent tant indisposer M. Lacuée contre l'ajournement. Déjà plusieurs militaires ont annoncé qu'ils voulaient parler sur cette question ; ils se sont fait inscrire. Par ces considérations, j'insiste sur l'ajournement, que je propose de fixer à 4 jours, et je demande en outre l'impression du discours de M. Hugau, qui voudra bien y joindre son projet de décret.
Si des déserteurs allemands sont nommés officiers, si des hommes que je n'estime pas dignes d'ê re Français commandent ces troupes, ne peuvent-ils pas immoler un pays qui n'est pas leur patrie aux intérêts des émigrés avec lesquels ils sont liés ?
Loin de partager les craintes des préopinants sur la formation de ces nouveaux corps militaires qu'ils paraissent regarder comme dangereux, je suis convaincu que ces légions peuvent être infiniment avantageuses et que ces étrangers dont on s'effraie tant seront les plus chauds amis de la liberté et les plus ardents défenseurs de la Constitution; Ces corps sont utiles et même nécessaires pour la petite guerre, toujours avantageux quand elle est bien conduite. Je rends hommage aux connaissance de M. Hugau, qui a fait avec succès cette espèce de service, et je demande qu'il communique son projet de décret au comité militaire et que la discussion.en soit ajournée.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur l'ajournement!
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'ajournement et ajourne la discussion à 4 jours; elle décrète eu outre l'impression demandée du discours de M. Hugau auquel il devra joindre le projet de décret qu'il doit présenter.) (1).
, au nom du comité d'instruction publique, fait un rapport (2) et présente un projet de décret sur la pétition du département de Paria pour rétablissement des écoles p imaires et la suppression du tribunal de f Université. II s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité d'instruction publique, une pétition du département de Paris (3) dans laquelle il demande la suppression du tribunal de l'Université, et l'établissement actuel des écoles primaires dans les différentes sections de la capitale. Votre comité m'a chargé de vous en rendre compte, et de vous proposer sou opinion.
L'Université de Paris est composée, comme toutes les autres, de 4
facultés : la théologie, le droit, la médecine et les arts. Chacune
d'elles a des revenus particuliers. Ceux des facultés de droit et de
médecine sont peu considérables; ce ne sont pas du moins des revenus
fixes ; ils consistent, presque en entier, dans les examens, les thèses
et les inscriptions. Mais la faculté de théologie et celle des arts ont
trouvé, l'une dans l'invention heureuse dès messageries, l'autre dans la
bienfaisante crédulité des peuples, une source plus féconde de riehes-
Le régime de l'enseignement, dans l'Univer-r sité de Paris, subsistera donc tel qu'il est, jusqu'à cette époque qui, heureusement, n'est pas éloignée. La section que votre comité d'instruction avait chargée de lui présenter un plan général, a terminé ses premiers travaux; elle les lui soumet dans ce moment; et bientôt nous viendrons fixer votre attention sur ces grands objets. Vos prédécesseurs ont fondé la constitution politique de l'Empire français : vous fonderez sa constitution morale ; et l'enfance, heureuse de trouver la raison et la liberté où elle ne trouvait autrefois que les préjugés et l'esclavage, éternisera par ses vertus lés droits des législateurs à la reconnaissance publique. {Applaudissements.)
Mais en laissant subsister le régime actuel de l'éducation dans l'Université de Paris, en conservant ses études et ses maîtres, le directoire vous dénonce la corporation formée sous le nom de tribunal, dont plusieurs membres sont étrangers à l'enseignement, et qui dévore chaque année une somme de 72,000 livres en payements de gages, pour de grands et petits officiers qu'elle se donne; en frais de sportules ou droits de présence à des assemblées inutiles, de carrosses, de présentations de cierges, de processions, de cérémonies publiques, de dîners à la suite de ces cérémonies (liires.) ; enfin de messes, pour lesquelles, par une bisarrerie remarquable, on paye, non ceux qui lès disent, mais ceux qui les écoutent: (liires et applaudissements.) :
Là, un recteur, chef électif, et plusieurs officiers, dont les 4 principaux portent le titre de procureurs des nations, se réunissent pour accorder des grades que personne ne demande plus, et pour rendre des arrêts quoiqu'il n'existe ni justiciable ni territoire, (liires.) Il est trop évident que le terme d'une pareille institution est arrivé, et nous ne doutons point, que l'Université elle-même ne s'empressedele reconnaître.
Cependant, tandis que 72,000 livres se consument annuellement pour soudoyer l'orgueil inutile dequelques professeurs qui ont, dans leurs travaux, des titres bien plus réels à la considération publique, les écoles paroissiales languissent dans l'abandon et la misère. Le plus grand nombre d'entre elles n'était soutenu que par les charités actives de ceux qui joignaient à l'opulence l'amour sincère ou le faste heureux de la vertu. Mais la plupart de ces hommes, égarés aujour-d'hui, ont retiré la main bienfaisante qui versait des secours aux enfants du pauvre. Calomniateurs éternels d'une religion dont ils se disent les défenseurs, ils lui supposent l'horreur de la liberté et de l'égalité ; ils veulent faire de la noblesse un dogme pieux, et nous faire en même temps un crime de l'anéantissement de la tyrannie. Le christianisme, cependant, ne naquit pas au sein de l'aristocratie, et, dès sa naissance, il a cherché à venger les hommes de l'opprobre dont les avait flétris l'esclavage. (Applaudissements)
Vous devez, Messieurs, vous empresser de secourir une génération naissante, que les ennemis du peuple voudraient condamner à
l'ignorance pour la ramener plus aisément à la servitude.- Leurs espérances à cet égard seront trompées, comme tous les vœux qu'ils forment contre la patrie. Le peuple n'aura pas en vain connu et reconquis ses droits. La philosophie, si longtemps bannie de la France, si longtemps poursuivie par les terreurs et les remords de» rois, tour à taur étouffée, outragée, punie par les satellites complaisants du despotisme épouvanté, la philosophie a retrouvé sa puissance ; elle étendra son empire jusque dans l'asile du pauvre ; elle lui fera senlir que, loin d'être flétrissante, sa destinée est plus honorable encore s'il sait être utile et laborieux ; et que, chez une nation libre, il n'y a de honteux que l'indigence des vertus. (Applaudissements.)
Mais, en attendant que l'organisation définitive de l'instruction publique puisse la faire circuler dans toutes les ramifications de la société française, faut-il adopter la mesure que le département de Paris vous p opose, célle d'établi^ dans chaque section, une école primaire provisoire? Votre comité ne le pense pas. AU moment d'établir un système général d'éducation, pourquoi faire des institutions nouvelles? pourquoi isoler ou placer d'avancé, quelques matériaux du grand édifice que vous allez construire? Il existe, à Paris, un grand nombre d'écoles qui, toutes ont une école marquée, qui toutes avaient des maîtres, et ne les ont perdus, ou ne sont menacées de les perdre, que par l'impossibilité dans laquelle on est dé payer leur salaire : n'est-il pas beaucoup plus simple de conserver provisoirement ces écoles et ces maîtres ; de s'acquitter envers eux des indemnités qui leur sont dues, et de leur garantir celles qu'ils mériteront encore, que de chercher, pour chaque section, un local nouveau, et peut-être de nouveaux instituteurs ?
Quant aux différents membres du tribunal dé l'Université, votre comité a vu qu'ils trouvaient dans ce droit de présence, dont la suppression devient indispensable, un accroissement d'honoraires qu'on peut regarder comme une partie du salaire de leurs fonctions; cette partie, assez peu considérable en elle-même, étant déterminée d'une manière précise, par des statuts particuliers, il croit'juste de la remplacer par une indemnité équivalente, prise sur les 72,000 livres : il croit encore qu'au lieu d'être éparse dans les mains dé 7 ou 8 grands questeurs, élus tous les ans, et payés pour payer eux-mêmes tant de dépenses inutiles; cette somme doit êire recueillie par un seul receveur ; celui qui est chargé, dans le département, de la recette du produit des bi'ens nationaux.
En li n, Messieurs, quand vous aurez organisé l'instruction publique, vous récompenserez, sans doute, ceux qui lui consacrent maintenant leur temps et leurs lumières, ou en lèur offrant les moyens de servir encore leur patrie.
L Université eut longtemps l'orgueil de se proclamer la fille des rois français, comme les rois français eurent l'humilité de se proclamer les fils aînés de l'Eglise : aujourd'hui, les citoyens, chargés de l'éducation, seront les véritables pères du peuple; ils auront créé son bonheur et ses vertus
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
Projet de décret d'urgence. ..
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu
le rapport de son comité d'instruction publique sur la pétition du département de Paris pour rétablissement des écoles primaires et la suppression du tribunal de l'Université ;
Considérant qu'il est indispensable et pressant de fournir aux écoles de Paris des secours oui puissent les faire subsister jusqu'à la nouvelle organisation de l'instruction publique, décrète qu il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit ;
« Art. ler. Les corporations connues sous le
nom de tribunal de l'Université, de nations de France, de Picardie, de
Normandie, d'Allemagne et toutes les magistratures ou offices de ces
corporations sont supprimées.
« Art. 2. Lés revenus de ces corporations seront versés dans les mains du receveur particulier chargé, par le département de Paris, de la recette du produit des biens nationaux.
» « Art. 3. Le directoire acquittera provisoirement les charges dont ces revenus étaient grevés pour ce qui concerne l'éducation, notamment le payement des bourses fondées, et la dépense de la distribution des prix.
Art. 4. U accordera provisoirement aux officiers de ces corporations supprimées, une indemnité équivalente aux droits de présence que chacun d'eux recevait.
« Art. 5. Les appariteurs et bedeaux conserveront provisoirement les appointements fixés dont ils jouissaient.
« Art. 6. Sur le compte rendu par la municipalité, des besoins des écoles pour subvenir aux frais journaliers et aux honoraires des maîtres ou des maîtresses, lé directoire pourra leur accorder la somme qu'il jugera indispensablement nécessaire. »
Plusieurs membres : Aux voix! aux "Voix !
D'autres membres : Non! nonl L'impression et l'ajournement !
Il faudra faire une dépense de 72,000 livres et elle sera aussi inutile que ridicule. Je demandé l'ajournement.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à mardi prochain.)
, ex-président, prend place au fauteuil.
PRÉSIDENCE DE M. GUADET.
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, propose un projet de décret relatif à Vemplacement du district de Poligny, département du Jura (l). 11 est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le local provisoirement occupé
jusqu'ici par le dis-trict de Poligny, n'est pas convenable à l'étendue
des travaux de son administration ; vu l'avis du ministre de l'intérieur
et après avoir entendu
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. ler. Le district de Poligny,
département du Jura, est autorisé à acquérir, aux frais des administrés,
et suivant les formes prescrites par les lois relatives à l'aliénation
des biens nationaux, une partie de la maison des ci-devant dominicains
de Poligny, pour y établir son administration et le bureau de
conciliation.
« Art. 2.11 sera procédé au rabais des ouvrages et réparations nécessaires, sur le devis estimatif qui en a été dressé, pour le montant de ladite adjudication être pareillement supporté par les administrés. »
Un membre : Je demande la question préalable sur ce projet de décret, parce que l'Assemblée n'a iamais permis aux districts d'acquérir, mais seulement de louer des domaines nationaux pour y fixer leur administration.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur lé projet de décret.)
Je propose que le district soit au moins autorisé à louer un local pour son emplacement.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, propose un projet de décret relatif à l'emplacement du département des Deux-Sèvres (1). Ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, considérant que, dès le 29 janvier 1791, le directoire du département des Deux-Sèvres, avec l'autorisation du cohseil général dé cé département, a fait la soumission pour l'acquisition de la maison des ci-devant cordeliers de la ville de Niort, à l'effet d'v fixer son administration, après avoir entendu le rapport de soncomitédel'extraordinairedesfinances et l'avis du ministre de l'intérieur, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le directoire du département des
Deux-Sèvres est autorisé à se rendre adjudica-taiie, aux frais des
administrés, des terrains, bâtiment, jardin et cloître de la maison des
ci-devant cordeliers de la ville de Niort, pour y fixer définitivement
l'établissement de son administration; à la charge par lui, de remplir
les obligations portées dans les décrets précédemment rendus.
« Art. 2." Il est pareillement autorisé à faire, dans le susdit local,
les réparations qu'exige cet établissement, conformément au devis qu il
en a fait faire, à la charge toutefois de procéder dans les formés
prescrites à l'adjudication au rabais, de ces ouvrages et réparations.
(L'Assemblée repousse l'urgence, décide que ce projet de decret sera soumis aux trois lectures et que la première lecture est faite.)
, au nom du comité de Vextraordinaire des finances, présente un projet de décret relatif à l'emplacement de la maison commune de Bléré, district d'Ain boise, département d'Indre-et-Loire (1). Ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le local choisi par le conseil général de la commune de Bléré, est le seul convenable à l'établissement de sou administration et qu'il est urgent qu'elle soit établie dans une maison sure et commode ; sur l'avis du ministre de l'intérieur et après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgenct-, décrété ce qui suit :
« Le conseil général de la commune de Bléré est autorisé à acquérir la maison des ci-devant chapelains de Saint-Pierre, pour y établir son administration; il est également autorisé à prendre sur le seizième qui lui revient de la vente des biens nationaux dont il est soumissionnaire, tant la somme de 3,000 livres, montant de la valeur foncière de cette maison, que celle qui sera nécessaire pour le payement des ouvrages et réparations qu'il conviendra d'y faire, à la charge toutefois de procéder dans les formes prescrites, à l'adjudication au rabais, de ces ouvrages et réparations. »
(L'Assemblée repousse l'urgence, déclare que le projet de décret sera soumis aux trois lectures et que la première lecture est faite et ajourne la seconde à huitaine.) (La séance est levée à 10 heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du vendredi 24 février 1Î92, au soir.
Projet de décret (2) présenté par M. Claude llugau (3) relatif à la formation de six nouvelles légions.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale,délibérant sur la proposition du roi contresignée par le ministre; après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et décrété l'urgence, décrète :
Décret définitif.
« Article 1er — Il sera incessamment formé 6
légions, sousladénomination de lre, 2e, 3°, 4e, 58et 6e.
« Art 2. — Chaque légion sera composée de deux bataillons d'infanterie légère, d un régiment de chasseurs achevai, et d'une compagnie de canonniers et d'ouvriers.
« Il sera attaché à chaque légion 4 pièces d'artillerie de 4 livres de balles, avec les trains, ustensiles et munitions de guerre nécessaires.
« Art 3. — Les 6 légions seront formées des 6 premiers régiments de chasseurs à cheval, et des 12 premiers bataillons d'infanterie légère existants dans l'armée.
« Art. 4. — Chacune des 6 légions sera composée de 2,732 hommes, tant à pied qu'achevai.
« Art. 5. — Pour parvenir à la formation des légions, les 6 premiers régiments de chasseurs seront portés à 91 u hommes montés, élat-major et officiers compris; et les 12 premiers bataillons d'infanterie légère seront pareillement portés à 911 hommes, compris i'etat-major et les officiers, ainsi que la division d'artillerie dont il sera parlé ci-après. En conséquence, ces régiments continueront leurs travaux pour se porter au pied de guerre prescrit par le régit ment, s'ils n'y sont déjà.
« Art. 6. — Les compagnies de chasseurs à cheval seront composées d'un maréchal des logis en chef, 2 maréchaux des logis, 1 briuadier-four-rier, 4 brigadiers, 4 appointés, 1 trompette, 1 ma-réchal-ferrant, 94 chasseurs commandés par un capitaine, 2 lieutenants (1; et un sous-lieutenant; au lotal 109 hommes
« Art. 8. — Il ne sera rien changé à la composition de l'état-major des régiments de chasseurs et des bataillons d'infanterie légère.
« Art. 9. — La compagnie d'artillerie sera composée d'un sergent-major, 2 sergents, 1 ca-poral-fourrier, 4 caporaux, 4 canonniers de première classe, 4 canonniers de seconde classe, 1 tambour, 38 canonniers et ouvriers commandés par un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant en deux divisions, au total 58 hommes.
« A la première division, servant avec le premier bataillon, seront attachés le capitaine, le sergent-major, un sergent, 2 caporaux, 2 canonniers de lre classe, 2 canonniers de 2e classe, le tambour et 19 canonniers et ouvriers.
« A la seconde division servant avec le'second bataillon, seront attachés le lieutenant et le sous-lieutenant, et le surplus de la compagnie non compris dans la première division.
« Art. 10. — Pour parvenir à la formation des compagnies d'artillerie et ouvriers légionnaires, et leur donner une composition digne de l'importance de leur service, tous les officiers d'artillerie, ci-devant désignés sous le titre de garçons majors et de lieutenants en troisième, reformés et auxquels les lois précédents conservent des appointements jusqu'à leur remplacements (2), seront admis à occuper les 6 places
de capitaines et les 6 places de lieutenants dans les 6 compagnies d'artillerie légionnaires; ils jouiront des appointements du grade qu'ils auront obtenu dans lesdites compagnies, sur le même pied que dans le corps de l'artillerie, et ils conserveront, en outre, la moitié du traitement qui leur avait été accordé précédemment.
« Les sous-officiers d'artillerie, porteurs de bons congés seront admis pour les emplois de sous-lieutenanis à nommer lors de la formation.
« Tous le« sujets que des raisons particulières auraient mis dans le cas de prendre leur congé dans les régiments d'artillerie, et qui, encore en état de servir se présenteraient dans lesdites compagnies, y seront employés autant qu'il y aura de place à donner dans les mêmes grades qu'ils auraient occupés dans les régiments d'artillerie; et lorsque, tous les grades à haute paye seront remplis, ceux des anciens artilleurs gradés qui n'auraient pas pu en être pourvus recevront une solde de haute paye par jour, jusqu'à ce qu'ils soient parvenus au grade équivalent à celui dont ils jouissaient.
« Ceux d'entre eux qui auraient oblenu des pensions de retraite, les conserveront en entier jusqu'à la somme de 150 livres et ils jouiraient, pendant la durée de leur service, de moitié des pensions de 300 livres et au-dessus.
« Art. 11. Les bataillons d'inlanterie légère, de même les regiments de chasseurs, ne seront point incorporés, mais adjoints seulement pour le temps qui sera jugé nécessaire. Ils conserveront, réunis en légion, leur administration particulière; et, à cet effet, le pouvoir exécutif donnera tous les ordres et instructions convenables à ces différentes armes.
« Art. 12. Chaque légion sera commandée en chef par un officier présenté par le général de l'armée où elle sera employée, et nommé par le roi.
« 11 ne fera point partie de l'état-major de la légion, et le général pourra lui confier le commandement ae plusieurs légions s'il le juge à propos.
« Art. 13. Les régiments de chasseurs à cheval et les bataillons d'infanterie legère qui formeront les 6 légions, continueront d'être commandés par leurs chefs et leurs officiers respectifs, qui seront cependant sous les ordres du commandant en chef, auquel ils seront tenus d'obéir.
« Art. 14. En présence, comme en l'absence du commandant en chef, le colonel légionnaire aura le commandement intérieur de la légion pour tout ce qui concerne le service et la discipline. En l'ausence du colonel, ce sera le plus ancien des lieutenants-colonels ; et à parité de grade, ce commandement appartiendra au plus âgé des lieutenants-colonels, de quelqu'aruie qu'il puisse être.
« Mais, dans les détachements de différentes armes, les lois déjà établies sur cet objet serviront de règle.
« Art. 15. Les régiments de chasseurs et les deux bataillons d'infanterie réunis en lésion, rouleront séparément sur eux-mêmes pour l'avancement particulier des ofliciers.
« Art. 16. Pour parvenir à compléter les régiments de chasseurs et les 12 bataillons d'infanterie légère destinés à former les 6 légions, les hommes licenciés des colonies, et tous autres militaires arbitrairement destitués de leurs fonctions daus les régiments de terre et des colonies, qui seront munis de cartouches, ou,
au défaut de cartouches, de certificats de leur municipalité, qui attesteront leur civisme, seront admis dans lesdites légions. Ils pourront choisir celle qui leur conviendra, ainsi que l'arme à laquelle ils se croiront propres; le tout préalablement, après qu'il aura été prouvé qu ils n'ont jamais reçu de peines diffamantes.
« A mesure qu'il y aura des places vacanteSj elles seront données à ceux d'en ire eux qui occupaient le même grade dans des régimsnts( l); et jusqu'à ce qu'ils aient été nommés à des places de sergeut ou de maréchal des logis, de caporal ou de brigadier, ils recevront une haute paye d'un sol par jour.
Seront admis pareillement, aux mêmes conditions, tous Français qui se présenteront de bonne volonté pour servir dans lesdites lésions.
« Art. 17. Les étrangers seront admis dans les légions et ils y serout traités comme les nationaux.
Art. 18. Le prix et les conditions pour les engagements des légionnaires seront les mêmes que ceux portés pour l'infanterie et la cavalerie par le décret du 23 janvier dernier.
« Art. 19. La solde, les masses et l'augmentation de paye pour la campagne, seront les mêmes pour les légions que daus 1 infanterie et les dragons, à l'exception des appointes carabiniers de l'infanterie qui jouiront d'un sel par jour de haute paye; et si, dans ce nombre, ii s'en trouvait qui eussent quitté leur régiment dans le grade de sous-officier, il leur sera payé en outre Te sol d'augmentation prescrit par l'article 12 du présent décret.
En conséquence, les fonds seront faits dans chaque régiment de chasseurs et bataillon d'infanterie légionnaire, pour les masses nécessaires à l'entretien des hommes et des chevaux d'augmentation : c> s masses, dont les fonds doivent être augmentés à raison des circonstances, recevront le même accroissement que celui des autres régiments de même ar ne dans l'armée.
« Art. 20. 11 sera établi, parle pouvt i,- exécutif, dans les villes frontières, des dépôts où se rendront les corps que doivent former les légions, et les hommes qui devront augmenter les compagnies légionnaires.
« Art. 21. Le pouvoir exécu'if donnera les ordres nécessaires pour que les sous-officiers et soldats des régiments coloniaux présentement en France, se rendent auxdits dépots, et par proportion, autant qu'il sera possible.
« Art. 22. Le pouvoir executif nommera, à cet effet, un ou plusieurs commissaires des guerres, qui se transporteront sur les lieux habités par les troupes coloniales, dans les différents départements du royaume, pour y vérifier le temps des engagements restant à remplir par les sous-officiers et soldats des troupes des colonies, comme aussi pour en faire contracter de nouveaux à ceux qui voudraient se rengager au terme de l'article 18 du présent décret.
« Les sous-officiers et soldats des troupes des colonies rejoindront les différents dépôts désignés par le roi, pour le rassemblement des légions «ù ils auront désiré de servir, sur des routes par étapes, et ils y seront conduits, soit par le commissaire des guerres, soit par tel autre officier militaire préposé à cet égard.
« Art. 23. A mesure que les hommes arriveront aux différents dépôts, ils seront répartis daus les
compagnies des différentes armes qu'ils auront choisies; de manière cependant que les compagnies soient également composées.
p Art. 24. La nomination du commandant en chef de chaque légion se fera immédiatement après la publication du présent décret. Ils seront tenus de se rendre sur-le-champ au lieu de rassemblement des Corps qui doivent composer les légions confiées à leur commandement; ils procéderont de suite à leur adjonction et augmentation, et ils tiendront exactement la main à leur instruction, armement, habillement et équipement.
« Art. 25. Les appointements de commandant en chef sont fixés à 9,000 livres; et s'il est officier général employé/ il recevra les appointements affectés à son grade.
« Art. 26. Toutes les lois militaires faites pour l'infanterie et la cavalerie légère, auxquelles il n'est rien ajouté ou abrogé par le présent décret, seront spécialement applicables aux légionnaires, et seront en conséquence exécutées.
« Art. 27. Les conseils d'administration des bataillons d'infanterie légère, et des régiments de chasseurs attachés aux légions,- continueront, chacun dans leurs corps respectifs, à suivre le mode d'administration qui leur est prescrit par les décrets et règlements militaires; mais, ils seront tenus de rendre compte de leurs délibérations au commandant en chef de la légion, qui pourra y assister lorsqu'il le jugera nécessaire, et il y aura voix déliberative.
« Art. 28. Il sera formé un conseil général, composé de. tous les officiers supérieurs de la légion et du plus ancien officier de chaque grade, dans les chasseurs ét dans chaque bataillon. Les 3 car-tiérs-maîtres trésoriers, rempliront alternativement les fonctions de secrétaire. Ce conseil s'assemblera toutes les fois que le bien général de la légion l'exigera.
« Art. 29. Les 6 régiments de hussards et les 6 régiments de chasseurs, non employés dans les légions, seront portés le plus promptement possible au grand complet de guerre, c7est-à-dire au nombre de 910 hommes à cheval.
« Art. 30. Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts pour l'exécution du présent décret, lequel sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Séance du samedi
PRÉSIDENCE DE M. MATHIEU DUMAS.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 23 février.
Un de Mil. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Moullron, officier et enseigne de marine, qui a pour objet d'obtenir la dispense de se rendre à la revue générale décrétée qui peut porter le plus grand préjudice à ses intérêts.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
2° Pétition du sieur Cheradame qui prie l'As-
semblée d'ordonner le règlement des mémoires de ses travaux et fournitures relatifs à la clôture des murs de Paris.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
, au nom du comité de liquidation. J'observe à l'Assemblée que le rapport fait mardi dernier (1) sur la liquidation des mémoires des entrepreneurs, fournisseurs et ouvriers de la clôture de Paris, avait pour objet d'ordonner le règlement de ces mémoires par le ministre des contributions publiques. L'Assemblée n'a eu dessein de prononcer l'ajournement que sur la demande des ouvriers et fournisseurs de la clôture de Paris, en payement provisoire d'une sommé de 1,500,000 livres, à compte de Ce qui peut leur être dû, mais non sur la demande de ces mêmes ouvriers, entrepreneurs et fournisseurs en règlement de leurs mémoires. Je demande que l'Assemblée prononce le renvoi au pouvoir exécutif du règlement de ces mémoires.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Pyrot.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« Tous créanciers, architectes, entrepreneurs, fournisseurs et ouvriers employés aux travaux de la clôture de Paris, présenteront leurs mémoires et titres de créances, de quelque nature qu'ils soient, au ministre des contributions publiques, qui les fera vérifier et les ordonnancera, pour, lesdits mémoires et titres de créance ainsi vérifiés, être remis au commissaire général de la liquidation. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre des administrateurs du conseil général de la commune d'Avignon qui se plaignent des calomnies contenues dans une des dernières lettres,des commissaires Civils; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le conseil général de la commune d'Avignon n'a pu voir sans une
indignation extrême la calomnie dirigée par les commissaires civils
contre la municipalité, les citoyens et la garde nationale de cette
ville, qui jouirait de la plus profonde paix si elle n'avait pas le
malheur de les posséder dans son sein. Nous démentons formellement
toutes les inculpations contenues dans la lettre de ces commissaires au
ministre de l'intérieur, en date du premier de ce mois (2). Nous les
sommons de produire les preuves des horreurs qu'ils ont articulées
contre nous. Nous les dénonçons comme des despotes qui ont constamment,
dans cette malheureuse contrée, substitué leur volonté arbitraire à la
loi. Nous ne répondons qu'un mot à leur calomnieuse inculpation. Nous
jurons de maintenir, au péril de nos fortunes et de nos vies, la
Constitution, toute la Constitution, et rien que la Constitution. Ceux
qui disent ou (liront à 1 Assemblée que les sentiments des Avignonnais
ne sont pas ceux dont nous vous transmettons l'expression, sont des
imposteurs dignes du plus profond mépris. Que l'Assemblée nationale
veuille prononcer notre jonction au département des Bouches-du-Rliône,
qu'elle or-
« Nous sommes avec respect, etc.
« Signé : Les administrateurs du conseil général de la commune d'Avignon. »
, rapporteur de Vaffaire d'Avignon. Je prie l'Assemblée d'ordonner que ces pièces me soient remises à l'instant, afin que je puisse les examiner avant la discussion.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions pour être communiquée à M. Bréard.)
Un de Mil. les secrétaires, continuant la lecture des lettres et pétitions ;
2° Lettres de plusieurs personnes qui demandent à être admises à la barre demain.
(L'Assemblée décide que ces personnes seront admises demain.)
3° Lettre d'un particulier qui demande à être admis à la barre pour présenter une pétition sur la nécessité d'imposer aux tribunes un silence respectueux.
Il existe un règlement à ce sujet, et il n'appartient à aucun citoyen de venir proposer de nouvelles mesures sur la discipline intérieure de l'Assemblée. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent que l'ordre du jour soit du moins ainsi motivé.
On demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour, en le motivant sur l'exécution nécessaire du règlement de l'Assemblée.
Non! non! sans motif.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sans le motiver.)
Je demande que l'Assemblée fasse faire la recherche de pièces égarées, concernant la commune de Celfroin, district de La Rochefoucauld, département de la Charente.
(L'Assemblée renvoie cette demande aux commissaires inspecteurs de la salle.) .
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre du directoire du département du Cantal et diverses pièces y annéxées, relatives à la sws-pension de la municipalité et du èonseil général de la ville de Mauriac, par un arrêté du conseil de ce département, en date du 18 janvier. II s'est élevé dans cette commune des troubles auxquels les officiers municipaux ont pris part. Un sieur Coste, juge de paix, dirigeait même un attroupement. On a rétabli l'ordre, mais le direct ire craint des suites funestes et demande des secours.
(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces y jointes au pouvoir exécutif.)
2° Pétition de la municipalité de la ville de Sillé, tendant à obtenir un décret qui l'autorise à acquérir la maison des ci-devant minimes de ladite ville, pour y transférer l'hôpital.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des domaines.)
Jamais la surveillance de l'Assemblée nationale et de toutes les autorités constituées n'a été plus nécessaire que dans les circonstances actuelles, pour préserver le peuple de la séduction des ministres du culte qui ont refusé de prêter le serment civique ou qui l'ont rétracté.
Maintenir dans des fonctions publiques des citoyens dont tous les vœux et tous les efforts ne tendent qu'au renversement de la Constitution, exposer le peuple des campagnes, si facile à égarer, à ne recevoir que «les leçons de fanatisme, et à suivre l'exemple des ennemis les plus dangereux de la Révolution, serait une faute gu'aucun motif ne saurait justifier. C'est pour eviter de pareils dangers que je viens vous proposer, Messieurs, d interpréter le décret du 22 septembre dernier, sanctionné le 18 octobre, dont 1 effet nécessaire serait de favoriser les progrès du fanatisme des prêtres réfractaires. Cette loi défend aux procureurs syndics de district, ainsi qu'aux administrateurs do district et de département,, d'autoriser l'élection pour des cures dont ils auraient arrêté, soit la suppression, soit l'augmentation par la réunion dé quelqu'autre paroisse.
Le district de Tarascon, département des Bouèhes-du-Rhône, n'a vu dans celte loi qu'une simple prohibition de nommer aux cures vacantes qui se trouveraient dans le cas de la réunion, de la suppression ou de l'augmentation, et n'a pas cru que les curés qui avaient constamment refusé de prêter le serment civique, ou qui avaient eu la lâcheté de le rétracter, pussent invoquer les dispositions de cette loi. L'assemblée électorale du district de Tarascon, pour empêcher les progrès des troubles excités par les prêtres réfractaires, a nommé, les 27 et 28 décembre dernier, aux cures qui lui ont été désiguées par le procureur syndic de ce district.
T us les nouveaux curés ont prêté le serment civique, ont été installés, et par leurs sages instructions, ainsi que par leur exemple, ont .retiré le peuple de son égarement. Les prêtres non ser-mentés, ou qui ont rétracté leur serment, invoquent aujourd'hui, en leur faveur, les dispositions de la loi du 18 octobre pour expulser les curés nouvellement élus. Un d'eux a déjà présenté au directoire du département, une pétition tendant à faire annuler l'élection du prêtre qui l'a remplacé.
Les autres curés remplacés n'attendent que le succès du premier pour .expulser à leur tour les nouveaux ministres que la profession civique et le vœu de leurs concitoyens rendent également recommandables et nécessaires pour préserver le peuple de l'égarement. C'est à l'Assemblée nationale à fixer le véritable sens de cette loi, en ne l'appliquant qu'aux cures qui se trouveront vacantes par mort ou démission seulement. L'exemple funeste de rétablir un curé non ser-menté ou qui aurait rétracté son sérment, en privant de sa place celui qui a été légalement élu, èt qui ne cesse de prêcher la Soumission aux lois et l'attachement à la Constitution, serait, aux yeux du peuple, une preuvé non équivoque
de contre-révolution, et le tocsin du triomphe du fanatisme.
Je fais donc la motion que l'Assemblée nationale décrète que le- dispositions de la loi du 18 octobre dernier regardent seulement les cures vacantes par mort ou par démission, et que les prêtres qui auront été élus en conformité des lois antérieures pour remplacer les curés non sermentés, ou qui ont rétracté leur serment, seront maintenus dans leurs places.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de division !
Il est important de maintenir provi-oirement dans leurs places les curés assermentés nommés par les assemblées électorales, sauf à examiner les formes qui peuvent n'avoir pas été suivies. J'observe, qu'en pareil cas, vous avez déjà maintenu la nomination du nouveau curé de fhionville.
Je sais, par des détails qu'il est inutile de rapporter ici, que le décret que l'on sollicite est très instant. Dans mon département, par exemple, il y a beaucoup d'affaires de ce genre, et les prêtres non assermentés se proposent d'attaquer ceux qui les ont remplacés. Je demande que la provision soit accordée à la possession.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion, décrète 1'ur-geuce, puis décrète que les curés nommés par les corps électoraux seront maintenus dans leurs places. Elle renvoie, en outre", la rédaction de ce décret au comité de division pour la présenter séance tenante.)
Eu conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, instruite qu'il s'est élevé des difficultés dans plusieurs départements sur l'electiou de quelques curés, par les assemblées électorales, décrété qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les dispositions de la loi du 18 octobre 1791 regardent seulement les cures vacantes par mort ou démission, et que les prêtres qui auront été élus en conformité des lois antérieures, pour remplacer les curés non sermentés, ou qui ont rétracté le serment, seront maintenus daus leurs places, v
Je ne crois pas abuser des moments de l'Assemblée nationale en l'invitant à fixer son attention sur un des moyens employés dans celte capitale pour égarer l'opinion publique, et en lui dénonçant un délit qui se renouvelle sans cesse, et qui doit produire des événements désastreux, si l'on néglige d'y apporter un remède aussi prompt qu'efficace; je veux parler. Messieurs, des spectacles qui. depuis un mois spécialement, ne cessent d'occasionner des fermentations violentes, et de répandre dans les esprits une division telle que, déjà, plusieurs bons citoyens en ont été victimes. Et en effet. Messieurs, quel Français, digne de ce nom, pourrait supporter de sang-froid, pourrait entendre sans indignation les diatribes sanglantes, les sorties indécentes qui se débitent journellement sur la plupart des théâtre de la capitale, soit contre la dignité du peuple, soit contre la liberté, soit enfin contre la -majesté de ses représentants? (Vifs applaudissements) Aucun sans doute, pour peu qu'il sente la dignité de son être. On affecte de donner des pièces où respire l'incivisme. Il semble que les acteurs ne peuvent se relever de l'avilissement où
ils étaient tombés, et qu'ils sont incapables de sentir la dignité de l'homme. Plusieurs bons citoyens ont été maltraités pour s'être révoltés coutre toutes ces platitudes débitées, répétées avec affectations, et applaudies avec transport par tous les valets des cours. Toujours braves à leur manière; ils accaparent les billets, et maîtres du local, ils accablent par le nombre ceux que le hasard a placés en si mauvaise compagnie. Hier, au théâtre du Vaudeville,, il s'est passé une scène de cette nature, et un bon citoyen pensa en être la victime, pour avoir osé réclamer, avec toute l'énergie dont il était capable, contre les horreurs dont je viens de vous parier. Car, Messieurs, ne croyez pas qu'à ces sortes de représentations les patriotes se trouvent en nombre égal à celui des émigrés de la patrie. Ceux-ci, dont la lâcheté n'est point équivoque, et d'accord avec les directeurs de ces salles, lorsqu'il s'agit de représenter ces sortes de pièces, ne manquent pas d'accaparer les bi'lets, au point qu'il n'en reste qu'un petit nombre à distribuer aux bons citoyens, afin de se rendre ainsi maîtres du local; de sorte qu'ils font la loi à tous les autres spectateurs, et qu'ils se font un jeu coupable de les vexer en tous sens.
Je sais, Messieurs, que la hiérarchie des pouvoirs laisse à d'autres qu'à vous le soin de veiller à la police des villes; mais je sais aussi qu'il n'appartient qu'à vous seuls de faire une loi qui réprime enfin la facilité coupable avec laquelle on empoisonne journellement l'opinion publique.
Je ne vous exposerai point ici, Messieurs, quelle est l'influence des spectacles sur les mœurs; vous connaissez mieux que moi quels peuvent être les effets de ces écoles publiques, où les Grecs et les Romains envoyaient leurs enfants puiser les premières leçons du gouvernement et du patriotisme.-C'est à vous, Messieurs, de peser dans votre sagesse les conséquences dangereuses qui peuvent résulter de ces atteintes portées contre le gouvernement, portées contre les moeurs et l'opinion publique; et je demande que vous preniez en grand-; considération les autres conséquences meurtrières qui en résultent, les guerres intestines et perpétuelles qui ne cessent, depuis un mois, d'agiter les spectacles de cette ville : quant à moi, il me suffira d'avoir attiré votre attention sur cet objet important, et digne de votre sollicitude.
Je demande donc, Messieurs, au nom de la patrie, au nom de la pureté qui doit régner dans l'opinion publique, que vous chargiez votre comité d'instruction de vous présenter incessamment un rapport sur la manière de purger enfin le théâtre de ces pièces immorales, qui non-seulement tendent à diviser les citoyens en leur mettant les armes à la main les uns coutre les autres, mais qui assassinent sans discontinuation les mœurs et l'opinion publique (1). (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Henry-Larivière au comité
d'instruction publique, pour faire un rapport à ce sujet, et au comité
central, pour fixer le jour de ce rapport.)
Plusieurs voix : La question préalable 1
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)
Je réclame la justice de l'Assemblée au nom de tous les ouvriers du royaume qui se trouvent privés d'une partie de leur salaire par l'application trop sévère d'un décret de l'Assemblée constituante. L article 16 de la loi du 8 avril 1791, relatif aux formalités prescrites aux fournisseurs et ouvriers des départements pour être payés de leurs créances sur l'Etat, porte qu'ils ne peuvent être payés de leurs modiques créances qu'en les faisant liquider par le liquidateur général, ce qui les Constitue dans des dépenses très considérables.
Dans 1h département de l'Ille-et-Vilaiiie, des malheureux se sont présentés dernièrement; il leur était dù : aux uns 12 livres, aux autres 6 livres. à plusieurs 24 livres; le directoire leur délivra des ordonnances pour toucher du commissaire liquidateur. Mais il leur en coûtera un louis ou 36 livres pour avoir 12 livres, ou 6 livres; n'est-ce pas comme si la nation leur disait en d'autres termes : Messieurs, nous ne vous paierons pas! Je demande que les directoires de département soient autorisés, lorsqu'il y aura des salaires aussi minces, à liquider en définitive les créances d'ouvriers et fournisseurs en détail, créanciers de la nation, jusqu'à une certaine concurrence, sauf à envoyer l'état de ces liquidations au commissaire du roi, liquidateur général, qui les comprendra dans le tableau général de la liquidation et les fera ratifier par un décret.
(L'Assemblée renvoie la proposition de M. Godet âu comité de liquidation.)
, Vun des commissaires envoyés dans le déparlement de l'Oise, donne lecture d'une lettre de M. Dauchy, président du directoire du département de l'Oise; cette lettre est ainsi conçue :
« Ourscamps, le 24 février 1792.
« Messieurs, ainsi que je l'ai toujours cru et que je l'avais fait esperer par différentes lettres, nous sommes entrés aujourd'hui, à 9 heures du matin, dans l'abbaye d'Ourscamps, suivis d une grande force militaire. Nous n'avons éprouvé aucune résistance, et j'ai l'avantage de vous annoncer que la loi a repris son empire, sans qu'une seule goutte de sang ait été versée. (Vifs applaudissements.)
« Signé : DAUCHY. »
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal delà séance du vendredi matin 24 lévrier.
(L'Assemblée décide que l'article portant que le nom des membres présents à l'ouverture de la séance sera inscrit au procès-vtrbal, sera rayé.)
, au nom, du comité central, et quelques autres membres, demandent qu'il y ait une séance extraordinaire jeudi soir pour entendre les rapports sur les troubles d'Avignon et d?Arles.
(L'Assemblée décrète cette motion.).
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Mémoire de M. François Noël Lefebvre, sur le commerce et la circulation des grains.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de commerce.)
2° Lettre des administrateurs composant le directoire du district de Beauvais, tendant à obtenir l'organisation définitive de la paroisse Saint-Etienne de Beauvais.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)
3° Lettre de M. Haussmann, agent de Nuremberg, qui sollicite son admission à la barre dans la séance de dimanche.
(L'Assemblée décrète qu'il sera admis demain à la barre.)
4° Pétition individuelle de plusieurs officiers supérieurs non soldés de la garde nationale pan-sienne, qui ont été promus aux grades de colonels et de lieutenants-colonels des corps de nouvelle formation.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
5° Pétition de M. Laboulaye, en payement d'une somme de 1,330 livres pour fournitures faites aux ci-devant Bàrnabites.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comitéde liquidation.)
6° Mémoire justicatif pour les sieurs Pevaux, Pérard et Carré, officiers du premier bataillon dès volontaires du département de la Marne.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au poûvoir exécutif.)
C'est pour répondre à une pétition qui a été faite par le sieur Hupier, contre moi, relativement à la vente d'un domaine national qui m'a été faite au district de Fresnaye, que je demande la parole (1) Cette pétition, que je ne connais que par ce que j'en ai lu dans le Moniteur, est pleine de mensonges et d'impudence. Je prie l'Assemblée nationale de décréter que la pétition me soit communiquée, afin que la vérité puisse triompher du mensonge et de l'injustice.
Plusieurs voix : L'ordre du jour !
Je combats l'ordre du jour ; il faut que la France entière sache quelle est la conduite de ses représentants.
Dans une affaire de cette nature, il est certain que vous ne pouvez pas
juger le membre qui vient de parler, sans l'avoir entendu. Il est
inutile d'ordonner qu'on lui donne communication de la pétition
présentée contre lui, puisque c'est un droit qui appartient à tout ci-
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité diplomatique, fait lecture de la rédaction, renvoyée à ce comité, du décret rendu mardi dernier, dans la séance du matin {1), au sujet des dommages et violences qui ont eu lieu dans le département des Basses-Pyrénées, sur les frontières d'Espagne; cette rédaction est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale, vu la lettre du département des Basses-Pyrénées, copie de celle du directoire du district de Saint-Palais, écrite audit directoire dé département, et de celle des municipalités d'Ascarat, d'Anhaux, d'Ironbigny, de Lasse et de Saint-Ètienne-en-Baigorry, adressée audit directoire de district, toutes relatives à des violences cprnmises par des Espagnols de Ronçe-Vâux, sur lé territoire français et sur la montagne appelée Ourdain-Sarroja, où ils enlévèrent, le 6 du présent mois, sous la conduite dé l'alcade dudit liëu, trois pasteurs baigorriens et 500 brebis, moutons et chèvres appartenant à des habitants de Lasse, district de Saint-Palais; considérant q ue des excès a ùssi grave s portan t l'em prein te d'une violation du territoire français par les Espagnols, ne sauraient être tolères, et qu'il ne serait pas juste que des citoyens français, habitants paisibles des frontières, en fussent les victimes/décrète qu'il y a urgence:
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le pouvoir exécutif est chargé de prendre des informations exactes sur la nature des plaintes adressées au Corps législatif par le directoire du département des Basses-Pyrénées, ainsi que sur les pertes et dommages que les habitants de Lasse ont essuyés de la part des Espagnols, pour, sur le Compte qui en sera rendu, être statué par l'Assemblé nationale,cequi sera dù en indemnité auxdits habitants.
Art. 2.
« Le roi est invité à faire faire près du gouvernement espagnol, les démarches convenables pour obtenir l'élargissement des trois pasteurs baigorriens, détenus prisonniers en Espagne; ainsi que la réparation de l'outrage faitàla nation et des.dommages causés aux habitants de Lasse, et à en faire rendre compte à l'Assemblée nationale.' »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait la seconde lecture d'un projet de décret sur la fixation du maxiihun de la contribution foncière en 1792; ce projet de décret est ainsi conçu :
Projet de décret.
: « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité
de l'ordinaire des finances, décrète : er. La
proportion de la contribution foncière avec le revenu net foncier,
au-dessus de laquelle la cotisation de chaque contribuable ne doit pas
s'élever, est fixée pour 1792, comme pour 1791, au sixième du revenu net
foncier.
« En conséquence, tout contribuable qui justifiera avoir été cotisé à une somme plus forte que le sixième de son revenu net foncier, à raison du principal de la contribution foncière, aura droit à une réduction, en se conformant aux règles prescrites par la loi du 28 août 1791, sur les décharges et modérations.
« Art. 2. Le taux de la retenue sur les rentes ci-devant seigneuriales, foncières, perpétuelles ou viagères, sera le même pour l'année 1792 que pour 1 /91. »
Messieurs (1), l'Assemblée nationale déterminera-t-elle une proportion commune entre la contribution foncière et le reyenu net, un maximum au delà duquel tout contribuable trop cotisé aura droit à une réduction?
S'il est nécessaire de déterminer un maximum, quelle en sera la proportion?
11 ne faut pas se dissimuler que ces deux questions, qui doivent être résolues successivement, appellent l'attention la plus sérieuse de l'Assemblée (2), puisque, d'une part, le corps constituant, qui avait fixe le maximums sixième pour 1791, d'après des bases plus ou moins arbitraires, a craint cependant de prononcer pour 1792, quoiqu'il eût réglé à la même somme qu'en 1791 le montant de,la contribution foncière, et que, de l'autre, votre comité de l'ordinaire des finances, en vous proposant aujourd'hui de décréter le maximum à raison du sixième, ne vous présente que lé vœu d'une majorité d'autant plus douteuse que, sur 21 voix, il y en avait. 10 de l'avis du maximum au cinquième, et que parmi les 11 autres voix, plusieurs n'ont opiné que par des considérations plus ou moins étrangères au véritable état de la question.
Ces circonstances, indifférentes par elles-mêmes, ne doivent pas l'être cependant à l'Assemblée nationale; car il lui importe essentiellement d'être prémunie d'avance contre toute délibération précipitée qui pourrait faire courir des dangers soit à la formation graduelle et successive dû cadastre du royaume* soit au crédit public, soit au recouvrement des contributions, sans lesquelles il ne peut véritablement exister ni ordre public, ni gouvèrnement.
Et d'abord devez-vous,. Messieurs, déterminer une proportiotf èoihmurie entré la contribution foncière et le revenu net, afin que le contribuable cotisé au delà decette proportion puisse réclamer contre l'excès de sa cotisation?
La réponse est simple et péremptoire : elle est tirée de l'artic'e 13 de la Déclaration des droits, et de l'article 2 du titre Ier, de l'Acte constitutionnel, qui veulent impérieusement que toutes les contributions soient réparties entre tous les citoyens, également, en proportion de leurs facultés.
Or, si vous refusiez de déterminer une mesure commune, le principe
constitutionnel serait éga-
Si vous concevez qu'il ne puisse être privé du droit de réclamer, quel sera, dans ce cas, le guide légal des autorités constituées qui doivent y pourvoir?
S'il n'a pas d'action, nous voilà retombés dans le despotisme des agents préposés à l'assiette et à la répartition des contributions. L'un pourra être cotisé dix fois moins qu'un autre, sans que celui-ci ait le droit de s'en plaindre et de faire rétablir le niveau (1).
Ainsi donc, l'arbitraire ou le déni de justice seraient là où il n'y aurait pas de loi positive, un guide légal ; en un mot, une proportion commune.
Mais quel en sera le taux? Il est aisé de s'apercevoir qu'une erreur du Corps législatif clans la fixation du maximum, rendrait cette mesure plus ou moins illusoire, suivant que la proportion serait plus ou moins inférieure à celle qui existe maintenant entre les 240 millions de contribution foncière, et le revenu net de toutes les propriétés territoriales du royaume.
C'est donc à la connaissance du revenu net, la plus approchée à laquelle il soit possible d'atteindre, qu'est attachée la solution du problème qui vous occupe en ce moment.
Rien de plus difficile, sans doute, que d'arriver à un résultat parfaitement et rigoureusement exact : cependant, les personnes les plus versées dans l'art des combinaisons sur la valeur des richesses territoriales, conviennent aujourd'hui de l'exagération des données de M. Dupont, chargé, sous l'ancien régime, de recueillir les divers éléments nécessaires à la connaissance de la balance du commerce, et devenu ensuite membre de l'Assemblée constituante. 11 est le premier qui ait ouvert la carrière avec quelques détails, et surtout avec quelque succès, dans un temps où les agents d'un gouvernement déprédateur avaient besoin de se faire pardonner l'excès de l'impôt, par l'exagération même des produits destinés à le supporter.
M. Dupont évaluait alors à 3,800,000,000 le revenu brut des propriétés territoriales du royaume et à 2.200,000,000 les frais d'exploitation; en sorte que, selon lui, il existait un revenu net de 1,600 millions.
Il n'y a plus de doute maintenant sur les erreurs de calcul de M. Dupont, et ses doubles emplois dans les divers éléments d'où il faisait dériver le revenu net.
Et c'est déjà beaucoup que de savoir que ce revenu net est non seulement inférieur à 1,600 millions, mais que, dans l'état le plus prospère, il est encore au-dessous de 1,500 millions.
Je n'entrerai pas, Messieurs, dans le détail des éléments qui avaient été
l'objet des recherches du comité des finances de l'Assemblée consti-
Comment se fait-il que l'Assemblée constituante ait décrété le sixième, sans aucune discussion, et, pour ainsi dire, de confiance, sur un objet aussi important?
J'ai recherché avec scrupule les motifs d'une détermination aussi précipitée; et, après avoir comparé les faits avec les dates et les événements, il me parait hors de doute que le comité des finances et l'Assemblée elle-même ont cru devoir céder à des considérations politiques tirées de la nécessité des circonstances, et présentées avec énergie par M. Dupont dans une séance du comité prolongée fort avant dans la nuit du 16 au 17 mars, à la suite de laquelle le décret fut porté dans la séance du matin, sans que le projet ni le rapport fussent imprimés; car ils ne l'on été qu'après; et c'est une chose remarquable d'y voir, à la fin, une petite note qui n est qu'une erreur de plus, quoiqu'elle eût pour objet de concilier l'énorme différence entre le premier résultat et le second.
Nous ne sommes point aujourd'hui, Messieurs, environnés des mêmes circonstances; et j'aime à me persuader que, nonobstant la solidité des raisons apportées par M. Dupont, l'Assemblée constituante aurait pensé autrement si elle eût attendu la distribution d'un ouvrage très précieux de M. Lavoisier, dont l'Assemblée avait ordonné l'impression trois jours auparavant sur lesimplé énoncé de son objet, de son importance et de l'exactitude de ses résultais; en sorte que les travaux de M. Lavoisier ne sont devenus publics qu'après qu'il n était plus temps d'en faire usage.
Aussi, Messieurs, est-il arrivé que l'Assemblée constituante, éclairée parles connaissances, quoique tardivement acquises, sur cette matière, s'est trouvée pour la contribution foncière de 1792, dans l'alternative, ou d'élever le maximum au cinquième du revenu net, ou de vous laisser le soin de cette détermination. Ce dernier parti l'a emporté pour sa gloire.
La vôtre, maintenant, est de n'écouter aucune considération politique, de ne rien décréter qui ne soit d'accord avec la vérité; en un mot, de faire que le maximum de la contribution foncière ne soit pas un mot vide de sens et de raison.
Pour arriver à la solution complète du problème, il est indispensable de rechercher quel est le produit brut ou l'aclif, et quels sont les frais d'exploitation de tout genre, ou le passif : l'èxcès du premier sur le second devient nécessairement le produit net imposable.
On a suivi diverses méthodes pour parvenir au résultat définitif : je ne crois pas devoir entrer, à ce sujet, dans des détails qui, déjà trop arides, auraient de plus l inconvénient de fatiguer, sans utilité, l'attention de l'Assemblée. Je me propose, si le temps qui va s'écouler jusqu'au moment où vous serez en état de porter une décision, et si mes forces le permettent ; je me propose de développer tous ces détails dans un tableau, dont plusieurs copies pourraient être exposées dans
l'intérieur de la salle, afin d'appeler toutes les lumières sur cette importante que.-tion.
Je me réduis ici à 1 exposition très sommaire de quelques éléments, dont les uns se trouvent hors d'atteinte, les autres sont plus ou moins livrés à l'arbitraire, mais qui, tous, méritent de devenir l objet des plus sérieuses méditations du législateur.
Du produit brut.
Le territoire de la France contient 26,891 lieues carrées, de 25 au degré. Le terme moyen du degré ayant été mesuré de 57,o60 toises, alors chaque lieue est de 2,283 toises.
Si l'on convertit en arpents, mesure de 22 pieds, ces 26,891 lieues carrées, il en résulte un produit de 104.260,114 arpents et demi, qui composent la surface du royaume.
Ce résultat ne diffère que de très peu de chose de celui de M. Paucton, auteur d'un ouvrage rempli d excel entes recherches sur les poids et mesures des divers gouvernements, qui porte ce nombre à 105 millions.
Sur cette quantité, M. Lavoisier estime qu'il y a 64,800,000 arpents en terres labourables et vaines pâtures: et je ne pense pas que le nombre eu soit plus considérable.
Le surplus, montant à 40 millions d'arpents, est composé de bois, p és, jardins, parcs et autres objets de petite culture, ainsi que des terres incultes, chemins et rivières.
Le produit brut que donne la culture de ces deux quantités reunies, ne peut être bien connu que comparativement au nombre de consommateurs dont ce produit forme la subsistance : ce qui conduit à la recherche de la po, ulation.
Jusqu'au dernier recensement général, la population totale du royaume était estimée à 25 militons d'individus des deux sexes : c'est uniquement sur cette hase que sont fondé* tous les calculs de ceux qui m'ont précédé dans la recherche dû produit net; et j'ai tout lieu de présumer que la population n'excédait pas le nombre de 25 millions, à l'epoque où ce résultat aété obtenu sous l'ancien gouvernement. Mais le dernier travail dû aux soins des administrations de département et de district, travail aussi exact que précieux, fait monter la population actuelle à 27,190,000 individus des deux sexes et de tout âge (1).
En examinant attentivement le nombre des
Le nombre des agents de l'agriculture en hommes, femmes et enl'antsdes deuxsexes, ainsi que des individus livrés à des professions qui vivent immédiatement aux dépens de l'agriculture, est le plus considérable de tous, puisqu'il s'élève à 16,290,000.
Viennent ensuite les divers agents des manufactures, du commerce, des arts, de la marine, de la force publique ou de l'armée de ligne, tous placés hors des villes ou destinés à n'y sejourner que momentanément; objet d'environ 2,270,000.
Puis la population des villes et gros bourgs, non compris les agents de l'agriculture qui y sont domiciliés; population qui s'élève à8,630,000.
Si l'on parcourt ces diverses classes, en partant de la plus pauvre, et en supposant le blé à 2 sols la livre pesant, qui est le prix moyen actuel, et les autres objets de nécessité absolue dans une proportion semblable, on trouve que le minimum de la consommation annuelle du pauvre, est de 58 livres par chaque individu, pour un ménage composé du père, de la mère et de 3 enfants au-dessous de 10 ans; savoir: 120 livres pour le père, 80 livres pour la mère, et 90 livres pour les 3 enfants, ou 3(1 livres pour chacun d'eux. Voilà l'état de l'extrême pauvreté.
A mesure que l'on passe aux classes supérieures les consommations s'accroissent; et, par conséquent, le terme moyen devient plus fort.
A Paris, où la population excède 700,000 âmes, le terme moyen est, suivant M. Lavoisier, de 433 livres 6 sols 8 deniers par an pour chaque individu.
Et, en dernière analyse, la somme de toutes les classes réunies présente un terme moyen de 110 livres par an par chaque individu des deux sexes et de tout âge.
Cette somme, multipliée par la population totale du royaume, que j'établis en nombre rond à 27 millions, donne une masse de consommation quis'élèveà2 milliards 970,000,000 de livres tournois.
Voilà le revenu brut; car la consommation ou les produits territoriaux sont absolument la même chose, lorsque l'Etat ne donne pas en échange plus ou moins de ses produits territoriaux qu'il n'en reçoit des autres gouvernements avec lesquels il a des relations commerciales.
Dans létat actuel, il parait y avoir balance.
Mais, sur ce produit de 2,970,000,000 il faut en dégager les frais de culture.
Des frais de culture.
En reprenant séparément les différents termes
. Multipliant l'un par l'autre, on trouve que la consommation des divers agents de l'agriculture, ou les frais indispensables à la production, montent à 1,710,450,000 livres tournois.
Du revenu net.
Ces frais de culture étant défalqués du revenu brut, il reste 1,259,550,000 livres.
Voilà le revenu net que nous cherchons.
Alors la contribution foncière, étant de 248 millions, forme un peu moins que le cinquième du revenu net.
Mais le maximum au sixième suppose un ré-venu de 1,440 millions; et, comme ce résultat est évidemment exagéré, il faut ou élever le maximum au cinquième, o.u réduire la contribution foncière à une somme de 200 millions, faisant un peu moins que le sixième du revenu net établi à 1,260 millions.
Le premier parti me semble préférable au second pour la présente année, afin qu'il n'en résulte aucun déficit pour le Trésor public. Relativement à la petite différence de proportion entre la contribution et le revenu, j'aurai bientôt fait remarquer qu'en général il est plus avantageux à Ja confection, a la répartition des contributions directes, que le revenu net soit en réalité un peu plus considérable que celui résultant de la proportion déterminée par la loi du maximum.
M. Lavoisier a employé d'autres éléments pour arriver au même résultat; ses calculs se trouvent plus faibles que les miens : il n'évalue qu'à 1,200 millions le revenu net, lorsque le blé est à 2 sous la livre, et les autres comestibles en proportion ; et seulement à 1,050,000,000, lorsque le blé est à un sou et demi.
Il y a encore d'autres méthodes plus ou moins approximatives; je ne les ai pas toutes épuisées, ni même toutes parcourues ; mais la comparaison que j'ai faite de quelques-unes avec celle qui m'a paru devoir obtenir la préférence, m'a convaincu que, dans notre position actuelle, le revenu net se trouvait nécessairement entre 12 et 1,300 millions.
Si je m'étais trompé, il y aurait à craindre qu'un autre ne se trompât également dans une recherche où les divers éléments, qui doivent amener le résultat se refusent à l'évidence mathématique.
Alors, dans le doute, quelle devrait être la mesure du maximum de la contribution foncière? Telle est la question qui m'a semblé devoir mériter le plus sérieux examen, et la discussion la plus solennelle.
A Rendre justice au contribuable trop cotisé, et cadastrer le royaume, voilà, Messieurs, le double objet du maximum qu'il ne faut pas perdre de vue.
Lorsque la fixation du maximum n'est point erronée, un ou plusieurs contribuables, une ou plusieurs communautés, un ou plusieurs districts, un ou plusieurs départements, ne peuvent être trop cotisés, sans qu il y aitd'autres contribuables ou d'autres localités qui le soient moins dans la même proportion.
La loi, d'accord avec l'expérience, présume, du contribuable où des localités non réclamantes, ou qui n'ont pas suffisamment justifié de leur
réclamation, que leur cotisation est inférieure à la proportion générale. Alors, 11 est indispensable de les y ramener, en ajoutant, l'année suivante, et, par addition à leur cotisation, l'excès reconnu dans la cotisation des premiers.
Si cette opération, d'une justice évidente, n'ayait pas lieu, la contribution foncière n'aurait plus aucune fixité; et quoique directe de la nature, elle aurait, par les effets, le même caractère que les impots indirects - dont le montant annuel est nécessairement variable, puisqu'il dépend soit du nombre et de la valeur des consommations, soit de l'activité des échanges ou des transactions du commerce, soit enfin du plus ou moins de fréquence de la transmission des fonds territoriaux.
Alors, il ne faudra plus dire : « La contribution « foncière sera de 240 millions ou de telle autre .« somme fixe, qui sera versée en totalité au Trésor « public; » mais il faudra dire : le produit de la a contribution foncière, à raison du cinquième, du « sixième, ou de telle aûtre partie aliquote du « revenu net des biens territoriaux de chaque pro-« priété du royaume sera versé au Trésor public. »„
La contribution, ainsi dénaturée, deviendrait la plus arbitraire de toutes : elle serait une véritable patente devexation contre les bons citoyens en faveur des mauvais ; car, dans un tel ordre de choses, l'arbitraire résulterait infailliblement de l'impossibilité de trouver aucune méthode suffisante pour arriver d'abord à la connaissance et ensuite à l'expertise exacte de chacune des propriétés territoriales disséminées à l'infini dans un espace de 26,891 lieues carrées, ou de 105 millions d'arpents; et par cela même, il n'existe aucun moyen répressif contre la malheureuse intensité de l'intérêt personnel à profiter de tous les avantages du régime social, et à s'affranchir en même temps, le plus qu'il lui est possible, des charges qu'impose la société, des devoirs qu'elle prescrit.
Ainsi dénaturée, j'ajoute que la contribution foncière finirait, en dernière analyse, par n'être d'aucun produit au Trésor public; et je pense qu'il suffit d'énoncer cette vérité.
Il est donc évident qu'on ne pourrait altérer son caractère primitif, celui de la fixité, sans anéantir la contribution elle-même.
Or, puisqu'il est indispensable de lui conserver intégralement ce caractère distinctif, et que, d'ailleurs, comme je l'ai prouvé, il est du devoir des représentants de la nation de déterminer une proportion commune, pour ne pas tomber en contradiction avec la Déclaration des droits et l'Acte constitutionnel; voyons maintenant ce qui arriverait si le Corps législatif avait le malheur de commettre une erreur dans la fixation du maximum.
Deux cas se présentent ici : ou l'erreur serait en plus, ou elle serait en moins.
Lorsqu'elle est en plus, le contribuable se trouve, en vertu de la loi du maximum, forcé de payer plus qu'il ne devrait, si le Corps législatif n'avait pas erré.
Lorsqu'au contraire l'erreur est en moins, le contribuable se trouve, en vertu de la loi, autorisé à payer moins qu'il ne doit réellement.
Ces deux cas sont également affligeant^ pour le législateur; également funestes ou au contribuable ou au Trésor public.
Funestes au contribuable, et c'est le cas de l'erreur en plus- Le Trésor public n'éprouve à la vérité aucun déchetj supposé d'ailleurs (et c'est une condition impérieuse), supposé que la somme
fixée pour la contribution foncière ne soit pas excessive à l'égard du revenu net de toutes les propriétés territoriales considérées en masse; mais, alors, les contribuables qui payent plus, n'ont pas le droit de réclamer, si ce n'est pour tout ce qui excède le taux déterminé par la loi : ainsi, après avoir obtenu justice de cet excédent et l'avoir fait verser sur les autres contribuables qui payent moins, les premiers se trouvent encore cnargés de toute la différence entre la vraie proportion et celle indiquée par la loi du maximum (1).
Funestes au Trésor public, et c'est le cas de l'erreur en moins. Dans
cette hypothèse, la loi ayant admis le contribuable à payer moins qu'il
ne le devrait, personne ne calcule d'après les besoins du Trésor public,
mais d'après son intérêt personnel.
Dans cette hypothèse encore, et quels que soient les vices locaux de répartition, il y a nécessairement plus de la moitié des contribuables, ou des communes, ou des districts, ou des départements, qui réclament contre leur cotisation ; mais dans cette multiplicité effrayante de réclamations qui viennent aboutir à toutes les autorités constituées, il n'en est aucune assez nombreuse, organisée assez fortement (et je n'en excepte pas même le Corps législatif) il n'en est aucune qui puisse discerner ou préciser la mesure des décharges et réductions, ou des dégrèvements qui doivent être accordés sur chacune de ces réclamations.
Déjà, Messieurs, plus de la moitié des départements ont fait entendre leurs plaintes auprès de vous, sur le fondement du maximum de 1791, qui leur permet de réclamer contre toute cotisation au delà du sixième. Le département dans lequel j'ai mon habitation n'est pas encore compris dans ce nombre, quoiqu'il soit réellement cotisé au quart; le soin d'en fournir la preuve positive l'arrête en ce moment; plusieurs autres départements sont dans le même cas; et il ne serait pas aussi inconsidéré qu'on le présumerait d'abord, d'assurer que les contribuables ou les départements les plus diligents ne sont pas toujours ceux dont les réclamations soient le plus fondées.
Vous n'avez à délibérer que pour les départements ; mais ceux-ci et les districts ont respectivement à statuer sur les réclamations de tous les contribuables et de toutes les localités de leur arrondissement.
A la vérité, plusieurs causes contribuent à diminuer pour eux le nombre des réclamations :
1° La paresse ou l'ignorance, qui laisse s'écouler le délai utile de la plainte, et ne songe à demander justice ou n'est instruit qu'il peut la réclamer, qu'au moment où il n'est plus temps de l'obtenir;
2° La pauvreté qui, toujours arriérée, est forcée de voir se fermer pour elle le temple de la justice, par l'impossibilité de satisfaire, dans le délai prescrit, à la condition impérieuse de rapporter la quittance des termes échus ;
3° L'absence du contribuable ou son éloigne-ment du lieu dans lequel il est cotisé, qui ne lui permet pas d'en être instruit avec assez de diligence ;
4° A l'égard des communautés, l'ignorance des formes, l'insouciance de leurs magistrats, souvent les divisions entre eux, et l'interrègne qui en est presque toujours la suite.
On pourrait encore compter au nombre des causes de diminution du nombre des réclamations, la crainte de la non-réussite et de la condamnation de frais qu'elle entraîne, si, d'une autre part, il n'y avait pas une sorte de compensation avec les réclamations dénuées de fondement, et dont quelques-unes peuvent obtenir un succès non mérité.
Mais, quelle que soit l'intensité de ces diverses causes, leur effet est presque insensible auprès de celui qu'entraîne l'erreur en moins dans la fixation du maximum.
Alors, ce ne sont plus seulement des individus qui se plaignent, ce ne sont plus même des communautés; et si les uns et les autres s'avancent pour obtenir justice, les autorités constituées ne peuvent y suffire, les réclamations par-
tielies restent nécessairement en souffrance; elles font place aux réclamations générales des districts, puis du plus grand nombre des départements auprès du Corps législatif.
Alors, il n'est plus question de compter rigoureusement avec les contribuables : les connaissances qu'il était possible d'acquérir pour améliorer la répartition, dans le système des réclamations isolées, s'échappent dans une réclamation générale où tous se plaignent du mal, mais dont aucun n'a le temps ni les moyens d'en sonder la profondeur, d'en mesurer la véritable étendue, et encore moins d'en apporter la preuve irréfragable au Corps législatif, seule autorité où elles viennent aboutir en dernier résultat.
Alors, le Corps législatif lui-même se trouve dans la fâcheuse alternative, ou d'attendre l'effet d'un autre ordre de choses, ou de ne pouvoir prononcer que d'une manière absolument arbitraire.
Alors enfin, le recouvrement éprouve des obstacles d'autant plus réels, des retards, et, disons-le avec franchise, un déficit d'autant plus grave, que les contribuables ou les communautés, ayant, avant de réclamer, à satisfaire à la condition de payer les termes échus, attendent que le gouvernement ou les autorités constituées usent envers eux de la même réciprocité, en accordant aux plaignants la justice qu'une loi positive leur avait solennellement promise.
11 est donc évident que toute erreur en moins, dans la fixation du maximum, est encore plus nuisible que l'erreur en plus à la confection de l'impôt, à l'amélioration de sa répartition ou au cadastre, et, finalement, à son recouvrement.
Avoir montré le danger d'une détermination erronée, c'est presque l'avoir prévenue.
Et si les résultats, dont j'aurai incessamment l'honneur de présenter le tableau à l'Assemblée, laissaient encore de l'arbitraire, qui de vous, Messieurs, ne sait pas, pour son département, quel est le taux de la contribution foncière comparée avec le revenu net qui doit la supporter? Ici, c'est le tiers ; plus loin, le quart; ailleurs, le cinquième; dans quelques endroits, le sixième; peut-être, mais dans un très petit nombre de départements, le septième.
On a fait, contre un maximum plus fort que le sixième, deux objections qui me paraissent mériter quelqu'attention.
Elles sont relatives, la première, à la vente des biens nationaux;
La seconde, aux difficultés du dégrèvement des contribuables ou des communautés.
Relativement aux biens nationaux, on prétend que la vente n'en serait point aussi avantageuse, si le maximum de la contribution était élevé au cinquième.
Cette raison n'a aucun fondement solide : il y a peu de contribuables, peu de propriétaires ou de spéculateurs qui, depuis qu'il est permis de raisonner sur les finances, ne sachent déjà que le maximum au sixième est insuffisant pour procurer au Trésor public les 240 millions dont il a besoin, et qui ne s'attendent à le voir porter au cinquième.
Si, de plus, on a fait quelqu'attention aux deux proportions, l'une du cinquième et l'autre du sixième, on verra que, sur un revenu net de 30 livres par an, il n'y a entre elles d'autre différence que 25 sous, y compris les charges locales des départements, districts et municipalités.
Relativement aux difficultés du dégrèvement des contribuables ou des communautés, dis-
tricts, etc., on a dit qu'il faudrait opérer sur 1792 différemment que sur 1791.
Eh bienl oui : on opérera différemment : il le faut, puisque la proportion ne sera point la même ; le calcul le plus simple y conduit; et il n'y a que dans le pays le plus barbare, dans celui où personne ne saurait que deux et deux font quatre, il n'y aurait que dans ce pays-là seul où l'on serait forcé de faire comme l'an passé.
Je me résume, et je demande, ou que le maximum de la contribution foncière soit fixé au cinquième, ou que si l'Assemblée adoptait la proportion du sixième, elle réduise, pour 1792, la contribution foncière à 200 millions (1), au lieu de 240.
Plusieurs membres : L'impression !
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Jollivet.)
, minisire de la guerre, in-rompt la discussion et demande la parole.
La parole est à M. le ministère de la guerre.
, ministre de la guerre. Je viens, par ordre du roi, rendre compte à l'Assemblée de ce qu'a fait à Noyon, le général Wi-tinkhoff. Ce compte est contenu dans la lettre de ce général que je vais vous lire :
« Monsieur,
« J'ai l'honneur de vous informer que nous sommes arrivés à 10 heures, le
plus heureusement, sans coup de fusil ni de canon. L'avant-garde a
trouvé, à l'abbaye d'Ourscamps, où est le dépôt des grains, une
quarantaine de paysans, moitié armés de fusils et de pistolets, qui
étaient, disaient-ils, pour la garde. On les a désarmés. Je disposerai
de ces armes pour un des bataillons volontaires qui en demande. J'ai
laissé
« Signé : WlTINKHOFF. »
J'annoncerai à l'Assemblée que 2,000 sacs de blé ont été distribués par les moyens qui ont été indiqués hier.
Le maréchal Luckner, qui a été mandé par le roi, est arrivé ici ce matin. 11 supplie l'Assemblée ae vouloir bien le recevoir demain à la barre, pour qu'il puisse lui adresser ses respectueux remerciements sur le décret qu'elle a rendu en sa faveur. (Applaudissements.)
Je convertis en motion la proposition du ministre de la guerre.
(L'Assemblée décrète que M. le maréchal Luckner sera admis à la barre demain à midi.)
, ministre de la guerre. J'aurai l'honneur aussi de rendre compte à l'Assemblée que les 12 soldats du régiment d'Alsace, dont il a été question hier (1)T n ont pas été mis en prison, parce que le M. maire de Paris a cru ne pas devoir se rendre aux réquisitions légales qui lui avaient été faites sur cela par le commandant de la division M. Daffry. Mais ces 12 soldats ont cru devoir obéir à la loi. et sont venus chez le ministre de la guerre pour se constituer prisonniers. Le roi, considérant cette conduite comme une marque non équivoque de leur repentir, m'a ordonné d'écrire à leur régiment pour qu'ils ne fussent pas regardés comme déserteurs. Ils vont partir en conséquence pour rejoindre leurs drapeaux et il ne leur sera rien fait. (Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée reprend la discussion du projet de décret sur la fixation du maximum de la contribution foncière en 1792.
Je demande la question préalable sur le projet du comité. Messieurs, pour fixer avec précision votre attention sur la .quotité du maximum qui vous est proposé, le rapporteur aurait dû, ce me semble, mettre en avant le principe fondamental, duquel découlent toutes les mesures proportionnelles en matière de contribution.
Des économistes célèbres ont écrit que le souverain doit avoir un droit
de propriété sur tous les biens de l'Etat et qu'il pouvait employer une
Mais cettte maxime est fausse et purement sophistique; l'Assemblée constituante a pensé, au contraire, et nous devons tous penser comme elle, que les contributions doivent avoir pour seule mesure les besoins de l'Etat. Ce sont les besoins qui doivent déterminer la quotité des contributions, parce que la quotité des contributions préétablie nepourrait diminuer la somme des besoins, tandis qu'elle pourrait les excéder. L'étendue de ces besoins doit donc être la mesure de l'obligation du contribuable.
Si vous rapprochez de ce principe immuable, de cette base fondamentale de la liberté, si vous en rapprochez, dis-ie, une quotité quelconque de contribution sur la quotité du revenu net des propriétés individuelles, vous vous trouvez tout à coup entre différents écueils. D'un côté, vous touchez au droit de propriété, si vous décrétez que telle portion de revenu vous appartient; de l'autre, la conservation de l'ordre, le maintien de la sûreté publique vous échappent, si votre maximum n'atteint pas la proportion de vos besoins. Enfin s'il la surpasse, vous risquez d'outrepasser vous-mêmes vos pouvoirs, ou de vexer les contribuables. De là, Messieurs, vous sentirez avec quelle circonspection vous devez aborder la fixation d'un maximum quelconque.
En déterminant un maximum sur le revenu net de chaque contribuable, c'est courir le risque de décréter que, dans un Etat libre, les citoyens pourront être forcés de contribuer au delà ae la proportion des besoins, ou que vous pouvez vous mettre au-dessus de ces besoins, et laisser périr la chose publique dans vos mains.
Il s'agit moins de savoir si chaque contribuable payera le quart, le cinquième ou le sixième de son revenu, que de savoir s'il payera sa portion contingente et proportionnelle ae la somme principale de 240 millions de contribution foncière et de sols additionnels.
Or, le principe élémentaire et fondamental que -je vous ai rappelé est applicable à toutes les proportions individuelles et collectives.
Ainsi, par exemple, lorsqu'un contribuable se trouvera surtaxé, l'estimation du revenu net de sa propriété, comparée avec l'estimation du revenu net de la propriété des autres contribuables de la même commune, donnera la juste proportion de sa contribution. •
Je présume trop bien de la nation française, de son amour pour la liberté, pour douter un instant que tous les bons citoyens ne soient pas dévoués à des sacrifices indispensables au maintien de la Constitution. Ce n'est donc pas une mesure de quotité mais une mesure de proportion que vous avez à suivre.
Toutefois, Messieurs, pour ne pas choquer brusquement des idées reçues, et par respect pour une mesure prise par l'Assemblée constituante, je n'invoquerai pas en ce moment la question préalable sur le maximum; mais j'écarterai, quant à présent, toute détermination, et je vous propose l'ajournement de la question. Je conclus donc à l'ajournement jusqu'au mois d'avril, et dans le cas où l'Assemblée sè croirait en état de décider, dès à présent, sur le principe et sur la quotité, je conclus à la fixation au cinquième du revenu net, mais jfrpersiste dans l'ajournement.
Je propose de fermer la discussion sur la seconde lecture et
d'ajourner la troisième lecture du projet de décret à huitaine.
(L'Assemblée ferme la discussion sur la seconde lecture et ajourne la troisième lecture à huitaine.)
Messieurs, la fabrication des faux assignats que l'on a cru être plus grande qu'elle ne l'est en effet, a inquiété les départements. Plusieurs ont nommé des personnes intelligentes pour la vérification, mais ces personnes, qui ne sont que des gens de confiance, n'ont point de base ni de marche tracées. Le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, ne peut dresser les procès-verbaux qui___'ajouter au aecret que hier (1) pour la poursuite des délits de fabrication de faux assignats :
« Le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, est autorisé à adresser à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de policé de sûreté, des exemplaires des procès-verDaux qui constatent ou constateraient à l'avenir le faux des assignats. »
L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire n'est qu'un agent du pouvoir exécutif : ce n'est pas lui, mais bien le pouvoir exécutif que vous devez charger d'envoyer les procès-verbaux dont il s'agit dans les départements.
Je demande pardon au préopinant; mais il importe que la fortune publique ne soit pas à la disposition du pouvoir exécutif, et que les administrateurs qui en sont les dépositaires puissent correspondre directement avec les corps administratifs.
(L'Assemblée adopte l'article additionnel de M. Dorizy qui devient l'article 13 du décret adopté hier.)
Suit la teneur dé ce décret tel qu'il a été présenté à la sanction:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis de législation et des assignats et monnaie, considérant que rien n est plus important ni plus pressant que les précautions nécessaires pour assurer la découverte et la conviction des fabricateurs et dis-tributeurs de faux assignats et fausse monnaie, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit : .
Art. 1er.
« Toutes plaintes ou dénonciations de fabrication ou distribution. de faux assignats ou fausse monnaie, seront portées devant le directeur du juré du lieu du délit, ou de la résidence de l'accusé.
Art. 2.
« Il n'y aura, pour le département de Paris, relativenent à cette espèce
de crime, qu'un seul tableau de juré d'accusation, dressé par les
procureurs svndics des districts de Saint-Denis et du Bourg-îa-Reine, et
parle procureur de la commune de Paris, réunis; il sera composé de 16
ju-
Art. 3.
« Le directeur de ce juré sera pris à tour de rôle, tous les 3 mois, parmi les membres composant le tribunal du premier arrondissement.
Art. 4.
« Les directeurs de juré, juges de paix, officiers municipaux, et tous officièrs de police de sûreté, sont autorisés à faire, en présencé de deux notables ou fonctionnaires publics, ou après les avoir requis de les assister, les ouvertures de portes et perquisitions nécessaires, chez! les personnes suspectées de fabrication ou distribution de faux assignats ou fausse monnaie et leurs complices, 'sur les dénonciations revêtues des caractères exigés par la loi, et d'après les. renseignements que ces officiers auront pris; ils sont également autorisés à saisir toutes pièces de conviction, et à délivrer des mandats d arrêt. L'agent du Trésor public à Paris, les procureurs généraux syndics des départements, procureurs syndics des districts et procureurs des communes sont spécialement chargés de requérir ces recherches et perquisitions.
Art. 5.
« Les directeurs de juré et autres officiers désignés en l'article précédent, qui auront commencé la recherche d'un délit de fabrication Ou distribution de faux assignats ou fausse monnaie, pourront la continuer et faire les visites nécessaires hors de leur ressort.
Art. 6.
« Dans la huitaine de la publication du présent décret, les municipalités feront connaître aux directoires de leurs départements, par la voie des districts, les différentes papeteries qui existent dans l'étendue de leurs communes. Les juges de paix sont autorisés à faire, quand ils le jugeront à propos, des visites dans ces papeteries, pour y saisir les papiers qui seraient destinés à fabriquer de faux assignats ; et ils seront tenus, ainsi que les autres officiers désignés en l'article 4, de procéder à ces visites à toutes réquisitions de procureurs généraux syndics des départements, ou procureurs syndics des districts.
Art. 7.
« Il sera accordé au dénonciateur d'un délit de fabrication Ou distribution de faux assignats ou fausse monnaie, dont les auteurs auront été déclarés convaincus, une récompense qui sera fixée par un décret du Corps législatif, pour service important rendu à la patrie.
Art. 8.
« Le dénonciateur nè pourra jamais être 'entendu Comme témoin dans la procédure. »
Art. 9.
« Si un particulier, complice d'une fabrication de faux assignats ou fausse monnaie, vient lç
premier la dénoncer, il sera exempt de la peine qu'il a encourue.
Art. 10.
« Si le même particulier procure l'arrestation de faussaires et la saisie des matières et instruments de faux, il recevra en outre une somme d'argent.
Art. 11.
« Si, après qu'une fabrication de faux assi- fnats ou de fausse monnaie aura été dénoncée, un des complices procure, de son propre mouvement, l'arrestation des faussaires et la saisie des matières et instruments de faux, il sera exempt de la peine qu'il a encourue.
Art. 12.
« Les dispositions de trois articles précédents auront lieu à l'égard des complices de fabrication de faux assignats ou de fausse monnaie, entreprise hors du royaume, qui la dénonceraient, soit aux autorités constituées en France, soit à ses agents politiques dans les cours étrangères, ou qui procureraient l'arrestation des faussaires et la saisie des matières et instruments de faux.
Art. 13.
« Le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinàire, est autorisé à adresser à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de police de sûreté, des exemplaires des procès-verbaux qui constatent ou constateraient à l'avenir le faux des assignats. »
, au nom des comités de Vordinaire et de Vextraordinaire des finances réunis, fait un rapport (IV et présente un projet de décret sur les billets^ dits de confiance, ae secours ou patriotiques; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités des finances réunis, l'examen d'une pétition de la municipalité de Paris, relative aux billets dits de confiance, de secours ou patriotiques, qui circulent dans la capitale.
Vos comités n'ont rien négligé pour vous préparer une loi qui, se conciliant avec les principes de liberté que nous devons respecter, remédiât cependant aux maux que des spéculations utiles dans leur origine pourraient occasionner, si on ne se hâtait de les prévenir.
Ils ont examiné d'abord par quelle cause les billets de confiance,'etc.; avaient été créés, et quels ont été les motifs qui les ont fait multiplier.
Vous savez, Messieurs, que ces billets n'ont été créés que pour suppléer au manque des fractions des assignats nationaux qui, par la rareté du numéraire, sont devenus indispensables pour les petits échanges journaliers et pour les appoints.
Plusieurs départements, des municipalités, et même des sociétés ôu des
particuliers, conçurent et exécutèrent le projet de fournir leurs
billets au porteur contre des assignats qu'ils s'engageaient de rendre
lorsqu'on leur rapporterait les valeurs qu'ils délivraient.
Bientôt ils furent considérés comme des actes de civisme, et leurs billets furent appelés billets patriotiques. Plusieurs spéculateurs de cette capitale s empressèrent de suivre l'exemple que donnaient les départements du royaume. Une société connue sous le nom de caisse patriotique délivra des billets au porteur, de 50 sous, 5 livres, 10 livres et 25 livres, contre des ^assignats de 50 livres qu'elle s'engagea de rendre lorsqu'on lui rapporterait pour le fiiême montant des billets qu'elle délivrait.
Bientôt les sections et même des particuliers de cette capitale délivrèrent des billets au porteur, de 10 sous, 15 sous, 20 sous, 30 sous et 40 sous, qu'ils échangeaient contre les billets de la caisse patriotique, en s'engageant de les acquitter à vue lorsqu'on leur rapporterait la valeur du billet qu'ils recevaient; ae sorte que le crédit de tous les billets de la capitale reposait sur les assignats nationaux que la caisse patriotique avait reçus, et qui en dernière analyse en formaient le gage.
Le public rechercha avec avidité les billets de tous ces établissements, quel que fut le degré de confiance qu'on dût leur accorder; on se disputait les moyens de se les procurer. Ceux de la capitale se répandirent avec profusion dans les départements voisins; l'agiotage y établit même un bénéfice; de sorte qu'ils eurent momentanément l'avantage sur les assignats nationaux; bientôt, la capitale et les principales villes du royaume se créèrent une espèce de monnaie de confiance qui leur était particulière; on vit, dans la circulation, des billets de toutes les couleurs et de toutes les formes, et le manou-vrier reçut pour prix de son travail des billets que la confiance avait créés, et que le besoin rendait indispensables;
L'Assemblée constituante crut qu'il était né-' cessaire de favoriser ces établissements, puisque, par son décret du 15 mai dernier, elle exempta du droit de timbre les billets au porteur, payables à vue, de 25 livres et au-dessous.
Cependant, tous ces établissements ne méri-^ taient pas la même confiance : les départements et les municipalités qui avaient émis des billets, gardaient en dépôt le gage qui leur était affecté ; de sorte que, par leurs opérations, la masse du papier en circulation était plus divisée, mais n'était pas augmentée; et si quelques sociétés ou particuliers, hors de Paris, ont émis des billets de confiance, ils ont soumis leurs opérations à la surveillance des municipalités et corps administratifs, qui les Ont obligés de conserver en caisse le gage qu'ils avaient reçu, ou de n'en disposer que d'une manière qui ne fît courir aucun risque. -
Dans cette capitale, les sections ont gardé en caisse les assignats qu'elles avaient reçus en échange des billets qu'elles ont délivrés.
La caisse patriotique a déposé dans les caisses de la municipalité un gage considérable en effets nationaux, mais de beaucoup inférieur au fonds qu'elle a reçu et qu'elle a employé à l'achat de lettres de change et autres effets qu'elle a gardés en portefeuille et qui lui ont produit un intérêt; les autres établissements de la capitale ont opéré à leur gré : les uns ont acheté du papier sur Paris ou sur l'étranger; on
croit que certains ont employé les fonds qu'ils ont reçus, à l'achat des marchandises et même des denrées; quelques-uns ont offert de soumettre leurs opérations à la surveillance des corps administratifs, qui s'y sont refusés, de crainte de compromettre leur responsabilité; enfin, il en est certains qui ne sont connus des corps constitués que par leurs affiches et par les billets qu'ils ont émis.
Peut-être aurait-il été plus convenable que la loi, en créant des assignats de petite valeur, eût prévenu de pareils établissements ; du moins, aurait-il été prudent, en les exemptant du droit de timbre, de les assujettir à l'autorisation et à l'inspection des corps administratifs : on aurait évité, par ce moyen, la concurrence de divers papiers dans une même ville ; on aurait eu connaissance de la somme mise en circulation, et on aurait pu prévenir l'émission inconsidérée des billets qui, circulant avec les assignats, augmentent la masse du papier représentatif au numéraire, et dérangent toutes les mesures adoptées par le Corps législatif pour la masse des assignats en circulation, puisque des particuliers peuvent délivrer une somme considérable de leurs billets, sans avoir égard à aucune proportion, tandis que vous délibérez si vous augmenterez de quelques millions la création des assignats.
Peut-être serait-on fondé à attribuer à quelques-uns de ces établissements, la cause du discrédit des assignats, la cherté du numéraire, la baisse de nos changes avec l'étranger, l'accaparement et l'augmentation des marchandises et même des denrées; il serait même possible que les émigrés pussent profiter de la facilité qu'on a de mettre en circulation des billets de confiance, pour se procurer les fonds qu'ils peuvent employer à l'achat de notre numéraire pour l'exporter à l'étranger. Les billets des caisses patriotiques étant peu soignés dans leur fabrication, offrent des moyens plus faciles à la contrefaçon.
Ce sont toutes ces considérations qui ont donné lieu à la pétition de la municipalité de Paris,, qui nous a exposé même des craintes peut-être mal fondées, que quelques personnes ont conçues sur certains établissements.
Vos comités, après avoir eu plusieurs conférences avec M. le ministre de l'intérieur, et avec Messieurs les maire et officiers municipaux de Paris sur cet objet important, duquel dépend peut-être la tranquillité publique, ont cru qu'il était convenable de prendre une mesure générale pour tous les établissements qui se sont formés dans le royaume.
Vos comités ont ensuite examiné si la loi pouvait défendre l'émission et circulation des billets de confiance.
Il n'existerait aucun doute sur la solution de cette question, si les particuliers ou sociétés avaient la prétention de leur donner un cours forcé, c'est-à-dire de les faire considérer comme monnaie nationale : la loi seule pouvant donner ce caractère, aucun particulier ni individu ne peut s'approprier ce droit; mais des billets à vue payables au porteur, que la confiance seule a fait rechercher, ne peuvent être considérés que comme des effets de commerce, que la loi ne peut pas empêcher, quelle que soit leur forme et leur valeur; il doit être permis à tout particulier et à toute société qui jouit d'un confiance, d'en user à son profit ; et si cette confiance est utile à ses concitoyens, puisqu'elle leur facilite les moyens d'échange, il doit en profiter; la na-
tion ne peut point l'en priver, ni en limiter l'étendue, sans s'exposer à une injustice contraire au droit de propriété et aux principes de la liberté.
En vain, objecterait-on que la nation ayant mis des assignats en circulation, elle a le droit d'exclure les billets au porteur : il est incontestable qu'elle a seule le droit de mettre en émission du papier qui a un cours forcé, mais elle ne peut pas exclure celui que la confiance et le besoin fait circuler; car si on voulait le considérer comme monnaie, quelle serait la somme qui distinguerait le papier-monnaie du papier de commerce? caria loi ne pouvant pas admettre et rejeter un principe, si elle créait des assignats de toutes les valeurs, tous les billets devraient être défendus, et dans le moment où il existe des assignats jusqu'à 2,000 livres, le commerce serait de suite privé du droit d'émettre des billets au porteur jusqu'à 2,000 livres. Pour Vous offrir un exemple des inconvénients qui résulteraient de cette mesure, je vous citerai la caisse d'escompte, qui rend des services utiles au commerce de cette capitale, dans un moment où l'intérêt de l'argent est fort cher; je ne doute pas que si elle était adoptée dans ce moment, elle ne portât atteinte au crédit des particuliers, qui se trouveraient peut-être exposés à cesser leurs payements.
Après avoir pesé les inconvénients et l'impossibilité de défendre l'émission des billets au porteur, vos comités ont examiné si la nation avait le droit d'établir une surveillance sur les opérations des personnes ou sociétés qui en émettraient, et s il était convenable de l'établir.
Vos comités ont pensé que si ce système était admis, il pourrait en résulter un grand inconvénient pour toutes les opérations commerciales sur billets au porteur, car elles devraient être toutes soumises à la même surveillance ; cependant, lorsqu'un particulier souscrit une obligation, il s'oblige de l'acquitter dans un temps, et avec des valeurs convenues : si celui qui traite avec lui l'accepte, il ne peut le contraindre qu'à satisfaire à son engagement : si le débiteur s'acquitte exactement, il a rempli son obligation, et s il ne l'acquitte pas, il ne peut y être contraint que par le pouvoir judiciaire. En vain voudrait-on le forcer de garder en caisse, le fonds qui formé le gage : s'il ne s'y est pas soumis, il répondra qu'il n'a contracté d'autre obligation que dé l'acquitter au temps convenu; ainsi, il ne peut être assujetti à aucune surveillance, s'il ne s'y est expressément obligé.
D'ailleurs, quel serait le résultat de cette surveillance? La confierez-vous aux corps administratifs? Ils seront donc obligés, pour l'exercer, de nommer des commissaires pour assister à toutes les opérations ; car, sans cette mesure, la surveillance deviendrait illusoire; elle ne servirait qu'à faire supporter aux administrateurs une responsabilité d'autant plus dangereuse qu'elle intéresse la fortune du pauvre, qui ne manquerait pàs de les accuser de malversation ou de connivence, si, par un événement imprévu, il éprouvait la moindre perte.
Or, cette surveillance ne servirait qu'à augmenter le crédit des billets au porteur; elle serait impossible à exercer sur des établissements formés depuis longtemps; et si ces établissements se multipliaient, le nombre des administrateurs serait insuffisant : quel serait donc l'avantage qu'on retirerait de Cette surveillance, si les billets au porteur étaient indispensables? Ne
conviendrait-il pas mieux d'autoriser les administrations d'en émettre, plutôt que de les obliger de surveiller des personnes qui, souvent, seraient peu connues?
Vos comités, convaincus de la nécessité où nous sommes de prendre une mesure au sujet des billets au porteur de 25 livres et au-dessous, qui circulent dans le royaume, ont examiné quels étaient les motifs qui avaient engagé le corps constituant à les exempter du droit de timbre.
Ils ont pensé que le besoin des petites valeurs et la difficulté de se les procurer promptement, avait fait adopter cette mesure, peut-être impolitique; mais, aujourd'hui que la fabrication des assignats peut fournir aux besoins, et que leur émission est déjà assez considérable, vos comités ont pensé qu'il convenait de révoquer la loi du 15 mai dernier; par ce moyen, il sera impossible que les établissements qui ont émis des billets au porteur, qui gênent la circulation, puissent subsister, par les frais considérables auxquels ils seraient assujettis.
Vos comités auraient désiré pouvoir vous proposer d'abolir en entier l'exemption prononcée par la loi du 15 mai dernier; cependant, comme les coupures d'assignats de 10, 15, 25 et 50 sous que vous avez ordonnées, ne sont pas encore fabriquées, vos comités ont pensé qu'il serait peut-être imprudent de faire retirer les billets aelO sous jusqu'à 3 livres; ils vous proposentdonc * de les exempter encore du droit ae timbre, jusqu'à ce que vous puissiez les remplacer; mais ils ont pensé que cette exemption ne devait pas porter sur les billets au-dessous de 10 sous, de crainte que leur émission, par des particuliers, ne forçât le Gorps législatif à décréter des assignats au-déssous de cette valeur, qui seraient pour lors devenus nécessaires.
Vos comités ont pensé qu'il convenait d'indiquer une époque après laquelle les billets au porteur qui sont actuellement en circulation ne pourront plus circuler sans acquitter le droit de timbre : ils vous proposent de la fixer au Ie? avril prochain, après lequel terme le porteur et le signataire qui contreviendront à la loi, seront condamnés à une amende pécuniaire.
Vos comités ont aussi pensé .que les particuliers qui voudront profiter de l'exemption du droit ae timbre, pourraient être assujettis à des règles particulières. Or, comme il importe à la société de connaître l'étendue du privilège qu'elle accorde, ils vous proposent de décréter que les personnes qui voudront profiter de cette exemption, seront tenues d'obtenir l'autorisation des corps administratifs, et de faire leur déclaration au corps municipal, du nombre, numéro, somme et montant des billets qu'ils mettront en circulation, en y joignant la note et l'emploi des valeurs qui en formeront le gage; ces dispositions s'appliqueront aux personnes qui jouissent et qui voudront continuer à jouir de cette exemption.
Vos comités n'ont pas cru devoir se borner à ces précautions; ils ont pensé qu'il convenait d'autoriser et même de forcer les maires et officiers municipaux, à vérifier, sur les livres et caisses, la vérité des déclarations qu'ils auront reçues, d'en dresser procès-verbal, qu'ils rendront public par l'impression et affiche.
Cette mesure a paru à vos comités préférable à une surveillance, qui, ainsi que je l'ai déjà établi, rend les administrateurs responsables, au lieu que, par une vérification, les adminis-
trateurs affirment seulement la sincérité d'Une déclaration; et en la rendant publique, tout le monde devient les surveillants des opérations des caisses, puisque chacun peut examiner si le numéro qu'il a en ses mains n'a pas été omis ou ne forme pas un double emploi : dès lors la surveillance devient générale, et elle est d'autant plus active, qu'eue a pour stimulant l'intérêt particulier; ce qui rendra la fraude difficile, ou du moins on pourra aisément la découvrir^
Vos comités vous proposent d'imposer dés peines aux personnes qui auront mis en circulation des billets au porteur, sans en avoir obtenu l'autorisation du corps administratif, et sans en avoir fait leur déclaration au corps municipal.
La révocation de la loi du 15 mai dernier devant être bornée aux billets jusqu'à 10 sous, et en sus de 3 livres, vos comités ont dû s'occuper des moyens à employer pour les retirer de la circulation, en évitant toute secousse.
Il est donc nécessaire que vous vous occupiez du soin de faire retirer ces billets sans blesser les droits de la justice; pour parvenir avec succès à ce renouvellement désirable, il faut, par un moyen prompt et avantageux, changer la convention ; et, sans contredit, la nation a bien, le droit de fournir les valeurs qui bonifieront les conditions faites par plusieurs individus. -
Examinons donc quelles sont les conventions pour le payement des billets au porteur exempts de timbre, qui sont actuellement en circulation. Les billets de la caisse patriotique et de divers établissements de plusieurs villes du royaume ne doivent être acquittés qu'autant qu'on en pré-, sentera pour la valeur d'un assignat de 50 livres. Or, si la nation échange des assignats qui forment le gage, contre les assignats de 5 livres dès lors rengagement sera changé, et les souscripteurs des billets au porteur peuvent être forcés de les acquitter avec les valeurs que la na-r tion leur aura fournies.
Cette mesure est fort facile dans ce moment : vous avez en caisse beaucoup d'assignats de 5 livres desquels vous pouvez disposer ; vos comités ont pensé qu'il convenait de décréter que les commissaires de la trésorerie nationale échangeront des assignats de 50 livres et au-dessus, contre des assignats de 5 livres, aux personnes qui ont actuellement en circulation des billets au porteur exempts de timbre au-dessous de 3 livres jusqu'à concurrence de la somme déclarée au corps municipal, qui leur en délivrera un certificat, et qui veillera à ce qu'ils soient employés au retirement des billets actuellement en circulation.
Par ce moyen très-simple, tous les particuliers qui ont des billets au-dessus de 3 livres, s'empresseront d'aller retirer des assignats de 5 livres, afin d'éviter le droit du timbre auquel ils seraient assujettis au 1er avril, et vous retirerez promptement de la circulation une masse considérable du papier qui gêne; celle des assignats.
Cette même mesure pourra être employée avec succès pour les billets au porteur ae 10 sous jusqu'à 3 livrés que vous êtes obligés de laisser encore en circulation, jusqu'à ce que les cour pures de 10, 15, 25 et 50 sous soient fabriquées.
Vos comités auraient désiré pouvoir faire disparaître de suite tous les billets au porteur au--dessous de 25 livres, qui sont actuellement en circulation ; mais, ne pouvant pas atteindre encore à ce but" si désirable, ils ont pensé que la manifestation de votre opinion opérerait un
grand bien, et assurerait la tranquillité publique, puisque tout le monde pourra calculer l'époque prochaine de leur retirement.
Je vais vous lire le projet de décret rédigé d'après les principes que je vous ai développés :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des finances réunis, délibérant sur un projet de décret dont la lecture a été faite le 25 février,
« Et ce jour, après avoir préalablement arrêté être en état de rendre un décret définitif, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. A compter du 1er avril prochain,
l'exemption du droit de timbre accordee par la loi du 15 mai dernier, en
faveur des billets au porteur payables à vue, de 25 livres et
au-dessous, n'aura lieu que pour les billets de 10 sous jusques et
compris 3 livres.
« Art. 2. Les billets au porteur payables à vue, au-dessous de 10 sous et au-dessus de 3 livres, qui seront mis en émission après la publication du présent décret, seront sujets au droit du timbre comme tous les autres effets de commerce.
« Art. 3. Les personnes qui, à compter du jour de la publication du présent décret, voudront mettre en circulation des billets au porteur, de 10 sous jusques et compris 3 livres en profitant de l'exemption du droit de timbre, seront tenues d'en obtenir l'autorisation du directoire du département, sur l'avis du directoire de district et ae la municipalité.
« Art. 4. Elles seront tenues aussi de faire leur déclaration au greffe municipal, du nombre, numéros, formes, sommes, et montant des billets qu'elles mettront en circulation, et des valeurs qui en forment le gage.
« Art. 5. Les personnes qui ont déjà mis en circulation des billets au porteur, exempts de timbre, seront tenues de faire sous trois jours, au grèffe municipal, la même déclaration ordonnée par l'article 4.
« Art. 6. Les maires et officiers municipaux pourront vérifier, lorsqu'ils le jugeront convenable, et ils seront tenus de vérifier trois jours après la remise des déclarations, les livres et caisses des personnes qui les auront faites; ils dresseront Srocès-verbal de leur vérification, qu'ils ren-ront public par l'impression et affiche.
« Art. 7. Après le 1er avril prochain, les personnes qui se serviront des billets au porteur au-dessous de 10 sous et au-dessus de S livres jusqu'à 25 livres sans les avoir fait timbrer, seront condamnées à une amende de 25 livres.
« Art. 8. Les trois jours après la publication du présent décret expirés, ceux qui ont émis des illets au porteur, exempts du timbre, qui n'auront pas satisfait aux dispositions de l'article 5, seront condamnés à une amende qui ne pourra excéder 100,000 livres ni être moindre de 10,000 livres; la même peine sera prononcée contre ceux qui auront fait une fausse déclaration.
«. Art. 9. Ceux qui, après la publication du présent décret, mettront en circulation des billets au porteur au-dessous de 10 sous et au-dessus de 3 livres sans avoir acquitté le droit de timbre, seront condamnés en une amende qui ne pourra être moindre de 3,000 livres ni excéder 60,000 livres.
c Art. 10. Ceux qui, après la publication du présent décret, mettront en circulation des billets au porteur de 10 sous jusques et compris 3 livres, en profitant de l'exemption des droits de
timbre, et qui n'auront pas satisfait aux dispositions ordonnées par les articles 3 et 4 seront condamnés aux mêmes peines portées en l'article 9.
« Art. 11. Afin de faciliter le prompt remboursement des billets au porteur au-dessus de 3 livres qui sont actuellement en circulation sans avoir acquitté le droit du timbre, les commissaires de la trésorerie nationale sont autorisés à fournir des assignats de 5 livres en échange d'assignats de 50 libres et au-dessus, aux personnes qui auront fait leur déclaration au greffe municipal jusqu'à concurrence de la somme déclarée;
« Art. 12. Les commissaires de la trésorerie nationale ne délivreront des assignats de 5 livres en échange, qu'après s'être assurés, par un certificat de la municipalité, que leur emploi sera affecté au retirement des billets au porteur au-dessus de 3 livres exempts de timbre, actuellement en circulation.
« Art. 13. Au moyen de l'échange ordonné par les articles 11 et 12, les personnes qui ont souscrit des billets au-dessus de 3 livres jusques et y compris 25 livres payables à vue, exempts du timbre, seront tenues ae les acquitter en assignats de cinq livres quoique leur engagement porte l'obligation de ne les acquitter qu'en assignats de plus forte valeur. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours et du projet de décret de M. Cambon et ajourne la seconde lecture à huitaine.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité diplomatique (1) swr la lettre de Vempereur Léopold, écrite au roi en conséquence du conclusum ae la diète générale de V Empire.
, rapporteur. Messieurs, avant la discussion du rapport du comité diplomatique sur la lettre de l'empereur au roi, écrite en conséquence du conclusum de la diète de Ratisbonne, je ferai, comme rapporteur, la deuxième lecture du projet de décret proposé par le comité diplomatique. J'ajouterai encore, Messieurs, què le rapport sur l'Espagne est prêt, et qu'il sera mis à l'ordre du jour, si vous le désirez, dans la semaine prochaine.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité central !
(L'Assemblée renvoie au comité central pour fixer le jour oCl l'Assemblée entendra le rapport sur les relations ,de la France et de l'Espagne.) ■
, rapporteur, donne ensuite lecture du projet de décret du comité diplomatique sur la lettre de l'empereur Léopold, écrite au roi en conséquence du conclusum de la diète générale de l'Empire. Ce projet de décret est ainsi conçu :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que la souveraineté de la nation
française est indivisible et indépendante dans toute l'étendue du
territoire français; qu'elle est reconnue et assurée à l'égard des
ci-devant provinces de Lorraine et d'Alsace, par les traités faits avec
l'empereur et l'Empire, et que les droits réservés à quelques princes de
l'Empire, par ces traités, n'en peuvent ni limiter ni contrarier le
plein et entier exercice.
« Après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, délibérant sur le conclusum de la diète et la lettre de l'empereur au roi ;
« Déclare, en conformité des décrets rendus par l'Assemblée constituante les 28 octobre 1790 et 19 juin 1791, et de son propre décret du14 de ce mois, que les lois concernant l'abolition des droits seigneuriaux et féodaux dans toute l'étendue de 1 Empire français doivent recevoir leur pleine et entière exécution à l'égard des princes et des Etats de l'Empire comme et de tous autres possesseurs.
« En conséquence, décrète que le roi sera prié de faire suivre les négociations entamées avec les princes possessionnés en Alsace et en Lorraine, de manière qu'il soit incessamment pourvu à l'indemnité qui leur a été accordée par les précédents décrets, par tous les moyens compatibles avec les principes de la justice et de la Constitution française. » (Vifs applaudissements.)
Messieurs, il n'est pas d'objet plus important pour la nation française que l'objet qui est soumis à la discussion; le projet du comité diplomatique ne remplirait pas, selon moi, le but que nous devons nous proposer.
Avant de vous communiquer mes observations sur ce projet, je vous parlerai d'une mesure qui n'est point indiquée et qui me paraît indispensable : lorsque l'Acte constitutionnel n'était pas encore accepté, vos ennemis cherchaient à soulever toutes les puissances contre le peuple français, sous prétexte qu'elles devaient venir au secours du roi. Depuis l'acceptation, ils ont eux-mêmes senti l'illusion de ce prétexte, mais ils lui en ont substitué un autre qui, tout vain, tout faux qu'il est, ne laisse pas de faire impression. Ils se servent des prétendus griefs des princes allemands possessionnés en France pour rèpré-senter partout les Français comme des usurpateurs arbitraires, comme des infracteurs des traités et du droit des gens. Ils réclament l'intervention armée des puissances garantes du traité de Westphalie, ils remplissent l'Europe d'un manifeste où lès dispositions de cette paix et des traités postérieurs se trouvent dénaturées et assorties aux sentiments de vengeance dont ils sont animés. Le conclusum de la diète de Ra-tisbonne n'est lui-même qu'une sorte de manifeste destiné à provoquer toutes les cours contre la France.
Mais il est de votre dignité plus encore que de votre intérêt de faire connaître à l'Europe entière les véritables dispositions des traités, la manière dont ils ont été exécutés, et l'acquiescement non interrompu de l'Empire, que les puissances garantes elles-mêmes ont donné à leur exécution.
M. Koch a discuté cette matière avec l'érudition et la profondeur qui distinguent tous ses travaux diplomatiques; mais trop préoccupé peut-être qu'il parlait à une assemblée d'hommes instruits, il ne s'est pas mis assez à la portée du commun des lecteurs; il n'a pas suffisamment insisté sur les dispositions les plus décisives des traités; il a négligé les objections les
plus spécieuses des' impériaux; il n'a pas 'assez appuyé sur la partie historique des traités; il n'a pas répondu aux griefs particuliers des évêques allemands, qui exerçaient leur juridiction en Alsace et en Lorraine. C'est néanmoins sur ce dernier objet qu'on compte le plus pour accroître le nombre de vos ennemis, quoique la légitimité des décrets qui intéressent les Allemands soit aussi facile à démontrer sous les rapports ecclésiastiques que sous les rapports purement civils.
Enfin, M. Koch a fait une sorte d'apologie de la conduite qu'a tenue l'empereur auprès de la diète de Ratisbonne. Je désire que, aans cette Assemblée, on ne parle jamais des puissances étrangères qu'avec les égards qu'on se doit d'Etat à Etat; mais l'événement n'a-t-il pas prouvé que cette conduite de l'empereur n'était que le résultat d'une adroite politique ; et l'Assemblée ne montrerait-elle pas de la faiblesse, de l'inconvenance, si elle autorisait la prétendue justification d'un prince dont les intentions hostiles ont été si hautement manifestées? Sous ces différents points de vue, le rapport de M. Koch ne me paraît pas devoir tenir lieu de réponse aux calomnies qui attaquent de toutes parts les décrets relatifs aux princes allemands possesr sionnés. Une mesure à cet égard est cependant nécessaire. Si les princes possessionnés doivent susciter une guerre à la France, il faut que tous les citoyens, il faut que tous les peuples sachent que celte guerre sera injuste. Lorsqu'un peuple, forcé de faire la guerre, connaît la justice de la cause qu'il défend; cette idée seule agrandit son courage, étend ses ressorts politiques, multiplie ses forces. Cette même idée, quand elle est répandue parmi ses ennemis, produit naturellement, dans toutes les âmes honnêtes qui les environnent, le découragement de l'indignation.
Donnons donc à la souveraineté française, sur l'Alsace et la Lorraine, le développement dont elle est susceptible, et la publicité qui doit porter partout la lumière et la conviction. J'ai tenté de faire ce développement, qui doit être simple, impartial, uniquement fondé sur les principes : il pourra servir à, une meilleure rédaction, sous la forme d'une déclaration raisonnée, ou sous toute autre forme que vous jugerez à propos. (Applaudissements.)
La souveraineté française sur l'Alsace prend son fondement dans les traités de Munster et de Riswich. Pour saisir le vrai sens de ces traités, il faut connaître les circonstances qui les ont précédés et suivis ; pour comparer les prétentions actuelles de l'Empire avec les droits cédés à la France par ces mêmes traités, il faut savoir quel était, avant la cession, et quel fut ensuite le gouvernement politique de l'Alsace...
L'Empire est composé d'environ 300 Etats libres et immédiats qui, par les lois de la confédération germanique, reconnaissentl'empereur pour chef commun, et ont séance et droit de suffrage à la diète, soit séparément, soit comme faisant partie du collège. Ce droit de suffrage est attaché, non pas à la persohue, mais à une certaine nature ae propriété; car, pour en jouir, il faut, entre autres conditions, posséder une principauté, comté ou seigneurie immédiate; outre les Etats proprement dits, il y a une noblesse appelée noblesse immédiate ae l'Empire, quia également l'empereur pour chef, et qui, cependant, n'a jamais pu obtenir la faculté de voter et de siéger dans les assemblées impériales, mais elle ne laisse pas de jouir, comme
les Etats, des droits' régaliens immédiats dans les terres qu'elle possède. En général, les seigneurs territoriaux prennent le titre de princes immédiats de l'Empire; on donne à leurs vassaux le nom de membres médiats.
Quels sont les droits de l'Empire, et des membres qui en relèvent immédiatement? Les voici en substance : On distingue en Allemagne le domaine suprême et la supériorité territoriale. Le domaine suprême ou la véritable supériorité est exercé, au nom de l'Empire, par la diète et l'empereur. La supériorité territoriale appartient au propriétaire immédiat de la terre. Elle" comprend des droits et des prérogatives ; ne réside que dans les mains de ceux qui exercent la pleine souveraineté, tel que le droit de battre monnaie, de lever des troupes, de faire des lois. Cependant, la supériorité territoriale n'est pas indépendante de l-exercice des droits qu'elle renferme, mais elle est dominée en tout, soit par le concours, soit par l'action réprimante de la souveraineté du domaine suprême. Par exemple, un supérieur territorial a communément la faculté de s'entourer de fortifications dans ses terres; mais l'empereur et l'limpire peuvent l'en empêcher. On lui en prescrit la démolition, et même on en fait bâtir de nouvelles malgré lui, si la tranquillité des Etats voisins ou l'intérêt du corps germanique le demande. Un supérieur territorial peut établir des contributions sur ses sujets, mais il peut aussi être appelé par eux devant la Chambre impériale qui prononce souverainement sur leur réclamation, et il est sujet lui-même aux impôts, soit ordinaires, soit extraordinaires, que l'empereur établit sur les domaines territoriaux.
C'est sur ces bases communes que reposait le fouvernement de l'Alsace, lorsqu'elle fut réunie la France: elle était divisée en haute et basse; elle comprenait aussi le Suntgaw et 10 villes impériales réunies depuis.
Ferdinand II exerçait lui-même le domaine suprême dans toute l'étendue de l'Alsace, comme ehef'de la maison d'Autriche; et, sous le titre de landgrave d'Alsace, il exerçait la supériorité sur une partie de cette province. Le reste reconnaissait la supériorité d'autres seigneurs qui, sous divers titres, en étaient possesseurs immédiats. Il est remarquable néanmoins tjue, jusqu'à l'époque de la paix de WestphaLie^ le système qui régissait l'Allemagne n'avait été rien moins que solide; il était fondé sur les. lois antiques, mais impuissantes contre l'ambition et les forces de la maison d'Autriche. Les chefs de cette maison avaient tenté plus d'une fois de rendre héréditaire le trône impérial. Souvent ils étaient parvenus à substituer l'autorité arbitraire aux forces conservatrices de l'indépendance du corps germanique;.mais nul ne fut plus entreprenant que Ferdinand II; il voulut anéantir tous les Etats protestants. Il manifesta un plan d'intolérance, d'oppression et de despotisme dont l'exécution aurait bientôt fait disparaître tout ce qu'on appelle liberté germanique. Trop faibles pour lui résister, tous ceux des princes et Etats qui purent connaître leurs véritables intérêts, employèrent le secours de la France et de la Suède : de là cette fameuse guerre de 30 ans, terminée, en 1648, par la paix de Westphalie, qui est composée de deux traités conclus, l'un à snabruck, l'autre à Munster.
Ces deux traités déterminent avec la plus frande précision les droits et les prérogatives e chaque Etat de l'Allemagne en particulier ;
aussi sont-ils considérés, avec raison, comme le garant le plus solide de la supériorité territoriale, comme le bouclier de l'Empire contre les entreprises de son chef, comme le fondement de la paix religieuse, dont on a joui depuis dans toute la Germanie, et qui avait été précédée de si longues et si sanglantes horreurs. N'était-il donc pas juste et naturel que la France et la Suède, qui avaient procuré ce précieux avantage à l'Empire, fussent indemnisées au moins d'une partie du prix immense de leurs efforts auxiliaires ?
"Le traité d'Osnabruck contient en effet la cession de domaines considérables, en faveur de la Suède, avec la convention formelle qu'elle les possédérait en fiefs perpétuels immédiats de l'Empire, et qu'en conséquence elle aurait voix et séance aux diètes du corps germanique. Quant à la France, les dédommagements furent réglés par le traité de Munster. Les articles 73, 74 et 77 portent que le landgraviat de la Haute et Basse-Alsace, de Suntgaw, et la préfecture des villes impériales, tous les droits, propriétés, domaines et possessions qui, jusqu'ici, ont appartenu soit à rempereur, soit à l'Empire et à la maison d'Autriche, ainsi que tous les vassaux, sujets, hommes, villes et bourgs, appartiendront dorénavant et seront incorporés à la France, avec toute juridiction, supériorité et domaine, sans que l'empereur, l'Empire, la maison d'Autriche, ni aucun autre, y puissent apporter aucune contradiction. Il est difficile de concevoir une cession de souveraineté plus positive, plus générale, plus irréfragable; mais l'article 87 au même traité n'y a-fril pas mis une restriction? Voici cet article :
« Que le roi très chrétien soit tenu de laisser non seulement les évêques de Strasbourg et de Bâle et la ville de Strasbourg; mais aussi les autres Etats et ordres ; que, dans l'une et l'autre Alsace, relevant immédiatement de l'Empire, les abbés de Murbarck etdeLuines,l'abbesse deLan-delot, le monastère de Saint-Grégoire, de l'ordre de Saint-Benoit, etc., dans la liberté et possession d'immédiateté à l'égard de l'Empire, dont ils ont joui jusqu'à présent, de sorte qu'ils ne puissent préténdre aucune supériorité régalienne, mais qu'ils se contentent des droits qui appartenaient à la maison d'Autriche, et qui, par ce traité de paix, sont cédés à la couronne de France, de manière toutefois que, par cette présente déclaration, on n'entende point qu'il soit rien ôté du droit de domaine suprême, qui a été ci-dessus accordé. »
Voilà l'article dont on argumente pour prétendre que les droits de l'empereur et de l'Empire furent conservés sur tous les Etats d'Alsace, qui jusqu'alors avaient eu l'empereur pour chef immédiat, et que les droits de supériorité, de propriété et de domaine supérieur d'abord cédés à la France, toutes les parties de l'Alsace sans exception furent restreintes ensuite aux droits dont avait joui la maison d'Autriche. Voilà sans doute ce qui fait dire à l'empereur et à la diète que les décrets de l'Assemblée nationale qui ont supprimé les droits féodaux en Alsace comme dans le reste de la France, sont des usurpations arbitraires, des infractions des autorités territoriales de l'empereur et de l'Empire et de leur suzeraineté. 11 est bien Vrai que certains princes allemands, la noblesse de la Basse-Alsace et les villes impériales, firent les plus vives instances, auprès de la diète pour faire obliger la France à se contenter des droits que la maison d'Autriche
avait exercés dans l'Alsace; mais il est certain aussi, qu'avant la rédaction du traité, l'accession pleine et entière avait été signée, suivant un acte original qu'on peut lire au dépôt des affaires étrangères et que les ministres de France ne voulurent jamais qu'elle fût attenuée par une restriction effective.
Si la cession faite à la France avait été réduite aux droits de la maison d'Autriche, elle aurait perdu son caractère de cession pour prendre celui de vente ; car le roi s'obligeait, par l'article 88 du traité, à payer à cette maison la somme de 3 millions de livres tournois pôur prix de sa renonciation à ses droits en Alsace. Or, est-il concevable que la France, qui portait alors un grand caractère d'ambition, qui donnait la loi à l'Allemagne, qui rendait à l'Empire tout ce qu'elle avait conquis au delà du Rhin, eût Consenti à ne rien garder ou à ne rien recevoir en compensation dans une province qui était à sa disposition et à sa bienséance? Est-il concevable que la France, qui avait consacré à la cour d'Allemagne tant de sang et de trésors, qui avait affermi leurs lois, leur indépendance et leur liberté, qui voyait récompenser la Suède de son concours à ses sacrifices et à ses bienfaits, par la cession d'une grande étendue de domaines impériaux, et par l'obligation de lui payer la somme de 5 millions de rixdalles, eût seule; oublié ses propres intérêts et ne se fût assurée d'aucune indemnité réelle? Et pourquoi la cession de tout ce que l'Empire possédait en Alsace aurait-elle été stipulée et rédigée avec tant de soin et tant de précision dans les articles 73, 74 et 77 du traité de Munster, si l'on devait le détruire par un article postérieur? Non, l'article 87 n a pas détruit l'effet des articles précédents. La restriction qu'on croit y apercevoir au premier coup d'oeil, disparaît quand on la lit avec quelque attention. Cet article comprend deux dispositions incompatibles, dont l'une est nécessairement renversée par l'autre. Dans le premier, il est dit que les tats de l'une et l'autre Alsace, les 10 villes impériales dépendantes de la préfecture* d'Ha-guenau, et la noblessê de la Basse-Alsace seront maintenus dans leur immédiateté à l'égard de l'Empire. Dans la deuxième, il est dit que, par cette déclaration, on ne doit pas entendre qu'il ne soit rien ôté ae ce droit de domaine suprême qui a été ci-dessus accordé. Or, pourquoi l'Empire avait-il cédé, par les articles précédents, son droit de domaine suprême? Il l'avait cédé sur les 10 villes impériales qui reconnaissaient la préfecture de Haguenau, et sur tout ce qu'il possédait en Alsace, sans rien réserver. L'empereur et l'Empire le reconnurent tellement, que par les articles 73, 74 et 77, ils se sont entièrement dépouillés de leurs droits de domaine suprême dans toute l'étendue de cette province. Ils voulaient industrieusement revenir sur leurs pas dans l'article 87, et n'ayant pu obtenir aucun relâchement des ministres de France,- quir avaient mis la paix au prix de la cession de toute l'Alsace, ils voulurent se ménager de sur- veloppés dans les formes du gouvernement germanique, qui était très peu connu au dehors, dans les termes définis de supériorité régalienne et immédiateté, relativement à l'Empire, l'énon-ciation vague des droits qui étaient réunis, avec ceux dans les mains de l'empereur. Mais les mi-
nistres de France prévinrent toutes les conséquences de cette tournure diplomatique, en faisant terminer l'article par la disposition qui garantit l'exécution de la cession pleine et entière que l'Empire avait déjà faite de son droit de domaine suprême, relativement à toute l'Alsace. Qu'importe donc que l'immédiateté à l'égard de l'Empire ait été réservée à la France par l'article 87, si ce même article refuse à l'Empire tout droit de domaine suprême? Principes élémentaires de l'immédiateté des Etats à l'égard de l'Empire et droits de domaine suprême de la part de l'Empire sur les Etats, sont deux choses tellement correspondantes, tellement liées entre elles, que l'une ne peut exister sans l'autre.
Il est donc évident que les États de l'Alsace Ferdirent le droit de relever immédiatement de Empire, par cela seul que l'Empire renonça au droit de domaine suprême qu'il exerçait auparavant dans cette province. La souveraineté serrait suffisamment établie quand même elle n'aurait d'autre base que le traité de Munster. Cependant, lés Etats de l'Empire, qui voulaient recueillir je fruit qu'ils s'étaient promis de la prétendue restriction, contestèrent longtemps à la France l'exercice de cette souveraineté. La noblesse de la Basse-Alsace ne négligea même rien pour favoriser leurs vues : elle n'avait jamais été reconnue dans l'Empire, pour immédiate ; elle avait reçu, pour le première fois, cette qualité dans l'article 87 du traité de Munster et cela pour renforcer, autant qu'il était possible, l'insidieuse prétention des plénipotentiaires impériaux.
Ce fut en conséquence de cela, qu'en 1652, cette noblesse établit une matricule et un directoire semblable à celui immédiat de l'Empire et l'on conçoit aisément qu'il ne lui fut pas difficile d'obtenir la ratification de l'empereur; mais Louis XIV ne perdit jamais de vue cette plénitude de souveraineté qui avait été cédée à la France : et si, dès lors, il ne l'exerçait pas dans l'Alsace avec le despotisme qui pesait sur le reste du royaume, c'est qu'il était essentiel de ne pas trop ouvertement choquer les prétentions dans une province limitrophe, encore imbue de l'esprit de son ancien gouvernement.
Cependant la rivalité qui, pour le malheur des nations intéressées, divisait depuis longtemps les maisons de Bourbon et d'Autriche, alluma entre la France et l'Empire, une guerre qui, après avoir agité toute 1 Europe, est terminée en 1674, par un traité conclu au milieu des triomphes de Louis XIV. L'histoire des négociations qui amenèrent ce traité, atteste que les impériaux présentèrent au congrès un projet d'article qui, s'il eût été adopté, aurait fait entrer les Etats de l'Alsace, autrefois immédiats, sous le domaine suprême de l'Empire; mais ce projet appuyé par les plus vives instances, fut hautement rejeté par les- ministres français; et si l'on joint à cette circonstance l'article du traité de Nimègue, qui rétablit dans toute sa force le traité de Munster, n'y retrouvera-t-on pas, de la part du corps germanique, l'aveu et la confirmation dé la latitude illimitée qu'avait reçue la cession de l'Alsace.
Cette même circonstance fit sentir encore à Louis XIV la nécessité d'ôter désormais tout prétexte aux réclamations Impériales; il ne garda plus aucun ménagement pour l'exercice de la souveraineté absolue.
Tous les Etats qui avaient ou qui prétendaient avoir été anciennement immédiats, furent appe-
lés juridiquement devant le tribunal à Brisac, et ce tribunal rendit, le 22 mars et le 2 août 1680, deux arrêts par lesquels tous les bailliages, villes, terres et seigneuries situés dans les diverses parties de l'Alsace, sans exception, furent con-tradictoirement déclarés réunis à la souveraineté de la France. 11 faut avouer cependant que le conseil, ainsi que le tribunal, tombèrent dans plusieurs erreurs; ils comprirent dans la réunion un grand nombre de terres qui, à la vérité, avait dépendu anciennement de 1 Alsace, mais qui en avaient été démembrées avànt l'époque de la cession.
Ces arrêts occasionnèrent les plus vives réclamations à Vienne et à la diète. La guerre se ralluma entre la France et l'Empire, et fut suivie du traité de Trêves, conclu en 1684, dans la ville de Ratisbonne. Par les articles 4 et 5 de ce traité, il fut convenu que la France demeurerait pendant 20 ans dans la libre et paisible possession de tous les biens et seigneuries généralement quelconques qui avaient été occupés dans l'Empire en vertu des arrêts des chambresroyales de Metz et de Brisac et du parlement de Besançon, jusqu'au premier jour d'août 1681 et qu'elle exercerait librement et sans contradiction, dans ledit lieu, les droits de souveraineté.
La paix ne fut pas de longue durée; la maison d'Autriche parvint à liguer contre la France, les principales puissances ae l'Europe;mais toujours invincible, toujours triomphante, la France conclut avec elle, en 1691, le-fameux traité de Ris-wick, qui fut regardé comme un des plus beaux monuments de sa diplomatie.
Les ministres impériaux ne tardèrent pas à relever leurs prétentions sur les pays alsaciens, autrefois immédiats; mais les ministres de France, invariables dans le principe qui avait soumis ces pays à la souveraineté de leur nation, ne consentirent à rendre à l'Empire que celles des terres réunies qui se trouvaient situées hors de l'Alsace. Tel est le sens dans lequel fut rédigé l'article 4 du traité de Riswick. « Tous les lieux et droits, y est-il dit, occupés pendant la guerre, sous le nom d'union ou réunion, situés hors de l'Alsace ou contenus dans la liste de réunion produite par l'ambassade de France, seront rendus à Sa Majesté Impériale, à l'Empire et à ses Etats et membres ; les décrets, arrêts et déclarations rendus à cet égard par les chambres de Metz, de Besançon et le conseil de Brisac, seront cassés, et toutes choses remises au même état où elles étaient avant lesdites acceptations, unions et réunions. »
N'est-il pas visible qu'en se contentant de faire annuler les arrêts relatifs à ces réunions extérieures, l'Empire reconnut la validité des arrêts de réunion relatifs à l'intérieur ? N'est-il pas évident qu'en se bornant à réclamer les terres situées nors de l'Alsace, l'Empire consentit que les terres situées dans cette province demeurassent soumises à la souveraineté française?
Mais, disent les publicistes allemands, ce n'est pas ainsi qu'il faut entendre l'article qui contient deux dispositions différentes. Il ordonne la restitution des pays réunis, situés hors de l'Alsace, ou compris dans la liste des réunions, produite par Vambassade de France : or, cette liste .comprend des terres situées dans l'Alsace ; donc la dernière disposition qui se rapporte à la liste de réunion, s'applique à toutes les terres immédiates situées dans cette province; donc elles ont pu être aussi restituées. U est difficile de rien concevoir de moins concluant. S'il fallait
partir des principes hasardés par ces publicistes, on n'en pourrait tirer tout au plus que la conclusion suivante : La liste des lieux à restituer ne contient qu'un très petit nombre de terres situées en Alsace; donc toutes les terres intérieures, non comprises dans cette liste, sont exclues de la restitution; et par cela même les prétentions des impériaux se réduiraient, pour ainsi dire, à rien, d'après leur propre système ; car, parmi les terres autrefois immédiates, situées dans l'Alsace, la liste ne comprend que les seigneuries de Courcevillers, d'Offinsting et de Bergeinstein ; mais il est certain que ces trois seigneuries elles-mêmes ne devaient pas être restituées, et que leur nom n'avait été inséré dans la liste que par erreur. En effet, d'après l'article 4, la France a restitué tous les lieux réunis qui se trouvaient situés hors d'Alsace ou compris dans la liste des réunions produites par les plénipotentiaires français;'il est évident qu'il n'y a là qu'une seule et même disposition et que la liste n'était destinée qu'à déterminer les lieux situés hors de l'Alsace. Il eût été long et pénible de faire rénumération exacte de tous les lieux qui avaient été réunis hors de l'Alsace ; et comme cette énumération avait déjà été présentée par les ambassadeurs français, on vit avec raison qu'il était tout simple de s'en référer à cette liste dont l'unique objet avait été de ne pas confondre les lieux intérieurs avec les lieux extérieurs, et de faire connaître exactement ces derniers, les seuls que la France eût consenti à rendre aux impériaux; elle l'avait ainsi déclaré dans tout le cours des conciliations qui ont eu lieu par l'organe de ses plénipotentiaires; elle y persista dans son ultimatum, conçu dans les termes suivants :
Nous avons accordé tous les fiefs qui sont énoncés dans la liste de réunion que nous avons communiquée ; et à l'égard de la liste de supplément, donnée par MM. les ambassadeurs de l'empereur, nous accordons tous les fiefs réunis par les arrêts de réunion, à la réserve de ceux qui sont dans l'Alsace, que nous avons déclaré être de la souveraineté du roi. » Je rapporte littéralement. (Applaudissements.)
Enfin il est remarquable que les articles 4, 5, 6, 7, 8, 9,10,11, 12, 13, 14 et 15 du traité de Riswick, contiennent la citation nominale de la plupart des Etats et seigneuries qui devaient être restitués aux impériaux; qu'on n'y trouve aucun des Etats situés dans l'intérieur de l'Alsace.- C'était donc par erreur que les noms des seigneuries de Courcevillers, d'Offinsting et Bergenstein s'étaient glissés dans la liste des ministres français ; il n'est pas possible d'en indiquer une autre cause raisonnable. Aussi, les propriétaires de ces seigneuries ne s'avisèrent-, ils point d'y chercher la défense de leur prétendue immédiateté. La partie de Baume, par exemple, qui est située en Alsace, se trouvait désignée dans la liste ; et cependant le comte de Baume n'en reconnut pas moins la souveraineté française ; car, peu de temps après le traité de Riswick, il prêta volontairement à la France le serment ae soumission et de fidélité.
Le traité de Bâle qui, en 1714, termina la guerre pour la succession d'Espagne, vient encore à l'appui des principes déjà avancés. Alors, la France était fatiguée d'une longue guerre et la paix lui était aussi nécessaire qu'à l'Allemagne; cependant, les impériaux eurent beau réclamer encore les Etats d'Alsace; la France, avec la même fermeté qu'auparavantt refusa toute ré-
daction de laquelle on eût pu induire le moindre démembrement de sa souveraineté sur cette province. Le silence même du traité à cet égard équivaut donc à un acquiescement de la part de l'Empire. Ne peut-on pas ajouter que cet aquies-cement est formel dans l'article 14? Les impériaux y consentent que, conformément au traité de Riswick, la ville de Landau, qui avait été quatre fois prise et reprise pendant le cours des Hostilités, demeure sous la domination française, tout comme elle y était avant la guerre. Or, Landau était une des 10 villes impériales d'Alsace, dont on prétend que l'immédiateté avait été réservée. A quel titre donc la France avait-elle possédé cette ville? Après le traité de Riswick, et avant la dernière guerre, terminée par le traité de Bâle, elle n'avait pu la posséder qu'en exécution des traités de Munster ou de Nimègue, et en vertu des arrêts de réunion, mentionnés dans le traité de Riswick : conformément donc au traité de Bâle, qui porte que la France demeure souveraine de Landau, ainsi qu'elle l'était avant la dernière guerre, les impériaux avouèrent implicitement que les Etats situés dans l'intérieur de l'Alsace, avaient été confirmés à la France. Les publicistes ne donnent quelque apparence à la cause impériale qu'en dissimulant, qu'en dénaturant les dispositions des traités. Leur grand art est de rassembler tous les rapports de leur système dans une objection vague, inexacte, qu'ils ne cessent de reproduire sous des faces toujours nouvelles, et à laquelle il suffira d'opposer les principes réunis dans un tableau rapide.
La paix de Westphalie, disent-ils, est le fondement de tous les traités postérieurs qui ne font que l'affermir. Or, les cessions faites en Alsace se bornaient à ce que la maison d'Autriche y possédait alors; et aucun des traités subséquents n'a étendu cette cession à toute la province; donc les droits de l'Empire y ont toujours été conservés. Et n'a-t-on pas vu au contraire que l'affaire de Westphalie ou le traité de Munster avait réellement transmis à la France la suprématie sur toute l'Alsace? N'est-ce pas à la demande des Français que la paix de Westphalie fut posée pour base des traités postérieurs, et qu'elle y trouva successivement sa confirmation? Les impériaux ne savaient-ils pas que la France regardait la paix de Westphalie comme le titre fondamental de sa souveraineté sur toute la province? Voilà pourquoi ils insistaient tant au congrès de Nimègue pour faire mettre leurs prétentions contraires en arbitrage: ne déférant, après bien des contestations, à la résistance qu'ils éprouvaient de la part de la France, ne donnèrent-ils pas leur adhésion à la réalité des titres sur lesquels elle fondait cette souveraineté? Par le traité de Trêves, qui reçut également pour base la paix de Westphalie, elle la confirma dans tous les points, sans même employer la clause ordinaire, exclusive des dispositions auxquelles il serait dérogé par ce traité, disons-nous, ne consentirent-ils pas que la France continuât de posséder, pendant 20 ans, tous les lieux et seigneuries, généralement quelconques, réunis à sa souveraineté par les arrêts de ses tribunaux supérieurs? Le traité dé Trêves ne prit-il pas fin naturellement lorsque l'on conclut celui de Riswick? pourquoi donc, en stipulant, dans ce dernier traité, les restitutions qui devaient être faites à l'Empire, ne parla-t-on que des terres situées hors de l'Alsace? 'est-ce pas évidemment parce due les terres
extérieures furent exclues de la restitution? La France ne venait-elle pas, en effet, de déclarer solennellement qu'elle entendait que toute l'Alsace demeurât unie à son Empire? et cette déclaration ne fixe-t-elle pas irréfragablement le vrai sens du traité? N'est-il pas, d'ailleurs, suffisamment fixé par le texte même? La France n'était-elle pas en possession des Etats intérieurs comme des Etats extérieurs? Lui ôter cette possession, à l'égard des uns seulement, n'était-ce pas la lui conserver à l'égard des autres? Quoi! par le traité de TrèVes on était convenu que la France garderait provisoirement tous les Etats réunis, situés soit dans l'Alsace, soit au dehors; lorsqu'il fut question ensuite de prononcer définitivement à Ryswick, sur toutes les contestations, on se réduisit à statuer que la France rendrait les terres extérieures; et l'on ne veut pas entendre que l'Empire ait renoncé aux Etats intérieurs? Mais si les parties contractantes ne l'avaient pas entendu ainsi, pourquoi auraient-elles précisé les seuls Etats situés hors de la province? Pourquoi n'auraient-elles pas employé pour la restitution définitive, les termes généraux exclusifs de toutes exceptions dont elles s'étaient servies dans les traités de Trêves, pour la possession provisoire? Pourquoi n'auraient-élles pas dit, en conséquence, que la France rendrait tous les lieux et seigneuries généralement quelconques, compris dans l'Empire, en vertu des arrêts des tribunaux de Metz, Brisac et Besançon? Ou si elles voulaient absolument faire une mention expresse des lieux situés hors de l'Alsace, pourquoi ne l'auraient-elles pas pratiqué de même à l'égard des lieux situés dans l'Alsace? Enfin, lorsque le congrès de Bâle fut formé, les impériaux pouvaient-ils ignorer que la France était toujours en possession de toute la province, et que pour s'y maintenir irrévocablement, elle se fondait non seulement sur les traités de Westphalie et de Nimègue, mais encore, et d'une manière spéciale, sur le traité de Riswick comme renfermant la ratification définitive de l'entière cession? Ne pouvant résister ni à l'esprit, ni au texte de ce dernier traité, ne voulurent-ils pas vous le faire expliquer suivant leurs intérêts? N'acquiescèrent-ils pas au refus que fit la France de revenir sur un objet qu'elle regardait comme absolument consomme par le traité de Riswick? Ne consentirent-ils pas en même temps que ce traité fût pris pour fondement de celui de Bâle? Et, sous ce double rapport, ne mirent-ils pas le dernier sceau à la confirmation de la souveraineté française sur toute la province?
Les réclamations de l'empereur et de la diète de Ratisbonne ne sont pas plus fondées relativement à la Lorraine, que relativement à l'Alsace. Rien n'est moins susceptible de contestation que le traité de Vienne, conclu en 1739. Il fut expressément convenu au nom de l'Empire et de 1 empereur que les duchés de Lorraine et de Bar, tels qu'ils étaient alors possédés par le duc de Lorraine, appartiendraient au roi Stanislas pendant sa vie; qu'immédiatement après son décès, ils seraient pour toujours réunis à la France en pleine souveraineté, et que cette réunion, pour tout ce qui relevait de l'Empire dans l'un et l'autre duché, aurait son effet, à compter du jour de la consommation du traité. Ainsi, la souveraineté de la France, sur toute l'étendue de l'Alsace et de la Lorraine, estdémons-trativement établie par les traités mêmes qu'on lui oppose.
N'est-ce pas, d'ailleurs, une maxime adoptée par tous les gouvernements de l'Europe, que la manière dont un traité a été antérieurement exécuté, achève de fixer son véritable sens, s'il a présenté originairement quelques doutes? Or, les traités dont il s'agit ont été exécutés dans ce sens, que la France a constamment et librement exercé sa souveraineté sur toutes les parties de l'Alsace et de la Lorraine.
On a déjà dit, qu'après le traité de Munster, la noblesse ae la Basse-Alsace avait voulu jouir du privilège de relever immédiatement de l'Empire. Mais, dès l'année 1680, elle reconnut la nullité de sa prétention, et se soumit à la souveraineté de la France, et lui prêta le serment d'obéissance et de soumission entre les mains de M. Lagrange, alors intendant; elle contiuua d'avoir un directoire, mais ce ne fut qu'en vertu d'une concession qui lui en fut faite par lettres patentes du roi.
Tous les princes et seigneurs allemands pos-sessionnés en Alsace prêtèrent, en exécution des traités, le même serment à la France. Parmi les droits régaliens dont ils jouissaient autrefois sous la suprématie de l'Empire, ils ne conservèrent que ceux qui s'accordaient avec le régime pratiqué dans le royaume jusqu'au moment de la Révolution. Dans la classe de ces droits conservés, il en était dont ils n'avaient pas joui avant l'époque de la réunion à la France, mais ils ne les perçurent qu'en vertu de lettres patentes qu'ils avaient obtenues du chef de la monarchie française. Qu'on lise ces lettres patentes, qu'on lise notamment le préambule de celles qui furent accordées en'1763. à M. l'évêque de Spire, en 1768 à la maison de Wirtemberg, on y verra qu'ils ne parlent plus de leur supériorité territoriale ou ae leur immédiateté à l'égard de l'Empire que comme d'un droit antique qu'ils avaient perdu dès l'instant que leurs terres avaient passé sous la domination de la France; on y verra qu'ils n'y prennent plus le titre de supérieurs territoriaux de l'Alsace, mais bien celui de seigneurs particuliers commun à tous les seigneurs français. La juridiction que les princes allemands exerçaient autrefois en Alsace était sans contredit celle de tous les droits qui'caractérise le plus la supériorité territorial^, puisque ce droit de juridiction s'étendait jusqu'à l'exercice du pouvoir législatif. Ils n'hésitèrent pas néanmoins à reconnaître les uns avant, les autres après le traité de Riswick, qu'ils avaient entièrement perdu ce droit avec toutes les autres prérogatives attachées à la supériorité territoriale; ils conservèrent simplement une justice dans leurs terres avec le droit de nommer les officiers ; mais ces officiers prêtèrent constamment le serment des juges royaux, et les appels furent assujettis à la marche et aux formes prescrites pour l'ordre judiciaire du royaume. Tout cela, dit la diète de Ratisbonne, s'était fait sans l'intervention de l'empereur et de l'Empire, et c'est de ce principe qu'elle part pour dire qu'elle regardera comme non avenues les soumissions particulières que les princes allemands auront accordées sans son intervention aux décrets de l'Assemblée nationale.
Mais n'est-il pas visible que l'empereur et l'Empire étaient parties contractantes dans les traités qui transmirent à la France la souveraineté absolue sur l'Alsace et sur la Lorraine? n'approuvèrent-ils pas ensuite, par leur silence, le mode d'exécution de ces traités? n'approuvèrent-ils pas l'hommage que les Etats ci-devant
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immédiats rendirent à la souveraineté de la nation française, en exécution de ces traités? N'avouèrent-ils pas, en conséquence, que les anciens supérieurs territoriaux ne doivent plus être compris dans l'état matriculaire de l'Empire? Est-il en effet un prince allemand qui, à raison de ses possessions en Alsace ou en Lorraine, ait continué de fournir son ancien contingent au corps germanique, soit en hommes, soit en argent? A-t-on connu, depuis, dans ces provinces, d'autres monnaies que celles de la France, d'autres forte resses que celles qui étaient entretenues par la France, d'autres contributions que celles qui étaient élevées par la France, d'autres tribunaux que ceux qui avaient été établis ou autorisés par la France?
En n'exerçant, en ne réclamant dans l'Alsace, depuis les traités de Riswick et de Bàle, et dans la Lorraine, depuis le traité de Vienne, aucun des droits dont ils jouissaient auparavant par l'action, soit dominante, soit concurrente du domaine suprême, sur l'exercice de la supériorité territoriale, l'empereur et l'Empire n'ont-ils pas formellement reconnu que tous les droits, depuis les traités de Riswick et de Bàle, avaient été transmis par les traités à la nation française?
Il serait inutile de parler de l'ancien régime ecclésiastique de l'Alsace et de la Lorraine, si la diète de Ratisbonne n'en faisait pas un objet particulier de réclamation.
Avant la paix de Westphalie, la province d'Alsace était sous la domination de quatre diocèses; savoir : le diocèse, alors espagnol, de Besan-sous la juridiction métropolitaine de Besançon; celle qui dépendait de l'evêché de Spire, et celle qui appartenait à l'évêché de Strasbourg, était, avec ces deux évêchés, sous la juridiction métropolitaine de Mayence.
Par la paix de Westphalie, il fut convenu en général que tous les prélats de l'Empire, soit catholiques, soit protestants, seraient rétablis ou maintenus dans l'exercice dé leurs droits spirituels. Quant à la Lorraine, la France y possédait, depuis 1652, les trois évêchés de Metz, Toul, Verdun. Sa souveraineté sur toute cette province fut confirmée par la même paix de Westphalie, sauf, y est-il dit, le droit des métropolitains, qui appartient à l'archevêque de Trêves. Les réserves étaient purement secondaires, confondues avec les objets principaux, elles furent traitées avec indifférence; et pourquoi aurait-on discuté là juridiction ecclésiastique qu'exerçaient quelques prélats d'Allemagne dans les pays qui passaient sous la domination française? pourquoi aurait-on refusé délaisser à cet égard les choses dans le même état? On savait que ni ces prélats, ni l'empereur, ni l'Empire n'en pourraient prendre aucun prétexte pour gêner l'exercice de la souveraineté, et que, parla nature même des choses, le régime ecclésiastique devait être subordonné aux lois qui régiraient l'Empire; on se conduisit, en effet, d'après ces principes. Lorsque l'Alsace faisait partie de l'Empire, les empereurs y jouissaient du droit connu sous le nom de premières primes; après sa réunion, on y substitua le droit à peu près semblable, qui avait lieu, en France, sous le nom de joyeux avènement, mais qui marquait encore mieux la dépendance du régime ecclésiastique à l'égard des représentants du peuple au moment où ils prenaient les rênes au gouvernement.
Louis XV et Louis XVI exercèrent ce droit en Alsace sans aucune contestation : en ne s'y opposant pas, l'empereur et les prélats allemands reconnurent évidemment que la souveraineté française sur les objets relatifs à l'Eglise n'était ni moins positive, ni moins étendue dans cette province que dans le reste du royaume. Ge n'est pas tout, les prélats allemands furent soumis, comme diocésains, à des formes sans lesquelles ils ne pouvaient exercer en Alsace aucune fonction ; il fallait ou qu'ils s'y fissent suppléer, ou qu'ils obtinssent un brevet de permission pour s'y rendre eux-mêmes. L'archevêque de Trêves fut obligé d'y établir un grand vicaire ; l'évêque de Bâle confia ses fonctions à un suffragant français; l'évêque de Spire parvint à se faire dispenser de cette formalité ; mais par cela même ils reconnurent qu'ils pouvaient y être assujettis. Le concordat germanique qui régissait autrefois le clergé d'Alsace cessa d'y être observé, on n'y connut plus que les libertés de l'église gallicane.
La Lorraine fut soumise aux mêmes lois, les ordonnances métropolitaines et diocésaines furent sujettes à l'appel comme d'abus; les tribunaux supérieurs d'Alsace et de Lorraine exercèrent surtout le clergé de cès provinces la même autorité que les autres tribunaux avaient exercée dans tous les temps sur l'ancien clergé de France. L'empereur et l'Empire ne réclamèrent ni contre aucunes des restrictions imposées à la juridiction des prêtres allemands, ni contre aucuns des actes de souveraineté qui frappèrent comme ailleurs sur les privilèges ecclésiastiques des pays dépendants de cette juridiction. En un mot, ils regardèrent constamment l'Alsace et la Lorraine comme leur étant devenues étrangères sous tous les rapports, soit ecclésiastiques soit politiques, et la ligne de démarcation qui les séparait de ces provinces était aussi précises, aussi absolue à leurs propres yeux que celle qui les séparait du reste du royaume.
Les possessions des ecclésiastiques en Alsace et en Lorraine étaient soumises à toutes les lois qu'un gouvernement arbitraire dictait en France ; elles ont dû être comprises avec ces provinces dans les lois générales de la régénération française. La nation a voulu que tous les pays,, que tous les territoires soumis à sa souveraineté fussent soumis à une loi commune et uniforme. L'équité naturelle, combinée avec les droits sociaux, a été son guide. En posant pour principe fondamental que la propriété est un droit inviolable et que nul ne peut en être privé, elle en a excepté le cas où la privation en était commandée par le bien public; mais alors une juste indemnité accordée par le corps social doit accompagner le sacrifice qu'on est obligé de lui faire.
Il y avait, en France, un genre de propriété au-. quel il était attaché des distinctions incompatibles avec l'humanité qui doit exister aux yeux de la loi, c'était lés droits seigneuriaux et féodaux; il a donc fallu les supprimer. Parmi ces droits, les uns étaient fondés sur des titres légitimes, sur des titres originairement translatifs de propriété, et, par conséquent, ceux qui en jouissaient ont dû être indemnisés ; les autres prenaient leur source dans les abus de la puissance seigneuriale, dans la force, dans l'oppression * et ils ont été supprimés sans indemnité: telle est la loi qu'ont subie tous les anciens seigneurs français.
Céquité demandait que cette loi fût entièrement commqhe aux princes allemands posses-
sionnés en France. Cependant, la nation prenant en considération la bienveillance et l'amitié qui l'unissait depuis longtemps à ces princes, a établi une distinction en leur faveur; elle a voulu qu'ils fussent indemnisés de tous les droits seigneu-. riaux et féodaux dont ils étaient en possession, quelle qu'en fût la source, soit qu'elle fût légitime ou non. De quoi pourfaient-ils se plaindre? La nation française a fait plus pour eux qu'elle n'a fait pour ses membres.
Quant au clergé, la nation a repris les biens qu'il avait usurpés dans des siècles d'ignorance et de superstition; en assurant aux ministres de. la religion une subsistance honnête, elle a voulu qu'ils lussent débarrassées des soins temporaires qui dégradaient leur caractère sacré; elle les a rappelés à la majestueuse simplicité, qui leur fut commandée par leur divin fondateur : mais cette opération, commune à tous les anciens usufruitiers, membre de la monarchie française,, ne frappe point sur les biens possédés en France par les puissances étrangères, les maisons, communautés, corps bénéficiers et établissements étrangers qui continueront de jouir des immeubles, et recevront annuellement l'équivalent en argent du produit des dîmes, aussi longtemps que les puissances dont ils dépendent permettront réciproquement l'exécution des lois françaises à l'égard des biens que possèdent sur leur territoire, les maisons, communautés, corps bénéficiers et établissements français; d'un autre côté, la nation a défendu aux paroisses de France de reconnaître l'autorité d'un évêque ordinaire ou métropolitain, dont le siège serait établi sous la domination d'une puissance étrangère, sauf l'unité de foi et de la communion qui doit être entretenue avec le chef de l'Eglise universelle; par là, les prélats allemands ont perdu tout droit ae juridiction en France.
Mais, n'est-il pas de principe que les citoyens d'un Etat ne sauraient sans danger être sous la dépendance des membres d'un autre Etat? Il n'est aucune puissance qui reconnaisse des juges étrangers en matière civile ; à combien plus forte raison ne doit-on point en reconnaître en matière religieuse? L'intérêt politique de toutes les nations leur fait un devoir d'écarter de leur sein toute influence étrangère à leur gouvernement; et, comme l'influence qui s'exerce au for intérieur est la plus dangereuse de toutes, c'est surtout à cet égard qu'il ne doit jamais être permis aux citoyens d'aller chercher hors du territoire de la puissance à laquelle ils obéissent, un juge qui, non seulement ignore les lois et les maximes de cette puissance, mais qui même en reconnaît et en professe de contraires. (Applaudissements.)
La raison rejette toute convention qui ne s'accorderait pas avec le grand principe du droit des gens; les traités entre souverains peuvent déterminer leur territoire respectif, mais ils ne sauraient atteindre ce qui tient à la religion ou à la discipline ecclésiastique. Au surplus, les prélats allemands pourront, s'ils le jugent à propos, faire entrer dans le calcul de leur indemnité, la juridiction qu'ils exerçaient en Alsace et en Lorraine. (Rires.) Les nouvelles lois françaises ont laissé la plus grande latitude aux négociations qui pourront se faire sur les indemnités pécuniaires offertes à tous les Allemands pos-sessionnés en Alsace.
Les réclamations de ces princes, auprès de la nation, seraient donc sans objet et sans fondement portées auprès de la diète germanique, elles sont un attentât à ïa souveraineté française ;
et de quel droit l'Empire s'immiscerait-il dans les lois intérieures adoptées par la France ? de quel droit les autres puissances de l'Europe, qu'on cherche encore à unir à la cause des princes allemands, pourraient-elles se mêler des lois nouvelles que la France s'est données? Encore deux garanties stipulées par le traité de Westphalie : mais y a-t-il eu d'autre garantie que celle qui avait pour objet de défendre le corps germanique contre les entreprises de son chef, de maintenir les divers membres de l'Empire dans leur-indépendance individuelle, et dans le libre exercice des opinions religieuses? Non, cette garantie ne peut s'appliquer, sous aucun rapport, aux domaines que les princes allemands possédaient en Alsace. Les puissances qui étaient intervenues dans la paix de Westphalie, n'inter-vinrent-elles pas dans les traités postérieurs qui confirmaient ia souveraineté française sur toute cette province?
Mais, si la France devait posséder l'Alsace en toute souveraineté, si cette souveraineté devait embrasser tous les domaines qui composaient l'Alsace, n'aurait-il pas impliqué contradiction qu'on eût promis quelque garantie aux possesseurs de ces domaines? La souveraineté n'est-elle pas indivisible par sa nature? L'idée de souveraineté pleine et entière n'exclut-elle pas toute idée ae modification en faveur de tout ce qui est soumis à cette souveraineté? Enfin, les puissances qui étaient intervenues dans les traités de Westphalie, de Munich, de Riswick, de Bâle, de Vienne, n'ont-elles pas, ainsi que l'Empire, autorisé, parleur silence, le mode d'exécution qu'ont reçu les traités? Quoi! lorsque Louis XIV, lorsque Louis XV abolirent en Alsace tous les droits régaliens, qui répugnaient alors au régime français, lorsque Louis XV et Louis XVI suivirent la même marche en Lorraine; lorsque les chefs de la monarchie française firent subir des restrictions considérables à la juridiction que les prélats allemands exerçaient dans ces eux provinces ; l'Empire et l'Europe se turent, l'Empire ne se croyant obligé à aucune garantie. L'Empire et l'Europe regardaient ces opérations comme un effet naturel de l'exercice de la souveraineté française; et lorsque c'est la nation elle-même qui exerce la souveraineté, lorsque c'est elle qui donne à ces opérations l'extension dont elles étaient susceptibles, lorsque c'est la nation qui, pour se donner une Constitution fondée sur l'égalité, sur la liberté, supprime le reste du régime féodal, l'Empire et l'Europe viendront-ils lui contester ses droits ?
Ne serait-il pas évident, aux yeux de l'univers, que la cause des princes allemands possessionnés en Alsace, ne serait qu'un vain, qu un faux prétexte? que le véritable projet serait de renverser la Constitution française? (Vifs applaudissements.) d'ensevelir avec elle les droits naturels de tous les peuples, de bannira jamais la liberté du sein de la terre? (Applaudissements.) C'est aux puissances à calculer les suites que pourrait avoir un tel projet dans une terre où les hommes qui connaissent le moins leurs droits originaires, commencent à être partout sensibles aux effets de l'électricité politique qui travaille l'Europe. (Applaudissements.)
Certes, les puissances sont trop intéressées à respecter le gouvernement intérieur de chaque Etat pour attaquer la nation française, sous prétexte de maintenir des princes allemands dans le vieux titre de seigneurs particuliers en France, ou dans la faculté ae recevoir le produit de leur
possession sous une dénomination plutôt que sous une autre. Elles sont trop sages pour obéir aux inspirations de cet ancien clergé d'Alsace et de Lorraine qui, pour des prétentions chiméri-ues, voudrait faire ensanglanter la terre au nom 'un dieu de paix; elles sont trop clairvoyantes pour ne pas sentir que si elles s'armaient parce que la juridiction d'un prélat sera plus ou moins etendue, ce ne serait pas garantir, mais violer la paix de Westphalie. Elles connaissent trop le prix ae la tranquillité religieuse qui fut un des principaux objets de cette paix, et dont elles ont joui depuis dans l'Etat, pour réveiller, dans l'esprit des peuples, l'idée des guerres de religion, qui désolaient, qui bouleversaient auparavant et l'Allemagne et l'Europe.
Mais dussent toutes les puissances être assez aveugles sur leurs propres intérêts, et assez injustes pour méconnaître les dispositions des traités et les grandes maximes du droit des gens, pour se liguer contre la Constitution françaisej la nation déclare qu'elle n'en persévérera pas moins dans ses principes. Elle ne reconnaît de vraie supériorité que celle qui émane invisiblément de celle de la sagesse éternelle. (Applaudissements.) Pleinement rassurée par la justice de sa cause, par les sentiments de son courage et de ses forces, elle saura défendre contre tous ses ennemis sa Constitution ou sa souveraineté. Oui, elle disparaîtra de la terre, plutôt que de violer son serment. (Applaudissements réitérés.)
Je finis par quelques observations sur le projet de décret qui vous est présenté. Il est démontré que la nation pouvait abolir, sans aucune indemnité, sur les terres possédées par les princes allemands, des droits féodaux qui ne devaient leur existence qu'aux abus de la puissance seigneuriale, tout comme elle l'a fait relativement aux terres possédées par des Français. Ce n'est que par des sentiments de bienveillance et d'amitié qu'elle a fait une exception en faveur des étrangers. Parmi ces princes possessionnés, les uns sont entrés en négociation pour leur indemnité ; les autres, bien loin de répondre à son invitation, ont attenté à sa souveraineté, en portant leur réclamation devant la diète impériale; par là ils se sont évidemment rendus indignes de cette bienveillance. Je ne suis pourtant pas d'avis que vous en retiriez l'effet dès ce moment. Une grande nation ne doit pas se hâter de révoquer les sentiments qu'elle a une fois exprimés; mais vous devez fixer un terme d'après lequel ceux qui auront refusé d'entrer en négociation seront déclarés déchus de la faveur qui leur a été offerte par la nation, française (Applaudissements réitérés.) ; sans cela, vous serez toujours dans l'incertitude sur les véritables dispositions des impériaux : le temps s'écoulera, et ils en profiteront pour se mettre en état de nous attaquer. J'ajoute que le projet de votre comité laisserait aux négociations une trop grande latitude. L'Assemblée constituante n'entendit jamais accorder aux princes allemands que des indemnités pécuniaires, en leur offrant aussi d'acquérir tous les biens qu'ils possèdent en France, et à comprendre, dans leur évaluation, les droits féodaux et seigneuriaux qui se trouvaient établis lorsque les provinces où étaient situés leurs fiefs s'étaient réunies à la France. Depuis cette époque, le ministre des affaires étrangères a indiqué une mesure qui, selon lui, faciliterait un arrangement à l'amiable. Il voudrait que la nation acquît en Allemagne des terres seigneuriales, et les donnât en échange de celles qu'ils possèdent en France.
(Murmures.) Si vous acquériez des terres germaniques dans cette vue, c'est comme si vous disiez aux malheureux peuples de ces terres : Vous êtes esclaves, nous voulons que vous le soyez toujours. Nous ne venons vers vous que pour vous forcer à changer de maître. Un pareil procédé déshonorerait la nation française. (Applaudissements.) Cette mesure n'est pas dans le projet de décret présenté par votre comité, mais elle fut énoncée dans le rapport, et le ministre argumenterait peut-être de votre silence pour la regarder comme tacitement approuvée.
Je sais bien que vous la rejetteriez quand il s'agirait de la ratifier; mais il faut éviter, pour l'honneur français, qu'elle soit même agitée dans les négociations (Applaudissements.) ; il faut, du; moins, que le pouvoir exécutif connaisse d'avance vos sentiments à cet égard; il faut qu'il sache que les indemnités doivent être purement pécuniaires. Eh! quel intérêt ont les puissances pos-sessionnées, que vous fassiez vous-mêmes l'acquisition de terres en remplacement? n'est-il pas evident qu'ils cachent dans cette vue quelques projets d'avilir la nation française? car en acquérant eux-mêmes, c'est comme si la nation acquérait pour eux.
Voici le projet de décret que je vous propose :
« Art. 1er. Il sera rédigé une déclaration
historique et raison née, contenant les dispositions dés traités, et les
divers principes qui ont irrévocablement assuré àla nation française sa
souveraineté sur toutes les parties de l'Alsace et de la Lorraine.
« Art. 2. Le roi sera invité àcommuniquer cette déclaration aux divers Etats de l'Empire.
« Art. 3. Il sera invité aussi à presser les négociations avec lès princes allemands qui se sont présentés, ou qui se présenteront pour faire régler les indemnités pécuniaires qui leur ont été offertes pour raison de leurs possessions en Alsace et en Lorraine, par les décrets des 28 octobre 1790 et 15 juin; 1791.
« Art. 4. Ceux desdits princes qui, d'ici au 1er juin prochain, n'auront pàs fait entamer la négociation avec le roi, seront censés avoir renoncé auxdites indemnités, qui ne doivent être considérées que comme un témoignage de la bienveillance et de l'amitié qui unissaient depuis longtemps la France aux princes d'Allemagne possessionnés en Alsace. (Applaudissements réitérés.)
Plusieurs membres : L'impression 1 W
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Mailhé.)
Je vais lire à l'Assemblée une lettre du directoire du département de Lot-et-Garonne (1) qui satisfera sans doute l'Assemblée après le discours qu'elle vient d'entendre. La voici :
« Agen, le 19 février 1792, l'an quatrième de la liberté.
« Monsieur le Président,
« Le directoire du département de Lot-et-Garonne s'empresse de vous
apprendre que les citoyens de la ville d'Agen n'ont pu attendre
l'exécution de la loi du 25 janvier : à peine a-t-elle été connue dans
cette enceinte, qu'ils sont venus
« Ils auraient bien préféré entrer dans celui de Piémont, en garnison à Strasbourg, parce qu'il est plus près des ennemis -(Vifs applaudissements); mais ce régiment se trouvant presque au complet (Nouveaux applaudissements), nos braves jeunes gens ont craint d'arriver trop tard pour pouvoir y être admis. (Applaudissements.) Le directoire met à leur tête un vieux militaire, qui travaillait dans ses bureaux, pour les conduire au poste d'honneur où votre voix les appelle. (Vifs applaudissements.) L'enthousiasme de la gloire agite toutes les têtes dans ces contrées; les soldats qu'elles vont produire suffiront seuls pour compléter l'armée de ligne. ( Vifs applaudissements.)
« Les administrateurs du directoire du département de Lot-et-Garonne.
« Signé : LAMARQUE; BarfALON fils aîné;
Saint-Amans ; Jean-B. Aurigoste ; Goutause, procureur général syndic. »
Les citoyens qui se sont dévoués si généreusement pour la défense de la patrie méritent sans doute que vous veuilliez bien leur donner une marque de satisfaction qui produira le meilleur effet. (Applaudissments.)
Je demande l'insertion de cette lettre au procès-verbal avec mention honorable.
Je demande l'impression de cette lettre, l'envoi aux 83 départements pour la faire passer à toutes les municipalités de l'Empire et l'envoi dé l'extrait du procès-ver bal au régiment de Vivarais, pour être remis à cette honorable recrue.
(L'Assemblée, àrunanimité, ordonne l'insertion de cette lettre au procès-verbal avec mention honorable. Elle décrète, en outre,l'impression de cette lettre, l'envoi aux 83 départements pour Ja faire passer aux municipalités de l'Empire et l'envoi de l'extrait du procès-verbal au régiment de Vivarais, pour être remis à cette honorable recrue.)
, ministre de la guerre. 11 m'est pénible, comme ministre de la guerre, d'avoir à interrompre des moments de joie que je partage d'autant plus que j'ai l'honneur d'être de la ville d'Agen; mais mon devoir m'ordonne de faire part à l'Assemblée d'un récit un peu douloureux, au sujet de l'insubordination du 45e régiment d'infanterie. Une lettre, que je vais lui communiquer, l'instruira des faits. C'est un officier supérieur, M. Moyria, colonel de ce régiment qui me l'a adressée :
« Béthune, le 21 février 1792.
« Monsieur, j'ai l'honneur de vous rendre compte que, samedi, 18 du courant, après la soupe du soir, j'ai assemblé, dans la salle d'exercices, les 12 compagnies du 45e régiment, pour leur faire la lecture du règlement concernant le service intérieur, la police et la discipline de l'infanterie. A la lecture de l'article 4 du titre IV, il s'est élevé une infinité de voix dans toutes les parties de la salle, disant : « Nous ne voulons pas de cela ! » L'article 4 porte : « Au roulement, lés
« caporaux feront lever les soldats de leur cham-« bre, et en feront l'appel, dont ils rendront « compte au sergent-major; celui-ci, après l'a-« voir vérifié, se rendra chez l'adjudant de se-« maine, chargé de recevoir l'appel de toutes « les compagnies. » J'imposai silence avec beaucoup de peine; j'ai rappelé aux soldats le serment qu'ils avaient fait, d'être soumis à la loi et de se conformer aux règlements militaires.
« Aussitôt s'élevèrent les mêmes voix, s'é-criant: « Ce n'est-pas VAssemblée nationale qui Va fait » ; quelques-unes ont fait entendre : « C'est un aristocrate qui fait cela ». J'ai demandé silence et, l'ayant enfin obtenu, j'ai fait continuer la lecture du règlement. L'article 34 du titre IV ayant été lu, les mêmes cris ont redoublé : « Nous ne voulons pas de cela! » Je n'ai pu obtenir le silence, et j'ai fait faire un roulement ; l'ayant enfin obtenu, j'ai voulu, par un discours, ramener les soldats à l'obéissance, et je n'ai pas eu plutôt proféré le premier mot, qu'aussitôt les cris de : « Nous ne voulons pas de ce règlement », recommencèrent. Voyant donc qu'il était impossible de continuer cette lecture, je fis fermer le ban par un roulement, et j'ai ordonné aux commandants des compagnies de ramener leurs troupes. Presque tous les sous-ol'ficiers ont témoigné leur indignation d'une conduite aussi indécente, et m'assurent qu'eux et les anciens soldats se conformeraient à ce règlement. J'espérais donc que leur exemple ramènerait lés jeunes soldats à l'obéissance.
« A 7 heures du soir, les officiers députèrent le premier capitaine pour m'anhoncer que, n'ayant pu obtenir l'obéissance de leurs compagnies, l'honheur leur imposaitla loi de donner leur démission- Je cherchai enfin, par tous les moyens possibles, à les détourner de ce projet, et je n'obtins qu'un court délai. Je renais compte de cet événement à M. de Collincourt, en l'assurant que j'allais essayer de mettre les règlements à exécution. Le même jour, je donnai l'ordre de faire les roulements fixés par ce règlement, et que les compagnies s'assemblassent dans les chambres basses, pour v être inspectées. Le 20, les roulements ont été faits ; officiers et sous-officiers de semaine se sont rendus à leur compagnies, pour faire l'inspection prescrite, de 10 heures et demie; et aussitôt la soupe mangée,tous les soldats, excepté ceux de garde, s'en sont allés en disant qu'ils ne voulaient pas d'inspection... »
L'article 34, dont je n'ai pas donné connaissance à l'Assemblée, porte : « A l'heure prescrite « par le règlement, il sera fait un dernier rou-« le ment pour faire éteindre les feux et lès «lumières. L'adjudant de semaine veillera à « l'exécution de Cet ordre, et en rendra les série gents-majors responsables, chacun dans leur « compagnie. »
Voici la fin de la lettre du colonel :
« Les officiers, les sèrgénts-majors et les Caporaux de semaine se sont trouvés à la parade particulière du régiment. Après la soupe au soir, les grenadiers et soldats ont envoyé une nombreuse députation que je n'ai pas voulu recevoir, pour éviter le train. Ils voulaient me prier de vous mander qu'ils ne veulent pas de ce règlement. (c'est là leur expression.)
« Voilà, Monsieur, la position critique où se trouve ce régiment. Je pense qu'il serait nécessaire, pour empêcher les officiers de quitter, que vous ayez la bonté de m'adresser une lettre pour les engager à rester; et en leur déclarant que leur démission ne sera pas acceptée,
vous rendrez un grand service à plusieurs d'entre eux, qui n'ont nullement envie de quitter, et qui n'y sont entraînés que par les invitationa de leurs camarades. J'ai suspendu l'exécution de ce règlement pour éviter de plus grands désordres.
« J'ai reçu les nouveaux drapeaux que voue m'avez adressés, et j'en suspends la bénédiction jusqu'à ce que le régiment soit plus tranquille.
« Je suis avec respect, etc.,.
Signé : Moyria, colonel du 45e régiment. »
J'ai pris les ordres du roi, qui m'a chargé d'ordonner à M. de Collincourt, lieutenant-général, chargé de la division, de se transporter à Bé-thune, de dire aux officiers que ce n'était pas le moment où l'on avait le besoin de rétablir la discipline; où l'on avait besoin de défenseurs de la liberté, qu'on devait choisir pour quitter son poste; et j ai donné ordre de leur dire que le roi n'accepterait pas leur démission; de remercier les sous-officiers et les soldats qui ont donné l'exemple de la subordination, et qui ont assuré qu'ils étaient prêts d'obéir à la loi; de requérir tous les volontaires nationaux et toutes les troupes suffisantes pour faire rentrer ce régiment dans l'ordre, pour faire cesser une insubordination dont les suites seraient indispensa-blement la honte ou la mort, dont l'effet serait, comme l'a si sagement dit lé préopinant, de faire disparaître toute la France de la surface de la terre. (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire au comité militaire.)
La séance est levée à quatre heures.
PROCÈS-VERBAUX des signes caractéristiques auxquels on peut reconnaître la falsification des assignats de 2,000, de 500 et de 200 livres (1).
Assignat de 2,000 livres.
L'an mil sept cent quatre-vingt douze, le premier mars, Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, après avoir réuni MM. Le Couteulx, trésorier de la caisse de l'extraordinaire; Ferrier, directeur de la fabrication des assignats; Gatteaux, graveur; Pierre Didot, imprimeur, et Firmin Diaot, fondeur en caractères d'imprimerie, à l'effet de vérifier et constater les marques caractéristiques de falsification d'assignats de deux mille livres qui viennent de paraître; après avoir rapproché et comparé entre eux un faux assignat et un vrai, nous avons reconnu :
Que, dans la partie supérieure, le filet perpendiculaire qui sépare les lettres de la vignette, est éloigné des lettres de près de deux lignes de plus dans les faux que dans les vrais;
Que dans la ligne d'en haut du faux assignat,
dans les mots assignat de la création, etc., insérés entre les filets qui sont entre les vignettes, la lettre l de l'article la est jointe à la lettre a par en bas ; de manière que ces deux lettres ne paraissent en faire qu'une seule, au lieu que dans les vrais assignats ces deux lettres sont séparées ;
Que, dans la ligne quatrième, commençant par ces mots : « par le décret », la lettre 1 de l'article le est traversée par en haut des deux côtés ainsi que par en bas, ce qui lui donne la forme d'un I capital ;
Que dans la même ligne, le dernier jambage fin de la lettré initiale n du mot nationale, au lieu d'être perpendiculaire, est tout à fait incliné;
Que dans le même mot nationale, la lettre l est beaucoup plus large que la lettre e qui suit, et que le trait horizontal de cette l est plein au lieu d'être délié ;
Que la lettre e qui termine le mot nationale, est tou t de travers ;
Que dans la cinquième ligne commençant par le mot « des », la lettre d est de travers, et touche presque à l'e;
Que dans le millésime 1790, le rond du chiffre 9 est excessivement petit par rapport au zero;
Que la virgule qui suit le millésime est extrêmement grosse et lourde;
Que dans la ligne qui contient les mots Assignats de Deux mille livres, la lettre D du mot Deux est plus élevée que les lettres e et u qui suivent ;
Que, dans la même ligne, dans la lettre M du mot Mille, la pointe qui forme le v dans le milieu de cette lettre, dépasse les autres jambages;
Que dans la ligne commençant par ces mots :II sera payé au porteur, les mots au porteur sont plus gros que le mot somme qui suit;
Que la lettré i du mot Caisse est traversée par le haut des deux côtés ;
Que dans la même ligne la lettre u du mot deux est très resserrée par le bas ;
Que dans la même ligne, la lettre 1 renfermée dans les syllabes extraordi-, est de même traversée par-le haut des deux côtés, tandis que dans les vrais assignats, le premier empâtement ou trait du haut, ne va qUe jusqu'au plein et ne l'outrepasse pas ;
Que dans la même ligne, les lettres d et i des syllabes extraordi-, se touchent et se confondent par les empâtements ou traits d'en bas ;
Que dans la dernière ligne, au mot conformément, la première n est très ouverte du bas ;
Que dahs le même mot, la lettre e qui se trouve dans la syllabe ment, se termine par une queue qui remonte -jusqu'à la tête de la lettre et la touche;
Que les cinq dernières lettres du mot conformément sont plus fortes que les premières du mot;
Que l'intervalle du bas de l'assignat, composé de deux filets placés entre les vignettes, et dans lequel on lit les mots deux mille livres, imprimés en petites capitales, est plus grand de près de deux lignes que celui des vrais assignats, dans lesquels l'intervalle dont on parle n'a pas tout à fait 15 lignes de longueur (1) ;
Que l'ëcusson qui porte l'effigie du roi est plutôt ovale que rond;
Que l'effigie du roi, renfermée dans l'écusson, n'a point de ressemblance, et que la tête est trop allongée ;
Que les pointes de la fleur de lys du côté droit et de celle du bas, portent sur la même taille ou ligne, tandis que celle du milieu devrait dépasser;
Que dans le timbre long du bas, portant les mots Deux mille, les caractères des lettres sont très maigres;
Que dans le timbre long vis-à-vis, portant 2,000 livres en chiffres arabes, les chiffres sont extrêmement maigres ;
Que le timbre sec et la gravure sont très mal exécutés, etc.
De tout quoi nous avons dressé procès-verbal, pour être par Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, adressé à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de police de sûreté, conformément à la loi du 27 février 1792. Ët ont signé avec nous, les dénommés au présent procès-verbal, les jour et an que dessus.
Le Couteulx, Gatteaux, P. Didot l'aîné, Firmin Didot, Ferrier, Amelot.
Assignat de 500 livres.
L'an mil sept cent quatre-vingt douze, l'an IVe de la liberté, le premier mars, Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, après avoir réuni MM. Le Couteulx, trésorier de la caisse de l'extraordinaire; Ferrier, directeur de la fabrication des assignats; Gatteaux, graveur: Pierre Didot, imprimeur, et Firmin Didot, fondeur en caractères d'imprimerie, à l'effet de vérifier et constater les marques caractéristiques d'un assignat de cinq cents livres, sous la série C, portant pour indication de création, la date du 29 septembre 1790; après avoir rapproché et comparé cet assignat faux, d'un vrai de la même valeur, nous avons- reconnu que cet assignat a été fait avec la même planche que celui de deux mille livres, dont nous avons ressé procès-verbal le 1er mars 1792 ; Que les mêmes fautes subsistent dans l'un et Fautre ; que la même planche a servi à la fabrication des deux espèces, à l'exception qu'on a changé la désignation des sommes, et que ce qui est écrit dans l'assignat de deux mille livres en lettres rouges, est écrit en lettres noires dans celui de cinq cents ;
Nous avons, de plus, reconnu que la première ligne insérée dans la bordure supérieure, formée de deux filets entre les vignettes, la lettre É du mot création, et la lettre a qui la suit, se touchent presque. Que dans la même ligne, la lettre e qui est au milieu du mot septembre, ne ressemble point aux deux autres ;
Que, dans la seconde ligne, formée du mot domaines la lettre a n'est point alignée avec les autres lettres fleuronnées ;
Que dans la troisième ligne formée du mot nationaux, la lettre o n'est point alignée avec les autres lettres du mot ;
Que dans le mot remboursement inséré dans [la
quatrième ligne, les quatre premières lettres sont séparées des autres;
Que, dans la cinquième ligne, les deux 1 initiales des mots le et l'Assemblée, sont coupées par des empâtements ou traits transversaux qui les rendent semblables à des I grandes capitales ;
Que, dans la sixième ligne commençant par les mot « des », la lettre d initiale du mot des, a un empâtement qui n'existe point dans les vrais;
Que dans la septième ligne du milieu, formée des mots assignats de cinq cents liv., les trois lettres liv., mises par abréviation, vont en descendant;
Que la signature Haurat est faite à la griffe ;
Que les deux timbres longs du bas, portant les mots cinq cents en toutes lettres, et 500 en chiffres arabes, sont à une distance de 16 lignes, au lieu d'être à celle de 21, comme ils sont dans les vrais ;
Que le timbre sec est évidemment mal exécuté;
Qu'au total, ces assignats mal exécutés et tout maculés, ont 7 pouces moins une ligne de lar-geur, tandis que les vrais portent 7 pouces une igne ; qu'ils ont cinq pouces moins une ligne de hauteur, au lieu que les vrais portent cinq pouces juste.
De tout quoi nous avons dressé procès-verbal, pour être par Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, adressé à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de police de sûreté, conformément à la loi du 27 février 1792. Et ont signé avec nous, les dénommés au présent procès-verbal, les jour et an que dessus.
Le Couteulx, Gatteaux, Pierre Didot l'aîné, Firmin Didot, Ferrier, Amelot.
Assignat de 500 livres.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an IVe de la liberté, le premier mars, Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, après avoir réuni MM. Le Couteulx, trésorier de la caisse de l'extraordinaire ; Ferrier, directeur de la fabrication des assignats; Gatteaux, graveur; Pierre Didot, imprimeur, et Firmin Didot, fondeur de caractères d'imprimerie, à l'effet de vérifier et constater les marques caractéristiques de falsification d'assignats de 500 livres série 2 G, portant pour indication, Création du 19 juin 1791 ;
Après avoir rapproché et comparé l'assignat faux, d'un vrai de même valeur, nous avons reconnu que le papier de l'assignat faux est d'une couleur grise;
Que dans la première ligne renfermée dans la partie supérieure, entre les deux filets, les lettres composant les mots assignat de la création du 19 juin 1791, qui se trouvent répétées, ne se ressemblent point entre elles ; qu'elles sont de grandeur inégale, et en général mal faites, point alignées, ce qui se remarque surtout dans le mot assignat, et dans les lettres a et i du même mot, qui sont hors de proportion avec toutes les autres; que, dans la quatrième ligne, au mot remboursement, outre la différence qui existe dans la plus grande partie des lettres qui composent le mot, la lettre o est beaucoup plus petite que les autres lettres du mot, et que la seconde m est beaucoup plus grande;
Que dans la cinquième ligne commençant
par les mots par le décret, les trois lettres du mot par vont en descendant;
Que la boucle de la lettre r est maigre ;
Que les lettres qui composent les mots renfermés dans cette ligne, sont en général mal alignées ;
Que dans la sixième ligne commençant par le mot des, la lettre e du premier mot des est infiniment plus grande que la lettre r de la conjonction et qui se trouve placée entre les dates 15 et 16;
Que le mot sanctionné, qui se trouve dans la même ligne, est rompu, et que les lettres sont mal alignées ;
Que dans la ligne commençant par les mots : Il sera payé au porteur, les lettres sont généralement mal alignées, inégales et dissemblables ;
Que dans la ligne suivante, commençant par les syllabes Naire, les chiffres 9 ne se ressemblent point;
Que celui de la date 29 est plus petit que tous les autres, et celui du millésime 1790 est évidemment plus grand ;
Que dans le timbre long du bas, portant les mots cinq cents, les lettres q et e sont évidemment plus grandes que les autres ;
Que le timbre sec est embrouillé;
Que dans l'effigie du roi, les caractères de la figure diffèrent de ceux qui se trouvent dans les vrais assignats; qu'on remarque surtout que le nez se termine par un arrondissement, tandis que dans les vrais il se termine par un pointu.
De tout quoi nous avons dressé procès-verbal, pour être par Nous, commissaire au roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, adressé à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de police de sûreté, conformément à la loi du 27 février 1792. Et ont signé avec nous, les dénommés au présent procès-verbal, les jour et an que dessus.
Le Couteulx, Gatteaux, Pierre Didot l'aîné, Firmin Didot, Ferrier, Amelot.
Assignat de 200 livres.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, l'anIVede la liberté, le premier mars, Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, après avoir réuni MM, Le Couteulx, trésorier de la caisse de l'extraordinaire ; Ferrier, directeur de la fabrication des assignats; Gatteaux, graveur; Pierre Didot, imprimeur, et Firmin Didot, fondeur en caractères d'imprimerie, à l'effet de vérifier et constater les marques caractéristiques de falsification d'assignats de deux cents livres, portant indication de création, les 19 et 21 décembre 1789, 16 et 17 avril 1790, sous la série G, et portant le N° 150.
Après avoir rapproché et comparé l'assignat faux, d'un vrai de même valeur, nous avons reconnu que, dans la seconde ligne de l'assignat faux, qui commence par ces mots Hypothéqués: au Remboursement des, etc., la lettre d de 1 article des, est beaucoup trop forte;
Que, dans la même ligne, la lettre d qui commence le mot décrétés est évidemment plus petite que le d du mot des qui est antérieur; ' -
Que le c du mot décrétés, est plus fort que les autres lettres du mot ;
Que dans la même ligne, la double ss du mot Assemblée, est plus serrée que celle qui est dans les vrais;
Que cette double ss dépasse dans les faux la petite capitale A qui la précède, tandis que, dans les vrais, elle est ae la même hauteur;
Que dans la ligne du milieu, séparée par l'effigie du roi, portant ces mots assignat de deux cents livres, en grosses lettres, la lettre e du mot cents est plus petite que la lettre n qui suit, et que le second jambage ae cette lettre est plus grand que le premier ;
Que la boucle de la lettre l dans les trois lettres liv. qui terminent la ligne du miliéu, est serrée et étroite, ce qui fait que le point de la lettre i qui suit, est très éloigné, tandis que dans les vrais, la boucle de la lettre l est très ouverte, et met par conséquent le point de la lettre i qui suit, à une distance convenable;
Que cet assignat est gravé en taille douce dans tout son contenu, même les signatures ;
Que la signature, au lieu ae porter Larrivée. est écrite Larriveille.
De tout quoi nous avons dressé procès-verbal, pour être, par Nôus, commissaire du roi, admi-ministrateur de la caisse de l'extraordinaire, adressé à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de police de sûreté, conformément à la loi du 27 février 1792. Et ont signé avec nous, les dénommés au présent procès-verbal, les jour et an que dessus.
Le Gouteulx, Gatteaux, Pierre Didot l'aîné, Firmin Didot, Ferrier, Amelot.
Assignat de 200 livres.
L'an mit sept centquatre-vingt-douze,l'anIVede la liberté, le premier mars, Nous, commissaire du roi,administrateurde la caisse de l'extraordinaire, après avoir réuni MM.. Le Couteulx, trésorier de la caisse de l'extraordinaire; Ferrier, directeur de la fabrication des assignats ; GaitëauX, graveur; Pierre Didot, imprimeur, et Firmin Didot, fondeur en caractères d'imprimerie, à l'effet de vérifier et constater les marques caractéristiques d'un assignat de deux cents livres, portant pour indication de création, les dates des 19 et 21 décembre 1789,16 et 17 avril 1790, sous la série H; après avoir comparé et rapproché cet assignat faux avec un vrai, nous avons reconnu que tout ce qui est écrit dans le faux, en lettres italiquès, est en général d'un caractère plus petit que dans les vrais ;
Que dans la troisième ligne, au mot Décembre, la lettre D touche la lettre é ;
Que, dans la même ligne, le mot Sanctionné est très petit ;
Que, dans la seconde ligne, au-dessous de l'effigie du roi, dans les mots à la, la lettre à marquée d'un accent grave, qui précède l'article la, est très petite ;
Que, dans l'article la, la lettre l est très éloignée de la lettre a;
Que, dans la même ligné, le mot conformément est fort petit;
Et qu en général, les lettres, la gravure, les timbres sont très mal exécutés.
De tout quoi nous avons dressé procès-verbal, pour être, par Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de - l'extraordinaire, adressé à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de police de sûreté, conformément à la loi du 27 février 1792. Et ont signé avec nous, les dénommés au présent procès-verbal, les jour et an que dessus.
Le Gouteulx, Gatteaux, Pierre Didot l'aîné, Firmin Didot, Ferrier, Amelot.
Assignat de 200 livres.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an IVe de la liberté, le onze janvier, Nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, après avoir réuni MM. Le Couteulx, trésorier de la caisse de l'extraordinaire; Ferrier, directeur de la fabrication des assignats; Gatteaux, graveur; Pierre Didot, imprimeur, et Firmin Didot, fondeur en caractères d'imprimerie, à l'effet de vérifier et constater les marques caractéristiques de falsification d'un assignat de 200 livres, portant pour indication de création les dates des 19 et 21 décembre 1789, 16 et 17 avril 1790, sous la série J; après avoir rapproché et comparé cet assignat faux avec un vrai, nous avons reconnu que dans le mot hypothéqués qui commence la seconde ligne, la lettre o est éloignée du t qui la suit, et qu'elle ne l'est pas dans les vrais;
Que dans la même ligne, au mot décrétés, les lettres d et é se touchent presque, et que le mot est tout à fait de travers;
Que dans la même ligne, au mot Assemblée la lettre 1 qui se trouve dans ce mot, est beaucoup trop près de la lettre é qui la suit ;
Que dans la seconde ligne, au-dessous de l'effigie du roi, le mot conformément qui y est renfermé, est beaucoup plus petit que dans les vrais ;
Qu'en général, les caractères sont extrêmement maigres ; que ces caractères et la gravure sont fort mal exécutés ;
Que l'effigie du roi est très grossièrement imitée, ainsi que toutes les parties de cette gravure; que les lettres de la légende sont grossièrement tracées, tandis que clans les vrais elle est nette et légère.
De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal, pour être, par Nous, commissaire au roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, adressé à tous les corps administratifs, tribunaux, juges de paix et autres officiers de police de sûreté, conformémént à la loi du 27 février 1792. Et ont signé avec nous, les dénommés ci-dessus, les jours et an que dessus.
Le Couteulx, Gatteaux, Pierre Didot l'aîné, Firmin Didot, Ferrier, Amelot.
a la séance de l'assemblée nationale législative du samedi 25 février 1792, au matin.
Lettre de m. cahier de gerville, . ministre de Vintérieur, au directoire, du département de Paris, au sujet des troubles qui ont eu lieu dans divers théâtres de la capitale (1).
« Il y a dans cette ville, Messieurs, des hommes qui ne cherchent que les occasions d'exciter des troubles. Vous savez, sans doute, ce qui s'était passé hier au théâtré du Vaudeville, et ce qui s'est passé précédemment à un autre théâtre.
« Je ne suis point instruit des détails, mais il paraît que l'on compose des pièces tout exprès pour fournir des allusions aux partis opposés, pour aigrir leur; ressentiment et les provoquer
au combat. Il faut, Messieurs, à quelque prix que ce soit, tarir cette nouvelle source de discorde ; il faut que la paix règne et que la loi soit respectée. Le roi, dont on assure que le nom a été prononcé dans ces horribles scènes, vous ordonne de prendre les mesures les plus efficaces, et au besoin, les plus sévères, pour contenir et châtier les agitateurs du peuple, dans quelque sens qu'ils soient. Marchez avec confiance et fermeté, vers lé but que votre devoir vous indique, et ne craignez point de rencontrer de bons citoyens. Les bons citoyens, les vrais patriotes sont ceux qui ne séparent jamais dans leur cœur les trois éléments de notre Constitution : la nation, la loi, le roi; les conspirateurs sont ceux qui osent exprimer des vœux impies, en souhaitant au roi un bonheur indépendant du bonheur national, et le rétablissement d'un ordre de choses plus favorable à leurs intérêts, mais que la volonté nationale a condamné sans retour ; ce sont ceux qui, dans leur coupable délire; voudraient renverser le Trône constitutionnel, pour créer celui de l'anarchie républicaine et s'én disputer la possession. Tels sont les hommes toujours d'accord dans leurs moyens, quoique divisés dans leur objet, dont vous trouverez les instruments salariés dans toutes les émeutes, et auxquels il est temps d'apprendre qu'il est un terme au silence des lois.
« Signé : CAHIER. »
Lettre des maire et officiers municipaux aux administrateurs du département. Paris, ce 27 février 1792, Van quatrième de la liberté.
« Messieurs,
« Nous apprenons seulement, par la voie du Journal de Paris, que, dans une lettre relative aux troubles qui ont agité plusieurs théâtres de la capitale, Mf. le ministre de l'intérieur vous ordonne, au nom du roi, de prendre les mesures les plus efficaces, et au besoin les plus sévères pour contenir et châtier les instigateurs du peuple dans quelque sens qu'ils soient. »
« Ce n'est pas sans peine que les magistrats du peuple, inairectement inculpéspar cettelettrej ont vu que vous aviez gardé le silence avec eux sur une matière qui les intéresse aussi fortement, et que le public soit avant eux dans le secret d'une correspondance qu'il paraissait important de rendre directe avec eux.
« Certainement, Messieurs, vous connaissez bien tous les droits et tous les devoirs de la municipalité, et vous ne pouvez pas ignorer que la police des spectacles est une des branches du pouvoir municipal, sur laquelle vous n'avez qu'un droit de surveillance ; que rien de ce qui peut intéresser ou compromettre la tanguillité publique ne doit être étranger à la municipâlité, comme elle ne peut ignorer aucun ordre des autorités supérieures qui tendent à la maintenir quand elle est troublée.
« La lettre de M. le ministre de l'intérieur porte avec elle un caractère dé reproche indirect qui nous affligerait beaucoup, si nos consciences en avaient un seul à -se faire, et 'le ministre ne peut se dissimuler que la provocation qu'il vous fait laisse à croire que la municipalité néglige de remplir ses devoirs. Ce genre d'inculpation, nous vous le disons avec franchise, Messieurs, est d'autant plus dangereux qu'il tend à enlever aux magistrats du peuple la confiance qui leur
appartient, et sans laquelle ils sont dans l'impuissance de faire le bien.
« Il est facile sans doute de parler vaguement des mesures à prendre pour contenir et châtier les agitateurs au peuple, mais il est très difficile de les déterminer avec quelque précision.
« D'abord, n'est-il pas mille manières d'agiter et de soulever le peuple, et qui ne laissent aucune prise soit à la police, soit aux tribunaux. Les plus grands agitateurs du peuple, les plus dangereux, sont aussi les plus adroits pour échapper à la loi. Que de conversations, que d'écrits, que de discours, que d'actions inciviques trompent la vigilance la plus "active ! On injurie, on viole tous les jours la Constitution, et voilà ce qui aigrit le peuple, qui la veut et qui l'aime. Dans la plupart des cafés, des théâtres, des lieux publics, être ami de la Constitution est un délit ; la défendre avec chaleur, c'est être un factieux ou un républicain.Rien n'égale l'audace de ceux qui s'en montrent ouvertement les ennemis ; ifs ne craignent pas, dans leur rage effrénée, lorsqu'on mêle les cris de la nation à ceuxduroi, dedire : « A bas la nation! » Les signes glorieux de notre Révolution sont devenus, aux yeux des gens en place, une tache sur l'habit ae celui qui les porte, et un signe de réprobation. Les magistrats peuvent-ils être partout, et à la fois pour réprimer ces invectives journalières et perpétuelles ? Peuvent-ils se trouver au moment même où ces propos, prenant un caractère de gravité, excitant du trouble, donnent lieu à des excès?
Nous pensons que pour réprimer efficacement les agitateurs du peuple, de simples mesures de police seraient très insuffisantes ; que les agitations de toute espèce, qui tourmentent sans cesse le peuple, tiennent à de bien plus grandes causes. Au surplus, Messieurs, soyez bien convaincus,, et veuillez en convaincre M. le ministre de l'intérieur, que nous remplirons toujours nos devoirs, quelque pénibles qu'on veuille les rendre, avec zèle, avec dévoû-ment ; que nous mourrons pour la Constitution ; que nous veillerons sans relâche au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, et qu'avec le courage de la liberté et du saint amour de la patrie nous dénoncerons aux tribunaux tous ceux qui pourraient la troubler, tous ceux qui, méconnaissant la souveraineté du peuple français, oseraient faire entendre ce cri séditieux : « A bas la nation, » provocation audacieuse et criminelle, qui mérite toute la sévérité des lois.
« Les maire et officiers municipaux de la ville de Paris. »
Séance du
présidence de m. guyton-morveau, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Poinçot qui fait hommage à l'Assemblée d'une sixième livraison des Œuvres de Jean-Jacques Rousseau, contenant le deuxième volume de l'Emile et le deuxième volume des sciences, arts et belles-lettres.
(L'Assèmblée accepte l'hommage du sieur Poin-
cot; décrète que les deux volumes offerts seront éposés aux archives et que mention honorable sera faite dans le procès-verbal de la lettre et de l'offre du sieur Poinçot.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 24 février au soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre du sieur Bonnefin, commis de la marine, datée de Saint-Malo, le 18 février 1792. Il instruit l'Assemblée de la mort de M. Duroutoir, lieutenant de vaisseau, qui, pour sauver la vie de 4 Américains prêts à être submergés dans une tempête, dévoua la sienne, et reçut dans cet acte héroïque les germes de la maladie qui vient de terminer sa carrière. C'est pour ce brave officier que la Société humaine du Massachussets a fait parvenir, il y a quelques mois, à l'Assemblée nationale, une médaille qu'elle a fait frapper en mémoire de sa générosité, pour la remettre, avec une lettre de satisfaction, à M. Duroutoir (1). Exécuteur testamentaire de M. Duroutoir^ le signataire demande que l'Assemblée lui fasse passer cette médaille et il réclame la justice de l'humanité des représentants de la nation en faveur de la famille de ce marin qui laisse une veuve et des enfants sans ressources.
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Bonnefin au comité de secours publics.)
2° Lettre de M. Dùport, ministre de la justice> qui appelle l'attention de l'Assemblée sur la modicité des honoraires des greffiers des tribunaux de district établis dans les grandes villes, et sur l'accroissement de leurs dépenses annuelles.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)
3° Lettre d'une dame victime d'une union mal assortie qui envole à l'Assemblée l'expédition sur parchemin d'une sentence de séparation de corps, qu'elle a obtenue. Elle demande à l'Assemblée l'explication de l'article de la Constitution qui ne considère le mariage que comme contrat civil.
Je demande le renvoi de cette pétition au comité de législation, attendu qu'il s'agit de prononcer sur le divorce.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je dis que la Constitution ne reconnaît le mariage que comme acte civil;c'est une femme qui demande l'exécution de cet article qui doit être expliqué par une loi particulière.
Plusieurs membres : L'ordre du jour! Cela regarde les tribunaux !
Je demande qu'on renvoie l'examen de cette pétition au comité de législation, pour en faire incessamment le rapport.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
4° Lettre des sieurs Faudier, curé de Calais, Cuvelier, Lehodey, Legier
et Gavel, vicaires, qui offrent à la patrie, le premier 50 livres et les
autres 25 livres chacun, et l'hommage de leur attachement inébranlable à
la Constitution ; cette lettre est ainsi conçue (2)
« Le Dieu de la paix n'a point-appris aux mains de ses ministres l'art de batailler; mais il a développé dans leurs âmes "la reconnaissance qu'il leur avait originellement inspirée.
« Nous suivons la voie dans laquelle il nous a précédés lorsque nous nous intéressons au bonheur de notre patrie.
« Disposez donc pour elle de la somme de 150 livres, ci-jointe.
« Elle est modique; et cette modicité serait une raison de respect si nous n'avions la faculté et le projet de renouveler nos oblations en proportion des besoins. (Applaudissements.)
« Nous ne vous disons pas, de nos fortunes : le citoyen n'en a point à lui, quand la chose publique en demande le sacrifice. Ministres du culte public, nous nous ferons toujours un plaisir bien doux du désintéressement en faveur de la patrie; c'est une jouissance pour des enfants d'aider au salut de leur mère en lui rendant ses bienfaits.
« Habitants d'une ville dont le patriotisme est la vertu caractéristique, nous nous estimons héurèux de donner cet exemple à nos collègues : ils le suivront; n'en doutez pas, comme nous, ils sont brûlés du désir public; comme nous, ils aiment l'ordre et les lois qui en sont la source; comme nous, ils ne se serviront de la confiance du peuple, que pouf l'exhorter sans cesse à plaindre et éclairer ceux que le fanatisme égare et trompe encore à l'abri des ténèbres et de l'impunité, à opposer l'égide dé la loi aux ennemis de l'égalité, de la liberté, à rester inséparablement unfs à leurs représentants; comme vous, législateurs, comme nous, ils sacrifieront leurs fortunes et leur sang, s'il le faut, à la conservation entière de la Constitution.
« Voilà ce que nous avons juré, invariables dans nos dispositions, nous le jurons encore. Pères de la patrie, nous vous aiderons à la sauver, acceptez la rénovation de cet engagement pour nous plus précieux que la vie. (Vifs applaudissements.)
« Calais, 23 février 1792, IVe de la liberté.
« Pour 50 livres,
Signé : Faudier, curé de Calais;
« Pour 25 livres,
Signé : Cuvelier, 1er vicaire de Calais;
« Pour 25 livres,
Signé : Lehodey, 2e vicaire de Calais;
« Pour 25 livres,
Signé : Legier, vicaire de Calais ;
« Pour 25 livres,
Signé : Gavel, prêtre, vicaire. »
(L'Assemblée accepte le don de la somme offerte et décrète l'insertion au procès-verbal, avec mention honorable de la lettre des sieurs Faudier, Cuvelier, Lehodey, Legier et Gavel.)
5° Adresse d'un grand nombre de citoyens actifs de la ville de Toulon, appuyée par les administrateurs du directoire du département du Var, par ceux du directoire de district et par la municipalité de Toulon, qui, pénétrés de reconnaissance envers l'Assemblée nationale, demandent que les ouvriers des ports et arsenaux jouissent
de toutes leurs journées de travail en cas de maladie et durant leur convalescence.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de marine.)
6° Lettre des membres de la municipalité de Laval, qui demandent d'être autorisés à ouvrir un emprunt de 40,000 livres, pour subvenir au secours des pauvres pendant cette année, avec clause de remboursement sur les premiers secours de mendicité que l'Assemblée nationale trouvera bon d'accorder à cette commune.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
Voici une lettre d'un grand nombre de citoyens de la ville de Lyon, qui dénoncent qu'il n'y a, dans les caisses dites patriotiques, aucun assignat représentatif de la valeur des billets de confiance mis en circulation, et qui réclament que les assignats échangés avec les billets, soient incessamment rétablis dans ces caisses; elle est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Les caisses dites patriotiques ont été regardées, dans le principe, comme un bienfait; aujourd'hui, elles ne sont presque plus regardées que comme un fléau contre lequel nous venons réclamer votre sagesse. L'émission des billets prétendus patriotiques de Lyon est portée à plus de 7 millions. 11 n'y a pas dans la caisse un seul assignat représentatif; celui-là en imposerait qui attesterait le contraire. Cette dilapidation occasionne une grande fermentation dont l'explosion...
Plusieurs membres : Le renvoi au comité I
, continuant la lecture. « Cette dilapidation occasionne une grande fermentation dont l'explosion est à craindre. Au nom de la patrie, calmez les alarmes du peuple, elles ne sont que trop fondées; il craint toutes sortes de manœuvres de la part des dépositaires. D'un côté, il redoute une insurrection suscitée exprès, et à la suite de laquelle les entrepreneurs viendraient dire que les coffres étaient pleins d'argent, mais qu'ils ne sont pas responsables des forces majeures. La méfiance est telle que les citoyens de Lyon redoutent qu'ils n'aillent le partager avec les mendiants de Coblentz, ou qu'en sûreté de conscience ils ne s'approprient le tout en partant sur une terre étrangère. De l'autre, ils voient en frémissant les brigandages auxquels ils ont servi, et craignent de se voir livrés aux horreurs de la famine. Que ces craintes, si l'on veut, soient chimériques ; voici une vérité bien triste, et que personne n'osera révoquer en doute : c'est que nos manufactures occupent au moins 80,000 ouvriers, et que si, comme nous en sommes menacés, les billets des caisses, dites patriotiques, ne sont plus reçus dans 15 jours, demain peut-être les ateliers seront fermés. Nous manquerons absolument de matières premières. A qui devons-nous cette pénurie? à ces banquiers avides qui, tenant dans leurs mains la balance du change, la font baisser à tel point, qu'il ne nous est pas permis de tirer des marchandises de l'étranger; aux monopoleurs; à ces gens atroces qui, calculant les événements, font, de la contre-révolution, un objet de spéculation, pensent que les assignats tomberont avec la li-erté, et se fournissent en conséquence de marchandises. De là les infidélités et les perfidies.
« Suivant l'institution des caisses prétendues
patriotiques, les assignats ne peuvent en être soustraits, et telle est, en effet, la nature du contrat, qu'on ne peut sans larcin se servir de la chose déposée; mais aussi avons-nous vu ces Messieurs se partager les assignats de ces caisses et courir partout pour se rendre maîtres des matières qui alimentent nos fabriques 1 II y a dans cette conduite un double attentat, l'un contre la confiance et la foi publique, en divertissant des assignats qui font la confiance des billets des caisses patriotiques; l'autre contre la patrie, puisqu'il ne tend à rien moins qu'à l'affamer et à la troubler.
« Nous vous le dénonçons, cet attentat, dont la source est dans ces caisses qui rongent et dévorent le peuple ; ses cris se sont fait entendrajus-qu'au département; mais ce corps administratif a fait le sourd, il n'en sera pas ainsi des pères de la patrie;.ils écouteront leurs enfants prêts à s'immoler pour elle. Dans cette confiance, représentants, nous vous demandons que les assignats échangés contre des billets patriotiques, soient, dans la quinzaine, réintégrés dans les caisses dites patriotiques, qu'il y ait 3 clefs à ces cais-. ses, dont l'une sera remise à la municipalité, l'autre au directoire, et la troisième aux admis-nistrateurs de ces caisses, et que l'état de la situation d'icelles soit vérifié tous les mois en présence des commissaires. »
(Suivent une multitude de signatures.)
La demande que font les citoyens de Lyon, que ces caisses soient surveillées, me paraît infiniment juste, mais je ne peux pas croire que les caisses patriotiques soient aussi dépourvues que l'annonce la pétition. Je déclare qu'en qualité d'administrateur du district de Lyon, j ai été dépositaire pendant longtemps d'une de ces clefs et chargé de vérifier tous les mois cette caisse. J'ajoute qu'il y avait effectivement 3 clefs : une pour le département, la seconde pour le district et la troisième pour la municipalité, qu'elles étaient dans l'hôtel commun même, sous là surveillance de la municipalité, que les administrateurs du district et du département y étaient admis, et que chaque corps y envoyait un député pour vérifier l'état de ces caisses. On n'en avait jamais écarté un sol au moment où j'ai remis la clef à mes successeurs. Je demande cependant, pour tranquilliser les pétitionnaires, qu'il y ait réellement une clef dans les mains de la municipalité qui, je crois, en a déjà une; j'ajoute encore qu'en aueun cas le peuple de Lyon ne peut craindre, parce qu'il y a 2,000 actionnaires qui sont les plus riches négociants de Lyon.
Je crois ce que dit M. Caminet; cependant, il n'en existe pas moins une grande méfiance à Lyon sur le compte des administrateurs de ces caisses. Il est du devoir des administrateurs du peuple de faire disparaître cette méfiance; je demande le renvoi au comité, et qu'il soit chargé de vous faire, le plus tôt possible, son rapport.
Plusieurs voix : Il a été fait ce matin!
Pour rassurer l'Assemblée sur la caisse de Lyon, je dois la prévenir qu'elle est formée par tout ce qu'il y a de riches négociants dans la ville, et que, pour qu'elle ne fît point face à ses engagements, il faudrait que tout Lyon fût en faillite. Je ne vois là-dedans qu'une manœuvre aristocratique de plus, pratiquée pour soulever le peuple contre les administrateurs de la caisse et ceux du département.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de l'extraordinaire des finances 1
M. Cambon a fait ce matin (1) un rapport relativement à toutes les caisses patriotiques du royaume. Je demande que cette pièce lui soit renvoyée.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances, pour l'objet en être joint au rapport qui a été fait, au nom de ce comité, dans la séance du matin, sur les caisses patriotiques, et être traité avec l'objet général de ce rapport.)
J'annonce à l'Assemblée que 38 jeunes gens de la ville de Tonneins, département de Lot-et-Garonne, viennent de s'enrôler pour la troupe de ligne. Ils doivent partir sous trois jours. Le nombre de ces braves citoyens qui se dévouent à la défense de la patrie et de la liberté grossit à chaque instant et tous les cœurs sont embrasés du saint amour delà Constitution. (Applaudissements.)
Le même zèle se fait remarquer dans le district de Clermont, département de la Meuse. J'ai reçu avis que, déjà, 50 jeunes gens se sont fait enrôler pour compléter les troupes de ligne et demandent d'allef^ joindre les régiments qui doivent marcher les premiers contre les ennemis de la patrie. Sous quelques jours, leur nombre s'élèvera à plus de 100, et c'est avec la plus grande satisfaction que je fais part à l'Assemblée de ces progrès marqués de l'esprit public. (Applaudissements )
Plusieurs membres demandent la parole pour donner des nouvelles semblables de leurs départements.
Il en est partout de même; je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Je demande, qu'avant de passer à l'ordre du jour, il soit fait mention honorable, au procès-verbal, du zèle patriotique et du dévouement généreux des jeunes gens de la ville de Tonneins et du district de Clermont et qu'une expédition de ce procès-verbal soit envoyée aux régiments dans lesquels ces jeunes gens seront entrés pour leur être remise, et à tous les départements, pour être par eux transmise à toutes les municipalités de leur arrondissement.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret sur la réclamation au sieur La-tude, d'une indemnité que 35 ans de détention injuste et oppressive dans diverses prisons d'Etat semblent lui assurer; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez vu dans le sieur Latude, qui s'est présenté, le 26
du mois dernier, à votre barre (2), un exemple extraordinaire, d'un
côté, de ce que peuvent oser d'injustices, et cumuler d'infortunes, sur
un même individu, les indignes agents d'un gouvernementabsolu et
impitoyable ; de l'autre, ce que peuvent entreprendre, pour s'y
soustraire, 1 art et l'esprit d'invention, combinés avec un courage et
une patience inouis. Je ne vous retracerai pas l'histoire de ses
malheurs, vous les connaissez ; et, en y réfléchissant,
Le sieur Latude n'a pas attendu jusqu'à ce moment, Messieurs, pour demander justice des vexations dont il a été l'objet. Il a présenté à l'Assemblée nationale constituante le récit de ses longues infortunes. Le comité des pensions, chargé par elle de lui faire un rapport sur cet objet, proposa, le 12 mars dernier, ae lui accorder, à titre d'indemnité, une somme de 10,000 livres, indépendamment de la pension de 400 livres qu'à sa sortie de prison, en 1784, il avait obtenue du gouvernement. Mais quand l'Assemblée fut instruite de l'origine de ses malheurs, et quand elle sut que sa détention avait eu pour cause la découverte qu'il prétendait avoir faite d'un complot contre la vie de Mme dePompadour, et cela, d >ns le but unique de s'attacher cette femme par la reconnaissance et de tirer parti de son crédit, elle crut devoir rejeter la demande du siéur Latude, et la question préalable, invoquée sur le projet de,décret, fut décrétée.
Il est évident que l'Assemblée [nationale constituante, en rendant ce décret, n'avait vu l'affaire du sieur Latude que sous une face et qu'elle l'avait envisagée sous le rapport dé sa faute, bien rigoureusement expiée sans doute, et nullement sous le rapport de l'horrible persécution dont elle a été suivie, et dont les fastes du despotisme n'offraient pas même d'exemple. Aussi, le sieur Latude ne tarda pas à réclamer contre le préjudice que lui causait cette erreur. Il appela du deCret de l'Assemblée constituante à l'Assemblée constituante elle-même. Elle reçut sa réclamation, la renvoya à son comité des rapports ; mais la fin de sa session arriva, sans qu'elle l'eût encore prise en considération. C'est dans cet état de choses qu'il se présente aujourd'hui pour réclamer ae votre justice et de votre humanité, Messieurs, un dédommagement et des secours.
Vous avez donné ordre à vos comités de liquidation et des secours de vous rendrè compte du résultat de l'examen de cette affaire; le comité des secours a remarqué que lé sieur Latude avait moins de droits à un secours qu'à une indemnité. En effet, Messieurs, tout individu peut être réduit à l'infortune de deux manières : par l'injustice des hommes ou par celle des choses. Celui qui a souffert dè l'injustice des choses n'a pas d'autre moyen d'en obtenir la réparation qu'en s'adressant à la bienfaisance et en sollicitant des secours; l'individu, au contraire, qui a souffert de l'injustice des hommes, a son recours naturel contre celui qui la lui a fait éprouver, ou, à son défaut, contre ceux qui sont à ses droits, et est fondé à réclamer une indemnité. Aux yeux de votre comité de secours, le sieur Latude est dans le cas de cette dernière disposition, et cette indemnité est une créance sacrée dont il est autorisé à réclamer le payement. Il né lui importe pas, pour le succès de
sa cause, de vous trouver bienfaisants, il ne lui importe, Messieurs, que de vous trouver justes.
Votre comité, avant de fixer son opinion sur cette affaire, s'est proposé ces deux questions bien simples. Le sieur Latude avait-il mérité une peine? Dans ce cas, celle qu'il a subie a-t-elle été proportionnée au délit? La première question n'a pu être, pour votre comité, l'objet d'un doute. Il ne s'est pas dissimulé qu'il était coupable. Il ne rejettera pas même sur là jeunesse au sieur Latude, comme celui-ci a fait, la faute qu'il a commise. Il avait alors 24 ans. Or, un nomme doit avoir, à cet âge, ou il n'aura à aucune époque de sa vie, le sentiment des choses honnêtes et licites.
Mais il faut dire aussi que la peine que le sieur Latude a subie est une peine atroce et qu'entre elle et la faute pour laquelle elle lui a été infligée, il y a une telle disproportion, que toutes les idées d'ordre et de justice sont renversées. Il faut dire qu'il est inouï qu'on ait puni de 35 ans d'une captivité affreuse une action que quelques mois de détention, passés dans une maison de correction, auraient suffisamment expiée, et qu'on lui ait fait éprouver une punition telle, qu il n'y a pas de genre de mort qui puisse seulement en approcher. Le despotisme ottoman est plus humain : deux muets, exécuteurs de ses vengeances, portent à la victime désignée le fatal cordon; mais l'exécution suit du moins l'arrêt porté. L'homme, dans ce pays, ne meurt du moins qu'une fois ; le gouvernement n'y connaît pas l'art détestable de la torture, pendant 35 ans, dans des cachots infects et ténébreux. C'est à vous, Messieurs, à assurer au siéur Latude un dédommagement qui compense et l'injustice qu'il a soufferte et l'énorme disproportion entre la faute qu'il a commise et le supplice qu'il a subi.
Une autre circonstance que votre comité ne doit pas omettre se joint au titre du sieur Latude et milite encore pour lui. Le sieur Latude annonce que, pendant sa captivité, il s'est occupé de projets utiles dont le gouvernement s'est servi. C'est à votre comité de liquidation à s'assurer de quelle nature ont été ces projets, s'ils ont eu leur exéculion et de quelle utilité ils ont pu être, quelle récompense ertfin peut avoir mérité leur auteur; mais votre comité des secours peut au moins vous parler de trois pièces qu'il a entre les mains et qui prouvent quel acharnement on a mis à la persécution dont le sieur Latude a été l'objet.
La première est uni certificat d'un sieur Baron, le plus ancien porte-clefs de la Bastille, qui atteste avoir servi pendant 40 mois le sieur Latude dans le cachot appelé la liberté (Murmures), ayant les fers aux pieds et aux mains et qui constate qu'en 1758 lé sieur Latude avait trouvé des moyens pour la réforme dans l'armée des espontons et hallebardes, qu'il les avait décrits avec de son sang et une arête de poisson sur des tablettes formées au moyen de la mie de son pain; qu'alors ses vues furent mises à exécution, mais qu'on, lui en déroba la connaissance pour se soustraire à la récompense qu'on eût dû y mettre, et dans la crainte qu'elle ne mît lin au supplice qu'on voulait lui faire endurer.
La seconde est une lettre écrite de Vihcerines, par le sieur de Guyonnet, gouverneur de cette prison royale, à un sieur Duval, premier commis de la police, le 19 décembre 1765, lorsque le sieur Latude fut repris et reconduit au donjon
après son évasion. Cette lettre est ainsi conçue : « 11 est dans le cachot noir, Monsieur, ce sieur d'Henry — c'est le nom qu'on avait donné au sieur Latude dans le donjon. — Quel baume cela met dans mon sang ! »
Enfin, la troisième pièce, trouvée dans les papiers de la Bastille, ainsi que la précédente, est un mémoire envoyé au ministre, en 1765, dans lequel on lit ces propres termes : « Il (le sieur La-tuae) perd la vue et a deux descentes qu'il a gagnées dans les cachots de la Bastille, où il a été renfermé à différentes fois pendant plus de 9 années, les fers aux pieds et aux mains, couché sur la paille, sans lumière. C'était pour le punir de très mauvaises humeurs qui le prenaient de la longueur de sa détention. »
Toutes ces considérations ont déterminé ce projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer au nom de vos comités et que je vous demande de faire précéder d'un décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, prenant en considération les malheurs du sieur Latude et les longues souffrances qu'il a éprouvées pendant 35ans d'une détention injuste et arbitraire, dans diverses prisons d'Etat, décrète qu'H lui sera accordé provisoirement, à titre d'indemnité, une somme de 1,200 livres, laquelle sera acquittée par la caisse de l'extraordinaire, indépendamment et sans préjudice des arrérages échus de la pension de 400 livres qui lui a été précédemment accordée en 1784; décrète, en outre, que son comité de liquidation demeure chargé de lui présenter dans un bref délai, un projét de décret pour la fixation définitive de l'indemnité due au sieur Latude. »
Je vous observe, Messieurs, que ce projet de décret a été communiqué au comité de l'extraordinaire des finances.
Je demande la question préalable sur le projet du comité et-je demande à la motiver.
Je pense que la somme proposée compense bien faiblement les maux qu a éprouvés M. Latude.
Il n'est personne qui puisse se dissimuler combien les souffrances de M. Latude doivent exciter la pitié de tout homme sensible et combien les injustices qu'il a éprouvées sont révoltantes; mais, cependant, le projet de décret qui vous est présente par le comité peut avoir de très grands inconvénients.
Il vous propose de donner à M. Latude une indemnité de ses injustices et de ses souffrances. Prenons-y garde, Messieurs, nous pourrions faire une planche très dispendieuse pour la nation. Il existe certainemènt un très grand nombre de victimes du despotisme, et des horreurs qui se pratiquaient sous l'ancien régime. Si toutes revenaient aujourd'hui vous demander à être indemnisées, certes la dette publique s'accroîtrait sensiblement, et d'une manière très désastreuse. Je sais même que, dans certaines villes du royaume, il s'est déjà formé des sociétés qui recueillent avec soin tous les traits du despotisme de l'ancien régime, qui recherchent ces victimes pour demander des indemnités, et qui, bientôt, vous apporteront une foulp de ces pétitions.
Si vous accordez une indemnité à M. Latude, il faudra être conséquent avec vous-mêmes, il faudra être juste envers tous et l'accorder à tous. (Murmures.)
Cependant, M. Latude mérite des égards. Et moi aussi j'ai le cœur sensible, mais la mesure
que je proposerai ne présente pas les inconvénients de celle du comité. Il est juste que les personnes qui ont souffert autant que M. Latude ne soient pas, par leur liberté même, exposées à mourir de faim. Il est certain que M. Latude doit avoir un recours contre ceux qui ont abusé du pouvoir et qui sont les auteurs de ses maux. (Murmures.)
Je sens toute la force d'une objection que l'on peut me faire, et je ne l'affaiblirai pas en la présentant moi-même, aujourd'hui que ses fers sont brisés, et qu'il se trouve dans le monde. On va me dire : « Il faut avoir des fonds pour cela; M. Latude n'a pas les moyens de poursuivre ses persécuteurs. » Eh bien, ne serait-il pas possible que l'Assemblée nationale décrétât un fonds d'avance pour les personnes qui, après s'être adressées à elle par la voie de pétitions, seraient reconnues par l'Assemblée nationale, véritables victimes du despotisme, pour poursuivre ses agents coupables... (Murmures )
Je demande la question préalable sur le projet du comité, et le renvoi de ma proposition aux comités des secours et de législation.
Je combats la question préalable, et j'appuie le projet du comité. Toutes les objections de M. Basire n'ont qu'une apparence de solidité. Il est, sans doute, très vrai que, dans les circonstances actuelles, comme dans l'avenir, le premier principe de l'Assemblée nationale, c'est de ne jamais perdre de vue une sage économie dans la gestion des finances de l'Etat. Mais il n'est pas moins vrai encore qu'il est de l'humanité de l'Assemblée nationale, de consoler un malheureux vieillard qui a gémi 35 ans dans les cachots de la Bastille, même eût-il été coupable. En effet, serait-il possible d'admettre qu'au moment où un citoyen près à descendre dans le tombeau, vient de recouvrer sa liberté avec la nation entière, serait-il possible, dis-je, d'admettre que la nation pût refuser à un malheureux vieillard, les moyens de traîner moins douloureusement les derniers instants de son existence; en conséquence, Messieurs, cette munificence de la patrie ne sera jamais dangereuse, car elle ne pourra pas servir de planche pour personne.
En vain, des sociétés particulières feraient des recherches sur les victimes du despotisme; vraisemblablement, et j'aime à le croire, elles n'en trouveront jamais d'aussi malheureuses que M. Latude. J'appuie donc le projet du comité.
Il me reste peu d'observations a ajouter à celles qui viennent d'être faites par M. Dubayet. J'éprouve pourtant une certaine satisfaction à exprimer aussi mon sentiment, à dire aussi ma pensée en faveur de cette célèbre victime du despotisme le plus épouvantable.
J'ajouterai seulement qu'il serait difficile de montrer dans l'histoire ensanglantée de toutes les victimes de la persécution, un être qui pût se comparer à M. Latude, et qui pût attirer doublement la générosité de la nation française. (Applaudissements.) Mais il est une circonstance qui nedoit point échapper à la sagesse et àla bienfaisance de l'Assemblée nationale, c'est que dans les cachots de la Bastille, c'est qu'accablé sous le poids des fers, le sieur Latude n a pas perdu un seul instant l'amour de la patrie et le désir de lui être utile. Le rapporteur vous a dit que le sieur Latude avait dressé deux projets dont l'utilité avait été reconnue, et qui même avaient
été mis à exécution ; et lorsque vous vous plaisez à décerner des récompenses à ceux qui méritent bien de la1 patrie, lorsque vous couronnez les travaux des citoyens, serez-vous insensibles, Messieurs, et ici j'invoque votre justice, serez-vous insensibles aux travaux d'un malheureux vieillard enfoncé dans les horreurs des cachots? Non, Messieurs. Je demande donc, au nom de l'humanité, de la justice, que le projet du comité soit adopté. (Applaudissements.)
En gémissant sur les épouvantables infortunes de M. Latude, je ne puis être de l'avis de la question préalable, lorsque je considère un si petit délit puni par une peine immense, énorme, atroce. Et pourquoi, me aemandais-je à moi-même, pourquoi cette Pompadour était-elle là?... (Bah! bah ! Rires prolongés.) Il est possible que l'expression dont je me suis servi ait fait naître des idées qui ne devraient pas s'offrir dans ce moment-ci à des cœurs sensibles. Je me demande si la Pompadour était là pour distribuer des lettres de cachet? Si le gouvernement qui la souffrait là pour jeter pendant 35 ans un citoyen dans les cachots, n'est pas responsable des maux que M. Latude a soufferts à cause de cette femme, et ne lui doit pas des réparations pour cette horrible injustice ? Oui, la nation se doit à elle-même d'effacer dé semblables scandales. Une victime se présente, elle demande une réparation, et, cette réparation, la nation française la fera en accordant à M. Latude le provisoire que propose le comité. Trop tard elle est venue cette insurrection du peuple français qui nous a délivrés de toutes ces horreurs, et des concubines des rois et des cachots de la Bastille. (Vifs applaudissements dans VAssemblée et dans les tribunes.) Je demande qu'il soit décrété, conformément au projet de décret qui vous est présenté, un secours de 1,200 livres, et je demande en outre l'impression du rapport et du projet de décret pour statuer sur une indemnité définitive à laquelle M. Latude a des droits sacrés.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la question préalable sur le projet de décret, demandée par M. Basire.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de décret puis décrète l'urgence.)
Je demande qu'au lieu du mot indemnité on mette le mot secours. (Appuyé ! appuyé!)
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Voy-sin de Gartempe.)
Je demande par amendement que le mot provisoire soit supprimé du projet de décret et qu'au lieu de 1,200 livres, on accorde définitivement 3,000 livres à M. Latude. De cette façon, l'Assemblée n'aura plus à revenir sur cette affaire.
J'appuie la suppression du mot provisoire; mais je demande que le secours définitif soit restreint aux 1,200 livres avec la pension.
Je suis aussi d'avis que ce soit la dernière fois que l'Assemblée s'occupe de M. Latude; mais une trop grande sévérité serait une injustice. Si vous adoptez l'amendement de M. Dorizy, vous serez infiniment plus sévères envers M. Latude que ne l'a été l'Assemblée
constituante quand elle s'occupa de cette affaire. Le comité des pensions avait été chargé de l'examiner. Nommer le rapporteur, c'est ôter toute idée de faveur. M. Camus, tout en présentant l'affaire de M. Latude sous le jour le plus défavorable, proposait à l'Assemblée constituante de lui accorder 10,000 livres. Je vous observe, Messieurs, que si vous réduisez à la somme de 1,200 livres le secours que vous voulez accorder à M. Latude, l'Assemblée nationale, les représentants de la France entière seront infiniment moins généreux qu'une femme pauvre et sans ressources. Mme Legros, sans protection, avec son courage et son énergie, a su forcer les tours de la Bastille, de Vincennes et de Bicêtre. Mme Legros qui a des enfants, qui ne vit que de son travail et de celui de son mari, nourrit encore la vieillesse de M. Latude, qu'elle nomme son enfant, avec un courage admirable. Eh bien, ce que vous ne feriez pas pour M. Latude, faites-le du moins pour la vertu de Mme Legros. J'ai été chargé de porter à cette digne femme la couronne civique, au nom de la Société des amis de la Constitution, et ce jour a été le plus beau de ma vie. ( Applaudissements.) Je demande donc que vous accordiez à M. Latude la somme que M. Camus proposait au corps constituant de décréter en sa faveur.
M. Latude, à la fleur de l'âge, a été plongé dans les cachots. Il en est sorti accablé par la vieillesse et les infirmités. Tous les jours ses créanciers le persécutent. Que voulez-vous qu'il fasse avec 1,200 livres?
Divers membres proposent d'accorder les uns 6,000 livres, les autres 3,000 livres,
Avant de statuer sur la somme à accorder, je demande que la question soit ainsi posée : « Le secours à accorder au sieur Latude sera-t-il provisoire ou définitif. »
(L'Assemblée décrète qu'elle fixera définitivement le secours à accorder au sieur Latude.)
Plusieurs membres renouvellent la motion de porter le secours, les uns à 6,000 livres, les autres à 3,000 livres.
J'appuie le secours de 6,000 livres ; mais je demande que ce soient les membres l'Assemblée qui en fassent le sacrifice. Je ne veux pas du tout qu'on puise dans le Trésor public.
Cette générosité ne doit pas priver la nation de réparer une grande injustice. Je demande que ce soit le Trésor public qui paye les 6,000 livres !
Plusieurs membres: La priorité pour le secours de 3,000 livres.
Je vais mettre aux voix successivement les sommes de 6,000, 3,000 et 1,200 livres qui ont été demandées. Je commence par la somme de 6,000 livres.
(L'Assemblée décrète que le secours ne sera pas de 6,000 livres.)
Je mets aux voix le chiffre de 3,000 livres.
(L'Assemblée décrète que le secours sera de de 3,000 livres.)
Un membre : Je demande que le secours de 3,000 livres soit indépendant de la pension de 400 livres qui lui a été accordée en 1784.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, prenant en considération les malheurs du sieur Latude et les longues souffrances qu'il a éprouvées pendant 35 ans d'une détention injuste et oppressive, après avoir ouï le rapport de son comité des secours publics, et reconnu qu'il est instant de hâter les secours qui sont dus à une personne qui a gémi si longtemps sous les coups du pouvoir arbitraire, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète, de plus, qu'il sera accordé au sieur Latude, à titre ae secours, une somme de 3,000 livres, indépendamment et sans préjudice de la pension de 400 livres à lui précédemment accordée en 1784, et des arrérages qui lui en sont dus. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des sous-officiers et soldats de la garde nationale soldée de Paris, qui se plaignent du retard de l'exécution du décret du 15 de ce mois, qui leur accorde des gratifications.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au pouvoir exécutif.)
2° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui représentent que les versements des receveurs de district et de la Trésorerie, se faisant en masse sur toutes les contributions indistinctement, ils ne peuvent pas satisfaire au décret du 17 de ce mois, portant que dans l'état des recettes qu'ils doivent fournir tous les mois au Corps législatif, ils feront un article particulier pour chacune des différentes contributions (1) : «Mais nous remettrons, ajoutent-ils, à Messieurs du comité de l'ordinaire des finances, vers le milieu ,4e chaque mois, un état divisé par département, des recouvrements faits par les receveurs des districts sur chaque nature de contribution au 1er du mois précédent, ce qui remplit entièrement l'intention de l'Assemblée nationale. »
(L'Assemblée renvoie cette léttre au comité de l'ordinaire des finances.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (2) sur des souscriptions faites par le roi pour des entreprises littéraires et particulièrement pour le Recueil des chartes et monuments historiques, par MM. de Bréquigny et Dutheil, et'sur les mœurs des Français, par M. de Sauvigny; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité de l'ordinaire des finances une demande du ministre de l'intérieur relative aux souscriptions d'ouvrages de littérature, qui avaient été précédemment accordées par le roi, suivant 1 usage alors établi.
Tout ce qui a rapport au progrès des connaissances doit intéresser une nation éclairée; l'Assemblée constituante avait compris, dans l'état des dépenses publiques de 1791, une somme de 789,917 livres pour travaux littéraires, enseignements publics et souscriptions ; sur cette partie de fonds destinés aux dépenses publiques, il n'a été payé que........ 88,129 1. 2 s. 6 d.
Ainsi, il reste.. 701,787 1. 17 s. 6 d.
Il vous demandé à être autorisé de délivrer des ordonnancés pour le payement des sommes dues pour les livraisons déjà faites; il vous prie de statuer sur la continuation des souscriptions pour les ouvrages qui ne sont pas terminés et sur la distribution de ceux qui restent en dépôt dans les bureaux du département de l'intérieur.
Ces souscriptions, accordées par le roi, encourageaient et récompensaient les auteurs qui se vouaient à des entreprises utiles. Le contrôleur général ou le ministre des finances faisaient connaître au roi les ouvrages qui pouvaient mériter cette faveur, et le roi décidait le nombre d'exemplaires pour lesquels il voulait souscrire.
Sur cette décision, l'auteur recevait, au Trésor public, le prix des souscriptions, à mesure que les exemplaires ou les livraisons étaient fournis. Ces exemplaires étaient remis ensuite entre les mains du ministre des finances, qui les faisait distribuer aux personnes que le roi jugeait à propos d'indiquer.
Assez souvent, lé nombre des exemplaires déterminés par la souscription, excédait le nombre des personnes que le roi indiquait, et alors lé surplus des exemplaires restait en dépôt dans les bureaux du contrôle général.
Parmi les ouvrages pour lesquels le roi avait souscrit, il y en a deux surtout qui ont fixé l'attention au ministre de l'intérieur et de votre comité.
Le premier est la Collection des Chartes, par MM. de Bréquigny et Dutheil, l'autre les Essais historiques sur les mœurs des Français, par M. de Sauvigny.
La Collection des Chartes, par MM. de Bréquigny et Dutheil, est un des ouvrages les plus importants qui aient été entrepris pour notre histoire. On sait combien le recueil de Rymer a servi à éclaircir celle d'Angleterre. Le roi avait ordonné de faire la recherche de ces actes dans les archives publiques et particulières, non seulement dans le royaume, mais même dans les pays étrangers. Plusieurs religieux de la congrégation de Saint-Maur et plusieurs hommes de lettres furent chargés de ce qui avait rapport à l'intérieur du royaume ;-M/de Bréquigny lut envoyé en Angleterre,"et M. Dutheil, en Italie. Ces deux savants ont consacré plusieurs années à rassembler tout ce qu'ils ont pu découvrir de pièces et anecdotes relatives à notre histoire nationale.
En 1782, M dé Bréquigny fut chargé du travail qu'exigeait l'édition de toutes ces pièces, et, la même année, M. Dutheil fut choisi pour partager ce travail avec M. de Bréquigny. En 1785, M. de Bréquigny reçut l'ordre de commencer sur-le-champ 1 édition de cet ouvrage important. Pour faciliter l'exécution de l'entreprise typographique, le roi, par sa décision du â0 mai 1785, s'engagea à en prendre 300 exemplaires. Ce secours était nécessaire pour que le libraire pût entrèprendre l'impression d'un pareil ouvrage, qui exigeait de sa part au moins autant d'avances. M. Nyon fut chargé de cette entreprise. En 1786, M. Dutheil fut rappelé de Rome pour aider M. de Bréquigny.
Le plan du travail est exposé dans la préface que les éditeurs ont mise à la tête du premier volume. Il est divisé en deux parties : l'une contient les pièces originales, l'autre les monuments historiques.
M. de Bréquigny avait déjà établi, avant l'époque de la Révolution et sur les chartes qu'il a recueillies, que, sous la race des Mérovingiens, il n'y avait pas en France de noblesse héréditaire, et qu'elle ne s'était établie que par usurpation et sans loi formelle, sous la race des Carlovin-giens.il a prouvé aussi que, sous la première race, nos rois portaient le titre de rois de France. C'est ainsi que ce savant estimable aurait justifié, par des titres authentiques, les droits de la nation, s'il eût fallu d'autres titres à des hommes libres que ceux que la nature a gravés dans leurs cœurs.
Cette collection de chartes et de titres est le complément nécessaire des collections ^jue nous avons déjà, telles que les recueils: des historiens et des ordonnances des rois de France; elle ne présente pas, comme celle de Rymer, le texte simple; les actes sont accompagnes de notes critiques et de discours préliminaires qui donnent tous les éclaicissements qui ont paru nécessaires pour l'intelligence de ces actes.
Cet ouvrage, Messieurs, est un de ceux qui servira le plus à l'écrivain philosophe qui, s'éle-vant à la hauteur des principes de la liberté, entreprendra l'histoire au peuple français : car, ce n'est plus l'histoire des rois qu'il faut écrire, mais celle des peuples, pour leur apprendre à conserver leur indépendance et leur liberté, sous les lois de la justice et de l'ordre.
Les trois premiers volumes de cette collection précieuse sont terminés; l'exécution typographique répond à l'importance de l'ouvrage, et fait honneur à M. Nyon. Les 300 exemplaires de cés trois volumes ont été remis au département de l'intérieur, où ils sont déposés.
Les matériaux pour la suite de l'ouvrage sont aujourd'hui tous rassemblés. Le quatrième volume peut être livré à l'impression, et M. de Bréquigny continue à s'occuper de ce travail important; mais M. Nyon, libraire, réclame avec justice, depuis i 6 mois, le payement des 300 exemplaires, pour lesquels le roi a souscrit, à raison de 30 livres par volume, ce qui forme un objet de 27,000 livres, et il demande que la souscription soit continuée pour les volumes suivants, afin qu'il puisse les imprimer. Le retard du payement qu'il sollicite le met dans le plus grand embarras pour acquitter les engagements qu'il a pris lui-même pour une entreprise aussi considérable.
Votre comité a pensé que cette demande était de toutè justice, que la trésorerie nationale devait être autorisée, sur l'ordonnance du ministre de l'intérieur, à acquitter ces 27,000 livres, et que.la souscription devait être continuée pour les volumes suivants.
Les Essais historiques sur les mœurs des Français, par M. de Sauvigny, sont le second ouvrage important dont le ministre de l'intérieur vous demande de continuer la souscription.
Le roi avait souscrit pour 100 exemplaires, dont 50 in-4° et 50 in-8°. M. de Sauvigny en a déjà livré 87 cahiers, avec près de 300 gravures des monuments, médailles et monnaies. :
Cet ouvrage est divisé en deux parties; la première contient la traduction des chroniques les plus anciennes, celle de France, dé Grégoire de Tours, de Frédegaire, les épitomes et gestes des rois de France, etc., avec une analyse chronologique et raisonnée de toutes celles qui nous restent, et la traduction des auteurs grecs et romains contemporains qui ont rapport à la France.
La seconde partie contient le recueil des let-
très des rois, des reines, des papes, des évêques, relatives à notre histoire, à nos mœurs,; à nos usages ; les constitutions des rois, la loi salique, les lois ripuaires, le recueil des formules et des jugements avec un discours général sur l'histoire des Francs, tendant à prouver que la nouvelle. Constitution des Français est leur ancienne Constitution, perfectionnée par les principes de la liberté et les progrès qu'a fait la science des gouvernements. On y verra que la première ligue des Francs, comme aujourd'hui la Révolution que la France vient d'éprouver, fut dictée par I amour de la liberté et la haine du despotisme.
Cet ouvrage avait été entrepris sur l'invitation faite par le roi, en 1784, à tous les gens de lettres, de débrouiller les ténèbres des premiers siècles de notre histoire.
Cette entreprisé exigeait des avances considérables. M. de Sauvigny employait à la fois plusieurs graveurs et trois imprimeurs. Un exil arbitraire qui eut pour motif, dit-on, la publication du Calendrier des honnêtes gens, qui avait, été soumis à sa censure, suspendit les, livraisons déjà commencées. On suspendait aussi le payement des livraisons fournies au ministre des finances, et pendant ce temps, M. de Sauvigny assure que le bibliothécaire Le Noir vendait ces livraisons au rabais, et lui faisait perdre ainsi ses souscripteurs, tandis qu'il était forcé de payer, sans rien faire des ouvriers employés à l'année.
L'ouvrage recommençait à prendre son cours au moment de la Révolution. M. Necker fit payer les livraisons déjà fournies. M. de Sauvigny se livra tout entier alors à ses devoirs de citoyen. II fut nommé représentant de la commune pendant 17 mois, et il est aujourd'hui capitaine de la garde nationale, section des Quinze-Vingts.
M. de Sauvigny était censeur royal; mais il avait été nommé par MM. de Malesherbes et Tur-got, il n'avait que 1,200 livres et il avait exercé pendant 14 ans, tandis que Crébillon, le fils, après 4 ans et demi, avait obtenu 8,000 livres de pension.
En 1790, il fut chargé d'aller dans les départements voisins pour assurer les subsistances de la ville de Paris, et il s'en acquitta avec le plus grand zèle ; mais ce service même lui ravit son traitement de censeur, tandis qu'on l'accordait à ses confrères, qui n'avaient rien fait; on le lui refusait parce qu'il s'était consacré à la défense de la liberté.
M. de Sauvigny a d'ailleurs servi pendant 26 ans, dans lesquels il y a une campagne de guerre.
L'entreprise des essais historiques a entièrement absorbé son patrimoine, et il se trouve aujourd'hui privé de toutes espèces de ressources ; il réclame comme une justice la continuation de la souscription de son ouvrage. Votre comité a pensé, Messieurs, que cette demande ne pouvait être refusée. Par un décret du 14 août 1790, l'Assemblée constituante avait prononcé qu'il serait réglé dans quelle forme il serait pourvu à l'avenir à la dépense des travaux littéraires qui seraient reconnus utiles.
L'article 2 du même décret portait que les personnes chargées de ces différents travaux informeraient, dans le délai de quinzaine, le comité des finances de l'état de leurs ouvrages, de leur objet d'utilité, de l'époque à laquelle ils ont commencé, du point d'avancement où ils
sont, et les différentes sommes qui ont été payées à ce sujet, pour lui en être rendu compte par le comité des finances et être par elle décrété ce qu'il appartiendra.
Ce travail, Messieurs, n'a pas été fait par le comité des finances, et le ministre n'a pas pu accorder des payements qui n'ont pas été décrétés. Cependant, MM. Nyon et de Sauvigny se trouvent, comme je viens de vous lé prouver, dans une situation qui exige la plus prompte décision.
Quant à la distribution des ouvrages pour lesquels le roi avait souscrit, votre comité/des finances a pensé que cet objet devaU être renvoyé au comité d'instruction publique^ qui vous proposera, sans doute, d'après les principes qu'il adoptera, des vues nouvelles sur l'organisation et 1 administration des bibliothèques publiques, soit à Paris, soit dans les différentes parties de l'Empire.
Votre comité vous propose donc le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, convaincue de l'importance de tout ce qui a rapport à l'instruction publique et aux progrès des sciences et des arts, décrète :
« 1° Que, conformément au décret de l'Assemblée constituante, du 14 août 1790, le ministre de l'intérieur lui fera remettre, avant le 15 de mars, l'état des travaux littéraires utiles, qui a dû être dressé en exécution de l'article 1er ae ce décret, afin que l'Assemblée nationale, après avoir statué sur cet état particulier, d'après l'avis de ses comités d'instruction publique et de l'ordinaire des finances, puisse le comprendre dans l'état général des. dépenses de 1792, qu'elle décrétera, ainsi qu'elle l'a annoncé par son décret du 31 décembre dernier ;
« 2° Que le receuil. des diplômes, chartes, lettres èt autres titres relatifs à l'histoire de France, sous le titre de Diplomata, charlœ, epistolœ et alia documenta ad res francicas spectantia, dont MM. de Bréquigny et Dutheil ont été particulièrement chargés, sera complété, et qu'ainsi la souscription faite par le roi pour 300 exemplaires de cet ouvrage, et le traitement accorde au sietir de Bréquigny et au sieur Dutheil, pour cet objet, seront portés dans l'état particulier des dépenses littéraires, prescrit par l'article 1er du présent décret;
« 3° Que sur les fonds de 1791, destinés aux dépenses littéraires, la trésorerie nationale acquittera, sur l'ordonnancé du ministre de l'intérieur, la somme de 27,000 livres due au sieur Nyon, libraire, pour l'impression de ce recueil, et la remise qu'il a faite, au département de l'intérieur, des 300 exemplaires pour lesquels le roi avait souscrit ;
« 4° Que la souscription de 50 exemplaires in-4° et de 50 ih-8° aes Essais historiques des moeurs des Français par le sieur de Sauvigny, sera également continuée et comprise dans 1état prescrit par le premier acte du présent décret ;
« 5° Que le ministre de l'intérieur remettra, avant le 15 de mars, un état exact des souscriptions faites parle roi,pour des entreprises littéraires qui ne sont pas terminées, et de tous les ouvrages qui, par suite de ces souscriptions, ont été délivrés et déposés-dans les bureaux du département de l'intérietft', pendant l'année 1791 ou antérieurement, l'état de distribution qui en a été fait, et l'état des ouvrages qui restent à distribuer;
« 6° Les états prescrits par le précédent article
seront remis au comité d'instruction publique, et l'Assemblée nationale se réserve de décréter, sur l'avis de son comité, la continuation des autres souscriptions qu'il paraîtra juste ou nécessaire d'accorder, et la distribution des ouvrages qui seront déposés. »
Je demande la question préalable sur le projet de décret. Nous n'avons que faire de lois saliques et de lois ripuaires, surtout s'il faut les payer 1,500,000 livres. Si le roi en a envie, sa liste civile de 30 millions est assez considérable pour payer des souscriptions d'ouvrages littéraires. Nous avons notre Constitution; voilà la loi salique que nous voulons conserver. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je propose de mettre incessamment ce projet ae loi a l'ordre du jour, afin que la motion de M. Cambon ne déshonore pas le Corps législatif.
Pour moi, je demande l'ajournement et je combats la question préalable, parce que si nous montrons du mépris pour les sciences et pour les arts, nous tomberons dans la barbarie et la barbarie détruira notre Constitution et nous conduira à l'esclavage. C'est une ingratitude. \ Vifs applaudissements.)
J'appuie, Messieurs, la question préalable. Sous le prétexte du respect pour les sciences et pour les arts, on viendrait tous les jours vous faire de semblables propositions. Eh! l'art des poisons est aussi un art: croyez-vous pour cela que vous deviez le con-, server?
Et s'il y avait une admirable découverte dans l'art des poisons, il faudrait donc l'ensevelir aussi!
Plusieurs membres demandent quel rapport il y a entre l'art des poisons et des ouvrages historiques.
Je vais vous développer mon idée. Qu'avons-nous besoin de ces Antiqua documenta, dont vient nous parler M. le rapporteur. Il y a des choses que, bien loin de conserver, il faut ensevelir dans un profond oubli.
Omar, qui mit le feu à la bibliothèque d'Alexandrie, fit le même raisonnement que M. Grangeneuve. Il ne faut pas avoir ce reproche à nous faire.
Je ne prétends pas qu'on doive brûler les ouvrages des philosophes qui ont préparé la liberté. Je propose d'ensevelir dans un profond oubli tout ce qui peut rappeler la naissance de la féodalité. J'entends dire, autour de moi, que les contrastes feront sentir davantage le prix de la liberté. La liberté se suffit à elle-même et n'a pas besoin de contraste pour rester à jamais dans le cœur des Français. n un mot, c'est comme si l'on vous* proposait de reconstruire la Bastille, parce que c'était un bel ouvrage d'architecture.
Je demande que, quand on rend un décret aussi déshonorant pour les sciences, on ne le rende pas en tumulte.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de décret, en ordonne l'impression ainsi que du rapport, décide que la lecture qui vient d être faite sera la première et ajourne à huitaine la seconde lecture.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. MATHIEU-DUMAS.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, 'donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 25 février, au matin.
Un membre : Je demande que le comité des domaines s'occupe le plus promptement possible d'une motion qui lui a été renvoyée (1) de réunir à d'autres maisons les religieuses qui, vivant encore sous la règle, ne sont pas au nombre de 25 et de désigner celles où les personnes qui voudraient vivre en commun puissent s'associer. Je demande en outre que, dans les maisons qui seront conservées, les religieux et les religi euses n'auront que la jouissance des bâtiments et du potager, et que le surplus des jardins, enclos et .vergers, qui ne tiennent pas immédiatement aux bâtiments, soient vendus, conformément aux décrets de l'Assemblée constituante.
(L'Assemblée renvoie cette proposition au comité du domaine et charge le comité central d'en mettre le rapport à l'ordre du jour le plus prochain.)
Un prêtre réfractaire de mon département a été poursuivi par le tribunal du district de Pontarlier pour avoir dit publiquement la messe, lorsque cela lui avait été défendu en vertu des décrets du 4 avril. Ce tribunal ne peut plus procéder outre, parce qu'il est ordonné par le décret d'en référer à l'Assemblée nationale, pour qu'elle statue si le prêtre sera envoyé devant lanaute cour nationale. Or, comme il résulte uniquement des informations, qu'il n'y a aucune autre charge contre lui que d'avoir dit la messe dans sa paroisse, malgré qu'il en avait été chassé, il est évident qu'il n'y a pas lieu à l'envoi par devant la haute cour nationale, le tribunal demande à être autorisé à passer outre, c'est-à-dire à appliquer la peine de la loi, la privation du traitement. Je dépose sur le bureau l'information commencée par le tribunal et renvoyée à l'Assemblée nationale par jugement du 7 du présent mois pour être statué si le crime dont il s'agit est de la compétence de la haute cour nationale.
Le pouvoir judiciaire doit exercer ses fonctions. Je demande l'ordre du jour, mais il n'y a pas à renvoyer devant la haute cour nationale.
Vous ne pouvez pas passer à l'ordre du jour, car il y a une loi qui ordonne qu'il en sera référé à la législature.Xe tribunal, dont parle M. Voisard a satisfait à cette loi. Il faut que vous l'autorisiez à poursuivre l'instruction. Ainsi, je demande qu'on renvoie au comité, ou que vous passiez à l'ordre du jour, en le motivant.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire au comité de législation.)
Un membre, au nom du comité des décrets, donne lecture de l'acte
d'accusation contre le sieur Louis
« Les procédures instruites par-devant le juge de paix d'Angoulême, et par-devant le tribunal du district de la même ville, les 18 et 20 janvier dernier, ainsi que les 4 lettres qui y sont jointes, annoncent que le sieur Louis Dulery, ci-devant capitaine général des fermes, domicilié en la paroisse d'Orgedeuil, district de La Rochefoucauld, entretenait une correspondance coupable avec les rebelles qui sont à Coblentz, et qu d secondait leurs projets hostiles contre la France, soit en cherchant à enrôler pour eux plusieurs citoyens, soit en se disposant à grossir lui-même leur armée.
« L'Assemblée nationale, après avoir pris connaissance de ces pièces et procédures dans sa séance du 20 de ce mois, a déclaré qu'il y avait lieu à accusation contre le siéur Dulery, et elle l'accuse, par le présent acte, devant la haute cour nationale, comme étant prévenu de complot contre la surêté de l'Etat ».
(L'Assemblée adopte la rédaction de cet acte d'accusation.)
Un membre : Je veux vous parler des renseignements donnés hier par le ministre de la guerre à propos de Y insubordination du 45® régiment.
Il paraît, qu'en général, le règlement de discipline envoyé par le ministre donne lieu à de grandes réclamations de la part dès régiments. J'ai reçu des nouvelles de ma ville, par lesquelles on me marque que les régiments réclament contre 5 appels par jour aux termes de ce règlement. Je ne connais point ce règlement, je ne sais sur quelles bases il est appuyé. C'est pourquoi je demande qu'il soit renvoyé au comité militaire pour qu'il vous en fasse un rapport. En même temps qu'on a publié la loi sur le recrutement des 51,000 hommes, on a également publié le règlement, et il peut avoir été fait dans le dessein de dégoûter les jeunes gens du service. (Murmures.)
Il paraît que l'on veut perdre l'armée et la discipline.
Plusieurs voix : L'ordre du jour !
Messieurs, il est intéressant d'examiner le règlement en général. Aucun ministre n'a le droit d'en faire que pour expliquer la loi. Il est possible qu'il soit très sage et qu'il ne s'écarte point de ce qui est légal ; mais l'Assemblée nationale se doit à elle-même ae vérifier si réel-important que truite des motifs qui ont amené dans la capitale les 12 soldats du régiment ci-devant Alsace qui ont été arrêtés hier (2).
Plusieurs membres : Ce n'est pas cela !
C'est cela ! Les soldats que l'on nous a dit être libres ont été
conduits à 1 Abbaye hier matin. 11 faut que l'Assemblée sache le motif
de la démarche de ces 12 soldats. Pour y parvenir, je demande que le
comité militaire, auquel on renverra le règlement, soit chargé de
prendre des instructions et de rendre compte à
La Constitution donne au roi le droit de faire des proclamations. Il n'est pas douteux que si le règlement qui a été promulgué par le roi est contraire aux lois; il n'est pas douteux, dis-je, que vous devez charger votre comité militaire de l'examiner et de vous en rendre compte, ce qui a déjà été fait par un décret rendu hier (1). Mais, Messieurs, n'oublions pas que l'armée Commence aujourd'hui à se réorganiser. (Bruit.) N'oublions pas que pour peu que nous continuions à faire ce qui a déjà été fait, je veux dire si nous donnions un appui aux hommes qui se révoltent contre la loi, nous détruirions tout à fait la force publique. (Murmures.) Il y a, Messieurs, une manière de procéder que les lois ont dictéé. Tout militaire qui se trouve lésé par des punitions qu'on lui alnfhgées ou qui a éprouvé quelque tort, a des jugés supérieurs auxquels il doit s'adresser, et vous ne pouvez en connaître qu'après que tous les degrés des autorités secondaires ont été épuisés. Si vous suivez une toute autre marche, je vous déclaré qu'avant deux mois vous n'aurez plus ni armées ni soldats. (Murmures.)
Plusieurs voix ; L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur les deux motions de M. Thuriot.)
, secrétaire. Voici une lettre de M. Béranger, ex-député de VAssemblée Constituante, juge du tribunal criminel du département de la Drôme, qui annonce que l'on a tenu, les 15 et 16 de ce mois, la première assemblée du juré de jugement. Le tribunal a déclaré convaincus et condamnés à 15 années de fer des hommes accusés de distribution de fausse monnaie.
, secrétaire donne lecture d'un lettre de M. Pétion, maire de Paris (2), dans laquelle il expose quelle a été sa conduite relativement aux 12 soldats du régiment ci-devant Alsace, pour l'arrestation desquels il lui a été reproché dans l'Assemblée, par le ministre de la guerre, de n'avoir pas fait droit à la réquisition d'ordres légitimes (3) ; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 26 février 1792, l'an IV de la Liberté.
« Monsieur le Président,
« Je viens d'apprendre que M. le ministre de la guerre avait avancé à l'Assemblée que, dans l'affaire des 12 soldats du régiment d'Alsace, j'avais cru ne pas faire droità la réquisition d'ordres légitimes. Gomme cette manière vague de s'exprimer pourrait laisser du louche sur ma conduite et qu'il importe au magistrat du peuple de n'être pas soupçonné d'avoir manqué à ses devoirs, je prends la liberté de joindre ici des pièces, qui établiront, je pense, que la marche que j'ai tenue est sage et mesurée.
« Vous y verrez que M. le ministre de la guerre n'a pas cru d'abord qu'il
fût besoin de recourir à l'autorité civile pour l'arrestation des 12
sol-
« On ne devait pas craindre assurément que ces soldats s'en fussent, puisqu'ils venaient d'eux-mêmes, se remettre entre les mains des autorités légitimes, et qu'ils étaient sous la surveillance d un inspecteur de police militaire. D'ailleurs, je dois dire à leur louange, qu'il est impossible de trouver des hommes plus dociles, plus soumis et plus résignés.
« M; le ministre de la guerre a fait de nouveau connaître combien l'intervention de l'autorité civile, était peu nécessaire dans cette affaire et combien il était facile de s'en passer; car il a fait conduire les 12 soldats à l'Abbaye; il est vrai qu'il prétend qu'ils y ont été de leur plein gré, mais on comprend sans peine ce que cela signifie, il a réglé lui-même le temps de la détention, il a mesuré le degré de peine, et il a été jusqu'à promettre leur grâce au nopi du roi; ainsi, il n'a plus rien laissé à faire.
« Tout cela a paru si simple à M. le ministre delà guerre que je ne sais pas comment ifèst venu avec tant d'empressement et deux fois de suite à l'Assemblée, faire part de sa conduite ; et comment surtout il a cru utile à son éloge de jeter de la défaveur sur le maire de Paris.
« L'Assemblée connaît maintenant les faits et elle jugera facilement que si quelqu'tm a des torts ce n'est point le maire de Paris.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : PÉTION. »
A cette lettre sont jointes les pièces suivantes :
Copie de la lettre de M, le ministre de la guerre à Monsieur Daffry, commandant la 17e division (1).
« Je viens d'être informé, Monsieur, que 12 soldats du régiment ci-devant Alsace, ont quitté leur corps sans congé ni permission et se sont rendus hier à Paris, où ils sont dans une auberge qui vous sera indiquée par le sieur Sommellier, inspecteur de la police militaire; ces 12 hommes étant considérés comme déserteurs, vous voudrez bien, Monsieur, donner des ordres nécessaires pour les faire arrêter sur-le-champ et m'en informer afin que je puisse prendre les ordres du roi pour les faire conduire, ae brigade en brigade, à leur régiment.
« Signé : LOUIS DE NARBONNE. »
Copie de la lettre de M. Daffry, commandant général de la 17e division, & Monsieur le maire de Paris (2).
« Monsieur,
« Dans l'instant, je reçois une lettre du ministre de la guerre dont
l'objet me paraît très important et dont je joins iei copie. « Je. ne
peux, Monsieur, que m'adresser à vous
« J'attends votre réponse et le résultat des ordres que vous croirez dèvoir donner pour répondre au ministre de la guerre.
« Signé : ÛAFFRY.
« P. S. Je vous adresserai M. Sommellier, pour les renseignements qui pourront vous être nécessaires. »
Copie de la lettre de M. le maire à M. Daffry, commandant général de la 17° division (1).
« J'avais connaissance, Monsieur, de l'affaire dont vous me parlez; les 12 soldats du régiment d'Alsace étaient venus me voir ; je ne leur ai pas dissimulé qu'ils avaient eu tort de quitter leurs drapeaux, qu'ils avaient commis une faute grave ; ils m'ont dit qu'ils avaient des plaintes à former, qu'ils se rendraient au près de l'Assemblée nationale pour obtenir justice, qu'ils voulaient servir leur patrie, mais que Français et enrôlés dans un régiment allemand, ils n'entendaient pas la langue dans laquelle on leur commandait et qu'il leur était impossible d'y rester davantage; ils m'ont ajouté que s'ils eussent fait parvenir leurs griefs de leur régiment il n'y aurait pas eu de sûreté pour eux.
« Une considération qui m'a frappé, c'est que ces militaires pouvaient passer facilement à l'ennemi qui les aurait bien reçus, et qu'ils sont restés attachés à leur pays.
« L'Assemblée va prononcer, Ou en renvoyant au pouvoir exécutif, ou en statuant elle-même sur leur sort ; il y aurait peut-être de l'imprudence à ne pas attendre sa décision; au surplus, commé l'affaire est délicate, que vous la jugez vous-mêmes importante, ie ne puis pas prendre sur moi seul dé donner des ordres quels Qu'ils soient, j'en référerai au corps municipal pour avoir son avis.
« Signé : PÉTION. »
Plusieurs membres Le renvoi au comité militaire l
D'autres membres : L'ordre du jour !
Je demande le renvoi des lettres au comité militaire avec d'autant plus de raison que vous n'avez pas oublié qu'hier le ministre de la guerre vint nous dire qu'il venait, par ordre du roi, d'écrire au régiment do recevoir les 12 soldats. Gomment se peut-il faire qu'aujourd'hui, par l'ordre de ce même ministre, les 12 soldats se trouvent à l'Abbaye? Je demande le renvoi aû comité militaire.
, secrétaire. M. le ministre nous a dit hier que les soldats étaient repartis pour leur régiment, qu'ils ne seraient point considérés comme déserteurs, et qu'il ne leur serait infligé aucune peine. Gela est porté dans je procès-verbal dont j'ai fait lecture à l'Assemblée; d'après cela ie trouve que l'affaire est terminée, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour,
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, l'un-des quatre commissaires envoyés à Noyon, donne lecture d'une
lettrede M. Dauchy, président du directoire du département de l'Oise,
datée d'hier, et qui donne Tèspérance
« Après notre expédition d'Ourscamps, Messieurs, deux commissaires du département ont marché sur,Allichy avecundétachement d'infanterie et de cavalerie ; il n'y a eu aucune résistance, mais la fermentation est grande. Je viens de requérir un second détachement, de marcher demain pournous seconderâ Choisi-au-Bac. Tout ira bien, mais il faut se montrer bien ferme, autrement la loi ne serait point respectée. (Applaudissements.)
« Signé : Dauchy.
« Attichy, ce 25 février 1792. »
(A MM. Viénot, La Bergerie, Pupont et Romme, pressée pour être remise pendant la séance.)
Un grand intérêt m'appelle à la tribune, je viens vous apporter mes vives sollicitudes sur des actes arbitraires, ou tout au moins très inconstitutionnels, qui me paraissent menacer la liberté. Peut-être mal à propos, mon âme s'environne de terreur, mais je serais coupable si je n'expliquais pas ma pensée.
Je viens au fait :
Hier, Messieurs, le ministre de la guerre nous a lu une lettre sur les troubles dé myon. Vous avez applaudi avec transport au rétablissement de l'ordre. J'y ai applaudi avec vous; mais, Messieurs, je n'ai pu être sans inquiétudes lorsque j'ai réfléchi au désarmement des citoyens qui gardaient les blés, énoncé par cette même lettre. Quoi l les citoyens paisibles qui pe font usage de leurs armes que pour faire respecter les lois,..,. (Murmures.)
Plusieurs voix : L'ordre du jour!
Quoi l des citqyens qui ne sont armés que pour le maintien de l'ordre, pourront être impunément désarméstet par qui,Messieurs?par un agent du pouvoir exécutif, qui tient sous son commandement une force immense. Vous l'avez entendu, et vous avez gardé le silence sur une entreprise aussi contraire à l'esprit et à la lettre de la Constitution, que dangereuse à la liberté des citoyens. Ne voyez-vous pas que c'est un essai que le pouvoir exécutif fait de sa force. Ne voyez-vous pas qu'on saura faire naître, s'il le faut, des insurrections partielles dans tout le rç>yaume pour désarmer successivement tous les citoyens? (Applaudissements dans les tribunes.)
Et alors, je vous le demande, que deviendrait la Constitution, que deviendrait la liberté? Je ne conçois pas comment l'auteur de la lettre écrite au ministre a pu dire que les armes des citoyens qu'il a désarmés ont servi à armer des volontaires. Quoil des volontaires sont allés sans armes apaiser des troubles! ils ont marché comme des citoyens délibérants ! Je ne sais que soupçonner dans cette conduite, ou plutôt je soupçonne tout. Je ne veux pas être méfiant; mais je ne veux pas croire en aveugle. Ce qui est arrive à Noyori, un mouvement simulé pourrait le produire ailleurs. Je propose donc qu'il soit demandé au ministre de la guerre un compte détaillé sur le désarmement des citoyens à Ours-camps, et comment il est arrivé que les volontaires qui y ont été envoyés ont eu besoin des armes des citoyens, afin que l'Assemblée puisse prendre ensuite tel paru qu'il appartiendra. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je prie l'Assemblée de ne pas oublier "que ces citoyens armés pour le
maintien de l'ordre, que ces fidèles gardiens du blé en ont laissé voler 2,000 sacs. Ils ont donc manqué au devoir d'un soldat â son poste et méritaient certainement d'être désarmés.
J'appuie, Messieurs, la proposition de M. Ichon, quant au compte à rendre sur le fait du désarmement.
Messieurs, je crois qu'on ne peut pas demander des comptes au ministre; car il nous les a rendus. Mais le commandant qui a ordonné le désarmement est coupable sous tous lès rapports et le ministre l'est aussi s'il n'a pas redressé sa conduite. Le ministre a annoncé que l'officier qui commandait avait pris sur lui de faire désarmer et d'ordonner la distribution. Il faut lui demander ce qu'il a fait pour faire respecter la loi et empêcher la distribution; car, s'il n'y a pas prévu, il a enfreint la loi. Il ne faut pas que nous nous accoutumions, par complaisance, à ne point faire exécuter la loi et à fermer les yeux sur les fautes des ministres. On vous a dénoncé ce matin un fait qui méritait la peine de mort, et cependant vous avez passé à l'ordre du jour. (Bravo! bravo! Applaudissements réitérés dans les tribunes.)
Je prie MM. les commandants de renouveler les consignes, et de veiller à ce qu'aucune acclamation ni murmure n'in* terrompent les séances du Corps législatif. (Applaudissements.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Vous n*ave2 pas la parole.
Si vous ne me l'accordez pas, je la demande contre vous. (Murmures.)
J'avais l'honneur d'observer à l'Assemblée, qu'aux termes du Gode pénal, tout ministre qui se permettait de faire un règlement qui ne serait pas puisé [dans la loi même, devait être condamne à la peine de mort; ce matin on vous a dénoncé un règlement fait par le ministre de la guerre et lorsqu'on vous a demandé d'examiner si ce règlement était conforme à la loi, vous êtes passé a l'ordre du j'our.
Plusieurs voix : 11 est renvoyé au comité !
Si le ministre, au moment où il a reçu la nouvelle que le commandant avait désarmé les citoyens qui gardaient les blés à Ours-camps, n'a pas fait son devoir en empêchant la violation de la loi, il est encore coupable, et l'Assemblée nationale ne peut pas perdre de vue un pareil délit. Je demande donc qu'il soit mandé pour qu'il rende compte de la conduite qu'il a tenue.
Il est très certain que le commandant d'un corps quelconque n'a pas le droit de désarmer ceux qui ont reçu leurs armes des magistrats du peuple. Vous n'avez pas ouhlié que, sur le compte des commissaires envoyés a Noyon, vous décidâtes, d'après la demande de tous les citoyens assemblés, que ceux qui avaient été commis à la garde des blés recevraient une somme quelconque en paiement. Si vous avez décidé que ces hommes préposés à la garde du blé seraient pavés, vous avez autorise cette garde; et lorsque le ehef du corps militaire s'est présenté pour les désarmer, il a fait un acte vraiment despotique, vraiment arbitraire. Donc, le chef du corps militaire est re-pr^hensible; j'appuie la proposition de mander le ministre. Mais je représente que le comman-
dant par qui l'ordre a été donné doit aussi être mandé pour rendre compte.
(Les officiers de garde, en conséquence de l'invitation de M. le Président, avaient donné des ordres pour prévenir le bruit dans les tribunes. La sentinelle, placée à l'une des tribunes, voulut faire exécuter la consigne et empêcher les individus qui y étaient de pousser des cris. La résistance de quelques-uns a troublé pendant quelques moments la délibération de l'Assemblée. Tous les membres du côté droit se lèvent _ pour demander que M. le Président fasse exécu-ter la loi. Lè calme se rétablit.)
Je prie les membres de l'Assemblée de rester dans le calme et dans le silence. Tout ce qui est hors de l'enceinte qu'ils occupent est soumis, conformément au règlement, à une police dont l'exécution est confiée à son président. Je donnerai les ordres conve-nablès pour que le respect soit maintenu.
, l'un des quatre commissaires envoyés dans le département de VOise. Il est très certain que le commandant a commis une violation et de la propriété et de la loi. Les citoyens armés d'Ourscamps avaient été requis par leurs municipalités respectives ; les municipalités elles-mêmes étaient autorisées, dans cette réquisition, par un écrit Signé de trois membres du directoire de Noyon. Si l'on s'est permis de désarmer les citoyens, on aurait donc pu se permettre aussi d ôter l'écharpe aux officiers municipaux; et, par unè violation tout. à fait criminelle, de blâmer le district. Le commandant a passé ses pouvoirs ; il ne pouvait agir qu'en vertu d'une réquisition. Or, la réquisition n'a point été faite, puisqu'il n'y a pas eU de résistance. 11 a donc évidemment violé la loi en faisant désarmer des citoyens paisibles qui croyaient remplir un devoir sacré en empêchant le pillage des grains. Je demande, Messieurs, que le ministre de la guerre soit tenu de donner les plus grands détails^ sur cet objet, qu'il soit ensuite renvoyé-au comité pour examiner comment sera puni celui qui s'est rendu coupable d'une pareille violation ; et je demande, en outre, que les armes soient rendues à ceux à qui elles appartiennent. (Appuyé! appuyé!)
M. le ministre de la guerre a la parole.
, ministre de la guerre. Je m'empresse d'aller au-devant de cè que l'Assemblée nationale va décréter pour s'assurer si la Constitution n'a pas été violée, si un agent du pouvoir exécutif a agi sans réquisition. Je n'ai pas de renseignements précis sur ce qui s'est passé. Je dois dire que les ordres portaient que le commandant n'agirait que d'après des réquisitions. J'ajoute, sans avoir reçu aucune nouvelle officielle, qu'il m'a été assuré, par une lettre d'un officier employé dans ce corps de troupes, que tout ce qui avait été fait ne l'avait été que d'après les réquisitions des commissaires du département de l'Oise. Je supplie donc l'Assemblée nationale de ne pas prendre de détermination avant que les détails, soit du directoire du département, soit des officiers militaires, soit de l'officier général qui commande la division', lui aient été transmis.
Ce que demande le ministre paraît infiniment juste, mais il y a un point sur lequel il doit être à même de donner à l'instant à 1 Assemblée les éclaircissements qu'elle désire.
On a écrit au ministre de la guerre que le commandant avait pris des mesures pour disposer des armes des citoyens; le ministre de la guerre doit dire à l'Assemblée quels ordres il a donnés en recevant cette lettre pour empêcher la violation de la loi. Je demande cet éclaircissement. (Applaudissements dans les tribunes.)
, ministre de la guerre. Je demande à l'Assemblée si je dois répondre à la question d'un seul de ses membres? (Non! non!)
Monsieur le Président, rappelez au ministre qu'il ne doit pas faire de pareilles questions a l'Assemblée.
Monsieur le Président, consultez l'Assemblée.
Je consulte l'Assemblée pour savoir si je ferai au ministre de la guerre la question proposée par M. Thuriot.
(L'Assemblée décrète que M. le Président fera au ministre de la guerre la question proposée par M. Thuriot.)
Plusieurs membres demandent que M. Thuriot rédige sa proposition.
Voici la rédaction de M. Thuriot :
« Au moment où vous avez reçu la nouvelle que les citoyens avaient été désarmés à Ours-camps et que le commandant des troupes se dispqsait à taire la distribution de leurs armes...
Un membre : Le ministre doit être debout 1 (1) (Murmures.)
J'annonce seulement à l'Assemblée la rédaction : « ... quelles mesures avez-vous prises pour empêcher cette violation de la loi ? »
Je dis que le mot de violation de la loi ne doit point se trouver dans cette demande, parce que c'est réellement là ce qui est en question. Nous ne saurons réellement si la loi a été violée, que lorsque nous saurons que l'on a agi sans réquisition. Or, nous l'ignorons ; donc, il ne faut pas mettre en fait ce qui est en question. (Applaudissements.)
appuient les observations de M. Reboul et demandent que le comité militaire soit chargé de faire un rapport sur la question proposée par M. Thuriot.
La rédaction n'y fait rien, c'est la vérité qui fait tout; ainsi en demandant au ministre ce qu'il a fait sur la nouvelle qu'il a reçue, nous aurons tout ce que nous pourrons désirer.
Je vais poser ainsi la question : « Quelles mesures avez-vous prises lorsqu'il vous a été rendu compte du désarmement des citoyens d'Ourscamps et de la distribution de leurs armes ? »
Plusieurs membres. Oui 1 ou il
fait la question dans les termes qu'il vient d'indiquer.
, ministre de la guerre. J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que je
connais, autant que personne, le respect que je lui dois ainsi qu'à son
président, et peut-être plus que ceux qui rappellent aux convenances
avec
J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de répondre que la question, comme elle avait été posée d'abord par M. Thuriot, n'est pas précisément la même que celle qu'il a désignée ; car il a d'abord demandé ce qu'on avait fait de ces armes ; et à cela je vais répondre d'avance par la lettre de M. de Witinkhoff, qui dit qu'elles ont été distribuées au bataillon des volontaires nationaux qui en avaient besoin en remplacement. Premier point.
Ensuite je n ai pas pu juger si M. de Witinkhof a obéi ou non à une réquisition, et s'il a éludé cette formalité indispensable. Ce que j'ai dû faire, c'était de l'inviter, s'il n'avait pas attendu cette réquisition, à prendre toutes les mesures sur-le-champ pour que l'on réparât cette faute que je regarde comme criminelle. Je n'ai pas pu faire autre chose; les départements ne m'ont rendu compte de rien, et je n'ai eu de lettre officielle que celle que, par ordre du roi, I'ai eu l'honneur de soumettre à l'Assemblée. Tailleurs, je pourrais représenter à l'Assemblée que la manière dont cette question a été posée exigerait de plus grands développements.
En ma qualité de ministre du roi, je serai toujours prêt à rendre compte des commissions qui m ont été confiées. Le mot de responsabilité me met à même de ne répondre qu'après le succès ou mauvais succès des mesures. J'ignore si l'Assemblée voudra elle-même connaître des mesures qu'elle sera dans le cas de juger après qu'elles auront été exécutées, puisqu'aprèsl'événement, je dois lui en rendre compte.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Monsieur le Président, je demande la parole. (Bruit.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour h
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, député du département des Hautes-Alpes, demande un congé.
(L'Assemblée accorde le congé demandé.)
Messieurs, M. le maréchal Luckner va être introduit à la barre.
est introduit à la barre, précédé de M. le ministre de la guerre qui était allé à sa rencontre. ( Vifs applaudissements.)
Monsieur le maréchal, vous avez la parole.
Monsieur le Président, mon cœur est bien français, mais je n'ai pas encore gagné l'accent. (Vifs applaudissements.)
M. le ministre de la guerre va lire le discours de M. le maréchal Luckner.
, ministre de la guerre. M. le maréchal Luckner vient de dire à l'Assemblée qu'il avait le cœur plus français que l'accent. Il lui sera sans doute plus aisé de gagner une bataille que de faire un discours. (Vifs applaudissements.)
donne lecture du discours de M. le maréchal Luckner; il est ainsi conçu :
« Le roi m'ayant appelé à Paris, je profite avec empressement de mon séjour dans le lieu des séances de l'Assemblée nationale, pour venir lui renouveler l'hommage de ma respectueuse gra-
titude ; elle a daigné concourir par un décret à l'honorable marque d'estime et de confiance que le roi a bien voulu m'accorder; ma vie appar^ tient à la patrie qui m'a adopté, et je ne connaîtrai de véritable gloire que celle que je pourrai acquérir en m'associant au triomphe des Français, si leurs lois et leur liberté sont menacées. (Applaudissements.) Consacrer sans réserve à une si grande et si juste cause le reste d'une carrière laborieuse sera, sans doute, pour l'Assemblée nationale et pour le roi, le plus digne hommage de ma profonde reconnaissance.
« J'ai, de concert avec les officiers généraux de la garnison de Strasbourg, écrit au ministre, pour lui faire connaître la position de ceux des officiers de mon armée, qui n'ont pour vivre que leurs appointements ; aucun murmure n'est parvenu jusqu'à moi, mais leur résignation, quand ils sont darîs une véritable détresse, n'en rend que plus impérieux pour leur général le devoir de faire connaître leur situation à l'Assemblée nationale. Ils n'ont pas la moitié de leur solde à leur disposition, et les officiers de cavalerie, qui éprouvent des retenues pour l'achat de leurs chevaux, ont beaucoup .moins encore.
« Il m'est permis, sans doute, de me flatter qu'il suffit de mettre sous les jeux des représentants du peuple français l'embarras d'une partie de ses défenseurs, pour leur assurer l'indemnité qu'ils ont droit d'espérer de leur sollicitude et de leur justice,
« Je remettrai au ministre de la guerre des notes sur les mesures que je crois nécessaires pour assurer les succès des armées françaises. Qu'il me soit seulement permis de rendre té-moignagne à l'Assemblée nationale, du bon ordre qui règne dans les troupes que je commande : les soldats montrent leur patriotisme par l'énergie qu'ils annoncent et la bonne discipline dans laquelle ils vivent. » (Vifs applaudissements.)
, répondant au maréchal Luckner. Monsieur le maréchal, la nation française a vu, sans étonnement, votre généreux dévouement à la cause de la liberté; elle s'y confie pleinement. (Oui! oui! Vifs applaudissements.) Quel terme plus glorieux, en effet, pouviez-vous espérer de mettre à vos travaux guerriers! Le Corps législatif a prévu votre sollicitude; il s'occupe tous les jours d'étendre et d'organiser, en ce qui le concerne, les forces nationales qui doivent être employées à la défense de l'Empire. Les secours que vous réclamez pouf les officiers feront partie de ces dispositions,. L'Assemblée a entendu de votre bouche, avec une extrême satisfaction (et, sans doute, plus d'un écho fera retentir cette vérité au milieu de nos ennemis), que votre armée vit en bonne discipline (Applaudissements); ainsi de toutes parts le zèle des citoyens répond à nos vœux et à vos efforts ; il semble, qu'étonnés de notre inébranlable fidélité à la Constitution, nos ennemis se multiplient au dedans comme au dehors. Combattez avec confiance, Monsieur le maréchal, aucune des autorités constituées ne fléchira ; et, dût le sort des batailles, trompant nos espérances, vos talents et le courage de tous les Français, ne vous réserver la victoire que sous nos yeux, que sous ces murs, vous y trouveriez intacte, dans les mains des représentants de la nation, le Corps législatif et le roi, la Constitution qu'ils ont juré de maintenir de tout leur pouvoir. (Applaudissements.)
L'Assemblée nationale reçoit vos hommages comme un gage certain de vos succès ; elle vous invite à sa séance. {Vifs applaudissements.)
Monsieur le Président, je demande l'impression du discours précieux de M. le maréchal Luckner et de votre réponse. (Oui/ oui! Appuyél) et l'insertion au procès-verbal.
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. le maréchal Luckner et de la réponse du Président avec l'insertion au procès-verbal.)
Ayant été chargé, par les comités d'instruction publique et militaire, de faire le rapport sur la manière dont la loi a été exécutée relativement à Y examen des aspirants au corps du génie, je me suis adressé à la commission centrale, Gomme je le devais; mais il n'a pas été possible de placer ce rapport plus tôt que dans le petit ordre du jour ae demain. Je crois qu'il importe, par plusieurs raisons qu'il est d'ailleurs inutile de déduire ici, que l'on sache que cet objet n'a pas été oublié (1).
Je demande la parole pour une motion d'ordre ; je vais la motiver. La perte énorme qu'éprouvent les assignats, les difficultés, les embarras que cette perte cause au commerce, entravent l'agriculture. Cet objet doit incessamment occuper vos instants. Jê propose de décréter une fabrication plus considérable de monnaie de cuivre et de ne plus considérer for et Vargent que comme marchandise...
(L'Assemblée renvoie cette proposition au comité de l'extraordinaire des finances,)
Messieurs, avant que d'entendre les pétitionnaires, ie demande que l'Assemblée entende l'extrait des pétitions. M. le maréchal Luoker a annoncé que son armée montrait beaucoup de civisme et se tenait dans une bonne discipline. II est nécessaire qu'il sache que tous les citoyens de l'Empire partagent cette disposition,
(L'Assemblée décrète la motion de M. Grossuin).
J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que j'ai reçu une lettre de M. le président du directoire du département de î'Isèré, par laquelle il m'annonce que le recrutement pour Varmée se fait avec la plus grande activité et que les citoyens se présentent en foule pour s'enrôler. (Vifs applaudissements.)
Un membre, au nom du comité des pétitions, présent Vanalyse des pétitions et adressés de plusieurs citoyens, corps administratifs et militaires qui expriment leur attachement inviolable à la Constitution ; il s'exprime ainsi :
Messieurs,
Toutes ces pétitions expriment l'inviolable attachement des Français a la
Constitution, leur soumission aux lois, les serments les plus sacrés de
combattre les ennemis de la patrie, et leur confiance pour l'Assemblée.
Il semble, Messieurs, que votre séance du 14 janvier ait électrisé
toutes les âmes : administrateurs, citoyens, volontaires nationaux,
soldats ; tous partagent vos serments et vos résolutions ; tous sont
prêts à s'ensevelir sous les ruines de la liberté, plutôt que dé
consentir qu'il soit porté la moindre atteinte à la Constitution.
Nous ne pouvons passer sous silencè l'adressé des citoyens de Bordeaux : ils nous demandent dé nouveau d'être envoyés à Saint-Domingue, pour rétablir le calme et la paix dans cette malheureuse colonie.
Les soldats du troisième régiment de cavalerie parlent aussi le même langage du patriotisme le plus pur : ils demandent à marcher les premiers contré les ennemis de la patrie, contre la lig^e des despotes et des tyrans : « Commandés, disent-ils par un général patriote ; marchant sur la trace de nos nraves officiers, que nous chérissons, parce qu'ils sont tous très patriotes, nous ne pourrons que voler à la victoire. »
Enfin, Messieurs, il semblé que tous les citoyens se disputent à l'envi les vertus civiques et militaires ; il semble que les soidats-citoyens et les citoyens-soldats se disputent l'honneur de marcher les premiers contre l'ennemi et de sacrifier les premiers leur vie pour la défense de la liberté et de la Constitution.
D'autres citoyens plus paisibles, et non moins utiles, s'occupent de l'instruction du peuplé. Le sieur Dumont, citoyen de la ville de Lille, fait hommage à l'Assemblée d'Un ouvrage intitulé : Adresse aux Françah sur les avantages de la Révolution. Le sieur Le Breton, réCteUr-curé de Saint-Somiliers, offre à l'Assemnlée le résultât de ses réflexions sur les troubles excitéa* dans les campagnes, par les ennemis de la patrie et de la religion.
Les adresses dont nous ne pouvons vous faire lecture, ni vous présenter l'analyse, à cause de leur grand nombre et du peu dé temps que vous accordez à ce genre de travail* sont celles des administrateurs des départements du Tarn, des Landes, de Loir-et-Cher, de Saône-et-Loire, du Gard, de l'Ardèche, de là Dordogné et du Lot
De la municipalité de Craponne ; du conseil général de la commune de Vannes, de Saint-Omer, de Montdidier; et du juge de paix de iâ villé de Parai : ce juge annonce que toutes les contestations portées devant liii ont été terminées;
Des bataillons des volontaires nationaux du département de la Charente-Inférieure ; du premier bataillon du Var; des premier et second bataillons de la Côte-d'Or; de celui d'Eure-et-Loir, des Côtes-du-Nord et de la garde nationale deChaumont;
Des citoyens des villes de Beauvais, de Ville-neuve-le-Roi, de Thipnville, de la section des Postes de~ Paris, (le la Trembïadë, [de DOIé, de Saintes, de. Metz, d'Au tu n. d'Orléans, de Rouen, de Givry, du district de Fellétih, de Besançon, dé Bayonne, de Dun-le-Rov, de Saint-Hippolyte,
de Tonneins, de Rodez, de Vire, d'Angers, de Nevers, de Vannes, de Vesoul, de Châlons-sur-Saône, de Thiers, d'Aubigny, de Loutrans, d'Is-soudun, de Lamballe, de Cnarollès, de Fronton, de Lure, de Yalognes, de Cherbourg, de Chinon, de Lisieux et ceux des chefs-lieux du district de Landerneau. Cette dernière adresse mérite d'être remarquée. La voici ; « Législateurs, décrétez la guerre, nous y volerons pour vaincre ou pour mçurir. »
Des sociétés des Amis de la Constitution de Vannes, d'Uzès, de Dieppe, de Boulogne, d'Agen, de Tours, de Libourne, d'Annonay, ae Lyon, de Niort, de Pezenas, de la Rochelle. et de la société des Amis de l'Egalité de Paris.
Voici le projet de décret que propose votre comité :
« L'Assemblée nationale, après avoir éntendu le rapport de son comité des pétitions, accepte l'hommage des sieurs Dumont et Le Breton ;
« Décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal, 4e même que de la conduite généreuse des grenadiers du bataillon des gardes nationales volontaires du département de la Charente-Inférieure ;
« Décrète aussi qu'il sera fait mention honorable des diverses adresses dont la notice lui & été présentée par son comité des pétitions. »
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
quitte la séance au milieu des plus vifs applaudissements. >
Le sieur SCHoël, négociait de Dunkerque, est admis à la barre.
Il expose que, dans les malheureux événements qui ont eu lieu à Dunkerque, le 14 de ce mois, les séditieux lui ont enlevé des grains dont il n'était pas le propriétaire et tous ses bijoux, argenterie, linge, assignats et lettres dé change, alors que lui-même, en qualité de grenadiér dé la garde nationale, était occupé au rétablissement de l'ordre. U demande des secours provisoires à l'Assemblée nationale,.en attendant les justes indemnités auxquelles il a droit.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Schoël au comité des secours publics, pour en faire un prompt rapport.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture dés pièces suivantes :
1° Lettre du sieur B. Despeaux qui fait born-mage à l'Assemblée d'un Mémoire sur les muni-cipdlités.
(L'Assemblée décrète la mention honorable dé l'offre dans le procès-verbal et renvoie lé mémoire aU comité de division.)
2° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi vrès la caisse de l'extraordinaire, qui annoncé à î Assemblée qii'ii à été brûlé, la veille, 9 millions d'assignats, qui, joints aux 409 millions déjà brûlés, forment un total de 418 millions.
U ajoute que la dépensé de la caisse de l'extraordinaire, depuis son établissement, s'élèvait la veille à l,924t§87,225livres 9 sols 10.deniers; que, déduction faite du montant des broiements, la masse des assignats restant en circulation n'est plus que de 1,506,887,225 livres 9 sols 10 deniers ; mais qu'en y joignant les 16,521,901 de billets de caisses ou promesses qui remplacent encore les assignats dans le commercé, la véritable Circulation eétde 1,523,409,126 livres 9 sols
10 deniers, il manque 76,590.873 livrés 10 sols 2 deniers pour arriver aux 1,600 millions qui peuvent exister en circulation, suivant la loi du 17 décembre 1791.
Le sieur Xaintrailles, major d'artillerie, est admis à la barre.
U expose à l'Assemblée qu'il a le droit d'être replacé dans l'armée comme lieutenant-colonel ou au moins comme capitaine. Il se plaint des refus qu'il a essuyés de la part du ministre de la guerre et demande à l'Assemblée qu'elle examine ses droits.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Xaintrailles au comité militaire.)
Le sieur SutièreS-SarcEY , ancien capitaine au régiment de Bretagne, est admis à la barre.
Il offre à l'Assemblée ses réflexions sur les dangerë de l'exportation illimitée des grains à l'étranger et présente un projet pour l'établisse-ment de magasins de grains dans tout le royaume. Ges magasins, toujours pleins formeraient un approvisionnement continuel et offriraient un remède sûr contre la famine. La circulation des grains serait facilitée et le peuple n'aurait plus la crainte de manquer dé subsistances.
répond au. pétitionnaire et lui açcprde les honneurs dé la seance.
(L'Assemblée renvoié la pétition du sieur Su-tièrés-Sarcey aux comités d'agriculture et dé commercé réunis.)
Le sieur Boncerf est admis à la barre et présente ses observations sur la nécessité et les avantages des dessèchements et sur les moyens de les faire exécuter promptement.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Bon-cerf aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
Un pétitionnaire est admis à la barre et réclame, au nom des habitants de la commune de Dolving, district de Sarrebourg, contra un arrêté du conseil de Lorraine, qui a dépossédé cette commune d'une partie des bois dont elle jouissait, pour la donner au seigneur, il demande que l'Assemblée Veuille bien faire casser cet actë arbitraire de l'ancien régime et que les communes soient autorisées à revenir, pendant 40 ans, contre les arrêts des" ci-devant cours souveraines qui les ont évincées de leurs biens.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assembléé renvoie cette pétition aux comités dé législation et de féodalité réunis.)
Une députation des citoyens de la section des Gobelins, à Paris, ayant à sa tête le curé de l'église Saint-Marcel, prie l'Assemblée de vouloir bien ordonner l'élargissement de plusieurs citoyens mis en prison par suite des troubles occasionnés dans cette partie de la capitale par la cherté du sucre (1). (Applaudissements.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de législation, pour en faire
un prompt rapport.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
Le sieur Fiquenel est admis à la barre ret présente une pétition tendant à ce que l'Assemblée prenne en considération le mémoire qu'il a présenté le 2 décembre dernier, sur les moyens de faciliter et d'assurer la circulation des assignats (1).
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Fiquenel au comité des assignats et monnaies.)
Le sieur Garpentier est admis à la barre et prie l'Assemblée de mettre le plus tôt possible à l'ordre du jour la question des forêts nationales qu'il évalue à 2 milliards et de les confier sans retard à une bonne administration (2).
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Çar-pentier au comité des domaines.)
,secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, n^v laquelle il rappelle à l'Assemblée la loi du 13 juin 1791 qui ordonne que les mendiants seront conduits dans leurs départements respectifs et qu'il leur sera accordé trois sols par lieue. Il demande si l'Assemblée veut que cette dépense ait lieu pour 1792 comme pour 1791.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, avec un mémoire et des pièces et comptes relatifs à l'hôpital de la Charité de Lyon et aux hôpitaux de Clermont et de Nancy.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des secours publics.)
, secrétaire. Voici uné lettre des douze soldais du régiment ci-devant Alsace (3) qui demandent d'être admis à la barre pour présenter une pétition; elle est ainsi conçue :
« Messieurs,
« La matinée de cette journée nous a vus sortir des prisons; le soir de
cette même journée nous verra peut-être encore plus jsûrs de notre sort.
Quoi qu'il puisse arriver, nos cœurs, ne se sentant coupables que
d'aimer notre chère patrie, que de vouloir la servir, nous réclamons et
contre la violation de nos engagements et contre l'inexécution d'un
décret de Assemblée nationale constituante, et contre la résistance de
notre corps à ce même décret.
(Suivent les signatures,)
et quelques autres membres demandent qu'ils soient admis à l'instant.
Vous m'avez entendu souvent élever ma voix pour l'armée française ; permettez que ie fasse des observations sur la pétition de ces 12 soldats. Ils sont à Paris d'une manière illégale ; s'ils étaient les organes d'un corps vexé par les malveillants, sans doute, il faudrait prendre en grande considération la situation douloureuse de ces 12 hommes ; mais ils sont venus à Paris sans congé, se plaindre même de leurs compagnons d'armes. Je demande à l'Assemblée nationale si elle, qui est chargée du grand caractère de donner à la nation des lois qui la régénèrent, je demande si cette même Assemblée peut permettre une infraction aussi solennelle aux lois de l'Empire, et admettre à sa barre 12 hommes qui sont illégalement à Paris, et qui non seulement y sont illégalement mais qui encore parlent contre tous les soldats de leur régiment. Que l'Assemblée nationale fasse voir à tous les Français, qu'elle fait respecter la loi; c'est vous qui la faites; il dépend de la sûreté de l'Empire, dans la circonstance actuelle, que la loi soit respectée par les baïonnettes comme par le citoyen paisible, et je parle ainsi d'après mon amour pour la liberté. (Murmures.) Ma réputation est mite, je ne crains pas les murmures; c'est précisément parce que j'ai contracté, dans cette enceinte sacrée, l'engagement de mourir pour la liberté, que je veux conserver cette liberté ; c'est parce que je suis l'orateur des besoins des soldats français ; c'est parce que, dans cette enceinte, j'ai fait rappeler à l'ordre de mes collègues que je respectais, mais qui s'oubliaient sur les sentiments que méritait l'armée; c'est précisément par ces raisons-là dont la vérité doit avoir frappé toute l'Assemblée que je demande qu'elle passe à l'ordre du jour et que les 12 soldats du ré-
piment ci-devant Alsace ne soient pas admis à la barre.
Je n'ai pas envie d'engager l'Assemblée nationale à encourager l'insubordination militaire en accueillant la demande des soldats qui sollicitent leur admission à la barre; ces soldats ont, sans doute, commis une très grande faute en abandonnant leurs drapeaux sans congé ; cependant, vous avez vu qu'ils ne sont pas déserteurs, leur garnison est a Cambrai. Ils ne sont pas très éloignés des frontières et s'ils avaient eu envie de déserter, rien ne leur était plus facile; mais c'était là la route de la honte et ce n'est pas celle que leur indiquait leur cœur. Ils croyaient avoir à se plaindre de l'infraction d'une loi, j'ignore si leurs plaintes sont fondées ou ne le sont pas. Arrivés ici, ils ont appris qu'ils avaient été dénoncés comme déserteurs, ils ont prouvé qu'ils ne l'étaient pas, en se rendant eux-mêmes chez le ministre de la guerre et en se soumettant spontanément à la peine qu'ils ont méritée. Le ministre de la guerre leur a donné ordre de se rendre sous 24 heures en prison ; ils y ont été; ils en sont maintenant sortis. Je sais qu'ils sont illégalement à Paris, puisqu'ils y sont sans permission. Mais enfin ils y sont, ils se plaignent d'une infraction à la loi; soit que vous les receviez à la barre, soit que vous ne les receviez pas, au moins est-il bien évident qu'ils doivent jouir du droit sacré de pétition comme tous les autres citoyens (Applaudissements des tribunes), et que ce serait être infiniment injuste à leur égard que de passer à l'ordre du jour lorsqu'ils vous demandent à vous présenter des plaintes sur une infraction à la loi. (Applaudissements des tribunes.) La grande plainte de ces soldats, c'est d'être victimes d'un ressentiment qu'ils ont excité dans le régiment ; on me dira que si on se permet à leur égard quelques excès, ils auront les voies légales pour se mettre sous la protection de la justice ; mais lorsqu'on est placé dans un poste qui commande l'obéissance et que l'on est dans la subordination de chefs qui veulent vous humilier, on peut vous désespérer chaque jour sans donner lieu à des plaintes légales. Ainsi, Messieurs, je supplie l'Assemblée d'écouter simplement la lecture de la pétition de ces soldats, avec cette modification que si l'Assemblée juge que cette affaire est de son ressort, elle prononce immédiatement, et que si elle juge qu'elle n'en.est pas, elle renvoie au pouvoir exécutif en demandant qu'il accorde à ces soldats ce qu'ils désirent.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)^,
Voix diverses : L'ordre du jour ! — La lecture de la pétition !
(L'Assemblée décrète qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour et que la pétition des 12 soldats du régiment ci-devant Alsace sera lue.).
Un membre : Vous venez de décider que la pétition. sera lue; mais vous n'avez pas décidé si les pétitionnaires seront admis. ( Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je demande la parole sur la question de savoir qui lira la pétition. (Murmures).
(L'Assemblée décide que M. Saladin ne sera pas entendu.)
, secrétaire, donne lecture de cette pétition, qui est ainsi conçue :
« Messieurs, sous l'uniforme allemand et sous
la discipline allemande, nous avons l'honneur d'être Français ; cela n'est vraisemblablement pas un crime; ce n'en est pas un non plus sans doute d'être sincèrement patriotes, nous croyons également que ce n'en est pas un de sentir à la française, de ne pas vouloir être traités suivant le régime militaire allemand, et de ne nous être engagés que pour un régiment français, de demander à continuer notre service dans un régiment véritablement français et d'avoir réclamé en vain jusqu'ici, de deux choses l'une, ou l'exécution littérale de notre engagement, ou l'exécution littérale d'un décret qui existé en faveur de notre régiment-actuel. C'est aux mois de mai et d'août derniers, que le nommé Lecerf, maréchal de logis au régiment d'Orléans dragons, demeurant maison du sieur Duhamel, faïencier, pont Notre-Dame, nous a engagés à Paris. Il peut attester nous avoir engages selon notre demande, pour un régiment français, commandé en français et discipliné à la française; cependant nous avons fini par être envoyés et incorporés, contre la foi de notre traité, dans un régiment tout à fait allemand, commandé, discipliné à l'allemande; en un mot, dans le 53e régiment ci-devant Alsace de droit et encore aujourd'hui véritablement Alsace de fait.
« Nous ne sérions donc pas sérieusement engagés, nous serions donc au contraire libres et déliés de tout contrat, si nous n'étions pas admis à servir dans un régiment tel que nous en étions respectivement convenus avec le recruteur. Il est vrai qu'un décret de l'Assemblée nationale constituante a déclaré français le régiment d'Alsace ; il est vrai aussi, Messieurs, que Sendant 6 grands mois on nous a bercés de la atteuse espérance qu'au désir de ce salutaire contrat on franciserait réellement ce corps où nous servons ; mais il est également yrai qu'il reste allemand et qu'il veut demeurer allemand, qu'il parle des décrets en allemand, et que c'est là notre querelle, disons plutôt notre supplice. Trouvez-vous en effet, sous l'uniforme où nous sommes, les trois couleurs nationales que nous chérissons, que vous avez décrétées, que nous demandons et que nous saurons bien défendre?
« Serons-nous donc encore réduits à monter des factions sans consigne aux postes les plus dangereux, parce que le factionnaire allemand que nous relevons, et le caporal allemand qui nous posera en faction ne peuvent, ni l'un ni l'autre, nous la donner en notre langue? Non, Messieurs, vous ne nous punirez pas ae ne pas aimer le joug allemand, d avoir couru, de courir encore le risque de la vie, parce que nous avons réclamé la loi, parce que le décret de vos prédécesseurs n'est point exécuté, puisqu'on refuse même au régiment de recruter et d'engager d'autre soldats que des Allemands d'origine, ou de langage, ou d opinion. Vous ne désapprouverez point, Messieurs, notre juste demande de nous en tenir aux termes de notre engagement et de ne point retourner au régiment où nous n'avons pour appui que 4 officiers qui désirent, comme nous, l'exécution du décret.
« Nous nous bornons, Messieurs, au vœu d'être incorporés dans un régiment où nous puissions entendre le langage de nos chefs, de nos camarades et de nos amis. Nous n'avons vécu jus-qu'iei, nous n'avons respiré que pour la patrie et la liberté. Ne nous refusez pas, Messieurs, l'honneur de combattre et de mourir utilement pour elle. Nous sommes venus au-devant de la peine que pouvait mériter notre démarche de
nous rendre à Paris et auprès de l'Assemblée nationale sans permission. M. le ministre nous a indiqué une prison, nous nous y sommes rendus, nous sortons de l'Abbaye pour n'être pas restés au corps, pour n'avoir pas réclamé de là sous le sabre levé dé nos compagnons d'armes, îj. le ministre de la guerre paraît satisfait de notre obéissance et il nous a traités ce matin avec bonté. Mais nous sommes toujours exposés au péril et à l'inconvénient de rejoindre le corps où nous courons des dangérs personnels et où noiis ferions un service qui ne tournerait nullement &u profit de la nation. Maintenant, Messieurs, disposez de notre sort, nous sommes résignés, et dussions-nous mourir, nous ne changerons ni de cœur, ni d'honneur, ni de fidélité à la patrie, ni de soumission à vos sages décrets. » (Applaudissements.)
Je demande le renvoi de cette pétition au comité militaire, et je demande en outre que le ministre de la guerre tienne en subsistance ces 12 soldats dans la capitale ou ail-r leurs, mais hors de leur régiment; jusqu'au moment où l'Assemblée aura prononcé sur leur réclamation.
Vous en aurez 10,000 dans 15 jours.
Messieurs, j'ai été soldat, j'ai déià eu l'honneur de* le dire à l'Assemblée, ie m'en fais honneur. Je sais que l'obéissance est la force des armées, et que qpand lè soldat ést insubordonné l'armée est exactement perdue, je reconnais qu'il y a de justes réclamations de la part de ces soldats, parce que, vraijîient, s'ils ont été engagés pour un régimént français, ils ont été trompés et il faudra leur.rendre justice, mais il y a uhe mesure jui doit être prise avant, c'est d'ordonner qu'ils rejoindront léur corps i 11 faut qu'ils commencent par obéir. J'appuie d'ailleurs là proposition faite, que la pétition soit renvoyée au comité militaire, et que le ministre donne des ordres pour la sûreté de ces soldats.
Je crois qu'il est un autre rapport aussi essentiel sous lequel vous devez envisager la pétition. Les pétitionnaires vous ont dit qu'un décret de l'Assemblée nationale constituante ordonnait que ce régiment fût mis sur le pied des régiments français. 11 me semble, Messieurs, qu'il est absolument nécessaire que l'Assemblée nationale se fasse rendre compte des raisons qui ont pu empêcher l'exécution de cette loi : car, il est évident que, si la loi eût été exécutée, les pétitionnaires né seraient pas dans le cas de se plaindre; cet objet doit donc être examiné,
Quant à la question particulière de la situation des pétitionnaires, je suis fermement con-r vaincu qu'ils doivent ohéir à l'ordre du ministre de la guerre, avant que l'Assemblée nationale statue sur leur pétition. Messieurs, je dirai bien plus, car je ne veux plus parler de discipline militaire ; si un membre d unB administration quelconque venait ici se plaindre d'un abus quelconque, ou de la conduite de ses collègues, sans avoir, conformément à la loi, obtenu de ces mêmes collègues la permission de s'absenter, je dis que cet administrateur serait coupable et devrait recevoir votre improbation. A plus forte raison, Messieurs, quand il est question d'un militaire, J'appuierai, quand il en sera temps, la demande que font les pétitionnaires, qui certainement ont du être trorppés ; mais yous devez tout à l'obéissance stricte de la loi.
Quant aux craintes que ces pétitionnaires ont formulées sur les traitements qui pourraient les attendre à leur corps, vous devez etre sûrs, Messieurs, que ces craintes ne sont pas fondées; parce que le ministre de la guerre ne peut pas, sans manquer à son devoir, sans manquer a l'engagement qu'il a jîris ici, s'empêcher de donner, à cet égard, les ordres les plus sévères. Ainsi, Messieurs, en appuyant la motion du renvoi de la pétition au comité militaire, sous les deux rapports envisagés par M. Hébert et jpar moi, je demande que les pétitionnaires soient toujours obligés de se rendre à leur corps, et qu'on ne fasse droit à leur pétition que quand ils auront obéi à la loi.
Je demande la parole.
Plusieurs voix : Fermez la discussion !
Je demande la parole pour un fait : j'ai reçu une lettre de la ville où le régiment est en garnison. Lâ voici :
« 12 soldats du 53* régiment, ci-devant Alsace, viennent de partir sans permission. Le bruit court, dans le régiment, que ces 12 hommes, tous nés Français, et engagés depuis le décret qui a assimilé ce corps à l'infanterie française, sont partis pour se plaindre, à l'Assemblée nationale, de l'inexécution de ce décret rendu cependant depuis 8 mois. Sans doute, la démarche de ces hommes est irrégulière, puisqu'ils se sont absentés sans permission; mais s'ils sont blâmables pour avoir manqué aux formes, sont-ils cependant excusables, s'il est vrai que s'étant engagés pour servir dans un régiment français, ils se trouvent, par le fait, dans un régiment allemand. Les soldats français n'y jouissent pas, aux yeux de bien des gens, de la même considération que les soldats allemands. L'on a fait aussi des difficultés pour engager des recrues françaises. En un mot, l'opposition naturelle qui règne entre les individus des différentes nations, a peut-être servi à favoriser le machiavélisme qu'on professe dans l'armée. »
Cette lettre prouve évidemment que ces soldats courraient des dangers s'ils retournaient au régiment. Elle prOiive, en outre, que le ministre a violé la loi en ne mettant pas le régiment d'Alsace sur le pied français et que lui seul doit être responsable de Ce délit.
C'est pour réclamer l'exécution de la loi comme M. Vaublanc, que j'ai demandé la parole, et pour rétablir la loi même dans tous les droits auxquels il Veut qu'on porte atteinte. Les citoyens qui se présentent sont libres, Messieurs, et vous n'avez pas le droit même au nom dé la loi... (Applaudissements dans les tribunes. Murmures prolongés dans VAssemblée.) Ouvrez les lois militaires, elles vous diront toutes que l'engagement est nul quand il n'est point exécuté ponctuellement par celui même qui l'a fait contracter; elles vous diront fortnellemént que le citoyen qui s'est engagé pour servir sous un drapeau ne peut pas être obligé de servir sous un autre. Les 12 soldats dont ri est question ont déclaré en s'engageant qu'ils voulaient entrer dans un régiment français. Eh bien, Messieurs, il fallait les incorporer dans un régiment français, ou il fallait leur donner léur congé; car on ne pouvait pas les obliger à entrer dans un autre régiment.
M, Vaublanc vous dit : mais le régiment dans iequel ils sont est un régiment qui, aux termes d'une loi française, doit être sur le pied français. D'abord on a violé la loi en ne mettant pas
le régiment sur le pied français; mais en supposant encore qu'il le fût, je dirais que l'on a tort d'en conclure qu'ils ont dû y entrer, car ç'était dans un régiment existant sur le pied français au moment dé l'engagement, qu'ils devaient servir et non pas dans un régiment allemand (Applaudissements dans les tribunes.) Je demande qu'aux termes de la loi ces citoyens soient libres s ils le veulent; mais s'ils ne le veulent pas l'être, s'ils veulent servir la patrie, comme ils le déclarent, je demande qu'ils soient incorporés dans tin régiment français. Je fais en outre la motion qué ma proposition soit renvoyée au comité militaire, et, qu'en attendant, le pouvoir exécutif soit invité à suspendre l'ordre qu'il a donné à ces soldats de réjoindre leur corps.
, C'est pour attirer l'attention de l'Assemblée sur une autre partie de l'adresse que j'ai demandé la parole. 11 existe dans Paris une infinité de recruteurs, sur le quai de la Ferraille nommément, qui trafiquent des soldats comme les barbares qui vont à la côte de Guinée, trafiquent des nègres : je demande que le comité militaire nous fasse le plus promp-tement possible un rapport, pour prévenir désormais de semblables crimes. (Applaudissements.)
J'ai dû être étonné d'entendre M. Thuriot combattre ce que j'avais proposé, en disant que j'avais proposé la violation de la loi. Non, Messieurs, jamais je n'ai eu une paf-eille idée; mais, en approuvant très fort le sentiment qui conduit M. Thuriot-à prendre la défense des pétitionnaires, je vous prie de considérer que des législateurs doivent très souvent se défier des opinions, qui ne leur sont suggérées que par le sentiment, pour n'examiner que la loi en elle-même, et ne juger que d'après elle.
Je vais maintenant plus loin que je n'ai été dans ma première opinion; et je soutiens que, d'après la loi, vous devez avoir une opinion encore plus sévère que celle que j'ai énoncée d'abord. En effet, Messieurs, d'après la loi, lé régiment dans lequel les pétitionnaires se sont engagés, devrait être sur le pied français; et si je ne me trompe pas, la lettre de M. Albitte dit positivement qu'ils se sont engagés après le dé-çret de l'Assemblée constituante, qui ordonne due çé régiment sera mis sur le pied français. 0e quoi doit-il être question maintenant? Ce n'est plus de savoir si ces soldats doivent être, ou non dans çé régiment; mais c'est de savoir pourquoi le décret ae l'Assemblée nationale n'a pas été exécuté. Au reste, Messieurs, je ne répondrai point à ce que M. Thuriot a avancé, parce que tout le monde a senti combien sés principes étaient dangereux et destructifs de la discipline militaire, sans laquelle vous n'avez aucun triomphe à espérer. Ainsi, je me résume en demandant purement et simplement le renvoi de cette affaire au comité militaire, pour qu'il examine si la loi qui ordonne de mettre le ci-devant régiment d'Alsace sur le pied français a été.exécutée.
J'ai entendu dire à la tribune, par un des préopinants, que les recruteurs trafiquaient des soldats comme sur la côte de Guinée trafique des nègres. Il existe des lois de l'Assemblée nationale constituante, qui prescrivent en termes très formels et très précis que nul recruteur ne pourra èngager âuéûh individu, sans que, 24 heures après, il ne se présèiite
avec l'individu devant la municipalité, en présence d'un commissaire des guerres, et, à son défaut, en présence d'un officier décoré ou non décoré, pour le ratifier. Par conséquent, si cette loi existe, il est impossible que les 12 soldai dont on vient de vous parler ici, aient pu s'engager dans un régiment, et qu'on les ait éhsuitè envoyés dans un autre.
A présent, pour vous mettre à portée de rendre un jugement dans cette affaire, il me semble que vous devez vous borner à renvoyer au comité militaire pour le fond, avec injonction au pouvoir exécutif de faire rapporter les engagements pour voir s'ils ont été remplis dans la forme prescrite par l'Assemblée constituante.
Mais ie m'oppose à l'avis des préopinants, qui ne veulent pas que ces soldats rentrent dans leur corps. Il faut qu'ils commencent par obéir. (Applaudissements.) La preuve la plus forte que je puisse donner à l'appui de mon raisonne^-ment, est que ces mêmes soldats sont restés 5 à 6 mois dans le régiment où ils servaient, qu'ils ont donné en quelque sorte un acquiescement implicite à cet engagement. Ils doivent donc aller reprendre leur poste; et c'est quand ils auront oDéi que voiis devrez examiner si la loi a été enfreinte à leur égard, et leur rendre la justice qu'ils réclament. (Applaudissements.)
le jeune. Je demande que ces soldats soient mis en état d'arrestation à Paris. Jé vois bien le délit qu'ils Oht commis en quittant leurs drapeaux sans permission; mais j'en vois un bien plus grave; c est eelui.de n'avoir pas mis le régimeht d'Alsace sur le pied de régiment français. Quelle est la nature de l'engagement des 12 soldats? N'est-ce pas un contrat synailagmatique?
Plusieurs voix : Votre amendement?
le jeune. Je demande qu'ils soient mis en état d'arrestation, parce que si vous les renvoyez à leur régiment, ils seront maltraités; et que ron renvoie la pétition au comité militaire pour prononcer sur la conduite de ceux qui n'ont pas mis le régiment sur le pied français.
Ces soldats se sont engagés pour un régiment français. La loi antécédente portait que le 53e régiment serait mis sur le pied des régiments français. Par conséquence 539 régiment est français par la loi ; il s'agit de savoir s'il est français par le fait. Comment ce régiment serait-il sur le pied français? l'habillement se fait tous les trois ans; en supposant qu'il ait été fait cette année, il ne peut y avoir qu'un tiers du régiment qui soit sur le pied français. La majorité du régiment parle allemand. Par conséquent, jusqu'à ce que, par la faculté de recruter des Français, le régiment parle en grande partie français, il est impossible de leur faire entendre, en cette langue * ce qu'on leur commande. Je dis donc, Messieurs^ que le seul point est de savoir si la loi a été exécutée ; si elle ne l'est pas, vous la ferez exécuter demain, et demain ce régiment sera déclaré français.
Je vous supplie d'observer que cette question est beaucoup plus importante que vous né pen^-sez; car il y a 12 régiménts dans l'armée qui sont dans le même cas, Si vous ne renvoyez pas à leur régiment les 12 soldats, il arrivera que, soit par amour du changement, soit par l'espérance d'uné discipline plus douce,, quoique je pose en fait que, depuis la Révolution, il ne s'est
pas donné un seul coup de bâton dans les régiments allemands...
J'en ai vu donner !
.. vous aurez une foule de pétitions dans le genre de celle qu'on vous présente. C'est pourquoi je demande la question préalable sur l'amendement de M. Garnot.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Carnot !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Camot-Feuleins, le jeune.)
Je mets aux voix le renvoi de la pétition au comité militaire, conformément à la motion de M. Rouyer.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire.).
Il y a une autre proposition qui est appuyée, c'est de mettre ces soldats en subsistance a la suite d'un régiment français. (Bah ! bah!)
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Merlin.)
Je voudrais motiver que le renvoi de la pétition au comité militaire ne doit pas retarder l'action du pouvoir exécutif. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande la question préalable sur la proposition de M. Cambon, car ce qu'il demande est de droit.
Je consens à la question préalable en la motivant.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Cambon, en motivant la question préalable sur ce que le renvoi de la pétition au comité militaire ne peut néanmoins retarder l'action du pouvoir exécutif.)
veut mettre aux voix les autres propositions.
Plusieurs membres : La question préalable sur K toutes les propositions !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les autres propositions.)
, ministre de la guerre. L'Assemblée nationale ayant décrété que la loi resterait en vigueur et que la pétiiion aes 12 soldats serait renvoyée au comité militaire, mais ne retarderait pas l'exécution de la loi, je dois lui faire mes remerciements de la décision qu'elle a prise, mais je dois- aussi m'empresser de répondre à sa confiance en lui faisant part de quelques faits.
Avant-hier, j'ai eu l'honneur de dire a l'Assemblée que les soldats du
régiment d'Alsace avaient été à la municipalité, que de là ils avaient
demandé un rendèz-yous au comité militaire ; j'ai eu aussi l'honneur de
prévenir l'Assemblée que le roi m'avait donné l'ordre de faire arrêter
ces soldats comme déserteurs, je l'ai transmis à M. d'Afifrv. M. d'Affry
a écrit à M. le maire de Paris, qui n a pas cru devoir se prêter à la
réquisition légale qui lui fut faite par cet officier général (1). Ces
soldats n'auront donc pas été
J'ai entendu faire un crime au ministre de la guerre de l'inexécution des décrets à cet égard ; mais j'observe à l'Assemblée qu'il est bien difficile de faire commander en français, un régiment allemand par des officiers et des sous-officiers allemands. Ils faut qu'ils l'apprennent eux-mêmes avant de pouvoir faire entendre le soldat et j'ajoute que discipliner à la française un régiment qui est accoutumé à la discipline allemande, n'est pas une chose facile et qui demande peu de temps. Aucuns d'eux ne se sont piaints, comme l'ont cru quelques membres de cette Assemblée, d'avoir été trompés dans leurs engagements parce qu'ils s'étaient engagés pour un régiment français et non pour un régiment allemand. J'observe qu'ils se sont engagés nominativement pour le 53® régiment, le régiment d'Alsace.
Ils ont dit ensuite que les régiments allemands avaient un régime qui était de ne faire qu'un seul repas par jour au lieu de deux. Je leur ai demandé s'ils n'aimaient pas mieux faire un bon repas que deux mauvais, auxquels sont condamnés les malheureux soldats, avec la paye médiocre que l'Etat est obligé de leur donner, et ils ont senti que cette raison était convaincante; mais je n'en ai pas moins commandé d'ordonner que les deux appels de soupe soient exécutés.
Au surplus, ces soldats, sentant la nécessité d'obéir à la loi d'après les représentations que je leur avais faites à ce sujet, étaient convenus de partir ce matin, parce que je leur avais dit, que je leur remettrais à eux-mêmes la lettre du roi, qui usait, envers eux, d'indulgence. Ils m'ont demandé seulement la permission de passer un jour à Paris. Je leur ai dit, pour les récompenser de leur obéissance, que je trouvais bon, moi, ministre de la guerre, qu ils passassent ici la journée.
J'ai senti le besoin, comme homme, de me dédommager des rigueurs que j'avais été obligé d'exercer comme ministre;je leur ai donné une légère rétribution, qu'ils ont acceptée avec plaisir et ils sont partis très satisfaits.
Je ne sais par quelle fatalité ils ont été à la municipalité. (Murmures.) Je me trompe, Messieurs, chez le chef de la municipalité : ils devaient partir demain matin, ils l'avaient promis et au lieu de cela, j'apprends qu'ils sont venus présenter une pétition à l'Assemblée nationale, à qui j'ai cru devoir ces détails. (Applaudissements. )
Je renouvelle la motion que j'ai faite tout à l'heure, c'est que le comité militaire nous présente promptement un rapport sur le recrutement qui se fait à Paris.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Roux-Fasillac au comité militaire.)
Le sieur Maillet, graveur, est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un exemplaire de VAlmanach du père Gérard, qu'il a orné de plusieurs gravures.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte l'offre et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Un pétitionnaire est introduit à la barre et demande à l'Assemblée qu'elle veuille bien prendre en considération la situation d'un grand nombre de créanciers des rentes crééesjpar I Hôtel-de- Ville de Lyon et ordonner que la caisse de l'extraordinaire acquittera les arrérages échus jusqu'à ce jour.
Le rapport est à l'ordre du jour de demain.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation.)
lit l'ordre du jour de demain et lève la séance à quatre heures.
a LA séance de l'assemblée législative du dimanche 26 février 1792.
Copie de la lettre écrite par le ministre de la guerre à M. Pétion, en réponse à celle adressée à M. d'Affry, par M. le maire de Paris (1).
Le roi, Monsieur, instruit que 12 soldats du 53® régiment étaient arrivés à Paris sans congé, avait pensé qu'ils devaient être régardés comme déserteurs; il avait, en conséquence, donné à M. d'Affry, ordre de les poursuivre et de les faire arrêter. J'avais rendu compte à l'Assemblée de cette mesure; j'ai dû lui dire aujourd'hui qu'elle était restée sans exécution ; j'ai dû lui dire aussi que la main qui l'avait arrêté était celle-là même qui seule pouvait la procurer. Votre lettre à M. d'Affry donne à ce sujet des explications auxquelles je me hâte de répondre pour aplanir les obstacles que pourraient élever contre la loi des considérations particulières qui doivent disparaître devant elle lorsqu'elle a parlé sans équivoque.
Vous ne croyez pas devoir prendre sur vous de laisser executer la loi; vous vous opposez a ce que 12 hommes qui ont quitte leurs drapeaux, qu'ils ne peuvent abandonner sans crime, qui ont deserte les frontieres qu'ils doivent defendre, soient arretes et punis. Qui pourra done empe- cher, Monsieur, apres un aussi dangereux exem- ple, l'arraee d'arriver en detail a Paris et d'y rorcer les deliberations de l'Assemblee? qui n'apercevra pas, dans les suites de votre indeci-
sion, un moyen que pourraient employer, avec un funeste succès, les ennemis de la patrie, pour attirer ici plusieurs corps d'armée et détruire la liberté au sein même de la capitale ? qui ne sentira pas qu'un homme de mauvaise foi, chargé de la défeose d'une place de première ligne (et il peut en être quelles que soient les précautions prises pour ne les confier qu'à des mains sûres), pourrait fomenter un esprit récla-mateur qui, en dégarnissant son poste, lui laisserait la facilité de le livrer sans défense à l'ennemi?
Ces vérités sont tellement frappantes, Monsieur, que vous sentirez sans doute combien votre incertitude à faire exécuter, comme chef de la municipalité, une loi à la confection de laquelle vous avez concouru comme membre de 1 Assemblée constituante, est contraire au bien général. Il est impossible même de voir comme une mesure de prudence l'intention que vous paraissez avoir ae consulter sur cet objet la municipalité. Rien enfin ne pouvait excuser la désertion de ces soldats, et, en croyant les empêcher de se rendre à l'ennemi, crainte qu'ils regardent .comme un injure, vous préparez une indiscipline mille fois plus contraire au bien du service que le projet auquel vous voulez parer, fût-il réel.
Le respect pour la loi, l'amour de l'ordre, ce que je dois au Corps législatif, au roi à l'armée, tout m'ordonnait de faire punir les coupables; j'avais dû compter que l'ordre que j'avais donné n'éprouverait aucun obstacle dans son exécution ; je m'étais trompé ; mais ces militaires, un instant égarés, ont obéi bientôt à la voix du devoir qui les rappelait à la discipline ; ils se sont soumis ; ils seront renvoyés à leur régiment où j'espère que l'indulgence de Sa Majesté éloignera d'eux la punition sévère qu'auraient méritée leurs torts, s'ils ne les eussent si promptement reconnus.
« Le ministre de la guerre, Signé : L. narbonne.
Séance du
présidence de m. mathieu-dumas.
La séance est ouverte à dix heures et demie du matin.
, au nom du comité militaire, fait la lecture du décret sur le traitement à faire aux troupes pendant la campagne, dont la rédaction avait été renvoyée à ce comité (1). Il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité
militaire, sur une augmentation de traitement à accorder aux gens ae
guerre qui entreront en campagne ; considérant qu'il est instant de
procurer aux officiers attachés aux corps de troupes qui doivent
marcher, les moyens de former leurs équipages ; considérant aussi qu'il
est juste de mettre tous les militaires, tant des troupes de ligne que
des
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, et délibérant sur la proposition faite parle roi, d'augmenter le traitement des militaires qui sont prêts d'entrer en campagne, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« U sera accordé aux officiers de tout grade, tant des gardes nationales que des troupes de ligne» pour les mettre en état d'entrer en campagne, lorsqu'ils recevront l'ordre de s'y préparer, des gratifications fixées ainsi qu'il suit :
Savoir :
Gardes nationales et infanterie des troupes de ligne.
Aux lieutenants et aux sous-lieute- it nànts.............................. t300 liv.
Aux capitaines.................... 400
Aux lieutenants-colonels........... 600
Aux colonels...................... 800
Troupes à cheval.
Aux lieutenants et aux sous-lieutenants...................................400
Aux capitaines.....—.....................5ÔQ
Aux lieqtenants-colonels..............700
Aux colonels......................................900
« Les officiers de l'état-major de l'armée et les aides de c$mp, les officiers de l'artillerie et dii génie, ainsi crue les commissaires des guerres, recevront les mêmes gratifications que la cavalerie, en raison de leur grade respectif.
« Les chirurgiens-majors seront traités comme les capitaines, et les aumôniers comme les lieutenants, tant pour les gratifications, que pour les autres traitements qui seront accordés aux troupes pendant la campagne.
Officiers généraux.
Aux généraux d'armée...... ... 6,000 liv.
Aux lieutenants généraux........3,000
Aux maréchaux ae Camp......... 2,000
« Il sera fourni des tentes aux officiers des gardes nationales et des troupes de ligne qui seront dans le cas de camper.
Art. 2.
« Les officiera de tout grade jouiront, pendant la campagne, d'une augmentation d'appointements réglée de la manière suivante ;
Les lieutenants et sous-lieutenants des troupes de ligne, de la moitié en sus de leurs appointements ordinaires, les capitaines, les lieutenants-colonels et les colonels, du tiers des. appointements dont ils jouissent pendant la paix, et les officiers généraux, du quart seulement, en sus de leurs appointements respectifs.
« Les officiers des gardés nationales jouiront aussi, pendant la campagne, d'une augmentation d'appointements, réglée ainsi qu'il suit :
savoir :
« Les lieutenants et les sous-lieutenants, de la moitié en sus de leurs appointements ordinaires.
« Les capitaines, de 1 augmentation d'appointements réglée pour les capitaines de la troisième classe de l'infanterie des troupes de ligne, faisant, pour chacun, un objet de 73î}Uv. 6 s. 8aen. en sus de leurs appointements ordinaires.
« Les premiers lieutenants-colonels, de l'augmentation réglée pour les lieutenants-colonels, de première classe; savoir :
« De 1,400 livres en sus de leurs appointements et les seconds lieutenants-colonels de çélle fixée pour les lieutenants-colonels de la deuxième classe de l'infanterie des troupes de ligne; savoir;
« De 1,200 livres en sus de leurs appointements.
« Il sera délivré aux officiers de tout grade, tant des gardes nationales que des troupes de ligne, des rations de pain du poids de 28 onces, sous la retenue de 32 deniers, et des rations de fourrages en nature, sans aucune retenue, pour la nourriture de leurs chevaux, dont l'existence sera constatée par des revues faites dans les formes prescrites» Le nombre des rations de fourrages et des rations de pain attribuées à chaque grade, demeurera fixé ainsi qu'il est établi dans le tableau annexé au présent décret, et, dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, les officiers, de quelque grade qu'ils soient, ne pourront exiger des rations au delà du nombre fixé pour chaque grade.
Art. 3.
« Il sera attribué au sous-officier et au soldat de toute arme, par chaque jour, et à dater de l'ouverture de la campagne, une ration de pain de munition du poids ae 28 onces, sans aucune retenue ; une once de ri? ou deux onces de légumes secs, également sans retenue, et une demi-livre dç viande pour laquelle il lui sera retenu un soi six deniers.
Art. 4.
« Chaque sous-officier et soldat des bataillons de gardes nationales recevra, par jour, 28 onces de pain de munition, pour lesquels il lui serà retenu 3? deniers ; une demi-livre de viande» sous la retenue d'un sol six deniers et yné once de riz ou deux onces de légumes secs, sans retenue.
Art 5.
« Il sera mis et entretenu, à la suite de l'armée, des approvisionnements de vinaigre et eaux-de-vie, chemises, bas et souliers, pour être distribués aux troupes, sur les ordres du général, lorsque les circonstances l'exigeront.
Art. 6.
» Le traitement de guerre aura lieu, pour les officiers de tout grade, les gardes nationales ef les soldats de différentes armes, destinés à servir dans les armées, à dater du jour où les uns et les autres partiront pour se rendre dans les camps ou cantonnement.
« Il pourra cependant être fourni en attendant, aàx officiers, et sans retenue, des rations de
fourrages pcmr la nourriture de leurs chevaux, aussitôt qu'ils en seront pourvus.
« Ces rations n'excéderont pas le nombre fixé pour chaque grade.
« Le traitement de guerre cessera du jour où les troupes rentreront dans leurs garnisons ou quartiers, époque à laquelle celui qui pourra leur être jugé nécessaire dans lesdites garnisons ou quartiers sera déterminé.
Art. 7.
« Le ministre de la guerre présentera, sous 15 jours, l'état de la dépense qui résultera des dispositions du présent décret: il sera autorisé, en attendant, à imputer ladite dépense sur le fonds de 20 millions, décrété le 31 décembre dernier. »
ÉTAT des rations de pain et de fourrages allouées en campagne à chaque grade.
GARDES NATIONALES et
INFANTERIE DES TROUPES DE LIGNE.
Sous-lieutenants et lieutenants......................
Capitaines..........................................
Lieutenants-colonels.................................
Colonels.........................................
TROUPES A CHEVAL.
Lieutenants et sous-lieutenants......................
Capitaines..........................................
Lieutenants-colonels................................
Colonels............................................
Les officiers de l'état-major de l'armée, les aides-de-camp, les officiers du corps du génie, de l'artillerie et les commissaires des guerres recevront, chacun selon son grade, le nombre des rations fixé pour la cavalerie, en comprenant aussi, dans cette fixation, les rations dont jouissent quelques-uns d'eux pendant la paix.
OFFICIERS GÉNÉRAUX.
Maréchaux de camp.................................
Lieutenants-généraux................................
Commandant en chef................................
RATIONS.
de
PAIH
10 20
de
FOURRAGES.
1 1/2 2 3
2 1/2 3 i 6
10 12 16
OBSERVATIONS.
Y compris les rations attribuées à leur gradé et dont ils jouissent pendant la paix.
Y compris les rations attribuées à leur grade et dont ils jouissent pendant la paix.
(L'Assemblée adopte la rédaction proposée par le comité militaire.)
, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret portant liquidation de diverses parties de la dette publique. (Remboursement de diverses charges et offices.)
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte des vérifications et rapports faits par le com-
missaire du roi, directeur général de la liquidation.
« Après avoir pareillement entendu les trois lectures du projet de décret dudit rapport, dans les séances des 28 janvier dernier, 16 février et de ce jourd'hui et avoir décrété qu'elle était en état de. rendre son décret définitif ;
Décrète, qu'en conformité des précédents décrets sur la liquidation de la dette publique et sur les fonds destinés à l'acquit de ladite dette, il sera payé aux ei-après nommés et pour les causes qui seront pareillement exprimées, les sommes suivantes, savoir :
REMBOURSEMENT DE CHARGES ET OFFICES.
Brevets de retenue sur les charges et emplois militaires.
Bady de Normont (Charles)...»..........................5,250 1. » s. » d.
Vergennes (Jean-Charles de).......................20,000 » »
Geftas (Sébastien-Charles-Hubert de).,...........21,093 15 »
Desperières (Gabriel).............................6,000 » »
Sahuguet d'Amarzit de La Roche (Jean-Joseph-
Léonard)...................................7,500 » »
Loubens de Verdale (Frédéric)............................9,000 » »
Brevets de retenue sur les charges et emplois militaires (Suite).
Doinel de Saint-Quentin (René-Gabriel)............9,000 1. » s. » d.
Raymond Darnaud de Dufort-Boissières (Joseph-Alphonse) ....................................................9,000 » »
Boisgelin (Gilles-Dominique-Marie de)..............13,750 » »
Chauvelin (Bernard-François de). ...................3,500 » »
Secondât de Montesquieu (Gharles-Louis)________10,000 » »
Brossin de Saint-Didier (Gabriel)........................5,250 »> »
Erneville (Jean-Joseph-Louis d')..............3,500 » »
Jessé (Henri-Joseph de)...............................7,500 » »
Descargnolles (Alexandre-Joseph-Robert)..........8,000 » »
Rey (Jean-Hugues-Hercule de)..............................10,000 » »
Dandoins (Jean-Simon-Etienne)............................5,250 » »
Dumerger (Louis-Jean-Baptiste)............................5,250 » »
ûuveraier (Louis-Antoine-Hubert)......................7,500 » »
Leroy d'Allarde (Pierre-Gilbert)..........................5,250 » »
Choiseul-Praslin (Antoine-César de)......... 30,000 » »
Rousseau de Chamoy (Louis-Jacques)................7,500 » »
Brue (Prudent-Louis-Aimé de)............................5,000 » »
Esquelbeck (Henri-Louis de)............................7,500 •> »
Achard (Julien-Bernard)........................................7,500 • »
Boubée de La Bastide (Jacques-François)..........7,000 » »
Saint-Georges (Jean de).................................7,500 » »
Banastre (Claude-Antoine-François de)..............5,250 » »
Lemoine (Marine-Antoine)..............................8,000 » »
Lascase de Beauvoir (Pierre de)............................15,000 » »
Ribault de Nointel (Thomas)......................3,300 » »
Duverdier Gardaillac-Marsiilac (Jean-Antoine), 6,250 » »
Laroque (Jean-Louis de).................................7,000 » »
Goguette d'Argceuvre (Marie-Jean-Baptiste-
Pierre)......................................................................5,260 » »
Grammont d'Aster (Antoine-François de)..........40,000 » »
Dupujet de Barbantanne (Hilarion-Paul-Fran-
çois-BienvenuL----------------------------------10,000 » »
Duval de Dampierre (Jean-Népomucène)............7,500 » »
Blandin de Valfort (Laurent)............................7,500 » »
Ghoiseul Stainville ( Claude-Antoine-Clériadus
de)...........................................45,000 » »
Rochechouare de Mortemart (Victurnin-Bona-
venture-Victor de).............................................15,000 » «
Arnaud de Valibrit (Jean-François-Gaspard de) 5,250 » »
Malherbe (Jean-Baptiste)........................................6,750 » »
Narbonne (Louis-Marie-Jacques-Amalaric de)... 10,000 » » Franqueville d'Abancourt (Gharles-Xavier-Jo-
seph de)................................................................15,000 » »
Pavée de Provenchères de Villeneuve (Julien). 12,500 »
Truitie de Vaucresson (Jean-Baptiste-Léger).. 83,333 »
Menou Dumée (Louis-Edmond de).....................50,000 » »>
Hocquart de Turlot (Gilles-Toussaint)..................220,883 » >•
Schomberg (Goulob-Louis de)..............................100,000 » »
Perrot (Jean-Baptiste)..............................................26,906 18 »
Aux héritiers de Louis-François de Bouchet,
de Sourches de Tourzel fils..............................85,200 » »
Montmorency-Luxembourg (Anne-Christian). 55,000 » »
Lebel d'Alency (Charles-François)......................855 11 8
53 parties prenantes, ensemble...... 1,089,472 1. 4 s. 8 d, 1,089,472 1. 4 s.
CHARGES ET OFFICES DONT LE REMBOURSEMENT A ÉTÉ ORDONNÉ PAR DÉCRETS DES 28
ET
Officiers du ci-devant régiment des gardes françaises.
Fiavigny (Charles-François de).............. 88,000 1 » s. » a.
Duchesneau (Charles-Armand-Louis......... 40,000 » »
Dumoncel d'Etoubville (Jean-François)....... 80,000 » »
charges et offices dont le remboursement a été ordonné par décrets des 28 et 29 mai 1791.
Officiers du ci-devant régiment des gardes françaises.
Saures d'Aulan (Etienne-Anne-Bernard-Marie-
Régis).............................................................10,000 1. » s. » d.
Legendré d'Ozembray (Léon-Edme-François).. 20 ,000 » »
Pont-des-Granges de Virson (Paul-François de). 30,000 » »
Huë de Miromesnil (Bernard-François-Th ornas). 10,000 » »
Gassot de La Vienne (Etienne)...................20,000 » »
Loynes d'Autroches (Jean-Jacques de)..............30,000 » »
Lepelletier de Liancourt (Louis-François). ... 6,000 » »
Laroche de La Groye (Louis-Charles-Auguste). 30,000 » »
Démons (Antoine-François-Philibert-Julien)... 20,000 » »
' Roideville (Ferdinand- François-Louis de)..... 40,000 >> » Fiot de La Marche de Dracy (Barthélemy-Phi-
lippe-Félix).......................................10,000 » »
Laizer (Joseph-Franç ois-Félix de).............30,000 » »
Jouenne d'Egrignv (Jean-René)U................30,000 » »
Corbeau de Vaulserre (Hugues-Eléonor-Ga-
briel de).................. .....................6,000
Castelneau (Mathieu de).......................20,000 » »
18 parties prenantes, ensemble............512,000 1. >» s. » d. 512,000 1.
Chevaur-Légers.
Dandigné................................................................150,000 1. » s. » d.
Montaïembert.............................. 60,000 » »
Dudresnay..................................................................125,000 » »
Cernes (de)............................... 50,000 » »
Piercourt..................................................100,000 » »
5 parties prenantes, ensemble...........475,000 1. » s. » d. 475,0001.
Gendarmes de la garde.
Ségur-Cabanac............................. 150,000 1. » s. » d.
Courtomer................................. 50,000 » »
Herbouville (d').......,.. ;..... % ..... 125,000 » »
Gaucourt.................................. 125,000
Galieau de Gadagne..................................125,000 » »
Desmoutiers de Mérinville....................................100,000 » »
Pompry................................... 50,000
Brisay......................................100,000 »
8 parties prenantes, ensemble...... 825,000 1. » s. » d. 825,0001. » s.
Officiers de la gendarmerie.
Des Ursins d'Harville (Louis-Auguste-Juvénal) 95,000 1. » s. » d.
Sérent (Armand-Léonard-Bernardin de)..... 60,000 >> » Lacroix de Castries (Jean-François-Anne-
Henry-Louis de)......................... 60,000 » »
3 parties prenantes, ensemble............215,000 1. » s. » d. 215,000 1. » s. » d.
Officiers de la ci-devant maréchaussée de Bourgogne.
Leclerc de La Vernée (Jean-Louis-Benoît). ... 20,000 1. » s. » d.
Gauthey (Paul-François).................... 12,000 » »
Monnier (Louis-Elisabeth-Denis).............11,013 6 »
Chardon (François-Léonard).........................8,400 » »
Répoux (Gharles-'-Claude).................'.... 9,000 » »
Lucenay (Alexandre de)..............................7,200 » »
Verdin (Jean-Baptiste)...........................9,000 » »
Joffinet (Claude-François)................... 8,800 » »
Durand (François-Marie)..........................10,000 » »
9 parties prenantes, ensemble...... 95,413 1. 6 s. » d. 95,413 1. 6 s.
Offices de magistrature et de finance.
Vaucresson (Gharles-François-Martin de).. ... 60,000 1. » s. » d.
Radise de Chevillon (Claude-Mathieu)................50,000 » »
Boutet de Montéry (Henry-Jean-Baptiste)..... 225,000 » ' h 1 ■
Sutat fils....................................................................24,225 18
Chesneau de La Drouerie (Marie-François-
Dominique) ..................................70,314 10 »
Barbié (Etienne)...................................................176,333 15 »
Grauchier (Jean)....................................118,836 9 10
Laporte (Julien-Martin de)..........82,512 12 8
Baillot (Marie-Alexandre-Nicolas).........'>.. 255,000 » »
Bochart de Sarron (Jean-Baptiste)........... 50,000 » »
Marcassus de Puymaurin (Nicolas-Joseph).,... 60,000 » » Àome père et fils (Jean-Baptiste et Jean-
Baptiste-Pierre-Antoine). ......................60,000 » » ;
12 parties prenantes, ensemble...... 1,172,253 1. 5 s. 6 d. 1,272,253 1. 5 s. 6 d.
108 parties prenantes; total : quatre
millions quatre cent quatre-vingt-quatre mille cent trente-
huit livres seize sols deux deniers, ci................... 4,484,138 1. 16 s. 2 d.
A la charge, par les dénommés au présent décret, de se conformer aux lois de l'Etat pour l'obtention de leurs reconnaissances de liquidation et leur payement à la caisse de l'extraordinaire.
« Sur la réclamation de François-Antoine de Bercheny, se disant colonel propriétaire du régiment de ce nom, tendant à être remboursé à raison de 200 livres par-homme et de 250 livres par cheval, au complet de 1788, conformément au décret du 28 mai 1791, sous la déduction néanmoins de 100,000 livres à lui allouées par dér cret du 24 août dernier, comme à un colonel propriétaire de régiment français, jusqu'à cé qu'il prouvât sa propriété de régiment étranger.
« L Assemblée nationale, considérant que ledit François-Antoine de Bercheny ne rapporte aucune capitulation, procès-verbaux de- réception et de revue de ce régiment et qu'il ne justifie pas de sa propriété, en qualité d'héritier donataire ou légataire de son frère, soit comme en ayant payé la valeur, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer sur sa demande en supplément de prix ou d'indemnité au-delà de celle de 100,000 livres, que le décret du 24 août 1791 lui a allouée comme s il eût été simple propriétaire de régiment français.
« Sur la réclamation de Pierre Benezech, tendant à être remboursé d'une somme de 67,000 livres restant due de celle de 97,000 livres portée en un brevet de retenue, accordé au sieur Le Bas-de-Courmont, le 10 avril 1751, sur le ci-de-vant privilège des Petites affiches, dont ledit Pierre Benezech est devenu propriétaire, par contrat de venté du 10 décembre 1778; acte passé entre le fondé de procuration du ministre des affaires étrangères, le 19 décembre audit an, et autre contrat de vente des 13 et 14 mars 1786.
« L'Assemblée nationale, considérant : 1° qu'un brevet de retenue accordé sur un privilège, présente plutôt un double avantage qu'une indemnité de sommes payées à un précèdent propriétaire, et d'avance de fonds pour un établissement dont le profit est toujours à l'avantage de celui à qui on en accorde exclusivement le droit; 2° que l'acte passé entre le fondé de procuration du ministre dès affaires étrangères et ledit Pierre Benezech et ses coassociés, annonce un remboursement certain du brevet de retenue, par l'avantage que donnait le privilège sur lequel il était assis, de faïrê dés bénéfices que d'autres
auraient partagés sans ce même privilège; 3° que le droit d'imprimer le Journal de France, affiches, annonces et avis divers, n'est pas ôté audit Pierre Benezech; 4° Enfin, que le décret du 24 novembre 1790, concernant les brevets de retenue, ne parle que de ceux sur charges et emplois et conséquemment ne peut s'appliquer à celui dont est question, décrète qu'il n y a pas lieu à liquidation.
« Quant à la demande de Marie-Romain Hame-lin, ci-devant receveur général des finances de Tours, qui réclame contre les dispositions du décret du 10 mars dernier, qui, en liquidant sans intérêts son office à 1,070,000 livres, a statué : « qu'il ne peut rien prétendre que les deux droits de marc d'or, par lui payés, l'un montant à 20,068 livres, pour le sieur de La Bretèche, son prédécesseur, par suite d'arrangement particulier entre eux; l'autre montant à 41,259 1.16 s. attendu qu'il ne l'a pas réellement déboursée et que cette somme a été couverte par une ordonnance de comptant. »
« L'Assemblee nationale, considérant que les motifs de cette réclamation ne peuvent en aucun cas détruire ceux qui avaient déterminé l'Assemblée nationale constituante à rendre le décret du 10 mars, décrète qu'il n'y a pas lieu à liquidation (1). »
« A l'égard de la demande faite par le sieur Jean-Jacques-Philippe-Marie Duvidal de Montfer-rier, ci-devant pourvu de la charge de syndic général de la ci-devant province du Languedoc, tendant à obtenir une indemnité pour raison du brevet de retenue de 60,000 livres à lui accordé par ci-devant Etats de Languedoc, sur ladite charge, le 7 février 1786;
« L'Assemblée nationale, considérant que ce brevet de retenue ne porte pas la double condition exigée par le décret du 24 novembre 1790, ledit sieur Duvidal ne peut être rangé dans la classe des dettes de Pays-d'Etat dont l'Assemblée nationale a chargé la nation,, par l'article 2 de son décret du 12 avril 1791 et décrète qu'il n'y a lieu à liquidation. »
Je ne crois pas que l'Assemblée soit assez complèté.pour délibérer.
Je m'élève contre ce que vient d'avancer M. Goupilleau et je demande que le projet soit discuté et adopté.
Un membre ; Pour ramener les négligents à plus d'exactitude, je propose que le bureau du contre-seing soit toujours ouvert à 9 heures et fermé à 10.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour et, après une légère discussion, adopte le projet de décret du comité de liquidation.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 25 février au soir.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui envoie à l'Assemblée un état imprimé des bureaux de son département et du sceau de l'Etat (1).
(L'Assemblée renvoie cette lettre et l'état y joint au comité de l'ordinaire des finances.)
2° Pétition des administrateurs du directoire du département de VAin pour obtenir un dégrèvement sur les contributions de ce département.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'ordinaire des finances.)
3° Pétitiondu sieur Rocheblave, négociant à Alais, qui demande à être autorisé à employer au payement de son don patriotique un billet de 1000 livres reconnu faux, qu'il a reçu dans le commerce; cette pétition est ainsi conçue (2) :
« A Messieurs les membres composant le comité des finances à l'Assemblée nationale.
« Messieurs,
« Le 22 décembre 1790, il fut remis au sieur Rocheblave, négociant d'Alais, étant en voyage à Paris pour les aïfaires de sa maison de commerce, par MM. Cottin, Jauge et Girardot, banquiers, chaussée d'Antin, à Paris, un billet de la caisse d'escompte portant promesse d'assignat de 1,000 livres.
« Le lendemain, le sieur Rocheblave ayant voulu donner en payement ce même billet, on le reconnut faux (o): de suite il fut chez les susdits banquiers pour le leur faire reprendre. Plusieurs membres de l'Assemblée constituante, de qui la probité et l'honnêteté du sieur Rocheblave étaient parfaitement connues, s'employèrent pour cela; toutes ces démarches furent inutiles.
« Au moment de payer son don patriotique, le sieur Rocheblave a été au directoire de son district, leur a fait un narré détaillé du fait ci-dessus et leur a demandé à être autorisé à remettre ce billet en payement du don patriotique de sa maison; on acquiesça verbalement à son désir; en conséquence, le dit billet fut remis au receveur et par celui-ci envoyé avec d'autres à M. Lecoulteux, trésorier de l'extraordinaire, accompagné d'un mémoire contenant le narré et l'attestation du fait par M. Sourtelle, président du tribunal du district, et pour lors député à l'Assemblée constituante.
« M. Lecoulteux, après avoir gardé ce billet plus d'un mois, l'a renvoyé,
marqué faux et l'a déduit du bordereau de payement du rece-
« 11 serait bien malheureux pour le sieur Rocheblave que ce billet restât à sa charge, l'ayant reçu de bonne foi, de personnes non suspectes, et dans l'origine de cet établissement.
« Il espère de votre bonté et de votre justice que vous voudrez bien l'autoriser à le remettre en payement du don patriotique de sa maison ; ce don fût fait, par eux, avec la plus scrupuleuse intégrité ; s'ils perdaient le montant de ce billet, il serait juste que leur don fût réduit ; il ne leur parait pas moins juste aussi que la nation, qui retire tant d'avantages de cet établissement, supporte cette faible perte pour elle, plutôt qu'un particulier dont les sentiments ne peuvent être suspects; trompé dans l'origine de cet établissement par une parfaite ressemblance des choses, et chez des personnes où il ne devait pas craindre d'être exposé à de pareils événements.
« A Alais, le 20 février 1792.
« Signé : rocheblave. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
4° Adresse des officiers municipaux de la com-rriune d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, qui se plaignent des malheurs et des désordres auxquels donnent naissance les accapareurs, les agioteurs et les aristocrates de tous genres, et sollicitent la surveillance de l'Assemblée sur cet objet.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des assignats et monnaies.)
5° Pétition de plusieurs citoyens attachés au service de Vécurie des princes français, qui se plaignent de ce que le séquestre mis sur leurs biens, les empêche de toucher ce qui leur est dû.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'ordinaire des finances.)
6° Lettre des administrateurs du, directoire du département de VAin, en date du 21 de ce mois, qui adressent à l'Assemblée l'extrait figuré de la vente passée aux sieurs Secrétan et Nicot, coadjudicataires des moulins de Nantua.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité des pétitions, chargé du rapport de cette affaire.) (I)
7° Bordereau de situation des recouvrements faits au 20 de ce mois par le receveur du district de Dieuze, département de la Meurthe. 11 est ainsi conçu (2) :
DÉPARTEMENT DE LA MEURTHE, DISTRICT DE DIEUZE. EXERCICE 1791.
Situation des recouvrements au 20 février 1792 sur les contributions foncière et mobilière.
Montant de la contribution,
foncière...........................267,9471.10s. «d.
Montant de la contribution
mobilière......................................34,649 9 9
Total........... 302,5961.19 s. 9d.
Recette faite au 20 février. 118,963 17 6
Reste à recouvrer......... 183,6331. 2 s. 3d.
Les trois quarts du montant des patentes sont recouvrés.
Fait et certifié par le receveur du district, soussigné. A Dieuze, le 20 février 1792.
« Signé ; Vivet.
Vérifié sur les registres par Nous, administrateurs du directoire du district, soussignés.
« Signé : RlCHER, N.., illisible.
(L'Assemblée décrète que mention honorable sera faite du zèle et de 1 activité des administrateurs du district de Dieuze.)
80 Lettre des commissaires de la comptabilité qui demandent à être autorisés à faire faire à la ci-devant chambre des comptes, dont le local leur est provisoirement destiné, les dépenses indispensables pour mettre ce local en état de recevoir leurs bureaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)
9° Lettre du sieur Thomas, grenadier de la garde nationale de Cherbourg, qui appelle l'attention de l'Assemblée pour presser le ministre de la guerre de délivrer les commissions aux gendarmes nationaux qui sont nommés dans chaque département.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
10° Pétition du conseil général de la commune de Lucy-le-Bois qui demande un dégrèvement.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'ordinaire des finances.) , .
11° Lettre d'un grand nombre de citoyens de Périgueux et observations du receveur de leur district, pour remédier aux maux que cause l'agiotage et pour faire accélérer le recouvrement des impositions.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
, au nom du comité de marine, fait un rapport et présente un projet de, décret relatif aux observations contenues dans les lettres du ministre . de la marine des 10, et 15 de ce mois (1); il s'exprime ainsi : Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité de marine l'examen "des observations que le ministre de ce département a adressées a l'Assemblée nationale, par ses lettres des 10 et 15 février dernier; elles vous sont parfaitement connues, ce ministre ayant pris soin de faire imprimer et distribuer à chacun de vous celle du 10.il a cru, sans doute, devoir fixer plus particulièrement vovtre atteh-tion sur cet objet, dont votre comité me charge aujourd'hui d'avoir l'honneur de vous rendre compte.
Vous avez, Messieurs, fixé, par votre décret du 7 février dernier,
l'époque du 15 mars prochain pour la revue des officiers de la marine,
et votre comité ne vous a présenté Cette dispo-, sition que comme un
appel général, pour cons-tater, par l'acte le plus authentique, la
présence des officiers de ce corps. Le ministre paraît méconnaître le
vrai motil qui vous a déterminés à
Les observations consignées dans la lettre du 10 sont de deux espèces; les unes intéressent le fonds du service de la marine, les autres ne portent que sur les dispositions de la revue générale.
Votre comité, Messieurs, est pénétré sans doute, avec M. Bertrand, de la nécessité.très urgente de vous présenter ses vues sur le complément des lois nécessaires pour organiser définitivement la marine; mais il croit devoir vous rappeler aujourd'hui les motifs qu'il a eu l'honneur de mettre' sous vos yeux, en vous proposant la revue générale que vous avez décrétée; c'est qu'il importe essentiellement pour statuer d'une manière précise sur la plupart des objets qui constituent l'organisation de la marine, de s'assurer préalablement du nombre et du grade des officiers susceptibles d'être compris dans la nouvelle formation, afin de subordonner lé mode de remplacement au compte qui vous en sera rendu, et d'apporter à tous les objets du servicé les modifications que les circonstances et la défection, presque générale, du corps de la marine rendront probablement indispensables. La revue était donc un préalable nécessaire en ce moment, mais ne peut être regardée que comme Uhe mesure provisoire qui doit précéder les dispositions complémentaires, pour ne pas s'exposer à l'inconvénient de'faire des lois que les circonstances pourraient rendre inexécutables sous quelques rapports.
Votre comité prendra lés ordres de l'Assemblée nationale pour mettre incessamment sous ses yeux le travail dont il s'est occupé sur tous les objets de détail qui sont d'un intérêt pressant, et dont la décision prochaine n'entraîne aucun inconvénient;
Je passe aux interpétations demandées par le ministre sur les dispositions de la revue que vous avez décrétée le 7 février dernier. Les officiers généraux de la marine, nous dit-il, ne sont point tenus à résider les ports et ne peuvent être affectés à un département fixe ; devront-ils se rendre avant le 15 mars dans l'un des quatre grands ports ?
Les officiers généraux n'étant point exceptés par le décret, votre comité était loin dé penser que cet article eût besoin d'interprétation pour être intelligible.
Il n'existe, en effet, Messieurs, aucune raison valable qui puisse dispenser de la revue les officiers généraux qui, dans tous les corps, dans tous les services,-doivent, à leurs surbordonnés, l'exemple de leur zèle et de leur soumission à la loi. De tous les privilèges, ce serait, sans doute, le plus révoltant; d'ailleurs, Messieurs, le poste bien déterminé de tout citoyen français, dans les moments de calamité publique, est de résider, dans le sein de l'Etat, et son devoir le plus sacré d'être toujours prêt à voler à sa défense. Il importe donc à la sûrelé générale de
distinguer les bons citoyens des preux chevaliers de Worms et de Coblentz. Le seul moyen de s'en assurer était d'exiger l'acte de présence, et votre comité a trop bien pensé du civisme des officiers généraux de la marine qui sont restés fidèles pour douter un instant de leur empressement à le prouver de la manière la plus authentique.
Les observations du ministre sur les articles 3 et 4 du décret du 7 février dernier, n'ont pas paru mieux fondées à votre comité; elles portent sur les exceptions dont lui paraissent susceptibles les officiers qui, se trouvant en ce moment aux colonies et à Malte, en vertu d'un congé, ou embarqués sur les bâtiments de la religion, ne pourront se trouver à la revue, ou Ceux, qui, présents dans le royaume à l'époque du 15 novembre, et même antérieurèment, s'en sont absentés momentanément sur des permissions que le gouvernement a cru devoir leur accorder. Votre comité, Messieurs, pense à cet égard que le ministre ne devant accorder de congés, surtout dans les moments difficiles, que sur des motifs de nécessité bien démontrée, il doit justifier, sur sa responsabilité, de la validité de ceux qu'il a cru devoir délivrer dans les différents cas qu'il indique.
Quant aux motifs d'impossibilité physique sur le vu des preuves, le ministre a-t-il pu raisonnablement penser qu'il fût nécessaire d'en faire un article d exception? Il avance cependant que l'humanité seule demandait qu'on prévit ce cas, et votre comité, Messieurs, vous laisse à juger de l'inconvenance de cette assertion.
A l'égard des officiers actuellement à la mer, M. Bertrand veut bien convenir que le silence du décret ne peut être interprété que dans le sens que réclament la justice et .la raison. u
Enfin, Messieurs, le ministre de la marine demande votre décision sur la loi qu'il doit faire exécuter à l'époque de la revue; son embarras, à cet égard, tient sans doute à l'idée qu'il attache à cette revue qu'il regarde comme devant constituer la formation définitive, mais les circonstances actuelles exigent qu'elle ne soît-Considérée que comme une mesure provisoire dont j'ai eu l'honneur de vous exposer les motifs; en conséquence, votrè comité vous propose de déclarer ee qui suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine, considérant que les circonstances exigent impérieusement qu'il soit sursis à l'organisation,définitive de la marine, jusqu'à l'époque où le pouvoir exécutif aura rendu compte du résultat de la revue générale qui doit se passer le 15'mars prochain, déclare que les lois "antérieures à celles du 15 mai 1791, doivent être maintenues jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné; l'Assemblée nationale déclare, au surplus, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les observations du ministre, consignées dans ses lettres du 10 et du 15 février dernier. »
Puisque les lois nouvelles ne doivent pas encore être exécutées, il n'est pas nécessaire de déclarer que les anciennes resteront en vigueur. En conséquence, je demande la question préalable sur cette disposition du projet de déclaration du comité.
La nation a Un pressant besoin d'une marine, et il y aurait degrands inconvénients à laisser subsister ensemble deuxy organisations, l'une ancienne, l'autre nouvelle. II faut examiner sérieusement les causes qui
empêchent cette dernière de s'exécuter et y faire, s'il le faut, des articles additionnels. Je demande què l'Assemblée se borne à décréter qu'il n'y a, pas lieu à délibérer sur les observations du ministre de la marine.
Plusieurs membres demandent la question préalable motivée sur le tout.
Il est inutile de rendre un décret à cet égard et d'exprimer les motifs. Il suffit que l'Assemblée ait jugé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer, quant à présent, sur'la demande du ministre de la marine. Je demande donc la question préalable sur le projet du comité.
(Après quelques débats, l'Assemblée décrète, sans en exprimer le motif, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les observations et demandes en interprétation faite parle ministre de la marine.)
Je demande là parole contre le ministre de la marine.
L'Assemblée nationale a ordonné, depuis 15 jours ou 3 semaines,qu'il lui serait présenté, par les comités de législation èt de marine réunis, des observations sur la conduite du ministre de la marine (1). Je sais que ces deux comités ont agité plusieurs fois, s'il y avait lieu à inculpation sur tel ou tel article. Plusieurs membres des comités ont observé que ce n'était pas ce que nous devions faire, mais obéir seulement aux ordres de l'Assemblée, qui portaient, d'une manière impérieuse, que nous devions faire des observations sur la conduite du ministre de la marine. Or, je demande que l'Assemblée fixe un jour pour que les observations lui soient présentées, et qu'à défaut' par les deux comités, de lui présenter ces observations, les membres de l'Assemblée nationale soient autorisés à le faire.
J'appuie * la motion de M. Rouyeret je demande que le comité central fixe cette délibération à une séance prochaine.
(L'Assemblée renvoie cette proposition à son comité central, pour placer cette lecture à l'ordre du jour le plus tôt possible.)
Un membre demande que le comité central soit chargé d'ajourner à époque fixe le rapport dus .comité de législation sur le mode d'exécution de la loi qui met les biens des émigrés sous la main de la nation.
(L'Assemblée renvoie cette proposition au comité central.) ,
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. de Narbonne, ministre de la "guerre, qui prévient l'Assembléeque deux régiments d'infanterie passeront en.deçaae la d istance de 30,000 toises de Paris pour augmenter l'armée de la Moselle. 11 joint la note de la route qu'ils doivent tenir pour se rendre, l'un à Metz, l'autre à Sar.relouis, et des époques dé leur passage. La lettre èt la note sont ainsi conçues (2) :
Bureau de la correspondance générale. Mouvement des troupes.
Paris, le ,26 février 1792.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir que, dans les mouvements que le roi a
ordonnés pour augmenter l'armée de la Moselle, deux régiments d'in*
« Je suis, avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très dévoué serviteur.
« Signé : L. de narbonne.
Extrait de la route que doivent tenir les 30e
et 34e régiments d'infanterie, tirés des
côtes, pour se rendre en augmentation à l'armée de la Moselle.
« Le 30e régiment d'infanterie arrivera à
Mantes et Limay le 3 avril et ira loger le
4 — à Pontoise,
5 — à Saint-Denis,
6 et 7 à Claye, séjour,
8 — à Meaux, d'où à la Ferté-sous-Jouarre.
« Le 34e régiment d'infanterie arrivera à
Mantes et Limav le 21 mars et ira loger le
22 et 23 à Pontoise, séjour.
24 — à Saint-Denis,
25 — à Claye,
26 — à Meaux, d'où à la Ferté-sous-Jouarre.
« Signé : L. de Narbonne. »
Un membre : Je fais la motion que l'autorisation du passage soit accordée, conformément à la Constitution.
(L'Assemblée accorde l'autorisation demandée par le ministre de la guerre.)
Le procureur syndic du département de Paris vient de publier la liste des jurés qui doivent servir dans les 3 mois de mars, avril et mai. Il y a, sur cette liste, deux députésde l'Assemblée nationale, M. de Condorcet et moi, nous sommes disposés à remplir les fonctions publiques qui nous seront confiées avec autant de zèle que d'empressement; mais l'Assemblée nationale seule peut décider si ses membres peuvent se livrer à d'autres fonctions qu'aux fonctions législatives.
Je demande que l'Assemblée décrète à l'instant l'incompatibilité.
L'Assemblée nationale constituante n'a pas prononcé d'incompatibilité à Cet égard. (Murmures.) J'ai l'honneur d'observer qu'en tout état de cause cette question vaut la peine d'être examinée, et qu'il n'y a aucun danger à renvoyer au comité de législation.
Il n'est pas possible qu'il y ait du doute sur une pareille question, qu'un député ne peut pas être juré, aucun représentant ne devant être distrait de ses fonctions par une cause quelconque. (Murmures.)
Si on veut décider cette question sur-le-champ, je demande à lq. combattre. (Parlez ! parlez !)
La Constitution a établi l'incompatibilité entre les fonctions représentatives qui nous sont confiées et les fonctions judiciaires, municipales, administratives et électorales ; mais il ne peut y avoir d'incompatibilité entre les fonctions de représentant de la nation et les fonctions de juré. Ces dernieres, en effet, sont inhérentes et inséparables du droit de citoyen actif. Les fonc-
tions de citoyen actif ne peuvent être nullement suspendues par la fonction de représentant de la nation. Il ne peut y avoir aucune incompatibilité entre les fonctions de représentant ae la nation et celles qui émanent non pas d'une législation particulière, mais du simple droit de citoyen. Messieurs, cette question, quoi que vous en disiez, mérite un examen sévère et scrupuleux, Je crois qu'il est nécessaire qu'un comité nous en fasse un rapport particulier. Je demande que-l'on ne décide pas légèrement une question qui tient aux principes fondamentaux de la Constitution.
J'appuie le renvoi au comité de législation.
Messieurs, je ne crois point qu'il soit nécessaire de renvoyer au comité de législation, parce que, dans ce moment-ci, vous avez, pour vous déterminer, un motif qui est supérieur à tout autre, c'est l'incompatibilité de fait, sinon de droit. En effet, la mission de chaque député l'attache aux fonctions de législateur, exclusivement à toutes autres. Il n'y a point d'occupation supérieure à celle qui intéresse toute la nation. C'est notre mandat spécial. Aucune raison ne peut nous en éloigner ; mais je demande que cette incompatibilité de fait soit exprimée parce que je suis convaincu qu'on ne peut établir l'incompatibilité de droit entre les fonctions de législateur et celles de juré; ces dernières fonctions étant un devoir pour tous les citoyens. Ainsi, je demande que l'incompatibilité de fait soit prononcée par le motif que les fonctions de juré ne peuvent pas se concilier avec les fonctions de représentant de la nation.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
La loi prononce une déchéance pour deux années du droit de citoyen actif contre ceux qui négligent de se faire inscrire sur le tableau des |urés qui est formé à des époques fixes. Je demanderai par amendement que les députés à l'Assemblée nationale, pendant le temps de la législature, soient exempts de cette formalité, parce que l'on sent que la loi étant précise, l'exécution en étant impossible pour nous, cela pourrait donner lieu dans la suite à des difficultés.
Je demande la question préalable sur la proposition de M. Lemontey, parce qu'il est évident que dès que l'Assemblée a décrété qu'il y a incompatibilité entre les fonctions de juré et celles de législateur, il est impossible que la peine portée par la loi sur les jurés puissent être infligée aùx membres de la législature.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Lemontey.)
Un membre ; Je propose de décréter la rédaction suivante :
« Il y a incompatibilité de fait entre les fonctions de député à l'Assemblée nationale et celles de juré. »
(L'Assemhlée adopte cette rédaction.)
Plusieurs membres : Le décret d'urgence I
(L'Assemblée décrète l'urgence.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est nécessaire de statuer promptement sur la question de savoir si les membres de l'Assemblée nationale, qui ont pu être employés dans les listes de juré de jugement dans les divers dépar-
tements du royaume, peuvent en remplir les fonctions, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'il y a incompatibilité de fait entre les fonctions de député à l'Assemblée nationale et celles de juré. »
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances. J'ai eu l'honneur de faire à l'Assemblée un rapport (1) sur les mesures à prendre pour arrêter et prévenir la contrefaçon des assignats et sur la refonte et l'échange général du papier-monnaie. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret. Le voici :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il s'est introduit quelques assignats faux dans la circulation et qu'il importe d'arrêter ce mal dans sa source le plus tôt possible, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 extraordinaire des finances et décrété l'urgence,
« Considérant que l'échange des assignats actuels contre les assignats d'une fabrication plus parfaite étant le meilleur moyen pour arrêter toute contrefaçon, la circonstance de cet échange peut être utilement employée pour réduire les assignats dont la création a été précédemment décrétée, à des coupures plus appropriées aux besoins du commerce et de l'agriculture, décrète ce qui suit :
« Art 1er. Tous les assignats actuellement en
circulation ou en fabrication, à l'exception de ceux de 25 livres des
coupures de 2 1. 10 s. et au-dessous, seront successivement échangés
contre des assignats qui, par leur qualité et leur perfection, seront à
l'abri de la contrefaçon.
c Art. 2. Il ne sera donné en échange que des assignats des trois coupures suivantes, savoir : de 50, 25 et 5 livres.
« Art. 3. Les 300 millions, dans les coupures de 2 1.10 s. et au-dessous précédemment décrétés, resteront dans la circulation. L'échange sera porté à 700 millions dans les coupures de 5 livres; la coupure de 25 livres sera portée à 300 millions, et le surplus de l'échange sera fait en assignats de 50 livres.
« Toutes les autres coupures seront supprimées par la voie de l'échange général.
« Art. 4. Les échanges commenceront par celui des assignats de 2,000 livres et s'étendront successivement à ceux de 1,000 livres, 50 livres et ainsi de suite en dégradant jusqu'aux dernières coupures non exceptées par l'article 1er.
« Art. 5. Dès l'instant que la fabrication des nouveaux assignats sera assez avancée pour échanger la totalité des assignats de 2,000 livres, l'échange en sera ouvert par un décret de l'Assemblée nationale, qui fixera un délai après lequel les assignats de 2,000 livres n'auront plus un cours forcé. Ce décret réglera le mode d'échange dans les départements.
« Art. 6. La même mesure sera successivement appliquée à toutes les
coupures d'assignats actuellement en circulation en commençant toujours
par les plus fortes; et l'échange de chaque
« Art. 7. La fabrication des assignats destinés à l'échange général sera mise en activité sans délai ; elle sera absolument séparée et distincte de toutes les fabrications précédemment décrétées ; en conséquence, tous les détails d'exécution et de surveillance dans cette partie, jusqu'ici confiés au ministère des contributions publiques sont attribués au commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire en tout ce qui regarde la fabrication des assignats qui aura lieu en vertu du présent décret.
« Art. 8. Cette fabrication sera portée à son plus haut degré de perfection, soit par les qualités du papier, soit par les préparations chimiques qu'on peut lui faire subir, soit par le fini de la gravure et la complication de tous les genres de difficultés qui peuvent assurer l'inimi-tabilité des assignats.
« Art. 9. Le commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire concertera, avec les plus habiles artistes, tous les moyens d'atteindre le plus haut degré de perfection des assignats. Il remettra au comité chargé de cette partie les modèles de papier et les dessins quand il les aura arrêtés, avec les soumissions des artistes qui devront être employés à leur fabrication, pour que, sur le rapport qui en sera fait à l'Assemblée nationale, Iesdits modèles, dessins et soumissions soient approuvés, s'il y a lieu, pour leur exécution.
« Art. 10. Les séries d'assignats destinés à l'échange général ne seront composées que de 5,000 numéros.
« Art. 11. Outre les caractères distinçtifs et généraux des assignats, il y aura des points secrets de reconnaissance : chaque assignat en aura au moins 10.
« Art. 12. Les points secrets de reconnaissance seront déterminés et arrêtés par un commissaire nommé par l'Assemblée nationale, le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, et l'artiste principal employé à ladite fabrication; tous les trois prêteront le serment de garder fidèlement le secret des points de reconnaissance.
« Art. 13. Les procès-verbaux de chaque secret seront inscrits chacun séparément, de la main de l'administrateur de la caisse de l'extraordi-dinaire, sur les feuillets d'un registre auquel la première épreuve des assignats sera annexée. Chaque feuille du registre et chaque épreuve seront revêtues de la signature du commissaire de l'Assemblée nationale, de l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire et de l'artiste principal.
« Ce registre ainsi rempli sera scellé du scean de l'Assemblée nationale et du sceau de l'administration de la caisse de l'extraordinaire; il sera déposé en cet état aux archives nationales.
« Art. 14. Si un assignat faux, dans les coupures destinées à l'échange, entre en circulation, il sera dénoncé au commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, qui, après l'avoir vérifié, en instruira l'Assemblée nationale.
« Aussitôt, la publication d'un des points secrets de la coupure de l'assignat dénoncé sera ordonnée; à cet effet, le registre des points secrets sera ouvert en présence du commissaire de l'Assemblée nationale, du commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire et l'artiste principal; ils relèveront les points secrets de reconnaissance nécessaires mais simplement suffisants pour déterminer le
faux de l'assignat. Ce relevé sera rapporté à l'Assemblée nationale, publié sur-le-champ par la voie de l'impression et envoyé dans tous les départements; tous les autres points secrets de reconnaissance resteront ignorés; et le registre, scellé de nouveau, restera déposé aux archives nationales.
« Art. 15. Aussitôt que la contrefaçon d'un assignat aura été constatée par le relevé des points secrets de reconnaissance, toute la série à laquelle appartient l'assignat reconnu faux sera retiré de la circulation, en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale.
« Art. 16. Toutes les fabrications d'assignats, précédemment décrétées, continueront d'être suivies avec célérité, sans qu'elles puissent éprouver aucun retard, sous prétexte des dispositions ordonnées pour l'échange générai des assignats.
« Art. 17. Le présent decret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(1). Messieurs, le rapport du comité de l'extraordinaire des finances, soumis à la discussion, présente les vues les plus sages et les mieux réfléchies; mais en adoptant une partie de ses principes, les conséquences que j'en tire me conduisent à des résultats différents.
Lecomité, sans proposer précisément une augmentation delà masse circulante des assignats, en laisse néanmoins entrevoir la possibilité.
Je crois, au contraire, qu'il faut la diminuer progressivement, si nous voulons redonner au numéraire métallique la circulation que les assignats seuls ont engorgée, et désobstruer peu à peu cet engorgement.
Le comité pense qu'il ne faut, dans la circulation, que les assignats dont les coupures ne soient pas au-dessus de ceux de 50 livres. C'est en quoi je suis parfaitement de son avis. Mon opinion est formée depuis longtemps.
Enfin, le comité propose, pour principal moyen de parer à toute contrefaçon, la refonte des assignats circulants, pour les remplacer par d'au-. très fabriqués avec plus de soin et de préparation, à l'effet de parvenir à l'heureux terme de l'inimitabilité de cette monnaie.
Ce moyen, en détruisant radicalement tous les systèmes actuels de falsification, affaiblit en effet et décourage infiniment toutes les spéculations futures.
Mais pour l'effectuer, il faut retirer de la circulation tous les assignats des anciennes créations.
Le comité vous propose à cet égard un mode d'échange des assignats actuellement en circulation, contre d'autres assignats à fabriquer séparément de ceux destinés aux plus prochaines émissions.
Les combinaisons ingénieuses que le rapport présente pour faire cet échange et garantir les assignats de tout danger de contrefaçon, me paraissent trop compliquées, trop longues et trop difficiles à exécuter.
La création des assignats a eu pour objet de donner une grande facilité pour la libération de la dette punlique, et pour la vente des biens nationaux.
Si, lors de la vente de ces biens, la nation, en laissant subsister en
faveur des acquéreurs le terme de 12 années pour le payement, pouvait
néanmoins avoir, en peu de temps, tout le prix à sa disposition, elle
regarderait cet événement
Mon système tend à lui procurer ce moyen. Il a, de plus, l'avantage de mettre en circulation libre une masse de contrats correspondante à la masse des assignats annulés dont la nation est et sera créancière sur le prix des biens nationaux, et d'augmenter ainsi les richesses disponibles des individus, qui forment la véritable richesse nationale.
Je ne combattrai point, quant à présent, le mode proposé pour la reconnaissance des faux assignats ; mais je proposerai un mode d'échange qui, réunissant tout à la fois l'intérêt politique ae l'Etat, celui des fortunes particulières, et étant à la portée de tous les citoyens de l'Empire, donnera une faveur singulière aux assignats, rétablira le crédit que la malveillance seule a pu leur enlever, et pourra, sans établissement de nouvelles caisses, sans aucuns frais pour la nation, faire rentrer promptement les gros assignats qui, dans le système de l'opinion publique que nous devons toujours consulter, doivent être retirés de la circulation, améliorer le Trésor public, et rendre à la circulation des espèces effectives, un commencement d'activité.
Permettez, Messieurs, que je donne quelques développements à mon opinion (1) qui, par l'importance de son objet, me paraît mériter toute l'attention de l'Assemblée nationale (2).
Messieurs (3), c'est une vérité démontrée, que les finances sont, pour le corps politique d'une nation, son aliment de premier besoin, et que le moindre engorgement dans la circulation du numéraire est un véritable malheur public.
Or, nous ne pouvons pas nous dissimuler que nous sommes à ce point, que
nous ressentons les inquiétudes du besoin au milieu de toutes les
ressources de l'abondance.
Je sais que, dans un nouvel ordre de choses, tant de difficultés imprévues viennent, dans la pratique, contrarier les opérations les mieux combinées en théorie, que les bonnes résolutions, en matière de finance, ne peuvent être que le fruit d'une réflexion lente et préparée par le temps et l'expérience, qui sont 1 école du sage et le guide du législateur.
Mais, dans la partie de nos finances qui concerne les assignats, ayant déjà reçu les leçons de l'expérience qui nous a fait éprouver tour à tour les avantages et les inconvénients de la bienfaisante ressource de cette monnaie, nous pouvons, sans hésiter, aborder la question d'une manière définitive.
C'est à ce dernier objet que je borne mes réflexions et le projet d'un décret que je vais soumettre à votre sagesse et à vos lumières.
Pour vous présenter mon système avec quelque méthode, j'examinerai :
1° Quelle est la masse d'assignats nécessaire à la circulation, dans les circonstances ?
2° Quelles doivent être les valeurs et coupures des assignats destinés à la circulation?
3° Quelles sont les bases à établir pour déterminer l'époque à laquelle le cours forcé de ces assignats doit cesser ?
4° Quels sont les moyens les plus prompts et les plus efficaces pour faire rentrer dans les caisses publiques les assignats de plus forte somme qui doivent être supprimés, et de redonner un commencement de .circulation aux espèces effectives?
5° Je prouverai les avantages, la facilité et la certitude de l'exécution de mon projet.
Je ne fatiguerai pas, Messieurs, votre attention par de longs raisonnements.
Si mon système paraissait bon et utile," je pourrais lui donner de plus grauds développements.
Pour la solution de la première question, je fais un pas rétrograde, et j'examine quelle était la somme du numéraire en France avant la Révolution,
Toutes les notices données par les gens les plus instruits dans cette partie, me disent que le numéraire de France, en or et en argent, pouvait être évalué environ 2 milliards 300 millions.
Or, si, avant la Révolution, cette valeur numéraire suffisait pour tous nos rapports extérieurs et intérieurs, le conclus que la même masse de numéraire réel ou fictif doit suffire à nos besoins actuels.
Le numéraire existe-t-il ou n'existe-t-il pas en France?
Ce problème est facile à résoudre. Les causes du défaut de circulation du numéraire sont trop connues pour que l'œil du plus simple observateur n'aperçoive pas qu'elles existent dans les craintes pusillanimes des bons et simples citoyens, les combinaisons anti-sociales des vrais ennemis de la Constitution, et la cupidité abominable des agioteurs.
Les uns, effrayés des mouvements inséparables dune grande révolution, et ne sachant pas les
calculer, enfouissent leur or, auquel ils attachent le prix de leur existence. Leur imagination ainsi égarée ne leur permet pas d'observer que ce prétendu moyen de salut n'est propre qu'à hâter leur ruine, et prête d'ailleurs les armes les plus puissantes aux ennemis du bien public.
Les autres, entraînés par un vil intérêt, par une avarice sordide, par une cupidité abominable, oubliant qu'ils sont citoyens, et que cette qualité les expose nécessairement a partager les malheurs que leur insatiable soif ae l'or peut occasionner, abusant des circonstances, alimentent les craintes des bons et simples citoyens, répandent des bruits perfides, jettent à dessein un discrédit sur les assignats, et osent sucer ainsi le sang du peuple par les effets révoltants d'un infâme agiotage.
Il est une troisième classe de citoyens vrais ennemis de la Révolution, qui, dirigés par la mauvaise foi, cachent, par système, leurs trésors, resserrent leurs dépenses, ne rougissent pas de faire à leur vengeance les sacrifices qu'ils refusent à leur patrie, notre mère commune, et cherchent, par ces iniques moyens, à affamer le royaume. Heureusement ces mauvais citoyens ne forment pas le plus grand nombre.
Telles sont, Messieurs, les principales causes non de la rareté, mais de la disparition momentanée du numéraire.
Voulez-vous en détruire les effets ? rassurez les premiers par le tableau consolant des richesses nationales, et cherchez à les augmenter. Otez aux seconds lés moyens d'exporter notre or au delà des, frontières. Il ne restera aux der-r niers que la rage et le désespoir produits par l'envie impuissante de nuire.
Je ne vous peindrai point ici le sentiment d'horreur que doit inspirer à toute âme délicate le trafic odieux de l'agiotage. Oe toutes les impressions qu'a faites sur moi, arrivant à Paris, le tableau hideux de ce fléau destructeur, je ne vous en présenterai qu'une.
Quand je passe au milieu de la place Vivienne, et dans les rues qui y aboutissent, et qu'une foule de citoyens, vendus par le besoin à ces affreuses.spéculations, me harcelant de partager leur ignominie, insultent à la misère du temps avec dés sacs de louis et d'écus, je me dis à moi-même : voilà l'argument le plus fort contre la rareté du numéraire; voilà la preuve la plus convaincante que nous avons encore notre or et notre argent.
Mais comment arracher de ces mains rapaces cette monnaie vivifiante, et la redonner à la circulation? Je vous avoue franchement. Messieurs, que, s'il ne fallait pas ajouter une nou-velle crise à tant d'autres qui nous environnent, je n'hésiterais pas d'avancér que le moyen le plus puissant de faire sortir le numéraire, serait celui de supprimer tous les assignats, en prenant les mesures convenables pour que ceux qui les possèdent, en retirassent leur juste remboursement; parce que je tiens au principe que, tant que la première loi sociale, celle de la propriété, sera respectée, il y aura nécessairement des vendeurs et des acheteurs, dès débiteurs et des créanciers, qu'alors il faudra nécessairement un signe représentatif de nos échanges réciproques, et que quand le papier manquera, l'argent reparaîtra nécessairement tout de suite.
Je dirais encore que si, la veille de l'émission des assignats, nous éprouvions plus de gêne dans les finances de l'Etat, que dans la circulation du numéraire, nous serions, le lendemain de leur
suppression, dans la même position pour la circulation, et dans une position plus favorable par rapport à la dette publique, dont les assignats ont déjà acquitté une partie.
Je sens bien que ce premier moment serait peut-être celui d'une forte commotion ; aussi je me garde bien de vous le proposer dans les circonstances : je vous Jprie seulement de le prendre en grande considération, et d'adopter, en attendant un temps plus favorable, les mesures qui pourront vous y conduire progressivement.
C'est d'après ces considérations, que je pose pour première base de mon système, qu'il ne îaut laisser en circulation que 900 millions de petits assignats. Cette masse sera complètement suffisante, et même plus forte que celle que nous avions avant la Révolution, parce qu'il est invraisemblable que le numéraire exporté, ou par le change chez l'étranger, ou par l'exportation réelle faite par les émigrants, puisse s'élever à 900 millions. Toute discussion de détail à ce sujet serait inutile, et je ne crois pas qu'on puisse là-dessus former le moindre doute.
J'adonte avec d'autant plus de raison la fixation à 900 millions, que nous pouvons en remplir l'objet avec les assignats qui sont en émission, et ceux dont la fabrication est ordonnée par les décrets précédents.
La considération si souvent donnée à la tribune, que nous ne devons pas craindre les suites d'une grande émission d'assignats, parce que nous sommes encore bien au-dessous de la valeur des biens nationaux qui en sont le gage, est, à mon avis, bien faible; je dirais presque dangereuse : car, indépendamment de Ce que l'expérience nous apprend que le numéraire devient plus rare en proportion de ce que l'émission des assignats augmente, que plus l'on en prolonge le cours, plus on donne du temps à la contrefaçon et à l'agiotage, dont les suites sont si funestes, et peuvent l'être encore davantage (1), on peut dire avec vérité, qu'une nation qui n'est riche qu'en papier, est bien pauvre et bien malheureuse, surtout lorsque d'une part ce papier essuye dans sa circulation intérieure un agiotage révoltant, et que, de l'autre, il ne peut servir pour les rapports extérieurs qu'avec un désavantage plus grand encore.
Pesez, Messieurs, réfléchissez à ces considérations, et tirez-en les conséquences qui se présentent naturellement. Pour enrichir quelques citoyens, faut-il appauvrir tous les autres?
Opposera-t-on à mon système de réduction de la masse des assignats, que,
depuis l'époque de leur émission, nos manufactures nationales ont pris
une activité étonnante? Hélas ! je n'en suis pas surpris, et mon vœu le
plus ardent serait de pouvoir compter sur la durée de cet avantage
phosphorique. Mais je remarque malheureusement que cette activité ne
peut être qu'éphémère, qu'elle ne prend sa source que dans les craintes
irréfléchies des porteurs d'assignats qui, par défaut de confiance,
achètent à tout prix des marchandises et des denrées qu'ils amoncellent
sans
Je compare cette agitation momentanée de nos manufactures aux mouvements convulsifs produits par un accident violent, qui conduit bientôt l'individu qui en est attaqué, à la paralysie ou à la mort.
Je la considère encore non comme une prospérité, mais comme une adversité nationale. C'est une guerre intèstine que nous nous livrons, c'est le combat de l'intérêt, de citoyen à citoyen, dans lequel quelques-uns s'enrichissent, et une foule d'autres se ruinent. Le commerçant et le manufacturier ne perdent jamais rien dans cette lutte, parce que le prix de l'achat et de la main-d'œuvre est le régulateur de celui de la vente : et en dernière analyse, le propriétaire et le consommateur en sont les seules victimes ; et ces deux classes pourtant forment le plus grand nombre.
L'objection que je viens de réfuter pourrait faire quelqu'im pression dans une seule hypothèse, celle où nous pourrions nous contenter de nos fabrications et de nos productions indigènes ; mais, soyons de bonne foi, ce temps désiré par la saine philosophie n'est pas encore venu, et tant que le luxe effrayant qui nous tourmente^ nous fera un besoin des productions et marchandises étrangères, l'intérêt de notre commerce exigera d'autres calculs.
Tout concourt donc à nécessiter la réduction de la masse circulante des assignats.
Quélles sont les valeurs et coupures que vous devez donner aux assignats ?
La question ne m'avait jamais paru problématique. Pour qu'une monnaie fictive puisse produire sans secousse, ni convulsion, le même effet que la monnaie réelle, je me disais toujours qu'elle devait présenter aux citoyens les mêmes facilités que la monnaie dont elle est le signe représentatif, c'est-à-dire que la valeur devait être ou la même, ou la plus rapprochée possible de la valeur de la monnaie réelle.
L'Assemblée nationale a adopté ce principe, et il n'y aura certainement plus de difficulté de décréter que les assignats circulants ne puissent plus être d'une valeur au-dessus de 50 livres, ni au-dessous de 10 sols, en suivant les proportions.
En effet, tous les intérêts du manufacturier, du commerçant, du cultivateur et des autres citoyens seront remplis par l'émission abandon-dante des petits assignats de 50 livres et àu-des-sous, qui donne à chacun la facilité de faire face, sans aucune perte, à toutes les dépenses de main-d'œuvre et de détails, et par la suppression de tous les assignats au-dessus de oO livres, qu'on ne peut échanger qu'avec des pertes énormes, dont le contre-coup porte un préjudice si visible à la chose publique; car on ne peut pas se dissimuler que l'agiotage prend sa source principalement dans la grande disproportion qu'il y a entre la valeur des assignats et celle des espèces réelles. Faites disparaître cette différence, ne laissez en papier dans la circulation que des valeurs correspondantes aux louis,
aux écus et aux pièces d'argent, et vous aurez presque terrassé ce monstre social.
Une considération infiniment importante vous le commande encore, c'est qu'en supposant la possibilité d'une contrefaçon, les dangers et les pertes, dans le système des petits assignats, deviennent presque nuls pour le citoyen qui a le malheur de trouver dans ses mains un faux assignat, au lieu qu'en laissant subsister les gros assignats, la fatalité du sort peut en faire tomber un faux entre les mains d un citoyen pauvre, qui sera ruiné par la perte que ce faux assignat lui fera essuyer.
Il est donc dans les principes de la politique, de la prudence, de la raison et de l'humanité, que les assignats circulants soient pour le maximum fixés à une valeur de 50 livres, et pour le minimum à celle de 10 sous.
Les banquiers et les commerçants seront peut-être tentés de s'élever
contre le système de réduction des assignats, et plus encore contre la
suppression des gros, sous le spécieux prétexte de la grande facilité
qu'ils donnent pour les payements, ils n'oseront pas dire pour
l'agiotage. Mais pourquoi abusent-ils si cruellement de cette monnaie
?lls n'auront aucune raison légitime de se plaindre. Ils avaient des
louis et des écus, ils auront des assignats de même valeur. Si les
payements faits en assignats prennent plus de temps que ceux faits en
espèce, faut-il que, pour épargner à chaque maison de banque ou de
commerce un ou deux commis pour cette opération mécanique, tous les
autres citoyens soient journellement écrasés par l'agiotage? L'opinion
publique décidera cette question (1).
Cette disposition répond d'avance à l'objection qu'ew supprimant entièrement les assignats, on paralyserait la vente qui restera à faire des biens nationaux après le premier janvier 1792.
Mon système prend même une nouvelle force contre cette objection,
puisqu'il tend à multiplier les moyens d'achat de ces biens par un mode
d'échange, qui, en remplaçant les assignats par une masse de contrats
correspondante a celle des annuités dont on fera l'acquisition,
Il remplit aussi une autre vue de bien public, celle d'alimenter les caisses nationales, de laisser à la nation la libre disposition des petits assignats qui pourront être employés directement à tous les objets de service, sans passer par l'échange, et ae redonner vraisemblablement un commencement de circulation aux espèces réelles.
Voici, d'après ces considérations, Messieurs, les moyens que j'ai eu l'honneur de vous annoncer. Ils consistent à décréter :
Que tous les porteurs d'assignats de 50 livres et au-dessus, seront reçus et auront le droit de les échanger, dans tous les districts du royaume, contre les annuités et obligations qui restent ou resteront dues du prix des biens nationaux vendus ou à vendre;
Que cet échange opérera de plein droit en faveur des parties prenantes, la subrogation à tous les droits de la nation, vis-à-vis des acquéreurs desdils biens ;
Que l'achat de ces annuités et obligations pourra être fait également avec des espèces effectives;
Et que les acheteurs de ces effets nationaux, cessionnaires ou ayants-cause pourront les donner en payement du prix des biens nationaux qui resteront à vendre.
On m'objectera, sans doute, qu'en diminuant la masse des assignats, et en autorisant l'échange et l'achat des annuités, je fais gagner aux acquéreurs l'intérêt de ces annuités, que je fais perdre à la nation.
Et quand cela serait, ce calcul est-il fait pour des législateurs? La loi d'une bonne politique sépare-t-elle ainsi l'intérêt du citoyen, de celui de la nation? La nation peut-elle perdre dans les profits que font les individus qui la composent? N'a-t-elle pas mille moyens de s'en récupérer?
Indépendamment de ces grandes considérations, il est facile de démontrer que la nation ne fait aucune perte réelle dans cet échange, et que l'objection ne pourrait, en quelque sorte, faire allusion, que dans le cas où les annuités, ainsi vendues ou échangées, ne laisseraient après elles aucune trace, aucun moyen de prospérité; mais remarquez, Messieurs, que ces annuités se métamorphosant en effets libres et disponibles, leurs divisions, sous-divisions, et toutes les autres ramifications qui en seront une dépendance, dans les ventes, cessions, successions et autres actes sociaux, donneront une augmentation considérable au produit d'enregistrement; qu'en augmentant la masse des richesses individuelles, elles augmenteront l'aisance des citoyens, et, par une conséquence nécessaire, l'imposition mobilière.
Que d'ailleurs si, comme il y a tout lieu de l'espérer, les annuités sont
achetées en grande partie avec des espèces réelles (1), la nation se
Enfin, que l'on daigne comparer la perte de 25 ou 30 0/0 qu'essuient actuellement les assignats, avec la perte prétendue de l'intérêt des annuités; et tout homme qui calculera avec froideur et désintéressement 1 intérêt du peuple, repoussera avec indignation l'idée de l'objection que je réfute.
Le projet de décret que je propose à la suite de mon opinion, calquée sur ces bases, me paraît infiniment utile, surtout dans les circonstances présentes, où nous avons plus que jamais besoin d'avoir des fonds considérables à notre disposition.
11 présente, de plus, une foule d'avantages dont je vais donner un développement rapide.
Je dis d'abord que l'intérêt politique de la nation se rencontre dans ce système. En voici les raisons :
Les caisses publiques sont presque vides. Les impositions entrent lentement. Il y a des sommes immenses à recouvrer et à dépenser. Tout ce qui tend à procurer les fonds indispensables au service courant, par le seul emploi de nos propres ressources, est donc d'un intérêt vraiment politique.
J'ajoute que, par le moyen que je propose, vous créez, dans un instant, une masse considérable de richesses qui, quoique fictives, sont aussi précieuses que les richesses réelles de territoire et de commerce, puisqu'elles sont hypothéquées sur des fonds. Je m'explique.
La nation est créancière d'environ 1,100 millions du restant, prix des biens nationaux vendus. Elle la sera encore d'une somme considérable par la vente de ceux qui restent à aliéner.
Ces créances, entre les mains de la nation, ne lui servent que de moyen de payer sa dette, et c'est un fonds perdu pour le commerce. Rentrent-elles dans les caisses publiques? Les assignats donnés en payement sont brûlés, et remplacés par d'autres assignats qui viennent encore entraver la circulation du numéraire et alimenter l'agiotage.
Supposez actuellement ces mêmes créances entre les mains des particuliers, par l'échange que je propose, leur valeur qui se serait éteinte par le payement du débiteur, devient, pour ceux qui les achètent, une propriété dont ils peuvent disposer. Elles renaissent, pour ainsi dire, des cendres des assignats employés à les acheter; et leur consistance devient d'autant plus précieuse qu'elle est à l'abri de la malveillance et de la fraude.
Sous ce rapport, l'intérêt politique reçoit donc un second avantage dont les ramifications sont incalculables.
Par ce moyen, vous liez plus de citoyens à la chose publique, dans toutes
les parties du royau me; et, par cette association générale, vous
detruisez
Par ce moyen encore, vous détournez les porteurs d'assignats de l'emploi qu'ils en fout à acheter, à tout prix, des denrées et des marchandises de toute espèce; ce qui est une des principales causes de la hausse effrayante de tous les comestibles.
L'exécution de ce mode d'échange procure aussi, en peu de temps, l'anéantissement des gros assignats qu'il est si intéressant de retirer de la circulation ; mais il a, sur tous les autres modes proposés, l'inappréciable avantage, qu'il n'enlève aucun petit assignat des caisses publiques ; et qu'il laisse, dans le commerce libre et disponible, ce qu'il retire de la circulation forcée et dangereuse.
Ce projet présente, de plus, la même facilité d'échange à tous les citoyens dans toutes les parties de l'Empire, et établit partout une égalité parfaite dans la circulation des assignats, attendu que les dépenses publiques pour les frais de culte, d'administration etautres, ne se faisant plus qu'en petits assignats, la répartition se met d'elle-même a son véritable niveau, et devient relative aux besoins de chaque localité.
Enfin, il ajoute une nouvelle faveur à la vente qui reste à faire des biens nationaux, puisqu'il crée des effets, qui suppléent aux assignats, d'une manière insusceptible des inconvénients graves que le cours des assignats nous fait éprouver.
J'ai dit que les fortunes particulières des citoyens reçoivent, de l'exécution de ce projet, une amélioration incontestable ; et, à cet égard, Messieurs, vous prévenez mes observations.
Chacun sait que les gros assignats sont principalement entre les mains des riches particuliers qui, pour la plupart, ne sont propres, ni au commerce, ni à l'agriculture.
Le plus grand nombre n'attend que le moment de pouvoir les placer d'une manière sûre et utile.
Les corps et les provinces n'empruntent plus, puisqu'ils n'ont plus etnè peuvent plus avoir aucune existence. On remboursera au contraire leurs dettes. La nation n'empruntera jamais. Elle n'aura jamais recours à cette fatale ressource des règnes précédents, dont nous avons été, dont nous sommes encore les victimes, et qui ne nous offrirait qu'une perspective désespérante, si cette faute heureuse ne nous avait pas valu la Constitution qui nous en vengera.
Il est donc certain qu'en adoptant {le mode d'échange que j'ai l'honneur de vous proposer, vous verrez venir en foule les porteurs d'assignats se contester la préférence pour l'achat des annuités.
Vous ferez renaître la consolation dans l'âme de ces pères de famille, dont presque toute la fortune est actuellement en assignats, et qui sont continuellement placés entre la crainte et l'espérance par l'effet des suggestions perfides des ennemis delà Révolution.
Et, certes, cette considération n'est pas à dédaigner; car cette ville, plus que toute autre du royaume, nous offre une multitude de familles qui ne vivent que des rentes de leurs capitaux. Toutes les ressources leur sont enlevées sous ce rapport, ne les privez donc pas de la seule qui leur reste, et qui est en outre impérieusement commandée par les circonstances et l'intérêt général.
Mais, si les porteurs d'assignats y trouvent
l'avantage de pouvoir les faire fructifier, les acquéreurs des biens nationaux y trouvent aussi celui d'une grande facilité pour leur libération; et je vais encore vous parler ici d'après les connaissances de notoriété publique.
Les ventes des biens nationaux ont été consommées dans la majeure partie du royaume, avec la plus grande célérité. Nous avons tous été témoins que, presque partout, le prix en a été porté au delà ae celui de l'estimation.
Le concours des offrants a pu, en général, produire cet effet; mais aussi l'on peut dire que les biens nationaux étant presque tous dans un état d'abandon, les acquéreurs les ont plutôt considérés dans l'état d'amélioration qu'ils se proposaient de leur donner, que dans celui de dégradation où ils les trouvaient.
D'après ce calcul, ils se sont livrés à des dépenses, à des réparations considérables, qui pourront peut-être leur enlever le moyen de payer les annuités à leurs échéances.
Vous connaissez, Messieurs, les lois rigoureuses contre les acquéreurs qui ne rempliront pas leurs engagements aux termes portés par les délivrances. D'après les décrets, ils sont dans le cas d'être dépouillés par la voie de la folle enchère, et voir ainsi, dans un moment, leurs espérances détruites, et le fruit de leurs travaux perdu, parce qu'il leur sera impossible d'obtenir un at-termoyement de la nation ; et que mille causes puisées dans toutes les passions locales, feront perdre tout crédit à celui qui n'aura pas sous sa main le moyen de payer.
Supposez, au contraire, que les annuités sont la propriété d'un capitaliste. Ce dernier,, satisfait de l'intérêt qu'il retire, intéressé à laisser son capital entre les mains de l'acquéreur, l'encouragera et. lui facilitera même les moyens de plus-grandes améliorations. Et voilà comment, sous ce nouveau rapport, l'échange des annuités tournera à la prospérité territoriale, qui est la seule richesse réelle, et la source de toutes les autres.
J'ai avancé que le décret que je propose produira l'effet le plus certain et le plus prompt. Et comment ne le produirait-il pas? l'intérêt, ce puissant mobile des actions humaines, le commandera à tout le monde. Quel est le citoyen porteur d'un assignat qui n'aimera pas mieux l'employer à l'acquisition d'un effet qui lui produira l'intérêt à 5 0/0, que de le garder dans son portefeuille, et courir tous les risques que la malignité enfante. Car, prenez la peine, Messieurs, ae comparer la condition du porteur d'un assignat, à celle du porteur d'une annuité.
Le premier n'a que la garantie générale de la nation, sans doute bien respectable.
Le second a, de plus, la responsion spéciale de l'effet vendu, des améliorations qu'il a reçues, et l'hypothèque générale sur tous les autres biens de l'acquéreur.
L'un a dans les mains un effet infructueux, sujet à toutes les vicissitudes du commerce et de la politique.
L'autre jouit, dès le jour de l'échange, d'un intérêt exempt de toute retenue, et son capital est attaché au sol qui ne peut disparaître qu'avec le bouleversement entier de la nature.
On m'objectera peut-être que celui à qui l'assignat est nécessaire pour ses besoins journaliers, ne cherchera point à én faire un capital.
J'aurais plusieurs réponses victorieuses à faire à cette objection; mais je me borne à trois observations.
La première, que ceux qui sont dans le besoin, ne sont pas ordinairement les porteurs des gros assignats. '
La seconde, que, quand même il leur en tomberait quelqu'un entre les mains, ce nouveau mode d'échangé, en multipliant les moyens de les échanger d'une manière utile, diminuera néces-rairement les profits de l'agiotage; et la troisième, que cette petite considération ne serait que momeutanée, parce que les gros assignats seront, dans peu ae temps, retirés de la circulation.
Les mêmes considérations détermineront sans doute ceux qui ont enfoui leur or, à l'employer plus utilement pour eux et pour la chose publique, en achetant des annuités ; car il est temps de bannir tout sentiment de crainte et de défiance, et de croire à l'esprit public et au patriotisme dont les accents énergiques se font si souvent entendre de toutes les parties de l'Empire.
Enfin, substituer à une monnaie fictive et forcée, des effets libres et disponibles, donner à ces derniers la même hypothèque sur les biens nationaux vendus, et le même avantage pour l'acquisition de ceux qui restent à vendre ; soustraire les uns à tous les dangers et inconvénients des autres, surtout à toute possibilité de contrefaçon, déterminer un mode d'échange utile à la nation collective et à chaque individu, prendre un milieu entre l'abondance et la rareté du numéraire réel ou fictif, deux positions qui présentent également des inconvénients, et offrir aux citoyens qui ont resserré leur or et leur argent, le moyen de le faire fructifier avec sûreté et avantage, voilà les vues qui ont dirigé mon opinion. Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est instant de fixer définitivement la masse et la valeur des assignats destinés à ^circulation, de raffermir la confiance aue méritent la garantie de la nation et la solidité de l'hypothèque expresse et spéciale qu'ils ont sur les biens nationaux, d'établir les bases qui doivent préparer la cessation du cours forcé des assignats, et de retirer de la circulation les gros assignats, par les moyens les plus prompts et les plus efficaces, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La masse des assignats, destinés
à la circulation, sera définitivement fixée et réduite à 900 millions.
« Art. 2. La coupure et division des assignats circulants ne pourra être au-dessus de 50 livres, ni au-dessous de 10 sols, et sera faite, conformément aux précédents décrets, ainsi que suit : « Assignats de 50 1. 100,000,000 1.
de 25 100,000,000
de 10 100,000,000
de 5 200,000,000
de 50 s. 100,000,000
de 25 100,000,000
de 20 100,000,000
de 15 50,000,000
de 10 50,000,000
900,000,000 L
« Art. 3. Les assignats ainsi divisés seront employés directement à tous les objets et dépenses de service public, en suite d'un décret du Corps
législatif, qui en ordonnera l'émission et le versement dans la caisse de l'extraordinaire, et en indiquera la destination.
« Art. 4. Pour faciliter larentréedans les caisses publiques des assignats qui doivent être retirés ae la circulation, et en effectuer l'échange par un mode prompt, utile, et à la portée dé tous les citoyens, indépendamment des modes d'échange déjà décrétés, les porteurs d'assignats de 50 livres et au-dessus seront reçus et [auront le droit de les échanger contre les annuités et obligations provenant du prix des biens nationaux, vendus et à vendre dans tous les districts du royaume.
« Art. 5. Lesdites annuités et obligations pourront pareillement être achetées avec des espèces effectives, et en cas de concours, les acheteurs en espèces seront préférés aux porteurs d'assignats.
« Art. 6. Il sera tenu, dans chaque district, un registre coté et paraphé selon les formes légales, dans lequel lesdits échanges seront constatés par un acte ou procès-verbal reçu par le secrétaire du district, eh présence d'un membre de l'administration, et signé par la partie prenante, si elle fait et peut signer, sinon il en sera fait mention.
« Art. 7. Les échanges ou achats, ainsi constatés, opéreront de plein droit la subrogation à tous les droits de la nation, vis-à-vis des acquéreurs des biens nationaux, en faveur des parties prenantes, lesquelles seront tenues de déposer, sur le bureau, les assignats ou espèces qui seront le prix de l'échange, avant la clôture ae l'acte qui constatera en même temps la remission desdits assignats ou espèces, faite de suite au receveur du district, qui sera présent à l'àcte, et le signera.
« Art. 8. Les échanges et achats des annuités et obligations ne pourront avoir lieu que pour une annuité ou obligation complète, et non pour une fraction d'annuité.
« Art. 9. Comme l'intérêt se trouve compris et confondu avec le principal, dans la division des annuités, les comités des finances réunis dres-seront incessamment un tableau, qui sera annexé au présent décret, des déductions progressives que chaque annuité devra éprouver, selon l'époque de l'échangé ou de l'achat, de manière que 1 acquéreur de l'annuité ne paye que le principal, et profite de l'intérêt, ainsi que le délivrataire qui en aurait anticipé le paiement.
« A l'égard des obligations dans lesquelles l'intérêt est distinct et séparé du principal, l'acquéreur ne payera, outre le principal, que le prorata de l'intérêt couru jusqu'au jour ae l'échange ou de l'achat.
« Art. 10. Les assignats et espèces provenant des dits échanges et achats, seront versés, ainsi qu'il est porté à l'article 7 du présent décret, ans les caisses du district de la situation des biens qui en seront l'objet.
« Art. 11. Les receveurs de district, à fur et mesure des versements des assignats et espèces dans leurs caisses, annuleront les assignats, lors de la passation de l'acte, en présence de la partie prenante, et le membre de l'administration qui y aura assisté, à l'exception des assignats de 50 livres, enverront, à la fin dé chaque mois, les espèces à la caisse de l'extraordinaire, ainsi que les assignats annulés, lesquels seront brûlés selon les formes établies par les précédentes lois pour le brûlement des assignats provenant du prix des biens nationaux.
« Art. 12. Les assignats de 50 livres qui auront été donnés dans lesdits échanges, seront envoyés intacts par lesdits receveurs, en même fin de mois, à la caisse de l'extraordinaire, pour y être employés au service de ladite caisse, jusqu'au concurrent des 100 millions destinés à la circulation ; le surplus sera brûlé dans les formes prescrites par les décrets.
« Art. 13. (1) Après l'expiration de 6 mois à compter du jour de la publication du présent décret, les porteurs d'assignats ne seront plus reçus à l'échange autorisé par l'article 4.
« Art. 14. (1)". Il sera accordé une remise ou prime d'encouragement, aux acquéreurs des biens nationaux qui anticiperont les termes de leurs paiements, telle qu'elle sera fixée par l'As-semblee nationale, suivant le tableau qui lui sera présenté par ses comités de finances, auxquels cet article est renvoyé, pour en faire rapport dans la huitaine.
« Art. 15. L'Assemblée nationale déclare qu'à l'époque où la nation aura été entièrement payée du prix des biens nationaux vendus jusqu au 1er janvier 1792, ou par l'effet des paiements anticipés des acquéreurs desdits biens, ou par l'effet des achats et échanges des annuités, autorisés par le présent décret, le cours force des assignats devra cesser, et n'avoir plus lieu que dans les acquisitions de biens nationaux, ou des annuités qui resteront dues à la nation du prix desdits biens vendus et à vendre, en quelque temps que ce soit, se réservant d'y statuer alors par une loi expresse.
« Art. 16. Les annuités acquises en vertu du présent décret, seront reçues pour comptant, soit de la part des premiers acquéreurs, soit de leurs héritiers, légataires, cessionhaires ou ayants-cause, dans les acquisitions des biens nationaux qui restent à vendre.
« Art. 17. Le présent décret et le tableau qui doit y être annexé seront, à la diligence du pouvoir exécutif, et sous sa responsabilité, envoyés dans le plus court délai possible à tous les départements, districts, municipalités èt tribunaux du royaume ; et, à cet effet, il sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Le projet est susceptible de beaucoup d'autres développements, et de
plusieurs articles additionnels dont je n'ai cru devoir m'occuper
qu'autant qu'il sera accueilli favorablement. S'il est combattu, je
m'engage de répondre à toutes les objections qui ne me paraîtront pas
fondées ; mais, si la réfutation porte dans mon esprit et dans mon cœur
la conviction que je me suis trompé, je me condamne d'avance au silence.
Le pur amour du bien public a conduit mon système, il sera facile de le
reconnaître. Le même sentiment m'y fera renoncer sans regret, si l'on me
prouve que je suis dans l'erreur. .
Je pense pourtant qu'un moyen si simple, et si fort dans l'ordre ordinaire des choses, ne point être regardé comme prématuré.
Il est si naturel d'employer ses propres ressources à tous ses besoins, sans recourir à des moyens dont on a déjà senti les dangers et les inconvénients, que ce serait fermer les yeux à l'évidence que ae renvoyer plus loin la discussion du fond de mon système, pour y apporter telles modifications que l'intérêt public commandera. Je suis si pénétré de son utilité, que je le considère comme la seule planche salutaire que la nation doive embrasser le plus tôt possible, au milieu de la mer orageuse qui agite si violemment les affaires publiques.
Le rapport fait par le ministre de la justice, dans la séance du 2 janvier, relativement aux diverses procédures qui s'instruisent dans plusieurs tribunaux, sur les faux assignats, est bien propre à désiller les yeux sur les dangers infinis de la contrefaçon, et à ralentir l'ardeur et le courage trop patriotique de ceux qui, de bonne foi, ne cessent de proposer de nouvelles émissions de cette monnaie. {Vifs applaudissements.)
Les vues développées par le préopinant me paraissent devoir mériter toute l'attention de l'Assemblée. Je demande en conséquence l'impression de son discours et de son projet de décret.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Philibert.)
Un membre : Je propose le renvoi des nouveaux principes présentés par M. Philibert au comité de l'extraordinaire des finances.
Les vues que vient de vous présenter M. Philibert sont certainement grandes et méritent la plus sérieuse attention. Mais elles s'appliquent plus particulièrement au rétablissement du crédit en général, tandis que le projet du comité me paraît porter sur des objets de détail qu'il est essentiel de fixer en ce moment. C'est à raison de cela que je demande que l'on ajourne, au moins à 8 jours, la question ainsi posée : « Quels sont en général les moyens pour rétablir le crédit sur les assignats? » Là on discutera, non seulement la mesure de M. Philibert, mais encore celles qui peuvent être différentes, ou qui peuvent avoir quelques rapports avec la sienne. J'observe encore, Messieurs, que cela ne vous oblige pas à renvoyer la discussion du projet de décret du comité, parce que le comité de l'extraordinaire des finances vous propose deux mesures très distinctes de ce dont parle M. Philibert, et de ce dont pourront parler les autres orateurs qui présenteront des observations sur ces projets.
Ces deux mesures ne tendent uniquement qu'à engager l'Assemblée nationale à décréter que l'on échangera les gros assignats contre des coupures depuis 50 livres jusqu'à 50 sols ; et c'est précisément ce qu'a demandé "M. Philibert. C'est là une mesure qui, dans tout état de cause, sera toujours nécessaire. Le comité vous proposé encore de prendre des moyens pour que la contrefaçon des assignats soit très difficile. Or, ces moyens-là doivent être adoptés, quelles que soient es mesures que vous preniez ensuite pour
l'émission des assignats. Ainsi, je ne vois aucun inconvénient à discuter dans ce moment les mesures que propose le comité, mais je propose d'ajourner à 8 jours les moyens généraux pour rétablir le crédit des assignats. (Applaudissements.)
Vn membre ï Je demande à motiver la question préalable sur le projet du comité.
Un membre : Je demande qu'on discute le projet du comité article par article.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je pense qu'il n'est pas possible de discuter le projet du comité article par article, car on ne peut pas se dissimuler, Messieurs, que le projet du comité de l'extraordinaire des finances vous présente l'ensemble d'un plan que vos comités vous proposeront peut-être dans 15 jours de détruire. Je reconnais dans le projet qui vous a été présenté, plusieurs dispositions aui sont très bonnes, et plusieurs sur lesquelles faudra avoir une maturité de délibération, que peut-être nous ne sommes pas en état d'avoir. Je dis donc qu'il faut écarter la majeure partie des articles du projet de décret présenté par le comité de l'extraordinaire des finances, et qu'il faut les renvoyer à un temps plus opportun, c'est-à-dire lorsque vos comités vous présenteront un plan général pour rétablir le crédit des assignats.
Il est cependant, dans ce projet, desarticles que vous pouvez admettre dès à présent. Ce sont les articles qui tendent à la perfection des assignats. Ainsi, en bornant quant à présent la discussion à cette partie du projet, je demanderais qu'on mit successivement aux voix les articles commençant à l'article 10 et finissant à l'article 16.
, rapporteur. Ce que viennent de dire les préopinants, prouve qu'il est nécessaire de discuter le projet article par article, parce qu'à mesure que vous rencontrerez un article, tenant à des questions principales, que vous ne croirez pas assez éclaircies, vous pourrez l'ajourner pour le traiter avec l'objet principal. Vous traiterez ainsi successivement les articles du projet de décret. Je demande donc que le projet soit discuté article par article.
Je regrette, comme M. Philibert, que l'Assemblée constituante ait détruit les annuités que les meilleurs citoyens et les hommes les plus instruits en finances regardent comme un système infiniment avantageux. Mais ce n'est pas la question qui doit nous occuper en ce moment.
Je crois que les articles qui tendent à vous faire décréter un système monétaire, et ceux qui tendent à vous faire" décider qu'il y aura une nouvelle fabrication, sont inutiles ; ils ne pourraient que vous entraîner à une nouvelle dépense. J'Observe encore que, par des décrets déjà rendus et devenus lois, le maximum des coupures d'assignats est fixé à 50 livres et le minimum à 10 sols. Nous devons adopter alors l'opinion de M. Dorizy, et nous occuper : 1° de remplir les valeurs qui manquent dans nos assignats;^"adopter les principes du comité pour pouvoir lés reconnaître, au cas qu'on les imite, car s'il est possible de rendre très difficile la contrefaçon des assignats c'est déjà en diminuer le discrédit et d'ailleurs il importe de prouver que la contrefaçon n'est pas aussi considérable qu'on le dit. En conséquence! je demande la question
préalable sur les 9 ou 10 premiers articles, et qu'on adopte tous les autres.
J'observe que la discussion dégénère en système; la refonte générale proposée ne peut s'effectuer que dans un temps très long. J'ajoute qu'il s'agit surtout dans ce moment de garantir fes receveurs des districts de recevoir ae faux assignats. Je demande que le projet du comité soit discuté article par article.
Plusieurs membres :La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et décide qu'elle ne s'ouvrira que sur les articles qui ont rapport à la contrefaçon des assignats.)
(La discussion est interrompue.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, par laquelle il réclame des secours en faveur de la Martinique et envoie copie certifiée de lettres de MM. Linger et Mondunois, datées du 20 décembre dernier, de MM. de Béhague et Petit, du 21 décembre ; de M. Petit, du même jour, et de M. de Béhague du 22 du même mois; cette lettre est ainsi çonçue :
« Paris, le 26 février 1792.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer copie certifiée des lettres de MM. Linger et Mondunois, du 21) décembre dernier, de MM. de Béhague et Petit du 21 décembre, de M. Petit du même jour, et dé M. de Béhague, du 22 du même mois, et les pièces jointes relatives à un arrêté de l'assemblée coloniale de la Martinique, qui demande que les arrérages dus pour 17£8 et 1789, ainsi que le monlant.des impositions de 1790 et 1791, soient appliqués au remboursement des frais et avances faits par divers particuliers pour les besoins extraordinaires auxquels la colonie a été obligée de pourvoir pendant les troubles qui l'ont affligée pendant près de deux ans.
« Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien mettre ces différentes pièces sous les yeux de l'Assemblée nationale, et de l'inviter à manifester ses intentions, tant sur la remise demandée, que sur le remplacement des fonds qu'il faudra à mon département.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : de Bertrand. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la marine aux comités réunis des finances et colonial.)
L'Assemblée reprend la discussion du projet de décret du comité de Vextraordinaire des finances sur les mesures à prendre pour arrêter et prévenir la contrefaçon des assignats, et sur la refonte et l'échange général du papier monnaie.
Messieurs (1), vous avez déjà gêné, par de nouveaux obstacles, l'avidité
des contrelacteurs d'assignats : une meilleure combinaison, une
perfection plus grande, une augmentation plus compliquée d'attributs
dans la fabrication, décourageront l'audace de ces voleurs infâmes. Mais
la falsification n'est pas le seul danger auquel la fortune des
particuliers se trouve exposée : des sommes considérables con-
Peut-être, Messieurs, existe-t-il un moyen de les anéantir, ou au moins de les diminuer : l'exemple dès nations les plus commerçantes avertit depuis longtemps la France de la nécessité où elfe est, de mettre ce moyen en usage dans les circonstances actuelles.
Tout le monde connaît la banque d'Amsterdam, où toutes les fortunes particulières peuvent être déposées sans ralentir l'activité de la circulation et du commerce.
Cette banque ouvre des comptes sur ses registres, et elle paye, jusqu'à concurrence de la somme déposée, tous les mandats et lettres de change fournis sur elle; l'un fait transport à l'autre du tout ou d'une partie de son capital, qui peut être retiré à volonté, ou transporté au profit d'autrui.
A Paris, ce genre de dépôt n'est pas nouveau ; depuis sa création la caisse d'escompte tient des registres avec les négociants, banquiers ou capitalistes de cette ville; mais la caisse d'escompte, malgré ses capitaux considérables, ne peut pas commander une confiance universelle : comme elle ne peut subsister que par des bénéfices, elle inspire une grande jalousie; d'ailleurs, n'entretenant aucune relation au dehors, elle ne peut être utile qu'à Paris. 11 faut donc un établissement véritablement national, qui, s'élendant sur toutes les parties de l'Empire, réponde par ses relations à toutes les affaires et à tous les intérêts; qui,ne se mêlant d'aucune combinaison mercantile, inspire une confiance universelle.
Plusieurs membres observent que la question des banques n'est pas à l'ordre du jour.
Voix diverses : Parlez! parlez! Non! non!
(L'Assemblée décide que M. Haussmann sera entendu.)
Je vais, Messieurs, vous indiquer à cet égard les bases sur lesquelles je pense que ce .dépôt devrait être établi.
L'établissement aurait son centre à Paris, sous l'administration des commissaires du roi et trésorier à la caisse de l'extraordinaire, et sous l'inspection des commissaires de l'Assemblée nationale.
Comme le mot de banque rappelle des idées d'agiotage, d'intérêts et ae spéculations particulières, qui ne peuvent point avoir lieu ici, on donnerait à cet établissement le nom de dépôt public, ou tout autre qui puisse exprimer que cet établissement n'est formé que pour mettre dans la plus grande sûreté la fortune des citoyens.
Toute personne connue et domiciliée serait admise à déposer, dans cet établissement, des assignats, des monnaies, lingots d'or, d'argent, et des pierres précieuses.
A chaque déposant, il serait ouvert sur les registres un compte par entrée et sortie.
Les assignats déposés seraient annulés, c'est-à-dire frappés de grandes lettres, portant ces mots : assignats déposés ; et cela, en présence et à la vue du déposant.
Les dépôts pourraient être retirés à volonté ou transportés en tout ou en partie, en faveur de qui l'on voudrait?
Les dépôts et les virements ne pourraient jamais être au-dessous de 100 livres.
Les virements se feraient par des mandats, dont les talons et les numéros resteraient au dépôt.
Les billets et les lettres de change à vue ou à terme, tirées de France ou de l'étranger, pourraient se faire payables en valeur de dépôts, tel qu'on tire sur Amsterdam, Hambourg, et autres grandes places de commerce, des valeurs payables en banque. Dans toutes les viUes chefs-lieux de district, il serait, sur la demande expresse des habitants, formé des bureaux de dépôts particuliers sous la direction du trésorier de dis-; trict, sous l'inspection et la surveillance immédiate du premier des corps administratifs ; aux administrateurs il serait adjoint, pour cette partie, un nombre de citoyens au fait de là coihp-tabilité, et choisis par les citoyens actifs.
Les bureaux particuliers de district remettraient à la direction centrale de Paris tous les assignats qu'ils auraient reçus en dépôt, et la direction centrale de Paris garnirait chacun de ces bureaux particuliers, d'une somme d'assignats de nouvelle fabrication, suffisante aux sommes que les citoyens des districts seraient dans le cas de retirer de ces dépôts particuliers.
Il ne serait plus fabriqué d'assignats au-dessus de 25 livres, et toutes les sommes qu'on retirerait des dépôts seraient payées en assignats de 25 livres et au-dessous.
Les biens nationaux pourraient s'acquitter par des mandats, sur les fonds que les acquéreurs auraient de bon dans ces dépôts publics.
Les valeurs effectives déposées ne pourràient point être entamées ou dénaturées, mais seulement transportées en entier du compte du déposant au compte d'un autre, citoyen du même district.
Les virements en assignats pourraient s'opérer de district à district; de manière que, sans aucuû envoi d'assignats, les citoyens pussent, par lé moyen des transports d'un compte à un autre, se faire des payements d'un bout dur royaume à l'autre. %
Dans les districts il y aurait, pour les dépôts, des caisses à trois, clefs : l'une entre les mains du trésorier, les deux autres entre les mains d'un des administrateurs et d'un des citoyens choisis par les citoyens.
Les remboursements se feraient à des jours et heures fixes, et en présence du trésorier, de l'administrateur ét du citoyen élus pour cet effet.
Les dépôts seraient reçus, en tout temps, par le trésorier, qui en rendrait compte aux administrateurs et citoyens préposés. Pour chaque dépôt, transport, virement ou retraite, il serait payé au trésorier une rétribution, depuis 5 sols jusqu'à 100 sols, selon la somme ou la nature des dépôts, transports ou virements.
Cette contribution serait tellement combinée, qu'elle pût fournir aux frais de régie sans être à chargé aux personnes qui la paieraient.
Je Centrerai pas', Messieurs, dans de plus grands détails : si les bases de ce projet méritent votre attention, si vous en ordonnez le renvoi à vos comités de finance, je les développerai davantage. Mais je dois vous prévenir que les embarras dans l'exécution ne seront pas aussi considérables qu'on pourrait d'abord le penser ; qu'un teneur de livres dans les petites villes, deux ou trois dans les grandes, pourraient seuls opérer les virements et tenir les écritures;
que les dépenses ne seraient point considérables ; et que la rétribution à exiger, ainsi que cela se pratique à Amsterdam, serait suffisante sans être onéreuse.
Par ces dépôts, on préviendrait les vols domestiques, ceux de lettres» et portefeuilles ; on se mettrait à l'abri de tout accident ; les contrefacteurs ne trouveraient plus d'assignats d'une somme assez forte pour attirer leur cupidité criminelle; les citoyens, le commerce surtout, n'auraient plus d'embarras, plus de frais onéreux à payer, ou à recevoir, d un bout du royaume à l'autre, les sommes les plus conséquentes. Tels sont les avantages précieux qu'en retireraient toutes les personnes qui ont des capitaux à paver, à recevoir ou à conserver.
Ces avantages seraient bientôt appréciés par chacun; et à peine le bureau central de Paris serait-il formé, que toutes les villes du royaume demanderaient des bureaux particuliers.
Il résulterait encore de cette institution, que les anciens gros assignats seraient anéantis ; qu'il n'en circulerait plus que dans des coupures d'une somme plus petite, plus désirée par le peuple, et d'une fabrication nouvelle et bien plus difficile à imiter.
Et comme les deux tiers de la masse des assignats seraient certainement toujours en dépôt, il en résulterait aussi un grand avantage pour vos finances; le renouvellement des assignats serait moins fréquent et moins considérable, car il se bornerait aux petites sommes que les besoins journaliers du peuple exigent, et qui ne composent pas le tiers du montant des assignats.
Dans des temps prospères et de confiance plus universelle, ces établissements pourraient conduire la nation à des résultats d'avantages nouveaux pour la prospérité publique.
Enfin, Messieurs, si à ces précautions, vous ajoutez celle d'une loi qui défende l'importation dans le royaume de toute espèce d'assignats (loi que la Russie exécute avec succès à 1 égard de ses billets de banque) ; si vous établissez des punitions sévères, assurées et promptes, contre les falsificateurs, et des récompenses pour leurs dénonciateurs, il est à croire que les dangers qui accompagnaient le système des assignats se trouveront presque entièrement détruits. (.Applaudissements.) .
Si les bases de ce projet méritent votre attention, si vous en ordonnez le renvoi au comité des finances, je les développerai davantage.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Haussmann.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Haussmann et renvoie l'examen des projets de MM. Philibert et Haussmann à l'examen de ses comités réunis de l'ordinaire, de l'extraordinaire des finances et des assignats et monnaies pour lui en faire incessamment leur rapport.)
, ministre de Vinté-rieur. Dans le compte que j'ai rendu à l'Assemblée
nationale, le 18 de ce mois (1), sur la situation du royaume, après
avoir parlé des inquiétudes qui entravent la circulation des grrams dans
les départements du nord, je lui ai annoncé que je fui soumettrais
quelques mesures que je croyais propres à les dissiper. Je rappelle a
l'Assemblée
A Dunkerque, le 14 de ce mois, la révolte a été plus alarmante. Un pont a été abattu et les pierres jetées dans le canal pour l'encombrer. 10 maisons dé commerce ont été pillées et les marchandises jetées dans les rues. La loi martiale a été encore inutile. 50 personnes arrêtées ont dû être relâchées par la garde nationale qui n'a pu résister à la multitude. Les troupes de ligne n'ont pas plus dé confiance dans leurs forces. Plusieurs personnes ont été tuées ou blessées. 18 navires, chargés dans le port et prêts à partir, , ont été déchargés. 11 est possible que des causes étrangères excitent cette fermentation dans les esprits; car, à Dunkerque, on a remarqué parmi les pillards beaucoup d'étrangers conduisant les bandes d'émeu-tiers. Ils connaissaient si peu la ville qu'ils demandaient où était la maison de tels négociants qui, sans doute, leur avait été désignée par des malintentionnés. Quant à moi, je pense que ces inquiétudes ont pour cause principale lîopinion accréditée que les chargements prétendus faits pour les départements méridionaux sont portés à Plymouth ou en Hollande.
Il est possible que les craintes qu'on a en général que nos blés ne soient portés a l'étranger ne soient pas absolument dénuées de fondement. Le 4 de ce mois, j'appris par le Moniteur qu'il se faisait une exportation considérable de grains par les frontières de Savoie, de la Suisse et de Genève. Sur-le-champ, j'écrivis aux directoires des départements de l'Ain et de l'Isère pour leur demander des éclaircissements. Ils me répondirent qu'en effet les cultivateurs faisaient porter leurs récoltes en Savoie où elles étaient payées en argent et que le seul moyen de mettre un frein à l'avidité des propriétaires était d'établir un cordon non interrompu de troupes le long des frontières pour empêcher tonte exportation.
Les administrateurs du département du Nord pensent aussi que, pour prévenir toute espèce de troubles, il faut absolument défendre l'exportation sur mer. C'est aussi l'avis des commandants et chefs militaires qui représentent qu'il n'est pas prudent de démunir de grains les provinces qui sont exposées à être le théâtre de la guerre. Chaque jour apporte la nouvelle d'une insurrection alarmante. La sortie des grains entretient une fermentation dangereuse parmi le peuple et il est si inquiet sur les subsistances que ce serait compromettre la force publique que de vouloir l'employer à réprimer ces mouvements. Si la révolte est excusable, le peuple doit être excusé pour ses excès qui n'ont d autres causes que les soupçons excités à la vérité par
des malveillants étrangers, mais nourris aussi par des faits qui semblent les justifier.
Il est done urgent de détruire le principe de tant de maux. L'Assemblée jugera sans doute que l'humanité et l'intérêt général exigent que 1 on fasse quelques sacrifices pour approvisionner du dehors les départements méridionaux afin de ne pas exciter les inquiétudes des départements du Nord. La Pologne, Hambourg, 1 Amérique septentrionale, l'Italie offrent des moyens d'approvisionnement considérablès. Je ne suis embarrassé que par le prix excessif qui doit résulter de la baisse extrême de notre change. Je rappelle encore à l'Assemblée la proposition que je lui ai faite précédemment de prohiber provisoirement la fabrication des amidons. Ces mesures jointes à la prohibition de la sortie des grains par les ports des départements du Nord et du Pas-de-Calais éloigneront de nous la disette et ramèneront le calme. Je supplie l'Assemblée de s'occuper sans délai des subsistances du royaume, objet si important dans le cas où nous aurions la guerre.
Je demande le renvoi de ce mémoire aux comités d'agriculture et de commerce.
J'ai l'honnèur d'observer à l'Assemblée que les départements méridionaux manquent de grains et je propose un moyen facile pour les alimenter. La Castillé et l'Aragon regorgent de blé cette année; elles doivent ce bonheur aux pluies abondantes tombées dans le printemps, ce qui est fort rare dans ce royaume. Je proposerais, Méssieurs, que le ministre des affaires étrangères traitât avec la cour d'Espagne... (Murmures.") Ne serait-il pas possible de tirer des provinces de Castille et d'Aragon, l'excédent des denrées qu'elles possèdent? Je ne vois pas qu'il soit possible de prendre des mesures plus instantes que celles que j'ai l'honneur de vous indiquer; je demande que ma proposition soit renvoyée aux comités diplomatique et de commerce.
Parmi les ;moyens qui peuvent fixer l'attention de l'Assemblée sur un objet dé;cette importance, il en est un, je crois, que. l'on pourrait tenter avec quelque succès, et même dès ce moment. Dans le nombre des pays qui ont un superflu de grains, il en est deux liés particulièrement à la France; la Pologne d'un côté, par sa Constitution ; l'Amérique septentrionale, par la reconnaissance.
Je sais que la défaveur 4e notre change paraît s'y opposer, mais je ne crois pas impossible d'entamer des négociations avec ; une, ou peut-être même avec ces deux puissances, dont l'effet serait de faire venir dans nos ports des grains payables à deux ou trois ans de terme ; par çé moyen, vous éviteriez la défaveur du change, qui est le principal obstacle à toute grande action dans ce moment, et je ne conçois pas comment l'Amérique septentrionale, débitrice envers la France de sommes considérables, pourrait s'y refuser.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de l'intérieur et les observations de M. Brémontier aux comités diplomatique et de commerce réunis ét: leur ordonne de se concerter avec le comité central'pour présénter, jeudi mâtin, un rapport sur ces diverses propositions.)
, ministre de l'intérieur. Je prie l'Assemblée nationale de vouloir
bien se faire représenter en même temps le mémoire que j'ai eu l'honneur de lui lire, il y a, je crois, 8 jours. Il y est beaucoup parlé de l'approvisionnement. J'y avais déjà rendu un compte assez étendu de la situation des départements du Nord et de celle des départements méridionaux. Je crois qu'il serait de la sagesse de l'Assemblée de délibérer sur le tout à la fois.
(L'Assemblée renvoie ce dernier mémoire aux mêmes comités.)
, ministre de l'intérieur (1). L'Assemblée nationale a décrété, le 20 de ce mois (2), que le ministre de l'Intérieur rendrait compte des mesures qu'il avait dû prendre pour prévenir la suite des troubles élevés dans le département des Bouches-du-Rhône, et notament dans la ville d'Arles.
J'ai été surpris, je l'avoue, qu'on me demandât, le 20, un compte que j'avais rendu le 18, et dont les éléments avaient été mis par moi, bien antérieurement, sous les yeux de l'Assemblée nationale.
Je vais néanmoins retracer quelques circonstances principales que l'Assemblee nationale connaît sans doute déjà, mais dont elle paraît vouloir entendre encore le récit.
J'ai dit, le 18. et je répète que le rapport des cpmmissaires envoyés par le roi à Arles, avait été déposé par moi sur le bureau de l'Assemblée à l'instant même où le roi, qui l'avait gardé deux jours, venait de me le renvoyer. J'avais ouï dire que l'Assemblée s'occupait avec activité de l'affaire d'Avignon; et comme j'avais des motifs de soupçonner quelques liaisons entre l'affaire d'Arles et celle d Avignon, je croyais ne pouvoir assez me presser de fournir à l'Assemblée les éclaircissements dont je supposais qu'elle avait besoin. J'apportai donc le rapport des commissaires, sans même prendre le temps de le lire, présumant que l'Assemblée en ordonnerait l'impression : ce qu'elle n'a pas fait ; et ce fut le 8 ou le 9 de ce mois que je le présentai à l'Assemblée nationale. J'ai dit, au surplus, le 18, et je répète, à la garantie des commissaires qui m'en ont donné l'assurance positive, que la ville d'Arles était dans la situation la plus tranquille, et que l'on pouvait compter sur sa soumission aux lois.
Dès avant le retour des commissaires, l'on m'avait inspiré des inquiétudes sur les sentiments de la majorité des citoyens de cette ville.
Quelques membres de l'Assemblée nationale et le procureur général syndic du département du Gard m'avaient appris que des patriotes de Nîmes, de Saint-Gilles et de BeauCaire avaient été insultés à Arles; on m'avait dit encore que, sous prétexte de former un bataillon de gardes nationales pour la défense des frontières, on enrôlait, à Arles et aux environs, tout ce qu'il pouvait y avoir d'hommes suspects, d'hommes re-poussés des gardes nationales ou égarés parle fanatisme.
J'ai remis, les 27 et 28 janvier, à l'Assemblée nationale, copie de
plusieurs des lettres du procureur général syndic du département du
Gard; et, dès le 26, j'avais appelé, par une lettre très explicative ,
et très forte, totitë l'attention du directoire du département des
Bouches-du-Rhône
Déjà persuadé, et, aujourd'hui, je n'en peux plus douter, qu'il y avait des relations secrètes entre les malintentionnés répandus dans les départements méridionaux, je communiquai, le même jour 26 janvier, mes inquiétudes aux départements de l'Ardèche et de la Lozère ; et tous ces départements ont pu se concerter pour découvrir les manœuvres des ennemis de l'ordre public. J'ai entretenu, depuis, avec eux et avec celui de la Haute-Loire, une correspondance très active, et je ne vois pas que l'état des choses soit empiré. Je ne vois encore que des traces de projets, et nul commencement d'exécution; si j'excepte cependant le fait relatif au vieux château ae Bannes; fait qui, à la vérité, ne m'a pas paru très grave, et sur lequel je me suis expliqué, le 18 de ce mois.
Au surplus, j'avais envoyé, les 27 et 30 janvier, et le 11 de ce mois, diverses copies de pièces qui m'avaient paru contenir des renseignements importants, particulièrement sur les enrôlements, l'Assemblée peut s'en faire rendre compte.
L'Assemblée nationale est informée que 1,500 fusils destinés au 52e régiment d'infanterie furent arrêtés à Arles dans le temps où cette ville, très agitée, craignait de voir fondre sur elle une nombreuse troupe de gardes nationales, dont l'Assemblée constituante suspendit la marche par son décret du 23 septembre. J'ai voulu savoir quel usage on avait fait de ces fusils et j'ai appris qu'ils étaient restés déposés à la maison commune d'Arles. Qu'ils n'avaient pas én-core été sortis des caisses. Le 25 janvier, j'ai mandé aux commissaires généraux aux transports militaires, de les faire parvenir au 25e ré- giment qui est en Corse, et ils m'ont répondu, le 7, que dès le 23, ils avaient donné les ordres que je sollicitais ; mais que l'expédition n'avait pu se faire encore, parce que l'embouchure du Rhône était engravée et obstruée.
Voilà tout ce que je peux dire sur la ville d'Arles: Si l'Assemblée sait, avec certitude, qu'il y a des troubles, elle est beaucoup mieux informée que moi, car on ne m'en a rien appris (1).
Je n'ai pareillement aucune raison de supposer que la tranquillité
publique soit actuellement troublée dans les autres parties du
département des Bouches-du-Rhône ; mais je puis rendre compte de
quelques faits qui ne sont pas très graves et
Je fus instruit, au mois de décembre dernier, qu'il y avait eu des troubles à Barbentane, à 1 occasion de l'élection des officiers municipaux de cette commune; je demandai, le 23 décembre, au directoire du département des Bouches-du-Rhône, des éclaircissements sur ces troubles. J'ai vu, par les pièces jointes à sa réponse du 17 janvier, qu'ils avaient été occasionnés par le choc de deux partis, le club et les autres citoyens, mais que tout était terminé.
Le 27 du même mois de décembre, le directoire du département m'a envoyé une délibération de la municipalité de Marseille, relative aux accapareurs, et un arrêté par lequel il avait annulé cette délibération, comme contenant des principes erronés et dangereux et pouvant avoir de fâcheux effets.
Il me représenta, en même temps, que la gar-nisou de Marseille se trouvait réduite a 300 hommes de troupes de ligne; qu'elle était insuffisante et même inutile, vu l'étendue, la population de cette ville et le nombre de postes qu il était nécessaire de garder; que le département était aussi dégarni de troupes de ligne ; qu'il n'y avait à Aix que 500 hommes du régiment suisse d'Ernest, que l'on était obligé de fatiguer souvent par des détachements réclamés pour la sûreté publique, qu'enfin le directoire ne pouvait répondre de la tranquillité, s'il n'avait par les moyens physiques ae l'établir.
J ai transmis ces observations à M. le ministre de la guerre, le 7 janvier. Ce ministre a pris les ordres du roi pour faire réunir à Aix la totalité du régiment d'Ernest; il m'en a instruit par une lettre du 28 janvier. J'ai fait part de cette disposition au directoire du département, le 11 février.
Par une lettre du 8, le directoire du département m'a témoigné le désir d'avoir une troupe à cheval. J'ai fait part de son vœu au ministre de la guerre.
Le bruit s'était répandu à Avignon qu'il se formait à Marseille un rassemblement fort considérable de ceux qui ont fui d'Avignon; que leur nombre grossissait tous les jours; qu'il y avait une coalition formée entre eux et d autres gen3 égarés, résidant en d'autres villes ; que leur projet était de se porter sur Avignon ou à Orange, où il y avait, disait-on, un parti en faveur des prisonniers détenus à Avignon. J'ai pensé qu'il était prudent de prévenir l'effet de ce complot, en cas qu'il existât réellement. J'ai, en conséquence, écrit, le 9 février, au directoire du département pour lui transmettre l'avis qui m'avait été donné et je lui ai recommandé de se procurer promptement des renseignements positifs et de prendre les mesures les plus efficaces pour empêcher l'exécution d'un tel projet.
Je crois avoir rempli par ces détails les intentions de l'Assemblée nationale.
Au reste, ie vois avec plaisir aue les départements méridionaux fixent la sollicitude de l'Assemblée nationale. Je ne dois point le dissimuler; ils m'inspirent à moi-même beaucoup d'alarmes, et je crois que les dissentiments politiques, les querelles ae religion, la rareté des subsistances y forment des semences de division qu'il faut se hâter d'étouffer. Je ne rappellerai point ce que j'ai dit sur ces grands objets le 18 de ce mois; je prie seulement l'Assemblée d'être convaincue que j'ai dit toute la vérité, mais que je n'ai point forcé ses traits. Je déclare que
chaque jour je reçois des preuves nouvelles des désordres produits par le fanatisme ou la persécution et aussi par la rareté des subsistances. Je déclare qu'il est temps de pourvoir à la gué-rison du corps politique, et que de plus longs retards pourraient être funestes. Je l'ai dit, mon devoir est rempli.
Je sais que le premier moyen à employer pour le maintien de l'ordre, est la force publique; mais ce moyen manque dans un grand nombre de parties centrales; et lorsque j'ai demandé qu'on répandit des troupes dans ceux des départements méridionaux qui m'ont paru le plus inquiétants, le ministre de la guerre m'a répondu que la nécessité de défendre les frontières le mettait dans l'impossibilité de céder à mes instances; qu'au surplus, dès que la saison le permettrait, il serait formé deux camps disposés de manière à maintenir la'.tranquillité dans l'intérieur des départements méridionaux, et à protéger les frontières si elles étaient menacées.
Ici finit le compte que j'avais à rendre: et je crois que l'Assemblée y trouvera de nouveaux motifs d'accélérer l'établissement de la gendarmerie nationale, sollicitée depuis si longtemps, et devenue si éminemment nécessaire.
Qu'il me soit permis maintenant de présenter à l'Assemblée nationale quelques réflexions sur la discussion qui a précédé le décret en vertu duquel je suis ici.
On vous a dit que le pouvoir exécutif, obligé par la Constitution de donner connaissance au Corps législatif des troubles qui surviennent dans l'intérieur, ne remplissait presque jamais ce devoir, et que, notamment, l'Assemblée n'avait point été instruite des troubles qui agitent les départements méridionaux.
L'Assemblée n'ignore pas que la Constitution déclare le roi chef suprême ae l'administration générale du royaume et qu'elle lui confie le soin ae veiller au maintien de l'ordre et de la tranquillité publics.
Cependant, il n'est point arrivé, depuis que je suis dans le ministère, de désordres un peu remarquables, que je n'en aie informé l'Assemblée; et mes lettres, si elles n'ont pas été lues, doivent, du moins, être mentionnées au proeès-verbal.
Quant aux départements méridionaux, je me suis longuement étendu sur leur situation dans le compte que j'ai rendu le 18 de ce mois, et certes, j'étais loin de penser que, le surlendemain, on me reprocherait d'avoir gradé le silence à leur égard. Au surplus, par les détails dans lesquels je suis entré aujourd'hui, l'Assemblée a reconnu qu'elle avait bien précédemment sous les yeux les pièces justificatives du compte que je lui ai rendu le 18.
On vous a dit que je ne notifiais point à l'Assemblée l'envoi des lois aux corps administratifs et l'on a articulé que les lois n'étaient jamais envoyées dans les départements qu'après que le moment favorable de les exécuter était passé.
Je ne sais pas trop ce qu'on a entendu par le moment favorable d. exécuter les lois; mais il est étonnant qu'un „seul membre de l'Assemblée ignore que, tous les 15 jours, je mets sous les yeux de l'Assemblée un état des lois que j'ai envoyées dans la quinzaine; et je l'ai fait encore le 14 de ce mois, c'est-à-dire 6 jours avant l'imputation. Je déclare, au surplus, que jamais une loi à envoyer n'est restée dans un bureau plus Sue le temps nécessaire pour imprimer la lettre 'envoi, c'est-à-dire, jamais 24 heures ; je dé-
clare qu'il n'y en a pas une seule en retard ; et j'offre toute vérification qui sera jugée nécessaire.
On vous a dit que le pouvoir exécutif restait constamment dans une inaction volontaire.
Je ne prendrai de ce reproche que ce qui peut me concerner personnellement, et pour réponse, je dirai que, malgré l'accablante multitude de détails dont mon département est rempli, et qui pourtant me donnerait droit à l'indulgence des nommes justes, je défie qui que ce soit de citer une affaire restée en souffrance dans més bureaux par ma faute ; et j'apporte à l'Assemblée nationale la preuve que je lui ai demandé, sans les avoir obtenus, plus de 200 décrets dont plusieurs sont indispensablement nécessaires à Ja marche de mon administration. Je vais déposer sur le bureau les notices de toutes mes lettres ou mémoires.
Entin, on vous a dit que le pouvoir exécutif ne marchâit pas dans le sens de la Révolution ou de la Constitution et que, par cette raison^ vous n'aviez point de gouvernement.
Je sais, Messieurs, que la marche du gouver nement est lente, incertaine, vacillante ; je sais qu'avec la Constitution qui est bonne et très bonne, quoi qu'on en dise (Applaudissements.), la marche du gouverment pourrait être ferme, assurée, rapide ; mais ce n'est pas ici le moment d'examiner les causes de cette contradiction entre les moyens et leur emploi. Je pourrai aussi les développer quelque jour. Je dirai seulement que j'ignore à qui l'on peut adresser, mais que ce n'est assurément pas à moi, le reproche de ne point suivre la ligne constitutionnelle. Gar moi aussi j'ai servi la Révolution; moi aussi je puis produire quelques titres civiques; et il me semble que l'opinion aurait bien changé sur mon compte, si l'on pensait que j'eusse :pu sa-, crifier à une place quelconque mes sentiments et mes principes.
Remarquez, Messieurs, que je ne me justifie pas; je ne crois point que cela soit nécessaire : je prouve seulement qu'en général, il ne faut pas attaquer légèrement l'honneur d'un fonctionnaire public notoirement irréprochable, même quand ce serait un ministre. (.Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression !
(L'Assemblée décrète l'impression du mémoire du ministre de l'intérieur.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée une procédure et un jugement du directeur du juré d'accusation du tribunal du district de Rennes, rendu le 30 janvier dernier, sur la dénonciation d'un crime d'enrôlement pour l'armée des émigrés dont le nommé Jean Nouvel parait prévenu ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser une procédure et un jugement intervenu relativement à un projet d'enrôlement pour l'armée des émigrés. Veuillez, Monsieur le Président, mettre ces pièces sous les yeux de l'Assemblée nationale, qui décidera si cette affaire est dè la compé tenceae la haute cour nationale, et s'il y a lieu à porter le décret d'accusation contre le prévenu.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : DUPORT. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces y jointes au comité de législation.)
2° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, par laquelle il adresse à l'Assemblée deux états, l'un contenant le relevé approximatif des domaines nationaux vendus et a vendre au 1er novembre dernier, dans les districts dont les états lui sont parvenus depuis le 20 de ce mois jusqu'à ce jour; l'autre contenant l'état des districts en retard; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 27 février 1792.
. « Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur d'adresser à l'Assemblé nationale le relevé des domaines nationaux, vendus et à vendre dans les 6 districts, dont les états me sont parvenus, depuis le 20 février jusqu'au 27 du courant. Ce relevé monte à 21,858,562 livres, lesquelles, jointes aux 2,295,683,492 livres fournies par 515 districts compris dans le dernier relevé, donnent untotal de 2,317,542,054 livres pour 521 districts.
« Je suis, etc.,
« Signé : amelot. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les états y joints au comité de l'extraordinaire des finances.)
obtient la parole pour proposer des mesures sur l'agitation actuelle de l'Empire.
Plusieurs membres : La séance levée !
(L'Assemblée lève la séance à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Etat des bureaux du département de la justice et du sceau de l'état, avec les noms, les fonctions et le traitement de chaque employé; imprimé confoxmément à la loi du 20 octobre 1791 et au décret du 14 janvier dernier (2).
secrétaibe général du département de la justice et du sceau de l'état.
M. DuvEyrier. Traitement 18,000 livres.
II est seul chargé de la direction et de la surveillance de tous les détails dans les bureaux du département. Les chefs lui font les rapports relatifs à chaque bureau.
Il est chargé de lire tous les mémoires et pla-cets adressés au ministre et de donner toutes les décisions courantes d'administration.
Il est chargé de lire et de corriger toutes les réponses avant qu'elles soient présentées à la signature du ministre. On peut évaluer au moins à 200 par jour, le nombre de lettres reçues et des réponses.
Il est chargé, seul, de faire au ministre, le
rapport de toutes les affaires civiles ou criminelles qui exigent sa décision et des demandes de toutes espèce.
Telle est la nature des opérations de chaque bureau du département dé la justice qu'elles ont entre elles des rapports, des connexités indispensables; ce qui établit la nécessité d'un centre commun, d'un intermédiaire unique entre le ministre et les préposés de son administration.
C'est aussi ce qui rend la place de secrétaire général une des plus laborieuses de toutes celles qui peuvent être exercées par un seul homme.
Dans les temps où cet emploi, connu alors sous le nom de secrétaire du sceau, était borné aux relations peu multipliées et peu fréquentes de la chancellerie, son traitement fixe était, depuis plus de 50 ans, réglé à 18,000 livres.
Il avait, en outre, des droits sur le sceau, et d'autres rétributions justement supprimées, et qui augmentaient ses émoluments d'environ 12,000 livres. Depuis le ministère de M. Duport, le secrétaire général du département n'a joui que du traitement fixe.
La loi du 2 octobre dernier, en fixant à 12,000 li-vres'le maximum des appointements des chefs de bureau de toutes les administrations a honoré le secrétaire général du département de la justice d'une distinction particulière, et elle a statué qu'il conserverait son traitement.
comité judiciaire.
Ce comité est composé de quatre hommes de loi, qui d'abord s'assemblèrent trois fois par semaine, et qui furent bientôt forcés, par la multitude toujours croissante des difficultés à résoudre de s'assembler tous les jours. Ils examinent les questions sur l'ordre judiciaire; distinguent celles qui tendent à l'interprétation des lois pour être soumises à l'Assemblée nationale, et celles qui, purement relatives à l'exécution, peuvent être résolues par le ministre. Ils préparent, sur ees dernières questions, les décisions qui deviennent, lorsqu'il les a adoptées, les décisions personnelles du ministre. Ils sont, en outre,, chargés d'examiner la légitimité et la nécessité des renvois à faire au tribunal de cassation.
Ce comité suffit à peine au travail dont il est surchargé, et qui est devenu plus considérable encore par l'établissement des tribunaux criminels et des jurés.
Noms et traitements des membres qui le composentf
MM.
Lesparat. Le Roy. Moreau. Jebson.
Ces quatre hommes de loi reçoivent le salaire de chaque séance consultative, proportionnée à la durée de la séance et à l'importance des affaires délibérées. Le ministre met à part pour la dépense 15 à 16,000 livres.
Voguet, secrétaire du comité......... 3,000
Dugué, commis à l'expédition........ 1,800
L'emploi du secrétaire et du commis expéditionnaire, étant de rassembler dans un registre la question et la décision; de tenir un autre registre de nomenclature; de coter toutes les lettres à répondre; de copier en marge de ces lettres les décisions déjà prises, lorsqu'elles présentent des questions déjà résolues, ces deux hommes ne peuvent suffire à leur travail, et le
ministre est obligé dans ce moment de leur donner un coopérateur extraordinaire.
BUREAU DE RÉDACTION.
Ce bureau est chargé de faire tous les mémoires, notes, extraits de procédures et autres pièces, rapports nécessaires au département; ae rédiger toutes les lettres aux commissaires du roi et tribunaux de district, aux tribunaux de commerce, aux juges de paix, aux tribunaux criminels, autribunalde cassation, et aux corps
administratifs dans leurs rapports avec le ministre de la justice; et enfin de tous les autres détails de la correspondance.
Il est à observer que, malgré l'assiduité journalière et le zèle constant de MM. les secrétaires, qui, pour la plupart, donnent au travail de l'administration plus de temps qu'elle ne peut en exiger de ces employés, ils ne suffisent pas toujours à l'expédition de toutes les affaires, dont le nombre va toujours croissant, et pour maintenir ce bureau au courant, le ministre a été obliger d'employer, depuis le mois de janvier, un secrétaire de correspondance extraordinaire.
Noms. Traitements.
MM.
Le Roy (Charles), lep secrétaire de correspondance, et suppléant du secrétaire général du département, en cas d'absence et autre empêchement............ 6,000 liv.
Mahieu, 16p secrétaire de correspondance... 6,000
Le Rouge........................3,000
Lesparat, fils......... 2,400
Durouseau.....................2,400
Kerveseau................4,200
Vasselin..................3,000
Delzons............................1,500
Letellier........................3,000
Lepidor............................3,000
Bressan...................3,000
Fonctions.
Il reçoit chaque jour la totalité de la correspondance, la distribue à MM. les secrétaires, selon le genre de leurs connaissances, et la mesure de leurs talents, se réserve les let>-tres dont la rédaction lui est particulièrement confiée. Il est chargé en outre du rapport du conseil judiciaire, de toutes les affaires relatives aux jurés, police municipale et correctionnelle, et de l'examen des affaires particulières que lui transmet immédiatement M. le secrétaire général du département dont il est le suppléant. Il est chargé en outre de la surveillance et de la relue journalière de la partie pressée de la correspondance.
Il est le seul secrétaire de correspondance qui ait été attaché à l'ancienne administration du département. Plus instruit des formes, il est chargé de toute la correspondance purement administrative, de ce qui concerne les rapports du ministre avec les corps administratifs, relativement au payement des juges, aux frais des tribunaux, aux remplacements des juges morts ou "démissionnaires. Il est chargé en outre de la correspondance du ministre avec le tribunal de cassation, etc.
Leurs fonctions ont été énumérées plus haut. Correspondance habituelle avec tous les commissaires du roi, avec les tribunaux criminels, de district, de commerce, avec les juges de paix, sous leur double rapport d'officiers de police, de sûreté et de juges purement civils.
Chargé particulièrement de tenir note par extrait de tous les objets sur lesquels la loi ne s'étant pas expliquée, ou ne s'étant expliquée que d'une manière insuffisante, le ministre se propose d'appeler l'attention du Corps législatif. La réunion de ces notes est la base du compte à rendre par le ministre, à chaque législature, de l'état de son département. Il est en outre charge d'émarger de notes sommaires tous les mémoires, pièces et lettres journellement adressés au ministre, travail qui sert à préparer celui de M. le commissaire général.
BUREAU D'ENREGISTREMENT ET DE DISTRIBUTION DE DÉPÊCHES.
Noms des commis et employés de ce bureau, leurs fonctions et leurs traitements.
Noms. Traitements. Fonctions..
Rigollot (Jean-Bap-tiste), l6r commis....
Chargé de la tenue du registre général pour l'enregistre-3,000 liv. ment, l'extrait et la délibération aux différents chefs ae bureaux, de toutes les lettres, requêtes, placets, mémoires, procédures, présèntés et adressés au ministre et au secrétaire général du département de la justice.
Nom
Jeoffroy (Louis), 2e commis............. 2,000
Dumont (Pierre), garçon principal de bu-■ reau................
Traitements. Fonctions.
Fournit journellement l'état des pièces arrivées, pour leur répartition entre M\l. les secrétaires de correspondance; tient note de la date où ces pièces sont remises à M. le secrétaire général, de . celle où, corrigées par le secrétaire général, elles passent à l'expédition ; tient un registre no-menclateur de tous les envois faits au ministre, pour les représenter, soit aux agents des différents bureaux, soit aux particuliers mêmes sur leur demande.
Le service particulier du bureau de distribution ; et en outre est chargé de distribuer toutes les fournitures dans les 1,200 différents bureaux, bois, chandelles, papiers, plumes, tapis, paravent, etc., et d'en rendre compte au secrétaire général au département.
BUREAU DU SECRÉTARIAT DU MINISTRE.
Ce bureau est chargé de l'ouverture et du renvoi des dépèches, du compte à rendre au ministre des affaires qui exigent prompte expédition; de celles qui n'ont point de département fixe, et généralement de tout ce dont le ministre se réserve la connaissance particulière.
Noms.
Traitements.
MM.
Dalmassy, chef de ce bureau...........................................................................4,000 liv.
Vanier, commis expéditionnaire......................................................1,500
Gaillet, garçon de bureau.................................................... 900
Total.................................................................6,400 liv.
Noms.
MM. Le Roux, chef.
BUREAU DU SCEAU, DE DÉPÔT ET D'EXPÉDITION.
Traitements. Fonctions.
10,000 liv.
hébert, sous-chef..........6,000
Sourdeau, 2e sous-chef. 5,000
HEurtier, principal commis.........................2,500
Bessiëre...................2,500
Leblanc.................2,700
Dhostel............................2,700
La surveillance de toutes les opérations de ce bureau, la distribution, la collation, la présentation à la signature des lettres, mémoires, etc., et la rédaction de quelques lettres courantes concernant des renseignements à obtenir sur des affaires criminelles, et sur des commissions à sceller; l'arrangement et mise en ordre, et les extraits à faire de toutes les demandes de places à la nomination du roi, la direction de l'arrangement des papiers et des cartons formant le dépôt de la correspondance. Il est en outre chargé de sceller, sous les yeux du ministre, toutes les lettres et commissions susceptibles de cette formalité.
Seconde et remplace le chef au besoin, étiquette tous les dossiers des affaires de la correspondance, en fait les extraits, et tient les registres où ils sont déposés.
Seconde aussi le chef dans la rédaction des patentes, provisions, commissions susceptibles de la formalité du sceau, et les fait expédier.
La tenue du registre de toutes les demandes de places, lettres patentes, provisions, commissions, l'expédition et l'envoi d'une partie des dépêches.
La tenue du registre des ordonnances contresignées par le ministre (objet aujourd'hui peu considérable) ; et en conséquence l'expédition et l'envoi d'une plus forte partie des lettres et mémoires.
La tenue du registre de toute la correspondance avec les tribunaux, relative aux affaires crimiuelles, et l'expédition des lettres et mémoires.
La Tenue du registre contenant toutes les affaires dénoncées par le ministre au tribunal de cassation, l'envoi des lettres patentes des juges et l'expédition des mémoires et lettres.
Nota. La plupart de ces messieurs aident d'aiUeurs le chef dans ses travaux qui sont souvent excessifs.
Noms. Traitements. Fonctions.
Sébastien............. 2,100 La tenue d'un registre de notes sur l'exécution de la loi de
la résidence des fonctionnaires piblics, dans l'ordre judiciaire et l'expédition des lettres et mémoires.
Monnot............... 1,500 La transcription sur le grand registre des extraits des
affaires ordinaires, et l'expédition des lettres et mémoires.
avenant.............. 1,500 j
L\°DEAUfîis:.::: .:::: l$ûO L'expédition des lettres et mémoires.
Bourdeloy........... 1,500 /
Maurice............... 900 Garçon de bureau.
41,900 f î
bureau d'envoi des lois.
Ce bureau est chargé de faire imprimer les lois et de les envoyer à tous les tribunaux du royaume, au ministre de l'intérieur, pour les départements et aux autres ministres et ordonnateurs du Trésor public, en ce qui peut intéresser leur administration.
Il est également chargé de l'envoi des lois manuscrites et de toutes celles relatives à la vente des biens nationaux.
Enfin, il est tenu de surveiller la réception et la promulgation de toutes ces lois, et d'en rendre compte.
Noms. Traitements. Fonctions.
Broyard, chef......... 6,000 liv.
Delaigue.. .......... 2,000
Bosset..............................1,800
Alexandre......................1,800
Lemercier........................1,800
Pérard.................1,800
Cuvelier. .....................1,440
Marand....................1,440
Clapier............................1,440
Prévot-Montfort..........1,440
Deaubonne père_________1,440
Vaniér (Victor)................1,200
Deaubonne fils................1,200
Prévôt..................1,200
Roussel............1,200
Bouchon.......................1,200
Deschamps...................1,200
Bourguignon..................900
Langevin..........................900
31,400
La distribution et la surveillance du travailla revision des épreuves, la signature des pouvoirs et reçus concernant l'imprimerie royale ; la présentation à la signature de toutes les lettres, expéditions, etc., la correspondance relative aux envois, la direction des enregistrements, et celle de l'arrangement de toutes les pièces qui ont pour objet de constater la réception et la promulgation des lois.
Seconde le chef; il est de plus chargé d'enregistrement et de donner tous les renseignements relatifs aux envois.
Chargé du registre général, de la collation des épreuves et du dépôt des reçus.
) La vérification, l'arrangement et l'enregistrement des ) accusés de réception, et certificats des tribunaux de district.
La collation des épreuves, l'arrangement des minutes, la continuation des répertoires et de la collection des lois.
L'enregistrement des renvois faits au bureau et l'envoi aux tribunaux criminels, avec registre et arrangement de papiers y relatifs.
Les envois aux ministres et à tous les ordonnateurs des recettes et dépenses publiques, avec registres.
La rectification des erreurs, la préparation de toutes les lois, placards, accusés de réception, certificats, lettres d'envoi, etc., avec registre et arrangement de papiers.
Les envois aux tribunaux de commerce, la tenue du registre, et l'ordre des papiers y relatifs.
Les détails de l'imprimerie, avec registre y relatif.
Les envois généraux et particuliers aux tribunaux de district.
Chargés de timbrer les lois. Garçons de bureau.
bureaux de sanction et des archives du sceau.
Le bureau de sanction est chargé de faire toutes les expéditions des décrets sanctionnés, ou des actes du Corps législatif non sujets à la sanction, en parchemin pour déposer aux archives, en papier pour l'impression et pour les envois officiels aux tribunaux, aux corps administratifs, aux ministres, agents du pouvoir exécutif et ordonnateurs.
Le bureau des archives est destiné à former les inventaires, répertoires et tables des matières, des minutes et originaux authentiques, des lois, .proclamations et autres actes du pouvoir exécutif, qui y sont déposés, et à donner tous les renseignements et éclaircissements demandés relativement à la sanction des lois.
Noms.
Traitements.
Fonctions.
Rondonneau ( Louis ), chef des deux bureaux.
Il reçoit du ministre de la justice, les minutes des décrets 6,000 liv. portés au roi par les commissaires de l'Assemblée nationale ;
en tient un registre particulier, leur appose la formule de la sanction, règle leur distribution lorsqu'ils sont sanctionnés ou que le roi en a ordonné l'exécution pour en faire faire les expéditions nécessaires, soit en papier, soit en parchemin, réaige les notes de sanction adressées au Corps législatif; au garde des archives nationales et aux ministres; fournit au ministre, au secrétaire général et au conseil judiciaire tous les renseignements relatifs à l'existence et à la date des décrets sanctionnés, surveille en général la rentrée dés minutes et expéditions, leur dépôt aux archives, la confection des inventaires, répertoires et tables des matières, et la remise au bureau d'envoi de toutes les expéditions des décrets, pour l'impression ou pour les envois officiels.
Heusé (Hippolyte), commis principal....... 1,800
Giboust (Jean-Baptiste). 1,500 Robert (Jean-François). 1,500
Gérard (Louis).............1,500
Huin (Louis-Sébastien).. 1,500
Denis (Pierre)......... 1,500
Dulphy (Pierre-Victor).; 1,500
Lefebvre (Jean-Marie^
Eloy)....................1,200
Nicolle (René-Louis). . 1,200 Vaudremer (Alexandre)....................1,200
Chastriot (Pierre-Fran-
çôis)...............................1,200
Fleuriel (Nicolas) .... 1,200
Talle (François-Go-\
bin). ..............i
Pucel (Claude-Etienne)./ Villers (Pierre-Jac-I
ques)............../.........
Cailleaux ( Jacques-l
Phibert)............1
Caquet (Jean-Baptiste). /
bureau de sanction.
La revision et la correction de toutes les expéditions des décrets relatifs à la vente des domaines nationaux ; les vérifications à faire aux archives nationales ; la collation des différentes copies et la correspondance avec les comité^ la garde des archives nationales et l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
) La tenue des registres, l'enregistrement des décrets à > sanctionner, à expédier officiellement ou pour l'impression ) et la collation de toutes les copies.
/ L'expédition des originaux authentiques des lois en par-[ chemin.
La transcription, des décrets sanctionnés ou dont le roi a ordonné 1 exécution et dont 'les expéditions doivent être adressées officiellement aux tribunaux, aux corps administratifs, aux ministres et aux agents du pouvoir executif.
Les1 copies de ces décrets pour l'impression ainsi que celles des notes, des décrets sanctionnés, que le ministre de la justice adresse au Corps législatif, aux ministres et aux ordonnateurs.
Employés extraordinairement pour les expéditions en forme de tous les décrets relatifs aux ventes des biens nationaux aux municipalités, lesquelles doivent être adressées au commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
Ils sont payés sur le pied de 10 francs le rôle et doivent se retirer lorsque le travail sera terminé.
bubeau des archives du sceau.
Barrier (Mathieu-François), commis principal..............
La correspondance relative à la sanction des décrets; la collection et l'enregistrement des originaux authentiques des 1,500 lois, la revision des épreuves de la collection des lois in-8° et la rédaction de la table des matières de cette collection.
Morin (François)...... 1,200
Bonneau (Antoine),... 1,200
Du Gardin (Jean-Georges)................ mm
Nélaton (Jean - François)............... 900
Total........ 6,000 liv.
La tenue du registre des minutes transmises au garde des archives nationales, la rédaction des extraits par ordre alphabétique de tous les décrets et de tous les actes du pouvoir exécutif. Il est chargé en outre de donner, verbalement ou par écrit, tous les renseignements demandés aux archives.
Le classement et l'arrangement de toutes les pièces manuscrites et imprimées, déposées aux archives du sceau, et la tenue du registre de toutes ces pièces.
Garçon des deux bureaux.
RÉCAPITULATION.
Secrétaire général....................................................................................................18,000 liv.
Conseil judiciaire.......................... • • •. •.................... 21,000
Bureau de rédaction...................................... ............36,600
Bureau de distribution........................................................6,200
Bureau du secrétariat du ministre.........................................6,400
Bureau du sceau, du dépdt et d'expédition —................................41,900
Bureau d'envoi des lois..................................................31,400
Bureaux de sanction et des archives du sceau.....................................28,800
Officiers et trois gardes servant près du sceau, huissièrs du sceau, chauffe-
cire, messagers de tous les bureaux.........................................9,320
Total ...............................................199,620 liv.
Reste pour les frais, fournitures, lumières, chauffage, etc., de tous les
bureaux................................................................15,380
Somme égale aux fonds décrétés........................225,000 liv.
Observation essentielle.
Lorsque l'Assemblée constituante a fixé les fonds qu'elle a jugés nécessaires à l'Administration centrale de la justice, les tribunaux criminels et les jurés n'étaient pas établis. Il était possible de prévoir, mais bien difficile de calculer dans toutes ses proportions, le nouveau travail que cet établissement, nouveau autant que précieux, occasionnerait dans tous les bureaux des départements, et surtout pour le ministre lui-même, le secrétaire général, le conseil judiciaire et les bureaux de correspondance. Ce nouveau travail commence à se faire sentir et tous les jours, il annonce de plus grands développements. Mais le zèle soutient et accroît les forces, et le ministre profite avec plaisir de cette occasion de rendre à tous ses coopérateurs et surtout aux chefs, la justice d'attester qu'il n'en est pas un seul qui ne mêle à l'intérêt personnel de bien remplir sa place, cet intérêt plus vif, ce sentiment du bien public, cet amour de la Constitution et des lois, qui ne fait ni compter les heures de travail, ni calculer les sacrifices.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 27 février.
Un membre propose que la créance du sieur Hamelin soit distraite du décret sur les liquidations rendu hier (1) par l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
En conséquence, les paragraphes suivants sont retranchés au décret rendu hier :
« Quant à la demande de Marie-Romain Hamelin, ci-devant receveur général des finances de Tours, qui réclame contre les dispositions du décret au 10 mars dernier, qui, en liquidant sans intérêts son office à 1,070,000 livres, a statué : « qu'il ne peut rien prétendre que les deux droits de marc d'or, par lui payés, l'un montant à 20,068 livres, pour le sieur de la Bre-tèche, son prédécesseur, par suite d'arrangement particulier entre eux; l'autre montant à 41,259 1. 10 s. attendu qu'il ne l'a pas réellement déboursée et que cette sommé a été couverte par une ordonnance de comptant. »
« L'Assemblée nationale, considérant que les motifs de cette réclamation ne peuvent en aucun cas détruire ceux qui avaient déterminé l'Assemblée nationale constituante à rendre le décret du 10 mars, décrète qu'il n'y a pas [lieu à liquidation. »
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Litais, citoyen actif de la section du Théâtre-Français,
qui demande à être entendu à la barre sur un objet d'utilité publique;
cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Je désirerais avoir l'honneur de faire part à l'Assemblée nationale, d'une chose qui regarde l'intérêt public.
« Je vous prie de vouloir bien me faire admettre à la barre ce soir, si c'est possible, la chose est urgente.
J'ai l'honneur d'être, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Litais, citoyen actif de la section du Théâtre-Français.
« Paris, ce 27 février 1792.
« J'attends l'honneur de votre réponse au bureau de correspondance. »
(L'Assemblée décide que M. Litais sera admis à la barre dimanche prochain.) -
2° Lettre de M. Puységur, inspecteur général d'artillerie, qui réclame contre le décret de l'Assemblée nationale rendu en faveur du sieur Maurice Volot, caporal au 3e régiment d'artillerie ; cette lettre est ainsi conçue (f) :
« La Fère, le 24 février 1792.
« Pétition à l'Assemblée nationale adressée à M. le Président.
« Monsieur,
« L'Assemblée nationale, trompée sans doute par des rapports faux, ou des exposés infidèles, vient de porter une décision qu'il sera sans doute de sa justice d'annuler sitôt qu'elle aura connaissance de la vérité; voici le fait :
« Le nommé Maurice Volot, canonnier au 3e régiment d'artillerie, soupçonné à Douai de brigandage, révolte et voie de fait, fut décrété de prise ae corps par le tribunal du district de cette ville le 5 mai 1791, sur la plainte de l'accusateur public. Le 10 du même mois, à laréquisition des civils il fut transféré dans les cachots de Duai.
« M. de Simeux, colonel de ce régiment, rendit compte, le même jour, au ministre de la guerre, de la détention de cet homme, à la réquisition des officiers civils, sans qu'aucun jugement militaire y soit intervenu.
« Réponse du ministre du 19 mai qui approuve la conduite du colonel.
« M. de Simeux, colonel du 3e régiment d'artillerie, ayant ensuite demandé an ministre de la guerre ses intentions sur le sort à venir de Maurice Volot, le ministre lui répondit en date du 3 juin : « Cet homme ne doit être réintégré « dans sa place qu'autant qu'il serait intervenu « un jugement en sa faveur; mais s'il a été con-« damné à quelque peine quelconque, ou sim-« plement mis hors de cours, il doit sans aucun » doute être rayé du contrôle du régiment. »
A l'époque de la loi de l'amnistie du 15 septembre dernier, Maurice
Volot, qu'elle ne devait point comprendre, fut mis en liberté et vint
rejoindre ses anciens drapeaux. J'étais commandant d'artillerie et
commandant la ville de La Fèrè; le conseil supérieur des officiers du 3°
régiment s'assembla chez moi pour [délibérer sur la conduite à tenir à
l'égard de Maurice Volot; le vœu unanime de ces officiers, qui tous
avaient connaissance des divers délits ae cet homme,
« L'Assemblée nationale décrète une amnistie « générale en faveur de tout homme de guerre « prévenu, accusé ou convaincu de délits mili-« taires à compter du 1er juin 1789. En consé-« quence, toutes plaintes portées, etc. »
« Cette expression : convaincu de délits militaires ne pouvait être équivoque. Après donc avoir pris les plus exacts renseignements sur les causes et la suite de la détention du sieur Volot, je me trouvai fondé par la loi même à autoriser le conseil des Officiers supérieurs à délivrer à cet homme convaincu de délits civils, et mis simplement hors de cour, une cartouche simple de congé absolu ; lé compte en fut rendu sur-le-champ à M. Duportail, alors ministre de la guerre et peu de temps après je lui en renvoyai encore un duplicata plus étendu pour être communiqué par lui s'il l'eût jugé à propos au comité militaire de l'Assemblée nationale, auprès duquel j'avais appris que Volot était allé se plaindre ae son renvoi.
« Dans un voyage que je fis à Paris, au mois de décembre, il me fut assuré, dans les bureaux de la guerre, que la conduite du 3e régiment avait été approuvée par le comité militaire et que Maurice Volot avait été débouté de toutes ses prétentions.
« Quelle dut être notre surprise, Monsieur le Président, après la conduite exacte que nous avions tenue, après notre fidèle observation de la loi, d'apprendre qu'un décret de l'Assemblée nationale venait de prononcer la rentrée de Maurice Volot dans son régiment (1)? il est impossible que cet homme ait le droit de rentrer aans son poste, sans que les officiers du 3e régiment et moi principalement, nous ne nous soyons rendus coupables d'une infraction manifeste à la loi, auquel cas nous devons être sévèrement punis. Si, au contraire, notre conduite ne mérite aucun reproche, la rentrée de Maurice Volot ne tend qu'à détruire et avilir l'autorité de fonctionnaires publics, que l'intérêt de l'Etat devrait, au contraire, porter à faire respecter; et la fréquence d'événements semblables ne peut qu'amenerla dissolution la plus prompte dans l'armée et porter le découragement dans l'âme des meilleurs citoyens. Ne commandant plus le 3e régiment d'artillerie depuis mon changement de grade et destination, c'est personnellement, Monsieur le Président, que jai l'honneur de vous adresser ma pétition. Je vous prie de vouloir bien en faire donner lecture à l'Assemblée nationale pour qu'elle statue sur l'objet qu'elle renferme, et j'ai bien lieu d'espérer qu'elle rendra, par une nouvelle décision, à tous mes camarades justement affectés, la justice due à leur conduite sage et à leur soumission à la loi.
« J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
« Signé : puységur, inspecteur général d'artillerie. »
Messieurs, j'étais rapporteur de l'affaire de Maurice Volot, caporal au 3° régiment d'artillerie, que, par un décret, vous avez renvoyé à sa compagnie. Il est étonnant que M. Puységur réclame contre la justice qui l'a dicté. Ce Maurice Volot fut compris dans la malheureuse affaire de Douai; il a profité de l'amnistie du 15 septembre; mais, à peine rentré à sa compagnie, il a été congédié par ordre du conseil d'administration; c'est une attribution qui appartient exclusivement au conseil de discipline. 11 a donc été illégalement renvoyé. Votre comité militaire, avant ae vous faire son rapport, a fait écrire, par le ministre de la guerre, au commandant d'artillerie de la Fère; et c'est après y avoir bien réfléchi qu'il vous a proposé son projet de décret. U a pensé que l'amnistie, portant avec elle abolition de crime, tout accusé a dû être remis dans le même état qu'avant l'accusation. Ce serait ju- ger la question au fond et punir Maurice Volot 'une manière bien cruelle que de renvoyer sans pain celui qui, après avoir servi 20 ans, et fait toutes les dernières campagnes de l'Inde, a consumé ses forces au service de l'Etat, le demande, en conséquence, qu'il n'y ait pas, lieu à délibérer sur la lettre de M. Puységur et qu'on passe à l'ordre du jour,
Plusieurs membres : L'ordre du jourl
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres et pétitions.
3° Lettre des maire et officiers municipaux du bourg de Frévent, département du Pas-de-Calais qui demandent que la route de Paris à Dun-kerque soit abrégée.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comité d'agriculture et de commerce réunis.)
4° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui remet à l'Assemblée les trois états Hebdomadaires relatifs à la fabrication des monnaies. Il résulte de ces états qu'au 27 février il y avait de fabriqué 5,960,315 livres en métal de cloche et 12,471,292 livres en pièces de 15 et 30 sous.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des assignats et monnaies.)
5° Lettre des administrateurs composant le directoire du département de la Seine-Inférieure, par laquelle ils annoncent que la circulation des grains occasionne toujours des troubles dans le département et que le. peuple de Rouen manifeste de grandes inquiétudes. Malgré des récoltes abondantes, on est menacé de manquer de blé parce qu'ils disparaissent tous les jours. Ils prient 1 Assemblée de prendre leur situation en considération et sollicitent, des moyens de répression.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
, homme de lettres, est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Histoire des hommes illustrés tirés du tiers-Etat, ou : Vies du capitaine Polin, du chancelier de l'Hôpital, de Fabertet de Duguay-Trouin.
répond à M. Turpin et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée agrée l'hommage de M. Turpin et en ordonne la mention honorable au procès-verbal.)
, au nom des comités d'instruction publique et militaire réunis, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la non-exécution de la loi du 13 novembre 1791, concernant l'examen des aspirants au corps du génie (1) ; il s'exprime ainsi :
Je viens, au nom de vos comités d'instruction publique et militaire réunis, vous faire un rapport sur la manière dont la loi du 13 novembre dernier a été exécutée, relativement à l'examen qui vient d'avoir lieu pour les citoyens qui se destinent à entrer dans le corps du génie : objet important, dont vous avez ordonné qu'il vous fût rendu compte incessamment.
Vos comités se sont instruits des faits; ils les ont examinés, comparés attentivement; ils ont pareillement discuté les principes avec le plus g/and soin avant de prendre une détermination fixe.
Ils m'avaient d'abord chargé de vous présenter un projet de décret qui vous a été distribué hier matin ; mais l'examinateur des aspirants au corps du génie s'est rendu hier soir à l'un de vos comités; il y a fait des observations; on y a traité de nouveau l'objet dont il s'agit; enfin, vos comités s'étant concertés, ont jugé à propos de modifier leur premier projet, ainsi que j'aurai l'honneur de vous le faire connaître.
Aux termes de la loi du 13 novembre 1791, article 8, les aspirants au corps du génie, qui ont été dernièrement examinés sur les mathématiques, dans les formes accoutumées, devaient l'être aussi sur les principes de la Constitution. Ce dernier objet, quoique bien important sans doute, a été oublié; mais ce n'est pas la faute de l'examinateur, car la lettre qu'il a reçue du ministre, portant l'ordre d'interroger les candidats sur les différentes parties des mathématiques qui y étaient désignées, ne fait aucune mention des principes de la Constitution.
Le ministre a été averti de l'omission, assez à temps pour qu'il pût la réparer suivant la lettre et l'esprit de la loi : c'est-à-dire, en faisant revenir les candidats chez l'examinateur, pour y compléter leur examen, avant qu'aucune promotion fût faite.
Cependant, on a objecté qu'il serait bien fâcheux d'obliger les sujets assez instruits en mathématiques, à se rendre de nouveau à Paris, tandis que plusieurs d'entre eux avaient moins de chemin a faire pour aller à Mézière-* directement; comme si des considérations particulières dispensaient d'exécuter ponctuellement ce qui est prescrit par la loi.
Quoi qu'il en soit, le ministre de la guerre a cru pouvoir en remplir l'objet d'une autre manière. En conséquence, il a ordonné aux 20 candidats les plus forts en mathématiques, de se rendre à Mézières, le 10P mars prochain au plus tard, en les avertissant qu'ils y seraient examinés sur la Constitution; et, d'ailleurs, il a disposé les préparatifs de cet examen, en s'adressant au commandant de l'école du génie et au directoire du département des Ardennes, pour qu'il nommât des commissaires à cet effet.
Le ministre est venu lui-même donner lecture à l'Assemblée nationale, des lettres qu'il a écrites à cette occasion.
Tel est, Messieurs, l'exposé succinct des faits;
Maintenant que le temps s'est écoulé, puisque nous sommes au 28 février et que les aspirants désignés pour être admis à l'école de Mézières vont être rendus dans cette ville le 1er mars; vos comités ont cru qu'il y aurait de trop grands embarras, surtout relativement à la dépense, à faire revenir lesdits aspirants à Paris, suivant la lettre exacte de la loi; vos comités ont donc été d'avis de donner effet aux mesures déjà préparées par le ministre de la guerre, mais ils ont pensé en même temps qu'un mode d'exécution prescrit par une loi, ne pouvait être changé sans un décret préalable du Corps législatif : cette considération est d'une telle importance, qu'il ne sera pas nécessaire de la développer, pour vous faire sentir, Messieurs, les dangers qu'il y aurait à ne pas y avoir égard 1 c'est le motif du décret que je vais avoir l'honneur de vous présenter :
« L Assemblée nationale, considérant qu'aux termes de la loi du 13 novembre, article 8, les concours et examens pour le corps du génie, doivent avoir lieu dans les formes et aux époques accoutumées, et que les sujets qui se présenteront doivent être interrogés sur les principes de la Constitution; que le ministre ae la guerre n'a pas fait observer cette condition essentielle dans le dernier examen qui a eu lieu à Paris, que le même ministre n'a pu ordonner, sans» une loi préalable, des formes nouvelles pour compléter cet examen à Mézières, que cependant, il est nécessaire de faire subir promptement aux candidats, et sans les constituer en nouveaux frais, toutes les épreuves auxquelles ils doivent satisfaire pour être dignes d'être admis à l'école du génie ; après avoir entendu ses ; comités d'instruction publique et militaires, réunis, décrète qu'il y a urgence. »
Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les aspirants au corps du génie,
; déjà jugés.suffisamment instruits sur les mathématiques et le dessin
par l'examinateur ordinaire, qui, d'après les ordres qu'ils ont reçus,
se trouveront à Mézières, lors de la publication du i présent décret, y
seront incessamment interrogés sur les principes de la Constitution par
trois commissaires, nommé par le directoire du département des Ardennes,
en présence des officiers supérieurs de la garnison et en public.
« Art. 2. Ceux desdits aspirants qui répondront à cet examen d'une manière satisfaisante, seront les seuls susceptibles d'être admis à l'école du génie; et dans le cas où quelqu'un d'eux serait rejeté, celui qui le suit immédiatement dans l'ordre de mérite, eu égard aux mathématiques, sera appelé à Mézières, pour être interrogé ae la même manière, pourvu qu'il ait aussi les connaissances exigées.
« Art. 3. Le ministre de la guerre rendra compte à l'Assemblée nationale au résultat de cet examen, dès que la loi aura été exécutée.
« Art. 4. Le présent décret ne sera envoyé que dans le département des Ardennes. ».
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Je demande que ce décret soit envoyé dans tous les départements qu'il concerne.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Jouffret.)
, secrétaire. Voici
un état des domaines nationaux vendus et à vendre dans le département de la Seine-Inférieure, adressé à l'Assemblée nationale, par le département.
Il résulte de cet état : 1° qu'il a été vendu depuis le 13 décembre 1790, jusqu'au janvier 1792, pour 35,174,637 1. 5 s. 5 d. de biens nationaux dans le département de la Seine-Inférieure;
2° Qu'il en reste encore à vendre pour 28,883,897 L 17 s. 1 d., suivant l'estimation; mais qui pourront produire à la vente, environ 50,546,8211. 4 s., tous les objets vendus jusqu'à ce jour ayant éprouvé une augmentation dans la proportion de 5 à 7 sur le prix de l'estimation ; de sorte que la valeur totale des biens nationaux situés dans le département de la Seine-Inférieure, peut être portée à 86 millions.
(L'orateur donne ensuite lecture d'une adresse dé M. Oplin, qui dénonce le ministre de la guerre pour n avoir pas exécuté le décret sur le remplacement des officiers.)
Un membre : Messieurs, j'ai reçu une adresse d'un soldat d'artillerie qui se plaint, qu'ayant les qualités requises pour être admis dans le corps d'artillerie, il n'a pu y entrer, parce que le ministre de la guerre lui a dit qu'il fallait un certificat de ses chefs, et que ses chefs, à qui il en avait demandé, lui avaient refusé. Il ajoute, dans son adresse, qu'on lui a refusé ce certificat, parce qu'il est né de simplés bourgeois ; ce qui ést une Contravention à l'article delà Constitution, qui porte que tous les Français sont admissibles aux places,^ sans autre distinction que celle des talents et des vertus. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« Il sera accordé des lettres d'examen à tous les soldats de ligne, qui, en remboursant les frais de leur engagement, réuniront toutes les conditions requises par les décrets. »
(L'Assemblée renvoie l'adresse de M. Oplin, l'adresse du soldat d'artillerie, et lé projet de décrét, à l'examen du comité militaire.) y
le jeune. De toutes parts, on se plaint du non remplacement des officiers de l'armée, quoique cette opération eût dû être terminée le 1er février. JNous voici tout à l'heure au 1er mars. En outre, les états des revues municipales n'ont pas encore été remis. Je demandé que M. le ministre de la guerre nous rende compte incessamment à quel point il en est sur le remplacement des officiers, conformément aux lois décrétées. Il y a une difficulté de plus, Messieurs; c'est que les officiers ne pouvaient être nommés par la volonté du ministre, que jusqu'au 1er février, et il peut y avoir un examen après ce temps-là; de sorte que vous serez obligés de faire un décret pour valider les nominations faites depuis le 1er février.
(L'Assemblée décrète que le ministre de la guerre rendra compte incessamment de l'état actuel du remplacement des officiers.)
Un membre : J'ai reçu, une lettre, Messieurs, d'un officier du 68e régiment, qui mande qu'il y a un grand nombre d'officiers qui ne sont pas remplacés, et il en est quelques-uns à qui l'on n'envoie pas de brevet, quoiqu'ils fassent le service.
Je demande que l'Assemblée charge son comité militaire d'examiner la question de savoir si, dans ce moment-ci, où beaucoup d'officiers quittent leurs postes^ et où il est
à présumer que beaucoup d'autres le quitteront, il ne serait pas utile et politique de décréter que les officiers monteront successivement aux emplois, c'est-à-dire, que le lieutenant deviendrait capitaine, si le capitaine se retirait. Il me semble que ce mode de remplacement, qui prévient tous les inconvénients, est le seul que 1 on peut adopter. Je demande que le comité militaire soit chargé de faire son rapport sur cet objet.
Je m'oppose au renvoi. Il n'y apas encore deux mois que vous avez décrété le mode d'avancément. Je demande qu'il ait son exécution, puisqu'il est, d'ailleurs, aussi juste que sage. .
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
11 y a beaucoup d'emplois vacants, il en vaque tous les jours. La proposition de M. Thuriot est du plus grand intérêt; j'appuie le renvoi au comité militaire.
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de renvoyer au comité militaire, puis décrète ce renvoi.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Constantini, député extraordinaire de la Corse, qui fait hommage à l'Assemblée d'un mémoire sur la circulation des grains et sur les moyens de donner au commerce toute l'activité dont il est susceptible.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 26 février.
, secrétaire, donne lecture dune lettre de M. Cdhier de Gerville, ministre de l\intérieur, qui adresse à l'Assemblée deux états des lois qu'il a expédiés dans les départements; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous remettre ci-joint deux états certifiés de moi, des lois ét actes du Corps législatif, au nombre de 809, que j'ai adressés aux départements.
« Je suis avec respect, etc...
Signé : CAHIER. »
(L'Assemblée renvoie la lettre et les états au comité des décrets.)
(de Toulon), au nom du comité de marine, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur une erreur à réparer dans le décret du 21 septembre 1791, relativement au nombre des commis de l'administration de la marine; il s'exprime ainsi :
Messieurs, votre comité de marine a eu l'honneur de vous proposer, le 6 de ce mois (2), la correction d'une erreur de calcul qui s'est glissée dans le procès-verbal de l'Assemblée constituante et dans le tpxte du décret du 21 septembre dernier sur l'administration de la marine.
Le ministre de la justice, par sa lettre du 14 janvier, avait demandé la
réparation de ces erreurs qui retardaient l'impression de la loi et que
le ministre de la marine réclamait avec ins-
Votre comité a vérifié cette erreur de calcul; il s'est convaincu que le nombre de commis décrétés est effectivement de 353. Cela résulte de l'état de répartition arrêté par l'ancien comité de l'Assemblée constituante, en ces termes : pour copie conforme à Voriginal déposé aux archives du comité de la marine et qui a servi de base à l'état général des officiers d'administration, décrété le 22 septembre 1791, à Paris, le 27 septembre 1791; le président du comité de la marine, J. B. Nompère.
D'après cet état, la répartition des commis est de 100 à Brest, de 70 à Toulon, de 60 à Roche-fort, de 30 à Lorient, de 41 dans les autres ports du royaume et de 52 dans les colonies orientales et occidentales : en tout 353.
Cependant, la division est erronée, puisqu'elle ne porte que 50 commis à 1,800 livres, — 61 à 1,500 livres. — 61 à 1,200 livres, 050 à 900 livres, — et 31 à 600 livres, Mké qui ne donnerait que 253 commis et démontre l'erreur de 100 commis dont la répartition est demandée.
Dans l'état actuel les seuls commis des ports sont au nombre de 590; à ce non compris lès commis des colonies, ainsi que les secrétaires des bureaux des directions et des majorités : ils coûtent 572 384 livres, tandis que dans le régime qui va être établi, il n'y aura que 353 commis tant pour les ports que pour les colonies et que ce double service ne coûtera que 453,300 livres ; de manière qu'il y aura à la fois une réforme dans les individus de près de moitié et une économie dans la dépense de plus d'un tiers.
Nous ne vous dissimulons pas, Messieurs, que , malgré le nombre des commis qui existent dans les ports, les écritures en sont prodigieusement arriérées, et qu'il y à mettre au courant une comptabilité de quatre années et de plusieurs millions.
Votre comité, qui pense qu'un des moyens régénérateurs ae nos finances est de presser les recouvrements et d'éclairer les dépenses, ne regretterait point un surcroît au moins momentané de travailleurs pour remplir ce but désirable ; il pourra vous présenter ses vues à cet égard, mais vous ne pouvez différer plus longtemps la réparation d'une erreur qui arrête l'exé -cution d'une loi sanctionnée depuis le 28 septembre et dont la suspension, pendant près ae 6 mois, nuit à la bonne administration d'une des parties les plus intéressantes de la force publique et de la richesse nationale.
Nous aurons encore l'honneur de vous observer que, fidèles aux principes et aux vues que vous nous avelz paru consacrer en plus d'une occasion, nous avons communiqué au comité de l'ordinaire des finances les bases et les résultats des calculs et que c'est après les avoir vérifiés de concert, que nous vous les présentons.
Deux autres omissions ont été reconnues dans la même loi : l'article 8 répute commis actuels des ports, les secrétaires des bureaux des commandants et intendants et des directions générales et particulières. Les commis des majorités et ceux des classes ont paru à votre comité avoir les mêmes droits et devoir être insérés dans le même article. Ils étaient, ainsi que les autres, salariés par l'Etat et attachés à des fonctions de même nature.
Décret d urgence»
« L'Assemblée nationale, s'étant fait représen-
ter le procès-verbal de la séance de l'Assemblée constituante du 21 septembre dernier et l'état de distribution arrêté au comité de la marine, en vertu du décret du même jour sur l'administration de ce département, voulant accélérer l'organisation de cette administration et pourvoir à la réparation des erreurs et omissions qui se sont glissées dans le dit procès-verbal, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgencé et ouï son comité de marine, décrète que le nombre de 353 commis porté par le décret du 21 septembre dernier, sera divisé ainsi qu'il suit : 70 commis à 1,800 livres; 91 à 1,500 livres; 91 à 1,200 livres; 70 à 900 livres; et 31 à 600 livres, formant en tout 353, et montant à la somme de 453,300 livres, ce qui portera lé total de la dépense d'administration à 1,591,900 livres au lieu ae 1,456,900 livres.
« Décrète, en.outre, que les commis des majorités et des classes seront ajoutés à l'article 8, dans lequel ils ont été omis. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Je demande que les commis du Trésor de lamarine soient compris dans la même classe.
(de Toulon), rapporteur. J'appuie la motion de M. Rouyer et j'en demande le renvoi au comité de marine.
(L'Assemblée renvoie la motion dé M. Rouyer au comité de marine.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité de Vordinaire des finances sur les moyens à prendre pour accélérer la rentrée des contributions publiques.
, au nom du comité de Vordinaire des finances, fait la troisième lecture du projet de décret (1) sur la formation des matrices et la confection des rôles des contributions foncière et mobilière de 1791 et 1792; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant combien il est important d'accélérer la formation des matrices et la confection des rôles des contributions foncière et mobilière ainsi que ceux des patentes, non seulement pour l'année 1791, mais encore pour la présente année, en mettant en activité tous les moyens autorisés par les lois précédentes et en tournant simultanément vers le même but, les elforts de tous les agents qui doivent y concourir; après une première lecture faite le mardi 7 février dernier, une seconde faite le jeudi 16 suivant, et une troisième le mardi 28, et après avoir décrété qu'elle est en état de rendre un décret définitif, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Aussitôt après la publication de
la présente loi dans chaque district, le procureur syndic du district,
conformément à l'instruction sur l'article 20 de la loi du 1er décembre
1790, adressera au receveur une note signée de lui, des municipalités
qui n'auront pas déposé leur matrice des rôles dans la quinzaine, a
compter de la date du mandement.
« Art. 3. Le directoire de district ne pourra se dispenser de viser ces contraintes et de les rendre exécutoires dans la huitaine de leur présentation, si toutefois la seconde quinzaine d'après la date du mandement est expirée, conformément à l'instruction ci-dessus citée. Cependant lorsque les officiers municipaux, ayant lait connaître l'état actuel de leurs matrices, auront pris un engagement formel de les déposer dans un délai court et fixe, il pourra leur être accordé un sursis, passé lequel les contraintes seront visées et mise à exécution.
« Art. 4. Le directoire de district enverra dans la quinzaine de la réception de la présente loi, au directoire du département, un état double des municipalités pour lesquelles les contraintes auront été décernées, avec la date du visa ou ses observations sur les motifs et l'étendue des délais qu'il aura accordés en vertu de l'article précédent, et le double de cet état sera envoyé par le directoire du département, au ministre des contributions publiques avec ses observations.
« Art. 5. La loi du 9 octobre 1791, qui établit des visiteurs et inspecteurs de rôles, leur ayant attribué des traitements relatifs aux diverses fonctions qu'elle leur-a confiées, ils en seront payés par quartier mais sur des ordonnances du directoire du département, qui ne ijourront être accordées que sous les conditions ci-après.
« Art. 6. La partie du traitement des visiteurs de rôles qui doit être acquittée sur le produit des patentes, leur sera allouée en rapportant les certificats des directoires des districts auxquels ils sont rattachés, qu'ils ont fait tous les relevés ordonnés par l'article 6 de ladite loi.
« Art. 7. La partie du traitement de l'inspecteur, acquittée sur le produit des patentes, lui sera allouée après qu'il aura justiné avoir fait former tous les rôles de patentes du département auquel il est attaché, sur les relevés des visiteurs qui lui auront été adressés, conformément à l'article 12 de la loi.
« Art. 8. Les visiteurs et l'inspecteur ne pourront rien toucher pour la présente année 1792, sur la partie do leur traitement qui doit être acquittée sur les sols additionnels, qu'en justifiant que les matrices des rôles des contributions foncière et mobilière de 1791 auront été déposées, savoir les visiteurs pour la totalité de leur arrondissement et l'inspecteur pour la totalité du département.
« Art. 9. Les visiteurs, dans l'arrondissement desquels toutes les municipalités auront déposé leurs matrices, pourront être, sur la demandé de l'inspecteur, envoyés par le directoire du département dans les arrondissements arriérés; pour aider les autres Visiteurs, et si le directoire, sur le compte qu'il s'en fera rendre, soit par l'inspecteur, soit par les directoires de districts, juge que le retard provient de la négligence de ceux-ci, le directoire pourra les priver de telle partie de leur traitement qu'il jugera convenable, et l'employer en supplément ae traitements au profit de ceux des visiteurs qui les auront aidés.
« Art. 10. Les directoires de département, autorisés par l'article 18 de la loi du 9 octobre à délibérer des gratifications au profit des visiteurs et inspecteurs, ne pourront le faire pour la présente année 1792, que lorsque la totalité des rôles des contributions foncière et mobilière, et de ceux des patentes, auront été expédiés et rendus exécutoires, tant pour 1791 que pour 1792.
« Art. 11. Les directoires de district étant pourvus, par les articles 7, 8 et 9 de la loi du 17 juin 1791, par l'article 11 de celle du 9 octobre, et par les dispositions du présent décret, de tous les moyens propres à faire accélérer et parachever dans les municipalités les matrices ae rôles des contributions foncière et mobilière pour l'année 1791, demeurent responsables de l'exécution desdits articles, sous les peines portées en la loi du 15 mars 1791, article 26 et suivants, comme opposant une résistance persévérante à l'exécution des lois.
« Art. 12. En conséquence, le roi pourra, sous la responsabilité de son ministre, suspendre individuellement ou collectivement les membres des directoires et les procureurs syndics, et les faire remplacer, en la forme prescrite par cette loi, dans le cas où il sera justifié par les comptes que les directoires de département en rendront, et par les états qu'ils adresseront au ministre, que le retard dans la confection des matrices et dans l'expédition des rôles de leur ressort, provient de la négligence des administrateurs de district, ou d'aucun d'eux à exécuter les dispositions desdites lois.
« Art. 13. Tous les termes des contributions foncière et mobilière de 1791 étant échus avant la confection des rôles, les contribuables qui se croiront en droit de former des demandes en réduction de cote, pourront le faire en payant seulement les deux tiers de leur cotisation, nonobstant l'article 6 de la loi du 28 août 1791, qui prescrit le payement de tous les termes échus et auquel il est dérogé pour ladite année 1791 seulement.
« Art. 14. Le réclamant pourra payer moins que les deux tiers de sa cotisation, en déclarant que la somme qu'il a payée n'est pas inférieure à celle à laquelle il estime que sa cote doit être réduite. Mais dans le cas où elle sera jugée inférieure, il sera condamné à acquitter le surplus, avec un quart en sus du surplus, par forme de dédommagement du retard, sans cependant que le tout puisse excéder sa cotisation; en sorte que la réduction, qu'il sera juste de lui accorder, ne sera imputée sur les fonds de décharge ou réduction, qui sont à la disposition de l'administration du département pour ladite année 1791, que déduction faite de ce dédommagement : le tout sans préjudice des frais auxquels sa réclamation aura donné lieu.
« Art. 15. Les rôles des contributions foncière et mobilière de 1792 seront expédiés et rendus exécutoires deux mois après la date de la vérification de ceux de 1791, et au plus tard dans le courant de juillet prochain, sur les mêmes matrices qui auront servi pour l'expédition de ceux-ci, sauf les seuls changements que les municipalités auront délibéré devoir y être faits et dont ils auront déposé l'état Signé d'eux au secrétariat du district avant l'expiration des délais ci-dessus, après en avoir, à l'égard de la contribution foncière, fait mention sur chaque article des états de section, et avoir annexé le double desdits états de changements à la minute de la matrice qui est déposée au secrétariat de la mu-
nicipalité, sans que les dispositions du présent article puissent préjudicier aux droits des contribuables à se pourvoir contre leur cotisation de 1791, dans les délais qui leur sont accordés par les lois. »
Messieurs(l), je viens traiter, sous tous ses rapports, la question qui est soumise à la discussion, et que votre comité n'a envisagée que sous trois points de vue; question doù dépend la rentrée plus ou moins prompte de la moitié du revenu public de 1791 et 1792; question qui prend un caractère bien autrement important, lorsque l'on considère que de sa solution dépend la solution complète de presque toutes les questions de finance qui vont successivement être soumises à votre délibération. S'agira-t-il de fixer le mode des remplacements? SWîra-t-il d'établir la balance entre les recettes et les dépenses ? S'agira-t-il, pour tout renfermer en un mot, de connaître et de déterminer d'une part la dette, de l'autre les moyens certains de la solder : vous verrez toujours la rentrée des contributions directes mise en avant ou supposée.
Je dois d'abord exposer les frais relatifs à l'exécution de la loi du 1er décembre 1790 et 3 juin 1791.
Tous les directoires de district ont terminé leurs répartements. Il est
toutefois douloureux d'apprendre que le pouvoir exécutif n'ait pu être
instruit de ce fait que par la voie de courriers qu'il a expédiés
directement aux cent et tant e directoires de districts en retard à la
fin du mois dernier; et je dois aussi le remarquer, vainement
l'Assemblée nationale adopterait des mesures nouvelles pour faire
accélérer l'exécution de la loi, si les corps administratifs ne marchent
pas tous ensemble d'un pas également rapide sur tout ce qui a rapport
aux contributions. Lorsque M. Necker forma des administrations, un cri
se fit entendre dans la France : « et nous aussi, nous en désirons pour
répartir du moins nos impôts ». Comment se fait-il donc que quelques
corps administratifs, qui ont reçu leur véritable mission, ne déploient
pas sur ce point toute l'activité, toute l'énergie qu'ils peuvent avoir,
et ne mettent pas toute la suite que l'on pourrait désirer, soit dans
lèurs propres opérations et leur correspondance, soit dans la
surveillance qu'ils doivent exercer sur les municipalités. Ainsi, en
surveillant journellement le pouvoir exécutif à cet égard, vous auriez
eu peut-être à examiner si, dans les circonstances, il n'aurait pas
convenu d'exciter le zèle des administrateurs, et de leur donner une
nouvelle impulsion. Mais la dernière adresse aux Français a rempli
parfaitement vos vues à cet égard. Il y a aussi à la vérité des lois
répressives. L'Assemblée constituante a prononcé la peine de suspension
contre les administrateurs gui n'exécuteraient pas ponctuellement la
loi. ependant voudriez-vous, pourriez-vous même la faire exercer cette
suspension contre les corps administratifs qui, par exemple, n'auraient
pas envoyé des commissaires dans les municipalités, des commissaires
qu'ils cherchaient dans l'étendue de leur district, et qu'ils ne
trouvaient pas? Ce serait le moyen de paralyser dans un instant toute
l'Administration. Feriez-vous décerneras contraintes contre les
municipalités en retard
Je viens aux municipalités. 9,077 ont déposé leurs matrices de rôles, au moment où je parle. J'estime, que d'ici au mois d'avril, 20 ou 25,000 se seront mises en règle. C'est de la suite des opérations de ces 20,000 municipalités, c'est des opérations qui restent à faire aux 20,000 autres, dont nous devons nous occuper, et dont il est fâcheux que nous ne nous soyions pas occupés dès les premiers jours de notre session. Mais il ne faut pas laisser empirer le mal, il est temps encore d'y remédier.
Ici se trouve une complication de causes retardatrices, et nombre de moyens de lés faire disparaître, en supposant toujours dé l'activité aux corps administratifs. Ces causes et ces moyens méritent d'être analysés.
Je suppose toutes les personnes qui m'êçou-tent, parfaitement instruites des,détails de la loi sur les contributions foncière eç ïnobilière; et j'avertis que je n'userai point dé la manière de raisonner de quelques opinants qui, parlant sur cette matière, ont circonscrit leurs idées et leurs vues dans la seule enceinte de leurs départements. Car il est tel opinant qui, s'il eût été d'un autre département, aurait prononcé une opinion dont les, résultats auraient été absolument contradictoires à ceux qu'il a préséhtés. Je crois qu'un représentant de la' nation.dpit, en pareilles matières, et dans les .circonstances actuelles, porter ses regards, pour ainsi diréi sur chaque point de l'Empiré.,. C'est le seul moyen de connaître notre, véritable situation; c'est le seul moyen,d'arriver à un résultat vrai; c'est le seul moyen, de faire une^lôiVfie çirconsr tance la moins mauvaise/possible, si elle est nécessaire; c'est enfin le seul moyen de né pas faire porter à faux une nouvelle loi, si celles qui sont faites suffisent.
Chaque municipalité a dû faire premièrement des états de section. Il est un fait sur lequel on n'est pas d'accord. Ce serait même une chose assez étrange si on ne pouvait pas en donner la raison. On ignore encore aujourd'hui si les 40,912 municipalités ont fait ces états de section; on sait cependant que 24,015 ont envoyé leurs procès-verbaux de la division de leur territoire en sections. Ou reste, on dit bien vaguement, « toutes les municipalités sont en mouvement pour l'assiette des contributions » ; mais on ne peut pas dire d'nne manière fixe et prér cise, « tant ae municipalités n'ont pas encore commencé l'état de section, dans tel département : tant de municipalités ont fini leurs états de section, et n'ont pas encore commencé leurs matrices de rôles » . Ce bordereau, qu'il serait bien précieux au Corps législatif d'avoir en ce moment, ne pourra être mis sous ses yeux que lorsque les visiteurs des rôlés auront été reconnaître, sur les lieux mêmes, la position des municipalités; car il ne faut pas s imaginer qu'il y ait une correspondance directe, active et suivie, entre les municipalités et les directoires de district, du moins dans les trois quarts des départements. Les officiers municipaux de campagne,
isolés, éloignés les uns des autres, pressés de satisfaire a lehrs besoins journaliers, ne se réunissent que très rarement. Ces considéra-tions, et beaucoup d'autres que je pourrais ajouter, vous feront sans doute prendre un parti avant la fin de votre session, sur l'établissement de municipalités centrales, qui seules pourront vous assurer la véritable situation de toutes les paroisses sur l'article des contributions et sur d'autres objets importants.
On n'a donc aujourd'hui, sur cette situation, que des données très vagues. La correspondance d'une grande partie des députés ne donnerait pas à cet égard un résultat très satisfaisant; mais comme elle n'est pas officielle, je suppose que les états de section sont non seulement commencés dans toutes les municipalités de l'Empire, mais je suppose, qu'ils sont finis. Ici, je m'arrête pour considérer ces états qui auront une influence si marquée sur la rentrée des contributions de 1791 et de 1792. On y trouve la convenance ou la quotité de chaque propriété, et l'évaluation du revenu net. 11 y a beaucoup de choses a dire sur ces deux articles, que je ne dois cependant envisager que sous le rapport qu'ils peuvent avoir avec une prompte rentrée de la contribution.
Au fait, la contenance ne pourra être reconnue exacte, par rapport, aux municipalités d'un même district, par les municipalités d'un district voisin, que lorsque la loi du mois de septembre aura reçu son exécution, ou lorsque le cadastre, opération indispensable, aura été fait. Jusque-là, il y aura toujours quelque chose de louche dans l'opération; fût-elle même exacte, ott népourra dissiper totalement les inquiétudes. Cë! n'est pas qu'il y ait de grands inconvénients dë propriétaire à propriétaire dans un même territoire, parce que la fausse base étant également adoptée pour toutes les propriétés, il résulte en définitive que la disposition de la somme imposée est proportionnelle. C'est toute autre chose de municipalité à municipalité, dedlstrict à district, de département à département. Il est même fâcheux que les directoires de département et de district ayent' quelqu'intérêt, dans les circonstances, à trouver surchargés les propriétaires de leur arrondissement, afin de faire diminuer leur masse respective d'imposition. Jè conclus de là, que pour peu qu'il s'elèvè une seule réclamation, il y en aura mille ; et la loi relative aux charges ou réductions, supposant un ordre de choses tel que les opérations relatives au département et à l'assiette de la contribution pour 1791, doivent être faites au plus tard au 1er janvier de cette même année, les délais pour les vérifications n'auraient eu dans ce cas aucun inconvénient pour la rentrée; mais ils peuvent en avoir de. très grands à l'époque où nous nous trouvons. Il résulte consé-quemment que vous devez porter une loi pour suppléer à celles de l'Assemblée constituante, qui ne peuvent pas véritablement recevoir d'application dans le moment présent, si vous voiliez faire arriver promptenient la totalité des contributions de 1791 dans le Trésor national ; et j'indiquerai tout à l'heure cette loi.
Les évaluations présentent des difficultés d'un autre genre, et ne nous ménageraient pareillement que dés retards pour la'rentrée, si vous n'y pour-voyei promptelhèrit. L'âméèt Conscience des officiers municipaux en ont étédéfinitivémentlabase, li en est résulté des erreurs;grossières qui peuvent occasionner un grand nombre de demandes en décharge ou réduction ; et ces demandes,
comme on sait, retardent la perception. Outre ces considérations, il en est d'une autre espèce prise dans la loi, qui ne peuvent aussi que conduire à de faux résultats. En effet, les municipalités auront-elles évalué le revenu net d'une terre suivant l'instruction, de manière qu'elles n'aient pas déterminé ce que les divers frais d'exploitation peuvent coûter pour chaque arpent de terre en particulier? mais, après avoir fait le calcul sur 2 ou 300 arpents, auront-elles réparti la somme de déduction trouvée sur chacun de ces arpents ; ou bien ont-elles pris dans un territoire quelques exemples des différentes qualités de terres et de productions, et s'en sont-elles servies pour évaluer par comparaison celles qui auraient des caractères semblables? Dans ces cas, les erreurs ne peuvent être que très grandes. En voici une raison : dans une exploitation quelconque, la culture des terres labourables, par exemple, que l'instruction considère seules et isolées, dépend tellement des prés qui y sont attachés, qu'on ne peut raisonnablement les considérer en particulier et d'une manière abstraite, quand il s agit d'évaluer le vrai revenu net. La théorie fait voir sans difficulté cette manière abstraite d'évaluer, mais la pratique la réprouve, et démontre que même avec delà bonne foi, oncom* met des erreurs et des injustices, soit au préjudice des contribuables, soit au préjudice delà nation.
Nul doute que lorsqu'il s'agit d'estimer les valeurs d'un domaine, on ne puisse l'estimer partie par partie ; considérer d'abord les terres labourables, ensuite les prés : mais quand il s'agit d'évaluer le revenu, et surtout le revenu net, c'est toute autre chose. Une terre labourable d'un domaine ne produit ou n'a de revenu que parce qu'elle est cultivée;elle n'est cultivée dans une exploitation que par des bestiaux, et pour cela il faut que les bestiaux consomment le produit des prés. Il est donc évident que le revenu net des prés se confond dans le revenu net des terres labourables. Ceci est particulièrement sensible dans les pays de petite culture où le prix dé ferme de deux Ou trois arpènts de prés attachésà un domaine, seraitpresque égal au prix total de ferme du domaine entier. Voilà, au vrai, comment sont les choses. Aussi, quand on voit leur nature telle qu'elle est, on est tout étônné ensuite de se voir relégué dans un monde d'abstraction, où des calculs partiels sont tous plus propres les uns que les autres à engendrer l'erreur. Et si, pour le dire en passant, on ne peut évaluer qu'avec une extrême difficulté le revenu net d'un domaine, d'une simple propriété dont toutes les parties sont, pour ainsi aire, sous les yeux; je demande à l'homme f,dé bonne foi, quelle confiance on peut avoir raisonnablement aujourd'hui dans l'évaluation du revenu brut ou net de toutes les propriétés de la France, faite d'un seul trait, propriétés dont les productions varient presqu'à l'infini, dont une partie est consommée sur le sol même, et l'.autre partie exportée ; lorsque Pon considère eflsuiteque l'on trouve plusieurs milliards pour résultat du revenu brut dont les besoins plus ou moins actifs d'une population de 25 millions d'individus, forment un des éléments, et une latitude entre 1 milliard et 2 milliards pour résultat du revenu brut ou net; car si vous prétendez, avec des autorités et un ton d'assurance qui n'en impose point aux personnes dont les calculs sont tous faits, que cë revenu net est de 1,200 millions plus ou moins 1 vingtième, je prétendrai, moi, avec le même
ton d'assurance et mes calculs, que ce revenu net est aujourd'hui de 1,800 millions, plus ou moins 1 vingtième. Qu'est-ce qui nous vérifiera? Que verra-t-on en définitive? Je plaindrai fort des législateurs qui, pour établir et assurer la rentrée des contributions, prendraient pour base de pareils calculs. L'analyse est iei le seul moyen d'arriver à la vérité; et cette analyse est le cadastre dont aucun génie ne peut prévoir les résultats, parce que les faits de cette espèce ne se devinent point.
C'est en tenant d'une màin la charrue et de l'autre la loi, que l'on se convainc aisément de la vérité des observations.
Je sacrifie toutes celles que je devais placer ici relativement aux évaluations du revenu net des terres, dans les pays de grande culture, comme dans la Beauce, la Brie, les départements du Nord, les plaines de la Garonne, de la Uor-dogne, la Limagne, etc; dans les pays de petite culture, et dans les pays de culture mixte; dans les vignobles soit du Bordelais, soit dé la ci-devant Champagne et Bourgogne, etc.; dans les pays de pâturages, soit des montagnes, soit des plaines, et dans ceux des landes de Bordeaux, et d'une partie de la Sologne où les révenus des terres se transforment en revenus provenant de la vente des bestiaux. Mais èh faisant le sacrifice de ces développements sur les évaluations, il me semble que j'en ai dit assez pour vous faire sentir que vous devez nécessairement prendre des précautions qui puissent empêcher l'effet des erreurs occasionnées par de fblles évaluations. Comparées au maximum, elles ne manqueraient pas d'exciter, et les contribuables, et les municipalités, et les districts, et les départements à former des demandes en décharge ou réduction, et à priver le Trésor national d'une partie das 240 millions décrétés, et sur lesquels nous devons compter. J'insiste d'autant plus sur la mesure à prendre à ce sujet, qu'elle aura une influence immédiate sur deux autres questions qui vont vous être5- soumisés : celles du maximum de la cotisation, et celle du'dégrèvement.
11 résulte encore de ce que je viens de dire sur les évaluations, que le comité des finances avait tort de représenter comme une taille arbitraire, une mesure que j'avais présentée à l'Assemblée nationale; mesure qui évitait lés grandes difficultés attachées à une évaluation partielle; qui rentrait absolument dans la loi, qui accélérait singulièrement la confection des rôles, qui ne demandait, pour être employée, que le papier préparé pour l'exécution de la matrice indiquée par la loi, et dont chaque municipalité se trouve abôndamméht pourvue;- mesure qui assurait, dans l'état actuel dès choses, une vérification prompte en cas de réclamation du contribuable : mesure, enfin, que les municipalités en retard sur la confection des états de section, seront forcéës d'adopter, quoiqu'il n'y ait pas de décret de l'Assemblée nationale. Pour convaincre le comité que le mode prescrit par la loi pourrait prêter infiniment plus à ce reproche que ma mesure, qu'il compare le total du revenu net d'un domaine provenu de la sérié des numéros dispersés dans les états de section, qui donnent ouverture à autant d'èrreurs partielles, involontaires ou forcées; qu'il compare, dis-je, ce total avec celui qui est provenu de mon évaluation faite en masse, il verra pour lors lequel de son total ou du mien approchera le plus ae la vérité.
Après avoir examiné les différentes parties des états de section supposés finis, les différentes
causes qui pourraient, sur ce point, retarder la rentrée de la contribution, j'arrive à ce qui a rapport à la confection des matrices des rôles.
j'examine d'abord les mesures proposées par votre comité et par plusieurs préopinants.
« Votre comité des finances vous a proposé : 1° d'obtenir la confection de ces matrices, en répétant les articles décrétés par l'Assemblée constituante, relatifs aux contraintes : et c'est au moins inutile.
il veut 2° ces matrices par le moyen des visiteurs, lesquels ne seront payés de leur premier quartier, que lorsque toutes les matrices des rôles des municipalités du district ou des districts auxquels ils sont attachés, auront été déposées au secrétariat du district, et que les registres des patentes seront tous compulses et en règle. Mais le comité ne fait pas attention qu'en voulant atteindre un but, il en atteint un qui lui est tout opposé; car ce n'est certainement pas en coupant les vivres à ces visiteurs, qu'il pourra parvenir à celui qu'il a en vue. Jusqu'à ce moment, on avait bien imaginé de n'en user ainsi que pour des encouragements ou des gratifications, et on s'était bien gardé d'appliquer cette méthode aux besoins, journaliers. Il y a plus. Tel visiteur arrive dans un district où les municipalités, comme celles de la Seine-Inférieure, du Doubs, de l'Hérault, etc., plus instruites et plus actives, ont presque toutes terminé leurs états de section et leurs matrices de rôles, et ont des registres de patentes fort en règle; de sorte que ce visiteur pourra remplir, sans beaucoup e peine et en très peu de temps, ce qui est exigé par le comité. Celui-ci recevra ses appointements à l'expiration du quartier. Tel autre visiteur, au contraire, arrive dans un district où les municipalités n'ont pas même commencé leurs états de section, ou, si l'on veut, leurs matrices de. rôles, et où, enfin, elles n'ont pas encore de registres de patentes. Ce visiteur travaillera nuit et jour pendant trois mois; et ce terme expiré, son ouvrage n'étant pas parfait, ne pouvant pas l'être, il ne recevra rien. Vous consentiriez, Messieurs, à punir ce visiteur, à lui refuser ses appointements, parce que le hasard l'aura fait tomber dans un district où les municipalités auront été sans instruction, ou négligentes, ou inactives, et parce qu'elles ne pourront remettre toutes leurs matrices de rôles qu'à une époque très éloignée ! Vous consentiriez à rendre la condition du visiteur qui aura beaucoup de peine et plus de travail, pire que celle du visiteur qui trouvera à son arrivée l'ouvrage tout fait ou presque fini 1 Je crois que ce visiteur ne tarderait pas à s'enfuir, et que le comité n'obtiendrait pas une seule matrice par ce moyen. Son projet de décret est donc inadmissible, et contrarie directement le but qu'il désire atteindre. Nous admettons l'hypothèse du comité. Donnons-lui même pour un instant toute la latitude possible; et imaginons que les visiteurs seront aussi nécessaires qu'il le croit pour l'entière exécution des matrices des rôles. Qu'arri-vera-t-il? Il est tel district formé de 60, .80 municipalités. Je demande si le visiteur pourrait se porter simultanément sur toutes celles qui sont en retard? Il est absurde de supposer possible cette loco-simultanéité. Si elle eût été possible, tous les rôles, seraient en recouvrement depuis longtemps ; j'en ai formé plus d'une fois le désir. Il fera donc les matrices des rôles, les unes après les autres; et l'on conçoit que ce ne serait qu'au bout d'un an, que toutes les ma-
trices et tous les relevés des registres des patentes pourraient être déposés aux directoires. Ce ne serait donc qu'à cette époque où il recevrait ses appointements, dont il a un besoin journalier, dans les différentes municipalités où il se transporte. En examinant avec attention la position du visiteur, on prévoit d'avance ce qui arriverait. La portion de ses appointements, qui répond à sa fonction principale de visiteur de patentes, est la plus considérable. Elle est de 1,200 livres. Pressé par la loi du comité et lé besoin, il est hors de doute qu'il s'empressera d'abord de mettre en règle les registres des patentes, et qu'il négligera le second objet de ses fonctions, les matrices des rôles, pour lesquels il ne lui est alloué que 300 livres. Ainsi, tout en croyant prendre une mesure vigoureuse, vous en prendriez une qui serait nulle. Je dis plus, elle ferait marcher la contribution foncière et mobilière dans un sens tout opposé aux intentions du comité.
Mais, dira-t-on, le visiteur établira un commissaire daus chaque municipalité; et toutes les municipalités marcheront en même temps. Je ne conçois pas trop comment il serait possible de trouver dans le chef-lieu de tel ou tel district, ou dans son arrondissement, un aussi grand nombre de commissaires qui fussent sur-le-champ au fait des détails de la loi, lorsque, dans ce chef-lieu, la municipalité trouve à peine le nombre des commissaires suffisant pour ses propres opérations. D'ailleurs, serait-il bien juste ae faire dépendre de la lenteur, de la négligence, de l'inexpérience de ces commissaires, le payement du visiteur?
Je suis loin, Messieurs, de penser comme le comité, que les visiteurs des rôles auront une influence sur la confection entière des matrices, telle que leur présence dans les municipalités, pendant deux ou trois jours, puisse y concourir d'une manière très efficace. Le comité se fait véritablement illusion sur ce point. Sans doute, les visiteurs nommés sont nécessaires. Ils sont aussi nécessaires dans les circonstances présentes, qu'ils le seront peu dans quelques années, et vos successeurs en connaîtront l'époque. Ils sont nécessaires dans les circonstances présentes, où il s'agit d'établir de nouvelles contributions, d'environner les municipalités de campagne de lumières, et de leur donner des instructions verbales ; où il s'agit de les presser, de les aiguillonner, ce que la présence d'un homme délégué par la loi fera beaucoup mieux qu'une simple lettre qu'elles ne lisent pas; où il s'asit de faire marcher la contribution des patentes qui ne pourrait aller aujourd'hui sans leur surveillance, et qu'il faudrait presque rayer de l'état des moyens de 1792, puisqu'elles ont produit à peine 4 millions en 1791. et que cette somme est fort éloignée des 24 millions portés dans l'état des moyens, et puisque encore, avec leur surveillance, il peut y avoir une bonification de près de 6 millions. Les visiteurs sont encore nécessaires aujourd'hui pour établir une correspondance directe, sûre et suivie entre les municipalités et les directoires, sur ce qui a rapport aux contributions, de telle sorte que, par ce moyen, le Corps législatif peut connaître la position véritable des 40,000 municipalités dans un clin d'œil. Ils sont nécessaires pour fournir aux corps administratifs, par lesquels ils sont nommés, dont ils dépendent uniquement, et avec lesquels seuls ils correspondent, des renseignements exacts qui seront
infiniment précieux, qui assureront la marche de ces corps adminisiratifs, et qui feront enfin accélérer les grands mouvements de l'administration souvent trop retardés (1). Ils seront nécessaires pour donner au Corps législatif connaissance des faits relatifs aux dégrèvements actuels, suivant un plan que j'ai à proposer. On conçoit aisément, d après ces observations, de quel secours peuvent être les visiteurs dans les rapports nécessaires qui doivent exister entre les municipalités, les directoires et le Corps législatif, sur tous les objets relatifs aux contributions.
Vouloir encore une fois donner à ces visiteurs une toute autre importance, imaginer qu'ils seront nécessaires pour la confection entière de toutes les matrices; imaginer qu'ils pourront travailler constamment à ces matrices, de manière qu'il soit possible que, dans certains districts où les municipalités sont en retard, elles puissent être déposées dans trois mois, comme le suppose le comité de son projet de décret : . c'est une erreur, et une erreur grossière qui peut nuire infiniment à la chose publique, prolonger l'état précaire dans lequel l'Assemblée constituante nous a jetés. Il faut d'autres mesures pour en sortir. C'est une vérité dont on sera convaincu un jour.
Plusieurs opinants ont proposé des commissaires, c'est-à-dire l'exécution
de la loi du mois de juillet, qu'il est fort inutile de renouveler.
Cette mesure pourra réussir dans un tel département, mais dans tel autre
elle ne réussira point. Il faudra donc y suppléer dans les districts où
il sera reconnu, par les procès-verbaux des municipalités, qu'elles ne
peuvent faire leurs matrices; et il faudra y suppléer par une voie
infiniment plus prompte que celle des commissaires proposés par M.
Lasource, lesquels, suivant lui, devraient être envoyés définitivement
par le pouvoir exécutif, dans le cas où les départements et les
districts n'en enverraient pas ou ne pourraient pas en envoyer; comme
s'il était praticable et prompt que le pouvoir exécutif envoyât de tels
commissaires de Paris, où il pourrait les choisir, dans les départements
des Alpes et des Pyrénées. Mais dût cette voie des commissaires réussir
dans tous les départements, resteraient toujours les grandes difficultés
attachées au mode de la loi, qui retarderont, à l'époque où nous sommes,
la rentrée des contributions dans le Trésor national, augmenteront en
même temps l'embarras des contribuables, qui auront presque la
contribution de deux annees à payer dans un temps où les recouvrements
se font avec peine. Ces difficultés m'avaient engagé à vous proposer,
Messieurs, une mesure dont je parlais tout à l'heure, qui simplifiait
singulièrement les opérations exigées par la loi, en rentrant absolument
dans ses résultats, et qui aurait épargné beaucoup de temps. J'y aurais
déjà insisté, et j'y insisterais encore aujourd'hui, si Je n'eusse pas
prévu que, sans un décret de l'Assemblée nationale, elle serait adoptée
par les seules municipalités en
Sur ce qui est relatif aux commissaires, j'observerai que je regrette infiniment que l'Assemblée n'ait pas adopté le moyen que j'avais présenté, et qui consistait à accorder des primes d'encouragement aux citoyens de bonne volonté qui formeraient une ou plusieurs matrices. J'observerai encore que l'une des plus grandes preuves de patriotisme que l'on puisse donner dans les circonstances actuelles, consiste à se faire nommer commissaire d'une municipalité pour la rédaction dé la matrice des rôles ; que tous les membres de cette Assemblée doivent provoquer sur ce point le zèle de leurs amis, de leurs parents, de leurs connaissances. Ils aceé-lérèront,'.par ce moyen, l'instant où on proclamera, dans cette tribune, que les 40,000 municipalités ont déposé leurs matrices de rôles, l'instant par conséquent où le crédit et la confiance publique seront entiers, l'instant enfin où seront totalement désespérés les ennemis du dehors et du dedans, qui ne peuvent croire que ces contributions puissent s'établir.
11 ne suffira pas d'avoir toutes les matrices des rôles des contributions foncière et mobilière :. il faudra mettre aussi les rôles en recouvrement. Je ne peux croire que les directoires qui ne marchent pas encore aussi vite que nous le désirons, ne déployent pas sur ce point toute l'activité possible. Du reste, ils sont responsables;"et le ministre des contributions les pressera sans doute, jusqu'à ce qu'enfin ils se soient mis au pair.
La position du contribuable doit aussi attirer vos regards. Les rôles de 1791 auraient dû être mis en recouvrement au plus tard au 1er janvier 1791, et ils ne vont l'être que dans les premiers mois de 1792. L'époque pour les payements sera-t-elle la même dans les deux cas? Exigerez-vous sur-le-champ le complément de la cote de 1791 ; et dans le cas de demandes en décharge ou réduction, quelle fraction de la somme totale devra payer le contribuable plaignant ? Cette question est peut-être plus délicate qu'on ne peut l'imaginer; et les vérifications à faire suivant la loi, devant entraîner des longueurs, il est instant d'y pourvoir. Vous avez par conséquent à examiner si le salut public n exige pas que le contribuable plaignant soit forcé de solder sa cote de 1791, sauf à lui imputer sur le rôle de 1792, la somme déduite par le directoire de district, vérification faite des faits, ainsi que l'Assemblée constituante l'avait ordonné sous une autre forme, pour les rôles d'acompte qui devaient toujours être soldés; sauf à rendre, des premiers deniers, au contribuable, la somme trop imposée : et s'il y en avait qui trouvassent cette mesure trop rigoureuse de payer ainsi, sur le rôle de 1791, partie de ce qu'ils doivent déjà
ou devront pour 1792; je leur dirais : « L'ennemi est à vos portes : préférez-vous perdre votre liberté et la totalité de votre propriété? choisissez ».
En me résumant, je demanderai d'abord si l'Assemblée nationale, n'étant pas instruite officiellement du véritable état de situation des municipalités, peut faire une loi nouvelle; et si l'assertion vague que toutes les municipalités sont en mouvement pour l'assiette des contributions, peut l'en dispenser, lorsqu'il n'y a au-jourd hui que 9,000 matrices déposées?
Dans le cas où l'Assemblée croirait deyoir adopter de nouvelles mesures, en;indiquera-t-elle pour les différentes opérations que les municipalités doivent faire? Les fonctions des commissaires pourront-elles être étendues aux procédés qui précèdent la formation des matrices de rôles? Et si, dans quelques départements, on ne trouve pas le nombre suffisant de commissaires, le pouvoir exécutif sera-t-il chargé d'en envoyer de Paris aux frais des administrateurs?
Voici mon opinion sur cet article. Ou les municipalités ont fait leurs états de section, ou elles ne les ont pas faits. Si elles ont fait leurs états de section, ou elles sont en état de faire leurs matrices de rôles, ou elles ne sont pas en état de les faire.
Si elles n'ont pas commencé leurs états de section, et que cela soit prouvé au directoire de district, par le rapport au visiteur, je pense que la mesure que je viens d'indiquer de nouveau, est la seule qui puisse être adoptée pour marcher promptement.
Si les municipalités ont fait leurs états de section, mais si elles déclarent au visiteur n'être pas en état de faire la matrice, le directoire ordonnera que les états de section seront apportés au secrétariat du district pour y être transformés, en présence du maire et du procureur syndic ae la commune, en matrices de rôles. Cette transformation ne peut véritablement être effectuée par le plus grand nombre des officiers municipaux de campagne. Il n'y a que ceux qui n'ont pas voyagé, qui n'ont pas observé les habitants des campagnes, et qui. n'ont pas fait une seule matrice de rôles, qui puissent avoir une opinion dflférente.
Je préférerais l'apport des cahiers des états de section au direefoire, à l'envoi de commissaires sur les lieux,, où souvent ils ne trouveraient ni maison commune, ni les facilités nécessaires pour terminer cette longue opération.
Les mesures à prendre pour la confection des matrices de rôles de contribution mobilière, devant être les mêmes que pour la contribution foncière, à très peu de chose près, en les adoptant pour celle-ci on les adopterait pour la première.
Cependant, M. Dauchy, ancien membre du comité des impositions, m'ayant dit qu'il voyait comme moi, par expérience, que cette contribution éprouverait pour son établissement les plus grandes difficultés occasionnées par la complication des opérations, des calculs et des déductions à faire, qui sont au-dessus des forces des trois quarts des officiers municipaux de campagne; j'en ai conclu qu'il ne fallait leur demander que les déclarations faites par tous les habitants domiciliés, ou suppléés par la municipalité et les commissaires adjoints, suivant le modèle n° 1, annexé à la loi; et que l'on devait ensuite renvoyer la confection de la matrice aux directoires de district, qui seraient chargés
d'employer momentanément le nombre suffisant de commis pour faire et les matrices et les rôles.,.
Tout ce qui est relatif à1 la prompte confection des rôles de la contribution foncière, devant attirer particulièrement votre attention, je ne crois pas devoir donner à cette partie de mon opinion tous les développements qu'elle exige. J'y reviendrai cependant dans le cours de la discussion des articles, si l'Assemblée paraît disposée à y délibérer.
D'après tout ce que je viens de dire, je demande la question préalable sur plusieurs articles du projet de décret du comité; j'en admets quelques-uns avec dés amendements, et je proposerai d'autres articles additionnels dans le sens que je viens d'expliquer.
Me serait-il permis, en finissant, d'exprimer un déçir? La carrière des finances s'ouvre, pour cette législature, jeudi prochain 1er mars. Qu'à dater de cette époque, l'Assemblée nationale prenne enfin le ferme parti de passer, à l'ordre ae midi, à la discussion des questions présentées par les comités des finances les jours qui leur sont consacrés,, sans qu'aucune autre question puisse l'en détourner; qu'à cet effet les comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances présentent à l'Assemblée et fassent imprimer le tableau ou le plan de travail qu'ils ont fait, de sorte que l'on ne traite plus, si je puis parler ainsi, les questions de finance par hachées; que parmi les membres de cette Assemblée, qui ne sont d'aucun comité, il y en ait qui viennent former autour des membres des comités des finances, les jours de leurs séances, une double, une triple haie, pour éclairer et s'éclairer sur les objets les plus importants. J'ai quelque peine à le révéler; mais je suis le seul qui, sans en être membre, ait suivi ses séances depuis le commencement de la session. Qu'enfin les membres de cette Assemblée et les citoyens qui ont pu concevoir quelques inquiétudes sur l'état actuel des finances reprennent courage, et apprennent que les ressourcés immenses de ce vaste Empire nous donnent la certitude que nous conduirons au port, sain et sauf, le vaisseau battu par la tempête des passions et des crimes. (Applaudissements réitérés.)
(La discussion est interrompue.)
Je vais communiquer à l'Assemblée des observations auxquelles il est nécessaire de donner quelque publicité. Il s'agit des observations qui, Ont été présentées sur les remplacements à faire dans les troupes de ligne, et que l'Assemblée a renvoyés à son comité rnili-tairé. J'avais sous les yeux une pièce qui commence par ces mots : « Législateurs, amis des lois, je vous dénonce le ministre de la guerre qui les méprise. Le temps fixé, par le décret, pour le remplacement des officiers dans les troupes de ligne est expiré depuis longtemps, etc... »
J'ai fait passer cette lettre au secrétaire qui était alors à la tribune; M. Quatremère l'a annoncée à l'Assemblée, non pas sous le titre d'adresse, mais sous celui de dénonciation relative au remplacement des officiers ; sur cela, l'Assemblée a ordonné que cette pièce serait renvoyée au comité pour le même objet. Je reçois dans ce moment cette lettre.
« Monsieur le Président,
« Vous vous êtes trompé en donnant le nom d'adresse, au comité militaire, à la dénonciation
que je vous ai adressée il n'y a qu'un moment contre le ministre de la guerre; l'importance de cette dénonciation exige de votre patriotisme que vous en fassiez faire lecture à l'Assemblée, autrement l'intérêt public me forcera d'employer dès aujourd hui la voie des journaux, et de motiver cette démarche.
« Je suis avec respect, etc... „
« Signé : OPLIN. »
Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut entendre la lecture de cette adresse.
Plusieurs membres : L'ordre du jour/
D'autres membres : La lecture !
Je ne crois pas qu'il soit de la dignité de l'Assemblée de lire une adresse qu'elle a déjà renvoyée à son comité et d'accorder à cette adresse plus d'attention parée que l'on écrit à sa suite une lettre. Je demande que le renvoi subsiste et que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des administrateurs composant le directoire du département du Bas-Rhin, qui dénoncent à l'Assemblée la désertion de plusieurs officiers et soldats du 6e bataillon de chasseurs, placé à Offendorff; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
Nous venons d'être inforipés par les municipalités de Bischviiler et d'Offendorff que, dans la nuit du 21 au 22 de ce mois, lé premier commandant du 6e bataillon de chasseurs, accompagné de plusieurs officiers et soldats du même régiment, avaient passé, le Rhin : que même les officiers, Commandant les postes d'Offendorlf, étaient du nombre des fuyards; qu'ils avaient emporté différents effets militaires et enlevé de forcé le sabre d'un tambour qui refusait de les suivre. Le détachement de ce régiment à Offendorsff, resté fidèle à son devoir, avait' arrêté les chevaux, les malles et les domestiques de ces émigrants. Nous en avons sur-le-champ fait la dénonciation à l'accusàteur public, pour qu'il soit informé, avec la plus grande activité., des faits rélatifs à cette désertion. Une nouvelle lettre de la municipalité de Bischviiler nous en a cité deux, l'un musicien et l'autre chasseur nommé Jean Didier qui, forcés le pistolet sous la gorge de les suivre, leur ont échappé et ont re-joint,leur garnison. (Applaudissements.) Ils avaient tous été reçus par des bateliers étrangers qui les ont passés sur l'autre rive. Nous joignons ici, Messieurs, l'état de ces déserteurs. Nous avons dû vous rendre compte aussitôt d'une désertion qui annonce un complot perfide.
« Signé f Les administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin.
Suit l'état des personnes émigrées :
Messieurs Aymonet, commandant; Dubrux, Ducil, Débordé, Debedée, capitaines ; Dubrux fils, Debuor, Panc-Vinon, Defailly, Labastide, Cinnont^ Martel, Maurice, Trenteman fils, Bois-Lamy, Gappy fils, Deligne, Dupratelet, lieutenants; Du-chosset, Letaillandier, Glérique, caporaux fourriers; Gillet, Bonnet, Salmon, Duporroy, Jean Didier, Beaulieu, André, Chapitre, Cominge, Adam, chasseurs détachés.
Je profite de cette occasion pour renouveler la motion qui a déjà été faite dans-cette Assemblée, de soumettre les officiers déserteurs aux mêmes peines que les soldats déserteurs, et de les envoyer aux cours martiales. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
On. vous propose aujourd'hui, et peut-être bien tard, une loi qui soumette les officiers aux mêmes peines que les soldats qui manquent à leur devoir. Il est très étonnant qu'à l'époque de la confection du Code pénal on n'ait pas eu égard à une demande semblable à celle qui vient d'être faite, mais il n'est pas suffisant de déclarer que les officiers qui déserteront seront punis, comme les, soldats. Il faut que la vengeance martiale tombe d'une manière sure sur les traîtres qui quittent la patrie pour l'attaquer; je demande que le décret qui prononce que les officiers seront punis^ comme les soldats déserteurs, soit accompagné d'un autre décret qui mette sur-le-champ en état d'accusation ceux qui viennent de déserter. {Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je demande, le renvoi des propositions faites au comité militaire. Il me semble que les préopinants sont tombés dans une erreur bïeri grave en principe. Je ne Sais pas comment il est possible d'assimiler la peine du capitaine déserteur à celle du soldat. (Murmures.) Je dis que l'officier est plus coupable, par cela seul qu'il est revêtu d'une plus grande confiance, et qu'il s'est chargé de donner l'exemple à ses inférieurs. (Applaudissements.) Je demande qu'il soit présenté une loi générale à cet égard, et que le comité militaire, observe une gradation ae peine en raison direicte des délits.
(L'Assemblée ordonne le renvoi des différente propositions au comité militaire.)
Un membre : Je demande la mention honorable au procèSrverbalde la conduite des deux soldats qui, arrachés de leur poste par la violence des déserteurs, y sont retournés aussitôt qu'ils ont pu s'échapper de leurs mains.
Un membre : Je demande l'ajournement jusqu'au moment du ^apport..
Si on fait mention de ces chasseurs, il faudra décréter pareillement la mention honorable de tout le reste de l'armée qui reste fidèle à son devoir.
Je propose la question préalable sur la mention honorable, en lamotivant d'après l'observation de M. Dubâyet.
appuie la question préalable ainsi motivée, m SipS I : V
(L'Assemblée, considérant que les sentiments de patriotisme et d'honneur qui ont dirigé ces deuxsoldats citoyens, animenttôute l'armée française, et qu'il faudrait ainsi faire mention honorable de la conduite de tous les soldats de la patrie, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres et pétitions :
2° Lettre de deux citoyens de la ville de Sierck, députés par elle, qui demandent à être admis à la barre pour rendre compte à l'Assemblée de deux agents dès contre-révolutionnaires d'Outre-Rhin; cette lettre est ainsi conçue :
Le 28 février, l'an IV de la liberté.
« Monsieur le Président (1),
« La ville de Sierck nous a députés vers l'Assemblée nationale pour lui renare compte de l'arrestation de deuxagents des contre-révolutionnaires d'Outre-Rhin, et de la situation de cette partie de la frontière.
« Nous désirons être admis à la barre le plus tôt possible, nos démarches n'ayant d'autre motif que le désir d'être utiles à la patrie.
« Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos concitoyens,
Signé : Hentz, juge de paix du canton de Sierck, Jolivaldt, maire. »
(L'Assemblée décrète que ces citoyens seront entendus dans la séance de ce soir.)
3° lettre des commissaires civils envoyés par le roi à Avignon et dans le Comtat qui se plaignent de plusieurs inculpations erronées, avancées dans le rapport du comité des pétitions (2), sur les troubles d'Avignon et du Comtat; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Chargés d'une mission importante en vertu des décrets de l'Assemblée nationale constituante, honorés de la confiance du roi, nous nous rendîmes dans la malheureuse ville d'Avignon, depuis deux ans déchirée par toutes les horreurs de la guerre civile, de la haine des partis et de l'insatiable désir des vengeances; une somme de crimes jusqu'alors inouïs frappa nos regards; l'humanité criait vengeance ; le devoir nous commandait de les dénoncer à l'Assemblée nationale, de mettre à sa disposition les prévenus de tant d'atrocités et d'attendre sa décision. Elle ordonna de les poursuivre, elle institua un tribunal criminel, et dès lors les prévenus furent sous ses décrets hors de nos mains, et par conséquent hors de notre responsabilité; nous ne dûmes, nous ne pûmes plus nous en mêler que pour exercer cette surveillance d'humanité que la loi. impose aux corps administratifs, ce que nous avons religieusement rempli. Livrés alors aux importants travaux dont nous étions chargés, nous nous occupâmes à débrouiller le cahos presque impénétrable des affaires, des intérêts, des réclamations de 100 communes, qui toutes avaient été vexées et vexantes tour à tour, toutes ennemies l'une de l'autre, toutes divisées en deux factions, celle qui voulait la Constitution, celle qui regrettait le régiment papal.
« Au milieu de ce conflit d'opinions, un mal qu'il était impossible
d'empêcher, la rentrée des émigrants que la loi nous ordonnait de
protéger, des émigrants qui rapportaient avec eux les sentiments qui les
avaient fait fuir, vint enCOre augmenter nos embarras ; il fallait
organiser les corps administratifs ; et les nombreux émigrants, qui tous
avaient le droit d'assister aux assemblées, nous faisaient craindre,
avec raison, que les municipalités ne fussent remplies que d'eux ou de
leurs partisans. Les commissaires du roi firent tout ce qui était en eux
pour rendre aux patriotes et le courage et la balance qu'ils avaient
perdus ; ils les appuyèrent de leur présence dans
« Non, Monsieur le Président, il n'est ni de la justice, ni dans les principes de l'Assemblée nationale, de permettre que des fonctionnaires publics dévoués à la Révolution depuis son berceau, qui l'ont préparée par leurs écrits, et opérée de leurs personnes, soient inculpés sans être entendus; nous déclarons que le rapport fait à l'Assemblée nationale, tel que le Moniteur et le Logographe le citent, n'est point d'accord avec les kits, n'a point rendu justice à nos opérations ; nous demandons à l'Assemblée comme un acte de justice, nous la sollicitons comme une grâce, de se faire lire nos dépêches des 15,26 et 27 janvier, celles des 1er et 11 février.
« L'Assemblée nationale se convaincra par cette lecture que le plus ardent patriotisme, que le dévouement le plus entier, que la justice la plus sévère, ont été la règle d'une conduite toute dirigée pour amener les esprits du pays qui nous est confié, à l'amour et au respect pour la Constitution.
« Nous sommes avec respect, etc. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)
4° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, par laquelle il fait part à l'Assemblée que la loi au 12 ae ce mois qui règle les conditions exi-
gées pour entrer dans le corps de la marine, ne prononce rien à l'égard des aspirants entretenus qui n'ont pas le grade d'officier.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
5° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui transmet à l'Assemblée un état des affaires arriérées sur lesquelles il sollicite.une prompte décision; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur d'envoyer à l'Assemblée nationale 8 états qui contiennent les notices des différents mémoires pour lesquels j'ai demandé des décrets. Ils doivent être joints au second des mémoires que j'ai lus à l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : B.-G. CAHIER.
« P.-S. M. Baudouin a les pièces.
« Paris, le 28 février 1792. »
Je demande l'impression de ces états à la suite du dernier discours du ministre.
(L'Assemblée ordonnel'impression des états (2) transmis par le ministre de l'intérieur.)
, secrétaire, donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1* Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui fait passer à l'Assemblée copie de deux lettres des administrateurs du directoire, du département de VOise, qui annoncent que l'ordre public troublé par les arrestations illégales de grains dans le district de Noyon (3), commence a se rétablir; ces lettres sont ainsi conçues (4) :
« Paris, le 27 février 1792, l'an IV de la Liberté.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer les copies des deux lettres que j'ai reçues des commissaires du département de l'Oise en date des 25 et 26 de ce mois. L'Assemblée nationale verra par leur contenu le compte satisfaisant que ces commissaires donnent de la mission dont ils-ont été chargés relativement au rassemblement qui s'était formé dans le district de Noyon.
« J'ai lieu d'espérer, d'après les détails que contient la lettre du 26, que les nouvelles postérieures seront de plus en plus tranquillisantes.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur .
« Signe : B.-C. CAHIER.
Copies des lettres écrites au ministre de l'inté- rieur, par les commissaires du département de l'Oise.
« Attichy,
« Monsieur,
« Aussitôt que les troupes ont été entrées dans
« Malgré leur soumission à la loi nécessitée par la présence des troupes, la disposition des esprits est telle qu'il est indispensable de laisser dans Attichy un fort détachement de troupes, principalement de cavalerie, afin d'assurer le rechargement des blés et le passage des bateaux qui pourront être chargés ; la police même du canton nécessite la présence des troupes, car les malveillants se répandent en armes dans les campagnes et les fermes, y jettent l'alarme et y exercent des vexations qu'il est urgent de faire cesser. »
« Choisy-au-Bac, le 26 février 1792.
« Monsieur,
« Ce matin, un détachement de troupes parti d'Attichy, un autre parti de Compiègne, se sont rendus à Choisy-au-Bac, il n'y a pas eu même l'apparence de résistance. Nous avons requis l'officier commandant de laisser un détachement de 20 chasseurs à cheval et de 60 hommes d'infanterie pour la garde des blés qui sont dans les greniers et en assurer le rechargement et le départ, les troupes ont constamment montré beaucoup de bonne volonté et de zèle pour servir d'appui a la loi ; l'un de nos collègues, resté à Ourscamps, nous annonce qu'il y a fait revenir les bateaux et le chargement va commencer. Nous avons pris les mêmes mesures à Attichy. Nous nous occupons de celles qui sont nécessaires à Attichy-au-Bac. »
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui annonce Y arrestation à Sentis d'un particulier nommé de Bar, prévenu d!embauchage pour les ennemis de l'Etat ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous instruire que je viens d'être informé, par le département de l'Oise, de l'arrestation faite àSenlis d'un particulier nommé de Bar (l)r prévenu d'embauchage pour les ennemis de l'Etat. Cet homme avait été dénoncé à /ce département par celui de Rhône-et-Loire qui avait envoyé son signalement.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : CAHIER. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de surveillance.)
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, relative au payement du culte catholique; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer des états relatifs au payement du culte
catholique, et aux-
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : CAHIER. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
4° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui annonce à l'Assemblée que le nommé deVaudreuil, l'aîné, a été rayé de la liste des officiers de marine, comme convaincu de protestation contre la Constitution; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le, Président,
« J'ai déjà rendu compte à l'Assemblée nationale du parti que j'avais pris à l'égard de M. de Vaudreuil, qu'on avait dit être du nombre des signataires d'une protestation souscrite par plusieurs membres de l'Assemblée constituante ; je l'ai instruit qu'ayant été compris dans la formation du nouveau corps de la marine, le roi m'avait prescrit de ne point porter son nom sur la liste jusqu'à ce qu'il m'eût fait connaîtré s'il avait signé cette protestation. La réponse de cet officier, que je viens de recevoir, m'annonce qu'il a effectivement signé cette protestation dans laquelle il persiste (1). Conséquemment, et en exécution de la loi, son nom qui n'a point paru sur la nouvelle liste, n'y sera point porté. Je ne connais pas d'autre fonctionnaire de la marine qui se trouve dans Une semblable position.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : BERTRAND. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
5° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, relative à l'établissement du tribunal à Wissem-bourg.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation,)
6° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, concernant l'étendue de la juridiction du tribunal de commerce de Saint-Etienne, département de Rhône-et-Loire.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
Une des lettres qu'on vient de lire me rappelle que, depuis trois semaines ou un mois, on a chargé le comité de législation de nous faire des observations relativement au ministre de la marine. Je demande que le comité s'en occupe enfin.
Le comité de législation doit s'assembler demain soir pour rédiger ses observations qui ont été arrêtées. Elles seront présentées à l'Assemblée jeudi ou vendredi.
Messieurs, la commission centrale s'aperçoit que la majeure partie, des affaires mises à l'ordre au jour sur le tableau hebdomadaire sont en retard ; cependant, il y en a de très intéressantes. 11 y a, entre autres, l'affaire des invalides qui est très urgente. La commission me charge de demander une séance extraordi naire mercredi soir.
(L'Assemblée décrète qu'il y aura une séance extraordinaire mercredi soir.)
L'Assemblée reprend la discussion (1) du projet de décret du comité de l'ordinaire des finances sur les moyens à prendre pour accélérer la rentrée des contributions publiques.
Il me paraît important, Messieurs, de décréter l'impression du discours qu'a prononcé ce matin M. Jacob Dupont, j'en fais la motion expresse.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Jacob Dupont.)-
Messieurs, depuis le mois de décembre, nous avons senti la nécessité d'assurer la formation des rôles ; et cependant, par une fatalité singulière, nous sommes parvenus à la fin de février sans avoir fait aucune loi sur cet objet. La cause vient, à ce que je crois, de ce qu'au lieu de nous occuper des moyens mécaniques de la confection des rôles, nous avons été jusqu'à traiter de la théorie de l'impôt. Alors se sont élevées des difficultés assez importantes qu'il faut écarter si vous voulez hâter la confection des rôles. Je me renferme donc dans cette question :
Quels sont les moyens mécaniques pour parvenir à la confection des rôles ? 11 y en a de deux sortes ; les premiers consistent à fournir, soit aux municipalités, soit aux districts, de nouveaux moyens pour faciliter la confection des états de districts et des matrices de rôles. La seconde classe des moyens, ainsi que le propose le comité, est de mettre à exécution les lois pénales, pour ainsi dire, contre les municipalités, les administrations, les départements et les visiteurs de rôles. Je crois nécessaire de réunir ces deux moyens. En conséquence, je demande que le décret que je vais proposer et celui du comité, soient discutés successivement article par article. - ,
Au surplus, Messieurs, il est une grande vérité à dire, et que les administrateurs doivent offrir aux contribuables, c'est que, s'il résulte de la formation de ces rôles, une inégale répartition entre les départements, les districts, les municipalités et les individus, ils aient à répéter à tous les citoyens, que la loi qui établit qu'on ne pourra pas payer au delà de son revenu net, est le remède à toutes les imperfections, et c'était le but de l'Assemblée constituante, lorsqu'elle a établi cette loi ; voici mon projet de décret :
« Art. 1er. Les municipalités seront
autorisées, pour terminer leurs rôles dés contributions foncière et
mobilière, à nommer des commissaires, soit dans leur sein, soit au
dehors, pour àccélérer les opérations.
« Art. 2. Seront tenues les municipalités qui auront terminé les états de
sections, d'envoyer deux commissaires au directoire de district,
lesquels féront procéder, en leur présence, à la confection des
matrices* Le directoire sera chargé d'y procéder^ur-le-champ, et sera
autorisé à s'ad-
Un des grands moyens que vous puissiez ajouter à ceux que je viens de proposer, c'est celui de montrer la volonté ferme et soutenue de faire payer la contribution; de montrer aux citoyens que leur liberté dépend de leur exactitude à les acquitter. Vous devez donc poser un terme au-delà duquel nul citoyen ne pourra jouir du bénéfice de la loi. 11 faut qu'aucun fonctionnaire public, aucun pensionnaire de l'Etat, ne puissent toucher leurs appointements avant de les avoir présenter les corps administratifs, ni passer aur.un acte devant les notaires, ni remplir aucune fonction publique. Cette mesure est juste. En effet, les corps administratifs et les tribunaux sont payés par la nation, ils ne doivent pas servir les citoyens qui ne contribuent pas aux frais de l'administration et de la justice.
Plusieurs membres : La discussion fermée l
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres demandent que le projet de décret du comité soit discuté article par article.
D'autres membres demandent que l'Assemblée entende successivement tous les membres qui auront des projets à lire afin qu'elle se détermine pour la priorité.
(L'Assemblée décide que les projets de décret seront lus.)
, montent successivement à la tribune et lisent leurs projets de décrèt.
obtient la permission de motiver son projet de décret. Il appelle l'attention de l'Assemblée sur le.sort des habitants des campagnes, pour lesquels, il n'est p is vrai que la répartition des contributions soit dans la juste proportion de leurs facultés. Ils ont tous la meilleure volonté d'acquitter leur dette envers la patrie qu'ils chérissent; mais il leur est impossible de faire face à tout. La répartition ne porte pas, selon lui, sur les véritables bases de l'égalité, et l'homme riche est encore celui sur la tête duquel toui es les faveurs et tous les ménagements s accumulent.
L'orateur lit ensuite son projet de décret dont les principales dispositions consistent à obliger tous les propriétaires de chaque municipalité à faire, dans quinzaine, une déclaration signée de la quantité ae.leurs propriétés foncières; à condamner à une amendé trois fois, égale à la quotité de son imposition celui qui aurait fait uùe déclaration infidèle, à une amende double tout officier public qui aurait favorisé ou toléré toute espèce d'infidélité, etc...
Je connais une manière fort simple d'accélérer la rentrée des impositions : elle se pratique dans quelques parties de mon département, et je voudrais qu'elle pût être adoptée dans tout le royaume. Voici le fait : le procureur de la commune de Lezat arrive sur la place publique du village, porteur du mandement du directoire de district, pour l'imposition de la communauté. On observe qu'il est double de l'année précédente; et quelques murmures s'élèvent: Un des plus riches et des plus anciens delà paroisse observe à son tour que le meilleur moyen de désoler le curé réfractaire, les aristocrates con-
nus ou inconnus, de soutenir l'honneur du village était de payer les impositions; que dans ces circonstances pénibles il fallait que les grands aidassent aux petits; et il accompagna son discours, de l'offre de son portefeuille. L'exemple est suivi ; chacun se cotise; on paye dans le jour toute l'imposition ;et on a ensuite tout le temps de faire la répartition. (Applaudissements.)
Je demande le renvoi de tous les projets qui viennent de nous être présentés au comité, pour qu'il nous en présente un autre.
Je demande la question préalable sur tous les projets. Nous devons nous en tenir aux lois faites. Si on les exécutait bien, il ne faudrait pas de lois nouvelles pour faire exécuter les lois anciennes.
Je demande la question préalable sur le renvoi. Jusqu'à présent on n a rien opposé à ce projet du comité. Je demande que la priorité soit accordée à ce sujet.
(L'Assemblée adopte la question préalable sur le renvoi au comité, accorde la priorité au projet du comité ; décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, et ajourne la discussion à ce soir.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
a là séance de l'assemblée nationale législative du mardi 28 février 1792, au matin(1).
Objets soumis a l'Assemblée nationale par le ministre de l!intérieur et sur lesquels il n'a point été statué (2). ,
PREMIÈRE DIVISION
département de saône-et-loire .
Du 3 février1791.
Envoyé à M. le président du comité de Constitution les pièces relatives à l'élection du sieur Viiledey, à la place déjugé de paix de Charolles.
département du gard.
Du
Envoyé copie d'une lettre du directoire du département, relative aux dépenses extraordinaires occasionnées par les troubles d'Uzès et le rassemblement du camp de Jalès.
département du tarn.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale les,pièces relatives au traitement des frères des Ecoles chrétiennes d'Alby, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les congrégations séculières.
DÉPARTEMENT DE L'HÉRAULT.
Du
Envoyé à M. le président du comité ecclésiastique un arrêté pris par le directoire du département, sur la demande du sieur Tadier, ci-devant procureur à Béziers, en payement de 2,280 liv. 14 s. 10 den., montant des frais par lui exposés pour les Génovéfains de Gassau, et autres maisons religieuses.
DÉPARTEMENT DU VAR.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale l'état des dépenses et avances faites par M. Çbambry, trésorier principal de la guerre, à l'occasion du rassemblement de 300 gardes nationales sur les bords du Var, et d'un pareil nombre à Antiles.
DÉPARTEMENT DE L'AVEYRON.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale une pétition de la municipalité de Ségur, en indemnité de la perte que les pauvres des paroisses de Ségur et de Saint-Aignan vont éprouver par la suppression des dîmes et la vente des biens nationaux, et les pièces dont cette pétition est accompagnée.
DÉPARTEMENT DES BOUCHE S-DU-RHÔNE.
Du er août
1791.
Envoyé à M. le président du comité des finances, l'état des anciennes ressources de la municipalité d'Aix, de ses charges permanentes et ca-suelles, des moyens qu'elle a pour y fournir, et des secours dont elle a besoin.
DÉPARTEMENT DE L'AUBE.
Du
Envoyé à M. le président du comité ecclésiastique une lettre au directoire du département, au sujet d'un partage d'opinions qui le divise sur le sens des dispositions de la loi du 18 février 1791, concernant la vente des immeubles réels, affectés à l'acquit des fondations des messes.
DÉPARTEMENT DES VOSGES.
Du
Mémoire par lequel la ville d'Epinal demande des secours en sus des sous additionnels qui lui ont été accordés. Elle offre d'abandonner ses casernes à la nation, moyennant une indemnité. Ce mémoire a été envoyé au comité des finances.
DÉPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE.
Du
Envoyé à M. le président du comité des finances différentes pièces relatives à la demande formée
par la municipalité d'Aix pour obtenir un secours provisoire.
DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-LOIRE.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale une pétition des citoyens actifs du département, extraordinairement rassemblés au Puy, par laquelle ils demandent que le traitement des législateurs soit réduit à 12 livres.
DÉPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale une nouvelle délibération de la municipalité d'Aix, portant rectification d'une erreur qui s'était glissée dans la première, par laquelle cette municipalité demande des secours.
DÉPARTEMENT DE RHÔNE-ET-LOIRE.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale une copie de l'état des dépenses auxquelles a donné lieu la détention de différents prisonniers mis à Pierre-Cise, par ordre de la municipalité de Lyon, pour que l'Assemblée décide si ces frais doivent être à la charge du Trésor public.
DÉPARTEMENT DE LA CÔTE-D'OR.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale un arrêté du département de la Côte-d'Or, relatif à une nouvellê circonscription des paroisses de Dijon, et les pièces qui y ont rapport.
Du
Ecrit à M. le Président de l'Assemblée nationale pour lui envoyer une note sur la question de savoir si les fonctions des membres des directoires sont compatibles avec celles des ingénieurs des ponts et chaussées dans les départements.
DÉPARTEMENT DU GARD.
Du
Envoyé les états des dépenses faites à l'occasion du camp de Jalès, et qui se montent à 80,141 liv. 4 s. 9 den.
DÉPARTEMENT DE LA CÔTE-D'OR.
Du er février
1792.
Envoyé plusieurs lettres de M. Gellet, curé de Saint-Bénigne.
DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES-ORIENTALES.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée natio-
nale les états des dépenses que le département a faites pour mettre sa frontière en état de défense.
DÉPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE.
Du
Envoyé à M. le Président de l'Assemblée nationale un mémoire du directoire de ce département, relatif à la démarcation des limites entre ce département et celui du Gard.
DÉPARTEMENT DU LOT.
Du
Ecrit à M. le Président de l'Assemblée nationale, relativement à la demande faite par le directoire du département pour être autorisé à former, aux frais et solde de l'Etat, deux bataillons de gardes nationales, pris dans les gardes nationales du département, à l'effet d'augmenter la force publique, et de la rendre capable de rétablir l'ordre et la tranquillité.
Du
Envoyé un mémoire relatif aux indemnités et remboursement de frais réclamés par des commissaires civils pour le soumettre a la décision.
M. de Narbonne, ci-devant colonel du régiment de Forez, a demandé qu'on lui expédiât un arrêt du conseil qui le mette dans le cas de toucher une somme cfe 1,500livres qui lui est assurée par un brevet de retenue qu'il a perdu sur le prix de ce régiment.
Le comité de liquidation a été consulté sur cette demande, le 22 février 1791, il n'a pas répondu.
Même demande de la part de M. Gillo d'Hon, qui a perdu son brevet de commissaire des guerres.
Même demande formée par M. Belonde, à qui son brevet de commissaire des guerres a été volé avec son portefeuille.
SECONDE DIVISION.
DÉPARTEMENT DU NORD.
Du
Le procureur général syndic du département demande une prompte décision sur l'avance de 192,485 liv, que sollicite la commune de Douai, pour subvenir à ses engagements.
DÉPARTEMENT DE LA GIRONDE.
M. de La Roque, ci-devant commandant de château de Ferriere.
Cemilitaire réclame une somme de 1,780livres, pour nourritures qu'il a fournies à un nommé Carrière, détenu dans ce château en vertu d'ordre du gouvernement.
DÉPARTEMENT DU FINISTÈRE.
Du 24 février.
Ce département demande l'établissement de trois notaires au delà du nombre porté dans son premier arrêté.
Du 24 dudit.
Ce département envoie un arrêté contenant des changements aux résidences des notaires dans le district d'Ussel, fixées dans un précédent arrêté.
DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE.
Du
Ce département sollicite une décision sur le nombre et les lieux où seront formés les établissements des maisons de force, de gêne et de détention, ainsi que l'exécution de la déportation.
DÉPARTEMENT DE LA MANCHE.
Du 24 du dit.
Gardes nationales.
Ce département demande si les officiers de la garde nationale doivent être renouvelés, aux termes de la loi, au 1er mai, quoique nommés dernièrement, et observe que l'exercice de 4 à 5 mois serait bien court, relativement aux dépenses que ces grades occasionnent.
DÉPARTEMENT DE L'AISNE.
Du
Sieur Le Caine, secrétaire du district de Saint-Quentin.
Ce département demande que le sieur Le Gaine soit déchargé d'une somme de 2,350 livres qui lui a été volée, faisant partie d'une plus forte somme destinée à des travaux de chanté.
DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS.
Du 2 dudit.
Circonscription de paroisses.
Ce département demande le rapport d'un décret qui détruirait les dispositions a'un premier, que l'on a eu beaucoup de peine à faire exécuter, relativement à la circonscription des paroisses dans le district de Boulogne.
DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS.
Du
Gardes nationales.
Ce département observe que les articles 3 et 4 de la loi du 14 octobre, réglant que les bataillons seront formés de 5 compagnies, et que l'article 18, portant qu'ils pourront l'être depuis 6 jusqu'à 10 compagnies, il leur paraît impossible de se conformer à ces deux dispositions, et qu'il ne sait à laquelle des deux il doit obéir.
Du 5 dudit.
Maisons de force.
Comme il est urgent que l'Assemble nationale statue sur le nombre et les lieux où elles seront-établies.
DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE.
Du 5 dud.it.
Garde nationale.
Ce département demande une explication sur les articles 33, 34 et 35 de la loi du 14 octobre, qui renvoient à la composition de la garde nationale à cheval de Paris, pour la formation de celle que les districts sont autorisés à lever.
Du 9 dudit.
Complément du directoire du département.
Ce département insiste pour qu'à défaut de suppléant, il puisse appeler des adjoints pour compléter son directoire.
DÉPARTEMENT DU NORD.
Du 9 dudit.
Marais.
Ce département appuie la demande que font des citoyens domiciliés dans les ci-devant châ-tellenies de Lille, Douai et Orcbies, de partager avec les natifs des paroisses, les marais communaux.
Du
Le département fait part des alarmes que la municipalité de Dunkerque et le district de Bergues ont conçu relativement à la cherté des œufs, beurre, légumes, etc., dont est menacé ce pays, par suite de l'exportation considérable qui s'en fait à l'étranger, et demande une loi prohibitive de toute espèce d'exportation de ces comestibles.
DÉPARTEMENT DE L'AISNE.
Du 12 dudit.
Grains.
Ce département marque que les habitants de Villeneuve ont voulu s'opposer au départ d'une voiture de grains ; qu'ils se plaignent de ce qu'on le leur enlève de force, et qu'ils disent qu'ils étaient plus heureux avant la Révolution. Il demande une instruction de l'Assemblée nationale sur l'observation de la loi et les avantages de la Constitution.
TROISIEME DIVISION.
DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE.
Du
Demande à qui doit appartenir la cire des enterrements, que réclament les ecclésiastiques, les marguilliers et les paroisses.
Du
Le ministre a informé l'Assemblée nationale que la garde nationale parisienne soldée était organisée, et n'attendait plus pour être mise en activité, que l'exécution de l'article 9 du titre VI de la loi du 28 août 1791.
DEPARTEMENT DE LA MAYENNE.
Du
Demande à être autorisé à acquérir une maison pour y loger M. l'évêque.
DÉPARTEMENT DE PARIS.
Du 4 dudit.
Demande en faveur des employés au service divin, dans les communautés religieuses, une exception à la loi du 26 août 1791, qui accorde, suivant les dispositions y portées, une pension ou gratification à chacun des employés au service divin dans les églises des ci-devant chapitres séculiers ou réguliers.
Du
Demande relative à la continuation de la collection des registres du ci-devant parlement de Paris, et au paiement des commis et fournisseurs qui ont été employés jusqu'ici pour la dite collection.
Du 4 dudit.
Demande relativé au paiement de quatre gardiens des archives des anciens tribunaux de Paris, et de la retraite provisoire de l'ancien premier commis.
Du 4 dudit.
La Compagnie charitable demande le paiement des sommes par elle avancées pour la dépense dés chemises des prisonniers.
Du 4 dudit.
Rapport sur la demande formée par le directoire du département, d'une somme de 50,000 livres pour les travaux pendant 1791, des carrières de l'extérieur de Paris.
DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS.
Du
Rapport sur une demande en pension, formée par le directoire du département, en faveur de arie-Anne Rivière, ci-devant religieuse de la charité de Saint-Omer.
DÉPARTEMENT DE L'ALLIER.
Du 11 dudit.
Demande faite par le directoire du département, de l'autorisation qui lui est nécessaire pour rétablissement du séminaire de ce département, dans la maison conventuelle des ci-devant Augustins de la ville dé Moulins.
DÉPARTEMENT DE PARIS.
Du 14 dudit.
Mémoire résumé des observations de ce département sur l'article 11 de la loi du 15 mai 1791, qui assujettit à la liquidation les dépenses qui seront jugées nécessaires pour rendre les églises
paroissiales et succursales nouvellement circonscrites propres à leur destination.
Du 14 dudit.
Mémoire relatif aux religieuses nées en pays étranger, et résidant dans des maisons de France et en particulier à trois de ces religieuses qui se trouvent dans le couvent des Carmélites de Saint-Denis.
Du 14 dudit.
Pièces et mémoire relatifs aux entreprises des édifices de Saint-Sulpice, de Saint-Philippe du Roule et des Capucins et de la Ghaussée-d'An-tin.
Du
Rapport et pièces justificatives sur la demande en paiement de loyers des casernes de la garde nationale soldée de Paris.
Du 14 dudit.
Rapport et pièces justificatives sur la demande formee par 6 gardes nationales de la section du Luxembourg, d'une somme de 840 livres pour leurs honoraires commes gardiens des scellés mis en juillet dernier au petit Luxembourg.
Du 14 dudit.
Rapport sur une demande en pension en faveur du sieur Viger, ci-devant contrôleur au bureau de la Halle, et pièces constatant ses services.
DEPARTEMENT DE L ALLIER.
Du 14 dudit.
Demande formée par le directoire du département de l'autorisatioîï qui lui est nécessaire pour faire procéder à la confection des réparations qu'exigent l'église paroissiale et le presbytère d'Hauterive-la-Serte.
Du 14 dudit.
Le ministre de l'intérieur a demandé que l'Assemblée nationale voulut bien s'occuper, le plus promptement qu'il lui serait possible, de déterminer le mode de remboursement des frais faits par le rassemblement des gardes nationales volontaires destinées pour les frontières.
DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE.
Du 14 dudit.
Questions proposées par le directoire du département relativement à l'organisation de la garde nationale.
Du 15 dudit.
Lettre de M. Amelot, et rapport sur la demande de ce commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, d'un décret relatif à des signataires d'assignats.
DEPARTEMENT DU PUY-DE-DOME.
Du 15 dudit.
Différentes questions proposées par le direc-toire relativement aux constructions et réparations des églises et presbytères, aux jardins accordés aux curés, au logement des vicaires desservant les succursales, aux cimetières de quelques paroisses et autres objets tenant au culte.
DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE.
Du
Arrêté du département par lequel il propose d'accorder des pensions, ainsi quelles sont portées dans cet article, à la demoiselle Rose Sen-sèvre, organiste de l'abbave de Chelles.
A la née Marie-Claude Bezeaux,. tourrière; et au sieur Lefebvre, médecin de l'abbaye.
Du 16 dudit.
Arrêté du département tendant à ce qu'il soit accordé au sieur Hannoteau, ci-devant chargé des affaires du monastère de Fontaine-les-Nones, une pension viagère de 200 livres.
DÉPARTEMENT DE L'AISNE.
Du 17 dudit.
Réparation qu'exige la maison épiscopale de ce département.
DÉPARTEMENT DE LA DROME.
Du 20 dudit.
Rapport et lettre du directoire du département sur la demande formée par les curés restés sans vicaires, et qui n'ont pu desservir leur paroisse que par des Bis-Ganta, d'un traitement extraordinaire à raison de la cumulation de leurs fonctions.
Du 26 dudit.
M. de La Billardrie, intendant du jardin des plantes et du cabinet d'Histoire naturelle, a présenté un devis justificatif de la demande qu'il fait d'une somme de 120,000 livres pour les dépenses desdits jardin et cabinet, pour l'année 1792, laquelle somme excède de 20,000 livres celle lixée par l'Assemblée nationale pour 1791.
Le ministre a adressé à l'Assemblée nationale ce devis et un rapport sur la demande.
Du
Le nommé Robillard, jeune homme aveugle, attaché en 1788 à la ci-devant abbaye de Maro-nel? comme aide de l'organiste, demande un traitement, eu égard à ce qu'il recevait de l'abbaye de Maronel.
Du
La veuve Demorgon demande un secours annuel, en considération des services que son mari a rendus, comme commis aux travaux des carrières près Paris, et plaines adjacentes.
Du 30 dudit.
Le sieur Vendicien d'Hondain, ci-devant car-me-chaussé d'Arras, demande une augmentation de traitement.
Du
Le sieur Volet, ci-devant religieux du prieuré de Saint-André-les-Aires, demande une augmentation de traitement.
Du 30 dudit.
Le sieur Pillet : réclamation contre un arrêté du directoire du département du Morbihan, pour faire liquider une pension sur bénéfice.
Du 30 dudit.
La nommée Marie Pallier, attachée depuis 52 ans au couvent des Ursulines d'Issoudun.
Rapport sur sa demande tendant à obtenir un traitement.
DÉPARTEMENT D'ÏLLE-ET-VILAINE.
Du 30 dudit.
Demande à être autorisé à faire les réparations urgentes à l'église cathédrale de Rennes.
Du
Les prêtres séculiers de la mission de Péri-gueux, dont les biens ont été vendus contre la loi, demandent une autorisation pour être payés sans opposition à raison de leurs dettes passives, comme anciens usufruitiers de la pension de 1,000 livres qui a été attribuée provisoirement à chacun d'eux, par un arrêté du département de la Dordogne à compter du 1er janvier 1791.
Du 13 dudit.
i Le sieur Aragon, agent du commerce et de la marine de France à Londres, demande la récompense que lui a fait espérer la loi du 6 mai 1791, relative aux citoyens qui ont servi leur patrie, en découvrant les crimes des fabricateurs de faux assignats.
Du 13 dudit.
La dame Anterroches, ci-devant prieure royale de Prouillan, demande un traitement proportionné, à raison des anciens revenus de cette maison, à celui qu'accorde l'article 22 de la loi du 14 octobre 1790, aux abbesses perpétuelles et inamovibles.
Du 13 dudit.
Le nommé Blancheton, ci-devant employé au service des capucins de Villefrahche, demande un traitement pareil à celui des frères-lais. Le département de Rhône-et-Loire a rendu un arrêté tendant à ce que ce traitement soit accordé.
Dm 13 dudit.
Le sieur Derender, ci-devant curé de la paroisse dè Colomdery, demande à être déchargé
de l'obligation par lui contractée de payer, comme décimateur en partie de la dite paroisse, la somme de 700 livres, pour servir au paiement de la reconstruction de l'église, qui a été autorisée par arrêt du conseil, du consentement des habitants.
Du
Mémoire des religieux du département de Paris, sur les dettes par eux contractées, pendant l'année 1790, envers les différents fournisseurs des maisons conventuelles.
Du 13 dudit.
Le sieur Lepaute, horloger, demande le paiement de ses soins et de ses avances pour l'entretien de l'horloge du collège royal, depuis 1775 jusques et y compris 1789.
DÉPARTEMENT DE RHÔNE-ET-LOIRE.
Du
Demande une explication précise sur la loi du 16 août dernier, relativement aux habitants des différents chapitres de la ville de Lyon.
DÉPARTEMENT DE PARIS.
Du 16 janvier.
Demande le paiement de la dépense qui a eu lieu dans les premiers mois de l'année dernière pour des travaux urgents dans le passage des Feuillants.
Du 16 dudit.
Le sièur Le Bigre, ci-devant curé de la paroisse d'Epreville, département de la Seine-Inférieure, demande une pension, en considération de l'impossibilité où l'a mis une paralysie, de continuer ses fonctions.
Du 20 janvier.
Marie-Anne Guéroult, ancienne cuisinière des religieuses de Saint-Mathieu, dites les Emmurées de Rouen, département de la Seine-Inférieure, s'est adressée au directoire pour obtenir une pension alimentaire en considération de ses infirmités.
DÉPARTEMENT DE SAONE-ET-LOIRE.
Du 20 dudit.
Arrêté par le département, à l'effet d'obtenir les secours nécessaires aux religieuses Ursulines de Maçon, pour subsister, et qu'elles sont autorisées à réclamer d'après l'article 1er de la loi du 14 octobre 1790.
Du 20 dudit.
M. Col lot, commandant du bataillon de Saint-Gervais, demande le remboursement des dépenses faites par un détachement qu'il commandait à Vincennes, lors d'une émeute en mars 1791.
Du
La commune de Nanterre, près de Paris, demande un décret qui l'autorise à emprunter, à rente perpétuelle, une somme de 6,300 livres léguée par la veuve Mouchy, décédée en 1791 à la Charité de ladite paroisse de Nanterre.
Du 20 dudit.
Le directoire du département de Paris demande l'autorisation nécessaire pour pouvoir faire payer provisoirement à 7 communautés pauvres du département, une somme de 23,6661. 13 s. 4 deniers, pendant 1792, et jusqu'à ce qu'il ait pu présenter le tableau complet de leur liquidation, pour obtenir, suivant la loi du 27 mars, un décret définitif.
Du 20 dudit.
Le directoire du département de Seine-et-Marne propose d'accorder une pension au sieur Lambert, ci-devant chantre de Saint-Pierre de Provins.
departement de seine-et-oise.
Du 20 dudit.
Demande la marche qu'il doit tenir pour liquider des gardiens de scellés apposés dans les maisons de Monsieur, à Brunoy et à Grobois.
département de l'oise.
Du 20 dudit.
Les missionnaires qui dirigeaient ci-devant le séminaire de Beauvais, département de l'Oise, demandent des secours.
Du 20 dudit.
Mémoire et lettre relatifs à la maison couven-tuelle de la ci-devant abbaye de Vaux-de-Cer-nay.
département de rhône-et-loire.
Du 20 dudit.
Arrêté du département relatif au traitement de la demoiselle Perrier, ci-devant religieuse et mariée depuis quelques mois.
département du bas-rhin.
Du
Demande si un prêtre français, qui réside en pays étranger et y remplit des fonctions analogues à son état, doit être payé de son traitement constitutionnel.
département du nord.
Du
Annonce que des municipalités de ce départe" ment demandent qu'on leur délivre les ornements des églises des maisons religieuses supprimées.
DÉPARTEMENT DES CÔTES-DU-NORD.
Du 23 dudit.
Demande que le ministre appuie auprès de l'Assemblée nationale la demande, que renouvelle le directoire, d'un décret qui réunisse le chœur du doyenné d'Uzel à l'église paroissiale dont il fait partie.
département de l'allier.
Du 23 dudit.
Les paroisses de Breton, de Franchaise, de Saint-Géraud, de Vaux et de Besson, département de l'Allier, demandent des secours.
Du 27 janvier.
Demande des fonds pour le- payement du prix de l'acquisition et des réparations de la maison épiscopale de ce département.
département de seine-et-oise.
Du 27 dudit.
Demande si les pensions des religieux sont susceptibles de progression à mesure qu'ils avancent en âge.
Du 27 dudit.
Le sieur Ripuel, du département de Seine-et-Marne, demande qu'il soit fait en sa faveur unë exception à la loi du 17 décembre f dernier.
Du 26 dudit.
La paroisse de Saint-Louis d'Autun, du département de Saône-et-Loire, demande deux cloches.
Du 27 dudit.
MM. Menière, Loury et Landgraff, joailliers à Paris, demandent le payement d'honoraires relatifs à l'appréciation qu'ils ont faite, en 1791, des diamants de la Couronne.
département de paris.
Du 27 dudit.
Demande le payement, par le Trésor public, d'une somme annuelle de 15,000 livres, pour la dépense de la police militaire de la capitale.
Du 27 dudit.
Les gardes des registres du contrôle général demandent le payement des émoluments qui leur ont été attribués pour les appointements de leurs commis et frais des registres .
Du
M. Basly, ci-devant contrôleur des rentes, demande une indemnité de 12,000 livres pour prix des registres et tables qu'il a achetées, en 1791, du sieur Tartarain, son prédécesseur, et que les commissaires de la trésorerie nationale assurent
être nécessaires au sieur Turpin, agent du Trésor public.
DÉPARTEMENT DE L'AVEYRON.
Du 30 dudit.
Demande qu'on modifie les dispositions de la loi du 28 juin, relative au déplacement des curés non conformistes.
Du
M. Le Maire, sacristain de l'abbaye de Saint-Waast, demande un traitement.
Du 3 dudit.
Les desservants.de plusieurs paroisses du district de Boulogne demandent à être payés sur le même pied que les curés.
DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE.
Du 3 dudit.
Propose d'autoriser un échange pour l'augmentation du jardin de la cure ae Bure.
DÉPARTEMENT DE SAÔNE-ET-LOIRE.
Du 3 dudit.
Demande par qui doivent être payés les frais qu'occasionne l'arpentage des compléments de jardins accordés aux curés.
DÉPARTEMENT DE PARIS.
Du 3 dudit.
Demande s'il doit être accordé des pensions aux ci-devant religieux de la Charité qui ont quitté leurs leurs maisons ; si ces pensions doivent être fixées comme pour des religieux rentés et sur quels fonds'il convient de les assigner.
DÉPARTEMENT DE LA CORRÈZE.
Du 3 dudit.
Demande qu'il soit alloué aux vicaires qui ont été appelés a desservir lès Curés vacantes, jus-u'à la prochaine convocation du corps électoral, un traitement de 1,200 livres, tant que dureront leurs fonctions extraordinaires.
DÉPARTEMENT DE HAUTE-LOIRE.
Du 3 dudit,
Demande s'il doit accorder un traitement au ci-devant secrétaire du chapitre de Brioude, supprimé, et à quelle somme il doit être fixé.
Du
Les nommés Nicq, Lecerf et Gravelle demandent une pension.
Du 6 dudit.
Plusieurs paroisses du département du Pas-de-Calais demandent qu'on leur donne, pour leurs
églises, une partie du linge et des ornements de églises supprimées.
DÉPARTEMENT DE LA CÔTE-D'OR.
Du 6 dudit.
Demande que l'on prenne en considération les réclamations des vicaires des villes, qui se plaignent de n'avoir point de logement.
DÉPARTEMENT DE PARIS.
Du 6 dudit.
Demande sur quels fonds seront payés les traitements fixés pour les gardiens de papiers de la ci-devant chambre des comptes.
Du
Rapport sur une demande formée par la demoiselle Derval, sœur-donnée du monastère de Prouilhe, département de l'Aube, tendant à obtenir une augmentation de pension.
DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE-
Du 10 dudit.
Le procureur général syndic demande des éclaircissements relativement à l'exécution des articles 3 et 18 de la deuxième section de la loi du 14 octobre 1791, pour l'organisation de la garde nationle.
DÉPARTEMENT DU NORD.
Du 10 dudit.
Le directoire propose d'accorder un traitement aux demoiselles Thuilliez et Allard, novices de la ci devant abbaye de Marquête.
Du 10 dudit.
M. Fouillet, ci-devant titulaire d'une pension de 1,200 livres sur l'abbaye de Saint-Martin, département des Pyrénées-Orientales, a demandé que cette pension, qui n'a jamais été assujettie qu'à la retenue du sixième, n'éprouve pas celle des trois dixièmes ordonnée par l'article 21 du titre V de la loi du 24 août 1790.
Le directoire du département de Paris, qui paye actuellement cette pension, sollicite une interprétation.
Les communes de Villeneuve-Saint-Georges et de Crosne demandent à ne former qu'une seule municipalité.
Du
Le sieur Petit, organiste de la ci-devant abbaye de Celle, demande une pension.
Du 10 dudit.
Le conseil général de la commune de Versailles demande un troisième-juge de paix.
Du 10 dudit.
Plusieurs curés et vicaires du district d'Amiens sollicitent une indemnité relative aux peines et
soins que nécessitent leurs doubles fonctions, étant obligés de desservir des cures voisines des leurs.
Du 13 dudit.
Les dames de la ci-devant communauté de Saint-Bernard de Tulle, département de la Cor-rèze, demandent, conformément aux articles 5 et 6 du titre II de la loi du 14 octobre 1790, un secours annuel, supplémentaire à leur traitement, fixé d'après les revenus de cette maison, lesquels sont insuffisants pour leur subsistance.
DÉPARTEMENT DU BAS-RHIN.
Du 13 dudit.
Le directoire du département demande sur quels fonds les magistrats et ministres des écoles catholiques du département, seront remboursés de la suppression des dîmes qu'ils percevaient dans quelques cantons par le droit de compétence.
Du 13 dudit.
La demoiselle Maulin demandé qu'il lui soit accordé une pension, comme sœùr-donne de la ci-devant abbaye du Lys, département de Seine-et-Marne.
QUATRIÈME DIVISION
DÉPARTEMENT DE LA GIRONDE.
Établissement des sourds-et-muets de Bordeaux.
Du
Le département de la Gironde a sollicité en faveur de l'établissement des sourds-et-muets formé à Bordeaux, les mêmes avantages que ceux accordés à l'Institution des sourds-et-muets de Paris, par la loi du 29 juillet 1791, qui a doté çet établissement d'une somme annuelle de 12,700 livres. Le ministre a écrit à l'Assemblée nationale pour la prier de se faire rendre compte, par le comité ae l'instruction publique, de l'adresse du-directoire de la Gironde, relative aux secours à donner à l'établissement des sourds-et-muets de Bordeaux.
DÉPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE.
Séminaire de la ville d'Aix.
Du
Le département dés Boucbes-du-Rhône a fait payer sur la caisse du district, au séminaire-coflège d'Aix, une somme de 6,000 livres, afin de pourvoir a la dépense des boursiers, sur la sollicitation de l'évêque métropolitain. Ce département a demandé au ministre de faire approuver ce payement.
_ La loi du 20 janvier 1791, « ayant réservé à l'Assemblée nationale à statuer sur les bourses oû places gratuites qui étaient établies dans plusieurs séminaires, après que le vœu du département lui sera connu », le ministre a rendu compte de la demande du département des Bou-ches-du-Rhône à l'Assemblée nationale, en la priant de décider si la loi du 5 janvier 1791, re-
lative aux séminaires diocésains, doit être égaler ment applicable aux séminaires-collèges.
Souscriptions accordées par le roi à différents ouvrages.
Les auteurs de plusieurs ouvrages ont réclamé, auprès du ministre, la continuation du payement des soucriptions qui leur avaient été accordées par le roi. Au nombre de ces auteurs sont MM. de Bréquigny, de Sauvigny, etc. Le ministre a rendu compte à l'Assemblée nationale de ees réclamations par un rapport dans lequel il a fait connaître l'usage établi pour ces souscriptions, et les différents ouvrages auxquels elles ont été accordées pour servir d'eneouragements à leurs auteurs. Il a prié l'Assemblée de statuer sur le payement de ces souscriptions, et sur la distribution des livraisons qui existent à l'hôtel de l'intérieur.
Du
Par une lettre du 13 janvier, le ministre prie M. le Président de l'Assemblée nationale de l'inviter à prononcer incessamment sur cet objet, attendu les pressantes sollicitations qui lui sont adressées.
DÉPARTEMENT DU NORD.
Monuments des églises supprimées.
Le département du Nord a demandé une autorisation spéciale pour remettre à M. du Groy les tombeaux de ses auteurs qui existent dans l'église collégiale de Gondé, et une décision qui puisse faire la règle de sa conduite à l'égard de ces demandes qui pouvait se présenter journellement.
Du
Le ministre a fait part de cette réclamation à l'Assemblée nationale, et l'a priée de déeider si ces réclamations peuvent être accueillies.
DÉPARTEMENT DE L'OISE.
Le 25 novembre, le ministre a envoyé à l'Assemblée nationale son avis sur la demande que le directoire du district de Beauvais a faite d'être autorisé à louer la maison des ci-devant gardes du corps pour y plaeer son administration.
L'Assemblée n a pas, à ce qu'il parait, encore statué sur cette demande.
DÉPARTEMENT DU LOIRET.
Le département du Loiret a demandé, au mois de décembre dernier, à être autorisé à réunir, dans un seul dépôt, les titres et papiers des Gorps ecclésiastiques et communautés supprimés, afin de donner plus promptement, plus sûrement et à moins de frais, les renseignements nécessaires aux personnes qui ont qualité pour les demander.
Le 10 décembre, on a soumis cette demande à la décision de l'Assemblée nationale.
Elle n'a pas encore répondu.
Le département du Loiret n'a pu, avec les 1,800 livres qui lui sont accordées, faire, dans l'emplacement destiné au tribunal criminel, tous les ouvrages convenables, notamment ceux qui
doivent avoir lieu d'après la loi du 19 septembre dernier, relative à la sûreté et la salubrité des prisons. Il demande qu'on lui indique les moyens de concilier ce que prescrit la loi au 12 octobre, avec ce qui exige celle du 19 septembre. On a écrit à l'Assemblée nationale sur cet objet.
DÉPARTEMENT DE L'YONNE.
Le 22 décembre, le ministre a prié M. le Prédent de l'Assemblée nationale de lui faire renvoyer une délibération que le disctict d'Avallon, département de l'Yonne, a prise afin d'être autorisé à acquérir un emplacement pour y tenir ses séances : délibération que le procureur général syndic au département avait adressée à l'Assemblée, avec le plan et le devis estimatif de cet emplacement. On n'a pas reçu de réponse.
DÉPARTEMENT DE L'INDRE.
Le 5 janvier, le ministre a envoyé à l'Assemblée nationale un mémoire des officiers municipaux d'Issoudun dont l'objet est d'obtenir la circonscription des paroisses de cette ville.
On ignore si l'Assemblée a statué sur cette demande.
DÉPARTEMENT DE L'ALLIER.
La municipalité d'Arronne a demandé, il y a quelque temps, qu'un petit jardin, faisant partie des biens nationnaux, fût réuni à la cure de ce lieu.
Le 19 janvier, on a renvoyé le mémoire de cette municipalité à l'Assemblée nationale.
DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE.
Le 19 janvier, le ministre a écrit à l'Assemblée nationale sur la question de savoir si le maire de Melun, comme chef du corps municipal, a le droit de présider le tribunal de police.
L'Assemblée nationale n'a pas encore fait connaître sa décision.
CINQUIÈME DIVISION.
PONTS ET CHAUSSÉES.
Rapport envoyé à l'Assemblée nationale, dans les premiers jours de novembre, concernant les entrepreneurs des travaux du Rhône à Valence, département de la Drôrne, accusés d'avoir trompé l'administration sur la qualité de pierres employées à ces travaux.
Compte rendu, le 1er décembre 1791, sur la nécessité de faire des avances à quelques départements, relativement aux travaux des routes.
Rapport du 19 décembre 1791, pour faire suite au compte rendu le 1er décembre.
Lettres des 5 janvier et 2 février 1792, à M. le Président de l'Assemblée nationale, pour l'engager à faire statuer sur l'objet relatif aux avances à faire aux départements.
DÉPARTEMENT DE PARIS.
Du
Réclamation de la compagnie charitable qui s'occupe de l'assistance des prisonniers, et qui a été chargée, par le gouvernement, delà lingerie
des prisons, pour obtenir le payement de ce qui lui est dû d'une somme de 6,500 livres, à laquelle ont été fixés, par décision du 20 avril 1788, la fourniture, le blanchissage et l'entretien des chemises distribuées aux prisonniers, ainsi que le remboursement de la somme de 3,1881.8 sols, montant des excédents de cette dépense pendant les années 1788, 1789 et 1790.
Indemnités réclamées par différents hôpitaux, en exécution de la loi au 10 avril 1791, pour raison de la suppression de la dîme et autres droits, tels que ceux de havage, minage, etc., et dont le payement doit être ordonné par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 7 de cette loi.
DÉPARTEMENT DES BASSES-ALPES.
Du
Municipalité de Moutiers.
DÉPARTEMENT DE L'AVEYRON.
Hôpital de Severac, pauvres des municipalités de Laverhue et de Gaillac.
DÉPARTEMENT DES LANDES.
Hôpital de Mont-de-Marsan.
DÉPARTEMENT DES DEUX-SÈVRES.
Hôpital de Niort.
DÉPARTEMENT DE LA VIENNE.
Hôpital de la Vienne.
DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE.
Du
Démande du conseil général de la commune de Versailles, pour que l'Assemblée nationale veuille bien assurer le payement des 150,000 livres de là fondation de l'hôpital de cette ville.
DÉPARTEMENT DU NORD.
Du
Par un décret du 26 février dernier, l'Assemblée nationale a accordé à l'hôpital de Lille une somme de 81,907 livres sur la caisse de l'extraordinaire: mais on , demande si cette somme doit être assignée sur les 4,500,000 livres accordées par les lois des 25 juillet et 12 septembre 1791. Le décret ne s'expliquant pas a cet égard, non plus que sur les engagements prescrits par ces lois, le ministre a fait part de ces deux difficultés à l'Assemblée nationale.
DÉPARTEMENT DU LOIRET.
Du
Le directoire du département du Loiret se plaignait des brigandages qui se commettaient dans plusieurs de ses districts par les mendiants et vagabonds, et il demandait que l'on prît des mesures promptes et sévères pour arrêter ces désordres.
SIXIÈME DIVISION.
DÉPARTEMENT DE RHÔNE-ET-LOIRE.
Du
Ce département demande que l'Assemblée nationale accorde des fonds pour acquitter l'arriéré de l'école vétérinaire de Lyon, et qu'il soit assigné une somme de 15,000 livres pour ses dépenses courantes.
DÉPARTEMENT DU NORD.
Décembre 1791.
Etablissements proposés dans ce département de fabriques d'eau-de-vie de genièvre.
DÉPARTEMENTS DU NORD ET DE LA SOMME.
Décembre 1791.
Plaintes de ce que, depuis peu de temps, les fabriques d'amidon se sont beaucoup multipliées dans l'étendue de ces départements, ét qu'elles consomment jusqu'à 6,000 razières de blé par semaine.
Décembre 1791.
Le ministre a fait le rapport et remis à M. le président du comité de l'extraordinaire des finances les pièces relatives au payement des dépenses occasionnées par le transport, en France, d'un grand nombre de Français qui ont été obligés de quitter précipitamment l'Espagne, pour n'avoir pas voulu prêter le serment que l'on exigeait d'eux.
DÉPARTEMENTS DU HAUT ET DU BAS-RHIN.
Du
Mémoire des régisseurs généraux des étapes, sur la nécessité d'assurer le service dé cette régie dans ces départements.
DÉPARTEMENT DE LA MEUSE.
Du
Arrêté de ce département, par lequel il a défendu provisoirement la fabrication et l'exportation des eaux-de-vie de grain chez l'étranger, et sollicite à ce sujet un décret du Corps législatif.
Du
Ce département se plaint de ce que célui delà Meurthe donne à la loi du 19 octobre 1791, relative à la fabrication des poudres et salpêtres, une extension nuisible à la récolte des salpêtres.
DÉPARTEMENT DE L'HÉRAULT.
Du
Le procureur général syndic de ce département a demandé le remboursement de quelques avances faites par plusieurs municipalités aux Français revenus d'Espagne en France.
DÉPARTEMENT DES VOSGES.
Du
Ce département a pris un arrêté pour appuyer la demande du sieur Joseph Colombier, tendant à obtenir de la nation un prêt de 100,000 livres pour lui faciliter l'établissement d'une fabrique de faulx, de limes et autres outils.
DÉPARTEMENT DE L'ORNE.
Du
La ville de Laigle a demandé un secours de 30,000 livres pour être employées à dés travaux publics, et procurer de l'ouvrage à une grande quantité d'ouvriers qui sont dans une oisiveté forcée.
Du
Dossier du sieur Ridelière-Leroux, négociant & Nantes, qui demandait au conseil à jouir de la modération des droits perçus par les employés de la ferme générale, sur 794 barriques dé sucre par lui. expédiées de cette ville pour Rouen.
Adressé à M. Meynier, président du comité d'agriculture et de commercé.
Du
Mémoire du sieur Pinson, graveur à Paris, tendant à obtenir une indemnité de 1,284 livres, pour supplément à la somme de 4,000 livres, prix auquel avait été primitivement fixé la fourniture qu'il a faite de différents poinçons et matières à l'usage de . la manufacture d'acier du sieur Dausse, établie aux frais du gouvernement, dans l'hôpital des Quinze^Vingts.
Adressé par M. le ministre de l'intérieur à M. le Président ae l'Assemblée nationale.
Du
Mémoire du sieur Leclerc, entrepreneur d'une filature de coton à Brives-la-Gaillarde, qui réclame une somme de 241 livres, pour différents articles omis dans un état de frais d'expédition, qu'il a donné d'une caisse de cardes, broches et autres ustensiles qu'il a été chargé d'acheter en Angleterre, pour le compte du gouvernement, et qui lui ont été payés la somme ae 1,830 livres, prix auquel montaient, argent de France, au mois de mai 1791, ces différents objets.
Adressé par M. le ministre de l'Intérieur à M. le Président de l'Assemblée nationale.
SUBSISTANCES.
DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE.
Du
La municipalité de Dieppe demande un secours pécuniaire de 228,390 livres, pour la mettre à portée de satisfaire aux engagements qu'elle a pris avec des négociants français et étrangers qui leur ont procuré des grains en 1789, pour subvenir aux besoins de ses habitants et des lieux circonvoisins.
département se la haute-*vienne.
Du
La municipalité de Limoges ayant emprunté, en 1789 et 1790, une somme de 258,900 livres pour subvenir à son approvisionnement, elle a demandé un secours provisoire de 100,000 livres pour faire face aux engagements qu'elle a contractés pour cet emprunt.
département du nord.
Du
Demande à fin d'obtenir de l'Assemblée nationale un décret qui fixe le traitement du commissaire établi à Dunkerque, par un décret du 7 décembre 1790, et le mit a la charge du Trésor public.
département de la côte-d'or.
Du
Ce département a envoyé une délibération de la ville de Semur qui demande que l'Assemblée nationale l'autorise à emprunter 10,000 livres pour former un approvisionnement dé précaution.
département des ardennes.
Du
, Ce département demande si l'approvisionnement des troupes, que les circonstances ont nécessité de rassembler sur les frontières des départements du Nord, ne serait pas un motif de restreindre» pour cette année, la fixation de la quantité de grains:que les habitants du du^ ché de Bouillon ont été autorisés, par la loi du 18 août 1790,. à tirer de France pour leur approvisionnement.
a la séance de l'assemblée nationale lé" gislative du mardi 28 février 1792, au matin»
Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine à M. de Vaudreuil. (2)
« Monsieur,
« Le roi, en m'ordonnant de publier là dernière formation du corps de la marine, que Sa Majesté a arrêtée le 16 décembre dernier, d'après les lois rendues sur son organisation, a cru devoir laisser en blanc la place qui vous était destinée, sur ce que la voix publique l'a instruit que vous étiez un des signataires d'une protestation contre la Constitution ; il m'importe que vous me mettiez à portée de faire connaître a Sa Ma-jestée si vous avez effectivement signé cette protestation et si votre Intention est de vous ré-racter, conformément à la loi du 16 octobre
dont je joins ici un exemplaire : vous y verrez que, faute de cette rétractation, vous ne pourrez plus prétendre à profiter des dispositions de Sa Majesté.
« Je dois encore vous observer que, si, dans la réponse que vous voudrez bien me faire, prompte et catégorique, et qui doit être ostensible, vous ajoutiez à votre signature une qualification proscrite par une autre loi, vous vous mettriez dans le cas de la déchéance du service.
« Signé t de Bertrand.
Réponse de M. de Vaudreuil (1).
« Monsieur,
« Je viens de recevoir la lettro que la place que vous, avez acceptée vous a forcé de m'éerire, et qui serait opposée à l'énergie avec laquelle vous la remplissez, si votre intention était de m'en-gager à rétracter une déclaration et protéstation contre la Constitution; mais je suis persuadé que votre objet n'a été que de me fournir une nouvelle occasion dé donner des preuves de mon dévouement pour la religion et pour mort roi. Oui, Monsieur, j'ai signé toutes les protes* tations et déclarations que le côté de la droiture dont j'étais membre, a faites contre la Constitua tion et contre les serments que l'on a voulu exiger de nous. Lôrsque je ne lés ai pas trouvées assez énergiques, j'en ai fait de particulières; aucdne considération ne m'a empêché de publier en toute occasion mes principes; serait-ce au moment où Dieu arme toutes les puissances pour Venger l'autel et le Trône, que vous me proposeriez de me ranger du côté des impies et des scélérats, qui, après avoir renversé le Trône, cherchent à détruire notre sainte religion? Ce ne peut point être votre intention.
Signé : le marquis de Vaudreuil. »
« P. S. Comme vùus me faites l'honneur, Monsieur, de me marquer que ma réponse doit être ostensible, j'espère que vous ne trouverez pas mauvais que je la rende publique* ainsi que votre lettre. »
Séance du ,
présidence de m. guyton-morveau, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse du directoire du district de Saint-Germain-en-Laye, qui demande à l'Assemblée une loi précise sur les moyens d'assurer la prompte rentrée du produit des biens nationaux.
. (L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de l'extraordinaire des finances.)
2° Lettre dé M. BérUnger, père de sept garçons, qui informe l'Assemblée
qu'il a consacré ses fils au salut de la patrie et qui! les guidera lui-
(L'Assemblée décide que M. Béranger sera admis à la barre dimanche avec ses fils.)
3° Lettre de M. Garran-de-Coulon, grand, procurateur de la nation, contenant une pétition de il. Henri Schmit, Liégeois, sur un point important de législation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et la pétition y jointe aux comités de législation et des domaines réunis.)
4° Pétition de M. Durannel, ancien soldat au ci-devant régiment des gardes-françaises, qui sollicite une place d'invalide.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
5° Demande des administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine, tendant à faire décider par l'Assemblée la question de savoir si, pour donner 2,400 livres de traitement aux curés de campagnes, il faut que la population fixée par la loi soit réunie dans le chef-lieu de la cure ou s'il suffit qu'elle se trouve dans toute l'étendue de la paroisse.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de division.)
6e Pétition de douze citoyens de Rouen faisant le commerce des bois à brûler, qui réclament contre un arrêté du corps municipal, homologué par Je directoire du district de cette ville et approuvée par le département de la Seine-Inférieure.
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités de législation et commerce réunis.)
J'ai, Messieurs, un rapport à vous faire sur la demande des personnes attachées aux frères du roi. émigrés. Cette affaire est très urgente et digne de toute votre attention. Je demande que demain, avant midi, la parole me soit accordée.
Un membre : Je demande le renvoi de la motion de M. Baignoux au comité central. Défions-nous, Messieurs, de ces propositions d'ajournement à jour fixe, sous prétexte d'urgence.
Plusieurs membres : Appuyé!
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Baignoux au comité central.)
Deux députés de là ville de Sierck, MM. Joli-valdt, maire, et Ilentz, juge de paix au canton, sont admis à la barre en vertu du décret rendu à la séance du matin (1).
, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Législateurs, nous venons, le maire de la ville de Sierck et moi, tous deux comme députés extraordinaires de la municipalité et du canton, pour présenter à l'Assemblée nationale une pétition qui intéresse et notre ville et le salut de la France.
Le 13 de ce mois, des cultivateurs de trois villages voisins de Sierck,
en fonctions de gardes nationales, accompagnés de volontaires nationaux
du bataillon de la Meurthe, qui sont en cantonnement à Sierck et dans
les villages voisins, ont amené dans cette ville trois personnes prises
en flagrant délit, armées et porteurs d'ar-
C'étaient le sieur de Schappes, intrigant, connu à Metz pour être un des agents de l'aristocratie. Le jour de son arrestation, il émigrait armé de pied en cap, sous le costume de hussard, suivi d'un domestique armé d'un sabre à l'autrichienne et dans l'équipage des soldats dé l'armée noire. Il faisait route de Metz à Luxembourg, suivant des sentiers détournés éloignés des grandes routes et évitant les regards des passants. 11 était accompagné du sieur de Las-saux, ancien garde du corps, retiré depuis longtemps avec pension et la décoration militaire, et établi sur le territoire allemand. Le sieur de Lassaux s'était fait le colporteur de la correspondance des rebelles du denors avec les ennemis du dedans ; il répandait, particulièrement dans les campagnes, des principes destructeurs de la liberté, en s'efforçant d'effrayer, par la perspective du carnage, de l'incendie, de la dévastation, ceux qu'ils ne pouvaient séduire avec de l'or. Tous trois étaient à cheval. Ayant à traverser un ruisseau profond, il leur à fallu chercher un passage guéable, et pour cela, ils ont été forcés de se détourner pour aller joindre une route fréquentée. Pour y arriver, il leur a fallu traverser des champs ensemencés où ils ont causé des dommages.
Cependant, un homme court à eux et veut les arrêter pour réclamer la réparation du dommage causé. L'un d'eux le menace; ils piquent des deux et s'enfuient. Les habitants du canton, depuis longtemps travaillés par la crainte d'une invasion, attirés par les cris de ce cultivateur, croyant voir dans ces trois cavaliers les massacreurs dont depuis longtemps on le menace, courent après eux. Ceux-ci fuient, présentant les pistolets à ceux qui veulent les arrêter et menaçant de tirer. Pendant que d'un côté on les harcelait, des gardes nationaux étaient allés occuper une gorge par laquelle les fuyards étaient obligés de passer. Arrivés là, ils sont saisis : toute résistance eut été inutile. Ils se rendent; la municipalité arrive; on s'empare de leurs papiers et de tout ce qu'ils avaient. Ils changent alors de langage; ils offrent leur argent et leurs effets, supplient, pressent, conjurent qu'on les laisse aller. L'or des traîtres ne corrompt pas nos généreux cultivateurs. On conduit les trois individus dans la ville de Sierck, accompagnés du maire qui s'était transporté au lieu ae la scène avec un détachement de volontaires nationaux.lt était difficile de contenir l'indignation du peuple ; mais au nom de la loi, toute voie de fait a été prévenue. (Applaudissements.)
On dressait à l'hôtel de la commune un procès-verbal de l'arrestation de ces personnes quand i'y suis arrivé, averti par la rumeur et le rassemblement. Comme officier public j'ai aussitôt interrogé les prisonniers. Ils parlaient avec embarras. Un grand nombre de citoyens assistaient à mes opérations. Le procès-verbal d'interrogatoire et l'audition des témoins ,ont donné les éclaircissements suivants:
Interrogés où ils allaient, ils ont dit ne pas émigrer et aller pour affaires à Luxembourg chez le sieur de Lassaux, l'uu d'eux. Interrogés sur les deux paquets de papier qu'ils portaient, le sieur de Schappes a répondu qu'ils ne lui appartenaient pas, qu'il n'en avait point connaissance; le sieur de Lassaux a dit qu'il en était porteur et qu'il les tenait d'une certaine dame, de Haguenau.
Parmi les paquets saisis, il s'en trouvait un ouvert. J'y jette les yeux. C'étaient des imprimés au nombre desquels je reconnais ceux-ci : Amendement général de la Charte constitutionnelle française, imprimé à Paris, chez tous tes marchands de nouveautés ; ouvrage qui rétablit tout l'ancien régime. J'y rencontre également une Instruction pour les cantonnements avec lettres d'envoi des princes, frères du roi, et déclaration de leurs sentiments. Une autre a pour titre : Règlement pour la formation des compagnies des citoyens du Tiers-Etat au service des princes; une autre : Le dîner du grenadier, est un aialogue injurieux pour notre Constitution.
A côté de ces imprimés, je vois plusieurs écrits ouverts dont voici l'analyse. C'étaient d'abord des lettres venant de Metz, anonymes, mais dont les auteurs seront découverts par les indications qu'elles contiennent. Les unes sont sans autre adresse que des lettres initiales et les autres adressées à des gardes du corps du roi à Coblentz. Toutes disent que c'est le sieur de Echappes qui en sera le porteur et elles contiennent :
Que ce sieur de Schappes va à Coblentz pour avoir part à la fête ; que le dénouement de cette fête est prochain ; que les émigrés commenceront sous peu la scène si attendue ; que toutes les nouvelles qu'ils reçoivent leur donnent cette espérance; que la ville de Metz est sûre pour eux ; que tous les honnêtes gens (c'est ainsi qu'ils désignent les ci-devant nobles) viennent de 15 à 20 lieues à la ronde se réfugier dans cette ville ; qu'on n'y trouve plus d'appartements à louer; que les régiments de la garnison y sont bons et bien disposés, à l'exception de celui de Condé, qui va au club, mais dont une partie est toujours à l'hôpital, parce que les soldats sont sabrés par ceux des régiments suisses (ces ré-
giments sont Royal-Allemand, Castella-Suisse, eux-Ponts, les chasseurs à cheval) ; que le général La Fayette est aussi méprisé des honnêtes gens que de la canaille... (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre!
Ceux qui ont interrompu l'orateur pour s'opposer aux applaudissements des tribunes, n'ont point saisi l'intention des tribunes ni celle du pétitionnaire, qui était de rendre hommage au patriotisme du général La Fayette également honoré par tous. (Vifs applaudissements dans VAssemblée. — Murmures dans les tribunes.)
... ; que dans les quatre coins de l'Europe on n'entend parler que d'actes de scélératesse de la part de ces enragés qui se voient au moment d'être eux-mêmes les victimes de leur Constitution infernale; que nous sommes dans le moment le plus critique ; qu'ils n'ont point été étonnés de la coquinerie des habitants ae Thionville ; qu'il faudra les régaler de boulets rouges comme les autres factieux; crue ce sont là leurs vœux les plus ardents; quils ont un parti formé; qu'ils tiennent comité; qu'ils savent, à n'en point douter, que les cantons suisses vont incessamment rappeler leurs troupes hors de France, pour les donner aux émigrés, cé qui doit, ditl'écrivai n, parfaitement bien accommoder vos affaires, car ce sont 12 bons mille hommes de plus, bien disciplinés, dans lesquels on doit avoir la plus grande confiance; enfin qu'ils reçoivent de partout les meilleures nouvelles.
La combinaison de toutes kces lettres présente
pour résultat, qu'il y a Metz un foyer de conspiration, qu'il s'y fait un rassemblement de ci-devant nobles, qu'il y a une correspondance liée entre nos ennemis armés et cantonnés depuis Coblentz, Trêves jusqu'à trois lieues de Sierck, et ceux qui travaillent sourdement à Metz ; que le sieur ae Schappes est un colporteur de messages, et lui-même un homme armé contre sa patrie ; que le plan de ceux qui écrivent (tout indique qu'ils sont militaires) est de partir au premier choc et d'aller joindre l'armée noire.
Mais, Messieurs, deux pièces doivent surtout fixer votre attention. La première est un pacte féderatif dressé à Coblentz et signé par plus de 200 ci-devant gentilshommes du Barrois et des Trois-Evêchés avec indication du nom des chefs de ces gentilshommes. Ce pacte porte qu'il sera fait un état de tous les gentilshommes lorrains armés pour la bonne cause, que le vœu de la noblesse est de mourir plutôt que de consentir à la destruction de la religion (Rires), de la monarchie et des droits imprescriptibles de la famille royale, enfin qu'il sera nommé deux commissaires pour la représenter auprès de Monsieur, frère au roi. La seconde pièce est une lettre circulaire qui invite le porteur, c'est-à-dire le sieur de Schappes, à faire souscrire ce pacte par ceux qui qui sont encore restés dans les provinces des Trois-Evêchés, de Lorraine et de Barrois et à renvoyer leur adhésion à Coblentz. Cette lettre porte : Prière de le faire signer à... (Un blanc.)
Nous déposons toutes ces pièces sur le bureau.
Il faut avoir vu les sieurs de Schappes et de Lassaux pour se faire une idée de leur contenance à la lecture de la correspondance dont ils étaient porteurs. Le passage de la vie à la mort n'a pas de symptômes plus affreux.
Un autre paquet contenait les papiers du sieur de Schappes, ses brevets, le détail de ses affaires, peut-être aussi des mystères importants. Je n'ai par cru devoir y porter ma curiosité, encore moins les livrer aux regards du public. J'ai remis tous ces papiers sous une enveloppe sur laquelle j'ai apposé le cachet du sieur de Schappes pour être joint au procès-verbal et être statué a cet égara ce qu'il conviendra. (Applaudissements.)
Jusque-là, je n'avais vu dans la résistance des sieurs de Schappes et de Lassaux qu'un délit de. police correctionnelle, mais à la lecture de cette trame criminelle contre la nation, j'ai pensé qu'il importait au salut de la France de donner un mandat d'arrêt contre ces trois personnes qui ont été transférées en la maison d'arrêt près du tribunal du district de Thionville. J'ai donné copie des pièces et de mes procès-verbaux à M. le commissaire du roi.
Le lendemain, nous nous sommes transportés à Metz; nous avons nous-mêmes instruit M. La Fayette de ce qui se tramait et nous avons averti la municipalité du danger qui menace la ville. Le procureur de la commune nous a prié de déposer à la municipalité les minutes des lettres non signées pour tâcher d'en découvrir les auteurs. Nous les avons déposées et il nous en a donné acte et expédition. Voici les copies certifiées des pièces remarquables.
Nous sommes placés, Messieurs, sur la plus extrême frontière du pays de Trêves et de Luxembourg. Nous sommes tous les jours les témoins des manœuvres des émigrés qui nous insultent, qui tentent et opèrent la séduction sur nos troupes, sèment la défiance et le discrédit parmi le peuple. Nous entendons leurs menaces, nous voyons leurs rassemblements. Ah 1 Messieurs, il y a des traîtres
parmi nous qui les protègent; ils se vantent d'être d'intelligence avec les corps administratifs. Les impudents, ils osent porter F audace jusqu'à calomnier nos augustes représentants et publier, pour nous alarmer, qu'il en est parmi eux qui les favorisent!
D'autre part, nos directoires de département et de district soutiennent et paient un couvent dé moines mendiants étrangers, qui dépendent d'une maison de Cologne, près Coblentz et qui sont domiciliés à Sierck. Cependant, les décrets leur refusent tout droit à une pension. Ces moines, abusant de la crédulité du peuple, vont dans tous les environs prêcher la contre-révolution et la guerre, épouvanter les cultivateurs et les habitants des villes par l'affreuse image d'une Saint-Bàrthélemy dont les patriotes doivent être les victimes. Ces citoyens vous adressent une pétition à ce sujet. Ils demandent que le directoire du département de la Moselle soit tenu de se conformer aux lois envers les Chartreux, cesse de les payer et accorde à la ville de Sierck leur emplacement et leur église, pour servir de paroisse, au lieu de celle qu'elle a qui est malsaine et tombe, en ruines.
La municipalité de Sierck, de concert avec les bons citoyens, nous ont député vers l'Assemblée nationale pour la prévenir du délit commis contre la sûreté de l'Etat, solliciter le remède aux malheurs qui les affligent et lui porter l'hommage de leurs sentiments ; les voici :
Un peuple simple, mais fier, habite nos campagnes: jamais, Messieurs, non jamais, il ne courbera la tête sous le joug du despotisme. {Applaudissements.) Nous touchons à la crise salutaire qui nous assurera la liberté; que les tyrans tremblent, eux et leurs enfâmes suppôts; les lâches, ils ne comptent que sur leurs perfidies clandestines, que sur les calomnies qu'ils lancent contre nos législateurs et contre les patriotes. Les intrigants les secondent; mais le peuple les déteste. Les traîtres, ils veulent nous asservir pour nous rendre heureux; mais nous préférons une liberté orageuse à une vile tranquillité. (Applaudissements.) On veut nous faire égorger, en semant la discorde parmi nous, en provoquant contre la France des armées étrangères; mais nous resterons unis ; mais nous savons que le peuple qui nous avoisine ne soupire qu'après le moment où il pourra secouer le joug et vivre libre comme nous. (Applaudissements.)
Nos ennemis emportent et accaparent For et l'argent. Eh bien, qu'ils en soient saturés ! qu'ils périssent eux et leurs trésors. L'or n'a jamais nourri les hommes ; il les a toujours corrompus. (Applaudissements réitérés.) Les imposteurs ! Ils disent que le peuple refuse de payer les contributions ! Que répondront-ils quand je leur dirai que les agents publics ont montré de l'étonne-ment à ceux qui, voyant qu'on ne leur demandait rien, ont apporté spontanément leur cote de contributions? Quand je leur dirai que ces mêmes agents ont voulu leur faire croire qu'ils ne devaient rien payer? Tous les moyens qu'ils emploient pour .nous séduire seront inutiles ; nous n'écouterons ni leurs promesses, ni leurs lâches flagorneries.
Courage, généreux législateurs, vous êtes environnés de périls et de perfidies; mais le cœur de l'Etat,mais un peupleimmensé se rallie autour de vous pour soutenir votre gloire, qui est la sienne. Nous vous apportons ici le serment de nos concitoyens. Nous jurons avec eux et pour eux que nous vivrons libres, ou que nous he serons
plus. Si on nous surprend, on nous verra trouver des armes puissantes ; tout instrument servira à la destruction des tyrans ; les faulx, les fourches, les piques nous feront bientôt un rempart de cadavres, et jamais l'ennemi ne pénétrera dans le coeur de la France qu'après nous avoir tous détruits. (Vifs applaudissements.)
Mais délivrez-nous de ces hommes pervers qui font de la religion une occasion de guerre. Depuis longtemps, nous avons adressé la même pétition au directoire de département et au ministre de l'intérieur ; il semble qu'elle soit méprisée. Nos Corps administratifs nous vexent quand nous montrons du patriotisme ; les contre-révolutionnaires, les fanatiques sont protégés par eux. Un couvent de chartreux est à notre porte. Jamais les religieux n'ont été au nombre de 20, et on diffère de le vendre ! et c'est le repaire des aristocrates ! Les chefs vont à Coblentz avec des passeports délivrés par les corps administratifs; et en attendant ils sont payés. Il y a, dans ce couvent, un magasin de blé qui y a été déposé sous divers prétextes et qui, sans doute, est destiné pour l'armée noire. Les religieux vendent leurs effets et les administrateurs de notre district ferment les yeux et sont tous les jours fêtés et régalés dans cette maison.
Tel est, Messieurs, l'objet de notre mission. Nous déposons sur le bureau les copies certifiées des pièces originales et des interrogatoires relatifs aux sieurs de Schappes, de Lassaux et leur domestique. L'Assemblée nationale jugera, dans sa sagesse, s'il y a lieu à accusation. Nous plaçons également sur le bureau la pétition individuelle de la ville et du canton de Sierck, tendant à l'expulsion des jmoines qui nous désolent. (Applaudissements.)
, répondanJ aux pétitionnaires. Les circonstances où nous nous trouvons commandent à tous les citoyens français la vigilance la plus active et la plus soutenue pour prévenir et déconcerter les menées perfides des ennemis de la Constitution. Lorsqu'ils sont assez heureux pour concilier ce que ce sentiment leur prescrit avec les lois protectricés de la liberté, ils méritent la reconnaissance de la patrie. L'Assemblée prendra en considération les faits que vous venez de lui dénoncer : elle vous invite à assister à-sa séattce. (Applaudissements.)
Les pétitionnaires traversent la salle au milieu des applaudissements de l'Assemblée.
Les citoyens qui s'exposent à des dangers pour servir leur patrie ont des droits à la reconnaissance. Je demande. Messieurs, que les noms des pétitionnaires soient inscrits au procès-verbal, qu'il y soit fait mention honorable du zèle et du patriotisme des habitants de la ville de Sierck dont ils nous ont donné le témoignage et que les pièces relatives à l'arrestation des sieurs de Schappes et de Lassaux soient renvoyées au comité de surveillance, afin qu'il propose à l'Assemblée des mesures sur chacun des faits énoncés dans la pétition.
(L'Assemblée décrète que les noms des pétitionnaires seront inscrits au procès-verbal, qu'il y sera fait mention du zèle et du patriotisme des habitants de la ville de Sierck et que les pièces relatives à l'arrestation des sieurs de Schappes et de Lassaux seront renvoyées au comité de surveillance.)
L'ordre du jour appelle la
suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de l'ordinaire des finances sur la formation des matrices et la confection des rôles des contributions foncières et mobilières de 1791 et 1792.
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er qui est ainsi conçu :
« Art. 1er. Aussitôt après la publication de
la présente loi dans chaque district; le procureur syndic du district,
conformément à l'instruction sur l'article 20 de la loi du 1er décembre
1790, adressera au receveur une note signée de lui, des municipalités
qui n'auront pas déposé leur matrice des rôles dans la quinzaine, à
compter de la date du mandement. »
Je demande la question préalable sur ce premier article, parce que la loi du 17 juin 1791 renferme textuellement les dispositions qu'on vous présente aujourd'hui. J'observe d'ailleurs que le même raisonnement s'applique aux 4 premiers articles du projet.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 1er.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu :
« Art. 2. Le receveur sera tenu de décerner contre les officiers municipaux en retard, et de présenter au visa du directoire dans les trois jours de cette notification des contraintes solidaires, pour Un quartier de la somme totale assignée par le mandement, sans que, sur ces contraintes, il puisse être fait déduction des sommes que les contribuables auront payées en vertu des rôles d'acomptes ordonnés par la loi du 29 juin. »>
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 2.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu ;
« Art. 3. Le directoire de [district ne pourra se dispenser de viser ces contraintes et de les rendre exécutoires dans la huitaine de leur présentation, si toutefois la seconde quinzaine d'après la date du mandement est expirée, conformément à l'instruction ci-dessus cité. Cependant, lorsque les officiers municipaux, ayant fait Connaître l'état actuel dé leurs matrices, auront pris un engagement formel de les déposer dans un délai court et fixe, il pourra leur être accordé un sursis, passé lequel, les contraintes seront visées et mises à exécution. »
plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 3.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu :
« Art. 4. Le directoire de district enverra dans la quinzaine de la
réception de la présente loi, au directoire du département, un état
double des municipalités pour lesquelles les contraintes auront été
décernées, avec la date du visa, ou ses observations sur les motifs et
l'étendue des délais qu'il aura accordés en vertu de l'article
précèdent, et le double de cet état sera envoyé, par le directoire du
département, au ministre des contributions publiques avec ses
observations. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 qui est ainsi Conçu :
« Art. 5. La loi du 9 octobre 1791, qui établit des visiteurs et inspecteurs de rôles, leur ayant attribué des traitements relatifs aux diverses fonctions qu'elle leur a confiées, ils en seront payés par quartier mais sur des ordonnances du directoire du département, qui ne pourront être accordées que sous les conditions ci-après. »
Plusieurs membres : La question préalable
Je demande qu'on n'adopte pas la question préalable sur cet article avant d'avoir discuté les deux articles subséquents.
L'Assemblée ne doit pas perdre de vue que l'objet qui l'occupe en ce moment, c'est de faciliter la rentrée des contributions. Or, pour cela, il n'y a qu'un moyen, c'est de donner aux municipalités la facilité de nommer des commissaires pour les aider â achever les matrices des rôles. Je demande, en conséquence, qu'on substitue deux articles aux quatre dont la question préalable a fait justice. Le premier contiendra l'autorisation aux municipalités de nommer, soit dans leur sein, soit hors de leur sein, des commissaires pour les aider, à achever leurs états de section, et fixera un délai pour qu'elles soient tenues de déposer les matrices des rôles aux départements. Le second portera une loi pénale contre les municipalités qui négligeront de nommer des commissaires, telle que d'autoriser les directoires de district à en envoyer aux frais des municipalités en retard.
Je demande que l'Assemblée adopte ces bases et renvoie au comité pour la rédaction. (.Applaudissements..)
Voici un projet de décret qui, je crois, satisfera l'Assemblée ; il a 7 articles. Voici les 4 premiers :
« Art. 1er. Les municipalités seront tenues
de choisir des commissaires salariés, pour les aider dans les états de
section, et seront tenues de les nommer lors de la première visite qui
sera faite par le vérificateur de rôles, qui constatera l'état des
opérations de chaque municipalité de son arrondissement, la nomination
et l'acceptation des commissaires, ou le refus des municipalités d'en
nommer.
« Art. 2. En cas de refus par les municipalités de choisir des commissaires, les directoires de district en nommeront d'office.
« Art. 3. Les commissaires nommés d'office seront tenus de faire les états dans la quinzaine de leur nomination.
« Art. 4. Et dans le cas où quelques municipalités montreraient une opposition formelle, les directoires de district, après avoir constaté cette opposition, décerneront des contraintes contre les officiers municipaux. »
L'opération n'est difficile que parce que les gros propriétaires intelligents et riches ne sont ni assez bons patriotes, ni d'assez bonne foi, et parce que les citoyens de bonne foi, et vraiment patriotes, manquent d'intelligence. Il faut donc venir au secours des municipalités; mais si, ne salariant pas les officiers municipaux, vous les autorisez à nommer, pour les aider, des commissaires salariés, n'auront-ils pas droit de se plaindre? et d'ailleurs n'est-ce
pas faire injure atix citoyens des campagnes, que de leur propbser un salaire pour des fonctions momentanées que les officiers municipaux sans salaire remplissent pendant plusieurs années?
Plusieurs membres : Là priorité pour le projet de M. Juéry!
(L'Assemblée accorde la priorité au projet de décrét de M. Juéry.)
fait une nouvelle lecture de l'article 1er de son projet dé décret.
J'ai été adminis--trateur de district et je me suis occupé à chêi^-chêr les causes des retards qu'apportaient les municipalités dans la formation de leurs matrices de rôles. Jé le dis avec confiance, les lois déjà faites suffisent et je le dis parce que j'ai travaillé sur cette matière avec les habitants des campagnes. Il faut apporter dans cette question l'esprit d'observation, non l'esprit de système* Voulez-vous savoir la véritable cause de toutes les difficultés? Je vais vous la dévoiler et j'en dois la connaissance à l'expérience que j'en ai faite. Telle municipalité ne travaille pas à la confection de son rôle parce qu'elle craint qu'en portant la boisselée de terre à 3 livres par exemple, la municipalité voisiné, ne faisant son opération qu'après ellê, ne la fixe à 50 sois. Or, si vous permettiez aux municipalités de choisir elles-mêmes les commissaires, ces commissaires seraient absolument dans leur sens èt auraient les mêmes idées; au lieu qu'en faisant nommer les commissaires par les directoires de district, vous parerez à ces inconvénients; vous empêcherez que les municipalités s'individualisent, et vous les ferez avancer. Je préférerais donc ce dernier mode en portant une loi pénale contre les directoires de district, pour les forcer à nommer les commissaires dans le plus court délai.
Voilà le mal : appliquons le remède. Je le trôuVê dans la loi du 17 juin 1791. Je demande l'exécution de cette loi et la question préalable sur le projet de M. Juéry.
Plusieurs membres demandent l'ajournement de la discussion.
M. Lecointe-Puyraveau a touché le vrai point de la difficulté, j'adopte son opinion. Si vous décrétez l'ajournement, je demande que vous chargiez le comité, non de vous présenter une nouvelle loi, mais de présenter une instruction claire et facile pour faire exécuter celle de l'Assemblée constituante. J'insîstè aussi pour que les commissaires soient nommés par les administrations supérieures, et qu'ils ne puissent l'être parmi les propriétaires des municipalités où ils seront employés.
Je suis très éloigné d'adopter les idées de M. Dorizy. On avait décrété que les administrations nommeraient des commissaires. Eh bien! elles n'en oht, pour là plupart, point nommé. Je demande, si, lorsque les municipalités sont chargées elles-mêmes de faire leurs rôles, il y a de l'inconvénient à ieur laisser la faculté de prendre des commissaires dans leur sein. Je propose donc à l'Assemblée de décréter pour base que les municipalités pourront se choisir des commissaires.
Je dois dire que les états de section ne sont pas aussi arriérés qu'on pourrait le çroire. Nous avons des lois multipliées sur cette matière; il faut les faire exécuter. Il n'y a plus rien à faire pour le Corps législatif relativement
à la rentrée des contributions. Tout irait si le pouvoir exécutif voulait marcher. (Applaudissements dans les tribunes.) C'est au pouvoir exécutif seul que l'on doit maintenant s'en prendre si les contributions ne rentrent pas. Qu'il donne aux corps administratifs les ordres nécessaires pour que les lois s'exécutent; et si ces corps ne le font pas qu'il les suspende, il en a le droit d'après la Constitution. Si les ministres ne remplissent pas ces devoirs, il faut les faire punir; et je pourrais citer le département de Paris et la municipalité, qui n'ont pas encore établi l'im* pôt, ni même les patentes, et que le ministre aurait déjà dû suspendre. (Applaudissements.) Si Paris donnait l'exemple, tout le reste du royaume le.suivrait; d'après cela je demande qu'on s'en tienne aux lois déjà existantes, et la question préalable sur tous les projets présentés; et je propose de décréter que le pouvair exécutif se fera rendre compte de l'exécution de la loi sur contribution foncière et mobilière, et que le ministre de l'intérieur en instruira l'Assemblée avant le 15 avril prochain.
Plusieurs membres ; La discussion fermée !
.(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre ; Les différentes propositions qui ont été faites et le dissentiment des opinions prouvent que cette matière n'a pas été suffisamment approfondie. Jé demande l'ajournement à trois jours.
(L'Assemblée décrète l'ajournement à trois jours.)
Plusieurs membres demandent l'impression du projet de décret de M. Juéry.
D'autres membres : La question préalable sur l'impression !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'impression.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur un secours jprovisoive à accorder à la caisse de Vextraordinaire; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
c L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances; considérant que, suivant l'état par aperçu remis pàr le commissaire du roi, près la caisse de l'extraordinaire, le 14 février présent mois, il ne restait à cette époque, pour fournir au service de cette caisse, que 2,947,112 livres èt que les fabrications dés assignats de 10 livres et 25 livres, décrétés le 17 décembre dernier pour le service de la même caisse, ne peuvent offrir des ressources de quelque temps; et voulant prévenir les dangers qui résulteraient du retara des payements, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
«, Sur les 215 millions d'assignats de 5 livres destinés à l'échange d'assignats de plus forte somme, suivant les décrets des 23 août èt 17 décembre derniers, il sera pris la somme de 100 mil-
lions pour être employés au service de la caisse de l'extraordinaire.
Art. 2.
« Ces 100 millions seront remplacés par 50 millions en assignats de 25 livres, et 50 millions en assignats de 10 livres, à prendre sur la création faite par l'article 3 du décret du 17 décembre dernier, lesquels serviront à retirer de la circulation les assignats de plus forte valeur qui seront indiqués par l'Assemblée nationale ».
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
, au nom du comité de division, fait la troisième lecture ( 1) d'un projet de décret concernant la circonscription des paroisses de la ville de Provins. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par son comité de division : 1° des pétitions des habitants de Saint-Pierre et de Sainte-Croix de la ville de Provins, à fin de rapport de la loi du 12 juillet 1791, portant circonscription des .paroisses de ladite ville ; 2° de l'arrêté du directoire du département de Seine-et-Marne, du 11 juin dernier, sur la délibération du directoire du district de Provins, du 28 mai, prise de concert avec l'évêque du département, sur la pétition du conseil général de commune, après les trois lectures faites dans'ses séances des 30 janvier, 7 et 28 février, et avait déclaré qu'elle était en état de délibérer définitivement, décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, dérogeant à l'article 22 dé la loi du 12 juillet 1791, portant circonscription des paroisses dépendantes du département de Seine-et-Marne, décrète :
Art. 1er.
« Il y aura, pour la ville de Provins, une seule paroisse, qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Sainte-Croix; les autres paroisses sont et demeurent supprimées; et ce, conformément à l'article 15 du titre Ier de la loi sur la constitution civile du clergé.
Art. 2.
« La ville de Provins étant divisée en deux parties inégales, et leur position rendant les communications entre elles, difficiles, et souvent périlleuses, les églises de Saint-Quiriaçe et de Saint-Ayoult seront conservées comme succursales.
« Le ressort de chacune desdites succursales aura pour limites celles que le directoire du département a proposées dans son arrêté ci-dessus méntionné, lequel restera annexé à la minute du présent décret.
« Le présent décret ne sera envoyé que dans le département de Seine-et-Marne. »
Messieurs (2), quels sont les réclamants qui vous demandent le rapport
du du décret du corps constituant pour la circonscription des paroisses
de Provins? Sont-ce
L'Assemblée constituante ayant décrété le principe sur le vu des pièces et dires respectifs, elle a eu égard aux localités et aux considérations économiques, non seulement pour la ville de Provins, mais pour quantité d'autres qui sont dans le même cas. Melun et Château-Thierry, ses voisines, n'ont pas plus de population qu'elle et sont bien moins étendues; et l'Assemblée législative ne peut, selon moi, rapporter le décret de circonscription de l'une, sans rapporter ceux qui sont dans le même cas.
Je dis encore, quels sont les réclamants? des particuliers isolés qui ne composent qu'une très petite minorité et je soutiens que le comité de division n'aurait point dû donner de suite à cette réclamation, ou il se trouvera arrêté par de pareilles réclamations de la part de toutes celles qui ont subi une réunion.
Cependant les ennemis de la chose publique, mettant tout à profit, n'ont pas manqué l'occasion de souffler l'esprit de discorde et d'égarer, le plus possible,"le peuple, et je trouve que le rapport de ce décret est un sûr moyen pour les faire réussir. Voilà pourquoi je demande la question préalable sur le projet de décret du comité de division et que le ministre de l'intérieur ne puisse plus à l'avenir suspendre l'exécution d'une loi dont il avait précédemment ordonné l'exécution, sur la réclamation isolée d'un membre de cette assemblée (1).
défend le projet du comité.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion, déclare qu'elle est en état de délibérer définitivement et adopte le projet de décret.)
(La séance est levée à dix heures.)
a. la séance de l'assemblée nationale législative du mardi 28 février 1792, au soir.
MÉMOIRE (2) des habitants de Saint-Ayoui et Saint-Quiriasse de Provins, contre le projet de décret du comité de division, tendant à faire rapporter le décret du 5 juillet dernier, concernant la circonscription des paroisses de la dite ville.
Historique des faits.
Au mois de mai dernier, M. l'évêque du département de Seine-et-Marne se transporta à Provins pour préparer la réunion des paroisses de cette ville.
Le bureau municipal était alors composé de citoyens de la paroisse Sainte-Croix; savoir, le
maire et trois officiers municipaux ; ils avaient en outre un de leurs citoyens, administrateur du directoire du département et, un autre, député à l'Assemblée constituante. Ils résolurent de conserver leur paroisse seule et unique, sans considérer la localité, la convenance et le vœu de la majorité; pour y parvenir, les municipaux, par une réception magnifique, captèrent i'évêque et ceux de sa suite dans lesquels il avait le plus de confiance; ils eurent soin de mettre de leur parti des membres du directoire de district qui étaient du pays et de la connaissance intime de I'évêque; il se prêta de bonne grâce à faire un travail particulier avec la municipalité; il le porta ensuite au directoire du district ; il fit en cela plus que la loi n'exigeait; car il devait s'adresser directement au directoire ; il y avait à cette administration deux administrateurs et le procureur syndic de leur connaissance qui, d'accord avec lui, assuraient la majorité au projet qu'il avait rédigé d'avance, nonobstant les considérations qui y furent déduites.
L'église Sainte-Croix fut conservée paroisse unique, et celles de Saint-AyouL et de Saint-Quiriasse succursales.
Les citoyens apprirent ce résultat et murmurèrent contre leurs délégués ; ils députèrent au département et leur mécontentement fut général quand ils surent que le registre du département contenait, à la ligne, la jparoisse de Sainte-Croix seule conservée ; celles de Saint-Ayoul et Saint-Quiriasse, oratoires, et que le mot succursales était adapté, en interligne, après et au-dessous le mot oratoires.
Les citoyens s'assemblèrent paisiblement et obtinrent de la municipalité une assemblée générale qui fut publiée 8 jours d'avance avec toutes les formalités requises par la loi.
Il en résulta que les deux tiers des habitants, considérant que la ville de Provins, composée de ville haute et ville basse, d'une surface de 1,400 toises de longueur sur 600 de largeur, contenant 14 églises, curiales, collégiales ou monacales (les vaisseaux des dites églises trop petitsÎiour en distinguer une métropôle, sans mettre a nation ou les habitants dans des frais de construction, qu'on ne peut apprécier), il était indispensable de conserver deux paroisses et un oratoire ; savoir, la paroisse Saint-Ayoul pour la ville basse, Saint-Quiriasse pour la ville haute et Sainte-Croix oratoire, de manière que la rivière Duretin ferait la séparation des deux paroisses.
Cette délibération fut portée par députation à l'Assemblée constituante et le décret du 5 juillet fut rendu sur le vu des pièces respectives.
La ville de Melun, qui a beaucoup plus de facilité à se communiquer que celle dé Provins, fut réunie le même jour et eut deux paroisses. Elle ne fournit, comme Provins, que 10 électeurs ; sa population n'est pas plus considérable et son étendue est bien moins grande.
La municipalité, se voyant déçue de son espérance, députa le maire et un officier municipal, pour faire changer le décret et, après deux ou trois députations, le comité ecclésiastique, ennuyé, leur donna un billet de renvoi.
Ils n'ont cessé, depuis ce temps, d'intriguer pour empêcher l'exécution de ce décret; cepen-ant, c'est la très petite minorité ou, pour mieux dire, la paroisse Sainte-Croix qui, de tout temps en possession de fournir le plus grand nombre de municipaux, de négociants, de nominateurs, voulurent, à quelque prix que ce fût, conserver
cette influence qui ne doit plus avoir lieu sous un gouvernement représentatif.
En se résumant, ils demandent l'entière exécution du décret du 5 juillet, sanctionné le 12 et passent à la discussion du rapport du comité de division.r
1° Le rapporteur du comité de division a opéré, sur un plan inexact, le plan fourni par la paroisse Sainte-Croix qui réduit la ville d'un tiers en tous sens, et, de la plus grande ville du département, il en fait une des plus petites.
2° Il dit que la ville haute et la ville basse sont séparées par une montagne ; qu'il y a une rue habitée du haut en bas et que quelque circonscription qu'on lui donne, la position des lieux obligera ceux qui l'habitent à prendre des précautions pour le verglas quand il existe.
3° 11 est dit, dans le rapport, que, de toutes les, églises, Sainte-Croix est la plus vaste, la plus solide et la plus belle.
Assertion controuvée; Saint-Quiriasse est, sans contredit, celle qui réunit les trois qualités que le rapporteur des comités adapte gratuitement à Sainte-Croix ; car de temps immémorial, Saint-Quiriasse a servi, comme la plus grande et la plus belle, à toutes les cérémonies d'apparat; et quand on a fait prêter le serment aux gardes nationales, elle était trop petite; or Sainte-Croix l'est infiniment davantage; les bas-côtés en sont si bas et si étroits que si elle était une fois remplie, ce serait un véritable étouffoir. Elle est retirée dans les jardins, masquée du côté des rues ; et si elle réussissait à être paroisse unique, elle aurait bientôt des défauts incroyables et il faudrait des dépenses considérables pour la mettre en état de contenir ses paroissiens.
Le rapporteur dit, d'après les citoyens de Sainte-Croix, que la paroisse Saint-Ayoul n'a ni cloches* ni clocher et qu'il faut 150,000 livres pour la réparer.
Par cette assertion, il paraît qu'il en veut faire une neuve, car 500 livres peuvent faire toutes ses réparations ; située sur la plus belle place de la ville, les habitants les plus reculés de Sainte-Croix ne sont pas plus éloignés que ceux de Saint-Ayoul qui en est le plus distant; elle a 5 à 6,000 livres de revenu et est en état de fournir à ses besoins, sans être à charge à personne.
Le rapporteur dit que les habitants de Saint--Pierre supprimé, dans tous les cas, ne peuvent communiquer à leur paroisse par le verglas, etc... te . -
La position du sol ne peut être rectifiée par l'Assemblée nationale législative; s'ils étaient plus à portée de communiquer à Saint-Pierre, c'était des rues en escaliers et quoiqu'un peu plus loin, ils peuvent monter en voiture à Saint-Quiriasse par la rue de la ville haute qui est l'ancienne route de Troyes à Paris ; ils ont en outre l'église de l'Hôtel-Dieu à leur proximité.
Les rivalité ont causé des suppressions, ont empêché d'avoir des états de population exacts ; cependant elle approche plus dé 6,000 âmes que de 5, et sans une épidémie qui a enlevé 1,100 âmes en 1784, sa. population serait bien au-dessus du terme fixé par l'Assemblée constituante
Séance du
présidence de m. mathieu-dumas.
La'séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des pièces suivantes :
1°Lettre de la municipalité de Nancy, qui fait parvenir à l'Assemblée un extrait du procès-ver-oal de la séance du 23 février, pour l'instruire de la conduite patriotique des oraves soldats du 58e régiment d'infanterie; cette lettre et l'extrait sont ainsi conçus ;
Lettre de la municipalité de Nancy.\
« Messieurs,
« Nous avons l'honneur de vous adresser un extrait du procès-verbal de notre séance du 23 février. Nous sommes persuadés que vous applaudirez à la conduite patriotique des braves soldats du 58® régiment d'infanterie; et vous verrez que tous les moyens qu'emploient les ennemis de notre liberté pour séduire notre armée, échouent contre la sagesse, la prudence et l'amour des lois qui animent les citoyens qui la composent.
Nous nous félicitons, Messieurs, d'être près de vous les interprètes des sentiments de ce régiment, et nous nous faisons un devoir de vous assurer que nous compterions sur lui avec confiance pour combattre nos ennemis au dehors, et pour maintenir l'ordre au dedans. »
Signé : Les maire et officiers municipaux.
Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy. Séance du 23 février 1792
« Jean-Baptiste Picard, dit Valeureux, grenadier au 58e régiment, s'est rendu au corps municipal, accompagné de plusieurs citoyens, tous recommandables par leur patriotisme; il y a exposé qu'il était parvenu, à l'adresse des grenadiers de son corps, un écrit intitulé : Adresse det émigrés à Varmée française ; cet écrit, fait dans des principes séditieux, insultants pour l'Assemblée nationale, provoque au nom au roi, les soldats à la révolte et à la désertion. Jean-Baptiste Picard a dit que ses camarades étaient pénétrés d'indignation, de ce qn'on ose tenter leur fidélité par ces honteuses et viles insinuations. 11 a, en son nom et en celui des grenadiers et soldats de son corps, déposé sur le bureau ce libelle, invité la municipalité à le dénoncer à l'Assemblée nationale, en lui faisant agréer l'hommage de leur inébranlable soumission aux lois, et de leur dévouement à la patrie. (Applaudissements.)
« Les citoyens qui accompagnaient Jean-Baptiste Picard, ont dit qu'ils avaient v t près de 200 soldats partager les sentiments de cé brave grenadier, applaudir tous à la mesure de dénoncer ce libelle, vouer au mépris et à la haine la perversité qui inspire cet écrit, et la bassesse qui y adhère.
« M. le maire a exprimé, au nom du corps municipal, la satisfaction que lui faisaient éprouver ces sentiments généreux, si familiers
aux soldats de la Constitution; il leur a donne l'assurance d'en faire parvenir l'honorable témoignage aux représentants de la nation.
« Les députés retirés, le corps municipal délibérant sur la pétition de Jean-Baptiste Picard; considérant qu'il est utile de dévoiler la perfidie de ces nommes qui, dans leur révolte contre la Constitution, osent encore profaner le nom du roi, qui a juré de la maintenir, de démasquer la honte d'un parti qui n'a d'autre moyen de défense, que la corruption et le parjure ; enfin, d'instruire l'Assemblée nationale et le roi, des actes de fidélité et de loyauté qui honorent l'armée française, en la rendant si redoutable ;
« Arrête, que l'écrit intitulé : Adresse des émigrés à l'armée française, sera dénoncé à l'Assemblée nationale et au roi, par l'entremise du ministre de la guerre;
« Que copies'du présent procès-verbal, seront envoyées à l'Assemblée nationale, au ministre, et au général Lafayette, comme un monument du patriotisme et de la fidélité du 58® régiment.
« Que copie en sera également adressée au commandant de. ce corps, avec invitation d'en faire part aux braves militaires qu'il commande.
« Fait et arrêté au conseil municipal, les jours et an ci-dessus dits.
« Signé : buquesnoy, maire. »
Plusieurs membres : Mention honorable au pro-cès-verbal de la conduite des soldats !
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite des soldats du 58° régiment.)
Plusieurs membres demandent le renvoi des pièces au comité dé surveillance.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de surveillance.)
2° Lettre de M. Barré, directeur du théâtre du Vaudeville et de M. Léger, auteur de la pièce intitulée : « l'Auteur d'un moment » par laquelle ils font parvenir à l'Assemblée un exemplaire de eet ouvrage ; cette lettre est ainsi conçue (1) ;
« Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de vous adresser un exemplaire de l'Auteur d'un moment, comédie qui, vendredi dernier, a occasionné le tumulte au théâtre du Vaudeville (2); deux citoyens citoyens calomniés dans leurs intentions désirent prouver à la France entière qui a retenti du bruit de ce malheureux événement qu'il n'y a pas un mot dans cet ouvrage qui Dlesse les mœurs, la loi, ni la Constitution.
« Nous avons l'honneur d'être, avec le plus profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Barré. « Léger.
Directeur du théâtre du Auteur de la pièce. » Vaudeville. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
et d'autres membres demandent le renvoi au comité de l'instruction publique.
L'Assemblée nationale n'est point formée pour examiner des pièces de comédie, et pour savoir si elles portent avec elles les caractères de pureté qu'elles doivent avoir. C'est à la police municipale que ce droit appartient principalement. Dès lors, Messieurs, il est de la plus haute évidence que vous n'avez aucune raison pour renvoyer au comité d'instruction publique; vous avez des travaux importants, ce sont ceux-là qui doivent vous Occuper, et non pas des futilités. (Applaudissements dans les tri-Dunes.)
Je suis entièrement de l'avis de M. Thuriot. Je demande que cet ouvrage soit renvoyé à la municipalité; mais je voudrais aussi qu'on y renvoyât la dénonciation qui a été renvoyée au comité d'instruction publique.
Messieurs, l'Assemblée nationale s'est saisie de la dénonciation qui. a été faite de la pièce, et l'a renvoyée au comité ; elle ne peut pas se dispenser d'y renvoyer aussi les pièces qui pehvent servir à la justification.
M. Léopold se trompe ; l'Assemblée nationale a renvoyé la dénonciation faite, non pas contre M. Barré perticulièrement, mais contre la licence des théâtres. Elle a renvoyé au comité pour lui présenter une loi sur la liberté des pièces de théâtre. Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
3° Lettre du sieur Creuse fond, qui dénonce un particulier auquel il a entendu tenir des propos qui semblent faire présumer qu'il est instruit un projet de contre-révolution; cette lettre, adressée au président de l'Assemblée, est ainsi conçue :
« Jacques-Baptiste Greusefond, natif de Paris, volontaire des frontières, a l'honneur de vous exposer qu'il travaille habituellement chez M. Charles, entrepreneur d'écritures, rue de la Harpe, n° 88, aussi connu qu'estimé de tous ceux qui l'honorent de leur confiance. J'ai l'honneur de vous représenter que cejourd'hui matin, étant au bureau de M. Charles, est venu un particulier que je n'avais jamais vu (M. Charles était couché dans une pièce séparée ; il n'a vu, ni entendu ce particulier), qui, sur ce que madame Robert, qui est l'épouse de l'associé de M. Charles, lui ayant demandé des nouvelles de M. Couvrechef, beau-frère de celui que je vous dénonce, ce particulier dit à Madame Robert que son beau-frère n'était plus employé aux messageries, mais qu'il occupait une place qui devait le conduire à une fortune éminente, puisque, correspondant avec les émigrés, il était à la tête ae la contre-révolution, qu'il travaillait conjointement avec 6 autres personnes à des projets de contre-révolution, que, tous les soirs, on lui remettait deux louis en or; que, depuis un an, il en avait déjà accumulé un grand nombre qu'il lui a fait voir. A la nouvelle de l'arrestation du roi à Varennes, M. Couvrechef s'est écrié : « Notre coup est manqué, ma fortune est perdue ; mais si les aristocrates réussissent, ma fortune est assurée. » Ce particulier sorti, je n'eus rien de plus empressé que de faire part à M. Charles de sa conversation..
« M. Charles, dont le patriotisme est connu, et ne le cède en rien à la délicatesse et à la pureté de ses sentiments, m'en a su gré. Il m'a engagé à venir vous en faire la déclaration, et
à vous supplier de vouloir bien me tracer la marche que je dois tenir en pareille conjoncture. Je prends la liberté de vous réprésenter que ce particulier, dont l'inconséquence peut devenir très salutaire, est chargé de 7 enfants, et comme me l'a dit M. Charles, un parfaitement honnête homme. M. Charles l'occupe passagèrement; il se nomme Climondeau, et demeure rue, Jacob, faubourg Saint-Germain, en face la rue' Saint-Benoît, etc.....
« Je suis avec respect, etc..,
« Signé : Greusefond. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de surveillance 1
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de surveillance.)
, secrétaire. Voici un extrait du registre des délibérations du directoire du département de Loir-et-Cher, contenant un arrêté sur les précautions à prendre contre les prêtres non-assermentés. Il est daté du 15 février. Le voici :
« Le directoire, considérant qu'il est indispensable de réunir dans la même enceinte toutes les personnes qui sont dans le cas d'encourir les soupçons de leurs concitoyens, afin qu'une surveillance continuelle puisse éclairer leur conduite, et les soustraire aux périls auxquels ils s'exposént, a arrêté les articles suivants :
« Art. 1er. Les personnes et les propriétés
étant sous la sauvegarde de la loi, les districts, les municipalités,
les gardes de la gendarmerie nationale veilleront spécialement à ce que
les prêtres non-assermentés ne soient insultés ni maltraités, à ce que
leurs propriétés soient conservées.
« Art. 2. L'ordre public étant troublé par la suggestion des prêtres séditieux, et la fermentation des esprits exigeant les plus promptes mesures pour réprimer les malveillants et mettre les prêtres non-assermentés à l'abri de toute insulte dans un moment d'effervescence, dans la huitaine à partir de la publication du présent arrêté, les curés, desservants, vicaires, chapelains et en général tous les ecclésiastiques qui exerçaient des fonctions publiques avant la promulgation de la loi du serment, etqui nes'y sont pas conformés, seront tenus de se rendre au chef-lieu du département et d'y fixer leur demeure.
« Art. 3. Dans le même délai, les directoires de district se feront remettre, par les municipalités de leur enclave, un état indicatif de tous les prêtres non-assermentés fonctionnaires publics ou non, contenant leurs noms, âge, et la qualité qu'ils avaient dans-la hiérarchie ecclésiastique, le montant de leur traitement et des observations sur l'opinion publique relativement à leur conduite.
« Art. 4. D'après cet état chaque directoire de district formera, dans la deuxième huitaine, un tableau de tous les ecclésiastiques non-assermen-tés résidant dans son enclave. Ces états contiendront les observations énoncées dans l'article ci-dessus, et l'avis motivé sur lequel le directoire du département prendra telle détermination ultérieure qu'il appartiendra.
« Art. 5. Les prêtres non-assermentés qui, dans la huitaine, ne se seront pas rendus au chef-lieu du département, y seront amenés par les ordres de la municipalité du lieu qu'ils habiteront, ou à son défaut par ceux du district et déposés dans la maison que le directoire indiquera.
« Art. 6. Les municipalités qui n'auront pas exécuté le présent règlement vis-à-vis les prêtres non-assermentés habitant le territoire, seront pareillement responsables des suites qui résulteront de leur négligence.
« Art. 7. À son arrivée au chef-lieu de département, chacun des ecclésiastiques désignés par l'article 3 sera tenu de se rendre à la municipalité pour s'y faire inscrire et pour déclarer lelieu et la maison qu'il doit habiter, laquelle déclaration sera réitérée à chaque changement de demeure.
« Art. 8. Les procès-verbaux d'instruction et de déclaration établis par l'article précédent seront adressés par les municipalités, de quinzaine en quinzaine, au directoire du département.
« Art. 9. Les ecclésiastiques désignés dans les articles ci-dessus ne pourront s'écarter du chef-lieu du département a plus de distance que celle d'une demi-lieue, à peine d'y être ramenés par la force publique.
« Art. 20. Aucun prêtre non-assermenté ne pourra célébrer la messe ailleurs que dans les églises paroissiales, et chacen d'eux sera tenu de prendre le consentement du curé de la paroisse, qui ne pourra le leur refuser; l'heure de la célébration dès messes sera fixée, par le même curésermenté, entre 7 et 11 heures du matin. 11 sera libre néanmoins au curé de fixer cette heure avant ou après, de commun accord avec le prêtre non-assermenté.
« Art. 11. Les messes des.prêtrés non-assermentés seront sonnées. »
Je demande le renvoi pur et simple au pouvoir exécutif, qui ne laissera sûrement pas subsister une loi faite par un corps administratif.
Il ne faut pâs qu'un attachement mal entendu à la Constitution nous écarte de l'attachement véritable que nous devons avoir pour elle. ;
Messieurs, je n'envisage pas la conduite de ces administrateurs sous le même point de vue que le préopinant ; ce n'est certainement point une loi que cette administration a voulu faire. Nous devons distinguer dans l'exercice des fonctions administratives les précautions qu'exigent des circonstances imprévues, des précautions qu'on doit prendre pour toujours. Une preuve que les administrateurs ne méritent pas d'être traités avec tant de rigueur, c'est qu aussitôt que leur arrêté a été pris, ils se sont empressés de le faire connaître à l'Assemblée nationale. Je demanderai, purement et simplement, le renvoi au comité de législation, pour examiner s'il n'yapoint, dans cet arrêté, quelques vues sages qu'il serait nécessaire de conserver.
Les intentions de Ceux qui ont fait cet arrêté sont certainement très patriotiques, mais il ne faut pas considérer ce qu'ils ont voulu faire, mais seulement ce qu'ils ont fait : or, je dis qu'ils ont fait une loiy et j'y . vois des dispositions pénales ; ce n'est autre chose que le chagrin de voir que la loi du Corps législatif n'a pas été portée qui a donnée lieu à cet arrêté.
Je dis, Messieurs, que c'est empiéter de la manière la plus sévère sur vos droits; et que l'Assemblée nationale, en passant à l'ordre du jour sur une pareille entreprise, fermerait les yeux; ce qu'elle ne doit pas faire. Toutes les fois que les corps constitués dépassent les pouvoirs qui leur sont délégués parla Constitution, vous devez renvoyer au pouvoir exécutif; je demande
donc le renvoi au pouvoir exécutif qui verra quel parti il y a à prendre à cet égard.
Un membre : Le renvoi au pouvoir exécutif supposerait une dénonciation faite contre le département de Loir-et-Chér, dénonciation qui n'a pas lieu : le département vous instruit seulement des mesures qu'il a été forcé de prendre pour maintenir la tranquillité publique dans son arrondissement, en vertu des^ois qui existaient auparavant; je demande donc l'ordre du jour.
J'observerai à l'Assemblée que l'arrêté en question est un de ceux qui ont été dénoncés par le ministre de l'intérieur.
Plusieurs voix : L'ordre du jour!
Il ne vous est pa,s possible, Messieurs, de passer à l'ordre du jour sans le motiver. (Bruit.) Je crois que cela est nécessaire : tout lé monde est d'accord que lé département a excédé ses pouvoirs en prenaut un arrêté : les départements ne peuvent prendre des arrêtés qu'en exécution d'une loi; quand ils prennent des arrêtés contraires aux lois, ils contreviennent à leurs devoirs de la manière la plus dangereuse. Je demande qu'il soit déclaré que cet arrêté étant sujet à l'action dû pouvoir exécutif, l'Assemblée passe à l'ordre du jour. (Murmures.)
Messieurs, il est difficile de se dissimuler que, dans toute autre circonstance, le département semblerait s'être écarté des bornes (Murmures.) ; mais, Messieurs, lorsque le fanatismè existe dans presque toutes les parties de l'Empire, que le flambeau en est allumé partout, et que les mesures prises par l'Assemblée pour arrêter le mal sont devenues nulles par le veto, je vous demande, Messieurs, si vous pouvez faire un crime à ce directoire de département (Oui! oui!) de prendre des mesures pour conserver les propriétés et la vie des citoyens. Je demande si l'on veut motiver l'ordre au jour, que l'on dise que l'on passe à l'ordre du jour à cause du veto qui a rendu les mesures nulles. ( Vifs applaudissements des tribunes.-rr- Murmures prolongés dans V Assemblée^
Il me semble, qu'aux termes du règlement, lorsqu'une majeure partie de l'Assemblée demande l'ordre du jour, on doit le mettre aux voix.
et plusieurs autres membres. L'ordre du jour pur et simple 1
Un membre : Je diffère si bien d'opinion avec monsieur, que je demande qu'on passe à l'ordre du jour, en le motivant ainsi :
« L'Assemblée nationale; considérant que les articles qui ont été lus, sont attentatoires à la souveraineté natio haie... (Murmures.)
Plusieurs voix : Fermez la discussion!.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix l'ordre du jour, en le motivant.
Plusieurs voix : Non* non, sans motif! (Bruit.)
D'un Côté, on demande l'ordre du jour en le motivant; de l'autre on réclame l'ordre du jour sans motif. Je mets l'alternative aux voix...H
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour en lé motivant.) (Bruit.)
Plusieurs membres réclament contre l'épreuve.
Je répète l'épreuve, le bureau est d'avis qu'il y a du doute.
consulte une seconde fois l'Assemblée, et prononce qu'elle passe à l'ordre du jour sans motiver.
Plusieurs voix : Il y a du doute !
D'autres voix : Non ! non !
Dans quelles erreurs ne peut-on pas tomber au milieu d'un pareil tumulte? Je prie M. le secrétaire de continuer la lecture des pièces qu'il a à lire, afin que le bruit cesse et qu'il ne recommence pas.
C'est vous qui le causez, Monsieur le Président, quand vous avez proposé une première fois l'alternative ; l'ordre au jour pur et simple a été décrété et en le remettant une seconde fois aux voix vous avez excité les réclamations.
, secrétaire. Il y a eu certainement doute dans l'alternative à la première épreuve ; M. Ducos me l'a fait observer.
Si j'avais pu m'expliquer, cela serait fini, et il n'y aurait plus de doute. J'ai prononcé, parce que je n'ai pas vu de doute. On exprime des réclamations ; il est de mon devoir de les soumettre à l'Assemblée. Je mets aux voix l'ordre du jour pur et simple.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour purement et simplement.)
, secrétaire, donne lecture d'un autre extrait du registre des délibérations du directoire du département de Loir-et-Cher , contenant un arrêté pris par ce directoire contre un prêtre non-assermenté, qui continuait ses fonctions de curé.
(L'Assemblée renvoie cet arrêté au comité de législation.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 28 février, au matin.
Un membre, au nom du comité des secours publics, demande que le ministre de l'intérieur soit tenu de rendre compte, sous quatre jours, dé l'exécution du décret du 26 décembre dernier (1), qui suspend l'adjudication des bâtiments de la ci-aevant Ecole militaire, et des mesures qui ont dû être prises pour qu'ils ne fussent employés à aucun autre usage.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Je réclame Contre le renvoi fait hier matin (2) au comité d'agriculture
de la demande du bourg de Frévent, du département du Pas-de-Calais, qui
sollicite l'abréviation de la route de Paris à Dunkerque. Ce n'a pu êtrè
que par erreur que ce renvoi a été fait à ce comité, puisqu'il s'agit
d'un fait qui est absolument de la compétence du pouvoir exécutif. Une
pareille opération ne peut être faite qu'à la vue des plans produits par
les ingénieurs, et envoyés à la commission centrale correspondant avec
le ministre, et non avec le comité d'agriculture. Si l'Assemblée
nationale prononçait sur la direction des routes d'un côté, et le
pouvoir exécutif de l'autre, il en résulterait des lignes opposées, qui,
(L'Assemblée décrète la motion de M. Laureau.)
, au nom des comités de Vexamen des comptes d'inspection réunis, fait un rapport et présente un projet de décret relativement à l'emplacement des bureaux de la comptabilité ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, sur la demande des commissaires de la comptabilité, tendant à être autorisés à faire faire, la ci-devant chambre des comptes, dontie local leur a été provisoirement destiné, les dépenses indispensables pour l'établissement de leurs bureaux, vous avez chargé vos comités de l'examen des comptes et d'inspection réunis d'examiner l'emplacement des dépôts et papiers qui sont conservés dans ce local, et il serait possible de' les placer dans la maison des ci-devant Feuillants, avec les sections et bureaux de la comptabilité.
Les commissaires de vos comités, auxquels on avait adjoint le sieur Paris, architecte de l'Assemblée, après avoir examiné les lieux, en ont. fait leur rapport; et vos comités m'ont en conséquence chargé d'observer à l'Assemblée qu'il existe dans la ci-devant chambre des comptes une quantité de papiers formant près de 400,000 volumes in-folio, et un plus grand nombre de sacs encore plus volumineux; que l'église des Feuillants est absolument insuffisante, pour placer cette immense quantité d'objets, et que le local où ils sont paraît le seul où on puisse les conserver : que ce qui doit d'ailleurs faire adopter ce parti, c'est que, d'un côté, il en coûterait beaucoup pour faire ailleurs les dispositions nécessaires : et que, d'un autre côté, tout ce qut concerne l'établissement des bureaux de comptabilité peut être construit à la ci-devant chambres des comptes moyennant la somme de 2.0 à 21,000 livres, suivant le devis qui a été présenté à votre comité de l'examen des comptes.
Ces diverses considérations ont déterminé vos comités réunis à vous présenter le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de l'examen des comptes et d'inspection, réunis, concernant le local propre à rétablissement des bureaux de la comptabilité, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, considérant que le tocal de la ci-devant chambre des comptes, destinée provisoirement au remplacement du bu-J reau de la comptabilité, est le plus propre à cet
établissement; considérant que les papiers et volumes conservés dans ce local seraient d'un transport dispendieux dans l'église des Feuillants, reconnue insuffisante pour les contenir; que d'ailleurs ce nouvel établissement occasionnerait une dépense considérable qu'il est, important d'éviter; après avoir décrété l'urgence, décrète que les bureaux de la comptabilité seront établis à la ci devant chambre des comptes; en conséquence, autorise les commissaires de la comptabilité à faire faire les dépenses nécessaires pour les bureaux, conformément au devis remis a ce sujet à son comité de l'examen des comptes, sous la surveillance du directoire du département de Paris, à l'effet de quoi le ministre de l'intérieur demeure autorisé à verser jusqu'à la concurrence de la somme portée au devis, de laquelle il rendra compte en la forme ordinaire, après l'avoir néanmoins soumis au comité de l'examen des comptes, et que le sieur Paris, architecte de la salle, aura été entendu. »
L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif amendé dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de l'examen des comptes et d'inspection, réunis, concernant le local propre à l'établissement des bureaux de la comptabilité, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif i
« L'Assemblée nationale, considérant que le local de la ci-devant chambre des comptes, destiné provisoirement au placement des bureaux de la comptabilité, est le plus propre à cet établissement ; que les papiers et volumes conservés dans ce local seraient d'un transport difficile et dispendieux dans l'église des Feuillants, reconnue insuffisante pour les contenir, que d'ailleurs ce nouvel établissement occasionnerait une dépense considérable qu'il importe d'éviter; après avoir décrété l'urgence, décrète que les bureaux de la comptabilité demeureront établis à la ci-devant chambre des comptes; en conséquence, autorise les commissaires de la comptabilité à faire faire les dispositions nécessaires pour les bureaux, leur ameublement, conformément au devis remis, à ce sujet, à son comité de l'examen des comptes, sous la surveillance des commissaire de la salle de l'Assemblée nationale; à l'effet de quoi, le ministre de l'intérieur sera tenu de faire délivrer les sommes à verser jus- qu'à la concurrence de la somme portée audit evis, de laquelle il rendra compte en la forme ordinaire, après néanmoins avoir été soumis à l'examen des deux susdits comités.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Un de MM. les secrétaires donne leCturé d'une lettre des administrateurs composant le directoire du département de la Marne, qui font passer à l'Assemblée une pétition des ci-devant paroissiens de Saint-Jacques de Reims, pour demander que cette église, conservée comme oratoire, soit convertie en église paroissiale. Diverses autres pièces, relatives au même sujet, sont jointes à cette pétition.
(L'Assemblée renvoie la pétition et les pièces y jointes au comité de division;)
Je prie l'Assemblée d'entendre quelques observations que j'ai à lui soumettre relativement aux circonstances où nous nous
trouvons : Quoiqu'elles ne soient pas à l'ordre du jour, elles sont infiniment importantes, et l'Assemblée aura sans doute égard à l'infirmité qui m'empêche très souvent de venir à ses séances.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres : Non! non!
(L'Assemblée décide que M. Gouthon sera entendu.)
(1). Messieurs, nous touchons peut-être au moment où nous allons, les armes à la main, défendre notre liberté contre les •efforts combinés des tyrans. Nous la conserverons ; ce serait un crime d'en douter ; un grand peuple qui veut fermement être libre sera toujours invincible ; ou il écrasera ses ennemis, ou il ne leur laissera, pour prix de leurs conquêtes, que des déserts et des cendres.
Je conçois cependant que cette idée, qui peut suffire à l'observateur philosophe qui a su juger des mœurs et du caractère de son pays, ne doit pas seule fixer notre attention; pénétrons-nous du sentiment de nos forces, mais songeons en même temps à les assurer, à les fixer, a les diriger; il faut que le législateur qui veut servir utilement sa patrie et répondre dignement à la confiance dont il est honoré, laisse apercevoir à l'œil tout ce que son esprit a conçu et même ae que son cœur a senti pour le bonheur commun. II faut, si je puis m'exprimer ainsi, que le témoignage des gens garantisse, en quelque sorte, le succès des combinaisons morales creées dans le silence de la méditation.
Nous avons une armée imposante, tant en troupes de ligne qu'en troupes nationales, mais cette armée, j'ose le prédire, ne remplira efficacement notre attente qu'autant que sa force et celle de la nation ne seront qu'une, et que le peuple, bien disposé, s'unira à elle d'intention, et, s'il le faut, d'action.
C'est dans cette force morale du peuple, plus puissante que celle des armées, c'est cette opinion générale, si essentielle à l'ordre et au bonheur ae tous que l'Assemblée nationale doit rechercher et dont elle doit, avant tout, s'assurer.
Jusqu'à présent, l'on vous a proposé pour unique moyen des adresses au peuple. Je ne condamne point ce moyen, mais ce n'est, à mon avis, qu'une mesure secondaire, la mienne est d'un autre genre : l'on veut éclairer le peuple et moi je voudrais le soulager; l'on veut l'attacher à la Révolution par des discours et moi je voudrais l'y attacher par des lois justes et bienfaisantes dont le souvenir toujours présent ne cessât de lui rendre chers, et le titre et les devoirs de citoyen.
Parmi le grand nombre d'occasions qui peuvent se présenter de faire des lois populaires, j'en choisirai une qui ne donnera pas lieu, je pense, à de grandes difficultés.
Chacun de nous a vu cette nuit à jamais mémorable du 4 août 1789, où
l'Assemblée constituante, pure à son aurore, prononça, dans un saint
enthousiasme, l'abolition dû régime féodal; elle mérita, par ce superbe
décret, les actions de grâces du peuple, surtout du peuple des
campagnes, dé ce peuple si précieux et si longtemps oublié; et si,
toujours d'accord avec elle-même, l'Assemblée constituante eût
religieusement conserve la mémoire de cette loi salutaire
Mais ces dispositions éclatantes ne présentèrent bientôt, pour le peuple, que l'idée d'un beau songe, dont l'illusion trompeuse né lui laissa que des regrets.
Ce fut, comme on vient de lé voir, le 4 août 1789, qu'un décret, reçu avec transport dans toutes les parties de l'Empire, abolit indéfiniment le régime féôdal, èt 8 mois après, un second décret conserva tout VutiU dé;œ même régime ; en sorte qué, loin d'avoir servi le peuple, l'Assemblée constituante ne lui a pas même ménagé l'espoir conèolant de pouvoir s'affranchir un jour et au despotisme des ci-devant seigneurs et des exactions de leurs agents.
Vous concevez en effet, Messieurs, que ce n'était pas précisément l'honorifique au régime-féodal qui pesait sur le peuple; il l'outrageait, l'avilissait, le dégradait sans doute, puisqu'il le séparait de la condition commune à tous les hommes et qu'il détruisait l'égalité établie par la nature.
Mais les droits dont le peuple sentait le plus le poids et qui influaient plus essentiellement sur son bien-être, c'étaient les droits utiles tels que les cens, censives, rentes seigneuriales, cham-parts, terrages, agriers, arrages comptant, lods et ventes, reliefs et autres de ce genre. Or, tous cës droits ont été conservés par le décret de l'Assemblée constituante du 15 mars 1790.
Ne croyez pas, Messieurs, que je vienne vous proposer aujourd'hui de les abolir indistinctement, ce n'est paslà mon intention; mais je dois remarquer que l'Assemblée constituante a usé, envers les ci-devant seigneurs, d'une générosité injuste pour les redevables, lorsqu'elle a conservé tous les droits ci-devant seigneuriaux, sans une distinction assez bien marquée de ceux qui pouvaient être justifiés par un titre dé concession, d'avec ceux qui n'étaient fondés que sur l'usurpation.
Qui de nous ignore, Messieurs, que les droits seigneuriaux ne furent, dans l'origine, autre chose qu'une taxe arbitraire, imposée par les premiers barons qui faisaient la guerre pour eux et en faisaient supporter les frais au peuple-Car, dans tous les temps, le pauvre peuple ne fût-il pas, pour ce qu'on appelait jadis les grands, un champ fèrtile qu'ils ne craignirent jamais d'épuiser?
Dans la suite, lès seigneurs firent de ces droits, par leur seule volonté, des attributs de fiefs ou de justice.
Et enfin l'idée de la propriété universelle se présenta à leur esprit et aussitôt elle fut consacrée par cette maxime détestable, nulle terre sans seigneur,maxime dont très peu de provinces se garantirent et dont l'effet narbare fut de rendre les ci-devant seigneurs, déjà maîtres des personnes, également maîtres des propriétés, comme si l'être suprême n'eut formé la terre que pour eux et n'eût fait du reste des mortels que des esclaves soumis à ces demi-dieux.
Ce que je viens de dire de la: prétention des ci-devant seigneurs à la propriété universelle est prouvé par mille exemples, que fournissent encore de nos jours la plupart de nos départements. Je me bornerai, à citer le mien dans lequel il se trouve une infinité de villages où les seigneurs jouissent encore du droit de tout posséder et de
tout concéder, sans autre titre de propriété que leur qualité de seigneurs : tout, par cette qualité, leur appartiént : le malheureux, sans autre ressource que ses bras, sans autre patrimoine que sa bêche, n'est pas libre de s'en servir exclusivement pour ses besoins. La nature lui présente un sol ingrat, abandonné, couvert, depuis la création du monde, de rochers effrayants; eh bien ! s'il veut fertiliser de ses sueurs cette portion de la grande hérédité commune, son ci-devant seigneur paraît au moment de la récolte pour lui en enlever la quatrième ou au moins la cinquième portion, et cela en vertu de son prétendu droit de la propriété universelle, d'où il fait résulter une convention tacite en faveur de l'infortuné cultivateur.
Sur mille articles dé droits seigneuriaux ,anciens, il n'en est pàs Un qui ait un autre principe, et s'il en existe qui dérivent d'une concession réelle de fonds bien acquis, ils sont tous récents ; les titres de ceux-là sont faciles à rapporter et c'étaient les seuls qu'il fallait et que je voudrais conserver.
Cependant l'Assemblée constituante a dédaigné cette distinction, et en conservant généralement comme je l'ai déjà dit, tous les droits seigneuriaux, elle a rendu un décret tel que les ci-devant seigneurs l'eussent eux-mêmes dicté.
A la vérité, elle a permis le rachat de ces mêmes droits, mais comment l'a-t-elle permis? Par deux dispositions dont l'une est iniuste et l'autre impraticable. C'est ici que i'appelle principalement l'attention de l'Assemblée.
La première de ces dispositions est celle qui veut qu'on ne puisse racheter les droits fixes, sans racheter en même temps les droits casuels.
La seconde est celle qui maintient la solidarité parmi les débiteurs des droits conservés.
J'ai dit que la première de ces dispositions était inutile, et, en effet, vous savez tous, Messieurs, que ies droits casuels, comme lods et ventes, ne sont dus que dans les cas de mutation, c'est-à-dire quand lé fonds, sujet au cens, passe d'un propriétaire à un autre par la voie de la vente ou d'un acte équivalent.
Or, comment se fait-il qué l'Assemblée constituante, qui ne méconnaissait pas ce principe, ait décrété, contre la'nature des droits casuels, non seulement qu'ils seraient exigibles mais encore qu'ils seraient remboursables dans le cas où la redevance fixe serait rachetée.
Dira-t-on que le rachat des droits fixes est en lui-même une acquisition faite par le redevablé et qu'il n'en faut pas d'avantage pour donner ouverture aux droits casuels?
Mais cette espèce d'acquisition faite, en quelque sorte, sur soi-même, opère-t-elle la mutation de propriété nécessaire en principe pour donner lieu aux droits de lods? Le fonds change-t-il de maître, passe-t-il sur une autre tête? Que fait cëlui qui rachète les droits fixes? Il s'affranchit d'une redevance annuelle retenue sur un fonds aliéné et si bien aliéné que le propriétaire direct, faute de payement de la redevance, ne peut pas être envoyé en possession de piano du fonds et qu'il est obligé de le faire saisir et vendre juridiquement sur le détenteur, comme seul èt incommutable propriétaire utile,
Je ne m'étendrai pas davantage sur cette première partie qui me paraît suffisamment développée.
Je dis que la deuxième disposition du décret de l'Assemblée constituante rend la faculté du
rachat moralement impraticable et je ne citerai qu'un seul exemple pour le prouver.
Supposons qu'un particulier n'ait, pour tout bien, qu'un arpent de terre de la valeur de 2,000 livres chargé d'un cens annuel d'un septier.
Que ce particulier doive cette redevance avec 19 autres ayant, comme lui, un arpent de terre assujetti à un pareil cens d'un septier.
La somme totale de la redevance serait de 20 septiers et la valeur des 20 arpents sur lesquels cette redevance porterait serait de 40,000 livres, à raison de 2,000 livres par chaque arpent.
Maintenant, si l'un des redevables veut rédi-mer l'arpent de terre, composant toute sa fortune, du cens d'un septier qu'il doit, il faudra qu'il commence à payer au ci-devant seigneur, à peu près le dixième de la valeur de son fonds ; c'est-à-dire de 200 livres, le fonds étant de 2,000 livres, pour le rachat du droit casuel ; il faudra ensuite qu'en vertu de la solidarité qui le lie aux 19 autres redevables, il rembourse, la totalité de la redevance de 20 septiers, lesquels, évalués seulement à 12 livres le septier, donneraient un principal de 4,800, et cette somme, jointe à celle de 200 livres pour les droits ca-suels, formerait un total de 5,000 livres que le particulier riche de 2,000 livres seulement serait obligé de payer pour se libérer d'une redevance d'un septier. Je le demande, Messieurs, n'est-ce pas insulter à l'infortune d'un homme ; n'est-ce pas se jouer inhumainement de lui que de lui offrir la franchise de son héritage sous la condition de payer au delà du double de ce qu'il possède?
Voilà pourtant l'état dans lequel l'Assemblée constituante a laissé les choses et l'on veut que le peuple croie au régime de la justice, quand elle est si fort blessée à son égara, et l'on veut qu'il croie au régime de la liberté,quand il reste enchaîné sous la dépendance de son ci-de-vant seigneur, et l'on veut qu'il croie à l'égalité des droits, quand il n'y a ae faveurs que pour le rang et la fortune.
Il est temps, Messieurs, de réformer des dispositions si vicieuses, si injustes, si impolitiques, si inconstitutionnelles ; c'est la pétition du peuple que je vous présente quand je fais ici la motion expresse de décréter :
i° Que tout débiteur de droits ci-devant seigneuriaux conservés pourra en faire le rachat partiel, sans qu'en vertu de la solidarité il puisse être contraint à rembourser au delà de sa quote-part; et ne seront réputés conservés et susceptibles de rachat que ceux desdits droits qui seront établis par titres constitutifs suivis de prestation, ou au moins par trois reconnaissances successives également suivies de prestation et dont la plus ancienne rappelle le titre de concession;
2° Qu'il n'y aura lieu au rachat forcé des droits casuels, que dans le cas seulement où après le rachat effectué des droits fixes, il y aurait mutation réelle de propriété par vente ou acte équivalent à vente.
L'Assemblée dérogeant à toutes lois et dispositions contraires au présent décret.
Voulez-vous, -Messieurs, assurer le prompt recouvrement des impôts, voulez-vous tripler la faveur du papier-monnaie, voulez-vous tuer l'agiotage, voulez-vous remédier efficacement aux troubles prétendus religieux, voulez-vous déconcerter tous les projets des malveillants et consommer, d'un seul mot, la Révolution? Rendez de semblables lois, occupez-vous du peuple, vous le devez, puisqu'il vous a confié ses intérêts
les plus chers; la France est heureuse et libre si vos travaux sont sanctifiés par les bénédictions du peuple. Le salut public est au contraire compromis, si la mortelle indifférence de l'opinion vient frapper vos décrets. (Applaudissements répétés dans l Assemblée et dans les tribunes.)
Un membre de cette Assemblée fit, il y a quelques jours, des réclamations sur le même objet: elles furent renvoyées à votre comité féodal. J'imagine qu'on vous proposera de renvoyer de même à ce comité les demandes que M. Couthon vient de faire; mais je vous observe, Messieurs, que les réclamations que vous avez entendues ne sont pas les seules auxquelles vous deviez vous attacher, il en est une foule d'autres connues des différents membres de cette Assemblée, sur lesquelles il convient que vous fixiez vos regards. Je demande donc que votre comité féodal soit chargé de revoir tous les décrets rendus par l'Assemblée nationale constituante, sur le rachat des droits ci-devant seigneuriaux utiles, et de vous présenter incessamment ses vues à cet égard.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Mouysset.)
Je demande l'impression du discours de M. Couthon et le renvoi de ses propositions au comité colonial.
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours et du projet de décret de M. Couthon et en décrète le renvoi au comité féodal.)
, au nom du comité de liquidation, soumet à la discussion un projet de décret, (1) sur les secours provisoires à accorder aux officiers $ état-major des places de guerre, citadelles, etc., supprimés par la loi du 10 juillet dernier; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que tous les emplois d'officiers d'état-major des places de guerre, citadelles, châteaux et autres postes militaires ou villes de l'intérieur, sont supprimés, à compter du 1er août 1791 ; considérant que les traitements en retraite qui sont dus à ces officiers supprimés, n'ont pu encore être fixés à cause du temps considérable qu'exige la vérification de leurs services; mais qu'il est de sa justice de venir au secours de ces militaires, qui, depuis 6 mois, se trouvent sans appointements, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation sur les secours provisoires à accorder aux officiers d'état-major des places de guerre, citadelles, châteaux et autres postes militaires ou villes de l'intérieur, supprimés par la loi du 10 juillet dernier, et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Tous les officiers d'état-major
des places de guerre, citadelles, châteaux et autres postes militaires
ou villes de l'intérieur supprimés par la loi du 10 juiïlet dernier,
dont les traitements en retraite 'n'ont pas encore été définitivement
fixés par l'Assemblée nationale, jouiront d'un secours détermiué par les
articles suivants :
Art. 3. A l'égard de ceux dont les appointements excédaient 1,000 livres, il leur sera accordé d'abord la somme de 1,000 livres, plus le quart du restant de leurs anciens appointements; sans néanmoins que ces deux sommes réunies puissent excéder 2,'400 livres, quel que fût le montant de leurs anciens appointements.
« Art. 4. Les sommes accordées auxdits officiers supprimés et désignés dans les articles précédents, leur seront payées, à compter du 1er août dernier, jour de leur suppression effective, par le payeur des^ dépenses diverses, du Trésor public, en. deux parties, dont la première remontera au lor février de la présente année, et la seconde devra avoir lieu le 1er août prochain ; auquel effet le ministre de la guerre sera tenu d'adresser aux commissaires de la trésorerie nationale un état certifié, contenant les noms desdits officiers supprimés et le montant des appointements dont chacun d'eux jouissait avant leur suppression.
« Art. 5. Dans le cas où, le même officier supprimé aurait joui précédemment de quelque pension ou secours annuel, outre les appointements attachés à sa place, ils seront réunis pour déterminer, d'après leur montant total, le secours provisoire qui devra lui être accordé, sans cependant que, dans cette réunion, on puisse comprendre les rentes viagères créées pour arrérages suspendus, dont le payement continuera d'être acquitté dans les formes prescrites par la loi du 25 février 1791.
« Art. 6. Lesdits officiers supprimés qui se présenteront pour recevoir lesdits secours, seront tenus de se conformer aux lois déjà rendues à l'égard des créanciers ou pensionnaires de l'Etat. »
J'insiste pour que ce projet de décret soit adopté sur-le-champ.
(L'Assemblée adopte sans discussion le décret d'urgence, puis les articles 1, 2 et 3.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu :
« Art. 4. Les sommes accordées auxdits officiers supprimés et désignés dans les articles précédents, leur seront payées, à compter du 1er août dernier, jour de leur suppression effective, par le payeur des dépenses diverses du Trésor public, en deux parties dont la première remontera au 1er février de la présente année, et la seconde devra avoir lieu le 1er août prochain ; auquel effet le ministre de la guerre sera tenu d'adresser aux commissaires de la trésorerie nationale un état certifié, contenant les noms desdits officiers supprimés et le montant des appointements dont chacun d'eux jouissant avant leur suppression.
Je demande que l'on fixe la somme que la trésorerie nationale accordera au ministre de la guerre pour payer les pensions.
, rapporteur. Cela n'est pas possible; car vous ne savez pas à combien se montent les retraites à accorder à ces officiers.
J'insiste sur ma proposition. Le ministre de la guerre a demandé 400,000 livres; eh bien! accordez 400,000 livres; car vous ne pouvez pas mettre la fortune publique entre les
mains du ministre; et il faut,pour la bonne administration, que la trésorerie nationale sache combien elle a à remettre à la disposition du ministre, afin qu'elle puisse le surveiller. plaudissements.) Ainsi, je demande qu'il soit mis à la disposition du ministre de la guerre une somme de 400,000 livres.
(L'Assemblée décrète l'article 4 avec l'amendement de M. Cambon.) En conséquence, l'article 4 est ainsi conçu :
« Art. 4. Les sommes accordées auxdits officiers supprimés et désignés dans les articles précédents, leur seront payées, a compter du 1er août dernier, jour de leur suppression effective, par le payeur principal du département de la guerre, en deux parties, dont la première remontera au 1er février de la présente année, et la seconde devra avoir lieu le 1er août prochain : auquel effet il sera tenu à la disposition' du. ministre de la guerre une somme de 400,000 livres. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 qui est ainsi conçu :
« Art. 5. Dans le cas où le même officier supprimé aurait joui précédemment de quelque pension ou secours annuel, outre les appointements attachés à sa place, ils seront réunis pour déterminer, d'après leur montant total, le secours provisoire qui devra lui être accordé, sans cependant que, dans cette réunion, on puisse comprendre les rentes viagères Créées pour arrérages suspendus, dont le paiement continuera d'être acquitté dans les formes prescrites par la loi du 25 février 1791. »
te jeune. Je demande qu'il soit fait une exception pour les officiers des états-majors qui ont obtenu des places d'adjudants ou autres; car vous ne voulez pas qu'ils cumulent deux places.
L'Assemblée adopte l'article 5 et l'amendement de M. Carnot le jeune, qui forme un article à part conçu dans les termes suivants :
« Les dispositions du présent décret ne pourront avoir iieu à l'égard desdits officiers qui seraient actuellement en activité de service. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 6 ainsi conçu :
« Art. 6. Lesdits officièrs supprimés qui se présenteront pour recevoir lesdits secours, seront tenus de se conformer aux lois déjà rendues à l'égard des créanciers ou pensionnaires de l'Etat. »
(L'Assemblée décrète l'article 6.)
Suit le teneur de ce décret, tel qu'il a été présenté à la sanction :
« L'Assemblée nationale, considérant que tous les emplois d'officiers d'état-major des places de guerre, citadelles, châteaux et autres postes militaires ou villes de l'intérieur, sont supprimés à compter du 1er août 1791; considérant que les traitements en retraite qui sont dus à ces officiers supprimés, n'ont pu encore être fixés à cause du temps considérable qu'exige la vérification de leurs services ; mais qu'il est de sa justice de venir au secours de ces militaires, qui, depuis 6 mois, se trouvent sans appointements, décrète qu'il y a urgence. »
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation sur les secours provisoires à accorder aux officiers d'état-major des places de guerre, citadelles, châteaux et autres postes militaires ou villes de l'intérieur, supprimés par la loi du 10 juillet
dernier, et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er.
Tous les officiers d'état-majar des places de guerre, citadelles, châteaux et autres postes militaires ou villes ae l'intérieur supprimés par la loi du 10 juillet dernier, dont les traitements en retraite n'ont pas encore été définitivement fixés par l'Assemblée nationale, jouiront d'un secours déterminé par les articles suivants.
Art. 2.
«Les officiers d'état-major, supprimés, dont les appointements n'excédaient pas 1,000 livres, continueront de jouir, provisoirement, et à titre de secours, de la somme à laquelle leurs appointements étaient fixés.
Art. 3.
« A l'égard de ceux dont les appointements exédàient 1,000 livres, illeur sera accordé d'abord la somme de 1,000 livres, plus le quart du restant de leur anciens appointements, sans néanmoins que ces deux sommes réunies puissent excéder 2,400 livres, quel que fût le montant de leurs anciens appointements.
Art. 4.
« Les sommes accordées auxdits officiers supprimés, et désignés dans les articles précédents, leur seront payées, à comptér du 1er août dernier, jour de leur suppression effective, parle payeur principal du département de la guerre, en deux parties, dont la première remontera au 1er février de la présente année, et la seconde devra avoir lieu le 1er août prochain; auquel effet il sera tenu, à la disposition du ministre de la guerre, une somme de 41)0,000 livres.
Art. 5.
« Dans le cas où le même officier supprimé aurait joui précédemment de quelque pension ou secours annuel, outre les appointements attachés à sa place, ils seront réunis pour déterminer, d'après leur montant total, le secours provisoire qui devra lui être accordé, sans cependant que, dans,cette réunion, on puisse comprendre les rentes viagères créées pour arrérages suspendus, dont le paiement continuera d'être acquitté dans les formes prescrites par la loi du 25 février 1791.
Art. 6.
« Lesdits officiers supprimés qui se présenteront pour recevoir lesdits secours, seront tenus de se conformer aux lois déjà rendues à l'égard des créanciers ou pensionnaires de l'Etat.
Art. 7.
« Les dispositions du présent décret ne pourront avoir lieu à l'égard desdits officiers qui seraient actuellement en activité de service. »
, au nom du comité de liquidation, demande une augmentation de deux commis, dont l'un à 130 livres, à compter du 1er fé-
vrier 1792, et l'autre à 110 livres, à compter du 1er mars 1792.
(L'Assemblée accorde cette demande.)
L'ordre du jour appelle la suite du rapport du comité colonial sur tes troubles de Saint-Domingue (1).
Je demande la parole pour faire une observation sur l'ordre de la discussion. Je suis chargé par M. Garran-de-Coulon (2) de lire ses observations sur la question qui doit être discutée. Deux titres parlent en faveur de M. Gar-ran. Le premier, c'est que lors de la i-remière discussion, il était inscrit sur la liste de la parole; le'second, c'est qu'il èst absent pour un service public et par une mission de l'Assemblée nationale. Je prie donc l'Assemblée d'entendre la lecture de cette opinion.
Je demande que M. Garran soit entendu le premier ou le dernier.
(L'Assemblée décrète que le discours de M. Garran sera lu le dernier.)
, au nom du comité colonial, fait un troisième rapport (3) sur les troubles de Saint-Domingue (4), il s'exprime ainsi :
Messieurs,
Depuis le dernier rapport que je vous ai fait au nom de votre comité colonial, lés avis officiels reçus de Saint-Domingue ont bouleversé en grande, partie les idées accréditées jusqu'alors sur les causes de la révolte des noirs, et de la mésintelligençé entre les blancs et les hommes de couleur.
Votre Comité, qui se félicite en ce moment de s'être constamment opposé à tout jugement précipité sur cette importante et malheureuse affaire, m'a chargé de vous présenter le précis des derniers événements, èt quelques réflexions sur la position actuelle de la colonie de Saint-Domingue, considérés distinctement par rapport aux nègres Tévoltés, et par rapport aux hommes de couleur.
Les nègres révoltés, après avoir été battus et dispersés, sur les habitations d'Argout et Galisey, s'étaient retirés dans les mornes au commencement d'octobre. Les planteurs, réfugiés dans les villes depuis 6 semaines, se disposaient à retourner sur leurs habitations, lorsque les révoltés se répandirent de nouveau dans la plaine, et particulièrement dans les paroisses à l'est de la province du Nord..
En peu de jours, les paroisses d'Ouanaminthe, du Trou, de Vallière, du Fort-Dauphin (5) devinrent le théâtre des mêmes scènes d'horreurs qui avaient ensanglanté les quartiers de Lacul, de Limonade, du Limbé et du quartier Morin.
Cette incursion nouvelle était d'autant plus inquiétante, qu'un grand
nombre d'hommes de couleur (6) s'étaient réunis aux révoltés, et di-
Cependant ces nègres et mulâtres confédérés, qui se disaient « les amis du roi et armés pour la bonne cause » (1) avaient arboré la cocarde blanche et forçaient les citoyens à quitter les couleurs nationales; ils s'étaient emparés du trou de Vallière et d'Ouanaminthe, avaient dissout les municipalités, les comités et les corps populaires, arrêtaient, désarmaient, mettaient aux fers les blancs qui leur étaient odieux ou suspects, et portaient le fer et la flamme dans toutes les abitations.
Dès que l'assemblée générale et le gouverneur eurent connaissance de ces désastres, ils s'em- pressèrent de diriger contre les révoltés toutes es forces dont ils purent disposer sans compromettre la sûreté des autres parties de la province du Nord. Messieurs d Assas, Vallerot et Cambefort obtinrent plusieurs avantages sur les révoltés ; mais c'est particulièrement à M. de Touzard que l'on a l'obligation de leur dispersion.
Cet officier patriote, qui déjà s'est couvert de gloire en combattant pour la liberté américaine, a bien mérité de la colonie et de la nation entière par le courage et la prudence dont il a fait preuve dans cette campagne périlleuse. U n'a pas craint de s'avancer presque seul au milieu des révoltés pour les haranguer et les ramener à la paix ; et en employant tour à tour la fermeté et la persuasion, il a eu la satisfaction de ramener le plus grand nombre des mulâtres aux bons principes et de forcer les nègres à la retraite.
Ces derniers se retirèrent d'abord dans les montagnes, mais pressés par la faim, ou ramenés par l'empire de l'habitude à cés cases domestiques où sont tout à la fois leurs chaînes et leur jouissance, la plupart sont revenus à leurs ateliers; le reste, dépourvu de canons et de munitions de guerre, sans camp, sans asile, se trouvait réduit à exercer le maraudage sur les habitations voisines des mornes. Tout annonçait leur réduction prochaine.
Mais, après quelques jours de tranquillité, ces nègres ayant soulevé encore quelques ateliers, se sont répandus comme un torrent dans les quartiers du Dondon et delà Grande rivière (2) et ont renouvelé les actes de violence, dont, tant de fois idéjà, ils avaient donné l'affligeant exemple.
Il ne paraît pas que les hommes.de, couleur aient pris part à cette nouvelle incursion, et cependant on ne saurait douter aujourd'hui que les nègres révoltés soient dirigés par une impulsion étrangère. Pour s'én convaincre, il ne faut que jeter les yeux sur l'adresse présentée à l'assemblée gtnérale le 8 décembre dernier, au nom du général et de l'étàt-major de l'armée des nègres. Cette adresse, qui nous est parvenue depuis l'impression des dernières pièces distribuées est extraordinaire à beaucoup d'égards et mérite d'être connue.
Je demande à l'Assemblée la permission de lui en faire la lecture. —
(L'Assemblée observera qu'il n'y avait que 10 jours que les commissaires
civils étaient arrivés avec la loi du 24 septembre dernier.
« Messieurs,
« Noua-avons pris la liberté de vous faire parvenir une adresse où étaient consignées nos intentions pour la paix générale ; cette production vous est parvenue, ;et nous ignorons encore l'accueil qu'elle aura mérité. Depuis le 2 de ce mois, nous avons reçu :
« 1° Une lettre du roi à l'Assemblée nationale du 13 septembre;
« 2° Une proclamation du roi du 28 du même mois ;
« 3° Une loi relative aux colonies du même jour;
« 4° Copie d'une dépêche du département de la marine à MM. de Blanchelande et de Proissy, en date du 30 septembre.
« Nous avons parcouru attentivement, et avec des intentions pures, les volontés du Sénat auguste de la métropole et de notre digne souverain; nous avons aperçu dans la lettre du roi, adressée à l'Assemblée nationale, la ferme volonté d'exécuter les lois, et le désir sincère de réunir la grande famille des Français, que les dissensions et les troubles d'une grande révolution avaient portés à s'exiler de leur patrie; nous y avons aperçu un amour ardent pour tous ses sujets, et le pardon de tous les égarements où se sont laissé entraîner les ennemis de notre sainte révolution; enfin l'oubli dn passé, mais oubli sincère de tous les partis pour çoopérér à l'avenir, comme à l'enVi, à la prospérité des fortunes publiques.
« Voilà ce que cette lettre analysée nous offre d'abord ; nous allons jeter un coup d'cëil rapide et impartial sur les autres pièces, et nous prendrons la liberté, en passant, de vous faire part des réflexions qu'elles nous auront fait faire, avec cette confiance fondée que vous méritez, et par laquelle nous espérons parvenir à l'avantage commun.
« La proclamation du roi, du 28 septembre, est une acceptation formelle de la Constitution française- Dans cette proclamation, on voit sa sollicitude paternelle ; il désire ardemment crue les lois soient en pleine vigueur, et que tous les citoyens concourent en corps à rétablir çe juste équilibre dérangé depuis si longtemps par les scousses réitérées d'une grande révolution; son esprit de justice et de modération y est manifesté bien clairement et précisément. Ces deux lois sont pour la. mère-patrie, qui exige un régime absolument distinct de celui dés colonies ; mais les sentiments de clémence et de bonté, qui ne sont pas des lois, mais des affections du ; cœur, doivent franchir les mers et nous devons être compris dans l'amnistie générale qu'il a prononcée pour tous indistinctement.
« Nous passons maintenant à la loi relative aux colonies, du 28 septembre 1791. Nous voyons par cette loi que l'Assemblée nationale et le roi vous autorisent à former vos demandes sur certains points de législation, et vous accordent de prononcer définitivement sur certains autres ; / dans le nombre de ces derniers est l'état des personnes non libres et l'état politique des citoyens de couleur. Nous respectons assurément les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi ; nous disons plus, nous les défendrons, ainsi que les vôtres, revêtus de toutes les formalités requises, jusqu'à la dernière goutte de notre sang. Nous nous permettrons ci-après de
vous exposer nos réflexions, bien persuadés qu'elles trouveront près de vous toute l'indulgence possible.
« Enfin, la lettre du ministre de la marine, qui exprime d'une manière formelle la ferme volonté où est le roi, de maintenir les articles décrétés par tous les moyens qui sont en sa puissance royale. Voilà, Messieurs, ce que nous ont présenté ces pièces analysées.
« Nous allons vous faire notre profession, de foi sur les troubles actuels, et nous sommes convaincus d'avance de toute l'indulgence que vous aurez pour nous, indulgence qui nous est manifestée par le Corps législatif et .souverain.
« De grands malheurs ont affligé cette riche et importante colonie, « nous y avons été enveloppés », et il ne nous reste plus rien à dire pour notre justification. L'adresse que nous avons pris la liberté de vous faire parvenir, ne laisse rien à désirer à cet égard; mais au moment où nous l'avons rédigée, nous n'avions nulle connaissance de ces diverses proclamations ; aujourd'hui que nous sommes instruits des nouvelles lois, aujourd'hui que nous ne pouvons douter de l'approbation de la mère-patrie pour tous les actes législatifs que vous décréterez concernant le régime intérieur des colonies, et l'état des personnes, nous ne nous montrerons pas réfractaires, bien plus pénétrés de l'esprit ae vos arrêtés, qui ne nous sont parvenus que dernièrement, ne sachant à quelle cause attribuer ce retard, nous sommes pénétrés de la plus vive reconnaissance, et, par retour, nous vous réitérons nos assurances, par le désir que nous aurions de vous ramener la paix. Nous avons formé des demandes dans l'adresse que nous avons eu l'honneur de vous faire passer, nous les avons crues acceptables, par toutes les raisons possibles, par l'amour même du bien. Nous avons cru devoir, au nom de la colonie en danger, vous demander les seuls et uniques moyens de rétablir promptement et sans perte, l'ordre, dans une si importante colonie; vous avez dû peser la demande et les motifs qui l'ont dictée; le premier article proposé est de convenance absolue; votre sagesse vous dictera le parti que vous aurez à prendre à cet égard.
« Une nombreuse population qui se soumet avec confiance aux ordres du monarque et du Corps législatif, qu'elle investit de sa puissance, mérite assurément des ménagements, dans un moment où toutes les parties de la colonie doivent, à l'exemple de la métropole, parleur union, leur respect, aux lois et au roi, songer à procurer à ce pays le degré d'accroissement que l'Assemblée nationale a droit d'en attendre. Les lois qui seront en vigueur pour l'état des personnes libres, doivént être les mêmes dans toute la colonie : il serait même intéressant que vous * déclariez » par un arrêté sanctionné de M. le général, que votre intention est de vous occuper du sort des esclaves; sachant qu'ils sont l'objet de votre sollicitude, et le sachant de la part de leurs chefs, à qui vous feriez parvenir ce travail, ils seraient satisfaits et cela faciliterait pour remettre l'équilibre rompu, sans perte, et en peu de temps. Nous prenons la liberté de vous faire ces observations, persuadés que, dès que c'est pour l'intérêt général, vous ies accueillerez avec bonté ; enfin, Messieurs, nos dispositions pacifiques ne sont pas équivoques, elles nel'ont jamais été, des circonstances malheureuses semblent les rendre doûteuses ; mais, un jour, vous nous rendrez toute la justice que mérite notre position, et serez con-
vaincus de notre soumission aux lois, de notre attachement à la Constitution, et de notre respectueux dévouement au roi. » Nous attendons impatiemment les conditions qu'il vous plaira mettre à cette paix si désirable; seulement nous nous observerons que, du moment que vous aurez parlé, votre adhésion sera uniforme, mais que nous croyons l'article premier de notre adresse indispensable et que nous le croyons avec l'expérience que doit nous donner Ja connaissance du local.
« Nous chargerons MM. Reinal et Duplessis de vous remettre ce paquet. Lé premier pas d'une confiance générale va nous mettre à même de correspondre, et d'aplanir les difficultés pour consommer ce grand œuvre.
« Des ordres sévères sont donnés pour empêcher les moindres dégâts; et MM. les généraux dont vous connaissez les bonnes qualités, ont défendu d'attaquer sous peine de le vie. Nous osons espérer que vous donnerez les mêmes ordres pour que rien ne soit encore endommagé et que le traité puisse aller à son heureuse fin, qui est le terme après lequel nous soupirons bien sincèrement.
« Nous avons l'honneur d'être, etc.
Signé : Jean François, général ; Biassou, maréchal de camp; Desprez, Mauzeau, Toussaint et Aubert, commissaires « ad hoc. »
Au camp général de la Grande-Rivière, le 6 décembre 1791.
Ce passage remarquable, « nous avons été enveloppés dans les malheurs de la colonie » ; et cet autre : « Des circonstances malheureuses semblent rendre nos dispositions équivoques, mais, un jour, vous nous rendrez toute la justice que mérite notre position, » enfin l'ensemble même de cette adresse, comparée avec les autres actes de la correspondance des révoltés, qui portent le caractère de la grossièreté et de l'ignorance la plus profonde, tout ici, Messieurs, pourrait donner lieu à de nouvelles réflexions. Nous n'anticiperons pas sur les vôtres, et nous revenons aux faits.
Les révoltés, depuis qu'ils ont envoyé cette adresse, n'ont fait aucun progrès. Leurs principaux chefs ou rois ont été, ou tués dans les combats ou pendus par leurs nouveaux sujets. M. Touzard, avec le peu de forces qui était à sa disposition, les tenait constamment en échec, et l'on ne doutait pas (1) qu'il ne parvint à les disperser et réduire entièrement, dès qu'il serait arrivé quelque renfort d'Europe. Telle était, au 18 décembre dernier, la position de la colonie relativement aux nègres.
Les malheurs auxquels la mésintelligence des blancs et des hommes de couleur a donné lieu ne sont pas moins afflgeants, et présentent des inquiétudes plus sérieuses.
Vous avez eu connaissance, Messieurs, de tout ce qui a précédé le second concordat, il nous reste à vous présenter l'analyse des faits postérieurs.
Comme les événements qui ont lieu dans les trois provinces de la colonie, relativement aux hommes de couleur, ont peu de liaisons entre eux, nous vous en présenterons des tableaux séparés.
Dans la province du Sud, la conduite des hom-
La province du Sud goûtait en paix les fruits de sa sagesse et de sa modération, lorsque la nouvelle de l'incendie du Port-au-Prince y fût apportée. Cet événement affreux, dont les deux parties s'entre accusaient d'abord, produisit dans tous les esprits les sensations les plus vives : il eut les suites les plus fâcheuses.
Les blancs conçurent de la méfiance contre les hommes de couleur, mais ils restèrent tranquilles.
Les hommes de couleur prirent de l'ombrage, et ils coiirurent aux armes.
Quoique les blancs n'eussent fait aucunes dispositions hostiles, quoiqu'on aucun temps ils n'eussent témoigné la moindre résistance aux intentions des hommes de couleur, ces derniers, égarés sans doute par des suggestions perfides, se sont livrés> dès lors, aux excès les plus violents (4). Ils ont soulevé et armé les esclaves ; ils ont imposé les lois qu'ils ontvoulu à la ville des Cayes, a Cavaillon, à Jérémie, et se sont emparés du fort Saint-Louis, le seul fortifié de la province du Sud.
Je n'ai pas besoin de vous dire que le pillage et l'incendie ont marqué
les traces de l'armée des hommes de couleur: ce sont les moindres maux
dont on ait à gémir pendant les guerres domestiques. Je vous épargne des
détails qui vous feraient frémir.
La position de la province de l'Ouest n'était pas moins fâcheuse. L'Assemblée sait qu'une des clauses principales du second concordat, passé le 21 octobre, était que, dans le délai d'un mois, « le gouverneur serait invité à faire une proclamation portant convocation de tous les citoyens blancs et de couleur indistinctement à l'effet de procéder à une nouvelle formation d'assemblées municipales, provinciale et coloniale. » (1)
Le délai expiré, les hommes de couleur se présentèrent en armes au Port-au-Prince, et réclamèrent l'exécution de cette clause (2) : les citoyens blancs demandèrent à en délibérer, et se formèrent, à cet effet, en quatre sections. Trois de ces sections votèrent presque unanimement pour l'affirmative ; la quatrième, sans exprimer un vœu contraire, demanda un sursis à l'éxécu-tion. Le dépouillement de ces scrutins particuliers avait eu lieu dans la matinée du 21 novembre. On devait en faire, dans la (soirée, le recensement général, et d'après la grande majorité acquise dans les sections particulières, .tout annonçait que le résultat serait conforme au vœu des hommes de couleur et assurerait la paix, lorsqu'une rixe élevée entre un nègre et un blanc engagea entre les deux partis un combat général qui a fini par l'incendie de 300 maisons.
A la nouvelle de ce désastre, Messieurs, vous avez frémi des malheurs inséparables d'une guerre civile; mais de quel sentiment d'horreur ne serez-vous pas pénétrés lorsque vous apprendrez que cet événement affreux n'était pas le fruit de la guérre, mais le crime réfléchi de quelques scélérats qui ont spéculé sur le pillage et les dépouilles de 600 familles réduites dans ce moment à la plus horrible misère! Pourquoi faut-il que nous soyons obligés d'ajouter que quelques soldats français se trouvent inculpés par les hommes dé couleur d'avoir partagé cet infâme butin ? (3) Mais détournons nos regards de ce spectacle horrible et repoussons s'il se peut cette idée affligeante pour l'humanité.
Les hommes de Couleur, qui s'étaient retirés confusément pendant le comDat et l'incendie, se réunirent, en armes, à une très légère distance du Port-au-Prince (4), Leur parti se grossit promptement de leurs frères des paroisses voisines et d'une portion des citoyens blancs de la ville, connus depuis la Révolution, par leur aversion constante pour le nouvel ordre de choses.
D'un autre côté, la garde nationale, les membres du club et les citoyens
qui s'étaient prononcés le plus fortement en faveur de la Révolution, se
rallièrent autour de la municipalité, et se disposèrent à faire une
défense vigoureuse. S'ils n'avaient calculé que la supériorité du nombre
et des forces des hommes de couleur, sans doute ils auraient voté pour
une réunion prompte et définitive; mais la coalition des nommes de
couleur avec les ennemis de la Révolution, et la crainte que l'ancien
régime ne fut rétabli au Port-au-Prince, comme il l'avait été à Lëogane,
au petit et au grand Goave et partout où les mulâtres avaient eu la
supériorité, mit une barrière invincible au rapproche- . ment des
esprits. Ainsi, le patriotisme même
Les commissaires civils instruits des troubles qui agitaient la province de l'Ouest, s'étaient empressés d'y envoyer une proclamation (1), par laquelle ils invitaient les citoyens blancs et de couleur à déposer les armes, à rentrer dans leurs foyers, et à abjurer tout sentiment de haine et de discorde. Cette proclamation ne produisit pas l'effet qu'ils en attendaient ; les habitants du Port-au-Prince, toujours assiégés, toujours investis de l'armée des hommes de couleur . et des blancs qui s'y étaient réunis, restèrent sur la défensive ; les hommes de couleur, conjointement avec les partisans de l'ancien régime qui s'étaient réunis à eux, répondirent à cette proclamation par une adresse (2), dans laquelle ils protestaient de nouveau contre tous corps administratifs, municipaux et populaires, déclarant que, par la crainte d'être trahis s'ils désarmaient, ils resteraient en état de guerre.
Ils ne s'en tinrent pas là, ils poursuivirent avec un nouvel acharnement le siège de Port-au-Prince (3). Deux fontaines seulement fournissent des eaux à cette ville; les hommes de couleur avaient détourné le cours de l'une, et s'étaient campés à la source de l'autre, qu'ils menaçaient dé détourner également, lorsque les assiégés, réduits au désespoir, prirent une résolution violente, qui a failli devenir le signal d'un incendie général pour cette partie de la colonie. La municipalité, craignant que les hommes de couleur ne réalisassent leurs menaces de détourner les eaux de la seconde fontaine, requit M. de Grimouard, commandant le vaisseau de l'Etat le Borée d'aller s'embosser à la portée du canon de leur camp (4) sis à Bizoton, près le bord de la mer, et de faire feu, s'ils refusaient de se rétirer.
Ce sage militaire, dont se louent également les deux partis; fit des représentations que l'on n'écouta point. Requis de nouveau de faire feu, il refusa d'y déférer; mais son équipage « gagné », dit-il, « par la terre », exécuta, malgré lui, l'ordre de la municipalité.
Les hommes de couleur avaient promis de se livrer aux derniers excès, si le Borée, faisait feu sur leur camp. Us tinrent parole. A la troisième bordée, on les vit, la torche à la majn, incendier tous les bâtiments de l'habitation Bi-, zoton, sur laquelle ils étaient campés; et leur retraite fut'marquée par le ravage et l'incendie de 5 autres habitations, qui, comme la première, sont devenues la proie des flammes (5).
Telle était, à l'époque au 18 décembre, la dé- plorable position ue la
province de l'Ouest. Les ommes ae couleur et le parti des blancs qui
faisaient cause commune avec eux, étaient maîtres absolus de la plaine.
L'ancien régime et des commandants militaires étaient rétablis à
Léogane, à Saint-Marc et au petit Goave ; tous les corps administratifs,
municipaux et populaires étaient détruits, la seule municipalité de
Port-au-Prince faisait résistance, parce qu'elle était soutenue par les
troupes de ligne et les vai-seaux de l'Etat. Les femmes, les vieillards,
les enfants étaient embarqués, avec leurs
Dans la province du Nord, les hommes de couleur de la plaine du Cap, du port Margot, du Borgne, du port de Paix, de Jean-Rabel et de Plaisance, se sont comportés constamment avec sagesse et modération ; toujours il se sont empressés d'aller combattre les nègres révoltés, toujours ils ont montré la plus entière soumission aux lois et la plus grande confiance dans la justice de l'Assemblée générale.
On a vu, au commencement de ce rapport, que, dans les premiers jours d'octobre, quelques nommes de couleur des environs du Fort-Dauphin, de Vallière et d'Ouanaminthe s'étaient coalisés avec les nègres révoltés.
Deux citoyens de couleur du Cap, dont les noms méritent d'être connus, les sieurs Roua-nez fils, et La Forest l'aîné, s'arrachant à leurs foyers et à leurs affaires, se transportèrent auprès du camp des: révoltés, pour inviter leurs frères à des sentiments de paix, et les engager à déposer les armes. Le zèle de ces excéllents citoyens, et lés soins qu'ils se sont donnés dans cette honorable entreprise, sont au-dessus de tous les éloges ; leurs démarchés portent un caractère touchant de dévouement au salut de la colonie ; leur correspondance (1) est l'expression d'un civisme pur, et d'une douce philosophie. Leurs efforts néanmoins furent infructueux. « Nous avons (écrivaient-ils au général), nous avons une mission très difficile, et qui n'aurait pas dû l'être, puisque nous nous trouvons entre nos pères et nos frères; mais, nous le disons avec peine, la confiance n'existe plus, ni d'une part, ni de l'autre. Après avoir tout fait pour la cause commune, si la réussite n'a pas comblé nos espérances, la seule consolation qui nous reste et nous suffit, et l'approbation de notre conscience. »
Les tentatives de M. Touzard furent plus heureuses, comme je l'ai dit. Soit crainte, soit persuasion, la presque totalité des hommes de couleur, qui s'étaient réunis aux révoltés, se rendit à ses instances, et revint se ranger sous le drapeau de la loi, qu'ils n'ont pas abandonné depuis.
En deux mots, Messieurs, voici quelle était la position de la colonie à l'époque du 18 décembre.
Dans la province du Nord, les hommes de couleur étaient paisibles, et ne témoignaient aucun mécontentement. Il existait encore un camp de nègres révoltés; mais ils étaient en petit nombre, et dans l'heureuse impuissance de faire beaucoup de mal.
Dans la province de l'Ouest, il n'y avait point de noirs révoltés ; mais les hommes de couleur réunis au parti aristocratique de la colonie, étaient maîtres de la plaine et dominaient partout, excepté au Port-au-Prince.
Dans la province du Sud, quelques noirs étaient en insurrection ; les hommes de coùleur étaient tout puissants, et se livraient aux plus grands excès.
En général, il y avait peu à craindre de la révolte des noirs, et tout de la mésintelligence des blancs èt des hommes de couleur.
C'est ici, le moment, Messieurs, de placer quelques réflexions, qu'un
examen approfondi de tout ce qui est relatif à cette malheureuse af-
Les blancs de la colonie forment évidemment deux partis : l'un (1) peu nombreux, mais devenu puissant par sa réunion aux hommes de couleur, est composé des partisans de l'ancien régime qui ont voulu profiter de la révolte des noirs pour opérer une contre-révolution; l'autre, formant la tr^s grande majorité de la colonie, est composé des plus chauds amis de la liberté : c'est le parti des assemblées municipales et administratives, et de tous les corps populaires de Saint-Domingue. Ceux qui composent ce dernier parti, infiniment estimable en lui-même, ont cependant bien des reproches à se faire. Echappés des chaînes du régime arbitraire, ils ont voulu jouir seuls des bienfaits de la Révolution. Citoyens et libres, ils ont prétendu se choisir des officiers municipaux et des administrateurs ; et ils n'ont pas voulu que les hommes de couleur, citoyens et libres comme eux, participassent aux mêmes avantages. Lorsque la métropole a manifesté le désir de statuer sur l'état des personnes dans les colonies, ils se sont récriés; ils ont dit que ces sortes de lois ne pouvaient être bien faites que dans les colonies; le corps constituant leur a délégué ce droit; ils en sont investis, et lorsque, par une loi conforme à leurs intérêts mêmes, ils pouvaient doubler leurs forces en les mettant en commun avec celles des hommes de couleur, entraînés par le ressentiment des excès auxquels s'étaient livrés ces derniers, et craignant de paraître céder à la force ce qu'ils voulaient qu'on tînt de leur autorité, ils ont, par un ajournement impolitique, 1 augmenté l'animosité des hommes de couleur, et donné des armes à la malveillance des ennemis de la Révolution.
On n'a point de données certaines sur les causes immédiates de la révolte des nègres. Le plus grand nombre a été entraîné, sans doute par ce désir où ce besoin impérieux d'être libre qui est inné chez tous les hommes ; sans doute aussi les fêtes nombreuses, célébrées en l'honneur de la liberté, avaient dû faire naître chez eux des réflexions profondes sur leur état de servitude ; sans doute encore le grand nombre d'écrits sur cette matière, répandus depuis deux ans dans la colonie, avait dû. hâter, précipiter le développement du germe de la liberté. Mais, à quelle causé attribuer cette insurrection combinée de 50,000 nègres, au même jour, au même moment? Comment expliquer leurs intelligences seérètes avec les commandants de la partie espagnole, leurs passeports imprimés, leurs adresses à l'assemblée coloniale, etc ? On voit bien que ces hommes grossiers et inexperts, ont dû céder à une impulsion étrangère quelconque ; mais» jusqu'à présent, il est impossible de l'indiquer avec quelque certitude.
Les hommes de couleur plaidaient une belle cause, qu'ils ont gâtée par
des actes de violence condamnables; ce qu'ils réclamaient était juste,
mais pour l'obtenir ils devaient recourir à la loi et non à la force.
Ils réclamaient l'exercice des droits politiques; et ils n'ont usé
partout de leurs avantages, que ,pour rétablir le régime arbitraire, qui
exclut l'exercice des droits politiques. — Tirés, par la Révolution, de
l'état cl'ab-iection, de la nullité injurieuse où les retenait l'ancien
gouvernement, ils ont constamment avili et calomnié les autorités
nouvelles, filles
Au surplus, cette conduite des hommes de couleur paraît moins extraordinaire, quand on réfléchit qu'ils ont été les instruments de la contre-révolution à la Martinique, et quand on considère quel a été le foyer de l'insurrection des hommes de Saint-Domingue.
Le Port-au-Prince, où a commencé cette insurrection, était, avant la Révolution, le lieu de la résidence du gouverneur et de l'intendant.de la colonie. On conçoit, dès lors, que cette ville et les environs doivent fourmiller de ces créatures oisives, de ces êtres parasites qui vivaient autrefois des abus du gouvernement ; on conçoit aussi que le joug du despotisme ne devait peser nulle part crune manière aussi insupportable que dans la province dé l'Ouest. Aussi, lorsqu'à l'instar de la métropole, la colonie s'émancipa et rentra dans l'exercice de ses droits, la ville du Port-au-Prince se hâta de briser ses chaînes et d'adopter le gouvernement représentatif.
Rien ne pouvant résister à ce premier élan de la liberté, le gouverneur dissimula, et parut voir sans déplaisir une révolution qu'il n était pas le maître d'empêcher. Mais il chercha à se ménager un point d'appui dans les éléments de la révolution même, et forma dans la ville du Port-au-Prince, une troupe de « volontaires patriotes » connus vulgairement sous le nom de « pompons blancs, » qu'il composa en grande partie de ses créatures, et qui a eu depuis la plus grande influence sur tous les événements de la colonie.
Ce sont ces « pompons blancs » qui favorisèrent l'expédition nocturne du colonel* Mauduit contré le comité du Port-au-Prince, dans la nuit du 29 juillet 1790; — c'est ce parti qu'aida M. de Vincent à opérer la dissolution de l'assemblée générale le 4 août 1790; f^- c'est ce parti qui a dominé dans la colonie, et particulièrement au Port-au-Prince, jusqu'à l'assassinat du colonel Mauduit, au mois de mars 1791 ; -—c'est ce parti enfin, qui, après 6 mois d'une inaction forcée ou apparente a profité du moment de la révolte des noirs dans la partie du nord pour tenter une contre-révolution dans la colonie entière.
Partout où il a été signé des transactions, concordats, ou traités de paix avec les hommes de couléur, les commissaires blancs sont presque tous des pompons blancs ou des ci-devant nobles. On y voit figurer surtout (1) les sieurs Hanus-de-Jumecourt, d'Aulnay-de-Chitry,. Cais-tart, d'Epinose, Pinard-de-la-Rosière, Petit-de-Villers, Hamon-de-Vaujoyeux, le chevalier de Russy, le baron de Montalembert, et autres dont on peut juger les principes, d'après leur attachement opiniâtre et condamnable à des titres proscrits par la Constitution.
Mais, c est particulièrement dans leurs derniers écrits que l'on aperçoit
combien les hommes de couleur sont influencés par le parti
aristocratique de la colonie.
La garde-nationale (disent les chefs de cette armée), la garde nationale eslrun composé de scélérats et d'enragés personnages; — l'infernal club est un composé de factieux, de brigands, de soi-disant patriotes, d'amis suspects de la Révolution; — la municipalité et rassemblée provinciale ont commis des actes de la plus noire trahison; — le tribunal de la commission prévôtale et tous les corps populaires se font un plaisir barbare de persécuter une classe considérable de citoyens vrais amis de l'ordre et de la loi, qu'ils qualifiènt « d'aristocrates » ou de « pompons blancs. »
Pourquoi donc, Messieurs, dans cette adresse, dirigée en général contre les colons blancs, ce tendre intérêt des hommes de couleur pour le « parti aristocratique » de la colonie? Pourquoi cette sollicitude particulière pour les « pompons blancs » ? Pourquoi cette haine profonde contre les plus zélés défenseurs de la liberté? Pourquoi cette affectation à dénigrer toutes le autorités constituées? Pourquoi ce passage de leur adresse aux commissaires civils (2) « le despotisme des assemblées populaires qui nous écrase depuis deux ans; est pincent fois que celui sous lequel nous vivions avant l'époque de la Révolution française? » Pourquoi enfin, suivant l'expression de M. de Blanchelande, « ont-ils rétabli l'ancien régime dans toute l'étendue du terme, » (3) partout où ils ont eu la supériorité.
Qui ne voit, Messieurs, que les hommes de couleur sont égarés par des suggestions perfides? Qui ne voit que ces hommes sans expérience sont entraînés par des ennemis du bien public, dans ces mesures impolitiques, criminelles et contraires à leurs propres intérêts?
Telles sont cependant les causes des malheurs affreux qui affligent les colonies de Saint-Domingue ; c'est en faisant verser le sang des amis de la liberté, par les hommes de couleur, que les contre-révolutionnaires ont espéré perpétuer la division qui règne entre les hommes de couleur et les corps populaires; c'est en se coalisant avec les hommes de couleur, qu'ils ont espéré parvenir à anéantir toutes les autorités actuellement constituées, et à rétablir l'ancien régime.
Sans doute, Messieurs, sans doute leshoftnnes de couleur ne tarderont pas à reconnaître leur erreur; sans doute, ils sentiront qu'en les portant à détruire les corps populaires et administratifs, leurs guides perfides n'ont d'autres vues que de ramener un ordre de choses, qui ne leur laisseront pas même l'espoir d'une amélioration dans leur sort.
Mais en attendant que le voile de l'illusion soit tombé, en attendant que, par un rapprochement fraternel, l'assemblée coloniale ait arraché des mains de la malveillance le flambeau de la discorde et de la révolte, quellés mesures, Messieurs, emploierez-vous pour rétablir le calme dans la colonie?
Si vous mettez des moyens de forces trop puissants à la disposition "de
l'assemblée coloniale, il est à craindre qu'elle ne s'en prévale
Placés entre ces divers écueils, vous n'hésiterez pas, Messieurs, vous penserez que si la prudence vous conseille de peser mûrement les mesures définitives qui doivent assurer la tranquillité de Saint-Domingue, la sensibilité vous commande de voter sans délai les secours provisoires de subsistances, de vêtements et d'instruments aratoires réclamés par nos frères d'Amérique, et vous vous empresserez d'acquitter cette dette de la patrie et dé l'humanité. (Applaudissements.)
Je vais vous lire maintenant trois pièces relatives à ces événements et arrivées depuis peu au comité ; elles motivaient le rapport que je viens de vous faire.
A M. Pinchinat, président du comité général du Cul-de-sac (1).
A Peyrat, le 13 octobre au soir.
Monsieur,
« Vous trouverez dans le paquet que j'ai l'honneur de vous adresser les circulaires pour les paroisses de Gonaïves, des Verettes, Petite-Rivière, Saint-Marc, Arcahaye, Mirebalais, Léogane, Grand-Goave, Petit-Goave, Jacmel, Cayes-Jacmel, Baynet, et deux circulaires pour le Port-au-Prince, l'uné à l'adresse de MM. les citoyens de cette paroisse, l'autre à l'adresse de M. Garadeuc, capitaine général de la garde nationale du Port-au-Prince, je prie instamment M. Petit, de faire partir les paquets sans retard, afin que nous ayons nos codéputés pour mardi.
« On vous applaudit singulièrement, Monsieur, d'avoir donné, ce matin, un exemple de modération et d'amour du bien public, qui m'était d'avance connu mais auquel on ne s'attèndait pas généralement d'après l'assemblée d'avant-nier.
« Quoi qu'il en soit, le public finira par nous rendre justice, lorsque à la fin des négociations nous l'aurons rendu heureux et paisible malgré lui;
« J'ai le projet de former un plan de concordat actuel, qui laissera
subsiter l'ahcien, et de ne faire qu ajouter le développement des
changements successifs que la position actuelle aoit
« Le rétablissement du pouvoir exécutif, en la personne de M. Coutard, l'embarquement ou non des bataillons, l'exil ou non des membres de l'assemblée provinciale et de la municipalité, l'établissement d'une garnison de 1,200 hommes au moins dans le Port-au-Prince, l'établissement des bureaux de police dans les 14 paroisses, en place des municipalités, d'ici à l'arrivée des commissaires civils; un service pour M. Mauduit le jour ou le lendemain du Te Deum et de la prise de possession »: tels sont les objets sur esquels if importe de connaître la façon dépenser de votre armée.
« Une fois le plan du concordat arrêté entre nous, il ne doit plus varier, et nous devons tenir ferme.
« Je vous prie d'agréer les assurances de la parfaite considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : JUMÉCOURT.
Voici la seconde pièce :
Réponse des commissaires nationaux civils, aux personnes réunies à la Croix-des-Bouquets (1).
« Au Gap, le 21 décembre 1791.
« Nous répondons, Messieurs, à la lettre qui nous a été remise par MM. Malescot et Rouette ; cette lettre, datée du 8 de ce mois, est écrite au nom des membres, du conseil d'administration de l'armée et dés commissaires des différentes paroisses de la province dé l'Ouest, réunis à la roix-des-Bouquets.' Nous répondons également à la pièce qui nous est venue par la poste, intitulée : « Adresse des citoyens de couleur de la province de l'Ouest » datée du même jour et du même lieu.
« Ces pièces contiennent : 1° le précis des faits qui se sont succédé relativement à la colonie, depuis le commencement de la Révolution, jus-quà l'époque où vous nous écrivez; 2° la réclamation des droits politiques en faveur des personnes de couleur, fondée sur la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, ainsi que sur les décrets des 8 mars et 12 octobre 1790 et des 15 mai et 24 septembre 1791 ; 3° vos motifs pour donner suite à votre prétendu traité de paix du 23 octobre dernier, que vous nous indiquez comme le seul moyen qui puisse assurer la conservation de la colonie, en nous donnant pour preuve, l'heureuse tranquillité dont jouissent les provinces de l'Ouest et du Sud, tandis que celle du Nord est troublée par une insurrection générale; 4° enfin elles expriment le désir que vous avez de nous voir arriver près de vous.
Nous ne serions pas dignes du caractère dont nous sommes revêtus, si nous
ne commençions, Messieurs, par rendre hommage aux principes qui ne vous
permettent plus ae douter que la Félicité de la colonie est inséparable
du bonheur v individuel de ceux qui la composent. Nous né doutons pas
que ces principes, lorsque vous les
« Nous croirions vous outrager, si nous nous permettions lé moindre doute sur la pureté de vos motifs; mais ndùs trahirions votre confiance en nous et la vérité que nous devous vous dire, si nous vous dissimulions à quel point vous seriez coupables, en résistant a la voix de la raison : Veuillez donc nous écouter dans la sincérité de vos cœurs, vous dépouiller de toute partialité, pardonner les injures et les maux qui vous sont personnels, et, par votre obéissance a la loi, nous mettre en état de joindre notre médiation à la vôtre, pour procurer aux personnes de couleur les avantages qu'elles doivent raisonnablement obtenir. ,
« Nous allons maintenant passer aux différents objets de la lettre et de l'adresse.
« Premièrement :
« Le titre que prennent les signataires 'de la lettre ne peut exister que dans 'le désordre et l'anarchie; et vous ne pourriez plus, à moins de vous déclarer rebelles, vous en servir plus longtemps; en effet, peut-il exister une armée de 14 paroisses liguées, pour obliger les autres d'obéir à sa volonté? Cette armée, quand même elle serait formée constitutionuellement, pourrait-elle délibérer et prendre des arrêtés? Son conseil d'administration pourrait-il s'occuper d'autre objet que de l'intérieur de l'armée? Pourrait-elle, non seulement ne pas dépendre du représentant du roi, mais même oser lui dicter des ordres? Pourrait-elle abuser de sa force au point d'exiger, outre la formation d'assemblées primaires, que, dans ces assemblées, on y violât indistinctement tous les principes constitutionnels, soit en détruisant les municipalités pour eh créer de nouvelles, soit en révoquant des députés irrévocables, ou en annulant des corps ad-niinistratifs, etc.? Ce sont cependant les suites fatales de votre confédération, malgré la pureté de vos principes ; ce sont les commissaires de la nation et du roi qui vous en avertissent, et qui seraient trop malheureux si vous ne les écoutiez pas avec la confiance qui leur est due.
« Secondement : .
« Nous ne nous arrêterons pas sur le précis des faits qui se sont succédé dans l'île depuis la-Révolution ; oublions à jamais des soupçons, des haihes, des vengeances, des prescriptions, des meurtres, des incéndies et des atrocités de tout genre. Dans une crise nationale, quel est celui qui peut résister au torrent? quel est le nombre d'hommes vertueux qui n'ont aucun reproche à se faire, en comparaison de ceux qui ont fait le mal et souvent par erreur? Faut-il les punir tous? Faut-il confondre le faible avec le méchant? Et pourrait-on les distinguer dans la confusion générale des événements, des apparences, des rumeurs publiques et dans la prévention des partis? Respectons le citoyen qui n'a jamais perdu de vue ses devoirs politiques et moraux; mais, encore une fois, pardonnons nous réciproquement des torts que nous n'étions pas plus maîtres d'éviter que si nous eussions été dans le délire d'une fièvre ardente ; imitons l'Assemblée nationale et le roi : ils ont consacré l'époque à jamais mémorable de l'acceptation de la Constitution par un
décret portant amnistie générale et invitation à la paix et à l'oubli du passé.
« Nous avons proclamé les mêmes bienfaits dans l'Ile, et notre proclamation réduit au néant toute discussion sur les faits relatifs à la Révolution, antérieurs à la publication de la même amnistie dans l'île.
« Nous ne pouvons prendre connaissance de ces faits, ni en parler, qu'autant qu'ils serviront à nous éclairer sur l'avenir, et à tempérer ceux dont nous pouvons calmer l'esprit par nos conseils et par notre sensibilité sur les malheurs des parents et des amis qu'ils regrettent, et que nous pleurons avec eux.
« Troisièmement :
« La Déclaration des droits contient l'exposition de vérités éternelles, qui ne sont pas moins évidentes à Constantinople et dans, l'Indoustan qu'en France ; qui ne Fêtaient pas moins au temps de Lycurgue et de Moïse, qu'au xviii® siècle; néanmoins, on voit des esclaves chez les Turcs ; les Lacédémoniens avaient leurs Ilotes; les Indiens sont divisés par castes, et Israël fut partagé en tribus. Heureuse la nation qui, comme la France, se trouve assez mûre pour fixer les bases de sa Constitution Sur les Droits de l'homme et du citoyen ! Mais les autres peuples n'en sont pas moins des corps politiques soumis à leurs lois, à leurs usages, et chez lesquels, à défaut d'excellentes lois, il faut adopter les moins mauvaises. Il s'agit, dans ces sortes de gouvernements, de procurer la plus grande somme de bonheur possible à chaque individu dans la sphèré qui lui est indiquée, d'après la considération des rapports qui doivent lier l'être le moins favorisé à celui qui l'est le plus.
« Nos colonies, dans le sens actuels de ce mot en France, sont des parties intégrantes de l'Empire; mais, qui dit colonie, entend aussi line partie séparée du centre de l'Empire par le vaste Océan, partie peuplée de blancs, de noirs, de libres, d'esclaves et du mélange des blancs et des noirs; partie qui, par la nature de sa population, nécessite une Constitution locale, pour l'état d'existence des esclaves, et l'état politique de ceux qui jouissent déjà des droits civils et qui réclament l'activité du citoyen.
« Cette vérité fut sentie par les régénérateurs de la France dès le premier instant qu'ils s'occupèrent des colonies. Le décret du 8 mars 1790 autorise chaque assemblée coloniale, alors existante, à exprimer le vœu de la colonie sur la Constitution, la législation et l'administration qui conviennent à sa prospérité ; or, l'Assemblée nationale n'ignorait pas que les assemblées, alors formées, aux colonies, n étaient composées que de blancs; elle a donc jugé, dans sa sagesse, que les blancs pouvaient seuls proposer les lois convenables aux personnes ae couleur, quoique celles-ci eussent déjà réclamé devant elle des droits politiques; elle a, sans doute, supposé que les blancs seraient trop justes pour ne pas accorder tout ce qui serait compatible, tant avec l'ordre établi par les Circonstances locales, qu'avec le danger de détruire précipitamment des préjugés trop puissants pour ne pas les ménager ; elle aura, en outre, pensé que les droits accordés par les blancs augmenteraient la reconnaissance des personnes de couleur.
« L'Assemblée nationale, dans son décret du 12 octobre 1790, a confirmé la ferme volonté d'établir, comme article constitutionnel dans l'organisation des colonies, qu'aucune loi sur l'état des personnes ne serait décrétée que sur la demande
précise et formelle de leurs assemblées coloniales.
« Si, ensuite, par son décret du 15 mai dernier, l'Assemblée nationale prit sur elle de régler une partie de ces droits, elle eut soin de n'en pas faire un article constitutionnel, quoiqu'elle eut décrété, le 13 du même mois, constïtutionnelle-ment, ce qui concernait les lois à faire sur l'état des personnes non libres.
« Nous observons que l'Assemblée nationale réunissait en elle tous les pouvoirs constituants et législatifs ; qu'ellè ne les a jamais confondus, et qu'au contraire elle a toujours pris le plus grand soin de déclarer constitutionnels les décrets qu'elle ne croyait pas susceptibles de changements quant aux autres, réputés lois réglementaires, ils restaient exposés à sa révision et à celle des législatures. La seule comparaison de ces deux derniers décrets, faits pour les mêmes parties de l'Empire à deux jours seulement d'in-térvalle, prouve que l'Assemblée nationale Considérait le premier comme irrévocablement fixé, tandis que le second dépendait du succès qu'il aurait aux colonies.
« Rien ne justifie mieux cette précaution que cequjest arrivé malheureusementdepuis. L'horrible explosion que produisit à Saint-Domingue la simple nouvelle du décret du 15 mai, alla pres-qu'au point de noyer dans le même déluge de sàng, les blancs, les hommes de couleur et les esclaves. Le danger fut si imminent que M. le général crut devoir prendre sous sa responsabilité toutes les mesures propres à empêcher le mal; il promit même, pour sauver la colonie, de ne pas publier le décret s'il le recevait officiellement.
« L'Assemblée nationale avait essayé de vaincre, eh faveur^des hommes de coulenr, les préjugés qui existaient entre eux ; elle ne voulait pas anéantir les colonies qui font la prospérité du commerce et des manufactures du royaume ; encore moins voulait-elle des horreurs et des calamités ; elle venait, par la Constitution, qu'avait acceptée le roi, de placer le citoyen non actif au-aessus des sujets les plus noples des autres royaumes ; elle concevait qu'entre ce simple* citoyen et celui qui joitit de toute son activité, il pouvait se former dans les colonies des grades intermédiaires, et que ces grades ne peuvent être justement appréciés que sur les lieux. Suffisamment instruite par le désastreux résultat de ses bienfaisantes tentatives, elle décréta le 24 seprembre dernier, dans la plénitude des pouvoirs du corps constituant, ce qui suit:
« Les lois concernant l'état des personnes non « libres et l'état politique des hommes de cou-« leur et nègres libres, ainsi que les règlements « relatifs à l'exécution de ces mêmes lois, seront « faites par les assemblées coloniales actuel-« lement existantes; et celles qui leur succé-« deront s'exécuteront provisoirement avec « l'approbation des gouverneurs des colonies « pendant l'espace d'un an pour les colonies « d'Amérique, et pendant un espace de deux ans « pour les colonies au delà du cap de Bonne-« Espérance, et seront portées directement à la « sanction absolue du roi, sans qu'aucun décret « antérieur puisse porter obstacle au plein ex-« ercice du droit Conféré par le présent article « aux assemblées coloniales. » ; '
« Ce décret constitutionel fut accepté par le roi et n'est pas moins le palladium des personnes de couleur que celui des blancs de Saint-Do--mingue. D'après les formes décrétées pour la
révision des articles constitutionnels, la législature actuelle et la suivante ne pourront en proposer la réforme, et cette réforme ne peut avoir lieu qu'après avoir été demandée par trois législatures consécutives, ce qui ne permet pas d'y toucher avant 10 ans, pour le plus tôt ; c est donc l'assemblée coloniale actuelle, puisqu'elle existait à l'époque du 24 septembre, qui peut seule connaître ae lois à faire sur l'état politique des personnes de couleur ; et ni vous, ni nous, ni le roi, ni la législature présente, ni les 4 qui suivront, ne pourront porter atteinte à ce droit.
« Telle est la loi ! Étes-vous Français ? Respectez-la, obéissez à la volonté du corps constituant ; ne prétextez ni des lois réglementaires, ni de prétendus reproches contre une assemblée coloniale, confirmée par la nation et le roi
« Direz-vous que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen fait taire un décret qui le contredit? Songez que vous habitez une colonie, que vous ne pouvez invoquer cette déclaration qu'en renonçant à vos propriétés, et que vous n'avez pas le pouvoir d'abolir un esclavage que les régénérateurs de la France ont été forcés, par l'arrêt irrévocable du destin, de laisser subsister.
« Oseriez-vous méconnaître le décret du corps constituant, jusqu'au point de lui opposer votre concordat et votre traité de paix? Calculez plutôt les forces réunies de vos 14 paroisses en insurrections, et jugez si vous pouvez les opposer au reste de la colonie et à 25 millions de Français?
« Quatrièmement :
« Quand il serait vrai que la tranquillité régnât dans vos deux provinces en vertu de vos concordats et traités de paix, ce calme apparent n'en serait pas moins l'effet d'un pouvoir usurpé, d'une insurrection armée, de la violation enfin de tous les principes constitutionnels, et nous ne pourrions, sans manquer aux devoirs qui nous sont imposés, nous dispenser de prononcer la nullité de vos traités, en employant les mesures convenables pour maintenir l'ordre et la tranquillité. Les raisons que nous avons déjà données suffiraient pour le prouver.
« Nous ajoutons encore que les citoyens français ne peuvent, d'après les principes constitutionnels, se réunir pour des actes politiques que dans les trois cas suivants :
« En assemblée primaire, à l'effet uniquement de procéder à la nomination des représentants, et de ceux des fonctionnaires publics dont le choix leur appartient, sans qu'il puisse y être traité d'aucun autre objet.
« En assemblée de commune qui né peuvent être ordonnées, provoquées ou autorisées que pour les objets uadministration purement municipale qui regardent les intérêts propres de la commune. Toutes convocations et délibérations des communes et des sections sur d'autres objets, sont nulles et inconstitutionnelles.
« En assemblée de pétitionnaires. Comme le droit de faire des pétitions est individuel, il ne peut être délégué ni à des commissaires, ni à des conseils d'administration, ni être exercé collectivement par quelques corps publics ou sociétés de citoyens que ce soit.
« Ce sont, Messieurs, les trois seuls cas où la Constitution française permet aux citoyens de se réunir pour les actes politiques et dans tous ces cas, ils ne doivent point y assister armés.
« Depuis que la Constitution française a été définitivement arrêtée par le corps constituant,
et acceptée par le roi, les règles que nous venons de citer forment autant d'axiomes qu'il suffit d'énoncer, pour que tout bon Français s'y soumette à l'instant ; nous ne vous répéterons pas ici les sages raisons qui ont fait décider ces questions, delà manière dont elles l'ont été, par les hommes les plus éclairés de notre siècle. Nous vous dirons simplement que si vous êtes Français, vous renoncerez aussitôt à des prétentions injustes, inconstitutionnelles et qui ne troublent pas moins l'ordre et la tranquillité publique ae la colonie, qu'elles attaquent la puissance nationale ; nous vous dirons aussi, dans l'amertume de nos cœurs, que si vous persistez dans votre égarement, vous nous forcerez de déployer contre vous des forces auxquelles il vous sera impossible de résister.
« Nous nous flattons toujours que vous ne fermerez point l'oreille à la voix de la raison; que notre proclamation vous aura fait faire de sérieuses réflexions ; que la présente lettre achèvera de vous convaincre; que les malheurs inouïs qui désolent vos provinces cesseront aussitôt que vous aurez lu notre réponse, et que vous vous empresserez, par votre soumission aux décrets du corps constituant, acceptés par le roi, de nous mettre à même de ne plus voir en vous que des Français qui se repentent de leurs égarements.
« Ne doutez pas, Messieurs, que l'assemblée coloniale ne s'occupe de l'état politique des hommes de couleur et nègres libres, et qu'elle ne leur accorde tous les avantages compatibles avec l'organisation des colonies; et si vous jugiez qu'elle n'eût pas fait tout ce qui convenait, vous pourriez employer le moyen légal des pétitions au roi. Louis XVI a donné trop d'exemples de son amour pour les Français, pour la justice et pour la félicité publique, pour qu'il vous soit permis d'avoir la moindre inquiétude sur la sanction des lois relatives à l'état des personnes aux colonies.
« Mais, Messieurs, jusqu'à ce que vous soyez rentrés dans le devoir, l'assemblée coloniale, M. le général, les commissaires nationaux civils, le roi et la nation ne peuvent voir en vous que des rebelles obstinés, qui ne veulent pas profiter de l'amnistie générale publiée dans l ile.
« Cinquièmement :
« Nous nous rendrons dans votre province avec autant d'empressement que de joie, dès que vous serez soumis à la loi.
« Les commissaires nationaux civils, délégués par le roi aux îles françaises de l'Amérique sous-Îe-Vent.
Signé : de Mirbeck, Roume et de Saint-Léger; Adet, secrétaire de la commission.
Voici la troisième pièce :
Copie d'une lettre écrite de Saint-Marc, le 8 décembre 1791, à trois heures du soir, par J.-B. de Coigne, à M. de Lepinot, habitant de la paroisse de Jérémie (1).
« J'ai vu revenir avec d'autant plus de regret, cher oncle, le capitaine
porteur de mes nègres^
« La guerre de l'Ouest ne laissera probablement pas cours à la poste : je vous prie néanmoins dans l'hypothèse favorable.
« Dès les derniers jours de novembre, les brigands du Port-au-Prince, voulaient faire négocier la paix par M. de Orimaud, quoiqu'ils en fussent éloignés au fond du cœur ; celui-ci, oubliant ses anciennes tribulations, fait le noble rôle de médiateur; mais, pendant qu'il était à la Croix-des-Bouquets, on a fomenté l'insurrection à son bord; 150 ou 200 matelots allaient être imprégnés quand il est reparti, le 2 décembre, de la Croix-des-Bouquets; il a porté des paroles de paix qui n'ont point été écoutées, et il s'est. retiré à son bord, pénétré d'indignation contre les Caradeuc et les municipes. Son lieutenant M. de La Bonnetière, disséminateur, n'a pas été favorablement entendu de toute la populace qui, ainsi que Caradeuc, l'ont insulté, l'officier de marine a mis l'épée à la main en criant à Gara-tleuc de se défendre; mais celui-ci a crié aux armes, et M. de La Bonnetière a été maltraité avant de regagner son bord ; ceci s'est passé le 2; et le 3, on a appris que Rigaud, colonel des mulâtres, harcelait du côté ae Léogane le Port-au-Prince, qu'il avait intercepté les eaux et fait quelques prisonniers. On a su aussi que tous les honnêtes gens qui le pouvaient, fuyaient ce lieu, séjour du crime. Tous les officiers dès deux bataillons, et quelques braves gens ont tenté de les imiter, mais ifs n'ont pu réussir. On dit qu'ils sont cruellement vexés par ceux de leurs soldats voués aux clubs et aux autres brigands du lieu.
« Ces coquins, plus habiles que des gens simples et honnêtes, viennent de saisir l'arrivée des commissaires au Cap, pour traiter impérieusement à mon avis, avec impéritie, l'armée de la Croix-des-Bouquets, qu'elle feint composée uniquement d'hommes de couleur et nègres libres, et finit par promettre de faire quelque chose en leur faveur; mais l'armée ne veut rien changer à ses projets, qui sont de purger la colonie des brigands quels qu'ils soient.
Hier 7.
« Nous avons appris que la municipalité, née du sang de M. Mauduit, avait envoyé deux embarcations aux Gonaïves, pour retirer du cordon de l'Ouest, les hommes qu'elle y a envoyés; je ne sais si ces mesures seront executées. Les Gonaïves en sont justement alarmés et demandent du renfort : ici, on ne peut ni ne veut se démunir. On espère que les troupes resteront au cordon et qu'elles n'iront pas partager les forfaits du Port-au-Prince.
« On apprend duCap, que M. d'Assas, oubliant le nom qu'il porte, a donné sa démission pour accepter le commandement des troupes patriotiques. Si cet homme n'est pas faux, je ne conçois rien à cette ^démarche; Guitton, dupe un instant comme moi de son langage, en est in-
digné. Nous verrons quelle sera sa conduite. On ne dit encore rien de certains des commissaires, si ce n'est un différend sur la préséance entre le général et eux.
« Il arrive un courrier de couleur, qui rapporte que Rigaud harcelle toujours le Port-au-Prince; il a tué. sans perdre de monde, dit-on, 4 soldats, 3 brigands, 3 nègres, et blessé 11 hommes. La Mari-Salope lui a tiré 21 coups de canon sans effet.
« Un homme à cheveux rouges a été tué par les mulâtres qui croient avoir tué Iscariote Bens.
« L'adresse faite aux bataillons n'a eu aucun effet : la rade est en grand mouvement.
Du 6.
« Ecrit-on du Port-au-Prince, MM. de Surville et Desaulnois, commandants des bataillons de l'île, se sont rendus cette nuit à la Croix-des-Bouquets pour proposer une trêve; on leur répond que rien n'empêchera les mouvements de l'armée, et on leur remet une dernière adresse aux soldats, qui ne les satisfera sans doute pas. Au camp, on travaille à une adressse aux commissaires civils, où on leur rend compte des événements survenus dans l'Ouest, etc...
« M. de Jumecourt vient de faire l'inspection et a donné ordre de se tenir prêt à marcher dans les 24 heures.
« Les détachements de Saint-Marc et de la Petite-Rivière sont partis ce matin pour aller renforcer Bizoton; 300 habitants sont aussi allés sur ^'habitation Chancerel pour empêcher les brigands d'y faire de l'eau.
Du 7 à midi.
« Hier, M. de Grimouard a été requis par la municipalité et forcé de mettre du monde à terre ; il n'a point insisté afin que son équipage n'usât pas de violence envers lui, et que son autorité ne fût compromise. La bande municipale a pa reillement requis la marine marchande; celle-ci a envoyé des députés auprès des commissaires et a refusé.
« MM. Pouvert et Baraut de Narçay ont été, l'un fusillé, l'autre pendu ; c'est toujours les gens de couleur qui parlent. On est aux trousses de Pamelard, fugitif dans les bois ; 7 mulâtres ne le quitteront qu'après l'avoir exécuté.
Au Trou, aujourd'hui, Rigaud a recommandé Vicendon Dutour, qui y recevra sans doute le prix de ses forfaits, Zanico est à la barre.
7 à 8 heures du soir.
« MM. Desaulnois et de Surville sont de retour; le vioeu de leurs bataillons; ils demandent :
« 1° Une suspension d'armes;
« 2° Une entrevue avec des commissaires de notre armée ;
« 3° Enfin l'envoi réciproque des députés auprès des oommissaires civils pour attendre leur décision.
« Les deux derniers ont été accordés, et le premier refusé ; on continuera les hostilités jusqu'à la décision de l'entrevue. Un vent de nord qui.règne partout dérange les projets hostiles.
« Les députés de l'armée seront, MM. Malescot, Chancerel et Robert, habitants; ils doivent partir demain. MM. Desaulnois et de Surville se proposent aussi de s'embarquer comme chefs de leurs corps. Les commissaires seront priés de se
rendre sur les lieux pour qu'ils connaissent par eux-mêmes l'état des choses.
De Saint-Marc, le 9, à 4 heures du soir.
« Telles sont, cher oncle, les nouvelles de la Croix-des-Bouquets. Le temps m'interdit toute réflexion.
« Nous jouissons toujours ici de la plus grande tranquillité, mais il ne faut qu'une étincelle pour nous embraser. Les malintentionnés répandent toujours des bruits calomnieux dans la plaine contre la ville, et dans la ville contre la plaine. Il y a même scission indirecte par la nomination d'un second capitaine général; c'est Molet; c'est Sommière qui l'est en ville; jadis il n'y en avait qu'un. Le premier ayant su mon retour, ne pouvant venir en ville, me fit proposer sa voiture pour aller chez lui ; j'irai dimancne et tâcherai de concilier les esprits qui ne s'accordent point ici faute de se voir. MM. Molet a renoué avec moi dans la campagne de Plaisance.
« Votre lettre du 19„ n° 2, nous est parvenue ce matin; elle ne m'apprend rien si ce n'est les funestes dispositions où il me paraît qu'on est dans le quartier, relativement aux gens de couleur; comment peut-on entendre si mal ses intérêts! On ne veut pas absolument prendre un parti : alors « vous avez trois classes de brigands à combattre, qui vont vous morceler dans tous lés sens, et qui vous auront anéantis, si vous n'agissez promptement. D'abord les brigands blancs sont les plus à craindre : laissez -les donc détruire par les mulâtres, si vous ne voulez pas les détruire vous-mêmes; après, avec ceux-ci vous rangerez les nègres révoltés ; vous rétablirez les lois peu à peu, et vous serez successivement à'même de réprimer ceux d'entre les gens de couleur qui seront coupables ». 11 faut prendre un parti : c'est à mon avis, celui qui nous expose le moins; je n'ai point le temps aujourd'hui de vous développer mon opinion, mais vous sentirez qu'il est impossible de se tirer de la crise affreuse où nous sommes, sans agir vigoureusement.
« Si on s'obstine malheureusement contre les gens de couleur, nous sommes tous incendiés et égorgés; et lé dernier d'entre nous sera contraint, dans peu, de manger son semblable, pour subsister quelques instants de plus.
« On a dépêché ici deux individus pour savoir ce qui se passe au cordon de l'Ouest; les troupes de ligne sont rappelées au Port-au-Prince; on assure qu'elles veulent passer par la ville; on s'y opposera; le parti crochu n'attend que cela peut-être, pour éclater; il paraît concentré dans la plaine; nous sommes ici bien ré-solus à périr sur nos foyers, s'il le faut.
« Adieu, cher oncle, cette lettre vous parviendra par voie de mer, qu'une main aflidée trouvera au Port-au-Prince : ainsi je puis vous y signer hardiment que je vous aimerai jusqu'au tombeau.
Signé : J.-B. DE CoiGNE.
Je conclus de tout cela que la cause des troubles des colonies, était évidemment le refus fait aux hommes libres de couleur de les admettre aux assemblées primaires. Je demande l'impression du rapport et des pièces.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. Tarbé et des pièces qu'il vient de lire.)
Conformément au décret que vous avez rendu tout à l'heure (1), la parole est à M. Guadet pour lire l'opinion de M. Garran-de-Goulon.
donne lecture du discours de M. Garran-de-Coulon ; il est ainsi conçu (2) :
Messieurs, c'est l'un des plus précieux avantages de cette liberté, dont les bienfaits s'étendent à tous les objets politiques, qu'il suffit, pour guérir les maux que la nature ne rend pas absolument incurables, de connaître les causes qui les ont produits. Tandis que les despotes, isolés dans leur palais, ou rassemblés en sénat, n'osent pas même permettre qu'on dévoile les abus qui sont préjudiciables à leur pouvoir, parce qu'ils craignent que les esprits, habitués à la recherche ae la vérité, n'en dirigent bientôt le flambeau contre leurs usurpations criminelles; chez un peuple libre rien ne peut arrêter les progrès du ]our de la raison. Les lumières percent de toutes parts, malgré ceux qui voudraient en détourner, les rayons. 11 n'y a pas plus de mystères politiques, que de coups d'Etat; et si les ennemis du bien public parviennent quelquefois à égarer les législateurs dans la fausse route des préjugés, la dure leçon de l'expérience et la voix de la raison, que rien ne peut étouffer, ne tardent pas à dissiper ces préventions funestes, qui ont lait prévaloir, quelque temps, les résultats trompeurs des circonstances sur les axiomes de la justice. La volonté générale n'a de règle que le bien public; la toute-puissance de la souveraineté nationale, sûre de l'opérer, élève en un instant ses trophées éclatants sur les débris des forts que l'oppression avait élevés- lentement dans les ténèbres.
Vous avez rendu, Messieurs, un premier hommage à cette vérité, en
soumettant à une discussion publique les causes des troubles de nos
colonies, et les remèdes qu'on doit y apporter. Vous avez cru, avec
raison, que ces remèdes étaient en votre pouvoir, et qu'ils ne
consistaient pas dans 1 exécution aveugle du décret inconstitutionnel
rendu le 24 septembre dernier. Les rapports du comité colonial n'ont pas
rempli nos espérances, et c'est une raison de plus pour m'autoriser à
donner à mon opinion les développements qu'exige une question si
intimement liée à tout ce qu'il y a de plus secret parmi les hommes. Les
renseignements qui nous ont été fournis, laissent sans doute bien des
incertitudes et des obscurités sur une multitude de détails. Elles sont
la suite nécessaire de l'éloignement. des lieux, de l'intérêt mal
entendu du parti qui vous a transmis presque toutes les pièces, et des
préjugés qui veulent vous masquer la vérité ; préjugés véritablement
invincibles, puisqu'ils n'ont pu céder aux épouvantables catastrophes
que les blancs viennent d'éprouvrer. Mais les faits principaux sont
constants. Ils suffisent pour nous éclairer. Nous devons suivre ici la
règle qui nous dirigeait dans la lecture de nos anhales, si lâchement
écrites sous le despotisme ; nous fixer à un petit nombre de faits
importants et tout à fait incontestables; ne compter pour rien les
jugements et les interprétations qu'y joignent ceux qui les rapportent;
juger nous-mêmes et ne point croire sur parole C'est ainsi qu'on se
garantit sûrement des pièges que la mauvaise foi, l'esprit de parti et
les passions diverses ten-
première partie.
Causes des troubles.
Votre indignation a repoussé d'avance~ cette atroce calomnie, qu'on a eu l'audace de renouveler à votre barre, contre une société que les patriotes doivent chérir à jamais, pour avoir préparé les voies de la Révolution en fondant, sous le despotisme, la première association qui ait osé professer en France le droit des hommes et de la liberté. L'insurrection des nègres n'a pas plus été produite par le coupable complot des amis des noirs, que parleurs écrits philosophiques; la rage aveugle du désespoir, qui méconnaît son impuissance a pu seule hasarder une inculpation si téméraire. Quand ces écrits ne porteraient pas leur justification avec eux; quand bien même quelques-uns d'enjtre eux auraient pénétré dans vos îles, où la douane des pensées subsiste toujours, le peu de moyens de la société, la diversité des caractères de ceux qui l'avaient établie, la diversité des caractères de ceux qui l'avaient établie, parmi lesquels on trouve les Mirabeau, les La Rochefoucauld, les Condorcet, les La Fayette, écartent, sans retour, l'idée de cette absurde conspiration, et toute possibilité de l'effectuer. Une association pareille; plus ancienne, hien plus riche que celle de France, bien plus accréditée, subsiste dans la capitale de la Grande-Bretagne et dans ses principales villes où elle a des affiliations nombreuses; ses amis philanthropiques n'ont pas cessé, depuis son établissement, d'être transmis, par les. papiers publics, dans toutes les parties ae l'Empire. Cependant les nègres de la Jamaïque, de la Dominique, de la Barbade, et des autres colonies britanniques, n'ont jamais traîné plus paisiblement le joug de l'esclavage; et si quelque chose pouvait le leur faire secouer il faudrait sans doute l'attribuer aux effets de cet avilissement décrété, au nom d'un peuple libre, contre les gens de couleur, pour perpétuer leur asservissement politique, après même que leur esclavage a cessé..;Dans l'heureux continent de l'Amérique septentrionale, ce ne sont pas seulement. des sociétés privées qui cherchent des adoucissements à la misère des noirs, toute une secte religieuses, celle dés Quakers, la plus nombreuse et la plus puissante dans la florissante Pensylvanie, exige leur affranchissement. Des Etats entiers et le congrès lui-même, le préparent pour l'avenir, et à peine subsiste-t-il encore un ou deux de ces Etats où la traite ne soit abolie dès à. présent, ou pour la fin du siècle.
Je ne sais pourquoi ou voudrait le dissimuler : ce sont les mouvements divers produits par la Révolution française, et les efforts insensés qu'on a faits pour en arrêter les progrès, qui ont causé l'insurrection des nègres de nos îles, comme tous les troubles qui ont eu lieu depuis trois ans dans les autres parties de l'Empire. C'est l'air contagieux de cette révolution, son exemple désespérant pour tous les oppresseurs; c'est surtout la perpétuelle injustice qu'on a eue de vouloir en ravir tous les biens aux hommes de couleur, qui, par le froissement de l'opposition, a fait jaillir les premières étincelles de la révolte à Saint-Domingue, et qui en a dispersé les
flammes de toutes parts. Les préparatifs des despotes, qui sont forcés de faire trêve à leurs naines mutuelles pour se liguer contre nous, ne vous annoncent-ils pas que le feu, désormais inextinguible, de la liberté s'étend partout autour de la France pûur dévorer les tyrans de toute espèce qui n'auront pas la sagesse d'en prévenir l'explosion par la prompte restitution des droits sacrés qu'ils ont usurpés sur la faiblesse et le malheur?
Sans doute, des causes secondaires ont pu se réunir, à celles-ci dans nos colonies. Les génies malfaisants, qui, dans le secret des cabinets des cours agitent l'Europe depuis tant de siècles; et ces organes impies des pouvoirs surnaturels, qui, comme les magiciens de l'antiquité, et les sorciers du nord, troublent le ciel, la terre et la mer à leur gré; et ces nobles enfin, qui savent si bien allier la cruauté à la politesse, la trahison à l'honneur, n'ont pas manqué, pour soulever nos colonies, de profiter des circonstances que la négligence coupable de l'Administration à faire executer le décret du 15 mai, n'a que trop bien servies. N'a-t-on pas vu dans l'Assemblée constituante les déserteurs perfides de la cause populaire se coaliser avec les députés les plus décriés, pour s'opposer au décret cm 15 mai, qui n'était juste qu'a demi, pour en suspendre l'exécution, après qu'il avait été accepté par le roi, et pour en préparer la révocation sacrilège, en arrêtant le départ des commissaires qui devaient ramener la paix dans les colonies? Et lorsque l'incendie a éclaté, tandis que les Anglais delà Jamaïque, et hos fidèles alliés les Américains prodiguaient les secours pour en arrêter les progrès, n'a-t-on par vu l'agent de ce prince du sang français qui, pour prix du Trône où nos pères, i'ont placé, a chassé nos frères de ses Etats d'Europe, repousser aussi les malheureux colons qui voulaient se réfugier dans la partie espagnole de Saint-Domingue, en leur reprochant l'arrestation du roi, et le prétendu anéantissement de la religion (1) ! Des prêtres fanatiques n'ont-ils pas aussi excité les nègres révoltés ! et des sujets du roi catholique n'ont-ils pas eu l'atrocité, jusqu'alors inouïe, de livrer aux noirs les colons blancs français à tant la têté !
Il est évident que toutes ces horreurs n'auraient point été commises,
sans les ennemis que la Révolution nous a suscités. La même rage contre
ces sublimes innovations, qui a produit l'horrible catastrophe de Nancy,
les malheurs de Montauban et de Nîmes, les troubles de Corse et d'Arles,
qui a formé ie camp de Jalès, et livré la ville d'Avignon à toutes les
horreurs de la guerre civile, lorsqu'elle a voulu être libre, a secoué
les torches de la sédition dans nos colonies, et soulevé les nègres de
Saint-Domingue. Comme les Génevois, les Avignonnais et les Liégeois, les
gens de couleur ont voulu être libres ; la caste des colons blancs a eu
l'audace de méconnaître leurs droits, et de leur contester ceux mêmes
que l'Assemblée constituante n'avait pu leur refuser par le décret du 15
mai. Elle a dirigé le glaive de la guerre et celui des bourreaux
Si l'on en croit diverses indications qui vous ont été données, et l'adresse des citoyens de Bordeaux, les maîtres des nègres ont eux-mêmes peu redouté les premiers éclats de cette insurrection, qui semblait fournir un nouveau prétexte à la tyrannie qu'ils méditaient contré les gens de1 couleur, et à leurs projets d'indépendance contre la mère-patrie. C'est encore ainsi qu'au mois de juillet 1789, les aveuglés et perfides auteurs du siège de Paris se félicitaient des mouvements qui leur paraissaient provoquer et leur vengeance contre ceux qu'ils appelaient les séditieux, et la dispersion de l'Assemblée nationale. C'est ainsi que, dans le siècle dernier, on engageait un roi d'Espagne à se réjouir de la révolte des Portugais, qui offrait à son trésor des confiscations attrayantes.
Si l'on peut douter encore que les blancs du Cap et leur assemblée coloniale aiènt eu la même politique, tout annonce du moins qu'ils avaient combiné leurs mesures sur celles de nos aristocrates d'Outre-Rhin, et qu'ils s'étaient concertés avec les plus mauvais citoyeDS de l'Assemblée constituante qui préféraient de voir l'Empire français démembre, au chagrin de le contempler heureux et puissant sur les débris de leur orgueil. Des mouvements précurseurs d'une contre-révolution ne se sont-ils pas montrés aux Antilles, dans le temps où l'on espérait que le départ du roi et sa détention allumeraient la-guerre civile dans le royaume? On attendait, pour compléter la contre-révolution aux îles, lé bouleversement général qui avaient été prédit pour la fin de l'assemblée constituante. Les pièces qu'on vous a envoyées ne constatent-elles pas, et les députés de l'Assemblée coloniale n'ont-îls pas été obligés de l'avouer, que des confédérations anti-patriotiques se sont formées à Saint-Domingue; que la cocarde noire y a pris là place des couleurs de la liberté, au milieu même de l'Assemblée coloniale; que cette assemblée ne s'est d'abord adressée, pour avoir des secours, qu'au gouvernement anglais; qu'elle a ensuite envoyé au congrès un député, dont vous avez été à portée d'apprécier la justification; qu'elle a refusé d'entendre la pétition dés capitaines de navires qui voulaient aller demander des secours en France et qu'elle n'a pris ce parti qu'à la dernière extrémité, lorsqu'elle y a été forcée parle refus du gouverneur de la Jamaïque, d'envoyer des troupes?
Mais il n'était pas même besoin de ces nouveaux faits, pour dévoiler le complot d'indépendance formé à Saint-Domingue et à la Martinique. Il s'était manifesté suffisamment dans tous les actes antérieurs de l'assemblée coloniale, qui
a fait de vains efforts pour les déguiser à la barre de l'Assemblée constituante, lorsqu'elle y a été envoyée par l'assemblée du Nord. N'a-t-elle pas osé décréter et décréter « constitutionnelle-ment », qu'à elle seule appartenait le droit de statuer sur le régime intérieur de Saint-Domin-gue ; et à l'Assemblée nationale de prononcer, d'après la proposition des députés des colonies, sur les lois relatives à leurs rapports commerciaux avec la métropole? N'ouvrit-elle pas dans le même temps des ports à tous les peuples, et n'entreprit-elle pas de licencier l'armée de la nation? Enfin les députés mêmes des colonies, et leurs partisans téméraires, ne lançaient-ils pas partout la menace de cette séparation comme un épouvantail, en seprévalant de l'exemple des Etats-Unis?
Que le ministre de la marine, que le rapporteur même du comité colonial viennent, après tous ces faits, révoquer en doute ces projets d'indépendance. L'expérience de tous les pays et de tous les temps en fait la preuve : les sentiments injustes et resserrés se tiennent comme les affections généreuses; et des hommes accoutumés à mépriser leurs frères, à dominer despotiquemènt sur les hommes, à les tenir dens l'esclavage le plus dur, ne peuvent pas plus aimer la patrie que l'égàlité.
Nos prêtres romains, nos nobles et les colons blancs l'ont bien montré. Quand notre Révolution comblait les vœux des amis de la liberté ; quand la Constitution française faisait naître tout à la fois l'espérance et l'envie des autres peuples ; quand la Corse, si récemment et si criminellement asservie, serrait de tous ses efforts les liens qui l'unissait désormais à un peuple libre ; quand Avignon et le comtat Venaissin vraiment libres, vraiment souverains, ne formaient qu'un vœu au milieu de leur dissensions cruelles, celui de se confondre dans la nation française, dont ils étaient séparés depuis tant de siècles ; les planteurs de Saint-Domingue à qui la liberté préparait de nouveaux avantages politiques et ae nouvellés richesses ; ces colons dont les députés avaient juré avec les nôtres, d'être les représentants de la nation, et non ceux du pays qui les envoyait ; ces colons enfin qui statuaient sur notre liberté, sur nos propriétés, surtout notre ètie, par la Constitution et les lois qu'ils concouraient à former dans l'Assemblée nationale, prétendaient que cette Assemblée, revêtue de tous les pouvoirs que le peuple peut déléguer n'avait pas le droit de Statuer avec eux sur ce qui les concernait. Ils mèttaient des bornes à la souveraineté de la nation, en en contestant la suprématie et l'unité, et ils osèrent se retirer après le décret du 15 mai: Ils n'y revinrent que pour le faire révoquer.
L'Assemblée constituante a eu la faiblesse de souffrir cet outrage, porté, dans sa vieillesse, à la souveraineté nationale; elle a plus fait; au lieu de punir les ministres qui suivaient les or dres d'un comité dominé par des marchands d'esclaves quand ils devaient exécuter ses décrets, elle cède à des sophismes cent fois dé-truitsi Elle a provoqué, par les vaines terreurs qu'on a su lui inspirer, les malheurs qu'elle voulait éviter. Est-il étonnant que cette:pusillanimité déplorable ait enhardi les auteurs des troubles de nos colonies. '
A la vérité, la révocation du décret du 15 mai n'avait pas encore eu lieu, lors du commencement de l'insurrection des nègres. Mais il y avait, dès lors, 3 ou 4 mois que ce décret avait été rendu.
On connaissait toutes les difficultés que le patriotisme avait eues à surmonter pour l'obtertir, et l'on savait aussi que ces forces déclinaient de jour en jour dans l'Assemblée constituante, et qu'on y complotait, dès lors, sa révocation. On ne craignait pas de punir ceux qui l'invoquaient à Saint-Domingue, quand le ministre osait, à Paris, refuser d'en suivre l'exécution; et de coupables espérances sur les troubles qui devaient arrêter la nouvelle législature, se joignaient au mépris qu'on ne cachait même pas pour la pusillanimité de l'ancienne.
seconde partie.
Remèdes.
Messieurs, les effèts désastreux de tant de faiblesse, et de l'oubli de.tous les principes qui ont fondé notre liberté, doivent nous servir de leçon. Us nous montrent au même temps la cause des malheurs de Saint-Domingue, et les mesures propres à y remédier. Ils nous apprennent que nous ne devons jamais laisser porter atteinte à la souveraineté nationale, et bien moins encore aux droits éternels de la nature et de la raison ; que les palliatifs ne peuvent plus être employés; que le défaut d'énergie de notre part perpétuerait les malheurs des colonies, qu'il pérorait les colons blancs eux-mêmes, en les entretenant jusqu'à leur entière destruction dans les folles prvéven-tions de leur orgueil ; qu'il faut enfin déployer, pour les sauver malgré eux, toute l'autorité que a nation nous a transmise, et naturaliser dans ces contrées, si longtemps souillées par la violation de tous les droits de l'humanité, les grands principes de justice, qui doivent être désormais inséparable des lois françaises.
Aidons les colons blancs de Saint-Domingue; oublions leur ingratitude, dont ils ne sont que trop punis ; leurs perfides projets contre la mère-patrie, qui leur ont si mal réussi. Qu'importe aujourd'hui qu'ils aient voulu se séparer de nous! Ils sont hommes, ils sont malheureux (.Applaudissements.) Prodiguons-leur les secours qui sont en notre pouvoir. Nous ne les refuserions pas à des ennemis qui seraient dans leur situation, et véritablement peu d'ennemis nous auraient pu faire autant de mal que les colons blancs de Saint-Domingue nous ont fait. Je ne parle pas seulement des maux que leur orgueilleuse obstination a causé à notre commerce dans un temps où la fortune publique essayait tànt d'autres pertes ; mais bien plus encore des taches qu'ils ont imprimées à notre Révolution. Par burs menées insidieuses, ils ont séparé d'avec les patriotes de l'Assemblée constituante, ceux qui, jusqu'alors avaient marché avec eux. Ils ont arrêté le cours de la Révolution, en donnant, au milieu delà liberté naissante, le premier exemple de ces grandes injustices, artificieusement combinées, qui supposent la corruption dans ceux qui èn sont les auteurs. Ils ont placé des lois oppressives, des lois dignes du despotisme le plus odieux, à côté dé la Déclaration des droits, et de cette Constitution faite pour rappeler tous les peuples à l'unité, à la fraternité sociale; et c'est ainsi, sans doute, qu'on doit expliquer comment on est parvenu à placer dans cette Constitution même des articles que nous maintiendrons de tout notre pouvoir, parce qu'ils sont décrétés, mais qui ont douloureusement attristé les bons citoyens, et dont nous ressentons tous les jours les effets affligeants pour la liberté.
En oubliant tous ces attentats, nous ne devons pasles laisser renouveler. Nous ne devons pas, par notre faiblesse et par un lâche dévouement à 1 orgueil des colons blancs, fouler aux pieds les droits de la nature, de l'humanité et de la nation même, qu'ils n'ont pas cessé de méconnaître. Nous devons, en anéantissant ce décret qu'on a osé qualifier de constitutionnel, après avoir si solennellement déclaré que la Constitution était terminée, nousdevonsnoushâterdemaintenirles concordats faits entre les blancs et les hommes de couleur, ou plutôt reconnaître aux hommes de couleur, indépendamment de tous ces concordats, des droits absolument égaux à ceux des colons blancs; nous devons aussi ne point laisser subsister, en faveur des colonies, cette indépendance intérieure que le décret du 24 septembre leur attribue, mais que l'unité de l'Empire ne peut pas admettre, et que leur propre faiblesse les oblige, dans ce moment même, d'abjurer ; indépendance également attentatoire aux droits des créanciers français et à la souveraineté de la nation» qui donnerait sur nous aux colons, s'ils étaient admis dans l'Assemblée nationale, une supériorité que la raison humaine ne peut pas reconnaître, que proscrit l'égalité des droits et que la puissance invincible de 25 millions de Français n'est pas faite pour supporter; indépendance enfin qui, contre laconviction où nous sommes que la justice est le premier de nos devoirs, et l'égalité le premier des droits pour tous les hommes, nous condamnerait à conniver sans cesse à la violation de ces principes sacrés des lois, à protéger, par la puissance du peuple français, la tyrannie et tous les caprices de la domination privée, livrée à elle-même.
Les blancs de Saint-Domingue, les seuls qui aient osé manifester Ce projet ambitieux d'une manière décidée, sentent enfin qu'ils ne peuvent pas se passer de la mère-patrie; qu'elle seule peut les sauver de la ruine qui les menace et qu'ils n'ont pas d'autre recours. Ils se voient repoussés par les barbares habitants du midi, dont ils ont préféré les préjugés « aux glorieux » principes del'égalité française. Ils ont vu, à leur.tour, retomber sur eux tous les maux produits par la tyrannie, l'orgueil et l'ignorance. Ils ont vu ces colons blancs, leurs Voisins, propriétaires d'esclaves comme eux, les livrer, à tant la tête, à leurs nègres révoltés, et hâter ainsi, par leur concours, cette rétribution tardive de la vengeance des noirs dont l'enfer semble s'être chargé à l'acquit de la justice du ciel.
Plus heureux auprès dés peuples libres qui ne connaissaient pas les liens qui unissent l'homme à l'homme, ils n'en ont néanmoins obtenu que les devoirs de l'humanité, au lieu des forces qu'ils en attendaient pour s'assurer l'indépen-ance. Quels que soient les principes et les vœux secrets du cabinet de Londres, le délabrement de ses finances, ses embarras dans l'Inde, l'expérience; par l'histoire de son propre pays, de Fénergie des nations, qui combattent pour leur liberté; enfin l'enthousiame décidé de nos bons voisins, les citoyens de la Grande-Bretagne, pour notre révolution, ne lui ont pas permis d'ouvrir l'oreille aux insinuations si douces de la vengeance, et au désir, trop naturel, aux cabinets des rois, de faire du mal aux .peuples voisins.
Les Etats-Unis, auxquels nous avons facilité la conquête de la liberté, plus élevés encore dans leur caractère, plus indépendants dans leurs vues, croiront toujours, sans doute, que le
premier de leurs devoirs est de courir au secours des nations qui veulent briser leurs fers, et que la résistance à l'oppression doit appeler l'appui de tous les peuples. Mais comment auraient-ils pu consentir à servir les projets sacrilèges de ces enfants dénaturés, qui ne songeaient à l'indépendance que dans le temps où la mère-patrie les appelait à partager sa liberté? Comment auraient-ils pu se rendre les protecteurs de cette aristocratie, dont ils sont si heureusement délivrés; et qu'ils ne connaissent que pas ses efforts pour perpétuer chez eux le règne des abus, de oppression, de l'ignorance et de l'esclavage?
L'aristocratie même des révoltés français, si active, si remuante, si puissante pour susciter des troubles, si faible pour agir en grand, ici, comme partout ailleurs, n'a pu causer que des malheurs publics, dont ses partisans ont été la première victime; et leurs projets communs, pour commencer la contre-révolution dans les îles, n'ont servi qu'à y étendre les rameaux de de la liberté, et à y semer de nouveaux germes que l'on n'avait pas encore osé y porter.
C'est à vous, Messieurs, maintenant que les blancs de Saint-Domingue, trompés dans leurs coupables espérances, n ont plus d'autres recours que la mère-patrie pour les sauver de la ruine qui les menace, c'est à vous, Messieurs, à profiter es circonstances pour étendre l'empire de la justice et de la liberté. Forçons les colons blancs, par l'ascendant irrésistible de leur.intérêt, de a raison et du pouvoir réunis à la reconnaissance, de renoncer à leur système oppresseur, d'admettre à la fraternité sociale des hommes qui ne devaient avoir besoin auprès d'eux, que d'invoquer les liens du sang et la maternité commune de la nature. Qu'ils viennent avec nous, méditer dans ce temple de l'égalité, les moyens d'assurer le bonheur et la liberté de tous les membres épars de l'Empire français. Ils doivent sentir enfin qu'en décrivant ici pour les gens de couleur ce qu'exigent de vous la justice et l'humanité, votre Constitution, et la Déclaration des droits, vous n'épargnerez rien pour la prospérité des colonies, qui fera la vôtre. Et s ils étaient encore assez aveugles pour ne le pas voir, ce ne serait pas une raison pour vous dispenser de vos devoirs et pour vous exposer aux maux inévitables que vous préparerait cette constitution bigarrée, qui romprait l'unité de l'Empire français.
Je vous ai montré, Messieurs, dans mon opinion sur les mesures provisoires relatives aux colonies, les dangers imminents pour notre liberté de ce gouvernement divers, qui pourrait laisser en Amérique tous les abus de l'aristocratie si péniblement-bannis de ce royaume. Je vous ai montré que les criminelles usurpations du clergé, les distinctions de la noblesse, si humiliantes pour l'espèce humaine, pourraient s'y perpétuer ou s'y établir ;.que le pouvoir arbitraire de la royauté pourrait même y conserver les armes les plus redoutables pour les en exporter en France dans la suite, si les principes de notre Constitution ni étaient pas incessamment proclamés. Mais j'aurais dû vous dire aussi que ces abus, et de plus grands encore, seraient une suite presque nécessaire du décret du 24 septembre dernier. Avant notre glorieuse Révolution, le tiers état partageait du moins l'autorité du clergé et de la noblesse dans nos assemblées politiques, et il n'y avait aucune partie de la nation qui n'eût ses représentants. Dans la constitution coloniale du 24 septembre, au contraire,
les hommes de couleur, qui formaient à peu près le tiers état d'Amérique, seraient absolument privés de toute participation dans les assemblées primaires et coloniales. Les colons blancs seraiént donc, à leur égard, une caste bien plus insolente que celle des nobles français ; la sanction du roi est d'ailleurs absolument né-cessajre pour donner la force de loi aux délibérations -des assemblées coloniales, sans que son veto, illimité dans sa durée, puisse être forcé de céder au vœu réitéré des assemblées qui se succéderont.
Parcourez maitenant la suite des ordonnances et des arrêtés du conseil, qui servent de loi aux colonies, et vous aurez une idée des améliorations que vous pourriez attendre du concours « nécessaire » de la volonté des colons blancs et de celle du roi. On assure qu'aucune des réformes que l'Assemblée constituante a faites dans notre législation, n'ont été exécutées dans les colonies, pas même celles dont le despotisme en délire avait reconnu la justice. Les procédures atroces faites contre Oger et ses compagnons prouvent, dit-on, qu'on les a interrogés sur la sellette, qu'ils n'ont point eu de conseil, et que l'instruction de leur procès a été secrète.
11 est du moins constaté par les excuses mêmes, assurément bien étranges, qui ont été proposées par le rapporteur de votre comité qu'on a proscrit à Saint-Domingue la liberté de la presse, ce garant de la liberté publique que rien ne peut remplacer; il est constaté que des ordres arbitraires s'y exécutent perpétuellement; que des étrangers, des colons, des Français même ont été exportés, malgré eux", de la Martinique et de Saint-Domingue; que l'équipage d'un navire français a été arrêté à son arrivée; qu'on a disposé forcément des cargaisons des autres bâtiments.
Voilà ce qu'a fait l'Assemblée nationale ; vous devez juger ce qu'on devrait attendre dans la suite du pouvoir exécutif, par les propositions, qu'il a osé vous faire porter dans un temps où il est à peine sorti de ses lisières. Incrédule sur les projets d'indépendance de la colonie de Saint-Domingue, parce qu'ils étaient mal Combinés, adoptant les reproches absurdes, faits à la société des Amis des noirs sans alléguer aucune preuve ; le ministre de la marine, après les plus inconcevables déclamations contre la philanthropie, le calcul et les sciences exactes,c'est-à-dire contre tout ce qui peut éclairer les hommes et les rendre meilleurs contre tout qui a préparé notre immortelle Révolution, vous a proposé d'établir une garde nationale, uniquement composée de propriétaires. Il vous a proposé de construire, non pas sur les côtes et sur les frontières pour protéger la colonie contre les invasions, mais dans l'intérêt des pays, de ces forteresses que Rousseau appelait si justement, des nids de tyrans. Si ce plan était suivi avec les esclaves noirs, et les sujets de couleur, il ne manquerait plus, pour assurer aux colonies l'établissement complet du régime féodal,tel qu'il était dans lexir siècle, que d'inféoder ces forteresses aux colons propriétaires.
Vous ne regretterez pas, Messieurs, avec moins d'indignation, ce système^ d'asservissement, quoiqu'il ne porte pas directement sur vous. L'amour de 1 humanité et la gloire du nom français ne nous permettront pas de voir des contrées qui fontpartievde l'Empire, soumises à des pians tyranniques, qui mettraient toute l'autorité dans la main du pouvoir exécutif et des
riches, et qui, fondant la police et la sûreté publique sur le régime militaire, réuniraient tous les abus du gouvernement despotique et de l'aristocratie ligués ensemble. Mais s'il était possible que vous fussiez disposés à conniver à l'oppression, lorsqu'elle vous serait étrangère, la politique du moins vous apprendrait bien vite ici que vous ne pouvez, sans risquer votre propre liberté, fermer les yeux sur les suites effrayantes d'une assemblée législative dans les colonies, indépendante de l'Assemblée nationale. Les peuples libres ont bien plusde peine à maintenir leur gouvernement que les despotes. Diviser les nations diverses sur lesquelles ils régnent ; perpétuer ces rivalités si naturelles entre les peuples qui ont des rapports habituels, sans être soumis aux mêmes lois; préparer la trahison par la corruption ; employer les troupes et l'argent de leurs Etats divers à les subjuger les uns après les autres : voilà la politique bien connue, mais toujours redoutable des tyrans. C'est ainsi que les rois de France ont si longtemps tenu sous un joug de fer les provinces qu'ils gouvernaient. C'est ainsi que la maison d'Autriche, après avoir conquis le Nouveau-monde par les soldats de l'ancien, a subjugué tant de royaumes par l'or de l'Amérique et qu'elle est venue à bout de bannir la liberté de presque toute l'Europe, en opposant aux Catalans et aux Arragonais, les Espagnols des provinces méridionales, les Italiens aux Flamands, les Allemands aux Hongrois et les Castillans aux Napolitains. C'est ainsi qu'une troupe de montagnards, écossais a soumis la fière Angleterre à Charles II et que deux fois les paysans de Dalécarlie ont fait plier toute la Suède sous le joug des deux Gustaves.
Si vous laissiez subsister le décret du 24 septembre qui rend les colonies indépendantes, pour leur régime intérieur, de l'Assemblée nationale et non du roi* ie temps pourrait n'être pas éloigné, où les colons d'Amérique, de concert avec les tyrans d'Europe et les aristocrates français, profitant des dissensions trop fréquentes dans les pavs libres, viendraient, avec quelques régiments d'outre-merj rendre à la noblesse ses prérogatives qui lui sont si chères, et à la royauté ce lustre si coûteux, mais si doux aux courtisans et si regretté de tout ce qui n'est pas peuple.
Il ne serait que trop facile de préparer cette époque et de la faire désirer par tous ceux qui préfèrent la paix de l'esclavage aux agitations de la liberté, et les richesses du commerce à l'indépendance du citoyen. On leur ferait sans cesse redouter la séparation des colonies, dont on nous a déjà tant menacés. On trouverait sans peine, dans leur constitution mixte, de nouveaux embarras pour entraver la Constitution.fiançaise, et l'on parviendrait bientôt à ce but, vers lequel on a déjà dirigé tant d'efforts, de persuader qu'il est impossible de la maintenir. Il ne faudrait pour cela qu'un peu d'adresse pour profiter des contestations sans nombre qui se renouvelleraient perpétuellement sur les limites de ce qu'on doit appeller rapports intérieurs ou extérieurs des colonies, sur les dépenses qui leur seraient relatives, sur les troupes qu'il faudrait y envoyer, sur les traités de nos négociants avec les colons. Quel avantage le pouvoir exécutif ne retirerait-il pas de tant de moyens pour acquérir la confiance publique, en discréditant tout à la fois les assemblées coloniales et l'Assemblée nationale. Seul lien commun de ces états divers, et chef suprême de l'armée, il parviendrait aisément à s'assurer des troupes en leur faisant re-
douter un exil éternel dans ces pays lointains. Il dégoûterait ainsi les régiments les plus patriotes par tout ce que les abus de la discipline pourraient opérer au-delà des mers. Il les accoutumerait à une dépendance aveugle de leurs chefs, dans un pays où les principes sur la subordination de la force militaire au pouvoir civil seraient vainement invoqués, parce qu'il n'y aurait point sans doute de corps administratifs sur le modèle des nôtres, ou du moins que leur existence libre ne serait pas légalement assurée par leur recours en dernier ressort au jugement de l'Assemblée nationale.
On a prétendu que ce g'and éloignement des colonies, leur position particulière, leur genre de culture et leurs rapports commerciaux avec nous, en ne permettant pas d'y appliquer les principes de notre Constitution, exigeaient cette espèce d'indépendance du Corps législatif. Messieurs, il faut l'avouer franchement et ne pas craindre de le proclamer par un décret; si la prospérité des colonies exige léur indépendance, elles doivent être émancipées sans retard; car l'incorporation des diverses parties de l'Empire et la durée du contrat social, pour elles comme pour les individus, n'ont de fondement solide et juste que dans l'utilité commune. La révolution américaine et la nôtre qui ne sont, je l'espère, que les avants-coureurs d'une rénovation universelle dans toutes les institutions politiques, ont déjà consacré ce grand principe : l'une par sa séparation d'avec la mère-patrie, l'autre par les décrets sur l'Alsace, par l'abolition des privilèges de toutes les provinces et par l'accession de l'Etat d'Avignon au royaume.
11 ne s'agit donc point ici de nous prévaloir de la vigueur d'un peuple en révolution pour renouveler cette lutte déshonorante pour la liberté, dont le cabinet britannique a donné l'exemple avec ses colonies continentales. Une nation éclairée, puissante et libre n'a besoin ni de sujets ni d'esclaves. Elle ne voudra point en acquérir au moment où elle vient de briser ses propres fers, et de renoncer solennellement aux conquêtes. Libérale comme la nature, confiante comme la jeunesse, désintéressée comme l'amitié, elle place son ambition dont la propagation de ses principes plus que dans l'extension de son pouvoir.
Quels que soient les motifs d'intérêt et de politique qui ont présidé à la fondation des colonies modernes, la justice naturelle nous crie que l'autorité de la métropole comme la puissance paternelle doit finir là où le besoin de la protection ne subsiste plus. Mais si cette considération nous déterminait à reconnaître l'indépendance des Colonies, il ne faudrait le faire qu'après avoir brisé les indignes fers que le décret du 24 septembre a imposés à la partie la plus respectable de leurs habitants ; il ne faudrait le faire qu'après s'être assuré de la réalité du vœu de la majorité de ces habitants pour l'indépendance, après avoir mis les citoyens de toutes les couleurs à portée de l'émettre librement. Il ne faut pas que cette indépendance, établie pour les blancs seuls, soit pour eux un moyen d'asservir les hommes de couleur en éternisant l'esclavage des nègres, et qu'élevés à la liberté sur les ruines de 1 antique aristocratie européenne par les heureux efforts de l'Assemblée constituante, nous nous prévalions de ses erreurs pour établir une aristocratie jusqu'alors inconnue dans le Nouveau-monde. Les Etats-Unis d'Amérique ont senti la nécessité d'émanciper les co-
lonies qui se forment autour d'eux sitôt que leur population les met à portée de se passer ae l'Etat-mère; mais ils ont expressément stipulé que ces nouveaux Etats ne pourraient se donner un gouvernement arbitaire et contraire aux grands principes de la liberté naturelle.
Chez les peuples de la Grèce, qui nous offrent encore plus de modèles dans leur haine contre la tyrannie et leur amour pour la liberté, que dans leur goût pour les sciences et les beaux-arts, bien des métropoles, en laissant leurs colonies se gouverner elles-mêmes, ne se croyaient pas pour cela dispensées de courir à leur délivrance, si elles étaient opprimées par la tyrannie. C'est ce devoir sacré de la parenté, digne de servir de modèle éternel à tous les peuples, que rappelle cette invitation touchante, gravée par Thémistocle sur un rocher de l'Asie mineure, lors de l'incursion de Xercès dans la Grèce: « Peuples d'Ionie, vous offensez l'équité naturelle, en combattant contre vos pères, pour réduire la Grèce en servitude- Rangez-vous de notre côté.....Souvenez-vous que nous sommes les auteurs de votre origine et que nous avons mérité la haine des barbares à cause de vous ».
Si l'assemblée coloniale de Saint-Domingue n'a pas respecté des liens si saints; si, 'tandis que, pour assurer la liberté commune que nous venions de conquérir, nous provoquions la ligue de tous les despotes de l'Europe, elle songeait à profiter de notre embarras, pour élever une nouvelle tyrannie. Au delà des mers, nous devons être plus sages et plus vertueux qu'eux, n'écouter que la voix de la justice, dé la liberté, et du désintéressement. Mais nous apercevons bientôt que dans cette résolution, comme dans presque toutes les questions politiques, le parti le plus honnête sera aussi le plus utile, ces séparations si alarmantes pour nos ancien préjugés, ne peuvent pas être avantageuses à l'Etat nouveau sans l'être également à l'Etat ancien dont elles le rendent indépendant. S'il était possible que nos colonies gagnassent à être indépendantes, elles n'y gagneraient pas seules; leur bonheur et leur prospérité augmenteraient les nôtres. Ils étendraient nos rapports commerciaux, les seuls dont ait besoin un peuple libre. La Grande Bretagne l'a éprouvé depuis sa séparations d'avec l'Amérique, comme l'avaient annoncé d'avance le deux hommes les plus éclairés d'Angleterre en économie politique et les plus éloignés dans leur opinion sur les droits des Américains, le docteur Price et le docteur Tucker. Malgré le juste ressentiment que la guerre avait laissé dans le cœur des citoyens des Etats-Unis, jamais le commerce avec eux n'a été aussi florissant et aussi avantageux pour la Grande-Bretagne qu'il l'est devenu depuis cette époque ; et notre ministre de la marine a montré toute la rouille des préjugés de l'ancien régime, en contestant cette vérité qui ne fait plus un problème aujourd'hui.
Mais la faiblesse actuelle de Saint-Domingue, la mésintelligence des blancs et des hommes de couleur, le partage de l'île entre les colons français et les Espagnols, la faiblesse plus grande encore de nos autres colonies, mais ces troupeaux nombreux d'esclaves et les funestes événements qui viennent de se passer, montrent trop aux colonies, comme à nous, qu'elles ont encore besoin de la tutelle maternelle. La meilleure preuve enfin qu'elles ne peuvent pas être indépendantes, c'est que malgré leurs efforts pour l'être, quand la mère-patrie n'y mettait aucun obstacle, elles n'ont pu le devenir et qu'a-
près avoir voulu dans leursassemblées coloniales, briser ces liens dans un temps où elles comptaient sur le déchirement de la métropole, elles ont été forcées de recourir à vous pour apaiser les discordes intestines qui les désolent. Elles ne peuvent donc pas être indépendantes par cela seul qu'elles ne le sont pas encore.
Certes, si les colonies ont encore besoin de notre protection, même dans l'intérieur, il sera difficile d'établir sur le fondement de cette distinction artificieuse des rapports intérieurs et extérieurs, qu'elles doivent avoir une législature à part. Il ne s'agit point ici de ces règlements provisoires que l'éloignement de l'Europe doit autoriser leurs assemblées à faire en attendant que la nation,ait prononcé par ses représentants réunis. Mais si cet éloignement n'empêche pas que l'Assemblée nationale ne puisse statuer sur les rapports extérieurs des colonies, .s'il n'empêche pas que le roi ne puisse refuser sa sanction, aux lois, mêmes relatives à leur régime intérieur, pourquoi l'Assemblée nationale, aug-mentée des députés des. colonies, ne pourrait-elle pas également statuer sur ce régime?
Le temps est venu où les lois n'étant plus que l'expression de la raison qui est la même au delà de l'Atlantique et en deçà, où l'intérêt de chaque pays se confondant avec l'intérêt de tous les peuples, ces systèmes de législation, calculés sur les méridiens des climats divers, ou sur des rapports purement conventionnels, tous ces règlements de monopole qui gênent l'industrie de tout un pays, comme ceux des jurandes gênaient celle des particuliers, disparaîtraient avec les distinctions des ordres et toutes les restrictions si péniblement entassées par l'ignorance et l'avidité, pendant le sommeil de la raison et de la liberté.
Les meilleures lois seront celles qui résulteront d'une plus grande masse de lumières et le siècle qui vient verra, sans doute, fonder a ville fédérale où un congrès universel, réunissant les représentants du genre humain, délibérera solennellement sur ses intérêts, en foulant aux pieds le monopole des marchands, les vaines prérogatives, des rois et l'orgueil dominateur des nations elles-mêmes. Pourquoi les colonies incorporées à l'Empire français redouteraient-elles donc plus les lois préparées par les représentants de nos 83 départements unis avec les leurs, que ce veto du roi, auquel la prétendue constitution des colonies n'a pas même mis cette faible restriction du vœu de trois législatures consécutives qui se trouve dans la nôtre? Attendraient-elles moins de lumières ou de vertu des délégués du peuple fréquemment renouvelés par lui, dépendants de son estime pour leur considération, seule et digne récompense de leurs travaux et sujets enfin aux lois qu'ils ; auront portées, que du conseil des ministres, dépendants de la volonté d'un seul homme, toujours disposés à s'élever au-dessus des lois pour augmenter ses prérogatives redoutables et dispensateurs de tant de grâces et de cette liste civile, source féconde de la corruption publique.
Si tel était l'esprit public des colonies, que pourrions-nous avoir de commun avec elles? Pourquoi prodiguerions-nous nos trésors, dégarnirions nous nos frontières et nos départements, quand nous sommes menacés de toute parts? Pourquoi enverrions-nous nos flottes, nos braves troupes de ligne et ce rempart sacré pour notre liberté, nos gardes nationales, à la défense d'un gouvernement arbitraire, étranger à nos lois, à
notre Constitution, à notre Déclaration des droits. (Applaudissements.) Nos flottes, nos revenus, nos régiments, nos citoyens-soldats ne sont plus, comme autrefois, le patrimoine du monarque. Ils appartiennent à la nation; on ne peut en disposer que pour elle; et ce n'est que par la Constitution et dans les limites de la Constitution que le roi des Français peut exiger l'obéissance à ses ordres et la fidélité des citoyens de nos départements. Ils ne doivent rien au roi des colonies.
On conçoit, sans doute, que la position particulière de ces établissements, les circontances où elles se trouvent, puissent déterminer des lois passagères, et quelques règles d'organisation différentes de la Constitution française. 11 se peut, par exemple, que ces circonstances n'aient pas permis de prononcer immédiatement l'affranchissement des nègres. Mais rien de tout cela ne peut faire ériger en principes constants et constitutionnels, ces mesures temporaires que de longues erreurs et te soin même des déplorables victimes de la tyrannie, peuvent conseiller aux législateurs les plus justes, voilà pourquoi, dans les Constitutions comme dans Ja déclaration des droits des Etat-Unis, vous ne trouverez pas un seul article qui consacre l'esclavage, pas un seul qui s'écarte des véritables droits communs à tous les hommes. Les vénérables auteurs de ces belles Constitutions, maîtres d'esclaves pour la plupart, entourées de plantations cultivées par eux, ont senti qu'il fallait laisser à la fécondité du temps, au perfectionnement de la raison, et à l'amélioration des mœurs, la latitude nécessaire pour profiter de toutes les circonstances qui pourraient hâter la guérison de cet épouvantable fléau de l'humanité, Vesclavage des nègres.
Les représentants de la nation la plus éclairée et la plus puissante de l'Europe ne seront pas sans doute moins humains et moins confiants dans leurs propres forces, en 1792, que les planteurs ne l'étaient il y a 15 ahs, et l'histoire n'aura pas à nous reprocher d'avoir consacré, par notre acquiescement au décret inconstitutionnel du 24 septembre, la perpétuité de l'esclavage des noirs et la dégradation civique des hommes de couleur.
Depuis les dernières nouvelles de l'Amérique, depuis les nouveaux désastre causés par le refus d'exécuter les concordats, on n'ose plus vous proposer directement de maintenir par la force le décret du 24 septembre; on n'ose plus vous dire que c'est la seule ressource pour sauver les colonies, mais on vous propose de temporiser en vous insinuant de vous en rapporter aux colons blancs sur la justice qu'ils doivent aux hommes de couleur. A moins de compter pour un avantage le retardement du décret le plus honorable que vous puissiez rendre, j'ignore quel serait celui que vous pourriez attendre de ces mesures dilatoires qui achèveraient peut-être la destruction des blancs pour servir leur orgueil. A peine échappés à la fureur de leurs nègres révoltés, par le secours des hommes de couleur, ne se sont-ils pas attirés de nouveaux malheurs en voulant se prévaloir contre eux du décret du 24 septembre, dès qu'il leur a été envoyé? Autant èt mieux aurait valu s'en rapporter aux nobles, en 1789, sur nos réclamations. La justice et la liberté sont-elles donc dés choses si indifférentes pour une nation libre et si chère aux oppresseurs, pour qu'elle leur en abandonne la distribution? Messieurs, nous devons justice et liberté aux hommes de couleur, non pas seulement parce que les colons blancs voudraient les
leur refuser, parce que nous seuls avons le pouvoir de les leur assurer, mais aussi parce qu'ils sont hommes et Français comme nous, parce qu'ils se sont montrés dignes de ce nom par le caractère qu'ils ont montré dans les désastres de leur pays.
Osera-t-on encore vous répéter que le décret du 24 septembre dernier est constitutionnel, et qu'il ne nous est pas permis de nous en écarter? C'est à la Constitution française, dont il contrarie tous les principes; c'est à la Déclaration des droits, fondement nécessaire de toute Constitution obligatoire, qu'il enfreint partout; c'est au décret constitutionnel sur les colonies, du 15 mai précédent, auquel il est contrevenu, à répondre à cette objection. On conçoit sans peine qu'une Assemblée constituante puisse reconnaître les droits de ceux qui, par suite de son organisation incomplète, n'y avaient pas été représentés, il est même de son devoir absolu de le faire. Mais on ne croira jamais qu'elle puisse priver des droits de cité une certaine classe d'hommes, et les en priver sans retour, bien moins encore qu'el e puisse le faire depuis la reddition et la sanction du décret qui leur reconnaît ce droit, sans qu'ils aient été appelés à participer à sa délibération, et même sans les avoir entendus.
Si l'Assemblée constituante avait le droit de statuer sur la constitution des colonies, si le décret qu'elle avait rendu le 15 mai dernier avait quelqu'autorité, il est manifeste qu'elle ne pouvait plus statuer constitutionnellement sur le régime intérieur des colonies, et particulièrement sur l'état des hommes de couleur, sans la provocation de l'initiative conférée par le décret aux assemblée coloniales.
Il y a plus, Messieurs, l'Assemblée Constituante, après avoir solennement déclaré que la Constitution était terminée, ne pouvait plus faire des lois pour abroger les lois constitutionnelles des colonies, et diminuer les droits de l'Assemblée nationale sur les colonies : à plus forte raison ne pouvait-elle pas rendre à cet égard des décrets constitutionnels. •
Vainement objecterait-on qu'un article de la Constitution même déclare que les colonies, quoiqu'elles fassent partie de l'Empire français, ne sont pas comprises dans cette Constitution. Tout ce qu'on peut inférer de là, c'est qu'il fallait s'en tenir, pour la constitution des colonies, au décret constitutionnel du 15 mai, auquel l'Assemblée constituante s'était ôté le droit de déroger sans leur initiative, comme elle s'était ôté le droit de toucher à la Constitution française par la clôture de cet acte.
Certainement, si l'Assemblée constituante pouvait prétendre qu'elle n'était pas liée par les limitations qu'elle avait mises à son autorité suprême, en faveur des colonies et des gens de couleur en particulier dans le décret constitutionnel du lo mai, il faudrait aussi reconnaître qu'elle n'a pas été liée davantage par le décret de clôture de la Constitution française et qu'elle pouvait se rassembler encore aujourd'hui pour la changer, commé elle a changé celle des colonies.
Je ne vous rappellerai point ici, Messieurs, que les plaintes du roi sur la présentation des lois constitutionnelles avaient paru assez graves à l'Assemblée constituante pour la déterminer à les résoudre toutes, sans en changer les bases, dans un seul acte qui fut présenté dans son intégrité à l'acceptation du roi, mais j'ai du moins
le droit d'observer que le roi ayant aussi accepté la Constitution française après avoir précédemment accepté celle des colonies, et tenant la Couronne à ce double titre, on ne pouvait plus grever son titre de conditions qui auraient emporté la déchéance du Trône, s'il ne les eût pas acceptées et qui n'auraient pas été de vérilabiés articles constitutionnels, s'il eut dépendu de lui de ne pas les accepter en conservant sa Couronne. On ne pouvait plus après l'avoir établi roi d'un peuple libre, après lui avoir fait jurer la Déclaration des droits qui reconnaît leur égalité pour tous les hommes, l'assujettir à la maintenue d'une Constitution qui en prive à jamais dans les colonies, des hommes réellement égaux par la nature et qui jouissent effectivement en France des droits de cité. Le décret du 24 septembre est donc encore inconstitutionnel sous ce point de vue, et l'acceptation du roi n'a pas pu y donner une validité que les décrets constitutionnels doivent avoir indépendamment de cette acceptation et qu'il n'avait pas été libre de refuser, en restant roi des Français, si c'eut été véritablement un décret constitutionnel. (Applaudissements.)
Si de la forme de ce décret on passe à son contenu, les vices en sont encore plus sensibles. Suivant la Constitution française, « il n'y a plus « pour aucune partie de la nation, ni pour au-« cun individu aucun privilège, ni exception au « droit commun de tous les Français... La souve-« raineté est une, indivisible, inaliénable et im-« prescriptible, elle appartient à la nation. Au-« cune section du peuple, ni aucun individu ne « peut s'en attribuer l'exercice... La royauté est « indivisible est déléguée héréditairement à la « race régnante, de mâle à mâle, par ordre de « primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des « femmes et de leur descendance ».
Les colonies, suivant un des derniers articles de la Constitution, font expressément partie de l'Empire français et, par conséquent, de la nation. Ce ne peut être qu'à ce titre que l'Assemblée constituante a pu statuer sur leur constitution; et cependant l'indépendance pour le régime intérieur leur est tellement assurée par le décret du 24 septembre, que la Constitution qui leur y est donnée ne peut pas être changée par les Assemblées nationales, pas même par celles qui auront le droit de réformer la Constitution française; et comme le décret du 24 septembre ne statue rien sur la royauté, on aurait droit d'en conclure que la Constitution française étant étrangère aux colonies, on y peut déterminer l'hérédité dé la Couronne tout différemment, y appeler les femmes, les étrangers.
Consultez maintenant la Déclaration des droits et particulièrement les articles 6 et 16 que le rapporteur de votre comité a osé invoquer pour faire respecter le décret du 24 septembre, comme constitutionnel : « La loi est l'expression de la volonté générale; tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminés, n'a point de Constitution. »
Qui croirait qu'on a conclu de là que nous devions respecter comme constitutionnel le décret du 24 septembre, qui a été rendu dans une assemblée où les hommes de couleur n'étaient pas représentés, qui les prive à jamais de concourir personnellement, ou par leurs représen-
tants, à la formation de la loi, qui bien loin de leur assurer la garantie de ces droits, les en dépouille indignement.
Il est un autre article de cette déclaration, l'article 2, qui, en permettant la résistance à l'oppression, autorise formellement l'insurrection des hommes de couleur contre cette prétendue Constitution qui les prive de l'égalité des droits et du concours à la formation des lois. Certes, on ne nous persuadera pas que nous devions maintenir une Constitution si évidemment inique, que la Déclaration des droits invite expressément à l'attaquer par l'insurrection, que pour nous conformer à la prétendue constitution des colonies, il faille renverser les bases de la nôtre.
En voilà sans doute bien assez pour tranquilliser la conscience timorée de ceux qui ont dit à cette tribune, qu'ils" désireraient que le décret du 24 septembre fut révoqué, s'ils né craignaient pas de porter atteinte à la Constitution. J'ai prouvé que c'était un acte absolument nul, absolument inconstitutionnel. Aussi,, ni l'Assemblée constituante, ni le peuple qui a ratifié la Constitution par son acquiescement à ses décrets, ni l'Assemblée législative qui y prend la base des siens, ni le pouvoir exécutif lui-même, si prompt à s'en prévaloir, n'ont-ils regardé ce décret comme véritablement constitutionnel; si on l'eut réputé tel, l'Assemblée constituante n'aurait-elle pas exigé que le roi fit le serment de s'y conformer, comme pour la Constitution française, ne l'aurait-elle pas placé dans les archives à côté de cette Constitution ? n'aurait-elle pas ordonné que tous les citoyens et particulièrement les députés à l'Assemblée nationale, dont il limitait les pouvoirs, prêteraient aussi le serment de s'y conlormer; (Applaudissements.) pourquoi lors de ce mouvement religieux qui vous porta à tirer des archives l'orginal de la Constitution pour jurer dessus le serment civique, ne s'est-il pas élevé une seule voix pour demander qu'on y joignît le décret du 24 septembre; il était néanmoins trop récemment rendu et trop tristement célèbre, pour que cette idée eût échappé au plus grand nombre d'entre nous, si l'Assemblée nationale, absolument nécessaire pour la ratification d'une Constitution faite par des représentants, ne lui eut pas été refusé; pourquoi enfin, dans cette multitude d'éditions de la Constitution française, sorties de toutes les presses, du royaume, n'en trouverez-vous pas une à laquelle on ait joint ce décret tyrannique, du 24 septembre.
Messieurs, ce sentiment universel, ce jugement spontané de tous les citoyens nous indique mieux les véritables lois constitutionnelles que des subtilités d'argumentation par lesquelles on vient à bout d'obscurcir les choses les plus claires. On n'a pas entendu, dans nos nombreuses discussions, une seule voix- pour , révoquer eh doute la validité d'un seul article de la Constitution française, quoiqu'on ait pu être partagé sur le véritable sens de quelques articles, et ce partage même était un nouvel hommage rendu à l'oDligation de les maintenir 1 tous. Pourquoi donc s'élèverait-il tant de réclamations contre le décret du 24 septembre, s'il avait réellement les caractères constitutionnels ? Quand le ministre de la marine vous a proposé de décréter la construction des forts intérieurs et ia formation d'une garde nationale, uniquement composée de colons propriétaires, vous avez pu être étonnés de l'incivisme de ces mesures; mais
personne ne s'est élevé contre l'atteinte qu'elles portaient au décret du 24 septembre, en vous supposant le droit de délibérer sur le régime intérieur des colonies. Vous n'avez donc, pas plus que lui, cru que ce décret fût constitutionnel.
Déclarons-le donc, Messieurs, en nous félicitant : ces décrets, attentatoires à la souveraineté de la nation, sont absolument étrangers à notre Constitution. Nous n'avons pas juré aeles maintenir. Nous n'y sommes soumis, ni comme citoyens, ni comme députés. Nous devons les détester comme hommes... (Applaudissements.) Si les colons blancs ont d'autres principes, laissons leur soutenir, s'ils le peuvent, et contre les nègres et contre les hommes de couleur libres, cette prétendue constitution des colonies, vraiment digne d'un peuple d'esclaves, mais qu'on ne puisse pas reprocher à la première Assemblée des vrais représentants du peuple français, d'avoir voulu maintenir cet odieux décret, contre les principes si formellement proclamés par notre propre Déclaration des droits.
Il a produit les effets terrible qu'on en devait attendre. La crainte seule de son existence a soulevé tous ceux qu'il devait asservir à jamais à la tyrannie des blancs; et ce sont les blancs eux-mêmes qui viennent vous demander des secours pour leurs troubles intérieurs qui, suivant cette Constitution, vous seraient étrangers. Ils y viennent instruits par le malheur, après avoir détruit, par des concordats avec les gens de couleur, ce prétendu décret constitutionnel, avant même qu'il fut promulgué dans les colonies. Vous avez vu qu elles ont été, depuis, les suites de sa promulgation et que des blancs eux-mêmes, indignés, se sont réunis aux hommes de couleur contre ceux qui voulaient en exiger l'exécution.
Messieurs, faisons aussi, avec les colons, un concordat, celui de l'humanité. Gélon de Syracuse força, par un traité, les Carthaginois a ne plus immoler leurs enfants. Obligeons les colons blancs à traiter les hommes de couleur en frères ; offrons-leur l'entrée dans cette Assemblée, s'ils veulent en adopter les principes humains et libres. Prodiguons-leur alors tous nos secours, mais rejetons avec horreur toutes leurs demandes, s'ils veulent continuer leurs oppressions. Les hommes de couleur sont léur appui le plus sûr contre ces hordes d'esclaves, aigris par tant de siècles de cruauté; et les esclaves eux-mêmes ne peuvent plus, comme autrefois, être le jouet de leurs caprices et de leur tyrannie. Ils ont montré qu'ils aimaient mieux la mort et que leurs barbares maîtres la partageraient avec eux, accompagnée de toutes ses horreurs. Exigeons donc aussi des colons qu'ils adoucissent le sort de leurs esclaves ; qu'ils les soutiennent contre le. désespoir de leur situation, par l'espérance d'un affranchissement gradué, soit pour eux, soit pour leurs enfants.
Premier décret non sujet à la sanction.
« L'Assemblé nationale, pénétré de cette vérité qui ouvre la Déclaration des droits, « que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ;
« Intimement persuadée que son profond respect pour la Constitution et l'obligation sacrée qui lui est imposée de ne rien consentir qui puisse y porter atteinte, l'assujettissent impé-
rieusement à ne pas confondre avec elle des décrets qui lui sont étrangers et bien moins encore ceux qui lui sont contraires ;
« Voyant avec regret que plusieurs des décrets rendus sur les colonies par l'Assemblée constituante et particulièrement celui du 24 septembre dernier, sont dans ce cas; qu'ils en contrarient les principes les plus sacrés, la souveraineté nationale et la Déclaration des droits, élément nécessaire de toute Constitution légitime.
« Bien convaincue qu'il n'est pas proposable de soutenir que les droits reconnus par cette déclaration solennelle en faveur de tous les hommes, ne s'appliquent qu'à ceux de l'Europe et non pas à ceux des autres parties du monde, ou bien aux blancs seuls et non pas aux hommes de couleur;
« Considérant que l'Assemblée. constituante avait elle-même consacré le principe de l'égalité des droiis pour les hommes de couleur et l'impossibilité absolue où elle était d'y porter atteinte ;
« Que l'article 4 de son décret du 28 mars 1790 dit formellement que « toute personne libre, propriétaire ou domiciliée depuis deux ans et contribuable, jouira du droit de suffrage qui constitue la qualité-de citoyen actif » ;
« Que celui du 15 mai 1791, en portant à ces droits une première atteinte, au préjudice des hommes de couleur, nés de père ou mère non libres, veut du moins « que les gens de couleur, nés de père et mère libres, soient admis dans toutes les assemblées paroissiales et coloniales futures, s'ils ont d'ailleurs lès qualités requises. »
« Que, par celui du 29 mai suivant, l'Assemblée constituante a reconnu ; qu'il ne dépendait pas d'elle de se refuser à rendre ce décret du 28 mars ; qu'il ne dépendait pas d'elle d'en restreindre le sens, en portant atteinte aux droits essentiels des citoyens ; qu'elle ne pouvait accorder à une partie de l'Empire la faculté d'exclure des droits ae citoyens actifs des hommes à qui les lois constitutionnelles assurent ces droits dans l'Empire entier; que les droits des citoyens sont antérieurs à la société, qu'ils lui servent de base; que l'Assemblée nationale n'a pu que les reconnaître et les déclarer; qu 'elle est dans l'htureuse impuissance de les enfreindre; »
« Que la Constitution française n'avait donc pu porter aucune atteinte aux lois déclaratives des droits des hommes de couleur et qu'elle n'y a effectivement rien changé;
« Qu'en annonçant, par un article particulier, que les colonies n'étaient pas comprises dans ses dispositions, elle n'abrogeait pas néanmoins les lois constitutionnelles antérieurement rendues à leur égard ; qu'elle réservait au contraire à ces lois toute leur autorité, en reconnaissant qu'elle la conservaient malgré leur omission ans la Constitution du royaume.
« Que ce même article prononce, d'ailleurs explicitement, « que les colonies font partie de l'Empire français, » qu'elles n'en feraient pas partie, si, dépendantes du roi des Français, pour leur régime intérieur, comme pour leurs rapports extérieurs, elles n'étaient soumises aux lois de l'Assemblée nationale que pour ce dernier objet, jusqu'à l'égard même des peuples étrangers, ces rapports ne peuvent être réglés que par des traités qui sont nécessairement su-jets à la ratification du Corps législatif, suivant un article de la Constitution ;
« Qu'indépendamment du devoir éternel et véritablement inviolable qu'ont toujours les représentants du peuple de respecter dans leurs décrets les droits sacrés de la nature, de la justice et de l'égalité, l'Assemblée constituante-, ayant reconnu, par son décret du 29 mai 1791, qu'elle était dans l'impuissance d'enfreindre ceux qu'elle avait rendus en faveur des hommes de couleur, n'avait pas pu davantage y porter atteinte, après cette déclaration, qu'elle n'aurait pu altérer la Constitution française après en avoir arrêté la.clôture'et déclaré qu'elle ne pouvait y rien changer ;
» Que tel avait été néanmoins l'objet du décret du 24 septembre dernier qui, indépendamment des atteintes qu'il porte a la souveraineté nationale par ses autres dispositions, consacre à jamais l'esclavage politique des hommes de couleur, en les privant des droits de cité, en leur ôtant constitutionnellement toute participation à la confection des lois qui devaient les gouverner, et a l'établissement de contributions qu'ils devaient payer;
« Que la Constitution ayant été présentëé dans son intégrité au roi des Français, conformément au décret du 24 septembre et acceptée par lui, il n'avait pas dépendu de l'Assemblée constituante de changer les conditions de son engagement et de l'exposer à la déchéance qui eut été une suite nécessaire de son refus d'accepter des. actes Constitutionnels, en lui présentant une constitution des colonies entièrement contraire aux décrets sur les colonies qu'il avait précédemment acceptés ;
« Que dans la précipitation qui a présidé à la rédaction de l'inconcevable décret du 24 septembre, on a tellement oublié de lui donner les caractères constitutionnels qu'on n'a assujetti ni le roi, ni le Corps législatif dont il réglait et limitait les pouvoirs relativement aux colonies, d'en jurer l'observation ;
« Qu'il ne peut pas exister deux Constitutions pour les représentants du peuple : l'une dont ils soient obligés de jurer l'observation, et l'autre, non;
« Que ce décret, si évidemment nul comme constitutionnel, l'est tout 'aussi incontestablement comme décret législatif, puisqu'on n'y a observé aucune des formalités prescrites par la Constitution pour ces sortes de décrets et qu'il n'a point été porté à la sanction du roi ;
« Que s'il est des cas où la nécessité de cette sanction soit un droit précieux, c'est sans doute quand il s'agit de priver toute une classe de citoyens, non représentés, de leur liberté politique, et qu'une acceptation forcée sous peine de déchéance, ne peut assurément pas tenir lieu d'une sanction libre ;
« Que ce décret, en mettant les hommes de couleur dans un état d'oppression, dont le terme n'a pas même de bornes puisque la prétendue constitution des colonies n est pas même sujette à la revision indiquée par la Constitution française, ne laisse aux opprimés d'autres ressources que l'insurrection destructive de toutes les institutions sociales ;
« Qu'il n'est pas possible que les représentants d'une nation récemment régénérée, dont le sort est lié à la liberté de tous les peuples, puisse adopter, comme légitime, une Constitution contre laquelle l'article 2 de la Déclaration des droits autorise formellement la résistance;
« Que c'est à l'inexécution des décrets antérieurs sur les colonies qu'on doit les premiers
malheurs qui ont déchiré celle de Saint-Domingue et la division funeste des blancs et des hommes de couleur qui a favorisé la terrible insurrection des nègres;
« Que celui du 24 septembre a d'avance été proscrit par les concordats faits dans cette colonie et que les premières tentatives pour le mettre à exécution ont soulevé de nouveau les hommes de couleur èt une grande partie des blancs ;
« Que c'est ainsi que ce décret, vicieux sous tous les rapports, manque encore du dernier caractère nécessaire à une Constitution représentative et même à toute Constitution, l'acquiescement du peuple, pour lequel elle est faite ;
« Déclare qu'elle croirait trahir ses devoirs envers la nature qui a fait tous les hommes égaux en droits, envers la liberté pour laquelle tous les députés ont juré de sacrifier leur vie, envers la justice dont les principes sont antérieurs à toutes les lois humaines, envers la nation française dont,elle doit maintenir la souveraineté, envers la Constitution du royaume enfin, dont elle a juré si solennellement de maintenir toutes les dispositions et dont la Déclaration des droits, qu'aucune autorité ne peut abroger, fait la partie la plus précieuse.
« Si elle reconnaisseit l'autorité des décrets attentatoires aux droits des hommes de couleur, notamment de celui du 24 septembre dernier et qu'elle n'admettra jamais ni Constitution, ni organisation coloniale qui ne reposent sur les bases éternelles de l'égalité des droits, de la liberté et de la fraternité sociale, »>
Second décret.
« L'Assemblée nationale, appelée par lé vœu des colonies à mettre un terme à l'incertitude de leur organisation, aux désastres affreux qui en ont été une suite pour plusieurs d'entre elles, et qui pourraient s'étendre aux autres, décrète ce qui suit :
«Art. 1er. Il sera formé, dans chaque
colonie, une nouvelle assemblée coloniale, qui émettra son vœu sur
l'organisation, la législation et l'administration qui conviennent à sa
situation et à sa prospérité, pour, sur le rapport qui en sera fait à
l'Assemblée nationale, être par elle définitivement statué sur ces
objets.
« Art. 2. Conformément au décret du 28 mars 1790, et sans s'arrêter aux décrets postérieurs qui y seraient contraires, toute personne libre, propriétaire, ou domiciliée depuis deux ans, et contribuable, jouira du droit de suffrage, qui constitue la qualité de citoyen actif.
« Art. 3. On suivra d'ailleurs provisoirement, pour la formation des assemblées primaires, électorales et coloniales, les mêmes règles qui sont prescrites sur cet objet par la Constitution française.
« Art. 4. Pour donner une nouvelle preuve de l'attachement de la métropole envers les colonies, l'Assemblée nationale, en attendant qu'elles aient émis leur vœu sur leur organisation et sur leurs rapports commerciaux et politiques, admettra provisoirement, dans son sein, après . la vérification de leurs pouvoirs, les députés qu'elles ont envoyés, en prêtant par chacun d'eux le serment prescrit par la Constitution.
« Art. 5. 11 y aura une amnistie générale pour1 tous les délits antérieurs au décret, qui seraient relatifs à la Révolution.
« Art. 6/Les assemblées coloniales convoquées dans la forme prescrite par les articles 1, 2 et 3 ci-dessus, émettront leur vœu sur l'amélioration du sort des nègres non libres et sur les moyens d'abolir progressivement l'esclavage dans les colonies. »
Plusieurs membres demandent l'impression du discours et des projets de décret de M. Garran-de-Coulon.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et des projets de décret de M. Garran-de-Goulon.)
, ministre de la guerre. J'ai envoyé dans les départements la loi au 25 janvier dernier, relative au mode de recrutement et engagement des troupes de lignes, j'y ai joints des tableaux de quatre grandes divisions militaires, formés d'après l'article 14 de cette loi; plusieurs départements m'en ont déjà accusé la réception ; quelques-uns d'entre eux m'ont témoigné de l'incertitude sur la faculté qu'ils crôyent que l'article 14 leur donne, d'engager pour tous les régiments de l'armée. Les administrateurs du département de la Mayenne m'ont mandé que plusieurs citoyens du district de Laval avaient choisis indistinctement sur tous les régiments compris dans les 4 grandes divisions dont le tableau est composé. On verra, par la lettre, que j'ai écrite aux 83 départements, que j'avais d abord pensé que ceux enclavés aans les 4 divisions rie peuvent être engagés respectivement que dans les régiments qur y sont placés. En effet, la dépense de 3 sous par lieue à chaque homme de recrue pour rejoindre les régiments qu'ils ont choisis, eut été considérable, et procurerait des recrues moins certaines, en raison du trajet que chaque homme aurait eu à parcourir, si, de l'extrémité du nord, il s'était engagé pour un régiment en garnison au midi.
Il paraît donc indispensable de prendre une mesure qui puisse mettre de l'ordre dans le mode dont chaque régiment sera complété ; car il est en ma connaissance qu'un régiment qui, au 1er janvier dernier, n'avait qu'un déficit de 143 hommes, a presque été complété par le seul travail actif des recrutements de ce corps, et que plusieurs départements ont déjà reçu de leur côté un grand nombre d'engagements de citoyens qui Ont préféré ce même régiment. L'Assemblée nationale pensera, sans doute, que l'excédent qui pourrait résulter de la préférence de citoyens, pour un régiment à un autre, occasionnerait une dépense onéreuse au Trésor public, si ces mêmes hommes se croyaient dégagés et libres, à cause de l'impossibilité où l'on se trouverait de lès admettre dans les régiments qu'ils auràient choisis, s'ils étaient complets. Je pense donc qu'il est nécessaire que l'Assemblée rende un décret pour faire passer dans des régiments incomplets les hommes engagés dans départements pour des régiments qui se trouvent complets. Ce décret est fort important pour le succès de la loi sur le recrutement. Il nous montrera le véritable esprit public, et l'esprit public est la véritable force de tout gouvernement libre.
Je supplie l'Assemblée de ne négliger aucuns moyens d'encouragement pour arriver à un but aussi utile. Les applaudissements qu'elle a donnés au district d Agen auront, sans doute, un heureux effet; mais il est d'autant moins permis de ralentir ses efforts, qu'il faut que tous les districts du royaume suivent scrupuleusement
l'exemple du district d'Agen, pour que nous parvenions au résultat que nous désirons tous ; je veux dire à compléter l'armée de plus dé 51,000 hommes qui lui manquent et lui sont indispensables. Parmi tous les raisonnements que l'on fait pour et contre la guerre, je ne connais d'autres moyens de ne la pas craindre, que le résultat du recrutement; il donne le nombre d'hommes nécessaires, le vœu général sera démontré en même temps qu'il donnera les moyens d'y satisfaire.
" (L'Assemblée renvoie les observations du ministre de la guerre au comité militaire pour en faire son rapport le plus tôt possible.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1» Lettre de M. Pétion, maire de Paris, qui demande, au nom de la municipalité, d'être admis à la barre ; cette lettre est ainsi conçue (1) ;
Paris, 29 février 1792, l'an IV de la liberté.
« Monsieur le Président,
« La municipalité de Paris désire se présenter à l'Assemblée nationale pour implorer sa justice et son humanité en faveur des pauvres de cette, ville.
« Je vous prie de bien vouloir me faire connaître à quelle heure la députation pourra être reçue.
« Je 'suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : PÉTION. »
(L'Assemblée décrète que M. Pétion sera admis à la séance de ce soir,)
2° Lettre de M. Haussmann, agent de la ville libre de Nuremberg, qui demande à être admis à la barre ; cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Monsieur le Président,
« Je demande, au nom de mes commettants la ville libre de Nuremberg, Etat d'Empire, l'honneur d'être admis à la barre de l'Assemblée nationale à la prochaine séance du soir; mon exposé sera très succinct.
« Je vous prie de m'accorder cette faveur à la troisième fois que j'ai l'honneur de vous la demander.
« Je suis, avec un très profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : HAUSSMANN, agent de la ville libre de Nuremberg, député à l'Assemblée nationale.
« Paris, ce 29 février 1792. »
(L'Assemblée décrète que M. Haussmann sera admis à la séance de ce soir.)
3° Lettre des sous-officiers et soldats de la garde nationale soldée,
relative à des réclamations de pensions déjà exposées dans une pétition
,qui fut, lors de sa présentation, renvoyée au comité de l'ordinaire des
finances. .
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Pétition d'un grand nombre de citoyens de la ville de Niort qui exposent qu'à la revue faite dans cette ville, du 51e régiment, ci-devant Lasarte, un très grand nombre d'officiers étaient absents. On répondait à l'appel : absent par congé ; mais les soldats, iûdignes de se voir abandonnés par leurs chefs, disaient à demi-voix : absent pour Coblentz. Les pétitionnaires demandent que l'Assemblée rende un décret pour que les officiers qui sont censés absents avec congé et qui résident en France, soient tenus de présenter un certificat de leur municipalité pour qu'on puisse s'assurer qu'ils n'ont pas émigré. Ils prient l'Assemblée de prendre en grande considération la désertion des officiers et ajoutent que te plupart des officiers nommés en remplacement par le ministre de la guerre ne se sont pas encore présentés au corps.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui annonce que les juges du Tribunal de vienne ayant fait un règlement pour la taxe des frais dus aux avoués, ceux-ci se sont coalisés et ne paraissent plus au tribunal depuis le 23 décembre dernier.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
, maire de Paris et six officiers municipaux de cette ville, sont admis à la barre, en vertu du décret rendu à la séance du matin.
, lit la pétition suivante : Messieurs, la rigueur inattendue de la saison, suspendant les travaux de la classe indigente du peuple, a diminué ses ressources et augmenté ses besoins. Réduit à vivre et à substanter sa famille du produit journalier de son travail, le pauvre a bientôt épuisé tous ses moyens d'attendre; la justice se joint alors à l'humanité pour réclamer de la bienfaisance publique des secours extrordinaires. La municipalité eût désiré pouvoir remplir ce devoir social, mais la perte totale de ses revenus, les dépenses énormes et continuelles offertes en sacrifice sur l'autel de la liberté la mettent dans l'impuissance d'accomplir elle-même le vœu qu'elle vient d'exprimer à l'Assemblée nationale; la municipalité ne rappellera pas, Messieurs, les services qu'a rendus à la Révolution cette classe intéressante de sés concitoyens, ni la courageuse confiance avec la-, quelle elle a supporté les pertes qui en étaient inséparable. Environnés de pièges et de séductions, ces mêmes citoyens ont déjoué les projets des ennemis du bien public, qui espéraient se faire, des besoins des habitants de cette grande cité, une arme contre la liberté, et la vertu du
peuple a détruit cette antique maxime, trop longtemps justifiée par une triste et fatale expérience, que l'indigence encourage au crime.
C'est pour ces citoyens toujours intéressants aux yeux des législateurs, au cœur de l'homme sensible, que la municipalité vieut réclamer une part dans les secours destinés au soulagement de l'indigence. Nous ne vous dirons pas, Messieurs, que c'était un usage consacré, même sous l'ancien gouvernement, d'accorder de semblables secours dans les saisons rigoureuses; les amis, les représentants du peuple, n'ont pas besoin d'être guidés par de pareils exemples. Depuis longtemps, leurs obscurs ennemis, qui sont aussi les nôtres, savent bien que le règne des lumières et de la liberté est aussi le règne de la bienfaisance et de l'humanité.
D'après ces considérations puissantes, la municipalité espère que l'Assemblée nationale voudra bien décréter qu'il sera versé dans sa caisse un secours extraordinaire de 200,000 livres. Cette somme, Messieurs, que la municipalité sollicite, peut paraître considérable âu premier aspect, mais si vous la comparez au besoin de plus de 100,000 pauvres que renferme cette ville, vous reconnaîtrez bientôt qu'elle est à peine suffisante pour leur donner pendant 8 jours les adoucissements que leur situation et les circonstances exigent.
, répondant aux pétitionnaires. Tant qu'il restera des malheurs à réparer et des douleurs à soulager, la sollicitude des représentants d'une nation libre ne s'arrêtera jamais. Elle doit au peuple des lois et des secours.
11 a mérité les unes et les autres par sou courage et son patriotisme : croyez qne l'Assemblée nationale prendra votre demande en prompte considération. Elle vous invite à sa séance. (Applaudissements.)
Le soulagement du pauvre est sans doute un devoir social; et je ne doute pas que l'Assemblée nationale ne fasse un travail pour tous les pauvres du royaume. Mais, Messieurs, l'Assemblée nationale ni la nation n'ont d'autres revenus que les contributions ; il est essentiel que lés riches payent leur contribution, pour que nous puissions soulager les pauvres. Si la municipalité de Paris avait achevé son travail sur cette matière, elle serait en état de leur donner des secours par le moyen des sous additionnels. La ville de Paris a fait la Révolution, il faut qu'elle la termine, en répartant les contributions, en les faisant rentrer. Cet exemple sera suivi dans tout le royaume, et par les sous additionnels, nous aurons de quoi soulager, les pauvres. Cependant, comme j'espère qu'on ne tar lera pas la répartition des contributions, je demande que la pétition des officiers municipaux soit renvoyée au comité des secours publics, pour qu'il soit présenté un projet général sur les secours à accorder aux pauvres de tout le royaume. (Applaudissements.)
Je vous prie, Messieurs, d'observer que la municipalité de Paris vous demande, dans ce moment, un secours provisoire et pressant. Si vous la renvoyez au temps où un rapport général sera fait sur la mendicité, il est certain que vous ne répondrez pas à la pétition. Je demande que le renvoi au comité des secours soit fait avec la recommandation d'un travail particulier et prompt pour cet objet, samedi prochain par exemple.
Voix diverses : Oui ! oui ! Non ! non !
Sans doute, la proposition de M. Cambon est très louable, mais les habitants de Paris ont un très grand besoin, et vous avez, sans doute, été étonnés comme moi, lorsque vous les avez entendus ne vous demander que 200,000 livres pour 100,000 pauvres. Je demande que le secours soit voté sur-le-champ.
J'appuie la motion de M. Cambon. Si les pauvres souffrent à Paris, ils souffrent partout, et peut-être davantage encore dans nos départements méridionaux. Dans mon pays, le pain se paye beaucoup plus cher qu'à Paris et il faudrait 300,000 livres pour secourir le> département de l'Isère. Si la Révolution est faite, si l'égalité est établie, vous ne voulez pas établir un privilège pour la ville de Paris; je demande, Messieurs, que le travail général soit fait pour que tous les pauvres des départements du royaume soient secourus.
Plusieurs voix : La priorité pour la motion de M. Cambon !
Sans doute, tous les pauvres de l'Empire ont des droits égaux, à la sollicitude paternelle de l'Assemblée nationale; mais on ne fait pas assez d'attention à la position particulière de la ville de Paris, et au nombre immense de malheureux dont elle est remplie. D'ailleurs, c'est de |la ville de Paris qu'est parti le mot de liberté. (Applaudissements dans l Assemblée et murmures dans les tribunes.) Les pauvres qui sont à Paris, sont de tous les départements. Je demande donc, et pour le bien public, et pour le bien de l'humanité, et s'il était possible de faire entendre le mot politique après que la liberté a été établie, je vous dirais qu'il est de la politique même ae donner dans ce moment.....
Plusieurs membres : A l'ordre I à l'ordre !
Monsieur le Président, rappelez l'opinant à l'ordre; il insulte le peuple de Paris.
La pétition de la municipalité de Paris me paraît inconséquente, en ce point qu'elle tend à faire accorder par pitié ce que nous ne devons accorder que par justice. Il y a d'ailleurs dans cette pétition une infraction à la Constitution, puisque les municipalités ne peuvent correspondre avec le Corps législatif, sans s'être auparavant adressées au département. Je fais remarquer, en outre, l'inconvénient qu'il y aurait à correspondre avec 44,000 municipalités qui, comme celle de Paris, pourraient désormais venir faire des réclamations. Je demande donc le renvoi de la pétition au directoire du département de Paris.
Plusieurs membres ; Appuyé! appuyé! :
D'aures membres : La priorité pour la motion de M. Cambon !
11 ne faut pas oublier que parmi les 100,000 pauvres existants à Paris, il y en a au moins 60,000. qui appartiennent aux différents départements. ^
Lorsque j'étais à la commune de Paris, nous avons pris des mesures pour faire refluer dans les départements les pauvres qui leur appartenaient; nous leur avons accordé 3 sous parjieue pour la route. Eh bien'- au bout trois mois on les a renvoyés à Paris. (Murmures.)
Plusieurs membres : C'est faux! c'est faux !
Je ne dis point qu'on a pris des arrêtés pour les y renvoyer ; mais les admi-
nistrations ne leur donnant point de secours, ils ont été obligés de revenir dans la capitale. Depuis, M. Pastoret, étant procureur général syndic du département de Paris, a pris aussi des mesures qui ont de même été infructueuses. Il faut dire encore que le roi qui, autrefois, accordait des secours a la municipalité pour les distribuer aux pauvres, n'en accorde plus aujourd'hui. Cependant on travaille le peuple dans tous les sens...
Plusieurs membres : La discussion fermée 1
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Huai
Je demande la question préalable sur la motion de M. Hua. (Appuyé ! appuyé !)
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Hua tendant au renvoi de la pétition au directoire du département de Paris.)
Le point à décider est de savoir s'il sera fait un rapport particulier pour la ville de Paris. Je mets aux voix la proposition dans les termes suivants : « Fera-t-on un rapport particulier pour la ville de Paris, oui ou non ? »
(Deux épreuves successives paraissent douteuses.)
S'il y a du doute, je demande l'appel nominal pour éclairer nos commettants.
Plusieurs membres : Oui ! oui ! l'appel nominal! (Longue agitation.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
La cause du trouble qui s'est élevé vient de Ce que les uns veulent un rapport particulier pour la ville de Paris à jour fixe, les autres un rapport général pour tous les départements, à une date qu'on ne fixe pas.
11 n'est pas douteux que nous devons avoir à cœur l'amélioration du sort des pauvres de la capitale ; mais il n'est pas moins vrai que nous devons également nous intéresser aux pauvres des départements. Pour concilier toutes, les opinions, et épargner à l'Assemblée la perte de temps qu'entraînerait l'appel nominal, je demande que le comité des secours publics fasse, samedi prochain, un rapport général sur les secours provisoire à donner aux indigents de tout l'Empire. (Qui! oui! Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète, à l'unanimité, la notion de M. Aubert-Dubayet.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Bertaut, citoyen-grenadier de la section des Thermes-de-Julien, qui demande à être admis à la barre ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je viens de recevoir une lettré d'un administrateur du directoire du district'de Noyon, qui renferme des faits que je crois devoir communiquer à l'Assemblée nationale, en ce qu'ils sont graves et intéressent la sûreté publique; veuillez, s'il vous plaît, Monsieur le président, permettre que j'en fasse lecture, ou que je la dépose où vous Voudrez.
« Je suis avec respect, etc. , , _
« Signé ; Bertaut. »
et plusieurs membres. Admis à l'instant!
(L'Assemblée décrète que M. Bertaut sera admis sur-le-champ à la barre.)
M. Bertaut est introduit à la barre et s'exprime ainsi :
Messieurs, voici une lettre que je reçois :
«; Les blées d'Ourcamps, de Ghoisy et d'Attichy se chargent ; le peuple a été effrayé de la force imposante qu'on lui a opposée, n a fait aucune résistance, mais il n'en est pas plus calme : il n'attend que le moment et le pouvoir de se soulever de nouveau. Les habitants de nos campagnes méditent la vengeance. Après avoir foulé aux pieds la cocarde tricolore, ils en ont pris de blanches et de noires. Ainsi, je crois que la contre-révolution est commencée chez nous. J'atteste qu'on s'est présenté pour piller ma maison; heureusement la force publique est arrivée à temps, on me guette pour m'assassiner. Je n'ai pas encore pu voir ma femme. depuis mon retour de Paris...
Un membre : C'est un homme qui a peur!
m. bertaut, continuant la lecture de la lettre :
« Voilà, mon ami, quelle est ma position; vous connaissez mes principes... (Murmures.)
Plusieurs membres demandent quel est ce particulier et ce qui garantit l'authenticité de cette lettre.
D'autres membres : L'ordre du jourl
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un membre : Je demande que la lettre soit renvoyée et déposée au comité de surveillance.
Il serait à désirer qu'on n'eût pas voulu entendre le pétitionnaire, parce qu un administrateur, qui est réellement pénétré de de ses devoirs, ne s'adresse jamais à un particulier; il aurait dû s'adresser à l'Assemblée nationale directement. Par cela seul qu'il s'est adressé à un particulier, je le regarde comme un mal intentionné.
J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que le peuple des environs de Noyon est dans de très bonnes dispositions. 11 est vrai qu'il a été effrayé, qu'il l'est peut-être encore, dans la crainte que, cet été, la disette des grains ne se fasse sentir; mais il ne prendra jamais le parti de la coritrè-révolution. Il est prêt à tout souffrir, à tout endurer ; mais soyez sûrs que vous ne le verrez jamais au nombre de nos ennemis. Je le garantis. (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de surveillance^
M. Haussmann, député de la ville libre de Nuremberg,f est admis à la barre en vertu du décret rendu à la séance du matin.
Je demande que M. Haussmann, député d'une ville libre, soit admis dans l'intérieur de la salle.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Ducos.)
M. Haussmann est introduit dans l'enceinte de l'Assemblée et présente un mémoire pour réclamer de la justice de l'Assemblée une somme de 700,000 livres que la ville de Nuremberg prétend lui être due pour des fournitures faites à l'armée de France péndant la dernière guerre d'Allemagne. MM. de Ghoiseul et Duportail avaient reconnu la légitimité de cette demande, mais l'Assemblée n'y a eu aucun égard. Le pétitionnaire en attribue la cause à l'omission de plusieurs faits importants, dont le comité chargé du rapport de cette affaire aurait dû l'in-
struire. Il présente sa demande tendant : 1°, à ce que la créance de cette ville, liquidée dans l'état de l'arriéré du département de la guerre, soit décrétée comme dette nationale; 2°, que ses autres demandes soient renvoyées aux comités de liquidation et diplomatique; 3°, qu'il soit fixé un terme quelconque pour le paiement, avec intérêts.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités diplomatique et de liquidation réunis.)
jeune, au nom du comité militaire, fait la troisième lecture du titre Ier (1) du projet de décret relatif aux invalides retirés à l'Hôtel; aux invalides retirés dans les départements; aux invalides formant les compagnies détachées; aux soldes, demi-soldes, récompenses militaires et vétérans ; aux gendarmes et grenadiers à cheval retirés, aux officiers à la suite des places; aux veuves et aux enfants des invalides. Le titre Ier est ainsi conçu :
TITRE Ier.
Art. 1er. L'établissement connu sous le nom
d'Hôtel des invalides est conservé.
Art. 2. Il ne sera désormais reçu à l'Hôtel des invalides que des officiers, sous-officiers ou soldats qui auront été estropiés ou qui auront atteint l'âge de caducité, étant sous les armes, du service tant de terre que de mer.
Art. 3. Il sera créé un nombre déterminé de pensions militaires destinées aux officiers, sous-officiers et soldats, tant de terre que de mer, qui, étant susceptibles, par leur âge ou leurs blessures, d'être reçus à l'Hôtel des invalides, aimeront mieux jouir de ces pensions ou ne pourront être, alors, admis à l'Hôtel, parce que toutes les places en seront occupées.
Art. 4. Seront, dès à présent, admissibles à l'Hôtel, ou aux pensions destinées à le représenter :
1° Les invalides actuellement retirés à l'Hôtel;
2° Les gendarmes retirés dans l'hospice militaire de Lunéville;
3° Les invalides formant des compagnies détachées ;
4° Les invalides retirés dans les départements ;
5° Les sous-officiers et soldats qui ont obtenu la récompense militaire;
6° Ceux qui ont obtenu le brevet de vétéran de l'armée;
7° Ceux qui ont obtenu la pension de retraite, désignée par le mot solde.
8° Enfin ceux qui ont obtenu la pension de retraite, connue sous le nom de demi-solde.
Art. 5. Il sera versé annuellement, par la trésorerie nationale, dans la caisse de l'Hôtel des invalides, une somme de deux millions, qui sera destinée a l'entretien des édifices de l'Hôtel, à l'habillement et l'équipement des invalides qui y seront retirés aux frais de l'administration générale de cet établissement, et au payement aes pensions destinées à le représenter.
Art. 6. La somme de deux millions ne sera susceptible d'aucune espèce de retenue ; elle sera payée d'avance, mois par mois, en 12 payements égaux.
Art. 7. Le nombre des militaires qui seront admis à l'Hôtel sera
annuellement fixé par le Corps législatif. Il sera, pour Pannée 1792,
porté
Art. 8. Le nombre des pensions destinées à représenter l'Hôtel sera fixé, chaque année, par le Corps législatif, d'après les besoins de l'armée et le compte que lui rendra le ministre chargé de cet établissement. Dans aucune circonstance, les militaires qui les auront obtenues ne pourront en être privés, les réductions ne devant jamais être opérées que dans le cas de vacance.
Pour l'année 1792, le nombre des pensions sera fixé à 2,000.
Art. 9. Il sera, pendant la paix, constamment réservé 100 places et 100 pensions destinées aux officiers sous-officiers ou soldats que des événements imprévus forceraient à quitter le service.
Art. 10. Les officiers, sous-officiers ou soldats qui auront été admis à l'Hôtel des invalides, auront toujours la liberté d'en sortir avec la pension qui le représente.
Art. 11. Les officiers sous-officiers, ou soldats qui, ayant été jugés admissibles à l'Hôtel, auront opté pour la pension destinée à le représenter auront toujours la faculté d'y rentrer; mais ils concourront pour cet objet avec le reste des officiers, sous-ofticiers et soldats.
Art. 12. Les officiers, sous-officiers et soldats qui auront été jugés admissibles à l'Hôtel ou à la pension qui le représente, seront conduits à l'Hôtel ou dans le lieu qu'ils auront choisi pour leur retraite, aux dépens de la caisse des invalides. Il en sera de même de ceux qui, après être entrés à l'Hôtel, demanderont à jouir de la pension, et enfin de ceux qui, ayant opté pour la pension, obtiendront d'entrer à l'Hôtel.
Art. 13. Les officiers, sous-officiers et soldats qui, après avoir été admis à l'Hôtel des invalides et en être sortis pour jouir de la pension, demanderaient à y rentrer, pourront en obtenir l'agrément, mais ils s'y rendront à leurs frais. Ceux qui, après avoir opté pour la pension, an-ront obtenu d'entrer à l'Hôtel, et demanderont néanmoins de nouveau à jouir de la pension qui le représente, voyageront de même à leurs frais.
Art. 14. Les pensions destinées à représenter l'Hôtel seront:
Pour les colonels de .......1,5001. » s. » d.
Pour les lieutenants-colonels de..........................1,200 » »
Pour les commandants de bataillon.......................1,000 » »
Pour les capitaines.........800 » »
Pour les lieutenants, sous-lieutenants èt porte-drapeaux.600 » »
Pour les maréchaux des logis en chef et sergents-majors...422 3 4
Pour les sous-officiers......300 10 »
Pour les soldats...........240 » »
Art. 15. Les invalides admis à l'Hôtel ou à la pension n'obtiendront, dans aucun cas, après leur admision, une pension ou un traitement plus fort que celui du grade auquel ils étaient élevés au moment de leur admission.
Art. 16. Les pensions destinées à représenter l'Hôtel seront payées mois par mois, toujours d'avance, sans aucune espèce de retenue, aux dépens dudit établissement, et à la diligence de ses administrateurs, par le trésorier delà commune dans laquelle le pensionnaire fera sa résidence.
L'administration de l'Hôtel présentera au Corps législatif les moyens d'exécution du présent article, pour en obtenir l'approbation.
Art. 17. Tout payement fait par anticipation à un invalide pensionné sera regardé comme non-avenu.
Art. 18. Les trois quarts des pensions destinées à représenter l'Hôtel seront insaisissables, même pour fourniture d'aliments.
Art. 19. L'Assemblée nationale confie les invalides pensionnés aux soins paternels de tous les fonctionnaires publics, et plus particulièrement à ceux des officiers municipaux et des procureurs des communes.
Art. 20. Immédiatement après la réception du présent décret, le directoire du département de Paris s'occupera de la formation du tableau général des officiers, sous-officiers et soldats qui devront être admis à l'Hôtel des invalides ou à la pension destinée à le représenter. Il se conformera, dans la composition de ce tableau, aux dispositions des articles suivants.
Art. 21. Seront admis à l'Hôtel ou à la pension qui le représente :
1° Tous les invalides qui étaient retirés à l'Hôtel à l'époque du 28 mars 1791 ;
2° Les gendarmes retirés dans l'hospice militaire de Lunéville;
3° Les invalides formant les compagnies détachées qui seront reformées;
4° Les invalides formant les compagnies détachées qui seront dans le cas prévu par l'article 2 du présent décret ;
5° Les officiers, sous-officiers et soldats, actuellement en activité de service, tant dans les troupes de ligne et les gardes nationales volontaires que dans les troupes et gens de mèr, qui se trouveront dans le cas prévu par ledit article 2;
6°,Les invalides retirés dans les départements;
7° Les sous-officiers et soldats qui se sont retirés avec la solde ;
8° Les sous-officiers et soldats qui se sont retirés avec la demi-solde.
On observera d'accorder la préférence aux plus âgés de ceux qui auront été mutilés à la guerre, jusqu'au dernier, ensuite, par rang d'ancienneté de service, en préférant, à égalité de service, ceux qui seront les plus âgés.
Les invalides -qui ont été admis àlTIôtel depuis l'époque du 28 mars 1791, ne devant point être considérés comme faisant partie des invalides retirés à l'Hôtel, ne seront point compris dans le premier paragraphe de cet article; ils ne concourront qu'avec ceux de la classe dans laquelle ils se trouvaient à l'époque du 28 mars 1791.
Art. 22. Pour mettre le directoire-du département de Paris à portée de composer ce tableau, les ministres de la guerre et de la marine adresseront, sous 15 jours, à ce corps administratif, l'état de tous les officiers, sous-officiers et soldats qui, conformément au présent décret, seront dans le cas d'être admis à l'Hôtel ou à là pension qui le représente.
Art. 23. Les états que les ministres de la guerre et de la marine adresseront au directoire du département de Paris seront conformes aux modèles annexés au présent décret.
Pour accélérer et assurer encore davantage la confection du tableau des invalides, l'administration de l'Hôtel remettra, immédiatement après la publication du présent décret, les contrôles de l'Hôtel au directoire du département.
Art. 24. Le directoire du département de Paris ne portera, ainsi qu'il est prescrit, articles 7 et 8, le tableau général de l'année 1792, qu'à 4,000 places, y compris les pensions représentent
l'Hôtel; mais il joindra un état, rédigé dans le même ordre, de 500 militaires destinés à occuper les places qui vaqueront dans le cours de l'année. Les suppléants entreront en jouissance au plus tard un mois après la vacance de la place ou de la pension.
Art. 25. Avant de former l'état particulier des invalides qui devront être admis a l'Hôtel et de ceux qui jouiront de la pension, le directoire du département s'assurera du vœu ae chacun d'eux, et, pour cela, il leur adressera une invitation d'opter entre l'Hôtel et la pension.
Art. 26. Tout invalide qui n'aura pas fait connaître son vœu dans l'espace d'un mois, à dater du jour de l'invitation, sera censé avoir préféré la pension.
Art. 27. Un mois après le départ des invitations d'opter, le directoire du département dressera l'état définitif des invalides qui devront habiter l'Hôtel, et de ceux qui jouiront de la pension.
Art. 28. Si le nombre des invalides qui désireront habiter l'Hôtel est plus grand que celui des places à donner, le directoire choisira parmi eux, et donnera la préférence à ceux qui, par leur âge, leurs infirmités, leurs blessuresét leur isolement social, mériteront le plus d'obtenir les places de l'Hôtel.
Art. 29. Si le nombre des invalides qui désireront habiter l'Hôtel est moins grand que celui des places à donner, lesdites places resteront va-cantes,etil leur serade suite substitué un nombre au moins égal de pensions.
11 en sera usé de même toutes les fois qu'un invalide, habitant à l'Hôtel, aura demandé, par écrit et 8 jours d'avance, l'agrément, qui jamais ne pourralui être refusé, d'aller jouir de la pension.
Art. 30. Dès que la liste que le directoire du département de Paris aura dressée, en vertu du present décret, aura été approuvée par le Corps égislatif, elle sera rendue publique par la voie de l'impression, et 3 exemplaires en seront adressés à chaque district du royaume par l'intermédiaire de leurs départements respectifs. Cette liste contiendra tous les détails qui auront été fournis au directoire par les ministres de la guerre et de la marine et par l'administration de l'Hôtel.
L'impression de ladite liste sera faite aux dépens de l'administration de l'Hôtel.
Art. 31. Le directoire du département de Paris formera de même chaque année, dans le cours du mois de décembre, sur la présentation de l'administration de l'Hôtel, une liste semblable, qui sera mise sous les yeux du Corps législatif par le ministre chargé de l'Hôtel des invalides.
Art. 32. Le directoire du département de Paris pourra, lorsque l'expérience l'aura éclairé, et lorsque, par ses soins, il aura amélioré le régime intérieur de l'Hôtel des invalides, porter a un nombre plus considérable la liste des invalides, fixée, pour cette année, à 4,000, en observant de réserver toujours les 200 places ou pensions prescrites par l'article 9, et ae ne point oublier qu'une administration sage ne se permet jamais aucune espèce d'anticipation.
Art. 33. Une des listes que le directoire du département de Paris aura fait passer à chaque district de l'Empire sera, à la diligence du procureur syndic du district, successivement adressée à chaque municipalité de son territoire, et.y restera déposée pendant 15 jours, afin que tous les citoyens, et surtout tous les militaires qui pourront avoir des prétentions à l'Hôtel ou à la
pension, puissent juger de la validité de leurs droits.
Ceux qui se croiront lésés, ou qui penseront avoir des réclamations à faire les adresseront à leurs municipalités, qui, après avoir délibéré sur les faits exposés, les feront passer au directoire du département, par l'intermédiaire du district ? le directoire du département les adressera, avec son avis, à l'administration générale de l'Hôtel.
Art. 34. Le ministre de la guerre et celui de la marine adresseront chaque année, et le 1er décembre au plus tard, à l'administration de l'Hôtel, un état visé et signé par ceux des officiers, sous-officiers et soldats qu'ils jugeront devoir être admis à l'Hôtel. Cet état sera rédigé de la même manière que celui qui est prescrit article 23 du présent decret.
A cet état seront jointes les pièces suivantes :
1° Le mémoire de l'officier, sous-officier ou soldat dans lequel il fera connaître son âge, le nombre de ses années de service, le grade dans lequel il sert, les campagnes qu'il a faites, les blessures qu'il a reçues, les infirmités dont il est affecté : il y exposera encore l'objet de sa demande et les motifs sur lesquels elle est fondée;
2° L'opinion des officiers de la compagnie sur cette demande;
3° L'opinion des officiers de santé du régiment et de l'hôpital militaire;
4° L'opinion du conseil d'administration ; .
5° Le vu du commissaire des guerres;
6° L'approbation de l'officier général chargé de l'inspection.
Ces différentes opinions ou certificats seront mis au bas du mémoire et dans l'ordre ci-dessus indiqué.
Art. 35. Si les faits énoncés dans les pièces mentionnées article 34 étaient reconnus et constatés ou faux ou exagérés, les signataires en seraient personnellement et solidairement responsables et, en conséquence, condamnés, à la diligence de l'administration de l'Hôtel, à verser dans la caisse dudit Hôtel et pendant la vie du militaire pensionné une somme égale à la pension qui lui aura été indûment attribuée. Les signataires contribueront au payement de cette pension au prorata de leurs appointements.
Art. 36. Au moyen des 2 mifiions, affectés par l'article 5 du présent décret, les indemnités dont jouissait l'Hôtel des invalides sur les fermes générales sont supprimées; il en est de même des pensions d'oblats. Les 2 millions placés sur l'Etat sont censés acquittés. Les terrains ci-devant en location au profit de l'Hôtel sont déclarés nationaux et seront vendus ou loués comme tels en observant néanmoins de conserver tous ceux qui pourront contribuer à l'agrément ou à la salubrité de l'Hôtel.
Art. 37. Toutes les pensions qui étaient ci-devant payées par la caisse dès invalides, le seront a l'avenir sur les fonds destinés aux pensions : il en sera de même de toutes les retraites qui seront accordées à l'état-major actuel des invalides, et aux agents de l'administration qui ne seront point conservés dans leurs fonctions.
Il ne pourra, à l'avenir et sous aucun prétexte, être accordé aux agents de l'Administration aucune espèce de pension de retraite sur les fonds de l'Hôtel, et nul ne pourra en tirer un traitement plus fort que celui qui aura fixé par les décrets du Corps législatif.
Art. 38. Les invalides demeurant à l'Hôtel recevront, pour leurs menus besoins, indépendam-
ment des fournitures ordinaires, les pensions suivantes :
Les colonels....... 501. par mois. 600 liv.
Les lieutenants-colo-nels.....................30 ^MJ 360
Les commandants de bataillon............20 — 240
Les capitaines..... 16 — 192
Les lieutenants.... 12 ÎJfflE 144
Les maréchaux des logis en chef........ 8 — 96
Les sous-officiers.. 6 * 72
Les soldats.,...... 5 Jg| 60
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de prononcer définitivement.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu, dans les séances du 17 décembre 1791, du 7 janvier et du 29 février 1792, la lecture d'un projet de décret relatif aux invalides, et avoir décidé qu'elle se trouve en état de rendre un décret éfinitif, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'établissement connu sous le nom d'Hôtel des invalides est conservé. »
Je suis 1 d'un port de mer. Je' connais des invalides qui ont bien mérité de la patrie. Je crois qu'il n'y arien de plus juste,que e récompenser ces citoyens-là. Mais j'ai remarqué que ce titre d'invalide leur déplaisait. Je demande que l'on dise l'Hôtel des invalides est conservé, sous le nom d'Hôtel national des vétérans.
Je demande que l'on conserve les deux titres, et qu'on dise : VHôtel national des militaires vétérans invalides,
Il y a des vétérans qui ne sont pas invalides. Je demande que l'article soit mis aux voix.
, rapporteur. Je propose de rédiger ainsi l'article :
Art. 1er.
« L'établissement connu sous le nom d'Hôtel des invalides est conservé sous le titre d'Hôtel national des militaires invalides. »
(L'Assemblée adopte la nouvelle rédaction proposée par M. Lacuée.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2, qui est adopté sans discussion dans les termes suivants :
Art. 2.
« Il ne sera désormais reçu à l'Hôtel national des militaires invalides que des officiers, sous-officiers et soldats qui auront été estropiés, ou qui auront atteint l'âge de caducité, étant sôus les armes, au service tant de terre que de mer. »
, rapporteur. L'article 3 du projet est ainsi Conçu :
« Il sera créé un nombre déterminé de pensions militaires destinées aux officiers, sous-officiers et soldats, tant de terre que de mer, qui, étant susceptibles, par leur âge ou leurs blessures, d'être reçus à l'Hôtel des Invalides aimeront mieux
jouir de ces pensions ou ne pourront être, alors, admis à l'Hôtel, parce que toutes les places en seront occupées.
J'observe qu'il ne sérait pas juste de limiter le nombre des pensions, et que Ion doit eh accorder à tous officiers et soldats jugés admissibles à l'Hôtel national des militaires invalides, et qui aimeraient mieux se retirer dans leurs familles ou ailleurs. Je propose de rédiger ainsi l'article 3. :
Art. 3.
« Les officiers, sous-officiers et soldats, tant de terré que de mer, qui, ayant été jugés admissibles à l'Hôtel national des militaires invâlidés, aimeront mieux se retirer dans leurs familles, où dans quelqu'autre partie de l'Empire, obtiendront des pensions destinées à représenter le traitement de l'Hôtel : lesdites pensions seront proportionnées aux grades qu'ils occuperont, et leur seront payées ainsi qu'il sera dit article 16 et suivants au présent decret »
(L'Assemblée décrète la nouvelle rédaction de l'article' 3.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4, qui est adopté sans discussion dans les termes suivants :
Art. 4.
« Sont, dés à présent, admissibles à l'Hôtel, ou aux, pensions destinées à le représenter : 1° les invalides actuellement retirés à l'Hôtel; 2° les gendarmes retirés dans l'hospice militaire de Lunéville; 3°les invalides formant les compagnies détachéès ; 4° les invalides retirés dans les départements; 5° les sous-officiers et soldats qui ont obtenu la récompense militaire; 6° ceux qui ont obtenu le brevet de vétéran de l'armée ; 7° ceux qui ont obtenu la pension de retraite désignée par le mot solde; 8° enfin, ceux qui ont obtenu la pension de retraite connue sous le nom de demi-solde ».
, rapporteur. Voici l'article 5 du projet de décret :
« il sera versé annuellement par la trésorerie nationale, dans la caisse de l'Hôtel des invalides, une somme de 2 millions, qui sera destinée à l'entretien des édifices de l'Hôtel, à la subsistance, à l'habillement et l'équipement des invalides qui y seront retirés, aux frais de l'administration générale de cet établissement, et au payement des pensions destinées à le représenter. »
J'observe que, pour les mêmes raisons exposées à l'article 3, la somme ne doit pas été être fixée. Voici la nouvelle rédaction que je propose :
Art. 5.
« H sera annuellement, en vertu d'un décret du Corps législatif versé par la trésorerie nationale, dans la caisse de l'Hôtel national des militaires invalides, la somme qui sera jugée nécessaire à l'entretien des édifices de l'Hôtel, à la subsistance, à l'habillement et à l'équipement des invalides qui y seront retirés, aux irais de l'administration générale de cet établissement, et à l'acquittement des pensions destinées à le représenter. »
(L'Assemblée adopte l'article 5 ainsi rédigé.)
, rapporteur. Voici l'article 6 du projet de décret :
« La somme de 2 millions ne sera susceptible d'aucune espèce de retenue : elle sera payée d'avance, moisparmois, en 12paièments égaux. »
La même observation qu'aux articles 3 et 5 s'applique à cet article. Voici comment je propose ae le rédiger :
Art. 6.
« La somme qui, en vertu de «l'article 5, aura été fixée par le Corps législatif, pour l'Hôtel national des militaires invalides, ne sera susceptible d'aucune espèce de retenue ; elle sera payée d'avance, mois par mois:, en 12 payements égaux. »
(L'Assemblée adopte l'article 6 ainsi rédigé.)
, rapporteur, donne lecture de l'article? qui est ainsi conçu :
, Art. 7 .
« Le nombre des militaires qui seront admis à l'Hôtel, sera annuellement fixé par le Corps législatif. Il sera, pour l'année 1792, porté à 300 places d'officiers et à 1,700 pour les sous-officiers où soldats. »
Un membre observe que la proportion entre le nombre des places d'officiers et celui des places dé sous-officiers et soldats ne lui parait pas juste.
, rapporteur.Lesofficiers qui sont en grand nombre dans l'Hôtel des invalides ont été d'anciens soldats et il en sera de même de ceux qui y entreront à l'avenir.
(L'Assemblée adopte l'article 7.)
, rapporteur. Je propose d'ajouter à l'article 81a disposition suivante :
« En exécution de l'article 5, il sera versé par la trésorerie nationale, pour l'année 1792, une sommé de 2 millions dans la caisse de l'Hôtel national des militaires invalides. »
En conséquence, la rédaction de l'article 8 serait la suivante :
Art. 8.
« Le nombre des pensions destinées à représenter le traitément à l'Hôtel, sera fixé chaque année par le Corps législatif, diaprés les besoins de l'armée et le compte que lui rendra le ministre chargé de cet établissement. Dans aucune Circonstance, les militaires qui les auront obtenues ne pourront en être privés, les- réductions ne devant jamais être opérées que dans lè cas de vacance. ,
« Pour l'année 1*792, le nombre des pensions sera fixé à 2,000. En exécution de l'article 5 du présent décret, il sera versé par la trésorerie nationale, pour l'année 1792, une somme de 2 millions dans la caisse de l'Hôtel national des militaires iiivalides. » m
(L'Assemblée adopte l'article 8 ainsi rédigé.)
, rapporteur, donne lecture des articles 9,10, 11, 12 et 13 qui sont adoptés, sans discussion et. avec quelques légers changements, dans les termes suivants :
Art. 9.
« Il sera, pendant la paix, constamment réservé 100 places et 100 pensions destinées aux officiers, sous-officiers ou soldats que des évé-
nements imprévus forceraient à quitter le service.
1Art. 10.
« Les officiers, sous-officiers ou soldats qui auront été admis à l'Hôtel national des militaires invalides, auront toujours la liberté d'en sortir; ils jouiront alors des pensions fixées par l'article 14 du présent décret.
Art. 11.
Les officiers, sous-officiers ou soldats qui, ayant été jugés admissibles à l'Hôtel, auront opté pour la pension destinée à le représenter, auront toujours la faculté d'y rentrer; mais ils concourront pour cet objet avec le reste des officiers, sous-officiers et soldats.
Art. 12.
« Les officiers, sous-officiers et soldats qui auront été jugés admissibles à l'Hôtel, ou à la pension qui le - représente, seront conduits à l'Hôtel, ou dans le lieu qu'ils auront choisi pour leur rétraite, aux dépens de la caisse des invalides. Il en sera de même de ceux qui, après être rentrés à l'Hôtel, demanderont à jouir de la pension ; et enfin de ceux qui, ayant opté pour la pension, obtiendront d'entrer a l'Hôtel.
Art. 13.
« Les officièrs, sous-officiers et soldats qui, après ayoir été admis à l'Hôtel national des militaires invalides, et en être sortis pour jouir de la pension, demanderont à y rentrer, pourront en obtenir l'agrément; mais ils s'y rendront à leurs frais. Ceux qui, après avoir opté pour la pension, auront obtenu d'entrer à l'Hôtel, et demanderont néanmoins de nouveau à jouir de la pension qui le représente, voyageront de même a leurs frais. »
, rapporteur. Voici l'article 14 : Art. 14. Les pensions destinées à représenter l'Hôtel seront :
Pour les colonels de........ 1,500 1. s. d.
Pour les lieutenants-colonels de... ..................1,200 » »
Pour les commandants de bataillon. ....................... 1,000 » »
Pour les capitaines;........ 800 . > ~ »
Pour les lieutenants, sous- !
lieutenants et porte-drapeaux.. 600 » »
Pour les maréchaux des logis
en chef et sergents-majors— 422 3 4
Pour les sous-officiers...........300 10 »
Pour les soldats............ 240" » »
J'observe sur cet article que le traitement de 1,500 livres pour les colonels a paru n'être pas assez considérable, lorsque l'on accorde 1,200 livres aux lieutenants-colonels. Je propose ae porter à 1,800 livres le traitement des colonels.
(L'Assemblée adopte l'article 14 avec l'amendement proposé par M. Lacuée.) Suit la teneur de cet article : ,
Art. 14.
« Les pensions destinées à représenter l'Hôtel seront :
Pour les colonels, de........ 1,800 L s.. d.
Pour les lieutenants-colonels, de...................... 1,200
Pour les commandants de bataillon, de..........................1,000
Pour les capitaines,de...... 800
Pour les lieutenants, sous-lieutenants et porte-drapeaux, de........................... 600
Pour les maréchaux des logis en chef et sergents-majors, de. 422 3 4 Pour les sous-officiers, de... 300 10 Pour les soldats, de......— 240
, rapporteur, donne lecture de l'article 15, qui est adopté sans discussion dans les termes suivants :
Art. 15.
« Les invalides admis à l'Hôtel ou à la pension n'obtiendront, dans aucun cas, après leur admission, une pension ou un traitement plus fort que celui du grade auquel ils étaient élevés au moment de leur admission. »
,-rapporteur, donne lecture de l'article 16 du projet ae décret qui est ainsi conçu :
Les pénsions destinées à représenter l'Hôtel seront payées mois par mois, toujours d'avance, sans aacune espèce de retenue, aux dépens dudit établissement, et à la diligence de ses administrateurs, par le trésorier de la commune dans laquelle le pensionnaire fera sa résidence.
« L'administration de l'Hôtel présentera, au Corps législatif, les moyens d'exécution du présent article, pour en obtenir l'approbation. »
Un membre fait sentir les inconvénients de l'attribution du payement, donnée aux trésoriers des communes, et il proposé d'en charger les receveurs de districts. ,
(L'Assemblée décrète l'article 16 avec cet amendement.)
Suit la teneur de l'article 16 :
Art. 16.
« Lès pensions destinées à représenter l'Hôtel, seroht payées mois par mois, toujours d'avance, sans aucune retenue, aux dépens dudit établissement, et à la diligence de ses administrateurs, par le receveur du district dans lequel le pensionnaire fera sa résidence.
« L'administration de l'Hôtel présentera au Corps législatif les moyens d'exécution du présent article, pour en ODtenir l'approbation. »
, rapporteur, donne lecture des articles 17, 18 et 19, qui sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :
Art. 17.
« Tout payement fait, par anticipation, à un invalide pensionné, sera regardé comme non-avenu.
Art. 18.
« Les trois quarts des pensions destinées à représenter l'Hôtel seront insaisissables, même pour fourniture d'aliments.
Art. 19.
« L'Assemblée nationale confie les invalides
pensionnés aux soins paternels de tous les fonctionnaires publics, et, plus particulièrement, à ceux des officiers municipaux et des procureurs des communes ».
, rapporteur. Voici l'article 20 :
Art. 20.
« Immédiatement après la réception du présent décret, le directoire du département de Paris s'occupera de la formation du tableau général des officiers, sous-officiers et soldats qui devront être admis à l'Hôtel national des militaires invalides ou à la pension destinée à le représenter.
Il se conformera, dans la composition de ce tableau, aux dispositions des articles suivants. »
J'observe qué les motifs dé l'attribution au directoire du département de Paris ont été la situation de l'Hôtel national des militaires invalides dans cette ville, et que la Constitution ne s'oppose point à cette délégation.
(L'Assemblée adopte l'article 20.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 21 du projet qui est ainsi conçu :
Art. 21
« Seront d'abord admis à l'Hôtel ou à la pension qui le représente :
« 1° Tous les invalides qui étaient retirés à l'Hôtel à l'époque du 28 mars 1791 ;
« 2° Les gendarmes retirés dans l'hospice militaire de Lunéville;
« 3° Les invalides formant les compagnies détachées qui seront réformées ;
« 4° Les invalides formant les compagnies détachées qui seront dans le cas prévu par l'article 2 du présent décret ;
« 5° Les officiers, sous-officiers et soldats actuellement en activité de service, tant dans les troupes de ligne et les gardes nationales volontaires, que dans les troupes et gens de mer qui se trouveront dans le cas prévu par ledit article 2;
« 6° Les invalides retirés dans les départements;
« 7° Les sous-officiers et soldats qui se sont retirés avec la récompense militaire ou le brevet de vétéran;
8° Les sous-officiers et soldats qui se sont retirés avec la solde ;
« 9° Les sous-officiers et soldats qui se sont retirés avec la- demi-solde, lesquels se trouveront dans le cas prévu par l'article 2 du présent décret.
« On observera d'accorder la préférence aux plus âgés de ceux qui auront été mutilés à la guerre,, jusqu'au dernier; ensuite, par rang d'ancienneté de service, en préférant, à égalité de service, ceux qui seront les plus âgés.
« Les invalides qui ont été admis à l'Hôtel depuis l'époque du 28 mars 1791, n'y seront conservés que s'ils réunissent les conditions prescrites par le décret dudit jour : dans le cas contraire, ils rentreront dans la classe dont ils faisaient partie à làdide époque du 28 mars, et ils ne concourront, pour être de nouveau admis à l'Hôtel, qu'avec les militaires de la classe dans laquelle ils se trouvaient. »
Un membre observe que le dernier paragraphe de cet article ne peut se concilier avec l'article 3 déjà décrété, et il propose de décréter que les invalides admis à l'Hôtel daouis l'époque du
28 mars 1791, et qui ne viendront pas en rang pour y être conservés, se retireront avec des pensions.
, rapporteur. A l'époque du 28 mars 1791, plusieurs invalides ont été admis, sans qu'il ait été vérifié s'ils avaient les conditions requises, et d'ailleurs l'article proposé n'ôte point aux invalides qui ne pourraient être conservés dans l'Hôtel national, le droit de demander des pensions, s'ils y sont fondés.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement et adopte l'article 21.)
La suite de la discussion est renvoyée à une autre séance (1).
La séance est levée à neuf heures et demie.
Séance du er
mars 1792,
PRÉSIDENCE DE M. MATHIEU DUMAS*
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 28 février Î792, au soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 29 février 1792, au matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des administrateurs composant le directoire du district de la Neuville, département du Loiret, et de la municipalité de la même ville. A cette lettre est joint un arrêté pris par ce directoire et par cette municipalité, a l'occasion du refus fait parle receveur du district de recevoir en paiement des contributions publiques les différents billets des caisses patriotiques, d'où il résulte que les contribuables qui offrent de payer leur part de contribution, ne peuvent se libérer.
(L'Assemblée renvoie la lettre et l'arrêté au comité de l'ordinaire des finances.)
observe que les mêmes plaintes ont été présentées par un directoire de district du département d'Eure-ét-Loir et il demande que le comité de l'ordinaire des finances, à qui les pièces ont été renvoyées, fasse au plus tôt un rapport sur cet objet.
Je ne crois pas que l'Assemblée puisse s'occuper de l'adresse d un district qui ne porte pas le visa du département.
(L'Assemblée décrète que le comité de l'ordinaire des finances fera incessamment un rapport sur cette affaire et sur toutes celles de même nature qui lui sont déjà renvoyés.)
2° Lettre du sieur Hébert, tenant la maison de commerce d'échange général
rue des Cinq-Dia-ments, à Paris, qui propose l'achat de 40,000 fusils eh
bon état prêts à faire feu, et garnis de leurs baïonnettes, à raison de
10 livres 10 sous pièce ; cette lettre est ainsi conçue :
« Je suis avec respect, etc.
« Signé: hébert. »
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Hébert au pouvoir exécutif.)
Voici une lettre de M. Louvet, notre collègue, qui annonce le décès de M. Quillet député du département de la Somme. ,
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationalè vient de perdre un de ses membres dans la personne de M. Quillet, député du département de là Somme. Il est mort la semaine dernière après 15 jours d'une fièvre brûlante, durant laquelle cet honnête cultivateur, ce bon citoyen, n'a pas cessé un instant de témoigner son zèle pour le bien public, l'intérêt dominant dont il était animé pour le succès des travaux et pour la gloire de l'Assemblée. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien annoncer cette perte à l'Assemblée, et faire décréter la députation d'usage.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : louvet. »
(L'Assemblée témoigne sort regret sur la perte qu'elle vient dé faire, et décide qu'une députation de 24 de ses membres assistera aux.obsèques de M. Quillet, qui doivent se faire ce soir à 7 heures.)
' Un membre : Tous les jours on nous apprend la mort d'un collègue avant d'être Instruit de sa maladie.- Il me semble qu'il devrait régner entre nous plus d'intimité. Je voudrais que l'Assemblée fût avertie lorsqu'un de nous est malade, afin qu'elle pût lui envoyer une députation pour lui rendre les bons offices de la fraternité. "
Un autre membre : Et moi je voudrais qu'il y eût toujours un médecin dans la députation.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur ces propositions.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettrés suivantes :
1° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui soumet à l'Assemblée nationale une question relative au droit d'enregistrement des adjudications-au rabais de la perception des contributions foncière et mobilière et deâ cautionnements qui sont fournis par les adjudicataires.
(Cette lettre et le mémoire y joint sont renvoyés au comité de l'ordinaire des finances.)
2° Lettre de M. tarbé, ministre des contributions publiques, à laquelle est joint un mémoire sur une question relative au droit d'enregistrement des contrats de constitution des tentes viagères créées par l'édit du mois de décembre 1785.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire y joint au comité de l'ordinaire des ^finances.)
3° Lettre et pétition du sieur Brochet de Saint-Prest, qui réclame la liquidation des appointements qui lui sont dus, comme ancien maître des requêtes.
(L'Assemblée renvoie cette réclamation au comité de liquidation.)
, au nom des comités militaire et des domaines réunis, fait une troisième lecture (1) du projet de décret sur la demande de la municipalité, de Mort, relative à Valiénation du château de cette ville et la revision des postes militaires. Cè projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que le château de Niortj chef-lieu du département des Deux-Sèvres, a été classé, par erreur, parmi; les postes militaires à conserver et que la municipalité de cette ville en a fait l'acquisition pour le faire servir au logement du tribunal criminel et des prisonniers, décrète :
« Art. 1er. Le château de Niort est rayé du
tableau des postes militaires conservés, et la vente qui en a été faite
à la municipalité, par décret du 13 avril 1791, pour la somme de 68,033
livres, aura son plein et entier effet.
« Art. 2. Les comités militaire et des domaines sont chargés de présenter, d'ici à trois mois, un projet dé décret tendant à faire distraire du tableau des postes militaires de l'intérieur tous ceux dont la nécessité ne sera pas rigoureusement démontrée, et dont l'aliénation pourra être utile à la nation »
(L'Assemblée décide qu'elle est en état dé prononcer définitivement et adopte le projet de décret qui formera deux décrets distincts, l'article 2 n'étant pas sujet à la sanction.)
Suit la teneur de ces deux décrets :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que le château de Niort, chef-lieu du département des Deux-Sèvres, a été classé, par erreur, parmi les postes militaires conservés et que là municipa-ité de cette ville en a fait l'acquisition'pour y placer le tribunal criminel et les prisons ;
« Après avoir ouï le rapport de son comité militaire et les trois lectures du projet de décret faites les 31 janvier, 7 février et ce jourd'hui ;
« Décrète que le château de Niort est rayé du tableau des postes militaires conservés, et que la vente qui en a été faite à la municipalité, par décret du 13 avril 1791, aura son plein et entier effet. »»
, rapporteur, donne ensuite lecture du second décret.
Second décret.
« L'Assemblée nationale décrète que les comités militaire et des domaines
présenteront,
Je rappelle la motion déjà faite plusieurs fois que l'Assemblée veuille enfin s'occuper de la question de la vente des forêts nationales, dans lesquelles il se commet journellement des déprédations immenses. La France perd chaque jour dés millions. Le rapport qui doit être fait sur leur aliénation ou leur administration rend le rapport plus instant. Je demande que ce rapport soit mis à l'ordre du jour de suite.
(L'Assemblée décrète que le rapport sur l'aliénation des forêts nationales sera mis à l'ordre du jour de la séance de demain.)
Il y a plus de deux mois (1) que ie priai l'Assemblée de prendre en considération la situation malheureuse de plus de 3 millions de citoyens connus sous le nom de fils de famille dans les pays régis par le droit écrit. Plusieurs voulaient que l'on adoptât mon projet de décret à l'instant; beaucoup insistèrent pour que l'on ajournât cette question à trois jours, et enfin le comité de législation fut chargé d'en faire son rapport incessamment. On n'en a pas fait mention depuis ; et cependant cette question esi l'une des plus simples et des plus importantes que nous ayons à traiter. 11^ s'agit uniquement de sàvoir- si des hommes âgés de plus de 25 ans, dont quelques-uns se trouvent même dans un âge fort avancé, et qui sont pour la plupart époux et pères, doivent être encore considérés par la loi comme des enfants. S'ils peuventètr^propriétaires, disposer librement de ce qu'on leur donne et de ce qu'ils ont acquis; si la Déclaration des droits de l'homme et la Constitution leur sont des titres communs avec tous les Français; et enfin s'ils sont nos égaux, oui et non»',
Il s'agit uniquement de faire cesser, par une déclaration claire et positive, l'abus le plus monstrueux qui ait pu survivre à l'ancien régime, abus qui est réellement aboli par la Constitution, dont on feint de méconnaître à, cet égard le texte précis et formel.
J'offre de prouver contre tous ceux qui ont intérêt de défendre la.loi romaine sur ce point, qui cherchent à l'obscurcir en la compliquant, et qui . veulent fatiguér l'Assemblée, pour la porter plus aisément à passer à l'ordre du jour : 1° que les dispositions de cette loi, bien loin d'être favorables à la puissance paternelle, l'anéantissent, en y substituant l'autorité de l'aïeul sur les petits-enfants ; ce qui est le plus étrange'renversement de l'ordre naturel et social ; que si elles sont bonnes, il faut les rendre communes à tout l'Empire ; ce qui, à coup sûr, ne sera proposé par personne ; et que si elles sont mauvaises, elles ne doivent pas subsister plus longtemps.
2° Enfin, que cette question ne doit pas être renvoyée à l'époque ae la
formation ae notre Code civil, parce qu'il ne s'agit point ici de la
manière de transmettrè une propriété quelconque, mais du droit de
propriété lui-même, qui est établi par la Constitution, sur lequei nous
n'avons d'autre attribution que celle d'en maintenir la jouissance, et
que le roi ne peut avoir la faculté de paralyser par un veto.
et plusieurs membres. A l'ordre du jour !
J'appuie la proposition de passer à l'ordre du jour. Il faut ignorer les premiers éléments du droit romain pour vous proposer une loi partielle sur cet objet. Je ne veux point ici, me rendre le défenseur de la puissance paternelle. C'est au comité de législation à l'envisager dans son objet et dans ses effets. Mais tous ceux qui connaissent le droit romain vous diront, comme moi, que la puissance paternelle est la base et la source de toutes les lois sur l'état dès pérsonnes; Si vous dérangez cette pierre (Murmures.), tout l'édifice tombe. Je ne doute pas qu'il faille modifier la puissancé paternelle, mais vous ne pouvez point faire de lois partielles avant que le travail de votre comité de législation soit mis à l'ordre du jour.
J'ai entendu, avec douleur, dire que le Code civil hé paraîtrait pas avant la fin de cette législature. (Murmures.) 11 importe cependant dé donner le pltis prompte-ment possible de bonnes lois à la France. Je propose qu'il soit décrété une couronne civique à celui des membres de l'Assemblée nationale qui, d'ici à 6 mofei présentera seul un projet de Code civil ou une médaille si c'est un étranger. Mais enfin, s'il est vrai qué la législature ne puisse pas terminer le Code civil avant la fin de sa session, je demande que l'on statue sur l'état des enfants de famille le plus promptement possible.
Voix diverses : La discussion fermée! L'ordre du jour !
(L'Assemblée ferme la discussion, et passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de marine, fait un rapport sur divers objets soumis à l'Assemblée par le ministre de la marine ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le comité de marine m'a chargé de vous présenter son avis sur les diverses objections qui vous ont été faites par le ministre de la marine, relativement aux traitements des officiers de marine ; '
1° Sur la question proposée par le commissaire liquidateur, si les traitements attribués'aux officiers de la marine, tant généraux que simples capitaines ou lieutenants, a titre de supplément des appointements de leur grade, et à cause des places ou emplois relatifs à l'administration confiée à ces officiers, doivent être regardés comme les véritables appointements et entrer dans la fixation de leur pension de retraite.
Le comité a été d'avis qu'aux termes de l'article 18 du titre 1er du décret du 3 août 1790, portant qu'il ne sera jamais accordé de pension au delà du traitement dont on jouissait, il s'explique d'une manière formelle a cet égard. Vôtre comité m'a chargé,en conséquence, de vous proposer de décréter qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur lés propositions du ministre.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette question.)
, rapporteur. 2° Le ministre de
la marine demande si, malgré la loi du 11 février 1791, sur les dépenses a faire pour l'escadre de l'Amérique, il peut faire acquitter à M. Gé-rardin, capitaine de vaisseau, les sommes crue le roi a réglees pour le traitement de table des 4 commissaires civils et d'un intendant des Colonies, qu'il embarqua par ordre du gouvernement.
Mais, d'autant que la loi du 11 février ne peut avoir un effet rétroactif, et le pouvoir exécutif étant suffisamment autorisé à prononcer une décision économique sur la réclamation de M. Gé-rardin, le comité a pensé qu'il n'y avait pas non plus lieu à délibérer.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette question;)
, rapporteur. Messieurs, je passe maintenant au troisième objet.
L'article 1er du - titre Ier du décret du 3 août 1790, relatif aux pensions, gratifications et autres récompenses nationales, s'exprime ainsi :
« L'Etat doit récompenser les services rendus au corps social, quand leur importance et leur durée méritent ce témoignage de reconnaissance. La nation doit aussi payer aux citoyens le prix des sacrifices qu'ils ont faits à l'utilité publique. »
En rappelant, Messieurs, les dispositions de cette loi, je viens fixer votre attention sur un homme célèbre; je viens offrir à votre générosité une occasion, toujours précieuse à des cœurs reconnaissants, d'en faire la plus heureuse application.
L'ingénieur général de la marine, vrai patriote, qui honore la nation française par son génie inventif; qui l'a enrichie par ses travaux et ses longs sèrvices; qui doit encore augmenter son éclat et sa prépondérance dans le département de la marine, par des nouveaux plans d'économie et d'amélioration, par des établissements, dont l'utilité, la durée, la magnificence n'aurait d'autre objet de comparaison, que les ouvrages mêmes de cet artiste célèbre; m. Groi-gnàrd, enfin, est le citoyen distingué qui vous soumet, par mon organe, une bien légitime réclamation.
La fameuse forme, au bassin de Toulon, regardée comme impraticable, et dont M. Laurent, habile architecte, n'osa entreprendre la construction, malgré l'offre que lui fit le gouvernement d'une gratification d'un million de livres, ne sera pas le seul monuméht de sa gloire.
Si vous le permettez, Messieurs, j'aurai l'honneur de vous présenter, en très peu de mots, Ténumération rapide des succès, des immenses travaux et des actes de dévouement, dont la nation française est redevable à M. Groignard.
En me Chargeant de lui donner ce témoignage de la bienveillance publique, comme une partie de la récompense qui lui est duè, votre comité, Messieurs, a pensé que ce premier tribut de reconnaissance offert devant les représentants d'une grande nation, ialoux dé protéger et d'en-bou rager les arts et les progrès des sciences, serait dans tous les temps, pour ce citoyen et pour sa postérité, le titre le plus glorieux et le plus honorable.
Mais, votre comité a considéré en même temps, sous lé rapport du bien général, l'effet politique et moral que doit produire sur des hommes libres, sur des hommes égaux en droits, sur des
Français régénérés gui ne veulent et n'auront désormais cFautres titres à faire valoir que leurs lumières et leurs vertus, un hommage public rendu aux talents supérieurs et au patriotisme. Tous les citoyens de l'Empire, n'en doutez pas, Messieurs, chercheront, à l'envi, à mériter de pareils éloges en consacrant leurs veilles et leurs travaux au service de la patrie ; car le temps est venu où les hommes, qui se rendent essentiellement utiles, doivent être distingués et honorés dans le sein du Corps législatif.
Au sortir de ses premières études, après un examen rigoureux sur les mathématiques et les sciences exactes, M. Groignard remporta deux prix à l'Académie des sciences, dont il est membre, et annonça, dès lors, qu'il était fait pour atteindre à la plus haute réputation.
Dès son début au service de l'Etat, il voulut faire plusieurs campagnes sur mer, non pour son avancement particulier, il n'avait alors aucun grade dans la marine, et ne pouvait se flatter encore d'être admis dans ce qu'on appelait le grand corps; mais pour combiner les leçons de pratique avec celles de la théorie, dans laquelle il était déjà supérieur et en consacrer le fruit à l'utilité générale. De là 40 vaisseaux de ligne, 20 frégates, 4 flûtes construits par ses soins et d'après ses plans; 20 vaisseaux ae différentes grandeurs pour la compagnie des Indes; un très grand nombre de navires de commerce et de course, d'une marche supérieure, par ordre du roi, et sans aucune espèce de rétribution, des prames, des bâteaux plats, des chaloupes canonnières, de nouvelle invention, les plus propres à assurer un débarquement formidable; un zèle actif, infatigable pour le salut de la patrie, pour la gloire de nos armes, dans plusieurs occasions importantes et décisives, telles que le bombardement du Havre par les Anglais, qu'il contribua à repousser au moyen des batteries flottantes qu'il imagina sur-le-champ; telles que les préparatifs de la descente en Angleterre en 1779 et 1780 ; telles que l'embarquement de l'armée de M. de Rochambeau, effectué sous ses ordres avec autant de célérité que d'économie; la restauration de trois vaisseaux neufs de 74 canons, le Scipion, l'Hercule et le Plutorii qui ayant été manqués à Rochefort, ne pouvaient tenir la mer, faute de stabilité et de capacité; le sauvetage dans une circonstance précieuse de tous les effets et de l'artillerie a'un vaisseau espagnol, qui eût péri. , complètement sans son secours; le nouveau plan de travail et l'emploi du château, de Brest, destiné au service de la marine, d'après ses pressantes observations, procurant une économie annuelle de plus d'un million dans les dépenses de cet arsenal ; des réparations et reconstructions de toute espèce dans plusieurs autres parts du royaume; le dessablement du grau d'Agde à l'embouchure de la rivière d'Hérault; des remarques savantes et judicieuses sur la Hogue et Cherbourg; des moyens économiques qu'il a découverts pour conserver les bois et prolonger la durée dé nos vaisseaux; plusieurs constructions pour la Hollande, notre alliée, par ordre du gouvèrnement, et néanmoins sort refus constant de s'y rendre en personne, comme aussi d'accepter les offres les plus séduisarttés de la part de plusieurs autres puissances maritimes;l'amélioration du bassin de Brest; son assiduité, ses avis éclairés dans les comités et lés conseils de la marine, pendant sa résidence à Paris, sans aucun traitement pour cet objet.
Enfin, Messieurs, l'accident d'une chute périlleuse qui l'a presque privé de l'usage de ses jambes, en voyageant pour le service de l'Etat,. sont autant de titres légitimes qui attestent à la fois et la juste célébrité dont jouit M. Groignard, et son droit incontestable à la reconnaissance nationale. Le roi la lui avait assurée ; la nation en confirmera, sans doute, la jouissance, car ses représentants ne seront pas moins équitables que le roi.
Sur cet exposé, dont la notoriété vous est connue, et d'ailleurs attesté, dans les termes les plus honorables, par les lettres du prince, votre comité de la marine, Messieurs, n'a pas mis en question, s'il était dû ou non, une récompense au citoyen recommandable qui nous occupe. Par un élan de gratitude, il a été déterminé par l'affirmative, convaincu que tous les membres de l'Assemblée partageraient ce sentiment.
Indépendamment des appointements que M. Groignard recevait en sa qualité d'ingénieur général de la marine, avec rang de capitaine de vaisseau, il jouissait encore a'une pension de 6,500 livres qui lui avait été assuree à vie, à titre de gratification pour la construction de son bassin. C'est sur cet objet que porte sa réclamation,
Vous jugez bien, Messiëurs, que cette gratification si justement acquise, n'était pas de nature à figurer dans le Livre-rouge. Vous jugez aussi que le ministre qui lui en expédia le brevet, ne prit point pour mesure, à l'égard de ce pensionnaire, les exagérations, ou plutôt les prodigalités ae l'ancien régime. On peut même aire qu'il réduisit la fixation de cet objet jusqu'à la parcimonie, si l'on considère que l'on avait offert inutilement un million pour le même ouvrage; mais ceci s'explique d'un seul mot : M. Groignard, malgré son rare mérite, malgré ses importants services, était cependant réputé un intrus dans le grand corps; et vous ne savez que trop, que les faveurs et les prodigalités de la cour étaient l'apanage exclusif de la noblesse et de quelques intrigants intermédiaires.
Quoiqu'il en soit, M. Groignard aura bien au-* jourd'hui, en conséquence des décrets et en sa qualité d'ordonnateur civil, les appointements fixes dont il jouissait ci-devant, suivant l'article 10 de la loi du 28 septembre portant que « les officiers civils d'administration qui, par l'effet de la nouvelle organisation, occuperont une place dont les appointements seront inférieurs à ceux qu'ils avaient auparavant, recevront par forme de supplément, le montant de la différence de leurs anciens appointements aux nouveaux. »
Mais sa pension de 6,500 livres, ce prix bien légitime, bien mérité de son ouvrage de Toulon, de ce bassin qu'un fameux artiste refusa avant lui d'entreprendre pour un million, demeurera absolument éteinte, si vous n'accordez au réclamant la même justice que l'Assemblée constituante a accordée à deux autres artistes renommés, MM. Perronnet et Gauthier, en faveur desquels il a été rendu deux décrets particuliers les 4, 6, 19 et 30 août 1791, portant exception à la loi du 23 août 1790, suivant laquelle nul ne peut recevoir en même temps une pension et un traitement.
Or, Messieurs, très certainement, votre intention n'est point d'appliquer à M. Groignard la rigueur de cette loi ; votre intention n'est point de le traiter moins favorablement que des confrèr
çais dans une terre étrangère, et dont l'autre a rendu dés services essentiels à la nation. Refuser au réclamant la même exception qu'ils ont obtenue, ce serait diminuer l'éclat de sa réputation, et c'est à quoi l'homme de talent est leplus sensible. Votre intention n'est point de lui donner cette mortification. Vous voulez, au contraire, le gratifier convenablement, l'attacher davantage à la patrie et à la gloire de la marine française; et pour cela nous ne vous demandons que de lui conserver sa pension viagère, afin que son traitement actuel ne soit pas moindre en totalité que celui dont il jouissait sous l'ancien régime et que l'on ne puisse pas accuser notre glorieuse Révolution, de méconnaître les talents et les services distingués ; qualités précieuses, titres réels qui on enfin pris la place de ces distinctions Chimériques et immorales, enfantées par l'ignorance et proposées par l'orgeuil et la tyrannie.
Je dois cependant vous observer, Messieurs, qu'outre les appointements fixes, attachés au grade d'ordonnateur civil, le décret d'application, relatif aux officiers civils et militaires de la marine, attribue une supplément mobile pour l'officier, tel qu'il soit, qui remplira en personne , les fonctions d'ordonnateur, soit pour les peines et soins extraordinaires, soit pour le loyer de l'Hôtel, fixé au dixième du traitement total du titulaire, soit pour la représentation que cette place exige. M. Groignard, exerçant en personne les fonctions dont il s'agit, ayant à sa charge le loyer et la représention d'ordonnateur, aura droit à ce supplément réversible. Mais il passera à celui qui le remplacera momentanément, pour quelle cause que ce soit ; et c'est bien ici le lieu d'observer que M. Groignard, plus souvent que tout autre, sera dans le cas de s'absenter, soit pour se rendre auprès du ministre, soit pour aller dans tout autre port de l'Empire, développer et faire exécuter lui-même ses vues patriotiques et ses projets d'amélioration. Ainsi, ce supplément, dont je viens de parler, ne tournera jamais à son profit, et ne sauraitêtre considéré, dans aucun cas, comme devant faire partie de son traitement.
Sa réclamation, comme je l'ai déjà dit, se réduit donc à la pension de 6,500 livres que votre comité, Messieurs, vous propose de réunir aux appointements fixes, pour en assurer la jouissance à M. Groignard, à l'exemple de ce qui a été décrété à l'Assemblée constituante en faveur de MM. Péronnet et Gauthier.
Cet acte de générosité est digne de la munificence de la nation que vous représentez.
Au reste, M. Groignard n'a rien perçu, ni de ses appointements, ni de sa pension, depuis le lor octobre dernier. Plein de confiance dans votre justice, il se flatte que vous voudrez bien ordonner le payement sur l'ancien pied, et c'est ce que votre comité m'a chargé de vous proposer.
Voici le projet de décret que j'ai communiqué au comité ae liquidation :
Décret d'urgence. .
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité de la marine, des travaux importants et utiles, des services distingués et continus pendant 46 années, dont la nation est redevable à M. Groignard, ingénieur général de la marine, et ordonnateur civil au département de Toulon ;
« Considérant, qu'en conséquence de l'article
1er du titre 1er
de la loi du 23 août 1790, relative aux pensions, gratifications et
autres récompenses nationales, « l'Etat doit récompenser les services
rendus au corps social, quand leur importance et leur durée méritent ce
témoignage de reconnaissance; » Et que, « la nation doit aussi payer aux
citoyens le prix des sacrifices qu'ils ont fait à l'utilité publique. »>
« Reconnaissant que M. Groignard est dans le cas de l'application exacte des dispositions de cette loi, et que les Ouvrages utiles et durables qui attestent sa célébrité, lui ont acquis des droits positifs à la reconnaissance nationale, ainsi qu'un traitement particulier, à titre de récompense, pour prix des sacrifices qu'il a faits à l'utilité générale;
« Considérant, que l'empressement des représentants de la nation à acquitter cette dette sacrée, en doit être le témoignagne le plus flatteur et le plus honorable pour celui qui en est l'objet, et qu enfin, il importe à l'ordre public d'accélérer l'organisation de toutes les parties du département de la marine ; décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine, et après avoir déclaré l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le3 appointements fixes de M.
Groignard, ordonnateur civil au département de la mariné, seront les
mêmes que ceux dont il jouissait ci-devant, en sa qualité d'ingénieur
général, en conformité de l'article 10 de la loi du 28 septembre 1791.11
aura, entre autre, une forme de rente viagère, et à titre de
gratification, la somme de 6,500 livres, pour lui tenir lieu de la
pension de même somme qui lui avait été accordée à vie, et qui, aux
termes de la loi du 23 aoû 1 1790, demeure supprimée.
« Art. 2. Ce traitement sera indépendant du supplément affecté aux fonctions d'ordonnateur, lequel supplément demeurera réversible, en conformité du décret d'application relatif aux fonctions administratives du département de la marine, et susceptible de réduction, d'après le plan général de réforme et d'économie qui pourra être adopté.
« Art. 3. Le dernier quartier de l'année 1791, et la partie du premier
quartier de la courante année 1792, jusqu'au jour où M. Groignard
prendra possession de son nouvel emploi, lui seront payés sur le pied du
traitement déterminé par l'article 1er
ci-dessus. »
Je conviens que M. Groignard a des droits assurés à la reconnaissance de la nation; mais je demande, attendu qu'il s'agit, dans le projet du comité, d'un privilège pécuniaire, qu'on décrète l'impression du rapport et du projet de décret, afin que tous les membres de l'Assemblée puissent connaître les motifs sur lesquels les dispositions du comité sont fondées.
J'appuie cette pro~ position parce que les membres de l'Assemblée, en Voyant le détail des services rendus: par M. Groignard, se détermineront sans peine à lui accorder ce que le comité propose.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret du comité de marine et ajourne la discussion.)
;Les commissaires arrivés de la Martinique, et contre lesquels on a cherché à
vous prévenir, ont rendu au ministre de la marine un compte qu'il est très important que l'Assemblée nationale connaisse. Le compte a été rendu il y a 15 jours, et l'Assemblée doit être étonnée de n'en avoir nulle connaissance. Les commissaires le sont eux-mêmes. Leur intention est que le Corps législatif connaisse et éclaire leurs démarches. Je demande que l'Assemblée nationale ordonne à ces commissaires de lui rendre le compte que le ministre de la marine n'a pas daigné lui communiquer.
J'adhère bien à la motion, mais je rappelle à l'Assemblée qu'elle a ordonné au ministre de la marine de lui rendre ce compte; il faut que M. Bertrand commence à obéir, et je fais la motion que s'il ne le fait pas d'ici à demain, il soit mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite.
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour, attendu que le délai de e jours accordé au ministre n'est point expiré (1).
Je demande la lecture du décret.
Un de MM. les secrétaires : Voici le décret, il est du 22 février :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la marine lui rendra compte, dans la huitaine,, par écrit, de la mission des commissaires civils envoyés aux lles-du-Vent, et revenus à Paris, et de tous les faits y relatifs, et ajourne le rapport du comité colonial aussitôt après le compte rendu par le ministre de la marine. »
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)-
Un membre : Par un décret du 31 décembre dernier, il est porté que les comités des finances S'oCcuperont sans délai de Y examen des recettes et des dépenses publiques, indiqueront les abus qui auraient pu s'introduire dans les différentes parties des finances, proposeront les moyens d'économie qu'ils jugerontconvenables,et présenteront à l'Assemblée nationale, le 1er mars au plus tard, le tableau général de leurs opérations. Je demande^ en conséquence, que ce rapport si essentiel des comités des finances soit entendu.
(L'Assemblé décrète le renvoi de cette motion à la commission centrale pour, l'objet sur lequel elle porte, être mis à l'ordre du jour de la séance de samedi matin.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (2) du projet de décret du comité diplomatique sur la lettre de Vempereur Léopold, écrite au roi en conséquence du conclusum de la diète générale de V Empire.
(3). Messieurs, s'il fallait porter au tribunal de la philosophie les réclamations des princes possessionnés, elle n'offriraient ni une décision difficile, ni un succès incertain. La souveraineté française est fondée sur les droits sacrés de l'homme et des peuples, et de pareilles vérités sont si évidentes, qu'en voulant les prouver, je croirais faire injure aux législateurs de la France.
C'est donc sous un autre point de vue que la question doit être examinée
; c'est dans le système adopté par l'Assemblée constituante, par le roi,
par la diète de Ratisbonne, par le chef de l'Empire.
Faits principaux.
Le 4 août 1789, la féodalité est supprimée. Les princes et les seigneurs étrangers, possessionnés en Alsace, réclament contre cette suppression. Le roi demande leurs titres et les invite à envoyer une personne chargée de discuter, avec son ministre, les indemnités gue la France est disposée à leur accorder. Son invitation est du mois de mai 1790.
Le 12 juillet suivant, la loi sur les rapports extérieurs du culte catholique ën Francè priva quelques électeurs ecclésiastiques et quelques autres évêques étrangers d'une partie de leur juridiction épiscopale ou métropolitaine.
Le. 28 octobre, l'Assemblée constituante décréta que le roi serait prié de faire négocier une détermination amiable des indemnités, et même l'acquisition des biens, en comprenant, dans leur évaluation, les droits seigneuriaux et leur féodaux, qui existaient à l'époque de la réunion de l'Alsace à la France.
Peu de temps après, le roi exprime de nouveau le désir d'une négociation active. Il assure que la plus parfaite équité y présidera, et que les conditions de l'accommodement ne laisseront rien à désirer.
Quelques doutes s'élèvent sur des possessions situées hors des départémehts du Haut et du Bas-Rhin, qui forment l'ancienne Alsace. L'Assemblée nationale décrète que les princes d'Allemagne recevront les mêmes indemnités, pour les terres situées dans les autres départements du royaume. Elle ajoute que son intention est de comprendre, dans ces indemnités, la non-jouissance des droits, depuis l'époque de leur suppression, jusqu'à celle où leur remboursement sera effectué.
Deux ou trois princes consentent à la négociation, les autres s'y refusent ; et, pour toute réponse, ils implorent contre nous l'appui de l'Empire.
L'empereur écrit au roi; le roi renouvelle ses offres : les princes possessionnés persistent dans leurs réclamations ; la diète de Ratisbonne les accueille; elle demande la ratification de son conclusum à Léopold ; Léopold l'accorde ; il proteste contre les mesures prises par la France, et demande la régénération plénière, ce sont ses termes, des privilèges féodaux.
Sur quels fondements la diète et l'empereur établissent-ils leurs prétentions ? Us nous accusent d'avoir trahi les engagements contractés à Munster, à Nimègue, à Riswick, à Bade, à Vienne. Je vais prouver que leur condamnation est écrite dans chaque ligne, des titres mêmes qu'ils invoquent. .
Avant de pénétrer dans cette importante discussion, qu'il me soit permis de bien déterminer le sens ae quelques mots, et de rappeler quelques principes.
De la noblesse et de la féodalité en Allemagne.
L'Allemagne est le pays de= l'Europe où la féodalité a poussé; de plus profondes racines. Le trône même de l'Empire y est féodal, et les différents degrés de la hiérarchie nobiliaire sont les hases sur lesquelles repose la Constitution germanique. On a même vu, dans le temps où les théologiens démontraient, avec tant a'évi-
dence, que l'opulence èila domination des pontifes était la conséquence naturelle de la pauvreté et de l'humilité du fondateur du christianisme, on a vu les papes, se conformant aux mœurs politiques de 1 Empire, soutenir qu'il devait être un fief du Saint-Siège, et se faire peindre ayant à leurs pieds lês empereurs qui prêtaient nommage en vassaux respectueux.
La noblesse s'y divise en plusieurs classes (1).
L'empereur seul forme la première ; les autres sont graduellement composées des princes ecclésiastiques et des évêques, des ducs, des princes séculiers, landgraves, margraves, comtes ; des barons ou nobles attachés aux princes par un emploi civil, ou dépendants d'eux par la possession d'un fief non-nobiliaire, d'hommes libres, enlin, qui n'étant pas nés dans l'ordre de la noblesse, y sont entrés par des acquisitions ou des services féodaux (2).
Cette division n'est pas la seule que l'orgueil ait établie : il a encore séparé la noblesse eh médiate et immédiate.
De la noblesse immédiate.
Celle-ci ne reconnaît aucun intermédiare entré elle et l'Empire; elle est directement dépendante de son chef: la noblesse médiate dépend, au contraire, dans l'ordre de la féodalité, d'un suzerain placé entre elle et l'empereur. La noblesse immédiate entrait autrefois dans les diètes, et concourait aux lois générales de l'Empire; mais elle a cessé d'y être admise depuis le règne de Maximilien premier (3).
Elle se divise en trois arrondissements, qui, tous, ont un directoire particulier, élu et renouvelé chaque année- Un de ces arrondissements est celui du Rhin : il comprenait l'Alsace, avant qu'elle fît partie dé j'Empire français.
Les privilèges étant territoriaux, la médiateté ou l'immédiateté s'attachent à la possession doma-nia'e.
Mais ces privilèges, que notre langue esclave appelait des droits, et que nous avons enfin appelés des usurpations, donnent-ils d'autres avantages que celui que la vanité trouve à dépendre immédiatement du chef de l'Empire,au lieu d'être soumis envers un autre noble, au landgraviat, c'est-à-diré à la subordination féodale au propriétaire, envers celui qui exerce sur ses domaines une supériorité territoriale?
L'empereur, qui jouissait autrefois d'un grand pouvoir, en perdit
beaucoup dans les divers changements qu'éprouva la Constitution
germanique. La juridiction qu'il exerçait sur les Etats, fut prise par
les Etats eux-mêmes. Us s'approprièrent en même temps tous les droits
régaliens; et après d'inutiles efforts pour les leur ravir, l'empereur
fut obligé de paraître donner ce qu'il ne pouvait reprendre. Alors,
aussi, s'éleva un système de confédération entre les électeurs, les
princes, les villes libres et impériales, la noblesse
Supériorité territoriale; droits régaliens ; souveraineté.
Mais que faut-il entendre par la supériorité territoriale? Devons-nous la confondre avec l'immédiateté ? Devons-nous également confondre les droits régaliens et la souveraineté?
L'immédiatëté doit être distinguée de la supériorité territoriale, comme les droits régaliens doivent l'être de la souveraineté. La souveraineté rend indépendant; l'immédiateté détermine et borne la dépendance : la supériorité territoriale et le pouvoir régalien en expriment l'usage. L'immédiateté est un rapport de l'inférieur avec le supérieur, d'un noble avec le chef de l'Empire ; les autres droits sont, au contraire, des rapports descendants, si je peux m'exprimer ainsi, des rapports d'un seigneur avec ses vassaux.
La souveraineté en Allemagne appartient au corps germanique, dont l'empereur est le chef. L'Empire a de grands et de petits vassaux. Les grands vassaux sont ceux qui possèdent des fiefs avant les droits régaliens, comme lever des troupes; déclarer la guerre, faire la paix, contracter des alliances, faire battre monnaie, etc. Ceux dont les fiefs ne procurent pas ces droits, sont de petits vassaux.
Le traité de Westphalie, invoqué contre nous par les princes possessionnés, et une des bases fondamentales de la Constitution actuelle de l'Allemagne, distingue les droits régaliens de la supériorité; et, en effet, dans les principes de la jurisprudence germanique, les régaliens tiennent au droit féodal, et on les reçoit par une investiture de l'empereur, tandis que la supériorité, successivement acquise par les différents Etats, peut être regardée comme tenant au droit public. On les possède même féodalement dans les terres allodiales. Ainsi les électorats, les duchés, les régaliens.
Aucun d'eux néanmoins n'investit de la souveraineté. Le traité de Westphalie tracé eneore d'une manière précise les droits qui appartiendront aux électeurs, aux princes, aux Etats de l'Empire. Leurs anciennes libertés et prérogatives y sont confirmées, ainsi que leurs droits régaliens et seigneuriaux ; mais il reste toujours au-dessus d'eux l'exercice et le pouvoir de la suprématie absolue.
il ne faut pas confondre cette suprématie ou la souveraineté avec la supériorité territoriale ; une pareille confusion supposerait l'ignorance du droit germanique, et jetterait dans la discussion une inextricable obscurité. On a déjà cité un passage d'Obrecht, jurisconsulte célèbre, où leur différence est bien exprimée. Il y soumet et subordonne ra supériorité, territoriale dans l'exercice de tous ses droits au domaine suprême ou la souveraineté. Un autre publiciste célèbre-d'Allemagne, R. G. Struvius n'atteste pas moins expressément la subordination de l'une, et l'indépendance de l'autre. Nec eadem est superiori-tas, dit-il, cum jure suprematûs (la souveraineté) quce illis saltem competit qui à solo Deo dépendent, superiorem non adgnoscunt; nec jura majes-
tatis, ajoute-t-il, statibus imperii sunt tribucnda, cum prater vassallagium, legibus œque atque man-datis imperii subjiciantur (t). Ainsi, la supériorité territoriale n'est pas le dernier anneau de la chaîne politique. Les droits dont elle jouit envers ses inférieurs, le souverain les exerce sur elle. L'empereur et l'Empire peuvent, par exemple, comme M. Mailhe vous l'a observé, contredire ou forcer la volonté d'un électeur ; ils peuvent, sans son consentement, lever des troupes dans ses Etats, y construire une forteresse; ils peuvent même s'opposer à ce que l'électeur fasse, sans leur approbation, ce qu'ils ont le droit de faire malgré lui.
Tous les droits ont été donnés à la France par le traité de Westphalie.
Ces principes posés, il ne sera pas difficile d'en faire l'application.
De quoi s'agit-il entre la France et l'Empire?
L'Alsace qui, autrefois, nous avait appartenu, et qui depuis le xnie siècle, appartenait à l'Autriche, redevient une possession française par le traité de Westphalie. A quel titre, sous quelles conditions le redevient-elle ?
J'ouvre ce traité.
Après avoir cédé à la France irrévocablement, et a perpétuité, tous les droits possibles sur Metz, Toul, Verdun, et sur les terres formant le diocèse de ces trois évêchés (Art. 70), l'Empire et l'empereur, tant en son nom, qu'au nom de la maison d'Autriche, lui cèdent «gaiement tous les droits, propriétés, domaines, possessions, juridictions, qui jusqu'ici leur ont appartenu, sur Brisac, le Suntgau, le Landgraviat des deux Alsâces, la préfecture des 10 villes impériales qui y sont situées, et de tous les lieux qui en épendent. (Art. 73 et 74.) L'article suivant annonce que la cession comprend tous les vassaux, landsesses, sujets, hommes, villeSj bourgs, etc. En un mot, tous les droits régaliens et leurs appartenances, sans aucune réserve, ainsi que toute sorte de juridiction, de supériorité et de domaine suprême, sans que jamais, ni l'empereur,ni l'Empire, ni la maison d'Autriche puissent y apporter aucune contradiction, ni prétendre aucun droit sur ces pays, tant au delà qu'en deçà du Rhin.
Avant l'adoption générale du traité de Westphalie, les clauses particulières entre l'Empire et la France avaient été convenues et rédigées dans un acte de cession que votre comité diplomatique vous a révélé. Vous y avez vu qu'on nous transmet absolumenttousles droits qu'exerçait l'Empire, et que les possesseurs immédiats passent, comme les possesseurs médiats, sous l'obéissance du roi des Français.
On était convenu expressément, lors du traité, qu'il serait ratifié dans une diète de l'Empire. L'empereur la convoqua peu de temps après, à Ratisbonne, et la ratification fut accordée.
Ces différents articles rappelésj je m'adresse aux princes possessionnés en France, et je leur dis : de quoi vous plaignez-vous? Quels sont les torts que vous nous reprochez?
Est-ce d'avoir exercé les droits régaliens? La France en jouissait par le
traité de Westphalie ; on les lui cède tous; omniaque jura regalia, dit
l'article 74,ad regem christianissimum, coronamque Galliœ pertineant. On
lui cède pareillement tout ce qui peut être considéré comme touchant à
La jouissance des droits régaliens n'autorisait-elle pas assez la France, et faudrait-il, pour la justifier, qu'elle eût possédé une plus grande juridiction, la supériorité, la suprématie absolue ? Tout cela lui appartenait encore : ad coro-nam galliœ pertineant, cum omnimoda jurisdic-tione, et superioritate, supremoque dominio.
Veut-on que cette règle générale soit susceptible d'exceptions ? le traité de Westphalie y a encore pourvu. La cession est faite sans aucune réserve : absque ullâ reservatione.
Tous ceux qui se plaignent aujourd'hui ont concouru à ce traité.
Après avoir lu et médité ces expressions, on ne peut s'empêcher de se dire à soi-même : sans doute ceux qui réclament n'ont pas concouru à ce traité. Sacrifiés alors à l'intérêt de quelques-uns, ils y voient un nouveau motif de plainte, et demandent à la fois vengeance et justice.
Rapprochons les noms des princes réclamants, des noms de ceux qui contractèrent à Munster. Parmi les premiers je trouve d'abord l'électeur de Trêves, l'électeur de Cologne, l'électeur Palatin; tous les trois concoururent à la paix de Westphalie. J'y trouvé les évêques de Spire et de Bâle, et tous les deux ont également concouru à cette paix célèbre. J'y trouve le landgrave de Hesse-Darmstatt, le margrave' de Bade, et tous les deux y ont également concouru. Enfin je n'y én trouve pas un seul qui n'ait librement et solennellement déclaré, à Munster, sa renoh* ciatioti à tous les droits qu'il réclame aujourd'hui.
Je n'en éxcépte pas la maison d'Autrichè. Elle était partie principale dans le traité, et Léopold ne formerait pas, en son nom, une opposition^ légitime. La formerait-il comme empereur ? mais c'est l'empereur lui-même qui fait la cession; c'est l'empereur qui s'oblige tant pour lui, que pour ses successeurs, à ne jamais rien prétendre a des droits et à une puissance qu'il abandonne : Adeo ut nullus omnino imperator, aut familiœ Austriacœ princeps, quicquam juris aut potestatis, in eis prœmemoratis partibus, eis et ultra Rhenum sitis, ullo unquam tempore, prœtendere vel usur-pare possit aut debeat.
Est-ce l'Empire séparé de l'empereur? mais l'Empire s'est engagé formellement comme son chef, comme la maison d'Autriche : absque Cœsa-ris, imperii que contradictione. En seraient-ce les Etats particuliers? Mais, outre ce que nous avons déjà dit, le cas est encore prévu dans le même article du traité de Westphalie ; il y existe de leur part une renonciation solennelle : Domûs Austriacœ vel cujuscumque alterius.
Et ce qui prouve bien que la cession est faite par l'Empire entier, c'est que, pour valider les
aliénations, on déroge expressément à ses décrets, statuts, constitutions et coutumes, nommément à la défense portée dans la capitulation impériale d'aliéner aucun des droits ou des biens de l'Empire ; et on ferme pour jamais, toute voie à une restitution, sur quelque titre qu'elle puisse être fondée.
Je m'abuse peut-être, mais la démonstration me paraît évidente. Je pourrais donc me dispenser de discuter le système de l'empereur et de la diète de Ratisbonne. Je- vais cependant le parcourir, et s'il restait des nuages dans quelques esprits, j'ose croire qu'ils seront bientôt dissipés.
Objections faites par la diète de Ratisbonne et par Vempereur.
Votre comité diplomatique a déjà répondu au reproche d'avoir écrit à l'empereur en langue française, et je n'insisterai pas davantage sur cet objet.
La diète de Ratisbonne reproche ensuite à la France d'être éloignée de rétablir les Etats de VEmpire lésés dans leurs droits, et d'offrir un dédommagement acceptable en hommes et en territoire.
La langue de la liberté est si différente de celle de l'aristocratie [et de la servitude, que nous avons dé la peine aujourd'hui à entendre, ou du moins à supporter ces mots : Un dédommagement en hommes. La nation qui a consacré l'égalité des Citoyens et la souveraineté des peuples, pourrait-elle s'avilir par une négociation impie où, sous le nom de serfs, de vassaux, de sujets, des hommes devenus la dot d'une femme, l'indemnité d'un contrat, le prix d'une victoire, sont livrés par d'autres hommes à la volonté tyrannique d'un maître qu'ils n'ont même pas choisi? {Ap-plaudissemen ts. )
Mais n'existe-t-il donc pas d'autres dédommagements? ne les avons-nous pas offerts? ne les offrons-nous pas encore? Eut-on jamais, dans les négociations, une marche plus loyale? mit-on jamais à les faire, plus de facilités et moins d'obstacles? Le droit aux indemnités né s'est point borné à l'Alsace; on l'a étendu à tous les départements du royaume. Les intérêts qui seraient échus, depuis 1789, ont été réclamés et accordés aussitôt par la générosité française. Le désir de la paix et de la conciliation a semblé nous faire oublier tous nos droits, je pourrais dire, nos devoirs, puisque nous apcor-dons à des propriétaires étrangers une faveur refusée à des propriétaires français. Et ces voies amiables que nous proposons, Léopold avait lui-même, comme archiduc d'Autriche, exprimé son vœu pour leur succès, à la diète de l'Empire. Le langage qu'il tenait alors était bien plus digne du prince qui, en Toscane, a com-attu et détruit tant de préjugés; qui, renferme dans un Empire étroit, disait Ces paroles mémorables : « Il est trop grand encore, puisqu'il y reste des malheureux » ; qui disait, en parlant de ces castes nobiliaires enfantées par l'orgueil : « Je ne connais que deux classes d'hommes : les gens de bien et les méchants. » (Applaudissements.)
Obscurité et explication dun article du traité de Westphalie.
La diète de Ratisbonne se plaint surtout de l'inexécution des traités faits Pendant un siècle entre les deux puissances. Elle va chercher,
dans celui même de Westphalie, un article qu'on vous a déjà lu, et sur lequel pourtant je crois indispensable de ramener votre attention. (Art. 87 du traité de Munster.)
Cet article conserve, dit-on, leur immédiateté, à l'égard de l'Empire, aux évêques de Strasbourg et de Bàle; à la ville ae Strasbourg, aux 10 villes impériales qui reconnaissent la préfecture d'Ha-guenau, enhn, à tous les Etats ou ordres des deux Alsaces qui en jouissaient, de manière, ajoute-t-on, que le roi ne puisse prétendre sur eux aucune supériorité régalienne, et soit tenu de se contenter des droits qu'exerçait la maison d'Autriche, et qui sont cédés à la France.
A la lecture de cet article, on se demande comment il est possible de le concilier avec ceux qui le précèdent, de se renfermer ici dans les droits de la maison d'Autriche, quand on a cédé plus haut tous les droits, tous les domaines, toutes les juridictions de l'Empire, quand l'empereur et l'Empire ont délié de leurs serments les ordres, les magistrats, établi la France en pleine et juste supériorité, et renouvelle plusieurs fois une renonciation absolue.
L'incompréhensibilité devient plus grande quand on lit, immédiatement après, la clause suivante : Sans néanmoins déroger en rien au droit de souveraineté accordé à la France.
Ainsi, après avoir semblé le détruire, ou du moins le borner, on le confirme de nouveau dans toute son étendue.
Les motifs de cette étrange limitation, de cette contradiction apparente, ne sont pas inconnus; deux sentiments opposés agitaient la noblesse immédiate ; d'un côté on voulait conserver des rapports avec l'Empire, et pour y parvenir, il fallait que l'Alsace restât sous la suzeraineté de l'empereur; de l'autre, on sentait qu'en obtenant l'Alsace sous cette condition, la France acquérait un fief qui lui donnait le droit d'entrer aux diètes germaniques, et on y redoutait son influence.
Les Français eurent aussi d'abord quelqu'incer-titude sur le parti qu'ils devaient prendrel mais ils sentirent bientôt que leur roi ne pouvait être le vassal de l'empereur, et que l'Alsace devait être possédée, comme toutes les autres provinces du royaume, en pleine souveraineté : ils l'exigèrent ainsi; c'est ainsi qu'ils l'obtinrent; nous l'avons déjà prouvé; et nous ajouterons, pour dernière preuve, qu'après la conclusion du traité de Westphalie, et sa ratification par la diète, les seigneuries alsaciennes furent rayées de la matricule de l'Empire.
Examen des traités qui ont suivi le traité de Westphalie.
La noblesse immédiate d'Alsace qui, pendant le congrès de Westphalie, avait fait tant d'inutiles efforts pour se soustraire à la souveraineté française (efforts qui présentent contre elle un nouveau témoignage), n'en fit pas de plus heureux, lors du traité de Nimègue, conclu le 5 février 1679; celui de Munster y fut confirmé tout entier : tous les deux le furent ensuite à Ryswick, en 1697; ils l'ont été tous les trois à Bade, en 1714, et la paix de Vienne, en 1738, n'a fait que joindre la Lorraine aux possessions que, depuis près d'un siècle, l'Empire s'était vu obligé de Céder à la France. Je n'insiste pas sur ces différent traités.
Que pourrais-je ajouter aux discussions savantes de l'orateur qui m'a précédé dans cette tri-
bune, et du rapporteur de votre comité.diplomatique?
Ils vous ont parlé ensuite de la trêve conclue à Ratisbonne, le 15 août 1684, qui commence par la confirmation des traités précédents, et dont les conditions, faites d'abord pour 20 années, devinrent définitives à Riswick ; trêve où les droits de la France se sont même étendus jusque sur des villes, des seigneuries, des forteresses qui, auparavant, faisaient partie de l'Empire; trêve où le roi annonce de nouveau qu'en confirmant les droits des seigneurs, il se réserve tous ceux de la souveraineté, et atteste encore, comme ses titres et ses garants, les traités de Ni-mègue et Westphalie.
En ! quels sont, dans cette trêve qui, encore une fois, est devenue définitive par le traité de Riswick, quels sont les contractants? L'empereur et le roi seuls : non, Messieurs, l'article 15 les a tous nommés. Les contractants sont: l'Empire, la France, l'Autriche, tous les électorats, archevêchés -, abayes, prévôtés, duchés, principautés, marquisats, landgraviats, bailliages, eom-manderies, comtés, baronnies, seigneuries, villes libres, noblesse immédiate, vassaux et sujets de l'Empire, en quelques pays qu'ils soient situés, soit dedans, soit dehors l'Allemagne, sans exception.
Quelques plaintes s'étant élevées sur la manière dont Louis XIV exécutait la trêve dè Ratisbonne, il fit répondre, le 23 octobre 1687, aux ministres impériaux, que l'Empire lui avait cédé une souveraineté pleine et entière, et qu'il ne consentirait jamais qu'on y portât atteinte, ou qu'on y mit des bornes.
A la fin de son règne, et sous le règne suivant, aucune réclamation ne s'est fait entendre contre la suprématie absolue des Français.
M. Mailhe a démontré, par des faits et des arguments irrésistibles, qu'elle a été constamment reconnue par les princes possessionnés.
Devons-nous des indemnités ?
Rien ne peut donc justifier leur conduite. Nous avons tous les titres avoués par la loi, le contrat et la possession, et nous ne les invoquons que pour rétablir les droits méconnus de la nature et de l'humanité. La noblesse germanique et ses protecteurs peuvent ils se rendrë la même justice? Est-ce d'alléger le sort du pauvre; de consoler l'infortuné, d'effacer les traces de la servitude et de rappeler l'homme à sa dignité première? Non, lès droits dont la suppression excite tant de plaintes, tant de regrets, le crôiriez-vous, Messieurs, sont la dîme, les aides, la gabelle, la corvée.
En fut-il jamais par leur nature de moins susceptibles d'indemnités? Nous remplirons cependant les engagements contractés par l'Assemblée constituante et par le roi. Au milieu de tous les reproches exhalés contre nous avec une si géné-reure absurdité, on n'accusera pas du moins la loyauté française. La fidélité nationale n'est pas la foi punique. Elle n'est pas faite pour devenir chez tous lés peuples l'expression commhne de la perfidie. Que les esclaves trompent; la ruse est pour eux un devoir; ils n'ont que ce moyen de se venger de leurs tyrans ; mais un peuple libre ne laissé jamais fléchir la droiture et la vérité. Sa force est dans sa propre estime et dans la confiance qu'il inspire. Il a besoin dé la vertu pour sa gloire, pour son bonheur, je dois ajouter pour sa puissance-
Quant à la déchéance, je ne comprends bien, je l'avoue, ni 'la proposition faite par M. Mailhe, ni le refus d'y souscrire annonce d'avance par votre comité diplomatique. Une déchéance suppose un droit, et nous avons démontré que les princes possessionnés n'en ont aucun. L'Assemblée nationale a constamment déclaré, il faut qu'elle déclare encore par le décret qu'elle va rendre, que l'offre des indemnités, loin d'être pour elle Un devoir, n'est que l'effet particulier de la bienveillance française.. Alors il devient évident que cette bienveillance ne peut jamais être enchaînée que par elle-même, et gardons-nous d'employer un mot qui, exprimant une sorte de prescription, donnerait aux réclamations des, princes, je ne sais quelle forme légale et judiciaire qui leur fournirait un prétexte éternel. C'est au ministre que nous devons prescrire un terme pour rendre compte des négociations qu'il sera chargé de renouveler. Notre promesse tombera d'elle-même si on refuse d'en accepter l'effet, et il nous convient d'autant moins d'exprimer aujourd'hui une sorte de rétractation conditionnelle que, depuis notre décret du 29 novembre, décret ou nous parlons de cette négociation des indemnités comme exigée par la justice et devant assurer le repos de l'Empire, nous n'avons pas encore accordé au pouvoir exécutif le million qu'il a demandé pour la terminer.
Je me résume.
Les traités n'ontpas seulement investi la France des droits dont jouissait la maison d'Autriche, ils lui accordent tous ceux dont jouissait l'Empire.
Donc, elle joint la souveraineté aux droits régaliens et à la supériorité territoriale.
Donc, la noblesse immédiate lui est subordonnée.
Donc, elle doit se soumettre à ses lois, et surtout à sa Constitution.
Les princes possessionnés concoururent au traité de Westpnâliô.
Donc, ils ne peuvent en contester aujourd'hui l'exécution.
Ce traité n'est pas l'ouvrage de quelques États en particulier; il est celui de tout l'Empire; il a été ratifié par une diète générale.
Donc il est devenu la loi de l'empereur lui-même et de la diète de Ratisbonne.
Telles sont, Messieurs, les réflexions que j'ai cru devoir ajouter à celles qui vous avaient déjà été présentées; il m'a paru nécessaire de poursuivre jusques dans ses derniers retranchements le système des princes possessionnés : et puisqu'on a osé accuser la France de mauvaise foi aux yeUx de l'Europe entière, il faut que l'Europe sache que les violateurs des traités sont nos accusateurs eux-mêmes.
Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
« L Assemblée nationale, considérant que les princes étrangers possessionnés dans les ci-de-vant provinces d'Alsace, de Lorraineet de Franche-Comte, doiventêtre soumis, comme tous les autres propriétaires français, aux lois générales du royaume et à sa Constitution ;
« Que la souveraineté française sur leurs domaines n'est pas seulement assurée par les droits éternels et immuables des peuples, mais qu'elle est encore reconnue par des traités particuliers, et notamment par ceux de Munster et de Ni-mègue, par la trêve de Ratisbonne et le traité de Ryswick;
« Voulant néanmoins donner une nouvelle preuve de la bienveillance du peuple français en faveur des princes possessionnés ;
« Après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique ;
« Décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les décrets du 28 octobre 1790 et
19 juin 1791, sur les indemnités à accorder aux princes possessionnés en
France, pour là suppression de leurs droits seigneuriaux et féodaux,
seront exécutés dans toute leur étendue.
« Art. 2. fi sera mis en conséquence, par les commissaires de la trésorerie nationale, un million à la disposition du ministre des affaires étrangères, et sous sa responsabilité.
« Art. 3. Le roi sera prié d'inviter de nouveau tous les princes possessionnés à envoyer à Paris, dans un délai fixé, les titres justificatifs de léurs possessions et de leurs droits, pour servir de base a ces indemnités.
« Art. 4. Le roi sera également prié de faire renouveler à l'empereur, par l'ambassadeur de France à Vienne, et à la diète de Ratisbonne, par le ministre plénipotentiaire auprès de cette diète, l'offre de tous les dédommagements compatibles avec la justice et avec la Constitution française.
« Art. 5. Le ministre des affaires étrangères rendra compte dans .... mois des négociations qu'il aura faites ou reprises, et de l'effet qu'elles auront produit. »
Un membre : Je demande l'impression du discours et du projet de décret de M. Pastoret.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Pastoret.)
(1). M. Pastoret a fait l'historique des faits relatifs à la discussion
qui vous occupe; il a distingué ce que c'était que noblesse immédiate et
médiate, je ne dois pas répéter ce qu'il a dit. D'après ce que vous avez
entendu, 'ailleurs, de la part de MM. Koch et Mailhe, je crois que ce
serait entrer dans une discussion inutile et abuser des moments de
l'Assemblée que de remonter à la discussion de ces traités sur lesquels
sont fondés les droits de la nation française, et qui ont servi de
prétexte aux réclamations outrées des princes possessionnés et à
l'injuste conclusum de la diète de Ratisbonne, scellé par l'accession
menaçante dé Léopold. Je suppose bien démontré pour chacun de vous.
Messieurs, ce que M. Koch a parfaitement établi dans son rapport : 1°
que la souveraineté absolue de la France sur l'Alsace et sur la Lorraine
est fondée sur les traités, et qu'elle a été formellement reconnue par
le corps germanique; 2° que les droits réservés par les traités à des
princes de l'Empire n'ont pu limiter l'éxercice de la souveraineté
française; 3° que la garantie stipulée parle traité de Westphalie
n'autorisait l'empereur, l'Empire ni aucune autre puissance de l'Europe
à intervenir dans ce différend. Je me borne donc à combattre le projet
du comité diplomatique; je l'attaque comme n'étant qu'une conséquence
insuffisante des principes posés par le rapport, avancés par la vérité
et fondés sur la justice, comme une démarche insignifiante qui ne tend
qu'à perpétuer l'incertitude où vous êtes et qu àlaisser subsister le
germe d'une guerre qu'on semble vouloir éviter dans le moment actuel. Je
l'attaque enfin comme renfermant aussi
« Il sera pourvu à ces indemnités par tous les moyens compatibles avec les principes de la justice et de la Constitution. »
Je vais discuter séparément ces deux dispositions générales. La première ihe paraît ne renfermer rien que de très insuffisant et d'inutile ; je dirais même, en quelque sorte, de dérisoire. Le projet de décret, à cet égard, me paraît insuffisant en ce qu'il n'offre aucunes mesures décisives, propres à terminer les différends qui n'ont déjà été que trop longtemps prolongés. Il est inutile, parce qu'il ne fait que répéter exactement ce qui a déjà été dit par les décrets de l'Assemblée nationale constituante, témoins les décrets des 28 avril, 28 octobre et 12 juin 1791.
II renferme quelque chose de dérisoire, en ce qu'il ne fait que renouveler aux princes possessionnés des offres qu'ils ont rejetées avec une espèce de mépris. Je ne suis point non plus de l'avis de M. Pastoret. Je pense que vous devez assigner un terme au delà duquel les princes réclamants ne seront plus admis à répeter des indemnités qui leur ont été offertes. (Bravo! Bravo! Applaudissements des tribunes.) Ici, Messieurs, je dois réfuter les raisons qui ont porté le rapporteur de votre comité diplomatique à s'opposer à cette mesure.
Il vous a dit d'abord qu'elle annoncerait aux princes, aux Etats de l'Empire, qu'on veut les traiter sans aucun ménagement, et il vous a fait sentir que cette démarche pourrait augmenter le nombre de vos ennemis. Il est étonnant que le rapporteur du comité diplomatique ait trouvé cette démarche trop peu ménagée, puisqu'il y conduit lui-même par son rapport; et li'en suivant ses propres principes, je vais vous émontrer, Messieurs, jusqu'à l'évidence, que vous seriez forcés d'aller plus loin, et d'adopter des mesures beaucoup plus décisives. Et en effet, envers qui M. Koch croit-il que nous manquerions de ménagement? Est-ce envers l'Etat de l'Empire, comme il l'a dit à la fin de son rapport? Mais a-t-îl oublié qu'il nous avait dit, page 22, que le corps germanique, en promettant protection aux princes réclamants, avait fait une démarche, qui ne pouvait se concilier avec lés principes du droit aes gens et les justes égards dus à une grande nation? Quels égards, quels ménagements devra donc la France à ce même corps germanique, qui, de l'aveu du rapporteur de votre comité, a violé envers la France les principes du droit des gens?
Serait-ce envers l'empereur que nous manquerions de ménagements? Je sais qu'on a mis quelques soins à dissimuler les droits de ce prince- On vous a parlé des paroles pacifiques que ses envoyés ont constamment portées a la iète de Ratisbonne; mais tout le mondé connaît la politique des cours, et ici ie ne puis que me rappeler la conduite d'un général de l'antiquité, qui, ayant juré une trêve pendant 30 jours, rava-
geait pendant la nuit le pays ennemi. On a mis en doute si l'empereur était libre de sanctionner les décrets de la diète ou s'il ne l'était pas. On a prétendu que les publicistes allemands étaient eux-mêmes dans le doute à cet égard. Mais j'observe que dans aucune des lois fondamentales qui régissent le corps gemanique, cette liberté n'est contestée à 1 empereur. J'observe entin qu'on ne peut point dire qu'en sanctionnant ce décret, qu'en ordonnant l'armement, il n'ait fait que remplir une fonction du pouvoir exécutif, et un devoir purement indispensable, et le rapporteur du comité diplomatique lui-même est convenu, page 24, que les capitulations impériales astreignent seulement l'empereur à donner promptement sa décision sur les avis de l'Empire : d'où il résulte que puisqu'il n'est astreint qu'à donner sa décision, il est manifestement libre de sanctionner ou de ne pas sanctionner. Or, l'empereur en sanctionnant le décret de la diète, a donc fait un acte purement libre et spontané. Or, quel égard doit encore avoir la France envers un prince qui a sanctionné librement un conclusum par lequel la France est injurieuse-ment menacée?
Serait-ce envers les princes réclamants eux-mêmes que nous manquerions de ménagements. Mais le rapporteur du comité diplomatique ne nous a-t-il pas dit encore dans son rapport, qu'en vertu des capitulations impériales, il n'était permis à aucun prince où Etat de l'Empire de recourir à une protection étrangère, pour même ce qui concerne le traité de Westphalie ; ne nous a-t-ii pas dit dans la note qui est au bas de la même page, que c'est en contravention manifeste à l'article 27 de la capitulation de l'empereur Léopold II ; que l'électeur de Trêves a réclamé récemment la garantie de la Russie et de la Suède, contre la France, et qu'il n'a pas même hésité d'en faire la déclaration formelle à la diète? Quels égards la France doit-elle à des princes qui, pour le plaisir de lui susciter des ennemis, violent même les lois de l'Empire germanique? Quels égards la France doit elle à de tels princes, j'excepte le duc de Wirtemberg, le prince de Lœwenstein, le prince de Salm et tous ceux qui sont entrés en négociation avec nous ; et j'observe que le décret de déchéance à un terme donné, ne peut ni affliger, ni indisposer ceux-ci, puisque cette mesure ne faisant que prescrire un terme auquel la négopiation devrait être commencée, ne peut point porter sur ceux qui sont déjà entrés en négociation. Ceux-là méritent en même temps et notre amitié et notre estime, et ce serait pour ceux-là que jé demanderais des dédommagements ; mais pour les autres que leur doit-on? Que doit la France à des princes, qui au lieu d'entrér dans les compositions amiables qu'elle leur offre, les rejettent avec dédain, n'y répondent qu'en demandant avec hauteur, que les choses soient remises dans un état où elles ne doivent plus être, et qu'ils invoquent, en cas de refus, la protection armée de l'Empire contre la France... Des ménagements! et qui en devait plus à la France que les rinces allemands? l'électeur Palatin et celui de rêves, par exemple, n'ont-ils pas le plus grand intérêt à prévenir toute rupture ?
Le premier a-t-il oublié que l'Empire; qui fut témoin de sés malheurs, l'a bien mal dédommagé des pertes qu'il essuya par l'incendie et les. ravages dont Turenne souilla sa gloire? Le second ne pense-t-il pas que si on nous force malgré nous à la guerre, ses Etats, comme ceux de son
voisin, en seront évidemment le théâtre? Ces princes allemands ne se souviennent-ils plus que c'est la France, qui réprima, dans le temps l'ambitieuse maison d'Autriche, que c'est la France qui les soutient contre les tentatives de cette maison jalouse de dominer, et dont les projets d'agrandissement ne périront qu'avec elle? Les électeurs, surtout, ne pensent-ils pas que cette maison ne leur pardonne pas d'être devenus successivemeut de simples officiers de l'empereur, officiers de l'Empire, souverains, et enfin seuls dispensateurs du trône impérial? ainsi ces princes, aussi ingrats qu'abusés, pèchent en même temps, et contre la reconnaissance, et contre leur intérêt propre. Ainsi, en cherchant à affaiblir la puissance qui fut leur protectrice, ils empruntent les secours de celle qui, à l'instant même où elle les protège, se demande peut-être tout bas si, un jour, elle ne pourra pas les subjuguer! (Applaudissements.) Voilà pourtant les princes vis-à-vis desquels on vous reproche de n'être pas assez ménagés, tandis qu'ils n'ont eu les premiers aucune espèce de ménagement pour cette nation généreuse et bonne, qui fut leur amie et leur soutien- Et, que pouvait faire la France envers eux qu'elle n ait déjà fait? Elle ne pouvait à la fois établir sa Constitution et laisser subsister leurs droits féodaux. Mais ne leur a-t-elle pas offert des indemnités pour ces droits supprimés? Ne leur a-t-elle pas offert d'acheter leurs possessions en France? Ne leur a-t-elle pas offert ae faire entrer dans le prix de l'évaluation, les droits seigneuriaux et féodaux qui existaient à l'époque où l'Alsace et la Lorraine furent réunies à la France? Ne leur a-t-ëlle pas offert d'y faire entrer la non-jouissance des droits supprimés sans indemnité, à compter de l'époque de la suppression jusqu'à celle du remboursement effectif?
Que voudrait-on donc que la France fît encore? Elle n'a rien à se reprocher; et si le décret qu'on vous propose était pris pour un prétexte de guerre, alors vous auriez pour témoins les nations, et pour justification, la loyauté de vos démarches. J'en veux aussi des ménagements ; maii j'observe que, de nation à nation, il faut que les égards soient non seulement réciproques, mais même mesurés. Si la vanité des prévenances rapetisse et avilit l'homme privé, il v a chez les peuples une vanité nationale qui les agrandit, qui les élève. (Applaudissements.) Si la condescendance honore les individus, elle a certainement, Messieurs, quelque chose d'avilissant pour les nations. Chez les hommes Drivés, elle peut être vertu; mais; chez les peuples, elle est faiblesse. Ce que vous ne devez plus, après les efforts que vous avez faits, ni à la générosité, ni aux convenances, ni à la justice* gardez-Vous bien de l'accorder à une basse condescendance; Si on pouvait parvenir à vous faire faire un seul pas par un motif de crainte^ la liberté ne serait plus. (Applaudissements.)
M. le rapporteur du comité diplomatique rejette la proposition de fixer aux princes réclamants un terme au delà duquel ils ne seront plus admis à recevoir des indemnités, parce que, dit-il, quoique la France ait sans doute le droit de ne pas craindre ses ennemis en quelque nombre qu'ils puissent être, il est sage cependant de n'en pas augmenter le nombre quand l'honneur de la nation ne l'exige pas. Je conviens, avec lui, que cela est sage; mais j'avance en même temps que, quoi que vous puissiez faire, à moins que de violer le serment prêté à votre arrivée et
réitéré le 14 janvier, il vous est également impossible et de diminuer et de grossir le nombre de nos ennemis extérieurs. 11 est une vérité qu'il faut que tout le monde sache et dont personne ne peut douter : c'est que la Constitution française a pour ennemis tous les princes, parce qu'elle n'est pas faite pour eux. Il faut de trois choses l'une : ou que la France déploie une attitude qui en impose et qui empêche qu'on ne l'attaque, ou qu'elle résiste tôt ou tard au choc de l'Europe, ou qu'elle renonce pour jamais à sa Constitution et à sa liberté. Les ennemis du nom français ne cherchent point de prétextes; ne craignons point de leur en fournir. Ils s'en em barrassent trop peu ; mais ils n'attendent que l'occasion la plus opportune, que les circonstances les plus avantageuses, quel'instant le plus favorable à l'exécution de leurs projets. Tout ce que vous pouvez risquer, c'est aônc de les faire expliquer et agir un moment plus tard ou un moment plus tôt. Si on pousse à bout votre patience, si on ne cesse de faire des injures à la nation que vous représentez, si on se glorifie du sol qui produit ces Germains destructeurs de l'Empire romain, vous vous glorifierez aussi d'occuper le sol jadis habité par les conquérants de cette même Germanie qui ose aujourd'hui vous menacer.
Il resterait à savoir lequel est le plus avantageux, ou de faire expliquer vos ennemis ou d'attendre le moment qu'ils jugeront convenable pour s'expliquer et pour agir eux-mêmes. Si vous décrétez aujourd'hui que les princes pos-sessionnés qui ne seront point entrés en négociation au terme que vous aurez fixé, n'auront plus droit aux indemnités offertes, alors, ou bien ils entreront en négociation et tous les différends seront terminés, pour le langage diplomatique, selon les règles au bon voisinage; ou bien ils ne présenteront point leurs titres, et, alors, s'ils ne se tiennent point pour déchus, ce qui n'aura pu être terminé par la négociation devra l'être enfin par le sort des armes; alors la nation française sortira enfin, pour périr ou pour vivre à jamais libre, de la déshonorante incertitude où elle flotte et qui la consume par degrés. (Applaudissements.) Et ici point de milieu : la nation française ne veut plus que son sort soit hypothétique, elle veut ou périr ou vivre avec la certitude que sa liberte ne périra point. Faisons-le savoir a toute la terre : lè navire est lanGé, il faut qu'il vogue; il peut être embrasé parla foudre ou submergé par les flots, mais il ne sera pas remis sur lé chantier. Si vous vous borniez à adopter le projet du corps diplomatique, qu'arriverait-il? Les négociations languiraient et resteraient là ; les princes réclamants se tairaient tant que les puissances de l'Europe craindraient la résistance d'une nation encore livrée à l'enthousiasme du patriotisme et aux élans de la liberté. Quelques mois, quelques années peut-être s'écouleraient, je le veux, dans le silence; mais ce silence serait perfide: mais ce calme nous préparerait le plus terrible des orages ; car, en attendant, les ressorts des contre-révolutionnaires agiraient avec autant de force que de constance. En attendant, Coblentz ferait des recrues ; l'agiotage ferait des dupes; lfr fanatisme, des conquêtes; la patrie, des pertes; le salut public, des oscillations ; la Constitution française, des mouvements convulsifs; et la liberté, des .pas rétrogrades. (Applaudissements.) Ce sera, ne vous y trompez pas, quand les peuples, qui s'agitent.pour s'éveiller, seront endormis de
nouveau ; quand vous serez plongés dans la sécurité; quand les citoyens armés, qui défendent vos frontières, seront rentrés dans leurs foyers; quand vous aurez perdu en partie vos forces morales et physiques; ce sera, dis-je, alors que les princes possessionnés renouvelleront leurs réclamations et que les princes de l'Europe, ligués, fondront subitement sur vous. Si vous vous bornez à décréter le projet de votre comité diplomatique, vous perpétuerez l'incertitude où vous êtes, vous laisserez subsister les germes d'une guerrequ'on ne manquera pas certainement de vous faire quand on verra le moment de vous attaquer avec succès.
J'ai répondu aux raisons du rapporteur du comité diplomatique, je dois maintenant dire quelles sont celles qui me portent à adopter une mesure de déchéance. D abord, je crois que l'honneur de la nation française l'exige impérieusement, et je m'explique. Déclarer simplement que les lois relatives à l'abolition des droits féodaux et seigneuriaux s'exécuteront dans tout l'Empire français, sans restriction, c'est déclarer ce qui l'était déjà, ou pour mieux dire, c'est se taire; offrir de nouveau, purement et simplement, aux princes possessionnés, les indemnités que vous leur avez offertes et qu'ils ont rejetées, c'est vous exposer à des refus, c'est compromettre la nation française, par des refus humiliants. Il faut que cette nation manifeste à ceux qui, jusqu'à présent, ont dédaigné toutes ses offres (il faut observer que cette mesure ne porte point sur les princes déjà entrés en négociation), ; il faut que la nation manifeste à ceux qui, jusqu'à present, ont méprisé ses offres, qu'elle ne s y exposera plus; que c'est la dernière fois qu'elle va au-aevant d'eux; que s'ils s'obstinent à persister, et dans leurs mépris insultants, et dans leurs menaces inconsidérées, la patience de la nation française est épuisée, sa condescendance changée en indignation, et qu'ils n'ont plus rien à attendre d'elle.
Je vais plus loin : je demande sous quel point de vue on envisage les indemnités qu'on offre aux princes possessionnés? Est-ce un acte de générosité que vous faites, ou une espèce de dette que vous acquittez? Si c'est un acte de générosité que vous faites, je crois que la donation ne peut valoir qu'autant qu'elle est acceptée. Et ici, Messieurs, se présente 1 opinion de M. Pas-toret. M. Pastoret vous a dit que vous ne deviez point porter un décret de déchéance après un terme fixe, parce que ce serait supposer un droit. Je suis d'un avis totalement contraire; car, moins il y a de droit, et plus vous devez porter le décret de déchéance. S'il y avait un droit inviolable et sacré, c'est alors que vous ne pourriez pas fixer un terme; la nxation du terme n'est donc pas la présupposition d'un droit. Si c'est un don (ce que je crois), vous devez manifestement reprendre vos dons, quand on les méprise; car il y aurait une espèce dé folie, une espèce de ridicule à continuer de poursuivre les princes pour leur faire accepter ce qu'ils ont refusé, ce qu'ils ne veulent pas. Si c'était une dette que vous payassiez, ce que je suis bien éloigné de croire, alors je vous parlerais, la Déclaration des droits de l'homme à la main ; alors, je vous dirais que la loi doit être la mêmè pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Or, qu'avez-vous fait envers les créanciers de l'Etat? Vous avez décrété un terme pendant lequél ils seraient tenus de présenter leurs titres; vous avez décrété que si, avant l'expiration du délai,
ils n'avaient pas présenté leurs titres, ils seraient déchus de toute créance. Si c'était une dette que vous payassiez aux princes possessionnés, il en résulterait manifestement qu'ils devraient être compris dans la loi que vous avez faite pour tous les créanciers de l'Etat, il me semble que c'est un dilemme auquel on n'a rien à répondre. Ainsi, sous quelque point de vue qu'on envisage les indemnités, ou comme un don, ou comme une dette, je n'en conclus pas moins la nécessité de prononcer un décret de déchéance dans un terme prescrit.
Je passe à la seconde disposition du décret du comité; elle est conçue en ces termes : il sera pourvu à ces indemnités par tous les moyens compatibles avec les principes de la justice et de la Constitution française.
Je vous avoue, Messieurs, que je ne concevrais pas trop le sens de ces expressions, si je ne savais, d'un côté, la proposition qui a été faite au comité diplomatique, par le ministre des affaires étrangères, et si de l'autre, je n'avais vu le mot d'échange, insinué dans le rapport du comité. Le vrai sens de ces expressions est donc que vous vous chargiez des possessions que les princes ont en France et que vous leur achetiez des terres seigneuriales dans le sein de l'Empire germanique. Je conviens, Messieurs, qu'acquérir leurs possessions en France, c'est conforme à vos j lois et à a quelque chose de séduisant; elle s'offre sous les dehors d'une mesure propre à terminer un grand différend; et, sous cet aspect, elle a bien le droit d'intéresser les âmes sensibles et bonnes qui veulent le bien, abhorrent la guerre et désirent la paix : mais, si on fait succéder l'examen à la première impression et la réflexion au sentiment, alors l'illusion s'évanouit et les principes restent seuls. Acquérir ailleurs des possessions aux princes qui en avaient en France, c'est revenir contre les fois qui ne leur accordent que de simples indemnités; c'est avouer implicitement que ces lois ont été dictées par l'ignorance, la précipitation; je dirais même l'injustice. Or, un pareil aveu, quelque indirect qu'il pût être, ne serait-il pas la censure de ceux qui ont aboli le régime féodal en Alsace et en orraine, comme ailleurs; et ne "préjugerait-il pas la question qui vous occupe en faveur des princes réclamants? Aller plus loin que la loi. c'est avouer, en d'autres termes, que la loi n'avait pas fait tout ce qu'il était convenable* tout ce qu'il était juste de faire. Si vous supposez la loi imparfaite, alors vous déciderez encore une fois que les princes qui réclament ont eu raison de ne pas l'accepter; et ainsi, vous jugeriez votre cause contre vous, à votre propre tribunal : si, au contraire, les lois sont justes, et que vous ne vous en teniez pas à leur exécution pure et simple, considérez l'interprétation que l'on peut donner à votre conduite; ne courez-vous pas le danger de manifester de la crainte pour les menaces dont on fait retentir l'Europe? Ne courez-vous pas le danger de montrer de la défiance dans vos forces? Ne courez-vous pas le danger de compromettre le respect dû à la grandeur du nom français? Celui qui a l'air de craindre, soit pour la justice de sa cause, soit pour la suffisance de ses forces est presque sûr d'essuyer des outrages, parce qu'il n'inspire à ses ennemis d'autre sentiment que l'arrogance, et au spectateur que du mépris. Je passe, si vous voulez,
par-dessus ces considérations ; mais je vous présenterai un motif qui me paraît irrésistible : c'est que, si vous laissiez subsister la disposition que je combats, si vous laissiez jour à une acquisition de terres seigneuriales pour les princes réclamants, vous feriez une démarche qui serait contradictoire à vos principes, gui serait une violation de la Déclaration des droits, qui serait, pour m'exprimer d'une manière plus précise, un crime de lèse-humanité. Eh quoi! Messieurs, n'auriez-vous brisé les fers des Français d'Alsace, que pour river ceux des Allemands? Au lieu d'avoir étouffé l'hydre de la féodalité, n'auriez-vous fait que la transporter un peu plus loin dans les mains que vous acquerriez exprès pour elle, dans le voisinage de Lerne? ,
Par quelle inconcevable contradiction arriverait-il qu'hier vous eussiez dit aux uns; soyez libres ; et qu'aujourd'hui vous allassiez dire aux autres : je viens vous acheter pour être esclaves? (Applaudissements.) Comment arriverait-il qu'après avoir donné ici la liberté à quelques hommes, vous allassiez chez un autre peuple acheter des hommes pour la tyrannie? On me dira que vous ne mettrez point les Allemands sous le régime delà féodalité puisqu'ils y sont déjà. Mais, est-ce une raison pour que vous alliez appesantir ce régime et le consacrer par une loi? Sans doute,ils sont sous la verge de l'esclavage, mais les malheureux Africains n'y sont-ils pas aussi? Et cela a-t-il justifié l'Europe du commerce qu'elle en a fait jusqu'à présent? (Applaudissements.)
Vous, Messieurs, acheter des esclaves! vous qui avez déclaré, à la face de l'Etre suprême et des nations, que les hommes naissent et demeurent libres! Ah ! si la féodalité veut des serfs, c'est à elle de les acheter; mais pour vous,j'aime à le croire, vous ne souillerez pas vos mains par un achat bassement inhumain; et pourquoi vous le proposerait-on? A-t-on besoin de vous pour le faire? Ce que vous donnerez ne suffira-t-il pas? Serait-ce la condition qu'on vous prescrirait pour avoir la paix? Ne consentirait-on à vous laisser votre Constitution qu'en vous faisant faire insidieusement une démarche qui en violerait les principes, qui vous rendrait à la fois inconséquents et cruels, qui vous couvrirait en même temps de ridicule et de honte? Si les princes réclamants vous vendent leurs possessions, ils en consacreront le prix à tel usage qu'ils jugeront convenables; mais, pour vous, vous ne devez pas y tremper. -
Je finis, Messieurs, en vous retraçant une idée qui doit vous déterminer. Souvenez-vous que vous ne devez jamais voir des fers que pour les haïr et les toucher que pour les rompre. (Applaudissements.) ;
Souvenez-vous que la nation française vous confia ses destins et sa gloire, que toutes les nations vous regardent et que la postérité vous attend.
Je me résume en vous demandant la question préalable sur le projet de votre comité diplomatique ; et j'ai l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que les lois des 30 avril, 5 novembre 1790 et 19 juin 1791, sont restées sans exécution; considérant qu'il importe de concilier d'un côté ce qu'exige d elle le respect qu'elle doit à ses lois, et de l'autre, le désir qu'àle a de faire jouir les princes pos-
sessionnés en France des avantages que ces lois leur accordent, décrète ce qui suit :
Décret définitif.
« -Art. 1er. Les princes étrangers
possessionnés en France qui ne seront point entrés en négociation avant
le mois de juin prochain, relativement aux indemnités qui leur ont été
offertes par la nation française, seront censés avoir renoncé aux dites
indemnités.
« Art. 2. Le pouvoir exécutif est chargé de faire connaître incessamment le présent décret à tous les princes étrangers possessionnés en France et de rendre compte de cette notification. » (Applaudissements réitérés.)
Un membre : Je demande l'impression du discours et du projet de décret de M. Lasource.
(L'Assemblé décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Lasource.) '
Je ne suivrai pas les orateurs qui m'ont précédé dans les utiles recherches où les ont conduits leur érudition.
Au point où la délibération est arrivée, il ne reste plus qu'un vœu à former, c'est que toute cette longue discussion diplomatique soit fermée» et que l'Assemblée termine la question politique. Les principes, les droits des peuples, la considération de la qualité des parties qui seules contractèrent autrefois, .nous autoriseraient sans doute à contester des indemnités; mais la générosité d'une grande.nation qui conseille des sa-, crifices, des raisons de convenances nous y engagent, et les précédents décrets nous y obligent peut-être. Dans cette position, comme l'opinion générale se réunit à, accorder aux princes des indemnités, je proposerais simplement de décréter : 1° que la discussion sera fermée; 2° que le roi sera invité à nommer un commissaire qui sera chargé spécialement de traiter les indemnités relatives aux princes possessionnés en Alsace, indemnités qui leur ont été accordées par les décrets de l'Assemblée nationale constituante.
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
Je m'oppose à la clôture de la discussion, et j'en demande, au contraire, l'ajournement, parcé que la lettre de l'empereur, que l'on dit arrivée; peut faire changer l'état de la délibération. (Murmures prolongés.) Je demande que le ministre des affaires étrangères soit mandé pour rendre compté dè la réponse de l'empereur.
Je demande la parole. (Oui ! oui ! Non! non !) ,
(L'Assemblée décide que M. Viénot-Vaublanc sera entendu*)
Messieurs, je partage, comme toute l'Assemblée, les nobles mouvements excités parle discours de M. Lasource; mais je crois qu'il est possible, par des réflexions très simples, et surtout par des considérations prises dans votre propre dignité, de combattre son opinion. Une idée présentée par M. Koch, a paru révoltante à M. Mailhe et à M./ Lasource. Ils ont trouvé indigne de la nation d'offrir des remplacements aux princes possessionnés, et ils ont paru blessés de l'idée de faire une acquisition de terres et d'hommes condamnés à la féodalité. Sur cette idée, il n'y a certainement pas de partage dans l'Assemblée, et la demande de dédommagements en hommes ne peut pas même être prononcée à cette tribune. Ainsi il ne peut être question d'acheter des terres en Allemagne, de
faire ensuite l'échange avec celles des princes possessionnés, mais seulement d'acquérir ces dernières. Je ne vois rien dans ce projet qui compromette la liberté nationale, et il me paraît conforme à une saine politique. Il n'est certainement pas de l'intérêt bien entendu de la France d'avoir dans les départements frontières des propriétaires aussi riches que les princes étrangers, et il serait très avantageux que ces terres, acquises par la France, fussent, comme les autres biens nationaux, divisées en un grand nombre de propriétés différentes, et appartinssent à des Français voués à la Constitution. Ainsi, sous ce rapport, j'appuie le projet de décret proposé par le comité. M. Mailhe, appuyé par M. Lasource, vous a proposé de fixer un terme, le 10 juin, après lequel les princes possessionnés en Alsace et en Lorraine, seraient privés de l'avantage qui leur est offert par la nation française d'être admis à réclamer une indemnité. Je combats cette proposition.
. Un pareil décret. Messieurs, serait un refus indirect de l'indemnité promise (Murmures prolongés.), parce qu'il est absolument impossible que ces affaires soient terminées et négociées avant le 10 juin.
Je demande à répondre.
Quant à la proposition qui a été faite de les obliger à déclarer dans un délai, qu'ils veulent entrer en négociation, j'y vois les mêmes inconvénients, parce qu'on ne peut.pas les obliger à faire une semblable déclaration avant que les bases de la négociation n'aient été posées. {Murmures.) Vous savez, Messieurs, qu'un décret de l'Assemblée constituante a autorisé le roi à faire négocier pour les indemnités dues pour les non-jouissances, auparavant d'entrer dans le fond de la négociation pour les indemnités. Vous avez entendu ici M. de Montmorin vous dire qu'il lui était impossible... (Murmures.)
Si les murmures étaient des raisons, certes ces messieurs auraient prodigieusement raison.
Vous avez entendu M. de Montmorin vous dire que plusieurs de ces princes refusaient d'entrer en négociation pour le fond des indemnités, jusqu'à ce que les négociations eussent,été commencées pour les indemnités résultant de la non possession. Il vous a dit que le comité diplomatique de l'Assemblée constituante n'avait pas fait la demande de fonds nécessaires pour cet objet. D'après cela, d'après le décret de l'Assemblée nationale constituante qui existe dans toute sa force, je demande si vous pouvez exiger que les princes déclarent qu'ils entreront en négociation à cette époque, avant que vous ayez mis le pouvoir exécutif en état de traiter avec eux la négociation relativement à la non jouissance. . Mr ... M .É
Mais ce n'est pas de cette difficulté seulement que je tirerais le plus fort de mes arguments. Je ne connais pas de droit plus sacré pour une nation que l'engagement qu'elle a pris elle-même, et c'est un raisonnement indigne de nous que de dire : la France n'était pas tenue d'accorder des indemnités. Elle l'a fait cependant,mais elle conserve le droit de fixer à quelle époque la France veut cesser d'être généreuse. Non, Messieurs, ce langage ne sera pas le vôtre. Prenez-y garde, après'avoir substitué les vertus civiques à l'ancien honneur français qui s'alliait a des vues monarchiques, de vous laisser conduire par ie ne sais quel honneur national dont on parle
sans cesse depuis quelque temps, et qu'on veut faire consister à braver toute les nations de l'Europe. (Murmures.)
L'Assemblée constituante a déclaré, par le décret du 28 octobre, a reconnu l'amitié qui depuis longtemps unit la nation française aux princes possessionnés ; elle a voulu leur donner une preuve de son amitié, vous ne voudrez pas la tromper en imposant aujourd'hui impérativement un terme pour commencer les négociations, ce serait leur déclarer que vous ne voulez plus les regarder comme des amis de la France (Murmures.), ear on ne traite pas des amis avec cette rigueur. (Murmures.) Cette conduite serait aussi impolitique que peu généreuse, et M. Màilhe qui a su joindre les sentiments d'un homme libre aux égards dus aux gouvernements étrangers ne sera sûrement pas très éloigné dé revenir à ce sentiment plus digne d'un homme d'État.
Je sais qu'il est des hommes qui veulent absolument faire déclarer les puissances étrangères et qui, appelant la guerre à grands cris, ontl'es- poir de la voir ramener ta prospérité nationale. a guerre leur présenté uue foule d'avantages et, calculant toutes les chances pour nous, ils ne voient que des succès à espérer ; des victoires à remporter. Pour moi, je penserai toujours que, déterminés avec courage à faire une guerre iuste, nous ne devons oublier aucun moyen de l'éviter. Là vraie grandeur est également éloignée des transactions serviles et des présomptueuses rodomontades. J'avance que je ne connais rièn de si ridicule que de vaines menaces et qu'autant il était digne de l'Assemblée, autant il est encore de son devoir, de demander avec hauteur l'éloignement et la dispersion des Français révoltés (Murmures.), autant il est peu convenable...
Il est temps que les tribunes rendent à l'Assemblée le respect qu'elles lui doivent.
Un membre : Le bruit ne vient pas des tribunes; vous vous trompez!
... autant il est peu convenable de se mettre dans la nécessité de traiter en ennemis les princes dont on a reconnu solennellement l'ancienne amitié.
Les princes possessionnés ne sont pas et ne peuvent pas naturellement être vos ennemis; ils ne peuvent oublier ainsi leurs vrais intérêts; mais ne les placez pas entre leurs intérêts et vous. La lésion de leurs droits n'est qu'un vain prétexte dont on veut se servir pour armer l'Allemagne contre vous. Déjouez ces intrigues par une conduite prudente et généreuse; songez aux maux qu'entraîne la guerre et pensez qu'elle doit être inévitable pour être paraonnée; que l'humanité l'envisage avec horreur et qu'en affermissant votre Constitution dans le calme, imprimée sur la force des lois et de la tranquillité publique, vous travaillerez pour tous les peuples comme pour vous. (Murmures et applaudissements.)
On vous a dit que les princes de l'Europe sont tous les ennemis de votre Constitution, et qu'il s'agit de les faire déclarer plus tôt ou plus tard. Et moi aussi, je crois qu'ils sont ennemis de nos lois nouvelles ; mais je suis convaincu qu'ils redoutent un peuplé libre et qu'ils ne nous attaqueront qu'autant qu'ils y seront contraints. (Murmures dans une partie de l'Assemblée.)
Monsieur le Président ce n'est plus a vous que je m'adresse pour avoir la parole, c'est à la
majorité de l'Assemblée ; je vous prie de la consulter. (Aux voix ! aux voix!)
C'est au moment où M. Viénot-Vaublanc disait une vérité authentique et glorieuse pour la natioh française qu'il est interrompu. iJe demande que l'on consulte l'Assemblée pour savoir s'il sera entendu.
Je ne consulterai pas l'Assemblée puisque l'opinant a la parole ; il est de mon devoir de la lui conserver. (Murmures.)
On vous dit, Messieurs, que les princes de l'Europe sont les ennemis ae votre Constitution et qu'il ne s'agit que de les faire déclarer plus tôt que plus tard ; et moi aussi je crois qu'ils sont les ennemis de nos lois nouvelles, mais je suis convaincu qu'ils redoutent un peuple libre et qu'ils ne nous attaqueront que lorsqu'ils y seront contraints. Ils savent que jamais les nations n'ont été plus redoutables que lorsqu'elles sortaient des crises politiques : témoins l'Angleterre pendant le protectorat, la France après la Fronde. Mais votre dignité ne peut consister à rendre la guerre inévitable. Votre devoir, au contraire, est de faire tout ce qui est humainement possible pour l'éviter (Applaudissements.), et celui qui soutient cette Opinion à la tribune ne sera pas le dernier à offrir ses bras pour la défendre. (Applaudissements.) Prenez, Messieurs, cet esprit ferme et froid que demande la conduite des affaires et craignez l'impulsion de ces têtes ardentes que l'expérience seule peut éclairer et à qui leurs fautes tiendront lieu de méditation.
Au moment dù la France a renoncé aux conquêtes f où Gette tribune ne rententitchaque jour que des vœux formés par la philosophie pour une alliance universelle avec tous les peuples, n'allez pas vous exposer à briser les nœuds qui unissent la France avec ses alliés. Cette inconséquence ne serait pas d'abord aperçue et les réflexions des hommes sages seraient étouffées par les cris d'une nation guerrière. Mais les premières calamités de la guerre, les malheurs et les désastres qui ruineraient bientôt le corps politique, rappelleraient le souvenir Cuisant d'une situation plus heureuse, y joindraient l'amertume des regrets et feraient maudire la précipitation inconsidérée de ceux qui auraient conduit la nation vers la nécessité dé faire la guerre. Placez-vous donc, Messieurs, dans la situation de ne combattre que pour la souveraineté nationale, pour la Constitution ; vos succès alors seront anno-blis par la justice de votre cause, et quels que puissent être nos désastres, aucun Français n'oserait se plaindre ; combattez, c'est votre devoir, pour votre souveraineté, pour votre sûreté; mais loin de vous les déterminations de l'orgueil et de la passion; croyez surtout, Messieurs, que le titre d'amis de la France est trop noble, est trop précieux pour que vous puissiez voter légèrement.
L'Assemblée nationale constituante a solennellement déclaré que les princes possessionnés étaient les amis de la France, vous devez leur en conserver le titre... (Murmures.) et ceux-là seuls qui recevront et secourront les Français révoltés, seront vos ennemis ; c'est à ceux-là seulement que doivent s'adresser les menaces de la nation. Je conclus en demandant la priorité pour le projet du comité, en adoptant la mesure proposée par M. Hérault. (Applaudissements.)
, ministre des affaires étrangères. Messieurs, le roi m'a chargé de communiquer à
l'Assemblée nationale la réponse qu'il a reçue de Vempereur avec explications demandées sur l'office du 21 décembre et les dernières dépêches venues du cabinet de Vienne. Pour faciliter l'intelligence de leur contenu * il convient que l'Assemblée nationale entende préalablement la lecture de cet office même et de celui du 5 janvier 1792, ainsi que d'une lettre écrite par moi à M. de Noailles, le 21 janvier. Je prie l'Assemblée de les faire lire par un secrétaire, attendu que la faiblesse de ma poitrine ne me permet pas de soutenir une longue lecture. v
, secrétaire, fait lecture des pièces suivantes (1) :
1° Copie d'une note officielle de M. le prince de Kaunitz-Rietberg, à M. de Noailles, ambassadeur de France.
« A Vienne, le 21 décembre 1791.
« Le chancelier de cour et d'Etat, prince de Kaunitz-Rietberg, ayant rendu compte à l'empereur de la communication officielle faite par M. l'ambassadeur de France, d'une dépêche ostensible de M. de Léssart, en date du 14 novembre dernier, il a été autorisé de s'expliquer en retour vis-à-vis de M. l'ambassadeur, sur le contenu de cette dépêche, pour autant qu'il est de son ressort, avec cette franchise entière que Sa Majesté impériale croit devoir observer sur les objets qui sont relatifs à la crise importante qu'éprouvé le royaume de France. Le chancelier e cour et d'Etat a donc l'honneur de lui communiquer de son côté :
« Que Monseigneur l'électeur de Trèvës tient également de faire part à l'empereur de la note que le ministre de France à Coblentz avait été chargé de présenter, ainsi'que1 de la réponse que S. A. S. E. a fait donner a cette note ; qu e ce prince a fait connaître en même temps à Sa Majesté impériale, qu'il avait adopté à Péga'rd des rassemblements armés des émigrés et réfugiés Français, et à l'égard des fournitures d'armes et de munitions de guerre, les mêmes principes et règlements qui ont été mis en vigueur dans les Pays-Bas Àutriçhièhs| màis qué'Se répandant de vives, inquiétudes parmi ses sujets et dans les environs, què la tranquillité des frontières et Etat pourrait être troublée par dès incursions et violèncés, nonobstant 'cette; sage mesure, Monseigneur l'élèctëur à réclamé l'assistance de l'empereur, pour le cas que l'événement réalisât ces inquiétudësl. '
Que l'empereur est parfaitement1 tranquille sur les intentions justes et
modéréës du roi très chrétien, ët bon inoiriscortvâîrieu du très: grand
intérêt qu'a ie gouvernemènt français à ne point provoquer tous
leSprincessouverainsëtranger's; par des voies dé .fait ôontre l'un
d'entre eux; mais que ; PeXpërienCeîourriâlièrë ne rassurant point asseg
sur la stabilité et la prépondérance des principes modérés en
Franbe,i;ët sur la SU^ bordihàtiottdés pouvoirs et surtout des provihcës
et municipalités, pour ne point devoir appréhender que les
voiéS'dë,fait: ci-dessus ne spiëht exercées, malgré' les intentions dii
roi, ét malgré IéS dangers des Côiiséquenfcës;1 'Sa Majesté impé1 riale
se voit riëcèssitéé, tarit par une suite dé sonamitié pour l'élëcteiirde
Trévés, que par les considérations qu'elle doit à l'intérêt général
« L'empereur est trop sincèrement attaché à Sa Majesté très chrétienne, et prend trop de part au bien-être de la France et au repos général, pour ne pas vivement désirer d'éloigner cette extrémité et les suites infaillibles qu'elle entraînerait, tant de la part ' du chef et des Etatsi de l'Empire germanique, que de la part des autres souverains réunis en concert pour le maintien de la tranquillité publique, et pour la sùretè et l'honneur des Couronnes : et c'est par un effet de ce désir, que le chancelier de cour et d'Etat est chargé de s'en ouvrir, sans rien dissimuler vis-à-vis de M. l'ambassadeur de France auquel il a d'ailleurs l'honneur de réitérer les assurances de sa considération la plus distinguée. »
2° Copie dune note officielle de M. le prince de Kaunitz-Rietberg., à M. de Noailles, ambassadeur de France à Vienne, le 5 janvier. 1792.
« Le chancelier; de cour et d'Etat, prince, de; Kaunitz-Rietberg, a ordre dé transmettre à M. l'ambassadeur de France les bbservations et réponses, suivantes, surle contenu de sa.nouvelle communication du 2\ courant :
« Ainsi que M. làmbassadeur a déjà été informé, Monseigneur rélpcteur de Tréyes ëst sé-peusement intentionné de faire observer dans ses,Etats lés mêmës règlements qui sont en vigueur aux Pays-Bas Autrichiens à, l'égard des Français émigrés.
« On n'a cbnnaissancë ici d'aucun fait important qui puisse autonçer des j dppt^sur. cçtjtft Intention. Sa Majesté impériale në !ia|ss4ra tb|it,eT fois pas d'en, faire..,rèçoihipander itératiyement l'accomplissement à S- A. S. E. par le, nouveau ministre qui sè. .rendra incessamment â Co-j bJLentz.
« Dès dispositions également modérées,et pru-d entes siB^m^ifesjiënt^ xlàïist part des- autres tftMfieft jdfMlemgn^w^^jms dé, la,/ Fr£nç#r; ef quelques alarmes exagérées que l'on s'eiforce de répandre sur les desseins d'un 'couple de milliers d'émigrés, il n'y a a certainement \ aucun sujet d'enattribperd'hostUës aux princesducorpsger-mariique, qui espèrént ën éqnange que la France apportera, dé Son cfôté, à rëmplîr ïçs traites ;,pii? bfiçs, la même fidélité, qu'ellej ^cfàmè de leur part.
C'est néanmoins Vspus lë prétexté de ces âlar^ mes, que le roi très chrétien se voit obligé, pour satisfairè au;Vfçiji id^'Ass,èmblée nationale et au cri dé la nation, dé rassembler l^p,Û0p;ppmmes sur.Iéj3frontières.£ej5;'gén;éraux po^^^^ der sdiit nom.inés^ les fonds décrétés ;, léj mïnïsi^ de la giiérre se rênd sur lès Ùeux de rassemjjlèy înèht dés trois, armées.
« Dans le même temps les, Gazettesnationales retentissent de déclamations injurieuses, mçna- ët ces déclamations applaudies et, .accueillies;au sein de l'Assemblée, .naj^ona-le^ise^tournent ou-vertëmënt en projets èt complot's g'attaque et dé séductiop dans/ les clubs affiliés jpartppt ïe rôyàùme, dont rihfluènçe. vaîpement prôscrité, se reproduit JdéT j)lu s 'ën plus pqur comblér les malheurs de là France, ;
« De tels faits offrent des sujets d'alarmes et de mesures infiniment plus reelles, et ne peuvent que solliciter l'attention la plus sérieuse de la part des puissances étrangères réunies en concert avec Sa Majesté impériale.
« Pour ce qui concerne les dangers qui menaceraient en particulier les Etats de Monseigneur l'électeur de Trêves ou tel autre Etat de l'Empire germanique, malgré les dispositions ci-dessus, le chancelier de cour et d'Etat a déjà fait connaître à M. l'ambassadeur de France les déterminations de l'empereur à l'égard dudit prince, et il est chargé de lui déclarer, de plus.
« Qu'une invasion de troupes françaises sur le territoire de l'Empire ne pourrait être regardée que comme une déclaration de guerre pour le corps germanique, et que Sa Majesté ne pourra, en conséquence, s'empêcher de s'y opposer de toutes ses forces. »
3° Extrait communiqué confidentiellement à M. le prince de Kaunitz, de la lettre de M. de Lessart à M. de Noailles, datée de Paris le 21 janvier 1792.
« Je vous ai déjà parlé, Monsieur, de la note officielle qui vous a été remise par M. le prince de Kaunitz, le 21 décembre : je vous en reparlerai encore. Cette déclaration inattendue ,a causé, dans le premier moment, la plus grande agitation, parce qu'on a cru remarquer dans le langage ae la cour de Vienne, le ton de la menace. Pour justifier cette opinion, il faut rentrer dans quelques détails.
« C'est au mois de novembre que vous avez fait part au ministère autrichien de l'invitation formelle que le roi venait de renouveler auprès de l'électeur de Trêves, pour obtenir de lui la dispersion des rassemblements formés dans ses Etats; et c'est en même temps que vous avez demandé, au nom du roi, que l'empereur voulût bien interposer ses bons offices et son autorité, pour engager l'électeur à remplir cet acte de justice. Les rassemblements, les préparatifs hostiles, les formations de corps militaires, étaient de la notoriété la plus incontestable; les démarches des émigrés, pour susciter partout des ennemis à la France, n'étaient pas moins connues; la cour de Vienne, plus qu aucune autre peut-être, en avait la preuve. Cependant, au lieu de déterminer l'électeur de Trêves à faire cesser cette cause de fermentation et d'inquiétude, on a paru indifférent à Vienne à tous ces mouvements, et on leur a donné, par là, plus de force et plus d'importance.
« Il était impossible que la nation vît avec la même indifférence l'agression dont elle était menacée. L'Assemblée nationale s'est adressée au roi pour lui exprimer le vœu qui se manifestait ae toutes parts, et pour l'inviter à prendre les précautions qu'exigeait là sûreté de l'Etat. C'est alors que l'électeur dé Trêves, effrayé de cette démarche, a réclamé la protection de l'empereur, et que, sans aucune communication, sans aucun éclaircissement préalable, M. le prince de Kaunitz vous a déclaré que l'empereur avait donné ordre à M. le marécnal de Bender de marcher au secours de l'électeur de Trêves, s'il était attaqué.
« Il est vrai que cet ordre paraît se rapporter à la supposition de quelques violences ou de quelques incursions commises par des munici-pialités, contre l'intention de la nation et du roi. lais, dans cette supposition même, des actes de cette nature n'auraient jamais dû être considérés
que comme des voies de fait particulières, dont 1 électeur pouvait aisément se défendre avec ses propres moyens, qui, au surplus, étaient susceptibles d'un arrangement amiable, et qui certainement n'exigeaient pas que M. le maréchal de Bender se mit en mouvement pour les réprimer.
« Nous savons, à la vérité, qu'en même temps que l'empereur donnait cet ordre, il faisait dire à l'électeur de Trêves de se mettre en règle par rapport aux émigrés, et de suivre en tout l'exemple de ce qui s'était pratiqué à leur égard dans les Pays-Bas. Nous savons également que c'était à l'accomplissement préalable de cette condition, qu'étaient subordonnés les secours que M. le maréchal de Bender devait porter à l'électeur, dans le cas d'une attaque de notre part. Pourquoi cette disposition n'a-t-elle pas été exprimée dans la note qui vous a été remise?
« Je n'ai pas besoin de vous dire combien l'exposé que l'électeur de Trêves a fait à l'empereur est dénué de vérité. Tout Ce qu'il est obligé de faire pour se conformer à l'ordre établi dans les Pays-Bas, dément les assertions qu'il s'était permises, et prouve d'une manière bien manifesta l'état vraiment hostile dans lequel les émigrés se trouvaient dans ses Etats. Mais ce que je saurais passer sous silence, C'est le passage ae la note officielle, où l'électeur de Trêves articule : qu'il est aisé de reconnaître que le roi n'était pas libre, lorsqu'il a souscrit l'office qui lui a été remis de la part de Sa Majesté. Cette manière de s'exprimer n'aurait pas dû faire obtenir si facilement à l'électeur de Trêves la protection qu'il réclamait.
« Je passe, Monsieur, au dernier paragraphe de l'office du 21 décembre. C'est l'article qui, à la réflexion, a fait naître le plus de doutes, et a laissé de plus profondes impressions. Il y est dit « que l'empereur est trop sincèrement attaché à « Sa Majesté très chrétienne, et prend trop de « part au bien-être de la France et au repos gé-« néral, pour ne pas vivement désirer d'éloigner « cette extrémité, et les suites infaillibles qu'elle « entraînerait, tant de la part du chef des Etats de « l'Empire germanique, que de la part des autres « souverains réunis en concert pour le maintien « de la tranquillité publique, et pour la sûreté « et l'honneur des Couronnés. » Premièrement, on ne conçoit pas bien comment des voies de fait particulières, commises peut être par quelques municipalités, devraient intéresser toute 1 Europe, tandis, comme on l'a déjà observé; qu'avec, un peu de bienveillance, ces sortes d'événements se terminent toujours à l'amiable. En second lieu, on a été extrêmement frappé de ces expressions, les souverains réunis en concert pour le maintien de la tranquillité publique, et pour la sûreté et l'honneur des couronnes. On a cru y voir l'indice d'une ligue formée à l'insu de la France, et peut-être contre çlle, et l'on a été étonné que l'empereur, beau-frère et allié du roi, ne lui eût point fait part de ce'concert formé entre les souverains de l'Europe, à la tête duquel Sa Majesté impériale paraît être placée.
« Cette observation, Monsieur, me conduit naturellement à vous parler d'une inquiétude, qui occupait déjà les esprits, et à laquelle les paroles que je viens de vous citer ont donné beaucoup ae force. On craint qu'il n'existe en effet une espèce de ligue formée entre les principales puissances de l'Europe, dans la vue d'apporter quelques changements à la Constitution française. On prétend que ces puissances ont dessein
de provoquer un congrès, où cet objet serait traité entre elles. Enfin on suppose, que réunissant leurs forces et leurs moyens, elles voudraient contraindre le roi et la nation à accepter les lois qu'elles auraient faites.
« Je ne doute pas que les émigrés n'aient souvent présenté ce projet comme la chose du monde la plus pacifique et la plus facile à exécuter. Mais je ne saurais me persuader qu'il ait été si facilement accepté. Je ne peux pas croire surtout que l'empereur, animé, comme il l'est, par des vues de sagesse et de justice, ait pu se prêter à de semblables idéés.
« Ce serait vainement qu'on entreprendrait de changer, par la force des armes, notre nouvelle Constitution : elle est devenue, pour la grande majorité de la nation, une espèce de religion qu'elle a embrassée avec enthousiasme, et qu'elle éfendrait avec l'énergie qui appartient aux sentiments les plus exaltés. (Applaudissements réitérés.) Ceux qui voudraient entraîner les puissances étrangères à des mesures violentes, ne cessent de répéter que la France est pleine de mécontents qui n'attendent que l'occasion pour se déclarer. Il y a beaucoup de gens qui souffrent,et qui se plaignent : mais ce que je crois fermement, et ce qn'attesteront avec moi tous ceux qui connaissent la disposition actuelle des esprits, c'est qu'au premier moment où la Constitution serait attaquée, il n'y aurait plus qu'un seul parti, qu'un seul sentiment, qu'un seul intérêt, et la plupart des mécontents se réunissant à la cause commune, en deviendraient les ardents défenseurs. (Applaudissements.)
« En même temps qu'on parle des mécontents, on exagère l'indiscipline de notre armée, la pénurie ae nos finances, nos troubles intérieurs; en un mot on nous représente comme étant dans une. impuissance absolue. Je ne dissimule pas que nos embarras ne soient grands ; mais le fussent-ils davantage encore, on se tromperait beaucoup si l'on croyait pouvoir dédaigner la France et la menacer sans inconvénient.
« Vous m'avez mandé plusieurs fois, Monsieur, qu'on était extrêmement frappé, à Vienne, du désordre apparent de notre administration, de l'insubordination des pouvoirs, du peu de respect qu'on témoignait quelquefois pour le roi. Il faut considérer que nous sortons à peine d'une des plus grandes révolutions qui se soiënt jamais opérées \ que cette révolution, dans ce qui la caractérise essentiellement, s'étant d'abord faite avec une extrême rapidité, s'est ensuite prolongée par les divisions qui sont nées dans les différents partis, et par la lutte qui s'est établie entre les passions et.les intérêts divers. Il était impossible que tanfd'oppositions et tant d'efforts, tant d'innovations et tant de secousses violentes, ne laissassent pas après elles de longues agitations; et l'on a bien dû s'attendre qué le retour de l'ordre nè pourrait être que le ïruit du temps.
« Quelle est, au surplus, la principale cause de cette fermentation intérieure dont la cour de Vienne paraît si blessée? C'est la consistance qu'on prise les émigrés ; ce sont leurs préparatifs, leurs projets, leurs menaces ; c'est l'appui plus ou moins considérable qu'ils ont trouvé dans la plupart des cours dé l'Europe. Il a été une époque, sans doute, où leur cause qui paraissait liée à celle du roi, a pu exciter l'intérêt des souverains, et plus particulièrement celui de l'empereur. Mais une fois que le Toi, par l'acceptation de la Constitution, s'est mis à la tête du nouveau gouvernement, les émigrés n'ont
plus dû intéresser que par leurs malheurs, et il a été facile de juger que leurs prétentions et leurs mouvements, en donnant des espérances aux uns et des inquiétudes aux autres, entretiendraient le trouble dans le royaume, et finiraient peut-être par le répandre dans une partie de l'Europe. Voilà pourquoi l'office du 21 décembre, qui semblait annoncer l'intention de les protéger, a produit une sorte d'explosion, et a donné lieu à tant de soupçons et de reproches : et sur qui tout cela retombe-t-il? sur le roi, parce que la malveillance cherche à persuader qu'il existe entre Sa Majesté impériale et le roi une intimité parfaite; que toutes leurs démarches sont concertées, et qu'ainsi c'est le roi qui protège les émigrés et qui excite la coalition de toutes les puissances de l'Europe. Ce serait donc un grand moyen dé calmer les esprits et de ramener l'ordre et la tranquillité dans le royaume, que défaire cesser- partout le scandale de ces rassemblements d'émigrés, qui, sans titre et sans territoire, agitent toutes les cours, cherchent à s'ériger en puissances et ne pensent qu'à venger leurs injures particulières et à faire triompher leurs prétentions;
« Il paraît, Monsieur, qu'une des choses dont le ministère autrichien est le plus choqué, est la licence des discours et des écrits, et qu'il pré-, tend qu'un gouvernement où de pareils excès sont tolérés, est lui-même intolérable.
« Sur cet objet nous avons posé des principes sages et établi des lois justes: mais il faut considérer que notre organisation ne fait que de naître ; que les ressorts de notre nouveau gouvernement ne sont pas tous encore en pleine activité, et qu'au milieu des inquiétudes, qui nous viennent en grande partie du dehors, il est impossible que les lois exercent au-dedans tout leur Empire. Qu'oh Cesse de nous inquiéter, de nous menacer, de fournir des prétextes à ceux qui ne veulent que le désordre, et bientôt l'ordre renaîtra. (Applaudissements.)
«Au reste, ce déluge de libelles dont nous avons été si complètement inondés, est considérablement diminué, et diminue encore tous les jours. L'indifférence et le mépris sont les armes avec lesquelles il convient de combattre cette espèce de fléau. L'Europe pourrait-elle s'agiter et s'en prendre à la nation française, parce qu'elle recèle dans son sein quelques dé-clamateurs et quelques folliculaires ; et voudrait-on leur faire l'honneur de leur répondre à coups de canon? (Rires et quelques applaudissements.)
« Je dirai plus : s'il était possible, qu'une si misérable cause entraînât les puissances étrangères dans une mesure aussi terrible que la guerre, cette guerre, quel qu'en fût l'événement, ne détruirait point la cause pour laquelle elle aurait été entreprise, elle ne ferait, au contraire, que l'accroître et lui donner plus d'activité.
« Je viens, Monsieur, de prononcer un grand mot, un mot qui occupe actuellement tous les esprits, un mot qui fait l'objet de l'inquiétude des uns et du désir des autres; ce mot est la guerre. Vous croyez bien que le roi est à la tête dé ceux qui y répugnent; son excellent esprit, d'accord avec son cœur, cherché à en repousser l'idée ; il la regarde, dût-elle être heureuse, comme une calamité pour le royaume, et comme un fléau pour l'humanité; mais en même temps, je peux vous l'assurer, le roi a été vivement affecté de l'office du 21 décembre. Tout ce qu'on a appris depuis, soit de Bruxelles, soit de Coblentz, l'a rassuré sur les véritables dispo-
sitions de l'empereur ; et Sa Majesté, désirant faire partager ce sentiment à l'Assemblée nationale, m'a chargé successivement de lui communiquer tout ce qui pourrait tendre à ce but. Mais cet ordre donné si brusquement à M. le maréchal de Bender; cette apparente intention de secourir l'électeur de Trêves, taudis que ce prince tenait à notre égard la conduite la plus hostile; cette annonce dun concert inconnu de notre part, entre toutes les puissances de l'Europe ; la tournure et le ton de l'office ont fait eu général une impression dont les gens les plus sages n'ont pas pu se défendre, et qu'il n'a pas été au pouvoir du roi d'effacer.
« Je reviens àl'objet essentiel, à la guerre. Est-il de l'intérêt de l'empereur de se laisser entraîner a cette fatale mesure? Je supposerai si l'on veut, tout ce qu'il y a de plus favorable pour ses armes ! eh bien, qu'en résultera-t-il ?
« Que l'empereur finira par être plus embarrassé de ses succès qu'il ne l'eût été de ses revers, et que le seul fruit qu'il retirera de cette guerre, sera le triste avantage d'avoir détruit son allié, et d'avoir augmenté la puissance de ses ennemis et de ses rivaux. (Murmures.) ,
« Je crois donc de la dernière évidence, que la paix convient autant à l'empereur qu'à la France. Je crois qu'il lui convient de cçnserver une alliance qui désormais ne peut avoir aucun inconvénient pour lui, et qui peut lui devenir utile. Je crois qu'au lieu de prendre part à des mesures qui tendraient à bouleverser le royaume, il doit, au contraire, désirer sa force et sa prospérité.
« Vous devez'chercher, Monsieur, à vous procurer des explications sur trois points : 1° sur l'office du 21 décembre ; 2° sur l'intervention de l'empereur dans nos affaires intérieures; 3° sur ce que Sa Majesté Impériale entend par les so«-verains réunis en concert pour la sûreté et l honneur des Couronnes. Chacune de ces explications, demandée à sa justice, peut être donnée avec la. dignité qui convient a sa personne et à sa puissance.
« Une chose peut-être embarrassera la Cour impériale dans les explications que je la suppose disposée à nous donner; c'est l'affaire des princes possessionnés, dans laquelle l'empereur s'est cru obligé d'intervenir comme chef de l'Empire. Mais j'observerai d'abord que c'est une affaire à part, et qui doit être traitée sous un autre rapport que celle dont il s'agit actuellement. J'ajouterai que le décret du 14 donne à cette négociation beaucoup plus de latitude qu'élle n'en avait précédemment ; car, à l'exception de tout ce qui pourrait tendre à rétablir les droits féodaux sur le territoire de la France, ce qui était et ce qui sera toujours impossible, tout le reste devient permis ; et certainement le roi né se refusera à aucun arrangement raisonnable, et je crois pouvoir espérer que l'Assemblée nationale sera disposée à adopter cé que Sa Majesté lui proposera sur cet objet.
« Je me résume, Monsieur, et je vais vous exprimer en un mot le vœu du roi, celui de son conseil, et je ne crains pas de le dire, celui de la saine partie de la nation; c'est la paix que nous voulons. Nous demandons à faire cesser cet état, dispendieux de guerre dan s lequel la fatalité des circonstànces nous a entraînés: nous demandons à revenir à l'état dé paix. Mais on nous a donné de trop justes sujets d'inquiétude poUr que nous n'ayons pas besoin d'être pleinement rassurés. »
, ministre des affaires étrangères. L'Assemblée a bien voulu donner quelque approbation à ma dépêche; mais....
Pas du tout... (Murmures.)
Plusieurs membres : Silence aux tribunes !
Je réclame le silence ; j'ai donné des ordres pour que pareille chose n'arrive plus.
C'est moi qui ai parlé, et non pas les tribunes.
Plusieurs membres observent à M. Reboul qu'il a tort de donner son opinion pour celle de 1 Assemblée.
, ministre des affaires étrangères. Mais cette dépêche n'était point destinée à voir le iour ; elle avait été communiquée confidentiellement au ministre de l'empereur ; c'est contre l'ordre des procédés et par une sorte d'abus de confiance qu'il en a fait usage de manière à en forcer la publicité. Mais enfin cette dépêche, Monsieur le Président, contient le secret de ma pensée, et plût au Ciel que tout ce que je pense pût être également révélé! On ne se permettrait plus alors d'abuser, comme on ne le fait que trop, de la situation désavantageuse où me met la nature de mon département pour diriger contre moi des soupçons, des imputations, des reproches également contraires à la justice, à la raison et à la vérité. (On applaudit dans une partie de la salle )
, secrétaire, continuant la lecture des pièces :
4° Copie d'une dépêche de M. le chancelier de cour et d'Etat, prince de Kaunitz-Rietberg, à M. de Dlumendorf, conseiller d'ambassade, et chargé d'affaires de Sa Majesté Impériale à Paris.
« De Vienne, le 17 février 1792;
« Monsieur l'ambassadeur de France en cette cour a eu ordre de demander des explications au sujet de la note que je lui avais remise le 21 décembre. Il s'en est acquitté en me communiquant l'extrait ci-joint, de la dépêche qui lui a été adressée à cet effet par M. de Lessart le 21 janvier dernier.
« Il pourrait suffire de me rapporter sur les objets de l'éclaircissement demandé, tant à la notoriété des faits, qu'à une note postérieure remise de ma part à M. l'ambassadeur le 5 janvier, et sans doute connue à Paris 16 jours après, à la date de la dépêche de M. de Lessart. Néanmoins les sentiments et les intentions, de l'empereur vis-à-vis de la France, sont si purs et si sincères, qu'il se prête volontiers aux éclaircissements réitérés les plus francs, convaincu qu'il importe infiniment de les faire connaître tels qu'ils sont, et de dissiper complètement le faux jour sous lequel on s'efforce de les représenter, pour compromettre la tranquillité mutuelle.
« Les explications que M. l'ambassadeur a été chargé de demander, se réduisent proprement aux deux chefs d'objets suivants ; les ordres donnés au maréchal de Bender, et le concert qui existe entre l'empereur et plusieurs autres puissances, pour le maintien de la tranquillité publique, et pour la sûreté et l'honneur des Couronnes.
1° Éclaircissements relatifs aux ordres donnés au maréchal de Bender.
« L'empereur, sans attendre qu'il en fût requis par la France, a soumis le premier dans ses Etats, la réception des émigrés français aux règles les plus strictes d'un asile innocent; et ce n'est aussi plus un secret dans toute l'Europe, que demiis le commencement des rassemblements aes émigrés, l'empereur n'a cessé d'employer les conseils et les exhortations les plus énergiques pour les détourner de tout éclat propre à troubler la tranquillité publique. Sur quel fondement, à quel dessein M. de Lessart reproche-t-il donc à la cour de Vienne d'avoir paru indifférente sur les mouvements des émigrés!
« Les ordres au maréchal de Bender dont il s'agit, ont été liés comme une condition absolue à ce que la promesse de M. l'électeur de Trêves, de faire exécuter chez lui les mêmes règles qui font en vigueur aux Pays-Bas, relativement aux émigrés, soit pleinement remplie. M. de Lessart avoue qu'on le sait en France : ce point ne demandait donc pas un éclaircissement; car je ne sais que penser du reproche que nous fait ce ministre, de ce que cette disposition n'avait pas été exprimée dans la note du 21 décembre, tandis que l'assistance réclamée par l'électeur y est rapportée en propres termes, « au cas que la « tranquillité de ses frontières et Etats fut trou-« blée, nonobstant la sage mesure de ce prince, « d'adopter les mêmes principes qui ont été mis « en vigueur dans les Pays-Bas autrichiens; » tandis que, dans ma seconde note du 5 janvier, la déclaration d'assistance de notre part est expressément limitée aux cas d'invasion qui surviendrâient, « malgré les dispositions mo-« dérées et prudentes des princes d'Empire, de « faire observer les mêmes règlements qui sont « en vigueur aux Pays-Bas ». Si des indications si précises ne suffisaient pas pour dissiper tous les doutes; si en soi-même il était possible de se figurer que l'empereur voudrait soutenir ailleurs des armements qu'il a proscrits chez lui-même; que pouvait-il rester à désirer après la lettre que M. le comte de Mercy vous adressa, le 7 janvier, et dont vous me mandez, Monsieur, d'avoir aussitôt communiqué les propres termes à M. de Lessart, par laquelle cet ambassadeur vous enjoignit d'assurer le ministère français, que l'empereur n'avait promis de secours à 1 électeur, « qu'autant qu'il aura pleinement sa-« tisfait à la demande ae la France, de ne per-« mettre chez lui, ni rassemblement d'émigrés, « ni aucun préparatif, ni mesures hostiles de « quelque genre que ce soit, et qu'il n'adopte « en tout point la conduite impartiale que 1 on « a suivie aux Pays-Bas envers les émigrés fran-« çais ». Cette explication officielle jointe aux indications ci-dessus, et confirmée par le fait, et par les propres rapports de M. de Sainte-Croix sur l'exécution du désarmement, ne mettait-elle point entre les mains du ministère des moyens suffisants de calmer et d'anéantir les doutes des plus opiniâtres et des plus malveillants?
« Comment enfin, M. de Lessart peut-il borner les motifs de l'ordre donné au maréchal de Bender, à la supposition de quelques violences ou de quelques incursions commises par des municipalités! Pourquoi passe-t-il sous silence les autres motifs que ma note du 21 décembre énonce en disant : « que l'expérience journa-« lière ne rassurait point assez sur là stabilité « et la prépondérance des principes modérés en
« France, et sur la subordination des pouvoirs, « et surtout des provinces et des municipalités. » De tout ce passage, le dernier mot est seul relevé; est-ce que les autres motifs qu'il exprime, et qui se trouvent encore plus détaillés dans ma note du 5 janvier (sur laquelle on garde également le silence), ne sont pas aussi vrais qu'importants? Il est assurément plus facile ae les dissimuler que d'en combattre l'existence et la réalité.
« Il était donc plus clair que le jour, que l'empereur, loin de vouloir menacer la France, n'a voulu que lui rappeler l'obligation où il se trouverait, comme chef de l'Empire, co-Etat et voisin, de secourir un autre état d'Empire contre d'injustes attaques, dont menaçait évidemment la violence extrême qui se manifestait dans les dispositions de l'Assemblée nationale, ainsi que des départements et municipalités les plus voisins ; jointe à une telle précipitation et disproportion de mesures, qui ne permettait aucun délai dans les ordres du secours éventuel. Et comme il est d'une égale évidence, qu'il n'avait pas été laissé l'ombre d'un doute à la France, sur les véritables intentions de l'empereur, il s'ensuit, en dernier résultat, que le premier chef des explications demandées ne fournissait pas le moindre objet d'éclaircissement, si on n'avait voulu absolument en faire naître.
2° Éclaircissements sur le concert des puissances.
« Il a été une époque, sans doute, dit M. de Lessart, où leur cause (celle des émigrés), qui paraissait liée à celle du roi, a pu exciter Vintérêt des souverains, et plus particulièrement celui de Vempereur.
« A cette époque que ce ministre fixe avant le temps que le roi, par l'acceptation de la Constitution, s'est mis à la tête du nouveau gouvernement, la France offrait à l'Europe le spectacle d'un roi légitime, forcé par des violences atroces à s'enfuir, protestant solennellement contre les acquiescements qu'on lui avait extorqués; et peu après, arrêté et détenu prisonnier avec sa famille, par son peuple. (Murmures.)
« Oui, c'était alors au beau-frère et à l'allié du roi à inviter les autres princes de l'Europe de se concerter avec lui pour déclarer à la France :
« Qu'ils regardent tous la cause du roi très « chrétien comme la leur propre;
« Qu'ils demandent que ce prince et sa famille « soient mis sur-le-champ en entière liberté, en « leur accordant de pouvoir se porter où ils le « jugeront convenable, et réclamant pour toutes « ces personnes royales l'inviolabilité et le res-« pect auxquels le droit de nature et des gens « obligent les sujets envers leurs princes ; (Nou-« veaux murmures.)
« Qu'ils se réuniront pour venger avec le plus « grand éclat tous les attentas ultérieurs quel-« conques que l'on commettrait ou se permettrait « de commettre contre la sûreté, la personne et « l'honneur du roi, de la reine et de la famille « royale;
« Qu'enfin ils ne reconnaîtront comme lois et « Constitutions légitimement établies en France, « que pelles qui se trouveront munies du consên-« tement volontaire du roi, jouissant d'une liberté « parfaite ; mais qu'au contraire ils emploieront « de concert tous les moyens placés en leur puis-« sance pour faire cesser le scandale d'une usur-« pation de pouvoir qui porterait les caractères « d'une révolte ouverte, et dont il importerait à
« tous les gouvernements de réprimer le funeste « exemple. » « Tels sont les termes de la déclaration que
général. On défie d'y trouver une syllabe qui ne fût avouée par ce que les principes du droit des gens ont de plus sacré. Et prétendit-on que la nation française, par sa nouvelle Constitution, se soit élevée au-dessus de la jurisprudence universelle de tous les siècles et de tous les peuples, encore ne saurait-on, sans contredire la Constitution même, caractériser de ligue contre la France, de réunion des ' puissances pour contraindre le roi et la nation à accepter les lois qu'elles auraient faites, un Côncert dont le seul but était de vènir à l'appui de cette même inviolabilité du roi, et de la monarchie française, que la nouvelle Constitution reconnaît et sanctionne comme une base immiiable.
« A cette même époque de la détention' du roi et de sa famille, se rapporte la stipulation comprise dans des points préliminaires d'une alliance défensive entre les cours de Vienne et de Berlin, signés le 25 juillet de la même année, portant : « que les deux cours s'entendront et s'emploie-« ront pour effectuer incessamment le concert » auquel Sa Majesté l'empereur vient d'inviter « les principales puissances de l'Europe sur les « affaires de la France »; stipulation qui repose entièrement, comme on voit, sur les principes et le but du concert, ainsi1 que la déclaration signée en commun par les souverains de l'Autriche et de la Prusse, lors de leur entrevue à Pilnitz, lé 27 d'août.
« Ce concert était prêt de se consolider, lorsque le roi et sa famille furent relâchés, l'autorité royale réintégrée, le maintien du gouvernement monarchique adopté pour loi fondamentale de la Constitution, et quë Sa Majesté très chrétienne déclara, par sa lettre à l'Assemblée nationale, du 13 septembre, « qu'il acceptait la Constitution ; « qu'à la vérité il n'apercevait point dans les « moyens d'exécution, ét d'administration toute « l'énergie qui serait nécessaire pour imprimer « le mouvement et pour1 conserver l'unité dans « toutes les parties d'un si vaste Empire; mais « qu'il consentait que l'expérience*1 seule en « demeura juge. »
« Alors, 1 empereur s'adressa une seconde fois aux puissances qu'il avait invitées au concert, pour leur proposer d'en susprendre l'effet, suivant le témoignage de là dépêche circulaire que reçurent à cette fin les ministres impériaux respectifs, dans le courant du mois dé novembre, et dont vous ne ferez pas difficulté, Monsieur, de produire la copié ci-jointe, n° 2. Cette proposition suspensive fut motivée par l'acceptation du roi, par la vraisemblance qu'elle avait été volontaire, et par l'espoir que les périls qui menaçaient la liberté, l'honneur et la sûreté du roi et de la famille royale, ainsi que la conservation du gouvernement monarchique en France, cesseraient à l'avenir. Ce n'est que pour le cas que ces périls se reproduiraient, que la reprise active de concert y est réservée.
« Au lieu donc que cette dépêche circulaire serve à constater, ainsi qu'on l'avance sans preuve, dans l'invitation en forme de décret que l'Assemblée nationale a fait présenter au roi le 25 janvier, que Vempereur a cherché à exciter, entre diverses puissances, un concert attentatoire à la souveraineté et la sûreté de la France, elle
atteste, tout au contraire, que Sa Majesté impériale a cherché de tranquiliiser les autres puissances en les engageant à partager avec lui les espérances qui motivent l'acceptation du roi très chrétien.
« Depuis lors, le concert de l'empereur avec les puissances n'a plus subsisté qu'éventuellement, à raison des inquiétudes qu il était bien naturel de conserver après une Révolution qui, pour me servir des termes de M. de Lessart, s'étant d'abord faite avec une extrême rapidité, s'est ensuite prolongée par les divisions, étant impossible que tant d'oppositions et tant d'efforts, tant d'innovations et tant de secousses violentes ne laissassent pas après eUeS de longues agitations. Ces inquiétudes, et le concert d'observation passive qui en résulte, ont un double motif aussi fondé qu'inséparable dans ses objets.
« Tant que l'état intérieur de la France, au lieu d'inviter à partager l'augure favorable de M. de Lessart sur la renaissance de l'ordre, l'activité du gouvernement et l'exercice des lois, manifestera au contraire des symptômes journellement croissants d'inconsistance et de fermentation, les puissances amies de la France auront les plus justes sujets de craindre, pour le roi et la ïamille royale, le retour des memes extrémités qu'ils ont éprouvées plus d'une fois; et pour la France, de la voir replongée dans le plus grand des maux dont un grand Etat puisse être attaqué, l'anarchie populaire. Mais c'est aussi des maux, le plus contagieux pour les autres peuples; et tandis que plus d un Etat étranger a déjà fourni les plus funestes exemples de ses progrès, il faudrait pouvoir contester aux autres puissances le même droit de maintenir leurs Constitutions que la France réclame pour la sienne, pour ne pas convenir que jamais il n'a existé ae motif d'alarme et de concert général plus légitime, plus urgent et plus essentiel à la tranquillité de l'Europe.
« Il faudrait pareillement pouvoir récuser le témoignage des événements journaliers les plus authentiques, pour attribuer la principale cause de cette fermentation intérieure ae la France à la consistance qu'ont prise les émigrés, à leurs préparatifs, leurs projets, leurs menaces, à l'appui qu'ils ont trouvé. Les faibles armements des émigrés ne demandaient point l'opposition de forces 30 à 40 fois plus nombreuses. Les armements des émigrés sont dissous, ceux de la France continuent. L'empereur, bien loin d'appuyer leurs projets ou leurs prétentions, insiste sur leur tranquillité; les princes de l'Empire suivent son exemple:1 Aucune puissance ne les soutient par des troupes, et les secours pécu1-niaires qu'elles peuvent avoir accordés à l'intérêt dû à leurs malheurs, suffisent à peine à leur entretien.
« Non, la vraie cause de cette fermentation et de toutes les conséquences qui en dérivent, n'est que trop manifeste aux yeux de la France et de FEurope entière. C'est l'influence et la violence du parti républicain (Violents murmures.), condamné par les principes de la nouvelle Constitution, proscrit par l'Assemblée constituante, mais dont l'ascendant sur la législature présente est vu avec effroi et douleur par tous ceux qui ont le salut de la France sincèrement à cœur.
« C'est la fureur de ce parti qui produisit les scènes d'horreurs, de crimes, dont furent souillés les prémices d'une réforme de la Constitution française, appelé et secondée par le roi lui-même,
et que l'Europe eût vu tranquillement se consommer, si ces attentats, réprouvés par toutes les lois divines et humaines, n'eussent forcé les puissances étrangères à se réunir en concert pour le maintien de la tranquillité publique, et pour la sûreté et l'honneur des Couronnes.
« Ce sont les moteurs de ce parti qui, depuis que la nouvelle Constitution a prononcé l'inviolabilité du gouvernement monarchique, cherchent sans relâche d'en renverser ou,saper le fondement; soit par des motions et aes attaques immédiates, soit par un plan suivi de l'anéantir dans 1e fait, en entraînant l'Assemblée législative à s'attribuer les fonctions essentielles du pouvoir exécutif, ou en forçant le roi à céder à leurs désirs par les explosions qu'ils excitent, et par les soupçons et les reproches que leurs manœuvres font retomber sur le roi.
« Comme ils ont été convaincus que la majeure partie de la nation répugne à l'adoption de leur système de république, ou, pour mieux dire, d'anarchie; et comme ils désespèrent de réussir à l'y entraîner, si le calme se rétablit à l'intérieur et que la paix se maintienne au dehors, ils dirigent tous leurs efforts à l'entretien des troubles, et à susciter une guerre étrangère.
c C'est dans le premier .de ces desseins, qu'ils nourrissent avec soin les dissensions religieuses, comme le ferment le plus actif des troubles civils, anéantissant l'effet des vues tolérantes de la Constitution, par l'alliage d'une intolérance d'exécution directement contraire. C'est à ce but qu'ils tâchent de rendre impossible la réconciliation des partis opposés, et le ramène-ment d'une classe qu'on s'est aliénée par les plus rudes épreuves auxquelles le cteur humain puisse être soumis, en lui enlevant tout espoir d'adoucissement et d'égards conciliants. Et tandis qu'on les voit eux-mêmes attaquer ou violer impunément la nouvelle Constitution dans ses principes essentiels, ils provoquent l'enthousiasme public sur son infaillibilité et son immutabilité dans les points les plus accessoires, lorsqu'ils veulent prévenir que le désir d'un repos stable, et le jugement ae Vexpérience, ne disposent la nation a y adopter des tempéraments non moins cohciliables avec son but essentiel (l'établissement d'une monarchie), que propres à rapprocher lès esprits, et à restituer l'ordre et l'énergie qui manquent à l'administration interne.
« Mais en sentant que leur crédit et le succès des vues dépendent uniquement du degré d'enthousiasme et d'effervescence qu'ils réussissent d'exciter et d'entretenir dans là nation, ils ont provoqué la crise actuèllç de la France avec les cours étrangères. Voilà pourquoi ils ont entraîné le gouvernement à prodiguer les revenus publics, insuffisants pour les dépenses courantes et pour le soutien du crédit de l'Etat, à l'armemeut en guerre,..
Je demande la parole après la lecture.
, secrétaire, continuant la lecture. « ... à 1 armement en guerre de 150,000 hommes, sous le prétexte de fàire face aux 4,000 environ, que les émigrés rassemblaient et ne rassemblent plus en Allemagne ; dans l'attente évidente que ces 'armements, soutenus d'un langage menaçant et dictatoire, provoqueraient infailliblement des voies ' de Tait, des contre-armements, et finalement une
rupture ouverte avec l'empereur et l'Empire. Voilà pourquoi, au lieu d'apaiser les justes inquiétudes que les puissances étrangères ont conçues depuis longtemps, sur leurs menées sourdes, mais constatées, pour séduire d'autres peuples à l'insubordination et la révolte, ils les trament aujourd'hui avec une publicité d'aveu et de mesures sans exemple dans l'histoire d'aucun gouvernement policé ae la terre. Ils comptaient bien que les souverains devraient enfin cesser d'opposer l'indifférence et le mépris à leurs déclamations outrageantes et calomnieuses, lorsqu'ils verront que l'Assemblée nationale non seulement les tolère dans son sein, mais les accueille et en ordonne l'impression. (Murmures prolongés.)
« Ils comptaient surtout pousser à bout l'empereur et le forcer à des mesures sérieuses, qu'ils puissent ensuite tourner à l'entretien des alarmes de la nation, en protégeant et soutenant le nouveau complot de révolte qui vient d'être découvert aux Pays-Bas, et dont on sait, à n'en pouvoir douter, que le foyer subsiste à Douai, et que le plan est fondé sur l'appui du parti républicain en France. (Rires.) C'est, en général, contre l'empereur, et à profiter de, l'état non-préparé où se trouvent ses forces dans ses provinces voisines, que paraît être dirigé leur principal, ou du moins leur premier dessein. Espérant sans doute de prévenirles conséquences d'une attaque qui deviendrait la cause commune des puissances, en parvenant par des négociations et des offres simultanées à les désunir, et à leur inspirer, en sens contraire, les mêmes mouvements de jalousie et de rivalité d'alliance qu'ils ne réussiront nulle part d'exciter, à une époque où toutes conspirent sincèrement à fonder un système de repos et de modération générale sur des bases inébranlables.
« Ce n'est enfin qu'à la funeste influence du même parti, et au même but de précipiter la guerre avec Sa Majesté Impériale que peut être attribué ce décret incompétent du 25 janvier... (Nouveaux murmures.)
Un membre : Il faut entendre !
, secrétaire, continuant la lecture... par lequel empiétant sur l'initiative réservée au roi par la Constitution, on s'est permis fie reprocher à l'empereur d'avoir violé le traité d'amitié et d'alliance de 1756, parce qu'il voulut secourir le roi de France prisonnier et la monarchie française détruite à l'époque du 21 juin dernier; parce que, depuis l'époque du 13 septembre, il s'est empressé de ramener les autres souverains à l'unisson de la détermination et des espérances de Sa Majesté très chrétienne; par lequel décret on invite le roi à demander raison au nom de la France qui arme en guerre, sur les desseins hostiles de l'empereur qui n'a point armé, qui a fait cesser les armements d'autrui, qu'elle force aujourd'hui de s'armer en défense; par lequel décret, ajoutant l'offense à l'injustice, en s'arroge de prescrire, sur des reproches sans preuve, à un souverain respectable, l'allié de la France, un terme péremptoire de satisfaction, comme si les règles et les égards consacrés par le droit public des nations, fussent soumis à l'arbitre d'une législature française. (Rires et murmures.)
Malgré des procédés aussi provocants, l'empereur donnera à la France la preuve la plus évidente de la constante sincérité de son attachement, en conservant de son côté le calme et '
la modération que son intérêt amical pour la situation de ce royaume lui inspire.
Voix diverses : Au diable ! — Nous n'en voulons point!
, secrétaire, continuant la lecture... Il rend justice aux sentiments personnels du roi son beau-frère. Il est loin d'attribuer de tels procédés à la majeure partie de la nation, qui, ou gémit elle-même des maux que lui cause un parti frénétique, ou participe involontairement aux erreurs et aux préventions dans lesquelles on travaille à l'entretenir sur la conduite de Sa Majesté Impériale.
« Découvrir les détails et les desseins véritables de sa conduite vis-à-vis de la France, sans réticence, sans déguisement, aux yeux du roi et de la nation entière, voilà la seule arme à laquelle l'empereur souhaite pouvoir se borner de recourir pour déjouer les artifices d'une cabale qui, faisant Etat dans l'Etat, et fondant son ascendant réprouvé par la loi sur le trouble et la confusion, n'a d'autre ressource pour le soustraire au reproche des embarras inextricables qu'elle a déjà préparés à la nation, que de la précipiter dans des embarras et des calamités plus grands encore, à la faveur desquels elle parvienne à consommer son plan, de renverser e gouvernement monarchique confirmé par la Constitution.
C'est dans cette intention amicale et salutaire que l'empereur dans le même temps qu'il cherchait à détruire non en paroles, mais par des faits, les inquiétudes que donnaient les émigrés à là France, crut devoir lui rappeler l'existence du concert des puissances, et lui déclarer sa résolution de secourir les Etats de l'Empire en cas d'attaque, afin de rendre responsable devant le roi et la nation, ceux qui provoqueraient des hostilités. Et sans doute que le ministère français ne leur aura pas laissé ignorer une déclaration, mot pour mot semblable, qui lui a été faite officiellement par l'envoyé dé Sa Majesté prussienne, à pareille intention.
« Enlin, c'est dans la même vue que l'empereur oppose aujourd'hui le langage de la vérité aux traits de la malveillance, persuadé que Sa Majesté très chrétienne, et la partie saine et majeure de la nation y démêleront le caractère et les devoirs d'une sincère amitié, et lui sauront gré de dissiper sans ménagement des illusions dont on voudrait les rendre victimes.
Vous remettrez à cet effet, Monsieur, copie de cette dépêche au ministre des affaires étrangères, en le priant de la mettre sous les yeux du roi et de lui procurer la publicité la plus exacte et la plus étendue. »
Je demande la parole. Plusieurs membres : Non I non 1 L'ordre du jour 1
La lecture des pièces n'est pas terminée.
, secrétaire, continuant la lecture des pièces.
5° Copie d'une dépèche circulaire du Chancelier de cour et d'Etat, prince de Kaunitz-Rielberg, aux ambassadeurs et ministres de Sa Majesté Impériale et Royale, en plusieurs cours étrangères.
Devienne, le 12 novembre 1791.
« Monsieur,
« L'état de détention dans laquelle se trouvait
le roi et la famille royale de France ayant cessé, l'empereur n'a pas fait difficulté d'accorder à l'ambassadeur de France en cette cour l'audience qu'il lui demanda à son retour de Prague. Il y reçut de sa main la lettre ci-jointe par laquelle le roi lui annonce son acceptation de la nouvelle Constitution française.
« Sa Majesté Impériale vous ordonne, Monsieur, d'en faire part à la cour où vous êtes, ainsi que dé la réponse à cette lettre ci-jointe, et croyant devoir exposer sans réserve à Sa Majesté ce qu'elle pense du nouvel état des choses et des rapports qu'offrent en ce moment la situation de la France et les déterminations du roi très chrétien, elle vous charge d'accompagner ces communications des ouvertures suivantes :
« Lorsque l'empereur proposa une déclaration et des mesures communes pour empêcher les suites fâcheuses de la Révolution française, des périls imminents menaçaient la liberté, l'honneur et la sûreté du roi et de la famille royale, ainsi que la conservation du gouvernement monarchique en France, attaqué dans ses principes essentiels par les progrès d'une anarchie populaire qui devenait dangereuse pour tous les gouvernements de l'Europe.
« Ces périls ne sont plus instants; les derniers événements donnent des espérances sur l'avenir. Il paraît que la partie majeure de la nation française, frappée elle-même des maux qu'elle se préparait, revient à des principes plus modérés, reconnaît la nécessité de maintenir la seule forme de gouvernement propre à un grand Etat, et tend à rendre au Trône la dignité et l'influence qui tiennent à l'essence du gouvernement monarchique.. Il paraît enfin que le roi se livre avec confiance à cette perspective, et que son acceptation, fondée sur cette confiance, a été volontaire.
« On ne peut se cacher d'autre part que des appàrences si récentes, incomplètes même à plusieurs égards, ne sauraient encore tranquilliser suffisamment sur la solidité et la durée des dispositions qu'elles annoncent, ni dissiper entièrement des appréhensions que la violence et l'extrémité des événements précédents ne justifient que trop.
« L'empereur ne dissimule pas que dans l'incertitude qui provient de cette opposition d'espérances et ae craintes, il ne saurait encore rormer un avis déterminé sur la question, si la situation du roi et du royaume de France continuera ou non d'être un objet de cause commune pour les autres puissances.
« Mais ce qui paraît à Sa Majesté Impériale résulter évidemment de cette incertitude même, c'est qu'aussi longtemps qu'elle subsistera, toutes les Puissances auront un intérêt commun, permanent, à ce que les bonnes apparences actuelles, dont l'inaccomplissement reproduirait immédiatement la nécessité et les droits d'une intervention commune, se réalisent et se consolident.
« L'empereur a cru utile de ne pqipt déguiser cette façon de penser dans sa réponse , à fa lettre du roi très chrétien; et cçmme il est persuadé que si les autres puissances ténljoi-gnaient des sentiments analogues, j.peja ne pourrait que contribuer avantageusement à. l'encouragement et au. succèsidu parlai modère qui. prévaut en ce moment en; France^ Sa Majesté Impériale proposé à Sa Majesté d'auto-
riser ses ministres à des insinuations occasionnelles du même genre. »
6° Note officielle adressée à M. Vambassadeur de France à Vienne, par M. le prince de Kaunitz, en lui envoyant copie de sa dépêche à M. de Blumendorf.
Le chancelier de cour et d'Etat, prince de Kau-nitz-Rietberg, ne peut dissimuler à M. l'ambassadeur de France, que l'empereur a été extrêmement surpris des demandes d'explications renfermées dans la dépêche de M. de Lessart, du 21 janvier, ainsi que des reproches et des insinuations sur les conséquences dont elles sont accompagnées.
« En réfléchissant que jamais intention impartiale et pacifique n'a été plus clairement énoncée et constatée que celle ae Sa Majesté impériale, dans l'affaire des rassemblements au pays de Trêves; que la nature et le but légitime des propositions de concert faites par lempereur, au mois de juillet 1791, aussi bien que la modération et l'intention amicale de celles qu'il fit au mois de novembre suivant, n'ont pu échapper à la connaissance du gouvernement français, après que les unes et les autres ont depuis longtemps transpiré, et que même les nouvelles publiques en ont rapporté la substance et les termes essentiels ; Sa Majesté s'est demandée/, quel est donc le but de cet éclaircissement sur des objets connus de ceux qui la demandent, de ces reproches contraires à tous les faits et à toutes les e notions ?
« Mais elle trouva facilement la solution du problème dans la considération des circonstances d'effervescence et d'explosion qui nécessitèrent cette démarche du ministère français, dans les principes et les desseins avoués des gens qui amenèrent ces circonstances violentes. Toute l'Europe est convaincue avec l'empereur, que ces gens, notés par la dénomination du parti Jacobin (Rires.), voulant exciter la nation, d'abord à des armements, et puis à la rupture avec l'empereur, après avoir fait servir les rassemblements dans les Etats de Trêves, de prétexte aux premiers, cherchent mainte-tenant d'amener des prétextes de guerre, par des explications qu'ils ont provoquées avec Sa Majesté impériale, d'une manière et accompagnées de circonstances calculées visiblement a rendre difficile à ce prince de concilier, dans ses réponses, les intentions pacifiques et amicales qui l'animent, avec le sentiment de sa dignité blessée, de son repos compromis par les fruits de leurs manœuvres.
« Le chancelier de cour et d'Etat ne doute point toutefois que la réponse qu'il vient de transmettre, par ses ordres, au chargé d'affaires impériales à Paris, et dont M. l'ambassadeur verra le contenu par la copie ci-jointe, sera jugée par la France, ou du moins, par le reste de l'Europe, convenir parfaitement à l'état des choses.
« D'un autre côté, les explications demandées y sont fournies avec la plus grande ouverture. Les démarches de l'empereur y sont motivées par des faits incontestables, et mises en évidence par lès propres termes de ses transactions, qu'il se voit forcé de produire, afin de convaincre la nation française combien sont calomnieuses les imputations qu'on s'est permises, en le taxant d'avoir attenté à la souveraineté de la France par dés concerts et des alliances qui ten-
daient à s'immiscer dans son gouvernement, et à renverser ou changer violemment la Constitution : mais que, bien au contraire, Sa Majesté impériale n'a pas outrepassé d'une ligne la marche de conduite que lui traçaient ses qualités d'allié, d'ami et de voisin, et que lui imposait la sollicitude la plus légitime pour le maintien de la tranquillité publique.
« D'un autre côté, l'empereur croit devoir au bien-être de la France et de l'Europe entière, ain§i qu'il y est autorisé par les provocations et les dangereuses menées du parti des Jacobins (Rtres et applaudissements à droite), de démasquer et de dénoncer publiquement une secte pernicieuse, comme les vrais ennemis du roi très chrétien, et des principes fondamentaux de la Constitution actuelle, et comme les perturbateurs de la paix et du repos général. (Murmures et sourires.)
« L'ascendant illégal de cette secte l'empor-tera-t-il en France sur la justice, la vérité, le salut de la nation? voilà la question à laquelle se réduisent maintenant toutes les autres. Quel qu'en soit le résultat, la cause de l'empereur est celle de toutes les puissances; ét s'il est peiné de l'état actuel des choses, ce n'est uniquement que par une suite de ses sentiments et de son intérêt pour Sa Majesté très chrétienne, et pour un royaume et une nation amis de l'Autriche.
« Le chancelier de la cour et d'Etat se prêté au reste, volontiers, à s'abstenir d'entrer en matière sur les démêlés de la France avec l'Empire germanique, qui ne sont pas de son ressort immédiat; et il souhaiterait, en général, de rencontrer une occasion plus agréable pour réitérer à Monsieur l'ambassadeur de France les assurances de sa considération la plus distinguée. « A Vienne, le 19 février 1792.
« Signé : KAUNITZ R.
7° Note officielle de M. le comte de Goltz, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ait roi de Prusse, adressée à M. de Lessart, par ce ministre.
« Paris, 28 février 179?.
« Le soussigné, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Sa Majesté le roi de Prusse, près de Sa Majesté très chrétienne, a l'honneur de rappeler à Son Excellence M. de Lessart (Rires), que réitérativement il lui a fait connaître qu'une invasion dés troupes françaises sur le territoire de l'Empire ne pourrait être regardée que comme une déclaration de guerre pour le corps germanique ; et qu'en conséquence Sa Majesté prussienne ne pourrait s'empêcher, conjointement avec Sa Majesté impériale, de s'y opposer de toutes ses forces. Il a surtout donné cette connaissance au ministère de France, à l'occasion de l'office que la cour impériale fit parvenir à M. l'ambassadeur de France, en date du 5 janvier dernier. Il la réitère encore aujourd'hui à l'occasion d'une dépêche, en date du 17 de ce mois, de M. le chancelier d'Etat et de cour, prince de Kaunitz, à M. de Blumendorf, chargé des affaires de Sa Majesté l'empereur, et remise par celui-ci au ministère de Sa Majesté très chrétienne; laquelle dépêche renferme les principes sur lesquels les cours de Berlin et de Vienne Sont parfaitement concertées.
Signé : LE COMTE DE GOLTZ.
, ministre des affaires étrangères. Il est de mon devoir, et le roi m'a ordonné de donner connaissance à l'Assemblée de ce qui est venu à la connaissance de Sa Majesté des forces militaires de l'empereur dans lés Pays-Bas, et des dispositions qu'il a faites depuis quelque temps. 11 savait que les forces impériales étaient, au mois de janvier, d'environ 50 à 55,000 hommes tout au plus. Depuis ce temps-là l'empereur a fait marcher 6,000 hommes dans le Brifgaw ; il en a prévenu l'ambassadeur de France, il lui a fait connaître que ces 6,000 hommes étaient destinés à la police et à la sûreté de ce pays; il a pris pour occasion de cet envoi l'asile qui a été accordé aux émigrés dans cette province, en même temps néanmoins il a donné des ordres en Bohême pour que 30,000 hommes fussent prêts à marcher. Mais jusqu'à présent on n'a aucune connaissance que ces troupes soient en marche, ni même qu'il ait été fait aucune réquisition pour leur passage : Tel est l'état des choses. Il en résulte que ces 30,000 hommes, s'ils descendaient dans les Pays-Bas, joints aux 6,000 qui y sont déjà arrivés en partie ou qui s'y rendront incessamment, et aux 55,000, présentent un total de 91,000 hommes; mais à cet égard, on a des notions assez certaines, qu'il s'en faut de beaucoup que les troupes dans les Pays-Bas soient sur le pied du complet, de manière qu'on ne peut pas les regarder précisément comme montant au nombre que je viens de numérer.
Maintenant, Messieurs, le roi n'a 'pas cru devoir différer de faire connaître à l'empereur l'impression que lui avait faite sa réponse, et le parti auquel Sa Majesté avait jugé à propos de s'arrêter. En conséquence, fambassadeur de France est chargé de déclarer à la cour de Vienne, que le roi n'a pas pensé qu'il convînt à la dignité ni à l'indépendance de la nation d'entrer en discussion sur des objets qui ne concernent que la situation intérieure du royaume. (.Applaudissements.)
L'ambassadeur doit ajouter que Sa Majesté ayant néanmoins remarqué l'assurance donnée au nom de l'empereur : que ce prince, bien loin d'appuyer les projets ou les prétentions des émigrés, insiste sur leur tranquillité;
Que Sa Majesté voyant que l'empereur désire convaincre la nation française, combien sont calomnieuses les imputations qu'on s'est permises en le taxant d'avoir attenté à l'indépendance et à la sûreté de la France par des concerts et des alliances qui tendaient à s'immiscer dans son gouvernement, et à renverser ou changer sa Constitution ;
Que Sa Majesté enfin trouvant dans la réponse de l'empereur des ouvertures pacifiques et amicales, elles les a saisies avec empressement ;
Mais comme il importe de mettre un terme à des incertitudes; depuis trop longtemps prolongées, le roi déclare que mettant sa confiance dans son attachement et dans celui de la nation à la Constitution ; que se confiant également à l'amour du peuple français, il ne peut voir qu'avec peine un concert qui n'a. point d'objet, et qui paraît être un sujet d'inquiétude. Le roi demande donc à l'empereur de faire cesser ce concert; il luMffre, ou plutôt il lui,renouvelle l'assurance de l'union et de la paix. 11 lui demande une pareille manifestation de ses sentiments et de ses intentions; il la lui demande prompte, franche et catégorique.
E Dour gage d'une fidélité réciproque, le roi
promet qu'aussitôt que l'empereur aura pris l'engagement de faire cesser tous préparatifs de guerre dans ses Etats, et dé remettre ses forces militaires dans les Pays-Bas et dans le Brisgaw sur le pied où elles étaient à l'époque du 1er avril 1791, Sa Majesté fera également eesser tous préparatifs, et réduira les troupes françaises dans les départements frontières à l'état ordinaire des garnisons. C'est à cette détermination, la seule qui convienne à la dignité de deux grandes puissances et à leurs intérêts respectifs, que le roi reconnaîtra les sentiments qu'il a droit d'attendre de son beau-frère et de l'ancien allié de la France. Enfin, l'ambassadeur est chargé d'observer, qu'après une invitation aussi loyale et aussi formelle, le roi ne pourrait voir, dans une réponse qui ne porterait pas les mêmes caractères, que la volonté de prolonger une sh tuatioh dans laquelle la France ne peut ni ne Veut rester plus longtemps. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression de toutes les pièces, et le renvoi au comité diplomatique.
Je demande l'impression du pam-phet de l'empereur.
(L'Assemblée ordonne l'impression des pièces et le renvoi au comité diplomatique.)
lève la séance à quatre heures et demie.
et plusieurs autres membres demandent que la séance ne soit pas levée.
Monsieur le Président, l'Assemblée vous ordonne de rester.
(La séance est levée.)
Séance du, jeudi
présidence de m. guyton-môrveau, Vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Dupuis, de Bourg-en-Bresse, par laquelle il demande à être admis, dimanche, à là barre, pour faire hommage à l'Assemblée de deux ouvrages et lui faire une pétition sur les théâtres et les auteurs dramatiques.
(L'Assemblée décrète que le sieur Dupuis sera admis et renvoie au comité central, pour le placer à l'ordre du jour.)
2° Lettre du sieur Roger, ancien sous-brigadier aux entrées de Paris, qui demande à être admis à la barre pour réclamer ses appointements et la pension qu il prétend lui être due.
(L'Assemblée renvoie sa lettre au comité central, pour la placer à l'ordre du jour de dimanche.
3" Lettre du sieur Etienne Méjan qui fait hommage à l'Assemblée des trois derniers volumes de la, collection dés travaux de Mirabeau, comme réprésentant de la nation, et dont il a présenté la première livraison à l'Assemblée constituante.
(L'Assemblée accepte l'hommage et décrète qu'il en fera mention honorable au procès-verbal,)
4° Lettre du sieur Gaigne qui présente à l'Assemblée un travail.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et ce travail aux comités militaire et d'instruction publique réunis.)
5° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, relative au compte qui lui a été demandé, de la mission des commissaires civils envoyés aux Mes du Vent et de tous les faits y relatifs; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Un décret de l'Assemblée nationale, du 22 février dernier (1), porte que le ministre de la marine lui rendra compte dans huitaine, et par écrit, de la mission des commissaires civils envoyés aux îles du Vent et revenus à Paris, et de tous les faits y relatifs. Si l'Assemblée n'a voulu connaître que les faits relatifs à MM. Lacoste et Maguelot, qui sont seuls revenus à Paris, j'ai rempli cet objet, le jour même du décret, par la lettre que j'ai eu l'honneur de vous adresser. Monsieur le Président, avec un grand nombre de pièces, desquelles je joins ici copié. S'il est question des opérations des 4 commissaires et du résultat de leur mission aux îles du Vent, j'observe que je n'ai aucun moyen de remplir actuellement les intentions de 1 Assemblée nationale; il ne m'est même encore parvenu aucunes, nouvelles officielles sur la réception et l'exécution des lois du 28 septembre dernier, qui, suivant des nouvelles particulières, ne sont arrivées à la Martinique qu'à la fin du mois de novembre. Chaque fois qu'il me parviendra des dépêches des commissaires qui sont restés sur les lieux, je m'empresserai de les faire connaître au Corps législatif.
« Je suis avec respect, etc.,.
« Signé : bertrand.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
Des sentiments de la plus cruelle oppression ont étouffé ce matin ma voix et m'ont empêché, lors de la lecture des dépêches de l'empereur (2), de faire entendre les douloureux accents d'un homme qui se voit trahi impunément; mais je ne puis me refuser plus longtemps aux sollicitations de mon âme. Daignez, Messieurs, agréer l'expression de mes sentiments dans le même esprit qui me porte à vous les présenter.
Est-il possible, Messieurs, que le serment solennel que vous avez tous
prêté de maintenir la Constitution dans toute son intégrité, n'ait
produit que la diatribe la plus sanglante qu'on s'est permise contre
vous, puisqu'on a osé vous accuser de vous laisser influencer par un
parti républicain? Est-il possible, dis-ie, qu'un ministre perfide
vienne ici faire parade de son ouvrage, et le mettre sur la tête d'une
puissance étrangère? Oui, si mes instructions sont sincères, je pourrais
vous dire que le comité diplomatique lui-même, lorsque le ministre
Delessart lui communiqua ses réponses insidieuses, lui a ri au nez, en
lui disant : « N'avez-vous pas honte de pareilles pièces, qui ne seront
regardées dans
Voilà, Messieurs, ce qui enhardit les ministres. Lorsqu'il y a un individu parmi vous qui ose élever la voix contre eux, vous la voyez étouffée par des cris ministériels qui déshonorent l'Assemblée. (Bravo ! bravo ! Applaudissements réitérés dans les tribunes.)
M. Rouyer parle ici sur un objet renvoyé au comité diplomatique. (Murmures.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Proposer l'ordre du jour sur cette proposition, c'est faire mention honorable de ce qui a été lu ce matin.
Je demandais, Messieurs, à l'Assemblée quel serait le terme où les ministres cesseraient de nous trahir. N'avez-vous pas entendu, ce matin, que le ministre Delessart a eu l'impudeur de dire à l'Assemblée qu'elle avait approuvé son message, c'est-à-dire les expressions insérées dans sa lettre à l'empereur? N'a-t-il pas affirmé, avec l'air du triomphe, que les applaudissements de l'Assemblée le consolaient des calomnies que l'on répandait contre lui. Eh, Messieurs, si vous avez applaudi à quelque chose, c'est sûrement au grand miracle qui s est opéré d'entendre un esclave tenir le langage de la liberté !
Mais ce n'est sûrement pas à l'office qu'a envoyé le ministre Delessart à l'empereur, parce qu il ne contient autre chose que les lâchetés les plus insignes, que les faussetés les plus marquées ;'parce qu'il s'est ^.visé de dire à l'empereur, dans cet office, que nos affaires étaient dans le plus grand désordre, que nous étions dans le plus grand embarras. Mais est-il payé pour témoigner les craintes de la nation a 1 Empire, pour mentir aux puissances étrangères? Un peuple libre n'a rien à craindre, il se joue des efforts qu'on peut diriger contre lui. 11 ne voit et ne peut voir que des succès, et des vaincus dans les despotes qui voudraient l'attaquer. Mais tant que nous serons exposés à des mains mercenaires telles que les siennes, on nous fera tenir ce langage. Je dénonce donc le ministre des affaires étrangères, et, dussé-je périr victime de mon patriotisme, je ne cesserai de le poursuivre jusqu àce que la loi ait prononcé entre l'accusateur et l'accusé. (Bravo! bravo ! Applaudissements réitérés.)
Vous devez enfin vous élever à la hauteur de la Révolution, prendre cette attitude imposante qui vous convient, et avoir le courage de dire au roi : tel ministre nous est suspect, nous
croyons qu'il trahit la nation, nous exigeons de Votre Majesté que vous le chassiez sur-le-champ, le salut public en dépend, et Bertrand et De-lessart ne resteront pas 24 heures. Je fais donc ]a motion expresse, puisque le ministre Delessart a eu l'impudeur de faire tenir au roi un langage indigne de lui, indigne de la nation qu'il a l'honneur de représenter, que votre comité diplomatique, joint au comité de législation, soit tenu ae vous présenter dans trois jours les observations à faire au roi sur la mauvaise conduite du ministre Delessart. {Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Il est intéressant de renouveler les comités et surtout le comité diplomatique.
Je demande la parole pour appuyer la motion de M. Goupilleau.
Messieurs, qu'avez-vous vu à la leciure qui vous a été faite par le ministre des affaires étrangères? Vous y avez vu que ce ministre, confidentiellement parlant, a présenté, pour ainsi dire, notre bilan à l'Europe. Or, je ' dis que s'il eut voulu consulter l'énergie française il aurait annoncé à l'empereur de deux choses l'une : ou que les démarches qu'il avait faites annonçaient des hostilités, ou qu'elles ne demandaient que de simples précautions. Le ministre n'a pas rempli le vœu de la nation. Vous avez voulu que l'empereur s'expliquât d'une manière catégorique sur la paix ou sur la guerre et M. Delessart n a rien fait pour obtenir cette explication. Je demande le renvoi au comité diplomatique qui séra chargé d'examiner la conduite du ministre des affaires étrangères.
Voix diverses : Le renvoi au comité ! L'ordre du jour.
Je demande que vous mettiez aux voix la motion de M. Rouyer et qu'on passe à l'ordre du jour !
J'appuie la demande de renvoi; mais j'observe qu'aux termes du règlement, votre comité diplomatique devrait être renouvelé depuis un mois. Il ne l'est pas encore. Je demande que le comité diplomatique principalement, qui est le dépositaire de la plus grande masse de confiance de l'Assemblée nationale, soit renouvelé demain.
Plusieurs membres: Tous les comités 1 Tous les comités
En appuyant la proposition de M. Ducos, je demande que l'Assemblée décrète demain une séance extraordinaire du soir pour renouveler tous ses comités.
J'ai demandé la parole, non seulement pour appuyer la dénonciation faite Contre le ministre Delessart, mais pour y faire un amendement qui me paraît essentiel. On vient de demander que lé comité diplomatique, en même temps qu'il rendrait compte des pièees qui lui ont été renvoyées ce matin, rendît compte aussi des faits relatifs à la dénonciation; je crois, au contraire, que vous devez séparér ces objets.
Plusieurs membres.: C'est vrai!
Il ne faut pas que la dénonciation faite contre M. Delessart soit confondue avec l'examen de la conduite que vous avez à tenir relativement aux différents messages qui vous sont parvenus de la part de l'empereur. Je ne
crois pas avoir besoin de développer les motifs qui m engagent à demander cette division.
(L'Assemblée décrète que le comité diplomatique sera chargé de faire un rapport particulier sur la lettre du ministre des affaires étrangères, que ce ministre a annoncé comme confidentielle. Elle décrète, en outre, que le comité diplomatique et tous les autres comités seront renouvelés à la séance de demain soir.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret des comités des pétitions et de surveillance réunis, sur les troubles d'Avignon (1).
, rapporteur. J'ai à vous rendre compte des derniers faits relatifs aux troubles d'Avignon. Je crois qu'un député extraordinaire d'Avignon a demandé à être entendu pour présenter quelques observations. Si le fait est vrai, je demande qu'il soit entendu de suite, avant dé commencer mon rapport, ou qu'il ne le soit pas du tout.
Un député d'Avignon a demandé, en effet, à être entendu avant la discussion. On va l'introduire.
M. Deleutre, député extraordinaire d'Avignon, est introduit à la barre.
, s'adressant à M. Deleutre. Monsieur, l'Assemblée a décidé que vous seriez entendu avant la discussion r si vous avez une obsérvation à faire à l'Assemblée, vous pouvez la faire maintenant.
M. Deleutre, J'ai répondu au projet de décret proposé par les comités. J'ai fait distribuer, ce matin, à l'Assemblée nationale, la justification des Avignonais (2), justification que j'ai fondée sur les pièces justificatives que j'ai soumises et communiquées à l'Assemblée nationale. Je ne m'attendais pas que le projet de décret, présenté à l'Assemblée par le comité, serait refondu et présenté aujourd'hui à l'Assemblée par M. de Ver-ninac (3) qui, je ne sais pourquoi, se fait défenseur officieux dans cette affaire. Je ne connais- / sais point le projet de décret qu'il a donné aujourd'hui.
Plusieurs membres : La pétition 1
M. Deleutre. Si la ville d'Avignon avait un défenseur connu dans l'Assemblée nationale, je ne me permettrais pas de paraître à la barre. Mais la ville d'Avignon, les Avignonais, mes concitoyens, sont inculpés par les commissaires civils, je dois, au péril de ma vie, défendre mes compatriotes. (.Applaudissements.) Mes concitoyens sont patriotes ; je l'atteste, à la barre de l'Assemblée. J'ai apporté la.preuve la plus authentique, la plus légale, que les commissaires civils les égorgeaient auprès de l'Assemblée par de noires impostures. (Murmures.) J'entends égorger, lorsqu'on calomnie, lorsqu'on répand des impostures contre le patriotisme le plus éprouve. (Murmures.)
Le pétitionnaire discute, et nous ne sommes pas un tribunal. Il doit
exposer les faits qui peuvent éclairer la discussion, et,
M. Deleutre. Messieurs, il m'importe de faire des observations sur le projet de décret présenté par M. de Verninac.
M. de Verninac vous propose l'article suivant (1) :
« Le tribunal établi à Avignon, par le décret du 26 novembre dernier, sera transféré de suite à... En conséquence, le roi sera prié de donner des ordres pour que les personnes détenues à Avignon, comme prévenues des crimes qui ont été commis les 16 octobre et jours suivants, soient traduites dans la prison de l'Assemblée nationale, recommandant ces prisonniers à la surveillance des municipalités et des gardes nationales des lieux par où ils passeront pour être conduits à destination. »
Messieurs, je ne sais pas ce que l'Assemblée prononcera sur l'article 12, présenté par le comité. (Murmures.)
Si vous recevez à votre barré tous ceux qui auront des observations à vous faire pour discuter les écrits qui ont été répandus clans l'affaire d'Avignon, jamais vous ne parviendrez à la connaissance des faits, ni à les traiter vous-mêmes : je demande que le pétitionnaire ou l'orateur se renferme dans l'objet de sa pétition ou bien qu'il ne soit plus entendu.
La ville d'Avignon et le comtat Venaissin n'ont encore aucun représentant parmi nous ; ainsi, il semble que, par justice, ayant à prononcer sur l'état d'un pays qui n'est pas encore représenté, nous devons, avec quelque indulgence, entendre le député extraordinaire qui est admis à la barre.
appuie les observations de M. Lemontey.
M. Deleutre. Le projet du'comité propose, et des commissaires du département de la Drôme, et des commissaires de celui des Bouches-du-Rhône,- il propose en même temps deux commissaires au roi. J'observe qu'une seule commission peut suffire pour l'organisation de tous les corps administratifs; s'il y a deux commissions, elles s'entraveront mutuellement. J'observe d'ailleurs que des commissaires du roi sont parfaitement inutiles ; car, depuis 4 mois que les commissaires du roi sont à Avignon, on n'a pas pu parvenir à obtenir une organisation. Nous ne soupirons qu'après l'organisation, nous ne soupirons qu'à nous montrer français, à vivre et mourir pour la Constitution. (Applaudissements.)
, répondant au pétitionnaire. L'Assemblée nationale ne peut voir qu'avec intérêt le zèle qui vous anime pour vos concitoyens qui vous ont donné leur confiance. Elle prendra vos observations en considération, et elle vous invite à assister à sa séance.
, rapporteurt Tenu compte des faits postérieurs à son dernier rapport. Il examine les plaintes adressées par les commissaires contre son rapport et fait voir qu'il n'a négligé aucune des pièces de leur correspondance. Il termine par l'observation suivante :
Je suis inculpé de partialité par les commis-
Voici le projet de décret (1) :
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des pétitions et de surveillance, considérant que la situation isolée des ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat, leur organisation incomplète et seulement provisoire, et l'inexécution de la plupart des décrets, qui en résulte, privent les citoyens non seulement des bienfaits des nouvelles lois et les exposent à l'arbitraire, mais encore les privent des moyens d'ordre et de tranquillité publique qui résultent, dans les autres parties de l'Empire, e la surveillance directe et continue de l'administration des départements;
« Considérant qu'il est instant de fixer enfin définitivement le sort des ci-devant Etats, pour tranquilliser le peuple sur la Crainte d'un retour de ce pays sous la domination du pape; opinion que les malintentionnés s'efforcent drinsinuer et de propager pour perpétuer les inquiétudes, et décourager les bons citoyens qui ne savent pas que cet abandon n'est ni dans la volonté ni même dans les pouvoirs de l'Assemblée nationale;
« Considérant que le décret du 26 novembre dernier portant création d'un tribunal chargé des poursuites des crimes commis à Avignon et dans le Comtat depuis le 23 septembre est trop vague, qu'il donne trop d'extension, et qu'il peut même favoriser l'arbitraire; qu'il jette un très grand nombre de citoyens dans un état d'inquiétude et de perplexité qu'il est intéressant de faire cesser en réglant avec plus de précision quels sont les délits qui doivent faire la matière de la procédure, et les personnes contre lesquelles doivent être dirigées les poursuites;
« Considérant qu'il peut y avoir les plus grands inconvénients à ce que les prisonniers continuent d'être détenus à Avignon ; que les craintes qui se manifestent de toutes parts sur leur sort méritent des égards, quand même elles seraient sans un fondement réel, et qu'il est intéressant et même juste d'ôter à tous les partis jusqu'au moindre prétexte de suspicion et de faciliter aux accusés les moyens de fournir tous les éclaircissements qu'ils croiront utiles pour leur justification;
« Considérant qu'il est important de mettre en sûreté les papiers et registres des assemblées de Carpentras et de Bédarrides, les titres des domaines nationaux, et tous les papiers déposés aux archives du gouvernement et dans tous autres greffes publics ;
« Considérant que les élections quioiit été faités sont le résultat des intrigues et des cabales ; que plusieurs corps administratifs, qui en ont été le produit, ont déjà donné l'exemple scandaleux de la désobéissance à la loi ; que lés élections ne sont que provisoires; et qu'il est instant de les remplacer par des élections définitives, pour fixer, tout à la fois, d'une manière stable et permanente, le sort des administrateurs et des administrés;
« Considérant qu'il existe une coalition aussi coupable que dangereuse
entre les malveillants des ci-devant pays d'Avignon et du Comtat et
« Considérant enlin que parmi les inculpations faites à M. Mulot et aux commissaires civils actuels, il s'en trouve de graves, mais sur lesquelles on n'a pas encore acquis des preuves suffisantes ; qu'elles exigent d'ailleurs d être pesées avec maturité, vu les circonstances difficiles dans lesquelles seront trouvés ét se trouvent encore les commissaires civils, dont la correspondance annonce clairement le plus entier dévouement et l'attachement le plus inébranlable à là Constitution et qu'il est prudent de se garantir d'une décision précipitée; « Décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif,
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. La division provisoire des deux
ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat en deux districts, telle qu'elle
a été réglée par le décret du 23 septembre dernier, est et restera
définitive, sauf l'exception dont il sera parlé à l'article 3.
« Art. 2. Le district d'Avignon sera de suite et de fait réuni au département des Bouches-du-Rhône, et celui de Garpentras au département de la Drôme.
Art. 3. Les directoires de ces deux départements feront parvenir à l'Assemblée nationale, et ce dans le plus court délai possible, leur avis sur la distraction qui pourrait être faite de quelques communes avoisinant le district d'Orange, et qui pourraient y être réunies sans cependant nuire a la consistance nécessaire des districts d'Avignon et de Carpentras.
« Art. 4. Toutes les lois communes à l'Empire français seront de suite mises en vigueur dans les districts de Carpentras et d'Avignon, à la réserve de celles relatives aux contributions publiques, auxquelles la situation actuelle du pays, et d'autres considérations particulières, peuvent exiger quelques modifications momentanées, sur lesquelles l'Assemblée nationale se réserve de statuer lorsqu%lle aura reçu l'avis des directôi-res de département.
Art. 5. Toutes les élections faites jusqu'au moment où le présent décret sera publié à Avignon et dans le Comtat, même celles relatives aux députés au Corps législatif, seront supprimées. il sera procédé sur-le-champ et sans délai à des élections définitives aux termes et dans la forme des décrets. On commencera par les juges de paix, les tribunaux de district, et on unira par les députés au Corps législatif.
« Art. 6. Les directoires dès départements des Bouches-du-Rhône et de la Drôme nommeront chacun deux commissaires pris dans les conseils de département qui s'occuperont de l'examen des dettes des deux ci-devant Etats, des offices et charges ayant finance, supprimés par l'effet des décrets de l'Assemblée nationale, et aussi de la vérification de toutes les. réclamations de même nature qui pourraient être faites. Ils dresseront des états circonstanciés et y joindront les observations qu'ils jugeront convenables.. Les états
seront dressés par triple expédition : l'une envoyée à l'Assemblée nationale, et les sera envoyée a l'Assemniee nationale, et les deux autres seront déposées aux archives dès deux districts. Un commissaire, nommé par lejroi, sera membre de cette commission,
« Art. 7. tous ceux qui se prétendront créanciers des deux ci-devant Etats, pour quelque cause et à quelque titre que ce soit, seront tenus de produire leurs titres, dans le délai de deux mois à compter du jour de la proclamation qui sera faite du présent décret par la commission, à peine d'être déchus de leurs créances.
« Art, 8. Cette commission se réunira à Avignon, huitaine après la nomination de ses membres, elle s'occupera de suite de tous les moyens de conciliation, de paix et de tranquillité sur toute l'étendue des deux districts, et requerra aussi au besôin ja force publique. A cet effet, le roi sera invité à leur départir les mêmes pouvoirs que ceux attribués aux autres commissaires civils : cette commission fera une proclamation par laquelle elle invitera les citoyens fugitifs à rentrer dans leurs foyers et les assurera qu'ils y trouveront protection et sûreté.
« Art. 9. Cette commission, de concert avec les commissaires actuels, dirigera l'organisation tant civile qu'ecclésiastique du pays ; elle assignera le lieu où l'assemblée électorale tiendra ses séances pour l'élection des députés au Corps législatif; elle fera les dispositions convenables pour assurer partout la sûreté des personnes et la liberté des élections. A cet effet, elles pourra requérir momentanément les gardes nationales des pays circonvoisins, et en en donnant avis au département.
« Art. 10. Il sera pourvu, sans délai, par les directoires du département et de district, chacun en ce qui le concerne, à la recherche, estimation, administration et vente des biens nationaux et immobiliers; ils se conformeront, à cet égard, à tout ce qui est prescrit pour tout l'Empire par les décrets de l'Assemblée nationale.
« Art. 11. La commission requerra la remise des papiers et registres de la première assemblée de Carpentras, dite représentative du Comtat et de rassemblée électorale représentative des deiix Etats. Ils feront, à cet effet, tout ce qui leur paraîtra juste et convenable pourassurer la conservation de ces papiers; ils vérifieront encore l'état des, archives du ci-devant gouvernement, et feront effectuer le dépôt des papiers et titres existants dans ses différents greffes.
« Art. 12. Le tribunal établi à Avignon par le décret du 26 novembre dernier, sera transféré à Baucaire; les prisonniers détenus à Avignon, ou autres lieux y seront conduits sous bonne et sûre garde : les commissaires civils envoyés parle roi seront tenus, sous leur responsabilité, de veiller à la sûreté de ce transport, et à ce que, sans négliger les précautions nécessaires, on ait pour ces prisonniers les égards qu'exige l'humanité. Les municipalités d'Avignon et des autres lieux de passage seront pareillement tenues, sous leur responsabilité, ae faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour éviter tout empêchement qui pourrait être apporté à ce transport, l'Assemblée nationale déclarant traîtresses à la partie et criminelles de lèse-nation, toutes personnes qui feraient quelques tentatives, soit en faveur, soit contre les prisonniers.
« Art. 13. Les procéclures à faire par les juges ne seront instruites que contre les particuliers % accusés d'avoir personnellément exécuté les meurtres du sieur Lécuyer et des prisonniers
du palais, les 16 et 17 octobre dernier, et contre ceux qui se trouveront accusés d'avoir formellement provoqué les crimes. Tout ce qui n'est pas relatit à ces attentats, sera regardé comme l'effet malheureux d'un mouvement populaire, et en sera entièrement distrait.
« Art. 14. L'accusateur public près le tribunal criminel du département de la Drôme poursuivra la procédure à faire contre les assassins d'Anselme et la Villasse, contre les meurtriers de Carmel.
« Art.5. Tout ce qui est prescrit par les décrets des 14 et 23 septembre èt 26 novembre derniers, et à quoi il n est pas expressément dérogé par le present décret, sera exécuté en son entier.
« Art. 16. La commission établie par l'article 6 sera tenue de prendre sur les lieux, et de faire parvenir incessamment à l'Assemblée, des renseignements précis sur les faits dénoncés contre M. Mulot et les commissaires civils. Ces derniers se rendront à la barre, pour rendre compte de leur mission lorsqu'elle sera terminée : l'Assemblée ajourne jusqu'à cette époque toute discussion sur cet objet.
« Art. 17. Il sera accordé provisoirement aux deux districts d'Avignon et' de Carpentràs, un secours de 500,000 livres : cette somme, fournie par le Trésor public, sera employée, sous la surveillance et la direction immédiate de la nouvelle commission, en réparations et reconstructions des digues, routes et autres travaux d'utilité publique, et en établissements d'ateliers de charité.
« Art. 18. Le roi sera invité de donner les ordres les plus prompts pour retirer d'Avignon et du Comtat les régiments de la Marck, et les escadrons de hussards qui s'y trouvent, et pour les faire remplacer par un régiment d'infanterie, un de troupes à cheval, et quatre bataillons de volontaires nationaux;
« Art. 19. Tout corps, toute personne qui se permettront des actes tendant à méconnaître ou à faire méconnaître la souveraineté de la nation et la Constitution, seront poursuivis comme traîtres à la patFie et criminels de lèse-nation.
« Lescommissairescivilsseronttènusdedénon-cer sans délai à ceux qui en doivent connaître, les officiers des troupes de ligne qui lesont menacés et insultés; ils seront de suite poursuivis suivant la rigueur des lois.
« Art. 21. Ce qui est dû, pour le passé, à la gendarmeriemtionale d'Avignon et du Comtat, Fui sera payé par le Trésor public sur le pied du traitement qui lui était attribué : il en sera de même pour l'avenir jusqu'à son organisation définitive, qui est renvoyée au comité militaire.
« Art. 22.11 sera pourvu provisoirement aux frais de tous les établissements et traitements des fonctionnaires publics, civils et ecclésiastiques, conformément au décret du 23 septembre, et ce, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu.
« Art. 23. Le ministre des affaires étrangères rendra compte, sous trois jours, de l'état des négociations qui, conformément au décret du 14 septembre dernier, doivent avoir été ouvertes avec la cour de Rome, relativement aux indem-nitésou dédommagements qui pourraient lui être dus.
« Art. 24. Le pouvoir exécutif donnera les ordres nécessaires pour la prompte exécution du présent décret : les ministrés de là justice et de l'intérieur seront tenus, sous leur responsabilité,
d'en rendre compte, de quinzaine en quinzaine, chacun en ce qui est relatif à son administration.
Art. 25- L'Assemblée renvoie à son comité militaire la pétition faite par nombre de citoyens d'Avignon et du Comtat par l'organe des commissaires civils, pour être admis à former un bataillon de volontaires pour la défense des frontières.
« Art. 26. L'Assemblée nationale invite les citoyens des deux districts d'Avignon et de Car-pentras à abjurer tout sentiment de haine, et à ne plus se livrer qu'aux douces impulsions de la fraternité. Ce n'est que par une conduite paisible et digne des hommes libres, qu'ils seconderont puissamment les efforts que vont faire leurs représentants pour effacer jusqu'à la moindre trace des maux dont ils sont accablés. »
Je dois prévenir l'Assemblée que M. Mulot demande à être entendu avant tout orateur bien qu'il ne soit pas le premier inscrit sur l'ordre de la parole.
Si M. Mulot veut être entendu, il ést partie, et doit être entendu à la barre.
Si l'affaire de M. Mulot était tellement inhérente à celle des Avignonais, qu'elle ne put pas s'en séparer, sans doute M. Mulot devrait être entendu avant tout orateur; mais Messieurs, de quoi s'agit-il en ce moment? d'un projet de décret oû M. Mulot, ainsi que les autres commissaires civils, sont ajournés pour ce qui les concerne. Je demande qu'on s'occupe uni- quement, dans ce moment, de pacifier les troubles 'Avignon et même de tous les pays méridionaux qui sont en ce moment dans la plus grande combustion du fanatisme. (Applaudissements.)
M. Mulot vous annonce qu'il a de nouveaux faits sur l'affaire générale d'Avignon à vous communiquer. Ces faits peuvent éclairer votre discussion; et si M. Mulot se présente comme député pour rétablir des faits et discuter l'affaire générale, vous ne pouvez pas, sans injustice, lui refuser la parole. Je demande qu'il soit entendu.
(L'Assemblée accorde la parole à M. Mulot.)
monte à la tribune, entre daus la discussion du rapport des comités des pétitions et de surveillance et commence l'examen des faits relatifs à sa mission.
Je demande à faire une motion d'ordre. Je crois qu'on sera très étonné que nous nous occupions de l'affaire de M. Mulot, lorsque l'Assemblée devrait s'occuper de l'affaire d'Avignon au point de vue de 1 organisation des districts d'Avignon et de Carpentras et des moyens d'y rétablir l'ordre. Certes, la tranquillité des provinces méridionales doit passer avant la justification de M. Mulot. (Applaudissements des tribunes.) M. Mulot a demandé la parole pour rétablir des faits, et, sous ce prétexte, il nous a tracé le plan de sa justification ; c'est ce qu'il peut faire facilement, j'en suis persuadé ; mais ce n'est pas le moment. Je demande donc que son discours soit interrompu.
Si l'Assemblée veut diviser le projet de décret du comité et ne s'occuper aujourd'hui que de ce qui est relatif à la ville d'Avignon, je ne parlerai pas ; je la prierai seulement de me réserver la parole sur les articles du projet qui concernent la conduite des commissaires. Si l'Assemblée ne divise pas la discussion, je demande à conserver la parole.
(L'Assemblée décide que M. Mulot aura la parole sur les articles du projet des comités qui le concernent.)
La discussion s'engage sur le rapport fait au nom des comités. Plusieurs membres parlent successivement; mais, comme ils entrent dans la discussion du fond de l'affaire d'Avignon, ils sont interrompus et aucun ne termine son opinion (1).
Je demande qu'une affaire de cette importance soit renvoyée à samedi matin.
(L'Assemblée ajourne la suite de la discussion à samedi matin.)
L'Assemblée vient d'ajourner à samedi ; mais si, samedi, l'affaire est encore dans la même position que ce soir, nous ne pourrions rien terminer. Je demande en conséquence, pour qu'on ne perde pas de temps à rappeler les membres à la question, que l'Assemblée prononce ce soir que l'ordre de la discussion sera d'abord sur l'organisation présente d'Avignon et du Comtat, parce que nous devons d'abord penser au bonheur de ce pays, ensuite sur la mesure à prendre à l'égard des prisonniers, parce que les prisonniers sont des hommes, et que l'on doit s'intéresser à leur sort; ensuite sur ce qu'elle doit statuer relativement aux commissaires civils, et alors je demanderai pour dernier article qu'on veuille bien s'occuper de moi.
(L'Assemblée décrèteque, pour mettre de l'ordre dans la discussion dè l'affaire relative à Avignon, on s'occupera : 1° de l'organisation des corps administratifs et judiciaires ; 2° des prisonniers; 3° enfin de ce qui est relatif à M. Mulot.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Florence, oratorien, qui demande à être admis samedi soir àla barre, pour faire hommage à l'Assemblée d'un ouvrage de sa composition, dont l'objet est de faciliter l'intelligence de la Constitution française aux habitants de la campagne.
(L'Assemblée décrète que M. Florence sera admis samedi soir.)
Un membre : J'observe à l'Assemblée que les séances du soir sont presque toujours perdues pour elle. Je propose de les supprimer toutes; d'ouvrir les séances du matin à 9 heures et de les lever à 4. Dans l'espace de 7 heures on aura le temps de faire beaucoup de travail.
Je demande l'ordre du jour sur cette motion. On peut faire beaucoup de travail dans les séances du soir et je rappelle que d'èxcellentes lois ont été décrétées pendant ces séances.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.).
Les contributions sont, avec raison, l'objet de votre sollicitude. La
contribution de la ville de Paris est assez considérable pour fixer
votre attention: les rôles de la contribution foncière de la ville ae
Paris ont été depuis longtemps déposés au directoire du département, et
le recouvrement est extrêmement en retard; vous devez vous faire rendre
compte, par le ministre des contributions publiques, de ce qui peut être
la cause de ce retard. Puisque la première ville du royaume donne
l'exemple de n'avoir ni de rôles, pour la contribution foncière, ni
rôles-dé-
Je dois observer à l'Assemblée qu'il s'est élevé une difficulté entre la municipalité et le département de Paris à cet égard, et que, de ce fait, 11 à 12 millions sont en souffrance.
En appuyant la motion de M. Tronchon, je demanderai que, demain, le ministre des contributions publiques vous rende compte de la difficulté qui s'est élevée entre le département et la municipalité, et j'avoue que peut-être c'est être trop facile que de ne demander que des comptes. Le ministre est resté dans une inertie coupable en ne terminant pas cette discussion qui dure depuis le 15 octobre. Nous nous écartons nous-mêmes de la question; car s'il faut sans cesse demander des comptes aux ministres de leur gestion, ils ne marcheront qu'à la dernière extrémité. Il faudrait peut-être, au lieu de demander des comptes, donner un grand exemple de puissance nationale. (Bravo! bravo! Applaudissements des tribunes.)
Il n'est pas douteux que, depuis longtemps, la nation demande un grand exemple. Cet exemple doit se porter sur les premiers agents du pouvoir exécutif. Chaque fois, Messieurs, qu'il y a un délit de commis, la vindicte publique doit avoir une victime. Si ce n'est pas le coupable, ce doit être celui qui ne l'a pas poursuivi; et s'il a été poursuivi, ce doit être le înge qui n'a pas voulu le iuger. L'infraction à la loi, par le ministre, est claire, parce que, depuis plusieurs mois, il ne s'est pas donné tous les mouvements qu'il devait pour faire rentrer les contributions publiques. Il voit cependant que, sans contributions, l'Etat ne peut pas aller, parce que les contributions sont les voiles du vaisseau de l'Etat. Ainsi, il est infiniment coupable, et je demande qu'il soit accusé. (Applaudissements dans les tribunes.)
Messieurs, comme il ne faut pas accuser sans avoir examiné, je demande que le ministre soit mandé pour rendre compte de ce fait, et que, s'il y a ae la négligence de sa part, nous fassions enfin notre devoir en poursuivant ceux qui ne le font pas. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète que le ministre des contributions publiques rendra compte, dans trois jours, de l'état du recouvrement des impositions dans la capitale.)
La séance est levée à dix heures.
a la séance de l'assemblée nationale législative du er mars
1792,
Justification des avignonais (1 ) présentée à VAssemblée nationale par J. A. deleutre, député extraordinaire de la commune d'Avignon (2). Ma malheureuse patrie continuera-t-elle donc à être exposée aux fureurs de la calomnie et aux
désastres de l'anarchie? Sa réunion à la France, la présence des nouveaux commissaires civils envoyés par le roi, la protection des troupes de ligne, la nomination d'une nouvelle municipalité élue à l'unanimité des citoyens, un tribunal vengeur des crimes qui l'ont désolée, tout semblerait assurer qu'enfin Avignon allait respirer à l'ombre des lois et de la Constitution française. Par quelle fatalité veut-on aujourd'hui détruire ces douces espérances? Et comment se peut-il que des hommes qui, le 26 janvier dernier, ont été présentés solennellement à l'Assemblée nationale, par les commissaires civils, comme de bons et vertueux citoyens, lui soient dénoncés, par ces mêmes commissaires, le 1er février, comme des contre-révolutionnaires? C'est ce qui m'étonne et m'affligerait également, si je n'étais d'ailleurs rassuré contre les imputations d'incivisme dont on veut noircir mes concitoyens.
Je n'examinerai point la totalité du rapport de M. Bréard, qui se rapporte parfaitement avec le mémoire de M. Vernmac, dévoué à la cabale des brigands de Vaucluse : je pourrais et j'aurais peut-être le droit de prouver, que M. le rapporteur ne s'est pas garanti de l'esprit de partialité qu'on a reproché à tous les hommes publics qui ont agi ou parlé dans les malheureuses affaires des deux Etats réunis; mais je suis le député extraordinaire de la commune d'Avignon ; je ne chercherai point à étendre ma mission, en justifiant ou en inculpant l'assemblée électorale de Vaucluse, ni son armée, ni l'ancienne municipalité d'Avignon, ni les administrateurs provisoires, que la violence y avait substitués, ni les commissaires pacificateurs; tous ces objets, quelques importants qu'ils soient, ne m'occuperont point. C'est à la municipalité actuelle, c est à mes concitoyens, dans la position où ils se trouvent, que je dois tous mes soins sans me reporter à des faits et à des événements anciens. Je ne parlerai donc point ou. presque point de la première partie du rapport de M. Bréard. Je ne m'attacherai qu'à la seconde, qui a pour titre suite du rapport, et à quelques articles du projet de décret.
Suite du rapport.
Cette suite du rapporta été dressée sur une dépêche des commissaires civils, datée du 1er février et apportée par un courrier extraordinaire. Voici les principaux chefs d'accusation que je recueille dans le rapport : « les officiers muni-« cipaux nouvellement élus ont enfin levé lemas-« que, et l'on â crié publiquement Vive lé Pape, c au diable la nation ! Les choses sont enfin par-« venues au point que l'on annonce hautement « une contre-révolution prochaine et inévitable, « et que les commissaires sont réduits à douter « si leurs réquisitions et leurs ordres seront « exécutés.... Les officiers municipaux qui, dans « le principe, s'étaient bien montrés, gagnés sans « doute par les chanoines et les prêtres non « assermentés; et subjugés par le parti qui lès « avait portés à l'administration de la commune, « ont fait un nouveau refus d'obtempérer à une « réquisition et un appel au roi. Les commis-« saires ont cru devoir suspendre de leurs fonc-« tions ces officiers municipaux, afin de prévenir les maux que pourrait occasionner « l'exemple d'une insubordination aussi bien « caractérisée, si elle restait impunie. » (Pages 71 et 72 du rapport.)
Je demanderai d'abord pourquoi M. le rappor-
teur n'ajoute aucune foi aux commissaires, lorsqu'ils attestent des faits contre les brigands, et pourquoi il les cite comme une autorité irré-fragablej lorsqu'ils inculquent la municipalité. Pourquoi il les accuse de partialité pour l'ancienne municipalité, et les croit impartiaux contre la nouvelle?
Dans leurs dépêches du 8 janvier, les commissaires assurent que Duprat le jeune était l'âme et le conseil de ceux qui ont assassiné, de sang-froid, 58 personnes dans une seule nuit ; et qu'il était avec eux, le lendemain, lorsque deux autres victimes, dont un vieillard dé 80 ans, ont encore été immolées (page 47 du rapport). M. le rapporteur ne les croit pas..
Les commissaires disent, dans leur dépêche du 13 janvier, que les manœuvres du sieur Duprat aîné et de quelques autres Avignonais, retirés à Marseille, sont la seule cause des plaintes qui ont été portées contre eux par les citoyens trompés ae cette ville et de plusieurs autres, (page 49 du rapport) ; et M. le rapporteur persiste à regarder les Duprat comme d'excellents patriotes,
M. le rapporteur improuve la marche qu'ont tenue les commissaires pour la réunion, en né s'adressant point aux corps représentatifs :, « On « assure, dit-il, que l'on doit attribuer la con-« duite qu'ont tenue les commissaires .dans cette « circonstance à l'entêtement de M. Le Scène des « Maisons, qui avait depuis longtemps, et lors « de sa précédente mission, déclaré ouvertement « qu'il ne voulait avoir aucune espèce de coin-« munication avec l'assemblée électorale. Si ce « fait est vrai, nous pensons qu'il eût dû avoir « la délicatesse de ne pas se charger de la se- « conde.....Nous pensons qu'à cet égard leur « conduite est blâmable ; ils devaient jusqu'aux « nouvelles élections, laisser subsister les auto-« rités constituées dans l'état où elles se trou-« vaient; et quelques efforts qu'ils fassent, ils « ne pourront jamais persuader, à qui que ce « soit, que les officiers municipaux aiént repris « leurs fonctions sans leur aveu. Pour le faire « croire, il aurait fallu ne pas recevoir leur ser-* ment, ni dresser avec eux les actes de la réu^ « nion : la partialité dont on les accuse est donc « démontrée » (pages 51 et 52 du rapport). Cette partialité pour rancienne municipalité, démon-tréé aux yeux de M. le rapporteur, aurait dû ne pas lui laisser accueillir aussi facilement les im- gutations des commissaires sur la nouvelle, ette partialité, s'il eut été plus instruit, lui aurait donfté là cief de la dépêche du 1er février. Il faut qu'il Sache qu'aucun des membres de l'ancienne municipalité, échappés aux arrestations du 21 août et aux massacres des 16 et 17 octobre, n'a été compris dans les nouvelles élections, pas même M. Richard, très lié avec M. Le Scène des Maisons, et qui comptait beaucoup sur cette liaison pour cônstinuer à être à la tête dé l'administration municipale. La partialité pour l'an? cienne municipalité n'annonce pas de l'impartialité pour la nouvelle.
« Par quelle fatalité, dit ailleurs M. le rappor-« teur, les assassins de Lécuyer semblent-ils « avoir échappé à tous les regards de la loi? Ne « doit-elle pas poursuivre tous les criminels in-« distinctement? Les commissaires nous disent « qu'il y en a eu un d'arrêté, que les autres se « sont évadés ; et que d'ailleurs, ils ont en « grande partie péri le 16 octobre : cela est vrai, « mais on nous assure qu'il en existe auprès « d'eux, et qu'ils ne peuvent pas l'ignorer. Il y
« a donc encore ici des traces de partialité... Les « plaintes sont si générales, et les inquiétudes « sont si violentes, que vous ne devez pas hésiter m à leur demander compte d'une conduite qui peut « avec raison être accusée de partialité (pages 55 « et 66 du rapport) ». Je me permettrai actuellement de demander pourquoi des commissaires si hautement accusés de partialité par M. le rapporteur, sont crus si facilement par M. le rapporteur, lorsqu'ils imputent des projets de contre-révolution à la nouvelle municipalité d'Avignon.
Cette partialité démontrée aux yeux de M. le rapporteur, n'aurait-elle pas dû acquérir un nouveau degré d'évidence par le rapprochement bien frappant de deux dates? Le 26 janvier, les commissaires écrivent qu'ils se félicitent de l'élection de la nouvelle municipalité, ils en font l'éloge le plus complet. Les municipaux nouvellement élus sont de bons et d'honnêtes citoyens qui ne tiennent à aucun parti ; et tout à coup, le 1er février, ces mêmes hommes qui n'avaient jamais tenu à aucun parti, deviennent des contre-révolutionnaires furieux! Ce changement subit est si inconcevable, que, pour être'cru, il demande une autre autorité que celle des commissaires hautement censurés par M. le rapporteur, et pour leur partialité et pour leurs inconséquences.
Mais cette réponse générale ne m'exempte'pas d'examiner les reproches fàits à mes commettants..
Ils ont été, dit-on, subjugués par le parti qui les a porté à l'administration de la commune.
Mais pour être porté par un parti, il faut tenir à ce parti; or, vous avez assuré, Messieurs les commissaires, que la nouvelle municipalité ne tenaient à aucun. Accordez-vous donc avec vous-mêmes. Je vais plus loin! je prends le relevé dés scrutins des sections d'Avignon, et je vois que, sur 2,287 citoyens actifs'votants, le maire a recueilli 2,227 suffrages, et que celui des officiers municipaux qui en a réuni le moins en a eu plus de 1,800. Une pareille élection ne suppose pas des partis bien prononcés parmi les électeurs.
Je passe à une imputation moins vague. « Les « officiers municipaux nouvellement élus ont « «nfin levé le masque, et l'on a crié publique-« ment : vive le pave, au diable la nation ».
La preuve que les officiers municipaux ont enfin levé le masque, c'est qu'on a crié publiquement : vive le pape,au diable la nation. Par ce rapprochement adroit, on fait entendre que non seulement la municipalité n'a pas empêché des cris publics et inconstitutionnels, mais même qu'elle les a excités et fomentés. Il est impossible de ne pas donner ce sens aux phrases de M. le rapporteur.
Mais, i° pour imputer un fait,aussi grave à toute une municipalité, il me parait qu'il faudrait d'autres preuves qhe la simple assertion de MM. les commissaires : dans de semblables occasions, leur devoir est de dresser Ou de faire dresser des procès-verbaux ; s'ils ne le font pas, c'est que le fait ne leur paraît pas assez important ou qu'ils ne croient pas avoir besoin d'en acquérir la preuve,
2° Qu'entendent ici MM. les commissaires par publiquement ? Est-ce dans un attroupement séditieux, est-ce dans quelque assemblée primaire, est-ce au spectacle, est-ce enfin dans quelque lieu public, qu'au vu et au su de la municipalité, et sans qu'elle l'ait réprimé, des voix nombreu-
ses ont crié vive le pape! Voilà ce qu'il faudrait articuler, et ce que MM. les commissaires seraient très embarrassés d'articuler; parce que, dans le fait, rien de semblable n'est arrivé à Avignon depuis que les nouveaux officiers municipaux sont installés. Si un fou ou un mauvais sujet a tenu un propos incivique, peut-on l'imputer au corps municipal? La municipalité de Paris est-elle contre-révolutionnaire, parce que, dans le choc des passions qui agitent souveut les parterres des spectacles de la capitale, on entend Buelquefois des insensés crier: à bas la nationt ne dénonciation appuyée sur un tel fait, mériterait-elle d'être écoutée? Je sais qu'un seul particulier a été accusé de ce cri séditieux, je sais que la municipalité a fait, à ce sujet, une information; et l'on m'assure que le résultat est loin d'être ce qu'annoncent MM. les commissaires.
Je vais examiner un fait d'une autre nature. Les officiers municipaux ont refusé d'obtempérer à une réquisition de MM. les commissaires, et ont fait un appel au roi. .
En administration, un appel au roi n'est.point un acte contre-révolutionnaire : Appeler au chef constitutionnel de toutes les administ rations nationales, c'est obéir à la Constitution; et je ne vois en cela rien de coupable dans la conduite des officiers municipaux; l'amour-propre de MM. les commissaires a pu en être blesse, mais la Constitution n'en a point été lésée.
Mais, me demandera-t-on, comment peut-il se faire que la nouvelle municipalité n'ait pas de grands torts, puisque les commissaires ont été forcés de la suspendre de ses fonctions? M. le rapporteur l'annonce positivement, page 72 de son rapport,
Je l'avoue, cette preuve me paraît frappante ; il me parait impossible que les commissaires aient annoncé une suspension qui n'aurait aucune réalité. Ils n'ont pas pu se jouer ainsi de l'Assemblée nationale,, du roi, de la France entière.
Eh bien, cette preuve quelqu'accablante qu'elle paraisse, n'entraîne pas chez moi la conviction. La lettre des commissaires est du 1er février, j'en reçois une du 3, et il n'y est pas parlé de suspension. Quoi! les commissaires auront lancé la foudre sur le corps municipal le 1er février, et le 3, le corps municipal gardera le silence sur un acte qui le déshonore, et qui le prive de sa vie administrative. — Cela n'est pas possible. Un événement aussi majeur ne sera passé à Avignon, et ma famille, et mes amis, ne m'en diront pas un mot dans leur correspondance habituelle. Cela n'est pas possible. Je ne puis pénétrer quels motifs ont engagé les commissaires à annoncer un fait faux; mais, à mes yeux, la fausseté du fait est démontrée. :
A l'instant où je traçais ces dernières réflexions, un courrier extraordinaire arrive, il me remet un paquet : je l'ouvre avec empressement. J'y lis, et ae nouvelles preuves du patriotisme de mes concitoyens, et la démonstration la plus complète de leur innocence. La paix et le calme régnent à Avignon. Jamais la communication du corps municipal avec les commissaires n'a été interrompue; les troupes y sont dans la subordination la plus parfaite, y observent la plus exacte discipline; les prisonniers, détenus au palais, y sont traités avec humanité, ne manquent de rien, et ne forment aucune plainte. La Constitution y est chérie [et respectée; Joinde penser à une contre-révolution, le corps municipal et tous les citoyens ne soupirent qu'après
l'instant où réunis de fait au département des Bouches-du-Rhône, ils verront les administrations, les tribunaux, le clergé, constitutionnelle-ment et définitivement organisée.
Je trouve un arrêté du conseil général de la commune, où mes concitoyens s'élevant à la hauteur de la liberté qui leur coûte si cher, peignent l'indignation dont ils sont pénétrés à la vue des calomnies, sous le poids desquelles les commissaires voulaient les écraser, tandis, qu'hy-pocritëment perfides, ils continuaient à leur tendre une main protectrice et amicale. Ils pulvérisent ensuite les inculpations contenues dans le rapport de M. Bréard. Ils réduisent à leur juste valeur les fameux cris de vive le pape (1); ils prouvent que le seul particulier qui s'en soit rendu coupable, et qui n'y a pas ajouté au diable la nation, a été admonesté par le tribunal de police, d'après l'avis et le consentement des commissaires qui n'ont pas voulu qu'on donnât S lus de suite à cette affaire. Ils prouvent que si . Audiffret, ami intime de M. Le Scène des Maisons, n'a pas été poursuivi pour avoir arboré à ses fenêtres les armes du pape, le jour de l'installation de la nouvelle municipalité, c'est parce-que les commissaires se sont contentés de l'excuse qu'il a donnée, en disant que c'était la faute d'une vieille servante : ils prouvent qu'il n'y a à Avignon ni évêque, ni chanoines en fonctions, ni prêtres réfractaires prêchant la contre-révolution : ils se plaignent avec amertume, il est vrai, du despotisme des commissaires qui ont la folle prétention de vouloir être au-dessus de la loi et de gouverner arbitrairement : ils supplient le roi, au nom de la justice et de la Constitution, de leur retirer sa confiance et ses pouvoirs; et se réservent de les poursuivre comme calomniateurs devant les tribunaux, et cela à l'instant ou ils auront cessé d'avoir les pouvoirs et le caractère de commissaires civils, dépiités par le roi.
Ce n'est point sous le voile du mystère et dans l'ombre du secret que mes concitoyens se préparent à repousser les calomnies des commissaires : par un arrêté solennel, le corps municipal à demandé à messieurs les commissaires le désaveu du fait de leur suspension par eux si hautement annoncé. Messieurs les commissaires ont répondu qu'il-n'y avait de leur part lieu à délibérer, parce que l arrêté qu'on leur présentait était inconstitutionnel. Quoi! il est inconstitutionnel de demander la réparation d'une calomnie ! Quoi ! il est inconstitutionnel de demander le désaveu d'un fait avancé comme vrai, tandis qu'il est notoirement et manifestement faux! Messieurs lés commissaires se sont donc fait une Constitution personnelle! A coup sûr leur Constitution n'est point fondée sur la Déclaration dés droits, et n'est pas la Constitution française.
Ici, je m'arrête sur cette inconcevable affaire. Mes concitoyens, sont justifiés, et toutes les réflexions auxquelles je pourrais encore me livrer n'ajouteraiënt rien à la délibération du conseil général de la commune d'Avignon qui sera à la suite de cet écrit avec les autres pièces justificatives. Je passe au projet dé décret présenté par M. le rapporteur.
Projet de décret.
La dépêche des commissaires du 1er février a fait changer aux comités dans le projet du 11 , quelques dispositions qu'ils avaient annoncées le 9.
A l'époque du 9, M. le rapporteur proposait de déclarer définitives les élections faites et à faire qui, aux termes du décret du 23 septembre, ne sont que provisoires. Cela lui paraissait infiniment avantageux : « Toute détermination, disait-« il, qui mènerait à la convocation de nouvelles « assemblées, dans unfpays cruellement agité « depuis 18 mois, qui, depuis trois mois, « est fatigué par des élections et tourmenté à cet « égard dans tous les sens, serait extrêmement « dangereuse. Elle ouvrirait la porte à des ca-« baies, à des intrigues de tous les genres qui « ne manqueraient pas de le livrer a de nou-« velles convulsions : ce serait donc provoquer « ou du moins s'exposer à de nouveaux mouve-« ments; il paraîtrait plus simple de déclarer « celles faites, définitives » (pages 59 et 60 du rapport.)
Depuis la dépêche du 1CP février, M. le rapporteur a changé d'avis et veut, par Tarticle 5 du projet de décret, faire renouveler toutes les élections. La suspension prétendue de la municipalité d'Avignon, ses chimériques plans de contre-révolution, l'existence de la soi-disant cabale papale, la prétendue connivence avec les prétendus aristocrates d'Arles* toutes ces illusions turbulentes dont s'alimentent certains journaux et certains clubs, et que, pour de bonnes raisons sans doute, messieurs les commissaires ont cru devoir adopter, ont été les motifs qui ont déterminé M. le rapporteur à proposer de renouveler les élections déjà faites. Ces motifs ont disparu. La pàrtialité, osons le dire, les impostures, des commissaires sont démontrées et la calomnie qui a été au moment d'écraser de bons citoyens, né peut plus être mise en balance avec lès puissantes raisons d'ordre, de paix, de bien public, qui doivent déterminer l'Assemblée à déclarer éfinitives les élections déjà faites.
Mes concitoyens verront sans doute, avec plaisir et satisfaction, la nouvelle commission composée et revêtue des pouvoirs que proposent les articles 6, 7, 8 du projet de décret. Mais je prendrai la liberté d'observer que, dans l'ancien comme dans le nouvel état des choses, l'article 9 ne peut s'amalganier avec les trois précédents. Selon ce dernier article, la nouvelle commission qui siégera à Avignon; de concert avec les commissaires actuels, dirigera l'organisation, tant civile qu'ecclésiastique du pays, etc.
Lés Commissaires àctuéls, d'après la vive censure du rapport sur leur conduite, d'après lèurs calomnieuses dépêches du 1er février, peuvent-ils encore mériter la confiance de l'Assemblée nationale, et des deux Etats réunis? Quelle mixtion que celle de trois commissaires intacts avec trois commissaires au moins fortement inculpés dans l'opinion publique? Comment,' d'ailleurs, concilier1 cet article 9 dans sa ' réunion des deiïx commissions, avec l'article 16 Où'il est dit : « La commission établie par larticlê 6 sera « tenue dé prendre sur les lieux et de faire parie venir incessamment à l'Assemblée des rensèi-« gnements précis sur les faits dënOùcés contre « M. Mulot et les commissaires civils. Ces derniers « se rendront à la barre pour rendre compte de « leur mission lorsqu'elle sera terminée, etc... ».
La nouvelle commission est donc chargée de prendre incessamment des informations sur la commission actuelle. De quel œil les commissaires actuels verront-ils les nouveaux commissaires informateurs de leur conduite? Peut-on espérer, doit-on même désirer du concert entre eux? Tout concourt, donc à faire rejeter l'article 9 dans la partie où il dit, que les nouveaux commissaires dirigeront, de concert avec les commissaires actuels, les organisations civile et ecclésiastique du pays.
Ce n'est qu'avec frayeur que j'aborde l'article 12 du projet de décret qui porte la translation à Beaucaire du tribunal siégeant à Avignon et des prisonniers dont il instruit le procès.
Je sais combien mes concitoyens ont désiré le tribunal que l'Assemblée leur a accordé par son décret du 26 novembre. Je sais qu'ils regarderaient comme le plus insi»ne de tous les affronts et le déni de justice le plus caractérisé la translation de ce tribunal et des détenus dans toute autre partie de l'Empire français; d'un autre côté personne n'ignore que c'est l'objet principal que se proposent les protecteurs, les amis, les complices de Jourdan : personne n'ignore que c'est pour y parvenir qu'on a fatigué l'Assemblée nationale par des pétitions individuelles, et par les adresses de quelques prétendus citoyens de Marseille : Personne n'ignore que c'est pour y parvenir que on a inséré tant d'articles insidieux, dans la Chronique de Paris, dans le Patriote français ; et que M. Verninac a répandu son Mémoire la veille du jour où l'on croyait que se ferait le rapport sur Avignon et le Comtat. Je déplairai donc nécessairement à un parti puissant, en m'élevant au nom de mes concitoyens contre cet article, et en suppliant l'Assemblée de ne pas l'adopter. Mais il n'y a pas de crainte qui puisse balancer mon devoir.
11 n'est pas une des considérations que l'on fait valoir aujourd'hui dans le rapport, qui n'ait été présentée à l'Assemblée, et qu elle n'ait rejetée lors du décret du 26 novembre. Ces considérations sont aujourd'hui moins fortes qu'elles ne l'étaient au mois de novembre ; une expérience de plus de 4 mois a appris que les Avignonais savent respecter la loi ; que les hommes qui sont sous sa main, sont pour eux des hommes inviolables, et qu'ils sont incapables d'apporter le moindre trouble au cours de la justice.
Le tribunal a instruit la procédure au milieu de la paix et de la sécurité : les informations sont terminées; et, au moment où je trace ces lignes, il est probable que la procédure est réglée et les décrets portés.
Dans un pareil état de choses, qu'est-ce qui peut nécessiter la translation du tribunal et des détenus, et forcer l'Assemblée à révoquer la loi du 26 novembre, qu'elle a rendue après la plus ample discussion ?
Le tribunal est parfaitement libre à Avignon. Les prisonniers y sont plus en sûreté que partout ailleurs. La procédure touché à sa fin.
Les commissaires ont dit qu'ils craignaient que les citoyens de Marseille et de quelques autres villes, qu'on leur annonce avoir formé un rassemblement que l'on évalue déjà à 25,000 hommes, ne tentent un coup de main pour délivrer les prisonniers détenus à Avignon (page 68 du rapport).
Ce rassemblement est chimérique : les Avignonais n'en craindront jamais un pareil, tant que la loi sera en leur faveur. D'ailleurs, un coup de main s'exécuterait bien plus facilement à Beaucaire qu'à Avignon, parce que Beaucaire
n'a qu'une très modique population, point de forteresse, point de prison et point de garnison.
Les commissaires observent qu'il leur est personnellement indifférent que les prisonniers soient transférés ailleurs ainsi que le tribunal (page id. du rapport). Mais cela ne leur pourrait être indifférent s'ils n'étaient convaincus que rien n'empêche le tribunal de juger à Avignon comme il jugerait dans toute autre ville.
Les commissaires ajoutent que si, comme on l'annonce, l'Assemblée nationale ordonne que les prisonniers soient conduits à Orange, il est à craindre que cela ne cause une nouvelle fermentation dans cette ville, où les têtes sont déjà trop exaltées (page id. du rapport). Mais si cette fermentation est à craindre pour Orange, ne le sera-t-elle pas pour Beaucaire ? Ne portera-t-on g oint l'incendie dans le département du Gard? ette translation si imprudente ne remettra-t-elle pas le fer et le feu à la main d'un parti atterré par la présence du tribunal à Avignon ? Ne changez rien à la loi du 26 novembre et tous ces inconvénients sont prévenus.
Les accusés ne pourront être défendus, ceux qui pourraient déposer en leur faveur ont pris la fuite, et craignent pour leur liberté et pour leur vie (page 65 du rapport). Il n'y a que les complices des accusés qui puissent craindre pour leur sûreté et leur vie, en venant déposer à Avignon. M. le rapporteur ne prétendra sûrement pas que c'est de cette espèce d'hommes que la justice doit attendre des lumières. Je demande, à mon tour, comment on peut espérer que 300 témoins qui ont déposé, se rendront à Beaucaire, pour les confrontations? Je demande si, dans la disposition où l'on dit que sont les esprits dans ces contrées, il y aurait sûreté pour leur liberté et leur vie? Et le parti des brigands, ressuscité par la translation du tribunal et des accusés, ne leur fermera-t-il pas les abords de Beaucaire, en soulevant la multitude contre eux, sous le prétexte usité et presque infaillible d'aristocratie ou de papisme.
Ce qui doit rassurer l'Assemblée sur le sort des accusés, en ne transférant point le tribunal séant à Avignon, c'est la précaution qu'elle a prise, par le décret du 26 novembre, de se réserver la communication de la procédure, lorsqu'elle serait faite et décrétée, afin de s'assurer que, dans l'instruction, rien n'aurait porté atteinte à la pleine et entière liberté de leur défense; précaution bien digne sans doute de la sagesse de l'Assemblée, mais d'ailleurs surabondante puisque l'appel assure de droit aux accusés les moyens de relever les vices qui pourraient entacher la première instruction; puisque l'appel nécessitera la translation que I on propose aujourd'hui contre la loi, et qu'alors la loi prescrira elle-même, de sorte qu'on semble vouloir la violer gratuitement. .
Mais la translation du tribunal et des accusés n'est pas la seule dérogation à la loi du 26 novembre, que l'on veuille faire adopter à l'Assemblée; le projet de l'article 13 en présente une bien plus considérable. « Les procédures à faire « par les juges, ne seront instruites que contre « les particuliers accusés d'avoir personnellement « exécutée les meurtres du sieur Lécuyer et des « prisonniers du palais, les 16 et 17 octobre der-« nier, et contre ceux qui se trouveront accusés « d'avoir formellement provoqué ces crimes. »
Les comités n'ont pas sans doute fait attention que cet article attaque directement la Constitution, en ce qu'il attribue le pouvoir judiciaire
au Corps législatif. Un crime est commis; il est dénoncé à un tribunal. Prescrire aux juges de ne faire porter l'instruction que sur tel et tel individu, c'est scinder leurs fonctions; c'est leur dire, poursuivez et ne poursuivez pas le crime. Tel individu sera coupable, mais nous jugeons que tel autre ne l'est point. Cela n'est pas au pouvoir de l'Assemblée. Dès que l'accusation est portée, elle ne peut rien sur l'instruction qui doit être faite conformément à la loi existante; autrement le pouvoir judiciaire serait dans ses mains, et les juges deviendraient ses agents, et non ceux de la loi. Le pouvoir de faire de nouvelles lois n'est pas le pouvoir d'être au-dessus de celles qui existent. L'Assémblée ne peut donc pas prescrire une marche particulière au tribunal d'Avignon pour l'instruction dont il est chargé; et il doit constitutionnellement conserver toute la latitude que la loi lui donne à cet égard.
Quoi ! on propose de ne faire porter les procédures que sur les particuliers personnellement exécuteurs et les ordonnateurs formels de plus de 60 homicides commis dans le palais d'Avignon; et ceux du dehors qui le leur auraient conseillé, ceux du dehors qui auraient fourni les instruments nécessaires pour cet horrible hécatombe, échapperaient par cette précision de l'article 13 du nouveau décret à toutes les peines dues à leur affreuse complicité, s'il ne se trouvait point de témoins qui disent que, tels ou tels ont été les ordonnateurs formels, les exécuteurs positifs de tous les meurtres. Ceux qui étaient dans l'intérieur de ce palais nageant dans le sang, ceux qui y commandaient et y ont existé vivants au milieu de tant de cadavres, ne paraîtraient donc pas suffisamment convaincns? Ne poussons pas plus loin ces tristes réflexions nécessitées par l'article 13 du projet de décret. Il est cependant impossible de ne pas remarquer que les exceptions d'exécuteur personnel et d'ordonnateur formel ne se trouvent point dans l'article 14, qui ordonne de poursuivre la procédure à faire contre les assassins d'Anselme et Lavilasse, et contre les meurtriers de Caromb. Les brigands d'Avignon sont-ils donc plus favorables aux yeux de la loi que les meurtriers de Vaison et de Caromb?
Législateurs, mes concitoyens vous en conjurent, ne changez rien pour Avignon à la loi que votre sagesse vous a dictée le 26 novembre dernier. Ils vous le demandent au nom de cette Constitution qu'ils ont juré de défendre jusqu'à leur dernier soupir, au nom du bon ordre et de la paix qui régnent dans leurs murs, et qui seraient probablement compromis par les dérogations que l'on vous propose dans le projet de décret des comités; ils vous demandent de leur Conserver les braves troupes de ligne sous la protection desquelles la loi a été jusqu'à présent si ponctuellement exécutée; et que leur enlèverait l'article 18 du projet de décret, s'il était àdopté. Les commissaires les ont inculpées, dans leurs dépêches du 1er février, comme ils ont inculpé la municipalité. L'une et l'autre inculpation n'ont pas plus de fondement. La prudence exige au moins que vous attendiez les rapports de la nouvelle commission, avant de faire entrer dans Avignon de nouveaux régiments, dont les dispositions sont incertaines, et des bataillons de gardes nationales qui peut-être, ne vivraient pas en bonne harmonie avec eux.
Une étincelle peut rallumer un grand incendie dans les deux Etats réunis ; mais quoiqu'il puisse
arriver, je réponds du patriotisme de mes com mettants; je répète ce que j'ai dit à la barre de l'Assemblée, le 11 du courant : si je n'avais pas été convaincu de leur inviolable attachement, et de leur entier dévouement à la Constitution, à la loi et au roi, je n'aurais pas accepté les pouvoirs qu'ils m'ont confiés. Et le plus beau jour de ma vie est celui où j'ai vengé mes concitoyens des calomnies de leurs injustes oppresseurs.
Paris, 26 février 1792, l'an IV de la liberté française.
Signé : deleutre, député extraordinaire de la commune d'Avignon.
Post-scriptum.
Ce mémoire était imprimé lorsque j'ai reçu, le 27, une nouvelle dépêche du corps municipal d'Avignon. Elle m'apprend ce qui s'est passé depuis le 19. Les commissaires ont répondu officiellement à la délibération de ce jour, et en ces termes : Déclarons qu'il n'y a lieu à délibérer sur la question proposée par le conseil général. Improuvons le dit arrêté comme inconstitutionnel et contraire à la hiérarchie des pouvoirs établis par la Constitution. Enjoignons au conseil général de se renfermer dans les borm.es qui lui sont prescrites par la loi..... Ordonnons au commandant des troupes à Avignon de pourvoir à la tranquillité publique et prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les suites, de la délibération indiscrète et inconstitutionnelle que vient de prendre le conseil. général de la| commune, suites dangereuses pour la tranquillité publique, etc. (Voyez suite des pièces justificatives, -n01.)
En conséquence, il a fallu fatiguer les troupes pendant deux jours et deux nuits, en redoublant les postes et les patrouilles, quoique le calme le plus profond continuait à régner dans la ville (suite des pièces justificatives, n08 2 et 3) et quoique le général jugeât inutile toute précaution extraordinaire.
De ces nouvelles pièces J1 résulte : 1° que la municipalité n'est pas même actuellement suspendue ; 2° que la plus grande tranquillité continue à régner à Avignon ; 3P que les commissaires continuent à s'y conduire comme les pachas qui commandent dans les Etats du grand seigneur, puisque les plaintes les plus légitimes sont, à leurs yeux, des actes d'une insubordination coupable.
28 février 1792.
Deleutre, député extraordinaire de la commune d'Avignon.
PIECES JUSTIFICATIVES. N° 1.
lettre de la commune d'Avignon à l'Assemblée nationale.
« Du 19 février.
« Législateurs,
« Le conseil général de la commune d'Avignon n'a pu voir sans une indignation extrême les calomnies dirigées par les commissaires civils contre la municipalité, les citoyens et la garnison d'une ville qui jouirait de la plus profonde
paix, si elle n'avait pas le malheur de les posséder dans son sein. Nous démentons tous formellement toutes les inculpations contenues dans la lettre de ces commissaires au ministre de l'intérieur, en date du lor de ce mois. Nous les sommons de produire les preuves des horreurs qu'ils ont articulées contre nous; nous vous les dénonçons comme des despotes qui ont constamment, dans ces malheureuses contrées, substitué leurs volontés arbitraires à la loi. Nous ne répondrons qu'un mot à leurs calomnieuses imputations. Nous jurons de maintenir, au péril de nos fortunes et de nos vies, la Constitution. Ceux qui disent ou qui diront aux représentants de la nation que les sentiments des Avignonais ne sont pas ceux dont nous vous transmettons l'expression, sont des imposteurs dignes du plus profond mépris.
« Que l'Assemblée nationale veuille prononcer notre jonction au département des Bouches-du-Rhône ; qu'elle ordonne que nous jouirons incessamment des bienfaits de là Constitution ; qu'elle force les personnes intéressées à perpétuer l'anarchie et le sommeil de l'ordre judiciaire dans ces contrées embrasées du feu sacré du patriotisme, à mettre un terme à leurs retards affectés; que, sur tous les autres objets soumis à sa délibération par les- comités de surveillance et de pétitions, elle adopte de sages délais; et elle jugera alors si nous sommes aristocrates, si nous sommes contre-révolutionnaires ; elle prononcera sainement entre le peuple avignonais et ses calomniateurs de tout genre et de tous les partis.
« Vous êtes justes, nous sommes calomniés, nous sommes patriotes, nous demanderons justice et nous l'obtiendrons; .
« Nous sommes, etc...
N° 2.
Extrait des délibérations du conseil général de la commune de cette ville d'Avignon.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, et le dimanche 19 février, le conseil général de la commune de cette ville d'Avignon s'est assemblé en suite de la convocation générale faite aujourd'hui par billets remis par nous, notaire, secrétaire greffier, et portés par les valets de ville à tous les membres du conseil, et au son de la cloche, suivant l'usage, auquel conseil ont assisté et étaient présents :
M. Laverne, maire,
MM. Soulier, Queireau, Parrocel, Hugues, Rei-nard, Isnard, Nogier, Remond, Girard, Poucet, Joly, Bigonet, Lafond, officiers municipaux.
M. Collet, procureur de la commune.
M Bruneau, substitut du procureur de la commune.
MM. Montfaucon, Aubert, Mazzety, Troillier, Giles, Marlac, François Jauffret, Cassa, Pelât, Cartier, Meusac, Daruthy, Estraillet, Carrouge, Marchant, Teste de Perne, Revoire, Bouzelli et Verdier, notables.
M. le maire a fait lecture d'une lettre de M. le député extraordinaire de cette ville à Paris, en daté du 13 de ce mois, adressée à la municipalité, ainsi que du discours prononcé par le même dépùté extraordinaire à la barre de l'Assemblée nationale, le 11 dudit mois, en réfutation des calomnies contenues dans les dépêches de messieurs les commissaires civils, adressées à M. le ministre de l'intérieur, datées du premier de ce
mois, et par lui envoyées au comité de pétitions de l'Assemblée nationale, qui en a fait le rapport le même jour par l'organe de son rapporteur. Cette lecture achevée, M. le maire a dit que les lettres de MM. les commissaires civils, copiées dans tous les papiers publics, contrastaient d'une manière trop frappante avec la véritable situation de la ville d'Avignon, pour ne pas mériter l'attention du conseil général de la commune ; qu'il était de la plus urgente nécessité de faire connaître la vérité, et de détruire la fâcheuse impression que les calomnies écrites par lesdits commissaires auraient pu faire naître contre le patriotisme de la municipalité et tous les citoyens avignonais.
La matière mise en délibération et ouï sur ce M. le procureur de la commune, le conseil général considérant : 1° que les lettres de MM. les commissaires annoncent que la municipalité est suspendue landis qu'il est notoire qu'elle n'a jamais cessé ses fonctions; que jusqu'à ce jour ses rapports avec messieurs les commissaires ont été très fréquents et non interrompus ; qu'ils n'ont jamais cessé de transmettre leurs ordres à ladite municipalité, de lui notifier les diverses lois du royaume pour être par elle transcrites sur ses registres, et ensuite publiées et affichées ;
2° Que ces mêmes commissaires, très peu de temps avant leurs dernières dépêches, avaient rendu à M. le ministre de l'intérieur les témoignages mérités sur la composition et la bonne conduite de la municipalité;
3° Que ces mêmes commissaires ont donné constamment des éloges aux membres de la municipalité, ont approuvé leur conduite, et cela dans le même instant où ils adressaient au même ministre les plaintes les plus amères et les calomnies les plus atroces contre ces mêmes magistrats qu'ils louaient dans toutes les occasions ;
4° Que le dix-sept de ce mois, la municipalité ayant soupçonné, d'après les lettres reçues de Paris, que les commissaires avaient écrit contre elle au gouvernement, avait envoyé auprès d'eux quatre de ses membres, qui, avec la franchise qui caractérise l'innocence, leur auraient demandé amicalement des explications sur un bruit qui se change aujourd'hui en la plus étonnante certitude, et que les commissaires auraient désavoué ce bruit verbalement, et dissipé des inquiétudes qui n'étaient que trop fondées;
5° Que les commissaires ont écrit qu'il régnait à Avignon la plus grande fermentation; que les troupes de ligne étaient aristocrates; que les prêtres non-assermentés entretiennent le fanatisme et prêchent la révolte et que la municipalité était liguée avec les villes de Carpentras et d'Arles pour faire une contre-révolution, tandis qu'il est notoirement vrai que la ville d'Avignon jouit de la plus profonde pâix; que les troupes de ligne n'ont jamais oublié un instant les principes du patriotisme le plus pur; comme dé la discipline la plus exacte; qu'il n'a été exigé des prêtres aucun serment, attendu que la loi du 221 septembre dernier veut qu'il ne soit statué sur le clergé que par l'organisation définitive ; que néanmoins l'archevêque ni aucun des chapitres ecclésiastiques n'ont repris leurs fonctions, le premier étant absent d'Avignon depuis plus de deux ans ; que la municipalité et la grande majorité des citoyens n'ont jamais manqué une occasion de manifester hautement le respect le plus infini pour la loi comme leur
amour pour la Constitution ; que la municipalité délie formellement la malveillance la plus invétérée de citer un de ses actes, une de ses démarches qui n'ait pas été conforme à ce principe sacré;
6° Que les mêmes commissaires osent affirmer qu'on crie ici publiquement : Vive le pape, au diable la nation, tandis qu'il est prouvé que depuis l'installation de la municipalité, un seul citoyen, dans une cérémonie publique, osa mêler le cri de vive le pape, aux acclamations innombrables des citoyens qui firent retentir Pair de « vive la nation, vive la loi, vive le roi, » que ce délit, lors consigné dans les registres de la police municipale avec l'aveu du coupable, a été commis par un homme se disant patriote, connu pour être l'espion et le protégé de M. Le Scène des Maisons ; et que s'il n'a pas été plus sévèrement puni que par une forte admonition, c'est sur une recommandation expresse de MM. les commissaires qui l'honorent de leur protection ;
7° Qu il est connu et prouvé que les citoyens dans la même occasion ayant illuminé leurs fenêtres, un seul d'entre eux, le sieur Audiffret l'aîné, connu par sa haine contre la municipalité actuelle, autant que par ses liaisons intimes avec M. Le Scène des Maisons, avait mis sur ses fenêtres des fanaux aux armes du pape ; que ce fait ayant été dénoncé sur-le-champ à la muni-palité, elle avait cru qu'avant de punir le coupable, elle devait en conférer avec MM. les commissaires, par égard pour la prédilection qu'ils ont pour lui, et que lesdits commissaires engagèrent la municipalité à ne donner aucune suite à cette affaire, et lui certifièrent que ce n'était qu'une méprise de la part de la domestique du sieur Audiffret aîné ;
8° Qu'en rapprochant ces deux faits, le caractère des délinquants et leurs liaisons avec le sieur Le Scène, on ne pouvait se refuser au soupçon que ces mouvements auraient été excités par les commissaires eux-mêmes, à l'effet de servir d'aliment et de prétexte aux calomnies qu'ils ont dirigées contre la municipalité et les citoyens d'Avignon ; que les sollicitudes des magistrats du peuple avignonais et leur crainte d'altérer la paix de leur cité, avaient dû, jusqu'à ce jour, les empêcher de dénoncer, à l'auguste Assemblée nationale et au roi, le despotisme des commissaires civils, la partialité révoltante qu'ils avaient manifestée pour un des partis qui avaient désolé ces belles contrées, au lieu de conserver la modération et la sévère impartialité qui auraient dû les caractériser, et mettre fin aux dissensions intestines, en rapprochant tous les partis, et concourir à dicter à chaque citoyen le sacrifice de ses opinions parculières, au maintien de l'ordre public et au respect pour la loi; que la municipalité, dans plusieurs de ses arrêtés, n'a cessé de diriger ses efforts vers le rapprochement des esprits; qu'elle a puni impartialement les perturbateurs du repos public, dans quelles opinions qu'elles les ait trouvées, et qu'elle aurait atteint complètement ce but, objet ae ses désirs, si les commissaires ne l'eussent contrariée, et n'eussent manifesté la prétention d'établir leur empire sur les bases exécrables de la division et de la discorde;
9° Que ces mêmes commissaires avaient osé écrire à la municipalité qu'elle devait obéir à leur volonté, sans faire la moindre représentation, quand bien même ces volontés violeraient la loi, qu'ils avaient, dans une autre occasion,
articulé qu'ils étaient au-dessus de la loi et du roi; que Pun d'eux, M. Le Scène, avait, le 25 janvier dernier, violé la liberté du conseil général de la commune, en s'introduisant dans son sein, avec des soldats d'ordonnance armés, qui le suivaient ; et que là, contre les principes de modération qui lui étaient absolument étrangers, il avait adressé au conseil général, un discours qui aurait été déplacé dans la bouche du despote le plus absolu; qu'il avait compromis la tranquillité de la ville d'Avignon, par la fermentation qu'il y excita, en se déclarant hautement le protecteur d'un parti, lorsque sbn caractère et les plus simples notions de l'équité, lui faisaient la loi de méconnaître tous les pactes, ou de se déclarer le protecteur exclusivement des amis de la liberté, de l'ordre et de la loi ;
10° Que les dits commissaires avaient insinué que l'esprit public à Avignon, et dans le ci-devant Comtat, mettait obstacle à la confection de l'organisation provisoire décrétée le 23 septembre par l'auguste Assemblée constituante, tandis qu'il est connu que tous les citoyens de ce pays soupirent après cette organisation, tandis que la municipalité a constamment prié messieurs les commissnires civils; tant verbalement que par la délibération du 30 janvier dernier, envoyée au ministre de l'intérieur, de se rendre au désir de ces nouveaux Français, en les faisant jouir des bienfaits que la Constitution leur assure, en faisant cesser le sommeil de l'ordre judiciaire, et la longue anarchie qui eh a été la suite; que la municipalité ayant vu toutes ses démarches infructueuses, et n'ayant pu faire cesser les retards affectés des dits "commissaires, avait, par ses lettres du 3 février, pris le parti de recourir directement à la justice de l'Assemblée nationale;
11° Que la conduite dès commissaires civils était telle, que la continuation de leurs fonctions et de leur séjour dans la ville d'Avignon ou dans le ci-devarit Comtat élevait un obstacle invincible au retour parfait de l'ordre et de la tranquillité dans ces deux Etats; et que tant qu ils conserveraient leur caractère et leur pouvoir, les haines particulières, les divisions intestines, au lieu de disparaître devant le règne de la loi, acquerraient chaque jour de l'opiniâtreté et de la consistance, au détriment de la chose publique.
A unanimement délibéré d'approuver la conduite de M. Deleutre l'aîné, député extraordinaire auprès de l'Assemblée nationale et du roi, et de le remercier, au nom du peuple âvigno-nais, des efforts qu'il a fait pour mettre en évidencé la justice de sa cause; de ratifier et confirmer, én temps que de besoin, lés pouvoirs à lui conférés par délibération du conseil municipal, en date au 31 janvier dernier :
1° De faire une adresse au Corps législatif, pour le supplier de joindre définitivement le district d'Avignon, au département des Bouches-du-Rhôné; de déclarer que les élections faites jusqu'à ce jour soient définitives, et d'autoriser Je directoire du département des Bouches-du-Rhône à nommer une commission, à l'effet d'ac-célerer celles qui restent à faire pour compléter l'organisation ;
2° De votër une autre adresse au roi, pour le supplier de révoquer les pouvoirs accordés par Sa Majesté aux sieurs Le Scène des Maisons, Champion et Beau.regard, commissaires civils dans les ci-devants Etats d'Avignon et du Comtat ;
3° De députer aux commissaires civils MM. Soulier, Quireau, officiers municipaux, Colet, procu-
reur de la commune, MM. Aubert, Trolier, Teste, Cornet, notables, pour leur démander la rétractation des inculpations mal fondés qui résultent de leur lettre du premier février, au ministre de l'intérieur; et rapporter réponse par écrit;
4° De charger le procureur de la commune, dans le cas où les commissaires se refuseraient à donner une réparation aussi légitime, de les poursuivre au nom de la commune par toutes les voies de droit, pour obtenir la dite réparation; et cela, à l'instant où ils auraient cessé d'avoir le caractère et les pouvoirs de commissaires civils délégués parle roi;
5° De présenter la présente délibération à M. le général des troupes délégué, et à tous les chefs de corps en garnison en cette ville, avec invitation de rendre hommage à la vérité, en attestant celle de tous ces considérants et des faits y relatés ;
6° D'envoyer, par un courrier extraordinaire, extrait de la présente délibération, en forme probante, à l'auguste Assemblée nationale, au roi et au ministre.
De quoi et de tout ce dessus, le dit sieur, procureur de la commune a requis acte qui lui a été concédé, et dont se sont les dits sieurs assemblés; signé à l'original.
Collationné: fischer P., secrétaire-greffier.
N° 3.
Attestation de M. le général des troupes de ligne et de MM. les commandants des troupes en garnison à Avignon.
Nous, maréchal des camps, commandant les troupes dans les Etats d'Avignon et du Comtat venaissin;
Et des commandants des différents corps de troupes de ligne, actuellement en garnison à Avignon;
Après avoir pris lecture de la délibération du conseil général de la commune de cette ville, en date de ce jour, certifions et attestons;
Que depuis notre séjour dans cette ville, la tranquillité publique n'y a été nullement compromise ni troublee;
Que nous n'avons entendu aucun individu crier : Vive le pape, au diable la nation.
Que nous avons constamment trouvé la municipalité disposée à seconder nos efforts pour le maintien de l'ordre public et l'exécution des lois; .
Que nous ne connaissons aucun citoyen d'Avignon capable de sé prêter à aucun plan de contre-révolution.
Qu'il est'notoire que la municipalité n'a point été suspendue; que sës rapports avec MM. les commissaires civils et avec nous, ont toujours été fréquents et jamais interrompus;
Que l'archevêque absent et aucun dès chapitres ecclésiastiques de cette ville n'ont repris leurs fonctions ;
Que tous les citoyens qui ont été convaincus de troubler l'ordre public et d'enfreindre la loi, ont été réprimés et punis par la municipalité sans acception de personne.
Certifions enfin que la municipalité administre la chose publique et remplit ses fonctions, conformément à la loi et a la généralité des citoyens de cette ville.
Fait à Avignon, le 19 février 1792.
Le maréchal de camp employé à la 7* division et commandant à Avignon, Folenay.
Le colonel du 77e régiment, commandant à Avignon, Lefort.
Le commandant du 2® bataillon du régiment suisse de Steiner, de Muralls.
Le commandant des 3 compagnies du 4e régiment d'artillerie, du Chaffaul.
Le commandant des 2 escadrons des hussards du 5° régiment, Schœmbeg.
Le chevalier de Flaack, lieutenant-colonel du 77e régiment.
N° 4.
Attestation de MM. les juges de paix.
Nous, juges de paix de cette ville d'Avignon, requis de la part de la municipalité, certifions et attestons qu'il est de notoriété publique, qu'une grande partie du clergé résidant ci-devant dans Avignon, n'y est pas encore rentré, qu'aucun des chapitres n'a repris les fonctions dans aucune église paroissiale, et que dans Avignon il a régné et règne une tranquillité parfaite depuis l'installation de la nouvelle municipalité; qu'enfin, cette municipalité a continué et continue ses fonctions à la satisfaction des citoyens, que dans sa conduite elle n'a fait acception d'aucun parti; et que toutes ses démarches ont constamment tendu à concilier tous les esprits vers un même but, l'amour de l'ordre, de la paix, le respect pour les lois ; et n'a cessé d'inspirer à tous les citoyens, les sentiments du plus pur patriotisme, sentiments qui sont généralement suivis. Fait à Avignon, ce dixième jour du mois de février 1792, et de la liberté, l'an quatrième. Signé : Biscarrat, juge de paix; Hugues, juge de paix ; PaULLE, juge de paix.
N° 5.
Délibération du conseilmunicipaldu 30 janvier 1792. Extrait des registres du conseil municipal de la ville d'Avignon.
L'an 1792, et le trentième jour du mois de janvier, dans une salle basse de la maison commune de cette ville d'Avignon, le conseil municipal s'est assemblé à la manière ordinaire, une convocation préalablement faite, auquel conseil ont assisté : M. Laverne, maire, MM. Soullier, Queyreau, Parrocel, Hugues, Reynard, Isnard, Nogïer, Raymond, Girard, Poucet, Joly, Bigonet, Lafont, Mestre, officiers municipaux, M. Bru-neau, substitut du procureur de la commune. M. le maire a dit que des imposteurs coupables ou complices de tous les maux que cette ville a soufferts calomniaient tous les jours à la barré de l'Assemblée nationale, les citoyens d'une cité que leurs crimes avaient couverts de deuil.
Que ces calomnies, quoique d'une absurdité révoltante, sont impunies, non démenties, et en cela infiniment dangereuses pour la tranquillité publique.
Que, quoique la justice connue de l'Assemblée nationale donne 1 espoir bien fondé qu'elle appréciera la personne et les discours des calomniateurs, néanmoins les esprits incapables de réflexions se livrent à des craintes sérieuses sur la future décision de nos augustes législateurs, et que de ces Craintes résultent une instabilité d'opinions et une agitation sourde qui retardent
dans ces contrées favorisées de la nature, le retour parfait de la paix et de la concorde sans lequel les malheurs ne tariront pas.
Que, par ces motifs comme par une foule d'au; très, qu'il serait trop long d'énumérer, et qui sont sentis par tous les bons citoyens, le bien le plus à désirer pour les ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat, était la célérité la plus active dans la confection provisoire décrétée pour ces deux Etats par l'auguste Assemblée constituante.
Qu'entre autres bienfaits inappréciables qui résulteront de celte organisation, le plus essentiel serait certainement la nomination des légitimes représentants de ces deux Etats, et leur admission dans le sein de l'Assemblée nationale : que ces députés légalement choisis éclaireraient les représentants de la nation sur la véritable situation de leur patrie, sur le caractère de ses habitants, et sur celui de leurs oppresseurs; et la garantiraient peut-être d'une décision surprise a leur religion et funeste au repos de ce pays.
La matière mise en délibération, ouï, sur ce M. le substitut du procureur de la commune, le conseil municipal, frappé de l'importance des motifs ci-dessus exposés, a unanimement délibéré de prier MM. les commissaires civils, députés par le roi, de donner les ordres nécessaires pour accélérer sans aucun retard la confection ae l'organisation provisoire décrétée le 23 septembre, par l'Assemblée constituante ; que cette prière leur sera faite par dpux officiers municipaux, et par le substitut du procureur de la commune député à l'effet de se rendre chez eux, et même de leur présenter une copie de la présente délibération.
Délibéré, en outre, d'en faire parvenir une copie au ministre de ..l'intérieur, afin qu'il soit connu que la municipalité a fait tout ce qui dépend d'elle, pour hâter une organisation aussi avantageuse qu'indispensable pour le maintien de l'ordre public.
De quoi et de tout ce dessus, le sieur substitut du procureur de la commune a requis acte qui lui a été concédé et ce sont lesdits assemblés, signé à l'original. Gollationné.
Gathélany, P. secrétaire-greffier.
N° 6.
Déposition et jugement rendu par la police contre le sieur Clerc, dit Cardeline, maçon. Extrait des registres du bureau de police.
Du 4 janvier 17Ç2, à sept heures du soir, par devant le bureau de police assemblé, s'est présenté M. Joseph Deleutre, orfèvre de cette ville d'Avignon, lequel moyennant serment par" lui prêté, la main levée, a dit et déclaré que le vingt-sept décembre dernier, sur environ les 6 à 7 heures du soir, étant sur la place de l'Horloge pour retourner chez madame sa mère au Change, -il s'arrêta au milieu d'une foule de monde pour voir passer une farandoule qui criait ainsi que les personnes qui étaient sur la place : Vive la municipalité, vive le maire; et il entendit dans le même temps une personne qui était contre lui, criant à gorge déployée! Vive le pape:ce qui le surprit beaucoup, parce qu'il jugea ce dernier cri tout déplacé, et ayant regardé ledit homme qui criait vive le pape, il reconnut que c'était le
nommé Clerc aîné, maçon de cette ville. Lecture faite de sa déclaration, a dit icelle contenir vérité, y a persisté, et a signé : Deleutre, Parrocel, officier municipal, Nogier, officier municipal, Gilles, Aubert, notables. Ainsi signé à l'original.
Aujourd'hui, cinquième janvier 1792, le tribunal ae police assemblé, délibérant sur les charges résultant d'une déposition d'un témoin contre le nommé Clerc, dit Cardeline, maçon, lequel cria le 27 décembre dernier, dans la nuit, vive le pape. Après en avoir conféré avec MM. les commissaires civils, et notamment avec M. Champion, a mandé venir ledit Clerc, et icelui arrivé dans la maison commune, il a été sévèrement admonesté sur le propos par lui tenu: et il a répondu qu'il serait plus circonspect à l'avenir. Fait dans la maison commune, les an et jour susdits. Parrocel, officier municipal, Nogia, officier municipal, Mestre, officier municipal, Gilles, notable, Aubert, notable. Ainsi signé à l'original où je me rapporte.
Simon, greffier.
N° 7.
Verbal qui constate que le sieur Audiffret l'aîné, mit le 26 décembre des armes sur ses fenêtres aux armes du pape.
L'an 1791, etc., le 28 décembre, par devant les officiers municipaux, est comparu M. Ch. Périer, marchand épicier de cette ville, âgé de 25 ans, témoin mandé de venir, lequel après serment, interrogé sur le contenu en l'exposition du procureur de la commune.
A déposé que, le 26 de ce mois, jour de l'installation de la municipalité, passant dans les rues de la ville qui étaient illuminées aux armes de France, il fut fort étonné d'apercevoir aux fenêtres de la maison de M. Audiffret, des fanaux aux armes du pape, où il y avait : Vive le pape ; que les fanaux étaient placés avec d'autres aux armes de France, et plus n'a dit. Lecture faite, a persisté et a signé Ch. Perier, Parrocel, officier municipal, Queyreau, officier municipal, Joly, officier municipal.
Du même jour où et par devant qui dessus a comparu M. Joseph Messonier, négociant de cette ville, âgé de 23 ans environ, témoin mandé venir, lequel, après serment, interrogé sur le contenu et l'exposition du procureur de la Commune.
A déposé que le 26 ae ce mois, la municipalité fut installée; qu'on illumine la ville; qu'il y avait partout des fanaux aux armes de France; mais qu'en passant devant la maison de M. Audiffret aîné, il vit qu'il y avait des fanaux aux armes du pape, mêlés avec d'autres aux armes de France et plus n'a dit : lecture faite a persisté et a signé Joseph Messonier, Parrocel, officier municipal, Joly, officier municipal.
Vu les dépositions ci-dessus il a été arrêté d'en parler a MM. les commissaires civils. Parrocel, officier municipal, Queyreau, officier municipal, Joly, officier municipal.
Nous ce jourd'hui, ayant référé à M. Champion un des commissaires, des dépositions ci-devant, il nous a répondu en avoir été instruit, et que M. Audiffret lui avait dit que c'était une faute commise par erreur par une vieille domestique : fait à la maison commune le 30 décembre 1791.
Queyreau, officier municipal. Soullier, officier municipal.
Extrait des registres du greffe du tribunal de police de cette ville d'Avignon, auquel je me rapporte en foi, etc. A Avignon, ce 19 février 1792. Signé : Simon, grelfier.
Suit la légalisation. Signé : Parrocel, Queyreau et Bigonet, officiers municipaux. Avec Ca-thelenay, p. secrétaire-greffier.
N° 8.
Verbal relatif à un propos tenu par le prisonnier Jourdan, en présence de deux officiers municipaux, visiteurs des prisons, et de deux officiers des troupes de ligne.
Nous, inspecteurs des prisons, soussignés, certifions que ce jourd'hui 15 février 1792, vers les trois heures du soir, étant accompagnés du sieur Bayle, visiteur, nous nous serions rendus aux prisons pour faire notre visite et savoir si les prisonniers étaient bien soignés; nous se-rions entrés dans les prisons, accompagnés de MM. d'Hirsel de Saint-Gratann, capitaine au régiment suisse Steiner, et Baubenhausen. officier du régiment de la Marck, tous deux de garde au poste du palais.
Qu'étant entrés dans la prison de Jourdan, nous lui avons demandé s'il était bien soigné, s'il avait quelques plaintes à faire ; qu'il nous a répondu qu'il avait ce qu'il lui fallait, mais qu il avait appris que plusieurs personnes le poursuivaient pour des bons qu'il avait faits dans le temps de son commandement de l'armée de Monteux; qu'il priait MM. de la municipalité d'empêcher qu'on fe poursuivit avant, sa sortie des prisons, et qu'il déclarait qu'à sa sortie il ferait des papillottes à MM. de Lauge et Cade; qu'il les priait aussi d'aller chez M. Le Scène dès Maisons; de lui faire ressouvenir de s'intéresser à lui; qu'il ne devait pas avoir oublié qu'il était son ami; que lui, Jourdan, en avait de grandes preuves; que sa prison lui faisant d'autant plus de peine, qu'il se croyait innocent; que durant son commandement de l'armée de Monteux, il n'avait fait que suivre les seuls et uniques conseils de MM. Le Scène des Maisons, et Ferrières, officier général.
Ces propos ont été tenus en présence des concierges et des sentinelles. A Avignon, les an et jour susdits. Signé : Joly et Lafond, officiers municipaux.
Nous avons l'honneur de rendre compte à M. de Folenay, maréchal de camp et commandant dans le Comtat, qu'aujourd'hui 15 février 1792; vers les 3 heures du soir, sont venus deux officiers municipaux, nommés MM. de Lafond et Joly, et accompagnés du sieur Bayle, visiteur des prisons.
Accompagnant les dessus nommés et nous trouvant dans la prison de Jourdan, les officiers municipaux lui demandèrent s'il n'avait point à se plaindre, et si on lui donnait ce que la loi prescrit; ce prisonnier leur dit qu'il avait ce qu illui fallait, mais qu'il avait appris que plusieurs de ses prétendus créanciers le poursuivaient pour des Dons qu'il avait été obligé de faire dans le temps de son commandément de l'armée de Monteux: qu'il priait MM. de la municipalité d'empêcher ces prétendus créanciers de former des plaintes contre lui avant sa sortie de prison ; et qu'il déclarait qu'à sa sortie, il ferait des papillottes aux deux avocats qui formaient les accu-
sations (quant aux noms des avocats nous ne nous en ressouvenons plus, mais les officiers municipaux le sauront). Il priait en même temps ces Messieurs d'aller chez M. Le Scène des Maisons; dé lui faire ressouvenir de s'intéresser à lui; qu'il ne devait pas avoir oublié qu'il était son ami, que lui Jourdan en avait de grandes preuves ; que la détention lui faisait d'autant plus de peine, qu'il se croyait innocent; vu que durant son commandement de l'armée de Monteux, s'il n'avait fait que suivre les seuls et uniques conseils de MM. Le Scène des Maisons et Ferrières, officier général.
Les nommés Joseph Christophe, concierge, et Ricco Odieu, son aide, ainsi que plusieurs grenadiers des régiments de la Marcn et de Steiner, qui accompagnaient la visite, doivent avoir entendu la même chose.
Signé: d'hirsel de Saint-Gratann, capitaine de garde au régiment suisse de Steiner; de Baubenhausen, officier de la Marck, officier de garde au palais.
N°9.
Déclaration de deux témoins justifiant que la municipalité s'est opposée à la représentation de Ricnard-Cœur-de-Lion, qui ne fut pas joué. Extrait des registres du bureau de police.
L'an 1792, et le 16 du mois de février, au bureau de police se sont présentés M. Joseph Gaspard Berneron, bourgeois, et Louis-Joseph-Bar-thélemi Baudrau, négociants l'un et l'autre de cette ville; lesquels, voulant rendre témoignage à la vérité, ont dit et déclaré, disent et déclarent, moyennant serment pareuxrespectivementprêté, la main levée, que le 29 du mois de janvier dernier, les comédiens de la nation qui se trouvaient à cette époque dans Cette ville, annoncèrent, pour le 31 dudit mois, une représentation de Richard-Cœur-de-Lion\ qu'ils savent, pour être de notoriété publique* que la municipalité de cette ville fit appeler à la maison commune le directeur de la troupe, et l'engagea à donner une autre pièce, au lieu de celle de Richard-Cœur-de-Lion qu'il avait annoncée; que le 31 les déclarants se trouvant à la comédie, ils entendirent que plusieurs personnes du parterre demandèrent qu'on jouât la dite pièce de Richard-Cœur-de-Lion, puisqu'on l'avait annoncée; qu'alors les officiers municipaux qui étaient dans leur loge, et notamment M. SOulier, l'un d'eux, prit la parole ; et s'adressant au parterre, il le pria de ne pas insister à demander celte pièce, a la quelle prière le parterre adhéra tout de suite, resta fort tranquille, et on joua Les dettes, opéra-comique; que*ce jour là, MM. lfes commissaires civils ne parurent point dans leur loge; et pour être la vérité telle, ils ont fait la présente déclaration, lecture faite, y ont persisté. Et ont Signé : Berneron, Baudrau ; ainsi signé à l'original auquel je me rapporte. En foi de quoi, etc.
A Avignon, le 19 février 1792.
Signé : Simon, greffier.
Suit la légalisation.
Signé : Soulier, Queirèau et Joly, officiers municipaux, et Fischer, secrétaire greffier.
N° 10.
Avignon, le 6 février 1792, de la liberté Van 4e.
Nous avons l'honneur, Messieurs, de vous envoyer la loi du 26 octobre 1790, contenant règlement pour la procédure en la justice de paix, i ainsi que celle du 17 avril 1791, relativement au i respect dû aux juges et à leurs jugements. Vous voudrez bien transcrire les dites lois sur vos registres, les faire publier et afficher en la manière accoutumée, ainsi que dans la salle de l'assemblée commune, et nous certifier du tout. Vous trouverez ci-joint des placards desdites lois.
Les commissaires civils députés par le roi.
Signé : Le Scène dés Maisons, champion, Beauregard.
Par MM. les commissaires,
Signé : Chatelain } secrétaire de la commission. A MM. les maire et officiers municipaux d'Avignon.
N° 11.
M. Donis, Messieurs, nous a fait part que vous voulez bien vous prêter à la pénurie dans laquelle se trouve la caisse des troupes, et lui avancer une somme de 25,000 livres en assignats, mais que vous désiriez avoir notre autorisation pour cette disposition momentanée. Il importe trop à la tranquillité publique que le service de la caisse de M. Donis n'éprouve point de retard, pour que nous ne nous prêtions pas nous-mêmes à venirà son secours. Nous vous autorisons donc,' Messieurs, à prêter les 25,000.livres en assignats à M. Donis, qui vous fera un bon avec obligation de rembourser sur les fonds qui lui sont annoncés depuis le 17 janvier.
A Avignon, le 7 février 1792.
Signé : Le Scène dés Maisons, Champion, Bèauregard.
Je certifie les pièces justificatives jointes au mémoire, conformes aux originaux remis au comité de l'Assemblée nationale. J. A. Deleutre, député extraordinaire d'Avignon.
SUITE DES PIÈGES JUSTIFICATIVES.
N° 12.
Arrêté de MM. les commissaires civils, adressé à la municipalité d'Avignon, le 19 février 1792.
Nous, commissaires civils, députés par le roi dans les ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat, en vertu des décrets de 1 Assemblée nationale, des 14 et 23 septembre 1791.
Délibérant sur l'arrêté à nous remis à l'instant par les députés du conseil général de la commune d'Avignon, de ce jourd'hui, 19 février.
Déclarons qu'il y a lieu à délibérer sur la question proposée par le conseil général; improuvons ledit arrêté comme inconstitutionel et contraire à la hiérarchie des pouvoirs établis par la Constitution. Enjoignons au conseil général de la commune, ae se renfermer dans les limites qui lui sont prescrites par la loi.
Ordonnons qu'à l'instant, le commandant des troupes à Avignon pourvoira à la tranquillité publique, et prendra toutes les mesures nécessaires pour prévenir les suites de la délibération
indiscrète et inconstitutionnelle du conseil général de la commune d'Avignon.
Fait à Avignon, le 19 février 1792.
Signé : Le Scène des maisons, Champion, Beauregard.
N° 13.
Réquisition de MM. les commissaires civils à M. le général de Folonay.
Commissaires civils, députés par le roi, dans les ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat Vé-naissin, en vertu des décrets de l'Assemblée nationale des 14 et 23 septembre 1791.
Le conseil général de la commune d'Avignon, Général, vient de prendre un arrêté aussi indiscret qu'inconstitutionnel; il peut en résulter des suites dangereuses pour la tranquillité publique : nous vous requérons de prendre, sur-le-champ, toutes les mesures nécessaires pour maintenir l'ordre et prévenir les mouvements.
Les commissaires civils, députés par le roi,
Signé : Le Scène des Maisons, Champion, Beauregard.
N° 14.
Copie des rapports faits à M. de Folenay, maréchal de camp, commandant à Avignon et dans le Comtat Vénaissin, par différents officiers.
Je déclare que depuis l'heure de 7 heures du soir, que j'ai été posté hier 19 à la maison commune, avec un détachement de grenadiers, jusqu'à 8 heures du lendemain que j'ai été relevé, il n'est rien parvenu à ma connaissance qui ait pu me faire soupçonner que l'ordre et le repos public pouvaient être inquiétés. J'atteste, au contraire, que pendant tout ce temps, la tranquillité la plus parfaite a régné dans la ville d'Avignon. Ce 21 février 1792.
Signé : Halsy, capitaine au 77® régiment.
J'atteste, qu'ayant été de patrouille, la nuit du 19 au 20 février, à la maison commune, il n'est rien parvenu à ma connaissance qui ait troublé l'ordre et la tranquillité de la ville. Avignon, ce 21 février 1792.
Signé : Schevenet, lieutenant au 77e régiment.
Je déclare que depuis l'heure de 7 heures 1/2 du soir, que j'ai été de piquet, du 19 jusqu'au 20, à 8 heures du matin, il ne m'est rien parvenu à ma connaissance qui ait troublé l'ordre et la tranquillité publique, que toutes les patrouilles m'ont dit que la plus grande tranquillité règne dans la ville. A Avignon, le 21 février 1792.
Signé : Guibert, lieutenant au 5e régiment de hussards.
Certifié conforme à l'original resté entre mes mains.
Signé : Folenay.
N° 15.
Lettre écrite par MM. les commissaires civils, à M. de Folenay.
Le capitaine des grenadiers du 77e régimént,
Général, nous fait connaître que d'après notre réquisition de pourvoir à la tranquillité publique sur la cause qui pouvait l'altérer, vous avez cru devoir faire placer sa compagnie à la maison commune; que par les patrouilles qu'il a fait faire, il s'est assuré que la plus parfaite tranquillité règne, et que sa troupe paraît inutile. Si vous n'avez pas d'autres renseignements qui soient contraires, nous ne voyons pas d'inconvénients à ce que cette compagnie se retire. Mais, comme la cause de notre réquisition subsiste toujours, nous vous prions et requérons, Général, de continuer votre surveillance pour demain, dès le matin. Les commissaires civils, députés par le roi, Champion, Beauregard, ainsi signé à l'original.
Certifié conforme à l'original resté entre nos mains.
Signé : Le maréchal de camp, commandant à Avignon et dans le Comtat Venaissin, Folenay.
N° 16.
Lettre écrite par la municipalité, à M. de Folenay.
« Général,
« Nous pensons que lorsqu'il n'existe aucun danger, il est aussi injuste qu'impolitique de fatiguer les troupes par des mouvements dont l'inutilité peut lasser leur zèle.
« Nous estimons que la tranquillité parfaite dont jouit heureusement notre ville dans ce moment, pourrait vous mettre dans le cas d'ordonner que le détachement qui se trouve extra-ordinairement à la maison commune, rentrât dans ses quartiers ; à moins toutefois, que vous reconnaissiez le besoin de continuer son séjour à la maison commune, besoin qui nous est parfaitement inconnu. Nous nous en rapportons, sur ce, à votre prudence et à votre jugement.
« Signé : Les maire et officiers municipaux.
« A Avignon, dans la maison commune, ce 20 février 1792, et de la liberté, l'an IVe. »
N° 17.
Lettre écrite par M. de Folenay à Messieurs les , commissaires civils, députés par le roi, et réponse de Messieurs les commissaires civils.
« Monsieur le chevalier de Haack, Messieurs, me rapporte que, dans la réquisition que vous m'avez faite nier, vous n'avez entendu exiger de moi que la surveillance pour éviter les troubles; je vous prie, Messieurs, de vouloir me faire savoir, si par votre réquisition, vous avez entendu une simple surveillance ou bien des détachements armés.
« Je vous envoie cette pièce par duplicata, afin que vous m'en renvoyez une avec votre réponse. A Avignon, le 20 février 1792.
Signé : Folenay.
« Nous vous avons prévenu, Général, d'une cause de fermentation, et nous vous avons requis votre surveillance pour la tranquillité de la ville. Nous avons laissé à votre sagesse les moyens à employer. Si la ville est tranquille, notre réquisition est un simple avis; si elle ne
l'est pas, vous voudriez bien nous informer de l'état des choses. A Avignon, le 20 février 1792.
Signé : Le Scène des Maisons, Champion, Beau-regard. »
Je certifie les pièces ci-dessus, conformes aux originaux, Deleutre.
a la séance de l'assemblée nationale législative du jeudi 1er mars 1792, au soir.
Addition a la justification des Avignonais (1), par J. A. Deleutre, député extraordinaire de la commune d'Avignon.
Ma malheureuse patrie n'avait-elle donc pas déjà assez d'adversaires à combattre? Pourquoi M. Verninac-Saint-Maur vient-il en augmenter le nombre? Sa qualité de commissaire pacificateur est-elle indélébile! De quel droit, lorsqu'il n'a plus de mission, vient-il se mêler des affaires des Avignonais^
Hier, jeudi soir, je me rendis à l'Assemblée nationale; pour y entendre la discussion sur Avignon. A la porte de la salle, on me remit un écrit intitulé : Observations sur le projet de décret... touchant les affaires d'Avignon, par M. Verninac-Saint-Maur (2). Je le parcours à la hâte. J'y vois un homme qui prétend amender le projet de décret des comités, et qui ne veut le changer que pour le rendre de plus en plus désastreux pour mon infortunée patrie. L'indignation s'empare de mon âme. Je vole à M. le président, et je lui demande à paraître à la barre, pour dissiper le nouvel orage qui se forme sur la tête de mes concitoyens. Que vais-je faire?... Moi qui ne suis ni littérateur, ni auteur, ni avocat, je vais improviser contre M. Verninac, littérateur, auteur, avocat!... Jé suis appelé, la barre s'ouvre. J'entre... Qu'ai-je dit? tout ce qu'a pu me suggérer un cœur déchiré par la vue des nouveaux dangers, où l'ambition, la haine, la vengeance conjurées veulent précipiter mes concitoyens, tout ce qu'a pu me suggérer un cœur vivement pénétré de leur innocence, de leur inviolable attachement à la Constitution, la seule planche qui leur reste après le naufrage. Les ames sensibles ont accueilli mon incohérente harangue, et ma garantie a touché ceux que des passions profondément concentrées ne rendent pas inaccessibles à la vérité.
Rentré chez moi, rendu à moi-même, je lis attentivement les observations de M. Verninac. J'y retrouve le plan d'enlever les prisonniers d'Avignon, de restreindre l'instruction à faire par le tribunal qui doit les y juger, d'en faire sortir les troupes de ligne, d'y introduire à leur place des bataillons de garde nationale, de former deux commissions, etc.
Trois de ces articles fixeront particulièrement mon attention, parce que les ordres de mes commettants m'en imposent l'obligation.
L'article 7 de M. Verninac correspond à l'article 12 du projet des comités.
M. Verninac ne désigne point le lieu où le tribunal et les prisonniers seront transférés. Les comités proposaient Beaucaire. Cela n'est plus possible. La municipalité de cette ville s'est expliquée clairement : elle ne veut point de ce monstrueux dépôt. M. le rapporteur l'a annoncé à l'Assemblée. Je doute qu'aucune commune de l'Empire consente à s'en charger (1).
M. le rapporteur est si convaincu qu'il y a un parti puissant qui a le projet d'enlever les prisonniers pendant leur translation que, par précaution contre cet attentat aux lois, il a proposé dans l'article 12 du projet des comités, de déclarer traîtresses à la patrie et criminelles de lèse-nation, toutes personnes qui feraient quelques tentatives, soit en faveur, soit contre les prisonniers.
M. Verninac appuie, page 3 de ses observations, le changement qu'if propose, sur ce que l'enlèvement des prisonniers ne serait que ce qu'on a appelé jusqu'ici une recousse.
Je l'avouerai, en lisant à la hâte dans une des tribunes de l'Assemblée les observations de M. Verninac, au lieu de recousse que je n'entendais pas j'ai lu secousse, et j'ai cru que M. Verninac voulait dire que l'enlèvement des prisonniers, ne pouvant être que l'effet d'une secousse populaire, ne devait point être caractérisé comme un délit grave, et c'est dans ce sens que j'ai parlé à l'Assemblée.
Je me suis trompé ; grâce à VEncyclopédie, que j'ai consultée, grâce au Répertoire de jurisprudence, que je me suis procuré, j'ai appris que recousse était un terme de jurisprudence criminelle, qui signifié enlèvement de prisonniers: en jurisprudence féodale, il a une autre signification. M. Verninac me pardonnera de n'être pas aussi savant que lui.
Mais si je me suis trompé sur l'expression de M. Verninac, ie ne me suis pas trompé sur le fond de son idée. C'est pour faciliter l'enlèvement des prisonniers, que l'on propose leur translation, c'est pour faciliter cet enlèvement qu'on le qualifie de simple recousse ; c'est pour faciliter cet enlèvement, qu'on voudrait que l'Assemblée se contentât de recommander les prisonniers à la surveillance des municipalités dans leurs territoires. Le piège est trop grossier, quoique couvert par toute l'érudition de M. Verninac, pour que l'Assemblée ne l'aperçoive pas.
Au reste, m. Verninac n'a pas répondu, et cela était difficile, à ce que j ai dit contre la translation du tribunal et des prisonniers, pages 14, 15, 16 et 17 de la justification des Avir gnonais. Je m'y réfère et j'ose espérer que les motifs exposés, joints au refus ae la municipalité de Beaucaire, de recevoir les prisonniers, détermineront l'Assemblée à ne rien changer, a cet égard, au décret du 26 novembre.
Les articles 8 et 9 de M. Verninac correspondent aux articles 13i et 14 du projet des comités. L'article 8 ne fait qu'exprimer en termes plus brefs l'article 13 des comités, et l'article 9 restreint la procédure à faire contre les meurtres commis a Vaison et à Caromb, à ceux qui ont exécuté et formellement conseillé ou ordonné ces meurtres; ce que n'avait pas fait l'article 14 des comités.
M. Verninac, bien mieux instruit de loin que moi, conçoit par conséquent bien plus parfaitement que moi combien l'article 13 du projet des comités est inconstitutionnel; sous l'ancien régime même, où le despotisme ministériel se permettait de violer le dépôt sacré des greffes, et d'en enlever les procédures qu'il voulait éteindre, jamais aucun arrêt du conseil n'a ordonné à un tribunal légal de ne diriger une information ni une procédure criminelle que contre telle personne, et de n'y pas comprendre telle autre ; le dernier iuge du dernier bailliage du royaume se fût refusé à un ordre aussi despotique : voilà cependant ce que prescrivent les articles 13 et 14 du projet du comité, et les articles 8 et 9 du projet de M. Verninac.
Mais, je vais trancher le mot. M. Verninac et consorts veulent une amnistie pour Jourdan et ses complices. Mille raisons la leur font désirer. Ils n'osent pas la proposer directement à l'Assemblée. Ils veulent cependant y arriver. La translation des prisonniers produirait leur enlèvement. Leur délivrance est ce qu'on espère de l'exécution de l'article 12 du projet de décret des comités, délivrance certainement bien éloignée de leur intention et de celle de M. le rapporteur, mais que les passions et les intérêts multipliés qui les assiègent, ne leur ont pas permis d'apercevoir.
Mais il ne suffit pas de soustraire les détenus à la vengeance de la loi, il faut encore anéantir les procédures actuellement faites; car, si elles subsistent, elles accuseront à là face du ciel et de la terre, certains chefs, certains moteurs des brigands; voilà ce qu'il faut:encore anéantir, voilà le but de l'article 13 du projet des comités, et de l'article 9 de M. Verninac; car, s'il est décrété que les procédures à faire par les juges, ne seront instruites que contre les particuliers accusés d'avoir personnellement exécuté les meurtres du sieur Lécuyer, et des prisonniers du palais, les 16 et 17 octobre dernier, et contre ceux qui se trouveront accusés d'avoir formellement provoqué ces crimes ; je le demande, que deviendra l'information actuellement complète et faite en exécution du décret du 26 novembre. Elle sera donc frappée de nullité. Le nouveau décret aura donc un effet rétroactif. Il anéantira donc une procédure légale et fructueuse, pour en recommencer une autre qui sera illusoire!
Je ne puis trop insister sur cette réflexion. L'article 12 du projet des comités et l'article 9 du projet de M. Verninac supposent que l'instruction n'est pas encore commencée. Les procédures à faire par les juges, disent les comités; il ne sera informé et procédé par les juges, dit M. Verninac. Mais tout cela suppose le faux, suppose qu'il n'y a encore ni information ni procédure, suppose que les choses sont au même état qu'au 26 novembre, encore une fois tout cela est faux. L'information est faite, elle est faite en exécution du décret du 26 novembre et conformément aux lois existantes : il n'est pas au pouvoir de l'Assemblée nationale de l'anéantir, et l'article 12 du projet des comités, ainsi que l'article 9 de M. Verninac, l'anéantiraient, puisqu'il faudnit en commencer une nouvelle, seulement contre les accusés d avoir personnellement exécuté le meurtre du sieur Lécuyer, et des prisonniers du palais, les 16 et 17 octobre dernier et contre ceux qui se trouveront accusés d'avoir formellement provoqué ces crimes.
M. Verninac s'est bien gardé de fixer ses regards sur toutes ces considérations majeures, et
de répondre à ce que j'ai dit pages 17 et 18 de mon premier écrit. J'y persiste, et je persévère à demander l'exécution du décret du 26 novembre, qui est déjà exécutif en grande partie, que rien n'oblige à changer, et qui est juste, puis-qu'abstraction faite d'aucun parti, il ordonne la poursuite de tous les crimes commis à Avignon et dans le Comtat, depuis le 23 septembre dernier.
L'article 6 de M. Verninac, qui porte sur les troupes de ligne en garnison à Avignon, correspond aux articles 18 et 20 du projet des comités.
Il y a cependant cette différence, que les dispositions des deux comités ne contiennent pas des faits notoirement faux. M. Verninac, sans autorisation quelconque, annonce, dans son article 6, qu'il règne de la mésintelligence entre un grand nombre de citoyens d'Avignon et du Comtat, et le régiment de la Marck et lès hussards en garnison à Avignon et dans le Comtat : il suppose encore aussi gratuitement et sans autorisation, que les citoyens des deux pays forment la demande de quelques bataillons de volontaires nationaux pour y être employés au rétablissement de la tranquillité publique.
Moi, député extraordinaire de la commune d'Avignon, ayant mission ad hoc, je dénie formellement les assertions de M. Verninac ; je dénie qu'il y ait de la mésintelligence entre les troupes de ligne et que les habitants d'Avignon aient demandé des bataillons de gardes nationales. J'ai pour preuve de mes dénis, la délibération du conseil général de la commune d'Avignon, du 19 février, où il est dit qu'il est notoirement vrai que la ville d'Avignon jouit de la plus profonde paix, et que les troupes de ligne n'ont jamais oublié un instant les principes du patriotisme le plus pur, comme de la discipline la plus exacte. En voilà bien assez pour M. Verninac.
Mais pour rassurer l'Assemblée sur les motifs qui ont déterminé les comités à proposer les articles 18 et 20, je rapporte une déclaration de MM. les commissaires civils, qui atteste le Civisme et la bonne conduite des troupes de ligne à Avignon. Elle est du 22 février et sera imprimée à la suite de cet écrit comme pièce justificative. Il n'y a donc pas plus de raison u'éMfe gner d'Avignon les troupes de ligne, et d'y substituer des gardes nationales, que de révoquer le décret du 26 novembre, l'une et l'autre'de ces mesures peuvent entraîner des inconvénients incalculables.
Un mot sur les deux commissions proposées par M. Verninac et les comités. Je ne discuterai pas la nature de ces commissions* qui ne se ressemblent point. Je dirai seulement qu'une seule suffit. Deux multiplieraient les dépenses: deux pourraient faire naître des conflits ae juridiction nuisibles au bien public; deux entraveraient les opérations dont la célérité seule peut sauver mon malheureux pays. Puisse-t-on écarter de celle qu'on va y envoyer des hommes à imagination exaltée, qui, pour toute science en administration, n'ont que de l'orgueil, et pour moyen d'exécution, que l'abus des lois.
Signé : Deleutre. député extraordinaire de la commune d'Avignon.
Pièce justificative.
- Commissaires civils, députés par le roi dans les ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat, en
vertu des décrets de l'Assemblée nationale des 14 et 23 septembre 1791 ;
Vu la demande à nous faite par M. le général commandant et officiers de différents corps en garnison à Avignon, dont teneur suit :
Le général, le commandant et les officiers de tous les corps en garnison à Avignon, profondément affligés des discours répandus dans le public, tendant à altérer la véritable opinion qu'on a dû prendre de leurs sentiments, seraient trop au-dessus des imputations méprisables par lesquelles on cherche à les rendre suspects, pour se permettre d'autre satisfaction que le mépris et le silence, si ce silence, en laissant multiplier des impressions fâcheuses, ne devenait un obstacle à leurs moyens pour maintenir la tranquillité publique : elle serait menacée dès, l'instant qu'ils n'auraient pas la confiance qu'ils méritent- et pourraient-ils se flatter de l'obtenir longtemps si les calomnies semées par les ennemis du bien public n'étaient pas arrêtées dans leurs cours ?
MM. les commissaires civils sentiront trop l'étendue de ce danger pour ne pas rendre hommage à la vérité, en certifiant au bas de la présente, et publiant partout l'amour et laifidélité desdits officiers à la nation, à la loi et au roi, et leurs efforts à maintenir la paix et la tranquillité.
Fait à Avignon, le 20 février 1792.
Signé : Folenày, Le Fort de Haak, lieutenant-colonel, de Muratte, Duchaffaut, Scamberg, au nom des officiers de toute la garnison.
Nous commissaires civils, déclarons que les commandants et officiers des différents corps ont servi avec zèle et exactitude et que c'est à l'activité de ce service et à la bonne discipline des corps, qu'est due la tranquillité dont Avignon a joui; jusqu'à présent,
A Avignon, le 22 février 1792, de la liberté l'an quatrième.
Signé ; Le Scène des Maisons, Champion et Beauregard.
Pour copie certifiée conforme à l'original,
Signé : Lé commandant à Avignon,' Le Fort, Deleutre, député extraordinaire ae la commune d'Avignon.
a la séance de l'assemblée nationale législative du jeudi 1er mars 1792, au soir.
Observations (1) sur le projet de décret des comités des pétitions et de surveillance réunis, touchant les affaires d'Avignon, par M, Verninac Saint-Maur.
Parmi les mesures adoptées par les comités de surveillance et de pétition réunis, relativement aux affaires d'Avignon et du pays venaissin, il
en est quelques-unes qui m'ont paru n'être pas sévèrement constitutionnelles, et d'autres que je crois incohérentes. Celles qui concernent M. l'abbé Mulot, présentent une saveur de dureté, et semblent susceptibles de plus de justice. Je vais motiver ces différentes opinions, et j'espère que les comités, rendant hommage à la pureté de mes intentions, ne trouveront point mauvais ce témoignage de mon zèle.
Le projet de décret des comités porte qu'il sera forme, à Avignon, une commission composée de personnes élues parmi les membres des conseils des départements de la Drôme et des Bouches-du-Rhône, par les directoires respectifs de ces départements, à l'effet de procéder à l'organisation des autorités, publiques, dans les districts d'Avignon et de Carpentras, et auxquelles le roi sera invité de départir les mêmes pouvoirs qu'à des commissaires civils. Evidemment cette disposition n'est pas constitutionnelle. Elle entreprend sur les droits du pouvoir exécutif. Elle fait violence à sa confiance. Elle infirme la responsabilité. Sans doute, les comités ont espéré que les directoires feraient des choix plus avantageux que le conseil du roi ; mais cette espérance a-t-elle un motif bien solide et n'y a-t-il pas plusieurs circonstances qui peuvent la tromper sous tous les rapports? Je pense donc que l'Assemblée nationale doit ici laisser au roi le Choix libre des dépositaires de ses pouvoirs et de, sa confiance. Cependant la commission proposée par les comités, dessaisie du soin de l'organisation, des autorités publiques, et ne recevant pas de pouvoirs du roi, peut être préposée, sans qu'il soit porté d'atteinte aux principes constitutionnels, aux autres fonctions que lui attribuent les comités ; et je crois qu'ainsi modifiée, elle pourra être utile.
Le reproche que j'ai fait à la précédente disposition du projet de décret des comités, on peut également le faire à l'article 18 de ce décret, lequel prescrit au roi des mesures d'exécution. Cependant, le motif de cet article est bon, et c'est la forme seule qu'il paraît nécessaire de changer.
L'article 12 du projet de décret déclare traîtres à la patrie et criminels de lèse-nation ceux qui feraient quelques tentatives, soit en faveur, soit contre les prisonniers détenus à Avignon, comme prévenus des crimes du 16 octobre. Ce caractère nouveau donné à ce qu'on a jusqu'ici appelé une recousse, ne dérange-t-il pas la hiérarchie des délits, si je peux m exprimer ainsi? Convient-il de mettre sur la même ligne une èonjuration contre tout le corps social, et une entreprise sur un prisonnier.
J'ai dit que quelques dispositions du projet de décret me paraissaient incohérentes. Ne peut-on pas, en efièt, regarder comme telle celle qui mande à la barre, les commissaires civils employés à Avignon, tandis qu'une autre les maintient dans les fonctions les plus importantes ? Si ces commissaires ont mérité d'être mandés à la barre, il .n'est pas raisonnable de laisser dans leurs mains l'exercice de très grands pouvoirs ; et d'ailleurs, l'acte qui les manderait à la barre les dépouillerait naturellement de larconfiance publjque.et de la considération qui leur seraient nécessaires pour l'exercice; des fonctions dans lesquelles, ils seraient maintenus*, Ainsi, en mandant les commissaires civils à la barre, l'Assemblée ne doit pas les, continuer dans leurs fonctions, ou bien, en les continuant dans leurs fonctions,, elle ne doit pas les mander à la barre.
La disposition du projet de décret qui attribue à une commission, dont ces commissaires civils seront membres, le soin de prendre et de faire parvenir à l'Assemblée nationale des renseignements précis sur les faits dénoncés contre ces mêmes commissaires civils, ne présente-t-elle pas aussi quelque incohérence? Je ne veux pas examiner si les inculpations produites contre ces commissaires sont fondées; mais en les supposant telles, n'est-il pas vraisemblable que voyant leur sort dans les mains de leurs collègues, ils auraient infailliblement pour eux, dans "exercice de leurs fonctions communes, une condescendance qui ne pourrait que nuire au bien de la chose ? N'est-il pas vraisemblable aussi (et toujours en supposant que les accusations sont fondées) que les personnes chargées de recueillir les renseignements seraient naturellement disposées à l'indulgence pour des hommes envers lesquels une communauté de travaux et d'habitudes, leur aurait sans doute inspiré de l'intérêt?
Quant à M. l'abbé Mulot, i'ajournement de la discussion des faits allégués contre lui, proposé par les comités, est certainement une mesure sévère, une disposition qui n'est pas d'une exacte justice, et je ne vois pas sur quels motifs elles ont pu être adoptées. Ce ne peut pas être sûrement le besoin de recueillir plus de lumière sur l'accusation, car les dénonciateurs et l'accusé sont d'accord sur le fait matériel des inculpations qui ont paru importantes au comité, telles, que l'élargissement des prisonniers de Caromb, l'envoi des troupes à Sorgues,la délivrance de MM. de SainteCroix, 1 ajournement de l'assemblée électorale et la question à cet égard se réduit à savoir si ces faits sont de na-tu.e à motiver un décret d'accusation. Ainsi l'ajournement de la discussion sur ce point est sans motifs raisonnables, et dans l'hypothèse que M. l'abbé Mulot n'est pas susceptible d'un décret d'accusation, il est préjudiciable à ce dépositaire de la confiance d'un grand département, en ce qu'il, le retient dans une situation équivoque, sous le coup d'une accusation qui le défavorise au sein du Corps législatif, qui comprime ses opinions, qui leur ôte l'ascendant et l'influence dont elles peuvent être capables, et par là frustre ses commettants des espérances qu'ils avaient placées sur lui en l'honorant de leur choix. J'ai dit, dans mon écrit sur les troubles d'Avignon et du comté Venaissin, que M. l abbé Mulot n'avait jamais eu le projet d'une contre-révolution,, comme l'en accusaient ses adversaires. Je répète ce même sentiment, et j'affirme que c'est l'expression de ma conviction la plus entière. J'ajouterai aujourd'hui, après l'examen le plus réfléchi du rapport des comités, qu'il n'y a pas même matière à le mettre en état d'accusation. Peut-être mon opinion mérite-telle quelque confiance. Peut-être, qu'avant exprime un sentiment différent de celui de M. l'abbé Mulot sur ses dénonciateurs, je ne dois pas être suspect de partialité lorsque j'en énonce un différent aussi de celui de ses dénonciateurs sur lui-même. Je ne motiverai point cet avis, car je n'ai pas le droit de m'engager dans une discussion judiciaire. Cependant, je ferai quelques observations sur deux des inculpations qui ont frappé le comité, parce qu'elles me sont communes ainsi qu'à M. Le Scène avec M. l'abbé Mulot; c'est la délivrance , de. MM. , de. Sainte-Croix et Pàjournement de l'assemblée;électorale. Le rapporteur du comité avance que la médiation
n'avait pas le droit d'ordonner à l'assemblée électorale 1 élargissement de MM. de Sainte-Croix, arrêtés et détenus depuis 3 mois, comme prévenus, non pas d'avoir assassiné Lavillasse et Anselme, mais de s'être trouvés dans le détachement de l'armée de l'assemblée de l'Union, lequel avait commis ces meurtres. Le rapporteur a raison ; aussi la médiation ne donna-t-elle pas un tel ordre. Mais sans examiner si MM. de Sainte-Croix devaient ou non être regardés comme prisonniers de guerre, et comme tels, mis en liberté aux termes du traité de pacification ; sans examiner si la guerre n'avait pas assez puni et vengé le crime pour lequel ces jeunes gens étaient détenus; sans examiner non plus sileur mise en liberté n'était pas un moyen d'amener à des mouvements calmes et pacifiques le parti puissant auquel ils appartenaient, On accordera du moins que nous avions le droit de céder à un sentiment de commisération pour des hommes, dout le plus âgé n'avait pas 20 ans, dévorés dans leurs prisons de maladies secrètes, dont la famille était chaque jour à nous solliciter, et que nous pouvions demander leur élargissement moyennant caution, à l'effet qu'on pût s'occuper efficacement du rétablissement de leur santé, altérée au point que l'un d'eux est mort depuis sa sortie. C'est là tout ce que fit la médiation. Elle ne fit pas violence à l'assemblée électorale, comme les comités semblent l'avoir cru. L'assemblée électorale remit dans ses mains MM. de Sainte-Croix, en lui communiquant la procédure instruite contre eux, et la médiation remit ces jeunes gens à leur famille sous l'engagement qu'elle contracta de les représenter.
L'ajournement de l'assemblée électorale n'offre pas davantage la matière d'une inculpation. La médiation, en effet, né força point l'assemblée électorale à se séparer. Seulement, persuadée que la suspension de ses séances, durant 15 jours, tournerait au profit de la tranquillité publique, elle fit part de son opinion à cet égard. Ce fut une proposition qu'elle fit, et non point un ordre qu'elle donna, et au reste, cette pro-position n'ayant pas eu d'effet, puisque l'assem-lée électorale continua ses séances, elle ne peut devenir, sous aucun rapport, un motif dé reproche.
Je pense que ces explications sont suffisantes, et, au surplus, s'il arrive qu'elles soient combattues, je leur donnerai un développement qui les rendra péremptoires.
Pour finir, il me paraît qu'il serait utile que l'Assemblée nationale adoptat la division du projet de décret des comités, et que, décrétant d'abord les mesures tendant à ramener la paix et l'obéissance aux lois à Avignon et dans le pays Venaissin (mesure qu'un intérêt pressant réclame) elle ne se livra qu'ultérieurement à la discussion des faits allégués contre M. l'abbé Mulot et les commissaires civils. En effet, ces objets sont entièrement distincts, et les résolutions que l'Assemblée prendra à leur égard, ne doivent pas se trouver, ce me semble, dans la même loi; Enfin, pour rendre plus sensible les observations que je viens de faire sur le projet de décret des comités, je vais l'ajouter ici, amendé suivant l'esprit de ces observations (1).
« Art. 1er. La division provisoire des deux
ci-devant Etats Venaissin et d'Avignon en deux districts, telle qu'elle a été réglée par le décret du 23 septembre dernier, est et demeurera définitive, sauf la modification dont il sera parlé à l'article 14 ci-après.
« Art. 2. Le territoire formant le district d'Avignon sera incorporé au département des Bou-ches-du-Rhône et celui formant le district de Carpentras sera annexé au département de la Drôme.
« Art. 3. Toutes les lois communes à l'Empire français seront dé suite mises en vigueur dans les districts de Carpentras et d'Avignon; « l'As-fa semblée nationale exceptant, toutefois, vu la « situation du pays, et d'autres circonstances « qui exigent des modifications momentanées, « celles relatives à l'impôt dont elle suspend « l'application à ces deux districts, jusqu'à ce « qu'elle en ait statué autrement sur l'avis des « départements respectifs.
« Art. 4. L'organisation des pouvoirs publics, « effectuée en vertu du décret du 13 septembre « dernier, n'étant que provisoire aux termes de « ce décret, il sera procédé à une organisation « définitive, en commençant par les établisse-« ments judiciaires, passant ensuite aux établis-« sements administratifs, et finissant par les « municipalités et les gardes nationales. En « conséquence, toutes les élections de fonction-« naires publics seront renouvelées ; celles « mêmes des députés au Corps législatif, s'il y « en avait de faites, à l'instant de la publica-« tion du présent décret seront comme non-ave-« nues, et il sera procédé à de nouvelles.
« Art. 5. A l'effet de l'exécution des précé-« dents articles, le roi sera prié d'envoyer dans « les ci-devant Etats Venaissin et d'Avignon un « ou plusieurs commissaires civils, suivant qu'il « le jugera convenable, munis des pouvoirs suffi lisants pour opérerla précédente organisation, « et établir l'ordre, la paix et le règne des « lois.
« Art. 6. L'Assemblée nationale charge son pré-« sident de communiquer au pouvoir exécutif les « preuves de la mauvaise intelligence qui règne « entre un grand nombre de citoyens d Avignon « et du Comtat, et le régiment de la Marck, et la « portion du 5e régiment de hussards, en gar-« nisôn dans ces deux pays; elle lui renvoie la « demande faite par les mêmes citoyens de ces « deux pays, de quelques bataillons de Volon-« taires nationaux pour y être employés au ré-« tablissement de la tranquillité publique.
« Art 7. Le tribunal établi à Avignon par le « décret du 26 novembre dernier sera transféré « de suite à... En conséquence, le roi sera prié « de donner des ordres pour que les personnes « détenues à Avignon, comme prévenues des « crimes qui y ont été commis les 16 octobre et « jours suivants, soient traduites dans les pri-« sons de ..., l'Assemblée nationale recomman-« dant ces prisonniers à la surveillance des mu- nicipalités et dés gardes nationales des lieux « par où ils. passeront pour être conduits à leur destination. - •
« Art. 8. Il ne sera informé et procédé par les « juges du tribunal cï-dèssus, que contre les « personnes qui ont exécuté et formellement « conseillé ou ordonné les meurtres et autres « crimes commis à Avignon les 16 octobre et « jours suivants.
« Art. 9. L'accusateur public près le tribunal « du département de la Drôme poursuivra la « punition des meurtres commis à Vaison, au
« mois de février 1791, sur les personnes de La-« vilasse et Anselme, et à Caromb, au mois d'août « dernier, sur celles de 9 citoyens de cétte « commune, à leur retour de l'armée de l'as-« semblée électorale du département de Vau-« cluse, cantonnés à Monteux, sur ceux qui ont « exécuté et formellement conseillé ou ordonné « ces meurtres. »
« Art. 10. Le roi sera prié de donner des ordres pour que, dans le plus court délai, il se forme à Avignon une commission composée de quatre personnes, prises en nombre égal dans les conseils de département des Bouches-du-Rhône et de la Drôme, lesquelles seront nommées par les directoires respectifs de ces départements et de celui, ou de Vun de ceux que le roi enverra en qualité de commissaire civil, pour effectuer l'organisation ci-dessus.
« Art. 11. Les fonctions de cette commission seront de vérifier la dette des deux Etats Venais-sin et d'Avignon, de dresser un état de liquidation des offices et charges ayant finance, supprimés par l'effet des décrets de l'Assemblée nationale et d'examiner toutes les réclamations de même nature qui pourraient être faites. Les états seront dressés par triple expédition ; l'Une sera envoyée à l'Assemblée nationale, les deux autres aux archives des deux districts.
« Art. 12. Tous ceux qui se prétendront créanciers des. deux ci-devant Etats pour quelque cause et à quelque titre que ce soit, seront tenus de produire leurs titres dans le délai de deux mois, à compter du jour de la proclamation qui sera faite du présent décret par la commission, à peine d'être déchus de leurs créances. Celles de ces créances dont Vacquittement paraîtra à la commission ne pouvoir souffrir de retard, seront communiquées à l'Assemblée nationale, à l'effet par elle d'en ordonner la prompte liquidation.
« Art. 13. La commission ci-dessus requerra la remise des papiers et registres de l'assemblée, connue sous le nom de représentative du Comtat, et de l'assemblée électorale des deux Etats réunis. Bile fera, à cet égard, tout ce qui lui Paraîtra utile pour la conservation de ces papiers. Elle vérifiera aussi les archives du ci-devant gouvernement, fera effectuer le dépôt des papiers et titres existants dans les différents greffes du directoire et distraira ceux dont un intérêt général lui paraîtra exiger le dépôt aux archives ae l'Assemblée nationale.
« Art. 14. La même commission fera parvenir à l'Assemblée nationale son avis sur la meilleure mesure d'augmenter le district d'Orange, en réunissant à ce district quelques communes des districts d'Avignon et de Carpentras.
« Art. 15. Usera mis à la disposition dupouvoir exécutif, par la caisse de l'extraordinaire, une somme de 500,000 livres, pour être employée sous les ordres, la direction et la surveillance de la commission ci-dessus, en réparations et reconstructions de digues, routes et autres travaux d'utilité publique et ateliers de secours.Le pouvoir exécutif nommera un trésorier ayant caution suffisante, dans les mains duquel sera versée la somme ci-dessus, à fur et à mesure des besoins et de Vemploi.
« Art. 16. Il sera pourvu provisoirement par le Trésor public aux frais de tous les établissements et traitements de fonctionnaires publics militaires, ecclésiastiques, ainsi qu'au paiement des arrérages qui peuvent leur être dus.
« Art. 17. L'Assemblée nationale adhère à la pétition faite par nombre de citoyens d'Avignon et du Comtat, pour être admis à former un ba-
taillon de volontaires pour la défense des frontières. En conséquence, il charge son comité militaire de lui présenter un mode d'exécution à ce sujet.
« Art. 18. Tout ce qui est prescrit par les décrets des 14, 23 septembre et 26 novembre derniers, et à quoi il n'est pas dérogé par le présent, sera exécuté dans son entier. »
Discours sur l'affaire d'Avignon qui devait être prononcé à l'Assemblée nationale le 1er mars dernier (1), par M. Bréval, député du département de la Corrèze, membre de la société des Jacobins (2).
Messieurs, le rapport qui vous a été fait sur l'affaire d'Avignon et du Comtat venaissin, et les différentes discussions qui en ont été la suite, ne vous laissent ignorer aucun des événements qui n'ont cessé et qui ne cessent encore d'affliger cette malheureuse contrée.
Je ne vous exposerai pas, Messieurs, un spectacle qui a déjà coûté cher à votre sensibilité; ce serait renouveler vos douleurs; je me bornerai à vous développer les principes et les causés de ces scènes désatreuses, je démontrerai ensuite que le décret que vous avez rendu, pour rétablissement d'un tribunal chargé de punir les coupables est inconstitutionnel, illégal et impolitique; et je finirai par vous proposer les moyens de rétablir l'union, le calme, la tranquillité et le bonheur dans un pays agité par la haine et la vengeance, et réduit au désespoir par la plus affreuse misère.
On ne vous a présenté, jusqu'ici, que les images sanglantes et les suites horrimes des divisions du Comtat, on a oublié de vous en dévoiler les causes. Si vous n'aviez, Messieurs, à punir que des hommes obscurs, que ces automates qui font mouvoir une machine sans en connaître les ressorts, Vous pourriez, sans conséquence, accueillir le projet de votre comité ; mais il est ici de grands coupables; pour les connaître, il faut les chercher parmi ceux qui sont intéressés à alimenter les foyers des discordes civiles.
C'est ici le moment de rapporter l'axiome qui dit que celui qui profite ou doit profiter du crime, est présumé en être l'auteur : vous les trouverez donc, Messieurs, ces coupables, parmi ces sybarites décorés qui sourient à leur néant, et distillent sur le peuple un mépris qui ne doit tomber que sur eux; vous les trouverez, parmi cés insectes des cours, parmi ce troupeau d'esclaves qui rampent aux Tuileries, pour arracher quelques lambeaux des dépouilles de l'artisan et du cultivateur ; voùs les trouverez parmi ces enfants dénaturés de la patrie, qui, transplantés; sur les bords du Rhin, s'entourent de scélérats, qu'ils arment de torches, pour couvrir la France de cendres et de crimes; complices du despotisme, ils-en seraient bientôt les fléaux s'ils perdaient l'espoir d'en partager les rapines.
Il est encore des ennemis plus dangereux. Ce sont ces ouvriers inutiles, qui s'engraissent et sommeillent mollement dans le territoire sacré, et qui ne se réveillent que pour en dévorer les fruits; ministres d'un Dieu de paix, c'est le poignard à la main qu'ils prêchent son évangile; leur résistance aux lois de l'Empire manifeste l'intention de les enfreindre; leur refus de prêter serment est une abjuration du titre de citoyen; les véritables amis de la patrie doivent les proscrire et ne voir en eux que des ennemis.
Tels étaient les oppresseurs que vos frères d'Avignon voulaient désarmer ; il est vrai qu'égarés par un patriotisme trop ardent, ils ont oublié qu'ils étaient hommes pour se montrer citoyens trop zélés.
Je n'entreprendrai point, Messieurs, de justifier des atrocités qui font frémir les cœurs tendres et sensibles, ce serait m'en rendre complice. Mais les conseils du désespoir ont excité ces scènes de carnage et l'on ne doit pas oublier que ces coupables avaient été victimes, avant d'être bourreaux; if ne faut pas oublier que 9 de leurs partisans avaient été assassinés de sang-froid, au sein de leur famille, et que par un ralfinement de cruauté, ces meurtres, par surcroît de tourment les forçaient à prendre des prêtres réfractaires pour confesseurs; il ne faut pas oublier qu'avant ces derniers assassinats, plus de 80 patriotes avaient été massacrés.
Il ne faut pas oublier qu'aux termes du concordat, les commissaires civils devaient veiller à la sûreté des citoyens, et que les armées ne devaient être licenciées qu'après que ces commissaires auraient pris des mesures pour assurer aux habitants la réntrée dans leurs foyers.
Il ne faut pas oublier que les Anselme et les Lavilasse avaient été égorgés par les messieurs de Sainte-Croix, et mis en liberté par les com-missaires; il ne faut pas oublier que les assassins de Caromb avaient obtenu la même faveur, avec cette circonstance que le sieur Mulot s'était contenté d'une caution civilej comme si ce commissaire eut ignoré que la loi habeas corpus n'a pas lieu en France pour les crimes qui méritent la mort.
Il ne faut pas oublier que, sans une réquisition légale, le sieur Mulot, a la faveur de la nuit, a introduit des troupes à Sorgues, que l'infortuné Pochi y a été fusillé, et que, chaque nuit, on y a ordonné des emprisonnements illégaux et multipliés. Il ne faut pas oublier que quand Lécuyer a été haché par ces cannibales, aucune voix ne s'est élevée pour en solliciter la vengeance. Quel a pu être le motif de ce silence et ae l'impunité de ces assassins? Ce motif (car je ne cherche pas à trouver des coupables) avait peut-être une apparence de légitimité, puisqU'Avi-non n'étant pas encore du domaine , de la rance, ce n'était point à elle à en régler la police; je dis, Messieurs, qu'il ne faisait point encore partie de la France, puisque le décret de réunion n'y avait pas encore été publié.
Tout annonce, Messieurs, que les commissaires vous ont fait des rapports infidèles ou du moins hasardés; comment sont-ils parvenus à avoir connaissance des faits? si ce n'est par la bouche des personnes intéressées, je leur dirai qu'un tel témoignage est suspect de partialité; je leur demanderai par quelle mystérieuse intelligence ils ont pu, dans 24 heures, constater tant de dépositions au milieu de la confusion de l'anarchie ? Je leur demanderai surtout comment, dans un si court délai, ils ont pu s'instruire des
vertus et des actes de bienfaisance de ce curé octogénaire et non assermenté qui a été assassiné, et dont ils font l'apothéose? Je leur demanderai comment ils ont su que Lécuyer, âgé de 16 ans,avait égorgé lui seul 8 personnes. Je leur demanderai par quelle réticence ils se sont tus sur les motifs qui sans justifier ces assassinats, en auraient adouci l'horreur? Quand on dit que les Brutus ont chassé et exterminé les tyrans, un historien impartial et fidèle, rapporte les crimes des Tarquins et du premier des Césars.
Pourquoi les commissaires n'ont-ils pas rapporté que le jeune Lécuyer n'a tiré le poignard du sein de son père que pour l'enfoncer dans le flanc de ses assassins? Pourquoi n'ont-ils pas dit qu'égaré par la piété filiale, il s'était fait de la vengeance un devoir? Pourquoi n'ont-ils pas dit que l'impunité des Sainte-Croix et des assassins de Caromb, les avait forcés à se faire justice eux-mêmes?
Mais pourquoi les commissaires civils ont-ils tant tardé à se rendre à leur poste, pour affermir la réunion? En voici les motifs. C'est que le mal n'était pas encore assez grand, et qu'il fallait attendre l'excès de l'anarchie, pour machia-veliser les esprits, armer les citoyens les uns contre les autres, et les façonner a l'esclavage. Ne sait-on pas que le système des cours et de favoriserlalicence pour rendre odieuse la liberté? Ne sait-on pas que les ministres de France possèdent cette tactique au dernier degré, et qu'ils ne. cessent de la mettre en pratique^?
Les Avignonais, fermes dans leurs principes, sont contredits par les habitants de Comtat Ve-naissin et surtout par la rivalité de ceux de Carpentras ; et cette rivalité enfante des haines et des divisions, et voilà le foyer d'où partent les premières étincelles' qui ont causé un si grand embrasement.
L'Assemblée constituante, pour en arrêter les ravages, ordonne que le pouvoir exécutif enverra des commissaires civils, pour interposer leurs bons offices; les sieurs Mulot, Le Scène des Maisons et Verninac sont nommés. Remarquez, Messieurs, que le décret de l'Assemblée nationale porte qu'il sera nommé des commissaires, et que la commission du roi, du 24 mai, en désignait trois pour agir conjointement avec une autorité égale ; que les préliminaires de paix signés à Orange, donnent des pouvoirs aUx trois commissaires conjointement, que dès lors tout ce que le sieur Mulot a fait sans le concours de ses collègues est nul, parce qu-il s'est établi dictateur dans le temps qu'il n était tout au plus qu'un des membres du triumvirat, c'est comme si un juge de district se permettait de juger seul sans le concours de ses confrères. -
Le sieur Mulot, en franchissant les bornes de sa mission, a donc été la principale cause ou du moins la cause occasionnelle des troubles et dés meurtres qui ont affligé cette malheureuse contréeI p.
Je passe sous silence les déclarations, les certificats mendiés, ou préparés à Favance par le sieur Mulot, parce que tous ces actes sont extrajudiciaires ; et en les analysant, il est constant qu'il paraîtrait plus répréhensible suivant cet axiome,'Où il y a plus d'art* il y a plus de fraude.
Mais le sieur Mulot était-il le seul coupable? Non, Messieurs; le pouvoir exécutif, constant dans sa marche rétrograde, ne voulait ni la réunion du comtat d'Avignon, ni celle du comtat Venaissin, pour convaincre de cette vérité, il suffit de lire la déclaration du roi, fuyant ses
Etats, dans laquelle il montre, d'une manière non équivoque, son attachement à la cour de Rome, et dans laquelle il se plaint d'avoir été obligé de renvoyer d'auprès de sa personne des prêtres réfractaires, et d'avoir été forcé d'entendre la messe d'un prêtre constitutionnel (1), il suffit de voir la Correspondance du sieur Mulot avec le ministre de la justice, dont l'inaction est constatée par le retara de l'envoi du décret de réunion qui devait rétablir le calme dans un pays agité par des tempêtes. Oui, Messieurs, je le dis ici, et je le dis avec une franchise qui sera toujours mon caractère, tous les décrets rendus par l'Assemblée constituante, et qui étaient les plus capables de rétablir l'ordre et la tranquillité, ont toujours été retardés; tous ceux qui portaient l'empreinte d'une justice sévère et rigoureuse ont été sanctionnés, envoyés et exécutés avec un zèle inexprimable; le décret du 19 mai, relatif aux colonies n'a point été envoyé; celui du 24 septembre est parti comme l'éclair; l'envoi de celui de Nancy a quelque Chose de surnaturel ; le décret de réunion d A-. vignon et du Comtat, est du 14 septembre, il n'est arrivé que le9novembre; celui du 26 novembre, portant établissement d'un tribunal pour juger les délits, a été sanctionné, envoyé, le tribunal a été établi et organisé dans les 8 jours. J'aurais mille exemples à citer, qui dévoileraient le même système.
Le sieur Mulot, spectateur oisif des désordres, les laissait subsister, ou les occasionnait pour complaire au ministre; l'extrait de leur correspondance dévoile leur collusion.
Comment interpréter cette différence dans le décret de réunion déposé aux archives de l'Assemblée/consigné tout au long dans le procès-verbal? Vous savez. Messieurs, que vos décrets ne sont en règle qu après la lecture du procès-verbal; que le procès-verbal se rédige le lendemain du décret de la séance, et que c'est alors qu'on ajoute ou retranche à la minute, au surplus, le procès-verbal doit faire foi, puisqu'il est la relation exacte de ce qui a été fait; l'acte constir-tutionnel veut qu'il en soit fait deux expéditions originales, qu?une soit déposée aux archives du sceau, l'autre aux archives du Gorps législatif; mais, puisque ce ne: sont que des expéditions, il doit y avoir un original, et l'original est le procès-verbal.
Il est fâcheux que les expéditions dont il s'agit ne contiennent pas l'expression que le clergé demeurera provisoirement dans lfétat où il a été fixé parle corps électoral; mais ces expressions devaient y être, cette ligne qui a été supprimée était l'expression de là justice;; si cette ligne eût favorisé le despotisme, le ministre de la justice n'aurait pas manqué de la faire rétablir. En effet, dès que le corps électoral d'Avignon et du Comtat avait organisé son clergé, il devait demeurer dans le même état; mais d'ailleurs, il n'était pas dit dans le décret qu'il fallût rétablir l'ancien clergé, d.ès lors il ne dépendait pas des commissaires d'y rien changer; et s'ils 1 ont fait, ils n'ont obéi qu'aux ordres verbaux qui leur ont été donnés par les agents du pouvoir exécutif : tout ordre verbal, de la
part des ministres prouve qu'ils craignaient de se compromettre par un ordre écrit et cette discrétion les rend au mois suspects d'infidélité.
La politique des ministres était de semer le trouble et d'écraser les patriotes; pour y réussir, le plus sûr moyen était de rétablir les évêques, les religieux, les chapitres et d'élever leur grandeur sur les ruines des amis de la Constitution.
Rien ne dévoile mieux la politique meurtrière du ministre, que le choix des troupes de ligne, pour être en apparence les pacificateurs du pays, mais réellement choisis pour être les assassins des habitants.
On fait marcher dans le Comtat le régiment dè Soissonnais, dont les officiers parjures ont, de l'aveu même du sieur Mulot, rétracté leur serment ; on leur donne pour auxiliaires les hussards, les camarades de ceux que l'infâme Bouillé avait choisis pour favoriser la fuite du roi. Observez, Messieurs, que c'est sur le rapport du sieur Cahier de Gerville, commissaire de Nancy, que le sieur Bouillé avait reçu les plus grands éloges, et què, pour avoir ainsi masqué les attentats de ce scélérat, le sieur Cahier a été fait ministre.
Si les successeurs des apôtres eussent été pé-r nétrés de cette grande vérité, que leur règne n'est pas de ce monde, pàr deux excommunications lancées contre le comte de Toulouse, ils ne se seraient pas faits reconnaître souverains temporels du Comtat Venaissin. La destruction des Templiers n'eut pas occasionné la translation du siège de Rome à Avignon, qu'un nouveau crime avait procuré au pape.
Bertrand de Gotn, archevêque de Bordeaux, fut fait pape par l'intrigue de la cour de France, à condition qu'il détruirait les Templiers, ce qu'il fit. 11 trahit sa patrie et devint puissant : notre Bertrand Marin, comme lui, a trahi sa patrie, et jouit de son triomphe, comme s'il était donné, à tous les Bertrand de trahir impunément leurs; devoirs sans payer de leur personnè la peine qui est due à leurs crimes.
Ce n'est donc pas, Messieurs, le crime particulier des Avignonais et Comtadins que vous avéz à venger, c'est le crime des despotes, des tyrans de là terre, accoutumés à regarder les peuples comme des troupeaux qu'ils pouvaient tondre et égorger à leur gré ; ne voyant, qu'en frémissant une révolution qui ne peut manquer de leur enlever ce qu'ils regardent dommé leur droit, puisqu'ils en jouissent depuis tant de siècles. Ces usurpateurs ne voient pas que ce qui n'est qu'un abus d'autorité, n'a pu prescrire, parce qu'on ne prescrit jamais contre l'abus; ils ne voient pas ou ne veulent pas voir que ce qui est vicieux dans le principe, n'a pu devenir juste et légitime par quelque laps de temps qui se soit écoulé; mais ils ont beau faire : les Français ont déchiré le voile qui couvrait les droits de l'homme, le génie dé ce peuple pâr-court la terre, et la liberté qu'il a conquise va devenir celle du genre humain.
Vous ne devez pas vous méprendre, Messieurs, sur la coalition qui existe, tous les despotes sont frères, leurs intérêts sont communs; entre eux tout est concerté, tout est combiné ; nuls par eux-mêmes, ils ne peuvent devenir forts qu'en nous divisant, ils jetteront des pommes de discorde entre tous ceux qu'ils appellent leurs sujets, ils épouseront la querelle du plus faible pour écraser le parti le plus puissant; et après avoir affaibli celui-là, ils prendront sa défense
pour subjuguer celui qu'ils viendront de relever.
Oui, Messieurs, tous les troubles qui agitent en ce moment l'un et l'autre hémisphère, ont tous le même foyer, c'est la même main qui anime, qui excite, qui fomente les désordres : les nègres révoltés avaient sur eux les mêmes devises que les émigrants.
Pour vous prouver, Messieurs, que les projets de nos ennemis sont conduits d'après le même plan; parcourez un instant la Révolution, vous verrez le pouvoir exécutif constant dans sa marcbe rétrogade ne devisant jamais que pour céder aux circonstances, en, revenant tortueusement à son but.
La fuite ou l'enlèvement du roi nous en fournit la jpreuve : à cette époque, il venait de donner à la France des marques de civisme, par ses écrits, par ses propos, par sa conduite; et cependant, il ne tint à rien que la France ne fût livrée aux horreurs d'une guerre civile et étrangère.
Le lit de justice, tenu le 23 juin 1789, la conduite des ministres, les projets des princes, la réunion des émigrants, la nouvelle formation de la maison du roi, dont les officiers, depuis le premier jusqu'au dernier, quoiqu'en dise le ministre de la guerre, sont reconnus pour les ennemis de la Constitution. Parcourez, Messieurs, la nomenclature de leur dignité, et vous verrez que leurs grades ont été déterminés en raison inverse de leur amour pour la patrie.
Les troubles religieux, les dissensions, les divisions, les accaparements, l'agiotage, la disette, les désordres excités dans cette Assemblée, les calomnies répandues avec profusion contre les sociétés populaires. Oui, Messieurs, on a oublié que les ennemis de la Constitution les redoutent, que lé roi, fuyant sa patrie, se plaignant de ces sociétés, et que l'Assemblée constituante, à cette époque où elle s'acquit de si grands droits à la reconnaissance publique, disait au peuple français, dans sa proclamation, de ne pas se laisser abuser par la déclaration du roi « parce qu'elle reprochait amèrement aux sociétés des amis de la Constitution cet amour ardent de la liberté qui a tant servi la Révolution et qui peut être si utile encore. » Si un de nos membres qui a parlé à cette tribune, contre les sociétés, si le ministre de l'intérieur, s'étaient pénétrés de cette proclamation, ils n'auraient pas parlé comme ils l'ont fait ; mais ces esclaves ne connaissaient que la déclaration du roi. Rappelez-vous, Messieurs, ce plan astucieux pour détruire le droit de Détition, et permetiez-moi de vous dire que le long discours que vous avez- entendu à cet égard, vous a été livré aux dépens de la liste civile; car le sieur Gorguereau n'a donné rien de plus que son manuscrit, et vous ne croyez pas que l'imprimeur vous ait fait un cadeau de cette importance : tous ces désordres sont donc une suite de ce même plan, divide et régna.
Tout ce qui s'est passé dans Avignon et le Comtat est une suite des mêmes principes, voilà la source d'où sont sortis les fleuves ae sang; et vous devez rester convaincus que les commissaires, au lieu d'être des anges de paix, n'ont exercé que le ministère d'anges exterminateurs. Vous avez vu, Messieurs, dans la séance de ce matin, d'une manière non équivoque, cette coalition des différentes puissances; eilés se sont permis de critiquer nos opérations, d'annoncer que le roi n'avait pas assez d'unité pour l'exécution, et que l'expérience le prouverait; mais puisqu'elles se sont permises d'entrer dans ce
détail, elle auraient dû dire que si l'Acte constitutionnel â annoncé des assemblées de revision, il ne limite en rien ni ne pouvait limiter le pouvoir du souverain, c'est-à-dire du peuple ; et que, dès lors, si l'expérience peut prouver que le pouvoir exécutif n'a pas assez d'étendue, elle peut prouver également qu'il en a trop; que si l'expérience prouve que 30 millions ne sont pas suffisants pour fournir à la splendeur du Trône, elle peut prouver que si cette somme est trop énorme, puisque une taxe aussi considérable réduit à la misère et fait mourir de laim un nombre infini de citoyens vertueux, elle peut prouver à cette Assemblée que si le pouvoir exécutif n'a pas assez de places à sa nomination, elle peut égale-? ment établir qu'il en a trop, et que 40,000 places à nommer sont 40,000 moyens de corruption. Je reviens â mon sujet. Après avoir déchiré le voile qui cachait une politique sanguinaire, il me reste à démontrer que le décret que vous avez rendu le 26 novembre, est inconstitutionnel, illégal et impolitique. 1° Il est inconstitutionnel, puisque l'Acte constitutionnel veut que nul ne puisse être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, que nul ne puisse être arrêté, détenu et décrété que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elles a prescrites.
Cependant votre comité" accueille un décret qui viole ces principes, puisqu'il tend à faire punir selon vos lois, ceux qui ne connaissaient pas légalement le décret qui réunit leur territoire à la France, ni les lois de la nation dont ils avaient été déclarés faire partie.
Ce fut le 14 septembre que l'Assemblée nationale constituante décréta la réunion : observez, Messieurs, que ce n'est pas le roi, mais le ministre de la justice seul qui a sanctionné la loi; et qu'elle n'avait besoin que d'être promulguée, parce qu'elle était constitutionnelle. Observez encore que, quoique le roi eut repris ce jour-là même ses fonctions, par l'acceptation de la Constitution, il a voulu se ménager une porte évasive, ne perdez jamais de vue cette observation, car bientôt elle ne laissera aucun doute sur l'intrigue de la cour et des ministres : cette observation est d'autant plus essentielle que le roi sut, le lendemain, sanctionner le décret qui portait amnistie en faveur des anti-révolutionnaires, parce que, disait-il, l Assemblée ne pouvait voir des ennemis dans ceux qui n'avaient aqi que pour ses intérêts. Quelle nécessité de sanctionner le jour même un décret qu'on voulait garder deux mois dans le portefeuille?
Remarquez, Messieurs, que si la loi de réunion , eût été portée à l'instant, le calme eût été rétabli, cette loi . n'ayant été publiée que le 8 novembre. Ce n'est qu'à cette époque qu'Avignon et le Comtat sont devenus une dépendance de l'Empire français. Qu'en conséquence, lès délits postérieurs à cette publication sont les seuls qui peuvent être jugés suivant les lois de la France.
Nos lois constitutionnelles portent que les peuples ne seront jugés que par ceux qu'ils auront élus librement, qu'il ne sera point accordé d'attribution, et que nul ne sera arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par les lois et selon les formes qu'elle a prescrites.
Malgré une loi aussi précise, les commissaires civils ont fait arrêter arbitrairement un nombre infini de personnes, au moins 40 de leur aveu. Un pareil acte de violence était une infraction à vos décrets, une infraction à la proclamation du roi, une infraction au traité d'O-
range,parce qu'aucun de ces actes n'accordait le droit de faire arrêter arbitrairement. Au lieu d'annuler ces arrestations inconstitutionnelles et illégales, vous avez établi, à Avignon, un tribunal composé d'étrangers.
En vain voudrait-on justifier cette érection par l'impossibilité de trouver des juges, dans un lieu où tous les esprits sont divisés, où les habitants ont été tour à tour oppresseurs et opprimés.
Cette objection n'est que captieuse. En quoi, n'est-il pas plus facile de trouver des témoins infidèles et parjures que des juges prévaricateurs, qui, étant choisis sur la réputation de leurs lumières et de leur intégrité, sont censés aussi purs que la loi et qui impassibles comme elle, justifient et punissent sans aimer ni haïr.
Cette observation est d'autant plus essentielle que, d'après les pièces remises par M. l'abbé Mulot, il prouvait que 3,335 citoyens d'Avignon dénoncent les coupables (1). Les accusateurs ont des parents, des amis, des partisans de. leur cause : il leur serait facile de trouver dans un aussi grand nombre de personnes des âmes corrompues qui serviraient leur vengeance : cette dénonciatian est imprimée à la suite des pièces justificatives du sieur Mulot, et le sieur Mulot a même ajouté à celte page une note qui est le comble de la perfidie, puisqu'il y fait remarquer que le nombre de ceux qui avaient demandé la réunion à la France, était fort au-dessous de celui qui réclamait vengeance. Ce décret est donc inconstitutionnel.
Ce décret est encore illégal; une loi, pour être obligatoire, demande qu'elle soit faite par celui qui a droit de la faire, et vous ne l'aviez par lorsque le délit a été commis; à cette époque vous n'etiez que de simples médiateurs : or, qu'est-ce qu'un médiateur? c'est un homme envoyé pour faire apercevoir, par la force de la persuasion, la justice ou l'injustice des demandes respectives, et non pour dicter des lois à son gré : vos médiateurs ne se sont point renfermés dans un cercle aussi étroit, ils ont agi en despotes; le sieur Verninac, par sa modération, s'était concilié tous les cœurs; il n'était pas l'homme qu'il fallait; il a été révoqué : le sieur Le Scène, par l'abus de son titre, s'était rendu odieux. C'était l'homme de cour, il a été conservé.
Votre comité aurait dû vous dire, ce me semble, Avignon et le comtat Venaissin n'ont été réunis à la France que par le décret du 14 septembre, ce décret de réunion n'a été obligatoire pour eux que le 8 novembre : donc, tout ce qui s'est fait, avant cette époque, n'est point soumis à vos lois et à votre juridiction, mais uniquement à votre médiation.
11 s'est commis de grands crimes, mais lorsqu'il s'est agi de les punir, le glaive de la justice était suspendu ou était porté par des mains étrangères et il n'eût été dans les vôtres qu'un poignard homicide.
S'il s'agissait, Messieurs, d'une affaire civile, d'un acte passé entre l'époque de votre décret et celle de sa promulgation, comment jugeriez-vous la Constitution? Serait-ce par vos lois, ou par celles du Comtat? J'entends déjà que vous méditez que c'est par celles du Comtat! Eh bien!
il ne s'agit pas de la fortune des citoyens, un intérêt plus grand s'offre ici à décider : vous avez à prononcer sur l'honneur, la liberté et la vie de plusieurs milliers d'hommes, et, dans une affaire aussi importante, vous vous êtes écartés de la loi que vous vous imposerez pour de simples affaires civiles; non, vous ne rougirez pas de dire que vous vous êtes trompés, l'erreur est l'apanagede l'homme vulgaire, avouer ses erreurs et les réparer est l'héroïsme du sage; sans ce retour sur vous-mêmes, vous vous rendiez homicides, puisque vous enverrez sur l'échafaud ceux que vous n'avez pas le droit de faire condamner.
Il est dit, dans le décret, que toutes voies de fait demeureront interdites, et que les commissaires civils veilleront à l'exécution la plus exacte des lois; alors, ce n'est plus que sur les faits qui se passeront après l'arrivée des commissaires et la promulgation du décret que les habitants d'Avignon et du Comtat Venaissin ont été soumis aux lois de la France.
L'Assemblée nationale constituante était très convaincue qu'elle ne devait avoir aucune influence sur le passé, puisque, par son décret, elle ordonne à ses comités de Constitution, diplomatique et d'Avignon de proposer incessamment un projet sur l'établissement provisoire des autorités civiles et judiciaires. Votre décret est donc illégal.
Ah! le décret est encore impolitique, par le rapport qui vous a été fait, et par celui que vous fit le comité de législation : il est constant qu'Avignon était partagé en deux factions, et que personne n'avait gardé cette neutralité dont la justice aurait besoin pour asseoir un jugement : donc, il résulte que le parti le plus puissant écraserait le plus faible, que la vérité demeurerait dans les liens, et que le crime triompherait peut-être de l'innocence opprimée : quand une puissance s'agrandit, elle doit d'abord chercher à régner sur les cœurs, et vous vous êtes écartés de cette maxime.
Si vous laissiez subsister ce décret, vous inviteriez les Avignonais à abjurer la domination française, et à retourner se courber sous le joug de leur tvran sacré, et ce changement ne dépend plus ni d'eux ni de nous : ainsi ce décret est donc un politique.
Il me reste à vous indiquer le moyen le plus efficace pour faire luire des jours purs et sereins sur cette terre de désolation où les agents du pouvoir exécutif ont jeté les semences d'une contre-révolution.
Je me rappelle, Messieurs, d'avoir entendu, au mois de juin 1790, les députés d'Avignon parmi lesquels étaient Duprat, Tissot, Lécuyer et autres, que le sieur Mulot appelle des brigands (1)', dire à cette barre, où j'étais venu moi-même pour dénoncer et faire suspendre le bras sanguinaire d'un prévôt, je me rappelle de] les avoir
entendus dire : « C'est dans l'enceinte de nos murs, c'est sur le territoire du Comtat que se forment tous les complots contre la liberté française, c'est au milieu de nous qu'ont été médités tous les assassinats de Nîmns, de Montauban; admettez-nous au nombre des Français, nous sommes libres, nous avons conquis notre liberté ; le premier usage que nous en faisons, c'est de nous donner à vouS; l'injustice et le fanatisme nous avaient séparés de la France pendant plusieurs siècles, la raison et la justice nous y rappellent, daignez nous agréer; nous veillerons désormais et pour vous et pour nous. »
Si, à cette époque, l'Assemblée constituante eût pensé comme le 14 septembre, on n'aurait pas vu couler les fleuves de sang qui ont inondé le Comtat. Une politique inhumaine opposait des lenteurs, et «à force d'être circonspecte et timide, l'Assemblée se rendit complice des malheurs qui furent la suite de ce retard ; maintenant que nous sommes possesseurs de cette contrée, ne permettons pas qu'on dise de nous que nous sommes entrés dans le territoire d'Avignon et du Comtat comme des conquérants barbares, qui cimentent leur nouvelle domination du sang d'un peuple sans défense. Ceux dont la destinée est dans vos mains sont vos enfants adoptifs; ils vous ont invoqué pour souverains et pour protecteurs, et vous les abandonneriez aux passions triomphantes de leurs ennemis; vous les livreriez aux intrigues des cours et des ministériels !
N'avons-nous mis le pied dans cette terre autrefois si fortunée que pour y perpétuer le souvenir des crimes, qu'une vengeance juste, dans des temps plus éalmes, mais impolilique dans les circonstances du moment, ne ferait que multiplier? Le sang d'Abel crie et demande vengeance; mais ce cri part du sein des deux factions. Soyons aussi humains qu'ils ont été barbares : gardons-nous de présenter le spectacle de la terreur et de la mort dans un pays où les mères auraient à pleurer sur la tombe de leurs enfants et de leurs époux. Non, Messieurs, vous ne changerez pas en une solitude effrayante cette contrée embellie par la fontaine de Vaucluse ; ces lieux qu'habitaient Pétrarque et la belle Laure; ces lieux que les dieux de la fable auraient préféré au séjour délicieux des vallons de la Thessalie pour se consoler des ennuis de la grandeur.
Quel homme assez endurci n'aimerait pas mieux vieillir dans une terre d'exil, que dans une patrie où il serait réduit à marcher sur les cendres de tant de victimes, dont les unes leur étaient attachées ou par les droits du sang, .ou par les liens de l'amitié.
Nos mœurs douces et faciles nous ont acquis de nouveaux frères ; la conquête des cœurs est la plus glorieuse des victoires; n'allons pas déroger au caractère national, justifions le choix qu'on a fait de la domination française, et préferons toujours à la" vengeance la plus juste la gloire paisible de pardonner; des potences èt des échafands seraient des trophées qui immortaliseraient la honte de nos nouveaux frères, et l'ingratitude de leurs nouveaux souverains.
Enfin, Messieurs, jéme réfère et je dis que les motifs qui ont dicté l'amnistie accordée aux Français doit s'étendre sur les Avignonais et le Comtat Venaissin, jusques à l'époque où ils ont légalement connu le décret de réunion : la nation française s'est montrée indulgente et généreuse envers ses propres enfants, aurait-elle réservé toute sa sévérité pour ses enfants d'adop-
tion ? Non, Messieurs, vous ne vous dépouillerez pas de votre douceur naturelle pour exercer sans fruit un ministère de sang et pour punir des crimes commis sur un territoire étranger.
Je vous ai fait voir, Messieurs, la cause et le principe des troubles d'Avignon ; je vous ai montré que le décret que vous aviez rendu le 29 novembre était inconstitutionnel, illégal et impolitique; je viens de vous présenter les moyens de rétablir le calme, la tranquillité et le bonheur: il me reste à vous dire que si la promulgation du décret eût essuyé moins de délais, la loi souveraine et la terreur des châtiments auraient prévenu ces scènes de désolation ; que si les commissaires civils ne se fussent point écartés du rôle de médiateurs, ils auraient maintenu le calme et la tranquillité; c'est donc à la lenteur réfléchie des agents du pouvoir exécutif, à l'insouciance ou a la trahison des commissaires civils qu'on doit imputer tous ces maux; c'est donc sur leur tête que le glaive de la justice doit frapper.
Mais n ne vous suffira pas, Messieurs, d'avoir sauvé la vie à tant de malheureuses victimes ; vous voudrez bien encore venir à leur secours, vous le pouvez, vous le devez, ce sentiment est dans vos cœurs, j'en juge d'après le mien.
Mon projet de décret contenait 12 articles, je le réduis à 5; l'Assemblée fera le reste.
1° Le décret d'amnistie, du 13 septembre, accordée aux Français, à raison des troubles relatifs à la Révolution, est étendu sur Avignon et le Comtat Venaissin, jusqu'à l'époque du 8 novembre dernier, époque de la promulgation du décret;
2° Pour éteindre toute animosité, à raison des troubles excités par les différentes arrestations et détentions, l'amnistie s'étendra également sur tous ceux qui ont excité, provoqué ou fomenté ces arrestations, sans qUe cependant, les ministres et commissaires civils puissent s'en aider dans le cas où ils seraient j ugés coupables ;
3° Que le ministre de l'intérieur enverra sur-le-champ une somme de 500,000 livres, à titre d'indemnité ou secours provisoire, à distribuer dans les districts d'Avignon et Comtat Venaissin, laquelle distribution sera faite par les directoires réspectifs de la Drôme et des Bouches-du-Rhône, qui s'accorderont entre eux sur ladite division;
4° Que les Avignonais et lés habitants du Comtat Venaissin seront déclarés exempts de toute espèce d'impôt, jusques et y compris 1792;
5° Que toutes lès troupes de ligne seront retirées à l'instant, et remplâcéés par des gardes nationales (1).
Post-scriptum.
J'apprends à l'instant une anecdote qui doit trouver place ici,, puisqu'elle rend l'amnistie nécessaire et même indispensable.
Le 24 décembre dernier, les prisonniers d'Avignon entendirent la lecture de leur arrêt de mort et crurent la subir.
Le sieur Champagnac, officier commandant du régiment de Boulonnais, se rendit aux prisons, accompagné de deux grenadiers, fit tra-
duire devant lui le sieur Pochi, prêtre assermenté et cousin de l'officier municipal fusillé à Sorgues, fit l'ofGce préparatoire de bourreau, déchira le col et la chemise de ce malheureux, plaça sa tête sur un billot, et ordonna aux grenadiers de le décoller, ce qu'ils refusèrent d'exécuter : des Brutus auraient frappé sur la tête de l'ordonnateur. Le scélérat Champagnac fit venir tous les prisonniers les uns après les autres, leur fit la même frayeur ; ileut même la cruauté de refuser un prêtre au maire de Sorgues, âgé de 75 ans; Lécuyer, âgé de 16 ans, chargé ae fers aux pieds et aux mains, subit son opération dans son cachot; sa tête fut placée sur un des piliers du lit; la frayeur qu'éprouva ce malheureux enfant lui fit perdre les sens, et il demeura évanoui pendant deux heures. Ames tendres et sensibles, laisserez-vous condamner à une nouvelle mort ceux qui ont déjà péri de leur vivant?
Est-ce par des ordres écrits ou verbaux que le sieur Champagnac a agi, ou par son impulsion naturelle? Je l'ignore; mais, à ce récit, marqué au coin de la vérité, les cheveux dressent sur la tête; et en écrivant cette relation, mon papier est baigné de larmes.
Séance du vendredi
présidence de m. mathieu dumas.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 1er mars, au matin.
Un membre, au nom du comité des décrets, propose la rédaction suivante de l'acte d'accusation rendu par t'Assemblée contre le sieur Fabianï (t), capitaine au 12e bataillon de chasseurs, à Garcas-sonne; elle est ainsi conçue :
« Une lettre du sieur Fabiani, capitaine au 12e bataillon de chasseurs, en garnison à Car-cassonne, datée de Figuère, du 25 janvier 1792, adressée au sieur Ambrieux, caporal de sa compagnie, envoyée en original par le directoire du département de l'Aude à l'Assemblée nationale;
« Une lettre du 9 février 1792, des membres de cette administration à l'Assemblée nationale ;
« Un extrait du procès-verbal de la séance du 6 du même mois de ce directoire, portant mention que l'écriture du sieur Fabiani a été reconnue ;
« Annoncent que cet officier, après avoir quitté son poste, a écrit aux sous-officiers et chasseurs de sa compagnie pour les engager à commettre le même crime, sous prétexte d'embrasser la cause du roi, des princes, celle de la religion et d'empêcher que des factieux n'achèvent de détruire le royaume ;
« Que cet officier les sollicite vivement de venir le trouver chez
l'étranger, en leur promettant que leur service leur sera compté comme
en
« L'Assemblée nationale, après avoir pris connaissance de ces lettres, du procès-verbal du département de l'Aude, et d'une autre lettre adressée à M. le président, le 9 février 1792, par les sous-officiers et chasseurs du 12® bataillon, qui exprime l'indignation que les perfides conseils de leur chef leur ont inspirée, a déclaré, le 17 février 1792, qu'il y avait lieu à accusation contré le sieur, Fabiani, capitaine au 12e bataillon de chasseurs en garnison à Carcassonne; en conséquence, elle l'accuse, par le présent acte, devant la haute cour nationale, comme prévenu du crime de trahison contre l'Etat et d embauchage à l'effet de porter les armes contre la France ».
(L'Assemblée adopte cette rédaction de l'acte d'accusation.)
Un membre demande que le comité de législation soit chargé de présenter ses vues et un projet de décret sur la question suivante :
« Les jugements rendus par défaut, par les tribunaux de district dans les matières qui excèdent leur compétence en dernier ressort, ne sont-ils pas susceptibles d'opposition avant d'en venir à la voie-de l'appel, comme il se pratique à l'égard des jugements par défaut, rendus par les juges de paix, dans les matières de leur compétence, sujettes à l'appel? »
(L'Assemblée renvoie l'examen de celte question au comité de législation.)
Lorsque votre comité diplomatique vous a fait son rapport sur l'office de l'empereur, lorsqu'il vous proposa de faire expliquer ce prince à termes cértains et d'une manière satisfaisante, MM. Brissot et Vergniaud àttâquèrent ouvertement le trop célèbre traité de 1756.
Ils prouvèrent qu'il livrait la France à l'Autriche, et considérant la protection accordée par l'empereur aux émigrés français, la coalition des puissances étrangères qu'il suscitait contre la France, ils prouvèrent aussi que lui-même venait de le rompre par ces mesures hostiles, qu'ainsi nous devions de notre côté annihiler ce traité désastreux, qui, s'il subsistait, serait la honte d'une nation libre.
Cette motion cependant resta sans effet. Les uns crurent peut-être que les faits, quoique connus, n'étaient pas suffisamment constatés ; les autres, qu'il valait encore mieux avoir un mauvais allié qu'un ennemi déclaré ; mais la plupart pensèrent que s'agissant actuellement ae faire expliquer l'empereur sur ses intentions, il convenait, avant de prendre un parti sur le traité même, d'attendre sa réponse. ^
Vous décrétâtes, en conséquence, que le roi serait invité à demander à l'empereur, de là au 1er mars, s'il voulait vivre en bonne intelligence aVec la nation française, ou si décidément il entendait entreprendre quelque chose contre sa Constitution ou son gouvernement.
Votre décret, remarquons-le bien, n'était qu'in-vitatoire; néanmoins, le roi vous répondit qu'à lui seul appartenait de traiter avec les puissances étrangères; comme si la Constitution, en lui donnant réellement le droit d'initiative, avait défendu au Corps législatif de lui manifester toutes et quantes fois il le croirait nécessaire, son vœu ou plutôt celui du peuple à l'égard des I puissances. Quoi qu'il en soit, le roi a cru de-I voir mettre de côté votre décret ; et tranchant ( en cette partie du souverain, il a bien voulu
vous annoncer qu'il avait de lui-même pris des mesures.
Ces mesures, qui devaient ainsi venir en remplacement de celles que vous exhortiez le roi à prendre, hier enfin le ministre vous en a fait part dans une dépêche qui, dit-il, ne devait pas voir le jour. C'est une lettre à M. de Noailles, ambassadeur à Vienne, qui contenait deux choses (1).
1° Le reproche amical à notre allié l'empereur, sur ce que de fait, et malgré ses protestations, les rassemblements émigrés n'étaient réellement pas dissipés;
2° Une explication à demander à ce prince sur les motifs ae ce congrès de Pilnitz qu'il avait provoqué entre les puissances.
Passé cela, il n'a pas été demandé à l'empereur, avec la franchise et la fierté qui convenaient à une nation libre, si sincèrement entin il voulait dissoudre la dernière tourbe des émi- grés, s'il voulait ou non s'armer contre la rance, sa Constitution et son gouvernement actuel.
Aussi, quelle a été la réponse de l'empereur? Vous l'avez entendue. Il a fait la grâce au roi de lui donner des éclaircissements qu'il prétend justificatifs de la conduite tenue par lui "jusqu'à présent; mais de celle qu'il tiendra en définitive, rien, rieri, si ce n'est qu'en diffamant notre gouvernement, en extravaguant sur les vices qu'il ; peut avoir, mais qu'il n'appartient qu'à la nation française de réformer, il se réserve en quelque sorte le droit de prononcer sur le destin de la France, si l'autorité du roi n'est pas autant respectée qu'il l'entend, si les sociétés populaires, les Jacobins surtout, continuent à veiller sur les tyrans de la terre, et s'ils osent encore dénoncer les crimes des rois. (Applaudissements.)
A toute cette diatribe, que j'ai tant de peine à croire sortie de la plume d'un prince qui s'était fait quelque peu de réputation en philosophie, je m étais demandé d'abord de quoi il s'agissait, et de quel droit cet étranger, se nommât-il l'empereur de la terre, voulait s'immiscer dans notre gouvernement, discuter des droits du peuple français et de ses volontés suprêmes. Mais, je l'avoue, le ridicule a dissipé l'indignation, et n'a plus laissé dans mon cœur que le sentiment de a pitié. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je fus donc un instant de l'avis de passer à l'ordre du jour; mais réflexion faite, ce traité de 1756 me revint à l'esprit, et je me dis sur-le-champ :
La grande majorité de l'Assemblée nationale a reconnu combien cetraitéétait désastreux pour la France. Si cependant elle ner l'a pas annulé, c'est qu'elle a voulu que le potentat qui en profite fut juge lui-même de ^a propre cause, en se déclarant spontanément pour ami ou pour ennemi. Il n'a fait ni l'un ni l'autre : aujourd'hui donc l'Assemblée nationale commettrait une lâcheté de le ménager davantage.
Vainement dirait-on que ce serait-là une surprise qu'on ferait à
l'empereur; qu'on ne lui a pas a demandé de déclaration positive, mais
de simples éclaircissements qu'il a fournis; que le roi de son côté, lui
a demandé qu'il ait à répondre plus catégoriquement, et qu'il faut
attendre encore.
Je fais donc la motion expresse, que l'Assemblée nationale qui a charge son comité diplomatique de lui faire un rapport sur la dernière lettre de l'empereur, le fasse pareillement et dans la huitaine, sur les avantages ou les désavantages qui résultent pour la France du traité passé avec la maison d'Autriche le 1er mai 1756, et qu'il rassemble en même temps, sous un point ae vue fixe, les faits qui pourraient prouver que l'empereur ne s'y est pas exactement conformé, pour être statué ensuite, s'il y a lieu, à le rompre ou à le maintenir. (Applaudissements.)
Je ne m'oppose pas à ce qu'on renvoie au comité diplomatique, mais je m'oppose à ce que le comité diplomatique ne fasse son rapport que dans huitaine, parce que d'après le discours même du préopinant sa conséquence est fausse. 11 vous a dit que la France était dans une inaction criminelle, j'ose dire criminelle dans le temps que les représentants du peuple sont trahis par les agents du pouvoir exécutif, et qu'ils ne disent pas franchement au roi comme je le disais hier soir à l'Assemble nationale « Sire, les ministres vous trompent. »
Il faut done au plus tôt que l'Assemblée nationale prononce là-dessus. "Je demande donc que le comité diplomatique soit tenu de faire son rapport dans trois jours.
Plusieurs voix : Appuyé !
L'Assemblée a décrété hier le renvoi au comité diplomatique de la lettre de l'empereur, ainsi que de la dénonciation faite contre les ministres; mais, Messieurs, c'est ici une question bien différente que celle proposée par M. Brua; il s'agit de savoir s'il convient, ou non, à la France de rompre le traité de 1756. Or, nous n'avons pas à rechercher si un traité, fait dans ce temps-là, était ou n'était pas onéreux à la France. Tous les articles qui ren-
daient le traité onéreux, sont annulés par cela môme que la France a changé sa Constitution, par cela même que la France a renoncé à toutes les conquêtes, par cela même que la France ne peut plus servir à appuyer les monstrueuses idées de conquête, unique objet de la politique des cabinets de l'Europe. Alors il est donc inutile ; Messieurs, de savoir si le traité nous était, ou non, onéreux; mais il est nécessaire de savoir si l'empereur veut nous faire la guerre ou si le traité de 1756 serait rompu dans le cas où il nous proposerait la guerre. Tant que nous ne serons pas dans l'un ou l'autre de ces deux cas, il y aurait de l'absurdité à rompre un traité qui n'est plus désavantageux pour la France. Cette motion ne peut tendre qu'à jeter l'alarme dans tous les départements; car, Messieurs, il ne faut pas le dissimuler, on ne crie pas à la guerre dans les départements comme dans notre tribune. {Murmures des tribunes et d'une partie de L'Assemblée.)
Dans tous les départements, on désire le maintien des lois. (Murmures des tribunes et d'une partie de l'Assemblée.)
Oui, Messieurs, on désire (Murmures), j'ose le dire, on désire la paix dans tous les départements; on désire le maintien de l'ordre, de la tranquillité, l'exécution des lois, la punition des coupables qui entravent la marche du gouvernement. Voilà ce que désirent les départements, et non point des déclamations. Je demande donc en appuyant ce qu'a dit M. Rouyer, pour que le comité diplomatique fasse son rapport, qu'on rejette le renvoi relatif à la rupture du traité de 1756 (Murmures), et qu'on passe à l'ordre du jour.
rappelle sa proposition.
La motion qui vous est faite d'examiner le traité de 1756, est une proposition qui ne préjuge rien, et qui est marquée au coin e la sagesse. Pourquoi le Corps législatif n'examinerait-il pas les traités lorsqu'il est chargé de voir s'ils s'accordent avec les vrais intérêts de la nation? Oui, Messieurs, il est important de charger spécialement le comité diplomatique d'examiner le traité de 1756 ; et s'il est avantageux pour la France de le ratifier, nous nous empresserons de le faire, mais s'il est avantageux de le rompre, nous le romprons, et nous cesserons toute harmonie avec une puissance qui se déclare si ouvertement notre ennemie. Je demande donc le renvoi de la motion de M. Brua au comité diplomatique et que ce comité soit invité à s'en occuper sùr-le-champ. (Applaudis-sements des tribunes.)
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que le comité diplomatique lui présentera dans trois jours un rapport sur la question proposée par M. Brua.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur la création d'un corps d'artillerie à cheval-, il s'exprime ainsi :
Messieurs, votre comité militaire a examiné avec la plus scrupuleuse attention la proposition, qui vous a été faite par le roi, d'augmenter le corps de l'artillérie de 9 compagnies de canonniers à cheval (2).
Après avoir comparé la dépense que cette créa-
L'idée d'avoir une artillerie propre à suivre et à soutenir les mouvements des troupes à cheval est due à Frédéric II, qui l'a pratiquée avec succès dans plusieurs circonstances, notamment dans la campagne de 1778 sur l'Elbe.
Plus surprenante comme nouveauté que difficile dans son exécution, elle deviendra très utile pourvu qu'on ne cherche pas à épargner sur la dépense qu'elle exige, et qu'on ne s'effraie pas des pertes auxquelles cette artillerie peut et doit être exposée lorsqu'il s'agit du salut d'un corps et peut-être de 1 armée.
J établis ces deux questions :
1° Quel est l'objet et l'utilité de cette institution ?
2° Est-il indispensable à l'armée française d'avoir une semblable artillerie?
On répond à la première que, sans doute, la combinaison des trois armes est la base, des grandes opérations de la guerre ; mais il est des cas où la cavalerie peut seule en exécuter quelques-unes ; tels, par exemple, un mouvement rapide en avant, pour occuper une position sur laquelle l'armée se dirige, et n'y être pas prévenu ; tels encore une reconnaissance, un grand fourrage près de l'ennemi. Les troupes chargées de ces opérations délicates et souvent décisives peuvent rencontrer en tête une cavalerie égale ou supérieure. Combien une artillerie organisée de manière à les suivre partout appuierait puissamment leur attaque ou assurerait sans échec leur retraite! Avec quelle célérité un pareil corps ne se portera-t-il pas dans une bataille rangée sur tous les points de la ligne? Aucune colonne meurtrière ne pourra se former qu'on ne lui opposé à l'instant des batteries d'un calibre plus fort que le canon des régiments, et qui, multipliant leurs feux, doivent presque toujours agir d'une manière décisive. Les militaires qui ont réfléchi sur leur art, les officiers habitués et habiles à manier des troupes à cheval, les artilleurs éclairés sentiront tous l'importance de ce système, et désireront de le voir adopter et exécuter dans l'armée français?..
Quant à la seconde question, je répondrai que tout le monde connaît le principe qu'il faut se battre au moins à armes égales. Notre cavalerie aurait donc, vis-à-vis de celle de nos ennemis, une infériorité marquée, si elle se trouvait sans artillerie en présence d'une cavalerie qui en aurait une; et la France, en adoptant ce nouveau moyen de combat, aurait, en sa faveur, la supériorité reconnue de son artillerie sur celle des étrangers.
Si nous sommes forcés à soutenir la guerre dont on nous menace, quand même nous nous bornerions à une défense active, notre situation politique, prise sous tous les rapports, exige que nous obligions nos ennemis à la terminer promptement; et, pour arriver là, il ne faut négliger aucun des moyens qui peuvent assurer les succès rapides et la gloire de nos armes : de tels résultats dédommagent bien des dépenses qui les ont préparés.
Si notre infanterie a reçu une confiance nouvelle et presque un degré de courage de plus, par l'appui des canons qui suivent ses mouvements, certes nos troupes à cheval tenteront des coups plus hardis et rendront de plus grands
services, lorsqu'elles manœuvreront sous la protection d'une artillerie organisée de manière à ne leur donner aucune inquiétude sur son sort, qu'elles la verront toujours prés d'elles.
Organisation.
Après avoir montré l'objet d'une artillerie à cheval et la nécessité de l'adopter sans aucun retard, surtout en ce moment d hostilités imminentes, le comité militaire va vous présenter l'organisation la plus convenable de ce nouveau moyen de guerre. Cette organisation se compose du choix des armes, de leurs accessoires et de la formation de la troupe qui doit les servir.
Organisation pour l'armée. '
Une artillerie à cheval, pour remplir son objet, doit suivre tous les mouvements de la cavalerie, passer partout où celle-ci ne refusera pas, se poster et se déposter célèrement pour lui .prêter, en ayant et en retraite, un puissant ap-pUi : on ose répondre que toutes les voitures de notre artillerie de campagne ont la mobilité et la solidité qu'exige un pareil service, et que nos calibres ont un effet supérieur à leurs correspondants de l'artillerie étrangère.
Formation du corps des canonniers â cheval.
Ici se présente une série de questions pour la formation dé cette troupe. Votre comité va les établir et les discuter avec ordre.
Première question.
Prendra-t-on les canonniers à cheval dans la cavalerie ou dans l'artillerie?
Comme il ne s'agira, pour les canonniers à cheval, ni de manège ni de manœuvres en escadrons, mais seulement de se bien placer à cheval, leur service sera toujours de charger, de pointer avec célérité et justesse. Votre comité a cru nécessaire de prendre les soldats de Cè nouveau corps dàns celui de l'artillerie; d'ailleurs, nos canonniers ont une connaissance particulière de nos armes, de nos munitions et attirails, du soin que leur entretien exige, et surtout un dévouement précieux pour tout cela; dévouement qui ne naît que d'une longue habitude et comme d'un sentiment de famille.
Deuxième question.
Si les canonniers à cheval sont pris dans le corps de l'artillerie, en créera-t-on des compagnies particulières ou désignera-t-on pour ce service, soit une, soit plusieurs compagnies dans chacun des 7 régiments? Votre comité militaire a pensé que le service de l'artillerie, tant avec les régiments de la ligne que dans les places dé guerre et sur les côtes, nécessiterait même plus de compagnies de canonniers qu'il n'en existe actuellement.
Après être entré dans quelques détails sur l'emploi morcelé de l'artillerie de France, dans l'hypothèse de trois armées assemblées en Flandres, Moselle et Rhin combinées, et frontières d'Italie ; après avoir observé que les occupations, les travaux du soldat d'artillerie, comprennent trop de détails pour qu'on puisse penser à joindre (indistinctement pour tous) l'habitude et le soin du cheval ; votre comité
militaire a jugé que le bien du service exigeait que les canonniers à cheval formassent des compagnies séparées et attachées spécialement à ce service.
Mais, quel nonibre en est nécessaire? Nous avons pris pour base la probabilité de leur emploi. Une armée peut livrer ou recevoir le combat par ses ailes, ou par le centre ; et comme, dans l'une et l'autre hypothèse, elle doit réunir ses divers moyens d'action, si l'artillerie à cheval est un accroissement de ses forces, il faut lui en attacher trois divisions servies chacune par une compagnie. La Prusse a trois divisions de ce genre d'artillerie dans chaque grande armée.
Troisième question.
Quelle doit être la formation d'une compagnie de canonniers à cheval ?
La nature des opérations de l'artillerie a déterminé la formation actuelle des compagnies de ce corps. Le ministre de la guerre, Messieurs, après avoir consulté les généraux d'armée et ' des officiers d'artillerie expérimentés a Cru qu'il suffisait de composer les divisions de bouches à feu destinées à la cavalerie, dé 6 pièces; il faut, de toute nécessité 8 hommes par pièce, çe qui fait 48, 5 sergents, 1 caporal-fourrier, 2 trompettes, 3 artificiers, ce qui fait 59; il faut un homme par 4 chevaux pour les tenir pendant l'action, cés hommes d'ailleurs servent au remplacement des hommes qui sèront tués ou blessés : il faut en ajouter 14, ce qui fera 73; et comme, dans toute compagnie de cavalerie, il faut quelques hommes non montés, votre comité vous propose décomposer la ;compagnie de 76, dont 6 non montés, et de la faire commander par un capitaine et 2 lieutenants.
Nous avons vu que trois divisions de cette sorte d'artillerie, et par conséquent trois compagnies sont nécessaires à chaque grande armée. Les systèmes de guerre les mieux combinés pour la France, én offensive ou en défensive, portent à trois grandes armées le développement de ses forces militaires. Ces cas extrêmes seront sans doute fort rares; mais une puissance du rang de la nation française doit être toujours prête sur tous les points d'attaque.
Votre comité a considéré que lasolde de chaque arme a toujours été calculée, suivant le travail qu'on exige du soldat, ainsi plus de fatigue, plus d'occupations (puisqu'il sera tenu de panser son cheval), plus de hasards de guerre, mériteront aux canonniers à cheval, une paye supérieure à celle des canonniers à pi^d. Votre comité à cru qu'Une augmentation, de 2 sous par grade était nécessaire pour décider les bons canonniers à préférer le service à cheval.
Les officiers attachés à ce service étant obligés d'avoir de meilleurs chevaux, d'en avoir davantage, et étant plus exposés à les perdre que ceux des régiments (toutes choses d'ailleurs égales entre eux) doivent avoir des appointements qui les dédommagent de ces frais.
Après vous avoir parlé, Messieurs, des moyens matériels et physiques qui sont en votre puissance, pour former ce nouveau moyen de guerrer je veux vous parler du moral des soldats qui vont en faire usage pour la défense de la liberté. En vain seraient-ils disciplinés comme les Romains de César; en vain seraient-ils braves comme des Français; tant de qualités brillantes pourraient devenir de grands crimes, s'ils n'é-
taient embrasés de ce patriotisme qui va mettre au rang de leurs jouissances la gloire de mourir pour la patrie. Eh! quels soldats possédèrent ïamais plus qu'eux ces vertusciviques, vainement la calomnie a cherché à les atteindre; ils sont et seront toujours les soldats les plus fidèles de la Constitution. Le 11 de juillet 1789, ils vous ont juré, dans Paris même, une fidélité qui n'a été démentie par aucune de leurs démarches. Après en avoir été témoin, c'est pour moi, Messieurs, qui suis leur ami et leur camarade, un besoin comme une justice de leur rendre à eux et à la vérité cet hommage éclatant. (Applaudissements.) Soyez sûrs que ni l'or ni la séduction ne pourront rien sur eux,.
Vos canonniers ne vous abandonneront j amais ; ils sauront mourir à la place qu'on leur destinera, et même en mourant, leurs derniers regards, tournés vers la patrie, lui exprimeront le regret de n'avoir qu'une vie à lui sacrifier. ;
En créant ce nouveau corps, vous donnez à l'artillerie la récompense la plus flatteuse de son dévouement à la Constitution, celle de la mettre à portée d'attaquer les premiers les ennemis de notre sainte liberté. Elle mérite, Messieurs, une confiance sans bornes de votre part. Marchons en avant, marchons, et je vous réponds pour eux que ça ira. (Applaudissements.) ";
PROJETS DE DÉCRETS
Sur la formation et Vorganisation des canonniers à cheval.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale ayant éntendu le rapport de son comité militaire sur la proposition, faite par le roi, d'ajouter an corps de l'artillerie 9 compagnies de canonniers à cheval, partagées en 3 brigades.
« Considérant combien il est important d'organiser sans délai chaque partie de l'armée, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence sur la formation des canonniers à cheval décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le corps de l'artilleriesera
augmenté de 9 compagnies ae canonniers à cheval.
« Art. 2. Chaque compagnie sera composée d'un sergent-major, 3 sergents, un caporal-fourrier, 3 caporaux, 3 appointés, 3 artificiers, 30 premiers et 30 seconds canonniers, 2 trompettes; faisant ensemble 76 hommes, dont /0 montés et 6 non montés.
« Art. 3. Sur le nombre des soldats tirés de l'artillerie, on mettra 2 ouvriers en bois et 2 ouvriers en fer.
« Art. 4. Chaque compagnie sera divisée en 3 escouades, et commandée par un capitaine, un premier et un second lieutenant.
« Art. 5. Les 9 compagnies de canonniers à cheval formeront 3 brigades. Chacune de, ces brigades sera commandée par un lïëuténant-colonel, et son petit état-major sèra composé d'un maître-maréchal et d'un maître-sellier, tous deux montés, et d'un maître-tailleur et d'un maître-bottier, tous deux non montés.
« Art. 6. Par cette formation, les 3 brigades de canonniers à cheval seront composées de
30 officiers et 696 sous-officiers et canonniers, dont 630 seront montés.
« Art. 7. Les appointements et soldes, ainsi que les différentes masses, pour les 3 brigades de canonniers à cheval seront conformes aux tableaux annexés au présent décret. En conséquence, l'Assemblée nationale décrète une sommede 231,7051. 10 s. 6 d. pour solde et appointements et une somme de 332,664 livres pour les différentes masses de cette troupe. Ces deux sommes seront allouées au département de la guerre, à compter du 1er avril prochain.
« Art. 8. Les officiers de tout grade, sous-officiers et soldats des 3 brigades des canonniers à cheval, feront partie du corps de l'artillerie; ils y conserveront leur rang et leur ancienneté, rouleront avec lui pour l'avancement, et seront soumis à la même instruction et à la même discipline.
« Art. 9. Pour former les 3 brigades de canonniers à cheval et les mettre dès ce moment en état de remplir leur service, le ministre de la guerre choisira, dans les 7 régiments du corps de l'artillerie, les officiers des ditférents grades ainsi que les 4 sous-officiers, les 3 artificiers et les 30 canonniers de chaque compagnie, nécessaires à raison de 5 hommes par pièce, pour la manœuvre la plus essentielle des bouches à feu; ce qui fera pour ces 9 compagnies ou les 3 brigades, 30 officiers et 333 hommes.
« Les 3 places de lieutenant-colonel, créées par cette institution, seront données suivant le mode d'avancement décrété pour l'artillerie.
« Art. 10. Les 363 hommes nécessaires au complet des 3 brigades seront pris en même temps ainsi qu'il suit : 324 hommes dans les seconds canonniers qui n'ont qu'un an ou deux de service. Les 9 caporaux-fourriers, ainsi que les 18 trompettes, dans les troupes à cheval; et les 12hommes pour les 2 petits états-majors, au choix du ministre de la guerre.
« Art. 11. Les 657 sous-officiers et canonniers qui vont être tirés des 7 régiments d'artillerie seront aussitôt remplacés, pour les grades, dans les compagnies dont ils sortiront ; l'effectif le sera incessamment par les moyens qui vont être pris pour porter le corps de l'artillerie au complet de guerre.
« Art. 12. Les premiers frais d'habillement et d'armement, d'acnat et d'équipement de chevaux pour les 696 sous-officiers et canonniers à cheval, sont évalués à, une somme de 502,284 livres suivant le tableau annexé au présent décret. L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre prendra cette somme sur les 20 millions qu elle a mis à la disposition de ce ministre par son décret du 1er janvier 1792, et que la retenue en sera faite par lui successivement sur les fonds affectés, par le présent décret., aux différentes masses des canonniers à chevai,
« Art. 13. Les 9 divisions de bouches à feu que doivent servir ces 3 brigades de canonniers à cheval feront, ainsi que leurs charretiers et attelages; partie des 3 grands équipages d'artillerie destinés aux trois armées, mais, la nature du service qu'elles auront à remplir exigeant une augmentation de 36 chevaux par division, ce qui en fait 324 pour les 9 divisions de l'Assemblée nationale, conformément au marché passé avec les entrepreneurs à raison de 11.18 s. par jour deservice d'un cheval d'artillerie à la guerre et de 20 soùs par ration de fourrage, décrète une
somme de 342,954 livres pour Cette dépense, pen- du jour où l'armée française entrera en cam- dant 365 jours de campagne. pagne.
« Art. 14. Cette sommé de 342,954 livres ne « Art. 15. Le présent décret sera porté, dans le
sera allouée au ministre delà guerre, qu'à dater jour, à la sanction du roi. »
N° 1er
TABLEAU de la formation, solde et masses principales, de trois brigades de canonniers à cheval.
Formation et solde d'une compagnie de canonniers à cheval.
GRADES.
Capitaine........
Premier lieutenant Second lieutenant..
Sergent-major..................
Sergent.........................
Caporal-fourrier.................
Caporaux........................
Appointés........................
Artificiers.......................
Premiers canonniers.............
Seconds canonniers.............
Trompettes......................
A deux ouvriers dont un en fer, et l'autre en bois, supplément de 12 deniers par jour...........
Total pour i compagnie.
Pour 3 compagnies formant i brigade. ...........................
Lieutenant-colonel....
Maitre maréchal......
État-major.{ Maître sellier.........
Maitre tailleur........
Maître bottier.........
Pour les 3 brigades de canonniers à cheval...........................
NOMBRE par grade.
3 officiers.
1 3 1 3 3 3 30 30 2
76 hommes
dont 6 non montés.
9 officiers 228 hommes.
monté.
non monte.
20 officiers 232 hommes.
30 officiers 696 hommes.
SOLDE par jour.
I. s. d.
» » »
» » »
» » »
13 2 4 »
18 10
17 10
14 -10 » 13 10 » 12 10 » 10 10 » 16 2
» » »
» 17 10
» 17 10
» 10 6
» 10 6
200 livres de supplément à trois capitaines de ira classe.
Total.
SOLDE pour 365 jours.
I. s. d.
2,800 » »
t,500 » »
1,300 » »
5,600 »
605 1,314
5 10 » »
343 14 2
976 788 757
7 6 2 6 7 6
7,030 18 6 5,741 7 8 590 2 8
36 10 »
23,783 16 4
71,35t 9 »
4,500 » »
325 9 »
315 9 »
191 12 6
191 12 6
76,885 12 »
250,606 16 » 600 » »
231,256 16 »
SOLDE pour 366 JOURS-
L s. d.
2,800 » »
1,500 » »
1,300 » »
5,600 » »
606 19 » 1,317 12 » 344 13 »
979 790 759 7,050 5,757
591 15
36 12 »
23,833 13 6
71,501 » 6
4,500 » »
326 9 »
326 9 »
192 3 »
192 3 »
77,035 3 6
231,105 10 6 600 » »
231,705 10 6
OBSERVATIONS
N° II.
TABLEAU des Masses, pour les trois brigades de canonniers à cheval.
Deux places de fourrages à chaque lieutenant-colonel,
à raison dé 270 livres pour les trois................ 1,620
Deux places de fourrages à chaque capitaine, pour les
) netlf.............................................. 4,860 i ut f
tourraBes ^ une place de fourrage à chaque lieutenant, pour les [ p
dix-huit........................................... 4,860
Masse de fourrage pour 636 chevaux de sous-officiers et canonniers, à 15 sous, pour 365 jours............ 174,105
Masse ( A 125 livres pour 636 hommes montés................ 79,500 ) fio n*n i ,,
générale \ A 59 livres pour 60 hommes non montés—.......... 3,540 ) A-
Masse de boulangerie, à 48 livres pour 696 hommes......................... 33,408 »
Masse d'hôpital, a 15 livres pour 696 hommmes............................. 10,440 *
Masse de bois et lumières, à 9 livres pour 696 hommes....................... 6,264 »
Masse de campement, à 3 livres pour 696 hommes........................... 2,088 »
Masse de casernement, à 16 1. 10 s. pour 726 officiers et canonniers.......... 11,979 »
Total de la dépense des masses de toutes espèces............... ... 332,664 1. »
Solde des officiers, sous-officiers et canonniers, pour 365 jours, est de........ « 231,256 1. 16 s.
Ainsi l'entretien des 3 brigades de canonniers à cheval coûtera................ 563,920 1. 16 s.
N° III.
ETAT estimatif de la dépense pour lever trois brigades de canonniers à cheval.
Achat de chevaux pour monter 636 sous-officiers et canonniers, à raison de 550 livres,
comme les chasseurs.................................................................349,800 1.
Equipement du cheval pour 636 sous-officiers et canonniers, à 115 livres............. 73,140
Habillement neuf pour 696 sous-officiers et canonniers, à raison de 100 livres............69j600
Sabres et ceinturons pour 696 sous-officiers et canonniers, à raison de 14 livres... 9,744
Total......................502,284 1.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
Je saisis ce moment pour appeler l'attention de l'Assemblée sur un officier aussi connu par ses talents que par son patriotisme et par ses longs et importants services à la guerre: c'est M. Forestier de Véreux, commandant de la garde nationale de Gray. Il vient de trouver le moyen de doubler la portée des bouches à feu de toute espèce, par la seule modification de la poudre. Vous savez bien, Messieurs, que cette importante invention, du'moins les procédés qûi font arriver à son résultat, ne peuvent pas souffrir de publicité, mais il est possible de faciliter à M. de Véreux le mçyen de faire ses expériences, et pour cela je prié l'Assemblée de renvoyer à son comité militaire, pour qu'il soit assigné à M. de. Véreux un local et des examinateurs.
Nous avons tous les jours de§ gens à secret, il ne faut pas à la véritétles rebuter ; mais il faut y réfléchir à deux fois avant d'adopter ce secret, parce que tèlle charge que l'on mette dans un canon paraîtra à une première et une seconde épreuve faire le meilleur effet, mais il peut arriver que cette manière de charger un canon ou de modifier la poudre échauffe les pièces et les fasse éclater et cause un grand dégât en blessant les canonniers qui servent ces pièces. Je demande donc que le, secret dont on vous parle soit renvoyé au comité militaire avec charge à celui-ci de nommer plusieurs officiers de l'artillerie au nombre de 6 ou 8, et que ce monsieur soit tenu de se soumettre à toutes les épreuves que voudront IuL faire faire les 6 ou 8 commissaires, nommés par l'Assemblée.
(L'Assemblée décide que l'invention de M. Forestier de Véreux sera examinée et charge son comité militaire de se réunir aux officiers d'artillerie qui sont députés, pour vérifier les avantages de cette invention, et lui en rendre compte.)
, secrétaire. Voici
une lettre des administrateurs du directoire du district de Gonesse qui annoncent à l'Assemblée que le nombre des recrues pour les troupes de ligne se montent dans ce moment à 52. (.Applaudissements.) ;
Plusieurs voix : Mention honorable !
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du patriotisme des habitants de Gonesse.)
, au nom du . comité de l1 ordinaire des finances, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (2) sur les rentiers de la ville de Paris ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, la municipalité de Paris se trouve, avec douleur, dans l'impossibilité d'acquitter.les arrérages de rentes qu'elle a été forcée de contracter pour venir au secours du gouvernement dans des temps difficiles. Elle garnit de voir dans la plus grande détresse des citoyens malheureux, des pères de famille dont l'unique ressource consistait dans cette sorte de revenus.
La patience et le courage avec lesquels ils ont supporté leurs maux, les rendent encore plus intéressants, et ajoutent aux droits légitimes qu'ils ont à exercer, comme créanciers de l'Etat, tout ce que peuvent invoquer en leur faveur, comme citoyens malheureux, la justice et l'humanité de l'Assemblée nationale.
Les rentiers de la ville vous ont présenté, Messieurs, une pétition (2) pour obtenir le payement des arrérages qui leur sont dus jusqu'à l'époque du 31 septembre 1791; elle a été appuyée par un mémoire de la municipalité, approuvé par le département de Paris.
L'origine des rentes perpétuelles dues par la ville, remonte à l'année
1551, jusqu'en 1775 leur objet a été de rembourser des charges que les
rois ont créées, en différentes époques, pour
On lui avait attribué des augmentations d'octrois sur les denrées entrant dans la capitale, pour servir au payement des rentes de ces emprunts. La suppression de ces octrois met la municipalité de Paris dans l'impossibilité d'acquitter ce& arrérages ; mais, dans le fait, ils deviennent dette nationale, puisque la suppression des .droits d'entrée profite à tous les citoyens de l'Empire. Les capitaux originaires des emprunts réunis, montent à la somme de 59,310,353 1. 15 s. 3 d., La ville en a successivement remboursé 30,059,117 1. 19 s. 2 d. : elle ne doit donc plus, dans ce moment, que 29,251,235 1. 16 s. 3 d. qui produisent annuellement 1,348,5001.11 s. 2 d. de rentes. Il est dû, pour arrérages échus, au 31 décembre dernier, 1,549,516 1. 14 s. 10 d.; cette différence entre les arrérages dus et ceux annuels, provient de ce que quelques parties de ces rentes, soit par la mort des rentiers, soit par opposition des créanciers, ont été laissés en arrière pour les semestres antérieurs.
La ville doit aussi des rentes viagères qui sont te résultat d'emprunts qu'elle a été autorisée à feire,. tant pour en appliquer le capital au rem-bteuïseflient de ses capitaux perpétuels, que pour subvenir à l'acquittement de différentes dépenses municipales dont l'avait chargée le gouvernement. Ces rentes viagères montent annuellement àè 365,0511.11 s. 6 d. ; et en arrérages échus au m septembre dernier, à 433,908 i 7 s. il d. : ces deux sommes d'arrérages échus, tant en rente perpétuelles que viagères, font ensemble cele de 1,983,425 1. 2 s. 9 d.
Le Ï3 juillet 1789, la ville avait en écus dans sa caisse 2,854,679 1. 4 s. 9 d., qui étaient destinées à des remboursements ae capitaux de rentes perpétuelles qu'on allait effectuer. Cette heureuse économie a eu un emploi bien plus utiltei puisqu'elle a servi aux premières dépenses dto bonheur de la patrie, puisqu'elle a contribué au' succès et à l'accomplissement des grandes choses qui se sont opérées depuis. Ces fonds ont été promptement épuisés; et les dépenses se sont tellement multipliées, que la municipalité de Paris s'est vue forcée de contracter de nouvelles dettes pour achever la Révolution.
Dans ces moments critiques, les calculs d'économie n'étaient plus de saison. La nécessité des circonstances les plus impérieuses devint tout à coup la seule mesure des efforts de tout genre : armer et nourrir un peuple immense, protéger les amis de la Révolution, surveiller ou combattre ses ennemis, former des plans de défense en1 raison des attaques journalières qui se renouvelaient? sans cesse au sein de la capitale, telle fut la tâche des magistrats chargés de son administration ; mais en même temps que des dépenses nouvelles étaient chaque jour commandées par des événements imprévus, chaque jour les anciens revenus s'affaiblissaient par une suite même de ces événements qui se succédaient avec une rapidité inconcevable.
Suivant le compte que rendit M. de Montesquieu. à l'Assemblée constituante au mois de mars 1791, les revenus de Paris, au moment de
la Révolution, montaient à 4,260,389 1.17 s, 5 d.» dont 184,000 livres seulement étaient le produit de ses biens fonds. Le reste était formé d^ctrois et de droits de tout genre.
La dépense montait à 3,200,000 livres : sur cette somme 1,800,000 livres acquittaient les rentes dont la ville était grevée ; le reste était employé 4 payer les frais de l'administration et les entretiens ou constructions d'édifice à sa charge : il restait 1 million par an pour subvenir aux dépenses extraordinaires, ou pour amortir successivement le capital de sa dette, montant à 32 millions.
Il est évident que si les circonstances n'avaient impérieusement commandé des dépenses extraordinaires, les finances de Paris se seraient successivement améliorées par les nouveaux moyens d'économie qui avaient été adoptés quelques années avant la Révolution. Ses revenus étaient alors administrés avec assez de sagesse pour suffire à tous ses engagements, et même pour qu'il fût destiné annuellement une réserve capable d'opérer la libération de sa dette.
Mais aujourd'hui que les octrois de Paris et la majeure partie de ses autres espèces de revenus sont supprimés, la municipalité a recours à vous, Messieurs ; elle a droit à votre sollicitudé. Sa demande consiste à faire acquitter par le Trésor public la partie la plus urgente des rentes qu'elle est aujourd'hui dans l'impossibilité de payer.
A la vérité, l'Assemblée constituante, par un décret du mois de mars 1791, lui a accordé un secours provisoire de 3 millions à titre d'avance sur le seizième provenant de la revente des biens nationaux qu'elle a acquis; cette somme, qui fut alors destinée à payer des dépenses extraordinaires, occasionnées par la Révolution, entrera en composition dans les comptes qu'elle a à vous rendre. Ils ne tarderont pas a être soumis au département, et à vous, Messieurs, aux termes de la loi du lO août dernier, que la municipalité s'est constamment occupée d'exécuter; et ces comptes vous auraient déjà été présentés, si cette importante opération n'avait été souvent interrompue par des affaires que les circonstances commandent, et qui suspendent ainsi les travaux journaliers de l'administration.
Le département de Paris, par son arrêté pris le 31 janvier dernier sur la délibération de la municipalité du 14 du même mois, approuve les motifs énoncés dans sa délibération, et l'autorise à demander un secours provisoire pour lui faciliter les moyens de payer ceux des rentiers dont les besoins urgents réclament le plus votre justice et [notre humanité.
Mais si, d'un côté, votre comité de l'ordinaire des finances a pensé que cette demandé devait trouver auprès de l'Assemblée nationale la faveur et la considération qu'elle mérite; de l'autre, ce n'est qu'après le plus scrupuleux examen qu'il s'est déterminé à vous la présenter-: ce n'est qu'après s'être fait rendre compte des opérations de la municipalité, relatives aux contributions, et s'être assuré que les rôles de 1791 étaient en recouvrement, et que ceux de 1792 seraient terminés avant le mois d'avril prochain, qu'il vous propose le décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par soii comité de l'ordinaire des finances, d'une pétition présentée par les rentiers de la ville de Paris, appuyée par la municipalité et le
directoire du département, considérant que les emprunts qui ont été faits par la ville de Paris à différentes époques ont eu pour objet l'acquisition de perceptions fiscales qui sont abolies par les nouvelles lois; désirant venir au secours d'une classe de citoyens que 'la suspension du paiement des rentes réduit aux plus pénibles privations, puisque la municipalité se trouve dans l'impossibilité de s'acquitter envers eux, par la perte de ses revenus ; considérant enfin qu'il est de la plus grande justice que la nation paye des rentes dont les capitaux ont été versés dans Je Trésor public, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera versé dans la caisse de
la municipalité de Paris, par la trésorerie nationale, qui en sera
remboursée par la caisse de l'extraordinaire, une somme de 600,000
livres, à titre d'avance et par imputation, tant sur les sommes que
ladite municipalité pourrait avoir droit de réclamer sur le Trésor
public, que sur le seizième à elle attribué dans le prix des ventes des
biens nationaux par elle acquis; pour être, ladite somme de 600,000
livres, employée au paiement des rentes dues par la municipalité, à la
charge par elle de justifier au département de cet emploi.
« Art. 2. Le paiement de la dite somme de 600,000 livres se fera dans le mois, à compter [du jour de la promulgation du présent décret, à raison de 150,000 livres par chaque semaine.
« Art. 3. Les rentiers de la ville de Paris seront assujettis aux formalités prescrites par le décret du 13 décembre dernier.
« Art. 4. La municipalité de Paris justifiera qu'elle s'est conformée à la loi du 10 août 1791, au directoire du département, qui en informera le ministre de l'intérieur, lequel en rendra compte à l'Assemblée nationale dans le délai d'un mois.
« Art. 5. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Plusieurs membres demandent l'impression du rapport et du projet de décret.
La nation a sans doute de grandes obligations à la ville de Paris, mais la nation à fait tout ce qu'elle pouvait faire pour la ville de Paris et pour toutes les villes du royaume. Aujourd'hui, les lois doivent être exécutées pour que la nation ne soit pas sans cesse obligée de venir au secours des négligents. Il ne suffit pas de dire : Nos créanciers sont dans la misère, nous n'avons pas de quoi les payer ; venez à notre secours. La nation peut répondre : Je ne fais pas d'avances lorsqu'on ne paie pas les contributions. Or, la municipalité de Paris est bien loin d'avoir rempli sa tâche. Qu'elle s'occupe de la perception des impôts, au lieu de venir nous présenter des pétitions. L'impôt est la ressource de l'Etat et le plus ferme appui de la Constitution. Pense-t-on que le Trésor public sôit inépuisable? Il faut faire son devoir pour avoir des ,droits aux secours. On demande depuis longtemps des comptes à cette municipalité. L'ancienne a reçu plus de 3 millions, savons-nous où ils sont passés? Quand, par des titres bien valables, nous connaîtrons la véritable situation des créances de la capitale, nous pourrons prendre un parti.
Je demande la question préalable sur le projet du comité.
Je ne crois pas qu'il soit dans l'intention de l'Assemblée de juger précipitamment sur l'opinion d'un seul membre, ce qui a été arrêté après mûres réflexions par un comité. Je demande l'exécution du règlement qui veut l'impression du projet de décret et 1 ajournement de la discussion.
Le projet n'a passé que d'une voix dans le comité. Le maire et les officiers municipaux de la ville de Paris étaient présents à la discussion. Nous leur avons fait ces observations qu'ils ont trouvées justes et ils ont promis de s'exécuter en faisant rentrer les contributions. Qu'ils commencent donc par obéir, et ensuite on viendra à leur secours. (Applaudissements.)
, rapporteur, présente quelques observations pour justifier le décret qu'il propose.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'impression du rapport.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'impression du rapport et ordonne l'impression du projet de décret et l'ajournement de la discussion à nuitaine.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des administrateurs du département de la Seine-Inférieure qui apprennent à l'Assemblée que les électeurs, suivant l'exemple qu'elle a donné à la France le 14 janvier, ont, après la nomination d'un évêquer renouvelé le serment de périr avant la Constitution; cette lettre est ainsi conçue :
« Rouen, le er mars
1792,
Messieurs,
« Nous venons de placer sur le siège métropolitain des côtes de la Manche, M. Gratien, vicaire épiscopal de Chartres, homme qui, à de grandes vertus, réunit un patriotisme éprouvé.
« Ce devoir rempli, nous avons senti le besoin impérieux de joindre nos serments aux vôtres. Dans la séance à jamais mémorable du 14 janvier, vous avez juré de mourir, plutôt que de souffrir qu'il fût porté atteinte à la Constitution. Et nous aussi, nous le jurons, en présence du père commun des mortels. Oui, la mort, mille fois la mort, avant que les despotes parviennent à effacer un mot, un seul mot de notre sainte Constitution : elle est immortelle, et bientôt elle planera sur les trônes brisés des tyrans. (Vifs applaudissements.)
» Les électeurs du département de la Seine-Inférieure.
« Signé : Levasseur, l'aîné, président; Thomas, secrétaire »
(L'Assemblée ordonne l'insertion de cette lettre au procès-verbal avec mention honorable.)
, au nom des cinq comités des domaines, d'agriculture, de commerce, de
marine et des finances, réunis, fait un rapport et présente un projet de
décret (l) sur la question de l'aliénation des forêts nationales; il
s'exprime ainsi :
Je suis chargé de vous exposer les différents points de vue sous lesquels vos comités ont cru que cette question pouvait être considérée, et les motifs qui les ont déterminés à rejeter l'aliénation générale des forêts et des bois nationaux, et à vous proposer des moyens préparatoires, qui puissent mettre l'Assemblée nationale en état de connaître l'utilité ou les désavantages pour la nation de conserver ou d'aliéner quelques parties de ces mêmes bois.
L'importante question qui vous occupe avait été agitée dans l'Assemblée constituante; après avoir recueilli les lumières de 5 de ses comités, elle fut convaincue que l'intérêt national, l'intérêt de l'agriculture et du commerce, le soutien de la marine, la conservation et la régénération des forêts, les constructions les plus importantes, l'augmentation assurée du revenu public, et l'intérêt du peuple, exigeaient la conservation des grandes masses de bois dans les mains de la nation.
Sa sagesse ne lui avait cependant pas laissé échapper qu'il existe, dans plusieurs départements, des bois d'une contenance assez étendue, dont l'utilité était bien moins essentielle pour l'Etat, parce qu'on ne trouve dans ces mêmes départements, ni usines, ni débouchés pour leur consommation.^ L'Assemblée constituante avait reconnu que ces fonds livrés à l'agriculture, à laquélle ils étaient plus propres, seraient une source d'abondance bien plus précieuse.
Mais, ne pouvant spécifier, par une loi générale, quelles forêts se trouvaient dans cette exception, elle voulut s'environner de toutes les connaissances locales, que les corps administratifs pourraient lui donner : connaissances qui seules peuvent mettre l'Assemblée nationale en état de désigner particulièrement les parties de bois qui sont susceptibles d'être vendues.
L'Assemblée constituante avait considéré encore que les bois d'une contenance médiocre, situés, pour l'ordinaire, auprès des héritages des particuliers, et ne pouvant occuper entièrement un garde, étaient plus exposés aux délits de tout genre; que le produit s'en trouvait absorbé par les frais d'administration, et que dès lors il fallait les vendre.
Mais il n'échappa point à sa prévoyance que, parmi les boqueteaux même, il s'en trouvait, qui, par leur situation et par la nature du sol pouvaient produire du bois propre à la marine; alors un intérêt plus grand fit disparaître tout intérêt économique; et l'Assemblée constituante crut devoir prendre des mesures pour que ces bois ne fussent pas vendus inconsidérément.
En conséquence, le 6 août 1790, elle décréta : 1° que les grandes masses de bois et forêts demeureraient exceptées de la vente et aliénation des biens nationaux, ordonnées par les décrets des 14 mai, 25 et 26 juin précédent
2° Que tous les boqueteaux, toutes les parties de bois nationaux éparses,
absolument isolées et éloignées de 1,000 toises des autres bois d'une
plus grande étendue, et qui ne seraient pas nécessaires pour garantir
les bords des fleuves,
Sauf à prendre Vavis des assemblées de département, pour la vente des parties de bois qui excéderaient la contenance ae cent arpents.
Et quant aux bois et forêts de ladite contenance, qui, par leur position et la nature du sol, peuvent produire des bois propres à la marine, ils ne pourront être aliénés, qu'après avoir eu l'avis des administrations des départements, qui prendront celui des districts dans lesquels ils sont situés.
Cette loi semble avoir tout prévu, avoir ménagé tous les intérêts. Les principes qui firent prononcer ces sages dispositions pourraient-ils être changés dans le court espace de temps qui s'est écoulé depuis le 6 août 1790? Non, Messieurs, ils sont une des bases principales de la prospérité de l'Empire. Il me suffira de vous les rappeler, pour vous garantir de cet esprit versatile que les gens à système veulent introduire dans cette partie de l'économie publique, qui finit toujours pardétruire toutes celles auxquelles il s'attache.
La France est une puissance territoriale et maritime.
Puissance territoriale : son agriculture immense, qui ne tardera point à s'accroître encore considérablement, lorsque les lois auront facilité les moyens de faire un meilleur emploi des marais et des terres vaines et vagues, a besoin des bois propres à tous les outils aratoires ; les pays vignobles et de minot n'éprouvent pas moins la rareté de ceux qui leur conviennent.
Les forêts plantées sur les coteaux et sur les montagnes rapides, lui sont utiles et même nécessaires sous un autre point de vue.
Utiles, en ce qu'elles retiennent les eaux pluviales qui pourrissent les feuilles, et donnent ainsi un suc végétal qui fertilise ces terrains, et ceux des fonds qui les avoisinent.
Nécessaires, parce que les arbres et les arbrisseaux, par le secours de leurs feuilles et de leurs branches, ne laissant couler les eaux que lentement, ils retiennent, par ce moyen, le terrain qui leur donne la vie, et garantissent de leur impétuosité les bords des torrents çt des ruisseaux qui, sans ce secours, ravageraient les vallons (1).
Nécessaires enfin pour la conservation des sources, souvent si précieuses pour l'agriculture et qui le perdraient si elles n'étaient garanties par les arbres qui les couvrent.
Vos manufactures, dont le nombre augmente chaque jour, depuis que la nation a fait succéder aux| entraves du fisc, qui tuaient tout, l'air pur de la liberté qui vivifiera tout.
Vos usines à feu, qui sont comme le principe de toutes les autres manufactures, parce qu'elles leur fournissent les objets nécessaires à leurs premiers établissements.
Tous ces objets, qui seuls feraient la richesse d'un autre Etat que la
France, ne peuvent sub-
sister sans la conservation la plus scrupuleuse de vos forêts.
Vos salines du département du Gard, et de celui de la Meurthe, dont les revenus sont si importants (1) ; que deviendraient-elles si la nation ne pouvait plus les alimenter par les 139,000 arpents de bois, qui sont affectés à leur service?
Les nombreux édifices publics, dont la philosophie de nos nouvelles lois et la régénération des mœurs nécessitent l'établissement ou la conservation; les parcs, les quais, les canaux à réparer ou à construire, et pour lesquels il faut des bois devenus très rares, doivent encore augmenter vos sollicitudes.
Si vous portez ensuite vos regards sur les constructions qui, depuis près d'un demi-siècle, embellissent vos villes et vos campagnes, elles vous fourniront souvent la preuve que le luxe moderne n'est plus renfermé dans les murs des cités qui l'ont fait naître; mais il n'en sera pas moins constant que la conservation des forêts devient plus nécessaire qu'elle ne l'a jamais été.
Le peuple enfin, premier objet de tous vos soins, le peuple gémit depuis iongtemps de la disette que la négligence des préposés de l'ancien régime a causée dans cette denrée de première nécessité ; il attend avec anxiété le décret nui doit lui conserver une provision suffisante ae bois dans tout le royaume, ou l'exposer à s'en voir privé sans espérance de retour.
Telle est l'esquisse des grands intérêts de la France, comme puissance territoriale, à la conservation de ses forêts.
Puissance maritime; sa position exige une plus grande circonspection dans l'usage de'ses bois.
La consommation annuelle de notre marine militaire est estimée à deux millions de pieds cubes en temps de paix.
On la compte du double pendant la guerre.
La marine marchande consomme de 4 à 5 millions de pieds cubes.
Quelques personnes prétendent que les puissances étrangères nous
fournissent les deux tiers de ces bois, et presque toutes les natures;
d'autres soutiennent, au contraire, que les secours
Il est constant, aux yeux de tous, que nous trouvons dans nos forêts au moins le tiers des besoins de notre marine.
Il est encore de fait reconnu que dans les quantités que les Hollandais nous fournissent, il faut déduire ce qu'ils viennent acheter dans nos forêts de la Sarre, de la Moselle et de la Meuse, dont ils ramènent ensuite partie pour les revendre sur nos ports : le surplus ils l'emploient pour leurs vaisseaux (1).
La France a donc chez elle de grandes ressources pour sa marine ; il est de la plus grande importance pour elle de les conserver et même de les agrandir, ce qui lui sera facile si elle parvient à établir une administration sage, instruite et rigoureusement surveillée. _
Les personnes qui sollicitent l'aliénation totale des forêts, cherchent à atténuer leur nécessité par deux objections.
Première objection.
« Il faut suppléer à l'énorme consommation de bois que font nos manufactures, nos usines à feu, et même les habitants des villes et des campagnes, en multipliant l'usage de charbon de terre, de la tourbe et des autres matières combustibles ; il faut imiter, en cela, les nations commerçantes qui nous avoisinent. »
Deuxième objection.
« Quant à la marine, les Hollandais ne trouvent chez eux aucun bois de construction; cependant ils entretiennent une marine considérable, et ils fournissent encore à nos besoins de ce genre. Cet exemple prouve qu'il n'est pas aussi nécessaire, pour une nation maritime, de conserver chez elle les bois pour la construction de ses vaisseaux. Les forêts des Etats du Nord, de l'Italie, de l'Arabie-Turque et de l'Amérique seront toujours ouvertes pour la France, comme elles le sont pour la Hollande.
Il est intéressant de multiplier la recherche et l'exploitation des mines de charbon de terre, et la consommation de tous les combustibles qui peuvent suppléer à celles du bois ; cette nécessité est fondée sur la disette du bois qui se fait sentir dans la majeure partie de l'Empire, et dont le prix est, dès à présent, au-dessus des facultés des habitants des campagnes et du peuple des villes, et, dès lors, les motifs de l'objection servent à fortifier la nécessité pour la nation, de porter tous ses soins à la conservation de ses forêts.
Si la ci-devant province de Picardie n'avait, depuis longtemps, adopté
l'usage de la tourbe, vos riches manufactures d'Amiens et du Beau-voisis
n'existeraient plus; mais aussi, Messieurs, on s'aperçoit déjà que les
tourbières y sont moins communes : et dans certains pays la corde de
Vos mines de charbon de terre ne sont pas encore aussi communes qu'on le pense. On s'aperçoit que celles d'Auvergne s'ëpuisent; les recherches qui se sont multipliées, depuis quelques années, dans les environs de la capitale, n'ont pas été aussi heureuses qu'on devait l'espérer d'après les indices qui en avaient fait tenter la fouille.
L'immense consommation, enfin, que nous faisons de celles de Mons et de Hainaut, prouve que, jusqu'à présent, nos ressources intérieures ne sont pas considérables à cet égard.
Ce n'est pas que je prétende que l'on ne puisse point trouver des mines de charbon en France.La nature n'a pas été plus ingrate de ses dons envers nous qu'envers nos voisins : il ne manque peut-être que des encouragements, sagement distribués, à ceux qui s'occupent de leur recherche; vos comités d'agriculture et de commerce ne négligeront pas ae vous proposer des vues sages et utiles sur cet objet.
Mais si, dans l'espérance fondée de rencontrer de nouvelles mines, le Corps législatif pouvait perdre un instant de vue la conservation des forêts nationales, j'en conclurais, moi, que le Corps législatif accélérerait l'accomplissement de la fatale prédiction de Colbert, la France ne tarderait pas à périr par la disette de bois.
Je passe à la seconde objection. La nécessité oblige la Hollande à chercher, chez ses voisins, les bois que son territoire ne peut lui fournir. Cette nation, purement commerçante, a fait ensuite un objet de spéculation, de ce qu'elle a été obligée de rechercher d'abord par nécessité.
Mais, persuaderait-on à un père de famille qui trouve dans ses propriétés les moyens de satisfaire à ses besoins, qu'il doit se dépouiller de ses ressources, parce qu'il sera toujours assuré de trouver des marchands qui l'approvisionneront? Peut-on proposer raisonnablement à une nation qui a une grande ressource dans ses mains, de la négliger et de s'exposer à être obligée de la solliciter des étrangers? N'est-il pas plus sage, n'est-il pas, au contraire, du devoir le plus étroit des dépositaires des intérêts de la nation de favoriser l'importation des bois étrangers pendant la paix, et de conserver ses forêts, comme une ressource assurée qui puisse lui suffire pendant la guerre? Si vos communications, avec l'étranger, étaient jamais rompues, quel reproche n'aurait-on pas à vous faire, si vous aviez négligé les moyens de vous suffire à vous-mêmes?
Après avoir démontré" combien la conservation des forêts importe aux besoins du royaume, examinons si cette conservation peut avoir.lieu dans d'autres mains que dans celles de là nation.
Tous les hommes d'Etat ont considéré les forêts comme la plus noble et la plus précieuse partie des domaines de la Couronne. Un seul a osé porter ses regards destructeurs sur ce dépôt sacré, et essayer d'en faire ressource pour ses dépradations : mais il suffit de le nommer pour prouver que son opinion ne peut être une autorité pour ceux qui connaissent et qui veulent le bien public. C'était M. de Calonne.
Nos grandes masses de forêts ne peuvent se conserver que par une surveillance continuelle, par des améliorations soutenues qui exigeront des dépenses pendant de longues années.
Elles sont aujourd'hui dans un état de dégradation manifeste. L'intempérie des saisons et le
cours naturel des choses en ont été une première cause. Des abus, des délits, de toute espèce, que les officiers, chargés de les conserver, ont laissé commettre contre les dispositions les plus précises des lois, des usurpations de la part des usages et des riverains, tout semble s'être réuni pour les détruire.
Les forêts dégradées à un tel excès ne peuvent se régénérer elles-mêmes. Ruinées jusque dans le sol qui les nourrit, elles ont besoin, pour se reproduire, d'une culture soignée.
Des défrichements considérables et de nouveaux semis de glands pour y remplacer le bois que le terrain fatigué refusait de porter;
Des repeuplements dans ceux qui ne sont que dévastés ;
De nouvelles coupes, des aménagements nouveaux, réglés avec une telle économie, qu'ils puissent, dans les premières années, fournir aux besoins absolus des, consommateurs, sans nuire à la prolongation de l'âge dont les bois seront susceptibles, suivant les différentes espèces d'arbres et la qualité des terrains ;
Voilà les p remi ers soi n s qu i peu vent seul s rendre à nos forêts leur première valeur. Leurs produits seront sûrs, mais ils nécessiteront des dépenses, et la nation n'en recueillera parfaitement les fruits qu'après de longues années.
Nous le demandons maintenant aux partisans les plus zélés de l'aliénation générale dé nos forêts, existe-t-il des particuliers en état de faire des dépenses aussi considérables? Sommes-nous dans un siècle où l'on fasse si aisément le sacrifice des jouissances présentes pour assurer celles des générations futures? Et quand on pourrait vous assurer que l'esprit public a déjà fait un pareil miracle, cela suffirait-il encore pour abandonner la conservation de nos forêts à des propriétaires particuliers? Qui vous garantirait de l'égoïsme et de l'avidité de l'intérêt personnel dans la génération qui succédera à la génération présente? L'expérience, malheureusement trop constante sur ce point, prouve qu'un père, riche par ses économies, élève presque toujours un fils prodigue qui détruit sa fortune ; et la première ressource de ce dernier, dans son inconduite, est la destruction de ses bois. Deux siècles avaient à peine suffi pour lés élever, un instant les voit consommer.
Il n'appartient donc qu'à la nation de posséder de grandes forêts, parce qu'elle seule est en état de faire les dépenses nécessaires pour les régénérer, parce qu'elle seule ne séparant, ne pouvant jamais séparer son intérêt présent de ses besoins futurs, sait sacrifier sur ses besoins du moment, pour rendre ses ressources perpétuelles.
A qui d'ailleurs la nation aliénerait-elle les grandes masses? En supposant qu'il existe quelques particuliers qui soient assez riches pour en acquérir de grandes parties, le nombre en est infiniment petit. Vos grandes masses dé bois s'élèvent à plus de 4 millions d'arpents. Où sont les acquéreurs pour établir la concurrence, qui seule peut en porter le prix à leur juste valeur?
Ne vous y trompez pas, Messieurs, vous ne verriez paraître aux enchères que les agents de ces compagnies de capitalistes associés, dont tout le mérite consiste à calculer la décadence de la fortune publique, pour rétablir la leur sur les ruines de celles de l'Empire.
Vous les avez vu accaparer les effets publics, lorsque le cours en était au plus bas prix ; les
serrer , et multiplier entre eux les ventes simulées, jusqu'à ce qu'ils les eussent revendus aux prix de leur valeur; abandonner ensuite cette spéculation pour accaparer les denrées et les marchandises de toutes espèces ; et par un manège incompréhensible pour les âmes honnêtes, acheter et revendre jusqu'à 10 fois ces mêmes objets, jusqu'à ce qu'enfin ils en aient fait élever le prix à un taux enrayant.
Si vous prononcez l'aliénation des forêts nationales, les portefeuilles des capitalistes se fermeront bientôt, et leur agiotage se fixera sur cette immense partie de' la propriété publique. Seuls possesseurs de fonds suffisants pour les acquérir, ils calculeront d'autant plus juste à leur profit, qu'ils resteront, pour ainsi dire, les maîtres de nxer le prix. Vos forêts ne pourraient donc être vendues qu'à bas prix, et ae là résulterait une perte incalculable pour la nation.
Les capitalistes n'achetant que pour spéculer sur de gros bénéfices, ne compteraient que la valeur des superficies, et bientôt leur avidité les détruirait pour réaliser leurs capitaux, qu'ils auraient besoin de porter sur tout autre objet.
De quelles entravés d'ailleurs ne seriez-vous pas obligés d'embarrasser l'aliénation des forêts? la facilité qu'auraient les acquéreurs d'en détruire la valeur dans un instant, tous forcerait de fixer à des époques très resserrées le payement du prix de leurs acquisitions, et vous perdriez ainsi un des moyens qui ont le plus servi à la vente des biens nationaux.
Ici se présentent naturellement les dernières objections de cèuX qui désirent la vente des forêts.
Divisez vos grandes masses pour les vendre, disent-ils; et en facilitant, par là, les moyens d'acquérir, vous augmenteriez le nombre des concurrents.
Faites des lois de police çoercitives, ét vous forcerez les"propriétaires particuliers à veiller à leur conservation. On n'a jamais été persuadé que le régime d'une administration publique fut aussi utile à la conservation que l'administration particulière du propriétaire.
Enfin l'intérêt de vos finances exige l'aliénation de toutes vos forêts;le produit des ventes de bois ne s'est élevé en 1791, qu'à 10 millions, et vos forêts présentent un capital de plus de 1,200 millions qui éteindraient un intérêt de 60.
Vos comités ont pensé que la division de grandes masses était impraticable, parce qu'elle serait nuisible à la conservation que vous devez vous proposer; ce n'est plus, en effet, que dans les grandes masses, que l'on trouve encore des secours pour la marine et pour lès constructions importantes; divisez vos grandes masses, et ces ressources disparaîtront.
Cette division, d'ailleurs, ne produirait point la concurrence qui en a fait naître l'idée. Ne perdez pas de vue,- Messieurs, l'immensité des biens nationaux qui sont en vente dans ce moment. Les cultivateurs, les particuliers, les plus aisés de toutes les classes, y ont placé leurs fonds/ et ils doivent encore des annuités, auxquelles ils ont destiné ceux qui doivent leur rentrer, et le fruit de leurs économies pendant plusieurs années. Leurs économies médiocres sont le fruit d'un travail long et pénible, soutenu par une sobriété dans toutes leurs jouissances. Les seuls agioteurs de la capitâle connaissent la funeste facilité de doubler leurs capitaux deux où trois fois par an, et de les réaliser à leur gré à chaque occasion qui leur offre de grands bénéfices.
Ainsi la division ne diminuerait pas leur chance.
Je ne sais si, dans le moment où le nouveau régime a consacré la liberté la plus entière dans l'usage des propriétés, on peut proposer de contrarier les principes par les lois coercitives contre les propriétaires des forêts.
Je ne sais si la loi qui empêche un propriétaire de Couper ses bois quand il lui plaît, qui le prive, par là, de la jouissance de ses revenus dans un moment où il en aurait besoin, et le force à reculer cette jouissance à une époque où elle lui sera moins utile, ne porte pas une atteinte directe à la propriété sans aucune indemnité.
L'Assemblée constituante, pénétrée des grands principes qu'elle venait de poser, décréta que chaque propriétaire sera libre d'administrer et de disposer de ses bois comme bon lui semblera.
Votre comité des domaines, en vous proposant ses vues sur la loi de l'administration forestière, vous mettra à même de juger si vous devez conserver dans toute leur pureté les principes de liberté dont le dépôt vous est confié.
Mais ce qui ne peut être douteux pour personne, c'est que les lois coercitives gênent l'agriculteur et le découragent dans ses projets d'amélioration.
Elles altèrent les mœurs, elles sont presque toujours insuffisantes pour produire l'effet qu om s'en était promis.
Leurs dispositions naissent nécessairement aux échanges des biens sur lesquelles elles frap--pent. ~ ; î •-/••u-^
Une loi coercitive éloignerait donc encore les acquéreurs des forêts nationales. L'idée seule de se mettre dans la nécessité de prononcer cette loi, suffirait pour faire rejeter le projet d'aliénation de toutes nos forêts.
Une loi coercitive exigerait, d'ailleurs, des per sonnes chargées de surveiller les particuliers:; elle nécessiterait une dépense publique que vous pouvez employer à l'administration de vos forêts, en les gardant dans les mains de la nation.
Nous conviendrons que, jusqu'à présent,l'administration de nos forêts peut servir à prouver qu'une administration publique est communément vicieuse. Nous conviendrons encore, si l'on veut; qu'un propriétaire particulier se procure un bénéfice plus considérable que ne le lait généralement une administration publique..
Cette dernière proposition est vraie danscesess, qUe l'intérêt particulier ne calculant que ses profits, les multiple, en réitérant plus souvent les coupes ; mais il ne doit pas être question ici de calculer seulement de combien ùn particulier augmenterait ses jouissances plus qu'une (administration publique. Il faut considérer, au contraire, la nation comme ayant intérêt de compter moins lès revenus qu'elle pourrait tirer, dès à présent, de ses bois, que les moyens de les conserver comme une ressource indispensable pour l'avenir. Sous ce point de vue, le séul sous île-quel on puisse considérer la grande question qui vous occupe, on ne peut se dissimuler que llad-ministration publique peut seule préparer ume succession de jouissances graduées sur les ^besoins publics : et c'est dans ce sens que le rapporteur de 1 Assemblée nationale constituante peignait avec vérité, l'intérêt personnel armé d'une hâche, et l'intérêt national armé d'une bêche; l'intérêt personnel, même bien entendu, tm usufruitier égoïste et avide; et l'intérêt national, un père de famille prévoyant et industrieux.
Reste enfin à considérer l'intérêt de nos finances. Rappelez-vous encore une fois, Messieurs, l'immense quantité des biens nationaux vendus, et de ceux qui restent à vendre.
Les premiérs s'élèvent aujourd'hui à plus de 1,600 millions, sur lesquels il n'a été payé que... ;
Les seconds sont un objet de plus de 1,200 millions.
Si vous mettiez en vente les forêts nationales, dont la valeur forme une masse de plus de 12 à 1,400 millions, vous établiriez une disproportion effrayante entre les objets aliénables et les fonds qui peuvent être appliqués à leur acquisition.
La vente des biens nationaux en souffrirait nécessairement, celle des forêts en souffrirait encore plus.
11 n'est pas indifférent d'ailleurs, pour vos finances, que l'aliénation des biens nationaux ait un te r me-prochai n : elle nuit essentiellement au remboursement des droits incorporels; tant que l'habitant des campagnes trouvera à acquérir des biens nationaux, dont il fait tirer un bénéfice réel, il ne s'occupera que très faiblement de rembourser les droits incorporels dont il est chargé.
La vente des biens nationaux empêche encore les mutations entre particuliers. Elle nuit à un nombre infini d'individus ; par là, elle atténue les droits d'enregistrement, partie bien importante de vos revenus publics.
Enfin, il serait impolitique de prononcer l'aliénation générale de toutes vos forêts, sous le prétexte de l'intérêt de vos finances.
Vous, ne connaissez parfaitement eneore ni vos besoins, ni l'étendue de vos ressources; et quand il serait démontré que les biens nationaux, qui sont actuellement en vente, ne peuvent suffire pour combler les engagements ae la nation, ce serait encore une grande question à examiner pour des hommes d'Etat, s'il ne serait pas plus intéressant pour le bien public, d'employer d'autres ressources à acquitter la dette, que d'aliéner les forêts, et d'exposer la France à manquer, dans 25 ans, de cette denrée indispensable, que de les aliéner surtout dans un instant où vous ne pourriez les vendre qu'à bas prix et les livrer à l'affreuse voracité de l'agio-' tage.
Mais la. nation n'en est. pas réduite à cette extrémité, et si quelques personnes inquiètes craignent encore un déficit après la vente des biens nationaux, le produit de vos bois vous offre lui-même une ressource pour le combler.
Ce déficit frapperait principalement sur les remboursements à termes, qui font un objet de 600 millions, dont les époques se propagent jusqu'en 1824. Vous avez donc 32 années pour acquitter cette somme, ce qui nécessitera un remboursement annuel de 18,750,000 livres.
Les ventes des bois nationaux n'ont produit, il est vrai, que 10 millions en 1791 ; niais on ne peut prendre raisonnablement ce produit pour base de leur évaluation; tout lè monde sait combien cette partie de l'Administration a souffert depuis la Révolution, combien les ventes ont été contrariées ; que les apanagistes ont encore abusé, cette année, des bois dont ils jouissaient. Personne n'ignore enfin qu'il n'a été fait aucune coupe des quarts de réserve, dans les bois ecclésiastiques, ni dans les hautes futaies des bois ci-devant royaux; que ces ventes produisaient annuellement les deux tiers en sus des bois taillis.
D'après cela on ne croit pas être accusé d'exagération, en évaluant le produit ordinaire des bois, de 30 à 35 millions, lorsque les pouvoirs constitués se seront attachés à faire respecter cette propriété, conformément à la loi (1).
Sous quelque point de vue que l'on considère l'aliénation des forêts en général, elle est impraticable. Tous les intérêts se réunissent pour s'y opposer, l'agriculture, le commerce, la marine, vos finances même, et principalement l'intérêt du peuple.
Vos comités réunis ont pesé ensuite les dispositions du décret du 6 août 1790, par lesquelles l'Assemblée nationale constituante s'était réservé de prendre l'avis des assemblées de département, pour la vente des parties de bois dont la contenance excéderait celle de 100 arpents.
Cette mesure a paru à vos comités marquée au coin de la prudence. Les assemblées de départements ne sauraient se tromper sur les besoins des administrés : seules elles peuvent vous donner des connaissances locales; mais vos comités ont cru devoir vous proposer de déterminer, d'une manière plus positive, les renseignements dont les corps administratifs doivent accompagner leur avis. Ils ont pensé que, pour que l'Assemblée nationale pût peser, dans sa sagesse, les aliénations des bois que les corps administratifs sont autorisés à lui proposer, il était intéressant qu'elle fût parfaitement instruite et qu'elle connût la situation des bois, la nature du sol, l'étendue ou la contenance des bois ; leur essence, leur distance des rivières navigables, des usines à feu et des grandes villes ; s'ils sont en état de bonne culture, ou en dégradation; la valeur approximative de la superficie, et celle du fonds.
C'est alors, Messieurs, que l'Assemblée nationale pourra peser tous les intérêts de la vente, la prononcer en connaissance de cause, adopter un mode sur les estimations qui devront précéder l'aliénation, et surtout se mettre à fàbri du reproche d'avoir négligé de demander tous les renseignements qui peuvent l'éclairer sur des objets d'une si haute importance.
Voici, Messieurs, le projet ae décret que je suis chargé de vous proposer.
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir, entendu le rapport de ses comités réunis des domaines, de la marine, d'agriculture, de commerce et des finances :
« Décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'aliénation des grandes masses de bois et forêts nationales, exceptées de la vente et aliénation des biens nationaux, par l'article 1er du décret du 6 août 1790.
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété u'il n'y a pas lieu à
délibérer sur l'aliénation es grandes masses des forêts nationales en
général; considérant combien il importe à la chose publique, de ne
négliger aucun des renseigne-
« Art. 1er. Les directoires des départements
se procureront, par les districts et les municipalités, tous les
renseignements relatifs aux portions de bois, qu'ils croiront plus utile
à la chose publique d'aliéner.
« Ces renseignements constateront la situation des bois dont ils proposeront l'aliénation ;
« Leur contenance;
« La nature du sol;
« L'essence du bois, s'ils sont en haute futaie, ou en taillis ;
« Leur distance des autres bois nationaux ;
« Leur distance des rivières navigables, des usines à feu et des grandes villes;
« S'ils sont en bon état de culture, où en dégradation ;
« La valeur de la superficie et celle du fonds séparément.
« Art. 2. Les directoires des départements formeront un tableau détaillé desdites portions de bois, et des observations des districts et des municipalités; ils les présenteront aux prochains conseils des départements, qui les prendront en considération et donneront leur avis motivé.
« Art, 3. Les directoires des départements feront passer au pouvoir exécutif les délibérations des conseils de l'Administration, et les tableaux sur lesquels ces délibérations auront été prises. Le pouvoir exécutif les remettra au Corps législatif avec les observations.
« Art. 4. Dans aucun cas, les directoires des départements ne pourront mettre en vente, ni recevoir des soumissions sur des bois dont les conseils auront proposé l'aliénation, avant qu'elle ait été prononcée par un décret du Corps législatif.
« Art. 5. L'Assemblée nationale charge son comité des domaines, de lui présenter, sous quinzaine, un projet de décret pour la réformation de la loi du concernant l'établissement d'une nouvelle administration forestière. » (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression du rapport et des projets de décret.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et des projets de décret.)
Plusieurs membres demandent l'ajournement de la discussion.
D'autres membres demandent-que la discussion soit ouverte sur-le-champ et par suite la question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et ordonne la discussion immédiate.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la liste des orateurs inscrits pour et contre ; elle comprend plus de 50 membres.
Il s'élève des débats sur l'ordre de la parole.
J'observe qu'il y a deux objets différents à discuter, savoir la question de l'aliénation, et celle relative à l'organisation de l'administration forestière. Je demande qu'on s'occupe séparément de chacun de ces objets et que la question de l'aliénation soit d'abord soumise à la discussion.
(L'Assemblée décide qu'elle s'occupera d'abord de la question de l'aliénation des forêts.)
(1). Est-il de l'intérêt d'une grande nation de posséder des propriétés foncières pour les faire régir et administrer à son compte, ou de les aliéner et de les mettre dans le commerce, pour être gouvernées par des propriétaires particuliers? Telle est l'importante question que présentent les forêts nationaleSi
De toutes les productions dont la France abonde, il n'en est pas sans doute de plus précieuse et de plus intéressante à ménager que celle des bois. Mais pour conserver des bois, est-il nécessaire que les forêts restent dans les mains de la nation? C'est de cette seconde question que dépend la solution de la première; et, pour la résoudre, il est indispensable d'entrer dans quelques détails sur l'administration forestière.
L'aménagement des forêts consiste essentiellement dans le choix du temps et dans la manière de les exploiter; et ce choix dérive de l'essence des bois et du sol des forêts.
Le chêne et le hêtre, quand les racines peuvent pivoter dans de bonne couches de terre, croissent jusqu'à 100 et 200 ans; et leurs taillis ne demandent pas à être coupés avant l'âge de 25 à 30 ans, parce que c'est vers ces dernières années qu'ils gagnent davantage, qu'alors ils deviennent propres au service; outre qu'ils offrent l'avantage de réserver pour futaies des baliveaux qui ont obtenu une élévation droite, sans être surchargés de branches latérales préjudiciables à la partie inférieure de la fonte de l'arbre.
Les bois blancs, au contraire, tels que le saule, le tremble, etc. appelés bois morts, parce qu'ils périssent volontiers sur pied, demandent à être coupés depuis l'âge de 10 à 12 ans et au delà, suivant l'usage auquel ils doivent être employés- Il en est ainsi de tous les bois, et même du chêne, lorsque, par la stérilité du sol, ils ne peuvent s'élever, et que les arbres deviennent pommiers.
Toutes ces différentes essences naissent communément dans les mêmes forêts; elles varient suivant la nature du fonds; et la partie dominante dirige l'époque des exploitations.
Mais depuis l'âge de 6 ans, on peut favoriser les recrues par la destruction des épines et autres arbustes, et par l'éclaircie des bois qui croissent en truche, surtout des brins traînants qui ne prennent pas une direction verticale, et dont on tire parti pour les clôtures, échalas, cercles, etc.
Cette éclaircie doit se répéter dans les taillis que l'on destine au grand âge, et se renouveler tous les 10 à 12, à mesure que le bois prend de l'accroissement, si l'on veut laisser croître en masse de futaie les parties qui en sont susceptibles par la nature au sol.
Le régime des forêts de sapins est absolument différent des autres bois. Lent à pousser darts ses premières, années, il se récupère au centuple dans les subséquentes.
A 20 ans, un sapineau n'a que 8 à 10 pieds de hauteur sur o pouces de
circonférence; mais passé cet âge, il s'élève de 18 à 22 pouces par an ;
en sorte qu'à 30 il n'est plus reconnais-sable.
A 50 ans, son élévation est de 50 à 60 pieds sur 4 à 5 pieds de tour.
A 60 ans, il a environ 70 pieds de hauteur, sur 7 à 8 pieds de tour.
A 75 ans, il passe 90 pieds de long, sur 9 pieds de tour.
A 100 ans, il est parvenu à sa hauteur ordinaire de 100 à 120 pieds, sur 12 de tour. Alors il cesse de s'élever ; mais volontiers il continue de grossir jusqu'à 150 ans où il commence à dépérir ; et il n'est pas extraordinaire de voir des sapins de 20 à 24 pieds de tour : ceux de 18 pieds ne sont pas rares.
Le sapin est sujet à différentes maladies, particulièrement à celle du chancre qui cerne l'arbre et le fait sécher si on n'en prévient les progrès. Froissé par l'abattage d'un autre, ou par rinattention du voiturier dans la traite, il se dépouille de son écorce à l'endroit de la blessure; les bords recroissent en bourrelets : l'eau y séjourne; l'arbre se pourrit dans cette partie : un oiseau, appelé communément picque-bois, y fait aisément son trou, et achève de rendre cet arbre défectueux.
Il ne demande pas, comme l'autre bois, d'être coupéà fleur de terre, parce qu'il ne repousse jamais de rejets à sa souche; il se repeuple de semence qu il fournit abondamment dès l'âge de 40 ans. L'espèce la meilleure, vulgairement , appelée Fue, se soutient mieux et se défend davantage dans ses premières années de la dent du bétail, à raison de ses feuilles aiguës et pi-" quantes.
L'exploitation du sapin ne doit se faire qu'en jardinant, sinon la forêt se détruirait ; 1° parce que la reproduction du sapineau ne réussit parfaitement que sous l'ombrage et dans les broussailles; 2° parce qu'une forêt de sapins, à une certaine hauteur, et dont les racines sont latérales, ne se soutient que par l'ensemble des arbres; 3° parce que enfin, si par une trop grande découverte, on venait à donner une libre entrée aux courants impétueux de l'air, on serait assuré de voir le renversement total des arbres laissés en réserve, comme l'expérience l'a démontré (1).
Après avoir donné une première esquisse des soins que demande le gouvernement des forêts, ie vais développer les causes principales de leur dévastation.
L'indifférence sur le balivage n'est pas la moins grande relativement aux
bois de construction. Un baliveau sur souche et rabougri doit être
rejeté, comme la réserve d'une vieille écorce malvenante et couronnée,
pour préférer l'arbre sur hin, qui s'élève d'un seul jet; mais d'une
part, les officiers de maîtrise étant payés à l'arpent, tant pour le
balivage que pour le récolement; d'autre part, l'étendue des forêts à
parcourir et à examiner étant au delà de leur possibilité, pour passer
plutôt d'une opération à
L'exploitation, dans le temps de la sève, est un autre vice qui, diminue la qualité des vieux arbres; d'ailleurs; la taille trop fraîche laisse-échapper l'eau génératrice, et le tronc manquant d'aliment, ne peut produire de rejets.
L'inconvénient, dans la coupe des taillis, n'est pas le même sur la qualité des bois ; mais il n'est pas moins préjudiciable à la recrue, qui ne reçoit que la seconde sève d'août, souvent encore interceptée la première année; d'où il résulte que les rejets trop tendres résistent difficilement à la rigueur de l'hiver ; ce qui n'arriverait pas si l'exploitation commençait au mois de septembre, et finissait au mois d'avril. On ne peut cependant se dispenser d'excepter de la règle générale les bois qui donnent les écorces propres au tan, à raison des cuirs dont les besoins et l'utilité sont essentiellement reconnus.
Ce n'est pas assez d'exploiter hors le temps de la végétation, il faut encore le faire d'une manière convenable, à tire et haire le plus près de terre possible, en ravalant les étocs, de manière que l'eau pluviale ne puisse jamais y séjourner. C'est par une suite de cette attention que les rejets se multiplient, peuplent et entretiennent les forêts. Mais, si la traite et vidange des coupes ne suit pas de près l'exploitation; si l'on dresse indifféremment les cordes sur les étocs, pour les y laisser pendant le temps de la sève; si l'on établit des places à charbon sans les repiquer; si l'on n'extrait pas le bois des forêts avant que les rejets aient poussé; si, enfin, suivant l'usage trop constant, on tolère dans les bois nationaux des chèvres, des vaches appartenant aux coupeurs et autres employés dans l'exploitation, alors les pertes qui en résultent sont immenses.
Je vais établir une nouvelle cause de dépérissement des forêts que je tire : 1° Des quarts en réserve établis par l'ordonnance de 1669, dans les bois des communautés et gens de main-morte, pour Croître en masses de futaie ; 2° De la conservation totale des anciens baliveaux et modernes, outre une réserve, de vingt-cinq baliveaux par arpent, de l'âge du taillis, prescrite, à chaque révolution des assiettes, par l'arrêt du conseil du 29 août 1730.
L'expérience doit avoir prouvé que le chêne cru en masse de futaie, sur un sol toujours humide par la privation du grand air et du soleil, épuisé de nourriture par lé. trop grand nombre d'arbres, ne donne, pour ainsi dire, jamais de bois propre aux grandes constructions. C'est un bois rave et cassant par la lâcheté de ses fibres, volontiers roulé, piqué et cOrrompu à l'intérieur, et à part quelques pièces de mer-rai n et de sciage, il est consacré à former de mauvais charbons et du bois de chauffage qui noircit au feu et se consume sans donner ni chaleu r ni braise.
D'un autre côté, la perte qu'éprouve le fonds refroidi par lasuite des temps est incalculable. Les souches trop vieilles et épuisées ne repoussent pas de rejets; la forêt se dénature; il ne croît
que de mauvais bois blanc épars dont la conservation n'intéressant pas assez le propriétaire se trouve négligée : de là ces terrains abandonnés au parcours finissent par être absolument dépeuplés, ou ce n'est qu'après plusieurs recepages, a 5 à 6 ans de distance, qu'on parvient à les remettre en nature de production : autant vaudrait les repiquer.
Il faut donc 30 à 40 ans pour rétablir ces sortes de forêts; et pendant 150 a 200 qu'on les a laissé croître ou dépérir en futaie, on aurait tiré par des exploitations de 25 à 30, un produit quadruple en bois propres aux petites charpentes et au cha-ronnage; outre l'aménagement d'une réserve modérée en baliveaux et modernes, qui, croissant en plein air et recevant suffisamment des sucs nourriciers, acquièrent une force nerveuse que les charpentiers et les ouvriers employés aux constructions navales savent bien distinguer.
Je passe au préjudice que porte dans les taillis une trop grande quantité de réserve; et je dis que si 1 arrêt du conseil de 1730 eût été rigoureusement observé, et qu'il eût également assujetti tout propriétaire des forêts, la disette des bois de chauffage serait actuellement complète ; du moins, on serait forcé d'user de ceux de construction, et dans le -cas peut-être de manquer, dans la suite, de l'une et de l'autre espèce.
En effet, depuis 1730 jusqu'à ce moment, les bois coupés seulement à l'âge de 25 à 30 ans se trouveraient dans leur troisième révolution; par conséquent l'arpent serait peuplé de 25 baliveaux anciens, de 25 modernes, et de 25 de l'âge du bois ; c'est-à-dire de 75 baliveaux qui, avec les arbres fruitiers, couvriraient la majeure partie de la surface du sol et empêcheraient nécessairement la recrue du taillis.
Les communautés n'ont que trop éprouvé ces pertes dont elles ne se sont enfin réaimées à la troisième révolution, qu'en obtenant à prix d'argent des arrêts dû conseil, pour réduire les anciens baliveaux; et si une nouvelle loi ne modifié celle de 1730, les inconvénients seront les mêmes pour l'avenir.
Cette modification, en supposant un taillis sans modernes ou sans anciens baliveaux, et dont la révolution des coupes est à 25 ans, consiste à laisser, de préférence sur les lisières et sur les bords des chemins de la forêt, à chaque exploitation, 20 baliveaux de l'âge du bois; ae réduire, à la deuxième révolution, les 20 premiers au nombre de 10; à la troisième, à 5; et à la quatrième, à zéro : et ainsi successivement de révolution en révolution : en sorte qu'à chacune, l'arpent fournirait 20 arbres futaies sur taillis, dont 10 de l'âge de 50 ans, 5 de 75, et de 5 de 100. On pourrait encore conserver un ou deux de ces derniers, s'ils étaient de belle espérance, pour n'être coupés qu'aux révolutions subséquentes.
Avant d'examiner si la nouvelle forme d'administration forestière, décrétée au mois de septembre dernier, est suffisante pour remédier aux abus, diriger l'aménagement des forêts nationales, surveiller, baliver et récoler celles appartenant aux municipalités, il me reste à démontrer une dernière cause de dégradation successive des bois que je fais remonter à l'époque de 1717, à laquelle ont commencé les établissements de différentes commissions particulières de réformations, qui, sous prétexte de réunir au domaine les biens et les terres usurpées, régler les usages et juger de la propriété, ont dépouillé certaines communautés de leurs propres droits de propriété, et réduit presque a rien ceux des usagers
au préjudice de leurs titres et de leurs possessions.
Qu'est-il résulté de ces injustices tyranniques? Des réclamations étouffées par le despotisme au conseil du roi, des vexations outrées contre les habitants des campagnes, des meurtres de gardes chargés de veiller à la conservation des forêts, des dégradations de la part des riverains usagers, réduits à braver la loi pour subvenir à leurs besoins journaliers; et j'observe que le délit d'un simple fagot, porte à la révolution de l'assiette la perte de plusieurs voitures de bois.
Après avoir établi en principes les soins qu'exigent l'aménagement des forêts ; après avoir présenté les causes principales de leurs dégradations, je vais examiner si la nouvelle administration forestière est plus en état que l'ancienne de les surveiller.
Je n'hésite pas à soutenir la négative, et j'ajoute que cette administration ne paraît avoir été imaginée que pour perpétuer les abus, favoriser la dilapidation des finances de l'Etat, et créer dans tous les départements de nouvelles places à la disposition du pouvoir exécutif.
Remarquez qué les choses sont à peu près les mêmes, que les noms seuls sont changés à l'exception d'un nombre inférieur d'officiers et d'appointements plus considérables sans finance.
En effet, au lieu d'un intendant des finances, c'est une administration centrale; au lieu de grands-maîtres, ce sont des commissaires et des conservateurs ; au lieu d'officiers de maîtrise, ce sont des inspecteurs : telle est la forme nouvelle. Et si, dans 1 ancien régime, 4 maîtrises ou réformations dans un département, comme elles existaient dans le mien, composées chacune d'un maître particulier et de son lieutenant, 4'un procureur du roi, d'un garde-marteau, d'un greffier et d'un garde général, formant au total 24 officiers, n'ont pu surveiller et conserver les anciennes forêts nationales; aujourd'hui qu'elles sont considérablement augmentées par la réunion des bois ecclésiastiques, comment se per-suadera-t-on qu'un conservateur et 5 inspecteurs seront plus en état que ne l'étaient 24 officiers de remplir des fonctions beaucoup plus étendues? Il faut ne pas avoir les premières notions de l'aménagement des bois pour avoir pu concevoir un pareil système.
Objectera-t-on que, par la nouvelle loi, les gardes seront responsables de leur négligence, contravention, malversation personnelles et des délits qu'ils n'auront pas constatés ; que les inspecteurs seront tenus du fait des gardes, les conservateurs de celui des inspecteurs, et, si on le veut encore, les commissaires du fait des conservateurs : en bien! il en était déjà de même sous l'ancien Tégime, et les auteurs de la nouvelle loi sur la responsabilité ne pouvaient trouver un meilleur moyen de l'éluder ; parce que c'est les intéresser tous à pallier réciproquement leur négligence par des procès-verbaux simulés de décharge, qu'ils auront soin de dresser pour se mettre à couvert de toute recherche. Si les nouveaux administrateurs n'étaient pas certains de se soustraire à la responsabilité, quel est celui qui oserait accepter une pareille place dans les circonstances?
Tant que les droits usurpés par les commissaires des réformations ne seront pas restitués aux communautés ; tant qu'il subsistera des malheureux à la portée des bois, dont les besoins ne seront pas remplis par la distribution annuelle des assiettes communes, il existera des délits
dans les forêts. Et je vais prouver l'impossibilité de les réprimer par le moyen d'organisation de la nouvelle administration forestière. _
On compte aujourd'hui sur environ 4 millions d'arpents de bois nationaux dans le royaume. À juger des anciennes provinces par "celle de Franche-Comté où les souverains du pays, avant la conquête de 1674 et les ecclésiastiques en possédaient beaucoup, je trouve qu'ils ne forment pas la quatrième partie de ceux des communautés, sans y comprendre les propriétés particulières; d'où il résulte que, celles-ei exceptées, il existe une masse énorme de bois dont le balivage, le martelage, la surveillance des èxploitations,le récolement, la rendue descoupes pour le parcours, la reconnaissance des chablis, la poursuite générale des délits dans les bois nationaux tant en première instance qu'en cause d'appel, des délits majeurs dans les bois des communautés, la visite sur l'état des glandéesf les formalités à remplir pour parvenir aux ventes, les registres à tenir, les procès-verbaux à dresser, le soin de faire repiquer les places vides, replanter des bornes, curer et ouvrir des fossés, dessécher les terrains aquatiques, etc., sbnt confiés à 5 commissaires, à 35 conservateurs et à 303 inspecteurs, sur lesquels roule toute la besogne, et qui ne forment pas la dixième partie du nombre nécessaire pour remplir avec une espèce d'ordre et d'exactitude les commissions qui leur sont déférées.
Mais, ce qu'il y a de plus étonnant encore, ce sont les tournées et visites que l'on exige de ces nouveaux administrateurs; visites fort au-dessus de la possibilité humaine dans les délais prescrits, si l'on suppose qu'ils les fassent en Observateurs. Aussi, suis-je tenté de croire que les inventeurs du projet de la nouvelle administration ne Connaissaient les forêts que par les cartes topographiques, et qu'il n'a été accepté de confiance que par la raison qu'en supprimant les maîtrises, il fallait un mode quelconque de remplacement.
Je conclus donc des observations précédentes, que la loi du 29 septembre est absolument vicieuse sous tous les rapports, et qu'elle doit être révoquée ; mais, avant de s'occuper d'un nouveau projet, il convient d'approfondir la grande question de savoir si, en politique comme en finance, il importe plus à la nation de conserver dans ses mains les propriétés foncières, que de les transmettre dans le commerce.
En politique, il est constant que plus un Etat est riche en propriétés foncières, plus les citoyens sont pauvres, et que la prospérité d'un Etat consiste dans le nombre, l'aisance et la richesse des individus qui le composent.
Il est aussi hors dé doute en finance, que toutes administrations, toutes régies dans les mains de l'Etat, sont sujettes à des déprédations; et que personne n'est plus à même d'administrer un bien quelconque que le propriétaire particulier : ainsi, sous ce premier point de vue, l'aliénation des forêts paraît devoir être préférée. Mais, pour se résoudre à un parti qui paraît au plus grand nombre en quelque sorte impolitique et contraire au bien général, il faut analyser les raisons qui se sont élevées pour et contre, et les balancer avec impartialité.
Ceux qui répugnent à la vente prétendent d'abord que la situation des finances de l'Etat n'exige pas l'aliénation des forêts, et que d'ailleurs si, après la dette parfaitement reconnue, il arrive que la vente commencée des biens na-
tionaux ne puisse suffire pour l'acquitter, on pourra constituer des capitaux aux créanciers qui en percevront les intérêts jusqu'au remboursement.
Je n'entrerai point dans la discussion des besoins de l'Etat accrus par les circonstances, et je me contenterai d'observer nue la mesure annoncée équivaudrait à une suspension injuste, contraire au droit des gens et aux engagements sacrés que l'Assemblée nationale a pris solennellement.
Une seconde objection est que les forêts seront accaparées ou par des prête-noms pour le ministère anglais, dans la vue de les détruire et dé faire tomber la marine de France, ou par des compagnies de finance qui, suivant les uns, suspendront les exploitations, et suivant d'autres les couperont précipitamment pour payer le fonds avec le produit du bois, et les défricheront ensuite pour tirer Un plus grand parti du sol mis en culture; de telle sorte que dans lffou 20ans, dit-on, il y aura pénurie ae bois de marine, de construction, de chauffage, et la prédiction de Colbert sera accomplie. :
Cette objection est fondée sur des raisons si contradictoires, qu'elle tombe d'elle-même, car : 1° toutes les forêts du royaume ne sont pas entre les mains de la nation, puisque outre les propriétés particulières qui sont considérables et les mieux aménagées, les municipalités, qui ne peuvent aliénér, en possèdent bien au delà de là nation. Donc, un accaparement, qui n'est pas plus praticable par les Anglais que par les compagnies de finance ne pourrait ni détruire les ressources de la marine ni maîtriser le prix général des bois du royaume.
2° Le ministère anglais, qui n'a aucune forêt nationale à sa disposition, a-t-il 2 milliards à destiner au plaisir ou à l'avantage prétendu de détruire celles de France? Ce sacrifice lui donnerait-il plus de ressources pour sa propre marine? Eviterait-il, par là, la concurrence de la France dans les achats étrangers? Cette destruction idéale seràit-elle généralisée à la minute? L'Anglais emporterait-il encore le sol des. Français, et les mères racines des bois? Ne resterait-il pas, en attendant leur reproduction naturelle, des ressources dans les forêts des communautés et des particuliers? Enfin, lorsque le salut de l'Etat le commande, la nation n'a-t-elle pas en tout temps le droit de faire des lois prohibitives de toute destruction et exportation quelconque?
3° La majeure partie des forêts nationales n'est pas en grandes masses,
et rien n'empêche de diviser celles-ci pour les vendre en détail et
appeler un plus grand nombre de concurrents (1). Au surplus, la
suspension générale des coupes n'est pas plus à craindre qu'une
exploitation générale et précipitée ; parce que l'une et l'autre
seraient également contraires aux intérêts des propriétaires.
D'ailleurs, si les uns sont en état d'attendre, les autres sont pressés
de vendre ; si les premiers n'exploitent pas, c'est une raison
d'exploiter pour les autres ; et la coalisation de tous les
propriétaires forestiers n'est pas plus possible que celle de tous les
autres propriétaires de l'Empire.
Ce dernier parti présente .d'ailleurs des ressources majeures à la génération future qui va s'accroître sur une terre libre, et par la suppression des monastères, et par la diminution de la domesticité, et enfin par le concours des étrangers manufacturiers, qui vont se naturaliser Français.
Quant à la prédiction deColbert, il n'avait pas prévu sans doute, lors de l'ordonnance de 1669, l'immensité des découvertes de tourbe et de charbon de terre qui se sont faites dès lors, non plus que la réunion à l'Empire français des provinces de la Franche-Comté, de l'Alsace et de la Lorraine les plus boisées du royaume.
Mais, dira-t-on, si l'on aliène les bois, si on les défriche, si on détruit les masses de futaie, que deviendra la marine? Et comment se procu-rerà-t-on'des bois de construction et d'entretien pour les bâtiments? "
Je réponds que ces craintes sont imaginaires, et la supposition chimérique, parce que celui qui achète une propriété n'a d'autre but que d'en jouir le plus avantageusement possible. Dr, la majeure partie des bois se trouve dans les montagnes, sur des coteaux rapides, ou des sols arides peu propres à l'agriculture.
A l'égard des bois de mâtures, je soutiens que les départements représentatifs des 3 provinces ci^devant désignées, peuvent seuls approvisionner toutes les marines de l'Europe, et fournir en même temps une masse énorme de bois de charpente.
' Ces pays, extrêmement boisés en chênes et sapins, sont emplantés peut-être de plus de 300,000 arpents de cette dernière espèce. A n'en extraire que 4 pieds d'arbres par arpent annuellement, il en résulterait un produit dé 1,200,000 pieds, qui, fournissant, l'un dans l'autre, plus de 100 pieds cubes de bois, en donneraient au total une masse de 120 millions, sans compter le chêne, dont l'essence est généralement dominante; et il est reconnu que les besoins de la marine militaire et marchande de France ne s'élèvent pas à plus de 6 millions de pieds cubes.
Outre cette ressource inépuisable par la nature du sol, ne reste-t-il pas encore les forêts du nord, et du surplus de l'est delà France, qui sont considérables, celles de l'intérieur et de l'île de Corse également abondantes en superbes chênes
et sapins de première qualité, et très propres aux grandes mâtures?
Dès que la France pouvait se suffire, obser-vera-t-on peut-être, pourquoi, jusqu'à présent, a-t-on porté son or à l'étranger pour l'achat des bois de marine? D'une part, ne sait-on pas qu'une partie des bois employés sur les ports, comme venant de l'étranger, n'avait réellement cru qu'en France; d'autre part, si l'on en a moins tiré de la Franche-Comté et de l'Alsace que ces provinces n'en pouvaient fournir, c'est uniquement par la raison que le transport par terre et l'ëloigne-ment de l'embarquement en rendait le prix trop dispendieux.
Mais, aujourd'hui que le canal, appelé de Franche-Comté, pour communiquer de la rivière du Doubs à la Saône, au Rhône et à la Méditerranée ; que celui du Charollais, pour arriver de la Saône à la Loire, qui communique parle canal de Briare à la Seine, et se porte dans l'Océan, sont au moment d'être parachevés; aujourd'hui que les travaux du canal de Bourgogne, pour communiquer de la Saône à l'Yonne et à la Seine, se continuent, il ne s'agit plus de décréter l'exécution de celui projeté depuis longtemps pour la jçnction du Doubs au Rhin, en traversantes départements boisés du Jura, du Doubs, des Haut et Bas-Rhin. Alors le centre de la France, sa capitale, ses 3 mers et ses 4 fleuves, communiqueront librement entre eux et avec une grande partie de la Suisse, de l'Allemagne et des Pays-Bas; alors la vente des bois nationaux, dans les départements des provinces de Franche-Comté et d'Alsace, excédera peut-être dix fois, en mieux-value, la dépense du canal; alors ces bois arriveront à peu ae frais dans tous les ports et dans toutes les villes principales de France; l'utilité, la conservation, l'aménagement des futaies seront reconnus et sentis par les propriétaires; alors le commerce prendra une extension sans bornes, tant dans 1 intérieur qu'à l'extérieur. La construction des bateaux, pour la navigation sur les canaux,, se fera à la portée des bois et de l'embarquement; ces bateaux envoyés à leur destination seront chargés, dans la partie supérieure, des marchandises du Nord pour le Midi ; et dans l'intérieur, de fers, de bois de sciage et de merrain, de bois de chauffage et de charbons, de vins, de fromages et de toutes autres productions dont le pays est susceptible, et qui s'accroîtront dès que le débit en sera assuré ; en sorte qu'au moyen des canaux de navigation, les secours d'une extrémité de la France à l'autre se porteront aisément; l'abondance remplacera partout la disette locale; l'entretien des routes sera moins dispendieux ; les bras dés voituriers et la perte des engrais seront rendus à l'agriculture ; la race appauvrie des chevaux se relèvera et servira à monter la cavalerie ; en un mot, la balance de toutes choses commerciales et nécessaires à la société s'établira, et l'on n'éprouvera plus, dans les prix, des variations considérables.
Il doit être démontré que sous les rapports politiques, sous ceux de commerce, d'agriculture et de marine, rien ne s'oppose à l'aliénation des forêts nationales. Je vais, relativement aux finances, en faire sentir l'utilité et le bien général qui doit en résulter. (Applaudissements.) ;
Je considéré tous les Français comme formant une société; èt je compare cette grande association à une famille particulière.
Il est incontestable que plus une famille possède de biens-fonds épars et éloignés les uns des
autres, moins elle peut en surveiller l'administration, et plus elle est obligée d'employer de mains étrangères, et souvent déprédatives ; il est d'expérience aussi que plus les affaires d'un grand propriétaire vont mal, plus celles de ses agents vont bien. (Rires et applaudissements.)
Des ruines d'une part, des fortunes scandaleuses de l'autre, établissent cette vérité.
On peut conclure de là s'il est utile et économique à une grande nation de posséder des biens-fonds, pour les faire valoir, régir et administrer à son compte, sous une forme quelconque, surtout quand on considère qu'en général les places sont uniquement concourues par des motifs d'intérêts, et distribuées à la faveur de l'intrigue. (.Applaudissements.)
Maintenant, je vais présenter l'aperçu du produit des forêts nationales conservées dans les mains de la nation, et le résultat de ce qu'elle peut en tirer en les aliénant.
Lors du rapport fait par M. Barrère à l'Assemblée constituante, le 6 août 1790, le plus fort produit des bois nationaux fut porté à 8,500,000 livres. Peut-être serait-on embarrassé de prouver ce produit effectif pour le passé! Mais aussi, comme l'étendue des forêts pouvait être moins connue qu'aujourd'hui, que l'on les porte à 4 millions d'arpents, j'estime les coupes annuelles, en les vendant à des adjudicataires, 20 millions de livres ; et beaucoup moins, si la nation fait exploiter par régie.
Sur cette somme, il faut prélever les frais de la nouvelle administration forestière ;
Savoir :
5 commissaires, à 8,000 livres chacun,
ci.................
Frais de tournée à 24 livres par jour,
ci.................
Le secrétaire de la conservation, ci....
Les employés nécessaires pour un bureau contentieux, et 5 bureaux de correspondance, ci.......
Le bureau des plans et le traitement des
artistes, ci.........
Hôtel pour loger l'administration et
ses bureaux, ci.....
Frais d'établissement, déport de lettres et paquets, de registres à fournir aux conservateurs, inspecteurs, gardes des forêts, et des marteaux aux conservateurs et inspecteurs,
ci.................
35 conservateurs, à 3,4 et 5,000 livres de traitement, réduit au
taux moyen, ci.....
303 inspecteurs à 2,000,2,500 et 3,000 li-
De cette part..
40,000 liv.
10,000 6,000
72,820 12,000 20,000
20,000
140,000 liv.
Report........
vres aussi réduit au taux moyen, ci..— Gratification prévue aux suppléants ou inspecteurs............
Il faut au moins deux arpenteurs par inspection, à moitié de traitement des inspecteurs, malgré queleur art soit plus rare, et
sans gratification____
Frais de gardes de 4 millions d'arpents, à raison de 10 sous seulement par arpent, ce qui n'est pas moitié du nécessaire pour une médiocre conservation..............
(1) Total de la dépense ..............
Le produit étantde. La dépense de.....
320,820 liv. 757,500
50,000
757,500
2,000,000
3,885,820 liv.
20,000,000 liv. 3.885,820
Il reste net........ 16,114,180 liv.
Sur laquelle somme défalquant le sixième pour imposition foncière (2)............ 2,685,696 1. 13 s.
4 d.
Reste effectif.
13,428,483 1. 6 s. 8 d.
320,820
Pour former la valeur de toutes les forêts nationales dans le cas d'aliénation, il faudrait en connaître exactement les différentes situations, l'essence et l'âge des bois ; mais, comme personne encore ne peut se flatter de réunir ces connais-sences générales, forcé d'avoir recours à des aperçus, je distingue les bois provenant des ecclésiastiques de ceux de l'ancien domaine et des apanages.
Le quart des premiers devait être en réserve pour croître en futaie ;
mais les gros bénéficiers, les abbés-com mandataires n'ont pas été en
peine de se soustraire à l'ordonnance, en obtenant des arrêts du conseil
qu'ils se procuraient aisément par leur crédit personnel et par les
sacrifices pécuniaires des adjudicataires qui connaissaient bien l'art
d'intéresser les secrétaires des grands-maîtres et leurs agents
secondaires. (Applaudissements.) D'où je conclus que ce serait
singulièrement se tromper que de compter sur le quart de ces bois en
futaie.
J'en connais qui ont ensuperficie pour plus de l,000écus.(Applau-dissements et murmures.)
J'observe que, dans l'estimation a 500 livres l'arpent, j'entends dans le fond de la superficie, et j'observe que je connais des parties de forêts qui, quand elles seraient dépouillées de leurs arbres, vaudraient encore le double, comme je connais des forêts dont la superficie vaut plus de 2,000 à 3,000 livres.
Laquelle somme de 86,571,5161.13 s. 4 d. avec les droits de niu-tation et autres accessoires qui résulteraient de ces fonds mis dans le commerce, peut être évaluée à.. 2,000,000 » »
Donnerait une dif- férence de........... 88,571,516 1. 13 s. 4 d.
Outre cet avantage immense pour les finances de l'Etat, il en naîtrait un autre plus considérable encore pour .tous les citoyens de l'Empire, à raison de l'augmentation de l'impôt sur ces nouvelles propriétés à la décharge des anciennes et de la huitième partie des forêts nationales, que l'on suppose pouvoir être mises en culture, et qui, par ce moyen, procureraient 50 millions de journées en défrichements et dessèchements, occuperaient 20 à 30,000 familles de cultivateurs, et fourniraient des récoltes pour faire subsister peut-être 1 million d'individus.
Voilà donc de nouveaux motifs pour livrer dans le commerce les forêts nationales ; et si les riches, les créanciers de l'Etat, les financiers, les maisons étrangères qui viendront s'établir en France, les achètent, tant mieux. Ils les soigneront, ils feront défricher et cultiver les parties qui en sont susceptibles ; les fortunes pécuniaires enfouies se réaliseront, l'agriculture s'améliorera, le commerce se propagerà, le malheureux trouvera facilement à s'occuper.
Il ne faut pas craindre que les défrichements dont nous venons de parler donnent lieu à une
disette de bois ; parce la moitié seulement des forêts nationales conservée en des mains intéressées à leur aménagement, produirait plus de bois que toutes ensemble n'en produisent aujourd'hui dans les mains de la nation.
Si l'on oppose enfin que la nation n'a pas besoin de 2 milliards de ressource pour supporter ses charges extraordinaires èt se libérer de sa dette exigible; que, par conséquent, à supposer qu'elle se décidât à la vente, il suffirait ae le faire partiellement des boqueteaux et bois taillis, en conservant les masses de futaies.
Je répondrai que c'est moins sur les besoins de l'Etat, que sur l'avantage réel résultant de la vente, que je fixe mon opinion; et je soutiens que, sans aucun besoin, l'Etat ne doit point conserver des propriétés stériles dans ses mains, et qui, dans le commerce, seront susceptibles des plus grandes productions, et feront la prospérité de l'Empire français.
Je suis si pénétré de ces vérités, qu'en ne vendant pas les forêts, j'en préférerais la distribution gratuite dans tout le royaume à une conservation nationale (Applaudissements) pour les sortir enfin du gaspillage auquel elles ont été et seront constamment livrées.
Quant à la vente partielle des taillis, pour conserver les grandes masses, à raison des futaies, il suffit, pour en sentir les inconvénients, d'observer qu en général il y a dans ces masses des bois taillis en assiettes réglées : et que d'ailleurs la conservation d'une partie exigerait également une direction dispendieuse et toujours dépréda-tive qu'il s'agit d'éviter.
D'un autre côte si, en aliénant, après avoir acquitté la dette exigible, la nation peut encore rembourser celle à terme dont elle paye de gros intérêts, et surtout des intérêts ruineux vis-a-vis des étrangers, à raison de la perte énorme sur le change ; ne sent-on pas le soulagement qui en résultera pour le peuple? Et s'il reste encore des fonds après ce remboursement, à combien d'objets utiles ne pourra-t-on pas les appliquer? Canaux de navigation à établir ; chemins vicinaux à construire ou à réparer; confection si désirable d'un cadastre général, sans lequel jamais l'impôt ne pourra se répartir avec équité; suppression des douanes qui entravent le commerce, n'offrent à l'Etat que des ressources apparentes et illusoires : encouragements enfin ae toute espèce au commerce et à l'agriculture. C'est alors que la France, achevant la conquête de sa liberté, deviendra l'entrepôt et le siège principal du commerce de l'Europe.
Objectera-t-on encore que si l'on met en vente une masse aussi considérable de biens-fonds, l'aliénation des domaines nationaux, déjà ralentie, pourra se suspendre par la préférence qui sera donnée aux forêts. Mais cette objection se contrarie avec le système que les étrangers ou des compagnies de finances se formeront pour acheter les bois, puisque ni- les uns ni les autres ne se sont coalisés pour spéculer sur les domaines nationaux, auxquels, par conséquent, ils ne porteront aucun préjudice. Et si la vente totale de ces biens n'est pas effectuée, il faut l'attribuer spécialement au défaut de liquidation des créances sur l'Etat, à la lenteur avec laquelle on y procède, à l'incertitude de l'époque à laquelle on pourra être liquidé, et a la suspension indiscrètement proposée des remboursements, proposition qui détermina dans le temps quantité de soumissionnaires à retirer leurs offres.
Si donc l'Assemblée nationale venait à décréter la vente des forêts, il serait intéressant de presser, par tous les moyens possibles, la liquidation et le remboursement des créances, afin de faire cesser les intérêts et de multiplier les enchérisseurs.
Il importerait également, à raison du nouveau gage, de décréter une émission proportionnelle de gros assignats pour solder les fortes créances ; lesquels assignats seraient endossés et signés par ceux qui les fourniraient en payement, pour en éviter la contrefaçon, et s'assurer de leur validité ; il importerait aussi de déclarer que tous créanciers de l'Etat pourraient acquérir proportionnellement à l'aperçu de leurs créances, sans être tenus à aucun payement provisoire, qu'au préalable leur liquidation ne fût définitivement arrêtée ; auquel cas toute compensation respective d'intérêts serait faite, en déterminant encore que jusqu'alors les acquéreurs des forêts ne pourraient s'entremettre dans aucune espèce d'exploitation, à moins de réaliser dans les termes qui seraient prescrits.
11 résulte de tout ce que nous avons dit précédemment que l'aliénation, des forêts nationales offre des avantages réels à l'Etat, soit qu'on les considère quant à leur administration particu- lière, soit qu'on les envisage dans leur rapport avec l'agriculture, le commerce et la marine. Mais cette aliénation exige des opérations préliminaires indispensables. Une partie des forêts est grevée de divers droits d'usage prétendus par les communautés; il faut donc, avant tout, connaître ces droits et les compenser par des cantonnements proportionnels. Cette première opération paraît même nécessaire, soit que la nation aliène ses forêts, soit qu'elle les retienne dans ses mains ; car, dans le premier cas, point d'acquéreurs; et dans le second, point de conservation.
En second lieu, il serait de la sagesse de l'Assemblée nationale de se procurer des corps administratifs tous les renseignements possibles sur les forêts de leur arrondissement, c'est-à-dire, sur leur situation, leur étendue, leur essence, l'âge et la valeur des bois dont elles sont peuplées.
Enfin, pour juger non seulement des ressources actuelles, mais encore des ressources à venir, il conviendrait de se procurer aussi des connaissances détaillées sur les terrains vagues qui, restant sans culture, à raison de la nature du sol, seraient néanmoins susceptibles d'être emplantés et convertis en bois.
Tous ces renseignements pourraient aisément se classer dans des tableaux à colonnes, dont il serait envoyé des modèles aux départements, qui les transmettraient aux districts, et ceux-ci aux municipalités. Ces tableaux, remplis avec zèle et intelligence, rapporteraient à l'Assemblée nationale de grandes lumières sur les ressources de l'Etat; elle en pèserait l'étendue, et déterminerait, dans sa sagesse, les moyens d'améliorer les finances, l'agriculture, le commerce et l'aménagement des iôrêts; elle verrait enfin la possibilité de doubler un jour la population et les productions d'une terre libre; de détruire sans retour la mendicité; de rendre le peuple français le plus nombreux et le plus heureux peuple de l'univers. (Vifs applaudissements.) ?
Voici mon projet de décret :
« Art. 1er. Huitaine après la réception du
présent décret, les procureurs-syndics des directoires de districts des
83 départements du royaume, le feront passer à toutes les municipalités
de leur arrondissement avec les deux tableaux annexés, l'un relatif aux
forêts, l'autre aux terres vagues et marais.
« Art, 2. La première colonne du tableau sur les forêts contiendra le nom du district; la seconde, du territoire ; la troisième, des forêts ; la quatrième, la quantité d'arpents appartenant à la nation; la cinquième, aux municipalités ; la sixième, aux particuliers; la septième, l'essence dominante des bois ; la huitième, leur âge ; la neuvième, la valeur approximative des forêts nationales, quant au fonds; la dixième, celle de la superficie; et la onzième colonne d'observations servira à désigner brièvement la nature des droits d'usages dans les bois nationaux, et ceux de la nation dans les bois des particuliers tenus en gruerie, grairie, ségrairiè, tiers et danger, le nombre des feux et ménages des communautés usagères, la distance des villes, des usines à feu, des rivières navigables et flottables, des canaux de navigation en activité, décrétés ou projetés, et tous autres renseignements utiles.
« Art. 3. La première colonne du tableau, sur les terres vagues et marais, contiendra également le nom du district; la seconde, du territoire; . la troisième, l'étendue approximative des terres vagues à la nation ; la quatrième, aux municipalités ; la-cinquième, aes marais à la nation ; la sixième, aux municipalités; la septième, la quantité propre à la culture; la huitième, aux prairies ; la neuvième, à peupler en bois; la dixième, les essences propres aux terrains ; la onzième, la valeur moyenne des terrains nationaux; et la douzième colonne d'observations servira à désigner plus particulièrement la possibilité des productions que l'on pourrait retirer des terrains incultes, les parties qui autrefois étaient en bois, les causes de leur dépeuplement,
les moyens de repeupler ce qui n'est pas propre à la culture, les genres d'encouragements à fournir aux municipalités; et tous autres renseignements qui peuvent tendre à l'amélioration des communes.
« Art. 4. Dans le mois qui suivra la réception, les municipalités rempliront les tableaux ci-devant mentionnés, les certifieront véritables et les feront remettre au secrétariat de leurs districts.
« Art. 5. Les municipalités ou particuliers prétendant des droits de propriété, d'usage ou de panage dans les forêts nationales, seront, en outre, tenus dans le même délai de remettre au secrétariat, copies de leurs titres collationnés par les membres du directoire, ensemble des
mémoires explicatifs de leurs prétentions pour être compensés par des cantonnements proportionnels et représentatifs desdits droits.
« Art. 6. Dans le mois qui suivra la réception des déclarations, remise de titres et mémoires ci-devant spécifiés, les directoires de districts formeront les tableaux généraux des forêts, terres vagues et marais de leur arrondissement qu'ils feront passer avec leur avis sur les différentes prétentions usagères ou de propriétés aux directoires de leurs départements chargés de donner le leur et de faire parvenir le tout avec les tableaux généraux des départements, dans le mois suivant, au pouvoir exécutif tenu d'en rendre compte au Corps législatif, huitaine après chaque réception.
Tableau. 20
PREMIER TABLEAU. DÉPARTEMENT.
ÉTAT des forêts situées dans le département d.
OPINION ET PROJET DE DÉCRET PAR M. VUILLIER,
districts.
NOMS DES
territoires.
forêts,
ÉTENDUE EN ARPENTS DES FORÊTS APPARTENANT
à la nation.
aux municipalités.
aux particuliers.
ESSENCES DOMINANTES
ET AGES DES BOIS.
Essences.
Ages.
VALEUR MOYENNE DIÇS FORÊTS NATIONALES PAR ARPENT, QUANT
au fonds.
au bois.
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DEUXIEME TABLEAU. DÉPARTEMENT.
ÉTAT des terrains vagues et marais appartenant a la nation et aux municipalités.
OPINION ET PROJET DE DÉCRET PAR M. VUILLIER.
NOMS DES
districts.
territoires,
ÉTENDUE ET NATURE DES TERRAINS.
TERRES VAGUES.
à la nation.
aux municipalités.
QUANTITÉ PROPRE
MARAIS.
à la nation.
aux municipalités
à la culture.
aux prairies,
à peupler en bois.
ESSENCES PROPRES aux terrains.
VALEUR MOYENNE des terrains nationaux.
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Plusieurs membres demandent l'impression du discours et du projet de décret de M. Vuillier.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Vuillier, et ajourne à huitaine la suite de la discussion.) (1).
Je rappelle à l'Assemblée que le comité d'agriculture s'occupe d'un objet essentiel pour l'agriculture, le dessèchement des murais. D autre part, le ministre de l'intérieur ne vous a pas rendu compte des renseignements qu'il doit avoir reçus des départements, sur la nature des marais, et sur les dessèchements à faire. Il est important que le décret rendu par l'Assemblée constituante soit exécuté. Il tend à rendre à l'agriculture 8 millions d'arpents de terres, actuellement couvertes par les eaux. Je demande que le ministre de l'intérieur soit tenu de rendre ce compte dans 8 jours.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Brous-sonnet.)
, ministre de la guerre. Messieurs, un décret du 24 février dernier (2) prescrit aux ministres de rendre compte à l'Assemblée de l'exécution de la loi du 16 octobre dernier, relative aux fonctionnaires publics qui ont protesté contre l'Acte constitutionnel, ou qui n'ont pas prêté les serments prescrits par les lois. Il leur est enjoint eh même temps de rendre compte des causes qui ont retardé 1 exécution de ce décret. J'observe que tous les officiers de l'armée de terre, qui n'ont pas prêté le serment exigé d'eux, ont été remplacés. Il a été déjà rendu compte à l'Assemblée de ces remplacements, et je ne connais dans l'armée aucun officier, soit parmi les officiers généraux, soit parmi les officiers particuliers ni aucun autre fonctionnaire public attaché au département de la guerre qui ait conservé son emploi sans s'être conformé à cette formalité. Quant à ceux qui peuvent avoir protesté contre l'Acte constitutionnel, je ne les ai jamais connus d'une manière authentique. Cependant, il a paru une protestation imprimée et signée de plusieurs memores de l'Assemblée nationale constituante, parmi lesquels se trouvaient quelques militaires. Les uns étaient réformés par la nouvelle organisation militaire et n'ont pas été remplacés. D'autres, qui étaient restés en activité, ont été remplacés. Je mets sur le bureau la liste des membres de l'Assemblée constituante qui ont protesté.
L'Assemblée a aussi décrété qu'il lui serait rendu compte des raisons du
retard qu'éprouvent les remplacements à tous les emplois vacants de
l'armée. Je vais avoir l'honneur de lui soumettre quelques observations
qui peut-être ne seront parfaitement saisies que par ceux qui ont
examiné avec attention les nouvelles lois militaires, relatives à ce
remplacement. Ils verront que ce retard vient uniquement des difficultés
qu'entraînent les dispositions de cette loi, mais d'aucun défaut de zele
ou de surveillance de la part de ceux qui sont chargés de leur
exécution. La loi du 6 août 1791, dont l'effet a été prorogé, par décret
du 11 décembre, jusqu'au 1er février 1792, et que des émigrations
nombreuses rendait nécessaire, m'a servi de guide'; mais elle a
rencontré dans son exécution des difficultés minutieuses que
l'expérience seule a pu faire reconnaître.
L Assemblée, en décrétant que le ministre de la guerre serait tenu d'effectuer les remplacements avant le 1er février et de lui remettre à cette même époque les procès-verbaux de revue, n'avait pu prévoir que le plus grand nombre de ces procès-verbaux ne me parviendraient que dans les derniers jours de janvier et que d'autres n'arriveraient que le 15 février. J'écrivis en conséquence une lettre sévère aux régiments en retard pour leur ordonner de se conformer à la loi, quoique plusieurs trouvassent leur excuse dans le grand nombre de détachements qu'ils fournissent à des distances très éloignées les unes des autres. J'attends encore aujourd'hui les procès-verbaux de revue de trois régiments et de quelques compagnies détachées. L'Assemblée sentira que ces revues ont dû retarder un travail qui ne pouvait être fait pour chaque régiment en particulier, mais d'une manière générale pour toute l'armée, et qui se trouve forcément arrêté toutes les fois qu'on n'a pas la preuve légale de la présence ou ae l'absence des officiers.
Ce n'est pas là le seul obstacle qui ait entravé la marche ae mes bureaux. Les premières vérifications faites, il a fallu constater les services de chacun des sujets qui se présentaient pour obtenir de l'avancement et les titres de ceux qui sollicitaient leur admission dans les corps. Pour opérer le remplacement des places vacantes dans les différents régiments par les lieutenants de ces mêmes régiments, suivant leur rang d'ancienneté, il a fallu établir ce rang, et, pour y parvenir, relever sur des papiers séparés les services des lieutenants ou sous-lieutenants afin de connaître non seulement leur rang dans l'armée, mais même celui qu'ils doivent tenir dans le régiment où ils sont. Presque tous, en effet, sont susceptibles de différentes dates, les compagnies ayant vaqué à différentes époques, et il est très essentiel ae ne pas donner dans un régiment une compagnie d'une date antérieure à un lieutenant moins ancien de service, au détriment d'un autre lieutenant plus ancien de service.
La moitié des places vacantes dans l'infanteFie est destinée à des lieutenants et sous-lieutenants retirés ou réformés. La vérification des différents certificats que la loi du 11 décembre exige d'eux pour leur service dans la garde nationale, et leur attachement à la Constitution, n'a pas laissé d'exiger beaucoup de temps.
Le travail du remplacement des troupes à cheval, quoique moins compliqué par sa nature et le nombre des régiments, a été aussi retardé par la réclamation qu il a été de mon devoir de pré* senter à l'Assemblée au nom des lieutenants moins favorablement traités que ceux de l'infanterie, et sur laquelle le comité militaire a longtemps fait espérer son rapport. 11 a fallu aussi déterminer un mode dont le principal inconvénient était que la plupart des officiers nommés aimaient mieux sacrifier leur avancement que de quitter leur corps pour passer dans d'autres. J'ai tâché d'y suppléer en ordonnant que dans les troupes à cheval, comme dans l'infanterie, ils puissent passer plusieurs ensemble, et dans les garnisons les plus prochaines, afin de les mettre à même d'être plutôt rendus à leur destination,
et de leur éviter des frais de route très considérables. Le roi a cru devoir prévenir, par des lettres d'avis, les officiers nommés qu'ils seraient censés quitter le service s'ils refusaient l'avancement que la loi leur assignait.
Après avoir rendu compte à l'Assemblée des difficultés de mon travail, je lui dois celui de l'état actuel du travail. Tous les officiers supérieurs, colonels et lieutenants-colonels, sont nommés et avertis de se rendre à leurs postes au 15 mars; les brevets de capitaine sont délivrés; j'aurai ensuite à diriger mon zèle et mon activité vers le dépouillement des lieutenances, des sous-lieutenances vacantes, dont la somme totale ne peut être connue avant d'avoir terminé les grades supérieurs. Il reste encore 1,000 places de ces grades inférieurs à conférer moitié aux sous-offxciers des corps, moitié aux gardes natior naux. Il résulte de tous ces détails, que j'aurais voulu épargner à l'Assemblée, que depuis que je suis entré au ministère, j'ai eu à remplacer un quart des emplois de l'armée indépendamment e ceux qui vaquent tous les jours par suite de démissions nouvelles, que je n ai pu commencer ce travail que dans les derniers jours de janvier, et qù'il sera terminé â la moitié de mars.
Je ne puis concevoir comment des citoyens, étrangers aux détails de l'administration, ae la guerre, puissent croire que dénoncer le ministre est un de leurs devoirs les plus sacrés. Mais est-il permis qu'un membre du comité militaire, aussi instruit que moi de tous les détails dont je viens de parler à l'Assemblée, croie de son devoir (car Ie devoir seul peut faire trouver un nouveau charme à faire tous les jours des dénonciations) de chercher à inculper un ministre, lorsque tous ses moments et tous ses sentiments appartiendront, jusqu'à son dernier soupir, à la défense de la liberte! (.Applaudissements.)
J'ai eu l'honneur de rendre compte à l'Assemblée d'une lettre qui m'annonçait Vinsubordination du 45e régiment et son refus d'exécuter des règlements militaires ; c'est avec plaisir que je vais lui soumettre la lettre de M. ae Collincourt, qui avait été chargé des ordres du roi.
« Monsieur, je suis au comble de la joie, et j'espère que vous la partagerez en apprenant qu'enfin le 45e régiment s'est soumis à la loi, et que dès demain matin il commencera à exécuter à la lettre les différents articles du règlement militaire de police et de discipline intérieure d'infanterie. Trois députés de ce régiment, qui reviénnént à l'instant de Béthune, espèrent toujours, au nom du corps, qu'il ne sera que provisoire, ayant demande à l'envoyer à l'Assemblée nationale, pour v solliciter quelques changements je n'ai pu le leur refuser, puisqu'ils ont obéi, etc. »
L'Assemblée voit, d'après cette lettre, que des députés du 45® régiment vont arriver auprès d'elle; elle trouvera peut-être qu'il lui convient d'examiner s'il n'y a rien dans les ordonnances militaires qui contrarie les décrets sanctionnés par le roi; mais elle pensera sûrement que là finissent ses devoirs et ses droits. Une résolution différente empiéterait sur les droits et les rapports qui doivent exister entre le chef du pouvoir exécutif et l'armée, et, en la désorganisant, porterait atteinte à la prérogative royale fixée parla Constitution; cette prérogative, devenue la propriété de la nation, doit être également défendue par les citoyens et par les ministres. (Applaudissements.)
le jeune. Lorsque j'ai entendu M. le ministre de la guerre m'inculper, j'ai pensé que probablement c'était dans un journal qu'il avait vu que c'était moi qui avais demandé qu'il donnât l'état des revues passées conformément à la loi. Ce journal l'a trompé, ce n'est pas moi ; mais comme je suis du comité militaire, je mettrai l'Assemblée à même de juger cette question.
L'Assemblée a ordonné, par sa loi sur le remplacement des officiers, que le ministre remettrait, le 1er février au plus tard, l'état des revues qui seraient passées dans les différentes garnisons du royaume. Le ministre de la guerre, au lieu de satisfaire au décret, n'a remis au comité militaire qu'une copie des relevés de ses revues, et nullement les originaux des procès-verbaux. Je demande donc que, en exécution de la loi, le ministre soit tenu de remettre les originaux des procès-verbaux de revue qui lui ont été remis par les corps administratifs et les municipalités.
, ministre de la guerre. J'aurai l'honneur d'observer à l'Assemblée que la motion faite par le préopinant a déjà été présentée il y a quelque temps à l'Assemblée: que j'ai osé représenter à l'Assemblée que si j étais obligé de donner sur-le-champ les pièces, bases de mon travail, rien ne l'aurait retardé davantage. L'Assemblée daigna applaudir à cette observation, et a permis que je ne lui présentasse ces pièces qu'à la fin de mon travail sur les remplacements.
Voix diverses: C'est juste! L'ordre du jour 1
le jeune. Je demande que la loi qui enjoint aux ministres de remettre au comité militaire les procès-verbaux des revues, soit sévèrèment exécutée. Si le ministre én veut des copiesj rien n'est si facile que d'en faire prévenir des écrivains. La nation paye assez de commis pour cela. (Applaudissements dès tribunes.)
Plusieurs membres : Non! non ! L'ordre du jourl
l'aîné. C'est moi, Monsieur le Président, qui avais demandé que le ministre de la guerre fût tenu de rapporter les procès-verbaux des revues; mais j'ai observé à ce sujet, que le ministre ne pouvait pas continuer, la nomination des officiers, attendu qu'il y a un article du décret du 29 novembre qui lui interdit de continuer ses nominations, passé le 1er février. Par conséquent, il est donc impossible que M. le ministre de la guerre continue son travail. Voilà sur quoi il faut que l'Assemblée statue.
L'Assemblée nationale a rendu une loi, par laquelle elle obligeait le ministre de la guerre à rendre compte, le 1er février, de tous les états de revue, ainsi que dés remplacements qu'il aurait faits, et qu à cette époque, il cesserait de les faire. Le ministre se trouva à cette séance et objecta qu'il ne pourrait pas faire son travail, s'il était tenu de remettre ces pièces... L'Assemblée passa à l'ordre du jour en les lui laissant; je me souviens de cela et j'ajoute qu'il faut dire la vérité aussi bien en faveur du ministre, que contre le ministre. (Rires prolongés.) M. Carnot dit aujourd'hui que le ministre doit cesser de faire ces remplacements, parce que vous lui avez fixé l'époque au 1er février. Je dis, au contraire, qu'ils doivent être continués parce qu'à la dernière séance où vous avez agité cette question, vous avez également passé à l'ordre du jour, et vous avez ordonné que le ministre
continuerait les remplacements: d'ailleurs, Messieurs, voulez-vous tous les jours faire une nouvelle loi pour des remplacements? Sur quelle façon, et que -— tre? vous avez fait une loi pour le remplacement des officiers de l'armée : il faut que cette loi soit exécutée jusqu'à la fin. Toutefois, je demande, en même temps, qu'il soit fixé un de-lai au ministre de la guerre; et ce délai, je propose que ce soit tout le mois de mars.
le jeune renouvelle sa motion.
J'appuie la proposition de M. Rouyer par une raison Jbien simple : c'est que si les nominations ne continuent pas à se mire, et qu'il faille attendre le concours, ce sera à ne jamais finir; mais je demande, en outre, que tous les procès-verbaux soient portés au comité militaire à la fin du mois de mars : ils serviront au comité militaire, pour savoir si la marche du ministre a été légale. Je me résume, et je demande que l'Assemblée nationale décrète : 1° que le ministre pourra continuer la nomination des officiers pendant tout le mois de mars, et que le premier jour d'avril, tous les procès-verbaux de revue seront remis au comité militaire.
Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Rouyer I
le jeune insiste pour obtenir la parole.
renouvelle sa proposition.
le jeune. Je demande la division de la proposition de M. Rouyer et je propose : l° que la première partie de sa proposition, tendant à autoriser ^ remplacement des officiers pendant le courant de mars, soit renvoyée au comité militaire, afin qu'on ne prononce pas aussi légèrement sur une question de cette importance; 2° que les procès-verbaux de revue soient déposés immédiatement au comité militaire où le ministre pourra en faire prendre copie.
Cette motion n'est fondée sur aucun motif plausible. Peut-être dans 15 jours il faudra que les officiers aillent défendre la Constitution, et il est sans doute nécessaire qu'ils soient nommés auparavant. J'appuie la motion de M. Dubayet.
demande la parole pour énoncer un fait. Il rappelle que l'Assemblée a renvoyé à son comité la question de savoir si, pour opérer les remplacements, on permettrait aux militaires de monter par rang d'ancienneté, et observe que les propositions faites, tendent à décider cette question. (Murmures.)
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Aubert-Dubayet et la décrète sauf rédaction.)
Suit la teneur de ce décret :
« L'Assemblée nationale, voulant que le remplacement des officiers de l'armée n'éprouve aucun retard, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Tous les emplois vaquants ou qui viendraient à vaquer d'ici au 1" avril prochain, seront remplaces suivant le mode prescrit par la loi du
11 décembre dernier, concernant les remplacements des officiers de l'armée; et le ministre de la guerre sera tenu de déposer au comité militaire, le 1er avril, tous les procès-verbaux des revues. »
annonce une lettre de M. Pé-tion, maire de Parist sur la vente des domaines nationaux.
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion de M. Rougier-La-Rergerie, député du département de VYonne, membre du comité d'agriculture et de la Société d'agriculture de Paris, sur l'aliénation et l'administration des forêts nationales, proposée à l'Assemblée nationale.
Messieurs, la question de l'aliénation des forêts présente un intérêt si vaste, que la prospérité de la France et des générations futures peut résulter du décret que vous rendrez. Cette première idée, vraie dans tous ses rapports, démontrée par l'expérience de plusieurs siècles, appelle donc l'attention la plus sévère et l'examen le plus approfondi, de la part de l'Assemblée nationale.
Je vais essayer de démontrer : 1° que delà conservation de la masse actuelle de tous nos bois et forêts dépend essentiellement la permanence de la fertilité du sol de la France; 2° que tout système d'inaliénation d'une grande étendue de territoire, dans un royaume agricole, peuplé et commerçant, est funeste à la chose publique; 3° que l'aliénation aux citoyens de l'Empire, d'une partie du domaine national, de celle surtout qui exige une administration active, soignée et continue, ne présente, avec quelques précautions, aucun danger de destruction;'4° enfin, qu'il sera prudent de conserver ces parties de bois, que la nature a mis plusieurs siècles à produire.
J'ai cru important de fixer d'abord l'attention-de l'Assemblée nationale sur les effets physiques des arbres, parce qu'il n'en a été question, ni pendant la conférence des 5 comités, ni à la tribune; je ne me suis attaché qu'à quelques idées élémentaires, et à quelques exemples frappants, parce que j'ai pensé que de longs développements étaient inutiles pour l'Assemblée nationale; je l'ai fait, surtout, parce que cette question ayant excité quelques exaspérations lorsque des membres ont manifesté leur opinion pour la vente des forêts, j'ai cru devoir justifier, ou plutôt fortifier la mienne, par quelques réflexions qui prouveront à ceux que toute espèce
de vente irrite, que ceux qui ont cette opinion, peuvent aussi avoir quelques raisons physiques, même politiques, pour se déterminer à la proposer.
Si les législateurs français, en quelque temps que ce puisse être, abandonnaient, par système, ou par indifférence, l'existence des bois et forêts aux intérêts personnels des citoyens pris individuellement, le sol que nous habitons perdrait bientôt la cause la plus active, la plus immédiate de sa propérite ; les ressources de l'agriculture et du commerce s'affaibliraient insensiblement, la population décroîtrait dans la même proportion, et la fertilité du sol disparaîtrait de plusieurs contrées.
Jetons un coup d'œil rapide sur les effets des bois et forêts : cet examen est digne, surtout> des législateurs d'un peuple libre, pour lesquels l'avenir et le bonheur des générations futures excitent une douce et active sollicitude : ils diffèrent en cela des conseillers des rois et des despotes, pour lesquels le bonheur, ou plutôt la jouissance du présent, est tout le terme de leur prévoyance : pour les premiers, le cours de la vie de la nature est trop rapide, la réalité du bonheur s'échappe avec vélocité ; pour les autres, au contraire, les idées de bonheur, de l'avenir et du temps, sont des chimères, et sôuvent dés furies qui les tourmentent.
Le territoire actuel de la France était autrefois couvert de forêts; l'ombre et une épaisse humidité interceptaient les rayons du soleil, et les plantes céréales acquéraient lentement le degre de maturité. Nos départements méridionaux, couverts aussi dé forêts,' principalement les contrées que parcourent la Haute-Loire et la Saône, étaient soumis à une température très froide; les fruits y mûrissaient beaucoup plus tard qu'à présent; les pays qu'arrose là Seine éprouvaient des hivers aussi rigoureux que ceux qu'on éprouve maintenant en Suède et en Russie.
Alors, sans doute, il était utile pour la fécondité du sol de diminuer la masse des forêts; les Gaulois et les Germains les reculaient de leurs habitations à l'aide du feu; un long entassement de substances végétales, vivifié par l'astre du jour, fournissait des récoltes abondantes, comme le sol dé l'Amérique en a produit après la destruction des forêts.
Brûler et ensuite défricher, telle était alors toute la science de l'agriculture ; telle est aussi la cause, mais trop longtemps prolongée, qui a fait disparaître tant de forêts. L'épuisement de la terre végétale s'est bientôt fait sentir dans lès contrées où il y a beaucoup de montagnes. L'aisance et la population en ont aussi disparu; et si la dévastation, l'art, ou même la manie des défrichements, n ont pas dégarni de bois la presque totalité du sol de la France, nous le devons principalement au monachisme, et au goût sauvage, puis féodal, de la chasse.
Quelques hommes plus éclairés, il est vrai, conseillèrent à nos premiers rois des mesures pour la conservation des forêts ; mais les défenses devenaient nulles dans le territoire d'une foule de petits souverains et de seigneurs de fief; et on a vu en moins de 3 siècles disparaître plus de 12 millions d'arpents de bois.
Louis XIV, le plus puissant, le plus absolu des rois, nous donne à cet égara un exemple frap- pant des abus de la cour : c'est lui qui a rendu les ordonnances les plus sévères contre la destruction des bois; et, c'est sous son règne que
la dévastation a été au comble, en distribuant à ses courtisans une quantité prodigieuse de forêts que le luxe, qu'il autorisait à sa cour, forçait ensuite d'abattre pour le soutenir, et sans lequel il était si difficile d'y paraître
Au terme où nous en sommes aujourd'hui, l'existence des forêts est absolument nécessaire pour développer tous les principes de la nature. Ce sont les forêts qui contribuent si puissamment à faire dilater et prospérer tous fes végétaux, depuis l'herbe des prairies, jusqu'aux chênes les plus altiers. C'est du séjour des forêts que l'on voit sortir les sources qui fécondent nos campagnes, les rivières et les fleuves qui répandent au loin cette fraîcheur salutaire qui vivifie tout. Le sommet des arbres agite les nuages, attire les vapeurs de l'atmosphère et sollicite des pluies pour la terre : elles se conservent et s'echappént lentement sous les couches épaisses et spongieuses des terres abritées par les arbres, et après avoir donné la vie et la fécondité aux arbres, elles se répandent ensuite dans la plaine. C'est au milieu, c'est auprès dé ces masses vivantes de forêts, que toutes les plantes se fécondent et se mûrissent, que les roséés sont abondantes, que les hommes sont plus forts, les animaux plus robustes, et, d'après un célèbre naturaliste, que les eaux mêmes sont plus salubres.
Si ces vérités qui n'ont été aperçues, il y a un siècle, que par quelques savants, et d'autant moins connues par les hommes d'Etat, que ceux-ci ne prenaient ordinairement aucun intérêt, ni aux sciences, ni à l'avenir, pouvaient encore paraître douteuses à quelques esprits, il est facile de les persuader par des exemples, qui laissent dans Pâme du savant et du législateur une impression alarmante et profonde.
Rappelons-nous ce qu'était autrefois l'Asie, la Haute-Egypte, la Perse et l'Arabie; rappelons-nous surtout ce qu'était la Grèce, cette contrée si fameuse que nous célébrons encore nous-mêmes, qui a donné naissance à tant d'hommes illustres, où la beauté et la fertilité du sol invitaient tous les peuples à vivre sous ce climat fortuné, et où maintenant des chaînes de montagnes n'offrent plus que des rochers brûlants où le voyageur peut à pèine trouver les cités et les monuments de ce peuple célèbre : de vastes forêts couvraient une partie de ces régions, et modéraient les ràyons brûlants du soleil; tous les jardins étaient ornés et couverts d'arbres utiles et précieux : la première, la plus célèbre peut-être des académies, se tenait dans un verger. Mais le despotisme et l'esclavage, pour les* quels l'amour aes sciences, le cours de la vie, les saints noms de patrie et de citoyens étaient des objets importuns ou indifférents, ont détruit les arbres et les forêts; des déserts brûlants gisent maintenant où étaient autrefois des contrées fertiles, et des millions d'hommes ont disparu avec l'épuisement et le dessèchement de la terre. Ainsi, et par les mêmes causes, on a vu diparaître plusieurs fleuves et rivières dans l'Arabie et l'Afrique.
L'Espagne offre depuis longtemps une température plus aride ; plusieurs savants nous attestent que le volume d'eau de quelques fleuves et rivières y a diminué. Le peuple de ce royaume, heureusement, a conservé un goût pastoral ; une quantité immense de terrains et de montagnes n'est employée qu'au pâturage des bestiaux; la verdure, les broussailles et les arbres qui couvrent ces montagnes y entretiennent encore
l'humidité, et rendent moins rapide l'épuisement de la terre végétale; et si l'Espagnol eût travaillé avec le fer les flancs de ces mêmes montagnes, plusieurs de ses provinces ne seraient aujourd'hui que des déserts.
La France même offre des exemples de ces effets : les pays à coteaux sont en partie ruinés depuis les grands défrichements ; les bois qui en sont disparus n'y retiennent et n'y appellent plus les eaux de pluies ; il ne peut plus s'y former de couches ae terre végétale ; la succession des récoltes et des travaux a insensiblement facilité aux pluies les moyens d'entraîner dans les ruisseaux et rivières les terres qui couvraient ces montagnes, et que la culture tenait comme suspendues, et il n y est plus resté qu'un tuf pierreux ou de vastes rochers.
La partie des départements connue jadis sous le nom du Haut-Languedoc, les montagnes des Cévennes, les coteaux de Nemours, la Provence couverte de bois lorsque les Phocéens vinrent s'y établir, en fournissent des exemples palpables : le défrichement de ces montages couvertes de bois, en a fait disparaître des fontaines; des traces authentiques et des monuments en attestent l'existence.
La Bourgogne offre de tels exemples : des forêts couvraient ses nombreuses montagnes, principalement depuis Autun jusqu'à Fontainebleau ; d'anciens écrits parlent de ruisseaux servant dé limites, dont on ne retrouve plus que les traces ; de hameaux où il y avait des fontaines, et où on reconnaît à peine l'endroit où elles étaient. J'atteste ces faits comme ayant les preuves.
La rivière d'Yonne, d'après l'histoire de ce pays, y était beaucoup plus considérable autre-lois ^ puisqu'elle était navigable 4 lieues au-dessus de 1 endroit où elle commence à l'être aujourd'hui.
L'histoire de Paris atteste que la Seine était beaucoup plus considérable; l'arrivée de plusieurs navires du second ordre près le Louvre, confirme cette assertion.
C'est à la disparition du bois sur le sommet des montagnes, qu'il faut attribuer le changement de température, la ruine de plusieurs cantons dans le ci-devant Dauphiné et le Languedoc, et la gelée des oliviers pendant les hivers de 1776 et 1781, quoique moins forte que celle de 1709. La cause en est sensible : les coteaux couverts de bois étaient plus élevés, et les abritaient davantage contre la rigueur du froid et des vents du nord; l'abaissement qui en est résulté par la coupe des bois et la dégradation de la terre défrichée, a changé ce climat ; aussi on ne voit plus aujourd'hui que quelques oliviers à Montélimar, où ils croissaient autrefois avec tant de succès et d'abondance.
C'est après avoir .médité la cause de l'épuisement des terres et de la stérilité actuelle de tant de pays déserts, et autrefois si fertiles et si peuplés, que Léopold, dont les savants, les philosophes et les peuples agricoles auraient longtemps honoré la vie et la mémoire, s'il se fut montré aussi ami de la liberté que des sciences et des arts, rendit une ordonnance digne à la fois de Trajan, de Pline et de Buffon, lorsqu'il était grand-duc de Toscane, par laquelle il n'était permis de défricher les coteaux qu à une certaine hauteur, et sous la condition expresse que la partie supérieure serait préalablement plantée en bois.
Quelle différence entre Léopold empereur, et
Léopold grand-duc de Toscane! L'un ne songeait qu'à une domination souveraine et excessive, voulait dicter des lois aux peuples voisins ; l'autre, au contraire, semblait n'aspirer qu'à être le premier citoyen d'un petit canton de l'Italie, et à faire des lois sages et bienfaisantes.
Quelle grande leçon pour les peuples de l'univers contre les despotes 1 II est donc vrai que la perversité du cœur de l'homme est presque toujours en raison du pouvoir qui lui est déféré, et du théâtre sur lequel il est placé. Heureux, mille fois heureux celui qui se borne à la sainte médiocrité, et à la culture de son champ, puisqu'il est sûr d'être heureux, bienfaisant, de servir et d'aimer la patrie !
Législateurs, profitez de cette grande vérité ; écartez loin du peuple la misère : dirigez toutes vos lois vers une aisance qui soit principalement le résultat du travail et de l'industrie; mais, surtout, veillez sans cesse contre la souveraineté d'un seul, et vous veillerez contre le despotisme et la tyrannie.
Après avoir fait une telle profession de foi : après avoir établi et démontré que la prospérité et la durée de l'Empire dépendent aussi immédiatement de la conservation de la masse actuelle de nos * bois et forêts, la conséquence paraît devoir être qu'il serait dangereux d'aliéner, parce que les spéculateurs, les égoïstes, pourraient faire disparaître beaucoup de forêts, et porter ainsi atteinte au bien public ; mais cette crainte est-elle fondée? c'est ce qu'il s'agit de bien examiner.
Il est de principe incontestable que dans un Etat agricole, il faut mettre toutes les parties du territoire dans le commerce de la société, pour attacher le citoyen à sa patrie, le lier aux grands intérêts publics, et surtout lui. inspirer Pamour du travail. Je vais plus loin, et je soutiens qu'un Empire dans lequel la liberté de l'homme est reconnue et consacrée par l'universalité des citoyens, et dont la population est très considérable, ne peut avoir de stabilité que lorsque la majorité a des propriétés foncières, et que presque tous sont occupés à des états ou professions qui font œuvrer de préférence des matières premières que cette même patrie a produites : l oisiveté, la misère d'un grand nombre de citoyens, l'ambition, l'orgueil et les préjugés des autres, peuvent donner lieu à des secousses violentes ; ae grands exemples anciens et récents attestent cette vérité.
Le système de l'inaliénabilité est dangereux et insocial : déjà nos lois nouvelles ont rendu hommage au principe contraire, soit [en détruisant la primogéniture qui perpétuait féodale-ment de vastes propriétés, soit en prescrivant pour la vente des biens nationaux la division. Il faut que cette législature consacre plus particulièrement ce principe, en aliénant les biens-fonds de quelques castes qui en font un si mauvais usage, en partageant des biens communaux abandonnés à la stérilité. La politique, la justice distributive exigent une loi qui provoque les citoyens peu fortunés, les artisans qui ont quelques épargnes, à acheter une propriété foncière, plutôt que de leur offrir ou souffrir ces établissements purement pécuniaires, où se confondent, et des spéculateurs avides, et des citoyens de bonne foi, où ces derniers sont toujours dupes des autres; ces établissements où l'homme s'habitue à ne connaître rien au-dessus de l'or, où le citoyen qui pourrait être agriculteur, commerçant et père de famille, devient
presque toujours un rentier égoïste, ou un inquiet agioteur.
Pour diriger l'opinion publique et l'intérêt des citoyens vers les propriétés foncières, il faudrait exempter de tout droit d'enregistrement, de toute taxe additionnelle à la contribua tion foncière pendant 5-ou 10 ans, ceux qui n'ayant aucune propriété foncière, en acquerraient une jusquà la concurrence de 1,000 livres.
Sous ce rapport seul, l'aliénation des forêts peut hâter et consolider la prospérité publique ; mais il ne sera pas difficile de démontrer que l'intérêt général la sollicite. En effet, c'est une monstruosité en agronomie et en administration que de confier à une régie stipendiée les forêts nationales, qui exigent des soins multipliés, nécessitent, surtout à certain âge, des réparations et une garde assidue, comme les particuliers ne cessent d'en donner aux bois qu'ils possèdent ; d'où il résulte évidemment que des particuliers emploieraient des milliers de bras.
Qui de nous, dans cette Assemblée, à qui le régime forestier n'est pas inconnu, ne sait pas que l'ancienne administration, que celle qu'a adoptée l'Assemblée constituante, que toutes celles mêmes qu'on pourrait imaginer avec un régime uniforme, ne sont toutes que de vastes théories, inapplicables en pratique à l'excessive diversité du terrain, à la multitude si variée des espèces d'arbres forestiers? Cette variété incontestable exige (nécessairement des détails qu'on ne peut suivre qu'en étudiant la nature du terrain et du climat, et surtout en prenant à la chose un intérêt particulier.
N'est-il pas absurde que l'ordonnance de 1669 ait prescrit pour toutes les forêts un seul et même aménagement? Qu'est-il résulté de ce régime? Dans telle forêt, une espèce de bois de peu de valeur a prévalu sur une autre plus précieuse ; dans une autre contrée, on a laissé croître en futaie une partie qui n'eut été bonne qu'en taillis, et on a aménage ailleurs en coupe de taillis des parties de forêts qui eussent produit de superbes futaies.
Serait-il au pouvoir de l'Assemblée nationale d'en varier les règles et les principes, d'après les localités qui varient dans la même forêt, mais encore dans le même canton, et souvent dans le même arpent ? et cependant l'état actuel de nos forêts n'exige-t-il pas un aménagement, un repeuplement et un meilleur entretien ? Or, je le demande : qui pourra se livrer à tous ces travaux avec plus de succès pour la chose même, ou des propriétaires, ou préposés à une régie ? Ceux qui ont connu l'ancienne administration forestière savent combien ces divers travaux ont donné lieu à des abus déprédateurs et à des dépenses excessives : la note la plus curieuse peut-être des comptes pûblics, serait celle des repeuplements et entretien des forêts.
On a vu des hommes, préposés à cette garde, assez pervers pour abandonner au dégât des parties de forêts ; les uns, pour profiter des amendes et des procès ; les autres, les tolérer pour avoir l'occasion de faire les frais d'un repeuplement.
Puisque les forêts nationales ont un si grand besoin d'un meilleur aménagement, d'être repeuplées et entretenues, que ces soins sont incontestablement mieux administrés par des propriétaires que par des gens gagés, il résulte en second lieu, que l'aliénation de partie des forêts est très utile à la chose publique.
D'autres motifs puissants se joignent aux premiers : le Trésor national ne dépenserait pas 3 millions pour cette régie bursale ; 3 millions, au contraire, augmenteraient les recettes nationales par le produit des impositions. Les mutations, les marchés, les transactions qui se feraient entre citoyens, procureraient des sommes immenses; le droit d'enregistrement est le seul impôt indirect qui vienne avec efficacité et sans aucun abus de fiscalité, au secours des propriétés foncières. L'agriculture sollicite de toutes parts un allégement d'imposition qu'elle a droit d'espérer, quand les circonstances difficiles où nous nous trouvons ne nécessiteront pas des dépenses extraordinaires.
Il serait donc impolitique de laisser une aussi grande masse de territoire hors du commerce, d'abandonner à la dévastation ou à l'inculture et aux usurpations, tant de milliers d'arpents en friche ou dévastés, que des particuliers feraient croître en belles forets.
Tous les citoyens sont intéressés à cette mise de biens-fonds dans le commerce : ceux qui ne sont ou n'ont été que rentiers ou capitalistes, peuvent devenir propriétaires fonciers; ceux qui sont déjà propriétaires, peuvent, en achetant des parties de forêts, vendre ou céder à des citoyens nos propriétaires des terres labourables, des herbages et des vignes. L'aliénation des forêts ne peut donc que multiplier le nombre des propriétaires et faire travailler un grand nombre de citoyens, c'est-à-dire hâter la prospérité de l'agriculture.
La morale se réunit à tous les principes et à toutes les considérations que j'ai déjà exposées. Et, en effet, cette armée de gardes forestiers ferait une guerre perpétuelle aux citoyens riverains. La loi du 29 septembre les provoque et les encourage à la faire, en donnant une portion des amendes en gratifications ; la modicité du traitement de ces gardes ne justifie que trop ces conjectures.
Combien de fois n'a-t-on pas vu ces gardes royaux et féodaux conduire eux-mêmes les bestiaux dans de jeunes taillis, pour faire ensuite un procès qui leur profitait, et par le bénéfice de l'amende, et par la confiance qu'ils obtenaient ou usurpaient de leurs supérieurs?
Les propriétaires particuliers, au contraire, ont un très grand intérêt à ne pas tourmenter ni vexer leurs voisins : s'ils surprennent des délinquants, ils leurs représentent le tort qu'ils font et peuvent faire ; ils les invitent à ne prendre que du bois mort, parce que la raison doit précéder toute espèce ae violence : l'habitant des campagnes la reconnaît, et lui rend plus souvent nommage que ceux qui le calomnient.
L'aliénation de partie des forêts nationales intéresse essentiellement le sort de nos finances, parce qu'elle peut absorber la plus grande partie ae la dette exigible, dont les intérêts pour certains objets sont excessifs, parce qu'elle peut faire disparaître de la circulation une grande quantité d'assignats qui la surchargent ou l'entravent, parce que leur crédit sera toujours en raison directe d'un nombre décroissant i je dois cependant à la vérité et aux principes que j'ai manifestés, déclarer que ces motifs n'ont été que secondaires dans ma détermination; car la nation française a encore des ressources incalculables à épuiser avant de recourir à des moyens qui feraient sacrifier la prospérité des générations et des productions de première nécessité.
Je ne ferai pas le tableau de situation de nos finances ; il a déjà été fait : mais ce qui est connu de tout le monde, c'est que notre dette est encore immense; c'est que d'un côté notre dépense extraordinaire excède de plus de 600 millions notre recette; c'est que le tourbillon des événements distrait sans cesse les légisfeteurs et les administrateurs de l'assiette, distribution et recouvrement des impôts, et qu'il est difficile de prévoir le terme où on pourra établir une juste balance entre la recette et la dépense; c'est que notre système de contribution foncière et d'impositions indirectes ressemble plutôt au rêve des économies, qu'au plan raisonné et combiné des législateurs d'un peuple agricole : il est impossible, en effet, d'établir un bon système d'impôt, par des données hypothétiques, variables et arbitraires, sur le territoire d'un aussi vaste Empire, dans lequel il y a aussi excessive différence, variété ou opposition dans les sols, climats et productions.
On aura peine à croire que les législateurs de . l'Assemblée constituante (aux premières années de la liberté), aient pris pour base de la quotité et distribution de l'impôt les résultats et évaluations injustes et vexatoires des dernières années du despotisme. Les effets d'un aussi étrange système ont été sentis dans tous les départements; ils ont fait naître partout un sentiment d'injustice et dé vexation, qui ne s'apaise et ne se modère que par l'espoir d'un meilleur ordre d'imposition et d'un prochain dégrèvement.
Là prospérité de l'agriculture et du commerce, c'est-à-dire celle de tout l'Empire, est essentiellement liée à un bon système d'imposition. La Convention nationale peut la fixer a jamais par trois moyens bien simples, que je ne fais qu'indiquer, et que ie lui lègue : le premier, en ordonnant un cadastre; le second, en déclarant par une loi solennelle et constitutionnelle, que impôt territorial, une fois fixé par ce cadastre, ne sera jamais augmenté sous aucun prétexte ; le troisième, en créant quelques impôts indirects, mais plus convenables que le droit de patentes, qui, par sa nature et ses effets, dégrade les arts et les sciences, l'hommé libre et le législateur.
Le temps presse de réparer les illusions et les fautes du comité des finances de l'Assemblée constituante, qui, dans tous le cours de la législature, semnlait consulter plus souvent la gloire de la session ou la théorie abstraite de quelques économistes, que la prospérité de l'Empire. Le temps presse de venir au secours de plus de 500,000 contribuables, qui payent en impôts plus des deux tiers de leurs revenus.
Là vente des taillis seuls présente des ressources immenses ; elle peut donner le temps aux législateurs suprêmes d'asseoir et répartir l'impôt sur des bases fixes, et de fournir au Trésor national les sommes que les circonstances exigent.
Les acquéreurs se présenteront avec empressement, parce que les bois taillis assurent au propriétaire un revenu annuel, indépendant des cultures et des intempéries; cet empressement sera [d'autant plus favorable à l'administration nationale, que les acquéreurs ne pouvant se jouer des annuités en précipitant les coupes, feront de prompts et abondants versements, et l'Administration d'utiles et nécessaires remboursements.
On peut vendre 12 à 1,500,000 arpents de bois
taillis, et se procurer facilement 8 à 900 millions : 1° parce que, comme on n'a pas fait de coupes depuis longtemps, la superficie aura un grand prix ; 2° parce que ce fonds produisant par lui-même sans culture, ce sera toujours ae l'argent bien employé.
Je doute d'autant moins du résultat de cette somme, que j'ai consulté des députés, mes collègues, de tous les départements, pour connaître le prix de la corde de bois : d'après les renseignements qu'ils m'ont donnés, le prix moyen de la corde, de 8 pieds de long, sur 4, et de 22 livres dans tout l'Empire; ce qui certainement démontre le haut prix auquel se monteraient les taillis.
D'après cet aperçu, que je m'engage au surplus ae démontrer vrai, le prompt rétablissement, la prospérité de nos finances, l'allégement de nos impôts sont donc attachés à l'aliénation de cette partie du domaine national; mais avec des conditions, qui sans blesser les droits privés, assurent néanmoins la permanence d'une égale quantité de territoire en forêts.
Quant aux usines nationales, l'intérêt, bien entendu, commande de renoncer à des propriétés dans l'administration desquelles se commettent des déprédations et des abus de toute espèce, dans lesquelles tous les ouvrages reviennent constamment plus cher que ceux du commerce, dans lesquelles tous les articles de dépenses imprévues, les états de réparationst d'achats, de ventes, et le nombre des agents toujours multipliés sans nécessité et toutes les non-valeurs sont autant de chapitres de dilapidation et d'immoralité.
Après avoir établi en principe qu'il est utile d'aliéner les terrains jusqu'alors inaliénables, j'ai maintenant à établir une exception très essentielle : cette exception est en faveur des futaies.
La plus sage prévoyance, les circonstances actuelles nous en font' un devoir impérieux ; il ne faut pas risquer d'abandonner à des spéculateurs, à des étrangers, le sort de notre marine.
Si la politique de toutes les cours de l'Europe était fondée, comme la nôtre, sur une Constitution qui nous a fait et ûous fera renoncer aux conquêtes, qui établit parmi nous et nos alliés la reprocité des besoins ; alors, sans doute, nous n'aurions rien à craindre : mais, puisque, pour le malheur du genre humain, la politique des autres cours consiste dans une tendance constante à affaiblir les forces et les moyens de richesses des autres puissances, il est plus que probable que des capitalistes étrangers, auxquels nous devons des sommes immenses, sauraient acheter nos futaies, nous vendraient chèrement ce dont nous aurions besoin, et enlèveraient le reste, qu'ils conduiraient dans leurs parages.
Cet approvisionnement excessif ne paraîtra pas impossible à ceux qui savent que plusieurs puissances maritimes emmagasinent le bois de service dans la mer, où il se conserve intact, et acquiert, assure-t-on, un degré de supériorité. Ne nous exposons donc pas au danger de voir disparaître nos futaies, auxquelles l'égoïsme, le luxe et l'agiotage ont déjà porté des coups si funestes.
Je citerai un seul trait. En 1760, le roi donna en échange au duc de La Yrillière la superbe forêt de Saint-Brix, près Cherbourg ; il n'y reste plus, des 14,000 arpents dont elle était composée, que quelques Douquets épars, qui attes-
tent l'excellence du sol pour produire de beaux -arbres, et qui excitent des regrets d'avoir perdu une ressource aussi précieuse sur les bords de la mer.
D'autres motifs encore doivent nous faire craindre la disparition de nos futaies. La nation française, en proclamant les droits des peuples, . doit s'attendre aux haines ou à la guerre des castes nobiliaire et sacerdotale, des princes et des rois : les efforts des uns et dés autres vont se diriger et se combiner sous autant de formes que l'orgueil et la tyrannie pourront en imaginer; avant qu'ils osent se montrer, craignons leur perfidie, et qu'après avoir fait acheter nos futaies et les avoir fait enlever, les puissances du Nord ne se réunissent, se coalisent pour empêcher toute exportation des bois de marine, de ceux surtout nécessaires aux grandes mâtures, et réduire ainsi la marine française à un état précaire et avili.
Rappelons que le grand Frédéric a défendu dans ses Etats l'exportation des bois et l'usage des charbons de bois pour les verreries, les tuileries et les autres grands ateliers ; que le roi de Sardaigne a fait la même défense en 1777. Plus que jamais nous devons fortifier notre marine : la prospérité nationale > celle du commerce et de nos colonies nous en fait un devoir impérieux ; nous le pouvons en décrétant un acte de navigation qui nous mette dans une précieuse indépendance, sous les rapports politiques et commerciaux, et surtout en conservant et en encourageant la culture des bois et leur aménagement en futaie.
Je n'entrerai dans aucun détail- maintenant sur le mode d'administrer les forêts conservées, de soumettre celles des particuliers et des communes à une police publique, de favoriser ce genre de culture et de propriété; mais j'ose assurer qu'il est très possible aux comités d'agriculture et des domaines d'en présenter un qui soit tel qu'il n'exigera aucune administration particulière et une très modique dépense.
Il ne me reste plus qu'à vous démontrer que l'intérêt général de la société nous impose l'obligation d'opposer des mesures de sagesse et de prévoyance à l'intérêt privé, sàns néanmoins nuire à laliberté des propriétés.-
Si l'esprit public eutete aussi rapide quenotre amour pour la liberte, les legislateurs auraient sans doute moins de lois de detail a faire, mais ne nous le dissimulons pas : nous sommes en- core trop eloignes de ce sentiment universal qui confond sans regret ou avec plaisir l'interet par- ticulier dans l'interet general, de ce sentiment ou le Jcitoyen regarde sa patrie comme son pa- trimoine; il est essentiellement necessaire d'oppo- ser de sages lois et des dispositions precaution- nelles a l'egoi'sme.
En droit privé, tout vendeur a le droit d'imposer à son acquéreur telle condition qui lui plaît : en droit public et d'après notre Constitution qui soumet les propriétés particulières aux besoins de la société, les législateurs peuvent bien, sans doute, dicter ou modifier les pactes qu'ils font au nom de la nation; et d'ailleurs quelques conditions pour une espèce dè propriété qui a survécu en nature de bois à la dévastation u luxe ou des besoins, qui produit une denrée dont la cherté et la rareté excitent partout des craintes ou des réclamations, et dont l'existence d'ailleurs est devenue et démontrée nécessaire à la prospérité publique, ne peuvent ni doivent être onéreuses pour les acquéreurs; ceux qui n'achèteraient les bois que pour les couper, li
vrer ensuite le terrain au fer de la charrue pour anticiper ou précipiter dans leur jouissance les dons d'une terre féconde, au risque de la laisser ensuite dans un état de stérilité, ne méritent au surplus ni égards ni regrets.
Il y a longtemps que le gouvernement français en a reconnu la nécessité : en 1518 on défendit la manière de défricher en faisant brûler les bois, dont la cause souvent était le produit des cendres.
L'ordonnance de 1669 défendit formellement toute espèce de défrichement dans les bois du roi.
En 1670 la prohibition fut rendue commune aux bois des gens de mainmorte : aussi, ne voyons-nous de grandes masses de bois, que dans ees 4eux parties de notre ancien gouvernement.
En 1735, 1749 et 1756, les prohibitions dés défrichements furent rendues communes aux bois des particuliers; mais l'insouciance apathique du gouvernement pour l'agriculture, celle des officiers des maîtrises ont rendu inutile la sagesse de ces lois que nous reconnaissons de plus en plus nécessaires.
Quelque utile, cependant, que puisse être la conservation des terrains en bois, elle ne peut être réellement rigoureuse, qu'en aucun temps les propriétaires ne puissent, pour cause de quelques intérêts et en raison des localités, changer 1 espèce de récolte : ce soin doit être laissé aux corps administratifs.
Vous devez cépendant défendre dès cet instant, et d'une manière invariable, aux acquéreurs des forêts nationales de jamais défricher le sommet des montagnes. Que deviendraient plusieurs régions de nos départements méridionaux, et surtout le département de la Corse, si on faisait disparaître les bois des montagnes? La loi doit donc prescrire aux corps administratifs de surveiller toute espèce de défrichement dans ces parties.
Je dois appeler l'attention dé l'Assemblée sur quelques considérations importantes. Il existe principalement dans les forêts provenant des biens d'église, des usages auxquels le peuple des campagnes attache beaucoup de prix, et qu'il est dè votre justice, d'examiner : ces usages sont variés et bizarres comme l'étaient alors toutes les actions de la féodalité ou de l'ilotisme. Les uns consistent dans le droit de choisir un certain nombre des plus beaux arbres, d'autres de couper, ou de se faire couper une certaine quantité de mesures ou arpents; ailleurs on aie droit de prendre toutes les branches cassées, ou les arbres rompus ; en d'autres endroits, de preiidre du bois mort ou le mort-bois, ou de couper sur une souche un jet de bois lorsqu'elle en produit au delà de 3 ; enfin, il y a des usagers qui ont le droit de prendre autant de bois qu'il leur en faut pour leurs besoins usuels.
Vous penserez, sans doute, que ces parties de bois doivent être libérées de ces usages si pernicieux d'ailleurs à la culture et à l'entretien des forêts : vous déterminerez-vous pour une indemnité en argent, ou pour une Concession de fonds? Cette dernière mesure me semblerait plus juste, plus politique et plus favorable d'ailleurs au peuple des campagnes, qui a gémi si longtemps sous le despotisme des nobles et des prêtres; elle convient, d'ailleurs, aux législateurs d'un peuple agriculteur.
projet de decret.
L'Assembléenationale,considérantqu'iI importe essentiellement à la prospérité de l'Empire, à l'affermissement de la Constitution et à l'état actuel des finances, d'aliéner la partie des bois et forêts en matière de taillis qui peut et doit être mieux administrée par des citoyens propriétaires, que par une régie nationale, sans néanmoins diminuer la masse actuelle de ces bois ; considérant que les futaies sont essentielles au service de la marine et à tous les besoins usuels de la société; considérant enfin qu'une plus grande diminution de bois sur la surface de l'Empire pourrait porter atteinte à sa prospérité, et qu'il est devenu nécessaire d'encourager et de surveiller cette espèce de culture, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Les bois et forêts faisant partie du domaine de la nation sont aliénables, et seront vendus dans les mêmes formes que le surplus des autres biens nationaux, sauf les exceptions et dispositions ci-après énoncées.
Art. 2.
Tous les bois, boqueteaux et forêts en nature de futaie, à compter de l'âge de 60 ans et au-dessus, toutes les grandes masses excédant 3,000 arpents, sont formellement exceptés de toutes ventes.
Art. 3.
Immédiatement après la publication du présent décret, les corps administratifs feront arpenter et borner, chacun dans leur territoire respectif, les parties de bois et forêts qui peuvent s'y trouver, et dont l'arpentement et le bornage n'auraient pas été constatés par des procès-verbaux authentiques. Ils feront constater : 1° la quotité des arpents en nature de bois et de ceux en friche ; 2° le nombre de portions dans lesquelles on pourrait les diviser ; 3° l'âge et l'espèce des arbres : ces procès-verbaux seront adressés par extrait au pouvoir exécutif et au Corps législatif.
Art. 4.
Lors des ventes, il est expressément recommandé aux corps administratifs de vendre lesdits bois et forêts, dans le plus grand nombre de portions possibles, afin de multiplier le nombre des propriétaires, et, à prix égal, de donner la préférence à ceux qui achèteraient dans le plus grand nombre de divisions.
Art. 5.
Tout acquéreur des bois et forêts de la nation, situés sur le sommet des montagnes, ne pourra, en aucun temps et sous aucun prétexte, en défricher. Ceux qui en acquerront situés en plaines ne le pourront faire qu après en avoir obtenu la permission du conseil général du département, sur l'avis de celui du district.
Art. 6.
Tout acquéreur des bois et forêts qui aura
obtenu la permission de défricher, sera tenu de payer pendant 6 ans une double contribution foncière.
Art. 7.
Tout acquéreur qui laissera croître et aménager en nature de futaie des parties de bois qu'il aura achetées en nature ae taillis, obtiendra chaque année une réduction de 5 sous par arpent, sur lé certificat de sa municipalité, visé au directoire du district, que l'aménagement continue, jusqu'à ce que le minimum de chaque arpent soit réduit à 10 sous; il sera fait mention dans les registres du département de cet aménagement. Le moins imposé de cette partie du territoire sera supporté par le Trésor national.
Art. 8.
Toute vente, cession ou rétrocession de bois et forêts, faites à des étrangers, sont déclarées nulles, et le vendeur ou cessiônnaire condamné à une amende qui ne pourra être moindre que le quart du prix de la vente.
Art. 9.
Lorsque des parties de bois et forêts seront sujettes à des parcours et usages généralement quelconques, les communes justifieront de leurs droits ou possession immémoriale à l'administration du district, qui, après avoir donné son avis, le fera passer à l'administration du directoire du département; lequel déterminera le mode de l'indemnité, en biens-fonds ou en argent.
Art. 10.
Les corps administratifs éliront chaque année, à la session du conseil général, un citoyen pris dans ou hors le sein de leur assemblée, lequel sera chargé de surveiller, diriger, sous l'autorité du directoire de département, la garde, aménagement et entretien des forêts nationales.
Art. 11.
Ce gardien général recevra annuellement une somme de 1,200 livres, proposera à l'Administration tous les moyens qu'il croira les plus propres à la conservation des bois, soit en employant des gardes pàrticuliers, soit en faisant concourir et obliger à cette garde les Conseils généraux des communes riveraines desdites forêts ; le maximum pour toutes les dépenses de l'administration forestière de chaque département ne pourra jamais excéder de 6,000 livres-
Art. 12.
Les conseils généraux des départements adresseront, chaque année, au Corps législatif et au pouvoir exécutif, les états de situation des forêts, et leurs vues pour améliorer cette partie du domaine national.
Art. 13.
Il sera accordé, chaque année, 100,000 livres de gratifications aux gardiens généraux et particuliers qui auront le mieux gardé, entretenu,
aménagé ou exploité la partie des forêts dont ils auront été chargés. Le pouvoir exécutif présentera chaque année le tableau avec la désignation du département et des gardiens qui les auront méritées. Ce tableau sera dressé d'après les procès-verbaux envoyés au pouvoir exécutif, et la délibération des administrateurs de département. Le maximum de cette gratification ne pourra excéder 2,000 livres pour chaque gardien général, et 680 livres par chaque gardien ou conseil de commune établi conservateur.
Art. 14.
Les délits commis dans les forêts nationales seront poursuivis par-devant les juges de paix et tribunaux, comme tous les autres délits champêtres, à la requête des gardiens particuliers ou généraux.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion de p. p. Baignoux, député à VAssemblée nationale.
Sur les conséquences qui pourraient résulter de l'aliénation des forêts, considérée dans son rapport avec Véconomie politique, la marine et la situation générale des finances.
Messieurs, est-ce un avantage pour la nation, d'aliéner les bois et forêts en totalité ? Convient-il de n'en aliéner qu'une partie ? Faut-il ne pas èn aliéner au delà de ce qui a été décrété par l'Assemblée constituante ?
Voilà trois questions qu'il est important de ne pas confondre. L'ordre de la discussion exige pour chacune d'elles un examen particulier. Car, les raisonnements qu'on peut faire contre la vente totale, ne sont pas applicables à la vente partielle. 11 ne faut même que réfléchir un moment sur les avantages ou sur les inconvénients qui peuvent résulter de la vente, en général pour s'apercevoir que les motifs puissants qui déterminent à la conservation des grandes forêts, sont favorables à l'aliénation des petites masses de bois.
Je vais donc examiner séparément ces trois questions, dans le rapport qu'elles ont nécessairement avec l'économie politique.
Je les considérerai ensuite dans le. rapport qu'elles doivent avoir avec la situation actuelle de nos finances.
I.
Première question. Convient-il d'aliéner les forêts en totalité?
Quoique je sois bien convaincu qu'en principe de bonne économie politique, une grande nation ne doive rien posséder parce qu'elle ne péut rien administrer utilement, parce qu'elle est toujours trompée par les agents qui régissent pour elle, parce qu'enfin, elle ne peut et ne doit être riche que des propriétés particulières ; j'avoue cependant que là possession des forêts est d'une nature qui semble exiger, en sa faveur,
une exception à la règle générale, parce qu'en l'envisageant sous le point de vue politique, elle tient essentiellement à l'entretien de la marine, et par conséquent à l'une des parties la plus importante du commerce et de la force publique.
Or, il n'est personne qui puisse contester que, si la jouissance des forêts est une fois reconnue nécessaire à la sûreté de l'Etat, ce n'est pas sous le seul rapport du produit annuel, ce n'est plus comme formant une branche de revenu, ou, si l'on veut, comme présentant une grande ressource pour l'acquittement de la dette publique qu'il faut l'examiner, mais seulement comme un objet d'utilité politique, essentiel à la sûreté intérieure, qu'une puissance maritime trouve nécessairement dans la conservation de ses grandes forêts.
Il est, Messieurs, de ces questions importantes, où la grande majorité des opinions s'énonce d'abord d'une manière si positive, que la discussion semble moins faite pour éclairer, que pour caractériser la délibération. La question de l'aliénation des forêts nationales est de ce genre. On est d'abord saisi de cette vérité, que tout commande impérieusement le respect au législateur pour une propriété si précieuse ; parce qu'on ne peut l'envisager, que sous des rapports généraux, qui se lient naturellement à l'agriculture, à la marine militaire et marchande, aux manufactures, aux grands établissements nationaux et aux ouvrages d'art de toute nature.
Je sais qu'on peut répondre, qu'en vendant la totalité des forêts, la nation trouverait toujours les mêmes ressources :
1° Parce qu'elle obligerait les acquéreurs à conserver la nature du fonds;
2°. Parce qu'en établissant une police forestière, la loi préviendrait les abus, réglerait les coupes, ordonnerait le repeuplement des terrains dévastés, déterminerait de nouveaux aménagements, et subordonnerait toutes les conditions de la vente, à l'intérêt général.
Je sais qu'on peut encore ajouter, que la nation en aliénant conditionnellement ses forêts, gagnerait d'une part 2 millions qu'elle serait forcée de sacrifier pour les frais d; administration; que de l'autre, elle percevrait les contributions foncières sur le produit, indépendamment de l'immense bénéfice qu'elle ferait sur la vente, et de l'avantage qu'elle trouverait en aliénant un capital d'un milliard et demi, qui éteindrait un intérêt de 75 millions; qu'enfin elle conserverait toujours sur son territoire, les bois propres au soutien de son commerce, de sa marine, de ses forges et de son agriculture.
Ces raisonnements sont spécieux, je l'avoue, pour les partisans de l'aliénation qui ne les envisageant d'abord que sous le point de vue d'une théorie générale, y appliquent toutes les combinaisons favorables a leur système, sans les balancer par une multitude de conséquences dangereuses et de résultats funestes qui découvrent le vice de l'opération, et lui font perdre bientôt ce qu'elle présentait d'avantageux ou de séduisant.
D'abord il est évident que si l'aliénation des forêts est accompagnée d'une loi qui impose aux acquéreurs, telles ou telles conditions, telles ou telles réserves, le prix de la vente sera beaucoup inférieur à leur valeur'réelle ; car les acquéreurs feront entrer la réserve ou la condition dans leur calcul.
D'ailleurs les précautions et les mesures législatives atteindraient-elles jamais le but que se serait proposé le législateur? D'un autre côté quelle concurrence pourrait-on attendre en n'offrant aux acquéreurs qu'une propriété entravée par une surveillance active et continuelle, par une administration héréditaire, attachée au sol aliéné, et portant avec elle tous les caractères de la servitude?
Ce raisonnement démontre assez que la spéculation de la rentrée d'un milliard et demi par la vente des forêts et chimérique ; que l'aliénation ne produirait qu'un léger avantage, et qu'au contraire la conservation offrirait une précieuse richesse considérée sous le point de vue politique, et sous tous lès rapports qui intéressent la sûreté de l'Empire. J'entrevois un autre inconvénient dans la vente des grandes masses de bois et cet inconvénient-là dérive de la nature même de l'objet qu'on veut aliéner.
Si lés grandes forêts ou même les masses de bois de 4 à 5,000 arpents étaient facilement divisibles, sans doute on pourrait espérer un grand produit en multipliant les adjudications partielles, en favorisant la chaleur des enchères par la concurrence des enchérisseurs, en divisant ainsi cette immense propriété, et en substituant l'intérêt personnel, toujours plus actif et plus industrieux, à l'administration publique qui ne peut jamais le remplacer.
Mais comme en général les grandes masses de bois ne sont pas susceptibles de division, et qu'elles ne pourraient être aliénées qiie dans leur ensemble, la nation serait forcée alors si elle décrétait la vente des forêts, de livrer cette belle propriété entre les mains des capitalistes du royaume, ou des étràngêrs qui viendraient spéculer sur la dernière ressource qui nous réste encore.
Or, les spéculations des capitalistes ne se porteraient d'abord que sur la superficie du fonds : ils compteraient pour rien ou pour très peu de chose la valeur de la terre qu'ils abandonneraient à l'inculture ou à la stérilité.
Le prix du bois se formerait alors, non plus en raison de la quantité de cette denrée, mais en raison du petit nombre des vendeurs qui nécessairement se coaliséraient contre les consommateurs, et contre là nation elle-même, puisque l'aliénation les aurait bientôt rendus maîtres d'une marchandise d'une nécessité absolue; d'une ressource enfin que tout nous invite à ne pas abandonner à la cupidité des spéculateurs, si nous ne voulons pas compromettre l'intérêt et la fortune publique.
On est donc forcé de conclure que les grandes forêts ne pouvant se comparer aux autres fonds territoriaux, parce qu'elles sont bien moins susceptibles de division, et qu'elles ne peuvent s'acquérir que par un petit nombre de gens riches qui mettraient le consommateur à contribution, sont en quelque sorte inaliénables par leur nature ; qu'elles , ne peuvent appartenir qu'à la nation, parce qu'elles lui assurent, pour l'avenir, une matière du premier besoin ; qu'il serait impolitique et dangereux d'en décréter la vente ; qu'enfin il faut laisser à l'Etat cette grande propriété publique et indivise qui appartient à toutes les générations, et qui est constitutionnelle dans un Etat, où la marine est une partie essentielle de la force publique.
Mais en combattant le système de ceux qui veulent l'aliénation totale des bois et forêts, je dis qu'autant il faut s'éloigner d'un projet témé-
raire par son étendue, et se défier d'une.conception qui peut d'abord séduire par les avantages qu'elle présente au premier aspect, autant il mut se rapprocher d une opinion qui concilie les mesures que les besoins de l'Etat nécessitent, avec l'intérêt national qui commande impérieusement la conservation des grandes forêts. Cette précieuse richesse, sous quelque rapport qu'on la considère, est une de celles dont nous ne pourrions bien apprécier la perte que lorsque nous n'aurions plus les moyens de la réparer.
Ainsi; après avoir démontré qu'on ne peut, sans danger, compromettre la propriété des forêts, je vais examiner la seconde question, qui se réduit à ces termes ; « Convient-il de vendre une partie de bois ? »
II
Je dis d'abord que tous les raisonnements qu'on peut faire contre l'aliénation des grandes masses de bois, ne peuvent s'appliquer à la vente des petites parties de bois éparses, et isolées des grandes forêts; qu'au contraire même ils sont presque tous à son avantage.
Dans le premier cas, le raisonnement porte sur l'importance d'assurer à la nation une propriété qui la garantisse contre toutes les craintes qu'elle pourrait concevoir sur les besoins annuels de sa marine et de son commerce; et alors le grand objet politique est rempli.
Dans le second cas, au contraire, il ne s'agit que de prouver que les petites masses de bois ne sont pas d'une indispensable nécessité, si les grandes forêts suffisent aux besoins de l'Etat ; 2° que les bois taillis qui ne sont pas susceptibles d'un aménagement applicable aux bois de futaie seraient onéreux à la nation, qui n'en retirerait qu'un produit beaucoup inférieur aux frais immenses qu'entraînerait leur conservation; que livrés a une administration générale qui ne pourrait s'étendre à toutes les mesures que cette conservation exigerait, ils seraient ou frappés d'une sorte de stérilité, ou dévastés, comme ils l'ont toujours été jusqu'ici, tandis que divisés entre une multitude de propriétaires, ils se fertiliseraient, et fourniraient un nouvel aliment à l'industrie, par la vigilance et l'activité journalière des acquéreurs ; activité dont une administration nationale n'est pas susceptible.
On voit, par là, qu'il ne faut pas trop généraliser le principe de l'inaliénabilité des bois, ni le pousser à l'extrême, car en voulant trop l'étendre, on l'affaiblit, on le dénature; pt pour vouloir trop prouver on ne prouve rien.
Je vais développer cette idée :
On a vu que toutes les objections qui ont été faites jusqu'ici contre la vente des grandes forêts nationales se réduisent à trois principales :
1° La privation des ressources et des grands avantages que la marine, le commerce et l'agriculture retirent des forêts ;
2° La crainte que la communication pour les approvisionnements que nous fournissent les pays étrangers ne fût interceptée en temps de guerre ;
3° Le danger de livrer nos forêts à des compagnies de capitalistes qui mettraient à leur discrétion un prix à notre consommation intérieure, ne calculeraient que sur l'échelle de leur cupidité, et n'auraient point cet accord de vues ni cette prévoyance pour l'avenir, que l'intérêt public semble exiger.*
Or, il est facile de se convaincre que ces trois
objections, qui ne frappent directement que sur l'aliénation des grandes forêts, ne peuvent s'appliquer à la vente des petites parties des bois taillis :
1° Parce que ces parties de bois sont très susceptibles d'être divisées entre différents particuliers dont les propriétés les avoisinent, qui, par conséquent, les porteraient à un prix proportionné à la convenance; ensuite, parce qu'elles ne sont destinées qu'à l'approvisionnement des départements, et qu'elles ne sont d'aucune ressource pour la marine et les ouvrages d'art;
2° Personne n'ignore que les boquetaux et massifs de taillis, exposés trop souvent aux dégâts des bestiaux et aux délits de tout genre par leur voisinage des propriétés particulières, ne peuvent produire un revenu proportionnel aux frais de garde qu'ils exigeraient, et aux dépenses considérables qu'il faudrait faire pour leur ré-peuplément.
La plupart sont dans un état de dégradation manifeste. Dans les uns, les arbres ont été mal abattus; dans d'autres, on ne voit plus que des landes, ou des places Vagues à la place des bois qui couvraient ces terrains précieux. Dans beaucoup d'endroits, le sol a été envahi par des usurpateurs, Enfin, dans ces parties de bois isolées qui ne peuvent être surveillées comme les grandes forêts, il existe mille causes de dévastation sans cesse renaissantes, attachées à la nature de cette propriété, mais qui disparaîtraient, si vous en divisiez la vente entre une multitude d'agriculteurs, qui deviendraient intéressés à les rétablir.
Au contraire, en les conservant toujours comme propriété nationale, ou il faudra malheureusement se résoudre à les laisser dépérir entièrement ou multiplier presqu'à l'infini le nombre dès gardes qui absorberont beaucoup au delà de leur produit. Mais en prenant ce dernier pârti, il faut considérer encore que l'insuffisance du traitement de ces gardes, introduirait nécessairement les moyens de rendre^eurs fonctions plus lucratives par les bénéfices' qu'ils pourraient faire journellement en tolérant les abus. Il serait donc à craindre alors que cèux mêmes qu'on enverrait pour empêcher les délits ne lussent-les premiers à les favoriser ou même à les commettre eux-mêmes. L'ancienne administration forestière nous offrait ces exemples, et quelque parfaite que fût la nouvelle organisation qu'on voudrait établir et substituer à l'ancienne, il n'est pas présumable qu'elle pût éviter Ou réprimer assez tous ces abus de détail, qui échappent toujours à la Vigilance d'une grande administration. .
Mais si, d'après les renseignements et les connaissances que vous auront procurés les départements, vous décrétez l'aliénation des petites masses de taillis si facilement divisibles et par conséquent si propres à satisfaire les convenances des propriétaires riverains, alors vous obtenez un grand avantage, en les confiant par ce moyen à une administration domestique dont la surveillance journalière se lie sensiblement avec l'intérêt national; les nouveaux acquéreurs intéressés à conserver leurs propriétés, à les améliorer par tous les moyens qui seront en leur pouvoir sauront en garantir les invasions de tout genre, feront faire des clôtures, repeupleront les terrains dévastés, régleront les aménagements, en marqueront les divisions, détermineront îles coupes de manière à ne pas laisser l'accroissement au délà du terme que la nature
du sol aura déterminé; enfin, ils prendront toutes les précautions et rempliront toutes les vues d'utilité et de conservation qu'une administration publique, trop occupée déjà de la surveillance des grandes forêts, ne pourrait jamais embrasser.
Ajoutez, Messieurs,- à ces considérations que ces parties isolées de bois taillis presque toutes naturellement disposées à présenter la facilité des annexes aux propriétés d'une certaine étendue, et aux domaines nationaux déjà vendus, trouveront des acquéreurs qui calculeront toujours beaucoup plus sur l'attrait de la convenance, que sur le prix des enchères. Car la convenance tient plus à l'opinion qu'à l'intérêt, et le désir de posséder des bois est l'effet naturel d'une certaine passion, qui agit sur les grands propriétaires qui se livrent à l'agriculture autant par goût que pâr intérêt.
Ainsi, une nation qui calcule tout, doit compter sur le double avantage de vendre avec bénéfice certain et de percevoir la contribution sur des fonds qui, dans" ses mains, ne lui auraient été que très onéreux.
Vous voyez, Messieurs, que toutes les objections lui peuvent être faites contre la vente générale es bois, tombent d'elles-mêmes, lorsqiron res-tràint l'aliénation aux petites masses de bois éparses, ou éloignées à une certaine distance des grandes forêts.
Ainsi, en adoptant le projet du comité, vous avez beaucoup d'avantage à espérer de la Vente des portions de bois, qui ne pourraient que vous être à charge, puisque le produit de cette vente vous servira à couvrir une partie de la dette exigible.
D'un autre côté, vous n'aurez à redouter aucun des inconvénients qu'entraînerait nécessairement l'aliénation des grandes forêts.
Je dis : 1° que vous n aurez point à craindre que des compagnies se rendent adjudicataires des petites masses isolées des bois taillis, puisqu'elles présenteront à la convenance des propriétaires voisins des propriétés partielles, extrêmement divisibles, et qu'en même temps elles procureront une grande concurrence dans la chaleur des enchères ;
2° Les consommateurs trouveront un avantage dans l'aliénation; car le nombre des propriétaires avëc lesquels ils auront à traiter, sera nécessairement plus considérable, lorsque les adjudications auront été très multipliées et les bois taillis partagés entre une multitude d'agriculteurs de chaque département. Alors les accaparements deviendront moins possibles : cette denréè si nécessaire Circulera plus facilement : les spéculations auront des limites; et les citoyens des villes et des campagnes seront rassurés contré la crainte, raisonnablement fondée, de voir une provision de la première nécessité, à la discrétion de quelques capitalistes dont la cupidité n'aurait pas de bornes.
Voilà, Messieurs, des vérités qui doivent fixer votre opinion sur un sujet aussi important. Si vous considérez surtout que l'un des points essentiels de l'économie politique, c'est de parvenir à faire, des richesses particulières la richesse nationale, en associant pour la partie des bois, dont la conservation n'est pas utile, l'intérêt particulier à l'intérêt public.
Il est inutile d'en dire d'avantage, pour faire sentir qu'autànt il serait dangereux et impolitique d aliéner les grandes forêts, autant il est avantageux de mettre en vente les petites mas-
ses de bois isolées; envisageons la question sous un rapport non moins important, c'est-à-dire celui qu'elle peut avoir avec l'état actuel des finances, et le remboursement de la dette exigible.
III
Je prends pour base le rapport qui vous a été fait par vos comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire, de la situation des finances au 1er avril 1792.
Tous les articles de ce rapport ont été discutés séparément à l'Assemblée nationale. Ils l'avaient d'abord été par vos comités réunis qui, pour ne pas vous présenter des calculs hypothétiques, se sont non seulement procuré tous les renseignements qu'un travail ne cette nature exigeait, mais encore n'ont établi leurs bases que sur des états qu'ils se sont fait représenter par tous les agents responsables dont le caractère public pouvait garantir officiellement l'exactitude et la fidélité.
Il ne peut donc pas exister des différences bien considérables dans les estimations; et à moins d'événements extraordinaires qui nécessitent des dépenses absolument imprévues, il y a d'un côté des économies à espérer sur les évaluations relatives aux besoins ; et de l'autre des rentrées sur quelques articles des ressources qui n'ont pas été rigoureusement portées à leur valeur.
Suivant ce rapport, les ressources excédent les besoins de la somme de 422,152,226 livres.
Mais il faut observer que les biens dont la vente a été ajournée par la loi du 10 décembre 1790, tels que ceux dont jouissaient les congrégations, les collèges, les séminaires et autres établissements ae cette nature n'ont été compris dans le rapport de vos comités réunis que pour mémoire. Cet article est un objet, dans le chapitre des ressources, de 400 millions, somme à laquelle il doit être estimé, d'après les états qui ont été fournis au commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire par les directoires de districts.
Quoique vos comités vous aient proposé de laisser subsister l'ajournement de la vente de ces biens, il est néanmoins très facile de se persuader, Messieurs, que, dans les circonstances où nous nous trouvons, il serait impolitique et contraire aux principes de l'économie ^politique de prolonger davantage les délais de cet ajournement. U sèrait préjudiciable à l'intérêt de la nation de rie pas comprendre dans la vente générale une masse de biens-fonds qui dépériraient nécessairement, si vous en abandonniez la régie à des agents qui seraient payés par l'Etat.
Car 1° dans quelles mains en remettriez-vous l'administration?
La confieriez-vous aux administrateurs de districts ou bien à des administrateurs particuliers?
Dans le premier cas, il est évidemment démontré que les directoires de district ne pourraient se livrer utilement aux soins multipliés qu'exigerait une semblable régie. L'expérience prouve que ceux des biens nationaux, dont l'administration leur a été confiée jusqu'au moment des .adjudications, ont été continuellement exposés aux déprédations de toute espèce, et que, sans l'activité des corps administratifs, qui sentaient combien il était important d'accélérer la vente
des propriétés nationales, pour les garantir des dévastations dont elles étaient menacées, ces propriétés auraient à peine produit à l'Etat la moitié de leur valeur présumée.
Dans le second cas, il est encore evident que les administrations particulieres absorberaient une partie du produit par les frais de la regie. Gar, guelque parfaite que l'on put supposer l'administration des biens ajournes, elle n'offri- rait certainement pas a la nation un plus grand produit que les proprietes communes dont le revenu n'excfede pas 3 0/0 de la valeur du fonds; tandis que, si l'alienation en etait or- donnee, ils produiraient 5 0/0 du prix de la vente.
Il est donc avantageux à la nation de se dessaisir de la propriété des biens dont la vente est ajournée; et si l'Assemblée en décrétait la vente, il faudrait ajouter à la somme de nos ressources, celle de 400 millions, somme à laquelle ces biens sont estimés, d'après les états fournis au commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire, ci 400 millions.
Mais, dira-t-on, comment payerez-vous vos hôpitaux et les fonctionnaires destinés à l'instruction publique, si vous aliénez les propriétés, dont les revenus sont spécialement affectés, et doivent être uniquement consacrés à un établissement d'une si grande importance?
Je réponds d'abord que les frais relatifs aux hôpitaux et à l'instruction publique doivent faire partie des dépenses ordinaires. Je dis que si vous voulez donner une constitution à vos finances, il faut nécessairement que vous trouviez dans vos ressources et vos recettes ordinaires les moyens de suffire aux dépenses annuelles. Or, dans la supposition, où les frais relatifs à l'instruction publique seraient portés au tableau des besoins annuels, à 30 millions, il vous sera facile de faire face à cette dépense par l'établissement d'une contribution indirecte qui, ne frappant que les capitalistes et les gens aisés qui éludent l'impôt, et qu'il est difficile d'atteindre par la contribution mobiliaire, se concilierait avec le principe de la justice distribu- ' tive qui veut que l'impôt frappe sur les richesses de toute nature. C'est à ce but, sans lequel il n'existera jamais d'égalité proportionnelle dans la répartition générale, que la législature actuelle doit tendre continuellement (1).
Je réponds encore que ce n'est pas seulement sur l'état actuel ni sur les circonstances du moment qu'il faut fixer nos idées. La constitution que vous voulez donner aux finances exige que vous étendiez vos vues sur un avenir bien plus consolant, et que vous raisonniez d'après un ordre de choses bien différent de celui que pré-
sentent aujourd'hui toutes les parties d'un gou-vernemént qui n'est pas encore affermi. Notre premier besoin, c'est du calme, c'est la réunion de tous les partis, c'est de la sagesse, de la stabilité dans l'Administration, c'est une marche active et régulière dans les pouvoirs constitués pour l'exécution des lois. Nous ne pourrons jouir aes bienfaits de notre Constitution, ou plutôt nous n'aurons jamais de Constitution que lorsque nous serons arrivés à ce terme heureux, où se réunissent tous les vœux et toutes les espérances des bons citoyens. C'est alors que, rendus à nos soins domestiques, notre armée réduite à de justes proportions, le traitement de nos fonctionnaires publics modéré, l'administration intérieure perfectionnée ; c'est alors, disons-nous, que les recouvrements se feront sans obstacles, que les difficultés qui environnent toujours l'exécution d'un nouveau système d'impositions, seront aplanies, que la marche administrative des municipalités sera simplifiée, et qu'enfin la perception rendue plus exacte par l'effet d'un régime salutaire, ne laissera plus un vide à remplir, pour porter la recette au niveau de la dépense.
Après avoir démontré la nécessité de mettre en vente les biens ajournés qui seraient onéreux à la nation, si elle se chargeait de leur administration, mais qui présenteraient entre les mains des particuliers, une nouvelle source de richesses, je conclus qu'il faut ajouter à nos moyens 400 millions, montant de leur estimation, suivant les états fournis par les administrations de districts.
Maintenant, il me reste à faire une observation sur l'articlè des droits casuels, dont l'Assemblée constituante avait autorisé le rachat. Ces droits, dont la majeure partie consiste dans le droit attaché aux mutations, sont un objet immense pour la caisse de l'extraordinaire, aujourd'hui que la nation possède la mouvance entière des anciens domaines de-la Couronne et du clergé.
Cependant, vos comités réunis n'ont porté la totalité de ces droits qu'à 208 millions.
Il est certain que cette évaluation est très inférieure à la réalité. Le recouvrement de ces droits, tant en revenus qu'en prix de rachat, est monté, pendant lés trois premiers mois de 1792, à 5,468,152 livres. Or, comme leur produit a toujours été jusqu'ici en augmentant, et qu'on commence à peine de suivre la rentrée des droits dé sous-rachat à rembourser par les ci-devant seigneurs qui se trouvent dans la mouvance nationale, on peut raisonnablement espérer que cette ressource produira facilement 500 millions.
Dira-t-on qu'il importe d'anéantir tout à coup les restes d'un régime odieux qui pèse sur le peuple, et qu'à coté du principe de l'égalité, toute considération de finances doit disparaître?
Oui, sans doute, s'il s'agissait d'une servitude personnelle, et alors toute opinion contraire serait l'apothéose des préjugés, la proscription de la raison, et l'apoiogie du despotisme et de l'esclavage.
Mais les droits, dont il s'agit ici, ne sont autre chose qu'une valeur numérique. Je ne vois d'une part qu'un débiteur et de l'autre qu'un créancier. Ce n'est pas l'homme qui doit, c'est la terre. Enfin, il n'y a point de seigneur là où il n'y a point de servitude personnelle.
Ces droits d'ailleurs sont une concession nationale; puisque, depuis deux ans, lé Trésor public reçoit journellement des rachats considérables. Or, serait-il possible de ne pas restituer à
ceux qui ont eu la confiance dans la loi, et d'accorder gratuitement un avantage à ceux qui n'ont pas voulu s'y soumettre? Enfin, le respect et l'inviolabilité que nous devons à la propriété sur laquelle repose la Constitution et qui forme le premier lien du contrat social, n'excluent-ils pas toute discussion, tout raisonnement en faveur de la suppression des droits incorporels sans indemnité.
Je sais qu'il ne faut pas s'environner d'une grande érudition pour prouver que les droits incorporels ont été usurpés dans l'origine. On ne voit, ni dans Montesquieu, ni dans Mably, ni même dans M. l'abbé Dubos, l'acquisition légale de ces droits. Mais, que faut-il en conclure? Si vous remontez à l'origine de toutes les propriétés, il sera facile de vous prouver aussi qu'elles dérivent de l'usurpation. Or, voyez où va vous conduire, comme législateurs, la conséquence, d'une telle recherche?... Quand les droits incorporels seraient une usurpation dans leur origine, ceux qui en jouissent depuis un temps immémorial, n'en ont-ils pas fait l'acquisition légale? Ne les ont-ils pas possédés sous la sauvegarde de la loi? Si vous supprimez les droits casuels, il faudra bien aussi que vous supprimiez les dîmes inféodées, car elles dérivent ae la même origine. On vous dit qu'il faut affranchir toutes les propriétés. Oui, sans doute; mais, il faut que cet affranchissement ne viole pas les principes; or, celui qu'on vous propose serait évidemment un acte injuste, puisque vous ôteriez à l'un sa propriété actuelle pour la donner à l'autre, qui n'avait aucun droit sur cette propriété. Ce serait donc violer la déclaration des droits qui fait la base de la Constitution. Ne supprimez pas sans indemnité, mais facilitez l'affranchissement par tous les moyens possibles, et en autorisant les rachats partiels.
CONCLUSION.
1° Les comités réunis ont trouvé un" excédent de ressources sur les besoins, de 422,155,226 livres. Mais, comme ils ont compris dans le chapitre des ressources, la totalité des bois estimés par aperçu 1,400,000,000, il en résulte que si la nation se les réservait, nos moyens se trouveraient être alors au-dessus de nos besoins de.......................... 977,844,774 liv.
2° Mais j'ai prouvé qu'autant il serait impolitique, dangereux et contraire à l'intérêt national d'aliéner les grandes forêts, autant il serait avantageux et conforme aux principes de l'économie publique, de mettre en vente les petites masses de bois-taillis éloignés des forêts d'une certaine distance. Or, le produit que la nation pourrait retirer de la vente de ces bois-taillis, peut être estimé sans exagération............... 500,000,000 liv.
3° Les bois ajournés sont estimés. g§................ 400,000,000
4° Les droits incorporels qui ne sont portés dans le compte rendu par vos comités réunis qu'à 208 millions, forment un objet de 500 millions; il convient donc de porter pour excédent. .................... 292,000,000
Total des ressources à substituer au produit dé la vente présumée des forêts. 1,192,000,000 liv.
Ce tableau démontre qu'en conservant les forêts, nous pouvons facilement, avec les ressources qui nous restent encore, acquitter la dette exigible qui n'excède pas 950 millions, si l'on n'y comprend pas la dette à terme : car celle-ci n'a droit qu'à des payements aux époques déterminées par les emprunts. La nation n'est pas tenue d'en solder la totalité; il lui suffit d'en faire annuellement les fonds correspondants aux remboursements progressifs, et comme ils ne se terminent qu'en 1820, on doit les classer parmi les dépenses constantes.
Qu'on ajoute à ces considérations deux observations importantes sur la dette exigible :
La première, c'est que le liquidateur général, en évaluant les offices de judicature à 800 millions dans le mémoire qu'il a fait imprimer, au mois de novembre dernier, avoue lui-même, que n'ayant aucune base pour préciser l'évaluation, il a pensé que l'exagération dans son calcul serait moins coupable de la réticence. Or, il est vraisemblable que la dépense qu'occasionnera la liquidation des offices, ne présentera pas en dernier résultat une somme aussi considérable.
Cette observation acquiert un plus grand dé-gré d'intérêt encore, si l'on considère que le terme de déchéant qui a été décrété, frappera particulièrement contre les titulaires d'offices des ci-devant parlements et cours supérieures, qui, dans leur chimérique espoir de retour de 1 ancien gouvernement, refusent de se soumettre à la loi, et conservent leurs titres comme une propriété qui satisfait leur orgueil et nourrit leur folle attente.
La seconde observation qui reste à faire, c'est que dans le chapitre de la dette non constituée, il existe une multitude d'objets qui ne sont pas impérieusement exigibles; tels que les dîmes inféodées et les charges de la maison du roi.
Si l'Assemblée se déterminait, lorsqu'il sera question d'établir un mode de remboursement, à séparer de la dette tout ce qui n'est pas impérieusement exigible, quant a présent, et à la diviser en remboursements graduels calculés sur les mêmes bases qui ont été adoptées pour la dette à terme, il serait facile de trouver un fonds d'amortissement dans le bénéfice qui résultera, chaque année, dé l'extinction des rentes' viagères, dés pensions et des traitements dès ecclésiastiques.
- Je conclus, Messieurs, à ce que l'Assemblée nationale décrète :
1° Qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'aliénation des grandes màsses de bois et forêts ;
2° À ce qu'il soit vendu jusqu'à concurrence de 500 millions de bois taillis, dont l'inutilité pour le service de la marine est reconnue et sera constatée.
3° Qu'aussitôt la promulgation du présent décret, les directoires de département se feront remettre, par les directoires de district, et les municipalités, des tableaux qui constateront la situation, la nature, la contenance et l'estimation des bois, dont ils proposeront l'aliénation comme avantageuse à la chose publique;
4° Que ces tableaux seront adressés dans le délai de deux mois au pouvoir exécutif, qui les transmettra au Corps législatif;
5° Que le comité des domaines sera chargé de présenter â l'Assemblée hàtionâlé,'sôus 3 jours, un projet d'instruction pour l'exécution du présent décret, et dans le délai d'un mois, un projet de décret pour la réformation de la loi,
concernant l'établissement d'une nouvelle administration forestière.
a la séance de l'assemblée nationale législative du vendredi 2 mars 1792, au matin.
Observations sur le projet de l'aliénation des forêts nationales, par Etienne Cunin (1), membre du comité des domaines, député du département de la Meurthe.
L'Europe a les yeux fixés sur la conduite de l'Assemblée nationale; elle pèse, elle examine ses décrets ; et par celui que l'Assemblée rendra sur la question importante, soumise à la discussion, l'Europe jugera si la nation française est en état de se gouverner elle-même.
La conservation des forêts, entre les mains du gouvernement, jugée indispensable par Sully, Colbert et l'Assemblée constituante, qui, pendant tout le cours de sa session, en avait pesé l'importance, ne paraissait plus devoir être mise en question. La perte irréparable que faisait l'Etat en aliénant ses bois, est si clairement démontrée dans rexcèlïent rapport de M. Barrère, que, pour les principes, généraux, il me suffira d'y renvoyer ceux qui osent les combattre, et qui n'y répondront jamais d'une manière satisfaisante.
La proposition seule de l'aliénation est impolitique, elle a jeté l'alarme dans tous les esprits, provoqué les réclamations d'une foule de départements, et confirme les bruits semés par les émigrants, du délabrement total de nos finances.
Dans la réunion des membres des 5 comités, auxquels l'Assemblée a renvoyé l'examen de la question, il m'a paru que les partisans de l'aliénation étaient principalement des départements méridionaux ou maritimes; les premiers, à raison de l'aridité de leur sol, ont peu de forêts et point de futaie ; n'ayant presque point d'hiver, ils n'ont besoin de bois que pour la cuisson de leurs aliments. Les départements maritimes ont la ressource de la navigation, qui peut leur importer des bois de l'étranger; cette ressource leur fait prendre moins d'intérêt à la conservation des forêts nationales.
Mais, pour la majorité des départements de l'intérieur, et surtout pour ceux de la frpntière d'Allemagne, du Luxembourg et de la Suissè, j'ose dire qu'en général l'aliénation, des forêts serait également destructive des bois, du commerce, ae l'agriculture, de la population, préjudiciable à la marine, peu profitable à l'Etat, et peut-être impossible a executer ; c'est ce que l'établirai après avoir relevé les erreurs dans lesquelles sont tombés les partisans de l'aliénation.
Quoique je sente que cet écrit n'intéressera, ni parle sujet qui est aride, ni par la diction pour laquelle je n'ai point de talents, prévoyant que n'étant pas inscrit des premiers pour la discussion, je ne pourrai obtenir la parole, j'ai cru devoir faire pàrt à mes collègues d'observations que la connaissance du local, et un peu d'expé-
(1) Ribliothèque nationale, Assemblée législative : Domaines nationaux, I. . Jî-,1
rience dans cette partie m'ont mis à portée de faire, et je les prie de me lire avec patience.
La modestie du premier orateur, partisan de l'aliénation, donne un nouveau mérite à son travail; il a développé dans la première partie des connaissances et de bonnes vues sur l'ordre à introduire dans le mode de réserve et d'exploitation des forêts ; il a remarqué, avec raison, que les massifs de futaie ne pouvaient produire ae bons bois de construction, et qu'on n'en trouve qui réunissent la solidité et le nerf nécessaire que dans les futaies sur taillis.
L'orateur est sorti souvent de l'état de la question: il a accumulé à son avis sur l'aliénation des forêts une digression sur leur organisation, sur le dessèchement des marais et le défrichement des landes : il n'a pas réfléchi que ce sont des questions séparées, qui demandent chacune sa discussion, et dont la première seule était à l'ordre du jour; que s'il y a des vices dans l'organisation et police des forêts, il faut les rectifier, mais que ces vices ne sont point un motif suffisant pour aliéner cette grande propriété nationale.
Cet orateur est tombé dans de grandes erreurs, sur la consistance de nos forêts, leur produit, leur valeur réelle, et les frais de leur administration ; il a beaucoup diminué les uns et exagéré les autres. Qu'il me permette de lui observer qu'il est tombé dans la même faute que le père eteau, dans la dissertation sur la multiplication du genre humain avant le déluge, et qu on peut lui répondre, comme à cet auteur, que les hommes, non plus que les madriers, ne se font point avec la plume.
L'orateur est tombé dans une inconséquence sensible : il a argumenté des frais de l'administration des forêts pour en induire que, pour se soustraire à cette dépense, il fallait les aliéner : d'un autre côté, il est convenu qu'on n'en devait pas laisser la disposition illimitée aux acquéreurs ; il faudra donc toujours une administration pour les surveiller; la nation, par la vente de ses bois, ne se soustrairait donc pas à cette dépense.
Il a proposé d'essarter et mettre en culture toutes les forêts situées dans les plaines; il a présenté une perspective riante d'accroissement de moissons et de pâturages : si les blés et le bétail étaient les seules choses nécessaires à la vie, leur augmentation pourraient aussi me séduire ; mais le bois étant d'une aussi absolue nécessité que les vivres et le vêtement, il y aurait de l'imprudence d'augmenter les seconds aux dépens des premiers, également indispensables. Il n'a pas réfléchi que, suivant la remarque des compagnies et des individus les plus instruits dans cette partie, en divisant la masse des coupes réglées de l'intégrité de nos forêts, entre tous les habitants du royaume, chacun n'avait pour son chauffage que le produit d'un trente-huitième d'arpent, qui ne donne qu'un cinquième de corde ; or, cette quotité est si évidemment insuffisante, qu'il faut chercher à l'augmenter plutôt qu'à la réduire.
On objecte que la Provence et le Languedoc, à raison de la douceur de leur température, consomment peu de bois de chauffage ; que la Flandre, l'Artois et le Forez ne brûlent que de la tourbe ou du charbon de terre.
J'en conviens mais on doit avouer également que les salines, forges, fonderies et autres usines à feu, remplissent au moins le vidé de la non-consommation des départements de ces pro-
vinces; il s'ensuit donc toujours que la portion de chauffage de chaque habitant ne sera que d'un cinquième de corde.
On a exagéré le prix que la nation tirerait de la vente de ses forêts; on en a évalué l'arpent à 500 livres. On n'a pas réfléchi que 4 millions d'arpents de plus, livrés à l'aliénation, feraient énormément baisser le prix de tous nos domaines ; que. l'arpent de bois qui, dans une infinité de cantons, ne vaut pas 50livres, se portera tout au plus, le fort portant le faible, à 200 livres; que conséquemment le produit de la vente du tout ne produira pas 600 millions.
Mais sur quels motifs, suivant ses partisans, cette aliénation serait-elle fondée? sur le peu de produit des forêts qu'on dit ne pas se porter annuellement à plus de 20 millions; sur les frais de leur administration que l'on élève à près de 4 millions par" n ; sur l'impossibilité physique que l'Administrâtion, comme elle est organisée, puisse suffire à ses fonctions; sur la supposition que les forêts entre les mains des particuliers, produiront toujours plus qu'en celles delà nation; enfin, sur l'état de nos finances, qui exige impérieusément la vente de nos forêts.
Je démontrerai, sur le premier motif, que l'esprit de système et de calcul a fait tomber les auteurs de cette assertion dans des contradictions, des exagérations d'une part et des réductions imaginaires de l'autre, qui détruisent leur propre système; sur le second, que les frais d'administration, beaucoup exagérés même dans le mode actuel, peuvent, sans nuire au bien du service, se réduire à près de moitié moins de la somme à laquelle on les porte; sur le troisième, que le nombre des administrateurs forestiers créés par l'Assemblée constituante, est suffisant pour leurs fonctions, et qu'il est très facile de les leur faire exécuter ; sur le quatrième, que l'expérience et les faits prouvent qu'en général il n'y a point de forêts plus mal tenues que celles des particuliers ; sur le cinquième enfin, qu'il n'est nullement prouvé que l'état de nos finances exige la vente de nos forêts ; mais que quand on supposerait le fait vrai, ce serait également nuire à la vente des biens nationaux et à celle des forêts, que d'en proposer cumulativement l'aliénation.
Réfutation du premier motif.
Son premier auteur, après avoir assuré que le revenu de nos forêts est tout au plus de 20 millions, avance, page 17 dè son opinion imprimée, que les seules sapinières des ci-devant provinces de Lorraine, Alsace et Franche-Comté, produiv ront annuellement 120 milli èns de pieds cubes de bois de construction : il âjoute cependant que l'essence qui domine dans les forêts de ces provinces est le chêne ; d'où l'on doit conclure que le chêne dé ces forêts doit produire au moins autant de'bois de construction; les futaies réunies de ces 3 provinces donneraient donc annuellement, suivant son calcul, 240 millions de pieds cubes de bois de construction.
Or, supposons que le pied cube de ce bois rie se vende que 20 sous, ce qui est certainement bien au-dessous de son prix réel, les seules futaies des forêts de ces 3 provinces qui ne contiennent pas moitié des forêts du royaume, produiront annuellement 240 millions ; que l'autre moitié devant produire au moins la même somme, parce que, si ce bois est plus rare dans les autres parties du royaume, il doit nécessairement y hausser de prix, le revenu des seules
futaies de nos forêts s'élèverait à 480 millions. Leur produit annuel en bois de chauffage, non compris les fagots, est estimé à 5,240,272 cordes; je suppose le prix de la corde à 6 livres, qui est certainement le prix commun le plus bas, cette quantité de cordes donnerait un revenu de 30,441,632 livres, qui ajouté aux 480 millions produit des seules iutaies, donnerait un revenu de 510,441,632 livres.
Il passe pour constant que le royaume contient 13,100,000 arpents de forêts ; les partisans de l'aliénation supposent que la nation est propriétaire de 4 millions de ces arpents, conséquem-ment des quatre treizièmes de la totalité des forêts du royaume : or, en divisant, dans cette proportion, les 510,441,632 livres, à laquelle somme, suivant le calcul .des partisans de la vente des forêts, s'élèverait le produit annuel de toutes celles de France, il s'eiïfuivrait que la nation, pour les quatre treizièmes qui lui appartiennent, percevrait annuellement 130,058,960 livres, et ce sont les auteurs de ce calcul qui, dans le même travail, estiment à 20 millions au plus le revenu des forêts nationales! Une pareille contradiction démontre évidemment combien on doit se défier de l'esprit de système.
Quant à moi, qui déteste l'exagération, j'avancerai seulement que nos forêts peuvent produire, dès à présent, un revenu de 25 millions qui, avec une bonne administration, s'élèvera facilement jusques à 40.
Les partisans de l'aliénation portent à 3,885,830 livres les frais d'administration de nos forêts : il est évident qu'ils ne se portent pas à beaucoup près à cette somme; que moyennant quelques réformations peu sensibles dans l'organisation forestière, ils se réduiront à près de moitié moins ; je présenterai même à la nation un projet qui fera absolument tomber ces frais sur le luxe, sans qu'il en coûte rien à la masse du peuple.
Je discuterai d'abord les articles du tableau des dépenses présenté par les partisans de l'aliénation.
Les premier et second articles portent à 50,000 livres les gages des 5 commissaires et les frais de leurs tournées. J'avoue que, suivant le plan de l'organisation forestière, cette dépense se porterait à peu près à la somme tirée hors ligne ; mais, comme je maintiens que les 5 commissaires doivent être réduits,à un, et qûe leurs tournées seraient parfaitement inutiles, je réduis les deux articles à 12,000 livres pour les gages d'un seul commissaire; la dépense de la nation sera donc, sur ces deux articles, diminuée de 38,000 livres.
J'ai dit que le? 5 commissaires doivent être réduits à un. Vous vous rappelez, Messieurs, que, sous l'àncien régime, l'intendance de l'universalité des domaines et bois nationaux était confiée à un seul homme. Or, si, sous ce régime dissipateur, on avait éprouvé qu'un seul suffisait à ce travail, il est bien surprenant que l'Assemblée constituante, qui avait distrait les domaines de cette partie ae l'administration, ait imaginé d'établir 5 personnes poûr la police générale des seules forêts. Les deux premiers articles de dépense du tableau doivent donC être modérés au moins à : 12,000 livres, ci............... 12 ,000 liv.
Les articles 3 et 4 qui se por^ -tent à 78,800 livres doivent être réduits à 32,000 livres, les frais des bureaux des domaines et bois
réunis ne se portaient qu'à cette dernière somme : or, le travail de ces bureaux n'étant point augmenté, il y aurait de l'inconséquence à accroître ses salaires ; les articles 3 et 4 doivent donc être modérés à 32,000 livres ci....................... 32,000 liv.
Les articles 5 et 6 pour le bureau des plans et artistes, et l'hôtel d'administration que l'on porte ensemble à 32,000 livres de dépense, en doivent être rayés entièrement ; il existe des plans et cartes de toutes les forêts nationales, tant dans les bureaux des grands maîtres que dans ceux au ci-devant intendant des domaines; il. est donc superflu d'employer des artistes pour en faire d autres : quant à l'hôtel d'administration, la dépense de sa location est purement négative. Cet hôtel existe et appartient à la nation, il ne lui en coûtera donc rien pour se le procurer.
L'article 7 pour frais d'établissement, port de lettres, registres et marteaux que l'on porte annuellement à 20,000 livres doit être réduit à 2,000 livres. Les frais d'établissement ne coûteront rien, puisque les bureaux sont établis ; les ports de lettres sont une dépense négative ; la dépense des marteaux ne se fera qu'une fois dans 20 ans, et ne peut conséquem-ment être regardée comme annuelle; la fourniture des registres est la seule qui doive se renouveler tous lés ans : mais comme la nation ne paye que le papier et non le timbre, cet article se portera au plus à 2,000 livres ae dépense annuelle, ci.......................... 2,000
Les articles 8, 9 et 10 sont justes, ils doivent être passés pour la somme qu'ils portent, ci.............................................947,500
L'article 11 est une erreur manifeste, il ne doit point y avoir d'arpenteurs attachés à chaque inspection, mais seulement un petit nombre à chaque division, jusqu'à ce que le bornage et la mise en règle des forêts, qui sont très avancés, soient achevés; suivant les articles 9 titre II, et 6 titre III de l'organisation forestière, les inspecteurs, à compter du 1er janvier 1797, seront tenus de connaître les règles de l'arpentage ; il n'existera plus d arpenteurs à la charge de l'Etat; et actuellement, vu le petit nombre de ceux qui sont nécessaires, une somme de 40,000 livres est plus que suffisante pour leurs salai res L'art. 11, au lieu de 757,000 livres, doit donc être réduit à
40,000, ci.....................40,000 liv.
L'article 12, pour les gages des gardes est de beaucoup exagéré; on trouvera facilement des gens aptes et honnêtes qui s'en chargeront pour 6 sols par arpent ; cette depense sera donc réduite à 1,200,000, ci................ 1,200,000
Total........... 2,233,500 liv.
RÉSUMÉ
Commissaire............12,000 liv.
Bureaux................... 32,000
Registres...................2,000
Conservateurs , inspecteurs et suppléants................................947,500
Arpenteurs..................................40,000
Gardes..........................................1,200,000
Égalité........... 2,233,500 liv.
Mais outre que, comme je l'ai démontré précédemment, ces irais seront dans 5 ans diminués de 40,000 livres, il y a un moyen juste et facile de réduire la dépense à la charge de l'Etat, en en faisant supporter une partie aux municipalités propriétaires de forêts.
De tout temps, Messieurs, les municipalités ont contribué aux honoraires de ceux qui administraient leurs bois, et il est en effet de toute justice que chacun participe aux frais de l'administration, lorsqu il en tire de l'avantage : or, les municipalités possèdent 2,202,134 arpents de forêts ; en supposant que les quarts de réserve subsistent comme précédemment, il reste pour les coupes ordinaires 1,655,000 arpents qui aménagés à 25 ans de recrute, donneront 66,000 arpents d'affouage : or, que chaque municipalité verse dans la caisse de son district 3 livres par chacun des arpents qui lui seront délivrés annuellement, cette modique rétribution diminuera la dépense de la nation de 196,000 livres.
Si les quarts de réserve subsitent, les 2 sols pour livre de ceux qui se vendront annuellement, et qui ont toujours été versés dans les coffres de l'Etat, produiront au moins 50,000 1. par an; la faible mais juste contribution des municipalités, dans les frais de l'administration forestière, sera donc de 246,000 livres, qui, déduits des 2,233,500 livres que j'ai prouvé être le plus haut taux auxquels ils puissent s'élever, réduiront cette dépense à 1,987,500 livres, con-séquemment très près de moitié moins que la somme à laquelle on l'avait arbitrairement portée; et certes cette dépense n'est point trop forte pour un revenu de 25 millions : 1 Assemblée nationale laisse subsister les administrations des postes et messageries, qui ne rapportent pas à eaucoup près autant, en proportion des frais au'elles coûtent; les frais de l'administration es forêts seront encore réduits par la part qu'en supporteront les propriétaires d'usines à feu qui s alimentent par des affectations en forêts nationales; ces propriétaires ont toujours payé les officiers de maîtrises pour les bois qu'ils leur délivraient; ils verseront dans les caisses de district les sommes qu'ils donnaient à ces officiers.
Mais si l'Assemblée nationale trouve encore que les finances de l'Etat ne lui permettent point e supporter cette dépense ainsi réduite, il est un moyen simple et juste de la faire supporter
entièrement par le luxe, sans qu'il en coûte rien à la classe peu aisée des citoyens ; ce moyen est d'établir une taxe sur les cheminées en exemptant de cet impôt tout citoyen qui n'aura pour toute sa famille qu'un ou deux feux ; de cette manière, les grands consommateurs de bois paieront seuls les frais d'une administration dont le produit tourne principalement à leur commodité; et les citoyens qui n'en consomment que l'indispensable pour leur chauffage et la cuisson de leurs aliments, seront indemnisés en partie du haut prix auquel ils sont forcés d'acheter le bois.
Je passe à la troisième proposition des partisans, ae l'aliénation; elle consiste à dire que les fonctionnaires créés par la loi de l'organisation forestière, étant en nombre très inférieur à ceux des ci-devant maîtrises, qui selon eux ne pouvaient suffire à leurs fonctions, à plus forte raison, les nouveaux administrateurs ne pourront-ils les remplir. On ajoute que leur responsabilité sera illusoire comme ci-devant, parce qu'ils se passeront réciproquement leurs malversations : il est facile de faire tomber cette objection; ses auteurs ignorent ou feignent d'ignorer que les opérations de campagne, des ci-devant maîtrises,leur prenaient tout au plus deux mois par an, et que pendant les 10 autres mois, leurs fonctions se bornaient au jugement des délits forestiers et à un très léger travail de cabinet. Après cette observation préliminaire, il me sera facile de démontrer que les nouveaux fonctionnaires suffiront, sans être chargés, à toutes les opérations gruriales.
Je dois, à cet effet, rappeler que dans la totalité des forêts nationales et des municipalités qui se portent à 5,591,597 arpents, le domaine en possédait 926,054; les princes apanagés 337,906, et que les forêts engagées se portent à 43,000 arpents ; toutes ces forêts n'avaient point de quart de réserve, et étaient divisées en coupes annuelles : mais les ci-devant corps ecclésiastiques et les municipalités en possédaient 4,284,030 arpents. Cette masse, qui approche des 4/5 de toutes les forêts sur lesquelles les administrateurs doivent opérer, n'est point toute divisée en coupes annuelles; le quart en a été distrait pour subvenir aux besoins extraordinaires des corps auxquels il appartenait ; il s'exploite tout au plus une fois dans 25 ans : ce quart est 1,071,007 arpents; en le distrayant des forêts destinées aux coupes annuelles, elles seront réduites à 4,520,590 arpents. Divisez cette quantité par le nombre de 25, qui est l'âge auquel seul en général on doive couper les bois, le quotient vous donnera 182,230 arpents de coupe annuelle et quelques fractions; répartis-sez ensuite ce quotient sur les 303 inspecteurs, chacun d'eux n'aura que 611 arpents et demi et quelques fractions à délivrer par année, ce qui ne fait pas 2 arpents par jour; ôtez 6 mois dans lesquels on n'opère pas dans les bois, là délivrance journalière des inspecteurs ne s'élèvera pas à 4 arpents : or, tous ceux qui connaissent les opérations forestières, savent qu'un inspecteur peut délivrer 12 arpents par jour; il aura donc suffisamment de temps pour la visite des forêts de son arrondissement, qui ne se porteront pas à 19,000 arpents pour la poursuite des délits, la rédaction des procès-verbaux et sa correspondance avec ses supérieurs. Au sur- plus, dans les cas urgents, il trouvera du secours ans les suppléants ae sa division.
Quant au danger que les fonctionnaires ne
négligent leurs fonctions, il est un moyen bien simple d'y obvier ; ils ne peuvent toucher leurs gages qu'un vertu de mandement des corps administratifs : ces corps sont chargés de les surveiller; qu'on les rende responsables des mandements qu'ils auront délivrés aux fonctionnaires négligents ou malversateurs, et l'on aura une certitude morale que l'argent de la nation ne sera délivré qu'à ceux qui auront fait leur devoir.
Sur le quatrième motif, les préopinants ont soutenu qu'en général les biens appartenant à une société étaient plus mal tenus que ceux des individus; ils en ont donné pour exemple les communes. Ils ont ajouté que les forêts des particuliers étaient d'un plus grand produit que celles de la nation.
Je conviens avec eux de la première proposition ; il est de fait en général que les propriétés privées sont mieux cultivées que les propriétés communes, mais quant à la seconde proposition, elle est démentie par l'expérience, et je n'hésite pas de poser en fait la proposition absolument contraire.
Il est depuis plusieurs siècles tellement notoire que les particuliers dégradent entièrement leurs bois, que les lois forestières, pour empêcher cet abus, ont été forcées de les soumettre à l'inspection des officiers royaux ; et malgré leur surveillance, à l'exception de quelques ci-devant corps religieux, qui administraient leurs bois, en bons pères de famille, en général ceux des particuliers sont les plus mal tenus du royaume.
En effet, outre que l'impatience de jouir ne leur permet pas d'attendre la maturité de leurs coupes, s'il v existait un pied d'arbre beau et susceptible d accroissement, il était le premier sous le tranchant de la coignée; s'ils se conformaient à l'ordonnance pour le nombre des réserves, ils ne laissaient que les arbres qu'ils avaient peu d'intérêt à abattre; si quelques pères économes et rangés avaient maintenu une bonne police dans leurs bois, les enfants moins aisés ou prodigues, détruisaient dans un jour le le fruit de l'ordre de leur père; et comme de toutes les propriétés, il.n'en est point qui se reproduise plus lentement que les forêts, la fauté a'un jour coûtait un siècle à réparer. Il est donc de fait en général que, quoique les forêts nationales ne soient point aussi bien tenues qu'elles pourraient l'être, celles des particuliers sont dans un beàucoup plus mauvais état.
Sur le cinquième motif, je dirai qu'il n'est nullement démontré que l'état de nos finances exige le sacrifice de nos forêts ; il me paraît que l'inquiétude des comités des finances sur lé payement de la dette exigible leur a fait de beaucoup exagérer le passif et diminuer l'actif. Cette crainte fait honneur à la loyauté des membres ; mais aucun d'eux ne sait à quel taux s'élèvera la masse des biens qui nous restent à vendre; l'augmentation progressive de leur prix doit relever leurs espérances; et il existe d'ailleurs une infinité de domaines engagés ou aliénés dans lesquels la nation est en droit de rentrer *
Les partisans de la venté doivent convenir que la vente des forêts ne serait indispensable, qu'autant qu'elle fournirait de quoi éteindre complètement notre passif. Or, il est certain : l°que pour savoir s'il sera éteint, il faut connaître positivement en quoi il consiste, et cette certitude ne peut être acquise qu'à l'expiration du délai accordé aux créanciers de l'Etat pour produire leurs titres ; or, il se passera près de deux ans,
avant que ce terme ne soit expiré pour ceux qui habitent les îles et nos possessions au delà du cap de Bonne-Espérance; jusqu'à cette date donc, il est impossible de savoir le montant de notre passif.
2° Si les calculs des comités des finances sont justes, il s'en faudra de beaucoup que l'aliénation des forêts suffise pour éteindre le déficit; or, comme le projet des partisans de l'aliénation porte principalement sur la supposition que ce déficit sera éteint ; le principe cessant, la conséquence doit également tomber.
3° Outre qu il y a une impolitique évidente d'exposer en vente une trop grande masse de biens, parce que la multiplicité diminue la concurrence et fait baisser le prix du tout; quelle garantie peuvent nous donner les partisans de Paliénation, que cette masse énorme de biens trouvera des acquéreurs? Pensent-ils que la fortune des particuliers soit un fond inépuisable ? N'est-il pas clair que le haussement énorme du prix de toutes lesdenrées la baisse sensiblement? Ne sentent-ils point que nos troubles, et notre situation incertaine vis-à-vis des étrangers arrêteront nécessairement les ventes; et que tant que la paix intérieure et extérieure ne sera point solidement établie, les étrangers se garderont bien de faire des acquisitions, dont ils ne trouveraient point une garantie suffisante?
4° Il est convenu que la masse des assignats en circulation- est trop considérable, et il est arrêté que de 1,500 millions on la réduira à 900. Or, en supposant que notre dette exigible soit aussi considérable que Messieurs des finances le supposent, et notre numéraire étant presque entièrement disparu, il est clair que l'on ne pourra acquitter cette dette qu'en papier monnaie ; on sera donc forcé de le multiplier au lieu de le restreindre.
5° L'Assemblée constituante et celle législative, en mettant toute la dette.publique sous la sauvegarde de la loyauté de la nation, n'en a pas excepté la dette constituée : or, il est avoué que la nation, malgré que son engagement n'excepte rien, ne veut point rembourser cette dernière; il l'est également suivant les comités des finances. que l'aliénation des forêts ne suffit pas pour éteindre la dette exigible; il y aura donc toujours des créanciers de cette dernière classe qui ne seront point acquittés; or, pourquoi ne le seraient-ils point comme les premiers liquidés? Leurs titres ne sont-ils pas les mêmes, et si l'on regarde comme une espèce de banqueroute de ne point les désintéresser tous, les derniers ne seront-ils pas fondés à se plaindre de ce que la nation ne leur a pas fait la même justice qu'à d'autres qui n'avaient pas plus de privilège?
Il résulte de ces observations, que la vente des forêts nationales ne pouvant atteindre lé but pour lequel les partisans de l'aliénation la provoquent, il serait aussi imprudent qu'impo-litique de prendre cette mesure. Je passe à l'établissement des propositions que j'ai posées avant de discuter les motifs des partisans de la vente.
L'aliénation des forêts en provoquerait la destruction. La loi sur l'organisation forestière soustrait les bois des particuliers à toute inspection et régime, elle leur en laisse la disposition illimité ; ils sont les maîtres de les essarter et de les changer de nature ; qui ne voit que tout acquéreur empressé de se libérer et de jouir, coupera toute la superficie de ses bois, et privera le public de la ressource annuelle qu'il
y trouvait, lorsqu'ils étaient divisés en coupes réglées. On répondra que l'on peut parer à cet inconvénient en limitant la liberté des acquéreurs des forêts ; mais outre que cette limitation est contraire à l'esprit de la Constitution, il est sensible que plus vous restreindrez la jouissance, moins vous trouverez d'acquéreurs ; il en résultera que vos forêts passeront presque exclusivement dans les mains de monopoleurs à spéculations, qui, à défaut de concurrence, les achèteront à vil prix.
L'aliénation serait destructive du commerce, dans une portion considérable de la France.,
Les départements de la Meurthe, Meuse, Moselle, Vosges, Doubs, Jura, Haute-Saône, à raison de l'humidité du sol et de la graisse de leurs pâturages n'ont que des laines très grossières ; la même cause et la froideur du climat, leur interdit l'éducation des vers à soie, et ne leur donne que des lins et chanvres de la dernière qualité ces départements n'ont donc point de manufactures ; ils sont forcés de tirer de l'intérieur du royaume les soiries, draperies et toiles*: Il en est à peu près de même des départements du Haut et Bas-Rhin. Ce commerce fait sortir de tous un numéraire immense.
La nature leur a donné en dédommagement des sources salées et des mines dé fer ; l'industrie des habitants, qui ne pouvait soutenir la concurrence des autres fabriques du royaume, s'est portée vers l'exploitation des mines et des autres usines à feu ; dépourvus de fossiles combustibles, mais riches en forêts dont la quantité, dans l'ancienne province de Lorraine seule, est à peu près d'un quart de toutes celles du royaume, les habitants ont établi et construit des salines, des forges, fonderies-, ferblanterie, des verreries et faïenceries ; le produit de ces manufacturés, versé chez l'étranger et dans l'intérieur de la France, ramène une partie des sommes que l'importation des soieries, draperies et toiles en a tirées.
La majeure partie de ces usines a une affectation emphyteotiqUe dans les forêts nationales ; tous les entrepreneurs n'oiit construit que dans l'assurance quils auraient les bois à bas prix; si la nation retire les forêts et les met en vente, outre qu'elle sera forcée d'indemniser les em-phytéotes de la non-jouissance de leurs baux, ce qui égalera peut-être le prix de la vente des forêts, toutes les usines, à défaut d'aliments, ou forcées de les acheter au prix que les acquéreurs seront les maîtres de tenir le bois, tomberont d'elles-mêmes ; 10,000 ouvriers, habitués dès l'enfance au travail de ces usines, resteront sans ressourcé, seront plongés dans l'extrême misère, et la JFrance perdra une branche de commerce florissante.
Je donnerai un échantillon de cette perte. Les salines de la Meurthe ont 45,000 aroents dé bois d'affectation qui leur donnent "36,000 cordes de bois d'affouage annuel. Le prix de la corde de bois, si elle se vendait, ne se porterait point à 6 livres ce qui pour les 36,000 cordes produirait au plus 216,000 livres. Eh bien, ces 36,000 cordes de bois converties en sel, outre qu'elles font vivre plus de 1,000 employés et ouvriers, vaudront à la nation 2 millions de revenu net, très susceptible d'augmentation; le fait sera démontré dans le rapport sur les salines de la Meurthe, dont s'occupe le comité des domaines.
L'aliénation des forêts serait destructive de la population et de l'agriculture, dans les dépar-
tements dé la Moselle, des Vosges et de la Meurthe; les forêts de ces départements sont en grande partie accensées aux municipalités de campagne, qui ont droit d'y prendre le bois de construction et de maronage, le bois mort et mort-bois, et la grasse et vaine pâture.
C'est sur la foi de cet accensement que les municipalités se sont établies, on ne peut les en priver sans indemnité; sous ce point de vue la vente des forêts serait donc peu profitable, mais elle serait vraiment désastreuse sous un autre aspect ; dans les Vosges et la partie allemande des départements de la Moselle et de la Meurthe, il existe très peu de prairies, l'habitant n'a de ressource pour son bétail que la vaine pâture dans les forêts ; si on l'en prive, l'agriculture tombe, et avec elle les moyens de subsister.
Mais l'agriculture essuierait encore une autre perte très sensible par l'aliénation des forêts : les départements compris dans les ci-devant provinces de Lorraine, Trois-Evêchés et Franche-Comté, ont en général un sol de terre forte et compacte, les chemins vicinaux y sont très mauvais et presque impraticables; il en résulte que les instruments aratoires et de transport se rompent très fréquemment; le bois de charron-nage doit donc être commun et à bon prix dans ces départements^ et il est évident que, par l'aliénation des forêts, il se portera à un prix auquel les laboureurs ne pourront atteindre *. ainsi une portion considérable des plus productives de la France, qui alimente la majeure partie des départements du midi, deviendra inculte. U reste deux considérations locales qui démontrent que l'aliénation des forêts entraînerait la dépopulation de ces départements, ainsi que de ceux du Haut et Bas-Rhin ; dans une grande partie de ces cantons il. n'existe ni moellon, ni tuile, ni ardoisière, ni argile propre à la tuile ; les habitants sont forcés à construire et couvrir la totalité de leurs édifices en bois ; la froideur du climat, occasionnée par le ybisi-nage des montagnes et la fréquence des étangs et marais, prolonge l'hiver l'espace de 6 mois, pendant lesquels il est impossible de se passer de feu; la nature ayant refusé à ces départements des fossiles combustibles, ils sont forcés à employer le bois pour leur chauffage. Les acquéreurs qui n'ignoreront point cette circonstance, convaincus que les bois de construction et de chauffage sont de première et absolue nécessité, exerceront un monopole ruineux, et les habitants ne pouvant plus ni sè loger ni se chauffer, seront réduits e, s'expatrier, et la nation perdra un million de citoyens laborieux.
Ce tableau, qui n'est nullement exagéré, doit faire sentir combien Y aliénation serait difficile à exécuter ; on conçoit, en effet, à quels excès le désespoir peut porter une si grande portion de citoyens forcés à quitter les champs qui les ont vu naître, et à abandonner une patrie que la Constitution leur faisait ardemment chérir ; vous les obligerez à se jeter dans les bras des émigrés, et vos départements de la frontière la plus exposée deviendront, par votre fait seul, le foyer de la contre-révolution.
La vente des forêts serait très préjudiciable à la marine. Toutes les rivières navigables de l'intérieur affluent à nos ports de l'Océan et de la Méditerranée : il est donc on ne peut plus facile d'y faire parvenir, soit en grume, soit en madriers, les bois de construction, percrus dans les forêts de l'intérieur. Dans la guerre maritime de 1758, où les Anglais, après avoir détruit
nos forces navales, étaient maîtres de la mer, il nous était impossible de tirer des bois de l'étranger pour remplacer nos vaisseaux pris. Notre commerce sans protection, devint la proie de nos ennemis, et nos négociants se sentent encore de cette perte.
Cet événement ne peut-il pas se renouveler, et nous ôterons-nous, en aliénant nos forêts, la faculté de construire avec les bois de notre crû? Non, les générations actuelles et futures n'auront point à reprocher à la première Assemblée législative, de lui avoir fait cette plaie irréparable.
On objectera que nos forêts ne suffisent pas, à beaucoup près, pour l'entretien de notre marine, qu'elles ne fournissent point de mâture. Je conviens qu'à l'exception de la Corse, nos autres provinces ne fournissent point de mâts, tels que notre marine en emploie; mais les montagnes des Vosges ont les plus belles sapinières ; personne n'ignore que les flottes russes sont entièrement construites de cette espèce de bois; et pourquoi ne tirerions-nous pas ïemême parti dé nos productions naturelles ? Les départements de la Meurthe, Meuse et Moselle produisent une quantité considérable de chênes de la plus belle et meilleure' espèce ; il y a 30 ans que, dans les seules forêts du district de Bitche, on vendit 50,000 pieds d'arbres chênes, et elles contiennent encore une infinité d'arbres de la même espèce; les Hollandais, qui furent adjudicataires de cette vente, dont ils firent passer le bois de construction dans leurs ports, par la Sarre, la Moselle et le Rhin, continuent ce commerce, ramènent ce bois en France, où ils le vendent au poids de l'or ; jusques à quand la nation souffrira-t-elle que des étrangers s'enrichissent ainsi de nos propres productions ? Le ministère de Louis XV avait essayé de le leur enlever, en prohibant momentanément la sortie des bois du royaume, mais son insouciance ne lui ayant fait prendre aucun moyen pour les employer à l'avantage de la nation, le prix des ventes baissa, et la prohibition fut révoquée ; il est cependant très facile de nous approprier ce commerce | si l'on ne joint point, par un canal de navigation, la Meuse et la Moselle à la Marne, comme la chose est très possible, que l'on établisse des commissaires à résidence dans les 4 départements de la ci-devant Lorraine, -J qu'ils soient tenus de parcourir les coupes annuelles, et de réserver, pour la marine, les bois -qui lui conviennent, qu'on les fasse flotter dans nos ports par la même voie que les Hollandais, et notre marine aura, à bon prix, une quantité de bois de meilleur essence que ceux que l'on tire du Nord. Je me résume et je dis : j'ai prouvé que l'aliénation de nos forêts serait destructive! des bois, d'une branche précieuse de notre commerce, ae l'agriculture et de la population dans une portion considérable de l'Empire, très préjudiciable à notre marine, peu profitable à l'Etat et peut-être impossible à exécuter. Je conclus, en conséquence, à adopter le projet de décret du comité.
a la séance de l'assemblée nationale législative du vendredi 2 mars 1792, au matin.
Observations (1) sur la question de Valiénation des forêts nationales, présentées à VAssemblée nationale, par la société royale d'agriculture, le 3: février 1792 (2).
Rapport fait à la Société royale d'agriculture, sur la question de l'aliénation des forêts nationales.
« L'abondance du bois est d'une nécessité si absolue, sa consommation se diversifie de tant de manières, et elle est excitée par tant de besoins sans cèsse renaissants, qu'il est incompréhensible qu'une société policée ait pu cesser, un seul instant, de veiller à la conservation, à l'aménagement, à la reproduction de ses bois et de ses forêts ». Telles sont les expressions dont se servait la Société royale d'agriculture, dans ses observations sur V aménagement des forêts, et particulièrement des forêts nationales, présentées à l'Assemblée nationale constituante, le 9 juin 1791.
Déjà longtemps avant cette époque, cette compagnie, constante dans sa marche sur tous les objets de bien public, liés à la prospérité de l'agriculture et de l'économie rurale, n'avait rien négligé pour se procurer toutes les observations qui pourraient la mettre en état de publier un avis développé sur les semis, les plantations, l'amélioration et la conservation des bois et des forêts. Elle pensa alors qu'il était de son devoir et conforme à l'esprit de son institution et aux besoins des circonstances, de donner son opinion sur un objet d'un intérêt aussi général que l'aménagement, et non seulement elle décida qu'une copie en serait présentée à l'Assemblée nationale, mais encore qu'elle serait imprimée et distribuée à ses frais.
Son zèle ne s'est point ralenti. Plus convaincue que jamais, que le dépérissement des forêts du royaume devient, de plus en plus alarmant; que la consommation des bois destinés au chauffage, à la charpente et à la marine, excède la reproduction, et qu'il est de la plus urgente nécessité de vèiller à leur conservation, à leur accroissement et à un meilleur aménagement; elle n'a point calculé l'exiguité des fonds qui étaient à sa disposition, elle n'a consulté que Son amour du bien public, et après avoir adopté un second mémoire sur l'aménagement des forêts fruit dés expériences et dès observations de celui de ses membres/ auquel elle devait le premier (M, Varenne de Feuille), elle l'a fait également imprimer et distribuer. :
Peu satisfaite encore d'avoir offert ces nouveaux moyens d'instruction, devenus si nécessaires,; elle a cherché à diriger l'industrie agricole vers un objet aussi essentiel au bien général, en proposant, à sa dernière séance publique, 28 prix destinés à ceux qui entreprendraient avec succès 28 espèces de plantations différentes d'arbres indigènes et exotiques, indiqués dans son programme. ,
Une grande question est aujourd'hui présentée au Corps législatif: celle de l'aliénation des forêts nationales. Cette question, la plus importante, sans doute, de toutes celle qui ont pu être • agitées jusqu'à présent, relativement aux propriétés nationales, touche immédiatement, par tous ses points, à la prospérité de l'agriculture, du commerce, des arts et à l'existence même de de tous les citoyens. Différente de tous les autres, elle n'offre à ceux qui en cherchent la solution, que l'alternative d un bien dont les effets ne peuvent pas être d'abord très sensibles, ou d'un mal irréparable ; car il est permis aux hommes de regarder comme irréparables les maux qui ne peuvent être guéris que par des siècles.
C'est particulièrement lorsque de pareilles questions sont élevées, qu'il importe de réunir toutes les opinions et toutes les lumières, d'accueillir et de solliciter même toutes les remarques et toutes les observations ; c'est alors que 1 esprit de système ou de parti doit entièrement disparaître et qu'une objection solide pour ou contre devient un véritable bienfait.
Pénétrée de cette vérité, la Société royale d'agriculture a cru qu'elle devait élever la voix dans cette circonstance. Elle pouvait déjà s'applaudir d'avoir attiré, avec succès, l'attention de l'Assemblée constituante sur une infinité d'objets intéressants pour les habitants des campagne» et pour le commerce ; elle a dû croire que l'Assemblée législative accueillerait également, et pèserait dans sa sagesse, les observations qu'elle ferait sur une question aussi importante que celle de l'aliénation des forêts nationales.
En conséquence, elle a nommé 5 commissaires (MM. Abeille, Tessier, Boncerf, Varenne de Feuille et moi), pour rassembler toutes les observations relatives, soit dans les mémoires déjà présentés à la compagnie, soit dans les avis particuliers de ses membres, soit enfin celles qu'ils devraient à leur propre expérience.
Pour répondre aux vues de la compagnie et à l'urgente nécessité d'accélérer un travail aussi utile, nous avons cru ne devoir envisager la question que sous le point de vue de son importance pour l'agriculture et tous les arts qui en dépendent, et écarter des développements que nous lui soumettrions toutes les discussions uniquement relatives aux finances de l'Etat.
Nous avons senti également que, pour donner à notre travail toute l'utilité qu'on a droit d'en attendre, il ne suffisait pas de discuter la question dans votre comité, et de présenter ensuite des conclusions motivées; nous avons pensé qu'il était indispensable d'offrir, avec la plus sévère impartialité, tous les faits, tous les motifs, tous les raisonnements qui peuvent militer pour ou contre l'aliénation, du moins tous ceux que nous avons pu connaître.
Si les faits de l'ancienne administration forestière pouvaient servir de base à la décision de la question, elle serait bientôt jugée : mais on ne doit pas plus juger d'une chose par ses abus, que de la liberté par la licence.- Il faut nécessairement remonter à des principes qu'on ne puisse contester, et à des faits qui, également incontestables, ne puissent pas être différents de ce qu'ils sont, dans une administration bien réglée.
Nous ne remonterons donc pas, pour appuyer, notre opinion, aux anciens abus de l'administration forestière ; ils sont d'ailleurs généralement connus : on sait qu'elle était soumise à une ordonnance en partie défectueuse, dont l'exécution était confiée à des officiers qui s'y confor-
maient ou ne s'y conformaient pas, selon les circonstances ; on sait aussi qu'à un petit nombre d'exceptions près, ces officiers faisaient peu d'observations profitables pour la science de l'aménagement. On eût dit que quelques-uns d'entre eux, semblables aux anciens druides, auxquels ilsparaissaientsuccéder, épaississaient, pour ainsi dire, l'obscurité des forêts, et en voulaient fermer l'entrée aux physiciens-observateurs.
Il n'est donc point étonnant (et c'est un fait qui ne doit pas être oublié pour la décision de la question) que les connaissances forestières soient les moins avancées de toutes celles qui tiennent à l'économie rurale de la France. On ne pouvait les acquérir que par des expériences et des observations multipliées, et faites en grand. C'était donc de l'administration forestière qu'on devait les attendre; c'était à elle à donner l'exemple, même à imposer des lois aux grands propriétaires et autres, qui, généralement peu instruits de leurs véritables intérêts, s'en rapportaient à leurs gens d'affaires, et ne visaient qu'à l'augmentation présente de leurs revenus. Qu'aurait-on pu attendre des autres particuliers qui n'avaient point de bois 911 qui en avaient peu, qui n'avaient ni droit, ni intérêt à observer la marché de la nature, et qui n'avaient d'ailleurs aucun moyen de le faire?
La matière est donc neuve, en administration comme en physique, et cette réflexion ne contribue pas peu à rendre la décision de la question, encore plus problématique.
Mais voyons si, en invoquantun principe connu, nous n'obtiendrons pas un résultat plus certain.
Personne ne doute que l'intérêt d'une nation ne soit que son territoire produise le plus possible, et que le nombre des propriétaires, soit le plus grand possible.
A cette vérité fondamentale, on peut joindre un autre principe également reconnu, et démontré par l'état des communes en France ; c'est que la chose commune est toujours mal soignée, et que, comme l'a dit Loyseau, de bien commun on ne fait pas monceau. Mettre une chose en commun n'est donc pas le moyen de faire produire au territoire le plus possible. .Maintenant, pourrons-nous appliquer cette circonstance aux forêts nationales? Quelques personnes en sont d'avis et représentent que, malgré leur étendue, elle n'ont été presque d'aucune ressource pour les besoins publics ; les unes, disent-elles, fournissent très peu de bois de construction, les autres n'en fournissent que de défectueux, et qui sont rejetés des chantiers de la marine : enfin presqu'aucun des bois conservés en futaie n'a les qualités nécessaires aux grands emplois. Mais cet ordre de choses tient-il à la nature de la propriété, c'est-à-dire, provient-il de ce que les forêts peuvent être considérées comme propriété commune? On serait tenté de le croire, en observant que les seules forêts des particuliers et celles des pays qui n'étaient pas soumis à l'ordonnance et à son régime, ont fourni des bois de prix et propres aux grandes destinations; mais est-il Bien sûr que les abus, l'ignorance et les erreurs de l'administration forestière ne soient pas la seule cause de cette différence? Il s'agirait de prouver, pour le nier, qu'avec une administration mieux entendue, plus éclairée, et surtout plus exacte, on aurait oDtenu à peu près le même résultat. Mais on est bien éloigné d'avoir une preuve de fait sur cet objet, puisqu'au contraire on pourrait, à la rigueur, citer de vastes pro-
priétés particulières, parce qu'elles n'étaient pas censées appartenir à la nation, mais communes, dans le sens qu'elles n'appartenaient point à tel ou tel particulier et qu elles étaient l'apanage d'un ordre entier (1) dispersé dans toutes les parties du royaume, on pourrait observer, dis-je, que les forêts considérables, renfermées dans ces vastes propriétés, offraient un tableau infiniment plus satisfaisant, enrichissaient leurspossesseurs, et étaient beaucoup plus utiles à l'Etat. Cette différence n'existait entre elles et les forêts du domaine, que parce qu'elles étaient soumises à une administration plus éclairée et plus exacte, mais à une administration étendue, commune et uniforme, comme celle du gouvernement. Ainsi, s'il est permis de conclure, par analogie, que les forêts nationales ne seront point utiles, tant qu'elles formeront une propriété commune, parce qu'il est de fait que les biens communs d'un autre genre ne rapportent qu'une faible partie de ce qu'ils rapporteraient s'ils étaient divisés én. propriétés particulières, il doit être aussi permis de conclure, par analogie, et même par une analogie où la ressemblance est plus prononcée, que les forêts nationales, mieux administrées seraient d'une grande ressource pour l'Etat.
Mais ces raisons d'analogie, sur lesquelles on peut faire d'ailleurs des observations très: fondées, comme nous aurons occasion de le dire plus bas, ne sauraient trancher la question importante dont il s'agit : on a besoin de motifs plus puissants pour prendre une détermination d'où dépend une partie essentielle de la prospérité de l'Empire.
Il reste toujours à démontrer, pour toucher au fond de la question, que la terre, aujourd'hui chargée de bois nationaux, produira plus ou moins si elle est aliénée, ou si elle ne l est pas. Mais, par cette production plus ou moins étendue, il faut entendre une production en bois puisqu'on pourrait poser la question d'une autre manière, et demander si l'aliénation peut procurer à la France des bois meilleurs et en plus grande quantité. Si l'on n'a pas la solution de cette question, le but est absolument manqué et l'on risque de tomber dans une erreur extrêmement fâcheuse.
En examinant ce problème ainsi présenté, on peut encore défendre l'aliénation.
Le besoin et l'intérêt, disent ses partisans, donnent des lois plus impérieuses et plus utiles, que toutes les ordonnances. Reposez-vous sur 1 intérêt du propriétaire du soin d'affecter son fonds aux productions qui lui conviendront lé mieux. Si cè fonds ne produisait que de mauvais bois et en petite quantité, qu'avez-vous à regretter, supposé qu il le change de culture ? De nouvelles richesses, de nouvelles productions, seront mises en circulation et vous dédommageront amplement de la perte occasionnée par la destruction de ces bois. Si le fonds offre de beaux bois et qu'il soit utile de le conserver, le propriétaire sera le premier à entretenir soigneusement une culture qui lui sera aussi avantageuse. Il la préférera même à une autre, parce que la nature seule en fait presque les frais, et qu'il n'a d'autres
soins à prendre, que ceux de la conservation et de la coupe.
Mais, ait-on, si les forêts passaient dans les-mains des particuliers, la nation pourrait être exposée à manquer de bois de chauffage et de. constructions, parce que les acquéreurs couperaient, dégraderaient, diminueraient et défricheraient ?
Cette dernière crainte, répondent les partisans de l'aliénation, paraît d'autant moins fonaée, qu'il s'en faut de beaucoup que le sol de toutes les forêts soit propre à une autre culture. D'ailleurs, le propriétaire lui-même a besoin de bois pour son chauffage, ses constructions, la cuisson de son pain, ses narnais, sés instruments d'agriculture, etc. En admettant que cette crainte n'est point imaginaire, il faudrait conclure que la nation et le roi devraient être seuls propriétaires de bois, et cependant l'exemple du bon état des forêts des particuliers détruit cet argument.
Les faits, ajoutent-ils, fournissent d'autres-preuves de ce raisonnement, et ces faits sont incontestables. Les essartements ont fini, lors-, qu'il y a eu assez de terrains découverts pour 1 agriculture, et lorsque les bois ont acquis, par la. diminution de la surabondance, une valeur qui a mis une proportion et une balance entre l'héritage planté et l'héritage cultivé. Cet équilibre nécessaire s'est établi ae lui-même entre la culture de la vigne, la culture du blé et les légumes ; c'est ainsi qu'on bâtit des maisons en proportion des habitants et des étrangers qui recherchent des logements; c'est ainsi qu'un art ne saurait excéder longtemps en fabrication, les besoins de la consommation. On ne voit jamais de disproportion entre les besoins et l'emploi des fonds, lorsqu'ils ont l'aptitude de produire.
Il semble donc démontré que la crainte de voir dévaster les forêts par les particuliers qui les auraient acquises, est absolument vaine. Ceux qui sont le plus opposés à cette opinion, conviennent queles moindres coupes extraordinaires font tomber les prix, parce qu'il y a plus de denrées que de consommation. Donc, si l'on mettait en vente extraordinaire la superficie de 10 forêts, le prix des bois serait déjà considérablement baissé; si l'on voulait encore mettre en vente la surface de 10 autres, il ne se présenterait plus de marchands, ou les offres seraient infiniment au-dessous du prix courant, et, dès lors, ceux qui auraient acquis des forêts nationales seraient obligés d'exploiter graduellement, dans la proportion des besoins du pays.
Deux autres considérations très importantes, disent encore les partisans de l'aliénation, paraissent solliciter ou permettre la vente que nous proposons.
On observe d'abord (et cette observation est employée dans les deux opinions) que les acquéreurs seront principalement des capitalistes. Les partisans de l'aliénation remarquent que les forêts sont l'espèce de bien qui leur convient le mieux ; qu'ils les paieront en conséquence ; qu'ils les aménageront d'après de bonnes instructions qui ont été publiées; qu'ils garniront-les vides et clairières ; qu'ils procureront l'écoulement aux eaux, dans les cantons où elles croupissent ; qu'ils répareront les chemins pour la traite ; qu'ils repeupleront de bonne espèce, les forêts qu'un mauvais régime a dénaturées ; en un mot, que leurs richesses les mettront à portée de faire tout le «bien que sûrement on n'en attend pas.
Enfin, il ne faut pas croire que nous,manquions de surfaces plantées en bois. Mes seraient sura-
bondantes si elles étaient bien administrées, et si un régime tyrannique n'avait dégoûté de cette culture.
Il nous semble que nous venons de rapporter ce qu'on peut dire de plus décisif en faveur de l'aliénation. II est juste que nous parcourions maintenant les motifs de ceux qui s'y opposent. Quelques-uns de ces motifs renfermeront, sans doute, des questions et des objections relatives à ce que nous avons déjà dit ; quelques autres feront peut-être envisager le problème sous de nouveaux points de vue.
On pense d'abord, comme nous l'avons indiqué plus haut, que le mauvais état des forêts nationales, qui évidemment ne peut être attribué qu'à ; leur mauvaise administration, n'est point une raison suffisante pour déterminer à les vendre. Si cela était, il ne faudrait pas aliéner les bois de beaucoup d'ordres religieux, qui sont en très bon état, et qui forment une partie des forêts aujourd'hui nationales.
Mais, sans s'appesantir sur un raisonnement dont nous avons déjà présenté l'équivalent, en parlant pour la première fois, dans nos observations, du mauvais état de nos forêts nationales, nous pouvons lui donner une nouvelle force en l'appuyant d'une remarque faite sur la nature même de ces propriétés.
On dit, avec raison, qu'un bien commun n'est jamais aussi utile qu'il pourrait l'être, s'il était divisé en propriétés particulières ; on rappelle l'état désastreux de la plupart des communes du royaume, et on en Conclut que les forêts nationales, devant être considérées comme un bien commun, profiteraient davantage à l'Etat, si elles étaient divisées en propriétés particulières.
Mais les communes ordinaires, proprement dites, sont d'une nature bien différente, et con-séquemment,la comparaison n'étant point exacte, la conclusion pourrait ne pas l'être.
De mauvais pâturages forment la plus grande partie de ce qu'on appelle les communes ; mais de quelque nature que soientces biens communs, on y puise toujours sans jamais y rien ajouter, sans penser à les améliorer. Ils sont voués à l'abandon le plus destructeur, parce qu'il faudrait pour les faire produire, à raison de l'étendue et ae la bonté de leur sol, qu'on n'épargnât aucun frais de culture ; et qui paierait ces frais? Dans quelle proportion seraient-ils répartis? Peut-on même concevoir la possibilité d'un pareil ordre de choses? Et cependant on peut remarquer, en passant, que le partage des communes, sollicité par les raisons les plus péremptoires, a éprouvé les plus grandes difficultés.
Mais les forêts nationales ne ressemblent point aux autres biens communs; une fois les arbres semés ou plantés, elles n'exigent presqu'aucun frais ; la nature seule les fait prospérer, et elles ne demandent aux hommes que la protection. Elles peuvent donc, sans autres soins que cette protection, confiée à un très petit nombre d'individus, offrir à la nation toutes les ressources dont elles sont susceptibles, et à dédommager amplement des frais médiocres que lèur conservation doit occasionner sous un gouvernement juste et économe, i
Il y a plus ; s'il est facile de vendre des portions de bois isolées et peu considérables, cette opération serait presque impraticable pour les forêts d'une vaste «tendue; ou du moins il serait bien difficile de les diviser, sans permettre des défrichements dans l'intérieur, ce qui serait diamétralement opposé aux intentions et aux inté-
rêts de la nation. Si on les vendait en masse, on manquerait également un but aussi essentiel que le premier, la division des propriétés.
D'ailleurs, observent ceux qui s'opposent à l'aliénation, en supposant que cette vente ne présentât aucune difficulté, parce qu'on diviserait es grandes forêts en lots de 1,000 ou 2,000 arpents, serait-il prudent de la faire, dans un moment de fermentation, où la licence ne tient que trop souvent la place de la liberté, et où les propriétés forestières sont, en général, les moins respectées? Ce serait peut-être à tort', nous aimons à le Croire, que les acquéreurs imagineraient que leurs acquisitions seraient plus exposées, quand elles leur appartiendraient, que lorsqu'elles étaient entre les mains de la nation : mais pourrait-on leur ôter cette crainte, qu'ils affecteraient peut-être lors même qu'ils ne l'auraient pas, et qui entrerait pour beaucoup dans les offres qu'ils feraient ?
Mais, poursuivent ceux dont nous développons l'opinion, il y a une crainte plus fondée,, et qui ne nous semble pas entièrement détruite par les partisans de l'aliénation : c'est celle d'une coupe destructive d'une grande quantité de bois. On dit que les acquéreurs ne se presseraient pas d'en abattre, parce que la concurrence en ferait excessivement baisser le prix.
Ou il se formerait des compagnies, soit françaises, soit étrangères, qui achèteraient nos bois de construction, ou il rie s'en formerait pas.
Dans le premier cas, tous les bois se vendraient bien, mais on se hâterait de les abattre, et il en arriverait dés bois du royaume, en général, ce qu'il en est des bois des Vosges, que les Hollandais achètent pour nous les revendre.
Dans le second cas, tout le monde n'abattrait point à la fois, ou Chacun n'abattrait que partiellement L'effet, alors, serait encore le même ; au lien d'être très prompt, il le serait en plus d'années, c'est-à-dire, que la France perdrait ses bois de. construction en 15 ou 20 ans, au lieu de les perdre en 8 ou 10.11 n'est pas besoin d'insister sur les développements des effets d'une pareille perte.
Des faits, même récents, nous ont prouvé qu'il y a quelquefois des exceptions à la règle de l'équilibre entre le prix des denrées et les besoins de la consommation, surtout quand lés denrées sont entre les mains de gens qui peuvent attendre, tels que feraient les acquéreurs de nos forêts. D'ailleurs, il ne faut pas se dissimuler que, dans le moment actuel, nos besoins excédant les reproductions, il serait possible d'opérer une dévastation immense dans nos forêts, sans que le prix du bois baissât beaucoup.
Que serait-ce donc, si On ajoutait à ce malheur des défrichements que doivent faire craindre tous ceux qui ont été faits, depuis 20 ans, aux dépens des bois? (1). Les propriétaires les entre-
prendront, dès qu'ils y trouveront un avantage personnel. Toutes les terres à bois ne sont pas propres, à la vérité, à d'autres productions, mais il en est un grand nombre, et si l'on connaissait les énormes produits, sans frais, d'une terre qui a rapporté du bois, on concevrait qu'il est facile de se laisser aller à la tentation d'abattre une futaie pour en cultiver le fonds.
Ce ne seront pas les pauvres qui achèteront les bois nationaux, mais les gens riches. Or, les gens riches, dans l'état actuel, sont tous plus ou moins mal a l'aise. Ils ne sont occupés qu à réparer leurs pertes pour recouvrer une aisance qu'ils n'ont plus, et à laquelle ils étaient accoutumés. Ceux d'entre eux qui achèteront des bois nationaux chercheront a en tirer le meilleur parti momentané, sans s'embarrasser de l'avenir ; l'égoïsme est trop souvent, comme on sait, le compagnon fidèle des richesses et du luxe. Or, le meilleur parti, dans certains pays, sera d'abattre les futaies et de ne point replanter.
On pourra, dit-on, imposer aes conditions conservatrices. Nous sommes bien loin de les rejeter ; nous n'examinerons pas jusqu'à quel point il sera permis de les étendre : mais nous ferons observer que ces conditions diminueront nécessairement le prix des offres qui pourront être faites ; et si l'on vendait les forêts pour subvenir au besoin de l'Etat, il serait de l'intérêt de l'Etat de les vendre le plus possible.
C'est ici le lieu de rappeler ce que les partisans de l'aliénation attendent de cette classe de citoyens connus sous le nom de capitalistes. Leurs adversaires s'en forment une idée bien différente.
Les capitalistes, disent-ils, ne sont autre chose aujourd'hui que des faiseurs d'affaires, qui ne pensent qu'à s'enrichir promptement, sans s'inquiéter de la nation qu ils épuisent, en la berçant de leurs protestations mensongères, et malheureusement nous en avons des preuves multipliées. Si une fois on livre nos forêts à la rapacité des compagnies et des agioteurs, que deviendront-elles? Qui les repeuplera? Doit-on s'attendre que les spéculateurs égoïstes, placés à une longue distance de leur sphère d'activité, se livreront aux soins économiques et de détails qu'exigent les semis ou les plantations? Croit-on que, par patriotisme, ils se détermineront à gagner moins et plus tard, avec beaucoup de soins, tandis qu'ils pourront gagner prompte-
ment, et sans soins, des sommes immenses? Ils n'ont point encore entamé la partie des forêts, ils ne s'y sont point immiscés; mais s'ils y arrivent enfin, qu'on n'oublie pas qu'ils ressemblent à un météore destructeur qui dessèche et rend stériles tous les lieux où il a de l'influence ; c'est une armée ennemie qui dévaste et pille le pays qu'elle traverse, où elle ne doit plus revenir.
Et déjà prévoyant qu'une nouvelle source de richesse allait s'ouvrir, ils n'ont pas craint de faire mettre en avant les propositions les plus absurdes. Ils ont dit, par exemple, que les futaies sont plutôt la destruction que la conservation des bois, évidemment avec l'intention de faire main-basse sur toutes nos futaies nationales, et quoique ce système ne soit pas nouveau, parce qu'il y a eu de tout temps des hommes avides, on l'a renouvelé avec affectation, depuis qu'il a été question d'aliéner les forêts nationales.
Qu'on ne dise point qu'on exclura les compagnies; cette exclusion est absolument impraticable, parce qu'elles auront facilement des prête-noms, et que, quand elles n'en auraient pas, les particuliers acquéreurs s'empresseraient d'abattre et de vendre leurs bois à des compagnies qui se formeraient pour ces acquisitions, et l'effet serait le même pour la nation.
Peut-on calculer, sans effroi, poursuivent ceux qui s'opposent à la vente des forêts, les malheurs sans nombre auxquels une pareille déprédation, qui n'est , que trop possible, exposerait la nation française? A-t-on oublié les besoins multipliés de sa marine militaire et marchande? Pourrait-on exposer à une pareille incertitude ceux de la dernière seulement, qui doit avoir là possibilité de construire plus ae 3,000 bâtiments, depuis la pinque jusqu'à la frégate? Et tant de jetées, de môles, de digues, d'écluses nécessaires aux rades et aux ports, où puisera-t-on pour leur entretien ou leur construction? Qui assurera l'exploitation des fOTges, des verreries, des faïenceries, des salines, des mines et des usines de toutes espèces? Combien d'arts sont alimentés par les forêts nationales! N'y eût-il que le merrain, si nécessaire pour 500 lieues de vignobles et pour la branche la plus riche de notre commerce extérieur, il faut que des forêts, accoutumées à le fournir, soient toujours exploitées en merrains. Lorsque ces forets seront entre les mains des particuliers, une spéculation d'un autre genre peut les faire changer. Et cependant, ce n'est qu'un exemple; on pourrait en citer mille également fâcheux, dans l'hypothèse de là vente à des compagnies ou à des particuliers avides, et tels seront vraisemblablement la plupart des acquéreurs.
Que serait-ce donc; si l'on observait qu'une puissance ennemie a le plus grand intérêt à nous dépouiller de nos bois de construction, et à nous ôter les moyens d'en avoir, de longtemps? Qui peut nous rassurer sur une crainte ae cette nature? Sont-co les considérations morales? Leur poids est souvent si léger dans la balance de la politique 1 Serions-nous préservés par des règlements prohibitifs? On conçoit si bien les moyens de s'y soustraire, et d'ailleurs comme ils porteraient, en même temps, sur tous les acquéreurs, ils diminueraient nécessairement le prix de la vente. Les développements de cette idée affligeante suffiraient presque pour faire décider la question.
Mais il est une autre considération infiniment importante et qui doit être bien pesée avant la
décision, c'est celle qui est tirée du peu d'avancement des connaissances forestières.
Il est certain qu'elles sont encore à leur berceau en France. On ne connaît pas même toutes les conséquences du petit nombre de principes reconnus que nous avons sur cette partie de l'économie rurale, et ces principes eux-mêmes ne sont pas généralement répandus. Ils pourront l'être sans doute, on y ajoutera même par la suite, parce que les expériences particulières se multiplieront; mais les lumières se répandent lentement; on peut commettre, en attendant, des fautes irréparables, et tomber au fond de l'abîme, avant de l'avoir aperçu.
Nul autre moyen pour nous d'éviter ce désastre, qu'une administration sage et bien entendue qui, par son exemple, contribuera à répandre les lumières dont nous avons besoin et en acquerra tous les jours de nouvelles.
D'ailleurs, il est essentiel d'observer que les forêts les plus précieuses pour les constructions seront plus soigneusement aménagées par la nation qui ne meurt pas, que par les particuliers qui veulent jouir avant leur mort. Il est bien naturel qu'un homme donne la préférence à une culture du produit de laquelle il peut jouir promptement, et qu'il ne s'adonne pas à celle dont il ne pourra jamais percevoir les fruits.
Ainsi, l'aliénation des forêts pourrait opérer, en peu d'années, la perte totale des bois de construction, en empêchant qu'on ne replantât en mêmes espèces, ceux qui seraient coupés, ou qu'on n'attendît pas qu'ils eussent atteint leur maximum.
Les forêts entre les mains de la nation n'offriront pas les mêmes inconvénients, si elles sont bien administrées; si l'on adopte, comme on le peut, un mode d'administration, réglé avec tant ae sagesse, que chacun des officiers forestiers se trouve dans l'heureuse impossibilité de faire du mal, et dans l'indispensable nécessité d'opérer le bien; s'ils sont soumis à une responsabilité surveillée par les corps administratifs des départements, censeurs-nés et en même temps protecteurs des opérations, dont ils ne seront pas les ordonnateurs (1).
Ainsi l'on n'aurait plus à craindre les abus de l'ancienne administration, ni ceux qui seraient introduits dans la nouvelle, si elle avait été confiée aux corps administratifs, peu éclairés sur cette partie, composés de membres amovibles, sans unité de principes, et obligés de céder leur place à un successeur, dans le moment où ils auraient commencé à être instruits ; c'était par de pareils motifs, c'était à la vue des abus qu'on avait à craindre, et par l'expérience de ceux qu'on avait éprouvés, que la société d'agriculture avait d'abord incliné pour la vente à des particuliers ; et il n'y a pas de doute qu'elle
n'eût été préférable à l'ancien ordre de choses, à celui qu'on semblait se proposer d'établir alors.
Mais nous croyons qu'après avoir pesé les rai sons pour ou contre l'aliénation, après avoir envisagé ce qu'on peut espérer et craindre de chacune de ces mesures, la société changera ses vues de bien public. Elle considérera que, s'il est vrai que l'intérêt des propriétaires soit le plus sûr garant de la prospérité de l'agriculture, il est au moins incertain qu'on puisse faire aujourd'hui l'application de ce principe à la question de la vente des forêts nationales; elle observera que, si l'on peut espérer que quelques grands propriétaires terriens se disposent à acquérir quelques parties de ces forêts et en aient les moyens, il est plus certain encore que des compagnies, accoutumées à diriger leurs spéculations avec les biens-fonds et à les soumettre à l'avidité de leurs calculs, les porteront, en comptant sur la valeur de leurs dépouilles, à un prix qui excédera les offres que peut faire raisonnablement un citoyen-propriétaire qui veut conserver; elle verra, enfin, combien il serait dangereux, et contraire aux sentiments du patriotisme qui l'anime, d'exposer la France à se voir bientôt privée, pour plusieurs siècles, des bois nécessaires aux constructions navales et civiles, à l'agriculture, au commerce, aux besoins particuliers des citoyens de toutes les classes, sans compter les effets désastreux d'une coupe subite et trop étendue, sur toutes les autres espèces de culture et sur la stérilité du royaume.
D'après ces considérations importantes, la société pensera, sans doute, qu'il est de l'intérêt de la nation de déclarer que les forêts nationales en futaie ne doivent point être aliénées, et que, provisoirement au moins, la même opinion doit s'étendre aux bois taillis.
Mais, nous dira-t-on, vous ne tenez aucun compte des besoins actuels.de l'Etat, et ils exigent que l'on vende?
Nous avouerons que nous ne nous sommes point permis d'examiner cette nécessité qui est lors des limites de nos travaux : mais, sans vouloir nous immiscer dans une partie d'administration qui nous est étrangère, sans rechercher jusqu'à quel point une vente quelconque peut être commandée par les circonstances, et s'il serait politique d'anéantir une hypothèque, ou partie d'une hypothèque qui présente un gage certain aux porteurs des assignats en circulation, nous ferons quelques observations sur Ja possibilité d'une vente des taillis.
Il est certain que toutes les forêts ne se ressemblent pas, et qu'elles diffèrent entre elles, autant par leur essence et leur sol, que par leur situation. Il est certain encore qu'il n'y a pas grand inconvénient à vendre des taillis qui ne peuvent être que taillis ; mais il y a nombre de taillis qui peuvent devenir futaies : tel terrain ne produit aujourd'hui et ne peut produire que des taillis, qui sera peut-être propre à donner des futaies, dans une espace ae temps plus ou moins long. Leur peu de rapport ou la nature de leurs productions tient peut-être au mauvais aménagement, peut-être à l'ignorance de quelques faits et de quelques expériences, que le zèle actuel pour l'avancement de la science des forêts peut rendre bientôt profitables. Serait-il juste, serait-il prudent de priver la nation, par une décision précipitée, d'un grand
nombre de forêts qui lui rapporteraient tant de bois de construction?
Il serait donc essentiel, si l'on était forcé à une vente de taillis, de n'aliéner que ceux qui seraient bien reconnus pour ne pouvoir jamais fournir de futaies ; et alors, ce ne serait point à raison de leur étendue, ce ne serait point à la vue seule de leurs productions, qu'il faudrait les juger, mais en examinant scrupuleusement la nature de leur sol. Or, cet examen, entièrement neuf, puisque jamais les forêts nationales n'ont été considérées sous ce point de vue, demande du soin et du temps. Il est donc nécessaire de prendre, dès à présent, des mesures, pour s'assurer s'il est des taillis que Vimpossibilité de leur changement en futaies permette de considérer comme aliénables.
Nous allons même plus loin, et nous croyons qu'il serait peut-être fort utile d'examiner ensuite si le bien public n'exigerait pas que, pour ne pas s'exposer à la rareté du bois, on imposât des conditions conservatrices aux acquéreurs des parties vendues.
Nous savons, il est vrai, que ces conditions, quelques sages qu'elles soient, paraissent toujours gênantes et qu'elles peuvent nuire à l'intérêt général, en diminuant le prix des acquisitions. Mais c est pour ce même intérêt quelles existeraient. Le bois manque en France, et on serait coupable de négliger un seul des moyens -qui peuvent remédier a un aussi grand mal.
On peut objecter encore contre cette mesure, les frais de surveillance. Mais nous répondrons d'abord que de pareilles conditions existent avec,succès, et que leur exécution est surveillée avec exactitude, dans les pays moins à portée que la France de faire des dépenses extraor-inaires. Nous dirons ensuite que cette surveillance ne serait ni aussi difficile, ni aussi coûteuse qu'on pourrait le croire. Plus un gouvernement est éclairé, moins il multiplie les ressorts par lesquels il agit, mieux il fait produire de grands effets, des effets utiles, avec des moyens simples.
Telles sont nos opinions sur la question que la Société nous a chargés d'examiner; tels sont les vœux que nous lui proposons de faire parvenir à l'Assemblée nationale, en sollicitant de la sagesse des représentants de la nation, des établissements et des lois qui puissent accélérer les progrès des connaissances forestières, diriger l'émulation vers ce genre de culture, diminuer les consommations en bois, et favoriser toutes les espèces de plantations. Nous désirerions surtout qu'on établît des écoles forestières dans les différentes conservations. De pareils établissements existent avec succès chez l'étranger, et ils formeraient une pépinière d'excellents administrateurs forestiers. Les propriétaires eux-mêmes y puiseraient des lumières qui leur deviendraient infiniment avantageuses.
Au Louvre, ce 30 janvier 1792.
Signé : Abeille, l'abbé Tessier, Varenne de Feuille , J.-B. Dubois.
Certifié véritable et conforme au jugement de la Société,
Signé : A. broussonet, secrétaire perpétuel.
a la séance de l'assemblée nationale législative du vendredi 2 mars 1792, au matin.
Au Corps législatif sur la proposition faite de vendre les forêts nationales par M. C. Aimworth\ 1).
Messieurs, je ne puis voir sans effroi la résolution prise par quelques membres du Corps législatif, de vendre les forêts nationales. Je regarde cette aliénation comme celle de notre marine marchande et militaire. Toutes les parties de la consommation publique vont souffrir de la manière la plus désastreuse. Tous les accapareurs de l'Europe vont former de vastes spéculations. Il deviendra impossible d'en arrêter la marche spoliative. Le pied cube de bois de construction qui grâce à notre incurie se vendait à Brest, en 1779 et 1781, jusqu'à 4 livres 10 sols, n'aura plus de prix au moment où les circonstances ordonneront des armements actifs.
L'universalité des forêts de l'Empire est de 6 millions et demi d'arpents environ. La propriété nationale absorbe un peu moins de la moitié de cette masse, et je comprends dans cette moitié la partie ci-devant dite domaniale, pour 912,606 arpents, .92 perches.
Admettons une propriété disponible de 3,100,000 arpents, à cause de la soustraction à faire pour les parties additionnelles de la liste civile. Le Corps législatif compte en obtenir au moins un milliard.
Ce capital absorbera, dit-il, au delà de 50 millions de rentes perpétuelles, .ou pour pareille somme de créances-
Le plan qui nous est présenté promet 20 millions iiet, et 1,500,000 livres d'augmentation, tous les 10 ans. Il est plus avantageux que le régime adopté et essayé par l'Assemblée consti tuante, mais enfin nous n'aurons que 20 millions, nous pourrons en éteindre 50 et le bénéfice est 30. il n'y a donc pas à balancer, d'autant que nous ferons un grand acte de justice, car les forêts nationales sont à nos créanciers, comme tous les autres biens ecclésiastiques dont nous avons délégué les produits. -
Jè répondrai sommairement que les Etats ne se gouvernent pas par les abstractions philosophiques. Si vous les admettiez dans toute leur rigueur, il en résulterait donc que si l'aliénation de tous les biens déclarés à la disposition nationale ne suffisaient pas à l'amortissement de la dette reconnue, il faudrait compter avec tous les propriétaires du royaume, et leUr dire : « Abandonnez aux créanciers^ de l'Etat une portion de votre patrimoine, afin que nous puissions 1er leur livrer à titre de liquidation, car vous l'avez consentie cette liquidation, par vos mandataires constituants ; dès lors, vous avez hypothéqué l'universalité de votre fortune. Elle ne vous appartient plus que deducto aere alieno; où ne nous mèneraient pas de pareils raisonnements ».
Halte-là! cependant, pourrait répondre le propriétaire, le créancier n'a pas de prise sur moi tant qu'il est payé de ses intérêts. Or, c'est pour
y satisfaire que je suis imposé au delà des besoins que la conservation publique exige.
Si l'imposition n'est pas suffisante, je consentirai à une augmentation pour former un fonds d'amortissement, mais au moins faut-il me donner le bilan de l'Etat; personne ne le connaît. Le compte de M. de Montesquiou pourrait bien n'être qu'un compte à beaucoup d'égards.
Il est assez reconnu qu'à l'époque de l'assemblée des Etats généraux en 1789, le déficit s'élevait à 54 millions environ, tandis que le revenu -du Trésor royal n'était guère que de 430 net.
Ce revenu est monté beaucoup plus haut, et le déficit est, dit-on, de près de 200 millions, il se présente dès lors une question fort simple.
Si les impôts directs et indirects, décrétés par le Corps constituant et maintenus par le Corps législatif, étaient payés, aurions-nous un déficit? à combien se porterait-il? quel moyen adopterait-on pour le combler?
Si, au contraire, les impôts directs sont à leur plus haut pont d'intensité et que l'intégrité du payement en soit douteuse, comme quelques personnes, même de l'Assemblée nationale le prétendent, à combien dans ce cas s'élèverait le déficit? mais ne serait-ce pas demander de combien serait la banqueroute? N'importe, le souverain et le droit de connaître son état de situation.
Le fait est que le déficit n'a cessé de grossir depuis l'époque de 1789, vous avez donc soutenu l'Etat avec les produits des biens nationaux ; indépendamment de ce que vous avez touché à titre dé dons et quart patriotiques.
Dès lors : 1° à combien s'élève,la somme des biens nationaux de l'Empire? 2® combien s'en trouve-t-il d'adjugés? 3° combien avez-vous touché de ces adjudications? 4° quelle est la masse comparative des assignats en circulation avec celle des biens nationaux en vente? enfin quel est le débet de la caisse de l'ordinaire envers celle de l'extraordinaire; car nous ne pouvons obtenir des vérités que par une balance de comptes.
Alors, nous verrons d'une part : 1° ce que nous devions et ce qui a été payé ; 2° ce que nous devons et ce qui reste à payer; 3° de combien la caisse de l'extraordinaire a suppléé à la pénurie de la caisse de l'ordinaire. Telle que soit la somme, elle diminue évidemment le gage du créancier, puisqu'elle résulte d'une aliénation de fonds que vous déclarez lui appartenir.
Les besoins de la caisse de 1 ordinaire s'élevant eh proportion du surcroît de dépenses que les préparatifs de guerre exigent d'une manière im-pérative, la caisse de l'extraordinaire fournira donc davantage, et comme celle-ci est la caisse du créancier, c?est donc partiellement que vous vivez au dépens du créancier; donc, vous êtes forcé de manquer à ce rigorisme de principes, d'après lequel vous voulez vendre les forêts nationales, parce, que, dites-vous, c'est une partie de la propriété de nos créanciers, porportion-nelle au montant des créances. Si vous avouez que vous ne pouvez faire autrement, c'est avouer que vous' n'êtes pas sûrs d'acquitter touté la ette reconnue, car vous aurez dépensé une partie du fonds qui lui sert de gage. Comptons actuellement le surplus de'recette résultant de l'aliénation des forets nationales.
Je suppose leur masse totale de 3 millions d'arpents, quel peut en être le produit en vente?
Pour obtenir à cet égard des données approximatives, cherchons un diviseur commun.
Chacun sait que l'âge de la coupe des bois va-
rie en raison combinée du sol et du débit. Saisissons le calcul de M. Thélès d'Acosta, ancien grand-maître des eaux et forêts de Champagne, et divisons les 3 millions d'arpents par 30, nous aurons une coupe annuelle de 100,000 arpents. Portons leur revenu du fort au faible à 200 livres, et c'est peut-être beaucoup, d'après les observations de l'auteur cité, sur le produit ordinaire des bois de la Lorraine où l'on compte 1,500,000 arpents appartenant à l'Etat, aux gens de mainmorte et aux particuliers, nous aurons une recette de 20 millions de livres ; elle serait de 24 millions, si l'on adoptait pour diviseur commun 25. Or, en vente, il est possible que l'on obtienne 2 0/0, ce serait donc 1 milliard^; mais, divisant cette somme par 12, la caisse de l'extraordinaire ne recevrait annuellement que 83,333,333 livres; je néglige la fraction 4.
Je suppose (et malheureusement cette supposition n'est peut-être pas illusoire), je suppose donc que le déficit reste encore quelque temps à 200 millions, d'après le singulier appauvrissement des fortunes, l'altération du commerce excentrique, les dévastations de nos colonies occidentales, la presque nullité de celles au delà du Cap de Bonne-Espérance, le surhaussement insupportable des denrées et l'atténuation relative de toutes nos manufactures, nos 83 millions de surplus ne semblent guère pouvoir alléger la dette publique, surtout si les fléaux incalculables de la guerre viennent ajouter à la misère de notre situation. -
Or, cette guerre, dont depuis si longtemps les causes sont à découvert, cette guerre qu'avec de la vertu on pourrait éviter, cette guerre fatale, si on la fait en Allemagne, fortunée si on la porte en Flandre; cette guerre enfin de l'immoralité et de la corruption, exigera des dépenses forcées extraordinaires, précipitées : on la commence avec dettes, on ne peut la suivre qu'avec du comptant. Pour obtenir ce comptant, il faudra des emprunts. Les emprunts exigent des hypothèques.
L'hypothèque ne devient-elle pas illusoire, si les facultés du peuple ne peuvent établir, dans ce moment, le niveau entre la recette et la dépense ? Dans tout autre cas, je dirai qu'il faut balancer la dépensé parla recette. La caisse de l'ordinaire ne cessera donc de solliciter des versements de la caisse de l'extraordinaire; c'est-à-dire de dépenser le gage du créancier. Donc, la conduite d'un Etat ne peut pas toujours avoir pour mesure celle à tenir dans l'apurement d'une fortune particulière. Un particulier abdique une partie de son avoir pour liquider l'excédent, mais un Etat ne peut aliéner une partie de son territoire pour affranchir le reste. Donc encore une fois les Etats ne peuvent guère se promettre de se gouverner par les abstractions philosophiques.
Le salut de tous étant la loi suprême, il devient impossible que le créancier, comme le débiteur, n'entrent pas en composition. L'unique sagesse est d'en saisir les rapports proportionnels ; enfin, dans le monde moral ainsi que dans le monde physique, il est un ultimatum qu'on ne peut franchir.
Quand les besoins d'un Etat exigent de grands sacrifices, il faut choisir les moins onéreux ; or, de tous les sacrifices celui qui présente les plus fâcheuses conséquences c'est bien certainement l'aliénation des forêts nationales. D'abord, cette aliénation fera nécessairement tomber de prix celle des autres biens nationaux, parce qué' d'après une règle générale, le bon marché naît
de l'abondance. Ces deux parties se nuiront donc mutuellement, mais non pas en proportion égale. Les capitalistes courront par préférence aux ventes forestières, parce que ces sortes d'acquisitions présentent bien plus d'espérance à la cupidité.
En effet, si j'achète 100 arpents de terre à labours, je sais bientôt que divisant cette propriété en trois saisons, je ne dois compter annuellement que sur la jouissance de deux tiers, divisible d'une manière quelconque entre mon fermier et moi. Mais si j'achète un bois de 100 arpents, je l'analyse sous tous ses rapports et je dis au vendeur : le sol et l'usage fixent la coupe de ce bois à 25 ans, je suppose : j'ai tous les 4 ans 4 arpents d'exploitation; le prix commun est de200 livres, je parle toujours par supposition ; j'achète donc 800 livres de rente, et je les paye à 2 1/2 0/0, par exemple : voilà 32,000 livres. Dès lors, chaque arpent me revient à 320 livres; l'intérêt de ma mise dèhors est de 1,600 livres ; le produit de mes 4 arpents de coupe annuelle n'est que de 8 du vendeur à moi ; je perds en apparence la moitié ; je n'ai qu'un partie à prendre, celui de défricher, et cela le plus activement possible, car, en acquérant, je dois payer d'abord 12 0/0, et les autres années le douzième du restant ; le produit serait loin de me couvrir.
Toutes ses vues tendent, dès lors, au défrichement, et il l'effectue d'après les données que le local lui présente. Il aura vu qu'en divisant 800 livres de rente, produit de ses 4 arpents, par 25, ils ne représentent annuellement que 32 livres ou 8 livres pour chacun d'eux, tandis u'en les convertissant en culture, il en aura 5, prix commun, par supposition encore, des terres de la ci-devant province de Picardie. Il arrive à son terme, voilà au moins 1,500 livres de rente, ce serait un peu plus de 4 1/2 d'intérêt du capital 32. Mais ce n'est pas encore là son compte ; il faut que ce qui couvrait le sol paie le sol, en tout ou pour la majeure partie, il a dû l'espérer.
En effet, à suivre les prix modiques, établis dans les tableaux de M. Duhamel analysés par M. Thélès d'Acosta, on voit qu'un arpent de 25 ans fournit en fagots, bois de corde et pièces de charpente, etc., une valeur de 332 livres; admettons 420 livres du fort au faible, et ce n'est pas être exagéré : voilà pour 100 arpents, 42,000 livres.
Ce nouvel aperçu semble présenter un gain de 10,000 livres en sus du terrain acquis par le produit du terrain même. Ce bénéfice ne se fera pas brusquement, sans doute • mais se borna-t-il à posséder, sans bourse délier, à une époque facilement aperçue;'je demande si une telle spéculation ne nécèssitera pas les défrichements dans tous les cantons où le sol pourra promettre seulement 4 setiers.
Voici de nouvelles vérités. La culture présente des jouissances toujours renaissantes. Près d'elle les arts s'établissent et les hommes se multiplient. Les propriétés forestières n'offrent pas les mêmes avantages, l'espèce y est rare, maigre, misérable et sauvage! Un instinct naturel nous porte à vivre dans le présent; voilà le calcul particulier : est-ce celui de l'Etat, lui qui meurt aujourd'hui s'il ne vit pas demain.
Cependant si l'Assemblée nationale se décide à vendre la propriété forestière, quel titre aura-t-elle pour gêner l'acquéreur dans la disposition de l'objet acquis? Si elle se permet d'imposer des entraves, elle vendra mal et vendant mal,
elle nuira au s intérêts du créancier, dont, d'après ses principes, elle se déclare en quelque sorte tutrice. Si, respectant une propriété transmise dont elle a reçu la valeur, la force publique ne lui doit plus que sûreté et protection, l'acquéreur n'a plus à suivre que la loi de son intérêt; cet intérêt lui ordonne de défricher. 11 y sera d'autant plus déterminé que de toutes les propriétés forestières, celles des moines étaient irrécusable-mentles meilleures, les mieux situées, les mieux aménagées. C'est le caractère général de la fortune ecclésiastique. Le principe donateur fournit une raison suffisante du choix de la dotation.
résumé général
La masse connue des bois et forêts de l'Empire est de 6,200,000 arpents, non compris les plantes en général, les clos, les parcs des particuliers, les pâtures et prairies, les arbres fruitiers et autres objets d'agrément.
La partie domaniale, proprement dite, était : 1° de 912,606 arpents, 92 perches, dont 98,278 arpents 23 perches en terrains vains et vagues; 2° en futaies, 258,198 arpents 83 perches; 3° en taillis 556,131 arpents 86 perches.
N. B. Cette quantité était réputée, en 1781, de 1,200,000 arpents, non compris la part que le roi possédait dans les bois de la Lorraine et de la Champagne, dont la masse connue, est de 1,500,000 arpents. Des recherches aisées sur cette honteuse dilapidation, sur des concessions extorquées à la bienfaisance, comme à la religion du monarque, seront sans doute un des devoirs de l'Assemblée nationale.
Ces 912,606 arpents, 92 perches font partie de la propriété nationale réputée de 3,200,000 arpents. 11 faut en déduire : 1° les 98,278 arpents de terrains vains et vagues, susceptibles de valeur sans doute, mais qui, grâce à l'incurie des maîtrises n'en rendaient aucune à l'Etat depuis longtemps. __
N. B. Leur régénération coûterait à peu près 6 millions et leur produit, au terme de 20 ans, aux environs de 10. On ne vendrait peut-être ces terres en friche qu'à raison de 40 sous, valeur locative. •
2° Les parties additionnelles de la liste civile présumée de 100,000 arpents au moins.
3° La masse des futaies de la seule partie ci-devant domaniale qui est de 258,198 arpents 83 perches, qu'en dernière analyse on ne vendra sûrement pas, entre autre la forêt de Cranon en Bretagne, achetée par Louis XIV, pour le service de la marine.
Ces trois articles, non compris le quart de réserve des gens de mainmorte, présentent un sommaire de 456,377 arpents 6 perches à déduire de la vente projetée d'une masse apparente de 3,200,000 arpents, resterait 2,743,622 arpents de disponible.
Si on divise cette masse par coupes de 30 ans d'âge, mesure commune adoptée par les auteurs cités, le quotient est de 91,454 arpents 6 perches et une rraètion; à 200 livres de produit annuel du fort au faible, ce serait un revenu de 18,290,800 livres et à 2 1/2 0/0 en vente, on aurait un total de 823,086,000 livres dont le vendeur recevrait 12 p. 0/0 en livrant et le douzième du surplus les années suivantes, jusqu'à parfaite liquidation.
Mais tel que soit un jour le sommaire de ces ventes, tel que soit le mode à saisir par l'Assemblée nationale poUr les effectuer, la diminution de la dette publique en sera-t-elle le résultat? Usera-t-on, au contraire, de cette nouvelle ressource pour aider aux dépenses extraordinaires des armements ordonnés par les circonstances? Dans ce dernier cas voilà tout au moins un emprunt fait aux créanciers de l'Etat. Quelle substitution d'hypothèque pourra-t-on leur offrir?
Si la guerre a lieu, guerre bien étrange, guerre impossible si on ne la veut pas, et cela sans blesser aucunement la dignité d'un peuple libre, trop grand pour provoquer l'injure, trop puissant pour ne pas la mépriser, mais toujours à même de la punir quand l'intérêt de tous l'exigerait de sa justice; les sommes partielles que recevra la caisse de l'extraordinaire par les ventes projetées alimenteront-elles suffisamment les besoins urgents de la caisse de l'ordinaire ? Les causes de cette guerre ne suffiront-elles pas pour décréditer ces ventes? Si elles s'effectuent, pourront-elles être aussi productives?
Si je passe à des considérations d'économie politique, je vois l'atténuation de notre marine, en général, dans l'intérêt même qu'aura l'acquéreur de défricher, pour payer comme pour accélérer ses nouvelles jouissances. Les Anglais et les Hollandais, alimenteront, caresseront ces désirs particuliers par tous les moyens mercantiles qui leur sont si familiers et dont la baisse effrayante du change de la France leur rend la disposition si facile.
Tous les bois de la Lorraine, crûs sur les terrains susceptibles de culture, Hueront par la ; Meuse vers Rotterdam : ceux du Midi, plus rares, ' mais d'une qualité supérieure, s'échapperont par la Méditerranée : ceux de l'Ouest par les fleuves qui vont se perdre dans l'Océan. NIeussiez-vous à craindre qu'une exploitation de moitié, le quart d'heure du besoin se fera sentir et vous livre à l'arbitraire de l'étranger. Les regrets seront superflus, l'erreur devient irréparable.
Il représente un autre moyen, et celui-là ne compromet ni le créancier ni l'aisance publique ; le présent comme le futur semble en requérir également l'adoption.
Une ferme générale, composée d'ailleurs de gens à talents, prendrait à bail de 60 à 75 ans la masse de vos forêts et bois. Au lieu de détruire, elle régénère les parties inertes et supporte cette dépense considérable sans déduction quelconque. Elle améliore les parties en valeur, en laissant dans chaque arpent de 28 à 32 arbres montants de différents âges et qualités diverses, suivant la nature du terrain.
Les principes sur lesquels son régime se fonde n'ont obtenu qu'un assentiment général de la part des commissaires examinateurs.
Si le plan offert n'a pas été adopté, il ne faut en accuser que les intrigues du temps. Il est des vérités irrécusables, mais trop souvent les passions en récusent l'exercice. Nous ne savons pas encore qu'on ne peut être libre sans être vertueux, et qu'on ne peut être vertueux sans se perdre dans l'intérêt général.
La ferme proposée offrait et pourrait offrir encore 20 millions annuels, et 20 millions de cautionnement si l'inquiétude l'exige; enfin 1,500,000 livres d'augmentation dizainnale, de sorte qu'à l'expiration du bail de 75 ans, je suppose, rEtat aurait un produit net de 31,250,000 livres ; et il est très probable qu'à l'époque du
terme final du bail, on pourrait obtenir des conditions encore plus avantageuses.
La guerre demande des secours puissants. Eh bien ! voilà une hypothèque. Vous trouveriez 200 millions, dans le moment, qui vous coûteraient au plus 10 millions d'intérêt. Le bail serait de 20, donc vous en miriez 10 autres pour amortir et vous avez par devers vous un accroissement successif qui tranquillise tout à la fois le créancier et le consommateur.
Voilà le double objet que j'avais, à présenter. Je crois avoir rempli une tache. Repoussé par les ministres, il ne. me reste qu'iin moyen de consolation : celui de servir ma patrie en lui consacrant mes veilles et mes idées.
Séance du
présidence de m. guyton-morveau, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne., lecture du procès-Verbal de la séance du mercredi 29 février 1792, au soir.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes : ,
1° Lettre de M. Pétion, maire de Paris, qui adresse à l'Assemblée l'état des adjudications définitives auxquelles la municipalité a procédé pendant le mois de février dernier.
2° Lettre des administrateurs composant le direc -toire du département de l'Oise, à laquelle sont jointes deux pétitions : celle d'un particulier dont la grêle a totalement ravagé les moissons l'été dernier; et celle d'une veuve dont le mari, garde-national à Senlis, périt dans la malheureuse affaire qui eut lieu le 13 décembre 1789 (1).
(L'Assemblée renvoie ces deux pétitions au comité des secours publics.)
3° Pétition du sieur Jean-Augustin Leblond, ci-toyen de Meulan, qui adresse à l'Assemblée un manuscrit ayant pour titre : Cyclométrie, ou Solution complète de la quadrature par la rectification de la circonférence.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité d'Instruction publique.)
4° Lettredu président de la section du collège de Chaumont, département de la Haute-Marne, par laquelle il adresse à l'Assemblée un procès-verbal de cette section et d'autres pièces, pour solliciter une décision du Corps législatif sur des contestations surVènues à l'occasion de la nomination des juges de paix et l'inscription de plusieurs citoyens sur les registres des jurés.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)
Lettre des officiers des compagnies d'invalides, en détachement à la
ville et tour de Crest, département du Puy-de-Dôme, par laquelle ils
demandent à l'Assemblée qu'on les fasse jouir du bénéfice du décret du
24 juin 1790, concernant le traitement des officiers invalides..
, député du département du Pas-de-Calais, demande un congé de 15 jours.
(L'Assemblée accorde le congé demandé.)
J'invite les membres de l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procéder au renouvellement des comités.
Un membre, au nom du comité de liquidation. Monsieur le Président, l'expérience a prouvé que les travaux multipliés du comité de liquidation rendaient le nombre déterminé de ses membres beaucoup trop insuffisant. Je demande que l'Assemblée décrète qu'il sera nommé 12 membres de plus, ce qui portera à 36 le nombre des membres.
(L'Assemblée décrète que le nombre des membres du comité de liquidation sera porté à 36.)
Messieurs, nous allons nous retirer dans les bureaux pour procéder au remplacement des membres que le sort a fait sortir des comités? mais de quelle manière procéderons-nous à ces élections?Seront-elles faites successivement; attendra-t-on le résultat d'un scrutin pour en former un autre? Ce mode entraînera une perte de temps considérable et des lenteurs; vous savez combien nos moments sont précieux. Je propose donc de faire ces élections à la fois; et je n y vois aucun inconvénient Si un membre est nommé à plusieurs comités, il aura la faculté d'opter, et il sera remplacé par les premiers suppléants.
(L'AssembléedécrètelapropositiondeM.Mayerne, et se retire à 7 heures dans les bureaux.)
(A 9 heures et demie l'Assemblée se réunit.)
J'observe à l'Assemblée que le dépouillement des scrutins est arrêté parce que plusieurs bureaux ont cacheté leurs bulletins pour ne les remettre que le lendemain.
Sur la motion d'un membre, M. le Président invite les députés qui composent ces bureaux à faire passer leur scrutin au bureau des dépouillements.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui fait passer à l'Assemblée le procès-verbal de la session administrative du département de la Nièvre.
(L'Assemblée en décrète le renvoi aux archives.)
Messieurs, plusieurs bureaux n'ont pas encore envoyé le résultat des scrutins et paraissent dans l'intention de ne point les donner ce soir. Il ne m'est parvenu que le résultat des scrutins pour Y élection des membres du comité diplomatique; en voici les noms :
Membres : MM. Lemontey. Daverhoult, Jaucourt, Viénot-Vaublanc, Briche, Ruhl,
Suppléants. MM. Schirmer, Hérault-de-Séchelles, Jean-Debry (Aisne), Pozzo-di-Borgo, Lasource, Vergniaua.
lève la séance à dix heures.
Séance du samedi
PRÉSIDENCE DE M. MATHIEU DUMAS.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi Ie' mars au soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Marc-Antoine Huguet, évêque et député du département de la Creuse, qui demande un congé de 5 semaines pour se rendre dans son diocèse et y faire les ordinations du carême.
(L'Assemblée accorde le congé demandé.)
2° Lettre de M. de Narbonne, ministre de la guerre, à laquelle est joint un mémoire sur la nécessité de l'adjonction d'une troupe au corps du génie.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité militaire.)
3° Pétition dés anciens capitaines-généraux des ci-devant fermes du roi, du département d'Amiens, qui réclament l'exécution de la loi du 31 juillet 1791.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
le jeune, au nom des comités de l'ordinaire des finances et militaire réunis, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur les créances arriérées du département de la guerre pour Vannée 1790; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le ministre de la guerre a écrit à l'Assemblée nationale, dès
le mois d'octobre dernier, et depuis, à différentes époques, pour lui
représenter que le décret de l'Assemblée nationale constituante^ du 29
septembre dernier qui renvoie à la liquidation générale des dépenses de
1790 non acquittées au 1er octobre 1791, comprend toutes les dépenses du
département de la guerre, de quelque nature qu'elles soient; que,
cependant, les decretsdes2 janvier et 27 mars 1790 qui ont sursis au
payement des créances de 1789 et années antérieures, jusqu'à ce qu'elles
eussent été liquidées, portaient exception, en faveur de là solde des
troupes, des intérêts de toutes les créances reconnues, et appointements
des commandants, lieutenants du roi, majors et aides-majors des places
alors en activité, et que, le 7 avril suivant, le ministre de la guerre
a été autorisé, par un décret, à faire payer comme dépenses courantes
aux entrepreneurs du génie et de Vartillerie les fonds qui leur étaient
dus pour les ouvrages commandés en 1787,1788 et 1789 et qui n'ont été
alloués ou reçus qu'en 1790; il demandait que les exceptions
quel'Assemblée nationale avait trouvées fondées sur des motifs de
justice et d'humanité fussent étendues aux mêmes objets pour l'arriéré
de 1790, comme pour celui de 1789 et années antérieures, y compris aussi
les indemnités accordées sur les fonds de la guerre, par la loi du 10
juillet 1791,
Vos comités de l'ordinaire des finances et militaire, après avoir vérifié l'exactitude des faits énoncés dans les différentes lettres du ministre de la guerre à l'Assemblée nationale à cet égard et reconnu les inconvénients qu'il y aurait de suspendre plus longtemps le payement des objets qui avaient été formellement exceptés de la liquidation générale, par les décrets des 22 janvier, 25 mars et 7 avril 1790, ont pensé que c'était par erreur que les mêmes exceptions n'avaient point été faites dans le décret rendu le 29 septembre dernier, temps fort rapproché du terme des travaux de l'Assemblée constituante et qu'il était nécessaire et urgent de la rectifier; ils ont, en conséquence, l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la disposition du décret du 29 septembre dernier, qui renvoie à la liquidation générale toutes les créances de l'arriéré de 1790, ne peut regarder celles qui par leur nature ne doivent [souffrir aucun retard dans leur payement et qui, par les décrets des 22 janvier, §5 mars et 7 avril 1790, ont été formellement exceptées de l'arriéré de 1789, assujetti à la liquidation générale ; après avoir entendu le rapport de ses comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis, sur les demandes réitérées du ministre de la guerre faites par ses lettres en date des 30 octobre, 18 novembre, 20 décembre 1791 et 15 janvier 1792, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :
« Les appointements, soldes et masses des troupes, ceux des officiers et employés dans les différents services de la guerre, les intérêts des finances et gages d'office qui sont assignés sur les fonds de la guerre, conformément à la loi du 3 juin 1791 relative au remboursement des charges et offices militaires ; les travaux, approvisionnements et dépenses particulières de l'artillerie et du génie; les indemnités accordées sur les fonds de la guerre, par l'article 14 du titre V de la loi du 10 juillet 1791, aux officiers de tout grade qui n'ont point été payés pendant les années antérieures à 1791, des logements en argent qui leur étaient affectés parles ordonnances, ensemble toutes les sommes résultant de ces différents objets et qui étaient dues à l'époque du 1er janvier 1791, seront acquittées par le Trésor public dans les formes accoutumées, sans que lesdites créances puissent être regardées comme assujetties à la liquidation générale, les exceptant, à cet égard, des dispositions du décret du 29 septembre 1791. »
Plusieurs membres demandent l'impression du rapport et du projet de décret et le renvoi au comité central pour mettre ce projet de décret «tu plus prochain ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et le renvoi au comité centrai pour mettre ce décret au plus prochain •ordre du jour.)
La commune d'Avaron, située dans la partie méridionale du département de l'Ardèche, où la tranquillité publique est menacée, et où, pour se servir des termes de la délibération, rorage gronde, demande à être autorisée à faire un emprunt de 300 livres pour acheter de la poudre et du plomb destiné à la défense de la patrie.
(L'Assemblée renvoie au comité de l'extraordinaire des finances pour en faire son rapport incessamment.)
Il se présente dans le territoire d'Annonay, même département, plusieurs questions sur l'exemption du service de la garde nationale. Voici une lettre des maire et officiers municipaux de cette ville, qui réclament cette exemption pour certains fonctionnaires publics non salariés, comme les assesseurs du juge de paix, les jurés d'accusation en fonctions, les membres du bureau de conciliation. Je demande le renvoi de cette lettre au comité de législation pour décider ces questions.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour en le motivant sur l'exécution de la loi rendue concernant le service de la garde nationale.)
Je suis chargé d'une pétition (Sun grand nombre de citoyens actifs de la ville d'Annonay. Cette adresse est propre à vous prouver qu'on exagère souvent lorsqu'on vous parle de l'incivisme qui trouble le département de l'Ardèche. Elle vous fera connaître d'ailleurs les besoins des habitants de cette contrée ; l'industrie seule peut corriger l'ingratitude du sol. J'en propose la lecture.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des pétitions !
(L'Assemblée renvoie cette pétition (1) au comité des pétitions.)
Un membre propose de renvoyer au comité de liquidation les demandes de plusieurs religieux auxquels le gouvernement avait accordé des pensions pour les travaux littéraires et auxquels on refuse de les payer aujourd'hui, sous prétexte de la disposition de la loi du mois d'août 1790, suivant laquelle nul ne peut recevoir en même temps une pension et un traitement.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette question au comité de liquidation.)
Un membre fait la motion que le comité de législation présente, dans une séance extraordinaire du soir, un tarif général provisoire des droits qui seront attribués aux avoués, aux greffiers et aux huissiers de tous les tribunaux de l'Empire pour éviter la rapacité des officiers de justice.
Le tarif des frais doit faire une partie du Gode civil ; il y a une section du comité de législation chargée particulièrement de cet objet, mais elle ne peut présenter à l'Assemblée son travail avant qu'il ait été combiné avec les autres sections ; je demande donc le renvoi au comité, qui en fera le rapport incessamment.
(L'Assemblée renvoie la motion au comité de législation, pour en faire le rapport dans le plus bref délai.)
Je m'empresse de vous communi-
Enfin la loi a été heureusement exécutée partout où le peuple, égaré à la fois par des malveillants et par ses inquiétudes sur les subsistances, lui avait oppose une résistance qui faisait craindre quelque événement désastreux. Le calme règne actuellement dans le département de l'Oise.
Messieurs, dans le département de la Manche et surtout dans le district de Cherbourg, le fanatisme tombe et meurt à vue d'œil. Cette mort subite est due à un petit ouvrage dont je tiens un exemplaire, et dont l'auteur m'a prié d'offrir l'hommage à l'Assemblée nationale. Il est intitulé Y Anti-fanatisme ou Etrennes aux bonnes gens, par Bon-Marin Duval, citoyen et soldat de Gréville, district de Cherbourg.
Je me permettrais, Messieurs, quelques observations sur cet opuscule, si
les sentiments particuliers qui m'attachent à son auteur, qui est mon
frère, ne m'avertissaient de me défier du jugement que j'en porterais.
Mais, Messieurs, comme l'on ne s'aveugle point sur des faits, je
pourrais vous dire autant pour votre satisfaction que pour la mienne
qu'il arrête merveilleusement les efforts du fanatisme dans nos
campagnes, il l'extirpe radicalement du cœur des bonnes gens. La
première édition, qui parut au commencement de janvier, fut épuisée en
10 ou 12 jours. L'auteur, étonné de ce succès, vient d'en donner une
seconde. Elle sera aussi bientôt épuisée à en juger par l'empressement
des bonnes gens à se le procurer. Cet empressement est étonnant, ils se
l'arrachent des mains. Tous en font leur délice, et personne ne le lit
sans fruit. Ils l'apprennent par cœur, et le récitent comme leur
catéchisme. On a vu de pauvres gens vendre jusqu'à leur poule unique
pour avoir, disenHls, un livre qu'ils entendent, qui les amuse et qui
les instruit. Pas un père de famille qui ne le lise ou fasse lire dans
sa maison. La femme d'abord se laisse prévenir, s'éloigne quelquefois ;
la curiosité- la rappelle, elle regarde, elle écoute, quelque douce
impression la pénètre, et son âme s'ouvre à la raison, son cœur au
plaisir : elle finit par rire avec les autres. L'époux l'observe,
l'embrasse, les enfants applaudissent, la famille est retrouvée, la
maison
D'après cela, Messieurs, si le mérite d'un ouvrage est en raison de ses effets, celui-là ne vous en paraîtra pas dénué. Je supplie l'Assemblée d'en agréer l'hommage, je le lui ôffre au nom de l'auteur.
Plusieurs voix : Mention honorable !
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cet hommage et renvoie l'ouvrage au comité d'Instruction publique.)
Le procureur-syndic du district de Baugé, département de Maine-et Loire, m'a marqué mercredi que le nombre des jeunes gens enrôlés dans ce district montait, dans ce moment à plus de 50. J'ai reçu une nouvelle lettre du président de l'administration de ce même district, qui m'annonce qu'à l'époque ou il écrivait, ce nombre était de 237. L'empressement de ces jeunes gens est inconcevable. Ceux qui doutent de leur taille emploient toutes les ruses pour se grandir, et ceux qu'on est obligé de refuser ne se retirent qu'en pleurant. (Applaudissements.)
Un membre : Le procureur général syndic du département de la Mayenne me marque que le nombre des enrôlés du département s'élève à plus de 600. Il espère qu'il dépassera 1,200. (Applaudissements.)
, Dans la seule ville du Puy, on en a enrôlé 300. (Applaudissements.)
Dans le département de Paris, les enrôlés sont déià au nombre de 6,000.
Un membre : Le département de la Corrèze en fourni ra 4 fois plus qu'il n'en faut, car tout le monde veut s'enrôler, et on est obligé d'arrêter cet empressement. (Applaudissements.)
Une lettre écrite de Villeneuve, département du Lot-et-Garonne, m'apprend que si dans 15 jours vous ne rendez pas un décret pour suspendre les enrôlements, vous aurez ientôt 5 à 600,000 hommes sur pied. (Rires.)
J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que dans la ville de Lille, département du Nord, il y a déjà plus de 2,000 jeunes gens enrôlés. (Applaudissements.)
(L'Assemblée applaudit à cette noble émulation de zèle et de patriotisme de tous les départements pour la défense de l'Empire.) '
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 2 mars, au matin.
Un autre secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 2 mars, au soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Beringua, ci-devant bénéficier, qui demande à être admis à la barre pour faire hommage à l'Assemblée, par une pétition, de la déclaration des biens d'un riche bénéfice dont il était titulaire depuis 1774. Il assure que cette déclaration procurera à la nation un bénéfice , d'un million. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète que ce pétitionnaire sera admis à la barre dimanche matin.)
Je demande que le comité militaire fasse, ce soir, son rapport sur les gardes françaises résidant à Paris, et qui ont été renvoyés sans brevets de pension ni gratification. Depuis le 14 du mois dernier, ces malheu-
reux attendent une décision sur leur sort j(l).
appuie la motion de M. Dubois-de-Bellegarde.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Dubois-de-Bellegarde.
appelle l'ordre du jour.
Avant de passer à l'ordre du jour, je demande à faire lecture à l'Assemblée d'une lettre écrite au ministre de la marine par M. de Bou-gainville, que la démission forcée ae M .de Vaudreuil, qui n'a point prêté le serment, appelle au grade de vice-amiral. Cette lettre a été insérée dans le Logographe (2) ; elle est fort courte.
Voix diverses : Tout le monde la connaît ! L'ordre du jourl
On me dit que tout le monde la connaît, je ne la lirai donc pas ; je ne ferai qu'en tirer des inductions.
Il est clair, Messieurs, que si c'est M. de Bou-gainville qui l'a fait imprimer dans tous les journaux, il en était le propriétaire et par conséquent absolument maître de la publier. Je n'en dirai pas davantage. Tout au plus cette lettre servirait-elle à chasser les regrets que nous pourrions avoir sur la perte de cet officier général. Mais si la publicité vient de M. Bertrand, je soutiens que c'est un délit national, une trahison, parce qu'elle ne tend à rien moins qu'à dégoûter les officiers de marine de se rendre à leur poste, par l'exemple qui leur est donné par M. de Bougainvile, officier général qui a mérité l'estime publique sous l'ancien régime, et à qui l'incivisme seul peut l'ôter aujouruhui, puisqu'il n'accepte pas cette place méritée par ses anciens services, et dans un moment où il pourrait être très utile à la nation.
Je demande donc que l'Assemblée nationale décrète que le ministre de la marine sera tenu de dire si c'est par son ordre que cette lettre a été insérée dans les journaux...
et plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je demande au moins que cette lettre soit renvoyée au comité de. surveillance et que le rapporteur des comités de législation et ae marine réunis soit tenu de monter à la tribune pour faire part des observations proposées sur la conduite du ministre de la marine.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Un membre : Lorsque l'Assemblée a prohibé la sortie des fourrages, graines et grenailles propres à la nourriture des hommes et des animaux, elle n'a sans doute pas entendu prohiber la graine de trèfle dont plusieurs départements font un grand commerce. Je fais la motion que la graine de trèfle ne soit pas comprise dans les articles dont la prohibition est prononcée par le décret du 4 janvier dernier.
La graine de trèfle n'est point comprise dans le décret, parce qu'on n'a entendu comprendre que les graines qui servent à la nourriture des hommes et des animaux. Je demande l'ordre du jour en le motivant ainsi.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour motivé sur ce que la graine de trèfle n'est pas comprise dans les prohibitions décrétées).
, au nom du comité de commerce, fait un rapport et présente un projet de décret (1) concernant le jay brut et le jay travaillé ; il s'exprime ainsi :
Dans la partie française des Pyrénées, il existe une contrée dont les laborieux habitants suppléent à l'aridité de leur sol et à la disette des moyens de subsistance, par l'industrie avec laquelle ils convertissent en boutons, bracelets, colliers et ornements de toute espèce, le charbon fossile qu'on nomme jay ou jayet. Il semble que la nature ait lentement préparé et mis en réserve, dans ces pays stériles et montagneux, une matière qui put alimenter l'industrie de ses habitants, en leur procurant les moyens d'offrir au luxe ces jouissances si vides pour les êtres pensants, et qu'il n'est permis à l'homme d'Etat ae considérer que sous le rapport de l'utilité qui en résulte pour la partie laborieuse du peuplé qui, par son travail, met ainsi l'opulence à contribution, et vit des sottises de la vanité.
Il ne s'agit point ici de favoriser lé goût de ces âmes frivoles qui ne savent jouir que dans tout Ce qui n'est point elles, ni de faire une loi sur des liochets, mais bien de conserver du travail et une subsistance à plus de 10,000 fabricants, dont les ateliers éprouvent en ce moment Une suspension fâcheuse.
Les mines de jay ne se trouvent que dans la partie des Pyrénées -qui
appartient à l'Espagne. Les anciens tarifs ne portaient qu'à 8 sols du
quintal le droit d'entrée de ce fossile. Le nouveau tarif décrété par
l'Assemblée constituante le 31 janvier 1791, a porté ce droit à 10
livres, mais il est d'autant plus certain que l'Assemblée n'a voulu
frapper de ce droit de 10 livres que le jay travaillé et non le jay
brut, que, par un projet de décret qui lui fut présenté par son comité,,
vers la fin de sa session, on lui proposait d'eXemp-ter de tous les
droits d'entrée le jay brut. C'est ce même projet que le corps
constituant n'a pas eu le temps ae décrétèr, que votre comité vous
propose aujourd'hui, en attendant qu'il vous offre un travail complet
sur les difficultés auxquelles le nouveau tarif donne lieu. If ne peut,
à cet égard, s'élever aucune discussion sérieuse. C'est un principe
reconnu par l'Assemblée constituante et par toutes les nations
manufacturières, que les matières premières doivent être exemptes de
tous droits d'entrée. G'ést l'application de ce principe au jay brut,
considéré
3ui est en opposition à tous les principes. Il a onc paru à votre comité qu'on devait rendre à ces fabricants le droit qu'on a exigé d'eux d'après le nouveau tarif, et qu'on ne devait pas les rendre victimes d'une méprise qui n'est pas de leur fait.
PROJET DE DÉCRET (1).
« L'Assemblée nationale, interprétant le tarif des douanes, décrété par l'Assemblée constituante, le 31 janvier 1791, décrète que le jay brut est exempt de tout droit à rentrée du royaume, que le jay travaillé continuera d'être passible d'un droit d'entrée de 10 livres du quintal, et que le dit droit de 10 livres perçu à l'entrée sur le jay brut [depuis et en exécution du dit tarif, sera restitue par les receveurs des douanes à tous les propriétaires, voituriers et marchands qui l'ont acquitté. »
Il me semble qu'il ne peut point y avoir de décret d'urgence. C'est une ranche du revenu public. 11 s'agit d'augmenter ou de diminuer une perception. Ainsi, je crois qu'aux termes de la Constitution, il faut les trois lectures.
(L'Assemblée décide que le projet de décret sera soumis aux trois lectures, ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine qui demandent la. conservation d'un établissement et le payement de
Quatre chirurgiens pour l'enseignement de l'art e la chirurgie.
(L'Assemblée renvoie cette lettre (2) au comité d'instruction publique.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet de décret (3) relatif àla liquidation des commissaires-enquêteurs, examinateurs, calculateurs et modérateurs de tous dépens, dommages-intérêts, du Châtelet de Paris. Le projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport du comité de liquidation, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Outre le prix de l'évaluation fait een exécution de l'édit de
1771, il sera payé à titre d'indemnité, aux commissaires-enquêteurs,
examinateurs, calculateurs et modérateurs de tous dépens, dommages et
intérêts, du Châtelet dé Paris, qui ont acquis leurs offices
postérieurement à l'édit de 1771. le huitième du prix porté dans leurs
contrats d acquisition et autres actes authentiques, lorsqu'ils pourront
en justifier.
(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la seconde lecture à huitaine.)
Monsieur le Président, je demande la parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, le peuple souverain doit connaître ses intérêts politiques dans toute leur étendue. L'Assemblée nationale renfermant les représentants de la nation, doit connaître tous les traités, toutes les relations de la France avec les puissances étrangères. Le comité diplomatique est chargé par eue de répandre sur ces objets les lumières les plus précises. 11 faut donc composer ce comité des plus grands génies (Rires), des hommes les plus éclairés et du patriotisme le plus sûr.
Plusieurs membres : C'est fait ! c'est fait !
Je n'élève pas de doutes sur le génie et le patriotisme de ceux que vous avez choisis pour composer ce comité. (Ah! ah\) Je ne doute pas qu'ils ne soient très patriotes, mais il faut que la masse en soit forte, surtout dans les circonstances actuelles. 12 membres ne suffiront pas pour les travaux dont il doit être chargé. Je demande donc que les suppléants qui ont été nommés hier soir soient déclarés aujourd'hui faire partie de ce comité. (Rires prolongés et quelques applaudissements.)
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
Personne n'ignore l'importance des travaux dont le comité diplomatique doit être chargé. Ces travaux, dans la crise politique où nous nous trouvons, acquièrent encore un plus haut degré d'importance ; mais je crois que PAs-semblée y a très sérieusement pensé. (Non!non!)
J'en tire la preuve des nominations qu'elle a faites hier. Il ne s'agit donc plus que du nombre des membres. Le préopinant désire que ce nombre soit augmenté. Moi, Messieurs, je crois, par les mêmes motifs, que le nombre doit être tel qu'il est. Il me semble que 12 personnes bien cnoisies, 12 bonnes têtes bien éclairées, animées des mêmes sentiments patriotiques, suffiront pour traiter gravement les grands intérêts qui leur sont confiés. Je demande donc la question préalable sur la proposition de. M. Albitte.
établit l'état de la délibération.
Vous ne dites que la moitié, Monsieur le Président.
établit de nouveau l'état de la délibération et met aux voix la question préalable sur la motion de M. Albitte.
(L'Assemblée décide à une très grande majorité qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Albitte. — Applaudissements dans les tribunes.)
veut prendre la parole.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour t
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet ae décret des comités des pétitions et de surveillance réunis, sur les troubles d Avignon.
, rapporteur. M. le ministre a reçu, hier, une dépêche des commissaires d'Avignon. Il a cru devoir me la communiquer, attendu l'urgence. Cette dépêche contient quelques observations des commissaires civils, qui toutes, comme j'ai eu l'honneur de le dire,. me font croire qu'il est impossible que l'Assemblée prononce sur l'organisation définitive des officiers de la municipalité et corps administratifs à Avignon et dans le Comtat. Il existe, Messieurs, entre les commissaires civils et les officiers des troupes de ligne, et notamment du régiment de la Marck, un dissentiment qui pourrait nuire beaucoup à la chose publique, si on n'y porte un prompt remède.
(L'Assemblée décrète que la discussion est ouverte sur l'affaire d'Avignon.)
, rapporteur. Vous avez encore décidé, dans votre séance. d'avant-hier, que la discussion [du [projet de décret serait divisée en trois parties : la première, concernant l'organisation des, corps administratifs; la seconde, l'état des prisonniers ; et la troisième, les commissaires civils. Il n'est rien de plus facile que de faire cette division, en ne soumettant à la discussion actuelle que les articles du projet de décret qui traitent simplement de l'organisation de l'administration à Avignon.
Il y a longtemps que l'Assemblée est investie de la connaissance de l'affaire d'Avignon; les membres doivent s'être préparés sur l'ensemble de cette affaire. La division qu'on propose est un moyen de tactique pour priver l'Assemblée de la lecture de plusieurs mémoires très intéressants. Je demande que tous les orateurs qui auront à parler sur l'ensemble, obtiennent les premiers la parole.
Il faudrait, en ce cas, rapporter le décret rendu dans la séance du jeudi soir. Tout le monde convient que l'affaire d'Avignon a trois branches: comme la discussion était à l'ordre du jour de jeudi soir, les membres qui s'étaient fait inscrire étaient, sans doute, à cette séance ; ils doivent donc s'être préparés et avoir coupé leur travail. Je demande 1 exécution du décret qui prononce la division, parce qu'il accélère la discussion, sans priver l'Assemblée d'aucunes lumières.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Tardiveau.)
, rapporteur. Je vais vous relire le projet de décret :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des pétitions et de surveillance, considérant que la situation isolée des ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat, leur organisation incomplète et seulement provisoire, et l'inexécution de la plupart des décrets, qui en résulte, privent les citoyens non seulement des bienfaits des nouvelles lois, et les exposent à l'arbitraire, mais encore les privent des moyens d'ordre et de tranquillité publique qui résultent dans les autres parties de 1 Empire, de la surveillance directe et continue de l'administration des départements ;
Considérant qu'il est instant de fixer enfin définitivement le sort des ci-devant Etats, pour tranquilliser le peuple sur la crainte d'un retour de ce pays sous la domination du pape ; opinion
que les malintentionnés s'efforcent d'insinuer et de propager pour perpétuer les inquiétudes, et décourager les bons citoyens qui ne savent pas que cet abandon n'est ni dans la volonté ni même dans les pouvoirs de l'Assemblé nationale ;
Considérant que le décret du 26 novembre dernier portant création d'un tribunal chargé des poursuites des crimes commis à Avignon et dans le Comtat depuis le 23 septembre est trop vague, qu'il donne trop d'extension, et qu'il peut même favoriser l'arbitraire; qu'il jette un très grand nombre de citoyens dans un état d'inquiétude et de perplexité qu'il est intéressant de faire cesser en réglant avec plus de précision quels sont les délits qui doivent faire la matière ae la procédure, et les personnes contre lesquelles doivent être dirigées les poursuites ;
Considérant qu'il peut y avoir les plus grands inconvénients à ce que les prisonniers continuent d'être détenus à Avignon ; que les craintes qui se manifestent de toutes parts sur leur sort méritent des égards, quand même elles seraient sans un fondement réel, et qu'il est intéressant et même juste d'ôter à tous les partis jusqu'au moindre prétexte de suspicion et de faciliter aux accusés les moyens de fournir tous les éclaircissements qu'ils croiront utiles pour leur justification;
Considérant qu'il est important de mettre en sûreté les papiers et registres des assembléès de Carpentras et de Bédarrides, les titres des domaines nationaux, et tous les papiers déposés aux archives du gouvernement et dans tous autres greffes publics;
Considérant que les élections qui ont été faites sont le résultat des intrigues et des cabales ; que plusieurs corps administratifs, qui en ont été le produit, ont déjà donné l'exemple scandaleux ae la désobéissance à la loi; que les élections ne sont que provisoires; et qu il est instant de les remplacer par des élections définitives, pour fixer, tout à la fois, d'une manière stable et permanente, le sort des administrateurs et des administrés ;
Considérant qu'il existe une coalition aussi coupable que dangereuse entre les malveillants des ci-devant pays d'Avignon et du Comtat, et ceux des provinces méridionales, qu'ils sont en correspondance avec les conspirateurs réfugiés à l'étranger ; que la plupart poussent même 1 audace jusqu'à insulter et à méconnaître la souveraineté nationale, qu'il est instant de prendre des mesures capables d'en imposer aux ennemis de la chose publique, de prévenir les effets du fanatisme, et de tranquilliser les bons citoyens;
Considérant enfin que, parmi les inculpations faites à M. Mulot et aux commissaires civils actuels, il s'en trouve de graves, mais sur lesquelles on n'a pas encore acquis des preuves suffisantes, qu'elles exigent d'ailleurs d'être pesées avec maturité, vu les circonstances difficiles dans lesquelles seront trouvés et se trouvent encore les commissaires civils, dont la correspondance annonce clairement le plus entier dévouement et l'attachement le plus inébranlable à la Constitution et qu'il est prudent de se garantir d'une décision précipitée;
« Décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. La division provisoire des deux
ci-
devant Etats d'Avignon et du Comtat en deux districts, telle qu'elle a été réglée par le décret du 23 septembre dernier, est et restera définitive, saur l'exception dont il sera parlé à l'article 3.
« Art. 2. Le district d'Avignon sera de suite et de fait réuni au département des Bouches-du-Rhône, et celui de Carpentras au département de la Drôme.
« Art. 3. Les directoires de ces deux départements feront parvenir à l'Assemblée nationale, et ce dans le plus court délai possible, leur avis sur la distraction qui pourrait être faite de quelques communes avoisinant le district d'Orange, et qui pourraient y être réunies sans cependant nuire a la consistance nécessaire des districts d'Avignon et de Carpentras.
« Art. 4. Toutes les lois communes à l'Empire français seront de suite mises en vigueur dans les districts de Carpentras et d'Avignon, à la réserve de celles relatives aux contributions publiques, auxquelles la situation actuelle du pays, et d'autres considérations particulières, peuvent exiger quelques modifications momentanées, sur lesquelles l'Assemblée nationale se réserve de statuer lorsqu'elle aura reçu l'avis des directoires de départements.
« Art. 5. Toutes les élections faites jusqu'au moment où le présent décret sera publié à Avignon et dans le Comtat, même celles relatives aux députés au Corps législatif, seront supprimées. Il sera procédé sur-le-champ et sans délai ci des élections définitives aux termes et dans la forme des décrets. On commencera par les juges dé paix, les tribunaux de district, et on finira par les députés au Corps législatif.
« Art. 6. Les directoires des départements des Bouches-du-Rhôhé et de la Drôme nommeront chacun deux commissaires pris dans les conseils de département qui s'occuperont de l'examen des dettes des deux ci-devant Etats, des offices et charges ayant finance, supprimés par l'effet des décrets de l'Assemblée nationale, et aussi de la vérification de toutes les réclamations de même nature qui pourraient être faites. Us dresseront des états circonstanciés ét y joindront les observations qu'ils jugeront convenables. Les états seront dressés par triple expédition : l'une sera envoyée à l'Assemblée nationale, et les deux autres seront déposées aux archives des deux districts. Un commissaire, nommé par le roi, sera membre de cette commission.
« Art. 7. Tous ceux qui se prétendront créanciers des deux ci-devant Etats, pour quelque cause et à quelque titre que ce soit, seront tenus de produire leurs titres, dans le délai de deux mois à Compter du jour de la proclamation qui sera faite du présent décret par la commission, à peine d'être déchus de leurs créances.
« Art. 8. Cette commission se réunira à Avignon, huitaine après la nomination de ses membres, elle s'occupera, de suite de tous les moyens de conciliation, de paix et de tranquillité sur oute l'étendue des deux districts, et requerra aussi au besoin la force publique. A cét effet, le roi sera invité à leur départir les mêmes pouvoirs que ceux attribués aux autres commissaires civils : cette commission fera une proclamation par laquelle elle invitera les citoyens fugitifs à rentrer dans leurs foyers et les assurer qu'ils y trouveront protection et sûreté.
« Art. 9. Cette commission, de concert, avec les commissaires actuels, dirigera l'organisation tant civile qu'ecclésiastique du pays; elle assi-
gnera le lieu où l'assemblée électorale tiendra ses seances pour l'élection des députés au Corps législatif; elle fera les dispositions convenables pour assurer partout la sûreté des personnes et la liberté des élections. A cet effet, elle pourra requérir momentanément les gardes nationales des pays circonvoisins, et en en donnant avis au département.
« Art. 10. Il sera pourvu, sans délai, par les directoires du département et de district, chacun en ce qui le concerne, à la recherche, estimation, administration et vente des biens nationaux et immobiliers; ils se conformeront, à cet égard, à tout ce qui est prescrit pour tout l'Empire par les décrets de l'Assemblée nationale.
« Art. 11. La commission requerra la remise des papiers et registres de la première assemblée de Carpentras, dite représentative du Comtat et de l'assemblée électorale représentative des deux Etats. Ils feront à cet effet tout ce qui leur paraîtra juste et convenable pour assurer la conservation de ces papiers; ils vérifieront encore l'état des archives du ci-devant gouvernement, et feront effectuer le dépôt des papiers et titres existants dans ses différents greffes.
« Art. 12. Le tribunal établi à Avignon, par le décret du 26 novembre dernier, sera transféré à Beaucaire : les prisonniers détenus à Avignon, ou autres lieux, y seront conduits sous bonne et sûre garde : les commissaires civils envoyés par le roi seront tenus, sous-leur responsabilité, de veiller à la sûreté de ce transport, et à ce que, sans négliger les précautions nécessaires, on ait pour ces prisonniers les égards qu'exige l'humanité. Les municipalités d'Avignon et des autres lieux de passage seront pareillement tenues, sous leur responsabilité, de faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour éviter tout empêchement qui pourrait être apporté à ce transport, l'Assemblée nationale déclarant traîtresses à la patrie et criminelles de lèse-nation, toutes personnes qui feraient quelques tentatives, soit en faveur, soit contre les prisonniers.
« Art. 13. Les procédures à faire par les juges ne seront instruites que contre les particuliers accusés d'avoir personnellement exécuté les meurtres du sieur Lécuyer et des prisonniers du palais, les 16 et 17 octobre dernier, et contre ceux qui se trouveront accusés d'avoir formellement provoqué les crimes. Tout ce qui n'est pas relatif à ces attentats, sera regardé comme l'effet malheureux d'un mouvement populaire, et en sera entièrement distrait.
« Art. 14. L'accusateur public près le tribunal criminel du département de la Drôme poursuivra la procédure à faire contre les assassins d'Anselme et la Villasse, contre les meurtriers de Carmel.
« Art. 15. Tout ce qui est prescrit par les décrets des 14 et 23 septembre, et 26 novembre derniers, et à quoi il n'est pas expressément dérogé par le présent décret* sera exécuté en son entier.
« Art. 16. La commission établie par l'article 6 sera tenue de prendre sur les lieux, et de faire parvenir incessamment à l'Assemblée, des renseignements précis sur les faits dénoncés contre M. Mulot et les commissaires civils. Ces derniers se rendront à la barre, pour rendre compte de leur mission lorsqu'elle sera terminée : l'Assemblée ajourne jusqu'à cette époque toute discussion sur cet onjet.
« Art. 17. Il sera accordé provisoirement aux deux districts d'Avignon et de Carpentras, un
secours de 500,000 livres : cette somme, four-nié par le Trésor public, sera employée, sous la surveillance et la direction immédiate de la nouvelle commission, en réparations et reconstructions des digues, routes et autres travaux d'utilité publique, et en établissements d'ateliers de charité.
« Art. 18. Le roi sera invité de donner les ordres les plus prompts pour retirer d'Avignon et du Comtat les régiments de la Marck et les escadrons de hussards qui s'y trouvent et pour les faire remplacer par un régiment d'infanterie, un de troupes à cheval et 4 bataillons de volontaires nationaux.
« Art. 19. Tout corps, toute personne qui se permettront des actes tendant à méconnaître ou à faire méconnaître la souveraineté de la nation et la Constitution, seront poursuivis comme traître à la patrie et criminels de lèse-nation.
« Les commissaires civils seront tenus de dénoncer sans délai à ceux qui en doivent connaître, les officiers des troupes de ligne qui les ont menacés et insultés; ils seront de suite poursuivis suivant la rigueur des lois.
« Art. 21. Ce qui est dû, pour le passé, à la gendarmerie nationale d'Avignon et du Comtat, lui .sera payé par le Trésor public sur le pied du traitement qui lui était attribué : il en sera de même pour 1 avenir jusqu'à son organisation définitive, qui est renvoyée au comité militaire.
« Art. 22. Il sera pourvu provisoirement aux frais de tous les établissements et traitements des fonctionnaires publics^ civils et ecclésiastiques, conformément au décret du 23 septembre, et ce, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu.
« Art. 23. Le ministre des affaires étrangères rendra compte,, sous 3 jours, de l'état des négociations qui, conformément au décret du 14 septembre dernier, doivent avoir été ouvertes avec la cour de Rome, relativement aux indemnités ou dédommagements qui pourraient lui être dus.
« Art. 24. Le pouvoir exécutif donnera les ordres nécessaires pour la prompte exécûton du présent décret : les ministres de la justice et de l'intérieur seront tenus, sous leur responsabilité, d'en rendre compte de quinzaine en quinzaine, chacun en ce qui est relatif à son administration.
« Art. 25. L'Assemblée renvoie à son comité' militaire la pétition faite par nombre de citoyens d'Avignon et du Comtat par l'organe des commissaires civils, pour être admis à former un bataillon de volontaires pour la défense des frontières.
« Art. 26. L'Assemblée nationale invite les citoyens des deux districts; d'Avignon et de Carpentras à abjurer tout sentiment de haine, et à ne plus se livrer qu'aux douces impulsions de la fraternité. Ce n'est que par une conduite paisible et digne des hommes libres, qu'ils seconderont puissamment les efforts que vont faire leurs représentants pour effacer jusqu'à la moindre trace des maux dont ils sont accablés. »
Messieurs, quoi qu'en dise l'aristocratie comtadine et avignonaise, malgré les réclamations de Pie VI et la lettre de Catherine II, qu'ont insérés, avec tant d'empressement, dans leurs journaux, tous les folliculaires voués au despotisme, les Etats d'Avignon et le Comtat Venaissin ont été légitimement réunis à la France, d'après le vœu libre de la majorité des habitants, auxquels on ne peut opposer l'absence
de quelques émigrés, attachés, par leurs privilèges abusifs, à l'ancien régime, et qui voudraient inutilement faire regarder ce vœu comme l'effet de la séduction de quelques personnes intéressées au changement, et comme l'expression de la volonté de certains hommes qui, suivant eux, ne devaient pas être consultés, et qui, parce qu'ils ne sont pas riches comme eux, rie sont, disent-ils avec insolence et contradiction, que des faiseurs d'enfants et non de citoyens. Comme si les pères de famille n'étaient pas plutôt les vrais citoyens que ceux auxquels ils fournissent la subsistance, que ces riches orgueilleux, avares de la génération et oppresseurs des enfants des autres. [Applaudissements.)
Ce pays a été réuni à la France suivant les droits qu'elle avait sur lui, droits que le ci-devant parlement de Provence n'a jamais regardés, ni comme aliénés, ni comme aliénables, que les rois français ont plus d'une fois fait valoir sans la réclamation d'aucune puissance, et sur lesquels l'Assemblée nationale constituante s'était réservé de prononcer. Le bonheur des Avignonais et des Comtadins, la paix de nos départements méridionaux a enfin déterminé la. France à exercer ses droits ; et, il faut l'avotier, nous n'aurions pas à chercher maintenant les'moyens de leur -aire goûter le bonheur, si la réunion eût été aussitôt opérée que désirée, et si en ne remettant dans mes mains qu'une copie de décret pour pouvoir le faire exécuter, on n'eût pas laissé un temps trop long à l'activité des passioris opposées.
Ce bonheur ne peut s'opérer que par un décret d'organisation définitive qui fasse cesser l'anarchie, enlève aux méchants l'espoir de troubler l'ordre, et fasse évanouir l'espoir mensonger d'un retour sous l'avilissante domination papaie. Pour procéder à l'organisation des administrateurs j doit-on décréter que les deux pays formeront un département, ou doit-on confirmer le décret provisoire, et unir cette partie de ces Etats au département des Bouches-du-Rhône, et l'autre à celui de la Drôme ?
Le premier sentiment avait été celui des administrateurs qui comptaient trop sur le rapprochement des leurs, après la cessation des hostilités, et que, croyant apercevoir quelques avantages pour le pays, dans cette disposition définitive ; elle était d'ailleurs le vœu d'une grande partie des communes, des chefs de l'assemblée électorale, et une suite même du pacte fédératif.
Ces dernières raisons nous avaient déterminés, M. Verninac et moi, à en signer la demande à l'Assemblée nationale constituante, dans un acte que j'ai imprimé à la fin de mon compte rendu dans, les pièces justificatives; mais ma plus longue résidence dans le pays, mes plus grandes connaissances de l'esprit des habitants, l'expérience triste que j'ai acquise dés haines des villes rivales, les lettres que Carpentras m'a écrites, et dont je suis porteur, la nécessité de choisir les intérêts, tout maintenant me détermine à regarder la division de ce pays comme le seul moyen de ramener plus promptement l'ordre et la prospérité. J'appuie donc la proposition de vos comités, pour la division définitive de ce pays, et jpour sa réunion respective avec les départements; voisins. Je désirerais même que cette division fût plus multipliée. Déjà> suivant mes désirs, vos comités réservent quelques parties au district d'Orange. Il serait aussi côn-venable, suivant mes idées particulières, d'assigner au district d'Apt, quelques parties qui Jui
étaient destinées, même par un décret de l'Assemblée nationale constituante, et d'y joindre des communes qui avaient demandé spécialement cette union. Après avoir opéré cette division, je proposerai à l'Assemblée une chose peut-être puérile en apparence, mais qui me paraît propre à affaiblir les rivalités, les animosités, parmi les habitants de ces contrées, et leur ancienne existence Sous le règne de la féodalité épiscopale. Je vous engagerais, Messieurs, à donner aux deux districts divisés jusqu'en ce moment, sous le nom d'Avignon et de Car-pentras, les dénominations de Vaucluse ou de la Durance, dont le siège serait à Avignon, et le district de Louvas dont le siège serait à Car-pentras. Les Etats d'Avignon et le Comtat, identifiés ainsi avec nos départements, devraient être naturellement soumis à toutes nos lois; mais il en est que leur situation ne permet pas encore d'exister, et l'état malheureux auquel la guerre civile a réduit la plupart des communes, nécessite de suspendre, pour un temps, celles relatives aux contributions publiques ; la'suspen-sion de ces lois procurerait, en outre, un grand bien. Elle ôtera aux ennemis de la Révolution les prétextes dont ils se servent pour enflammer les esprits trop crédules de ces Français arrachés au joug papal, en leur montrant des impôts pesants sur ceux qui n'en payaient pas; et ces mêmes hommes, débarrassés de ces mêmes craintes, et soulagés par l'exemption momentanée de quelques contributions,, les paieront ensuite avec plaisir, lorsqu'ils seront convaincus en comparant ce que payent leurs concitoyens, que les impôts ne sont pas comparables au poids ae dîmes énormes qui servaient à engraisser des milliers de prêtres utiles seulement a perpétuer chez eux resprit de la servitude, et à tant d'autres à qui la cour romaine assignait des pensions sur ces mêmes produits.
Sans entrer dans les sujets de plaintes que les commissaires civils ont adressées contre là municipalité d'Avignon, sans m'arrêter aux témoignages qu'ils vous ont donnés de l'incivisme de la municipalité de Garpentras, témoignages qui confirment ce que j'ai eu l'honneur de vous ire de rassemblée de Saint-Siphem, dont les chefs ont été portés aux fonctions municipales, en regrettant de ne pouvoir pas maintenir dans les fonctions des officiers municipaux de quelques communes qui ont eu le bonheur de placer des patriotes à leurs têtes, quelque effrayé que je puisse être des assemblées primaires qu'il faudra tenir et qui pourront être en ce moment plus tumultueuses qu'elles ne l'ont été lors de l'organisation provisoire; fidèle à la loi du 26 septembre, je pense avec vos comités qu'il . faut procéder à la régénération entière de tous les pouvoirs.
Vos comités vous ont proposé ensuite des mesures pour opérer cette organisation, des moyens pour connaître la valeur delà dette du pays, la quotité de la valeur des biens nationaux, pour procéder à la liquidation des officiers supprimés, des moyens pour se procurer la connaissance des papiers et registres des assemblées connues sous le nom d'assemblées représentatives du Comtat et de l'assemblée électorale des deux Etats réunis, pour vérifier les ' archives des ci-devant gouvernements. Appuyer ces mesures par des raisonnements qui ne feraient que reproduire les motifs de vos comités, ce serait vous faire perdre un temps précieux. Ainsi, je me contenterai de vous dire que je les
adopte volontiers ; mais il est échappé quelque chose à la vigilance de vos comités, et je vais me permettre de vous les rappeler.
Parmi ces abus, qui ont eu lieu pendant les guerres qui ont désolé Avignon et le Comtat Venaissin, se présentent les exactions, les contributions, les spoliations ; et après la guerre, après les traités de paix passés à Orange, les spoliations, les ventes des mobiliers faisant partie des biens nationaux se présentent encore. Vous ne voudriez pas sans doute, Messieurs, charger la France, comme on vous le propose, de faire provisoirement les frais de tous les établissements et de tous les fonctionnaires publics, civils et ecclésiastiques qu'on néglige de reconnaître. Que sont devenus les fruits provenant des recettes faites sur le produit des biens nationaux, tel que le produit des bacs sur les rivières, de l'argenterie, des cloches, du mobilier des maisons religieuses et des églises, effets enlevés par les commissaires de l'assemblée électorale, vendus à l'encan et publiquement, notamment à Avignon.
Il ne serait pas juste, sans doute, que ces recettes, que ces ventes auxquelles je me suis constamment opposé en yertu du traité d'Orange tournassent au détriment de la nation française et au profit seul des déprédations.
Je proposerai donc que la commission chargée de la vérification des objets, se fasse rendre compte de ceux-ci par le caissier de l'assemblée électorale, que l'on nommait caissier du département de Vaucluse, et par les commissaires à l'assemblée électorale chargés de ces recettes et de ces ventes pour, sur le rapport qui en sera fait à l'Assemblée nationale par ladite commission, être statué ce qu'il appartiendra.
Je vous proposerai aussi un changement dan» un des articles du projet du comité relativement aux troupes qui sont actuellement à Avignon et contre lesquelles il s'est élevé des plaintes, soit des différents partis, soit de la part même des commissaires civils ; mais comme cela tient en grande partie à la rédaction, je me réserve de faire ce changement lors de la discussion.
Mais, Messieurs, au préalable, qu'il me soit permis de proposer un
article qui m'a paru oublié, et qui concerne les ecclésiastiques
consti-tutionnés du pays. Dans l'article au 23 septembre, du décret
d'organisation provisoire, il y a eu, comme vous le savez, une grande
erreur qui a donné lieu à des refus que la municipalité nouvelle
d'Avignon à fait sur quelques; demandes des commissaires civile : le
procès-verbal de la séance du 23 septembre, contenant le décret
d'organisation provisoire, renfermé cette clause : Il ne sera rien
statué sur le ci-devant clergé d'Avignon et du Comtat Venaissin que par
l'organisation définitive: mais il restera provisoirement en l'état fixé
par l'assemblée électorale. Dans l'original du décret porté à la
sanction et dans la copie remise à M. le garde du sceau, la dernière
phrase ne se trouve point, et, dès lôrs/par la publication qui en a été
faite, cette dernière phrase n'a pas été connue : c'est ce qui a donne
lieu à l'accusation faite contre les commissaires d'avoir falsifié les
décrets ; c'est ce qui a fait dire à ces dénonciateurs dans un écrit
intitulé : Imposture de M. Mulot dévoilée (1), que j'avais à cette
tribune même altéré et falsifié un décret. Cette variante
Il est important que vous préserviez ce petit nombre de prêtres estimables des difficultés que l'aristocratie pourrait leur susciter.
En conséquence, je vous proposerai de décréter que les prêtres constitutionnels et assermentés qui ont été placés dans les cures des deux États réunis, à la place des curés qui se sont refusés au serment prescrit par les lois que ces pays avaient adoptées par le pacte fédératif y seront maintenus.
Je prierai conséquemment M. le rapporteur de vouloir bien modifier les articles d'après les réflexions que j'ai présentées.
Un membre : Je demande que la discussion soit fermée sur le fond et qu'elle s'ouvre article par article.
(L'Assemblée ferme la discussion sur le fond et décide que la discussion sera ouverte article par article.)
, rapporteur, donne lecture du décret d'urgence qui est adopté sans discussion dans les termes suivants :
.« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des pétitions et de surveillance, considérant que la situation isolée des ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat, leur organisation incomplète et seulement provisoire, et l'inexécution de la plupart des décrets, qui en résulte, privent les citoyens, non seulement des bienfaits des nouvelles lois, et les exposent à l'arbitraire, mais encore les privent des moyens d'ordre et de tranquillité publique qui résultent dans les autres parties de l'Empire, de la surveillance directe et continue de l'administration des départements;
« Considérant qu'il est instant de fixer enfin définitivement le sort des ci-devant Etats, pour tranquilliser le peuple sur la crainte d'un retour de ce pays sous la domination du pape ; opinion que les malintentionnés s'efforcent d'insinuer et de propager pour perpétuer les inquiétudes, et de décourager les bons citoyens, qui ne savent pas que cet abandon n'est ni dans la volonté, ni même dans les pouvoirs de l'Assemblée nationale ;
« Considérant que le décret du 26 novembre dernier, portant création d'un tribunal chargé des poursuites des crimes commis à Avignon et dans le Comtat, depuis le 23 septembre, est trop vague; qu'il donne trop d'extension, et qu'il peut même favoriser l'arbitraire; qu'il jette un grand nombre de citoyens dans un état d'in-auiétude et de perplexité qu'il est intéressant e faire cesser, en réglant, avec plus de précision, quels sont les délits qui doivent faire la matière de la procédure, et les personnes contre lesquelles doivent être dirigées les poursuites ;
« Considérant qu'il peut y avoir les plus grands inconvénients à ce que les prisonniers continuent d'être détenus à Avignon; que les craintes qui se manifestent de toutes parts sur leur sort méritent des égards, quand même elles seraient sans un fondement réel; et qu'il est intéressant et même juste d'ôter à tous les partis jusqu'au moindre prétexte de suspicion, et de faciliter aux accusés les moyens de fournir tous les
éclaircissements qu'ils croiront utiles pour leur justification ;
« Considérant qu'il est important de mettre en sûreté les papiers et registres des assemblées de Carpentras et de Bédarides, les titres des domaines nationaux; et tous les papiers déposés aux archives du gouvernement et dans tous autres greffes publics ;
« Considérant que les élections qui ont été faites sont le résultat des intrigues, et des cabales; que plusieurs corps administratifs, qui en ont été le produit, ont déjà donné l'exemple scandaleux de la désobéissance à la loi; que les élections ne sont que provisoires, et qu'il est instant de les remplacer par des élections définitives, pour fixer tout à la fois, d'une manière stable et permanente, le sort des administrateurs et des administrés ;
« Considérant qu'il existe une coalition aussi coupable que dangereuse entre les malveillants des ci-devant pays d'Avignon et du Comtat, et ceux des provinces méridionales; qu'ils sont en correspondance avec les conspirateurs réfugiés à l'étranger; que la plupart poussent même 1 audace jusqu'à insulter ^t à méconnaître la souveraineté nationale; qu'il est instant de prendre des mesures capables d'en imposer aux ennemis de la chose publique, de prévenir les effets du fanatisme, et de tranquilliser les bons citoyens.
« Considérant enfin que, parmi les inculpations faites à M. Mulot et aux commissaires civils actuels, il s'en trouve de graves, mais Sur lesquelles on n'a pas encore acquis des preuves suffisantes; qu'elles exigent, d'ailleurs, d'être pesées avec maturité, vu les circonstances difficiles dans lesquelles se sont trouvés et se trouvent encore les commissaires civils, dont la correspondance annonce clairement le plus entier dévouement, et rattachement le plus inébranlable à la Constitution, et qu'il est prudent de se garantir d'une décision précipitée ;
Décrète qu'il y a urgence.
, rapporteur, donne lecture de l'article. 1er du projet de décret qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après àvoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. La division provisoire des deux
ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat en deux districts, telle qu'elle
a été réglée par le décret du 23 septembre dernier, est et restera
définitive, sauf l'exception dont il sera parlé à l'article 3;
C'est ici que je propose de changer la dénomination des districts en ajoutant après les mots : « en deux districts » ceux-ci : c sous la dénomination du district de Vaucluse, séant à Avignon, et du district de l'Ouvèze, séant à Carpentras. »
(L'Assemblée adopte l'article 1er avec l'amendement de M. Mulot, sauf rédaction.)
, rapporteur, donne lecture des articles 2 et 3 qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 2.
« Le district de Vaucluse sera de suite et de fait réuni au département des Bouches-du-Rhône, et celui de l'Ouvèze au département de la Drôme.
Art. 3.
« Les directoires de ces deux départements feront parvenir à l'Assemblée nationale, et ce dans
le plus court délai possible, leur avis sur la distraction qui pourrait être faitè de quelques communes avoisinant le district d'Orange, et qui pourraient y être réunies, sans cependant nuire a la consistance nécessaire des districts de Vau-cluse et de l'Ouvèze.
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu :
« Art. 4. Toutes les lois communes à l'Empire français seront de suite mises en vigueur dans les districts de Vaucluse et de l'Ouvèze, à la réserve de celles relatives aux contributions publiques auxquelles la situation actuelle du pays, et d'autres considérations particulières peuvent exiger quelques modifications momentanées sur lesquelles 1 Assemblée nationale se réserve de statuer lorsqu'elle aura reçu l'avis des directoires de département. »
Cet article me paraît extrêmement vague ; il pourrait s'élever quelques réclamations sur ces mots : « Toutes les lois communes à VEmpire français. » Je demande qu'on leur substitue ceux-ci : « Les lois générales du royaume. »
Il y a une partie de l'article 4 relative aux impositions. Prenez bien garde, Messieurs, que, toutes les fois que vous rendrez un décret d'urgence, vous assujettissez vos décrets à la sanction, et que toutes les fois que vous parlez des impositions, soit que vous les établissiez, soit que vous les fassiez cesser, vos décrets ne sont point sujets à la sanction. Il faut que vous suiviez la forme, prescrite par la Constitution. Je demande donc* que la seconde partie de l'article 4 relative aux contributions, soit ajournée comme sujette aux trois lectures.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur l'article 4.
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'article 4.)
Plusieurs membres : La question préalable sur tous les amendements !
D'autres membres demandent la division de la question préalable sur les deux amendements.
Un membre : Je proposé d'adopter l'article 4 sauf rédaction et de renvoyer les amendements au comité.
(L'Assemblée décrète l'article 4 sauf rédaction et renvoie les amendements au comité.)
(La discussion est interrompue.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Montchanin, qui demande à être admis à la barre pour présenter un travail sur les subsistances.
(L'Assemblée décrète qu'il sera admis demain dimanche.)
L'Assemblée reprend la discussion du projet de décret des comités des pétitions et de surveillance réunis, sur l'affaire d'Avignon.
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 qui est ainsi conçu :
Art. 5. « Toutes les élections faites jusqu'au moment où le présent décret sera publié à Avignon et dans le Comtat, même celles relatives aux députés au Corps législatif, seront supprimées. If sera procédé, sur-le-champ et sans délai, à des élections définitives aux termes et dans la forme des décrets. On commencera par les juges de paix, les tribunaux de district, l'administration de district» les municipalités et on finira par des députés au Corps législatif. »
Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'article 5.
Monsieur le Président, je demande l'ajournement de cet article. 11 n'est pas possible qu'on procède aux élections portées par l'article. Les députés extraordinaires d'Avignon vous ont dit qu'aussitôt que les commissaires civils se sont rendus dans le Comtat, ils ont fait arrêter 114 ou 115 particuliers. Ces actes de rigueurs ont si fort intimidé tous les citoyens du pays, qu'il y en a plus dé 12,000 en tuite. Si vous faites procéder dans l'instant à l'organisation des corps administratifs, ces 12,000 bons patriotes ne pourront point concourir à l'élection de leurs magistrats. Je demande que cet article soit suspendu jusqu'à ce que vous ayez prononcé le rappel des troupes allemandes.
Je combats cette proposition par les motifs que le préopinant a donné lui-même. Il a dit qu au moment où on a formé les municipalités, beaucoup de citoyens et de bons citoyens étaient absents, raison conséquemment pour réélire les municipalités. Quant à ce qu'il craint que les municipalités ne soient entravées dans ce moment par les troupes de ligne, je le prie de vouloir bien considérer qu'il y a un article qui concerne lés troupes de ligne. Je le prie aussi d'observer que le renouvellement se fera d'après un article relatif à des commissaires qui seront envoyés ; ainsi l'état des choses sera entièrement changé quand cette organisation nouvelle se fera. Dès lors, nécessité d'un côté, d'une nouvelle organisation ; nulle crainte de l'autre pour l'organisation nouvelle. Raisons très fortes pour repousser l'ajournement.
Je demande la question préalable sur ces mots : on finira par les députés, etc. La Constitution restreint à 745 membres le nombre des représentants, il est donc impossible que vous augmentiez ce nombre.
, rapporteur. Il y a une loi de l'Assemblée constituante, du 23 septembre 1791, qui donne à la ville d'Avignon et au Comtat la faculté de nommer trois députés à la législature : je demande l'admission ae l'article.
J'appuie la question préalable sur la nomination au Corps législatif; car la loi citée ne peut pas être un moyen pour assurer à ces deux nouveaux districts une représentation dans le Corps législatif, puisque cette loi déroge absolument à la Constitution, et je soutiens que le Corps constituant n'a pas eu le droit, le 23 septembre, de déroger à la Constitution.
Je regardé les deux districts représentés parfaitement à l'Assemblée nationale par les députés des deux départements auxquels ils sont réunis. Je dis, en second lieu, qu'ils le sont particulièrement par chacun des députés au Corps législatif. Je demande donc, sous ce double rapport, la question préalable sur la dernière partie ae l'article du comité.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation !
C'est précisément en m'ap-puyant sur les principes de la Constitution que je crois que nous devons faire exécuter la loi d'exception faite pour cette législature en faveur du Comtat. Quels sont, en effet, lès principes constitutionnels sur la représentation nationale? C'est que la représentation nationale doit avoir lieu dans
la proportion du territoire, de la population et de la contribution.
Je demande à l'Assemblée s'il est quelqu'un qui pense qu'on ait apporté au Comtat une représentation d'après ces trois bases. S'il n'a pas concouru à la nomination des électeurs, à la nomination des représentants de la nation, il est évident que la Constitution n'a pas été exécutée à son égard. Ce fut précisément pour assurer cette exécution des principes constitutionnels que l'Assemblée constituante décréta, par une exception particulière, que ce pays pourrait nommer trois représentants pour cette législature. Et pourquoi pour cette législature seulement?, C'est qu'à l'avenir ils doivent concourir, d'après leurs territoires, d'après leur population, d'après leurs contributions, à la nomination des représentants des départements auxquels ils seront rattachés.
Plusieurs membres : La discussion fermée! (Non! non!)
Je n'ai demandé la parole que pour appuyer les principes qui viennent d'être énoncés par M. Vergniaud. Les principes de la Constitution, ceux ae la Déclaration des droits, sont que chaque citoyen doit concourir à la loi, ou personnellement, ou par ses représentants. Or, il est évident que si vous rejetez l'article 5, les habitants du Comtat n'y concourront pas. On fait cette objection que si nous accordons au Comtat et à Avignon trois représentants, il y aura 748 députés et qu'alors la Constitution sera "violée. Je vous demandé, Messieurs, si à l'époque des élections, le Comtat et Avignon faisaient partie des 83 départements? Non, sans doute, et pourtant ils sont Français, et pourtant, suivant les principes de la Déclaration des droits, ils doivent être représentés.
Ainsi, comme l'a fort bien observé M, Ver-' gniaud, pour cette première fois jusqu'au moment où ils seront fondus dans les départements voisins, il leur fàut des représentants particuliers. Par conséquent, pour nous conformer à l'article 12 du décret au 23 septembre dernier, je demande que l'article 5 soit mis aux voix.
Plusieurs membres : L'ajournement!
D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement !
Vous ne pouvez, Messieurs, décréter l'ajournement, à moins que vous ne vouliez ajourner la réunion du Comtat.
Je mets aux voix la question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)
Un membre: Maintenant,Monsieur le Président; je demande que vous mettiez aux voix le renvoi de l'article au comité de législation.
, rapporteur. Je demande à parler contre le renvoi de l'article au comité. L'Assemblée a décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur l'ajournement. Renvoyer l'article au comité, c'ést en réalité l'ajourner.
Plusieurs membres. La question préalable sur le.renvoi au comité !
Je mets aux voix la question préalable sur le renvoi de l'article au comité de législation, j
(L'épreuve a lieu.)
prononce qu'il y a lieu à délibérer sur le renvoi (Vives réclamations.)
Je renouvelle l'épreuve.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y .a pas lieu à délibérer sur le renvoi de l'article au comité de législation.)
Plusieurs voix : Fermez la discussion sur le tout!
La Constitution est violée par cette délibération. La ci-devant principauté de Dombes a été aussi réunie, et elle n'a pas de représentant. Les districts de Vaucluse et de l'Ouvèze n'en doivent pas avoir. Vous ne pouvez pas augmenter le nombre des représentants fixé par la Constitution.
, rapporteur. Il y a quelques membres qui croient la Constitution violée par cet article; mais je leur demande si, lorsque la Constitution a été faite, elle pouvait lier un peuple qui n'était pas français? Certainement ils ne pourront pas me soutenir que les Avignonais ne faisant pas alors partie de l'Empire français pouvaient être liés par les lois françaises.
En second lieu, ^observerai qu'il y a une population de 150,000 âmes qui n'auraient pas de représentants. J'observerai, en outre, que l'article 12 décrété par l'Assemblée constituante, le 23 septembre dernier, porte textuellement qu'il sera élu pour cette fois seulement, et sans qu'on puisse en induire aucune conséquence, 3 députés à la législature. Je demande que l'article soit mis aux voix.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande la priorité pour la rédaction que voici :
« L'organisation des pouvoirs publics, effectuée en vertu du décret du 23 septembre dernier, n'étant que provisoire aux termes de ce décret, il sera procédé à une organisation définitive. |
« On procédera au renouvellement des municipalités.,
« Puis seront nommés les juges de paix ; ensuite se fera la nomination des électeurs, et l'on procédera à la formation de l'administration et des tribunaux de district.
Les électeurs, conformément à l'article 12 de la loi du 23 septembre, se réuniront à Béda-rides pour faire leurs choix de 3 députés au Corps législatif et de deux suppléants dont l'élection serait regardée comme non-avenue si elle avait précédé la publication diî présent décret.
« Enfin, l'organisation de la garde nationale se fera conformément aux décrets qui la concernent »
(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Mulot.)
Plusieurs membres demandent le vote par division. -
(L'Assemblée adopte successivement les paragraphes 1, 2 et 3.)
Plusieurs membres demandent la question préalable sur le paragraphe 4, commençant par ces mots : « Les électeurs, conformément à l'article 12, etc... »
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le paragraphe 4, puis l'adopte sauf rédaction. Elle aaopte ensuite le paragraphe 5.)
Un membre demande, par amendement, que l'assemblée électorale se tienne à l'Isle, au lieu de Bédarides.
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
Un membre propose un article additionnel sur la représentation au département.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article additionnel.)
Je demande que le corps électoral soit tenu de suivre, dans les diverses élections, la hiérarchie constitutionnelle.
Plusieurs membres demandent la question préalable, motivée sur ce que les lois constitutionnelles du royaume ne laissent aucun doute sur cette disposition.
(L'Assemblée décrète la question préalable ainsi motivée.)
, rapporteur. Je demande que la suite de la discussion dés articles soit ajournée à ce soir.
(L'Assemblée ajourne la suite de la discussion des articles à lundi.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des administrateurs composant le directoire du département de Paris, et pareille lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui exposent que le tribunal criminel étant dans le cas de faire exécuter un jugement de mort, la loi n'a pas déterminé le mode d'exécution du supplice et de la décollation; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le deuxième tribunal criminel étant dans le cas de faire exécuter un jugement de mort, a demandé au directoire du département, de déterminer comment s'exécuterait l'article 3 du Code pénal, qui est conçu en ces termes : «. tout « condamné à la peine de mort aura la tête « tranchée. »
« Le directoire a considéré que la loi ne déterminant pas le mode d'exécution de cet article, il n'était pas possible d'en établir d'autre que celui qui a été employé parle passé; mais l'exécuteur delà justice lui a témoigné la crainte de ne pas remplir le vœu de la loi. Ce vœu est de ne faire souffrir au condamné que la mort simple. L'exécuteur, faute d'expérience, craint de faire de la décollation, un supplice affreux; et c'est ce que nous sommes dans le cas d'appréhender : nous déposons dans le sein de l'Assemblée les motifs qui nous paraissent rendre un décret nécessaire sur le mode de l'exécution de l'article 3 du Code pénal.
« Nous sommes avec respect, etc. »
Plusieurs voix : L'ordre du jour !
Je m'oppose à ce qu'on passe à l'ordre du jour sur cet objet. Sans doute, la loi qu'on vous propose est pénible à faire; mais enfin, nous devons le faire; et l'intérêt de l'humanité nous fait un devoir de donner à cet article du Code pénal un mode d'exécution qui soit uniforme pour tout le royaume, et qui réduise la peine de mort à la mort simple, telle que la prescrivent les nouvelles lois criminelles. est absolument indispensable de prononcer sur cet objet, j'en demande le renvoi au comité de législation.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je demande qu'une question aussi importante pour l'humanité, lors même que vous vengez la société, soit examinée
de nouveau, et que votre comité de législation soit chargé de vous faire, dans deux mois, un rapport sur cette matière-là.
(L'Assemblée renvoie la lettre du directoire du département de Paris au comité de législation.)
, ministre des contributions publiques. Messieurs, j'ai l'honneur de vous observer que j'ai donné des marchés conditionnels pour la fabrication du papier des assignats.
Je dirai à l'Assemblée qu'il est instant qu'elle prononce toutes les dispositions qui doivent déterminer le type des petits assignats. Il est également intéressant qu'elle veuille bien autoriser la nomination dé trois commissaires du roi qui doivent être envoyés dans diverses papeteries. Parmi différentes personnes qui se sont présentées j'ai dû distinguer les onres de M. Jonan-not, dont la fabriqué est éloignée. Cependant j'ai cru devoir faire avec lui un marche conditionnel qui sera entièrement subordonné aux déterminations que l'Assemblée pourra prendre.
Le comité des assignats, prévenu que le ministre des contributions publiques devait présenter à l'Assemblée nationale les différents marchés faits avec les papètiers qui doivent fabriquer les papiers des assignats, m'a chargé de convertir en motion la proposition que vous fait le ministre d'autoriser le pouvoir exécutif à nommer trois nouveaux commissaires qui deviennent nécessaires pour suivre la fabrication de trois nouvelles papeteries.
Le comité m'a aussi chargé de proposer à l'Assemblée de ratifier le marché conditionnel fait par le ministre avec le sieur Johannot; mais comme la manufacture de ce papetier est située à Annonay, près de Lyon, votre comité pense, vu l'éloigne-ment, que vous devez proroger le délai pendant lequel le commissaire, tiré de votre sein, surveillera la fabrication du papier des assignats. Le comité propose de fixer ce terme à un mois.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix !
Je m'oppose au mode de délibération présenté par votre comité. L'Assemblée ne doit point souffrir qu'un comité prévenu, dit-il, par un ministre qu'il viendra faire telle proposition, que ce comité, dis-je, se permette de lui présenter ses vues sur cet objet sans une mission spéciale de l'Assemblée. Je demande le renvoi au comité des asssignats pour en faire le rapport ou ce soir ou demain matin.
(L'Assemblée renvoie la demande du ministre des contributions publiques au comité des assignats et monnaies pour le rapport être fait sur cet objet demain matin.)
, ministre de la guerre. Je viens rendre compte à l'Assemblée des payements ordonnés sur les 20 millions accordés par la loi du 1er janvier 1792 pour les préparatifs de la guerre. Il a été payé pour les équipages d'armée, 550,000 livres; les boucheries de l'armée, 300,000 livres; les hôpitaux ambulants, 504,635 1. 7 s. 5 d.; chevaux de remonte et équipements militaires, 2,242,701 liv. 1 s. 8 d., faisant en tout la somme de 3,597,336 1. 9 s. 1 d.; qui, jointe à la somme de 5,616,527 1. 6 s. 6d., forme un total de 9,213,863 1. 15 s. 7 d.
(L'Assemblée renvoie cet état au comité de l'ordinaire des finances.)
, ministre de la guerrè. J'observerai à l'Assemblée que j'ai eu l'honneur d'é-
crire à M. le Président pour le prier de vouloir bien prendre les ordres ae l'Assemblée pour qu'il soit fourni des fonds pour rembourser les départements des armements et équipements faits par eux. Déjà, six cents et quelques mille livres me sont demandées en sus des 6 millions qiii avaient été mis entre les mains du ministre de la guerre et qui sont affectés à cet équipement.
Il y a un rapport prêt à faire sur cet objet. Je demande le renvoi au comité central.
(L'Assemblée renvoie la demande du ministre de la guerre à la commission centrale, pour être mis à Tordre du jour le plus prochain.)
, ministre de la guerre. J'appellerai toute l'attention de l'Assemblée sur la proposition que j'ai eu l'honneur de lui faire pour que le ministre de la guerre soit autorisé a faire passer dans d'autres régiments les recrues qui arriveraient à un régiment qui serait déjà complet.
Le comité militaire s'occupe de cet objet. Je demande le renvoi au comité central.
(L'Assemblée renvoie la demande du ministre de la guerre au comité central.)
, ministre des contributions publiques. J'apprends, Messieurs, qu'un membre de l'Assemblée, après avoir fixé votre attention sur le retard dés impositions dans la ville de Paris, dont les rôles n'étaient pas encore déposés, a demandé que le ministre des contributions publiques fût tenu de rendre compte des causes de ce retard dans la première ville du royaume (1). Les commissaires de la municipalité de Paris pour la section des impositions se sont occupés de très bonne heure, en exécution d'une loi du 15 décembre 1790, de toutes les opérations relatives à la contribution foncière pour 1791. A l'époque de la dernière session du département, ils se persuadaient avoir opéré conformément aux principes de la loi, lorsque l'on reconnut sur le montant des contributions une erreur principale qui affectait toutes les classes et viciaient la totalité de ces rôles; alors, comme la loi du 19 juin 1791 avait ordonné qu'il serait formé des rôles d'acompte, il fut convenu que ces mêmes rôles serviraient pour les rôles d'acomptes, et, en effet, ils ont été expédiés et mis en recouvrement dans le cours de janvier dernier. Le bordereau m'en a été adressé le 24 du même mois par le procureur général syndic du département; il s'élève à 6,663,659 1.10 s., somme bien supérieure à celle qu'aurait produite la moitié des rôles de vingtième ; les rôles d'acomptes sur la contribution mobilière ont aussi été vérifiés et rendus exécutoires par le comité contentieux du département, au fur et à mesure qu'ils lui ont été remis par la municipalité.
Je ne puis mieux vous faire connaître. Messieurs, quelles ont été les opérations des officiers municipaux relativement aux contributions de la ville de Paris, qu'en vous donnant le résultat d'un arrêté du comité contentieux du département, qui a chargé l'inspecteur des rôles de se rendre a la municipalité pour vérifier l'état actuel des rôles.
L'inspecteur a rempli sa mission le 8 février
« En conséquence, le comité contentieux du département a arrêté que, considérant combien la répartion des rôles des contributions importe au salut public, il arrête que copie du rapport fait par 1 inspecteur général des rôles du département, ensemble expédition du présent arrêté, seraient envoyés au directoire, afin de le mettre dans le cas de donner à cette partie essentielle toute l'activité qu'elle exige, et que le vœu des contribuables sollicite. »
C'était au moment que le comité contentieux du département pressait de tout son pouvoir l'achèvement des rôles définitifs, au moment même que leprocès-verbal dont vous venez d'entendre la lecture, constatait l'imperfection des opérations des commissaires municipaux, et une résistance aux invitations du directoire, que le hasard me rendit personnellement témoin des plaintes portées par ces mêmes officiers municipaux à votre comité de l'ordinaire des finances, auquel on avait fait suggérer de demander à ces officiers municipaux eux-mêmes des éclaircissements sur la situation actuelle de la contribution de Paris. Frappé de la contribution de ces détails, avec ceux qui m'étaient donnés par ma correspondance, je pressai le directoire du département de me faire connaître promptement quelle était la situation des choses relativement a la confection des diverses matrices de rôles de la capitale. C'est alors, Messieurs, que le procureur général syndic m'envoya les deux arrêtés du comité contentieux dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte, qu'il m'écrivit en même temps une lettré, dans laquelle il se plaint vivement de la défectuosité des travaux de la municipalité et de la négligence de plusieurs commissaires aux contributions. Il me fit aussi part d'une lettre qu'il adressait à la municipalité, et dans laquelle il lui faisait de vifs reproches (1).
Je vais maintenant, Messieurs, vous rendre compte de ce que j'ai fait
pour assurer la marche des opérations relatives aux contributions de
Paris; vous savez, Messieurs, que suivant l'arrêté du 31 janvier
dernier, vous avéz statué qu'il serait formé 16 comités d'arrondissement
dans Paris, pour admettre, selon la loi, lés contribuables à concourir
eux-mêmes aux opérations de la contribution. Une lettre de MM. Tyron
Instruit de cette lettre, et prévoyant ses effets sur quelques esprits, je proposait à M. Dumous-seaux, substitut du procureur de la commune, d'aller ensemble dans les comités, y montrer que nous étions animés du même zèle pour la chose publique, et notamment pour la marche des contributions. Nous avons fait hier la visite des 16 comités. Là nous avons annoncé que les conflits ne devaient pas nuire aux opérations; nous avons exposé, expliqué, développé ces opérations ; nous nous sommes assurés que rien n'en arrêtait la marche et qu'elles seraient achevées pour le jour indiqué, enfin que le zèle, et la régularité des 16 comités dans leurs travaux, renverseraient certainement les espérances des malveillants; mais il n'en est pas moins vrai que l'opposition manifestée par MM. Tyron et Dacier, aux arrêtés du directoire, avait embarrassé quelques membres des comités.
La source de cette discussion vient, comme vous le voyez, Messieurs, de ce que la commission municipale de la contribution semblerait vouloir diriger seule toutes les contributions de la capitale, de ce qu'elle prétend faire les matrices de rôles elle-même, et ne laisser au département que le soin de signer l'ordonnance des rôles, qui est nécessaire. J'attendrai, Messieurs, pendant quelques jours, quel sera le résultat ae la délibération de la municipalité sur la lettre que M. le procureur général syndic lui a écrite ; et si la subordination ne s'établit pas, si l'on prétend encore entraver les délibérations des corps administratifs, parce qu'elles contrarient l'intention ou blessent l'orgueil de quelques personnes, je prendrai les ordres de Sa Majesté, et je poursuivrai l'exécution de la loi. (Applaudissements.)
Je demande le renvoi de toutes lès pièces dont M. le ministre vient de parler, au comité de l'ordinaire des finances, afin que ie comité nous fasse un rapport qui nous fasse connaître par là faute de qui les impositions sont arriérées dans la ville de Paris.
(L'Assemblée renvoie les différentes pièces au comité de l'ordinaire des finances.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
pétition (1) des citoyens actifs de la ville d'An-nonay, district de Mézène, département de VAr-dèche, du 2 février, Van IV de ta liberté, à VAssemblée nationale (2). ;
Au sein de l'abondance, le peuple est menacé de la plus affreuse misère.
Les ennemis de la Constitution et de la liberté ont juré sa perte, ils ont dit aux cultivateurs et
aux commerçants : Que faites-vous? vous faites l'échange de vos denrées et de vos marchandises contre du papier dont la valeur peut être suspecte. L'Assemblée nationale n'a rien fait encore pour les finances, et les contributions publiques sont toujours arriérées et incertaines, parce que le pouvoir législatif ne cesse de contrarier le pouvoir exécutif. L'idée de l'infâme banqueroute s'est présentée de nouveau à presque tous les esprits, et dans un clin d'cèil ces perfides et coupablès insinuations, non seulement ont provoqué dans toute l'étendue de l'Empire le renchérissement excessif des denrées et des marchandises par les accaparements que des citoyens de toutes les classes ont faits dans tous les genres pour réaliser des assignats, mais encore elles ont semé la défiance et l'inquiétude jusque dans nos montagnes, et déjà les habitants des campagnes ne veulent plus approvisionner nos marchés que contre des espèces d'or et d'argent;
L'émission des gros assignats dans les départements fut la source de l'agiotage, et il était bien naturel d'accorder un bénéfice d'échange à celui qui rendait à la circulation la monnaie d'or et d'argent avec lesquelles seules on pouvait diviser les assignats.
Mais le numéraire toujours enlevé, toujours exporté par nos ennemis, devint si rare que son prix fut porté à l'excès.
On sentit la nécessité d'émettre des petits assignats, mais leur émission tardive et le besoin en fit pareillement un objet de spéculation et d'agiotage.
Enfin, le souffle impur de la cupidité d'uné part, et d'autre part les projets affreux des ennemis de la patrié tendant sans cesse à lasser le peuple de la liberté et au renversement de notre sainte Constitution, ont provoqué partout le système détestable de vendre les denrées et les autres marchandises à deux prix différents : l'un contre espèces monnayées, l'autre contre assignats. La mesure de blé qui valait 3 1. 10 s. se vend aujourd'hui à 4 livres, contre éspèces et 5 livres contre assignats.
La monnaie de cuivre est devenue si rare et si précieuse que le pauvre ne trouve plus à changer un assignat ae 5 livres qu'en supportant une perte de 18 à 20 sous.
Tant de calamités n'ont pas encore éteint , notre courage! Non, législateurs, non! nous ne laisserons pas périr la patrie et la liberté. Notre patience saura vaincre les obstacles; nous savons que vous avez enfin fixé un terme aux liquidations pour nous faire connaître la vraie situation de nos finances.; nous savons qu'il n'y n'y a plus que 74 districts qui ne vous ont pas fait parvenir encore l'état estimatif des biens nationaux situés dans leur ressort, et que les biens estimés et vendus ou non encore vendus . dans les autres surpassent la valeur de 2 milliards et 300 millions, nous savons qu'après avoir limité la masse des assignats en circulation à 1,400 millions, rien nest plus certain que le gage des porteurs d'assignats et que la volonté seule d'une nation puissante eût pu suffire même sans cela, pour imprimer aux signes d'échange la valeur qu'il lui plaît (t). Nous savons enfin que votre décret de fabrication des petits assignats au-dessous de 5 livres a été
sanctionné et nous en attendons avec impatience la distribution dans les départements. Mais incorruptibles représentants, tout cela ne suffit pas encore pour dissiper nos alarmes. Nous vous demandons avec instance :
1° Une loi qui oblige toutes les administrations à faire rentrer régulièrement les contributions dans les caisses publiques ;
2° Une prompte distribution des petits assignats au-aessous de 5 livres, et une quantité proportionnée de monnaie de cuivre ;
3° L'exécution littérale de l'article 3 du décret du 16 avril 1790, qui ordonne que les assignats auront cours de monnaie dans toute l'étendue du royaume, entre toutes personnes, et seront reçus comme espèces sonnantes dans les différentes caisses publiques et particulières ;
4° Que les articles 3 et 4 du décret du 12 septembre de la même année concernant les receveurs et collecteurs des deniers publics, seront exécutés indistinctement entre tous les particuliers dans toute l'étendue du royaume ;
5° Enfin une loi répressive de l'abus qui s'est introduit de vendre les denrées et les marchandises à deux prix différents : l'un contre espèces sonnantes, l'autre contre assignats, comme contraire à la loi, et à la juste confiance qui est due aux assignats.
Nous pensons qu'après avoir pris des mesures pour faire cesser l'agiotage, nos dignes représentants ne voudront pas tolérer des abus aussi coupables et qui en détruiraient bientôt l'effet.
Nous croyons que la moindre peine que devrait encourir celui qui s'en rendrait coupable serait la perte des droits d'activité; mais nous vous supplions, dans votre sagesse, de prendre en considération nos demandes et d'y statuer.
(Suivent les signatures au nombre de 150 et au delà.)
« Extrait des registres » de la Société des amis de la Constitution, séant à Annonay.
La Société assemblée le 2 février de l'an IV de la liberté dans le lieu ordinaire de ses séances, a arrêté : 1° que l'original de la présente pétition serait adressé aux représentants de ce département à l'Assemblée nationale, avec invitation de l'appuyer, et faire valoir de tout leur pouvoir: 2° qu'il leur en serait adressé séparément 300 copies, pour être distribuées à l'Assemblée nationale; 3° qu'il en serait adressé pareillement une à la Société de nos frères, séant aux Jacobins à Paris-, et à chacune des sociétés affiliées, avec invitation d'y adhérer, et enfin aux auteurs des journaux patriotes, en les invitant de l'insérer dans leurs feuilles.
Délibéré à Annonay le 2 février, l'an IV de la liberté.
Pour copie conforme à l'original,
MUROL, président; SâLLARD, Offand, secrétaires.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
pétition du directoire du département d'ille- ET-ViLAlNE à l'Assemblée législative (1) au sujet des cours de chirurgie existant à Rennes (2).
(Le directoire expose que les États de la ci-devant Bretagne faisaient à chaque tenue un fonds de 4,000 livres pour les honoraires de quatre chirurgiens démonstrateurs fixés à Rennes, qui donnaient régulièrement chaque année des leçons publiques sur les parties les plus intéressantes de leur art aux élèves qui venaient de toutes les parties de la province pour suivre leurs cours.
Il continue ainsi :)
L'assemblée du conseil du département ordonna, en 1790, que les quatre démonstrateurs seraient payés pour cette année comme par le passé sur les fonds de l'ancienne province. Au mois de septembre dernier, les mêmes démonstrateurs s'adressèrent au directoire pour réclamer leur traitement accoutumé pour 1791 ; le directoire, n'ayant pas de-fonds dont il pût disposer pour cette dépense, envoya la requête des chirurgiens à M. Delessart, lors ministre de l'intérieur, en le priant de prendre leur demande en considération, et de faire payer à chacun des professeurs la somme de 500 livres. M. Delessart répondit au directoire que l'article 12 du décret au 15 octobre 1790, portant expressément que « les appointements à divers professeurs, etc., seront provisoirement répartis sur les recettes de district de leur arrondissement et payés en la forme prescrite par le décret du 15 août 1790 », il ne pouvait, malgré toute sa bonne volonté, ordonner un payement auquel la décision de l'Assemblée nationale est formellement contraire.
(La réponse du ministre décida l'assemblée du conseil à prendre l'arrêté suivant :)
Qu'il sera fait par le directoire une adresse à l'Assemblée nationale pour lui exposer l'utilité de cet établissement que les talents et le zèle des professeurs rendent on ne peut plus intéressant, et pour la prier d'accorder les fonds nécessaires au soutien de cette école jusqu'à l'exécution du nouveau plan d'éducation nationale.
La pétition conclut en ces termes :
Cet établissement, fait pour l'utilité commune, a été entretenu jusqu'en 1790 des fonds communs de la province; les professeurs n'ont cessé et continuent encore d'admettre à leurs leçons tous les élèves qui se présentent, sans distinction de district ou de département. Il y aurait donc de l'injustice à assujettir le district de Rennes à en faire seul lès frais. D'ailleurs les sols additionnels destinés à ses dépenses ordinaires sont absorbés et au delà par la multitude des frais dont il est surchargé. L'impossibilité d'ajouter à ses dépenses ordinaires les appointements des professeurs en chirurgie le mettrait dans la nécessité d'abandonner un établissement dont l'humanité réclame la conservation et qu'il serait à désirer que l'on pût multiplier.
L'intention de l'Assemblée constituante a été, sans doute, de comprendre ces établissements dans son plan général d'éducation publique; aussi n'a-t-elle admis que provisoirement, et en attendant l'organisation de cet établissement général, que les appointements dus à divers professeurs seraient répartis sur les recettes de district; mais est-il à présumer que son intention ait été de grever un seul district du payement entier d'une dépense qui était à la charge de toute une province divisée maintenant en 45 districts? Nous ne le croyons pas.
Les administrateurs composant le directoire et procureur général syndic du département d'ille-et-Vilaine,
(Suivent les signatures.)
Rennes, le 28 février 1792, l'an IV de la liberté.
a la séance de l'as&emblée nationale législative du
Lettre de M. Rœderer (1 ),procureur général syndic du département de Paris, à la municipalité de cette ville, au sujet des retards apportés dans la confection des rôles d'imposition à Paris (2).
Paris, le er
mars 1792.
Je dénonce, Messieurs, à votre patriotisme et à votre respect pour la loi; je dénonce particulièrement a MM. Dacier et Tyron, commissaires aux contributions, une démarche qu'ils ont faite, sans doute sans réflexion, et qui compromet essentiellement votre autorité et l'intérêt public^
Vous venez d'établir 16 comités d'arrondissement; pour mettre les citoyens à même de. concourir à la répartition des contributions foncière et mobilière; opération qui jusqu'ici, malgré le vœu de la loi, avait été concentrée dans un bureau municipal.
Le directoire a nommé 1 inspecteur et 4 visiteurs des rôles, pour faciliter les différentes parties de cette opération.
Plusieurs lois obligeaient le directoire à cette nomination.
L'article 21 de la loi de la contribution foncière charge les administrateurs de département de surveiller et presser avec la plus grande activité les opérations de la nature de celles qui sont confiées aux comités d'arrondissement pour la contribution foncière. Voilà une première loi d'où il faut partir; elle a rendu nécessaire aux directoires des agents de surveillance : voyons ceux que des lois subséquentes ont donnés.
La loi du 9 octobre 1791 institue des inspecteurs et visiteurs de rôles pour diverses opérations relatives aux patentes et aux contributions foncière et mobilière, conformément à l'article 8 des décrets des 11 et 13 juin précédent.
Une instruction du ministre, approuvée par le roi le 12 novembre, règle plus particulièrement les fonctions des inspecteurs et visiteurs.
Une lettre du même ministre, en date du 20 février 1792, presse les départements qui ne se seraient pas conformés à la loi qui ordonne la nomination d'inspecteurs et visiteurs, ,de faire sans délai ces nominations.
Le directoire les a faites, enfin, dans la semaine dernière; et le succès des opérations prescrites aux 16 comités les rend nécessaires,
Cependant, MM. Tyron et Dacier viennent d'écrire aux 16 comités une circulaire où ils les prient de ne permettre aux visiteurs, s'ils se présentent, aucune communication des travaux ; cette invitation est motivée sur l'ajournement prononcé, disent-ils, par le corps municipal, sur les derniers articles dè l'arrête du 3t janvier dernier.
Je ne conçois pas. Messieurs, cet arrêté de la municipalité; mais je suppose qu'il a ajourné les derniers articles de l'arrêté du directoire. Que cet arrêté soit contraire à la loi et que la loi permette aux corps municipaux les ajournements de cette nature, de tout cela il n'en résulterait pas que MM. Tyron et Dacier eussent pu faire ce qu'ils ont fait.
Et en effet, Messieurs, la municipalité aurait bien pu ajourner des arrêtés dont l'exécution ne lui paraissait pas devoir être prochaine, et ne pas Croire qu'elle pût arrêter l'exécution actuelle d'une délibération du directoire; il y a entre ces deux choses une différence très sensible. Comment donc deux officiers municipaux seuls auraient-ils la faculté de prononcer cette suspension provisoire?
Au fond, Messieurs, et mettant l'irrégularité des formes de côté, je vous prie de calculer, dans votre sagesse et votre civisme, les effets d'une opposition si marquée contre le directoire, dans un moment, pour un objet où il est si important que les autorités se réunissent et fraternisent ensemble.
Les débats de compétence, quelque importants qu'ils soient-,-ne doivent-ils pas passer bien après la chose publique? Est-ce devant les ennemis de la patrie, qui jouissent de ce discrédit où. nous jettent les dissensions des patriotes et des autorités, qu'il faut en annoncer ?
Certes, Messieurs, j'ai à m'applaudir, et j'ai M. Desmousseaux pour témoin, d'avoir éloigné de mes discours dans les comités d'arrondissement, tout ce qui aurait pu annoncer de la discorde entre M. Tyron et le directoire. J'ai dit partout : c'est un malentendu qui s'éclair cira.
Ce que j'ai dit, Messieurs, c'est à vous, c'est à MM. Tyron et Dacier à le confirmer. Il est nécessaire que leur lettre soit supprimée : l'intérêt public l'exige, et il faut que les lois s'exécutent. Le département ni le ministre n'ont jamais consenti à ce qu'il n'y eût point de visiteurs de rôles ; ils n'ont pas pu consentir. La loi étant générale, il fallait qu'elle fût accomplie ici comme ailleurs; ma place m'aurait fait un devoir de réclamer contre son infraction, si jamais elle eût été délibérée en ma présence.
Je vous demande, Messieurs, au nom de cette loi qui me presse, le redressement sans délai de la difficulté que MM. Tyron et Dacier ont opposée aux opérations du directoire; j'attends d'eux qu'ils s'uniront à moi pour vous en prier.
Signé : Rœderer, Procureur général syndic du département de Paris.
A la séance de l'assemblée nationale législative du
lettre de M. Rœderer (1), procureur général syndic du département de Paris, à M. Tarbé, ministre des contributions publiques, au sujet des retards apportés dans la confection des rôles dimposition a Paris.
Paris, le
Je vais, Monsieur, vous rendre compte de ce que j'ai fait ces jours derniers pour assurer la marche des opérations relatives aux contributions de Paris.
Vous savez, Monsieur, que, suivant l'arrêté du 31 janvier, nous avons statué qu'il serait formé 16 comités d'arrondissement dans Paris, pour admettre, selon les lois, les contribuables à concourir aux opérations de la répartition. ,
Une lettre de MM. Tyron et Dacier, commissaires municipaux aux contributions, avait jeté dans ces 16 comités des semences de division dont j'ai cru important de prévenir les effets. Ils suspendent, par cette lettre, l'activité des visiteurs des rôles que le directoire avait nommés pour établir une communication prompte et facile entre les 16 comités et lui, par l'intermède de la municipalité, et en même temps pour l'exercice de la surveillance active qu'impose aux directoires de département l'article 21 au titre II de la loi relative à la contribution foncière.
Instruit de l'existence de cette étrange lettre, et prévoyant les effets qu'elle pourrait produire sur les esprits, je proposai à M. Desmousseaux, substitut du procureur de la commune, attaché à la partie des contributions, d'aller ensemble dans les 16 comités; d'y montrer, par notre réunion et notre accord, que, quel que fût le dissentiment de plusieurs officiers municipaux, ou même du corps municipal, sur quelques points du compétence, nous étions animés du même esprit pour la chose publique et notamment pour la marche des contributions.
Nous avons fait, M. le substitut du procureur de la commune et moi, avant-hier et hier, la visite de 11 comités. Là nous avons annoncé que les conflits ne devaient pas nuire aux opérations prescrites; nous avons exposé, expliqué, développé le but de ces opérations ; et nous nous sommes assurés que rien n'en arrêterait la marche et qu'elles seraient consommées pour le jour indiqué; et enfin que le zèle, l'uniformité et la régularité des 16 comités dans leurs travaux, renverseraient certainement les. espérances des malveillants, dont les yeux sont attachés aux opérations de l'impôt.
Mais il n'en est pas moins vrai que l'opposition annoncée par MM. Tyron et Dacier aux arrêtés du directoire, et leur invitation à en empêcher l'exécution, avait embarrassé quelques membres des comités d'arrondissement. Il est difficile de marcher avec sécurité et fermeté
sous deux autorités que l'on croit en discorde et contraires l'une à l'autre; en conséquence je ne crois pas pouvoir laisser ignorer au directoire la conduite de MM. Tyron et Dacier, non plus que l'arrêté d'ajournement dont ils parlent ; arrêté qui n'a pu, quel qu'il soit, les autoriser. Cependant, tout en me permettant de remplir ce devoir, j'ai cru devoir employer les moyens de conciliation qui pourraient rendre toute délibération inutile. J'ai dénoncé hier soir à la municipalité, à MM. Tyron et Dacier eux-mêmes, leur démarche sans doute irréfléchie. J'en ai demandé le prompt redressement. J'attends la réponse à ma lettre, et j'en joins ici copie, ainsi que de celle des deux officiers municipaux dont il s'agit. Voilà, Monsieur, le compte exact de tout ce qui s'est passé depuis trois jours. Je vous déclare, "Monsieur, en finissant que les opérations du directoire, relativement aux contributions, me paraissent sages, régulières, nécessaires; et, au contraire, que toutes celles de la commission municipale, jus-ques à présent, ont été vicieuses, irrégulières, et très propres à rendre la contribution tout à la fois vexatoire et improductive.
J'embrasse d'autant plus fortement les arrêtés du directoire relativement aux contributions, que plusieurs persônnes ont la lâcheté de se prévaloir de sa défaveur pour accuser, sans distinction et sans ménagement, tout ce qu'il fait et tout ce qu'il dit.
Si je me trompais, Monsieur; si la connaissance que je dois avoir de l'esprit et de la lettre des lois de la contribution dont j'ai été le coopé-rateur, n'était que superficielle; que la commission municipale eût bien conçu et exécuté les lois ; que mon zèle ne pût être, à raison de mon ignorance, qu'importun et tracassier, je m'empresserais, Monsieur, à laisser ma place à quelqu'un de plus capable de la remplir, et je commencerais un apprentissage sérieux des fonctions administratives, en contemplant les travaux des commissaires de la municipalité.
Signé : Rœderer, Procureur général syndic du département de Paris.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GUYTON-MORVEAU, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre du sieur Frotot, qui fait hommage à l'Assemblée d'une brochure intitulée : « Vues nouvelles sur Vadministration des grains en France. »
(L'assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage au procès-verbal et renvoie l'ouvrage au comité de commerce.)
2° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, datée du 3 mars 1792, sur l'état de situation de la caisse de l'extraordinaire au 1er mars, dont l'extrait suit ;
« Le total de ce qu'il y avait en circulation
le 29 février au soir, soit eu assignats, soit en billets de caisse non encore échangés, s'élevait à 1,529,970,152 livres; il ne restait, par conséquent, pour arriver aux 1,600 millions qui peuvent exister en circulation, que 70,029,848 livres. Les cinq brûlements qui auront lieu dans le mois, pourront s'élever à 30 millions : on pouvait donc considérer, le 1er mars, qu'il y aurait 100,029,848 livres de disponibles, pour faire fàce aux dépenses de la caisse ; mais la dépense de février s'est élevée à 98,745,075 livres. Le mois de mars présente trois jours de payement de plus. Les versements à faire à la trésorerie s'élèveront à près de 49 millions : il est donc possible de prévoir que si les 100 millions suffisent au service delà caisse de l'extraordinaire pendant le mois de mars, les 1,600 milions seront, à peu de choses" près, en circulation au 1er avril. *
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, réunis.)
3° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, datée de ce jour, contenant la note des décrets sanctionnés ou dont l'exécution a été ordonnée parle roi (1).
4° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui, en exécution d'un décret du 22 décembre . ernier (2), rend compte à l'Assemblée. des faits relatifs à l'évasion du sieur Joseph Thomas, habitant de la paroisse de Brahic, près la ville des Fans, département de l'Ardèche, condamné à mort pour .homicide, par jugement du tribunal de Largentière, du 25 octobre précèdent, et appelant de ce jugement au tribunal de Villefort; Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Un décret de l'Assemblée nationale, du 22 décembre dernier, a ordonné le renvoi au pouvoir exécutif d'une dénonciation, dans laquelle le tribunal et la municipalité de Villefort sont accusés d'avoir favorisé l'évasion d'un criminel, et il m'a chargé d'en rendre compte. Aussitôt que le décrét me fut remis, j'écrivis au commissaire du roi près le tribunal de Villefort, pour lui demander des éclaircissements ; il vient enfin de me les adresser, et voici ce qui en résulte :
« Le fils aîné du sieur Joseph Thomas, habitant de la paroisse de Brahic, près la ville des Vans, avaient été condamné, le 25 octobre dernier, par j ugement du tribunal, séant à Largentière a être pendu, pour homicide par lui commis en la personne du nommé Alezein, delà ville de Vans. 11 interjeta appel de ce jugement devant le tribunal de Villefort, et il fut amené dans cette ville, le 11 novembre, jour de foire, et conduit par 2 gendarmes nationaux, soutenus par 15 hommes du 30° régiment ; les prisons n'étant ni saines ni sûres, de tribunal rendit, sur les conclusions de l'accusateur public et la réquisition des commissaires du roi, une ordonnance portant, qu'attendu la circonstance, la brigade de gendarmerie de Villefort serait chargée de la garde du prisonnier, jusqu'à ce qu'il y ait des prisons convenables. La munici-
palité, le district et le tribunal choisirent, pour prison provisoire, une chambre de la maison d'un habitant, comme la plus sûre et la plus saine, et il fut décidé que l'accusé serait gardé à vue, jour et nuit, par 2 gardes nationales.
« Cette mesure eut lieu jusqu'au 29 novembre que le bruit se répandit dans là ville que l'accusé avait trouvé le moyen de s'évader. L'accusateur a rendu compte contre lui ainsi que contre ses complices. L'information qui l'a suivi prouve qne pendant sa détention le nommé Thomas, accusé, avait proposé à ses gardes de le laisser évader moyennant une bonne récompense, et que tous, à l'exception d'un seul, avaient rejeté cette proposition. Il prouve que le jour de l'évasion le garde corrompu s'était trouvé seul avec le concierge auprès du prévenu ; lé concierge les laissa tous deux seuls dans la chambre dont il emporta la clef pour aller trouver le sergent de garde et le prier d'ordonner aux deux gardes nationaux, qui étaient de service ce jour4à, de se rendre à leur poste. Pendant l'absence du concierge, le nommé Thomas qui était parvenu sans doute, à l'aide du garde corrompu resté avec lui, à descendre par la fenêtre, dans une chambre inférieure , fut reçu par 4 inconnus qui y pénétrèrent subitement avec lesquels il. disparut dans un instant. Il a été lancé des décrets de prise de corps, tant contre Thomas que contre le garde corrompu et les 4 inconnus qui ont favorisé son évasion, qui probablement n'aurait pas eu lieu si on n'avait pas retenu le concierge à boire précisément dans le moment où le sieur Thomas s'occupait de son évasion. Au surplus, c'est sans aucun fondement que l'on impute à la municipalité, au district et au tribunal, d'avoir favorisé revasion du sieur Thomas. Elle leur a, au contraire, Causé une trè& grande peine. Tels sont. Monsieur |le Président, les éclaircissements que l'Assemblée a demandés,
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Duport. »
Un membre: Le cours de la justice ne peut-être arrêté. Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
5e Lettre de M. Duport, ministre de là justice, qui envoie la liste des tribunaux criminels en activité; cette lettre est ainsi conçue :
» Monsieur le Président.
« J'ai l'honneur d'envoyer à l'Assemblée nationale la liste des différents tribunaux criminels, dont l'installation à suivi mon rapport du 18 février.
« J'aurai soin de lui faire parvenir successivement la note de ceux dont on m'annoncera l'installation.
Liste des tribunaux installés.
L'Aisne, le Cantal, la Corrèze, le Morbihan, les Landes, la Charente, le Gers, la Dordogne, la Gironde, l'Aude, les Bouches - du-Rhône, les Hautes-Alpes, la Corse, le Tarn, la Marne, le Loir-et-Cher, le Loiret, la Nièvre.
Je suis avec respect, etc.
« Signé : DUPORT. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la justice au comité des décrets.)
5° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, datée de ce jour et relative au compte à rendre de Vexécution du décret du 24 décembre dernier (1) concernant Vadjudication des bâtiments de la ci-devant Ecole militaire.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
Il m'a été remis, le 1er de ce mois, expédition d'un décret rendu par l'Assemblée nationale, le 29 du mois dernier, qui ordonne que je rendrai compte, dans 4 jours, de l'exécution du décret du 29 décembre précédent, qui suspend l'adjudication des bâtiments de la ci-devant Ecole militaire. J'ai l'honneur de vous observer, Monsieur le Président, que les biens nationaux sont, quant à leur aliénation, dans l'administration du commissaire de la caisse de l'extraordinaire, et quant à la régie de leurs produits et revenus, dans l'administration du ministre des contributions publiques. Ainsi, sous aucun de ces deux rapports, je n'ai pu être chargé que de l'exécution au décret du 29 décembre. J'ai rempli ce qui me concernait en adressant au département de Paris, le 21 janvier dernier, le décret particulier que j'avais reçu le même jour.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : CAHIER. »
Il faut que la nation retire quelques produits de cette maison dont le pouvoir exécutif tire parti. Je demande que le ministre des contributions, puisque c'est lui, que cela regarde, rende compte si la ci-devant École militaire est louée, et si la nation en tire un produit quelconque.
(L'Assemblée décrète que le ministre des contributions publiques lui rendra compte de cet objet.) (2).
7° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, datée du jour d'hier. Il fait part de Vinvitation qui lui a été adressée par le directoire du district de Saint-Quentin, et par celui du département de VAisne, pôur obtenir un décret qui, attendu la probité reconnue du sieur Lecaisne, secrétaire du district de Saint-Quentin, le décharge du payement d'une somme de 2,350 livres, volée avec effraction, et faisant partie de celle de 17,400 livres que le district avait déposée entre ses mains jusqu'à ce qu'on l'employât. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président.
« Le sieur Lecaisne, secrétaire du district de Saint-Quentin, a eu le
malheur d'être volé avec effraction, par des brigands qui lui ont enlevé
un sommé de 7,600 livres, dans laquelle était comprise Celle de 2,350
livres restante de celle de 17,400 livres, dont le district avait fait
le dépôt entre ses mains, pour y demeurer jusqu'à remploi auquel il
était destiné. Le directoirè du district de Saint-Quentin et celui du
département de l'Aisne, touchés du malheur du sieur
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : CAHIER »
Je ne conçois pas comment un district confie des fonds à un secrétaire, tandis qu'elle a un trésorier receveur du district, responsable.
Plusieurs voix : L'ordre du jour !
8e Pétition de la municipalité de La Loupe,
district de Châteauneuf-en-Ttiymerays, département d'Eure-et-Loir, dont
l'objet est la nomination d'un autre curé dans cette paroisse.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
3° Lettre de M. Duport, ministre de la justice., rèlative à l'exécution de la peine de mort.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
Un membre : J'appelle l'attention de l'Assemblée sur l'inexécution de la loi sur l'ordre judiciaire, qui oblige les juges à résider dans les lieux du siège des tribunaux. Il ne manque pas de prétexte à la faveur desquels la loi est éludée. Je demande une disposition pénale contre les juges qui manqueraient à ce devoir et que le comité de législation soit chargé de faire un rapport à ce sujet.
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour, attendu qu'il existe déjà une loi à ce sujet.
D'autres membres : Le renvoi au comité de législation !
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette motion au comité de législation.)
Voici une adresse du sieur François Fruchard, caporal au 3e régiment d'artillerie, ci-devant Besançon :
« Législateurs,
« François Fruchard j caporal au troisième régiment d'artillerie, ci-devant Besançon, sollicite pour un instant votre attention. |
« Je suis âgé de 68 ans; j'ai plus de 64 ans de services militaires, parce que j'ai 14 campagnes à ajouter à mes 50 ans d'engagement: mes chefs m'en ont remis l'état que j'annexe.
« Législateurs, je 'suis le doyen d'âge et de service des canonniers de France ; je ne viens vous demander-ni gratification ni pension. Je ne brigue aucune décoration : je porte sur mon cœur 4 épées, et à côté d'elles la médaille de la Fédération, que soutient un ruban tricolore (Applaudissements) ; ces marques d'honneur me suffisent.
« Si la fortune m'avait accordé quelques faveurs, je me serais empressé de les déposer aux pieds des représentants du peuple français, pour en grossir le trésor national ; mais, ne possédant rien, je ne peux faire d'autre offrande à ma patrie que celle de ma vie, consacrée déjà depuis longtemps à sa défense. Je viens doncj législateurs, vous jurer que je ne quitterai jamais mon canon tant que la patrie sera en
danger, et que plutôt je périrai sur sa culasse. (Applaudissements.) Les premières foudres lancées par ma main ont contribué à faire arborer les lis sur les murs de la ville de Fribourg, en 1744 ; fasse le ciel que les dernières puissent aider les Français à planter le drapeau de la liberté sur les remparts de la ville ae Luxembourg! (.Applaudissements.) Oui, je le iure devant vous, Messieurs, ce n'est que quana ma patrie n'aura plus besoin de mes services, que je lui dirai : Nunc dimitte servum tuum. (Rires et ap-plaudissemen ts.)
« Signé : FRUCHARD. »
La signature est attestée véritable par les membres du directoire du district de Lille.
Je demande mention honorable, insertion au procès-verbal et l'envoi d'un extrait à ce brave homme, pour servir d'exemple à tous les militaires de l'armée. (Applaudissements).
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable et ordonne qu'un extrait du procès-verbal sera envoyé au sieur-Fruchard.)
, au nom du comité diplomatique, fait un rapport et présente un projet de décret sur la demande du sieur François Cazeau,en indemnité des pertes que lui a fait éprouver, dans ses établissements en Canada, la part qu'il a prise à la révolution d'Amérique (1), il s'exprime ainsi :
Messieurs, le sieur François Cazeau habitait le Canada lorsque cette colonie passa sous la domination anglaise. Il avait combattu pour la défendre, et voyant ses efforts impuissants, il voulut l'abandonner lorsqu'il se vit obligé d'obéir à des lois qui n'étaient plus celles de sa patrie; mais des circonstances impérieuses l'y retinrent. Caressé par les promesses du gouvernement, il resta dans ses établissements qu'il chercha à faire prospérer et acquit une influence que nous avons peine à concevoir dans nos contrées d'Europe, où les hommes et les événements se pressent à la fois. Riche en propriétés territoriales, il possédait encore un commerce immense, divisé en plusieurs comptoirs établis dans diverses villes. Sa maison était le rendez-vous des chefs dés sauvages qui commerçaient avèc le Canada. Son ascendant était à un point extrême, lors-qu'arriva dans le monde politique un grand changement, je veux dire, l'insurrection des Américains. Votre comité diplomatique a eu besoin de sentir tout le prix de vos instants, pour ne pas vous retracer le tableau de cette mémorable révolution, à laquelle M. Cazeau a pris part. Gomme vos âmes auraient joui en lisant ces touchantes adresses dans lesquelles le congrès et Washington s'entretenaient avec un peuple de frères, en le conduisant de victoire en-victoire!
Le comité diplomatique se bornera au récit des faits sur lesquels M.
Cazeau a fondé ses réclamations. Ses relations commerciales l'avaient
rapproché des habitants des colonies anglaises ; il les servit de tous
ses moyens dès qu'ils voulurent briser les fers dans lesquels la
métropole les avaient enchaînés. Il prodigua des secours aux insurgents
et approvisionna les armées. Par ses soins, il empêcha la réunion de
Enfin, en 1778, arriva M. d'Estaing. Le cabinet de Versailles avait senti combien le secours des Canadiens était nécessaire à la cause qu'il voulait protéger. Arrivé à la rade de Boston avec une forte escadre, le général français adresse une proclamation (1) aux Canadiens. « Vous êtes nés Français, leur dit-il, vous n'avez pu" cesser de l'être. Je déclare, au nom du roi, a tous ses anciens sujets de l'Amérique septentrionale, qui ne voudront plus reconnaître la suprématie d'Angleterre, que le monarque les prend sous sa protection, et leur accordera ses secours. »
M. Cazeau, encouragé par une telle proclamation, ne négligea dès lors aucun des moyens de servir les armées combinées de la France et des insurgents et mit moins de mystère dans ses démarches. Le gouvernement anglais découvrit ses efforts et le jeta dans une prison où il languit pendant trois ans, après avoir perdu sa fortune ; mais encore brûlant de l'amour de la patrie, du fond de sa prison, il soulevait les sauvages, et gagnait aux Américains des amis, et de nouveaux ennemis aux Anglais. Enfin, désespérant de la liberté de son pays, il songea à se procurer la sienne ; il franchit les murs de sa prison, s'élança dans les vastes forêts du Canada, et arriva, à travers mille dangers, sur les terres des Américains, ses amis.
Il était créancier du Congrès pour des sommes immenses. Il fut accueilli d'une manière distinguée et reçut des témoignages éclatants de la reconnaissance publique. Les Etats-Unis étaient sans argent; un papier-monnaie, qui perdait 85 0/0, était leur seule ressource. Ils ne purent lui accorder qu'un secours provisoire de 1,000 piastres. Les secours qu'il avait accordés aux alliés de la France, avaient également servi au soutien de nos armes. Il crut être en droit de réclamer du ministère un dédommagement de ses pertes qui s'élevaient à plus de 1,500,000 livres. Il traversa les mers pour venir en France et il y vit la décadence d'un gouvernement usé par ses propres abus. Ses réclamations ne furent pas accueillies pâr les ministres. Enfin la Révolution est arrivée, il a renouvelé ses plaintes auprès de l'Assemblée nationale et notre renaissance politique lui a fait présager une issue moins malheureuse.
Votre comité a examiné ses prétentions. Il n'a jreconnu, ni dans les
principes du droitrni dans aucune convention, cette obligation solidaire
de la France, de payer les fournitures faites à l'armée américaine. A
l'égard des indemnités qu'il réclame pour les pertes qu'il a faites,
nous vous dirons qu'il avait une fortune immense, qu'il a rendu ae
grands services à la révolution d'Amérique, qu'il a tenté de restituer
le Canada à la France. Il évalue à dIus de 1,500,000 livres les pertes
qu'il a souffertes. Votre comité a manqué de moyens pour vérifier ce
calcul; mais il a pensé que les Américains lui devaient une indemnité et
que la nation française devait in-
D'un autre côté la France doit-elle y concourir? Vous n'avez pas oublié cette proclamation de M. d'Estaing. C'est sur la foi de ses promesses que M. Cazeau s'est exposé au danger, trop réalisé, de perdre sa fortune et sa liberté. Par là, il s'est acquis un droit à la reconnaissance de la nation qui, par cette proclamation, avait contracté un engagement tacite avec tous ceux qui lui fourniraient des secours.
Une nation pleine du sentiment de sa dignité, ne doit point admettre de probité malléable..... [Murmures.) Il faut montrer à l'Europe que, s'il est quelque chose de saint et d'inviolable, c'est la foi française. En conséquence, je propose à l'Assemblée de décréter qu'il sera compté à M. François Cazeau, par la caisse de l'extraordinaire, la somme de 125,000 livres, et que le roi sera prié d'interposer ses bons offices auprès des Etats-Unis, pour lui faire obtenir le payement de ses fournitures. (Murmures.)
Je ne conçois pas comment on demande une indemnité pour un homme à qui nous ne devons rien, lorsque nous ne savons pas encore ce que nous devons à nos créanciers, lorsque nous devons peut-être plus que nous croyons. En second lieu, je ne sais pas sur quoi le comité se fonde pour demander que la France intervienne auprès des Etats-Unis pour faire payer à M. Cazeau ce qu'ils lui doivent. Cette démarche serait aussi inconséquente, aussi impolitique, que l'indemnité me paraît injuste et motivée. Je demande la question préalable sur lé projet de décret.
Je n'ai pas entendu sans surprise le comité diplomatique demander 125 mille livres pour un simple particulier, Acadien et Canadien, tandis que moi, qui suis chargé, au nom du comité des secours, de demander 6 sous par jour pour ses malheureux compatriotes, je ne puis obtenir la parole,
J'appuie. la proposition de M. Basire. M. d'Estaing, en faisant cette proclamation, ne s'est point rendu garant des dépenses ni des démarches. Vous trouverez d'ailleurs 200 Canadiens qui ont plus souffert que M. Cazeau. M. Cazeau n'a rendu aucun service à l'armée française, où il n'a jamais paru. Il n'a pu tenter de faire rentrer le Canada sous la domination de la France, puisqu'il avait été convenu entre les généraux français et les commissaires américains, que si le Canada secouait le joug de l'Angleterre, il resterait indépendant, ou ferait partie des Etats-Unis. Je demande donc la question préalable.
appuie les observations de M. Basire.
, rapporteur, défend l'opinion du comité.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret présenté par le comité diplomatique.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des sieurs Ledanois, Cotty et Marescot, anciens curés, qui se plaignent que, par un arrêté de leurs départements, ils ont été éloignés de leurs foyers, cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président.
« La liberté est violée en la personne de trois citoyens irréprochables." Nos consciences avaient
répugné au serment prescrit par le décret du 27 novembre 1790, et nous avons été remplacés dans nos cures : résignés à la loi, nous vivions tranquilles et paisibles ; nous prenons nos concitoyens à témoin de notre respect pour le maintien de la Constitution. Cependant notre département, sans distinction d'innocent et de coupable, nous a éloignés de nos foyers par un arrêté...
Nous sommes avec respect, etc.
(Suivent les signatures.)
Plusieurs voix : L'ordre du jour; cela regarde le pouvoir exécutif I
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret (1), sur la demande des négociants et fabricants À épingles de la ville de Laigle, en faveur de leurs ouvriers dénués de travail; le projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des secours publics, considérant qu'il est de sa justice de venir promptement au secours de la classe nombreuse des ouvriers de la fabrique d'épingles de Laigle, que le défaut de matière première et l'impossibilité de s'en procurer avant le mois de juin, en les forçant à une suspension imprévue de travail, ont plongés _ dans l'indigence; décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif
« L'Assemblée- nationale, après avoir déclaré l'urgence, décrète que, sur la somme de 2,500,000 livres, que, par son décret du 17 janvier dernier, elle a destinée à faciliter des travaux utiles, ou à porter des secours dans les départements, qui, par des cas particuliers, peuvent en exiger, le ministre de l'intérieur fera incessamment verser dans la caisse de la municipalité de la ville de Laigle^ la somme de 30,000 livres, pour être, sous la direction de ladite municipalité, employée en faveur des pauvres ouvriers de la faorique d'épingles de cette ville et des municipalités circonvoisines, én ateliers de charité, ouverture dè routes, répa- à rations de chemins vicinaux, ou autres travaux d'utilité publique ; à la charge, par ladite municipalité, de rendre compte au directoire de district, et par celui-ci au département de l'Orne, de l'emploi de ladite somme ; et que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
J'appuie le projet du comité, parce qu'il est intéressant de conserver
une manufacture depuis si longtemps florissante. Elle tire ce fil de
laiton des mines de Suède et des fonderies d'Allemagne. La perte de
notre change, les abus de notre système monétaire, les fausses
opérations qu'on a faites en cette partie, ont empêché cette manufacture
de pouvoir faire ses approvisionnements accoutumés. Par un abus
intolérable, on n'a pas cessé dans vos hôtels des monnaies de irapper
des sous de
Plusieurs membres demandent l'impression et l'ajournement.
J'admets l'ajournement, et je m'oppose à l'impression. Défiez-vous de ces demandes particulières, parce que, lorsqu'il s'agira de secours généraux, vous vous trouverez épuisés. Je demande le renvoi au comité des secours, pour qu'il présente un travail général sur les secours à accorder tant aux pauvres qu'aux manufactures de tous les départements du royaume et la question préalable, quant à présent, sur le projet de décret du comité.
appuie la question préalable sur l'exemple du refus fait à la municipalité de Paris.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent sur le projet de décret du comité.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport sur la pétition du sieur Richard Dupain, capitaine au corps des volontaires de Luxembourg : il obtint en 1782, sur les fonds des invalides de la marine, une pension de 400 livres, dont le payement est suspendu par l'article 2 du titre IV du décret du 30 avril 1791, qui suspend le payement de toutes pensions sur les fonds des invalides, jusqu'à ce que la vérification en ait été faite. Il propose ae décréter que les pensions sur la caisse des invalides de la marine, continueront d'être acquittées pendant l'année 1792, jusqu'à la concurrence de 600 livres, et qu'elles ne pourront l'être ultérieurement qu'après vérification de leurs motifs.
Le projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le payement des pensions accordées sur les fonds des invàlides ae la marine, est suspendu jus-- qu'après la vérification des motifs ;
« Que l'ordre du travail établi ne permet pas d'espérer que cette vérification soit faite encore de quelque temps;
« Que déjà il est des citoyens qui ont bien mérité de la patrie et qui souffrent de cette suspension;
« Décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de liquidation, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les pensions accordées sur les
caisses des invalides de la marine continueront d'être acquittées depuis
l'époque où le payement a cessé d'être fait, et pendant l'année 1792,
elles ne pourront l'être ultérieurement qu'après vérification de leurs
motifs.
« Art. 2. Ne seront, lesdites pensions, payées provisoirement que jusqu'à concurrence de 600 livres, sans que celles qui ne seraient pas de cette somme, puissent y être portées, et celles qui excéderont, seront réduites à ce taux. »
(L'Assemblée ordonne l'impression de ce projet de décret et l'ajournement à jour fixe, mardi au soir.)
Un membre demande qu'il n'y ait que deux séances du soir employées uniquement aux premières lectures des rapports.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet de décret (1) concernant une erreur de nomenclature dans le classement des ci-devant procureurs aux chambres des comptes et cour des aides de Rouen, et au payement de leurs intérêts, à compter du 29 mars 1791, quoiqu'ils n'eussent pas produit leurs titres. Le projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport a elle fait par son comité de liquidation de la pétition des procureurs aux chambres des comptes et cour des aides, ci-devant réunies à Rouen, duquel rapport il résulte qu'à leur égard, il y a erreur de nomenclature dans le classement de ces procureurs, décrète que nonobstant ledit classement, les procureurs aux-dites chambres des comptes et cour des aides, seront placés dans la même classe, et liquidés sur le même pied que les procureurs aux chambres des comptes ae Dijon et de Nantes ; sur le surplus de la pétition desdits procureurs de Rouen, l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer. »
(L;Assemblée Ordonne l'impression de ce projet de décret et ajourne la seconde lecture à huitaine.)
, au nom du comité de la marine, fait la ^troisième lecture (2) d'un projet de décret sur les officiers militaires des classes supprimées et les six questions proposées par le ministre de la marine, par sa lettre du 2o jànvier relativement aux pensions et traitements des officiers.
La première, de savoir si on doit conserver en entier les pensions qui excèdent la totalité des appointements attribués au grade dans lequel us ont servi sur les vaisseaux, parce qu'ils y réunissaient un emploi à terre, auquel était attaché un supplément?
La seconde, si on doit prendre pour base de la fixation dè la pension, le traitement dont un officier avait joui comme officier des classes, ou celui qu'il avait comme lieutenant de frégate?
La troisième, comment doivent être traités ceux qui, ayant presque toujours navigué sur les bâtiments de commerce, ont été peu employés sur ceux de l'Etat ?
La quatrième, quel sera le sort de ceux qui, indépendamment de leur pension de retraite, en avaient déjà obtenu une pour des blessures graves, ou autres considérations-majeures?
La cinquième, quel sera, jusqu'au 1er janvier 1792, le traitement de ceux qui, réadmis à cette époque au service des -vaisseaux, ont été privés de pensions et d'appointements depuis le 1er avril 1791?
La sixième, si on doit appliquer aux officiers des classes, ci-devant
lieutenants de frégates, ou sous-lieutenants de vaisseaux, qui ne sont
point compris dans la nouvelle formation, les dispositions de l'article
21 de la loi du 15 mai, relative au corps de la marine, qui accorde un
grade supérieur aux capitaines et majors de vaisseaux, qui se retirent
dans ce moment,
Première question.
Quelques-uns de ces officiers ont des pensions qui excédent la totalité des appointements attribués au grade dans lequel ils ont servi sur les vaisseaux, parce qu'ils y réunissaient un emploi à terre, auquel était attaché un supplément ; et que c'est d'après ces deux sommes additionnées que leur pension de retraite a été calculée. Dois-je adopter la même mesure? C'est l'objet d'une question plus générale, sur laquelle j'ai déjà demandé l'avis du comité de la marine.
Réponse.
Votre comité estime' qu'on doit accorder aux officiers des classes supprimées, tout ce qu'ils peuvent prétendre de l'interprétation la plus favorable ae la loi ; mais qu'il est impossible d'y donner une interprétation forcée pour améliorer leur sort, surtout dans les occasions où l'Assemblée constituante a voulu réformer les abus, tels que la réunion de plusieurs pensions, et celles qui pourraient excéder le taux des appointements de service.
Les appointements du grade que les officiers avaient à l'époque de leur retraite du service, doivent être la première base qu'il faut adopter.
Il leur en revient le quart pour les 25 premières années de service.
De plus, le vingtième des trois autres quarts pour chacune des autres années de service.
Ces deux objets réunis doivent faire le total du traitement de rétraite.
Le service des classes doit être compté suivant l'article 25 du décret du 31 décembre 1790, sur les classes.
Deuxième question.
Le traitement d'un officier des classes, par exemple, d'un officier d'arrondissement, qui était de 90D livres, étant plus fort que celui dont il avait joui comme lieutenant ae frégate, et qui n'était que de 840 livres, dois-je prendre le premier pour base de la fixation ae sa pension?
Un d'eux, quoique breveté lieutenant de frégate, a toujours eu un emploi, soit en Amérique, soit en Europe, qui lui a rapporté au moins 2,400 livres; doit-il être traité sur le pied de 840 livres?
Réponse.
La loi ayant fixé le grade que l'officier occupait à l'époque à laquelle il a quitté le service, pour servir de base à sa pension, le comité pense que les appointements du lieutenant de frégate doivent être pris pouf bases, plutôt que ceux d'officiers d arrondissement, puisque son grade était celui de lieutenant de frégate, avant de devenir officier d'arrondissement.
Troisième question.
11 est de ces officiers qui, ayant presque toujours navigué sur les bâtiments du commerce, ont été peu employés sur ceux de l'Etat, et dont les services, évalués d'après les règles établies, n'attendront pas une quotité qui leur donne droit à-une pension ; cependant leur traitement d'officier des classes est devenu nécessaire à leur
subsistance : ils se plaindront d'avoir été déçus et qu'on leur a fait abandonner une profession lucrative.
Réponse.
Le comité est d'avis que les officiers qui ne pourront faire valoir que le traitement qu'ils perdent par la suppression, seront à plaindre sans doute, mais ils subiront en cela le sort inséparable de toutes les réformes et suppressions, et la loi ne paraîtra pas injuste à leur égard, puisque les pensions ne sont accordées qu'aux officiers qui les ont méritées par leurs services, et que ceux-ci ont été peu employés sur les vaisseaux de l'Etat.
D'ailleurs, ils peuvent en être dédommagés par la nouvelle organisation de la marine, s'ils méritent d'y être compris.
Quatrième question.
Il en est aussi qui, indépendamment de leur pension de retraite, en avaient déjà obtenu une pour des blessures graves, ou autres considérations majeures.
Réponse.
L'avis du comité est que la loi ayant proscrit la réunion de plusieurs pensions sur une même tète, celles obtenues, même en faveur de blessures graves, avant la pension de retraite, ne peuvent être conservées en dehors ; mais comme ae telles blessures ont des droits très légitimes à la reconnaissance de la nation* si la nouvelle pension, c'est-à-dire celle fixée par les nouvelles bases, ne s'élevait point à un taux suffisant, le ministre de la marine pourrait les employer sur la liste des pensions à accorder suivant l'article 23 du titre lor du décret du 3 août 1790.
Cinquième question.
Et quant à ceux qui rentrent au service des vaisseaux, privés de tout traitement depuis le 1er avril 1791, soit pensions, soit appointements, quel est celui dont ils peuvent jouir jusqu'au 1er janvier 1792, époque de leur réadmission au service des vaisseaux? 3 ou 4 seulement n'avaient point de pension.
Réponse.
Le comité estime que ces officiers peuvent réclamer le payement de leur pension, depuis le 1er avril dernier, époque à laquelle leurs appointements ont cessé, suivant la loi du 20 mars 1791, jusqu'au 1er janvier 1792, époque de leur réadmission au service des vaisseaux, et que cette pension doit être déterminée d'après les bases fixées par la loi, qui devient très favorable à ceux de ces officiers auxquels on n'avait point accordé de pension.
Sixième question.
Sur la sixième question, votre comité vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, voulant traiter les lieutenants, sous-lieutenants de la marine, capitaines de brûlots, et lieutenants de frégates, supprimés par les décrets des 31 décembre 1790, 22 avril et 1er mai 1791, sanctionnés les 7 jan-
vier et 15 mai 1791, avec la même faveur que les capitaines et majors de vaisseaux, décrète que l'article 21 de la loi du 15 mai 1791, relative au corps de la marine, sera applicable auxdits lieutenants, sous-lieutenants de la marine/capitaines de brûlots et lieutenants de frégates, pour obtenir en retraite, dans ce moment-ci seulement, les deux tiers des appointements du grade dont ils jouissaient ci-devant dans la marine, dans le cas où la quotité de leurs services ne leur donnerait pas droit à une pension égale ou plus forte que les deux tiers ae leurs dits appointements, et pour jouir aussi, en rétraite, du grade supérieur lorsqu'ils auront 10 ans de service dans leur grade; le tout, d'après les bases fixées pour les capitaines et majors de vaisseaux, sans que, dans iaucun cas, ce grade supérieur puisse donner ouverture à aucune augmentation de pension, ni pour les capitaines ae vaisseaux, ni pour les autres officiers. »
Si l'Assemblée nationale daigne approuver les observations du comité sur les cinq premières questions de la lettre du ministre de la marine, votre intention est-elle qu'elles soient communiquées au ministre de la marine, comme des décisions de l'Assemblée nationale?
Je demande que l'on déclare ,.purement et simplement qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Déjà, le ministre de la marine, voulant se ménager les moyens d'employer dans la marine les officiers de ce corps qui ont émigré, en a constamment reculé 1 organisation.
L'Assemblée a désapprouvé cette lenteur, elle s'êst rappelée que le prédécesseur de M. Bertrand avait'déjà écrit aux départements pour l'exécq-tion des décrets de 1 Assemblée constituante, et commencer l'organisation de la marine. M. Bertrand avait à se justifier de son retard; Qu'a-t-il fait? Il est venu supposer que les décrets de l'Assemblée constituante avaient besoin d'articles additionnels. Vous avez pénétré cet astuce du ministre de la marine^et vous avez compris qu'il ne vous demandait ces articles additionnels que pour vous mettre en contradiction avec vous-mêmes. En effet, plusieurs membres de l'Assemblée ont pensé qu'il y avait lieu à porter le décret d'accusation contre le ministre de la marine.
Or, si vous admettiez aujourd'hui les articles additionnels qu'il vous proposé, il ne manquerait pas de vous dire : c'est à tort qu'on veut porter un décret d'accusation, puisque TAssem-lée ne vient de décréter qu aujourd'hui ces articles que j.e sollicite depuis trois mois; je n'ai donc pas pu organiser la marine ; je ne suis pas en retard. C'est en me basant sur ces motifs que jé demande la question préalable sur la décision du comité.
appuie les observations de M. Gran-geneuve.
Un membre demande, par amendement, la substitution, dans le projet de" décret, des expressions : durée de service à celle de : quotité de service.
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
Le ministre a fait 6 questions. Le comité a répondu, quant aux 5 premières, que la loi du 15 mai était suffisante, et qu'en conséquence il n'y avait lieu à délibérer. Quant à la sixième, elle est l'objet du projet de décret que vous présente M. le rapporteur. Je demande
la question préalable sur l'envoi de ces réponses au ministre, et l'ajournement du projet de décret jusqu'après la revue du 15 mars.
Je demande l'ajournement du projet de décret jusqu'à ce que les états de revue des officiers de marine aient été remis ; car sans cela plusieurs officiers se voyant bien traités demanderaient leur retraite et iraient à Goblentz.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les 5 premières questions par les motifs exprimés dans le rapport et ajourne la discussion du projet de décret présenté sur la sixième question jusqu'après la revue du 15 mars.)
, au nom des comités militaire et de Vordinaire des finances réunis, fait un rapport et présente un projet de décret sur les moyens d'exécution du décret rendu le 14 févriérdernier (1) en faveur des ci-devant gardes françaises.
Je vais vous faire, Messieurs, lecture du projet de décret sur les moyens d'exécution du dé-. cret que vous avez rendu en favèur des ci-devant gardes françaises.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire des finances et militaire, considérant que la situation dans laquelle se trouvent plusieurs ci-devant gardes françaises, exige de les faire jouir promptement du décret rendu en leur faveur le 14 février dernier, et qu'il est juste d'en étendre les dispositions aux soldats qui ont servi, comme eux, la causé de la Révolution dans la garde soldée parisienne, déclare qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir déclaré qu'il y a urgence, et entendu les comités de l'ordinaire des finances et militaire, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Tout garde française ou autre soldat, tant des compagnies de grenadiers, que des compagnies du centre ou de chasseurs de la garde soldée parisienne, résidant actuellement à Paris, qui prétendra avoir été renvoyé sans avoir demandé son congé, et' qui n'aura point de brevet de pension ni de" gratification, se présentera sous huitaine, à compter du jour de la promulgation du présent décret, à la municipalité de Paris.
Art. 2.
« La municipalité en fera dresser un état nominatif, qu'elle enverra au ministre de la guerre qui fera vérifier si ces soldats n'ont vraiment reçu ni pensions ni gratifications.
Art. 3.
« D'après cette vérification, que le ministre de la guerre est tenu de
faire faire dans trois jours,
Art. 4.
« À cet effet, les commissaires de la trésorerie nationale tiendront une somme de 15,000 livres à la disposition du ministre de la guerre, qui en rendra compte, et qui prendra les mesures les plus promptes pour faire payer lesdits soldats, conformément au présent décret. »
Un membre demande que les gardes françaises soient de nouveau employés.
Un autre membre propose de leur faire payer une indemnité par ceux qui les auraient injustement renvoyés.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ces deux propositions et adopte, sauf rédaction, le décret d'urgence, puis le decret définitif.)
, au nom du comité militaire, fait la seconde lecture (1 ) d'un projet de décret relatif à la. pétition des sous-officiers surnuméraires de l'ancienne garde de Paris, tendante à obtenir la haute paye attachée à leurs grades ; ce projet de décret est ainsi conçu :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que c'est un principe de justice consacré par l'Assemblée constituante, qu'aucun individu militaire ne doit rien perdre de la paye dont il jouissait dans l'ancienne formation.
« Décrète que les sous-officiers surnuméraires du bataillon des îles, ports et quais de la ville de Paris, jouiront du même traitement qu'ils avaient lorsqu'ils étaient en activité, et qu'ils seront payés du supplément dont ils ont été privés, à compter du 1er février 1790, sur des états particuliers, dans la forme prescrite par l'ordonnance. »
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
(Là séance est levée à dix heures.)
PÉTITION (2) de François Cazeau à V Assemblée nationale.
Messieurs,
Dans ce sanctuaire de la vérité et des lumières, je viens réclamer les droits les plus sacrés de la
justice et de l'humanité. Environné de souffrances et d'infortunes, mes services et votre équité sont ma seule .sauvegarde. Pères de la patrie, accordez quelques instants d'attention à un de vos concitoyens qui, victime de son patriotisme, languit depuis 10 ans séparé de sa famille par des mers immenses, et du monde entier par sa misère.
Dans la dernière guerre d'Amérique, la France a manifesté le dessein de rappeler le Canada sous sa domination : pour ce projet, elle s'est servie de mon influence sur nos anciens compatriotes ; mais après m'avoir solennellement promis protection et appui; après avoir profité de mes services et agréé mes efforts, elle a tout oublié, jusqu'à ses promesses. Elle m'a laissé en butte à toute la fureur des Anglais, qui m'ont traité comme un criminel d'Etat, comme l'agent médiat de leur ennemi ; je n'ai dû ma vie qu à la fuite.
Arrivé chez les alliés des Français (chez les Américains), je leur ai demandé le payement des avances particulières faites à leurs armées; la pénurie de leurs finances ne leur permit. pas de me faire ce remboursement. Présenté au congrès par M. de La Fayette, on y reconnut mes services de la manière la plus authentique, par une résolution du 6 février 1783. Muni de cette pièce, et de la proclamation que m'avait envoyée M. d'Estaing au nom du roi, je vins en France réclamer justice; je portai à la cour l'erreur d'un coeur français; je crus que la justice habitait aux pieds du trône, je n'y trouvai que le despotisme, qui ne savait pas être juste avec de simples individus.
Bientôt le nouvel ordre de choses me rendit l'espoir prêt à m'abandonner : la régénération de ma patrie, en me donnant la certitude d'un avenir plus heureux, adoucit l'amertume de mes souffances. Au milieu des orages, pendant les -grands travaux de l'Assemblée constituante, au travers d'une liquidation de plusieurs milliards, il ne m'a pas été possible dé faire juger ma ré- ; clamation : je me félicite de le faire au milieu de vous, Messieurs; ma|s avant de vous rapporter les termes des promesses faites, au nom du roi, dont je demande aujourd'hui l'exécution, souffrez que je vous retrace très sommairement quelqnes faits qui ont pu fixer sur moi l'attention au gouvernement d'une manière particulière.
En 1753, je portai_en Canada, alors possession française, ma fortune et mon industrie : j'acquis un grand crédit parmi mes compatriotes, et une influence considérable chez les nations sauvages. Je pris part à tous les événements de la guerre de 1754 à 63; je combattis sous les ordres de MM. de Lévi, de Montcalm, de Lusignan...
A la paix, je repassai en France pour m'ins-truire des intentions du gouvernement, sur la cession de la colonie ; et apprenant du ministre même (feu M. de Choiseul) qu'on n'avait cédé qu'aux circonstances, à sa sollicitation je repassai en Canada, et reportai à mes frères l'espoir consolant d'une prochaine réunion à la mère patrie.
Bientôt la guerre s'allume : les Américains, fatigués du joug de l'Angleterre, songent à briser leurs chaînes. J'apprends de Franklin que deux émissaires, envoyés secrètement, promettaient l'appui de la cour de France au congrès qui se formait alors à Philadelphie. J'entrevois dans cet appui un premier effet des promesses du ministre; je me charge de la lettre d'invita-
tion que le congrès adresse aux Canadiens ; je la fais circuler dans toute la colonie par mes nombreux agents; j'approvisionne à crédit les troupes envoyées en Canada; et au moyen de mes intelligences avec les naturels du pays, je facilite toutes leurs opérations. Le congrès envoie une autre armée, et le général Washington m'écrit la lettre la plus pressante. 11 m'engage son honneur et sa foi : j'obéis, j'alimente à crédit cette armée. J'envoie des ordres à mes agents, afin qu'ils fournissent, également à crédit, à tous ceux qui voudraient s'enrôler, des armes et des habits. Trois régiments sont formés...
Je ne parlerai pas des services politiques que j'ai rendus, en déjouant à plusieurs reprises toutes les manœuvres du cabinet britannique ; mais, Messieurs, j'ose l'avancer, sans crainte d'être démenti, c'est moi qui ai puissamment contribué à empêcher la jonction projetée des armées de Burgoyne et de Clinton, et ai préparé ainsi le succès de l'affaire de Saratoga...
Alors la France se déclare ouvertement en faveur des Américains. M. d'Estaing me fait parvenir sa proclamation, adressée aux habitants du Canada, par laquelle il nous sommait, AU NOM DU ROI, de ne plus reconnaître la suprématie de l'Angleterre, et nous promettait en même temps PROTECTION et APPUI.
Sur ces promesses positives et sacrées, mon zèle s'enflamme de nouveau, je dévoue ma fortune et ma vie au succès de la guerre. Cette proclamation m'est envoyée, comme le plus capable et le plus zélé, pour la répandre et l'appuyer auprès de mes compatriotes; je la fais circuler dans toutes les parties de la colonie par mes nombreux agents; je la fais afficher dans les villes, et distribuer dans les campagnes ; tous espèrent et attendent, avec une égale impatience, le moment et l'occasion d'agir pour recouvrer leur liberté : j'envoie des émissaires aux nations sauvages, pour leur porter la parole de leur père ; c'était sous ce nom que leur amour pour les Français en désignait le chef. Ils m'envoient de leurs côtés des députés, pour m'assurer qu'ils se tiendront prêts à agir sur mes ordres. Je fais plus, je gagne des officiers Anglais ; je m'assure par eux de la reddition de places importantes ; j'envoie des instructions et j'entretiens des intelligences avec les généraux français et américains.
Mais tandis que, sur la foi de la protection et de l'appui qui m'étaient promis, je me livre ainsi aux mouvements de mon zèle, je suis soupçonné et emprisonné. — Loin d'être atterré par ce revers, l'or coule de mes mains, mes gardes deviennent mes agents, je continue mes opérations et mes intelligences avec autant de sécurité et de succès. — Sur mes avis et mes instructions, le congrès se détermine à envoyer une armée en Canada, sous les ordres de M. de La Fayette. — M. de La Fayette députe trois sauvages pour m'apporter Un proclamation qui devait précéder son entrée dans la colonie...
Mais ce projet aussi facile qu'utile, reste sans exécution, par l'opposition et la trahison d'Arnold.
Cependant, on emprisonne mon fils; on dis- perse ma famille; mes biens sont confisqués. oyant alors mes efforts inutiles, je m'échappe de prison.*-1- La paix se fait, et on oublie mes services à l'instant où je cesse d'être nécessaire.
Par ce tableau rapide, vous apercevez, Messieurs, que j'ai été constamment animé de l'a-
mour de la patrie, et que je l'ai servie toute ma vie, avec idolâtrie.
Si je n'avais d'autres titres que mes services, je viendrais avec assurance vous demander part aux récompenses qu'elle accorde à ceux qui ont bien mérité d'elle; mais j'ai droit à sa justice, elle doit m'indemniser des pertes que j'ai éprouvées, par ma confiance en ses promesses. Ces promesses sont positives et solennelles. « Auto-« risé par Sa Majesté (dit M. d'Estaing) et chargé, « au nom du père de la patrie et du protecteur « bienfaisant ae ses sujets, d!offrir un appui à « ceux qui étaient nés pour goûter les douceurs « de son gouvernement, je déclare que se lier avec « les Etats-Unis, c'est s'assurer son bonheur; je « déclare en outre formellement, au nom de Sa Ma-« jesté, qui m'a autorisé et m'a ordonné de le faire, « que tous ses anciens sujets qui ne connaîtront « plus la suprématie de l'Angleterre, peuvent « compter sur sa protection et son appui...
Ces termes sont obligatoires, ils le sont envers moi. — Je me suis lié avec les Américains; — j'ai cessé de reconnaître la suprématie de l'Angleterre ; — j'ai servi ma patrie de tout mon pouvoir, de toutes mes facultés; j'ai été ruiné par ma confiance en ses promesses; — elle me doit en retour l'effet de ces mêmes promesses — ce retour ne se borne pas à une protection stérile, ni à un fantôme qui disparaît au moment du besoin; la société ne s'acquitte pas ainsi envers l'individu, opprimé pour elle.
La protection doit être activé et efficace, elle doit garantir la vie et la propriété du citoyen, dans quelque partie du globe qu'il se trouve placé, sous les lois de son pays. — Une nation qui refuse cette protection à un de ses membres, manque au devoir le plus sacré; elle viole le pacte social, sans lequel il n'existe plus qu'un despote et des esclaves. L'arbitraire ^st substitué à la loi, à la justice, aux droits les plus sacrés du citoyen.
Faudra-t-il, dira-t-on, que le gouvernement emploie la force armée pour protéger un simple individu, pour lui obtenir un restitution? — Sans doute il le doit, à moins que de grands intérêts politiques ne le déterminent à se charger de l'indemnité; car, lorsque les circonstances sont telles qu'il convient à une nation d'oublier son ressentiment, elle le peut quant à son intérêt politique, mais non quant à l'intérêt d'un particulier. Le premier principe, la première base de toute association libre, c'est qu'on ne peut, dans aucun cas, sacrifier à l'intérêt public les propriétés particulières, que sous la condition d'un juste dédommagement; ce principe dit que la nation qui a intérêt de refuser la protection efficace qu'elle doit, reste elle-même obligée, et débitrice de l'individu qui avait droit à sa protection.
Ces principes éternels immuables, que le despotisme avait enveloppés des plus épaisses ténèbres, sont littéralement énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et déjà l'Assemblée nationale constituante en a fait l'application dans plusieurs circonstances, et notamment en faveur de MM. Debacque, Cha-pellon et Trouchaud, négociants armateurs de Marseille et de Dunkerque, qui, par décret du 13 décembre 1790 (1), ont obtenu l'indemnité de
deux navires enlevés par les corsaires d'Alger, les 5 et 10 mai 1789. J'ai de plus que ces négociants, les services que j'ai rendus pendant tout le cours de ma vie ; j'ai les promesses positives du gouvernement, ae sa protection et de son appui.
Quelle doit être la mesure de cette protection?
La protection que la société doit à chacun de ses membres, n'a d'autres bornes que les moyens même de cette société : ces moyens sont la force publique, établie pour la garantie des droits du citoyen : cette force est instituée pour l'avantage de tous, et n'ayant d'autre objet que de garantir à tous, et à chacun en particulier, liberté, sûreté et propriété, elle doit être employée à protéger efficacement le citoyen contre toute violence, et à l'indemniser des pertes qu'il a souffertes pour l'intérêt commun; car nul ne peut être privé de sa propriété pour l'intérêt public, que sous la condition d'un juste dédommagement.
De ces principes résulte cette autre vérité, c'est que le citoyen ne peut jamais reconnaître d'intermédiaire entre la nation et lui, parce que les agents de la nation ne sont et ne peuvent être que ses représentants dans la portion d'autorité ou d'administration qu'elle leur a confiée. Le gouvernement est responsable des faits de ses agents, même de leurs erreurs, sauf leur responsabilité personnelle envers la nation, j'ai établi que la perte de ma fortune est la suite du fait d'un agent du gouvernement ; la nation est donc responsable envers moi ; elle me doit l'indemnité que je réclame.
Je nè ferai point à ma patrie l'injure de lui citer l'exemple de l'Angleterre, qui a nourri pendant trois ans,et indemnisé 40,000 Citoyens des. pertes qu'ils avaient faites dans cette même guerre; mais ie vous rappellerai, Messieurs, la générosité de la France. En réglant ses comptes avec lés Etats-Unis, elle leur a fait l'abandon de 5 années d'intérêts des 35 millions qu'elle leur avait avancés. Elle a de plus, postérieurement à la paix, consenti un cautionnement solidaire au profit de la Hollande, pour toutes les sommes que cette république avait avancées aux Etats- nis; et moi jé serais le seul, qui, après avoir consacré ma fortune, ma vie, mes intérêts les plus chers à ceux de mes compatriotes, que j'ai servi avec idolâtrie, je serais le seul qui n éprouverait pas les effets de la justice de ma patrie, lorsque deux nations puissantes ont éprouvé, d'une manière si éclatante, ceux de sa générosité! Non, Messieurs; si le despotisme, qui, d'une main, dissipait les revenus publics en profusions scandaleuses, tandis que, de l'autre, il repoussait les infortunées victimes de son impé-ritie et de ses erreurs; si le despotisme, non content de fermer l'oreille aux réclamations les plus justes, invoquait encore les principes les plus absurdes pour légitimer ses refus, Vous, Messieurs, vous qui avez si efficacement coopéré à le détruire, vous ne consacrerez pas ses priu-
cipes arbitraires, éversifs de toute société ; vous ne souffrirez pas que, simple individu, je sois sacrifié à l'intérêt général: j'en ai pour garants les Droits de l'homme et du citoyen, dont vous êtes les protecteurs; j'en ai pour garant vos lumières et votre sagesse. — Je me suis acquitté envers ma patrie ae mes obligations, de mes devoirs, de ce qu'elle avait exigé, de tout ce qu'elle avait droit d'attendre; j'espère avec la plus ferme confiance qu'elle acquittera sa dette envers moi.
Je demande donc, Messieurs, qu'il plaise à l'Assemblée décréter, attendu qu'il paraît, d'un côté, par une proclamation, en date du 28 octobre 1778, que M. d'Estaing avait promis, au nom du roi, protection et appui à ceux de ses anciens sujets qui ne reconnaîtraient plus la suprématie de l'Angleterre, et qu'il est constant d'un autre côté, soit par une résolution du congrès, en date du 6 février 1783, soit par d'autres certificats et témoignages, que j'ai été ruiné par ma confiance et mon abandon aux promesses du gouvernement; qu'il plaise, dis-je, a l'Assemblée décréter qu'il y a lieu à indemnité envers moi, pour les pertes que j'ai éprouvées, soit par la confiscation de mes biens, soit autrement, depuis la proclamation de M. d'Estaing.
Cazeau.
PROCLAMATION.
Le soussigné, autorisé par sa majesté, et revêtu par la du plus beau des titres, chargé, au nom du père de la patrie et du père bienfaisant de ses Sujets, d offrir un appui à ceux qui étaient nés pour goûter les douceurs de son gouvernement, à tous ses compatriotes de l'Amérique septentrionale :
Vous êtes nés Français ; vous n'avez pu cesser de l'être. Une guerre, qui ne vous avait été annoncée que par l'enlèvement de presque tous nos matelots, et dont nos ennemis communs n'ont dû les principaux succès qu'au courage, au talent et au nombre des braves Américains qui les combattent aujourd'hui, vous a arraché ce qui est le plus cher à tous les hommes, jusqu'au nom de votre patrie. Vous forcer aujour-d hui à porter, malgré vous, des mains parricides contre elle, serait le comble des malheurs; vous en êtes menacés. Une guerre nouvelle doit vous faire redouter qu'on ne vous oblige à subir cette loi, la plus révoltante de l'esclavage. Cette guerre a commencé, comme la précédente, par les déprédations de la partie la plus intéressante de notre commerce. Les prisons de l'Amérique contiennent, depuis trop longtemps, un grand nombre de Français infortunés ; vous entendez leurs gémissements. Cette guerre a été déclarée par le message du mois de mars dernier, par Pacte le plus authentique de la souveraineté anglaise, annonçant à tous les ordres de l'Etat que commencer, sans cependant interdire le même droit à personne, c'était l'offenser; que le lui dire avec franchise, c'était la braver; qu'elle s'en vengerait, et qu'elle se réservait de le faire quand elle le pourrait à son avantage, et de s'y prendre alors plus légalement que dans la dernière guerre; car elle déclarait en avoir le droit, la volonté, le pouvoir, et en demandait les moyens.
Le fléau de la guerre actuelle ainsi proclamé, a été restreint et retardé, autant qu'il a été possible, par un monarque dont les vues pacifiques
et désintéressées ne réclament des marques de votre ancien attachement que pour votre bonheur. Contraint de repousser la force par la force, et des hostilités multipliées par des représailles qu'il a enfin ordonnées, et si la nécessité porte ses armes ou celles de ses alliés dans un pays qui lui est toujours cher, vous n'aurez point à craindre les embrasements ni les dévastations; et si la reconnaissance, si la vue d'un pavillon toujours révéré par ceux qui l'ont suivi, rappelle sous les drapeaux de la France ou des Etats-Unis des Indiens qui nous aimaient, et qui étaient comblés des présents de celui qu ils appelaient leur père, jamais, non jamais us n'emploieront contre vous leur trop cruelles Coutumes de faire la guerre; ils y renonceront, ou cesseront d'être nos amis.
Ce ne sera point par des menaces faites à nos compatriotes, que nous tâcherons d'éviter de les combattre ; ce ne sera point non plus par des injures proférées contre une grande et brave nation que nous savons respecter, et que nous espérons de vaincre, que cette déclaration sera affaiblie.
Je ne dirai point, en qualité de gentilhomme français, à ceux d'entre vous qui le sont comme moi, qu'il n'est qu'une auguste maison dans l'univers sous laquelle le Français puisse être heureux et servir avec délices, parce que son chen et céux qui lui tiennent le plus près par les liens du sang, se sont plu depuis une longue suite de monarques, dans tous les temps, et se plaisent plus que jamais aujourd'hui à porter ce même titre, qu'Henri IV regardait comme le premier des siens. Je ne ferai point regretter ces marques, ces décorations, ces qualifications, trésors précieux à une façon de penser commune à nous tous, et actuellement fermées pour notre malheur commun, pour des Français-Américains qui savaient si bien s'en rendre dignes : leur zèle, j'ose l'espérer et le promettre, les fera bientôt répandre sur eux; ils les mériteront, lorsqu'ils oseront devenir les amis de nos allies.
Je ne demanderai point aux compagnons de M. le marquis de Lévi, à ceux qui ont partagé sa gloire, admiré ses talents, son tact militaire, qui ont chéri sa cordialité et sa franchise, caractère principal de notre noblesse, s'il est d'autres noms chez d'autres peuples auprès desquels ils aiment mieux voir placer les leurs. Les Canadiens, qui ont vu tomber, pour leur défense, le brave marquis de Montcalm, pourraient-ils être les ennemis de ses neveux, combattre contre leurs anciens chefs, et s'armer contre leurs parents? A leurs noms seuls, les armes leurs tomberaient des mains.
Je n'observerai point aux ministres des autels que leurs efforts évangéliques auront besoin d'une protection particulière de la providence, pour que l'exemple né diminué point la croyance, pour que l'intérêt temporel ne l'emporte pas, pour que les ménagements politiques des souverains que la force leur a donnés, ne s'affaiblissent point a proportion de ce qu'ils auront moins à craindre; qu'il est nécessaire pour la religion, que ceux qui la prêchent forment un corps dans l'Etat, et qu'il n'y aurait point de corps "plus" considéré, ni qui eût plus de pouvoir de faire le bien, que celui des prêtres du Canada prenant part au gouvernement, parce que leur conduite respectablè leur a mérité la confiance du peuple.
Je ne ferai point remarquer à ce peuple, à tous mes compatriotes en général, qu'une vaste
monarchie ayant la même religion, les mêmes mœurs, la même langue, où l'on trouve des anciens parents, des anciens amis et des frères, est une source intarissable de richesses de commerce, plus facile à acquérir par une réunion avec des voisins puissants, et plus sûre qu'avec des étrangers d'un autre hémisphère, chez qui tout est dissemblable, qui, tôt ou tard, souverains, jaloux et despotes, les traiteraient comme des vaincus, et plus mal sahs doute que leurs ci-devant compatriotes qui les avaient fait vaincre. Je ne ferai point sentir à tout un peuple, car tout un peuple, quand il acquiert le droit de penser et d'agir, connaît son intérêt, que se lier avec les Etats-Unis, c'est s'assurer son bonheur; mais je déclarerai, comme je le déclare formellement au nom de sa majeste, qui m'v a autorisé et qui m'a ordonné de le faire, que tous ses anciens sujets de l'Amérique septentrionale qui ne reconnaîtront plus la suprématie de VAngleterre, peuvent compter sur sa protection et sur son appui.
Fait à bord du vaisseau le Languedoc de Sa Majesté, en rade de Boston, ce 28 octobre 1778. (Signé à l'original imprimé) : Estaing. Et plus bas, Bigrel de Grandelos, secrétaire nommé par le roi à la suite de l'escadre commandée par M. le comte d'Estaing.
A bord du Languedoc, de l'imprimerie de François Demault, imprimeur du roi et de l'escadre.
Collationné audit original, imprimé, resté en notre étude, par nous soussigné. A Philadelphie, ce 7 janvier 1785. Signé : Maurice des Devens de Glandons, notaire.
Extrait de lettres de MM. d'Estaing et La Fayette, au sieur Cazeav.
Monsieur,
Honoré de l'emploi d'aller aider la liberté américaine dans sa naissance, ce fut avec délice que je saisis l'occasion de la conseiller aux Français du Canada ; je n'ai pu que cela. Je ne désavouerai jamais l'objet de la proclamation, au soutien ae votre réclamation. Je prêchais alors la vérité, en me servant beaucoup trop du style du temps, il n'est plus le nôtre; vous étiez déjà avant mon sermon, un des martyrs de la bonne cause. Si le projet de M. de La Fayette, adopté par le général Washington, n'avait pas été abandonné par la malheureuse influence de M. Arnold, voire dévouement aurait sans doute été d'une grande utilité, et la proclamation aurait causé plus que de l'inquiétude à l'ennemi commun.
Croyez, ie vous supplie, que je partagerai d'autant plus la joie des succès que je vous souhaite, que vous pouvez me croire une des causes innocentes de vos pertes; citoyen adopté par l'Amérique, je n'en désire pas moins, comme citoyen Français, que ma première patrie dédommage plus qu'aucun autre pays, ceux qui ont tout sacrifié pour la liberté.
Je suis, etc.
Signé : EstaiNg.
18 décembre.
M. d'Estaing est venu pour avoir l'honneur
d'assurer M. l'abbé Gouttes de son respect, et' pour avoir celui de le solliciter au sujet de la réclamation de M. Cazeau ; il doit à cet honnête négociant de Montréal-en-Canada, et à lui-même, de mettre sous les yeux de M. l'abbé Gouttes, ce qu'il a répondu à la lettre que M. Cazeau lui a écrite au sujet de la proclamation, au soutien de sa réclamation.
Signé : ESTAING.
Paris, le M décembre 1790.
Je me rappelle avec plaisir, Monsieur, les époques où j ai eu l'honneur de vous voir en Amérique, et je désire bien que les services que vous avez rendus à la Francè et aux Etats-Unis, soient reconnus. Je ne doute pas que vous , n'éprouviez des deux nations la justice que vous êtes dans le cas de réclamer; j'ai l'honneur d'être, avec un sincère attachement, Monsieur, Votre très humble serviteur, la Fayette.
Résolution du Congrès, & février 1783.
Le comité à qui on avait renvoyé le mémoire du sieur Cazeau, rapporte :
Qu'il paraît, par les représentations du sieur Cazeau, qu'il possédait 4es biens considérables dans le Canada; qu'il prit de bonne heure un parti décidé en faveur de la révolution américaine ; qu'il a rendu des services à notre armée dans ce pays, par des suppléments de provisions et autrement, qui lui ont tourné en pure perte ; qu'il a, de plus, tâché de rendre de plus grands services, quoique sans succès; que sa conduite et ses principes lui attirèrent le ressentiment du gouvernement anglais, qui produisit la séquestration de tout son bien, Vemprisonnement de sa personne et de son fils, et d'autres outrages; qu'il s'est échappé de sa prison et qu'après avoir lutté contre plusieurs dangers et fatigues, il est arrivé parmi nous, destitué de tout;
Qu'il paraît, par d'autres témoignages respectables, que le sieur Cazeau était un homme d'influence et de propriété dans le Canada, et qu'il a été ruiné par son attachement à la cause américaine.
Le comité cependant, est entièrement d'opinion que, comme il est impossible à présent de juger des circonstances accidentelles du sieur Cazeau, ou de toute l'étendue de ses services et sacrifices, le Congrès ne doit point prendre en considération sa cause en général; mais que la politique et la justice exigent, autant que la situation des affaires publiques puisse le permettre, quelque soulagement à sa détresse ; ils sont donc conséquemment d'avis, qu'il soit ordonné à l'intendant des finances, de lui avancer mille piastres acompte.
6 février 1783. Le rapport ci-dessus a été renvoyé à l'intendant des finances, pour en prendre ordre.
Signé Geo. Bond, député secrétaire.
Extraits d'autres certificats qui prouvent également que le sieur Cadeau était i agent spécial et unique chargé de la publication des proclamations.
Ier
Atteste le colonel Antill, que le sieur Cazeau était bien connu en Canada pour être un homme
de très grande fortune et d'un crédit sans bornes parmi les négociants, et qu'il avait une grande influence surles habitants...; qu'il était consulté et employé dans presque toutes les affaires d'importance...^ qu'il fut commissionné pour distribuer les proclamations que le congrès et le général Washington envoyaient dans ce pays-là, et prié d'exercer son pouvoir pour en presser l'effet; et quand il fut décidé par le conseil de guerre d'abandonner ce pays, je fus chargé de l'assurer de notre prompt retour, et de le prier d'en informer tous nos amis.
New-York, 28 janvier 1785.
II
Atteste, le général Schuyler, commandant en chef le département du Nord, que durant la dernière guerre, il a fréquemment reçu des exprès du sieur Cazeau, portant des intelligences importantes, et xpi'il a envoyé des papiers en Canada, à la réquisition du congrès, pour être distribués parmi les habitants, lesquels papiers ses exprès avaient ordre de livrer au sieur Cazeau...
Albany, 27 juillet-1785.
III
Louis Cook^ lieutenant-colonel dans l'armée des Etats-Unis, commandant un corps de sauvages, certifie que le sieur Cazeau était riche et faisait un grand commerce avec les nations sauvages... ; qu'il se servit de son influence sur les sauvages pour qu'ils restassent tranquilles, ce qui eut son effet...; qu'il a constamment communiqué avec le sieur, Cazeau et a reçu de lui des intelligences fidèles...; que quand les différentes proclamations furent envoyées en Canada, de la part du marquis de La Fayette, par Paul, Jean-Baptiste et Thomas, trois sauvages en voyés à cet effet, il leur était ordonné de les remettre au sieur Cazeau...
New-York, 3 mars 1785.
Précis de la réclamation du sieur Cazeau, ci-devant négociant à Montréal-en-Canada.
François Cazeau, de la province d'Angoumois, porta, en 1753, ses capitaux et son industrie dans le Canada, alors possession française : fixé à Montréal, il forma quatre autres maisons de commerce, ou grands magasins (1), à différentes distances, pour l'approvisionnement général de là colonie : il établit plusieurs comptoirs chez lès nations sauvages, pour la traite des pelleteries. Son commerce devint immense ; sa loyauté Jui gagna l'affection générale ; il acquit beaucoup ae considération parmi ses compatriotes, et une grande influence chez les sauvages.
Citoyen et guerrier, il prit part à tous les événements de la guerre de 1754 ; il combattit sous-les ordres de MM. de Lévi, de Montcalm, de Lu-signan...
A la paix, il passa en France, pour connaître les intentions du gouvernement sur la cession
de la colonie, abandonnée à l'Angleterre ; il apprend, dans les bureaux des ministres, qu'on n'a cédé qu'aux circonstances ; il se décide à repasser en Canada, et reporte à ses frères cet espoir consolant du retour à la mère patrie.
Il travaille constamment à préparer et augmenter les moyens de coopérer utilement à cette révolution ; bientôt les troubles de la nouvelle Angleterre lui en annoncent le moment prochain. Il apprend que deux émissaires, envoyés secrètement, promettaient l'appui de la cour de France au congrès, qui se formait alors à Philadelphie. Cette certitude le détermine à se déclarer l'ami de la liberté ; il se charge de la lettre d'invitation que le congrès adresse aux Canadiens ; il la fait circuler dans la colonie par ses commis et ges agents ; il s'assure des nations sauvages, et n'oublie aucun moyen de disposer les esprits; il établit des intelligences avec les Américains... Des corps de troupes sont envoyés en Canada, il les approvisionne a crédit, et facilite leurs opérations-
Une autre corps d'armée, envoyé par le congrès, entre en Canada. « Je vous supplie (dit le général Washington, dans une lettre adressée au sieur Cazeau, et qui lui fut rémise par le colonel Antill), « je vous supplie de pourvoir à tous « les besoins de cette armée; je vous garantis « ma foi et mon honneur pour une bonne et « ample récompense, aussi bien que pour votre « sûreté et repos... » Le sieur Cazeau se livre à cette invitation... Il approvisionne et alimente l'armée à crédit; il donne ordre à ses commis, et à ses agents de livrer à crédit aussi, aux Canadiens qui voudraient s'enrôler, tout ce qui leur serait nécessaire en habillements, armes et pro-. visions. L'armée est ainsi recrutée et augmentée de trois corps de troupes de Canadiens, qui ont resté constamment au service du congrès.
Par les soins et les intelligences du sieur Cazeau, des partis ennemis sont surpris et défaits, des conspirations contre les généraux américains sont découvertes, et les projets du gouvernement britannique éventés et prévenus. Il empêche la jonction des armées de Burgoyne et de Clinton, et prépare le succès de l'affaire de Saratoga.
Enfin, le sieur Cazeau voit paraître ouvertement cet appui promis, et si désiré, de la cour de France ; il reçoit l'agréable nouvelle du traité, signé le 6 février 1778, entre la France et les Etats-Unis. En novembre, le père Germain, exjésuite, lui envoie, de la part de M. d'Estaing, une proclamation au nom du roi, adressée aux habitants du Canada, ses anciens sujets, dans laquelle il dit : « Je déclare formellement, au nom « de Sa Majesté, qui m'y a autorisé, et qui m'a « ordonné de le faire, que tous ses anciens su-« jets de l'Amérique septentrionale, qui ne re-« connaîtront plus la suprématie de l'Angleterre, « peuvent compter sur sa protection et son « appui. »
Sur des assurances aussi positives, le sieur Cazeau ne garde plus aucune mesure; son dévouement lui fait oublier tous les dangers qu'il court... Il gagne des officiers anglais ; s'assure, par leurs moyens, de la reddition d'une place importante, et du gain de la première bataille qui se donnera ; il fait parvenir au congrès des avis réitérés sur les opérations qu'il a concertées. Un guide trahit un de ses envoyés ; le sieur Cazeau lui-même est soupçonné et mis en prison... L'or coule de ses mains ; ses gardes deviennent ses agents ; il continue de recevoir et
donner des instructions et des avis ; sur ses instances au congrès, il est décidé que l'on enverra une armée en Canada, sous les ordres de M. de La Fayette ; M. de La Fayette députe trois sauvages, pour porter au sieur Cazeau une proclamation, propre à disposer les esprits ; mais le sieur Cazeau reçoit en même temps l'affligeante nouvelle qu'Arnold s'était oppose au départ de M. de La Fayette, et qué son sentiment avait prévalu.
Cependant les biens du sieur Cazeau sont confisqués, son fils est emprisonné, sa famille dispersée.
Infatigable au milieu de ces revers, il continue ses intelligences, gagne des espions, et fait de nouvelles tentatives auprès du congrès ; mais il apprend que le général Washington a sollicité lui-même inutilement le départ de M. de La Fayette ; il apprend la trahison d'Arnold... Alors il se décide à se procurer à lui-même la liberté qu'il avait procurée à quantité de prisonniers. Il s'évade.
La paix est faite ; les Canadiens sont, une seconde fois, abandonnés à l'Angleterre.—Le sieur Cazeau, ainsi proscrit et privé de toute sa fortune, porte au congrès le tableau de ses pertes. Ce Sénat, par sa résolution du 6 février 1783, reconnaît les services du sieur Cazeau en ces termes : « Nous reconnaissons que le sieur « Cazeau possédait une fortune considérable « dans le Canada, qu'il prit de bonne heure un « parti décidé en faveur de la révolution amé-« ricaine ; qu'il a rendu des services signalés à « notre armée dans ce pays, par des suppléments « de provisions et autres fournitures, qui lui « ont tourné à pure perte ; qu'il a de plus fait « tous ses efforts pour rendre^ de plus grands « services, quoique sans succès; que sa con-« duite et ses principes lui attirèrent le ressen-« timent du gouvernement anglais, et occasion-« nèrent la séquestration de ses biens, l'empri-« sonnement de sa personnèî^celui de son tils, « et d'autres outrages ; qu'il s'est échappé de sa « prison, et qu'après avoir lutté contre plusieurs « dangers et fatigues, il est arrivé parmi nous, « destitué de tout. »
« Qu'il paraît, par d'autres témoignages res-« pectables, que le sieur Cazeau avait de « grandes propriétés dans le canada, et « une influence marquée parmi ses gonci-« toyens, et qu'il a été ruiné par son atta-« chement a la cause des états-unis. »
On régla provisoirement les comptes des avances particulières faites par le sieur Cazeau, et le payement en fut ordonné ; mais l'intendant des finances (Robert Morris), au lieu d'effectuer ce payement, n'offrit au sieur Cazeau que du papier perdant 85 0/0. Le sieur Cazeau refusa une si odieuse composition; il sollicita, mais il fit de vains efforts; il ne put vaincre la résistance de ce financier et ses collègues; enfin il se décida a venir en France réclamer la compensation des pertes que son patriotisme et les promesses de son roi lui ont fait éprouver.
11 est constant que le sieur Cazeau a exposé sa vie, a sacrifié une fortune considérable* pour servir sa patrie : il a tout perdu pour réunir à cette mère chérie une colonie puissante qui le désirait : il est constant qu'il ne s'est exposé à ces sacrifices, que dans l'intention de ce retour, que sur la foi du traité, signé le 6 février 1778, entre la France et les Etats-Unis; il est constant surtout qu'il ne s'est livré à un abandon absolu
et sans réserve, que sur les promesses solennelles du roi « d'accorder protection et appui à * tous ses anciens sujets qui ne reconnaîtront plus « la suprématie de VAngleterre. » Enfin la ruine du sieur Cazeau n'a commencé et n'a été consommée qu'après cette promesse solennelle ; — il en réclame l'exécution.
Ce serait, sans doute, affaiblir les expressions de cette promesse, que de les commenter; car si la protection et l'appui que le chef d'une grande nation promet à son sujet, en l'invitant a secouer un joug étranger, et s'unir avec une nation dont il s'est déclaré l'appui, ne l'engagent à rien; si ce n'est pas là un contrat obligatoire et sacré, il ne faut plus parler d'engagement, d'équité, ni de justice.
L'Angleterre n'avait fait proclamer que de simples invitations, etc., cependant elle s'est crue engagée. A la paix, elle a accueilli, indemnisé et récompensé, non pas seulement quelques individus, mais tous les réfugiés; elle a donné le spectacle intéressant de quarante mille citoyens, entretenus pendant trois ans aux dépens du Trésor public, et payés pendant ce temps de toutes les pertes, légalement constatées, faites par chacun d'eux. Cette politique n'est pas seulement noble, elle est naturelle, humaine et juste : elle est prévoyante. Une nation qui récompense, trouve partout des amis.
La France, de son côté, n'a pas été moins généreuse : en réglant ses comptes avec les Etats-Unis, elle leur a fait l'abandon de cinq années d'intérêts des 35 millions qu'elle leur avait avancés. Elle a de plus, postérieurement à la paix, consenti un cautionnement solidaire, au profit de la Hollande, pour toutes les sommes que cette république avait avancées aux Etats-Unis.
D'après ces principes, le sieur Cazeau devait espérer la justice qui lui est due ; aujourd'hui, il l'attend avec confiance de la sagesse de l'Assemblée
nationale: sa réclamation est l'exécution de ses décrets. C est l'application de ses principes. — Le sieur Cazeau a servi sa patrie de tout son pouvoir, de toutes ses facultés ; il a bravé tous les dangers, il a exposé sa vie, il a tout perdu en se livrant aux promesses de son roi ; il a entraîné dans sa ruine des amis zélés, qui sont restés ses créanciers de sommes considérables; sa famille est errante; ils souffrent depuis dix ans tous les besoins. — Il est donc juste d'indemniser le sieur Cazeau.
La France, rigoureusement, serait obligée, seule, à cet acte de justice; Jfgelle y est obligée solidairement. Il y aurait de la générosité, à elle, d'indemniser le sieur Cazeau de la totalité des sacrifices, faits uniquement pour servir la patrie, et sur la foi des promesses solennelles du chef de cette mère commune ; l'intérêt politique l'exigerait même... Mais dans ce moment, où chacun s'empresse de faire des sacrifices à la chose publique, le sieur Cazeau sent qu'il est de son devoir, et c'est selon son cœur, d abandonner son sort à la sagesse de l'Assemblée, et il se plaît à borner lui-même sa réclamation à la demande de la moitié des pertes qu'il a essuyées, et à une indemnité proportionnées aux pertes également réelles, aux privations de toutes espèces éprouvées, depuis dix ans, par lui et toute sa famille. -— Le sieur Cazeau ose prier de plus l'Assemblée nationale de vouloir appuyer sa demannde auprès du congrès, pour faire effectuer le payement de l'autre moitié de ses pertes et sacrifices, de même que le solde du compte des avances qu'il a faites pour les troupes des Etats-Unis.
La justice, l'humanité, l'honneur, le patriotisme, toutes les vertus qui dictent les décrets de l'Assemblée nationale, lui sont des sûrs garants du succès de sa réclamation.
' Signé : CAZEAU.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Note des décrets (1) sanctionnés par le roi ou dont Sa Majesté a ordonné Vexécution.
« Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, la note des décrets sanctionnés par le roi ou dont sa Majesté a ordonné l'exécution.
dates des décrets.
titres des décrets.
dates des sanctions.
30 décembre 1791. Décret relatif à la nomination des fonctionnaires publics.
18 février 1792. Décret qui ordonne une nouvelle convocation des assemblées primaires, pour l'élection des juges de commerce de Lyon.
18 février 1792. Décret relatif à l'achèvement du Panthéon français. 24 février 1792. Décret relatif à la reconstruction du pont d'Amboise. .
21 février 1792. Décret relatif à la fourniture d'une ration de 4 onces de viande
fraîche par jour, aux sous-officiers et soldats actuellement sur pied.
22 février 1792. Décret portant qu'il n'y a pas lieu à accusation contre le sieur
Jean Gircourt, vicaire à Audun-le-Tiche.
26 février 1792.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécn-tion le 24 février. 24 février 1792.
24 février 1792.
24 février 1792.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 24 février.
(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 356, la remise de cette note par le ministre de la justice.
datés des décrets.
24 février 1792.
24 et 25 février 1792.
titres des décrets.
dates des sanctions.
17 et 27. février 1792.
28 février 1792.
Décret qui défend provisoirement l'exportation des laines, co- 26 février 1792. tons, peaux et cuirs.
Décret contre les fabricateurs de faux assignats et fausse 27 février 1792. monnaie.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 29 février.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 29 février. 29 février 1792.
20 février 1792. Décret d'accusation contre le sieur Dulery.
26 février 1792. Acte d'accusation contre le même.
Décret relatif à l'augmentation de traitement à accorder aux gens de guerre prêts à entrer en campagne.
Décret portant que les aspirants au corps du génie seront incessamment interrogés sur les principes de la Constitution.
« Paris, le 3 mars 1792. « Signé : M. L.-F. DUPORT. »
29 février 1792.
Séance du
présidence de m. mathieu-dumas, président, et de m. guyton-morveau, élu président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 3 mars 1792, au matin.
Il donne ensuite lecture des pièces suivantes :
1° Deux pétitions des officiers municipaux de la ville de Laon, département de VAisne, dont l'objet est de faire affecter au département de la guerre, pour le logement des troupes d'infanterie et pour un hôpital militaire, les bâtiments nationaux de la ci-devant abbaye Saint-Martin, de Laon. Ces pétitions^ contiennent aussi la réclamation de la somme de 1,336 1. 13 s., à laquelle sont arbitrées les dégradations commises par les gardes nationales en garnison à Laon.
(L'Assemblée renvoie ces deux pétitions au comité militaire.)
2° Lettre des administrateurs du directoire du département de Rhône-et-Loire. justificative de plusieurs faits qui leur ont été imputés dans une pétition présentée à la barre de 1 Assemblée par un officier municipal de la ville de Lyon (1).
Cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président,
« Nous apprenons que, dans une dénonciation faite à l'Assemblée
nationale, un officier municipal de Lyon a osé accuser le directoire du
dé-
« Quel avantage n'aurions-nous pas eu, si nous eussions été appelés à combattre la calomnie face à face, sur l'arène même où elle nous a poursuivis. C'est devant des législateurs, vrais appréciateurs du civisme, que nous eussions eu à en rappeler les maximes et à en produire les exemples, dans ces mêmes arrêtés dont on se sert pour nous rendre insidieusement suspects. Mais la dénonciation et l'outrage ont été publics ; la discussion qui en sera faite dans le conseil du roi ne le sera pas.
« Nous avons été accusés aux yeux de tout l'Empire, tout l'Empire doit être desabusé. Nous commencerons par le fait relatif à M. Imbert, l'un des membres de l'ancien directoire. Il publia en 1791 un écrit sur les affaires du temps. Il crut pouvoir jouir des droits de la liberté de la presse. Il n'aurait excité l'animadversion d'aucune autorité, s'il n'eût été administrateur. G'est parce qu'il l'était que la municipalité l'a fait arrêter. Le directoire, avant cette arrestation, avait prouvé publiquement qu'il désavouait les principes de son ouvrage, et un arrêté imprimé et affiché avait rempli ce but.
« N'y a-t-il pas tout à la fois de la noirceur et de la perfidie à
vouloir insidieusement faire entrevoir quelques liaisons entre
l'événement de la fuite de Focard emportant 246,700 livres des fonds
destinés pour les fonctionnaires publics (1),
« N'est-il pas révoltant de leur faire un crime d'un événement qui fit naître dans le sein de l'Assemblée nationale la question de savoir si le directoire serait ou non responsable; n'en est-ce pas trop pour les administrateurs d'avoir été menacés de la responsabilité, avant que d'avoir acquis la certitude du recouvrement du vol? Nous laissons aux âmes droites et sensibles le soin de scruter l'odieuse immoralité d'un semblable reproche, et l'atrocité du soupçon que l'on veut jeter sur une administration qui faillit être la victime de cette infidélité. »'
« Nous sommes avec respect, etc.
Signé : Les administrateurs du directoire du département de Rhône-et-Loire. »
Messieurs, vous voyez combien sont faux les reproches faits au directoire de Rhône-et-Loire. Les corps administratifs ont besoin d'être soutenus. On est allé jusqu'à dire que les administrateurs étaient d'intelligence avec les émigrés de Coblentz. Si vous ne leur donniez pas dans ce moment une approbation, leurs places deviendraient sûrement vacantes et ont courrait le danger d'y voir des hommes, qui n'offriraient aucune sûreté à l'opinion. Je demande l'insertion entière de l'adresse au pro-cès-verbal ou du moins une mention honorable de la conduite du directoire.
Nous ne pouvons pas croire un directoire sur sa parole. Le pouvoir exécutif étant chàrgé d'examiner la dénonciation faite par la municipalité de Lyon, je demande le renvoi de cétte adresse au pouvoir exécutif afin qu'il termine promptement cette affaire.
Un membre : Cette affaire est terminée ; le pouvoir exécutif a confirmé l'un des arrêtés dont le département a présenté les motifs et la justice.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour).
Je viens de recevoir une adresse des habitants de la commune de Montignac-le-Coq, canton d Aubeterre. Je demande à en faire lecture. (Assentiment.)
« La voici :
« Monsieur le Président,
La patrie ne sera pas anéantie par le retard dans le recouvrement des impôts ainsi que nos lâches ennèmis l'espèrent; car les Français abhorrent les tyrans et peuvent tout entreprendre pour l'affermissement des lois et de la liberté.
« Cependant, les hommes qui ne payent pas deviendront criminels de lèse-nation et se livreront d'eux-mêmes à toute l'animadversion publique.
« Ce qu'ayant considéré, Monsieur, et nous trouvant en retard pour la faction de nos matrices de rôles, nous avons fait compter au caissier de notre district 6,000 livres pour le complément des mandements de 1791, envoyés le 15 janvier 1792, par notre directoire; ils s'élèvent en foncier et mobilier à 8,970 1. 19 s. Nos
citoyens ont acquitté 1789 et 1790. Ils ont payé l'acompte de 1791 et aussi les deux premiers termes d'une contribution patriotique de 2,568 livres. Ils demeuraient en reste du troisième terme, 792 livres. Nous l'avons fait compter à la même caisse; le droit de patente s'est élevé pour 1791 et 1792 à 296 livres. Nous y avons aussi fait verser cette somme.
« Il nous demeure, Monsieur le Président, deux offres à faire à l'Assemblée, pour contribuer aux frais de la guerre :
« 1° Vous trouverez inclus le mandat de tous nos citoyens, pour valeur de l'impôt des six mois de 1789, sur nos privilégiés, de 638 livres;
« 2° Nous avions des besoins pour des avantages de .localités, nos biens nationaux nous furent vendus, par un décret de l'Assemblée nationale, du 29 décembre 1790, 2,706 livres; la revente s'est élevée à 9,200 livres; il nous revient, pour notre seizième, 575 livres. Les besoins de la patrie nous font oublier les localités, et vous trouverez inclus le mandat de notre conseil général de la commune, pour pareille somme.
« Veuillez, Monsieur le Président, accepter les faibles preuves du patriotisme de 120 laboureurs qui veulent obéir aux lois, et qui aiment, au-dessus de toute chose, la Constitution et l'Assemblée.
« Des voix civiques... Eh! pourrait-il y en avoir d'autres dans le temple ae la liberté? demanderont peut-être, pour notre offre et nos avances, une insertion au procès-verbal. — Ce serait sans doute très honorable; mais nous n'avons fait que ce que nous devions, et nous ne lisons pas le procès-verbal.
« Veuillez nous accuser réception, Monsieur le Président ; et quand, dans mille années, nos successeurs municipaux chercheront sur nos registres les faits du temps présent, ils apprendront, en lisant votre lettre, que quels maux que l'on aura pu dire des hommes au xvin® siècle, il en était cependant qui savaient aimer leur patrié. (Vifs applaudissements.)
« Nous avons l'honneur cl'être très respec- tueusement.
« Monsieur le Président,
« Vos très citoyens les officiers municipaux de Montighâc-le-Coq.
« Signé : vlgeant fils, maire; Mer-let, Olivier, Menudier, Jou-bert, officiers municipaux ; Martin, procureur de la commune; Duchier, secrétaire-greffier. ;
« A Montignac, le 21 février, l'an IVe de la liberté. »
Plusieurs membres. Mention honorable et insertion au procès-verbal !
(L'Assemblée accepte le don des citoyens de Montignac-le-Coq, décrète que leur lettre sera insérée au procès-verbal, qu'une expédition de ce procès-verbal leur sera envoyée, et charge son Président de leur écrire au nom de l'Assemblée en témoignage de sa satisfaction.) j
La députation du département de la Côte-d'Or vient d'être informée par le directoire du district de Dijon, que le recrutement de l'armée se fait avec célérité dans ce district, et y produira 4 ou 500 hommes. Les administrateurs nous Ont aussi adressé
un procès-verbal qui contient des faits dont l'Assemblée entendra le récit avec intérêt; je vais lire la partie de ce procès-verbal où ils sont rapportés : « MM. Agnau, Legrand, Bernard Viard, citoyens d'Ahuy, se sont présentés les premiers pour contracter engagement dans les troupes de ligne, en demandant au commissaire de leur indiquer celui des régiments dont le poste est le plus près de la frontière, afin, ont-ils dit, d'être plus tôt en face de l'ennemi, et ils ont choisi le 7e régiment de chasseurs à pied, en garnison au Fort-Louis sur le Rhin. (On applaudit.) Un tel dévouement a singulièrement contribué au succès du recrutement. (Les applaudissements recommencent.)
M. Ghaussenot fils, citoyen de Messigny, ayant contracté engagement, sa mère s'alarmant de ce dévouement employait les moyens que l'attachement de ce jeune nomme pour elle lui donnait pour l'engager à se retirer. M. Chaussenot père, informé de ce fait, vint trouver MM. les officiers municipaux, et leur dit: que si sa femme empêchait son fils de faire son devoir, il était résolu à partir lui-même plutôt que de souffrir qu'il ne se trouvât pas dans sa famille un homme fidèle à ce que tout citoyen doit à sa patrie. (Applaudissements.) Cette conduite patriotique a levé toutes les incertitudes de M. Ghaussenot fils. (Applaudissements réitérés.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!
(L'Assemblée décrète, au miliéu des applaudissements, la mention honorable de ces faits au procès-verbal.)
Un membre : Dans la ville du Puy département de la Haute-Loire, le succès du recrutement est si complet que tous les hommes sont enrôlés pour l'armée, et l'enthousiasme est tel que les femmes elles-mêmes demandent qu'on leur forge des piques pour la défense de la ville. (Applaudissements.)
Plusieurs membres: Mention honorable!
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention au procès-verbal des succès du recrutement dans la ville du Puy.)
, au nom du comité d'inspection de la salle,. fait un rapport sur la demande du sieur Janson l'aîné, relative à l'exécution de la messe en musique qu'il a composée, en mémoire de Mirabeau, et dont il fit hommage à l'Assemblée le 7 décembre dernier (1); il s'exprime ainsi :
Un artiste, M. Janson l'aîné, a fait hommage à l'Assemblée nationale, le 7 décembre dernier, d'une messe en musique à grand orchestre, intitulée: Messe pour Mirabeau et pour les représentants de la nation qui ont bien mérité et qui mériteront bien de la patrie. Il a prié l'Assemblée nationale d'ordonner que le second jour du mois d'avril prochain sa messe fût exécutée aux frais de la nation, à Saint-Eustache, paroisse de Mirabeau. Il a demandé que l'Assemblée nationale y assistât par commissaires; qu'il lui fût permis, après l'exécution de son ouvrage, d'en déposer la partition aux archives comme une faible marque de son respect pour la Constitution, et de son attachement à la loi.
L'hommage offert par M. Janson a été agréé, et la mention honorable au
procès-verbal ordonnée.
A la veille de l'exécution d'un projet que l'Assemblée a adopté avec cet enthousiasme qu'elle sait manifester quand on lui parle des hommes qui ont consacré la liberté, votre comité d'inspection a pensé qu'il ne devait point autoriser une dépense qui vous paraîtra excessive, sans préalablement vous en avoir rendu compte. Il a été frappé du nombre prodigieux d'ouvriers et d'artistes qu'il faut employer pour l'exécution de ce projet, qui vous a été présenté. Il sait, Messieurs, que tout ce qui a rapport à Mirabeau ne doit point être ordinaire; mais comme il sait aussi que cette pompe funèbre n'ajoutera rien à la gloire de cet homme immortel, il lui a paru indispensable de vous observer qu'une somme de plus de douze mille livres, peut-être, versée au sein de l'indigence, sera plus utilement employée qu'en un vain appareil religieux. Mirabeau a reçu, pour ainsi dire, les honneurs divins, ils lui ont été décernés par la patrie reconnaissante; ne les affaiblissons pas, Messieurs, en suivant l'impulsion d'un artiste qui a plutôt consulté son propre intérêt que la gloire de la nation.
Au reste, Messieurs, votre comité attend la décision de l'Assemblée qui sera la règle de sa conduite.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je demande qu'il soit mis une somme de trois mille livres à la disposition de M. Janson pour faire exécuter sa messe.
Cette messe ne peut avoir que deux objets : 1° l'utilité publique; 2° la gloire de Mirabeau. Or j'observe que l'utilité publique ne se trouve certainement point dans cette messe et que, quant à la gloire de Mirabeau elle n'a sans doute pas besoin de nouvelles cérémonies pour être complète. Je ne crois pas que l'Assemblée se soit engagée à faire exécuter la messe de M. Janson aux frais de la nation; je demande l'ordre du jour ou le rapport du décret
Lorsque l'Assemblée a adopté les propositions contenues dans la pétition de M. Janson, elle a seulement entendu accepter l'hommage qu'il faisait de sa messe; car cette messe peut rester cent ans dans les archives sans être exécutée, je demande qu'on passe à l'ordre du jour, motive sur ce que 1 Assemblée nationale, en acceptant l'offre de M. Janson, n'a entendu accepter que l'offre de la partition de cette messe, pour être déposée aux archives, sans rien préjuger sur l'exécution de cette partition.
(L'Assemblée considérant, d'une part, l'excès de la dépense, et de l'autre, que la mémoire de Mirabeau, vivant à jamais dans le cœur des bons citoyens, est au-dessus de tous les honneurs qu'on pourrait lui rendre, passe à l'ordre du jour.)
Voici une lettre des citoyens des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau de Paris, qui disent avoir été calomniés par uû placard affiché dans Paris et intitulé : Adresse au roi par les ouvriers de Paris. Les citoyens pétitionnaires, au nombre de plus de 60,000, indignés des sentiments qu'on leur prête, demandent à être admis à la barre à une séance du soir pour présenter une adresse à l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront entendus mardi soir.)
Un membre demande l'admission à la barre d'une députation de citoyens de la ville de Hon-fleur.
(L'Assemblée décrète qu'elle sera admise mardi soir.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une note de M. Camus, archiviste, qui annonce que M. Du- pain-Triel, géographe connu, fait hommage à l'Assemblée des objets suivants, qu'il a fait remettre aux Archives :
1° Une carte de la navigation intérieure de la France, telle qu'elle est établie, soit par les rivières, soit par les canaux existants ; on y a joint l'indication de plusieurs canaux projetés ;
2° Un atlas minéralogique de la France, contenant une carte générale qui indique l'état de la France pour cette partie, et plusieurs cartes particulières qui indiquent les diverses espèces cle minéraux qui ont été fouillés, ou qui peuvent Têtre, dans les départements du royaume. Ces cartes ont été rédigées d'après les mémoires de MM. Guettard et Lavoisier.
(L'Assemblée nationale décrète la mention honorable de cet hommage au procès-verbal.)
Voici les nouveaux membres du comité d'agriculture :
MM. Broussonnet, Fillassier, Lequinio, Moreau, Avelines, Rogniat,Larroque-Labécède, Collas, Sébire, Boisseau, Gobillard, Lemesre.
Suppléants : MM. Carpentier, Ruamps, Bernier, Fossard, Briand, Pantin.
Ceux du comité de commerce sont :
MM. Emmery, André, Caminet, Siau, Delaizire, Espérou, Girard,
Vanhœnacker, Guérin, Destrem, Vidalot,Dupuy-Montbrun. Suppléants : MM. Frasey, Langlois (Guillaume), Martin (Etienne), Lassabathie père, Jolly, Cappin.
Ceux du comité militaire sont :
MM. Coustard, Delmas,
Gouvion,
Lacombe-Saint-Michel, Blanchard, Hugot, Gasparin, Hébert-Montfort, Lolivier, Dupetitbois, Bezançon-Perrier, Delacroix.
Suppléants : MM. Soubrany,Descrots-Destrées, Dubois-du-Bais, Aréna, Bourzès.
Je reçois la note suivante :
« M. Navier a l'honneur de faire passer à M. le Président la somme de 630 livres que M. Cazotte, premier lieutenant-colonel du 2e bataillon des volontaires nationaux du département de la Côte-d'Or, offre à la patrie. Ces 630 livres forment les appointements de M. Cazotte, pendant 4 mois. Ce vieux et brave officier, décoré de la croix de Saint-Louis, riche de son patriotisme et de son amour pour la liberté, renonce à son traitement et n'ambitionne que l'honneur de servir sa patrie. (Applaudisse-ments.)
« Signé : Navier.
(L'Assemblée, en acceptant le don de M. Cazotte décrète qu'il en sera fait' mention honorable dans le procès-verbal et qu'une expédition en sera envoyée à ce brave et généreux citoyen.)
se plaint de la négligence des membres préposés à surveiller la fabrication des assignats.
, au nom de la commission établie pour la surveillance de la fabrication des assignats, fait une motion tendant à l'augmentation des membres de cette commission, et il propose qu'il soit ouvert une souscription à deux des membres qui voudront se vouer à une partie aussi intéressante.
(La discussion est ouverte sur cette motion.)
Un membre propose une augmentation de 12 membres dans le comité des assignats et monnaies.
Sur ces diverses propositions, l'Assemblée consultée décrète :
« 1° Que la commission chargée de la surveillance de la fabrication des assignats sera réunie au comité des assignats et monnaies, dont elle formera une section;
« 2° Décrète, en outre, que cette commission sera renouvelée par la voie de la souscription des membres de l'Assemblée, qui voudront en faire partie, et qui, à cet effet, auront énoncé leur vœu, sur les registres du comité des assignats et monnaies. »
Tout ce qui prouve à l'Assemblée nationale que la confiance publique l'environne, et que le patriotisme de tous les citoyens la seconde, tout ce qui est propre à la soutenir à la hauteur des difficultés des circonstances pù nous vivons, doit être connu d'elle. Permettez donc que je vous lise quelques lignes d'une lettre de M. Bosserran, maire de Viïleneuve-sur-Lot, au département de Lot-et-Garonne; elle vous prouvera que les citoyens de ce département sont dignes des éloges que vous avez déjà donnés à
leur dévouement patriotique; mais elle vous prouvera aussi que ce pays, menacé du plus grand des désordres, exige Ja plus prompte sollicitude de l'Assemblée nationale.
« Tout est en mouvement ici pour la recrue de Varmée de ligne; si on ne mettait pas un frein à l'impétuosité de notre jeunesse, elle disparaîtrait totalement pour se rendre aux frontières. (Applaudissements.) Je suis persuadé, et même certain, que le nombre des recrues de ce département s'élèvera à plus de 2,000, malgré que nous nous montrions très difficiles sur la taille, sur la santé et sur la connaissance du domicile, et malgré que nous croyions prudent de retenir un très grand nombre de citoyens toujours prêts à faire respecter la loi et à maintenir la tranquillité publique... »
« Mais la rareté du numéraire occasionne tous les jours de nouveaux troubles et nous ne savons quoi faire si cette crise continue. Nous n'avons ici ni écus, ni sols, ni petits assignats. Les derniers qui ont été distribués ont disparu, et ceux qui les accaparent les vendent a un prix ruineux. La monnaie de Bordeaux est paralysée pour nous. Nos plaintes ont été portées mille fois à cet égard aux administrations de district et de département. J'ai été forcé dernièrement de renvoyer tous mes ouvriers et manœuvres parce que je n'avais plus de quoi les payer. Je serai bientôt obligé de fermer ma porte aux pauvres, et beaucoup de propriétaires y seront forcés comme moi. Je vous demande ce que deviendraient les gens qui vivent d'industrie et d'aumônes. »
« Nous demandons la prompte fabrication des sous qui doivent être frappés dans la monnaie de Bordeaux, et la prompte distribution des petits assignats, pour soulager enfin les départements méridionaux, déjà très maltraités par la disette alarmante des subsistances. Les agioteurs travaillent le peuplé, et le portent à la violation de la loi.
« Les boulangers se coalisent pour ne prendre les assignats de 5 livrés qu'à 30 où 40 sous de perte, et au moment où cette lettre est écrite, le peuple assemblé sur la place se disposait à faire justice de ces boulangers. »
Je demande que l'Assemblée veuille -bien prendre en considération la situation de ce département et je fais la motion que le ministre des contributions publiques hâte la fabrication des sous dans la monnaie de Bordeaux, et prenne des mesures pour qu'il en soit distribué, le plus promptement possible, au département du Lot-et-Garonne; je demande, en outre, l'émission la plus prompte des petits assignats au-dessous ae 5 livres, seul remède aux désordres de l'agiotage.
Je suis informé par l'administration du département de Lot-et-Garonne que la monnaie de Bordeaux, depuis qu'elle a reçu le cuivre nécessaire pour l'alliage avec le métal des cloches est en très grande activité, et que le département en a déjà reçu une grande partie. Donc le district de Villeneuve, comme les autres districts du département de Lot-et-Garonne, auront eu part à cette distribution. En conséquence, je crois qu'il est inutile de prendre aucune mesure à cet égard-là; c'est le cas de renvoyer cette lettre au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée applaudit au zèle des jeunes citoyens de Villeneuve ; et sur les autres détails contenus dans la lettre renvoie au comité de
législation pour présenter un projet de loi sur les accaparements.)
Je ne sais pourquoi l'on diffère toujours le rapport qui doit être fait sur le mode de séquestre du bien des émigrés. Sans doute l'Assemblée nationale n'a pas voulu mettre ces biens sous les mains de la nation, seulement pour les protéger, mais bien pour indemniser la nation. Je demande qu'il n'y ait plus de retard dans ce rapport, à moins qu on veuille faire croire que c'est en faveur des émigrés que lé décret du séquestre a été rendu. (Applaudissements.)
J'appuie d'autant plus la proposition de M. Merlin que, dans le département a'ille-et-Vilaine, faute de ce mode, on a été obligé d'en déterminer un.
J'appuie la proposition, car dans le département de la Charente deux émigrés ont fait vendre leurs métairies.
Le comité central a mis cet objet, en tête du tableau hebdomadaire qu'il nous présentera demain.
J'invite l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procéder séance tenante à la nomination d un nouveau Président.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder à l'élection d'un Président et rentre en séance un quart d'heure après.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Les membres rentrés en séance, un secrétaire fait lecture d'une pétition du sieur Gilles-Marie Delaunay, entreposeur du tabac à Combourg, département de Vllle^et- Vilaine, appuyée par la municipalité, les directoires ae district et de département, par laquelle le sieur Delaunay réclame une pension en indemnité de l'état qu'il a perdu, et en proportion de son âge, de sa nombreuse famille, et de l'état dé misère auquel il est réduit./.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
2° Pétition du sieur Jean de Saint-Mauris, ci-devant commandant sur les frontières de Suisse. Il expose à l'Assemblée qu'il est âgé de 75 ans, qu'il compte 50 ans de service, 6 campagnes et plusieurs blessures. 11 demande qu'on fixe sa pension.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
3° Lettre de M. Dutremblay, commissaire du roi, près la trésorerie nationale, qui adresse l'état des recettes et des dépenses faites à la trésorerie nationale pendant le mois dernier, et qui observe que la nécessité des différents services publics exige que l'Assemblée nationale veuille bien autoriser promptement la caisse de l'extraordinaire à fournir, à celle du Trésor public, la somme de 40,402,877 livres.
(L'Assembée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
4° Pétition du sieur Simon, ancien receveur des traites à Fougerolles, qui demande une indemnité pour les dégâts qu'il a essuyés depuis la Révolution et une augmentation de retraite.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
5° Lettre des officiers municipaux de Dunkerque, qui expriment leur inquiétude sur ce que le
peuple ne peut pas voir tranquillement les embarquements de blé pour les départements méridionaux, et sur les événements qui peuvent en résulter.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Législateurs,
« La tranquillité de notre ville a été troublée, d'affreux massacres ont été commis dans son sein, les propriétés ont été violées; la vie d'un des citoyens a été menacée. Nous n'interromprions point vos pénibles travaux, pour Vous rappeler ces malhéurs, si nous n'avions sujet de craindre que tout ce que nous avons souffert ne soit que le prélude ae maux plus terribles encore. Oui, augustes législateurs, les ennemis de l'Empire n'ont point encore assouvi leur rage; ils avaient besoin d'un prétexte pour allumer le flambeau de la guerre civile, ils l'ont trouvé. Saris votre secours, sans votre prévoyance, le frère est prêt à s'armer contre le frère; tout accord, toute union sont prêts à se rompre.
« Notre ville est le dépôt de toutes les denréés qu'on expédie pour alimenter les départements du Midi ; devons-nous seuls être exposées à en être les victimes? les embarquements sont nombreux et ont toujours inquiété nos concitoyens : la plaie de 1789 n'est pas encore guérie. Vainement opposons-nous aux incrédules les sages précautions que nous avons prises, pour empêcher les versements frauduleux à l'étranger; vainement représentons-nous que nos frères sont à la veille de manquer de subsistances, si nous ne pourvoyons à leurs besoins; on est sourd à nos réclamations : le cultivateur déclare hautement que là circulation ne peut plus être autorisée, sans qu'avant très peu ae temps nous soyons exposés à la disette la plus ansolue. Cette assertion est accueillie par les sept huitièmes des habitants lésés, tous l'adoptent, tous sont prêts à la défendre.
« On parle ouvertement d'une légion de citoyens prêts à s'armer, si l'embarquement des blés dont notre ville. est en ce moment dépositaire, est ordonné. Lès chefs de la garde nationale ne cessent de nous, assurer que nous ne devons compter sur aucun secours pour protéger les embarquements. Les chefs des troupes de ligne ne nous répondent pas que leurs forces puissent protéger la loi, en cette circonstance ; le soldat, qui n'est que trop disposé à seconder le peuple, se laisse travailler de toute manière, les citoyens qui ont des propriétés à mettre à couvert veulent s'éloigner. Notre ville, qui a toujours été le foyer du patriotisme, de la tranquillité,, sera celle qui donnera l'exemple du désordre et de l'anarchie. Ces maux, vous pourrez peut-être lés assoupir, augustes législateurs, en amenant les habitants de cette ville et de ce département à suspendre les effets funestes de leurs coupables desseins ; Vous n'aurez besoin, pour cela, que de leur opposer une force au-dessus de la leur ; mais une main hardie peut, en un instant, nous enlever au moins 40 millions, et incendier notre port.
« Ce sont-là des maux que nous ne pouvons empêcher ni prévoir; et ce sont cependant ceux dont on nous menace ouvertement. Ce sont ceux qui nous ont obligés de suspendre l'exécution d'une loi, qui pourrait nous priver de nos propriétés.
« Inviolablement attachés à la Constitution, fidèles au serment que nous avons fait de la
maintenir, il nous fallait des motifs de cette force pour suspendre notre résolution et notre penchant. Nos craintes ne sont pas chimériques, elles sont fondées sur des raisons plausibles; notre sort est vraiment digne de votre sollicitude. Si les subsistances appartiennent à la nation, que la nation se charge de les faire refluer des lieux où elles abondent dans ceux où elles manquent, alors les denrées ne seront plus à la merci de l'avidité des spéculateurs, alors l'espoir de vendre plus cher ne déterminera plus le négociant à attendre le moment de la disette pour satisfaire aux besoins des pauvres, alors, enfin, les individus, convaincus que les pères de la patrie se chargent de surveiller leurs besoins, d'y pourvoir, se reposeront avec tranquillité, avec confiance, sur leurs soins.
« A la tête d'une ville immense, qui renferme actuellement pour 100 millions de propriétés en tous genres, nous devons à l'acquit de nos devoirs de vous prévenir des dangers auxquels nous, sommes exposés si vous persistez à vouloir que la loi soit exécutée, nous demandons que des députés de votre sein viennent être témoins de nos efforts, et peut-être, de nos nouveaux malheurs; nous demandons, au nom de notre commune, d'être déchargés de la responsabilité des événements que les circonstances pourraient faire naître. Convaincus qu'en* tout temps le parti qu'on a pris est celui qu'on se plaît à blâmer, nous voulons avoir des témoins respectables de notre conduite, et nous prouverons ainsi à toute la France que nous savons respecter et faire exécuter la loi. »
Nous sommes avec respect, etc.
(Suivent les signatures.)
Plusieurs lettres arrivées de Dunkerque s'accordent à dire que si le port et la ville n'ont pas été réduits en cendres, on en est redevable aux troupes de ligne. Il est démontré que les gardes nationales ont absolument refusé d'obéir aux réquisitions de la municipalité, tandis que les trois régiments qui composent la garnison, par leur zèle, leur courage et leur activité, ont protégé seul les propriétés des. citoyens et le fort qui est une propriété nationale. , ,
Trop souvent cette salle a retenti de dénonciations faites contre les troupes de ligne...
Plusieurs membres : JamaisI jamais !... A l'ordre I à l'ordre 1
L'un des régiments qui; est en garnison à Dunkerque a été dénoncé comme aristocrate.
et plusieurs autres membres : Non, non, les officiers !
Monsieur le Président, je vous prie de me maintenir la parole.
Vous avez la parole.
OU n'est pas aristocrate quand on défend les propriétés et qu'on exécute la loi; je demande que l'Assemblée saisisse cette occasion pour témoigner sa reconnaissance aux troupes de ligne qui, partout où il y a dès troubles, protègent constamment les propriétés; en conséquence, je demande que l'on fasse mention honorable de la conduite des trois régiments qui sont en garnison à Dunkerque, et qu'il leur soit envoyé un extrait du procès-verbal avec une lettre de satisfaction de M. le Président.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
D'après la lettre qui vient de vous être lue, je crois qu'il est moins question de se reporter aux événements passés, que de prévenir les malheurs dont la ville de Dunkerque est menacée. Je demande donc, comme l'objet est instant, que la lettre soit envoyée aux comités d'agriculture et de commerce, qui seront autorisés à se faire remettre, par le ministre de l'intérieur, tous les avis officiels qu'il a reçus de celte ville et des environs, afin que, mardi prochain, s'il est possible, les comités d'agriculture et de commerce puissent vous faire un rapport, et vous mettent en état d'adopter des mesures définitives.
Les comités d'agriculture et de commerce ont arrêté des bases sur cet objet, et j'en pourrai faire le rapport mardi.
(L'Assemblée renvoie la lettre de la municipalité de Dunkerque au comité d'agriculture et ae commerce réunis, et ajourne le rapport à mardi.)
Plusieurs membres demandent la question préalable sur la proposition de M. Calvet.
Un membre : 11 est impossible de croire que la garde nationale de Dunkerque ait refusé d'obéir aux réquisitions de la municipalité. Je demande qu'on regarde cette allégation comme une calomnie jusqu'à ce que M. Calvet ait prouvé, par des lettres officielles, que les gardes nationales ont refusé de défendre les propriétés des citoyens.
L'Assemblée ne doit distribuer l'éloge et le blâme qu'après un même examen. Les comités sont chargés de vous faire un prompt rapport; quand ils l'auront, vous jugerez si vous devez louer ou blâmer, en conséquence je demande l'ajournement de la motion de M. Calvet à mardi.
Quant à ce que M. Calvet a dit sur les dénonciations des troupes de ligne, elles n'ont jamais regardé que les officiers, dont la plupart ne sont pas dignes des soldats qu'ils commandent. (Applaudissements.)
Je demande la parole pour un fait, M. Calvet vous a dit qu'on était redevable aux troupes de ligne seules de la sûreté de la ville de Dunkerque; j'ai reçu plus de trente lettres qui m'ont rendu compte des désordres qui y ont eut lieu; toutes s'accordent à donner es éloges aux troupes de ligne ; mais la garde nationale n'a pas refusé de prendre les armes pour défendre les propriétés des citoyens. Une grande partie s'est rendue aux réquisitions de la municipalité ; mais ces citoyens ont été désarmés par la foule ameutée avant d'avoir pu se réunir. On assure encore que si les troupes de ligne et les gardes nationales eussent été requises plus tôt, elles auraient pu se réunir et agir de concert.
D'après cela, je demande que M. Calvet soit rappelé à l'ordre pour avoir calomnié les gardes nationales.
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
(L'Assemblée décide, à une petite majorité, de passer à l'ordre du jour.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, fait un rapport et présente trois projets de décret relatifs aux marchés passés par le ministre des contributions publiques avec divers fabricants de
papiers et à la surveillance de la fabrication des assignats ; il s'exprime ainsi :
Le comité des assignats et monnaies, a pris communication des marchés faits par le ministre des contributions publiques, et qu il a remis hier sur le bureau ; la nécessité de hâter le plus qu'il est possible la fabrication des assignats, nous a déterminé à vous proposer les projets de décrets suivants :
Premier projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est pressant d'autoriser toutes les dispositions tendantes à la prompte fabrication des assignats, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que le roi sera prié de nommer 3 nouveaux commissaires qui seront chargés de surveiller, dans les papeteries et imprimeries, concurremment avec ceux précédemment établis par les décrets du corps constituant et avec les commissaires de l'Assemblée nationale, les formes, fabrication et impression des assignats jusqu'à leur versement à la caisse de l'extraordinaire. »
Deuxième projet de décret. « L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Ceux de ses membres qui seront envoyés à Annonay, pour surveiller la fabrication du papier destiné aux assignats de 25 francs dont sont chargés MM. Johannot, y résideront pendant 2 mois. Elle décrète également qu'attendu la distance et pour prévenir les suites de l'indisposition d'un seul commissaire, 2 membres du Corps législatif se rendront ensemble à la pape-trie d'Annonay.
Art. 2.
« Les marchés passés par le commissaire du roi à la surveillance de la fabrication des assi- gnats avec MM. Delagarde, Didot, Johannot et unisson, les 7 et 24 février dernier, visés par le ministre des contributions publiques, le 8 et 26 du même mois, seront déposés aux archives de l'Assemblée nationale. »
Troisième projet de décret. .
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Le comité des assignats et monnaies proposera, dans 3 jours à l'Assemblée nationale, un projet de décret sur le traitement des commissaires du roi chargés de suivre les formes, la fabrication du papier, et l'impression des assignats. »
Je ne sais pas pourquoi l'on ne fixerait pas dans ce moment le traitement des commissaires du roi. Je demande qu'il le soit de suite.
Je demande que vous suiviez, pour la fixation du traitement de ces commissaires, les principes qui vous ont guidés pour fixer le traitement des commissaires de la comptabilité; et que leur traitement soit de 6,000 livres.
(L'Assemblée adopte les 3 projets de décret.)
Voici le résultat du scrutin pour Vélection d'un Président.
Sur 321 votants dont la majorité absolue est de 162, M. Guyton-Morveau a obtenu 223 voix. En conséquence, je le proclame président, et s'il est présent je Finvite à prendre le fauteuil. (Applaudissements.)
prend place au fauteuil.
Présidence de M. Guyton-Morveau.
L'ordre du jour appelle Vadmission à la barre de divers pétitionnaires.
Trois juifs de la ci-devant province d Alsace sont admis à la barre.
L'un deux annonce qu'il est chargé, par les juifs de la ci-devant province d'Alsace, d'instruire l'Assemblée des vexations que leur font éprouver des débiteurs de mauvaise foi et des fanatiques persécuteurs, protégés par l'ancien gouvernement. Il demande : 1° que les citoyens de leur secte ne soient différenciés en rien des autres citoyens dans l'exercice des droits civils ; 2° que le décret de l'Assemblée constituante qui restreint à cet égard l'exercice de ces droits jusqu'à la liquidation de leur créance, soit révo-âué comme blessant la Constitution ; 3° que les deux arrêtés du directoire du département du Haut-Rhin, relatifs au même objet, soient envoyés à la censure du pouvoir exécutif.
répond aux pétitionnaires et leur accorde le3 honneurs de la séance.
Plusieurs membres demandent le renvoi de là pétition au comité de législation.
La tribune de l'Assemblée constituante a retenti plusieurs fois des prétentions des juifs d'Alsace ; et après d'assez vifs débats qui ont produit un décret, je ne sais trop quel degré d'intérêt peut présenter aujourd'hui la pétition.
S'il ne s'agissait que du rapport du décret de l'Assemblée constituante, je tâcherais, en rapportant les motifs qui l'ont dicté, de faire passer l'Assemblée nationale à l'ordre du jour : mais dès que les juifs présentent des plaintes contre des arrêtés du département du Haut-Rhin, je crois qu'elles doivent être examinées, et je ne m'oppose pas du tout au renvoi au comité ; mais ce que je crois devoir observer dès à présent, c'est que ces arrêtés, loin de prêter à l'arbitraire, comme les pétitionnaires le prétendent, ne sont rendus que pour exécuter le décret même, et c'est pour cette raison, sans doute, que les juifs n'ont pu trouver encore, et ne trouveront pas, j'espère, un accès facile au ministère. Je ne m'oppose donc point au renvoi au comité ; mais je me réserve de démontrer le ridicule de celui qu'ils demandent au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition au comité de législation.)
Une députation de cinq citoyens de la, section des Lombards est admise à la barre.
L'orateur de la députation se plaint de l'activité des accapareurs qui semblent se coaliser plus que jamais pour soustraire à la classe la plus nombreuse et la plus intéressante de la société, les matières premières et les denrées de toutes espèces ; il dénonce les caisses dites patriotiques et la Caisse d'escompte qui ont émis des billets pour des sommes énormes, sans garahtie raisonnable, et qui amènent par leur réunion
la cherté effrayante des premiers objets de consommation.
Les résultats les plus malheureux sont à craindre.
Le peuple est bon, mais il connaît ses forces, ses droits à la justice comme à la liberté, et il saura faire trembler ses ennemis sous quelque livrée qu'il se cache.
Les pétitionnaires demandent : 1° une loi sévère sur les accaparements ; 2° l'accélération de l'émission des petits assignats; 3° la prescription de tous ces billets des caisses particulières; 4° une loi contre l'exportation du numéraire à l'étranger ; 5° défense à tout particulier de faire frapper en son nom aucune espèce de monnaie; o° que les moyens les plus prompts soient employés pour faire rentrer les contributions publiques; enfin, 8° la nomination par les citoyens des commissaires de la comptabilité. (.Applaudissements).
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie leur pétition aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances Téunis.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, par laquelle il annonce à l'Assemblée qu'il a été brûlé hier à la caisse de l'extraordinaire 7 millions d'assignats provenant de la vente des domaines nationaux, lesquels, joints au 418 millions déjà brûlés, forment la somme de 425 millions; il donne, en même temps, le détail de la somme des assignats qui restent en circulation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui demande la décision de l'Assemblée sut le remplacement d'un des administrateurs du directoire et du procureur-syndic du district de Blois, qui ont donné leur démission et qu'aucun membre du conseil n'a voulu suppléer.
(L'Assemblée, sur le renvoi déjà fait au comité de division par son décret du 22 février dernier, décrète que le comité fera son rapport sur cette question à la séance de mardi soir.)
Une députation de citoyens de la section de la Fontaine-de-GreneUe est admise à la barre.
Vorateur de la députation se plaint avec énergie de ce que certains citoyens veillent sans cesse sous les armes pour la défense des propriétés et le maintien de l'ordre public, tandis qu'un grand nombre d'autres, qui comptent parmi les plus riches de Paris, et qui jouissent ae ces services, non seulement ne partage pas le service actif dans la garde nationale, mais encore insulte à ces nobles fonctions. Il démontre les dangers des remplacements dont l'abus et la perpétuité vont jusqu'au scandale; il demande que tout citoyen actif, soit qu'il exerce ou non ce droit, soit tenu de faire personnellement son service dans la garde nationale et que ceux qui s'y refuseront plus de trois fois soient condamnes à une amende 'graduée en raison de leur cote d'imposition de leur négligence prolongée, laquelle amende sera destinée à pourvoir aux besoins de la commune et au soulagement des pauvres; il demande encore que les fonctionnaires publics salariés qui ne peuvent pas rem-
plirce service personnel soient imposés proportionnellement et il conclut ainsi : « Il faut que tous les citoyens sachent qu'il est plus honorable deveiller dans la guérite nationale à la sûreté publique que de passer les nuits dans des maisons ae jeux. (Vifs applaudissements.)
répond aux pétitionnaires et leur aceorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de législation et militaire réunis, et ajourne le rapport à la séance de mardi soir.)
Je profite de la pétition qui vient de vous être présentée pour faire une motion d'ordre sur le même objet.
Messieurs, tant que nos ennemis se tourmentent en tous sens, pour avilir nos gardes citoyennes, tant que des manœuvres sans cesse multipliées, sollicitent sans cesse une activité nouvelle dans le service, ne serait-il pas de notre patriotisme, de notre reconnaissance pour les citoyens de Paris, de nous obliger par un décret solennel, à fournir comme les autres citoyens, un homme au service de la capitale, quoique dans nos départements nous acquittions déjà cette dette sacrée du citoyen? Oui, Messieurs, nous le devons. Par là nous donnerons à l'Empire une preuve éclatante de notre fraternité civique, et un grand exemple à ceux dont le zèle paraît se ralentir. Nous ferons connaître combien nous estimons et chérissons les gardes nationales qui ont si bien mérité de la patrie, car, Messieurs, c'est en s'attachant au peuple, en s'identifiant, pour ainsi dire, avec lui, qu'on parvient à lui inspirer les sentiments fraternels et héroïques qui sauvèrent tant de fois la plus belle république de l'univers. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande donc que vous chargiez l'un de vos comités de vous présenter incessamment un rapport sur cet objet.
Un membre : Je réponds au préopinant que chacun de nous, est remplacé dans son département et qu'à Paris les membres de l'Assemblée ne pouvant pas faire personnellement le service, le décret qu'il demande serait à peu près illusoire.
Je saisis cette occasion pour'dire que cela existe déjà puisque je sers depuis longtemps et en personne dans le bataillon de Saint-Jacques-l'Hôpital.
On ne se vante point ainsi de faire son devoir... -
Plusieurs membres ; L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à i'ordre du jour.)
Une députation de citoyens est admise à la barre et dénonce, dans une pétition, des abus qui se commettent au Mont-de-Piété.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des pétitions.)
Le sieur Ninnin, ancien médecin des armées et inspecteur général des hôpitaux militaires, est admis à la barre.
Il exposé qu'ayant servi pendant 25 ans en qualité de médecin inspecteur des hôpitaux de Farinée, aux appointements de 10,000 livres, la pension à laquelle il a droit en vertu des décrets de l'Assemblée constituante n'aurait pas du être réduite et il donne les raisons qui doivent déterminer une taxation plus forte.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de législation et de liquidation réunis.)
Le sieur Louis-Maximilien Sohier, accompagné de deux dames, est admis à la barre.
,secrétaire, donne lecture de leur pétition par laquelle ils reclament leur fortune qui, disent-ils, est entre les mains des ministres et implorent l'intervention de l'Assemblée pour le recouvrement des droits qui leur appartiennent et des titres qui les établissent.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des pétitions.)
Le sieur Pierre Nanin, serrurier-machiniste, est introduit à la barre et fàit hommage à l'Assemblée, par l'organe du sieur Louis Corbeau, capitaine d'artillerie, de plusieurs inventions propres à perfectionner l'artillerie ; il offre notamment de faire des pièces de canon en fer battu, présente un moyen pour enclouer les canons et demande que les épreuves en soient faites.
(L'Assemblée renvoie l'examen de ces inventions au bureau de consultation des arts et manufactures).
Le sieur Nanin demande de plus le remboursement d'une somme de 14,000 livres qu'il prétend lui être due pour solde d'un manœuvre qui devait lui être fourni aux frais du roi, suivant un marché, conclu en 1785 et qu'il a cependant payé lui-même pendant deux années.
(L'Assemblée renvoie cette réclamation au comité de liquidation.)
Le sieur Louis Corbeau remet ensuite de son chef une lettre par laquelle il réclame l'expédition d'un rapport qui le concerne dont le comité de liquidation est chargé.
Il rappelle que ce comité est saisi des titres qui lui donnent droit au remboursement des frais qu'il a faits pour servir la patrie alors qu'il avait été envoyé en qualité de pacificateur dans le Comtat-Venaissin.
(L'Assemblée renvoie la lettre du sieur Corbeau au comité de liquidation.)
répond aux sieurs Nanin et Corbeau et leur accordent les honneurs de la séance.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée différentes lettres que lui ont écrites les commissaires dans les districts de Compiégne et de Noyon, le directoire de ce dernier district, celui du département de l'Oise, et celle que le directoire du district d'Etampes à écrite à M. d'Affry. La lettre du ministre de l'intérieur est ainsi conçue :
« Paris, le 4 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« Le département de l'Oise vient de m'adresser différentes pièces, que lui ont écrites ses commissaires dans les districts de Compiégne et de Noyon, et pour le directoire de ce dernier district. Je m'empresse de vous en envoyer copie.
« Je reçois, dans ce moment, une lettre de
M. Daffry, qui m'envoie copie de celle qui lui est écrite par le directoire a'Etampes. La situation où se trouve cette ville exige une force imposante pour y rétablir l'ordre; et je ne doute pas que M. le ministre de la guerre, aussitôt qu'il aura été instruit de cette affaire, n'ait employé tous les moyens dont il aura pu disposer. » Je suis, etc.
Signé : cahier.
Copie de la lettre écrite au ministre de Vintérieur par le procureur général syndic du département de l'Oise, le 3 mars 1792.
« Monsieur, j'ai l'honneur de vous faire passer la copie de la dernière lettre que nous recevons de MM. les commissaires.
« Le jeune homme qui les accompagnait vient d'arriver, et nous annonce leur retour pour ce soir ou demain. Tout est tranquille. Lès nouvelles dont on avait si mal à propos entretenu l'Assemblée nationale, se réduisent à une équipée de quelques mauvaises têtes dans un seul village. Cela n'a eu ni suite ni imitateur ; mais à Noyon, où l'on a pris l'habitude de s'effrayer de tout, on a fait d'une sottise très particulière, un projet de contre-révolution générale.
« J'espère que moyennant quelques précautions prises avec le commandant de la garde nationale, nous n'aurons pas aujourd'hui te moindre bruit dans notre marché. J'ai déjà eu lieu de remarquer dans plus d'une occasion, qu'il suffisait d'ébruiter ces projets de tumulte, quelque temps auparavant, pour les faire tomber, et jusqu'ici l'administration, quoiqu'elle n'ait pas d'espion, a toujours eu le bonheur d'être informée dès menées de tous les amateurs de pillage. »
Copie de la lettre écrite à M. d'Affry, par le directoire de district d'Etampes, le 3 mars 1792.
Le. directoire a lu avec peine votre lettre de ce jourd'hui, qui nous annonce la distraction momentanée de 50 hommes de la compagnie du 18° régiment, actuellement à Etampes. Nous avons l'honneur de vous instruire que 6 communes de notre district, composant environ 5 à 600 hommes, se sont rendues à Etampes ce matin, armés de piques, bâtons, fusils et autres instruments, ont repoussé la garnison et la gendarmerie nationale, se sont emparé du marché, et ont, tant à coups de sabre qu'à coups de fusil, tué le maire de notre ville (Mouvement d'horreur), blessé le procureur de la commune et un honnête citoyen.
« Une pareille insurrection nous fait craindre que le detachement de 50 hommes ne soit repoussé en rentrant; mais notre obéissance aux ordres et à la loi nous impose silence.
« Nous avons, à l'instant, instruit le département de cet événement. Nous sommes, etc. »
(Suivent les signatures.)
, secrétaire, donne lecture d'autres pièces dans lesquelles les administrateurs du département de l'Oise se plaignent de ce qu'au moyen de ces troubles on trouve le secret de les distraire des objets essentiels de leur administration, pour tourner toute leur attention vers
les moyens d'étouffer ou de prévenir les mouvements populaires; et ils ajoutent que si l'Assemblée ne prend pas un parti pour donner force à la loi, le désordre et l'anarchie perdront la chose publique.
Il résulte encore de ces lettres que les mouvements sont apaisés, que les bateaux arrêtés à Ourscamps, à Attichy et à Choisy-au-Bac ont été chargés et que leur départ à pu être effectué. Des malveillants ne cessent de semer des alarmes dans les esprits et d'exciter des mouvements qui ont pour objet de troubler les marchés, tant aux environs de Beauvais qu'ailleurs.
Les administrateurs parlent avec éloge des diverses troupes qui ont été employées à cette expédition, notamment des chasseurs à cheval et d'un autre régiment. Il paraît que les chas-, seurs à pied n'ont pas mérité le même témoignage, non plus que les bataillons de volontaires de l'Yonne ; car les administrateurs annoncent qu'on n'ose pas compter sur, les premiers et que les deux bataillons de volontaires doivent être remplacés par deux autres qui sûrement seront mieux disciplinés.
La circulation des subsistances, la rareté du numéraire, élèvent tous les jours de nouveaux troubles, de nouvelles séditions dans toutes les parties du royaume ; les progrès de l'anarchie sont effrayants. Il est digne de FAs-semblée nationale de s'occuper des causes qui la produisent. Gés causes sont indiquées dans le compte très détaillé qui vous a été rendu par le ministre de l'intérieur, le 18 février dèrnier. Je propose en conséquence de nommer une commission spéciale pour faire un rapport général sur les causes des désordres et présenter un projet de loi sur les moyens de maintenir l'ordre public, d'assurer force à la loi et de conserver intactes les personnes et les propriétés. (Appuyé! appuyé!)
Un membre : Il est certain que les troubles se manifestent dans plusieurs endroits. A Etampes des malintentionnés se sont rendus au marché, ont fixé le blé, et ont promis qu'ils reviendraient demain pour le fixer encore. Je demande que le ministre de la guerre soit tenu de prendre des mesures pour prévenir ces désordres.
Je demande le renvoi au comité de surveillance. Le pouvoir exécutif a connaissance de tous ces faits, et il serait coupable s'il n'avait pas pris des mesures.
Plusieurs voix : C'est juste !
Je demande que le ministre de l'intérieur rende compte demain des mesures qu'il aura prises.
Nous avions tout fait pour réprimer les troubles religieux, les plus alarmants de tous. Un veto a arrêté toutes nos mesures. Un renvoi à cet égard est donc inutile.
Votre décret sur les troubles religieux a bien été frappé de veto; mais ce décret ayant été rendu comme d'urgence, est susceptible d'être rapporté dans la même session, et vous pouvez y substistuer des mesures nouvelles.
Plusieurs membres demandent qu'il soit établi une commission pour s'occuper exclusivement de tout ce qui concerne les subsistances et les troubles religieux.
(L'Assemblée renvoie au comité de surveillance en ce qui concerne le meurtre du maire d'Etampes, décrète que le ministre de l'intérieur rendra compte demain des mesures qu'il a
prises. Elle renvoie, en outre, au comité d'agriculture pour lui faire incessamment un rapport sur l'obiet important des subsistances, et au comité ae législation pour s'occuper, toute affaire cessante, de lui présenter un projet de loi pour mettre fin soit aux troubles religieux, soit a ceux qui peu vent naître de toute autre cause.)
Le sieur Guilbert, sculpteur, et un autre citoyen sont introduits à la barre.
Le sieur Guilbert présente une pétition par laquelle il dénonce la vicieuse administration des entrepreneurs en chef des ouvrages publics et notamment les entrepreneurs du Panthéon français.
11 observe que, bien que le département de Paris en eût confié la surveillance à M. Quatre-mère, alors administrateur, les abus aussi nombreux que préjudiciables à la chose publique qui s'y étaient introduits n'ont point été réprimés ; il demande, en conséquence, que l'Assemblée veuille bien s'en faire rendre compte et statuer ce qu'elle jugera nécessaire.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des pétitions.)
Le sieur Florence, oratorien, est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage dont il est l'auteur, intitulé : La ConstU tution française, expliquée pour les habitants de la campagne, ou entretiens familiers sur les principaux articles de la Constitution.
répond au sieur Florence et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte l'hommage, décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal et renvoie l'ouvrage au comité d'instruction publique.)
Le sieur Philippe Audois, habitant de Gonesse, est admis à la barre et se plaint, dans une pétition qu'il présente à l'Assemblée, d'une condamnation injuste prononcée contre lui, et d'une perquisition illégale faite dans sa maison. Il demande crue l'Assemblée lui indique le tribunal auquel il doit s'adresser pour obtenir justice.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des pétitions.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du dimanche 4 mars 1792.
adresse du conseil général de la commune de lyon, lue à VAssemblée nationale dans la séance du 13 février 1792, par joseph chaliër, officier municipal et député extraordinaire de la municipalité, l'an IVe de la liberté (2).
Messieurs,
Des bords du précipice où le despotisme veut
nous engloutir, nous venons implorer votre secours pour nous garantir du coup funeste qui menace la Constitution et la liberté.
Le directoire du département de Rône-et-Loire accable la municipalité de Lyon par des arrêtés aussi odieux qu'injustes. Aurait-il été séduit par les insinuations perfides des ennemis de la Révolution, jusqu'à se persuader qu'il était de son devoir de nous ôter la confiance du peuple?
Serait-ce l'effet d'une vengeance particulière? serait-ce le projet de tout asservir, en faisant taire la loi pour eux, et en l'invoquant pour perdre les prétendus ennemis?
La ville de Lyon, malheureusement agitée par des conspirateurs de tous les genres depuis l'aurore de la liberté française jusqu'à ce moment, n'a résisté à leurs violents efforts que par la surveillance continuelle des officiers municipaux : ils ne vous diront pas que pour obtenir la tranquillité et la sûreté de la seconde ville du royaume, ils ont sans cesse à lutter contre la ruse, la force, le mensonge et la calomnie ; qu'ils n'ont pas craint de s'attirer, même aux dépens de leur intérêt particulier, la haine et la colère d'hommes aussi puissants par leurs richesses que par les places qu'ils avaient occupées. Ces hommes entourent le département, et ne cessent de lui représenter la municipalité comme une hvdre qu'il faut anéantir. Peùt-etre ont-ils été écoutes depuis le moment où la municipalité se vit contrainte de faire mettre en état d'arrestation le sieur Imbert, membre du département, pour avoir voulu, par un écrit incendiaire, troubler la tranquillité publique; peut-être que l'arrestation du sieur Olivier, secretaire des bureaux du département, convaincu d'avoir eu une correspondance funeste à notre tranquillité, a concentré l'esprit de vengeance dans tous les bureaux du département. Eh ! comment la municipalité aurait-elle pu agir d'une autre manière, sans compromettre la sûreté et le repos de nos concitoyents? elle avait les preuves les plus évidentes, que plusieurs secrétaires du département étaient coalisés avec les émigrés et les conspirateurs de l'intérieur du royaume. L'arrestation d'un seul lui fit penser que les coupables d'un rang plus élevé seraient intimidés et rentreraient aansleur devoir. Les espérances s'évanouirent, et Focard, premier secrétaire du département; Focard, ce traître à sa patrie, ce voleur impuni, dérobe 246,700 livres, s'enfuit, et porte notre argent à ceux qui veulent faire ruisseler notre sang pour anéantir la liberté. Malgré ce terrible exemple, le sieur Olivier et sa haine restent en fonction dans les bureaux du département. Quoi donc 1 les membres du directoire se laisseraient-ils conduire par* la passion? et tous les maux qui nous accablent en seraient-ils les funestes effets?
La ville est menacée d'une insurrection de la part du peuple, qui se plaignait, avec raison, de la mauvaise qualité du pain et de la difficulté d'avoir des farines; aussitôt la municipalité arrête, d'après des essais multipliés sur la panification, que les boulangers ne feront plus qu'une seule espèce de pain ; elle en taxe le prix, et le proportionne à celui du blé; en même temps les moulins à blé sont rapprochés de l'endroit où le courant de l'eau est plus ra-pide. Que fait le directoire du département ? ien loin d'applaudir à-sa conduite, il la blâme hautement, et fait murmurer le peuple et triompher les méchants.
La municipalité n'a-t-elle pas essuyé le même
blâme lorsque, pour épargner à la commune un loyer annuel de 600 livres pour un corps de garde, elle en fait construire un pour 2,300 livres, 'une structure aussi belle qu'avantageuse ?
Dans les mêmes temps, des prêtres intéressés, plus factieux que fanatiques, cherchent, au nom de la religion, à mettre le désordre au milieu des familles et des couvents; celui de la propagation est le foyer de la conspiration. Avertie par le directoire du district, que le repos et la sûreté étaient sur le point d'être troublés, elle nomme des commissaires pour rétablir l'ordre. Le directoire du département, à peine est-il informé par ses satellites des moyens que la municipalité a pris pour rétablir la paix, qu'il taxe par un arrêté, ses démarches de vexatoires, et la représente comme l'instrument de la plus affreuse inquisition.
Une autre espèce de couvent plus utile à nos concitoyens, est au même instant en proie aux fureurs des prêtres acharnés à tout détruire. Des dénonciateurs multipliés apprennent à la municipalité les cruautés qu'on exerce sur les enfants qui ne veulent pas adopter la manière de penser des hypocrites et des religieuses fanatiques. Le corps municipal nomme des commissaires, et le conseil général de la commune des administrateurs, pour régir la maison de la Providence, maison de charité et d'éducation gratuite.
La tranquillité commençait à renaître, lorsqu'un arrêté imprévu du directoire du département, contraire à l'avis du district et dicté par les anciens administrateurs, amis et protégés du département, enjoint, en termes injurieux, de ne plus s'immiscer de la régie de cette maison, afin qu'il soit laissé, dit-il, à chaque enfant et religieuse liberté d'opinion et de culte,..
Quelle est donc cette marche insidieuse, où, sous le spécieux prétexte de la défense de la loi, on en assassine les défenseurs ?
Le même esprit ne dirige-t-il pas le département dans toutes les actions, lorsqu'il fait un crime à la municipalité d'avoir empêché les prêtres de l'Oratoire de dilapider toute la maison au collège, au moment où ils croient apprendre leur destruction?
Des officiers municipaux s'opposent à l'enlèvement des meubles qui appartenaient à la ville ; ils mettent les scellés sur la bibliothèque, sur le médaillier, sur le cabinet de physique expérimentale ; ils en assurent, par cette forme légale, la propriété... Eh bien! le directoire du département censure publiquement leur conduite, il fait lever les scellés ; il va même jusqu'à vouloir les faire regarder comme pertubateurs de l'ordre social, et violateurs des droits de l'homme ; ainsi il cherche à vouer la municipalité au mépris public et à l'infamie.
A la vue de cet arrêté, n'est-il pas permis de croire qu'il existe une coalition funeste entre les prêtres et les membres du directoire? Qu'on se transporte dans nos murs, on y verra 3,000 prêtres étrangers s'agitant de mille manières, et sous toutes les formes possibles, pour y faire naître l'esprit de fanatisme et ses fureurs. Toujours le tribunal du district s'est plu à trouver les coupables innocents; toujours le département a déployé sa force pour mettre leur repaire à l'abri de nos recherches ; toujours il a rendu nos efforts inutiles, lorsqu'il a fallu arrêter les progrès de l'incendie qui ne cesse de s'accroître.
O coalition perfide! c'est toi qui as encore soufflé le poison de la discorde, lorsque, d'après une délibération du corps municipal, il a fait
abattre les armoiries des ci-devant barons chanoines de Saint-Just. placées au-dessus du portail de leur église. Quoi donc ! parce qu'il a obéi à la loi, le directoire du département a l'impudeur de le traiter de Goths et de Vandales, et de le faire passer aux yeux du peuple, par des placards incendiaires et multipliés, pour indigne de la confiance, et capable d'enfeindre toutes les lois !
A tant de moyens destructeurs, quelles armes la municipalité a-t-elle opposées? la patience, le courage et l'obéissance. Nos ennemis, désespérés de l'impossibilité de nous anéantir tant que nous serions unis, dressent un nouveau plan 'attaque; ils livrent un combat sanglant à chaque membre de la municipalité,
Le directoire du département reçoit la plainte d'un sieur Meynis, contre deux officiers municipaux, pour l'avoir invité, d'après une dénonciation de se rendre à la municipalité, afin de découvrir l'auteur d'un nouveau genre de poignard. Comme il devait servir de modèle à plusieurs autres, et qu'il fallait empêcher la fabrication d'une arme aussi meurtrière, le coutelier et Meynis sont entendus ; le procès-verbal en est dresse; l'arme est remise à notre greffe; et, d'après un arrêté du corps municipal, le sieur Meynis et le coutelier sont envoyés à la police correctionnelle. Malgré cette marche légale, le directoire arrête quil est permis à Meynis de prendre à partie les deux officiers municipaux ; il les traite d'infracteurs de la loi et les livre au tribunal qui les attend.
Le poignard Meynis n'était pas le seul que l'on devait nous plonger dans le cœur ; il s'en fabriquait d'une autre espèce, moins apparente, mais plus meurtrière : c'était la suspension injuste d'un officier municipal Joseph Chalier, que le directoire du département préparait dansles ténèbres.
Deux honnêtes citoyens vont à dix heures du soir dénoncer au juge de paix qu'il se fabrique de faux mandats chez les frères et sœur Lacroix, il ne peut s'y transporter ; il les invite d'aller trouver l'officier municipal chargé de la police. Ce dernier effrayé des dangers qui menacent la fortune publique, et connaissant l'invitation du juge de paix, n'hésiste pas de satisfaire au désir des dénonciateurs ; il se rend chez Lacroix : il n'y trouve aucune trace de faux mandats, et le rassure contre toute espèce de soupçon.
Qui de vous, Pères ae la patrie, pourrait se persuader qu'une visite faite sans bruit, sans scandale, et où l'officier municipal a développé la plus grande douceur est l'unique cause delà suspension ? Il est temps de tout dévoiler : cette visite n'est qu'un vain prétexte pour le directoire du département, dans la vue de satisfaire la haine et d'assouvir la vengeance.
Si l'officier municipal n'avait pas toujours été le plus ardent défenseur de la Constitution et de la liberté; s'il n'avait pas constamment joui de l'estime et de l'amitié de tous les patriotes ; s'il n'avait jamais déjoué les intrigues ténébreuses et les noirs complots des méchants, le directoire du département aurait approuvé sa conduite. Une telle action pouvait-elle produire tant d'injustice? Le département veut des coupables, où est celui de nous qui ne l'est pas à ses yeux? Mais qu'il tremble devant la nation entière; qu'il sache que la municipalité est prête à verser son sang, plutôt de s'avilir et de devenir esclave.
Sages législateurs, détournez de dessus nos têtes le fer homicide du despotisme ; vengez la
loi offensée, et rétablissez l'harmonie qui doit exister entre les corps constitués ; un seul instant de retard peut coûter bien des larmes à la patrie. Signé : Yitet, maire; Vingtrinier, Perret, hapuy, Henri, Nivière-Chol, Arnaud Tifon fils cadet, Sicard, Lange, Bounard, Chalon, Rivaux, Morenas, Guret, Picard, Breton, Garron, Gleyfe ; Champagneux, sustitut du procureur de la commune.
Henri, Barbier, Allegret, Lafont, Gorreard, Bil-lièmas, Forel, Frappa, Favèl aîné, Budin, Bour- get, Viallet, J. Ant. Caire, Dubost, Delorme, Du-ois, Richard aîné, David, Berthier, Guillot, Rey-naud, Baudot, Aubry, Dumont, Soulary, Barbe-ret, Lespinasse, Monnet, Ghazot, Pilot, Allard.
Séance du
présidence de m. guyton-morveau.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture au procès-vérbàl de là séance du samedi 3 mars 1792, àu soir.
Il donne ensuite lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre du sieur Jean Auger, ci-devant receveur des droits d'entrée de la vUle de Poissy, département de Seine-et-Oise, et des droits de la caisse pour les marchés aux bestiaux : il réclame les secours provisoires accordés par l'Assemblée nationale à tous les employés supprimés par les décrets des 3 mars, 31 juillet et 20 novembre 1791, en attendant qu'on ait fixé définitivement leur traitement ou pension.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au pouvoir exécutif.)
2° Lettre du sieur Delgorgue, commissaire du roi prés le tribunal criminel du département -du Pas- de-Calais, en daté du 1er mars présent mois.
L'objet de cette lettre, est d'annoncer que d'après une ordonnance dé ce tribunal, il fait passer à l'Assemblée les pièces d'une affaire dont l'instruction a été commencée contre un particulier prévenu d'avoir engagé dès cavaliers du 6e régiment de chasseurs à cheval, en garnison en la ville d'Aire, à se rendre avec lui à Pope-ringue, ville des Pays-Bas autrichiens, sous promesse qu'il leur serait donné, par le ci-devant Abbé de Saint-Bertin de Saint-Omer, une paye de 35 sols, et beaucoup d'argent s'ils s'y rendaient avec chevaux et armes. Le tribunal ajoute que cette affaire n'ayant pas paru .de la compétence des tribunaux criminels ordinaires, il avait pensé que l'Assemblée nationale pouvait seule porter le décret d'accusation, contre rce particulier, détenu en état d'arrestation dans la maison de justice du département, où il a été transféré.
Un membre demande que la lettre et les pièces qui s'y trouvent jointes soient renvoyées au comité de surveillance.
(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces au comité de surveillance.)
3° Mémoire des propriétaires de là forge de Coat-Annoz, près Belle-Ile-en-Terre, district de Guin-gamp, département des Côtes-du-Nord ; ils demandent des secours.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette pièce au comité d'agriculture.)
4° Lettre de la municipalitd d'Evreux qui de- mande l'autorisation de transferer Thopital et les Enfants-Trouves dans l'ancienne raaison des Capucins de cette ville.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'extraordinaire des finances.)
Messieurs, je vais vous donner connaissance d'un arrêté pris le 25 février dernier, parle directoire du district de Saint-Claude, au département du Jura. Cet arrêté était précédé d'une lettre datée d'Allemagne, le 13 du même mois, et signée l'abbé Delanoue, ci-devant noble et chanoine émigré. Elle était adressée à M. Grillet, vice-président du directoire du district de Saint-Claude. Son auteur verse des larmes sur le sort de la France préparant, par sa révolte, tous les maux imaginables qui fondront sur les citoyens égarés. Il assure avoir vu un plan de propagande rédigé par quelques factieux français et signé par Wandernoot, chef de la révolution brabançonne, puis s'adressant aux officiers municipaux et àdr ministrateurs de district, il s'exprime ainsi :
« Vous n'ignorez certainement pas, Messieurs, que le complot exécrable dirigé par lès ennemis e la France, vient d'avorter au moment de son exécution; mais vous n'ignorez certainement pas non plus que les factieux ne perdent pas l'espoir de parvenir à leur but. Heureusement on connaît leurs vues, on sait leurs combinaisons, et le crime qu'ils méditent restera sans effet.,Cependant, comme il pourrait arriver que les scélérats se portassent à quelques extrémités monstrueuses dans une petite ville comme celle que vous habitez, à l'aide de la force armée qu ils ont à leurs ordres, je vous préviens, Messieurs, que les administrateurs du district, ainsi que MM. les officiers municipaux .répondront par leurs corps et biens du moindre événement qui arrivera dans leur ressort. Il existe déjà dans votre ville trois personnes destinées à périr par le gibet, les preuves sont certaines contre elles, et les faits sont avérés. Je désire que le nombre se borne à ces trois têtes. Faire respecter et assurer les propriétés et les personnes, exécuter la Constitution dans tous ses points jusqu'à ce qu'elle ait été améliorée, ne pas vous laisser sé-uire par des factieux qui veulent vous pousser à l'insubordination et à l'anarchie.
« Voilà, Messieurs, ce que je vous recommande ainsi qu'à vos coopérateurs. C'est le seul moyen de conserver vos personnes, vos femmes, enfants, vos biens, et de jouir dans un temps de la considération qu'on conservera aux adminis-teurs qui auront maintenu l'ordre; on fera tous les efforts possibles pour vous, tromper, on vous assurera que les moyens des émigrés sont nuls. Moi je vous certifie que ceux de rAssemblée nationale n'existent que dans l'imagination, nous savons et nous connaissons tout ce qu'elle peut, tout ce qu'elle trame, et sa prétendue puissance, qui n'existe qu'en idées* disparaîtra comme un souffle à l'aspect de la véritable, de la seule légitime puissance... »
Voix diverses : L'ordre du jour ! Le rénvoi au comité de surveillance !
L'arrêté porte que copie dé cette lettre sera envoyée à la municipalité de Saint-Claude, à M. Dalloz, député à l'Assemblée nationale, et à l'administration supérieure, aved prière d'en faire l'usage que cette adminisftatiori avisera.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité des domaines, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret relativement aux terres concédées au sieur Vironcheaux, par arrêt du 9 juillet 1771 ; le projet de décret est ainsi conçu :
«> L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son [comité des domaines, et les trois lectures du projet de décret par lui présenté dans les séances des 17 et 24 janvier, et 5 mars ; après avoir délibéré qu'elle était en état de décréter définitivement ;
« Considérant que les terres concédées au sieur Vironcheaux, par l'arrêt du conseil du 9 juillet 1771, doivent avoir une étendue fixe et déterminée; que la nécessité de reconstruire les digues d'enclôture détruites par la mer, ne peut légitimer l'avancement qu'il a fait sur des terres qui ne faisaient pas partie de sa concession; considérant, en outre, que l'arrêt du conseil du 7 mars 1790, qui accorde aux pêcheurs des Huttes, hameau de Gravelines, et aux pêcheurs hollandais réfugiés, la jouissance de 40 mesures de terre dans la partie de celles concédées au sieur Vironcheaux, qui serait le plus à leur commodité, renferme une véritable atteinte à la propriété, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'arrêt du ci-devant conseil d'Etat, du 7 mars 1790, rendu en faveur des pêcheurs des Huttes, hameau de Gravelines, et des prétendus pêcheurs hollandais réfugiés, est déclaré nul, et sera regardé comme non-avenu.
Art. 2.
« Il sera fait, à la diligence du procureur général syndic du département du Nord, un me-surage et arpentage exact de l'étendue actuelle des terres dont jouit le sieur Vironcheaux, et qui sont renfermées dans la digue d'enclôture par lui construite.
Art. 3.
« Les experts s'expliqueront sur la nature et la valeur des terres a l'époque de la concession du 9 juillet 1771 ; ils désigneront leur état actuel, en distinguant celles qui sont en production de celles qui ne le sont pas, et en indiquant l'étendue des unes et des autres, même des digues et fossés, pour, en suite dudit procès-verbal, être, par l'Assemblée nationale, statué ce qu'il appartiendra, n'entendant rien préjuger sur la validité ou la maintenue de la concession.
Art. 4.
« Les experts seront nommés ; savoir : la moitié par M. Vironcheaux, et
l'autre moitié par le directoire du département, et les frais de leur
opération seront à la charge du concessionnaire.
«Le présent décret sera envoyé seulement aux corps administratifs du département du Nord. »
Je demande l'observation du règlement qui veut que tous les projets de décret soient imprimés, car j'ai l'intention de combattre celui qu'on vient de vous présenter. Je ne comprends pas qu'on Vienne au commencement d'une séance soumettre à la discussion un objet aussi important, et je me permets de faire remarquer à l'Assemblée les conséquencesdàngereuses qu'un pareil exemple peut entraîner.
, rapporteur. C'est latroisième lecture qui vient d'être faite et je suis étonné des observations de M. Thuriot. Elles ne prouvent qu'une chose, c'est qu'il n'a lu ni le rapport, ni le projet de décret qui sont imprimés depuis bientôt deux mois.
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte le projet de décret.)
Un membre observe qu'il est instamment nécessaire de mettre à l'ordre du jour un rapport sur un mémoire du ministre de là marine, du l9r décembre dernier qui a pour objet le payement arriéré de presque tous les marins.
(L'Assemblée renvoie à la commission centrale, pour mettre ce mémoire à l'ordre du jour le plus proçhaiq.);,.
, au nom des comités du -commerce et d'agriculture et de Vextraordinaire des finances réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur les subsistances; il s'exprime ainsi : .j
Messieurs,
Vous avez renvoyé à vos deux comités d'agriculture et de commerce réunis les différentes propositions qui vous ont été faites pour les subsistances et pour l'approvisionnement des pays méridionaux et dé l'intérieur, dont les récoltes ont été au-dessous des besoins.
Déjà une somme de 12 millions avait été mise à la disposition du ministre de l'intérieur par l'Assemblée constituante, en vertu de son décret du 26 septembre 1791, pour venir au secours des départements.
Le ministre de l'intérieur a présenté à vos comités le tableau des demandes qui lui ont été faites des sommes qu'il, a déjà distribuées par forme d'avances à plusieurs départements. Ces avances^ se montent à 6 millions. Le département du Gers, qui a déjà reçu un secours de 480,000livres, demandeencore 1,800,000 livres ; la ville de Paris 1,200,000 livres; et d'après ces demandes et celles de quelques autres département, près de dix millions sont employés ; il ne reste par conséquent sur les 12 millions mis à la disposition du ministre de l'intérieur qu'environ 2 millions. i
Au moyen de ces secours, quelques départements ont réussi à
s'approvisionner; d'autres ayant éprouvé des obstacles à la circulation
des grains achetés, craignent de voir leur attente trompée ; plusieurs
enfin, et de ce nombre sont presque tous les départements méridionaux,
comptant sur l'abondance des provinces du Nord,
Ces obstacles mis à la circulation en supposant aux chargements par mer, ont privé les pays méridionaux de l'avantage précieux de partager avec leurs frères du Nord une abondance dont ceux-ci se trouveront surchargés à l'approche de la récolte, au grand détriment des agriculteurs de ces contrées, et de l'industrie qui se multiplie toujours en raison des produits.
Par quelle fatalité, ou plutôt par quelle machi-nation^les habitants du Nord se refusent-ils à échanger avec leurs frères du Midi leurs denrées contre des valeurs qui tournent ensuite au profit de l'industrie, du commerce et de l'agriculture 1
Vos comités ont senti que ces obstacles apportés dans le Nord et dans l'intérieur de la France à la circulation, pourraient, lors même que force demeurerait à la loi, retarder d'une manière préjudiciable les approvisionnements du Midi, et exposer ses habitants à manquer de grains ; ils ont cru qu'une grande nation devait quelques sacrifices à la tranquillité publique, surtout lorsqu'il était question des premiers besoins ; ils ont donc pensé que les représentants du peuple, chargés de ses intérêts, devaient veiller spécialement à la subsistance, s'occuper des moyens de porter l'abondance partout où le besoin se faisait sentir; vos comités sont d'avis que l'Assemblée nationale mette le plus promptement à la disposition du ministre de l'intérieur une somme destinée à faire des achats dans l'étranger, en y mettant le plus de célérité et d'économie possible, afin que ces grains arrivant avant l'époque ou au moins dans l'instant des besoins, la tranquillité publique ne puisse jamais être troublée par la crainte de manquer de subsistance. Vos comités ont pensé qu'une somme de 10 millions eût été plus que suffisante, si la défaveur des changes n'était pas au dernier période; mais, par cette raison, ils l'ont portée à 10 millions, pour subvenir à tous les frais nécessaires d'achat, de change et de transport.
Ces grains seront distribués à titre devance, sur la demande qui en sera faite au ministre de l'intérieur par les départements, à qui les districts et municipalités feront passer l'état de leurs besoins.
Quant au mode d'achat et de distribution, vos comités ont senti la difficulté de vous présenter des vues sur la quotité et la progression des demandes à faire, sur l'économie à apporter dans ces achats, et surtout sur la manière de se préserver de ces agents qui, plus occupés de leurs intérêts que de ceux du peuple, savent comme dans l'ancien régime, augmenter leur fortune en raison de la détresse publique. Vos comités ont donc pensé qu'on devait laisser le soin de ces achats à la surveillance du ministre de l'intérieur, sous sa responsabilité, à la charge de s'entourer d'agents éclairés d'une honnêteté et d'une probité reconnues. Ils se sont déterminés à ce dernier moyen, dans la crainte de vous proposer des mesures qui auraient pu contrarier celles qu'exigeraient impérieusement les circonstances, et qui, par le moindre délai ou le moindre obstacle, retarderaient ou arrêteraient un approvisionnement qui doit être fait sur-le-champ.
Il est encore une mesure, qui, quoique minutieuse en elle-même, présente cependant l'espérance d'une circulation plus facile ; c'est de faire accompagner tous les convois de grains, du port où ils arriveront jusqu'au lieu de leur destination, d'un passeport authentique, constatant tout à la fois et la bienfaisance et la volonté nationale. Vos comités pensent qu'à la vue de ce passeport, qui rappelle un bienfait de la nation, il n'est aucun citoyen de l'Empire, qui ne s'emploie de toutes ses forces à faciliter la circulation des grains, bien convaincu qu'il ne peut en manquer, et que la même faveur lui est assurée au premier moment du besoin ; alors il ne reste plus aucun motif de s'opposer à la liberté la plus entière de la circulation.
Plusieurs départements se sont plaints de la grande consommation de blé qui se fait dans les fabriques d'amidon et d'eaux-de-vie de grains ; cependant ces manufactures alimentent et entretiennent un nombre considérable de citoyens, peut-être même de ceux que l'on cherche à égarer, et qui, ne connaissant pas leurs véritables intérêts, apportent des obstacles à la libre circulation d une denrée qui tout à la fois sert à leur subsistance, et à laquelle ils doivent l'augmentation d'industrie qui nourrit leurs familles.
Vos comités sont bien convaincus que la quantité de grains qu'il y a dans le royaume, est plus que suffisante pour les besoins, si rien ne s'opposait à leur circulation ; ils sont de même intimement persuadés, que toutes les lois prohibitives sont contraires aux principes de la liberté et à l'avantage du commerce ; et quoique la défense d'exporter les grains ait déjà été décrétée, et qu'il semble conséquent d'étendre cette défense à l'exportation des amidons et eaux-de-vie de grains, auxquels le blé sert de matière première, ils ne vous proposent cependant qu'avec beaucoup de peine de suspendre provisoirement jusqu'à la récolte prochaine, l'exportation des amidons et eaux-de-vie de grains.
En conséquence, ils vous proposent le projet de décret suivant :
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités d'agriculture, de commerce et de l'extraordinaire des finances, réunis ;
« Considérant qu'il importe à la tranquillité publique d'assurer le plus promptement possible l'approvisionnement en grains des départements méridionaux et de l'intérieur qui peuvent en manquer, décrète qu'il y a urgence :
« Et après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera mis jusqu'à concurrence
de la somme de 10 millions à la disposition du ministre de l'intérieur,
sous sa responsabilité, pour être employés en achats de blé dans
l'étranger destinés à approvisionner les départements, soit méridionaux,
soit de l'intérieur, qui ont annoncé des besoins.
« Art. 2. Le ministre de l'intérieur sera tenu de faire faire ces achats dans les pays étrangers qui offriront le plus d'avantages, soit pour la célérité de l'expédition, soit pour l'économie dans les prix, et d'en rendre compte au Corps législatif.
« Art. 3. Le ministre de l'intérieur demeure chargé de la distribution de ces grains suivant les besoins et les demandes de chaque département, sur les renseignements qu'il se fera don-
ner, aussitôt la publication du présent décret par les corps administratifs.
« Art. 4. Le ministre de l'intérieur rendra compte au Corps législatif, de huitaine en huitaine, des demandes qui lui seront faites, et de la quantité qu'il aura délivrée à chaque département à titre d'avances.
« Art. 5. Les acquits-à-caution et toutes les formalités ordonnées par la loi du 12 février dernier, pour le chargement des grains d'un port de France à l'autre, seront observées, et demeureront communes à tous les chargements qui pourraient se faire sur des rivières et canaux à a distance de cinq lieues des frontières.
« Art. 6. Tous les chargements seront accompagnés d'un passeport conforme au modèle annexé au présent décret, pour constater que ces grains, faisant partie de l'approvisionnement fait par la nation, sont destinés pour tel département.
« Art. 7. L'exportation des amidons et des eaux-de-vie de grains est et demeure provisoirement suspendue jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.
« Art. 8. Le présent décret sera porté à la sanction dans le jour et publié et affiché dans les 83 départements.
APPROVISIONNEMENT NATIONAL
Passeport pour les subsistances.
Laissez passer le nommé (son nom), demeurant à (sa demeure), Conduisant par (eau ou par terré) à (tel endroit, soit municipalité, district ou département), pour le département de (nom du département), la quantité de (nombre des setiers ou quintaux de blé), que vous laisserez librement circuler dans le royaume pour arriver à sa destination, en prêtant assistance toutes les fois qu'il en sera Desoin, conformément aux décrets ae l'Assemblée nationale législative.
A (le lieu), ce (la date).
Je ne m'oppose point au projet présenté par vos comités qui a pour objet de pourvoir à des besoins momentanés et très pressants ; mais il me semble que pour prévenir les embarras et les inquiétudes qui pourraient arriver l'année prochaine et les suivantes, l'Assemblée doit s'occuper, dès ce moment, d'un plan général sur les subsistances. Je demande donc que les comités d'agriculture et de commerce veuillent bien prendre en considération les différents projets qui ont été présentés, et en faire incessamment le rapport.
in et quelques autres membres demandent l'impression et l'ajournement à trois jours.
J'observe que la mission des comités n'est pas remplie puisqu'ils
devaient s'occuper des mesures générales pour assurer les subsistances
de l'Empire et faciliter leur transport dans l'intérieur. La lettre de
la municipalité de Dunkerque, lue hier (1) à l'Assemblée, a été renvoyée
aux comités d'agriculture et de commerce, pour proposer quelques mesures
à ce sujet et cependant, il n'en est nullement question dans le rapport.
Je demande que les comités soient chargés de s'occuper des moyens de
ramener le calme dans cette ville, qui se trouve dans une situation
vraiment alarmante.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des administrateurs du département de RhOne-et-Loire, par laquelle ils recommandent à l'Assemblée deux citoyens qui ont dénoncé les enrôlements faits par le sieur de Bar (1), pour Varmée des princes français émigrés. Elle est conçue à peu près en ces termes :
« Monsieur le Président,
« Deux patriotes, à qui l'on doit la découverte des enrôlements faits pour les princes dans ce département, se rendent près de l'Assemblée. Veuillez, Monsieur le Président, solliciter pour eux les récompenses qui sont dues à ceux qui ont rendu des services à la patrie.
« Nous sommes avec respect, etc.
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
Un membre : J'insiste pour qu'au moins on entende des hommes qui ont servi si utilement leur patrie et je propose de les admettre demain soir.
appuie cette motion.
(L'Assemblée décrète que ces deux citoyens seront admis demain soir à la barre.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, par laquelle il adresse à l'Assemblée la liste des différents tribunaux criminels dont l'installation a suivi son rapport du 18 février dernier.
3° Lettre du sieur Anneton, ci-devant notaire à Beaugency, qui demande à être remboursé d'une somme de 15,000 livres, prix de l'office qu'il possédait.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret sur le mode du séquestre des biens des émigrés; il s'exprime ainsi :
L'Assemblée nationale a cru nécessaire de prendre un grand moyen d'assurer à la nation l'indemnité qui lui était due pour les frais extraordinaires occasionnés par la conduite des émigréB, et pour leur ôter les moyens de nuirè à la patrie; elle a décrété, le 9 février dernier (2), que les biens des émigrés étaient sous la main de la nation et sous la surveillance des corps administratifs. Elle a chargé son comité de législation de lui présenter un mode d'exécution, et les exceptions qui pourraient y être admises.
L'Assemblée nationale s'étant déterminée pour le séquestre, il ne me
reste aujourd'hui qu'à me renfermer dans le cercle qu'elle a trace à son
comité, c'est-à-dire dans le mode d'exécution et dans les exceptions.
Votre comité a d'abord pensé qu'il fallait commencer par empêcher que
Mais, Messieurs, suffirait-il d'établir sur les biens une espèce de saisie dormante ; a-t-il été dans l'intention de l'Assemblée de se contenter de rendre la nation fermière des émigrés, ou simple dépositaire de leurs revenus ? Non, Messieurs, elle a voulu procurer à la nation, sur ces revenus, un secours actuel, une indemnité provisoire du service actif que les citoyens rebelles devaient à l'Etat menacé. Il a- semblé à votre comité que la triple imposition qu'il vous avait proposée n'avait pas été écartée comme une mauvaise mesure, mais comme une mesure insuffisante. Il vous proposera donc de l'ajouter au séquestré général, de prélever actuellement et annuellement sur les biens des émigrés considérés comme absents, une triple imposition foncière et mobilière. Cette triple contribution n'atteindra pas seulement les revenus territoriaux, elle atteindra les revenus de toute espèce, le tout sans préjudice de plus fortes indemnités qui pourraient être la suite et la peine d'une conduite plus coupable encore.
Lorsqu une loi prononce sur un fait qui, par lui-même, n'est pas essentiellement criminel, lorsqu'elle frappe une masse d'individus dont elle ne peut connaître les motifs, ni entendre les défenses, il est indispensable qu'elle admette au moins quelques exceptions, qu'elle prenne quelques précautions de justice, pour que la peine, en atteignant les coupables, ne s'étende pas jusqu'à des citoyens notoirement innocents. Ainsi votre comité n'a pas compris dans les dispositions rigoureuses de son projet, ceux dont l'absence est antérieure à la Révolution, ceux qui ne sont ahsents que pour cause de m'a-1 ladie bien prouvée, ceux qui ont une mission du gouvernement. Peut-être pourrait-il se trouver quelques autres causes d'exceptions également justes. Il a également cru devoir prendre des S récautions en faveur des créanciers légitimes es émigrés, de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs pères ou mères résidant en France et dans le besoin, et de toutes les personnes qui peuvent avoir avec eux des relations. Enfin l'émigration des Français dans un moment où la nation a le droit d'exiger la présence de tous ses membres, étant la cause des dispositions sévères de la loi, cette sévérité doit cesser par la présence ou le retour. Il a été nécessaire, en
conséquence, de déterminer les temps et les considérations auxquelles les biens sequestrés seront rendus aux propriétaires ou à leurs héritiers légitimes ; et tf est par les articles relatifs à cet objet que votre comité a complété et terminé le décret qu'il m'a chargé de vous présenter.
Je terminerai ces réflexions en priant l'Assemblée de considérer qu'il ne sera peut-être pas difficile de former des objections contre le projet de décret dé votre comité î'màis que la difficulté sera de le remplacer par une mesure dont l'exécution ne présente aucun inconvénient. J'ose donc vous proposer le projet de décret que je vais lire, non comme le meilleur, mais comme le moins défectueux de ceux que le comité a successivement examinés.
L'Assemblée nationale, voulant déterminer promptement la manière dont les biens des émigrés, qu'elle a mis sous la main de la nation par son décret du 9 février dernier, seront administrés, et fixer l'indemnité provisoire que la nation a droit de prélever sur ces biens ainsi que les exceptions que la justice exige ; après avoir entendu le rapport de son comité de législation, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Aliénation.
« Les biens des Français émigrés ayant été mis sous la main de la nation par le décret du 9 février dernier, l'Assemblée nationale déclare nulles toutes dispositions relatives à la translation de la propriété, de l'usufruit, ou de la possession décès biens, qui auraient été faites postérieurement à la promulgation du décret du 9 février, ainsi que toutes dispositions qui pourraient être faites par la suite, tant que lesdits biens demeureront Sous la main de la nation.
Art. 2.
Administration.
« Ces biens tant meubles qu'immeubles, seront administrés, de même que les domaines nationaux, par les régisseurs de l'enregistrement, domaines et droits réunis, leurs commis èt préposés, sous la surveillance des corps administratifs d'après les règles prescrites par les décrets des 9 mars, 16 et 18 mai, et'49 août 1791, concernant l'administration des domaines nationaux.
Art. 3.
MeublesV
L'administration, quant aux meubles, se bornera aux dispositions
nécessaires pour leur conservation ; il en sera dressé des états, ou
inventaires sommaires, par des commissaires nommés par les directoires
du district, en présence de deux membres de la municipalité du lieu ; un
double de ces inventaires sera déposé aux archives du chef-lieu du
département.
» Les personnes qui se trouveront en possession actuelle de ces meubles pourront y être conservées, en se chargeant, au bas de l'inventaire, de les représenter à toutes réquisitions, et en donnant caution de la valeur.
« Dans le cas où personne ne se trouverait en possession des meubles ou préposé à leur garde par le propriétaire,, comme aussi dans le cas où les possesseurs ou préposés refuseraient de s'en charger et de donner caution, les commissaires qui procéderont à l'inventaire pourront y établir des gardiens ou pourvoir de toute autre ma à leur conservation.
Art. 5.
Exceptions.
« Ne sont point sujets aux dispositions du présent décret les biens des Français établis en pays étranger avant le 1er juillet 1789; ceux dont l'absence est antérieure a la même époque ; ceux qui se ne sont absentés qu'en vertu d'un passeport, pour cause de maladie ; ceux qui ont une mission du gouvernement, leurs épouses, pères et mères domiciliés avec eux; les gens de mer, les négociants et leurs facteurs, notoirement connus pour être dans l'usage de faire, à raison de leur commerce, des voyages chez l'étranger.
Art. 6.
Moyens d'exécution.
« Dans un mois à compter de la promulgation du présent décret, chaque municipalité enverra au directoire de son district l'état des biens situés dans son territoire, appartenant à des personnes qu'elle ne connaîtra pas pour être actuellement domiciliées dans le département, ainsi que des rentes, prestations et autres redevances qui leur sont dues; le directoire du district fera passer sur-le-champ ces états au département, avec son avis.
Art. 7.
« Le directoire du département, d'après ses connaissances particulières, et sous sa responsabilité, arrêtera définitivement, dans les mois suivants, lia liste des biens qur devront être administrés conformément à 1 article 2. Il fera publier et afficher cette liste, dont il enverra une copie au ministre des contributions, et une autre au commissaire régisseur des domaines nationaux, qui seront tenus, aussitôt après la réception de cette listé, de prendre l'administration des biens y contenus.
Art. 8.
Précautions.
« Pour éviter, dans la confection de ces listes, toute erreur préjudiciable à des citoyens qui ne seraient pas sortis du royaume, les personnes qui ont des biens hors le département où elles font leur résidence actuelle, enverront au directoire du département la situation de leurs biens, un certificat de la municipalité du lieu qu'elles habitent actuellement dans le royaume : ce cer-
tificat sera délivré gratuitement par les municipalités ; mais le secrétaire desdites municipalités sera payé de son salaire par l'administration des domaines séquestrés, à raison de 10 sous par chaque certificat.
Art. 9.
Difficultés.
« Les difficultés qui pourront s'élever sur le fait de l'absence ou sur l'administration des biens séquestrés, seront terminés administrati-vement par les directoires de département, sur l'avis des directoires de district.
Art. 10.
Débiteurs.
« Les fermiers, locataires ou autres débiteurs des émigrés, qui, à raison du séquestre, auraient été forces a des déplacements, soit pour fournir des renseignements, ou pour payer en des lieux où ils n'étaient pas tenus de se trans-I porter, pourront retenir, sur les sommes qu'ils verseront, leurs frais de voyages, et autres indemnités qui leur auront été allouées par les directoires de département.
Art. 1l.
Triple contribution.
« Tous les biens des Français émigrés payeront, par forme d'indemnité du service personnel que tout citoyen doit à l'Etat, une triple contribution principale, foncière et mobilière pendant tout le temps que durera le séquestre, sans préjudice des indemnités que la continuité de l'absence des émigrés ou leurs complots pourraient rendre nécessaires.
Art. 12.
Moyens d'exécution.
« Pour l'exécution de l'article précédent cha-que municipalité sera tenue de fournir un étal. nominatif de tous les absents, réputés émigrés, compris au rôle, tant de la contribution foncière que de la contribution mobilière, et à la suite des noms de chacun elle indiquera le montant de la cote d'imposition pour laquelle ils auront été portés dans les rôles.
Art. 13.
« Les états exigés par l'article 12 seront adressés par les municipalités au directoire du district qui, à vue d'iceux, et après les délais qui seront à sa connaissance, fera former un rôle de supplément de la taxe ordonnée par l'article 11 à l'égard des absents ; ces rôles ainsi formés, seront visés, et rendus exécutoires de la même manière que les.rôles de contributions ordinaires.
Art. 14.
Triple retenue.
t II sera fait, en outre, une triple retenue sur les intérêts des rentes, prestations ou autres
redevances, à raison desquelles la simple retenue est autorisée; l'administration des domaines séquestrés qui touchera ces redevances sous la déduction de la retenue simple que fera le débiteur, comptera au Trésor public les deux autres parties de cette retenue.
Art. 15.
« Les débiteurs de rentes, prestations ou redevances, ou autres sommes quelconques, dues à des émigrés, sont aussi tenus d'en fournir leur déclaration, soit à leur municipalité, soit au directoire du district, ou à celui du département, à peine d'une amende, qui sera toujours égale à la quotité de la redevance.
Art. 16.
« Tous payements faits avant l'échéance des termes, et qui ne seraient pas justifiés par des actes authentiques, sont déclarés frauduleux; et sans y avoir égard, les débiteurs pourront être contraints à payer aux échéances portées par les titres de créance.
Art. 17.
Créanciers.
« Les créanciers des émigrés seront payés sur le produit de leurs biens, en remplissant les conditions prescrites pour justifier la légitimité et la sincérité de leurs créances par les articles 1 et 2 du décret du 29 juillet 1791, même par privilège aux deux dernières parties de la triple contribution; mais après le prélèvement des frais d'administration, sans préjudice du droit de la nation, de se faire payer du surplus de ces contributions sur l'excédent des fonds, ou revenus du débiteur.
Art. 18.
Femmes, enfants, pères et mères.
« Si les émigrés ont dans le royaume, femmes ou enfants, pères ou mères dans le besoin, ceux-ci pourront demander, sur les biens personnels de l'émigré, la distraction à leur profit d'une somme annuelle qui sera fixée par le tribunal du district du lieu du dernier domicile de l'émigré, en présence du procureur général du département.
Art. 19.
Précautions.
« Les femmes communes en biens avec leurs maris, et demeurées en France, sont autorisées à jouir ae tous les biens dépendant de leur communauté, et à en toucher, à leur profit et sur leurs simples quittances, tous les revenus; il en sera de même des. enfants qui seraient avec leurs pères ou mères émigrés en continuation de communauté.
« Les enfants qui ont des droits acquis, mais dont les pères et mères émigrés auraient l'usufruit parles dispositions de quelques coutumes, sont autorisés a jouir des biens ainsi grevés d'usufruit, tant que le séquestre aura lieu : les pères ou mères, donateurs, jouiront également, et pendant le même temps, et sans être tenus
d'en rendre aucun compte, des biens par eux donnés à leurs enfants émigrés.
« Si les biens dont il est question dans le présent article, avaient été compris dans les listes ae séquestre, il en sera fait distraction sur la demande des parties intéressées par les directoires de département sur l'avis de ceux de district.
Art. 20.
« Les propriétaires résidant en France, qui auraient quelques propriétés indivises avec un émigré, sont autorisés à conserver la jouissance de la propriété indivise, en payant la portion du revenu appartenant à l'émigré, à la caisse du séquestre, d'après l'évaluation qui en sera faite par experts nommés tant par le copropriétaire que pour l'administration du domaine sequestré, les frais de laquelle évaluation seront supportés en entier par la portion appartenant à l'émigré.
Art. 21.
Fin de séquestre.
« Les biens séquestrés ne seront restitués que sur la demande personnelle du propriétaire rentier en France, ou de ses héritiers légitimes résidant dans le royaume.
Art. 22.
Conditions.
« Pour obtenir cette restitution, le propriétaire sera tenu de donner caution de la valeur au moins d'une année de revenu ; et dans le cas où il quitterait de nouveau sa patrie, tant qu'elle sera menacée, l'année du revenu sera exigée de la caution, et les biens seront de nouveau mis en séquestre.
Art. 23.
Compte.
« Les revenus des biens séquestrés seront restitués avec les fonds qui les auront produits, sous la déduction de la triple contribution annuelle, au prorata du temps de l'absence, et de toutes les sommes qui auront été payées en vertu des articles ci-dessus, ainsi que de tous les frais de régie et d'administration; et si les revenus ne suffisent pas pour acquitter les avances faites par la nation, les biens ne seront restitués qu'après le remboursement total desdites avances.
Art. 24.
Héritiers.
« Après la îhort légalement prouvée de l'émigré, ou après 25 ans du jour de la promulgation du présent décret, les biens de l'émigré qui ne se sera pas représenté seront remis, à l'exception des fruits qui demeureront à la nation, a ses héritiers légitimes. Ceux-ci pourront même, après 10 ans, demander à être provisoirement envoyés en possession des biens, en donnant caution.
Art. 25.
Conservation.
« Les biens séquestrés étant le gage des indem-
nités que la nation a et pourra avoir à répéter contre les émigrés, sont mis sous la sauvegarde de la loi, des corps administratifs, de la garde nationale et de toutes les autorités constituées ; tout pillage, dégât, vol ou autres dommages, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables, suivant la rigueur des lois ; èt en général il sera veillé à leur conservation par tous les moyens indiqués pour les domaines nationaux.
Art. 26.
c Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement!
J'ai écouté très attentivement le projet de décret qui vient de vous être présenté ; mais il me semble que le comité a totalement manqué son but. Je vais tâcher de le prouver.
Lorsque l'Assemblée nationale a décrété que les biens des émigrés seraient mis sous la main de la nation et sous la surveillance des corps administratifs, elle a entendu frapper sur la tête de tous les coupables, et réellement le décret qu'elle veut rendre serait illusoire, s'il n'était pas rendu d'une manière plus précise. Car, Messieurs, les émigrés ne sont pas tous des pères de famille. Au contraire, sur 6,000 émigrés que vous pouvez avoir, il y a tout au plus 1,000 ou 1,500 pères de famille, et tous les autres sont des enfants de famille.
Or, par votre décret, vous ne frappez absolument que les pères de famille, puisque cé sont eux qui "sont détenteurs des biens. Il est pourtant très certain qu'il y a des pères de famille qui ont envoyé deux ou trois enfants à Cobentz. s sont aussi coupables que ceux qui y sont allés eux-mêmes. (Murmures.) Et il arriverait, d'après le projet du comité, qu'un père de famille qui aurait seul émigré payerait une triplé contribution foncière et mobilière, tandis qu'un autre, qui aurait envoyé six de ses en-mnts à Coblentz, ne payerait rien du tout. Vous conviendrez alors facilement avec moi que votre loi est injuste. (Murmures.) Pohr peu qu'on veuille scruter sa consciencé on trouvera que j'ai raison.
Je demande que tous les pères de famille qui seront sonvaincus d'avoir envoyé leurs enfants à Coblentz... (Murmures.)
Plusieurs membres : Comment le prouverez-vous?
Je demande à ceux qui m'interrompent s'il y a plus de raisons contre les pères de famille émigrés, que contre ceux qui ont laissé émigrer leurs enfants. J'entends dire de tous côtés qu'on ne peut pas avoir des preuves de ces faits ; je vais répondre à cet argument. N'est-il pas vrai que tout fils de famille qui est sous la puissance paternelle, et qui émigré, est. présumé avoir émigré du consentement de son père? (Nouveaux murmures.)
Sous ce rapport, je demande que vous renvoyiez de nouveau à votre comité de législation pour examiner cette question.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Nous allons perdre beaucoup de temps avant de discuter sur le fond. M. Rouyer nous fait apercevoir un délit que nous aurons peut-être de la peine à saisir. Il pourra, dans la discussion,
faire l'objet d'un article additionnel. Mais il ne s'agit pas en ce moment de discuter ; les observations de M. Rouyer ne peuvent motiver le renvoi au comité de législation. Je demande l'impression du projet de décret du comité et l'ajournement.
Je réponds à cette motion en observant que lorsque l'Assemblée a décrété le principe, elle a chargé le comité de proposer les moyens d'exécution. Ainsi je demande que le principe soit étendu aux pères de famille qui entretiennent leurs enfants,à Coblentz.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion ; décrète l'impression du projet de décret et l'ajournement de 1a discussion à trois jours.)
J'invite l'Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour la nomination : 1» d'un vice-président ; 2° de trois secrétaires en remplacement de MM. Charlier, Ducos et Aubert-Dubayet, secrétaires sortants.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et rentre en séance un quart d'heure après.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui envoie à l'Assemblée les pièces d'une instruction publique relative à un complot d'embauche-ment de soldats de troupede ligne; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le commissaire du roi près le tribunal de Largentière a cru devoir requérir, et le directeur du juré a ordonné la suspension et le renvoi au Corps législatif d'une instruction criminelle relative à un complot dembauchement de troupes de ligne. Les pièces de cette procédure m'ont été adressées le 29 février, et je m'empresse, Monsieur le Président, de les adresser a l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : Duport. »
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)
2° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui met sous les yeux de l'Assemblée nationàlè les trois états hebdomadaires relatifs à la fabrication des monnaies.
Il résulte de ces états que le total de la monnaie de cuivre et de métal des cloches, fabriquée jusqu'au 5 mars se monte : 1° en cuivre et métal de cloche à 6,161,239 I, 6 s.; 2° en cuivre et bronze à 2,593,158 livres ; 3° en pièces de 15 et 30 sols à 12,973,206 livres.
(L'Assemblée renvoie les états au comité des assignats et monnaies.)
3° Lettre de M. Deleutre, député extraordinaire d'Avignon, tendant à justifier les habitants de ce pays, du reproche qu'il prétend qu'on leur fait de travailler à une contre-révolution; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« M. le rapporteur de l'affaire d'Avignon m'a communiqué ce matin à dix heures, quatre lettres qu'il allait lire à l'Assemblée : une seule peut-être, celle de Lyon, pourrait alarmer les
personnes trop facilement crédules. Il est dit dans cette lettre qu'un bateau de poste venait de partir rempli d'Avignonais, qui recrutaient, di-sait-on, avec un officier municipal pour faire une contre-révolution. Je viens à l'instant d'apprendre, Monsieur le Président, que cette accusation est fausse, et je suis en état de le prouver. Il est vrai qu'il y a quelque temps quatre ou cinq Avignonais, sans aucun certificat, partirent de Lyon dans un bateau de poste. Ils refusèrent une place dans leur bateau à un malveillant très connu; celui-ci, pour se venger et retarder leur voyage, fut les dénoncer comme des recruteurs contre-révolutionnaires; ils furent conduits à la municipalité qui, après une détention et un interrogatoire de plus ae huit heuresj les laissa partir librement. Je vous prie, Monsieur le Président, de faire part de ma lettre à l'Assemblée nationale, puisque mon malheureux pays n'a pas l'honneur cl'avoir parmi vous un représentant qui puisse repousser toutes les impostures dont on à l'art de l'accabler chaque fois où l'on doit s'occuper de ce qui l'intéresse.
« Je suis avec respect, ^tc...
Signé Deleutre, député extraordinaire. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des pétitions !
D'autres membres : L'ordre du jour !
J'observe que tous les objets qui concernent l'affaire d'Avignon, sont tellement importants, qu'il est essentiel de les recueillir avec soin. Je demande le renvoi de cette lettre au comité des pétitions.
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Deleutre au comité des pétitions.)
Je demande à faire une motion d'ordre.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée décide qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour.)
Vous avez mis les biens des émigrés sous la surveillance des corps administratifs et vous avez, sans doute, voulu que ces biens fussent conservés avec soin ; comme il y a 83 départements, les mesures seront nécessairement différentes. Or, l'Assemblée vient d'ajourner le projet de décret relatif au mode de séquestre. Cependant il est nécessaire d'empêcher, dès à présent, les émigrés de disposer de leurs revenus et de leurs biens et d'enlever ainsi à la nation l'indemnité que l'Assemblée a voulu lui assurer. Je demande donc que l'Assemblée ordonne à tous les corps administratifs de faire tous les actes conservatoires nécessaires pour s'assurer que les émigrés ne pourront disposer ni de leurs revenus, ni de leurs fonds. (Applaudissements dans les tribunes.)
et plusieurs autres membres. L'or-du jourl
Il est étonnant qu'on demande l'ordre du jour sur une motion aussi juste que celle de M. Merlin. Je demande qu'elle soit mise aux voix.
Je demande que M. Goujon, qui demande l'ordre du iour, le motive, parce que cela fera connaître la part de civisme qui appartient à M. Goujon.
Ce n'est point à l'interpellation d'un membre que je réponds, c'est à l'Assem-
blée que j'ai l'honneur de parler. J'ai invoqué l'ordre du jour sur la motion de M. Merlin. La proposition tend à vous faire décréter ce qu'il appelle des mesures conservatoires, et que j e croirais, moi, des mesures perturbatoires. (Murmures dans une partie de l'Assemblée.) Elles détruiraient, dans le royaume, l'unité des formes qui doit toujours y être maintenue, et laisserait aux corps administratifs un arbitraire qui ne peut exister dans un pays libre. Ces mesures, que je croirais être très propres à répandre le trouble, rentrent précisément dans l'objet de la loi que vous propose votre comité de législation. Vous avez ajourné le projet de décret du comité, vous avez donc ajourné les détails. Il y a donc lieu de passer à l'ordre du jour.
L'Assemblée nationale a mis les biens des émigrés sous la main de la nation ; elle les a placés sous la survèillance des corps administratifs. Or, quelle était l'intention ae l'Assemblée en mettant les biens des émigrés, sous la surveillance des corps administratifs? c'était pour qu'ils y veillassent comme sur les biens nationaux. Or, il est impossible que leur surveillance s'étende sur tous les biens des émigrés, s'ils afont pas la faculté de faire tous les actes conservatoires, afin d'être responsables de cette surveillance. Je demande que la motion de M. Merlin soit adoptée.
Je tiens à la main une lettre du directoire de la Marne aux municipalités de ce département ; elle concerne les mesures conservatoires pour empêcher les dispositions frauduleuses que les émigrés font de leurs biens. J'appuie donc la proposition de M. Merlin.
Je demande l'ordre du jour sur la proposition de M. Merlin, par la raison que lé décret du 9 février la contient implicitement.
Un membre appuie l'observation de M. Morisson.
Je propose au contraire de décréter la proposition de M. Merlin d'une manière solennelle.
Je m'oppose à la proposition de M. Merlin, parce qu'elle serait impossible dans son intention, injuste et inutile. Elle est inutile, puisque déjà votre comité de législation vous a proposé des détails dont vous avez décrété l'ajournement et que vous décréterez incessamment. Elle est injuste, car vous avez l'intention de conserver aux créanciers leurs droits, sur les revenus des émigrés, d'accorder de quoi vivre aux femmes, aux enfants, à ceux qui ne vous ont point abandonnés, et si vous adoptiez à l'instant la proposition de M. Merlin, vous n'atteindriez point le but que vous vous proposez.
Enfin, je dis que cette mesure est impossible pour le moment, parce que les corps administratifs, n'ayant pas de guide, ne voudront pas suivre une règle qui n'est pas encore établie:
Il est un autre cas dont la justice paraît évidente : votre comité de législation a fait un grand nombre d'exceptions dont la justice nous a tous frappés. Comment voulez-vous que les corps administratifs, lorsque ces exceptions ne seront point indiquées par la loi, les fassent eux-mêmes ; vous exposerez-vous à ce qu'un grand nombre de personnes qui ne sont pas dans la classe de ceux que vous voulez punir, demandent des indemnités? Je demande donc que la discussion de la motion de M. Merlin soit ajournée à mercredi prochain.
(L'Assemblée ajourne à mercredi prochain la discussion de la motion de M. Merlin.)
Voici le résultat du scrutin pour Vélection d'un vice-président et de trois secrétaires.
Personne n'a obtenu la majorité absolue des suffrages pour la place de vicerprésident.
Les trois nouveaux secrétaires sont MM. Mouysset, Becquey et Gorguereau.
, au nom des comités de législation et de marine réunis, donne lecture des observations rédigées par les, deux comités sur la conduite de M. Bertrand, ministre de la marine (1); il s'exprime ainsi :
Vous avez chargé vos comités de législation et de marine réunis, de rédiger des observations motivées sur la conduite du ministre de la marine; elle se réduisent à trois objets essentiels; je vais vous en faire la lecture (2).
Sire, les dénonciations contre les ministres ont souvent retenti dans l'Assemblée nationale ; le ministre de la marine est surtout devenu le principal objet d'inculpations très graves. La méfiance universelle qui les a suivies ne permet pas un plus long silence aux représentants de la nation. Le cri de l'opinion frappait déjà ce ministre d'une incapacité morale, et cette incapacité était déjà le sujet d'un reproche très fondé, surtout dans ce moment où de grands intérêts sollicitent toute l'attention des représentants de la nation, et demandent de vous, sire, une nouvelle preuve de l'attachement que vous avez juré à la Constitution. L'Assemblée a réduit ses observations à trois griefs.
Premier grief.
Le ministre de la mariné a laissé ignorer au Corps législatif l'état d'abandon dans lequel était le port de Brest, par la défection des officiers de marine, abandon dont le Corps législatif n'aurait pas eu connaissance sans les corps administratifs que l'en ont instruit. L'Assemblée et les comités garantiront cette vérité qui leur est démontrée.
Second grief.
Le ministre a publié, le 14 novembre, qu'aucun officier n'avait quitté
son poste, tandis qu'il est notoire qu'alors plusieurs étaient déjà
émigrés. Dans une lettre que vous avez adressée aux commandants des
ports, vous disiez : quel est donc votre devoir? c'est de rester à votre
poste ; et un mois après on a vu le ministre de la marine publier, par
un journal, qu'aucun officier n'avait déserté son poste. Ainsi, le même
terme, pris dans une acception trop étendue, favorisait les Français
rebelles, tandis que, pris dans un sens plus étroit, il favorisait le
ministre. Mais que peut-il répondre quand à l'époque dont on lui parle,
le nombre des officiers qui devaient être dans les ports ne s'y trouvait
pas. Aux termes de l'ordonnance, il manquait plus
Troisième grief.
Il porte sur les congés accordés, et qui n'ont pas été suffisamment motivés. Tel est celui accordé à un officier général de la marine qui dèvrait toujours être en tournée, et qui est retiré en Hollande, parce que la vie de Paris était trop coûteuse pour lui, et celui accordé à trois officiers pour aller à Malte faire leur caravane.
Voilà quelle a été la conduite du ministre de la marine. Il a montré un continuelle opposition à la Constitution, non pas par des propositions, mais par des faits. Non, sire, jamais vous ne jouirez du repos dont vous avez besoin, qu'au moment où les ministres rentreront dans vos sentiments, et où, en évitant tout subterfuge et détour, ils feront, pour ainsi dire, la conquête de la confiance nationale ; ainsi cessera 1 anarchie dont les vraies causes ne sont pas ceUes que des esprits malintentionnés allèguent si fréquemment.
Comme c'est la première fois que l'Assemblee adopte cette mesuré, je crois qu'il est important ae né pas la décréter avec vitesse. Ces observations sont longues, diffuses et ressemblent beaucoup plus à des ci-devant remontrances qu'à un acte du Corps législatif. Je demande l'ajournement de la discussion à deux ou trois jours.
Je pense que le ministre de la marine aurait dû être mis en état d'accusation (Applaudissements réitérés dans les tribunes.) et je demande à lire une rédaction en ce sens. (Mm/ non!)
L'Assemblée doit adopter les observations présentées, puisqu'elles portent sur des faits que l'Assemblée a jugé suffisamment démontrés pour la déterminer à adopter la mesure qu'elle a prise.
Vous voulez sans doute parler avec la dignité qui vous convient, or je ne trouve point que les observations qui vous ont été soumises ont cette dignité. 11 y- est dit : « Il est impossible que le ministre de la marine se justifie d'avoir envoyé des congés?... » A cet , égard je remarque que vos observations doivent porter sur des faits qui vous sont démontrés. Vous devez donc dire : « Le ministre a accordé, ètc... » II ne serait pas difficile de faire encore une ou deux remarques. Si vous youlez décréter sur-le-champ, sauf la rédaction qui vous sera présentée demain, j'y consens* mais je soutiens que cette rédaction n'a pas la dignité qui vous convient.
J'observe que les comités ont seulement donné les bases des observations, mais qu'ils n'en ont ni entendu, ni jugé la rédaction.
, rapporteur. Ma réponse sera simple : j'ai communiqué mon travail au président du comité de marine, qui y a fait ses observations ; je l'ai communiqué
aussi à divers membres du comité, et les faits sont les mêmes que ceux déterminés par les comités.
(de Toulon). J'affirme que les ob^ servations arrêtées aux comités réunis portaient sur trois faits, et que M. le rapporteur s'est exactement conformé à cette décision; mais les comités n'ont pas été réunis pour en entendre la rédaction.
Je demande que l'Assemblée décrète que les observations porteront sur les trois faits indiqués et qu'elle renvoie à demain pour une nouvelle rédaction.
Je propose d'adopter, dès à présent, les observations présentées, sauf les corrections indiquées par M. Vaublanc et celles qui pourraient être proposées à une nouvelle lecture, et de faire une lecture définitive de la nouvelle rédaction à la séance du soir.
Un membre demande, par amendement, que les corrections proposées soient renvoyées au comité de législation et de marine réunis.
Voix diverses: La question préalable sur l'amendement I La priorité pour la motion de M. Ver-gniaud!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement, accorde la priorité à la motion de M. Vergniaud, puis l'adopte.)
, au nom du comité central. ' ordinaires des des troubles qui existent dans la ville d'Arles. (L'Assemblée décrète cette motion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des administrateurs du directoire du département de l'Eure, qui rendent compte des troubles alarmants qui désolent ce département. Cette lettre est accompagnée de différents procès-verbaux énonciatifs de ces troubles. Elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Notre département est en proie aux troubles les plus alarmants. Des séditieux, répandus dans les différents districts du département, au nombre de 5,000, infestent les bourgs et les campagnes; ils traînent à leur suite des officiers municipaux et des gardes nationaux qui, tambour battant, enseigne déployée, fixent le prix du blé, des bois et du fer ; de toutes parts les nouvelles les plus alarmantes font redouter les suites d'un rassemblement aussi dangereux; Evreux est sur le point d'être assiégé; la garde nationale est remplie de zèle et d'ardeur; mais seule elle ne pourra opposer assez de résistance aux rebelles. Il serait besoin d'une force publique qui en imposât aux malintentionnés. Les corps administratifs de cette ville se sont réunis depuis 3 jours au di-. rectoire. Ils ont pris toutes les précautions que les circonstances ont paru exiger. Nous ne voyons encore qu'égarement dans le peuple. Le noyau des séditieux paraît surtout fixé aux environs de Gonches. Les pièces ci-jointes vous instruiront de tout ce qui s'est passé jusqu'à ce jour. Notre zèle, notre sollicitude, notre surveillance, iront croissant et les séditieux nous trouveront toujours à notre poste, le livre sacré de la Constitution à la main, et son amour dans le cœur. (.Applaudissements.)
« Nous sommes avec respect, etc.
Signé : Les administrateurs, etc.
Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif l
Je m'oppose à ce renvoi qui ne pourrait être fait qu'en supposant que le directoire de département ne se serait pas conformé à la loi qui lui ordonne de correspondre avec le pouvoir exécutif ; s'il ne l'avait pas fait il serait très coupable.
Les renvois au pouvoir exécutif n'ont pas précisément pour objet de l'instruire des faits, mais de décider que les affaires renvoyées le concernent plus particulièrement.
Le renvoi au pouvoir exécutif, n'est pas du tout une désapprobation des corps administratifs, mais bien au contraire la marche prescrite par la Constitution. En conséquence, je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
J'ai l'honneur d'être membre de ce département. En cette qualité, j'observe à l'Assemblée que le pouvoir exécutif vient de recevoir le double de ces pièces, il est donc nécessaire de les garder ici. Le département de l'Eure, qui n'a point de troupes de ligne, a requis celui de la Seine-Inférieure de lui envoyer 100 hommes de cavalerie du ci-devant régiment royal Bourgogne; ainsi tout est bien ordonné autant que possible.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée qu'il serait très dangereux d'adopter légèrement la mesure du renvoi au pouvoir exécutif. Ce serait un système très inconstitutionnel que celui qui tendrait à interdire aux corps administratifs toute correspondance avec le Corps législatif, et c'est ce système que la proposition de M. Vaublanc tendrait à introduire. Il importe que les administrations de département instruisent directement le Corps législatif de tous les événements majeurs, en lui envoyant des copies des dépêches qu'ils adressent au pouvoir exécutif; ces renseignements, nécessaires pour notre propre instruction, le sont encore pour nous donner les moyens de surveiller le pouvoir exécutif, et pour le rappeler à son devoir s'il négligeait de prendre les mesures que les circonstances exigeraient. Je demande donc le renvoi de l'adresse qui vient d'être lue au comité de surveillance.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La priorité pour le renvoi au comité de surveillance l
(L'Assemblée accorde la priorité au renvoi au comité de surveillance, puis ordonne ce renvoi.)
Voici une lettre du procureur général syndic du département de l'Ardèche, qui m'annonce les troubles qui désolent une partie de ce déparement :
« Monsieur,
« La situation de notre pays est toujours la même ; les prêtres fanatiques et autres amis de l'ancien régime ont la même conduite que de votre temps, et le directoire leur oppose une résistance inébranlable ; il ne faut que les surveiller et leur opposer de la fermeté pour déjouer leurs projets ; il y a partout de la fermentation et de la malveillance ; mais presque partout le patriotisme est le sentiment qui prédomine.
« Cependant, si dans les trois quarts de notre département, quelques brigades de gendarmerie
nationale, quelques détachements de troupes de ligne et l'accusateur public suffisent pour maintenir le calme, il n'en est pas de même de l'autre quart à l'extrémité du département du côté de celui du Gard. Il est véritablement dans une position alarmante.
« J'ai eu l'honneur de vous l'écrire, Monsieur; je l'ai écrit toutes les semaines, deux ou trois fois, au ministre de l'intérieur et au commandant des troiipes de ligue. Il est impossible qu'une explosion ne se fasse pas sentir dans les contrées qui vous ont donné tant d'inquiétude il y a un an.
« On y prêche publiquement la contre-révo-lution, on y fait des amas d'armes et de munitions. Les étrangers qui y passent avec la cocarde nationale, y sont outragés, et courent risque de leur vie. On y enrôle presque publiquement pour la contre-révolution : des émissaires d'Arles et d'ailleurs arrivent et s'y concertent avec les malintentionnés.
« Des hommes armés sont en garnison dans le château des Vans, dont vous connaissez l'importance, et nous n'avons pas encore pu parvenir, malgré trois mois de sollicitations journalières, à faire placer le plus petit détachement. On nous promet, on nous renvoie, et le temps se passe sans que la moindre promesse s'effectue. Si ce poste était occupé le pays pourrait être aisément pacifié; on y rechercherait les auteurs des mouvements qui s'y font sentir, on y ferait respecter la loi, la Constitution; on y prendrait des informations sur beaucoup de points qu'il faudrait connaître ; et on ne peut rien faire, parce qu'on n'a pas de troupes.
« Quand on songe que le salut de l'Etat tient peut-être à ce que trois compagnies soient placées à Vans, on frémit de ne pouvoir les obtenir. Veuillez agir auprès du ministre, et faire agir la députation pour obtenir le renfort que nous demandons. Il est de la plus grande importance que vous ne perdiez pas une minute.
« Si vous pouviez douter de la nécessité de cette mesure, je vous inviterais à lire la lettre ci-jointe, qui est d'un excellent patriote de cette contrée.
« Je vous prie de la lire et de la remettre vous-même à M. le ministre de l'intérieur; je lui en ai souvent adressé de la même personne. Elle n'est pas signée, mais je connais l'écriture. »
« Signé : Le procureur général syndic du département de l'Ardèche. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Quoique cette lettre ne porte aucun caractère authentique, elle n'est cependant que la répétition des lettres écrites par les corps administratifs. Sentant la nécessité de pourvoir au maintien de l'ordre dans ce pays, la députation du Gard a fait toutes les démarches nécessaires, tant auprès du ministre de l'intériéur, qu'auprès de celui de la guerre; pour obtenir qu'une force publique, si petite qu'elle puisse être, fût placée dans ces cantons. Jamais elle n'a pu l'obtenir. Il ne suffit pas que les ministres vous donnent des tableaux ae situation; ces comptes ne fournissent ordinairement que des notions vagues. Il faut que les ministres de l'intérieur et de la guerre agissent et prennent des mesures efficaces pour réprimer les troubles. Je fais la motion que le ministre de la guerre soit tenu d'envoyer incessamment dans ce département un corps de troupes quelconque, pour
prévenir une explosion qu'il serait impossible d'arrêter.
J'appuie la motion de M. Pieyre, mais je crois que nous ne devons pas nous borner à envoyer des secours en troupes. A chaque séance nous recevons des avis des départements qui nous annoncent des mouvements, des insurrections, provenant de ce que partout on égare le peuple. Je crois qu'il est ae la sagesse de l'As-semblee de prendre toutes les mesures qui peuvent ramener l'esprit public aux bons principes. J'ai à proposer une de ces mesures que les circonstances réclament impérieusement. Si l'Assemblée veut me permettre de lire ce travail, non en ce moment, mais quand elle voudra, je le crois propre à ramener la paix.
Ce sont des forces, et non des phrases qu'il nous faut.
Ce ne sont point des mesures partielles qu'il faut prendre. L'Assemblée se plaint à chaque instant que les ministres ne veulent pas rendre des comptes de situation. Je dis, Messieurs, que le malheur est peut-être plus dans les choses que dans les hommes. En conséquence, voici le moyen que je propose, pour prévenir le mal au lieu de chercher à y remédier : c'est que, toutes les semaines, à jour fixe, les municipalités soient tenues de déclarer au directoire ae district, l'état de trouble ou de tranquillité où elles se trouvent; et que, dans le cas où il y aurait des désordres, elles soient obligées d'en indiquer les causes et les moyens qu'elles croiront les plus propres à les taire cesser. (Murmures.) Les directoires de district, dans un délai fixé, seraient tenus d'en rendre compte aux départements.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour, la marche de l'Assemblée nationale est sans cesse entravée par des motions incidentes, et jamais, elle ne rend de décret.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un membre : Je demande que l'Assemblée renvoie la lettre du procureur général syndic du département de l'Ardèche au comité de surveillance.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de surveillance.)
Voici les nouveaux membres des comités de division, des domaines, des inspecteurs du secrétariat et de l'imprimerie, des lettres de cachet et de marine :
Comité de division.
MM. Lagrévol,
Gazes (de Saint-Béat),
Thévenin,
Raffin
Allai n-Launay,
Deydier,
Marin,
Benoid,
Poitevin,
Jagot,
Mayerne,
Gay-de-Vernon.
Suppléants : MM. Curée,
Thévenet,
Juglar,
Jouffret.
MM. Crestin,
Vincens-Plauchut,
Goujon,
Piorry,
Chéron-La-Bruyère,
Durin,
Leboucher-du-Longchamp,
Baumlin,
Haudouart,
Gélot,
André (du Thillot),
Croichet.
Suppléants : MM. Mouysset,
Regnier,
Fressenel,
Darneuilh,
Fabre,
Jouffret.
Comité des inspecteurs du secrétariat et de l'imprimerie.
MM. Depère,
Beauvais,
Bouestard,
Lebœuf,
Dehaussy-Robecourt,
Lequinib,
Quatremère-Quincy,
Latané,
Fressenel.
Suppléants : MM. Coubé,
Duval,
Fabre,
Fâche,
Legendre,
Solomiac,
Terrède.
Comité des lettres de cachet.
M. Dongois,
Duval (Charles).
Suppléants: MM. Salvage,
Martinecourt,
Comité de marine.
MM. Rouyer,
Christinat,
Michel,
cadet,
Aubert-Dubayet,
Dufrexou,
Sers,
Dumoustier,
Brunck,
Lameth (Théodore),
Malassis,
Lefranc,
Guillois.
Suppléants : MM. Leremboure,
Français (de Nantes),
Gasparin,
Couget,
Descrots-Destrées.
La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
présidence de m. lemontey, ex -président:
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un membre fait la lecture d'une pétition de la commune de Péronne qui demande un secours" de 40,000 livres pour subvenir à ses besoins.
Un autre membre observe qu'on ne peut avoir aucun égard à cette réclamation, attendu qu'elle n'est pas accompagnée de l'avis du directoire du département.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Je demande la permission de faire lecture à l'Assemblée d'une pétition qui m'a été envoyée par les troupes de la garnison de Lille.
« Représentants d'un peuple libre, les sous-officiers et soldats composant les différents régiments de la garnison de Lille, viennent déposer dans Votre sein la douleur dont ils sont pénétrés, de se voir soumis à une discipline qui ne respire que tyrannie et esclavage, et quantité d'autres vexations contraires au bien du service et à la liberté. Ils ne peuvent croire qu'elle est votre ouvrage (elle est trop diamétralement opposée à vos justes décrets), mais plutôt celui d'un ministre despote qui voudrait allumer le feu de la discorde et de l'insubordination dans l'armée française, pour favoriser les intentions de ses infâmes partisans. Nous laissons à votre sagesse l'examen de cette discipline, et nous vous dénonçons Louis-Narbonne, son auteur, comme prévaricateur et réfractaire à la loi. (Les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.)
« Les défenseurs de la liberté n'ont pas besoin de chaînes pour voler à la victoire. Tous constamment pénétrés de la sainteté des devoirs qu'ils ont a remplir, vous les verrez dans toutes les occasions, se disputer l'exactitude et le courage.
« Le code de discipline que nous soumettons à votre sagesse, contient d'abord cinq appels par jour, la consigne aux portes des villes que vous avez vous-mêmes prescrite par une loi, plusieurs iniquités, difformités dans le costume, contrainte des besoins naturels, même celle de prendre des bains sans égard au tempérament qui peut y être contraire.
« Nous passons sous silence quantité d'autres articles plus dignes de pitié que d'attention, et cependant bien propres à dégoûter du service quantité de jeunes gens que 1 amour de la patrie et delà liberté a fait ranger sous les drapeaux pour la défendre.
« Nous nous bornerons à vous demander, représentants, un code de discipline conforme aux lois constitutionnelles, analogue au régime sous lequel nous servons, et d'accord avec les principes du peuple que nous défendons; »
(Nous sommes, etc...
(Suivent un grand nombre de signatures des sous-officiers et soldats du 1er bataillon des gardes nationales soldées du département du Nord, des 24e, 56e et 90e régiments d'infanterie, et \cr régiment de cavalerie, en garnison à Lille, département du flord. (Applaudissements.)
[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES 1?I
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire !
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
L'Assemblée avait ajourné à ce matin Vaffaire d'Avignon et du comtat Venaissin. Comme il n'en est pas de plus importante, ie demande qu'elle soit la première à l'ordre du jour de demain.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Mulot.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du directoire du district de Beauvais, qui fait parvenir à l'Assemblée nationale un tableau d'adjudication des domaines nationaux vendus depuis le 11 décembre 1791, jusqu'au 12 février 1792. Il en résulte que l'estimation de ces domaines se portait à la somme de 4,409,119 livres, et que le prix de la vente a été de 7,892,168 livres.
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur les canonniers gardes nationaux ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez chargé, le 19 janvier, votre comité militaire de vous faire incessamment un rapport sur une pétition qui vous avait été présentée par les canonniers volontaires de la garde nationale parisienne ; pétition dans laquelle ils vous prient de leur donner une organisation différente de celle qui a été décrétée par le corps constituant, le 26 septembre dernier.
Vous avez aussi renvoyé à votre comité militaire une demande du même genre, qui vous a été adressée par les canonniers nationaux de Lille et de Dunkerque.
Votre comité a cru devoir réunir ces deux pétitions dans un même rapport, parce qu'elles ont un même but : la perfection au corps des canonniers volontaires ; et parce qu'il est dans vos principes d'établir la plus parfaite unité entre les différentes gardes nationales de l'Empire.
Le comité militaire, convaincu par l'expérience de tous les siècles que la vénération pour les lois s'affaiblit avec promptitude quand elles éprouvent de fréquentes variations; persuadé que si, dans le cours de votre session, vous paraissiez armés du désir de faire, sans une absolue nécessité, des changements à l'édifice élevé par nos prédécesseurs, vous porteriez à votre gloire une atteinte mortelle; que vous donneriez par là un exemple funeste à vos successeurs ; que vous empêcheriez la confiance de s'affermir, ou même de naître; que vous Justifieriez enfin l'opinion trop bien établie de la légèreté française et de l'instabilité du gouvernement représentatif; votre comité, dis-je, a balancé longtemps avant de vous prier de prendre en considération la demande des canonniers volontaires ; et il ne s'y ést déterminé que lorsqu'il lui a été clairement démontré que le bien du service l'exige impérieusement.
J'aurai l'honneur de vous observer encore, que très souvent les pièces de
vos gardes nationales pourraient devenir inutiles, s'il n'y avait que 17
artilleurs par bataillon, car nous ne pou- ! vons exiger que les gardes
nationales servent constamment avec la même assiduité que les
Si ces raisons n'étaient pas suffisantes, je vous parlerais, Messieurs, du désir du corps municipal de Paris, et de celui des canonniers volontaires de la garde nationale parisienne; désir qui est l'effet de l'expérience et non d'un vain caprice; mais je ne ferai pas valoir cette raison. Quelque reconnaissance que nous devions aux canonniers volontaires de la garde nationale parisienne pour leur attachement à la Constitution, pour le zèle avec lequel ils se sont livrés à leurs exercices, pour leur soumission à la loi, pour le patriotisme dont ils ont donné des preuves en envoyant 3 de leurs compagnies sur la frontière du1 royaume ; si ce qu'ils désirent n'était pas juste, ils seraient les premiers à nous savoir gré ae nos refus. Oui, Messieurs, tels sont les Parisiens, tels sont tous les Français : ils ne désirent, ils ne veulent que le bien, et vous les verrez sacrifier même les opinions les plus chères à leurs cœurs, lorsque vos discussions leur prouveront que leurs vœux sont, ou contraires au maintien de la liberté, ou rompraient l'accord que vous voulez et devez' établir dans l'administration de l'Etat. Déterminé par les considérations que je viens d'exposer, votre comité militaire a donc jugé qu'il devait vous proposer de modifier l'article 36 de la section 2 du decret du 29 septembre.
Quel changement devez-vous lui faire subir? Telle est la deuxième question que votre comité va:disenter devant vous.
La première idée qui 's'est présentée à votre comité (et cette idée était bien naturelle) a été de donner à l'artillerie de ligne cette unité qui lui paraissait réunir de grands avantages ; cependant il a bientôt abandonné cette opinion, parce qu'il a reconnu, entre le service de ces corps, des différences qui en nécessitaient dans leur organisation.
L'expérience ayant appris aux canonniers volontaires de l'armée parisienne, qu'un peloton composé de 40 gardes nationaux était suffisant au service de deux pièces, et votre comité ayant remarqué qu'avec ce nombre d'hommes, on pour- * rait, dans tous les temps, faire le service des frontières et celui de l'intérieur, c'est le nombre qu'il vous proposera d'adopter. 11 vous proposera aussi quelques petits changements dans l'uniforme des canonniers volontaires, parce qu'il est exigé par la nature du service des canonniers et désiré par eux. Votre comité vous proposera enfin quelques autres dispositions- qui lui ont paru utiles à la bonne organisation des compagnies de canonniers volontaires ; telle est la création d'un instructeur par légion; celle de 4 sapeurs par bataillon, et de 4 ouvriers par compagnie. Ces dispositions, quoique demandées par les canonniers volontaires de Paris, appuyées par le corps municipal, vous séront néanmoins présentées de'manière à être également applica-les à toutes les cités du royaume; car vous vou-
lez conserver entre toutes les gardes nationales, cette égalité qui est une des principales bases de notre Constitution, et qui doit puissamment servir à son maintien, en faisant régner l'harmonie la plus heureuse entre les citoyens.
C'est dans cet esprit que votre comité militaire a rédigé le projet ae décret suivant :
Décret d!urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le nombre de 17 hommes est insuffisant pour le service journalier des deux pièces d'artillerie qui, en vertu du décret du 29 septembre 1791, peuvent être attachées à chacun des bataillons de gardes nationales, soit sédentaires, soit volontaires, et reconnaissant qu'il est instant de donner aux canonniers des gardes nationales une organisation qui les met à portée d'atteindre avec facilité le but de leur institution, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il pourra être attaché deux
pièces d'artillerie à chacun des bataillons des gardes nationales.
« Art. 2. Il sera formé, pour le service des deux pièces d'artillerie attachées à chaque bataillon, une compagnie de canonniers, gardes nationaux, composée de 1 capitaine commandant la compagnie, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 2 sergents, 4 caporaux, 1 tambour, 36 canonniers et 4 ouvriers.
« Art. 3. Il y aura, dans chaque bataillon, 4 sapeurs, qui seront spécialement attachés aux compagnies de canonniers.
« Art. 4. Au moyen de la formation des compagnies de canonniers gardes nationaux, et conformément au décret du 12 juin 1790, toutes autres compagnies destinées au service des bouches à feu seront réformées, quelque nom qu'elles portent; et il ne pourra, sous aucun prétexte, en être créé de nouvelles, ou conservé d'anciennes.
« Art. 5. Les compagnies de canonniers gardes nationaux seront attachées auX bataillons de gardes nationales, et sous les ordres immédiats des commandants en chef desdits bataillons; elles ne pourront, sous aucun pretexte, former un corps particulier dans la garde nationale.
« Art. 6. Les compagnies de canonniers gardes nationaux seront formées de la manière prescrite par l'article 4 de la section 2 du décret du 29 septembre 1791, relatif à l'organisation de la garde nationale.
« Art. 7. L'uniforme des canonniers gardes nationaux est réglé ainsi qu'il suit :
« Habit bleu ae roi, doublure écarlate, collet rouge, passe-poil blanc, parements et revers bleus, passe-poil écarlate. Les autres parties de l'habillement seront ainsi qu'il a été réglé par l'article 37 de la section 2 au décret du 29 septembre 1791, concernant les gardes nationales.
« Art. 8. Lorsque les canonniers gardes nationaux ne feront pas un service particulier comme canonniers, ils seront, comme le reste des gardes nationales, commandés à tour de rôle pour le service ordinaire; il pourra cependant leur être affecté des postes particuliers, tels que les dépôts des canons, des poudres, etc.
« Art. 9. Les canonniers gardes nationaux auront pour armement, outre leur fusil, des pistolets et un sabre; ils porteront le sabre en ceinture, le ceinturon sera de cuir noir; la giberne sera semblable à celle du reste des gardes nationales.
« Art. 10. L'armement des sapeurs consistera en un sabre soutenu par un baudrier blanc, une hache et son étui, deux pistolets à la ceinture, et un tablier de cuir fauve.
« Art. 11. Des quatre ouvriers attachés à chaque compagnie de canonniers volontaires, deux seront choisis parmi les charrons ou charpentiers, et deux parmi les forgerons ou serruriers ; ils seront armés comme les sapeurs.
« Art. 12. Chacune des villes qui aura un bataillon de gardes nationales et deux pièces, d'artillerie, pourra entretenir, si les revenus de la commune le lui permettent, un canonnier instructeur qui sera choisi par le corps municipal, de concert avec les capitaines des canonniers. Cet instructeur sera toujours pris parmi les sous--officiers de l'artillerie ae ligne lors en activité ou qui n'auront quitté leur corps que depuis un an.
« Pourront, pour la première fois, être choisis pour instructeurs, les soUs-officiers et soldats d'artillerie de ligne qui, depuis la Révolution, ont fait le service des pièces attachées aux bataillons des gardes nationales. Dans les villes où la garde nationale formera plus d'une légion, il pourra être entretenu un instructeur par légion.
« Art. 13. Dans les villes dont la garde nationale formera plus de deux légions, il pourra être nommé un adjudant particulièrement chargé des détails du service des canonniers volontaires ; lorsque le nombre des légions s'élèvera à plus de quatre, il pourra être nommé et entretenu deux adjudants.
« Art. 14. Les officiers et sous-officiers des canonniers gardes nationaux seront nommés suivant le mode prescrit pour les officiers et sous-officiers des gardes nationales; les adjudants seront nommés par tous les officiers des compagnies de canonniers.
«Art. 15. Dans les villes qui réuniront une ou plusieurs légions, il pourra être formé un polygone pour servir à l'instruction des canonniers gardes nationaux.
« Les municipalités prendront toutes les précautions nécessaires, afin de prévenir les dangers qui pourraient résulter de cette espèce d'instruction.
« Art. 16. Les villes qui possèdent des pièces d'artillerie connues sous le nom de bâtardes, pièces qui sont d'un calibre différent de celui qui est usité dans les armées françaises, sont autorisées et invitées à les faire refondre sans délai.
« Art. 17. Les municipalités fourniront aux canonniers gardes nationaux, les armes et agrès nécessaires au service, ainsi que les munitions de guerres utiles à leur instruction.
« Les administrations de département détermineront avec économie, les dépenses relatives à ces divers objets; elles fixeront de même le nombre et la valeur des prix qui seront distribués aux meilleurs tireurs.
« Art. 18. Les municipalités régleront de concert avec les commandants en chef des gardes nationales, les jours et les heures des exercices, et particulièrement des exercices à boulet. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des employés au bureau de Vadministration des eaux et forêts, qui réclament le payement de leurs appointements.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret (1), tant sur le rachat de tous les Français captifs chez les puissances barbaresques, que sur celui de tout étranger qui, étant au service d'un Français, ou employé sur les bâtiments de la nation, serait tombé en captivité-, il s'exprime ainsi :
Messieurs, chercher par de longs discours à réveiller votre humanité en faveur des malheureux esclaves qui gémissent sous le poids des chaînes et dans une affreuse captivité chez des nations étrangères, serait sans aoute faire l'injure la plus atroce aux représentants d'un peuple libre, et dérober à la chose publique des instants qui lui sont infiniment précieux.
Non, Messieurs, vous ne balancerez pas dans ces temps heureux, où. la sage philosophie a renversé et banni pour jamais, de l'Empire français, l'antique colosse du despotisme, pour lui substituer 1 étendard de la liberté.
Non, Messieurs, vous ne balancerez pas, dis-je, de briser les fers de ces malheureuses victimes de l'ignorance et de la barbarie la plus révoltante de quelques puissances.
Votre comité pense, Messieurs, que vous regarderez comme de votre justice et de la dignité ae la nation française, d'étendre cet acte d'humanité et de bienfaisance, non seulement à tous les Français qui étaient domiciliés dans cet Empire, mais encore à tous ceux qui se seraient trouvés attachés au service de quelque puissance que ce fût, et même à tout étranger qui se serait trouvé au service de quelque Français ou employé sur des bâtiments de la nation, dans le temps qu'il serait tombé en captivité, et que les sentiments d'équité et d'humanité militent également pour les uns comme pour les autres.
Dans l'ancien -régime, il était pourvu aux sommes qui étaient nécessaires pour acquitter la rançon des captifs, par des quêtes que les religieux de la Trinité et de la Merci étaient chargés de faire dans l'Empire, et par celles qui y étaient faites par des citoyens qui pouvaient y etre autorisés par ces religieux; un pareil procédé serait aujourd'hui totalement contraire a,ux sages principes adoptés par l'Assemblée, et votre comité a cru que vous décréteriez, Messieurs, que ces sommes seront fournies à l'avenir par la caisse de l'extraordinaire.
Il est cependant dû des éloges aux religieux de la Trinité et dè la Merci ainsi qu'aux citoyens qui, comme le sieur Maret père, de la ville de Sedan, et qui, le premier, vous a présenté sa pétition en faveur de ces esclaves, s'étaient prêtés avec le plus grand zèle à soulager l'humanité souffrante.
L'ancien régime renversé a dû laisser nécessairement entre les mains des
personnes chargées de ces recettes, dés sommes dont il est essentiel de
procurer la rentrée dans le trésor national; cet objet fera donc partie
du projet de
Mais je dois avant, Messieurs, vous faire quelques observations sur le mémoire que le ministre de la marine vous a présenté sur cette affaire, et qui nous a paru devoir mériter toute votre attention.
En effet, Messieurs, le sieur Bertrand vous a annoncé, par son mémoire, qu'il existe encore des esclaves à Alger, reste dHun rachat stipulé à Vépoque de notre dernier traité, dont l'exécution sur ce point a été différée par le dey, jusqu'à ce que la remise du prix convenu avec lui ait été effectuée. Ce sont ses propres expressions.
Ce ministre vous apprend ensuite que l'équipage d'un vaisseau français est récemment tombé au pouvoir des Kabyles, peuple barbare, auprès duquel le dey d'Alger offre sa médiation pour en obtenir la liberté ; ce double rachat, ajoute le ministre, épuisera et bien au delà, les fonds qui avaient été versés dans la caisse de la marine pour cette destination, lors de notre dernier traité.
Votre comité croit ne pas pouvoir vous cacher qu'il a appris, avec le plus grand étonnement, qu'il existait encore, dans ce moment, quelques esclaves à Alger, reste d'un rachat stipulé à l'époque de notre dernier traité avec le dey, dont Vexécution a été suspendue, jusqu'au payement du prix convenu, tandis que de l'aveu même du sieur Bertrand, il y a dans la caisse de son département des fonds qui ont été versés pour cet objet.
Croit-il se mettre à l'abri de la plus terrible responsabilité, en alléguant vaguement que ces fonds seront épuisés, et bien au delà, par le double rachat des malheureuses victimes qui se trouvent à Alger ou chez les Kabyles ?
Pourquoi cet agent du pouvoir exécutif n'a-t-il pas versé entre les mains du dey, jusqu'au dernier sol des sommes qui lui avaient été confiées par la nation, à l'effet d'obtenir, sinon la liberté de la totalité de tous les individus détenus dans lâplus affreuse servitude, du moins du plus grand nombre possible?
Pourquoi certains Ont-ils été mis en liberté?
Pourquoi, s'il est vrai qu'il en ait été mis en liberté, ainsi qu'il semble l'annoncer, pourquoi, dis-je, n'y en a-t-il pas eu de mis en liberté jusques et à concurrence des sommes entières qu'il a pour cela?
Pourquoi, encore, ce ministre ne vous a-t-il pas rendu compte, dans son mémoire, de la convention et du traité fait à raison de cet objet avec le dey?
Pourquoi ne vous a-t-il pas rendu compte des sommes qu'il a reçues, de celles qu'il a payées, et de celles qui lui restent?
Pourquoi, enfin, ne Vous a-t-il pas annoncé et demandé les sommes qu'il avait stipulées et promises au dey d'Alger?
Pouvait-il croirè que la nation française èût pu hésiter un seul instant de faire verser dans la caisse de la marine, les sommes nécessaires pour briser les fers dont sont accablés des nommes que l'amour de la patrie et le désir de faire fleurir son commerce, ont précipités dans la plus triste servitude?
Cette idée seule, si elle existait serait un crime atroce contre une nation dont tous les efforts tendent à rétablir l'homme dans la plénitude de tous ses droits. Mais votre comité a pensé que l'Assemblée voudrait, dans cet instant, suspendre son jugement sur les faits concernant le
sieur Bertrand, et se borner à décréter que le ministre de la marine sera tenu, dans un bref délai, de fournir à l'Assemblée nationale un compte et des détails précis sur ces objets particuliers, qui feront un objet distinct et séparé du décret proposé pour le rachat des esclaves; quant à ce dernier, votre comité s'est persuadé que votre tendre sollicitude pour les malheureux, vous presserait de rendre, en cette matière, le décret d'urgence.
En conséquence, voici, Messieurs, le projet de décret que vous propose votre comité des secours publics :
Décret d1urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il n'est rien de plus important, ni de plus instant pour les représentants d'un peuple libre que de faire jouir chaque individu de la plénitude de cette noble et fière liberté, qui ne connaît au-dessus d'elle que la loi, qui peut seule élever l'homme à sa véritable grandeur, et briser les chaînes dont l'homme juste et libre se trouve accablé sans être avili, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale ayant décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le pouvoir exécutif est chargé de
traiter, sans délai, avec les puissances barba-resques, du rachat et de
la rançon des Français qui sont en leur pouvoir, de même que de celui e
tout étranger, qui, étant au service d'un Français, où étant employé au
service de la nation, serait tombé en leur puissance.
« Art. 2. Le prix des rançons convenues sera, à l'avenir, à la charge de la nation, et il ne pourra plus être fait, pour cet objet, aucune quête dans le royaume.
« Art. 3. Les sommes qui seront nécessaires pour acquitter lesdites rançons seront versées par la trésorerie nationale dans la caisse du département de la marine, pour être, sous la responsabilité du ministre, ae suite employées à leur destination.
« Art. 4. Les personnes qui, par le passé, avaient été chargées de faire, dans le royaume, des quêtes pour la rédemption des captifs, et qui se trouvent avoir des deniers en mains, en feront la déclaration dans le mois de la publication du présent décret, aux directoires de leurs districts, et seront, en outre, tenues de verser dans le même délai, le montant desdites quêtes, dans la caisse du receveur du district.
« Art. 5. Le receveur du district sera tenu en recevant lesdites sommes, d'en donner acquit, d'en faire en même temps recette dans son registre, et de le verser ensuite dans la caisse de l'extraordinaire des finances.
« Art. 6. Le présent décret sera, dans le jour, porté à la sanction du roi. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à jeudi soir fixe).
Un membre : La question principale du décret qui vient de vous être proposé tient en partie au traité fait entre la France et le dey d'Alger. Sous ce rapport, je demande qu'il soit renvoyé au comité diplomatique.
, rapporteur. J'ai prévu ce coup,
Messieurs, et j'ai préparé un projet de décret que je vais vous présenter.
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le ministre de la marine sera tenu de faire connaître dans trois jours, à l'Assemblée nationale, le traité fait avec le dey d'Alger pour la délivrance des Français captifs qui étaient en sa puissance ; ce ministre sera, en outre, tenu de faire connaître les esclaves qui étaient à Alger à l'époque de ce traité, le nombre de ceux qui ont été mis en liberté, le nombre de ceux qui sont restés dans les fers, les sommes qu'il a fait compter au dey d'Alger pour cet objet, et celles qui restent encore dans la caisse ae son département.
Art. 2.
« Le ministre sera tenu d'appuyer son compte de pièces justificatives.
Art. 3.
« Le présent décret lui sera notifié dans le jour.
(L'Assemblée adopte ce projet de décret sauf rédaction.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet ae décret relatif aux invalides retirés à rHôtel; aux invalides retirés dans les départements; aux invalides formant les compagnies détachées : aux soldes, demi-soldes, récompenses militaires et vétérans; aux gendarmes et grenadiers à cheval retirés. aux officiers à la suite des places; aux veuves et aux enfants des invalides.
L'Assemblée constituante, en décrétant le traitement des invalides de la marine, s'occupa surtout des invalides mutilés. JTe voudrais donc que l'Assemblée, par un article additionnel, renaît commun à tous les invalides ayant servi sur terre, l'article 3 du règlement fait par l'Assemblée nationale constituante, les 28 et 30 avril 1791, concernant les pensions des invalides de la marine ; lequel article porte qu'il sera en outre accordé à chaque invalide, qui, par mutilation, par des blessures graves ou des infirmités, serait habituellement hors d'état de travailler, un supplément de six livres par mois.
(L'Assemblée renvoie cette proposition au comité militaire.)
, rapporteur, donne lecture des articles 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 et 31 du titre Ier du projet de décret, qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 22.
« Pour mettre le directoire du département de Paris à portée de composer
ce tableau, les ministres ae la guerre et de la marine adresseront, sous
15 jours, à ce corps administratif, l'état de tous les officiers,
sous-officiers et soldats actuellement en activité de service et celui
de tous les autres militaires, qui, conformément au présent décret,
seront dans le cas d'être admis à l'hôtel ou à la pension qui le
représente.
« Les états que les ministres de la guerre et de la marine adresseront au directoire du département de Paris, seront conformes aux modèles annexés à la minute du présent décret, et seront appuyés ,des pièces justificatives exigées par l'article 34.
« Pour accélérer et assurer encore davantage la confection du tableau des invalides, l'administration de l'hôtel remettra, immédiatement après la publication du présent décret, les contrôles de l'hôtel au directoire du département.
Art. 24.
« Le directoire du département de Paris ne portera, ainsi qu'il est prescrit aux articles 7 et 8, le tableau général de rannée 1792 qu'à 4,000 places, y compris les pensions représentant 1 hôtel; mais il y joindra un état rédigé dans le même ordre, de 500 militaires destinés à occuper les places qui vaqueront dans le cours de l'année, es suppléants entreront en jouissance au plus tard, un mois après la vacance de la place ou de la pension.
Art. 25..
« Avant de former l'état particulier des invalides qui devront être admis à l'hôtel, et de ceux qui jouiront de la pension, le directoire du département s'assurera du vœu de chacun d'eux, et, pour cela, il. leur adressera une invitation d'opter entre l'hôtel et là pension.
Art. 26.
« Tout invalide qui n'aura pas, fait-connaître son vœu dans l'espace d'un mois à dater du jour de l'invitation, sera censé avoir préféré la pension.
Art. 27.
« Six semaines après le départ des invitations d'opter, le directoire du département dressera l'état définitif des invalides qui devront habiter l'hôtel, et de ceux qui jouiront de la pension.
Art. 28.
« Si le nombre des invalides qui désireront habiter l'hôtel est plus grand que celui des places à donner, le directoire choisira parmi eux, et donnera la préférence à ceux qui, par leur âge, leurs infirmités, leurs blessures et leur isolement social, mériteront le plus d'obtenir les places de l'hôtel.
Art. 29.
« Si le nombre des invalides qui désireront .habiter l'hôtel est moins grand que celui des places à donner, lesdites places resteront vacantes, et il leur sera de suite substitué un nombre au moins égal de pensions
« Il en sera usé de même toutes les fois qu'un invalide habitant à l'hôtel aura demandé, par écrit et t8 jours d'avance, l'agrément, qui jamais ne pourra lui être refusé, d'aller jouir de sa pension.
Art. 30.
« Dès que la liste que le directoire du département de Paris aura dressée, en vertu du présent décret, aura été approuvée par le Corps législatif, elle sera rendue publique par la voie de l'impression, et; 3 exemplaires en seront adressés par les soins du ministre de l'intérieur à chaque district du royaume par l'intermédiaire de leurs départements respectifs. Cette liste contiendra tous les détails qui auront été fournis au directoire par les ministres de la guerre et de la marine et par l'administration de l'hôtel, et elle sera rédigée conformément au modèle prescrit à l'article 23.
« L'impression de ladite liste sera faite aux dépens de l'administration de l'hôtel. .
Art. 31.
« Le directoire du département de Paris formera de même chaque année, dans le cours du mois de décembre, sur la présentation de l'administration de l'hôtel, une liste semblable, qui sera mise sous les yeux du Corps législatif par le ministre chargé de l'hôtel des invalides. »
, rapporteur. Voici l'article 32 :
« Le directoire au département de Paris pourra, lorsque l'expérience râura éclairé, et lorsque, par ses soins, il aura amélioré le régime intérieur de l'hôtel des invalidés, porter à un nombre plus considérable la liste des invalides, fixée pour cette année à 4,000, en observânt de réserver toujours les 200 places ou pensions prescrites par l'article 9, et de ne point oublier qu'une ad ministration sage ne se permet jamais aucune espèce d'anticipation. »
Messieurs, au moyen de cé que vous n'avez pas fixé le nombre des places, l'article 32 a paru inutile à votre comité. Je demande, en conséquence, la question préalable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y à pas lieu à délibérer sur l'article 32.)
(La discussion sur les invalides est interrompue.)
, ministre de la guerre. Messieurs, par une lettre en date du 13 février dernier, j'ai annoncé, au nom du roirau 1er bataillon du 48° régiment, en garnison à Rennes, {l'envoi de ses nouveaux drapeaux. La même lettre ordonnait, par les motifs dont j'ai eu l'honneur de rendre compte à l'Assemblée, le renvoi des anciens drapeaux.
M. de Savignac, commandant ce bataillon, a fait lire ma lettre le 27 février, au cercle de la parade; la bénédiction a été fixée au lendemain 28, et a eu lieu ce même jour.
Après la bénédiction, M. de Savignac, conformément à ces ordres, a voulu faire défiler le bataillon, et porter chez lui l'ancien drapeau pour le renvoyer ici. Les citoyens, de concert avec les grenadiers et fusiliers duait bataillon, se sont opposés à l'exécution de cet ordre, et ont exigé que l'ancien drapeau fût suspendu à la voûte de l'église.
M. de Savignac, après avoir vainement réclamé l'obéissance des soldats, s'est retiré lorsque leur résistance a été solennellement manifestée, et a déclaré qu'il abandonnait le commandement d'un bataillon qui ne voulait plus obéir : 3 officiers l'ont suivi.1
Après cette déclaration, M. de Semizel, capitaine, a pris le commandement du bataillon, et
la caisse et les nouveaux drapeaux ont été conduits chez lui. Les soldats du bataillon sont ensuite rentrés en ordre dans leur caserne.
Bientôt après, des mouvements tumultueux ont agité les citoyens de Rennes. On s'est transporté chez M. de Savignac et ses trois collègues, on y a apposé des scellés ; et sous le prétendu soupçon que leur conduite annonçait des hommes suspects, la municipalité, d'après une pétition de plusieurs citoyens, a ordonné, non seulement leur arrestation, mais encore leur translation chez le juge de paix pour y être interrogés.
Tels sont, Messieurs, les faits qui m ont été transmis par le commissaire-ordonnateur, par le commandant actuel du bataillon et par la muni-cipalité, avec cette différence que le commissaire et le commandant se bornent à un simple exposé, et que la municipalité a fait précéder son récit de réflexions qui peuvent faire suspecter son impartialité. Elle finit par vouloir justifier cet événement en en rejetant la cause sur la disposition des esprits aigris par la publication du règlement du mois ae janvier dernier, sur la discipline et la police intérieure de l'infanterie. Elle ne manifeste pas moins de préventions lorsque dans ses conclusions elle sollicite une approbation de tout ce qui s'est passé.
Messieurs, l'intérêt général de l'Empire est la seule considération digne de vous être présentée. Le jeu des passions individuelles, quelque moyen qu'il pût me fournir contre la municipalité de Rennes avant la soirée du 28, ne m'occupera point aujourd'hui. Ce n'est que sur les faits de cette journée que j'appellerai votre attention.
1° La loi défendait a la municipalité de Rennes de s'immiscer en rien dans ce qui concernait des faits purement militaires, et cette municipalité s'est permis de* faire arrêter et faire transférer devant le juge de paix quatre officiers qui n'étaient nullement accusés par la clameur publique ;
2° Si la tranquillité générale se trouvait menacée par l'effervescence des citoyens sollicitant cette arrestation illégale, la municipalité devait requérir la force publique, et en référer aux corps administratifs selon l'ordre de la hiérarchie établie par la Constitution ;
3° Le juge de paix fonctionnaire public, chargé de 1 application littérale de la loi, ne pouvait que l'enfreindre en connaissant d'un délit purement militaire,, et les ordres de la municipalité même, les excès de la multitude, ne pouvaient l'autoriser à violer la loi.
D'après ces observations, que l'Assemblée trouvera conformes à ses principes, j'ai l'honneur de la prévenir:
1° Que le roi a donné des ordres sévères pour que les délits militaires dont on s'est rendu coupable, soient punis, et pour que les anciens drapeaux soient rapportés;
2° J'ai dénoncé au ministre de la justice, et les citoyens qui ont concouru à la désobéissance des soldats, et le juge de paix qui a dépassé les limites de ses fonctions, en interrogeant des accusés d'un délit purement militaire ;
3° J'ai également dénoncé au ministre de l'intérieur, la municipalité de Rennes, comme s'étant rendue coupable d'un délit important, en refusant de protéger l'action du pouvoir exécutif, dans un fait de discipline militaire, et en faisant arrêter sans en avoir référé aux corps administratifs, ses supérieurs dans l'ordre de la hiérarchie, 4 officiers sur lesquels elle n'avait aucune juridiction.
Mais avant de terminer ce rapport sur des événements qui pourraient avoir des suites dignes de la plus sérieuse attention, si l'Assemblée n'en approuvait les dispositions, je dois observer que nous sommes parvenus à cette époque importante et critique, où le salut de rEtat peut dépendre des délibérations du Corps législatif: d'un côté, nous voyons à Etampes, le maire assassiné, le procureur de la commune mutilé, tous les pouvoirs des élus du peuple méconnus ou méprisés ; de l'autre, ces mêmes élus s'arroger, à Rennes, une autorité indépendante, et mettre la force publique en action, non pour protéger, mais pour violer la loi ; ces deux excès également funestes, prouvent irrésistiblement que tout pouvoir qui s'écarte de la loi conduit au despotisme ou se précipite vers l'anarcbie ; il n'y a qu'une fidélité religieuse à la Constitution qui puisse nous préserver de ces alarmants résultats. Rallions donc autour d'elle toutes les autorités qui en dérivent, et soyons aussi sévères contre celles qui s'en écartent, que généreux envers celles qui la feront respecter ; que désormais le mépris public accompagne les ré-fractaires.
Une voix : Point de réflexion !
Plusieurs voix : A l'ordre! à l'ordre !
ministre delà guerre. Et que la plus précieuse récompense, la confiance nationale soit le prix attaché aux glorieux et pénibles travaux de tout homme, qui ne voudra que la mort ou la loi.
Cette récompense, vous la devez sans doute au district d'Etampes, qui vient de donner à la France l'exemple le plus digne d'être cité. C'est au moment même où les forces militaires lui étaient le plus indispensables pour sa propre sûreté, que n'écoutant que la loi, le véritable intérêt particulier de chacun, il n'a pas voulu arrêter, par aucune réquisition, l'ordre qu'avait donné le roi de faire sortir d'Etampes, des troupes qui étaient nécessaires à Longjumeau. (Applaudissements).
Je suis bien loin de contester la plupart des faits que M. le ministre de la guerre vient de Vous exposer, mais je dois en donner une explication nécessaire. La bénédiction des drapeaux fut faite d'une manière presque secrète ; la municipalité ni aucun des corps administratifs n'y furent invités, quoique suivant l'usage ils doivent l'être. La municipalité n'eût connaissance, que l'après-midi, du trouble qui eut lieu immédiatement après la bénédiction des drapeaux, lorsque deux ou trois mille citoyens, qui malheureusement avaient été rassemblés par un imprimé affiché au coin des rues, on ne sait trop par qui, les appela à se réunir au palais pour y rediger, disaient-ils, une pétition. La municipalité, dans le moment, crut devoir prendre le parti que la prudence et la sagesse lui dictaient. Loin de vouloir violer la loi, elle voulut, au contraire, la sauver par son respect pour elle, et elle fit ce qu'en d'autres circonstances malheureusement on a été obligé de faire. La municipalité de Rennes jeta un voile sur la statue de la loi et prit toutes les précautions possibles pour qu'il ne fût fait aucune insulte à M. de Savignac, ni aux autres officiers démissionnaires. Il ne dépendait pas d'elle d'éteindre dans un instant une ardeur populaire qui s'était formée à son insu. Vous connaissez tous, Messieurs, la ville de Rennes et le patriotisme qu'elle a montré depuis la Révolution; ce n'est pas dans
la ville qui a été reconnue le berceau de la liberté, qu'on cherchera à étouffer le respect pour la loi ; il est une loi au-dessus de toutes les lois, c'est la nécessité. (Murmures.)
Plusieurs voix : La guerre civile est donc une nécessité ?
Si la municipalité de Rennes, en ce moment de terrible fermentation, eût été sévère, il aurait pu arriver de grands malheurs, et nous aurions peut-être à gémir sur la perte de plusieurs citoyens. Aussi, Messieurs, n'accueil.-ez pas défavorablement cette municipalité respectable, qui n'a pu agir autrement; au reste les choses sont rentrées dans l'ordre, puisqu'on vous a dit qu'après ce qui s'était passé les soldats s'étaient retirés dans leurs casernes. Je demande que l'affaire soit renvoyée à un comité.
Il est du devoir des ministres de vous faire le rapport de la situation du royaume, et des événements qui peuvent l'agiter. La Constitution accorde encore aux ministres la faculté de parler dans l'Assemblée sur les objets de leur administration; mais je crois que c'est à cela que doit se borner l'avantage qu'ils ont. Je ne crois pas que vous deviez permettre que MM. les ministres, toutes les fois qu'ils prennent la parole, ou sur un objet d'administration, ou pour vous faire un rapport, s'ingèrent de se donner une espèce d'initiative en vous disant ce qu'ils désirent que vous fassiez; votre sagesse doit seule vous eclairer. (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire !
Un membre : Jusqu'à ce moment la députation n'est pas instruite de ce qui s'est passé, mais il est impossible de prendre un parti sans avoir entendu tout le monde. (Applaudissements.)
Moi je demande le renvoi au comité de surveillance.(Applaudissements dans les tribunes.)
Dans un moment où nous ne demandons que l'exécution de la loi, il faut que nous-mêmes nous l'exécutions dans son entier. La hiérarchie des pouvoirs veut que les municipalités soient subordonnées aux districts, les districts aux départements, et les départements au pouvoir exécutif. Une municipalité a manqué à son devoir.
C'est une question I
Je ne suis point assez hardi pour juger la municipalité. Une administration manque à son devoir, c'est au pouvoir exécutif à la suspendre lorsque le cas est urgent, ou à renvoyer aux tribunaux lorsque le délit mérite punition. Lorsque le ministre aura exécuté la loi, il viendra vous en rendre compte; s'il a mal fait, Messieurs, c'est alors que sa tête vous en répondra. (Applaudissements dans les tribunes.) Mais il ne faut pas affaiblir sa responsabilité par des renvois aux comités. Je demandé donc qu on passe à l'ordre du jour. (Vifs applaudissements.)
Je demande la parole contre l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Non ! non ! la discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et passe à l'ordre du jour.)
L'Assemblée reprend la discussion du projet de décret relatif aux invalides retirés à Vhôtel, aux invalides retirés dans les départements, aux invalides formant les compagnies détachées ; aux soldes,
demi-soldes, récompenses militaires et vétérans; aux gendarmes et grenadiers à cheval retirés; aux officiers d la suite des places; aux veuves et aux enfants des invalides.
, rapporteur. Nous en sommes restés, Messieurs, à l'article 33, qui devient article 32 et dont je vais vous faire lecture.
Art. 32 (ancien art. 33).
« Une des listes que le ministre de l'intérieur fera passer à chaque district de l'Empire, sera, à la diligence du procureur syndic du district, successivement adressée à chaque municipalité de son territoire, et y restera déposée pendant un mois, afin que tous les citoyens, et surtout tous les militaires qui pourront avoir des prétentions à l'hôtel ou a la pension, puissent juger de la validité de leurs droits.
« Ceux qui se croiront lésés, ou qui penseront avoir des réclamations à faire, les adresseront à leurs municipalités, qui, après avoir délibéré sur les faits exposés, les feront passer au directoire du département, par l'intermédiaire du district ; le directoire du département les adressera, avec son avis, à l'administration générale de l'hôtel. »
(L'Assemblée adopte l'article 32.)
, rapporteur. Ici, Messieurs, vos comités ont jugé à propos de placer l'article additionnel suivant , qui deviendrait l'article 33, le voici :
Art. 33 (nouveau).
« Les officiers, sous-officjers et soldats invalides, actuellement retirés dans les départements, les sous-officiers et soldats, qui, ayant obtenu la récompense militaire, la solde, la demi-solde ou la véterance, se croiront fondés à être admis à l'hôtel, ou à la pension destinée à le représenter, adresseront leurs demandes à leurs municipalités respectives, qui les feront parvenir, ainsi qu'il est dit article 32, aux directoires de leur département, par l'intermédiaire des directoires de district.
« Les directoires de département rédigeront la demande des militaires dans la forme prescrite par l'article 23, et joindront à l'appui toutes les pièces justificatives qu'on leur aura fournies.
« Lesdits états et pièces justificatives seront, à l'avenir, adressés à l'administration de l'hôtel, avant l'époque du 1er décembre de chaque année. »
(L'Assemblée adopte le nouvel article 33.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 34, qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 34.
« Le ministre de la guerre et celui de la marine adresseront chaque année et le 1er décembre au plus tard, à l'administration de l'hôtel, un état visé et signé par eux, des officiers, sous-officiers et soldats quils jugeront devoir être admis à l'hôtel. Cet article sera rédigé de la .même manière que celui qui est prescrit article.23 du présent décret.
« A cet état seront jointes les pièces suivantes :
« 1° Le mémoire de l'officier, sous-officier ou soldat, dans lequel il fera connaître son âge, le nombre de ses années de service, le grade dans lequel il sert, les campagnes qu'il a faites, les
blessures qu'il a reçues, les infirmités dont il est affecté : il y exposera encore l'objet de sa demande et les motifs sur lesquels elle est fondée ;
« 2°. L'avis des officiers ae la compagnie sur cette demande ;
« 3°. L'avis des officiers de santé du régiment et de l'hôpital militaire;
« 4° L'avis du conseil d'administration ;
« 5° Le vu du commissaire des guerres ;
« 6° L'approbation de l'officier général chargé de l'inspection.
« Ces différents avis ou certificats seront mis au bas du mémoire et dans l'ordre ci-dessus in diqué. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 35 qui est ainsi conçu-: « Si les faits énoncés dans les pièces mentionnées article 34, étaient reconnus et constatés ou faux ou exagérés, les signataires en seraient personnellement et solidairement responsables, et en conséquence condamnés, à la diligence de l'administration de l'hôtel, à verser dans la caisse dudit hôtel et pendant la vie du militaire pensionné une somme égale à la pension qui lut aura été indûment attrihuée. Les signataires contribueront au payement de cette pension au prorata de leurs appointements. »
Je demande que l'on inflige une peine pécuniaire à ceux qui auront employé la ruse pour obtenir des certificats et les invalides, et à ceux qui, par mauvaise foi, auront délivré dés certificats faux pour faire obtenir les invalides à des hommes qui ne les auraient pas méritées en versant leur sang pour la patrie.
, rapporteur. J'adopte l'observation de M. Thuriot, mais je demanae l'adoption de l'article, tel sévère qu il soit, sauf à faire un article séparé dans 1 esprit de la proposition de M. Thuriot.
(L'Assemblée renvoie l'article 35 au comité, qui; est chargé d'y insérer la proposition de M. Thuriot et de présenter une nouvelle rédaction.)
, rapporteur, donne lecture des articles 36 et 37, qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 36.
« L'Etat s'étant par l'article 15 du présent décret, chargé de pourvoir à l'entretien et à la subsistance des invalides, les indemnités dont jouissait l'hôtel des invalides sur les fermes générales sont supprimées ; il en est de même des pensions d'oblat. Les 2 millions placés sur l'Etatsont censés acquittés; les terrains ci-devant en location au profit de l'hôtel sont déclarés nationaux, et seront vendus ou loués comme tels, en observant néanmoins de conserver tous ceux qui pourront contribue^ l'agrément ou à la salubrité de l'hôtel. »
Art. 37.
« Toutes les pension s qui étaient ci-devant payées par la caisse des invalides, le seront à l'avenir Bur les fonds destinés aux pensions : il en sera de même de toutes les retraites qui seront accordées à l'état-major actuel des invalides, et aux agents de l'administration qui ne seront point conservés dans leurs fonctions. »
« Il ne pourra, à l'avenir et sous aucun prétexte, être accordé aux agents de l'administration, aucune espèce de pension de retraite sur les fonds de l'hôtel, et nul ne pourra en tirer un traitement
plus fort que celui qui aura été fixé par les décrets du Corps législatif. »
, rapporteur. Je propose ici les deux articles additionnels suivants, qui deviendraient articles 38 et 39 ; les voici :
Art. 38 (nouveau).
« Tous les agents actuels de l'administration de l'hôtel quitteront dans le délai d'un mois, après la promulgation du présent décret, les logements qu'ils occupent dans ledit hôtel.
« Nul des citoyens employés à l'avenir à l'administration de l'hôtel, ne logera dans son intérieur ou dans les bâtiments qui en dépendront, qu'en vertu des décrets du Clorps législatif.'
« Les citoyens employés à l'administration de l'hôtel, et qui y seront logés en vertu des décrets du Corps législatif, n'occuperont que le nombre de pièces qui sera fixé par les administrateurs dé l'hôtel, et ce nombre sera réduit au pur et absolu nécessaire. Le directoire du département de Paris s'occupera, sans délai, à faire dresser un état et un plan général deslogements, et à faire dans l'intérieur de l'hôtel les réparations et distributions qui pourront contribuer à rendre les logements des soldats plus commodes, plus sains et plus agréables. »
Art. 39 (nouveau).
Aucun des citoyens employés à l'administration de l'hôtel ne pourra, sous aucun prétexte, s'attribuer et obtenir un jardin, ou por-'. tion des jardins appartenant à 1 hôtel.
« Les jardins actuellement cultivés seront, ainsi que les cours, susceptibles d'êtré mis en culture, divisés en petits carreaux, et distribués par le sort entre les officiers, sous-officiers et soldats résidant à l'hôtel.
« Les officiers, sous-officiers et soldats qui jouissent actuellement de jardins, ou portions de jardins, seront maintenus en possession, pendant tout le temps où il résideront à l'hôtel.
« Les invalides pourront, dans tous les temps, disposer de leurs jardins én faveur de ceux de leurs camarades retirés à l'hôtel qu'ils voudront choisir; mais, dans aucun cas, nul individu ne pourra èn conserver deux.
» L'administration de l'hôtel rédigera les règlements qu'elle jugera nécessaires pour l'exécution du présent article. »
(L'Assemblée adopte les deux articles additionnels qui deviennent 38 et 39.)
, rapporteur. Voici l'article 38 du projet de décret qui devient article 40 et qui est ainsi conçu :
Art. 40 (ancien art. 38).
« Les invalides demeurant à l'hôtel, recevront pour leurs menus besoins, indépendamment des fournitures ordinaires, les pensions suivantes :
Les colonels.............
Les lieutenants-colonels.. Les commandants de bat.
Les capitaines.........
Les lieutenants..........
Les maréch. des logis ch. Les sous-officiers Les soldats.............ï 5
Par mois. Par an.
50 liv 600 liv.
30 360
24 288
16 192
12 144
8 96
6 72
5 60
Je propose d'ajouter à cet article la disposition additionnelle suivante :
« Ces pensions seront payées chaque mois en quatre payements égaux qui seront faits le 1er, le 8, le 15 et le 22 de chaque mois. »
(L'Assemblée adopte l'article 40 ainsi que la disposition additionnelle présentée par M. La-cuee.
(La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des ci-devant gardes françaises par laquelle ils demandent à être entendus demain soir à la barre.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis à la séance de demain soir.)
2° Lettre des députés extraordinaires des établissements français aux Indes orientales am font parvenir à l'Assemblée nationale différentes pièces qu'ils disent intéresser la tranquillité publique dans ces établissements.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité colonial.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture de deux lettres : Vune de la municipalité de Rennes, et Vautre de plusieurs citoyens de la même ville, qui rendent compte à l'Assemblée des événements qui ont eu lieu dans leurs murs, lors de la bénédiction du drapeau envoyé au 1er bataillon du 48° régiment, ci-devant Artois (1).
La lettre de la municipalité est ainsi conçue :
Rennes, le 29 février 1792.
« Messieurs, la ville de Rennes commençait à goûter les fruits de
l'égalité ; les autorités créées par la Constitution exerçaient leur
influence simultanée, imposaient aux détracteurs des lois, maintenaient
le citoyen paisible dans la jouissance de ses droits ; les mouvements
qui agitaient la plus grande partie de l'Empire, ne s étaient point
encore communiqués dans la ville de Rennes, la garnison composée du 2e
bataillon du 48e régiment d'infanterie, d'un détachement du 47e
régiment, et 2 escadrons du 16e régiment de dragons vivaient dans les
douceurs de la fraternité avec tous les citoyens, dans cette union
inaltérable de. sentiments et de principes qui, dans tous les temps, a
renversé les coupables projets des tyrans ; .fidèle à ses devoirs, elle
donnait à tous les militaires, l'exemple d'une subordination parfaite,
d'une discipline exàcte. Telie étaitla disposition des esprits en cette
ville, lorsque le bruit se répand tout à coup, qu'une innovation
particulière s'est introduite dans la discipline de l'infanterie. On
parle d'un règlement sur le point d'être mis à exécution au nom du roi,
et les citoyens étonnés se demandent comment le pouvoir exécutif fait
des règlements, lorscrue la Constitution prononce formellement, article
5 de la section îre du chapitre IV, que le pouvoir exécutifj ne peut
faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations sur
la loi, pour en ordonner ou requérir l'exécution ; on se demande
pourquoi ce règlement, qui ne devait être qu'une proclamation, ne
prononce pas même dans un imprimé de 48 pages in-folio, le nom de
l'Assemblée natio-
« Cependant l'envoi et l'annonce de ce règlement n'excitent aucun trouble dans la garnison; c'est dans cette circonstance, déjà si propre à exciter la fermentation des esprits, que ae nouveaux ordres viennent répandre l'alarme parmi les ci-toyéns, et la consternation parmi les militaires ; le 27 ail soir on donne connaissance, à l'ordre, d'une lettre du ministre de la guerre, ordonnant de lui envoyer, par la poste, l'ancien drapeau du 2e bataillon du 48® régiment; cette disposition nouvelle, contraire aux anciens usages militaires et religieux, consacrée depuis un temps immémorial, de déposer dans les temples les anciens drapeaux ; cette disposition, sur laquelle l'Assemblée nationale n'a rien prononcé, et qui paraît cependant devoir mériter toute son attention, agite tout à coup les citoyens; ils se préparent à lui adresser une pétition à ce sujet. Le lendemain la cérémonie de la bénédiction des drapeaux auxtrois couleurss'exécute,lebataillonestassem-blée sur la place, et conduit dans l'église qui sert actuellement de cathédrale : la cérémonie achevée, le sieur de Savignac, commandant, sans donner aux bataillons réunis connaissance de la lettre officielle, sans lui en .expliquer les motifs, le sieur de Savignac, qui ne devait pas ignorer les bruits répandus, dans la ville,, et dont le devoir était de prévenir une fermentation dont les suites pouvaient être infiniment dangereuses, donne l'ordre de défiler avec les anciens drapeaux. Soudain un mouvement général de mécontentement se manifeste, une multitude de citoyens réclame à la fois que l'exécution de l'ordre du ministre soit différée; que le drapeau soit suspend aux voûtes de l'église, et l'exécution de ce projet est bientôt accomplie. Alors le sieur de Savignac ne se contient plus, il arrache son hausse-col, jette à bas son baudrier, et déclare abandonner le commandement: il fait plus, il entraîne dans sa défection;le sieur Debry, son neveu; 3 autres officiers suivent son exemple ; le reste des officiers demeure à son poste, et le bataillon, après avoir défilé en bon ordre, se retire dans ses casernes; le drapeau aux trois couleurs et la caisse ont été transférés avec les formalités ordinaires.
« Cependant un moment d'agitation s'élève dans là ville ; les plus violents soupçons d'aristocratie, de projets de contre-révolution, s'élèvent sur le compté de M. de Savignac, et ae ceux qui l'ont imite. Les citoyens ne supportent qu'avec indignation l'idée ae conserver au milieu d'eux des npmmes dont la conduite est depuis si longtemps suspecte, et dont la défection vient de manifester scandaleusement les principes. Ils se réunissent, ils forment une pétition ; et sur ce vœu prononcé par l'université des citoyens, le corps municipal considérant que la tranquillité publique est troublée d'une manière effrayante ; que les esprits sont dans un état d'agitation terrible sur le sort de la liberté, .de la Constitution ; que la sûreté publique et la sûreté individuelle du sieur dé Savignac et celle des officiers qui ont suivi sa défection, se trouve essentiellement compromise, délibère que ces officiers seront saisis sur-le-champ, et conduits devant les juges de paix pour y être interrogés, et pour être, par lesdits juges de paix, pris un parti convenable.
« Telle est, Messieurs, notre situation actuelle; nous ne nous permettons aucune réflexion sur
la conduite des officiers soumis aux lois qui défendent aux municipalités de s'immiscer en rien dans les lois militaires ; nous n'avons agi. que lorsque la tranquillité publique a été trOu-filée, que lorsque les magistrats du peuple ont paru nécessaires au rétablissement ide Tordre. Tels sont les faits d'après lesquels les officiers municipaux de Rennes vous prient, Messieurs, au nom des habitants de la ville de Rennes, de charger le pouvoir exécutif de donner l'ordre que le drapeau du bataillon du 48° régiment demeure attaché à la voûte de notre temple, comme un témoignage éclatant de l'union fraternelle que les citoyens et soldats se sont jurée pour la défense de la liberté et de la Constitution ; ou si une disposition générale exclut cette disposition particulière, que les citoyens-militaires et les militaires-citoyens soient du moins autorisés à brûler à Rennes l'ancien drapeau en présence de la municipalité qui en dressera procès-verbal. C'est l'unique moyen de consacrer et d'unir tout à la fois et l'ordre particulier du ministre et le vœu universel de tous les citoyens de Rennes.
« Nous sommes avec respect.
(Suivent les signatures.)
M. le secrétaire donne ensuite lecture de la pétition des citoyens de la ville de Rennes, par laquelle ils exposent les mêmes faits, et de plus, articulent différents griefs contre M. de Savignac, comme d'avoir eu à la cérémonie un costume indécent, de n'avoir pas fait la lecture des ordres ministériels, d'avoir, par son opiniâtreté, causé le trouble dans la ville, d'avoir lâchement donné l'exemple de la désertion, et arraché des rangs M. Debry son neveu, pour s'en faire suivre; ils dénoncent le règlement militaire et les cinq appels qui y sont ordonnés. Ils montrent des inquiétudes sur le projetde M. deNarbonne de brûler les anciens drapeaux; ils se plaignent de ce qu'il-embarrasse son ministère de soins puérils, pour contrevenir à un usage religieux, et finissent par demander lé prompt remplacement des cinq officiers déserteurs.
Messieurs, vous connaissez l'extrême attachement que les soldats françaisportent à leurs drapeaux. Il n'est pas étonnant que plusieurs aient témoigné des craintes en voyant que les leurs allaient leur être enlevés, dans un moment surtout où l'on sait que plusieurs ont pu être portés vers Coblentz et que les soldats ont encore devant leurs yeux cet exemple qui lès a frappés de l'étendard des gardes du corps transporté au delà du Rhin. Il était naturel, puisqu'on voulait les brûler, qu'ils trouvassent singulier qu'on ne les brûlât pas sur les lieux et en leur présence. Je demande pourquoi le ministre a pris un mode nouveau pour enlever les anciens drapeaux, tandis qu'il en existait un autre, et que depuis la Révolution nous avons vu cinquante exemples qu'on a suspendu toujours aux voûtes des temples les drapeaux qui ne pouvaient plus servir. Je demande donc que, vu les circonstances, vu l'accusation portée contre les soldats, le comité militaire fasse jeudi prochain un rapport sur les drapeaux et sur le règlement de discipline du ministre de la guerre. (Applaudissements dans les tribunes.)
Lorsque le ministre de la guerre a paru dans l'Assemblée nationale il n'y a qu'un instant, il a pressenti que le bureau des renvois
allait retarder de communiquer à l'Assemblée les pièces relatives à cette affaire, et il est venu prévenir je ne sais comment l'accusation qui est portée contre les officiers qui ont quitté leur poste. 11 s'est hâté d'accuser la municipalité d'avoir outrepassé ses pouvoirs en livrant ses officiers au juge de paix. Mais, Messieurs, vous n'avez pas oublié que, d'après la lecture qui vient de vous être faite, les officiers, ayant quitté leur poste, sont rentrés dans la classe des simples citoyens et comme tels sont devenus sujets à l'administration municipale ou juge de paix. En conséquence, c'est légalement que la municipalité de Rennes et que le juge de paix ont opéré, et c'est illégalement que le ministre de la guerre est venu dans cette enceinte accuser une municipalité qui s'est conformée à la loi. Il est nécessaire que l'Assemblée prononce en connaissance de cause. Ainsi je demande au nom de l'armée... (Murmures prolongés dans VAssemblée. — Applaudissements dans les tribunes ) Oui, je demande au nom de l'armée que le règlement ministériel, qui n'a nullement la sanction d'aucune loi, soit revisé par le comité militaire qui, sans doute, y trouvera mille choses à corriger. (Murmures.) Par exemple, je demande s'il est possible d'astreindre les soldats à cinq appels par jour?
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question!
Je demande encore, puisque les faits énoncés par le ministre sont démentis par les procès-verbaux de la municipalité de Rennes, que le comité de,surveillance soit chargé d'examiner l'affaire de Rennes^
Je dis que c'est le ministre de la guerre seul qui a donné cause à toût ce soulèvement de l'armée, et par le règlement et par l'ordre de renvoyer tous les vièux drapeaux. Depuis un temps immémorial les régiments ont toujours déposé les anciens drapeaux dans la paroisse de la ville où ils se trouvaient. Il ne manque point de militaires dans l'Assemblée, je les prie d'attester ce fait ou de le nier. Je demande quel a été le projet du ministre de la guerre lorsqu'il a ordonné que les anciens drapeaux des régiments lui seraient renvoyés? Les anciens drapeaux comme les nouveaux appartiennent à la nation, et il n'appartient pas au ministre d'en disposer. Il devait, puisqu'il est si prévoyant, puisqu'il sait si bien tous les jours exercer ici son initiative, il devait prévenir l'Assemblée de ce qu'il voulait faire de ces anciens drapeaux.
Plusieurs membres : Il l'a fait !
On me crie qu'il l'a fait, et moi je soutiens qu'il ne l'a pas fait. Quand vous a-t-il prévenu? avant-hier!
Plusieurs membres : Il y a plus de 3 semaines 1
Examinez la date des procès-verbaux, vous verrez que l'ordre du ministre de la guerre était exécute avant qu'il eût seulement instruit l'Assemblée que cet ordre existât.
Quant au règlement, je pense que tous les militaires de cette Assemblée ont été aussi étonnés que moi que, dans un temps de liberté, on exigeât cinq appels par jour. J'ai servi, et parmi tous les militaires qui m'écoutent, il n'en est pas un qui n'atteste que cès cinq appels ne se sont faits que dans des circonstances urgentes et quand le ministère voulait appesantir son despotisme sur les soldats ; ils diront comme moi si deux appels ne suffisent pas ; au surplus, ce n'est pas la première plainte contre ce règlement : ils vous en
arrive tout les jours. Je demande donc que le règlement qu'on a fait pour l'armée soit envoyé au comité militaire...
Plusieurs membres ; Il y est!
.. qui sera tenu de faire promptement son rapport. Je demande en outre que l'Assemblée nationale décrète sur-le-champ que les anciens drapeaux de tous les régiments seront déposés, comme par le passé, dans les paroisses des villes où les régiments seront en garnison, et que ceux qui sont déjà rendus au bureau de la guerre, seront brûlés en présence de 4 quatre commissaires de l'Assemblée, comme on fait pour les assignats. (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : En examinant avec impartialité la nature des faits on verra que le ministre avait le droit, puisqu'aucune loi ne le lui défendait, puisqu'il en avait prévenu l'Assemblée nationale, le ministre, dis-je, avait le droit d'ordonner qué les drapeaux seraient rapportés; mais les citoyens ni les soldats de Rennes n'avaient aucune qualité pour exiger que les drapeaux fussent suspendus. Il est impossible de ne pas voir que toutes les lois ont été violées dans l'affaire de Rennes, et il n'appartient pas à l'Assemblée de statuer en ce moment. {Murmures.) Je demande le renvoi au pouvoir exécutif. (Murmures prolongés.)
J'annonce à l'Assemblée que le comité militaire est prêt à faire son rapport sur le règlement du ministre ; ce règlement a été calqué sur la loi de l'Assemblée constituante, que le ministre a suivi dans tous ses points. Mais le comité vous en présentera un que, je crois, vous adopterez, et qui mettra tout le monde d'accord.
Relativement aux étendards, quand ils étaient vieux, ils appartenaient au colonel. Lorsqu'il y avait suppression dans les troupes à cheval, d'un escadron ou de deux, les deux étendards attachés à ces deux escadrons étaient donnés à l'église principale du lieu où le régiment était en garnison.
Quoiqué je sois député du département de l'Ille-et-vilaine, et citoyen de la ville de Rennes, cette déclaration ne peut jeter aucun doute dans les esprits, parce que je me rappellerai toujours que je suis représentant de la nation. 11 serait possible que la discussion eût jeté quelques doutes dans l'esprit de plusieurs membres de l'Assemblée, sur le vrai patriotisme des habitants de la ville de Rennes.
J'observerai à l'Assemblée que cette ville qui s'est déclarée une des premières, sinon la première, pour la Révolution française, a été toujours secondée par la garnison dont elle conserve encore une partie. Je dirai que les soins, le zèle de la garde nationale et ceux des soldats du brave régiment d'Artois, ont éloigné pendant 3 ans de la ville toutes espèces de troubles; nul événement malheureux n'a, pendant ce temps, ensanglanté son enceinte. Voilà quels sont les habitants de Rennes, voilà quels sont les soldats de la garnison de Rennes.
Quant au fait particulier, je veux ignorer quelle a été votre délibération jusqu'à ce moment, mais je vous prie d'observer qu'il s'agit ici d'un règlement nouveau, d'un ordre inconnu jusque-là, que s'il y a eu des fautes, elles ont été celles du patriotisme et non de la mauvaise volonté.
La municipalité a pris dans ces circonstances, pour le maintien de la tranquillité publique, les mesures que la sagesse lui suggérait ; c'est pour cela qu'elle renvoya au juge de paix, mais aucune violence, aucun excès contre quelques individus que ce soit, n'ont été commis. Voilà, Messieurs, les véritables rapports sous lesquels il convient d'envisager l'affaire, et d'après lesquels il vous paraîtra peut-être que des citoyens et des soldats qui, pendant 3 ans, ont constamment obéi à la loi, sont bien excusables. Je conclus donc au renvoi au comité militaire, déjà chargé d'examiner le règlement des deux pétitions qui vous ont été remises.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres : La question préalable sur l'ordre du jour ! i •
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ordre du jour. Renvoie toutes les pièces relatives à l'affaire de Rennes au comité militaire, et charge ce comité d'examiner le règlement de discipline envoyé par le ministre de la guerre à tous les régiments composant, l'armée.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GUYTON-MORVEAU.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 mars 1792, au soir.
Les administrateurs du directoire du district de Grandpré, département des Ardennes, me chargent d'informer l'Assemblée nationale que les rôles des contributions de ce district sont en plein recouvrement, que les commissaires nommés en exécution de la loi du 25 janvier dernier sont entrés en activité, et que déjà le nombre des recrues pour les troupes ae ligne se porte dans ce district, l'un des plus petits du royaume, à 70 hommes, qui ne sont encore que le tribut de quelques cantons.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait au procès-verbal, mention honorable du zèle des administrateurs et des officiers municipaux du district de Grandpré, ainsi que du patriotisme des citoyens qui se sont réunis avec tant d'ardeur aux défenseurs de la patrie.)
Un membre : Je fais la motion qu'il soit ajouté à l'article 4 du décret rendu hier, à la séance du matin (1), sur le rapport du comité des domaines, concernant les terres concédées au sieur Viron-chaux, par arrêt du conseil du 9 juillet 1771., la disposition qui suit :
Que dans le cas de partage des experts, le directoire du département nommera le tiers-expert. »
(L'Assemblée adopte cette disposition additionnelle.) •
En conséquence le décret rendu hier, à la séance du matin, est ainsi
conçu :
« Considérant, que les terres concédées au sieur Vironcheaux par l'arrêt du conseil du 9 juillet 1771, doivent avoir une étendue fixe et déterminée ; que la nécessité de reconstruire les digues d'enclôture détruites par la mer, ne peut légitimer l'avancement qu'il a fait sur des terres, qui ne faisaient pas partie de la concession ; considérant, en outre, que l'arrêt du conseil du 7 mars 1790, qui accorde aux pêcheurs des Huttes, hameau ae Gravelines, et aux pêcheurs hollandais réfugiés, la jouissance de 40 mesures de terre dans la partie de celles concédées au sieur Vironcheaux, qui serait le plus à leur commodité, renferme une véritable atteinte à la propriété, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'arrêt du ci-devant conseil d'Etat, du 7 mars 1790, rendu en faveur dès pêcheurs des Huttes, hameau de Gravelines, est déclaré nul, et sera regardé comme non-avenu.
Art. 2.
« Il sera fait, à la diligence du procureur général syndic du département du Nord, un mesurage et arpentage exact, de l'étendue actuelle des terres dont jouit le sieur Vironcheaux, et qui sont renfermées dans la digue d'enclôture par lui construite.
Art. 3.
« Les experts s'expliqueront sur la nature ét la valeur des terres à 1 époque de la concession du 19 juillet 1771 ; ils désigneront leur état actuel, en distinguant celles qui sont en production de celles qui ne le sont pas, et en indiquant l'étendue des unes et des autres, même des digues et fossés, pour en suite dudit procès-verbal, être par l'Assemblée nationnalé statué ce qu'il appartiendra, n'entendant rien préjuger sur la validité ou la maintenue de la concession.
Art. 4.
« Les experts seront nommés, à savoir : la moitié par le sieur Vironcheaux, et l'autre moitié parle directoire du département et les frais de leur opération seront à la charge du concessionnaire; et dans le cas de partage des experts, le directoire du département nommera le tiers-ex-pert.
Art. 5.
« Le présent décret sera envoyé seulement aux corps administratifs du département du Nord. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Cahier de. Gerville, ministre de l'intérieur, qui rend, compte à l'Assèmbléè nationale de Varrestation faite à Marseille d'une somme de 40,000 livres en écus, au coin de France, provenant d'un chargement de blé, fait par le sieur Cassiero, négociant napolitain. Le ministre de-
mande que l'Assemblée applique, dans cette circonstance, la loi qui défend l'exportation du numéraire hors du royaume ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« La municipalité de Marseille m'a informé de l'arrestation d une somme de 40,000 livres en écus au coin de France, provenant de la vente de blés étrangers. J'ai l'honneur de joindre ici copie de sa lettre à cet égard, et du procès-verbal dont elle était accompagnée; il en résulte que le sieur Cassiero, armateur napolitain, lavait embarquée sur le navire qui avait apporté le chargement, et que la municipalité, en manifestant une opposition marquée à la sortie des espèces, est incertaine sur la conduite à tenir dans pareille circonstance : la prohibition de la sortie des espèces, qui pourrait être envisagée sous tant d'aspects différents chez une nation grande, généreuse et libre, est formelle et il ne s'agit ici que de voir s'il y a lieu à une exception en faveur du sieur Cassiero.
« L'Assemblée nationale connaît les besoins des départements du Midi en matière de subsistances ; ils deviendraient plus impérieux encore si les étrangers venant apporter des grains dans nos ports étaient empêchés de remporter la valeur en espèces. Je vous prie de soumettre ces observations à l'Assemblée nationale, afin qu'elle décrète, pour le cas dont il s'agit, ce qui sera convenable.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : CAHIER. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre du ministre de l'intérieur aux comités d'agriculture et de commerce réunis, pour en faire rapport à la séance du soir.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des administrateurs du directoire du district d^Evreux, département de l'Eure, au sujet des troubles qui désolent ce département (1) ; cette lettre est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Un commissaire que nous avons député vers vous, vous aura instruits des
troubles qui désolent ce département;les'pièces dont il était porteur
vous en auront donné le détail. Depuis son départ, Messieurs, la tourbe
des séditieux s'est accrue; elle est maintenant portée à près de 8,000
hommes qui parcourent les campagnes, les bourgs et même les villes;, ils
entraînent avec eux les habitants, les officiers municipaux, les gardes
nationales ; ils se portent aux marchés, ils fixent les prix aux grosses
forges, et y taxent les fers à un bas prix. Ils ont forcé les régisseurs
de la forge de Louche à signer un marché que la réflexion et une
connaissance exacte du commerce de fers ont dicté. Certes une multitude
de gens grossiers et ignorants n'a pas pu concevoir l'idée d'un plan
aussi bien combiné, et d'une soi-disant police générale: Une main
invisible les guide. Après l'avoir, disent-ils, établie, ils doivent
parcourir les campagnes,
« Les séditieux annoncent publiquement que samedi prochain ils viendront à Evreux. Ils sont maintenant à Verneuil; ils doivent se rendre mercredi à Neufbourg, et vendredi à Saint-André. Les bons citoyens sont désolés. Nos gardes nationales ne suffisent pas à notre défense. Nous avons besoin de troupes de ligne; et le plus petit retard est dangereux. Nous vous traçons rapidement, Messieurs, le tableau de nos malheurs. Trouvez, nous vous en prions, dans votre sagesse, les moyens les plus prompts de nous secourir; mais soyez assurés que jamais la crainte né nous fera abandonner notre poste. Fidèles à la loi, à l'honneur et à nos devoirs, nous saurons mourir, si nous ne pouvons pas vaincre.
« Nous sommes avec respect, etc.-.
(Suivent les signatures.)
Un membre, député du département de VEure : Nous avons été hier, trouver le ministre de la guerre. Il nous a dit qu'il lui était impossible ae donner des forces, parce qu'il n'en avait point à sa disposition; mais il nous a montré une lettre du département de la Seine-Inférieure, par laquelle ce département requiert le commandant des troupes à Rouen; ce commandant est parti sur-le-champ au secours d'E-vreux, avec cent chevaux. Il nous a dit de nous adresser au département de Paris pour lui demander des gardes nationales ; et nous nous y rendrons sur les onze heures.
, secrétaire. Voici-plusieurs pièces adressées à VAssemblée par les administrateurs du département des Bouches-du-Rhône et par la municipalité dAix. Elles viennent d'être apportées par un courrier extraordinaire.
Ce sont :
1° Une lettre des âdministrateurs du conseil du département des Bouches-du-Rhône, du 29 février, et procès-verbal du 27 février et jours suivants, qu'ils ont dressé sur une apparition subite d'un corps considérable d'hommes armés qui sont venus à Aix de Marseille et de quelques autres lieux du département des Bouches-du-Rhône, sans réquisition, sans chefs," y ont répandu la terreur et le trouble, ont forcé le régiment suisse d'Ernest, en garnison dans cette ville, de quitter ses quartiers et de sortir de la ville d'Aix;
2° jjUne lettre des administrateurs du directoire du district d'Aix, du 29 février, et procès-verbal des 26, 27, 28 et 29 du même mois, relatif aux mêmes désordres ;
3° Une .lettre de la municipalité dAix, du lerj mars, et procès-verbal dressé par elle les 26, 27, 28 et 29 février, qui présente les détails de l'incursion du corps armé arrivé de Marseille, et de la conduite qu'elle a tenue pour éviter aes scènes de sang, et ramener l'ordre et le calme dans la ville d'Aix ;
4° Une lettre des administrateurs du conseil du département des Bouches-du-Rhône, en date du
2 mars, portant envoi de copies de deux autres lettres, l'une des administrations réunies d'Arles au directoire du district de Tarascon, l'autre du directoire de district au département des Bouches-du-Rhône. Elle donne en outre à l'Assemblée les motifs des retards qu'a éprouvé l'envoi des procès-verbaux.
La lettre des administrateurs du département des Bouches-du-Rhône est ainsi conçue : '
« Aix, le 29 février 1792.
« Législateurs,
« Une apparition aussi subite qu'inattendue d'un corps de citoyens armés, venus de divers lieux de ce département, a plongé dimanche dernier cette ville dans les plus grandes alarmes. Les motifs de cette insurrection ne nous ont été connus qu'hier au soir; ils ne pouvaient l'être plus tôt, puisque ce n'est qu'à cette époque que nous apprîmes la désertion du procureur général syndic et des six membres dont le directoire était alors composé.
« Notre premier mouvement fut, en vertu de la loi du 28 mars dernier, de voler où était le danger, de prendre les rênes de l'administration, et de jurer de périr à nos postes, si le sacrifice de notre vie pouvait arrêter l'effusion du sang. Peu d'heures après notre réunion, un nombre considérable de Ces citoyens armés se présentèrent au département. L'un d'eux, semblable à un lion qui rugit, nous dit avec l'éner- ' gie la plus forte :
« Messieurs, la Constitution est en danger ; « votre département est inondé de prêtres ré-« fractaires et les aristocrates n'attendent que « le moment d'effectuer leurs horribles projets. « Depuis 6 mois, Arles est en pleine insurrection, « et plusieurs autres villes nous donnent les « plus grandes inquiétudes. C'est pourquoi nous « avons pris la résolution de venir ici pour « transférer l'administration à Marseille, dont « nous avons fait partir le régiment d'Ernest. « Voilà, Messieurs, les sujets de notre apparition « en cette ville. Les vrais citoyens, lorsqu'ils « voient leur liberté attaquée de toutes parts, « ne doivent pas attendre d'être requis pour la « défendre ; en conséquence, vous ne devez pas « hésiter à remplir notre demande. »
« Tels sont, législateurs, les motifs qui ont donné lieu à ce nouveau genre d'insurrection. Nous avons fait notre possible pour calmer ces citoyens en courroux, et ce n'a été qu'après une lutte des plus violentes, et qui s'est prolongée jusqu'à ce matin, que nous sommés parvenus à les subjuguer par la persuasion et l'empire de la loi. Il est démontré que le fànatisme fait, chaque jour, dàns ces contrées de nouveaux progrès, par l'influence et le grand nombre de prêtres réfractaires qui travaillent lès: esprits.. Il est une infinité de petites communes où les maris sont vus presque avec horreur par leurs femmes; et les enfants séduits par ce funeste exemple, s abhorrent réciproquement. L'aristocratie, qui n'est pas moins dangèreuse, lève une tête altièré, menaçante ; enfin tout annonce que les ennemis de la Constitution, après avoir longtemps âgité les départements du Nord, rebutés de la résistance qu'ils ont éprouvée, ont formé le dessein de provoquer dans les départements du Midi la guerre civile, seul moyen de préparer des succès à nos ennemis extérieurs.
« Nous vous adressons une copie [du procès-
verbal de nos opérations depuis notre réunion, et nous attendons avec impatience le retour du courrier extraordinaire que nous vous expédions.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Signé : Les administrateurs du département des Bouches-du-Rhone. »
Suivent plusieurs procès-verbaux rapportant les mêmes faits. Nous croyons devoir nous borner à insérer celui des officiers municipaux de la ville d'Aix qui contient les détails les plus étendus et les plus circonstanciés ;
Procès-verbal de la municipalité d'Aix.
« Dimanche 26 février 1792, 9 h. du mat.
« Le corps municipal extraordinairement convoqué, M. le maire a annoncé à la municipalité, qu un particulier, disant venir de Marseille, lui avait dit qu'un corps très considérable d'hommes armés et conduisant 6 pièces de canon, se trouvait auprès de la ville d'Aix, et dirigeait sa marche sur elle; qu'en conséquence, il avait d'abord passé chez M. le maréchal de camp, commandant les troupes de ligne, pour lui en donner avis, et le prier de faire préparer le régiment suisse d'Ernest dans son quartier. Qu'en même temps il avait donné ordre d'assembler à la maison commune, MM. les officiers municipaux, pour être prêts à marcher à toutes les opérations qu'exigeraient les circonstances.
« La municipalité s'est occupée sur-le-champ de faire appeler quelques personnes de confiance, télles que M. Aillaùd, directeur-maître de la poste aux chevaux, à l'effet d'envoyer sur-le-champ sur la route de Marseille pour s'assurer de la vérité. Il ne lui paraissait cependant pas vraisemblable qu'une troupe armée et nombreuse pût sortir de Marseille avec du canon, sans que la municipalité d'Aix en reçût aucun avis, soit par les corps administratifs, soit par des particuliers, surtout lorsqu'un garde de police du corps municipal se trouvait à Marseille dans le moment actuel, et que le temps pluvieux, en ralentissant la marche au corps armé, devait faciliter les avis. M. le maire a cependant écrit au vice-président du directoire du département, au président de celui de district, ainsi qu'à M. le procureur général syndic et à M. le procureur syndicat à fait avertir M. le colonel de la garde nationale pour les instruire de ce qui se passait. Il a envoyé pareillement une réquisition à M. le commandant des troupes de ligne pour l'inviter à se rendre à la maison commune. Mais ce dernier arrivant au moment où cette réquisition était portée, il exposa qu'après avoir fait dire à la troupe de ligne de se tenir prête au quartier, suivant la demande de M. le maire, il se rendait auprès du corps municipal pour se concerter sur les mesures ultérieures, quoiqu'il parût encore douteux que la nouvelle fût vraie.
« Pendant cet entretien un particulier est venu annoncer que la nouvelle était certaine, et que le corps armé était à une demi-lieue de la ville. Aussitôt lé corps municipal a fait, par écrit, différentes réquisitions à M. le commandant, pour empêcher l'entrée de cette troupe armée dans cette ville, et pour porter à 100 hommes lé corps de garde de la maison communè. En même temps on a donné ordre de faire fermer toutes les portes de la ville, et fait battre la générale.
« Aussitôt que les réquisitions ont été faites, M. le commandant est sorti pour en assurer l'exécution.
« Après quelques moments, plusieurs membres du directoire ae département et de district sont arrivés à la municipalité.
« Nous leur avons fait part des mesures que nous venfons de prendre, et qu'ils ont approuvées ; nous leur avons observé ensuite que, pour conserver tous les pouvoirs et garantir toutes les responsabilités, il était nécessaire que les administrations ne fussent pas même réunies ensemble mais qu'elles se retirassent chacune dans le lieu ordinaire de leurs séances, sauf à communiquer par écrit et par commissaires. Cette observation a été adoptée. En conséquence, les directoires de département et de district se sont assemblés sur-le-champ. La municipalité a délibéré à l'instant qu'elle ne se séparerait plus ni jour ni nuit, qu'elle n'interromprait pas ses séances.
« Le garde de police qui était à Marseille, est alors arrivé. Il a alors affirmé avoir vu partir de Marseille un corps très nombreux. Il y ajouté que s'étànt mêlé dans la foule, déguisé, pour en sortir, on faisait un appel nominal, et qu'en conséquence ayant été arrêté sur la déclaration qu'il allait à Aix, il a été mis au corps de garde ae la ville où il a été détenu près de 4 heures, ce qui a mis obstacle à son arrivée.
« On est venu en ce moment annoncer à la municipalité qu'on n'avait pu exécuter l'ordre de fermer toutes les portes parce qu'une grande foule de peuple s'était opposée à ce qu'on fermât celle du cours, qui est l'avenue du chemin de Marseille. La municipalité a ordonné de nouveau de fermer cette porte et a envoyé quelques gardes nationales pour le faire exécuter.
« M. le commandant des troupes de ligne a annoncé qu'il avait fait entrer le régiment dans la ville, mais qu'un corps considérable et armé, venant du côté de Marseille, entrait dans la ville, qu'il était déjà en bataille sur le cours; •qu'il avait braqué les canons sur le passage du régiment, ainsi qu'il avait été oblige de ralentir la marche du régiment, et qu'il était impossible de faire arriver le détachement que nous l'avions requis de porter à la maison commune, à moins d'employer la force pour s'ouvrir le passage, ce qu'il n'avait pas voulu faire sans nouvelle réquisition.
« Sur-le-champ, pour éviter tout accident. MM. le maire et officiers municipaux, et le procureur de la commune, avec le commandant sont sortis. Les autres se sont occupés du logement et de la subsistance qui ont été demandés pour le corps entier, par plusieurs personnes qui étaient entrées sous la dénomination d'officiers de la garde nationale de Marseille.
« M. le maire et MM. les officiers municipaux, arrivés au cours, ont trouvé en effet un corps très considérable, rangé en bataille, dans lequel se trouvaient plusieurs compagnies de grenadiers en uniforme, ainsi que beaucoup d'autres. -six canons appartenant à cette troupe étaient braqués contre la tête du régiment, dans l'avenue de Saint-Jean, qui est l'avenue aes casernes.
« M. le maire a demandé le chef de la troupe; plusieurs personnes se sont présentées se disant officiers ; mais aucun n'a donné le nom du commandant en chef. A l'instant plusieurs citoyens et gardes nationaux d'Aix sont venus se plaindre à Ml le maire de ce que plusieurs personnes qui,
depuis longtemps affectent de publier des principes ennemis de la Constitution, et devenues par ce motif un objet de haine pour le peuple, s'étaient placées en armes dans le premier rang des grenadiers suisses. Ils ont observé que cette vue excitait quelques ressentiments, et une vive fermentation contre le régiment, que l'on soupçonnait de partager les sentiments de ces personnes, et qu'il était essentiel de calmer cette effervescence.
« Le maire a fait ses observations avec le commandant des troupes de ligne, qui a donné des ordres pour faire retirer ces personnes qui auraient dû se trouver avec Ta garde nationale à la maison commune. Comme elles se retiraient, l'une d'elles a été accusée d'avoir couché en joue un garde national ; d'avoir même essayé de tirer sans que l'amorce ait pris Jeu; et qu'elle s'était enfin sauvée dans les casernes. Sur la rumeur que cet accident a causé, M. le maire a cru un instant de faire avertir un juge de paix et de faire consigner ces personnes dans les casernes, pour que l'on pût ensuite les entendre judiciairement. MM. le maire et officiers municipaux étant revenus ensuite vers le corps armé venu de Marseille, il leur a été demandé avec instance, par un grand nombre de citoyens et par plusieurs gardes nationaux d'Aix qui s'y étaient joints, de faire retirer sur-le-champ la troupe de ligne dans son quartier, a cause de l'excessive fermentation que sa présence occasionnait surtout après i'evénement qui venait d'avoir lieu. On n a pas cru devoir accorder à l'instant cette demande.
« M. le commandant des troupes de ligne s'est plaint ensuite de ce qu'on avait arrêté le détachement d'Ernest qui allait prendre les drapeaux et a insisté pour qu'on ne mît aucun obstacle à cet égard. If a sollicité les officiers municipaux d'employer tous leurs efforts pour obtenir le passage du détachement. La troupe étrangère déclarait, au contraire, que puisqu il fallait que le régiment se retirât incessamment dans son quartier, il était inutile qu'il allât prendre ses drapeaux, et qu'elle ne laisserait pas passer ce détachement. Cependant, à force ae persuasion et de paroles de paix, après bien des négociations, la municipalité a obtenu que le régiment irait prendre ses drapeaux dans la forme ordinaire : ce qui a été exécuté sur-le-champ. Et le corps étranger, devant qui les dra-eaux ont passé, leur a rendu même tous les onneurs militaires.
Après cela le maire et les officiers municipaux sont venus à la maison commune. Ils y ont été bientôt suivis par plusieurs chefs de la troupe nouvellement arrivée, qui ont déclaré que leur intention était d'entretenir la paix dans la ville; mais qu'ils entendaient que la troupe de ligne se retirât sur-le-champ, ainsi que tous les corps de garde qui étaient dans la ville et qui avaient été renforcés. Qu'à cette condition, ils allaient se retirer eux-mêmes, et se retirer chacun dans les logements qui leur avaient été assignés; mais que, dans le cas contraire, ils allaient attaquer le régiment. Le corps municipal a délibéré à l'instant de refuser de faire évacuer les corps de gardes militaires. Mais comme les étrangers n'annonçaient aucun projet hostile ; que plusieurs citoyens d'Aix s'étaient réunis à eux ; que malgré la générale battue, la garde nationale n'était qu'en très petit nombre à l'hôtel de ville ; qu'il n'y avait aucun danger pour la ville ; que le régiment exposé dans une rue, à toutes les
attaques étrangères, y était très dangereusement poste, et avait une grande infériorité de nombre; qu'il pouvait être attaqué par toutes les rues voisines, et qu'il fallait par-dessus tout, ne causer une telle effusion de sang que lorsque la sûreté ou la propriété des citoyens seraient menacée, le corps municipal délibéra de requérir M. le commandant de faire rentrer ce régiment dans ses casernes. Cette réquisition ayant été exécutée, la troupe étrangère se dispersa aussitôt, et se retira paisiblement dans ses logements. La municipalité donna sur-le-champ avis au département, de l'état de calme où se trouvait la ville; de la fermentation qu'avait causé l'apparition de certaines personnes dans les rangs des troupes de ligne; et du bonheur qu'elle avait eu d'en prévenir les suites et d'empêcher une attaque sans objet.
« Sur les quatre heures après-midi, le corps municipal fut averti qu'environ 400 hommes armés arrivaient du côté d'Aubagne, pour se joindre à ceux qui étaient venus le matin de Marseille, qu'il en arrivait encore à chaque instant de cette dernière ville, ainsi que de la plupart des villages voisins. Tous ces corps venant sans réquisition et disant qu'ils avaient été avertis que la ville était menacée par le régiment, et qu'ils accouraient à son secours, sans désigner pourtant les persones qui leur avaient donné cette nouvelle. Par cette réunion continuelle d'hommes armés, le nombre en était devenu considérable dans la ville, sans qu'ils manifestassent cependant aucun dessein hostile contre les citoyens. Vers cinq heures du soir, un grand nombre de ceux venus de Marseille se porta à la maison commune et réclama, avec menace, que les corps de gardes militaires qui étaient dans la ville, fussent éloignés, et que la garde leur en fût confiée. Le corps municipal délibérait sur cette demande, lorsqu'il apprit qu'un détachement de 350 hommes du régiment d'Ernest était entré dans là ville et était près de la maison commune. Un grand nombre de citoyens vint conjurer les officiers municipaux de suspendre la marche de cette troupe. Ils sortirent sur-le-champ, ils trouvèrent les canons de la garde nationale d'Aix braqués sur les avenues ; les gardes nationaux, incertains sur les intentions des détachements, prêts à faire feu sur eux ; la foule des étrangers amenés, remplissant toutes lés rues ; les cris de terreur se faisaient entendre de tous les citoyens effrayés de voir un combat nocturne engagé sans en connaître l'objet. M. le maire et officiers municipaux, arrivés près du détachement, demandèrent en vertu de quel ordre il marchait. Le commandant répondit que c'était par réquisition du département. Le commandant demande qu'il lui soit permis d'envoyer son aide de camp auprès du directoire de département. Les officiers municipaux y consentent et s'arrêtent. L'aide de camp part ; il ne trouve personne au directoire de département ; il fait constater ce fait par un officier municipal qui était resté dans la maison commune. Ils se rendirent èn-suite l'un et l'autre, auprès du détachement d'Ernest, et annoncèrent la dispersion des membres du directoire de département.
« Le corps municipal, redoutant alors l'effet d'une attaque qui allait s'engager au milieu de la ville et dans la nuit entre la troupe de ligne, les gardes nationaux et les étrangers armés, sans que personne pût se reconnaître et savoir quel était son ennemi ; ne voyant d'ailleurs
dans ce moment aucun citoyen menacé, ni aucuns motifs de déployer la force publique, s'empressa de faire rentrer le détachement dans le quartier, pour le préserver d'être combattu par plus de 3,000 hommes armés, la ville d'être exposée à être saccagée pendant la nuit, et les citoyens à s entre-égorger.
« La municipalité doit se féliciter d'avoir évité ce malheur. Le commandant des troupes de ligne prie M. le maire et officiers municipaux de se mettre à la tête du détachement. M. le maire et deux d'entre eux se mettent à la tête du détachement et l'accompagnent au quartier, les autres officiers municipaux se rendent à la maison commune.
« Le détachement rentre aux casernes ; M. le commandant prie la municipalité de l'accompagner au directoire de département, ils s'y présentent, on n'y trouve personne ; les membres qui le composent avaient disparu, et on ignore encore le lieu de leur retraite.
« Le corps municipal venait d'être informé, que dans les mouvements de la fermentation extrême, qui avait précédé l'arrivée imprévue de la troupe de ligne, plusieurs corps ae gardes militaires venaient d'être désarmés, notamment celui de la maison commune, Composé d'environ 40 soldats ; le corps municipal se hâta de faire une réquisition pour faire retirer tous les corps militaires afin de ne pas les compromettre, mais il apprit bientôt qu'il était trop tard, et que tous les postes, à l'exception d'un seul, avaient été désarmés, mais que les soldats s'étaient retirés aux casernes.
« Dès ce moment, le calme fut parfaitement rétabli dans la ville, le petit nombre des gardes nationaux que la municipalité avait pu rassembler autour d'elle faisait des patrouilles sans relâche, une grande partie des étrangers en faisait de même.
« Vers minuit, le commandant des troupes de ligne, se trouvant à la maison commune, les officiers municipaux le préviennent, que s'il arrivait dé grands désordres dans la ville, ils le requéraient d'y entrer; ils lui firent part des avis qu'ils avaient reçus, et de quelques propos échappés aux étrangers, tendant a l'attaquer jusque dans son quartier; le commandant en parut surpris, et dit : je vais y passer la nuit; si vous avez besoin de moi, vous m'y trouverez. Vers deux heures et demie du matin, lundi 27, un particulier, se disant capitaine d'une compagnie de gardes nationales de Marseille, quoique sans uniforme, vint déclarer au corps municipal, que ses volontaires voulaient faire, dans le moment, l'attaque des casernes, et qu'ils allaient en conséquence faire battre la générale, soit que le corps municipal le permît, soit qu'il ne le permît pas (Murmures.); il était suivi de plusieurs personnes, qui déclarèrent la même chose. Les officiers municipaux firent leurs derniers efforts pour prévenir ce désordre, ce fut en vain; alors, n'ayant presque pas de gardes nationaux autour d'eux, ils se décidèrent de faire battre eux-mêmes la générale, pour essayer de faire rassembler les citoyens. Ils envoyèrent ensuite avertir le commandant des troupes de ligne-; mais on ne le trouva point chez lui, parce qu'il avait couché au quartier. La générale, battue au milieu de la nuit, ne rassembla qu'un très : petit nombre de citoyens ; tout le reste du temps, jusqu'au jour, se passa en tentatives inutiles de la part des officiers municipaux, pour détourner les étrangers de ce dessein, mais cela était d'au-
tant plus difficile, qu'ils paraissaient avoir une multitude de chefs, et n'en avoir cependant aucun qui eût une autorité imposante. On ignorait d'ailleurs presque toujours le lieu où ils se trouvaient, et on ne pouvait leur parler qu'accidentellement, lorsqu'ils se rendaient à la maison commune.
« Dans la matinée, remplie d'un tumulte continuel, une foule immense et armée se rendit autour du quartier, on disposa des canons, on somma le régiment de se rendre. M. le commandant des troupes de ligne envoya un aide de camp à la maison commune pour conférer avec le corps municipal. On fit part à l'aide de camp de l'état des choses et des tentatives inutiles et multipliées qui avaient été faites pour engager les étrangers à renoncer au projet d'attaque. On lui fait voir le petit nombre de gardes nationaux rassemblés à la maison commune, on lui observe qu'on envoyait à chaqué instant les officiers de la garde nationale qui avaient formé quelques liaisons avec les chefs des étrangers pour essayer de les contenir, mais que dans le danger imminent qui menaçait la ville, quand des mouvements intérieurs se manifestaient, les officiers municipaux ne pouvaient quitter la maison commune, ni se séparer, qu'ils se devaient tous au salut des citoyens, que d'ailleurs cette attaque ne menaçant que les casernes, les chefs militaires n'avaient pas besoin de réquisition ni de la présence d aucun officier civil, pour défendre le poste dont ils étaient chargés, d'après la disposition formelle de la loi sur la réquisition de la force publique.
L'aide de camp s'étant retiré, les officiers municipaux redoublèrent d'attention pour assurer la tranquillité de la ville, après l'événement du combat qui se préparait. Ils passèrent quelque temps dans la plus grande perplexité. Enfin, on leur vint annoncer qu'il avait été tiré quelques coups de canon, et que le régiment était sorti des casernes sans armes et pour se retirer à Ro-quevaire; on leur annonça aussi que les armes avaient été enlevées par une foule, soit d'étrangers, soit des habitants de la ville.
« Cette action ainsi terminée, la paix parut rétablie, quoiqu'il existât toujours de la fermentation. La ville, privée de force publique, inondée d'une foule d'étrangers armés, se trouvait dans la situation la plus Critique. Le directoire du département se trouvait désespéré; aucune troupe de ligne n'était dans les environs; les gardes nationaux étaient en petit nombre : le dévouement et le courage du corps municipal étaient alors la seule ressource.
« Dans ce moment un étranger est environné tout à coup par la multitude, de grands cris l'accusent d'être un embaucheur pour les contre-révolutionnaires d'Arles. Les Marseillais assurent l'avoir vu à Marseille faire des démarches très suspectes. On veut l'immoler sur-le-champ; cependant on obtient avec peine qu'il soit mené à la municipalité. Là on 1 interroge : il n'existe encore que des accusations contre lui. Pour éloigner le danger, pour Tendre hommage à la loi, on ordonne qu'il soit traduit chez un juge de paix. Cette mesure paraît d'abord satisfaire les esprits; cependant à peine est-il sorti de la commune que l'escorte qui l'accompagnait est forcée. Une multitude armée s'empare de lui, et veut l'immoler sur-le-champ; les officiers municipaux en sont avertis. Il n'était pas question d'appeler la force publique, qui n'existait plus, ils ne font de réquisition que par eux-mêmes,
et volent à son secours. Le maire, 4 officiers municipaux, et le procureur de la commune, appelant à grands cris les bons citoyens a l'obéissance à la loi, courent vers le faubourg où on l'entraînait. Deux fois on veut descendre le réverbère, deux fois l'approche rapide de la municipalité arrête le projet; enfin on l'entraîne avec tant de vitesse que les meurtriers gagnent quelques instants d'avance. Un réverbère est déjà descendu, la corde est passée à son col, il est suspendu et enlevé à deux pieds de terre. Un garde national, d'un coup de sabre, coupe la corde. (Applaudissements.) Il faut cependant combattre encore pour le délivrer. Les gardes nationales, tant de la viH,e qu'étrangers, arrivent ; un officier municipal l'emorasse, le couvre de son écharpe. Sous la seule égide de la loi il est conduit en prison, il est sauvé. (Applaudissements.)
« De retour à la maison commune, les officiers municipaux y trouvent le sieur Pierre B..., membre du directoire du département, qui annonce qu'il est venu à la nouvelle des troubles de la ville, et qu'il a convoqué les administrateurs du département qui peuvent se trouver présents; ainsi l'administration va s'assembler. La municipalité avait reçu d'un, chef de garde nationale ae Marseille, une réquisition dont la teneur suit :
« La municipalité est requise d'assister à la « vérification des papiers du département, à « l'effet de renfermer ces papiers dans les malles, « de leur apposer le cachet de la commune d'Aix, d'un membre du directoire du département et « de celui du district,, pour de suite nous être « remis ; déclarant que nous en aurons un soin « particulier, en les transportant à Marseille.
« A Aix, le 27 février 1792. » ,
« Le département ayant fait avertir qu'il était assemblé, M. le maire, et le procureur de la commune et M. le vice-président du district, se rendent au département,, et ils trouvent un des chefs de la garde nationale de Marseille. M. Pierre B..., d'après la demande de quelques membres, met en délibération la proposition d'engager le directoire du district et la municipalité de se réunir au département, pour délibérer ensemble dans des circonstances aussi orageuses. Le procureur de la commune observe, au contraire, que rien ne serait si dangereux dans ce moment, que la confusion des pouvoirs et la lenteur des délibérations; que la municipalité, élue par les seuls citoyens d'une ville, n'a nul caractère pour délibérer sur les intérêts du département; que les membres du département, à leur tour, ne peuvent point exercer le pouvoir délégué à la municipalité; que, par le mélange de trois corps toute responsabilité est annulée ; il ajoute qu'il insiste d'autant plus pour qu'elle reste séparée, que dans ces circonstances, où il s'agit de la ville seulement, la responsabilité pèse presque tout entière sur le corps municipal. Ces observations sont adoptées : les membres des trois administrations se séparent pour veiller, chacun en ce qui le concerne, sauf à Communiquer par des commissaires.
« Sur lés cinq heures de relevée du même jour, plusieurs dénonciations nous furent faites, à raison d'une somme considérable d'argent, déposée chez le sieur Mathieux, directeur des messageries, dont la destination paraissait suspecte. En exécution d'un arrêté du département, '2-officiers municipaux se sont rendus chez le sieur Mathieux, où, en présence d'un administrateur du département, du procureur syndic du district
et de plusieurs personnes se disant commandant et grenadiers de la garde nationale, il a été vérifié et reconnu que cette somme, distribuée dans 12 barils, et dans 11 boites, était destinée à des payements qui sont à la charge de la nation. Le rapport ae cette vérification ayant été dressé, nous avons requis la garde nationale d'Aix, de veiller à la sûreté de ce dépôt. La réquisition a été renouvelée une seconde rois; par les soins de tous les citoyens, cette somme a été garantie de tout événement, et est ensuite partie, sous escorte, pour sa destination.
« Vers les 10 heures du jour, nous avons été informés que plusieurs détachements réunis avaient saisi à Beaurecueil, commune éloignée de cette ville d'environ une lieue, 2 prêtres et le procureur de la commune, et qu'us étaient conduits dans cette ville. Nous avons marché aussitôt au-devant de cette escorte, et nous sommes parvenus à faire remettre ces 3 personnes en prison, comme c'était là la seule retraite provisoire qu'on pouvait leur accorder. Ces personnes, reconnues innocentes par le juge de paix, ont été élargies par les soins de la municipalité.
« Vers les 11 heures, un détachement, se disant de la ville d'Arles, se présenta à la maison commune pour demander l'étape et le logement. Après nous être convaincus de l'inutilité de leur voyage, nous leur avons notifié qu'ils eussent à vider la ville dès la pointe du jour; et cependant il fallait pourvoir à leur subsistance. La nuit du 27 au 28 a été tranquille; les prisons n'ont cessé d'exciter notre vigilance. Plusieurs réquisitions faites au commandant de la garde nationale en fournissent la preuve; et par le zèle et le concours des citoyens, elles ont été respectées. Dans la matinée du 28, plusieurs dé-" tacnements de garde nationale des lieux circon-voisins, ont encore afflué dans la ville. Nous avons pourvu à leur subsistance; nous les avons engagés à retourner dans leur pays, parce que leurs secours n'étaient pas nécessaires, et qu'ils n'avaient pas été requis. Un maçon italien, reconnu par la garde de Marseille, et soupçonné d'avoir concouru aux premiers événements arrivés en cette ville en 1789, a été amené par devant nous. Nous avons été obligés de le consigner dans la maison commune, pour sa propre sûreté; il a été ensuite mis en liberté par nos soins.
« Le 28 février, à neuf heures du matin, la troupe armée fit ses dispositions pour partir ; en effet, elle partit sur les neuf heures et demie; elle fit halte au Pont-de-l'Arc, d'où elle fit demander des subsistances au corps municipal, qui lui en fit passer; le département écrivit au corps municipal, pour lui demander s'il ne voulait aucun renfort de gardes nationales, et de se décider avant que le corps armé eût décampé pour retourner à Marseille. Le corps municipal voyant que les hommes armés partaient de toutes parts ne prend aucune décision à ce sujet; un des chefs de la garde nationale de Marseille, campé au Pont-de-l'Arc, arrive, et offre au corps municipal un détachement quelconque pour veiller a la sûreté de la ville, craignant, dans le cas contraire, que le corps entier ne retournât; nouvelle députation du département pour cet objet :. à deux heures après-midi, craignant l'exécution des dispositions qui lui ont été manifestées par un des chefs de la garde nationale ' de Marseille, la municipalité est forcée d'en prévenir l'effet en demandant que 200 hommes
du corps armé restent dans la ville ; le département n'avait pas encore statué sur cette demande quand, à quatre heures du soir, tous les corps armés rentrent dans la ville sans réquisition ; le département ordonne à la municipalité de leur fournir le logement et l'étape ; le corps municipal y pourvoie; cette rentrée imprévue renouvelle l'inquiétude. Une affluence d étrangers augmente le nombre de toutes parts; le corps municipal délibère de faire sortir de la ville toutes les personnes étrangères armées non requises, et sollicite un arrêté des corps administratifs pour leur enjoindre de se rendre sur-le-champ dans leurs lieux respectifs; voulant pourvoir ensuite au plus tôt à la sûreté de la ville, il fait publier, à son de trompe, que tous les citoyens inscrits dans la garde nationale se rendront à la maison commune, et que tous ceux qui s'y refuseront seront poursuivis et punis conformément à l'article 12 de la loi du 27 février 1791, sur la réquisition de l'action de la force publique.
« Cette proclamation réunit alors à la maison commune un plus grand nombre de gardes nationales; ils sont divisés dans les différents postes; les patrouilles se succèdent, les corps armés prennent de la défiance, ils font battre la générale de leur propre autorité ; le corps municipal envoie deux de ses membres pour faire retirer les tambours ; ils y parviennent. A onze heures du soir on annonce au corps municipal que la troupe armée se forme en colonne au faubourg, et qu'elle fait battre la générale. Cette nouvelle occasionne de la terreur dans la ville; le maire et plusieurs officiers municipaux, précédés de quelques gardes nationales, sortent pour arrêter ce desordre et le tambour. Ils rencontrent bientôt une troupe armée précédée d'un tambour; on la requiert de se conformer à la loi, de rejoindre son quartier ; et les officiers municipaux l'y accompagnent. Arrivés auprès de l'armée divisée en deux colonnes, M. le maire somme les chefs de venir à l'ordre; on répond qu'il n'y a point de chefs. Il demande un capitaine et un lieutenant ; on persiste à répondre qu'il n'y en avait pas. Enfin il appelle un caporal, et on lui répond qu'il n'y a que des volontaires. Les officiers municipaux témoignent leur surprise de voir 4,000 hommes, avec 10 à 12 pièces de canon, sans chef, sans supérieurs.-On ne répond point à cette représentation, et on apprend par l'organe d'un canonnier qui venait d'arriver, que la troupe allait partir, parce qu'elle se disait requise, par la municipalité de Marseille, de retourner au plus tôt dans cette ville. Les officiers municipaux rentrent dans la ville, ils rencontrent des patrouilles; on les appelle à l'ordre; elles se disent gardes nationales de Marseille. M. le maire s'écrie alors : « Il ne doit pas y avoir « à Aix de gardes nationales de Marseille sans « réquisition légale; s'il s'en trouve dans i'es-« corte, qu'ils se retirent ainsi qu'on leur a or-« donné. » MM. les maire et officiers municipaux poursuivent leur route, s'assurent par eux-mêmes de la tranquillité publique, et visitent tous les corps de garde, et vérifient, à leur retour, que la troupe armée était partie avec ses canons. A trois heures et demie du matin on apporte à la maison commune une bannière qui avait été enlevée par des gens armés, et qu'on dit avoir été trouvée sur le chemin de Marseille.
« Le 29 février, à la pointe du jour, presque toutes les gardes nationales qui étaient arrivées en partirent. Tout est tranquille depuis leur dé-
part. Le 29, l'après-midi, le bruit se répand que le lendemain, sur la réquisition du département, il doit arriver 1,200 hommes de la garde nationale de Marseille. Les citoyens se sentent assez forts pour ramener l'ordre et la tranquillité, et exposent leurs craintes sur l'arrivée d'un secours étranger. Le corps municipal avait prévu leur demande en sollicitant vivement auprès du département la prompte révocation de sa réquisition. Il fait publier à l'instant à son de trompe ses démarches auprès des corps administratifs. Cette nouvelle calme les alarmes des citoyens; ils la reçoivent avec de vifs applaudissements, et la sécurité fut complète quanale département révoqua cet arrêté dont l'exécution devenait inutile. La nuit du 29 février au 1er mars a été plus tranquille; les citoyens ont maintenu l'ordre. La journée du 1er mars a été encore plus paisible. Les boutiques ont été ouvertes ; les citoyens ont repris leurs occupations et paraissent entièrement disposés à veiller eux-mêmes au maintien de l'ordre et à la garde pénible des prisons jusqu'à l'arrivée des troupes de ligne.
t Le présent procès-verbal a été clôturé, lu et signé par nous, maire et officiers municipaux, le 1er mars 1792, à dix heures du soir, l'an IVe de la liberté. »
(Suivent les signatures.)
Un membre, député du département des Bouches-du Rhône : Dans ce moment M. Espariat, député du département des Bouches-du-Rhône, a les procès-verbaux de la municipalité de Marseille, et les communique au ministre. Dès qu'il sera revenu, nous aurons l'honneur de vous en donner connaissance.
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable de la conduite de la municipalité d'Aix.
Plusieurs membres : Après! après!
La ville de Marseille ayant eu à se plaindre il a trois mois de la
conduite du régiment d'Ernest, elle s'adressa à l'Assemblée nationale et
au pouvoir exécutif. L'Assemblée renvoya à ses comités diplomatique et
militaire réunis pour lui faire un rapport sur les événements du 16
octobre (1); le ministre de fit guerre ordonna son éloigneraient, et le
distribua partie à Avignon, où il n'y avait par ,ce moyen que des
troupes étrangères et l'autre dans la ville d'Aix, distante de cinq
lieues de Marseille ; la proximité d'une partie de ce régiment indisposa
les citoyens de Marseille, et le directoire du département des
Bouches-du-Rhône, qui aurait dû connaître combien ce rapprochement était
impolitique, s'adressa au ministre de la guerre pour demander que le
bataillon du régiment d'Ernest, qui était à Avignon, se réunit à celui
qui était à Aix, sous le prétexte qu'on pourrait plus efficacement
l'employer, dans le cas où des étrangers malintentionnés susciteraient
des troubles dans la ville de Marseille, en cherchant à égarer les
véritables Marseillais. Le ministre de la guerre acquiesça à cette
demande, et donna des ordres pour la réunion des deux bataillons à Aix.
Cette démarche, le refus que le directoire du département a fait à la
commune de Marseille d'acheter des armes pour armer la garde nationale,
et son silence constant sur les événements d'Arles, dont
Je partage, Messieurs, la sensibilité que vous ont inspirée les événements qui se sont passés dans cette ville, et dont vous venez d'entendre le récit. Mais la conduite des administrateurs du directoire de département qui auraient dû ne pas abandonner leur poste, est aussi repréhen-sible que celle de la municipalité et du directoire du district d'Aix doit être approuvée. Je suis éloigné d'approuver la conduite des citoyens qui se sont portés dans la ville d'Aix pour y commettre les excès dont vous venez d'entendre les détails. Je vais rappeler quelques faits qui serviront à éclairer l'Assemblée sur les motifs qui peuvent avoir donné lieu à ce fâcheux événement.
(L'orateur commence à entrer dans des détails sur les causes de ces événements.)
11 est impossible que l'Assemblée nationale entende un de ses membres faire l'apologie du fait arrivé de la part de Marseille.
Je demande que vous rappeliez à l'ordre M. Crestin pour avoir interrompu l'orateur.
Je demande à faire une motion d'ordre.
Messieurs, l'Assemblée nationale a entendu le récit des événements, elle a entendu le récit de la conduite du directoire de département. Ensuite un des membres de la députation du département des Bouches-du-Rhône vous a fait connaître qu'il était arrivé à cette députation les procès-verbaux de la ville Marseille.il vous a fait sentir combien il était important d'entendre cette lecture avant que vous fussiez en mesure d'entrer dans la discussion de cette déplorable affaire. Je crois donc que, dans la circonstance actuelle, il faut attendre le retour de la députation de Marseille, et je demande que l'Assemblée s'occupe d'autre chose jusqu'à ce moment.
(L'Assemblée suspend toute discussion sur cet objet jusqu'au moment [où elle aura connaissance des dépêches de la ville de Marseille, qui sont annoncées devoir lui être remises très prochainement.)
Plusieurs membres demandent aussi à donner connaissance des troubles de leurs départements. (Non! non!)
(L'Assemblée décide qu'ils ne seront pas entendus).
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Pétition des propriétaires du canal de Givors, qui demandent que l'Assemblée nationale veuille bien prendre en considération les frais de construction et de réparation qu'ils ont été obligés de supporter pour assurer le succès de leur entreprise.
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités de l'ordinaire des finances et d'agriculture réunis.)
2° Lettre du sieur Josse, juge de paix du canton de Vitrey, district de Jussey, département de la Haute-Saône, qui annonce qu'à la publication de la loi sur le recrutement, 53 jeunes gens du
canton viennent de s'engager avec le plus vif empressement pour les troupes de ligne.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée ordonne la mention honorable au procès-verbal du zèle patriotique de ces jeunes citoyens.)
3° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, du 4 de ce mois, qui informe l'Assemblée des réclamations qui lui sont adressées parM. Riouffe, capitaine de vaisseau,, commandant la frégate Y Inconstance. Le ministre demande la décision de l'Assemblée sur les réclamations de cet officier.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
4° Adresse du conseil général de la commune de Fougères qui exprime son vœu pour que l'Assemblée nationale ne décrète pas l'aliénation des forêts nationales.
(L'Assemblée renvoie cette adresse aux cinq comités réunis, chargés de l'examen de cette question.)
Deux députés du département de Seine-et-Oise demandent à être introduits pouF rendre compte de désordres épouvantables qui existent maintenant dans plusieurs endroits du département. Je demande que l'Assemblée nationale veuille bien les en-r tendre ce matin.
Plusieurs voix : A l'instant même !
(L'Assemblée décide que la députation sera admise sur-le-champ.)
, président du directoire du département de Seine-et-Oise, ancien député à VAssemblée nationale constituante, et un autre de de ses collègues sont introduits à la barre.
s'exprime ainsi :
Messieurs, nous devons à l'Assemblée nationale le tableau des mouvements qui agitent plusieurs parties de notre département. Déjà elle connaît les funestes effets qu'ils ont produits, nous venons lui en tracer les progrès, lui exposer les moyens malheureusement inutiles que nous avons employés pour en arrêter le cours, réclamer enfin de sa sagesse des moyens plus sûrs et plus efficaces.
Les premiers symptômes se manifestèrent, le 13 février, à Montlhéry d'une manière alarmante. Les habitants de deux communes du district de Gorbeil, Vert-le-Grand et Vert-le-Petit se réunissent, précédés de deux officiers municipaux qu'ils ont forcé de les accompagner. On va fouiller la maison d'un marchand de grains ; on y trouve quelques sacs de farine, de pois et de fèves. Les esprits s'échauffent ; on saisit le malheureux propriétaire; il est massacré. La municipalité de Montlhéry, arrivée trop tard, fait d'inutiles démarches, et gémit de son impuissance. Le lendemain le juge de paix du canton constate l'assassinat, reçoit des dépositions, et n'ose délivrer des mandats d'amener, dans la crainte d'événements plus sinistres.
Le directoire du département, sans connaissance officielle, instruit seulement par des bruits incertains, requiert le lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale de. porter des secours où il y a des rassemblements, foires et marchés, et particulièrement à Montlnéry.
Le 20 février, et toujours à Montlhéry, nouveaux rassemblements d'hommes armés. Plu-
sieurs brigades de gendarmerie, qui s'y étaient rendues, sont réduites, par une réquisition de la municipalité, à ne point se montrer, et, par une autre réquisition, à se retirer tout à fait. Les blés sont taxés arbitrairement, et cependant une partie reste invendue.
Instruit officiellement de ce qui s'est passé jusqu'à cette époque, le directoire prend, -le 23 lévrier, les mesures que lui prescrivent les circonstances. Il demande au pouvoir exécutif une force imposante, qui, fixée à Montlhéry sur des réquisitions légales, se portera dans tous les points où sa présence sera nécessaire pour rétablir l'ordre et faire respecter les propriétés. Il la demande pour le lundi 27 février; mais prévoyant que ce terme serait peut-être trop court pour effectuer une pareille disposition, il arrête que le lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale sera requis de réunir dans le jour à Montlhéry 7 brigades, avec injonction à la municipalité de les y recevoir. Ces forces allaient entrer à Montlhéry ; mais une réquisition de la municipalité les réduit à être inutiles, et une autre les force d'en sortir. Cependant le marché est en proie au rassemblement d'hommès armés qui s'y étaient introduits, et qui insultent à la faiblesse des troupes.
Des attroupements séditieux se forment dans les campagnes, ils ont des officiers municipaux à leur tête, mais forcés, si on en croit quelques procès-verbaux ; ils violent l'asile du cultivateur, constatent la quantité de grains qu'il renferme, et le fer dans une main, la corde dans l'autre, le forcent à souscrire l'engagement de porter au marché la quantité de blé qu'ils lui prescrivent, et de le vendre au prix qu'ils, demandent.
A Nemours, samèdi dernier, même rassemblement, mêmes violences. La municipalité invoque vainement les lois, et court les derniers dangers.
Tandis qu'une lettre de M. d'Affry annonce au directoire qu'il a mis à sa disposition 50 hommes du 9e régiment de chasseurs à cheval qui étaient à Versailles, nos malheurs s'accroissaient encore et rendaient ces mesures de plus en plus insuffisantes.
Le 2 mars, une lettre de la municipalité de-alarme la municipalité de Versailles, et lui annonce de nouveaux rassemblements dans les marchés.
Le même jour, le district instruit le directoire du département. Le directoire invite les administrateurs du district et la municipalité à se réunir avec lui pour conférer sur les moyens d'arrêter ces progrès effrayants. Après une courte séance, où nous avons discuté toutes les ressources qui étaient à la disposition du département, il a été arrêté que deux commissaires se rendront à Paris pour exposer au ministre de la guerre, au ministre de l'intérieur, et, s'il est nécessaire, à l'Assemblée nationale, la situation où se trouvent les marchés, et une partie des campagnes du département. L'insuffisance des forces mises à sa disposition, la nécessité d'en réunir une masse plus imposante pour s'opposer aux efforts des malveillants, autorise ses commissaires à concerter et proposer les moyens les plus propres à ramener l'ordre et la tranquillité.
Les commissaires remplissent leur mission auprès des ministres, et obtiennent une compagnie de 100 hommes en garnison à Etampes, 50 hommes de cavalerie du 18e régiment en garnison aussi à Etampes, qui se porteront où ne-soin sera, et notamment à Montlhéry.
Le directoire requiert encore le lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale de réunir le même jour et dans lé même lieu 8 brigades complètes; arrête que mesures seront prises pour assurer le logement et la subsistance des troupes qui sont à sa disposition ; nomme 2 commissaires pour requérir la force publique, et ramener la tranquillité publique dans tous les points du département où elle serait menacée.
Le dimanche, 4 de ce mois, les commissaires se transportèrent à Montlhéry; ils concertent avec la municipalité l'établissement de la troupe de ligne, qui s'avançait derrière eux. Tout à coup le peuple s'émeut, on prend les armes, on distribue des cartouches, le tocsin rappelle les habitants éloignés. Les communes voisines, instruites du péril, accourent; les commissaires, le commandant et les troupes, la municipalité réunissent tout ce que la raison et les lois ont de force pour arrêter cette effervescence. Les commissaires, pour éviter des scènes sanglantes, sont forcés de requérir les troupes de s'éloigner, et reviennent eux-mêmes nous apporter les détails les plus alarmants sur la disposition des esprits, les dangers qui menacent les propriétés et la circulation des subsistances. En même temps nous apprenons les scènes horribles d'Etampes, le maire massacré en invoquant la loi, le procureur de la commune mutile, le directoire de district menacé d'être bientôt la victime de son zèle et donnant sa démission; à Gorbeil, la municipalité et la garde nationale réclamant en vain les lois, forces de recevoir une troupe d'hommes armés qui se rendent maîtres du marche, fixent le prix des subsistances, le maire abandonné de ses collègues, et exposé aux plus grands périls.
Cette fermentation, Messieurs, a des causes profondes et lointaines. Ce n'est pas tout à coup, ce n'est pas par une détermination spontanée que les habitants de nos campagnes se sont portés à ces actes séditieux. Des moteurs secrets, des ennemis de la Constitution ont égaré leurs âmes jusqu'à la férocité. Nous n'en dirons pas davantage. Le mal vous parle assèz haut : il vous environne de tous les côtés. Toutes les propriétés, tous les pouvoirs sont menacés également. Nous ferons notre devoir; nous attendons de votre sagesse des moyens d'assurer le succès de nos efforts.
, répondant à la députation. Messieurs, l'Assemblée nationale est profondément affligée des troubles dont vous venez de lui présenter le tableau. Elle y reconnaît les effets des perfides manœuvres, des insinuations des ennemis de la liberté et de la Constitution; mais forte du vœu des bons citoyens, elle va redoubler de vigilance et de fermeté pour arrêter ces désordres. Elle est dans la confiance que ces nouveaux efforts de leurs ennemis tourneront encore contre eux, comme tous ceux qu'ils ont tenté depuis notre glorieuse Révolution. L'Assemblée prendra en grande considération votre pétition. Elle vous invite à sa séance. (Applaudissements.)
Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal du zèle des administrateurs du directoire du département de Seine-et-Oise, qui ont montré le plus grand courage dans les circonstances difficiles où ils se sont trouvés.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Chéron-La-Bruyère.)
Tous les jours nous recevons des nouvelles affligeantes. Il faut cependant que la loi s'exécute, u faut que l'Assemblée nationale prenne le pouvoir exécutif, ou que le pouvoir exécutif marche. 11 a la force dans les mains, et il semble qu'elle y est paralysée. Dans ce moment nous sommes menacés dans tout l'Ëmpire. Ce n'est plus seulement le Midi et le Nord qui doivent nous occuper, c'est tout le royaume. Les lois ont fait tout ce qu'elles ont pu faire, elles ont créé des administrateurs, elles ont été créé des forces publiques, elles ont formé un centre commun, qui est le pouvoir exécutif. Si ce pouvoir exécutif ne peut pas marcher, il faut y pourvoir. (Murmures.) Oui, Messieurs, il est prouvé que le pouvoir exécutif ne peut pas marcher ; car, lorsque les administrateurs lui ont porté des plaintes, a-t-il fait agir toute la force armée? A-t-il fait toutes les réquisitions nécessaires?les citoyens se sont-ils refusés à ses ordres? non, Messieurs; il n'a pris que des mesures partielles et toujours insuffisantes pour l'exécution de la loi, il n'a fait preuve jusqu ici que de négligence et de faiblesse. Quand le pouvoir exécutif reçoit des plaintes des administrations de département, il faut qu'il fasse exécuter la loi ; et si la loi est insuffisante, si par malheur les citoyens refusent de s'y soumettre, c'est alors que l'Assem-.blée nationale doit en être instruite. Mais jusqu'à présent, Messieurs, je ne vois pas qu'on emploie la force armée, et que l'on fasse exécuter les lois comme elles devraient l'être.
On vient ici à la barre de l'Assemblée, se plaindre des troubles et vous dire que l'Etat est en danger ; mais je ne vois pas comment on s'est opposé à la fermentation. Je ne vois pas de réquisition à la force armée ; je vois bien 50 hommes, je vois bien 100 hommes, mais je ne vois pas en mouvement les grandes forces de la nation. Voudrait-on nous exposer au double danger, ou d'usurper le pouvoir exécutif, et de faire naître ainsi l'anarchie dont on nous menace ; ou de créer nous-mêmes des prétextes contre la responsabilité des ministres, en nous empêchant de surveiller directement le pouvoir exécutif, ou en chargeant nos comités de ce que seul il devrait faire?
Il faut nous tenir en garde contre tous ces dangers. 11 faut que la loi s'exécute, et lorsque les administrations viennent se plaindre des troubles qui agitent leurs départements, il faut leur dire. « Allez au pouvoir exécutif, et lorsque le pouvoir exécutif aura connaissance des faits, il viendra nous en rendre compte. S'il est nécessaire de prendre de grandes mesures, c'est lui qui doit nous les présenter. »
Voilà ce que nous devons répondre, Messieurs, aux administrations. Il faut donc, qu'après avoir fait là loi, nous la remettions entièrement au pouvoir exécutif pour qu'il la fasse exécuter. S'il ne le peut pas, il nous le dira et nous prendrons des mesures ultérieures ; s'il ne le veut pas, nous punirons ses agents, mais n'affaiblissons pas la responsabilité. Voyons si le pouvoir exécutif marche dans le sens de la Constitution. Surveillons-le. S'il ne va pas, c'est alors que nous le ferons marcher. S'il va, soyez assurés que tous les bons citoyens se rallieront à vous ; mais il faut que sa marche soit constitutionnelle. Voilà des plaintes du département de Versailles, je les renverrais au pouvoir exécutif, qui viendra à nous s'il a besoin de mesures ultérieures.
D'après les avis qui arrivent à l'Assemblée nationale de tous les points de
l'Empire, le mal est à son comble, mais il ne nous étonne pas plus qu'il nous effrayera, et le courage des représentants du peuple sera supérieur à la malice des ennemis de la Constitution. (Applaudissements). Partout, Messieurs, les ennemis de la Révolution proclament leurs espérances criminelles. Eh ! faut-il s'en étonner ? le concert des puissances de l'Europe, l'empereur vous l'a dit, le concert des puissances de l'Europe doit subsister aussi longtemps qu'on apercevra l'anarchie et le désordre dans l'Empire français. Il est donc de leur intérêt d'entretenir ce désordre et cette anarchie, afin de s'àssurer les secours qu'ils appellent par tous leurs vœux et par toutes leurs actions.
Messieurs, il est temps de savoir si les ministres du roi veulent faire de Louis XVI le roi des Français ou le roj. de Coblentz. (Vifs applaudissements dans les tribunes et d'une partie ae l'Assemblée.) Il est temps de savoir si Louis XVI veut être le roi de la majorité de la nation qui a fait la Constitution ou le roi de la minorité conjurée contre cette Constitution. Je demande que le comité des pétitions et celui de surveillance soient chargés par l'Assemblée nationale d'arrê-v ter des observations qui seront présentées au roi sur l'état de l'intérieur du royaume, sur la conduite de ses ministres et sur ce qu'exige de luij dans les circonstances où nous sommes, son intérêt et celui de la nation qui marche et doit marcher avant le sien. (Vifs applaudissements dans les tribunes et d'une partie de l'Assemblée.)
Je suis sans doute très convaincu que les circonstances qui nous environnent sont graves ; mais je suis bien loin de penser comme les préopinants qu'il y ait un danger. (Murmures.) Je déclare à l'Assemblée nationale que je suis loin de penser que l'Empire français soit si fortement menacé que l'on semble le craindre.
Que ceux qui murmurent et m'interrompent connaissent bien mal l'intérêt du royaume ! Quel triomphe en effet pour les hommes pervers qui ont sacrifié à un vain orgueil l'amour que tout homme doit à sa patrie, si effectivement 1 Assemblée nationale pouvait se laisser aller à une pusillanime crédulité! Oui, sans doute, je le répète, les circonstances sont graves, je les crois si douloureuses qu'il est de la sollicitude des législateurs de songer enfin à donner au gouvernement qui ré£it24millionsd'hommeslaforceet l'activité capables de maintenir les pervers dans le devoir, et propres à donner aux bons citoyens la facilité de faire le leur.
Il faut les rendre patriotes I
Je pense donc en effet, que le moment est arrivé où nous devons savoir positivement, comme l'a dit le préopinant, si Louis XVI veut être le roi dés Français ou celui de Coblentz. Mais de quelle manière le saurons-nous? C'est en proclamant de nouveau que deux délégations émanent delà souveraineté nationale, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ; que le roi des Français n'a de pouvoirs constitutionnels que parce que la souveraineté nationale les lui a données; que ce pouvoir n'est autre chose que celui de faire exécuter la loi ; que celui qui a le pouvoir de faire la loi, a d'autant plus ae prépondérance dans l'Empire, qu'il est certain que la loi est exécutée. Ces deux pouvoirs doivent être également respectés, et c'est à celui qui a dans l'opinion la prépondé-
rance, à écarter les obstacles qui pourraient arrêter la marche du gouvernement.
Parmi les ministres, 4 ou 5, si je sais bien compter, sont sortis de ce qu'on appelait autrefois la classe des plébéiens, et si malheureuse-il arrivait dans l'Empire, ce qui ne peut pas arriver tant qu'il existera des hommes qui savent sentir et le charme de la liberté et la puissance d'une Constitution calquée sur les grandes bases de la vérité et des droits de l'homme ; si jamais, dis-je, il arrivait un événement, une catastrophe qui renversât la Constitution, 5 ministres au moins seraient pendus. S'il est donc vrai, à moins que l'esprit de vertige et d'aliénation président à leur conseil, s'il est donc vrai que l'origine de ces hommes à fait pousser dans leur âme les profondes racines de la Constitution, il faut leur donner le moyen d'agir.
Or, Messieurs, le moyen c'est d'investir de votre confiance les ministres choisis en majorité dans la classe qui a recouvrée ses droits. (Murmures.) Je déclare donc qui si ces hommes ont un intérêt immédiat à l'Empire, je déclare donc que s'il est essentiellement nécessaire que le gouvernement ait une marche active, il faut donner aux ressorts de ce gouvernement une pression vive; et c'est le Corps législatif seul qui peut la donner. Vous investirez donc de votre confiance, sinon les ministres, ou moins le ministère. Alors, Messieurs, toute la responsabilité prend sa force ; parce que si après leur avoir fait des réquisitions légales, il ne s'y sont pas rendus, c'est alors qu'il faut faire tomber sur eux le glaive de la justice ; c'est alors qu'ils deviennent de grands criminels de lèse-nation. Mais faut-il, par exemple, lorsqu'un ministre cédant à des réquisitions légales, fait marcher la force publique pour réprimer des factieux, faut-il, dis-je, que l'on trouve mauvais que quelques citoyens soient désarmés ? n'est-ce pas un moyen certain pour inspirer aux fonctionnaires publics une sorte de timidité capable de tout entraver ?
Je dois dire à l'Assemblée sur quoi j'ai fondé mon opinion, quand j'ai déclare que les circonstances, quoique graves, n'étaient pas, à beaucoup près, si périlleuses que les préopinants l'ont cru. Il est vrai que, dans les provinces méridionales, un mouvement vient de se fair.e sentir ; mais ce mouvement, d'où vient-il? d'un patriotisme, sans doute trop ardent ou trop exagéré. (Murmures.)
Messieurs, oserâi-jé vous demander où est ce danger pour la Constitution? Est-il dans l'erreur de ses amis? Él pourtant, lorsque l'on dira, lorsque l'on fera sentir à des Marseillais, brûlants d'amour pour la liberté, dans quelle erreur ils sont tombés ; qui peut douter que les amis de la liberté, dans tous les siècles, ne s'empressent d'abjurer leur erreur !
Je vois donc que la raison dominera là comme dans les autres parties de l'Empire. Je vois partout des défenseurs de la liberté et de la Constitution.
Je déclare donc, dans ma conscience, que le premier pas vers le retour de la paix et de la tranquillité, c'est de donner du ressort au gouvernement. Je finis en demandant que la pétition du département de Seine-et-Oise. soit renvoyée au pouvoir exécutif. Si ce pouvoir se paralyse par une volonté malveillante, s'il ne répond pas au vœu de la Constitution, alors il faudra envoyer ses agents à Orléans.
Messieurs, j'ai une opinion bien différente de celle du préopinànt. Tous les mouvements qui ont lieu dans l'Empire français tiennent à une grande cause, qui est un plan de contre-révolution dont les racines ne sont pas loin de nous. (Applaudissements.) Il n'est plus temps, Messieurs, de se le dissimuler, l'Etat est dans le plus grand danger. (Murmures et applaudissements.) Oui, Messieurs, l'Assemblée nationale doit voir que nous sommes entourés de pièges et dé perfidie ; le crime et la trahison se déguisent; mais l'œil de la pénétration les voit sous le masque qui les couvre ; déjà l'aristocratie sourit; déjà le prêtre fanatique fait éclater une cruelle joie, charmé de voir le bras foudroyant du peuple retenu au nom de la Constitution. Ils esperent poignarder la patrie légalement et sans résistance ; tout ce qu'il y a de nobles, d'aristocrates et de mécontents de la Révolution, se sont réunis contre l'égalité ; tous les rois de la terre sont ligués contre nous, et ouvrent leurs arsenaux pour déchaîner le démon delà guerre; presque toute la Frànce est minée par des souterrains, et on souffle le tison de la discordé pour y mettre le feu. Voilà où nous en sommes. Ce que l'on veut, c'est de faire éclore deux partis dans la France, c'est de venir ensuite, avec toutes les armées des puissances étrangères, soutenir le parti du despotisme, et forcer celui du patriotisme à recevoir un accommodement. Il faudrait plutôt mourir cent fois. (Applaudissements.) Voilà, Messieurs, le plan de nos ennemis. Tout homme clairvoyant, tout bon citoyen, ne peut plus en douter. (Applaudissements.) Ainsi, Messieurs, nous sommes dans une position qui exige que l'Assemblée nationale prenne de grandes mesures dictées par la sagesse et la fermeté .
Plusieurs voix : Point de phrases ; des moyens !
On vous dit que le gouvernement n'a point de ressort assez actif, c'est que le ressort du pouvoir exécutif demeure paralysé dans ses mains par mauvaise volonté. Eh! que manque-t-il à ce pouvoir? n'a-t-il pas et la gendarmerie et la garde nationale...
Un membre : Oui, la garde nationale de Marseille.
.. et,les troupes de ligne ; et cependant rien ne s'exécute.
Charlemagne, dit Montesquieu, fit de belles lois; mais il fit plus, il les fit exécuter. Et nous ne les faisons pas exécuter ! Pourquoi ? Parce qu'un ministre est à nos yeux, une chose sacrée, à laquelle nous n'osons pas toucher. Cependant tout vient de la fauté des ministres. Je. demande que l'on renvoie aux comités des pétitions et ae surveillance l'examen de cette question : « Les ministres actuels ont-ils fait jusqu'à ce jour, depuis le temps qu'ils sont en place, tout ce qu'ils ont pu ou dû pour faire exécuter les lois? » S'il est prouvé (car je ne veux agir que d'après des preuves), s'il, est prouvé comme je n'en doute pas qu'un seul n'ait pas fait tout ce qu'il a pu, tout ce qu'il a dû, je demande qu'il soit mis en état d'accusation pour servir d'exemple à toute les personnes placées à un poste public. (Vifs applaudissements.)
Rien n est plus instânt encore que de faire quelques grands exemples de ces boutefeux d'aristocratie qui se répandent dans les départements, pour les inonder de placards et d'écrits séditieux et les pousser à l'insurrection. Une seconde mesure est de faire exemple de quel-
ques-uns de ces hommes qui vont dans les départements semer le feu de la discorde. Je demande dont que le ministre de la justice soit tenu de faire informer contre les investigateurs secrets des insurrections arrivées dans le département de l'Oise.
Il est une autre mesure, c'est de faire parvenir, chaque quinzaine, dans toutes les municipalités du royaume, un adresse ayant pour titre la vérité au peuple par ses représentants. Je me flatte que vous serez frappés au nombre d'avantages qu'elle présente ; si vous voulez m'accorder la parole dans une de vos séances. Voilà, Messieurs, les trois mesures que je propose.
Personne ne désire plus que moi de trouver les moyens d'étouffer les troubles naissants et j'ai demandé la parole pour proposer à l'Assemblée un moyen, mais un moyen indirect. Je crois qu'une des causes qui rendent si difficiles les mesures qu'on pourrait prendre pour les arrêter, c'est qu'il existe presque partout, il faut bien le dire, une défiance dangereuse...
Un membre : Elle est bien légitime ! (Applaudissements dans les tribunes. — Murmures dans l'As-sembléé.)
.. une défiance dangereuse envers les militaires et autres agents du pouvoir exécutif, défiance qui malheureusement n'est pas balancée par la confiance qué les citoyens devraient avoir pour les magistrats choisis par eux-mêmes. (Murmures à gauche.) Il serait peut-être à souhaiter que, dans les départements agités par des troubles, on trouvât le moyen de mettre, dans un centre fixe, une force importante vers laquelle la confiance publique puisse se porter.
D'après cette réflexion, je propose que lorsque le conseil général du département aura été convoqué conformément à la loi, il soit autorisé, s'il le juge à propos, vu l'empire des circonstances, à convoquer les électeurs du département qui pourront choisir, à la majorité absolue des suffrages, un citoyen qui aura, dès lors, le pouvoir d'appeler à lui (Murmures.), les citoyens Dien intentionnés du département, à qui leur aisance et leurs occupations permettraient de se dévouer plus particulièrement au maintien de l'ordre (Murmures.) ; ce citoyen ne serait en fonction que pour un mois et c'est à lui que. les corps administratifs s'adresseraient. (Murmures prolongés.)
Monsieur le Président, je fais la motion que vous retiriez la parole à M. Vaublanc qui attaque la Constitution (Oui ! oui!), qu'il soit rappelé a l'ordre. Nous avons tous fait le serment, non seulement de maintenir la Constitution, mais de ne jamais proposer aucune mesure contraire à la Constitution. (Applaudissements.) Or, 83 dictateurs seraient dans l'Empire un pouvoir effrayant. Ce pouvoir n'est pas dans la Constitution. Nous ne pouvons le déléguer à personne, ne l'ayant pas reçu nous-mêmes ; les fonctions des électeurs sont prescrites par la Constitution. Je demande donc que pour avoir proposé une vue aussi inconstitutionnelle, aussi effrayante, M. Vaublanc soit rappelé à l'ordre.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
La motion de M. Guadet est-elle appuyée? (Oui! oui!)
Je demande à faire une motion d'ordre.
Voix diverses : Non! non! — Parlez! parlez!
Je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Vaublanc aura la parole.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Vaublanc sera entendu.)
Messieurs, je peux me tromper dans les propositions que j'énonce à la tribune, mais jamais mes intentions ne seront perfides. (Murmures.) Si je pouvais être assez malheureux pour attaquer la Constitution, je m'abhorrais, je fuirais la lumière, je ne trouverais pas d'antres assez profonds, pour me dérober au juste remords de ma conscience.
Plusieurs membres : On vous croit, on vous croit!
, avec émotion. Il faut. Messieurs, que mon coèur soit bien inconnu à ceux qui ont pu me soupçonner de pareilles horreurs ; il faut qu'ils me connaissent bien peu.
Plusieurs membres : Non, non ! on vous rend justice et l'on vous croit!
Qu'ils aillent dans mon département, qu'ils interrogent tous les citoyens? depuis le cultivateur parmi lequel je n'ai cesse d'habiter... (Murmuresdans une partie de l'Assemblée.) Messieurs, vous devez m'entendre. Depuis celui-là" jusqu'à ceux que j'ai combattus pendant la Révolution, que j'ai éclairés, que j'ai soutenus; qu'on aille interroger les administrés qui m'onî mis à la tête d'un département où je n'ai cesse de déployer le zèle lé plus actif, où jour et nuit je n'ai été occupé que de la chose publique. Qu'on ouvre le livre de ma vie depuis qué je suis en France, on verra un homme qui n'a su que vivre dans la retraite la plus profonde, partageant son temps entre ce qu'iî doit à sa famille... (Applaw dissements.)
Messieurs, profondément affecté des malheurs qui menacent la chose publique, j'ai cherché des moyens de les faire cesser. Celui-là s'est présenté à mon esprit, et je l'ai embrassé avèc d'autant plus de promptitude que j'ai plus de désir de voir la tranquillité renaître. Ce moyen ne vous aurait peut-être paru qu'une erreur, et non pas une proposition inconstitutionnelle, si on avait bien voulu m'entendre jusqu'à la fin; mais, Messieurs, il m'est impossible, après le mouvement qu'a fait naître en moi l'accusation dont j'ai été l'objet, il m'est impossible de le développer en ce moment, je n'ai pas l'esprit assez calme ; ce qu'il m'est possible ae faire, ce qui m'intéresse, c'est d'assurer à l'Assemblée que la France entière n'a pas de citoyen plus dévoué que moi à la Constitution et à la liberté. (Vifs applaudissements dans une très grande partie de l'Assemblée. Murmures dans les tribunes. M. Vaublanc, en proie à une très grande émotion, verse des larmes et descend de la tribune.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
monte à la tribune.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
J'étais bien loin de vouloir jeter aucun soupçon sur les sentiments de M. Vaublanc, mais j'ai rempli un devoir que me prescrivait mon serment en demandant qu'il fût rappelé à l'ordre pour avoir fait une proposition aussi inconstitutionnelle. Vous remarquerez en effet que plus l'orateur qui était à la tribune méritait la confiance de l'Assemblée nationale, et plus la mesure proposée par lui pouvait être dangereuse; mais M. Vaublanc s'est rappelé lui-
même à l'ordre, d'une manière trop noble pour n'avoir pas en quelque sorte ôté à l'Assemblée le droit ae le rappeler elle-même. Je demande moi-même l'ordre du jour sur ma motion. ( Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
monte à la tribune.
Plusieurs membres : La discussion fermée ! Non! non!
(Après deux épreuves, l'Assemblée décide que la discussion continuera.)
, ministre de la guerre. Je demande la parole.
. Vous avez la parole.
, ministre de la guerre. Tous les jours, Messieurs, des départements qui avoi-sinent la capitale, apprennent ou de nouveaux désastres, ou de nouveaux sujets de craintes; les blés servent de prétexte; les causes sont inconnues,"mais les malheurs sont certains ; les départements, les districts, les municipalités, s'adressent au pouvoir exécutif, pour avoir des forces ; et il n'est pas un membre de l'Assemblée qui ne soit plus instruit que moi, de la nécessité d'en porter partout où il est besoin. Il est indispensable d'en avoir dans les départements de l'Eure, de Seine-et-Oise, de l'Oise, de la Marne. Les troupes de ligne, qui sont dans Ces départements, se réduisent à 8 escadrons peu complets, et à 2 bataillons de volontaires qui deviennent insuffisants pour la circonstance; il paraît donc urgent d'avoir;, au centre de ces départements, quelques troupes que l'on puisse envoyer partout où l'on aurait à faire respecter la loi; un régiment de chasseurs à cheval, et quatre pièces d'artillerie confiées au bataillon de volontaires parisiens, en garnison à Laon, suffiront peut-être pour remplir cet objet; le roi m'a chargé de solliciter un décret, pour leur permettre de s'établir à Versailles et autres lieux voisins. Sa Majesté a regardé comme la plus belle récompense de la discipline et du patriotisme qui ait distingué les deux bataillons de Paris, le poste important qui leur est confié.
et plusieurs autres membres convertissent en motion la demande du ministre de la guerre.
et quelques autres membres demandent le renvoi au comité militaire pour en faire le rapport ce soir.
Je demande la question préalable sur la demande convertie en motion. (Murmures.) Je demande à motiver la question préalable.
S'il existe un plan de contre-révolution inconnu à l'Assemblée nationale et qui soit à la veille d'être exécuté, il pourrait entrer dans ce plan de cerner la ville de Paris. (Rires et mur-mures prolongés.) Puisqu'on refuse dem'entendre, je me borne à demander le renvoi au comité militaire. (Murmures.)
Je mets aux voix la question préalable.
Elle est retirée, mais je demande le renvoi au comité militaire.
Méfiez-vous de la proposition du ministre.
La question préalable sur le renvoi au comité 1
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi au comité.)
Plusieurs membres : AuX voix l'urgence 1
(L'Assemblée décrète l'urgence.)
Je mets aux voix la demande du ministre de la guerre, convertie en motion, et tendant à autoriser le pouvoir exécutif à placer Versailles, Rambouillet et lieux circonvoisins où ils seront nécessaires, un régiment de troupes à cheval et un bataillon de gardes nationales volontaires avec 4 pièces de canon, pour servir au rétablissement de l'ordre.
Je demande la parole pour un fait. Le bataillon de gardes nationales parisiennes qui est à Laon, est sur une route qui conduit aux Ardennes. Toute cette contrée-là n'est pas garnie de troupes, surtout patriotes; celui de Paris est extrêmement patriote...
Plusieurs voix. : Ils le sont tous ! (Bruit.)
(L'Assemblée interrompt par des murmures M. Leceintre, et décide qu-il ne sera pas entendu ; elle adopte ensuite la proposition du ministre de la guerre, convertie en motion.).
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe au rétablissement de l'ordre, de procurer au pouvoir exécutif le moyen de placer promp-tement une force publique suffisante dans le département de Seine-et-Oise v décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, autorise^ le pouvoir exécutif à placer à Versailles, Rambouillet et lieux circonvoisins où il sera nécessaire, un régiment de troupes à cheval, et un bataillon de gardes nationales volontaires, avec 4 pièces de canon, pour servir au rétablissement de l'ordre.
« Le présent décret ne sera envoyé qu'au département de Seine-et-Oise.
, ministre de la guerre. M. le ministre de l'intérieur va rendre compte à l'Assemblée des nouvelles que nous avons reçues de Marseille, je rendrai aussi compte à l'Assemblée des mesures qui ont été prises par le roi.
, ministre de Vintérieur. Je viens encore parler à l'Assemblée nationale des malheurs publics. L'Assemblée a déjà été instruite de ce qui est arrivé à Etampes. Je dois dire à l'Assemblée que les progrès de ces insurrections se continuent toujours avec une effrayante rapidité. Il y a eu depuis des troubles à Gorbeil, à Jouy et à Montlhéry, où l'insurrection a été très grave. J'ai vu ce matin 2 commissaires du département de Seine-et-Oise, qui, après s'être transportés dans tous les endroits du département, ont rédigé des procès-verbaux. En sortant d'ici, j'irai chez moi, où je trouverai le président du département de Paris, avec les commissaires, pour aviser au moyen de donner des forces dans les environs delà ville de Paris, qui sont entourés de brigands ; ce qu'il y a de plus affligeant, c'est qu'il paraît que les maires et officiers municipaux de ces différents endroits sont entraînés et deviennent ainsi les instruments d'une insurrection, qu'au fond de leur cœur ils condamnent.
L'Assemblée nationàle a été aussi informée des excès qui se sont commis en divers lieux du département de l'Eure; je viens de recevoir encore les nouvelles les plus affligeantes. Je n'en lirai qu'une à l'Assemblée nationale.
« Messieurs, après le départ de notre commissaire, nous dépêchons vers vous un courrier pour vous faire part des nouvelles alàrmes que
nous donne l'insurrection du district de Ver-neuil. Ce district a été aujourd'hui la proie de huit mille hommes. Ces séditieux ont un projet que rien n'a encore interrompu. Nous référant à cette occasion à la lettre adressée à notre commissaire, nous vous assurons que, si vous ne nous expédiez pas promptement des secours, ces brigands se rendront successivement dans tous les lieux, vendredi au marché de Saint-André, et samedi à Evreux. Le temps presse, jamais la chose publique ne fut plus en péril dans le département.
« On travaille le peuple, c'est toujours les subsistances qui sont le prétexte de ces insurrections; et peut-être jamais il n'a eu lieu d'avoir plus de sécurité. En effet, dans le département de l'Eure, le setier, cette année, ne s'est vendu, du 8 au 16 février, que 23 1. 12 s.; et, du 16 au 24, 21 livres. Je ne connais de prix inférieur que dans le département de la Marne, où il s'est vendu 22 livres, dans celui de la Meuse, où il ne se vend que 17 1. 8 s. La ville entière a besoin de secours, nous désirerions avoir un régiment de dragons, et surtout celui de Saint-Germain-en-Laye, qui peut encore arriver à temps, pour nous sauver de l'horreur d'une guerre civile ; car nos citoyens sont résolus de verser jusqu'à la dernière goutte de léur sang, pour repousser le brigandage de ces séditieux, et pour le maintien de la Constitution. (Applaudissements.)
« Notre courrier sera porteur de l'ordre qui sera expédié par le ministre de la guerre au régiment. La désolation serait dans notre département, si notre courrier revenait dans ce département sans nouvelles consolantes, etc. »
Cette lettre vient de m'arriver à l'instant. En sortant de l'Assemblée je me concerterai avec le ministre de la guerre sur les moyens d'envoyer la force armée qu'on nous demande.
L'Assemblée nationale a dû être instruite que la paix publique a été violemment ébranlée dans le département des Bouches-du-Rhône. Comme je n'avais rien reçu d'officiel, et que je - n'avais connaissance des faits que par quelques lettres particulières que MM. les députés du département des Bouches-du-Rhône avaient bien voulu me communiquer, je n'ai pas cru qu'il fut de mon devoir d'en parler à l'Assemblée. Depuis, j'ai reçu des nouvelles officielles ; mais les doubles des procès-verbaux ayant été lus ce matin à l'Assemblée, je me bornerai à lui faire part des ordres que j'ai donnés aux commissaires civils d'Avignon et aux départements des Bouches-du-Rhône, de la Drôme et du Gard.
Je leur ai enjoint, au nom du roi, de prendre toutes les mesures de prudence et de force nécessaire pour repousser vers Marseille l'attroupement terrible qui en est sorti, surtout pour empêcher qu'il ne se porte dans l'intérieur des départements méridionaux, s'il tentait de le faire.
En conséquence, je leur ai prescrit, au nom du roi, la rigoureuse observation des mesures suivantes : 1° de commencer par publier une proclamation instructive, paternelle et éner-giquej; 2° de se faire accompagner de volontaires nationaux dont les sentiments ne peuvent être suspects aux patriotes ; 3° de faire toujours accompagner les troupes, rassemblées en corps d'armée, de commissaires des corps administratifs, circonstance qui seule annoncera la présence de la loi. Je leur ai aussi demandé qu'ils soient d'accords ; que le roi venait d'ordonner au
ministre de la guerre de faire partir à l'instant, deux officiers généraux, patriotes et dignes de commander les soldats de la Constitution, M. de Muy, maréchal de camp et M. de Fesenzac, lieutenant général. Ces deux officiers ont reçu l'ordre de se rendre sur-le-champ à Avignon, lieu qui paraît le plus menacé et où il est plus aisé de réunir un corps de troupes formidables. Le roi leur a aussi enjoint expressément de déférer à toutes les réquisitions civiles.
Tels sont, Messieurs, les ordres que j'ai transmis aux trois départements que j'ai nommés, et aux commissaires civils d'Avignon. M. le ministre de la guerre rendra compte des mesures militaires qu'il a pu concerter avec le roi.
ministre de la guerre (1). J'ajouterai aux détails que le ministre de l'intérieur vient de donner à l'Assemblée, que les deux officiers généraux demandés par les départements, et qui ont eu l'honneur et la gloire de se concilier les suffrages, commanderont 13 bataillons de troupe de ligne, 14 de gardes nationales, 2 escadrons de hussards. Ces troupes sont dans la 7e division. Ils sont autorisés à prendre dans la 21° division, s'il est nécessaire un escadron et demi de cavalerie, et à tirer le surplus des troupes des 8e, 9° et 17e divisions, où ils trouveront encore 25 bataillons, si cela est nécessaire. Il a été ordonné à ces officiers d'obéir scrupuleusement à toutes les réquisitions, et lorsqu'ils auront marché au nom de la loi, de ne plus écouter, de ne plus considérer aucun intérêt particulier dans l'exécution d'une loi à laquelle nous devons attacher notre vœu. Tous les malheurs dont on vient d'entretenir l'Assemblée, appellent bien naturellement son attention et son intérêt sur le rapport que je suis chargé de lui soumettre de la part du roi.
Les généraux appelés par le roi dans son conseil, ont désiré que le ministre de la guerre offrît au roi et à l'Assemblée le résumé de leur opinion sur la situation militaire de la France ; ils veulent, avant tout faire leur profession de foi que ne peuvent changer ou affaiblir les inquiétudes qu'ils pourraient laisser apercevoir sur la question delà guerre.
Ils croient qu'il est impossible de renoncer à la liberté ni de souffrir qu'aucune atteinte soit portée à la Constitution, quelque combinaison ae forces que ce puisse être.
Cette opinion invariablement fixée, ils ont le droit de montrer, sans ménagement les dangers auxquels serait exposée la grande cause qu'ils ont a défendre, si on négligeait quelque noyen de rétablir la discipline, de porter l'armée au complet et d'assurer l'existence du numéraire, indispensable pour entrer en campagne.
Personne ne peut vouloir, personne ne veut la guerre, si elle n'est pas
démontrée nécessaire ; mais la même route qui conduit aux avantages de
la paix mène aux succès de la guerre, se montrer prêt à la faire est le
moyen le plus sûr de l'éviter, et le bon état de l'armée change en force
publique légale une troupe qui, indisciplinée, appartiendrait à un
usurpateur, à l'opinion qui bouleverserait l'Empire et le Trône, quel
que ;fût le succès de la première impulsion illégitimé qu'on
parviendrait à lui donner. Il est donc de l'intérêt pressant du roi et
de l'Assemblée nationale, soit que le mot de paix ou de
En considérant la torce publique en elle-même on trouve qu'elle n'existe jamais que par le rapprochement des opinions vers un nomme ou vers une idée. Il y aura donc difficilement en France une force publique solidement assise, tant qu'on ne sera pas fortement convaincu que le roi veut faire marcher la Constitution, et que, frappé des malheurs que de nouvelles révolutions feraient éprouver à la nation française, son vœu le plus intime est de les lui épargner. Le roi, dont la probité est le caractère le plus éminent a senti et sentira plus vivement que jamais dans la crise actuelle du royaume, qu'il est possible de précipiter la France vers la dissolution plutôt que de lui faire accepter une forme moins libre de gouvernement (Applaudissements.)-, il ordonnera donc à son ministre de considérer la Constitution comme une loi que, non seulement, il ne faut jamais enfreindre, mais qu'il importe de faire exécuter; il ordonnera d'aller au-devant de toutes les difficultés, et d'écarter tous les obstacles, et de se regarder comme actionnaires dans l'entreprise qu'ils dirigeront.
Le roi veut, le roi voudra toujours que ses démarches personnelles appuient et manifestent la sincérité de ses intentions, et se souvenant, avec bonheur, que des citoyens sans nombre dans l'armée et danà la nation, éloignés d'abord du nouvel ordre de choses par les préjugés, s'y sont ralliés à sa voix, et le prennent pour arbitre de leur conduite et de leurs sentiments, il ne permettra jamais qu'on puisse distinguer cette portion de Français," des véritables amis de la Constitution ; alors les officiers ne manifesteront plus d'opinions qui puissent servir d'excuse spécieuse à l'indiscipline du soldat, et les soldats se livreront aux devoirs que leur imposent les lois de l'Etat et la discipline militaire.
Il était inutile d'offrir au roi de nouvelles raisons, d'aspirer à ce but ; il a suffi de représenter à Sa Majesté que le moindre prétexté d'inquiétude à cet égard perpétuerait le trouble et l'anar-chie, pour convaincre un roi qui sait s'honorer du titre d'honnête homme.
Le roi peut beaucoup ainsi pour l'établissement de la force publique et le retour de l'ordre ; l'Assemblée nationale peut davantage encore pour l'un et l'autre.
Les généraux ont osé dire au roi la vérité dans son conseil ; ils parleront le même langage à l'Assemblée nationale : les Hollandais, les Brabançons ont aussi ;voulu la liberté; mais ils ont succombé sous la force des armées qu'on leur a opposées. Il faut se rappeler ces tristes exemples, pour en observer les causes et en concevoir l?horreur; deux pays ne peuvent jamais offrir des similitudes parfaites; mais l'esprit humain cherche l'expérience à travers les Empires et les siècles. Si nous avions la guerre, nous aurions à redouter un grand nombre d'ennemis. La Suède, la Russie et l'Espagne pourraient envoyer des vafsséaux débarquer sur nos côtes. (Murmures dans lés tribunes.) Si l'Assemblée nationale ne veut pas que je continue... (Si! si!)
Je rappelle les tribunes à l'ordre et au respect.
Elles n'ont rien dit !
, ministre de la guerre. Le
ministre aussi saurait s'attirer des applaudissements des tribunes, si par une coupable flatterie, il cherchait à précipiter la France vers la dissolution et l'anarchie. (Applaudissements.)
La Suède, la Russie et l'Espagne pourraient envoyer des vaisseaux débarquer sur nos côtes, et les deux plus formidables puissances militaires de l'Europe se réuniraient contre nous à toutes les forces de l'Empire. Cette coalition, dans tous les temps, eût été redoutable pour la France; elle est peut-être aujourd'hui moins effrayante, puisque nous pouvons compter sur l'esprit national, qui, bien dirigé, est une puissance au-dessus de toutes les autres; mais que deviendrait l'esprit national, si les discordes augmentaient le nombre des mécontents? Que deviendrait-il si l'Assemblée nationale laissait s'établir deux partis dans le parti populaire, en continuant à souffrir que plusieurs de ses membres parlassent du roi avec défiance, et manquassent au respect qu'il est de notre devoir, comme dé notre intérêt de lui marquer? (Applaudissements d'une partie de l'Assemblée.)
Je demande la parole.
Plusieurs voix : A l'ordre ! à l'ordre !
, ministre de la guerre. Des divisions intérieures nous attireraient la guerre étrangère, en même temps qu'elles nous ôte-raient la force de la soutenir.
Les amis de la liberté ont besoin du roi, le roi a besoin des amis de la liberté; c'est par cette seule réunion que, dans la disposition présente des esprits, la France peut être sauvée. Plus de la moitié des officiers expérimentés sont partis; l'armée attend 51,000 nommes,. les assignats éprouvent une grande perte que la guerre augmenterait indubitablement; les soldats sont déshabitués de la discipline, et si, malgré la loi, quelques-uns se permettaient encore de se transformer en assemblée délibérante, ils ne manqueraient pas de dénoncer pendant la guerre et les manœuvres et les généraux. Le régime sévère qu'exige l'époque de la campagne, paraîtrait au moins despotique aux citoyens délibérants, et une minorité turbulente déciderait de tous les événements. Aucunes de ces observations, je le répète, ne doivent empêcher de faire la guerre, qui importerait au salut de la liberté, et qu'elles ne sont même utiles à présenter que parce qu'il dépend de l'Assemblée nationale ae faire disparaître la plupart des dangers que je viens d'énu-mérer. Telle est l'inappréciable avantage d'une assemblée représentative, qu'attirant à elle les lumières et pouvant agir avec tout le poids de l'opinion publique, elle accomplit le bien plus rapidement et plus sûrement qu'aucune autorité despotique. D'ailleurs les esprits sont en suspens, une immense majorité veut la liberté ; fatiguée des troubles elle a besoin de se reposer dans la forme du gouvernement établi; et les mécontents ne peuvent se rallier à eux qu'au nom des malheurs publics, que l'Assemblée nationale se refuserait à prévenir, ou des semences d'insurrection qu'elle tarderait à réprimer.. L'époque de la guerre ne peut être ni avancée, ni retardée, quand on est résolu à ne l'entreprendre que pour maintenir la Constitution de son pays ; mais un long temps n'est pas nécessaire pour opérer'le bien que les généraux désirent ; que l'Assemblée nationale se prononce fortement pour l'ordre (Murmures d'une partie de l'Assemblée.), et à l'instant toutes les parties de l'Empire, l'armée la
première (Murmures.), reprendront la force nécessaire à la défense de la liberté.
L'armée, sans doute, a fait de grands pas pour le retour à l'ordre et à la discipline, depuis l'année dernière ; mais elle est loin encore de connaître toute l'étendue de ses devoirs; elle a besoin d'entendre répéter souvent qu'il ne suffit pas de n'obéir qu'aux réquisitions de la loi, qu'il l'aut encore en recevoir 1 ordre de ses chefs ; elle a besoin de savoir qu'il existe une distinction entre le pouvoir civil et militaire! une hiérarchie qu'on ne peut méconnaître sans désorganiser l'armée : qui peut donc lui présenter avec fruit ces essentielles vérités? L'Assemblée nationale, en rejetant toutes les demandes soumises irrégulièrement à ses décisions, sauf à punir sévèrement l'indifférence du pouvoir qui doit prononcer, s'il refusait justice ou s'il s'écartait de la loi (Applaudissements.); c'est elle qui, par ses décrets et par l'esprit qu'elle encourage, peut immensément sur la force de l'armée; c^st elle qui peut resserrer les liens, peut être trop faibles, qui unissent le soldat à l'officier, soutenir l'émulation de l'un, rendre à l'autre la confiance, et faire respecter l'autorité dont la loi l'a investi, et sans laquelle il n'existe ni commandement, ni obéissance, ni force.
Je sais qu'on peut jeter une sorte de défaveur sur le besoin que j'ai de parler sans cesse de la nécessité de la confiance mutuelle, et qu'on peut facilement répondre, en demandant de la mériter ; mais [les événements se pressent tellement autour de nous, qu'il faut devancer les effets du temps pour se préserver des maux que sa toute-puissance ne pourrait jamais réparer.
La distinction sévère des droits et des devoirs des officiers et des soldats, peut seule rétablir la discipline ; c'est de l'esprit public que dépend le succès de tel ou tel mode de recrutement ; et, sans rechercher les raisons qui pouvaiènt mériter la préférence à l'un ou à l'autre de ceux qui ont été proposés, les généraux pensent invariablement que les 51,000 hommes qui manquent à l'armée, sont indispensables, et ique les pertes qu'entraîne la guerre rendraient nécessaire, si elle a lieu, une mesure quelconque, qui assure les remplacements de la manière la plus positive. Les nouvelles qu'on a du recrutement sont faites pour donner les plus grandes espérances, mais les généraux doivent répéter quel est le résultat dont il est impossible de se passer.
C'est un grand mal, sans doute, que la difficulté de se procurer du numéraire, par les frais énormes qu exige cette opération ; il est cependant impossible de se dissimuler que sans elle il n'existe ni officiers, ni soldats; la paye des uns et les appointements des autres, sont tellement calculés sur le besoin de tous, que l'on ne ne doit ni justement ni politiquement leur faire essuyer une perte qu'ils ne pourraient supporter sans manquer du nécessaire. La baisse des assignats sera donc toujours la règle de proportion dans laquelle devra s'augmenter la dépense de l'armée. Il serait capable de n'entretenir à cet égard aucune illusion : il est du devoir des généraux de dire à l'Assemblée que les plus funestes conséquences naîtraient de toute autre manière d'envisager la situation actuelle. Le payement des impôts, le rétablissement de la force publique contribueront à faire monter les assignats. Et telle est la connexion intime de tout ce qui compose la prospérité d'un Etat, qu'aucune partie de l'ensemble n'est susceptible d'amélioration, si l'on ne travaille à toutes en même temps. Les
idées générales dont dépendent la force et le succès dé l'armée, viennent d'être développées, et c'est des travaux réunis de l'Assemblée nationale que peut sortir le bien instant et nécessaire ; mais il est des dispositions militaires absolument indispensables dans l'opinion des généraux, qui peuvent être décidées, en très peu de séances, par des décrets dont ils m'ont chargé de présenter l'aperçu à l'Assemblée :
1° Assurer le prêt en monnaie et celui pour l'argent de la poche du garde national et du soldat, indépendamment de leur ration de pain et de viande ;
2° Augmentation de traitement, demandée en proportion de la perte des assignats, et secours à accorder aux officiers, en pain et viande avec retenue ;
3° Former des bataillons francs, pour y recevoir tous les déserteurs, et où ils seraient assujettis à un régime et à une discipline particuliers; "
4° Décret qui enjoigne aux départements et districts de nommer des commissaires qui soient responsables de l'exécution des réquisitions du commissaire du roi pour le service à l'armée, dans tous les besoins urgents, quand elle fait des mouvements qu'on n'a pu annoncer sans indiscrétion, ou forcés enfin par les manœuvres de l'ennemi. -Autoriser lesdits commissaires à régler tous les dédommagements des terrains que l'armée occupera, de celui qu'elle peut gâter dans ses marches, enfin des fourrages, pailles, avoines et autres denrées que nécessitent le besoin de prendre dans toute position inopinément occupée;
5° Décret qui décharge les généraux d'armée de toute responsabilité dans les opérations dont les commissaires du roi et les ordonnateurs doivent avoir seuls la surveillance ; la partie militaire de l'armée étant la seule qui doive occuper la pensée du général, sans qu'il puisse être responsable des événements malheureux qu'il n'aura pas attirés par trahison, concussion ou malveillance prouvée ;
6° Pouvoir donné au général de faire des règlements de police et de discipline correctionnelle, à l'infraction desquels toute peine pourra être attachée, en les classant suivant les différents délits, et les proclamant pour leur exécution. Ce pouvoir est déjà accordé aux généraux par le Code pénal ; mais la nécessité des exemples prompts exige une application plus rapide que la loi, conséquemment l'institution d'un tribunal suivant l'armée, pareil à ceux en usage dans les pays les plus libres.
Plus les dangers augmenteraient, plus il serait impossible de ne pas remettre aux chefs de l'armée un grand pouvoir ; la liberté n'est plus blessée par les sacrifices que son salut exige ; on sait quelle confiance les Américains accordèrent pendant la guerre de leur liberté à Wa-sington et à ses coopérateurs, dont deux aujourd'hui se trouvent nos principaux défenseurs. Ce peuple avait aussi des ennemis dans son sein; mais il n'imagina, pour les détruire, d'autre moyen que la confiance en ses amis ; et sa force ainsi doublée, ne lui laissa plus aucune trahison à craindre.
Les généraux m'ont autorisé de déclarer au roi et à l'Assemblée que les différentes lois que je viens d'indiquer sont indispensables, soit pour faire la guerre, soit pour avoir, pendant la paix, une armée qui puisse en imposer au dehors et maintenir, sous la direction de l'autorité civile, l'ordre dans l'intérieur. En dé-
clarant les diverses conditions nécessaires à l'existence de l'armée, en arrêtant la pensée du roi et de l'Assemblée sur les motifs qui peuvent le plus influencer sur la question de la guerre et de la paix, les généraux ont voulu montrer les périls, mais non s'en isoler. Ils sont encore plus loin au coupable système, mis en usage depuis quelque temps, ae vouloir détourner de la guerre, en représentant l'armée comme hors d'é at delà soutenir; ils croient que pour se décider sur la guerre ou la paix, il faut savoir seulement si les étrangers renoncent ou prétendent se mêler de notre Constitution; ils croient que tout autre calcul est indigne de la nation française. Mais il est de leur devoir de répéter que l'Assemblée ne peut,, sans le plus grand danger pour la liberté, se refuser à aucune des mesures proposées pour assurer le recrutement, la solde et la discipline. Sans elles, ils seraient réduits à ne pas espérer de pouvoir, avec succès, défendre notre cause ; mais il n'en seraient pas moins résolus à ne pas survivre à sa perte.
Il est peut-être superflu d'ajouter mon opinion personnelle à celle que je viens de citer; cependant, comme on s'est plu depuis quelque temps à séparer le parti populaire des amis de la paix et des partisans de la guerre, je crois utile de déjouer ce nouveau moyen de division. Personne, je crois, ne veut la guerre attirée par des provocations inutiles ou par le besoin des troubles que peuvent avoir les ennemis de la Constitution, mais personne aussi ne veut la paix, amenée par des sacrifices de sa liberté, et préparée par 1 affectation à répondre que la France est hors d'état de soutenir la guerre; c'est-à-dire, en d'autres termes, quelle que fût la loi qu'on lui imposerait, elle serait obligée de s'y soumettre.
Je déteste le dessein féroce qui ferait désirer la guerre, si on peut honorablement l'éviter. Je méprise la combinaison ou la faiblesse qui affirme que la guerre est impossible. J'ignore si cette double opinion me vaudra beaucoup d'amis, mais je sais qu'elle mè donne des droits à l'estime ; et c'est dans ce sentiment qu'un homme public doit trouver sa force. (Applaudissements.)
Je demande l'impression du discours du ministre de la guerre et le renvoi au comité militaire.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression!
(L'Assemblée rejette la question préalable, ordonne l'impression et la distribution du mémoire et le renvoi au comité militaire chargé de faire son rapport sur les différentes demandes qu'il renferme.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. VERGNIAUD, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un membre demande qu'il soit fait une loi provisoire sur les formes de procéder dans les pays dépendant de la ci-devant souveraineté de Béarn.
(L'Assemblée renvoie cette proposition au comité de législation.)
Je rappelle à l'Assemblée la demande qui lui a été îàite il y a quelques temps par le ministre de la marine, en faveur de M. d'Estaing (1). La revue de la marine devant avoir lieu au l5 de ce mois, il est urgent de s'occuper du sort de cet officier; en conséquence, je demande que le rapport des comités de marine et militaire réunis soit mis prochainement à l'ordre du jour.
J'appuie les observations de M. Blanchard, et si l'Assemblée le permet je demande à être entendu sur-le-champ pour faire ce rapport. (Oui! oui!)
, au nom des comités de marine et militaire réunis, fait un rapport et présente un projet de décret sur la demande du ministre de la marine concernant la nomination de Charles-Henry d'Estaing au grade d'amiral de France; il s'exprime ainsi :
Messieurs, un homme également cher aux défenseurs de la patrie, et redoutable à ses ennemis, appelle sur lui l'attention du peuple qu'il a servi. Vos comités militaire et de la marine réunis ont pensé que la nation s'honorerait elle-même en rendant un hommage éclatant à la gloire acquise par les services et les vertus. M. d'Estaing, dont le nom rappellera longtemps à l'armée ainsi qu'à la marine française, des souvenirs glorieux, vient d'être compris dans la nouvelle formation du corps de la marine avec le grade d'amiral; fidèle aux principes de délicatesse qu'il a développés jadis dans une occasion à peu près semblable, il n'a pas encore accepté cette place importante, et voici ses motirs.
Lorsqu'en 1777, M. d'Estaing fut appelé au grade de vice-amiral, il représenta que sa loyauté ne lui permettait pas d'accepter le premier rang dans une carrière qui n'avait pas été l'objet de ses premières études, de ses premiers travaux; et qu'un officier générai de l'armée de terre, ne devait point enlever à ceux de la marine, une place qu ils avaient droit de réclamer; le roi se rendit à ses observations généreuses : il créa pour M. d'Estaing une troisième place de vice-amiral, et cet officier dût accepter une récompense méritée, qui ne pouvait inspirer ni regrets, ni murmures aux officiers du corps dans lequel il était entré.
Sans doute, les motifs qui dirigèrent en 1777 la conduite de M. d'Estaing, arrêtent aujourd'hui sa détermination. Sans doute, la même délicatesse qui lui faisait refuser alors le grade de vice-amiral, par la crainte de l'enlever aux offir ciers de la marine, a dicté la demande que le ministre a faite au Corps législatif d'une place d'amiral surnuméraire, quoique eette délicatesse devrait cesser, puisque c'est cette même place, créée en sa faveur, qui a donné lieu à une troisième place d'amiral.
Vous sentirez d'ailleurs, Messieurs, que M. d'Estaing ne se placera pas à la tête de la marine, tant qu'il craindra de nuire, par là, à son avancement dans l'armée de terre.
Une loi sage défend de cumuler divers emplois sur la même tête, mais
cette loi tutélaire n'établit l'incompatibilité qu'entre les charges
lucratives, ou celles qui, plaçant dans la même main l'exécution et fa
surveillance, rendraient l'homme qui les réunirait, juge de ses propres
Or, Messieurs, je crois inutile de vous rappeler ici les services que M. d'Kstaing a rendus a l'Etat dans nos armées comme sur nos flottes, à la tête de nos marins ou de nos soldats. Ses travaux sont liés à l'histoire de la France et de l'Amérique, et ses triomphes ont assuré le succès d'une révolution aussi mémorable, aussi chère aux hommes, pour avoir fondé la liberté du nouveau monde, que pour avoir préparé celle de la France et peut-être de toutes lés nations.
Les comités réunis ont cru que ces considérations devaient engager l'Assemblée nationale à donner un encouragement glorieux à M. d'Es-taing dans la double carrière ouverte à ses talents. Les ennemis de la Constitution osent publier qu'elle a privé la France de ses plus célèbres guerriers ; l'Europe appréciera ces vaines déclamations quand elle verra le nom de M. d'Estaing à la tête de notre état militaire de terre et de mer. Si malgré l'injustice et la frivolité d'une cour corrompue, le mérite força quelquefois les dépositaires du pouvoir à lui sacrifier l'intrigue audacieuse et la rampante médiocrité, que n'a-t-il pas droit d'attendre d'une nation éclairée et loyale, que ses représentants honorent en honorant le courage et la vertu?
Messieurs, la haine vous épie, et la malice attentive s'apprête à calomnier votre décision. Prouvez à l'Europe que les Français savent punir les outrages et récompenser les services ; prouvez-lui que la justice des nations est, qtiand il le faut, aussi généreuse que le caprice des rois, celui qui l'éprouvera sentira trop bien; le prix de votre confiance pour en refuser les témoignages. J'ai l'honneur de vous proposer les décrets suivants :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de ses comités militaire et de la marine, considérant que la nation française se trouve dans des circonstances qui peuvent, d'un jour à l'autre, exiger le développement de ses forces de terre et de mer, que souvent il est nécessaire d'augmenter la force et l'économie des moyens en mettant les troupes et les vaisseaux à portée de se fournir les secours mutuels, qu'alors les officiers qui ont acquis les connaissances qui les mettent à portée d'occuper les grades supérieurs dans l'un et l'autre service, peuvent être dou-blement utiles a leur patrie, et qu'enfin, il est tres pressant de regler tout ce qui regarde l'or-ganisation de l'armee et de la marine, decrete qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence décrète ce qui suit :
« Charles-Henry d'Estaing, nommé amiral de France, pourra en remplir les fonctions, sans que cette place puisse nuire à son avancement dans l'armée de terre, et à la charge de ne pouvoir toucher les appointements que d'un seul grade. »
Plusieurs membres demandent l'ajournement.
, rapporteur, combat l'ajournement.
et plusieurs autres- membres représentent la nécessité d'une prompte décision et demandent que le projet ae décret soit mis aux voix sur-le-cnamp.
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du procureur général syndic du département de la Meuse, qui instruit l'Assemblée du concours patriotique de ce département pour Y exécution de la loi sur le recrutement de l'armée,. A mesure que les dangers de la patrie deviennent plus imminents, la jeunesse de tous les cantons se dispute la gloire de s'enrôler. Le maire de Merviller, pour encourager ses concitoyens, a fait enrôler le premier son fils qu'il destinait à une autre profession. Malgré toutes les manœuvres des ennemis de la Révolution, les biens nationaux se vendent avantageusement; à Bar, ils sont montés à deux tiers au-dessus de l'estimation.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du zèle et du patriotisme des citoyens du département de la Meuse.)
Une députation de citoyennes de la ville de Paris est admise à la barre. L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Législateurs, des femmes patriotes se présentent devant vous, pour réclamer le droit qu'a tout individu de pourvoir à la défense de sa vie et de sa liberté. (.Applaudissements.)
Tout semble nous annoncer un choc violent et prochain : nos pères, nos époux, et nos frères seront peut-être les victimes ae la fureur de nos ennemis ; pourrait-on nous interdire la douceur de les venger, ou de mourir à leurs côtés ? nous sommes citoyennes; et le sort de la patrie ne saurait nous être indifférent.
Vos prédécesseurs ont remis le dépôt de la Constitution dans nos mains aussi bien que dans les vôtres : eh ! comment conserver ce dépôt si nous n'avons des armes pour le défendre des attaques de ses ennemis?
Oui, Messieurs, ce sont des armes qu'il nous faut (Applaudissements.) ; et nous venons vous demander la permission de nous en procurer. Que notre faiblesse ne soit pas un obstacle : le courage et l'intrépidité y suppléeront; et l'amour de la patrie, la haine des tyrans nous feront aisément braver tous les dangers. {Applaudissements.) Ne croyez pas cependant que notre dessein soit d'abandonner les soins, toujours chers à nos cœurs, de notre famille et de notre>maison, pour courir à la rencontre de l'ennemi.
Non, Messieurs, nous voulons seulement être à même de vous défendre; vous
ne pouvez nous refuser, et la société ne peut nOus ôter Ce droit que la
nature nous donné; à moins que l'on ne prétende que la Déclaration des
Droits n'a point d'application pour les femmes, et qu'elles doivent se
laisser égorger comme des agneaux, sans avoir le droit de se défendre;
car, croirait-on que les tyrans nous épargneraient? Non, non : ils se
souviendraient des 5 et 6 octobre 1789...
Sans doute, Messieurs, que les plus heureux succès couronneront la justice dé notre cause : eh bienl alors nous aurons le bonheur d'avoir contribué à la victoire. Mais si. par la ruse de nos ennemis, ou la trahison ae quelques-uns des nôtres, la victoire restait aux méchants, n'y aurait-il pas de la cruauté à nous condamner d'attendre, dans nos maisons, une mort honteuse et toutes les horreurs qui la précéderaient, ou un malheur plus grand encore, celui de survivre à tout ce que nous avons de plus cher, à notre famille et a notre liberté? (Applaudissements.)
Non, Messieurs, ne le pensez pas; si, par des raisons que nous ne concevons pas, vous vous refusiez a nos justes demandes, des iemmes que vous avez élevées au rang de citoyennes en rendant ce titre à leurs époux, des femmes qui ont goûté les prémices de la liberté, qui ont conçu i'espoir de mettre au monde des hommes libres, et qui ont juré de vivre libres ou mourir ; de telles femmes, dis-je, ne consentiront jamais à donner le jour à des esclaves ; elles mourront plutôt; elles tiendront leur serment!... et un poignard dirigé contre leur sein, les délivrerait des malheurs de l'esclavage!... Elle mourront en regrettant, non la vie,... mais l'inutilité de leur mort; en regrettant de n'avoir pu, auparavant, tremper leurs mains dans le sang impur des ennemis de la patrie, et venger quelques-uns des leurs! Mais, Messieurs, détournons la vue de ces cruellés extrémités. Quels que soient la rage et les complots des aristocrates, ils ne réussiront pas à vaincre tout peuple de frères réunis et armés pour la défense de ses droits. Aussi ne demandons-nous que l'honneur de partager leurs fatiguqg et leurs glorieux travaux, et de faire voir aux tyrans que les femmes aussi ont du sang à répandre pour le service de la patrie en danger.
Messieurs,
Voici ce que nous espérons obtenir de votre justice et de votre équité :
1° La permission de nous procurer des piques, des pistolets et des sabres (même des fusils pour celles qui auraient la force de s'en servir), en nous soumettant aux règlements de police, (Applaudissements.)
2° De nous assembler les fêtes et dimanches au champ de la Fédération ou autres lieux convenables, pour nous exercer à la manœuvre desdites armes. (Rires et applaudissements.)
3° De nommer pour nous commander des ci-devant gardes françaises, toujours en nous conformant aux règlements que la sagesse de M. le
maire nous prescrirait pour le bon ordre et la tranquillité publique.
Signé : Léon, fille, etc.
(Suivent 300 et quelques signatures.)
, répondant à la députation. Mesdames, l'histoire atteste le courage et l'héroïsme des femmes françaises : plus d'une fois elles ont versé leur sang pour la patrie, et mérité les lauriers dont on couronne le iront de ses plus généreux défenseurs. Il était digne des citoyennes d'une vi'lle qui a été le berceau de la liberté, de nous rappeler, par un sublime dévouement, les temps où des faits éclatants consacrèrent la gloire de votre sexe. L'Assemblée nationale, ou plutôt la nation entière, applaudit au sentiment qui vous conduit dans cette enceinte. Elle espère qu'un si bel exemple fera rougir enfin ces hommes faibles, plus jaloux d'un honteux repos que de la liberté, qui s'abandonnent à l'apatnie au milieu des dangers qui nous menaçent. Si leur cœur a été assez lâche pour ne pas palpiter encore aux noms de patrie et de liberté, peut-être que subjugués par le plus doux sentiment de la nature, et entraînés par votre enthousiasme, ils brûleront enfin du feu sacré qui vous anime. Leur retour aux vertus civiques sera votre ouvrage, et c'est un nouveau droit que vous aurez acquis à la reconnaissance publique. L'Assemblée nationale vous invite à sa séance. (Vifs applaudissements dans une partie de VAssemblée et dans les tribunes.)
Messieurs j'applaudis au patriotisme qui a conduit devant vous les géqéreuses citoyennes dont vous venez d'entendre la pétition ; j'applaudis à cet enthousiasme qui leur fait oublier la faiblesse de leur sexe pour voler au secours de la patrie en danger. (Murmures.),
Mais, Messieurs, serions-nous réduits à une telle extrémité que ce secours nous fût nécessaire? 150,000 hommes armés ne présentent-ils pas une force plus què suffisante pour protéger efficacement la liberté et les propriétés, si elles étaient menacées? (Rires.)
Gardon-snous d'intervertir l'ordre de la nature ; elle n'a point destiné les femmes à donner la mort ; leurs mains délicates ne furent point faites pour minier le fer, ni pour agiter des piques homicides.
Je demande donc qu'en faisant mention honorable de là pétition des citoyennes de Paris qui ont paru à la barre et en en décrétant l'impression, l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
Je demande l'impression et l'insertion, avec mention honorable au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète l'impression et la mention honorable au procès-verbal de cette pétition.)
Je demande le renvoi de la pétition au comité militaire.
Voix diverses : Le renvoi au comité de l'ordinaire des finances ! — Le renvoi au comité de liquidation! (Rires prolongés.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Voici une adresse de 100 citoyens de la ville de Ruffec, département de la Charente; elle est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Ce ne sont plus les rois qui commandent aux peuples ; ce sont les peuples qui commandent
aux rois ; ce peuple franc veut la guerre, aucune volonté particulière n'a le droit de s'y opposer; esclave, il a su secouer le joug; libre, il saura subjuguer les tyrans : qu'ils changent, ou qu'ils craignent pour leurs trônes mal affermis; que tous les roitelets de l'univers se réunissent, qu ils rassemblent ce qu'ils croient avoir de plus formidable chez eux pour nous combattre; au seiil nom de liberté, leurs armées sont défaites, et la victoire est à nous. La guerre, législateurs! c'est le peuple franc qui vous la demande, c'est lui que vous représentez, c'est à lui à qui vous devez obéir.
« Plus de veto sur les décrets de circonstance urgente; la volonté souveraine a parlé, elle ne connaît rien au-dessus de la loi qu'elle a faite, En guerre, nous serons victorieux par la force des armes, nous renverserons nos ennemis et les amènerons à notre but; en paix, il nous minent sourdement; en paix, ils sentent tous les moyens de nous faire adopter l'ancien ordre de choses. Il est temps que la crise s'opère pour le salut du peuple. A la guerre! à la guerre! nous la demandons tous, et nous y courrons tous... Plus de délais ! les tyrans : Espagnols, Allemands et autres coalisés, ne méritent plus de pardon; il est temps que nous leur apprenions ce que valent les hommes libres, ou que nous nous ensevelissions sous les débris d'une patrie, qui, libre, sera pour nous le séjour des délices, et qui, esclave et à la merci des tyrans, ne nous 4ns-pirerait que de l'horreur et du mépris. De ces deux idées, l'une nous remplit d'allégresse, et l'autre nous anime d'une fureur indomptable. (.Applaudissements,)
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
Deux militaires, se disant citoyens de Lyon, sont admis à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi ;
Messieurs, nous sommes envoyés par la municipalité de Lvon pour vous dénoncer un particulier qui a cherché à nous enrôler pour l'armée des émigrés. Ce particulier nous a rencontrés sur la route d'Avignon à Paris, comme nous allions rejoindre notre régiment. Il nous a demandé où nous allions ?—Nous allons à la défense des frontières avec les gardes nationales. —Bon, les gardes nationales et les patriotes sont à leur fin. La Constitution ne tiendra jamais. Ensuite il nous a fait des propositions pour que nous passions dans l'armée des émigrés. (Ici Vorateur fait une longue histoire des courses qu'il a faites pour le tromper et le faire arrêter, mais il ajoute qu'il a trouvé le secret de s échapper à Lyon.)
Nous n'avons pas voulu faire cette dénonciation au département de Rhône-et-Loire parce qu'il passait pour aristocrate; nous voulions venir la faire à l'Assemblée nationale, et lui demander la récompense de nos démarches; mais nous avons été obligés de rejoindre notre régiment qui devait aller à Avignon pour ramener l'ordre.
Ici commence l'objet de notre pétition. Nous avons été arrêtés à Sorgues, et celui qui nous a fait arrêter est M. l'abbé Mulot. Peut-être est-il ici qui nous écoute (Applaudissements dans les tribunes)', mais, Messieurs, nous avons été arrêtés arbitrairement sous prétexte que nous avions quitté nos drapeaux, et ce qui prouve que ce n'était qu'un prétexte, c'est que plusieurs soldats de notre régiment, qui étaient avec nous dans la même auberge et qui avaient de
même quitté le régiment, n'ont pas été arrêtés. Ici nous réclamons contre M. l'abbé Mulot qui après nous avoir gardé plusieurs jours à Sorgues, nous a fait conduire dans les prisons d'Avignon et nous a laissés pendant trois mois dans des cachots où pendant six semaines nous n'avons eu qu'une livre et demie ^de pain et de la paille qui était pourrie quand on nous l'a ôtée...
Je demande que les pétitionnaires se renferment dans leur demande. S'ils ont à se plaindre de M. Mulot, ils peuvent le traduire devant les tribunaux. (Murmures.)
Nous avons entendu pendant trois heures M. Mulot qui se justifiait. Je demande que les pétitionnaires qui disent avoir été vexés par lui soient entendus. (Applaudissements à l'extrémité gauche et dans les tribunes.)
L'orateur de la députation. Messieurs, nous avons éprouvé les vexations les plus atroces. On venait visiter les cachots et l'on maltraitait les prisonniers qui s'y trouvaient. Un prêtre était enfermé avec nous. Un jour, des officiers viennent le sabre à la main, le font déshabiller, lui disent de recommander son âme à Dieu et finissent par ne rien lui faire. Vingt fois nous avons écrit à M. Mulot; nous n'avons pu obtenir de réponse... (Murmures.)
Un membre : Monsieur le Président, invitez le pétitionnaire à se renfermer dans sa demande. Nous perdons notre temps à entendre ces détails. (Murmures.)
, s'adressant aux pétitionnaires. Messieurs, je vous invite à vous renfermer dans l'objet de votre pétition.
L'orateur de la députation. Nous sommes entrés dans ces détails parce que nous avons été invités par plusieurs membres de l'Assemblée à venir les révéler ici. (Rires prolongés et applaudissements.)
Si votre âme n'a pu s'empêcher d'être émue au récit des malheurs d'Avignon, combien ne le serait-elle pas en entendant ces deux citoyens! Que M. Mulot leur réponde s'il le peut; mais que les pétitionnaires soient entendus; j'en fais la motion. (Cris et applaudissements réitérés dans les tribunes.)
L'Assemblée a toujours respecté le droit de pétition ; niais elle a pensé aussi que ce droit ne devait pas faire perdre à l'Assemblée un temps précieux. (Murmures à l'extrémité gauche de la salle. Cris dans les tribunes.) Je demande que les honnêtes gens s'opposent à cette ' oppression des tribunes qui déshonore la France et qui perd l'Assemblée. (Murmures à Vextrémité gauche de la salle et dans les tribunes.) Je réclame l'exécution du décret relatif aux pétitionnaires qui doivent sommairement exposer l'objet de leur pétition.
Plusieurs membres à l'extrême gauche et voix dans les tribunes : A l'ordre ! à l'ordre ! >
Un membre : Le plus grand tumulte vient des. tribunes; je demande si elles ont ici voix déli-bérative. (Les tribunes poussent des clameurs.)
(Le calme se rétablit.)
L'orateur de la députation. Nous demandons justice des vexations que M. Mulot nous a fait éprouver. Nous demandons à être employés pour le service de la patrie et nous jurons de mourir en soutenant la Constitution.
, répondant à la députation. La justice est due à tous les citoyens. Vos plaintes
seront examinées avec la plus grande attention, et vous pouvez compter que justice sera rendue, comme vous l'aurez méritée.
et plusieurs autres membres. Accordez la séance, Monsieur le Président.
Plusieurs membres : Non! non! l'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, ministre de Vintérieur. L'Assemblée nationale connaît la situation des deux départements de Seine-et-Oise et de l'Eure, dont je l'en ai entretenue ce matin. (1) Elle sait que dans le département de l'Eure deux districts sont très violemment agités; que des attrouppements de plusieurs communes rassemblées parcourent ces districts, se répandent dans les marchés, taxent arbitrairement le prix des denrées. Des hommes ainsi attroupés, ayant à leur tête des maires, des procureurs de commune, des officiers municipaux, se sont portés à la forge de Sorgue, où ils ont taxé le fer à peu près quatre fois moins qu'il vaut; ils ont dressé un acte que j'ai sous les yeux. Ce que je dis du département de l'Eure, peut se dire à plus forte raison de celui de Seme-et-Oise. La tranquillité publique a été également troublée par des attrouppements très nombreux, tant à Jouy, qu'à Montlhéry et à Corbeil. J'ai dit aussi que ces attrouppements, avaient pour objet le prix du pain qui avait été taxé, ainsi que d'autres objets. L'Assemblée nationale est d'ailleurs instruite que, le 3 de ce mois, un grand crime a été commis à Etampes. A l'occasion de ce crime, il me semble qu'il ne faut pas se contenter de dire, que quelques in -dividus ont péri dans telle émeute, il faut savoir qu'un magistrat du peuple a été égorgé en remplissant les devoirs de sa place. (Mouvement d'indignation.) Il faut savoir nonorer et la mémoire d'un homme de bien, qui est mort en remplissant des fonctions périlleuses, et sa famille qui a fait une grande perte. Voilà ce me semble le tribut d'éloge que l'Assemblée nationale doit à cette action, et c'est peut-être le seul moyen de relever le courage de tous les administrateurs, dans un grand nombre de départements; car ce courage s'affaiblit chaque jour. Les deux départements de l'Eure et de Seine-et-Oise m'ont envoyé des arrêtés pour solliciter de prompts secours. Ils ne se sont pas même contentés de m'en-voyer leurs arrêtés; ils ont député vers l'Assemblée nationale et le pouvoir exécutif, des commissaires que j'ai vus.
Après les avoir entendus, après avoir pris connaissance de leurs arrêtés, j'ai demandé au ministre de la guerre quels secours il pouvait leur dortner. Le ministre de la guerre n'a pu leur donner tous les secours dont ils avaient besoin. Alors je les ai invités à s'adresser au département de Paris; moi-même j'y suis allé ce matin, Le ministre de la guerre s'y est également rendu. Là, dans une conférence à laquelle assistait le ministre de la guerre, on a cherché les moyens de procurer à ces deux départements les secours dont ils ont besoin.
On a pensé que, vu l'absence d'un bataillon de troupes de ligne qui était
aux ordres de M. Wit-tinknoff, vu l'impossibilité où était le ministre
de la guerre de fournir d'autres troupes de ligne employées ailleurs,
600 hommes de la garde nationale de Paris, avec 2 canons, pourraient
rétablir le Calme, du moins pendant quelque temps,
C'est alors que, portant les regards sur la loi, én a reconnu que, d'après l'article 19 de la loi du 3 août dernier sur la force publique, il n'était pas permis de faire passer des citoyens gardes nationales, d'un département dans un autre, sans un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi. Je me suis chargé, Messieurs, d'être l'organe de trois corps administratifs près de vous, et de vous soumettre leur demande. Sans doute, cette mesure, dont on attend tout le succès, ne parviendra pas à rétablir parfaitement le calme: car c'est attaquer le mal dans ses effets, et il faudrait l'attaquer dans sa racine. Mais enfin, on croit nécessaire de l'employer actuellement. ;Les administrateurs des 2 départements désespéreraient de tout succès, si cette mesure n'était pas accordée. Telles sont les propositions que je me suis chargé de présenter à l'Assemblée
Depuis plusieurs jours il a été porté au Corps législatif des nouvelles affligeantes. Le peuple, (fit-on, égaré par diverses causes, s'est porté à des excès ; il a servi ainsi, sans le savoir, ta cause des ennemis de la patrie. Il convient que l'Assemblée nationale fasse connaître à l'Empire Français que son intention est de maintenir la loi, le respect pour les propriétés, et d'assurer la punition de ceux qui y porteraient atteinte ; qu elle veut que les autorités constituées fassent leur devoir ; qu'elle punira celles qui s'en écarteront; que tous les ministres donneront les ordres nécessaires...
Un membre à l'extrémité gauche de la salle : Ce n'est pas la question : qu'ils donnent leur démission... (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : A l'ordre 1 à l'ordre ! (L'Assemblée est dans une vive agitation.)
rappelle l'interrupteur à l'ordre sans le nommer.
Plusieurs membres Président Nommez-le, Monsieur le
Je m'oppose à cette proposition- Je ne dis rien contre le membre qui m'a ainsi interrompu, parceque l'Assemblée s'est assez vengée par son împrobation; et peut-être elle l'eût mieux fait en témoignant le plus profond mépris. Reprenant mon opinion, je dis qu'il faut que tous les agents de la nation remplissent leur devoir; qu'ils meurent, s'il le faut, à leur poste; qu'il faut que la loi soit exécutée ; que c est le seul moyen de sauver la patrie. Je dis encore que c'est au Corps législatif de donner à l'Empire cette impulsion salutaire, de promettre à tous les citoyens qui acceptent des emplois publics, et qui souffriront dans l'exercice de leurs fonctions, qu'ils seront dédommagés par la nation-Je n'entrerai pas dans de plus longs développements pour indiquer les moyens d'atteindre à notre but. Je me borne donc à demander qu'il soit formé une commission de 2 membrés et chacun des 6 comités des pétitions, de surveillance, d'agriculture, de commerce, militaire et de législation, qui seront chargés, en s'occupant, s'il le font, jour et nuit, de proposer, sans délai, les moyens les plus propres de rétablir le calme dans l'Empire.
Je convertis en motion la proposition de M. le ministre de l'intérieur, et je demande que l'Assemblée délibère.
La mesure que le ministre sollicite, est commandée par les circonstances ; celle proposée par M. Tardiveau demande qu'on y réfléchisse, ainsi il faut l'ajourner. Il s'agit donc de savoir s'il faut adopter la proposition du ministre. Il vous dit d'abord qu'il ne faut pas envoyer des troupes de ligne de Paris pour ne pas dégarnir la ville ; ensuite, tombant en contradiction, il vous demande ae faire une distraction de gardes nationales. Ainsi, il vous propose de ne pas employer des troupes de ligne, mais des gardes nationales. Quelle est la raison de cette différence ? Si la ville de Paris doit administrer des secours, il faut que ce soit en troupes de ligne. Laissons les citoyens tranquilles chez eux, et employons les troupes de ligne qui lui sont iuutiles.
Les troubles qui se manifestent de toutes parts ne sont que le résultat d'un système de Révolution, suivi avec la plus grande acti vité. Ce ne sont pas les citoyens qui se soulèvent pour incendier; ce sont des brigands qui portent la cocarde noire et blanche ; ce sont ces brigands que Bouillé n'a pas voulu enchaîner sous les-murs de Nancy. (Applaudissements dans les tribunes.)
Voix dans les tribunes : Oui ! oui !
Ce sont ces mêmes brigands qui ont inondé la capitale, lorsque le despotisme soufflait sur elle, les deux plus terribles fléaux : la guerre et la famine. La meilleure mesure à prendre, c'est de faire des démarches auprès du pouvoir exécutif, pour lui déclarer, au nom du bien public, la nécessité de sanctionner le décret sur les passeports. (Nouveaux applaudissements dans les tribunes.) Si la loi sur les passeports avait été sanctionnée, des brigands de toutes les parties de l'Empire ne seraient par réunis. Les départements ou Midi jouiraient du calme? si la loi contre les prêtres réfractaires eût été sanctionnée. (Nouveaux applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Ce n'est pas la question!
Il n'y aurtit plus ni Coblentz, ni concert royal} et la France goûterait sans amertume les fruits de la Révolution, si les aristocrates d'au delà du Rhin n'avaient trouvé dans les corps constitués une protection ouverte.
Il y a une grande conjuration décidée; tout homme qui ne s'en aperçoit pas est de mauvaise foi, ou d'une ignorance profonde. Il est démontré qu'on a calculé qu'en enlevant les grains on réduirait la France à l'extrémité ; qu'en emportant l'or du royaume, on empêcherait d'acheter du blé à l'étranger; on temporise pour les préparatifs militaires, afin de donner à l'empereur le temps de combiner ses forces et de nous attaquer ou de nous repousser avec succès. Voila pourquoi on né veut pas la guerre.
Les amis de la liberté ont sauvé la France le 14 juillet; j'ose espérer que ses législateurs la sauveront du nouveau danger qui la presse. Le moment est arrivé de tout révéler, les dehors I de la vertu, l'air du patriotisme ne m'en imposent plus. Nous sommes trahis par tout le monde...
Voix dans les tribunes : Oui ! oui 1
Les ministres conspirent contre le peuple, ils ont jeté leur masque ; leur PA-
fond mépris pour l'Assemblée" nationale n'est plus un secret. Tout le monde le sent; l'Assemblée le voit et le souffre. Ce matin, vous avez entendu de sang-froid le ministre de la guerre, au nom du roi, et sans sa permission, calomnier l'Assemblée et l'avilir: après avoir fait le tableau le plus perfide de 1 état de la France, il a été applaudi. Je demande que l'Assemblée vérifie le mémoire du ministre de la guerre. J'observe à l'Assemblée que mon observation ne porte pas sur le ministre de l'intérieur.
Plusieurs membres : Vous n'êtes pas dans la question !
Monsieur je vous invite à vous renfermer dans la question.
Le moyen de sauver la France c'est de donner à l'Assemblée le caractère qui lui convient; c'est d'empêcher qu'un ministre vienne l'insulter dans son sein. (Il s'élève de longs murmures.) Me résumant sur la question actuelle, j'appuie les observations du ministre, mais je demande qu'on emploie les troupes de ligne, et non pas des gardes nationales.
J'observe que l'Assemblée perd un temps précieux, tandis qu'il est question d'étouffer des troubles. Je demande qu on emploie des gardes nationales qui sauront parler à des citoyens égarés comme ils sauront combattre l'ennemi, et que le département de Paris soit autorisé à faire partir le nombre qu'il jur-géra suffisant sans limiter ce nombre. (Murmures et exclamations dans les tribunes.)
, ministre de l'intérieur. Sans doute, on n'a pas une idée exacte des rassemblements qui troublent certains départements; c'est à tort qu'on dit qu'ils sont formés de brigands venus de toutes les parties du royaume. Les lettres des divers corps administratifs annoncent toutes ce que sont les habitants des municipalités du pays qui causent ces troubles et ces désordres. C'est pour cela, que le département a pensé qu'il fallait employer contre des citoyens égarés d'autres citoyens qui les ramèneraient à leur devoir par l'exemple de leur obéissance, et qui savaient tout à la fois aimer la liberté et la défendre.
J'observe que le département connaissant mieux les localités que l'Assemblée, on peut sans inconvénient suivre son avis. Je demande, en conséquence, que la proposition du ministre soit mise aux voix.
Je réclame la parole pour un fait. (Non! non! —^[Parlez! parlez!). On ose vous dire, qu'il est faux que des brigands étrangers soulevaient le peuple. Je vais citer un fait : c'est le procès-verbal envoyé par le ministre de l'intérieur, sur l'affaire de Dunkerque...
Plusieurs voix : Ce n'est pas la question !
descend de la tribune au milieu des murmures de l'Assemblée, et des applaudissements des tribunes.
Je ne comprends pas comment on peut faire perdre le temps à l'Assemblée lorsqu'il s'agit d'aller au secours de départements qui sont en feu.
monte à la tribune.
Plusieurs membres : A bas ! à bas !
(L'Assemblée décide que M. Duhem ne sera pas entendu.)
Plusieurs membres : La discussion fermée ! Le décret d'urgence !
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète l'urgence.)
Plusieurs membres demandent la rédaction du projet de décret.
D'autres membres demandent que le décret soit adopté sauf rédaction.
et d'autres rnmte. Non! non! il faut l'adopter de suiteI
Je demande à être entendu pour lire un article de la Constitution
Voix diverses : Non ! non ! — Si ! si
, après un long tumulte, obtient la parole.
Je trouve dans l'Acte constitutionnel, à l'article 2 du titre IV, de la force publique, que la force publique est composée de l'armée de terre et de mer, de la troupe spécialement destinée au service .de l'intérieur, et subsidiaire-ment, etc. ; c'est ce mot subsidiairement qui me fait croire... "(iMurmures prolongés.)
, secrétaire.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Lès administrateurs du département de Paris sont autorisés à envoyer, dans le département de Seine-et-Oise, 600 hommes de gardes nationales avec 2 pièces de canon, et 200 hommes de gardes nationales avec 2 pièces de canon, dans le département de l'Eure, pour, sur la réquisition des corps administratifs de ces 2 départements, y rétablir et maintenir la tranquillité publique. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant que le rétablissement de l'ordre dans les départements de Seine-et-Oise et de l'EUre, exige que le pouvoir exécutif y envoie promptement une force imposante, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Les administrateurs du département de Paris sont autorisés à envoyer dans le département de Seine-et-Oise 600 nommes de gardes nationales avec 2 pièces de canon, et 200 hommes de, gardes nationales avec 2 pièces de canon dans le département de l'Eure, pour, sur la réquisition des corps administratifs de ces 2 départements, y rétablir et maintenir la tranquillité publique ».
Un membre demande que ce décret soit porté sur-le-champ à la sanction du roi.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
, Je renouvelle ma proposition de former une commission de 12 membres pour l'examen des causes qui troublent le royaume.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Tardiveau.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera formé immédiatement une commission chargée de recueillir et de lui'présenter toutes les mesures propres au rétablissement et au maintien de la tranquillité publique. Cette commission sera composée de 2 membres de chacun des comités de pétition, d'agriculture, de commerce, de surveillance, militaire et de législation.
« L'Assemblée invite tous ses membres à com-
muniquer à la commission tous les projets et toutes les vues qu'ils croiront utiles ».
Messieurs, j'ai à faire une proposition très simple, et certainement votre sensibilité trouvera tous les motifs qui doivent l'appuyer. 11 est en votre pouvoir, comme de votre justice, d'encourager le patriotisme des officiers publics en récompensant lés familles de ceux qui auront souffert. Je crois qu'il èst dû des indemnités à la veuve du maire d'Etampes, qui a péri victime de son patriotisme...
Ainsi qu'aux veuves des soldats de Ghâteauvieux.
Je demande, en outre, qu'il soit érigé sur la place du marché de cette ville, un monument, sur lequel seront inscrits ces mots : Erigé au nom de la loi, au magistrat du peuple, qui mourut pour elle. (Applaudissements.)
Je ne m'oppose point à la proposition du préopinant, mais je demande qu'un comité fasse un rapport sur cet objet-là.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Jean Debry au comité d'instruction publique.)
Je viens de recevoir une lettre des , officiers de la ville d'Etampes, qui demandent qu'une députation qu'elle vous envoie soit admise à la barre. (Oui! oui!) Une députation du faubourg Saint-Antoine, qui, en vertu d'un décret doit être reçue à la barre, demande à être admise aussi, et annonce qu'elle a des choses très pressantes à vous dire.
(L'Assemblée décrète que les deux députations seront admises à l'instant.)
Une députation composé de quatre citoyens de la ville d'Etampes ^st admise la barre.
L'orateur de la députation expose à l'Assemblée que la cherté des grains a seule occasionné les troubles dont la ville d'Etampes a été affligée; que c'est en faisant exécuter les décrets, en voulant maintenir la loi de la propriété que le maire d'Etampes est tombé sous les coups ae personnes égarées par la faim. Ils demandent que l'Assemblée autorise les administrateurs du département, de concert avec leurs concitoyens, avec les laboureurs des environs, à prendre des mesures pour que les marchés .soient toujours approvisionnés de grains jusqu'à la prochaine moisson et taxer le blé au prix de 24 livres.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
Une députation de citoyens habitant le faubourg Saint-Antoine est admise à la barre.
, orateur de la députation, s'exprime ainsi (1) :
Législateurs, des hommes profondément pervers ont osé placarder dans
toute la capitale une adresse au roi, signée des habitants du faubourg
Saint-Antoiné. On nous y fait calomnier les représentants du peuple et
leurs bienfaits..... on nous y peint comme des êtres corrompus qui
demandent à grands cris leurs anciens fers. Nous ne venons pas désavouer
cette diatrible criminelle : les hommes du 14 Juillet, accusés de
sentiments parjures et serviles, ne doivent répondre que par le sourire
du mépris et de la pitié. (Applaudissements.) Notre justification est ;
L'intrigue et l'égoïsme dessèchent tous les jours les rameaux de l'arbre social, à l'ombre duquel tous les citoyens devaient vivre comme frères... Peu à peu, des hommes honnêtes, mais égarés par de perfides suggestions, s'isolent de leurs compatriotes... La cour et ses partisans profitent de cette mésintelligence...
Législateurs! c'est à vous à ranimer l'esprit pubhc, à réchauffer le germe des vertus sociales, e souffrez pas que les ministres oublient un moment ce qu'ils sont et ce que vous êtes. (Applaudissements dans les tribunes)... Surveillez le pouvoir exécutif... Car, pourquoi nous faire illusion? c'est toujours du pied du trône que le fleuve de la corruption se répandra dans toutes les veines du corps politique... Poursuivez dans ses derniers retranchements l'hydre de la superstition, et ne quittez pas le glaive que les mille têtes du monstre ne soient abattues ; en-
levez au sacerdoce l'exécrable privilège de tarir à son gré les sources de la population, afin de le serrer davantage ; relâchez les liens qui unissent les époux; réprimez la passion infernale du jeu ; déterminez enfin la marche de l'esprit et du cœur humain du côté de l'union et des'autres vertus civiques. Donnez à nos enfants des maîtres et des livres qui puissent leur faire oublier les vices de leurs pères (Applaudissements.) et les former à la douce habitude de ne voir dans tous les membres de la société que des hommes et des frères... Procurez au peuple les moyens de s'instruire... Il n'y a que les tyrans et les esclaves qui puissent blâmer notre demande. A mesure que Vhomme apprend à connaître ses erreurs et ses droits, il apprend à connaître ses vertus et ses devoirs .(Applaudissements)... Daignez aussi vous occuper des subsistances. Si vous négligez , plus longtemps cette partie essentielle de l'administration, le royaume peut éprouver de violentes secousses... Le peuple du Nord craint la disette, le peuple du Midi manque de pain. Il faut bannir les frayeurs des uns et pourvoir aux besoins des autres. (Applaudissements.) Quand les citoyens sont heureux, on n'entend pas parler d'émeutes..... Ranimez l'agriculture et le commerce en arrachant à nos ennemis leur dernière espérance ; cherchez le moyen de rendre aux assignats ia valeur qu'ils n auraient jamais dû perdre; et vous le trouverez. Soyez surtout iné-xorables envers les conspirateurs, et plus sévères encore, s'il est possible, contre les scélérats hypocrites qui nous trahissent et nous égorgent la Constitution à la main. (Applaudissements réitérés.)
Excusez la rudesse et la franchise de notre langage; c'est celui des hommes libres; il ne vous est pas étranger : il ne doit pas vous déplaire. Nous vous respectons comme magistrats, nous vous chérissons comme pères ; vos ennemis seront toujours les nôtres. Au moindre péril, nous quittons le faubourg; et, après avoir jeté les yeux sur les ruines de la Bastille, nous venons vous offrir nos bras et nos piques. (Applaudissements réitérés dans les tribunes)... Oui, Messieurs, nos piques! ce mot ne doit effrayer que les brigands et les conspirateurs... Ces armes terribles ont servi de prétexte aux outrages de nos ennemis... Ah! sans doute il est plus facile aux intrigants de calomnier le peuple que d'imiter ses vertus. (Applaudissements)... Avant de nous retirer, nous voulons bien leur donner un avis salutaire. Il ne sera pas le dernier ; le voici : Il vaut mieux servir les nations que les rois. Ces derniers sont toujours de mauvais maîtres ; ils méprisent leurs valets. Si la jalousie ou la défiance portent quelquefois les peuples à persécuter les talents et les vertus, du moins ils ne les avilissent jamais, et tôt ou tard ils leur élèvent des autels... Encore un mot... L'éponge des siècles peut effacer du livre de la loi le chapitre de la royauté; mais le titre de l'Assemblée nationale et de l'unité du Corps législatif restera toujours intact... Oui, Messieurs les courtisans... les rois, les ministres, la liste civile passeront; mais les droits de l'homme, la souveraineté nationale et les piques ne passeront jamais. (Applaudissements dans les tribunes.)
Signé : Gonchon, orateur.
(Suivent quatre cent cinquante signatures.)
, répondant à la députation. I Le patriotisme des citoyens du faubourg Saint-
Antoine est aussi célèbre que le fut jadis la Bastille, qu'ils ont si glorieusement aidé à renverser. Le despotisme écrasé leur suscite des calomniateurs : c'est pour eux un titre de gloire. Il n'ont pas besoin ae justification. L'Assemblée nationale vous remercie des avis que votre zèle vous engage à lui donner sur les manœuvres qu'on emploie pour troubler l'ordre public. (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) On la calomnie aussi ; et telle doit être sans doute la tactique perfide des amis de la tyrannie, car elle a juré de s'ensevelir sous les ruines de ce temple, plutôt que de leur laisser obtenir le moindre triomphe sur la Constitution. (Applaudissements.) Mais embrasée de l'amour de la patrie et de la liberté; pleine de confiance dans le civisme des Français, elle poursuivra sa carrière avec courage, et ne s'occupera de ses ennemis que pour déjouer leurs complots. (Applaudissements.) L'Assemblée nationale vous invite à sa séance.
Je demande que le discours que ces citoyens viennent de prononcer soit inscrit dans le procès-verbal et imprimé, parce qu'ils viennent de parler un langage qui est à la hauteur d'un peuple libre, parce que lès sentiments qu'ils viennent de manifester devraient être ceux tenus par tous les Français. Ils ont dit de grandes vérités dont noiis he saurions trop nous-mêmes nous pénétrer, et dont nous ne saurions trop manifester la publication en tout lieu.
(L'Assemblée décrète l'impression de l'adresse des citoyens du faubourg Saint-Antoine.)
Une députation des• grenadiers des ci-devant gardes françaises est admise à la barre ; ils se plaignent de ce qu'avant fait quelques représentions à leurs chefs, ils n'aient reçu pour réponse que menaces et duretés, qu'ils ont demandé leur congé, mais que leurs cartouches n'ont pas été revêtues des formes prescrites par les ordonnancés. Ils exposent aussi qu'on leur a refusé leur solde jusqu'à l'époque de la cessation de leur service. Ils demandent la réforme de leur cartouche, et leur paye.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
(La séance est levée à dix heures et demie.)
Séance du
Présidence de M. guyton-morveau.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 mars 1792, au matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 6 mars 1792, au matin.
J'observe que l'on a omis de faire mention honorable dans ce procès-verbal, de la conduite ferme et généreuse des administrateurs du département de Seine-et-Oise.
(L'Assemblée .ordonne que la mention honorable sera rétablie au procès-verbal.)
fait la même demande pour
les administrateurs du directoire du département de l'Eure.
(L'Assemblée décide qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la séance du 6 mars, de la conduite du directoire du départe4 ment de l'Eure.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres adresses et pétitions suivantes : 1° Lettre de M. Pétion, maire de Paris, dont l'objet est de prouver que la municipalité ae cette ville ne mérite aucun reproche ae lenteur ou de négligence dans Passiette et le recouvrement des impositions. Cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le 7 mars 1792.
Monsieur le Président,
La municipalité de Paris n'a pu apprendre sans la plus Vive douleur, qu'elle était accusée de lenteur et de négligence dans l'assiette et le recouvrement des impositious (1). Pour repousser loin d'elle une accusation dont il semblait que son zèle et son activité devaient la défendre, elle se bornera à remettre sous les yeux de l'Assemblée nationale les . résultats exacts de ses nombres opérations en matière d'impositions.
Sans doute, l'Assemblée nationale ordonnera que les jcomités éclairent sa religion sur différentes questions auxquelles l'existence des corps constitués de Paris peut donner lieu. Les magistrats du peuplé, les premiers nés de la liberté, y viendront avec confiance, déposer, avec le récit des travaux auxquels ils se sont livrés, l'exposé des réclamations qu'au nom du bien public, ils doivent adresser au Corps législatif;
La municipalité de Paris venait à peine de s'organiser en 1789, quand la loi sur la contribution patriotique a paru. Elle s'empressa d'organiser cette partie intéressante d'administration, d'en suivre tous les détails et d'y joindre en outre ceux non moins importants du recensement, de l'assiette et du recouvrement des contributions de Paris pour l'année 1790.
Un décret du 8 décembre 1790 la chargea ensuite de toutes les opérations préparatoires pour l'année 1791 de la répartition et de l'assiette, uon seulement des impositions de Paris, mais de celles des 76 autres municipalités du département de Paris ; elle leur donna toutes les instructions nécessaires. Les assemblées se formèrent, les déclarations se firent, on posa les limites respectives, et ce travail était porté aussi loin qu'il était permis de le désirer, quand, aux termes du même décret, le 6 mars 1791, elle remit au département toute cette partie organisée par ses soins.
Dès le 8 janvier de cette année 1791, la municipalité avait fait commencer l'état des habitants sur les 210 à 222,000 contribuables de Paris, et la minute du rôle était déjà achevée, lorsque la loi du 18 février 1791, sur la contribution foncière, lui a été notifiée.
Le rôle de la contribution foncière était expédié au 1er avril, les cotes
étaient toutes tirées au sixième du produit net, le quart déduit, ét
c'était aux termes du décret des 20, 22 et 23 no-
Nous ne connaissions point encore le montant du répartement, qui ne nous fut notifié que le 27 juillet suivant.
Dans le mois de mai, la municipalité reçut Tordre de faire des rôles distincts et particuliers des sous additionnels en remplacement de la gabelle et autres droits supprimés. Ces rôles s'expédièrent, et au mois d'août ils furent remis au directoire.
La promptitude, la multiplicité des opérations et des bras, l'impossibilité d'une surveillance de tous les moments peuvent avoir rendu ces rôles défectueux, mais ces défectuosités étaient toutes très remédiables. Nous avons indiqué le mode de correction que la loi elle-même indiquait. Nous ignorons pourquoi, au lieu de nous imputer des erreurs impossibles à empêcher dans une grande administration, on ne s est pas empressé de les amoindrir ou de les faire disparaître.
Indépendamment de ces opérations, dont nous ne consignons ici que la nomenclature, successivement et depuis cette époque, la municipalité a fait encore :
1° Toutes les taxes d'office de la contribution patriotique, montant à plus de 800,000 livres ; elle en a suivi la discussion avec les contribuables, et formé les rôles exécutoires qui se remettaient aux receveurs à mesure de l'expédition, et dont un double a été déposé au directoire, au mois de septembre dernier ;
2° Le rôle d'acompte de la contribution mobilière, qui fut expédié immédiatement après le décret du 19 juin, et qu'on fit passer aux receveurs, à mesure de l'expédition, pour en accélérer le recouvrement ;
3° Elle a fait, en outre, tout le service des patentes, les rôles exécutoires qui en dépendent, et les a remis au directoire, ainsi qu'aux receveurs, en novembre dernier;
4° Un nouveau recensement pour la contribution mobilière, que le nouveau mode d'imposition et les mutations de domicile des contribuables, dans un espace de six mois, rendait indispensable ;
5° La matrice du rôle de cette même contribution mobilière, qui contient à elle seule plus de 2,600 cahiers in-folio, suivant le modèle décrété.
6° Le rôle définitif de la contribution foncière de 1791, d'après le répartement, et que la municipalité, le 15 du mois d'octobre dernier, a fait remettre au directoire, et qui, on ne sait encore pourquoi, n'est pas rendu exécutoire ;
7° Une nouvelle expédition du rôle que les nouveaux arrondissements de recette rendaient nécessaire. Ce rôle sera remis aux nouveaux receveurs, dès que leur organisation sera faite ;
8° Toutes les taxes réglementaires de contribution ordinaire pour les années 1789, 1790 et 1791; avec les rôles de cette partie, lesquels sont au directoire depuis trois mois.
9° Enfin, elle expédie en ce moment le rôle de la contribution mobilière, qui n'a été retardé que parce qu'il a fallu diviser la matrice en 16 parties d'arrondissements, à cause des 16 nouveaux receveurs.
Nous vous supplions, Monsieur le Président, de faire observer à l'AssembIée,que tous ces rôles, au nombre de 11, s'expédient nécessairement triples,
indépendamment des minutes, pour l'ordre de la comptabilité.
A ces travaux multipliés il faut ajouter l'examen, la vérification et la réponse d'environ trente mille mémoires en réclamations, présentés par les contribuables.
Enfin, le recensement de cette année, objet du plus grand travail et dont il est indispensable, pour la conservation de l'impôt, de faire le complément entre deux époques de déménagement, est fait à plus des trois quarts, et aurait été terminé, le 15 de ce mois, si le département n'avait pas encore proposé de nouvelles mesures.
Malgré les difficultés que tant de rôles à la fois apportaient au recouvrement, qui ne se faisait encore que par 6. receveurs excessivement surchargés, et qui, conservés par un décret de l'Assemblée constituante, sont en quelque sorte indépendants de la municipalité.
Voici, en aperçu, le résultat qu'il présente :
Depuis le 1er octobre 1789, jusqu'au 1er mars 1792, il est rentré, sur la capitation, contribution ordinaire de 1790, et contribution mobilière................. 4,924,393 1. 2 s. 2 d.
Sur les vingtièmes et . contribution foncière. 7,835,571 1 10 »
Sur les patentes, environ................ 2,000,000 »
Sur la contribution patriotique, non compris plus de 7 millions portés directement à l'Assemblée, et de là au Trésor public---------. . 28,345,248 8 2
Sur les rôles supplémentaires............ 257,372 6 »
Total....... 43,362,5841.18 s. 2 d .
L'Assemblée nationale Tendra sûrement quelque justice à une ville, qui, au milieu des pertes considérables qu'elle a faites dans tous les genres, a cependant fourni aux besoins de l'Etat une-somme de 43,362,584 1. 18 s. 2 d., et son équité s'étendra jusques sur ceux dont la continuelle activité et les travaux infatigables en ont provoqué la rentrée.
Signé:Pétion.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
2° Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Tarbes qui se plaignent que le ministre de la guerre laisse, sans aucun moyens de défense le département des Hautes-Pyrénées sur les frontières d'Espagne. La gendarmerie nationale n'a que de mauvais sabres; il ne s'y trouve encore aucun soldat de ligne et les volontaires nationaux sont sans armes, ou n'ont que celles très mauvaises qui leur ont été envoyées par l'ex-ministre Duportail. Ils ajoutent. « Ce n'est pas de belles phrases, ce n'est pas de l'éloquence qu'il nous faut, mais de la poudre, des balles, des boulets, des fusils et des canons. »
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
3° Pétition de plusieurs citoyens de la ville de Carpentras, du 24 février dernier, qui se plaignent de persécution de la part de leur municipalité dont la nomination n'a pas été légale.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
4° Lettre des administrateurs du directoire du district de Beauvais, et des officiers municipaux de cette ville, en date du 4 de ce mois, relativement au nombre, des vicaires de la paroisse de Saint-Etienne de, la même ville.
Ils informent en même temps l'Assemblée nationale d'un événement qu'ils se hâtent de donner tel qu'il est pour prévenir tout récit qui pourrait le dénaturer.
Le ci-devant évêque La Rochefoucauld avait publié un mandement, dont la morale inconstitutionnelle et incendiaire appelait la surveillance des corps administratifs ; la municipalité de Beauvais crut devoir prendre à cet égard un arrêté, en ordonnant qu'il en serait fait lecturefdans la paroisse de Saint-Etienne, les trois vicaires s'y refusèrent, donnèrent leur démission, et rétractèrent leur serment. Un vicaire épiscopal les ayant suppléés, tout se termina sans aucun malhehr hi désordre ; les réfractaires furent conduits chez eux au milieu du silence du mépris; le peuple, trop éclairé pour, se livrer à une agitation dangereuse, parcé que trois prêtres venaient de se parjurer, n'a pas même daigné les gratifier d'une injure.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division, qui se hâtera de pourvoir àl'orgahisa-tion de cette paroisse.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 4 mars 1792.
demande un congé de quatre jours.
(L'Assemblée accorde le congé demandé.)
Je relève une omission qui n'a eu lieu dans le procès-verbal, d'ailleurs très exact, que par la multiplicité des affaires qui ont surchargé la séance de dimanche; effrayé des dépenses que nous faisons en travaux publics, inquiet sur les suites de l'ignorance dans laquelle nous sommes à cet égard, je fis la motion de charger le comité d'agriculture de nous faire un rapport général sur l'état et l'utilité des travaux publics qui sont en exécution, tels que ponts, chaussées, digues, levées, turcies, ports, canaux, etc. Mon but était qu'à l'aspect de ce rapport, et de l'examen des objets, on Rappliquât es dépenses qu'aux entreprises vraiment utiles, qu'on abandonnât les autres, et qu'on suspendît celles qui sont moins pressantes.
Généralisant aujourd'hui cette idée, je fais une motion plus étendue : l'esprit qui a présidé à la formation de nos comités est un esprit d'ordre et d'ensemble. Cependant nos opérations, semblent partielles ; elles ne sont exécutées qu'en détail, çlles n'ont pas de liaisons, elles ne font pas l'ensemble d'un plan conçu et combiné. Je demande, pour faire cesser ce vice et en prévenir les effets, que chaque comité soit chargé de faire un état des travaux qui lui sont confiés ; cet état renfermera le système particulier du comité, et sera déposé au comité central. Leur réunion nous donnera un plan général des travaux de l'Assemblée: c'est ce qui nous manque. A la vue de ce tableau, qui sera imprimé, la nation verra quelle sera la législation qu'on lui prépare; vous verrez les travaux que Vous avez à exécuter ; et s'il manque quelques chaînons delà grande chaîne législative que vous voulez former, vous remplacerez les vides dès que vous les connaîtrez.
(L'Assemblée décrète la première proposition de M. Laureau et passe à l'ordre du jour sur la seconde.)
Un membre: Dans la séance de dimanche dernier, l'Assemblée a renvoyé au comité des secours publics la pétition du sieur Simon (1), ancien employé dans la Ferme générale, tendant à obtenir une indemnité et une pension. Je demande que cette pétition soit renvoyée au comité de liquidation, qui s'occupe d'un travail général sur cette matière.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition au comité de liquidation-)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Bougainville, datée du 7 de ce mois, par laquelle il déclare avoir fait lui-même imprimer une lettre qu'il avait écrite le 22 du mois dernier, au ministre de la marine ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai lu dans le Logographe du 5 de ce mois une dénonciation du ministre de la marine (2) ; dans le cas où il aurait fait imprimer la lettre que je lui, ai écrite, je dois à la vérité du public que j'ai moi-même envoyé cette lettre à l'impression; je l'ai faite imprimer, parce que j'eusse cru trahir la chose publique, etc. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, datée du jour d'hier : il demande si, nonobstant la loi du 13 décembre dernier, qui exige des certificats de résidence de six mois, il peut, sans exiger ces certificats, continuer à faire distribuer" aux Hollandais réfugiés èn France, les fonds qui leur sont assignés, pour leur subsistance, sur le trésor national.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
3° Lettre du sieur fanson l'aîné, artiste, datée du jour d'hier et relative à la messe en musique qu'il a composée pour l'anniversaire de la mort de Mirabeau (3). 11 demande que des commissaires de l'Assemblée ordonnent.et règlent les frais de la cérémonie funèbre et anniversaire de Mirabeau, dans l'église de Saint-Eustache.
et quelques autres membres réclament pour qué l'Assemblée fixe la quotité de la dépense que ferait la nation pour mire chanter la messe de M. Janson.
Dans le moment où le peuple n'a pas la subsistance nécessaire, je ne crois pas qu'il soit de la dignité de l'Assemblée de consacrer 7,000 livres à une dépense de luxe qui n'ajoutera rien à la gloire de Mirabeau, ni au souvenir que nous conservons de lui et de ses services envers la patrie.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
réclame vivement contre l'ordre du jour.
4° Lettre du procureur général syndic du département de l'Eure\ relativement à des mesures prises par le directoire pour réprimer les troubles qui désolent ce département (1) ; cette lettre est ainsi conçue :
« Messieurs,
« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'en exécution des dispositions de la loi du 4 août dernier, concernant la réquisition et action de la force publique dans l'intérieur du royaume, j'ai cru devoir faire et j'ai successivement fait, sur l'avis du directoire, les réquisitions prescrites par l'article 16 de cette loi ; la gendarmerie nationale du département et partie des gardes nationales des 6 districts se rendent au chef-lieu, et nous sommes déterminés à repousser la force par la force. (Applaudissements.)
« Je n'ai, Messieurs, aucuns détails à joindre à ceux que vous avez déjà sous les yeux; nous n'avons encore reçu aucun renseignement sur ce qui s'est passé au marché de Verneuil : nous savons seulement que les rebelles s'y sont rendus au nombre de 7 à 8,000, qu'ils y sont entrés ; n'ayant trouvé aucune résistance, ils ont mis le prix aux grains et autres denrées commerciales. du reste, ils ne font aucun pillage, ils ne commettent aucun excès.
Je suis avec respect, etc.
« Signé Le procureur général syndic du département de l'Eure. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre à la commission des Douze.) (2).
5° Lettre des administrateurs du département de la Lozère, du 28 du mois dernier, concernant les troubles survenus dans la ville de Uende, à l'occasion du 27e régiment ci-devant Lyonnais.
obtient la parole et donne des détails circonstanciés sur les événements arrivés dans la ville deMende les 26 et 27 du mois dernier, il demande le renvoi des pièces à la commission des Douze.
Le meilleur moyen de remédier au mal et de servir la chose publique est de suivre constamment l'ordre du jour. Vous avez décrété une commission particulière pour trouver un remède aux troubles au royaume. Je demande que toutes ces pièces y soient renvoyées, ainsi que celles qui vous arriveront.
(L'Assemblée renvoie les pièces à la commission des Douze.
L'Assemblée a désiré connaître les procès-verbaux de la ville de Marseille, relatifs aux troubles d'Aix (3), M. Granet demande la parole pour en faire lecture.
Je demande le renvoi de ces
Un membre : Vous ne pouvez ne pas donner la plus grande publicité à ces pièces qui pourraient justifier la conduite de la ville de Marseille ; ainsi, j'en demande la lecture. (Non! non!)
(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités des pétitions et de surveillance réunis.)
,au nom du comité de division, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur la contestation élevée entre les départements de Rhône-et-Loire et de la Haute-Loire, à raison de la réunion définitive des deux communes de Rio tord et de Saint-Ferreol, à l'un ou à Vautre de ces deux départements; il s'exprime ainsi :
Messieurs, par son décret du 26 janvier 1790, l'Assemblée constituante prononça sur le sort des anciennes provinces du Forez et du Velay.
Elle assigna la première au département de Rhône-et-Loire, et l'autre à celui de la Haute-Loire.
La ligne de démarcation a coupé en deux parties inégales le territoire de Saint-Ferreol et de Riotord, communes limitrophes des deux départements, et mi-partie en ci-devant Forez et ci-devant Velay.
Le décret n'a pas déterminé avec une exacte précision celui des deux départements auquel ces communes doivent être réunies.
Les procès-verbaux dressés par les députés respectifs, bien loin d'ôter toute incertitude sur cette question ne font que l'accroître.
Le vœu des habitants dirigé par des impulsions étrangères, et souvent opposées à leurs intérêts, se contrarie et se dément à mesure que l'intrigue les force à céder au mouvement qu'elle lui imprime.
Les administrations des districts et des départements, pour attirer à elles ces deux communes, ont engagé depuis deux ans, une lutte, un conflit, qui ont été trop loin de part et d'autre ; depuis deux ans c'est à qui préviendrait, à qui multiplierait les actes de juridiction; c'est à qui attirerait le plus grand nombre d'électeurs aans ses assemblées.
De deux côtés on a nommé à la même cure.
De deux côtés on a vendu les mêmes domaines nationaux.
De deux côtés on a imposé la même commune.
Le prix des contributions a été versé, partie dans un district, partie dans l'autre.
De deux côtés la contrainte a été décernée contre le collecteur des mêmes impositions.
Dans la même commune, il existe deux autorités constituées, revêtues du sceau de la loi, établies en son nom ; deux municipalités soumises aux ordres et à l'administration ae deux districts et de deux départements.
Enfin, le district de Saint-Etienne a terminé la scène par l'emprisonnement du maire de la commune de Riotord, livré à la gendarmerie nationale, traduit dans les prisons de cette ville, où il est détenu depuis six semaines et dont 150 citoyens réclament la liberté.
Ce premier aperçu est le résultat d'une longue série de faits, de
procédés respectifs, dont le détail ne peut être suppléé, mais que nous
tâcherons de parcourir avec autant ae rapidité que d'exactitude.
Le 26 janvier 1790, l'Assemblée nationale décréta, d'après l'avis du comité de Constitution :
« Que la ligne de démarcation entre le département du Velay et celui de Lyon, laissera dans le premier toutes les paroisses au sud d'une ligne qui embrasse Saint-Pol en Chalençon et Saint-Just-Velay ; le tout conformément au tracé déposé au comité de Constitution, et signé par l'un des membres du comité, en observant que le Velay conserve tout ce qui lui appartient précédemment. »
Les paroisses de Riotord et Saint-Ferreol, placées sur la ligne de démarcation des anciennes provinces du Forez et du Velay, se trouvent encore situées dans celle des deux départements de Rhône-et-Loire et de la Haute-Loire.
Les cartes déposées aux Archives nationales, placent les clochers des églises de ces communes dans l'intérieur des limites des deux départements.
La lecture des procès-verbaux de circonscription et de distribution des deux départements, nous a offert la même incertitude, la même contradiction que l'inspection des cartes.
Dans le procès-verbal de la division du département de Rhône-et-Loire, sous la date du 30 janvier, Riotord et Saint-Ferreol sont portés en dedans des limites de ce département : l'un et l'autre sont même classés dans la sous-division des districts et des cantons.
Il résulte également du procès-verbal de la division de la Hautes-Loire, que Riotord est nommément compris dans ce département, puisqu'il est classé dans le canton de Montfaucon. Tel était l'état des choses de part et d'autre à l'époque de la convocation des assemblées primaires au mois de mai 1790.
Chacun des départements, croyant avoir un droit exclusif sur ces paroisses, voulut les attirer à lui et, en conséquence, les lettres de convocation y furent adressées par les commissaires respectifs.
G est à l'époque de cette convocation que prit naissance la contestation qui divise encore aujourd'hui les deux départements, à raison de l'enclave de ces deux paroisses ; contestation qui, comme nous l'avons déjà annoncé, a donné lieu aux plus vifs débats et que, de part et .d'autre, on a suivie avec un égal acharnement; contestation enfin qui a plus d'une fois occupé l'ancien comité ae Constitution et sur laquelle l'Assemblée doit prononcer par un décret que les deux administrations sollicitent également de sa justice.
La municipalité de Riotord était, comme nous l'avons observé, partie en Forez, partie en Velay.
Lors de la convocation de l'assemblée primaire, elle délibère de demeurer unie au département de la Haute-Loire, par des considérations et des raisons de convenance détaillées dans son arrêté.
Conformément à cette délibération, le 17 mai, les habitants se rendent à l'assemblee primaire du canton de Montfaucon, district de Monistrol.
Là, ils prennent part à la délibération; ils réitèrent la manifestation de leur vœu.
L'assemblée choisit deux électeurs parmi eux.
Ceux-ci concourent à l'élection des membres du département et du district. L'un des administrateurs est choisi dans le sein de la commune de Riotord et devient membre du directoire.
Cependant, par l'effet et la suite nécessaire de la double convocation, quelques habitants de la partie de Riotord, ci-devant Forez, s'étànt aussi rendus, le 17 mai, à l'assemblée primaire du canton de Marlhes, y avaient voté, émis le vœu de leur union à Rhône-et-Loire et obtenu un électeur.
La municipalité de Saint-Ferreol, qui, de son côté, avait été invitée à l'assemblée primaire par les commissaires du roi des deux départements, garda une parfaite neutralité, et s'abstint de paraître dans aucune de ces assemblées.
La délibération de la commune de Riotord, qui avait émis son vœu particulier en faveur de la Haute-Loire, fut envoyée au comité de Constitution qui, le 5 juin, donna son avis en faveur de la Haute-Loire.
Cet avis est conçu dans les termes suivants : « Le comité de Constitution est d'avis que la paroisse de Riotord, mi-partie en Forez et en Velay, qui se trouve comprise dans le département ae Rhône-et-Loire, et dans celui de la Haute-Loire, doit demeurer au département de la Haute-Loire, pour lequel elle a émis son vœu, parce qu'elle fui est formellement attribuée par la limite du Forez et du Velay, tracée au comité de Constitution^» -
Le 18 juin, sur la nouvelle de la décision du comité, la commune de Riotord s'empresse d'y donner son adhésion par la manifestation des transports de sa joie et de sa reconnaissance.
Le même jour, la commune de Glavers, par celle de Riotord, exprime lés mêmes sentiments par une délibération semblable.
Nous ne devons pas nous dissimuler que l'assemblée de la commune de Riotord était loin d'être composée, nous rie disons pas de l'universalité, mais même de la majorité des habitants, quoique légalement convoqués, et présidés par les officiers municipaux. •
Nous avons rapporté plus haut qu'une section de cette commune avait émis un vœu contraire.
Les membres de cette section furent renforcés, le 27 juin, par quelques votants de l'assemblée de la commune, qui légalement convoqués et présidés par les mêmes officiers, exposent qu'il paraît par affiche attachée à la porte de l'église « qu'ils ont donné leur suffrage pour être unis à « la Haute-Loire; mais qu'ils protestent contre « tout ce qui pourrait avoir été fait en leur « nom, même contre les signatures qui pour-« raient leur avoir été suprises. »
Cette délibération n'est que de 24 votants qui, le 5 août suivant, au nom des habitants de Riotord, adressent une pétition au district de Saint-Etienne pour demander à lui être unis. Le 18 du même mois, le district de Saint-Etienne prend un arrêté qui tend à solliciter la réunion de la commune ae Riotord au département de Rhône-et-Loire.
Cet arrêté est confirmé le 4 septembre suivant, par le directoire du département de Rhône-et-Loire, qui charge le procureur général syndic (d'envoyer la délibération de la commune de Riotord au département de la Haute-Loire, pour la prendre en considération et manifester son opinion sur l'arrêté du district de Saint-Etienne.
Le 10 octobre, la commune de Riotord charge deux de ses membres de se rendre au district de Monistrol, pour lui exprimer le vœu de sa réunion au département de Rhône-et-Loire, et protester contre tout acte qui tiendrait à l'unir à celui de la Haute-Loire.
Le district de Monistrol refuse de recevoir les protestations des députés de Riotord.
Ceux-ci les lui notifient par acte du 11 du même mois.
Le 24, une délibération de cette même commune de Riotord, prise dans une assemblée convoquée par ordre au conseil général, ratifie celle prise le 10 et l'acte fait au district de Monistrol.
Elle est envoyée à l'Assemblée constituante, et présentée par un député qui l'appuie d'une pétition relative à son objet.
Ici s'engage le conflit entre le district de Saint-Etienne et celui de Monistrol, et entre les départements respectifs.
Ici, le choc des intérêts des administrateurs, qui se couvrent du voile de l'intérêt des administrés, décèle les intrigues qui fomentèrent les premières divisions dans cette paroisse, et l'esprit de parti qui n'a cessé de les alimenter.
Le 28 octobre, le département de la Haute-Loire, par son arrêté du même jour, fait des observations relatives aux démarches de la commune de Riotord combat les raisons de convenance qu'elle invoque, et prétend qu'elle a un vœu contraire à celui qu'on lui a fait exprimer.
Par son arrêté du 4 novembre le district de Saint-Etienne persiste dans le précédent.
Le 8, les habitants de Riotord votent pour l'élection du juge de paix dans l'assemblée primaire du canton de Marlhes, district de Sainfe-Etienne.
Le 18, nouvel arrêté du district de Saint-Etienne, dans lequel il ramène tous les actes d'administration qu'il a exercés à Riotord, et les droits qu'il a sur cette commune.
C'est dans ces circonstances que le comité de Constitution porta un second avis sur le sort de cette paroisse, le 4 décembre, à la sollicitation du député qui se trouvait à cette époque à Paris.
En voici le contenu :
« La question de savoir si la paroisse de Rio-« tord doit faire partie du département du « Rhône-et-Loire ou de celui de la Haute-Loire, « dépend de la vérification d'un fait : à laquelle « des deux provinces, du Forez, ou du Velay, « appartenait le clocher de Riotord. En effet, les « conventions des députés de ces deux provinces, « et l'intention de l Assemblée nationale, ayant « été, que, dans cette partie, les départements « de Rhône-et-Loire et ae la Haute-Loire fussent « démarqués par l'ancienne limite des deux pro-« vinces ci-dessus menacées, il ne s'agit que d'é-« claircir si Riotord était de la ci-devant province « du FOrez ou de celle du Velay ; dans le premier « cas, cette paroisse passera au département de « Rhône-et-Loire ; et dans la seconde hypothèse, « restera au département de la Haute-Loire. »
« Le comité pense donc que les administra-« teurs dé ce département doivent se concerter « pôiir vérifier le fait duquel dépend absolu-« ment la solution de la difficulté. »
Cet avis qui, comme on le voit, ne porte que sur Riotord, n'eut pas un succès plus heureux que celui du 5 avril. Chaque département conserva les anciennes prétentions et parut plus occupé du soin de conquérir cette paroisse à force d'y cumuler les actes possessoires de son administration, que des moyens de conciliation ou des raisons ae convenance qui devaient y mettre fin.
Le sieur Cotey, fermier de l'abbaye de Clavas, parcelle de la commune de Riotord, avait d'a- bord affirmé son bail devant le directoire de Monistrol; il avait reçu un commandement de
la part du receveur pour payer le prix du bail, lorsque, le 23 décembre 1790, pour se soustraire à la contrainte du receveur de Monistrol, il se retire devant le directoire de Saint-Etienne, y affirme ce même bail, et reçoit du receveur de ce nouveau district, un commandement d'en verser le prix dans sa caisse.
Le district de Monistrol autorise son receveur à contraindre le fermier.
Le 24, le département de la Haute-Loire autorise cet arrêté et invite le procureur syndic à en donner connaissance au directoire de Saint-Etienne.
La contrainte est mise à exécution contre le fermier de Clavas, à la diligence du receveur de Monistrol.
Le 8 janvier, ce fermier dénonce au district de Saint-Etienne la rigueur de cette contrainte, réclame son intervention pour être mis à couvert sur la foi des fonds qu'il a versés dans la caisse de son receveur.
Le district de Saint-Etienne invite celui de Monistrol à surseoir à toutes poursuites ultérieures contre le fermier, et, en défaut, charge le procureur syndic de former opposition à la contrainte, sous la responsabilité du procureur syndic de Monistrol.
Par son arrêté du 29, le directoire de Monistrol, en réponse à celui du district de Saint-Etienne, après avoir, pour justifier la légitimité de sa contrainte, ramené les actes annulés par lesquels ce fermier avait reconnu l'administration du district de Monistrol, les droits qu'il avait sur le domaine de Clavas, et les procédés du district de Saint-Etienne, ordonne que le fermier ou là caution seront provisoirement élargis.
D'un autre côté, le district de Saint-Etienne faisait usage de son autorité et exerçait ses droits sur Riotord.
Les habitants de cette commune étaient cités devant le juge de paix de Montfaucon, dans le district de Monistrol.
Le juge de paix de Marlhes réclame ses justiciables, par l'intervention du district de Saint-Etienne qui, par son arrêté du 5 mars suivant,1 fait défense au greffier de Montfaucon de citer les habitants de Riotord devant tout autre tribunal de paix que celui de Marlhes.
Le 28 " du même mois, le directoire de la Haute-Loire, sur la réquisition du procureur général, arrête que l'Assemblée nationale sera instamment priée de rendre un décret qui le maintienne dans la possession des communes de Riotord et Saint-Ferreol.
Instruite de cet arrêté, la municipalité de Rio-tard réclame contre les efforts de la Haute-Loire, et délibère de s'adresser à l'Assemblée nationale pour être unie à Rhône-et-Loire.
Deux adresses sont envoyées à l'Assemblée nationale, ensuite de cette délibération dans laquelle ont voté 54 citoyens de la partie du ci-devant Forez, et 41 de ceUe du ci-devant Velay.
Au milieu de tous ces débats dont Riotord était l'objet, Saint-Ferréol n'était pas oublié.
Le sieur Mermet, curé de la paroisse, avait refusé de prêter le serment constitutionnel, il fut question de le remplacer.
L'assemblée des électeurs nomme à la cure vacante. Prévenu de cette élection, le district de Saint-Etienne s'en plaint à celui de Monistrol, et remet sous ses yeux tous les droits qu'il croit avoir sur cette paroisse.
Le directoire de Monistrol, par un nouvel
arrêté invite la commune de Saint-Ferreol, qui avait précédemment émis son vœu en faveur de la Haute-Loire, à y persister, à continuer à prendre part à ses assemblées, et à s'adresser au ministre de l'intérieur pour faire cesser le conflit qui divise les deux districts.
Sur l'avis de cet arrêté, le district de Saint-Etienne propose de nommer le même curé que celui choisi par les électeurs de Monistrol, et d'en référer au département de Rhône-et-Loire.
Le directoire approuve cet expédient ; et par sa lettre du 7 juillet, le procureur général syndic invite les électeurs ae Saint-Etienne à l'adopter.
A Riotord s'engage encore une nouvelle contestation.
Le curé de cette paroisse avait fait sa soumission pour acquérir quelques domaines nationaux situés dans son territoire.
Il connaissait la prétention des deux districts : il cherche à se rendre favorable celui de Saint-Etienne et s'adresse à lui pour s'en faire consentir l'adjudication.
_ Ce domaine lui est adjugé ; il veut être mis en possession.
Le district de Monistrol, par deux arrêtés des 8 et 10 juillet dernier, s'oppose à l'acte posses-soire.
Le 20, le district de Sàint-Etienné arrête que les troubles, qui lui sont donnés dans le libre exercice de son administration sur Riotord, seront dénoncés au département qui sera invité à en transmettre la connaissance à l'Assemblée nationale.
Le 28, le directoire écrit aux députés de Rhône-et-Loire, pour solliciter un décret de l'Assemblée nationale.
Revenons à Saint-Ferreol.
Cette paroisse s'était adressée au district de Monistrol pour y faire recevoir et vérifier le rôle des impositions provisoires de 1791 ; elle avait fait même divers payements à compte, à la caisse du receveur de ce district.
Cependant le district de Saint-Etienne, partant toujours de ces mêmes prétentions sur cette paroisse, continue de la comprendre dans ses états et de la considérer comme imposable dans ses rôles.
Le 5 janvier dernier, son receveur décerne une contrainte contre les officiers municipaux de Saint-Ferreol, faute par eux d'avoir fait et remis le rôle d'acompte de l'imposition de la même année 1791.
Les officiers de Saint-Ferreol répondent à la signification de la contrainte, qu'ils ne peuvent y déférer, attendu que divers payements sur cet objet ont déjà été faits à la caisse du district de Monistrol, auquel les rôles ont été adressés, et que pour le débet restant ils ont déjà reçu l'intimation d'une nouvelle contrainte.
Cette réponse était précédée d'une délibération du 29 novembre, par laquelle ils déclarent qu'ils protestent contre tout ce qui a été fait ou à faire, à leur égard, par le district de Saint-Etienne.
Le 7 janvier suivant, le district de Saint-Etienne arrête qu'il sera écrit au directoire de Rhône-et-Loire, pour qu'il avise aux moyens les plus efficaces et les plus prompts de contraindre les officiers municipaux de Saint-Ferreol à rapporter et solder le rôle de l'imposition.
Le directoire de Lyon confirme cet arrêté, ordonne que la contrainte sera ramenée à l'exé-
cution jusqu'à l'entier pavement; que, sous peine de responsabilité et de contrainte la municipalité de Saint-Ferreol enverra l'état des sections pour l'assiette de l'imposition foncière.
Il délibère l'envoi de son arrêté aux directoires du Puy et à celui de Monistrol, pour qu'ils ne mettent aucun obstacle à son exécution et aient à s'abstenir de comprendre dans leurs rôles ou états les communes de Riotord, Saint-Ferreol et leurs parcelles.
A Riotord, l'élection des officiers municipaux nous offre la dernière scène, qui a été terminée par l'emprisonnement du sieur Pioton, maire ae cette commune.
Le 4 novembre dernier, le directoire de Saint-Etienne voulut réunir en une seule et même municipalité les communes mi-partie en différentes ci-devant provinces et administrées par trois différentes municipalités.
Il prit un arrêté qui porte qu'en exécution du décret du 20 janvier, elles se réuniront dans la partie où se trouve situé le clocher, pour ne former qu'une seule et même municipalité.
Le 13 du même mois, 35 habitants de l'une des trois municipalités de Riotord se réunissent et renouvellent la municipalité.
Le 6 janvier dernier, le procureur syndic du district de Monistrol écrit au sieur Pioton, procureur de la commune de Riotord, pour le prévenir que le directoire a nommé un commissaire pour présider au renouvellement de la municipalité de Riotord.
M. Deverney, juge de paix de Montfaucon, commissaire au district, écrit le lendemain au sieur Pioton dans les termes suivants :
« En vertu de la commission qui m'a été con-« fiée par le directoire de Monistrol, mon cher « Pioton, pour aller assister au renouvellement « de la municipalité de Riotord, je vous invite à « faire afficher demain et publier au prône « que, lundi 16, on procédera à cette formation; « exhortez les bons citoyens à s'y rendre. Il faut « surveiller les affiches afin qu elles .ne soient « point enlevées. »
Le 8, le procureur de là commune, Pioton, fait mettre une affiche qui indique la convocation.
Le même jour, la municipalité nommée le 13 novembre, après avoir pris connaissance des faits qui lui sont dénonces et des pièces qui servent à les appuyer, prend un arrêté par lequel il charge le procureur syndic de dénoncer le sieur Pioton et fait défense à aucune municipalité de Riotord de s'assembler le 16, sans en avoir prévenu la municipalité, renouvelée sous peine de désobéissance, et d'être, les président, secrétaire et scrutateurs, poursuivis suivant la rigueur des lois.
Le cas prévu par le commissaire étant arrivé, c'est-à-dire l'affiche ayant été enlevée, le sieur Pioton en fit mettre une seconde.
Le 16 janvier, la municipalité de nouveau assemblée, arrête que cette affiche sera envoyée au district de Saint-Etienne, et que, dans le cas où lé juge de Montfaucon se présentera en qualité de commissaire, il lui sera donné connaissance de l'arrêté du district de Saint-Etienne.
Ce même jour se rendit à Riotord le commissaire du district de Monistrol.
Le maire lui présente l'arrêté du district de Saint-Etienne. Le commissaire, après avoir lu, lui dit qu'il est le maître de verbaliser, mais que lui-même, de son côté, étant porteur d'ordres, il doit les exécuter.
En conséquence, et d'après la convocation du directoire de Monistrol, les deux communes de Clavas et de la parcelle de Riotord, avec quelques membres de celles de Riotord, s'assemblent au nombre de 150 habitants et procèdent à l'élection de la nouvelle municipalité, dans laquelle le sieur Ploton est élu et proclamé maire.
La municipalité du 13 novembre dresse son procès-verbal, et arrête qu'il sera envoyé au district de Saint-Etienne.
Le 29, arrêté dû district de Saint-Etienne, qui ordonne que les faits nouvellement dénoncés, seront joints à ceux du précédent arrêté.
Le 24, le procureur syndic dénonce le sieur Ploton, maire de Riotord.
Le 26, la gendarmerie; en vertu d'un mandat d'amener l'arrête et le conduit à Marlhes, là le juge de paix délivre un mandat d'arrêt en vertu duquel Ploton est conduit et constitué prisonnier à Saint-Etienne, après avoir été interrogé le 28 par le juge directeur du juré.
Le 5 février, les citoyens de Riotord, forcés de reconnaître l'ancienne municipalité, pour prévenir un nouveau coup d'autorité, lui demandent l'agrément de s'assembler pour délibérer sur l'enlèvement du sieur Ploton, maire; ils arrêtent de solliciter son élargissement, par l'entremise et l'intervention du district de Monistrol, et protestent de leur ferme résolution, de ne pas se séparer de la Haute-Loire; ils font plus, ils envoient à la suite de l'Assemblée nationale M. Lemoine-Devernon, député-extraordinaire, chargé de représenter à l'Assemblée nationale la situation de cette commune ; de lui exposer le vœu de la majorité de ses citoyens solennellement émis, et de solliciter un décret qui y rétablisse le calme et la paix.
Le" 7, le département de la Haute-Loire, après un arrêté relatif à la détention du maire de Riotord, charge son procureur syndic de notifier par acte à celui de Rhône-et-Loire l'irrégularité, l'injustice de l'arrêt et de la détention de cet officier municipal; il charge le commissaire du roi du district d'Issingeaux de revendiquer le prisonnier pour être conduit devant les juges de ce tribunal, seul compétent pour connaître des délits imputés à l'accusé.
En même temps, il délibère d'écrire à l'Assemblée nationale pour lui donner connaissance de l'arrêt du maire Ploton,. solliciter d'elle la liberté et un décret qui termine les contestations qui, depuis deux ans, ne cessent de s'élever entre les deux départements et les deux districts.
Le 9, cet arrêté a été notifié au procureur général syndic de Rhône-et-Loire, et au commissaire au roi à Issingeaux.
Tels sont, Messieurs, les détails des faits et des actes géminés qu'ont fait éclore les prétentions opposées des habitants des deux municipalités et des administrateurs des deux districts et dés deux départements. Il est aisé de sentir combien il est intéressant de faire cesser ce conflit; de faire renaître la parfaite harmonie qui doit régner entre les autorités constituées ; et d'établir enfin, par une loi claire et précise, la vraie ligne de démarcation qui laissera Riotord et Saint-Ferreol dans l'un des deux départements limitrophes.
S'il a été pénible et difficile de suivre la chaîne et la série des faits à travers cette multiplicité d'actes et de procédés respectifs, nous avons en même temps reconnu l'indispensable nécessité
de les rapporter dans quelque détail, parce que la discussion des faits, et l'analyse des actes, peut préparer l'opinion de l'Assemblée et la fixer sur la solution du différend qui lui est soumis.
Dans la discussion des moyens employés par l'une et l'autre administration nous nous sommes principalement fixés sur les objets suivants, comme pouvant déterminer les bases d'un décret que doit voter l'Assemblée :
1° Le décret du 26 janvier 1790;
2° Les procès-verbaux de division ;
3° Les cartes des départements respectifs ;
4° Les avis du comité de Constitution ;
5° Le vœu des administrés ;
6° Les convenances locales;
7° Les convenances majeures d'intérêt général fondées sur les bases et les principes de la Constitution.
Le sort du maire de Riotord et l'acte d'autorité qu'a exercé sur lui, et par sa détention, le district de Saint-Etienne, ne doivent pas être subordonnés au résultat de la discussion de tous ces points ; il est incontestable que du moment que le distriet de Saint-Etienne n'ignorait pas que le sieur Ploton n'avait fait qu'exécuter les ordres d'un corps administratif, celui de Monistrol dont cette commune n'avait cessé de reconnaître l'autorité, il n'y avait pas de délit de sa part, ni conséquemment matière à accusation.
Nous avons confondu dans l'exposé des faits, les deux municipalités de Riotord et dé Saint-Ferreol en faisant marcher de front ceux qui étaient relatifs à l'une et à l'autre, pour en suivre l'ordre chronologique ; mais, dans la discussion, nous allons les distinguer parce que, dans le nombre des moyens, il en est qui ne leur sont pas communs.
Sur Saint-Ferreol.
1° Le décret du 26 janvier 1790 contient une disposition qu'il importe de ne pas perdre de vue et qulparaît justifier les prétentions et les droits de la HaUte-Loire sur la commune de Saint-Ferreol.
Il résulte des termes du décret que le Velay ne doit rien perdre de son territoire.
Il est donc convenu que Saint-Ferreol est mi-partie en Forez et en Velay.
Il est donc incontestable que, sous ce premier rapport, la Haute-Loire doit conserver a Saint-Ferreol tout ce qui appartenait au Velay. -
Mais, de plus, la Haute-Loire doit avoir, aux termes du même décret, toutes ies paroisses au sud d'une ligne qui embrasse Saint-Pol-en-Cha-lençon et Saint-Just-les-Velay.
Cette ligne de démarcation, pour être exacte doit embrasser l'entier territoire des deux paroisses de Saiht-Polet deSaint-Just; or, l'inspection de la carte nous fait connaître qu'a partir des hameaux qui sont aux extrémités des deux paroisses la ligne divisoire laisse Saint-Ferreol à une distance de 1,500 toises du côté de la Haute-Loire.
Il est encore incontestable que, sous ce nouveau rapport, la Haute-Loire peut s'étendre dans la partie même de Saint-Ferreol qui n'appartenait pas au Velay.
Mais ce décret ajoute une disposition de la-queUe s'étaye le département de Rhône-et-Loire ; il est dit que cette ligne de Saint-Pol à Saint-Just sera levée conformément au tracé déposé au comité de Constitution, et signé par un de ses membres-
Ce tracé, qui paraît être une correction faite à la première ligne, ne se trouve que sur la carte de Rnône-et-Loire ; et il est constant que dans cette carte le territoire de Saint-Ferreol, partagé entre les deux départements, laisse le clocher de cette paroisse dans la partie de Rhône-et-Loire.
Dans la carte de la Haute-Loire, au contraire, le tracé approuvé par l'un des membres du comité de Constitution, laisse le clocher de Saint-Ferréol dans ce département.
D'un autre côté, le département de Rhône-et-Loire invoque le décret du 13 janvier 1790, qui dit que le Forez, le Lyonnais et le Beaujolais seront réunis en un seul département : d'où il conclut qu'il ne doit rien perdre.
La Haute-Loire détruit cette objection par un fait convenu : c'est qu'elle a dans son étendue un grand nombre de communes de l'ancfen Forez démembrées du département de Rhône-et-Loire:
2° Il résulte des inductions qu'on peut tirer des cartes respectives, qu'elles paraissent également favoriser chacun de ces départements;
3° Les procès-verbaux déposés au comité et signés des députés ne peuvent être invoqués avec avantage que par Rhône-et-Loire, puisque tous s'accordent à classer la paroisse de Saint-Ferreol dans ce département, et qu'elle fait partie, du canton de Marlhes, dans le district de Saint-Etienne;
4° Si nous consultons les avis du Comité de Constitution, nous trouvons un premier avis du 14 juin 1790 dans lequel nous lisons : « Le co-« mité de Constitution a reconnu que la ligne « de démarcation sur les points litigieux des « limites du Forez et du Vivarais, tracée par l'un « de ses commissaires, paraît comprendre en « faveur du département de la Haute-Loire, la « paroisse de Saint-Ferreol. La partie ancien-« nement du Velay a émis son vœu en faveur du « département de la Haute-Loire ; l'autre partie « s'en rapporte à la décision de l'Assemblée. « Dans le doute, le comité est d'avis que les « deux parties doivent être de la Haute-Loire :
« 1° A cause de leur proximité ;
« 2° Par la raison de l'immense étendue du département de Rhône-et-Loire;
« 3° Par celle du vœu de la plupart de ses habitants, et qu'évidemmént c'est le bien. Les administrés et celui de la plus grande régularité de la division. Au comité de Constitution, le 4 juin 1790, Gossin, de Cernon, signés. »
Cet avis n'a jamais été révoqué ni anéanti par un second.
Si nous consultons les considérations prises des convenances locales, des rapports et des intérêts commerciaux, nous les trouvons encore du côté de la Haute-Loire.
Saint-Ferreol est à 4 lieues de distance de Saint-Etienne et à 15 de Lyon; tandis qu'il n'est éloigné que d'une lieue de Monistrol, et de 7 du Puy, chef-lieu du département de la Haute-Loire.
Il ne peut donc pas y avoir de comparaison entre les convenances qui résultent d'une distance de 4 à 1 de 15 à 7.
Mais il y a plus, et c'est là lé point essentiel : Les convenances ne sont jamais mieux établies, mieux senties que par la manifestation du vœu des habitants.
Or, quel est le vœu des habitants de Saint-Ferreol ? il est tout entier en faveur de la Haute-Loire, et il a été constamment tel ; il n'a jamais
varié, sauf celui d'un petit nombre d'habitants de la partie du Forez.
Jamais ils n'ont, du moins de notre connaissance, donné le moindre acquiescement à l'autorité des administrations de Rhône-et-Loire, ils ont, au contraire, formellement protesté contre tous les efforts que l'on faisait pour les unir à ce département, et contre les actes de juridiction qu'on a voulu exercer sur eux.
Mais encore, à consulter ces actes même, la possession est à la Haute-Loire. M. Mermet, curé de la paroisse, était administrateur; il tint la session de 1790, et il le ferait encore vraisemblablement, si son refus de prêter le serment n'eût forcé les électeurs à lui retirer leur confiance.
Les habitants de cette paroisse ont participé à l'indemnité accordée au département de la Haute-Loire, en décembre 1790.
Le district de Saint-Etienne, lui-même, lorsqu'il enregistra l'impôt du vingtième, en renvoya par son arrêté, le supplément au tribunal d'Issingeaux. -
Le procès-verbal des séances du directoire de Rhône-et-Loire atteste encore qu'au mois de novembre 1790, ses administrateurs ne croyaient pas avoir un droit certain sur cette paroisse ni sur celle de Riotord, puisqu'ils arrêtent qu'il sera fait des démarches pour les réunir à leur territoire.
Nous croyons donc qu'il y a lieu de déclarer que la paroisse de Saint-Ferreol et son territoire feront partie du département de la Haute-Loire. .
Sur Riotord.
1° Les inductions à tirer du décret du 26 janvier reçoivent leur application pour Riotord, comme pour Saint-Ferreol;
2° Les inductions que peuvent fournir les avis du comité de Constitution, relativement à cette commune, se balancent : un premier avis, motivé sur le vœu des habitants, l'adjuge à la Haute-Loire.
Un second, motivé sur la situation du clocher, d'après les dispositions générales du décret du 9 janvier 1791, fait dépendre la question du fait qui constatera dans laquelle des deux paroisses est situé le clocher. H paraît que les commissaires ne se sont pas réunis pour cette vérification, à laquelle ils étaient invités; mais, il a été remis sous les yeux du comité des certificats qui l'ont convaincu que la paroisse de Riotord, mi-partie en Velay et en Forez, a son église et son clocher dans cette dernière partie ;
3° Les inductions que l'on peut tirer des cartes, sont compensées encore :
Sur la carte de Rhône-et-Loire, Riotord est placé dans l'intérieur des limites ;
Sur celle de la Haute-Loire, il est aussi placé dans l'intérieur des limites de ce département;
4° Même opposition, même incertitude, si l'on veut consulter les procès-verbaux de division et de circonscription, déposés aux Archives nationales. Chacun des procès-verbaux, comme chacune des cartes, porte Riotord dans son département :
Rhône-et-Loire le classe dans le district de Saint-Etientte, au canton de Marlhes.
La Haute-Loire le classe dans le district de Monistrol, au canton de Montluçon.
Il faut donc en venir aux autres considérations ;
5° Celles prises de l'intérêt des administrés, de leurs convenances locales, de leurs rapports de commerce et d'industrie, sont également balancées et contredites par les motifs des différentes délibérations que l'intrigue a arrachées à telle ou telle autre section de cette paroisse.
Ceux des habitants qui ont des relations plus particulières avec Rhône-et-Loire, se sont formé un parti pour énoncer leur vœu en faveur de Saiot-Etienne; les autres, conduits par des motifs opposés, allèguent des raisons de convenance qui les attirent à Monistrol.
Sous le rapport des distances, Riotord est à 8 lieues du Puy, à 16 de Lyon, à 3 de Monistrol et à 5 de Saint-Etienne ;
6° Le vœu des habitants, comme nous l'avons observé, n'a pas été constant; l'intrigue de quelques habitants a fait varier le vœu de la commune au gré de leurs intérêts particuliers.
Mais nous nous sommes fixés sur le premier et le deuxième vœu, parce que ceux-là sont les seuls présumés libres, et les seuls qui n'aient peut-être pas été suggérés. L'un et l'autre de ces vœux est en faveur aie la Haute-Loire.
Dans l'intervalle de l'émission de l'un et l'autre vœu, plusieurs délibérations de cette commune ont été prises en faveur de Rhône-et-Loire ; mais le premier vœu des habitants de Riotord se manifesta lors de la convocation des assemblées primaires, il fut réitéré depuis au commissaire du roi, qui se rendit sur les lieux.
A l'une et à l'autre époque, ce vœu fut en faveur de la Haute-Loire.
Cette délibération servit de base à la décision du comité de Constitution du 4 décembre 1790; et ce premier vœu fut ratifié par une seconde délibération portant adhésion à la décision du comité/
Le dernier vœu de cette paroisse est consigné dans une délibération de 151 citoyens, sous la date du 5 du mois dernier; et ce vœu est bien formellement manifesté en faveur de la Haute-Loire ;
7° Reste enfin la dernière considération commune à Riotord comme à Saint-Ferreol, considération qui a principalement déterminé le comité, au milieu de l'incertitude et de la fluctuation d'opinion que l'examen des faits et la discussion des moyens auraient pu faire naître ; considération, enfin, qui avait également frappé le comité de Constitution et déterminé sa décision du 4 juin en faveur de la Haute-Loire, puisque dans l'une des trois bases sur lesquelles il puise les motifs de son avis, le second est pris de l'immense étendue du département de Rhône-et-Loire.
; Si la question qui tend à adjuger ces 2 communes à l'un des départements pour en dépouiller l'autre, était soumise à un tribunal judiciaire ou à un conseil d'administration ; s'il s'agissait de disposer d'une propriété, il faudrait sans doute peser sur toutes les pièces, sur tous les faits, sur tous les moyens qui pourraient tendre et servir à préparer et à motiver le jugement; mais votre comité a pensé que des considérations d'un ordre supérieur doivent déterminer l'Assemblée.
Le Corps législatif doit avoir d'autres vues, doit employer d'autres mesures que ceHes dont les tribunaux et les corps administratifs ne sauraient s'écarter sans une infraction dangereuse et punissable, à la loi déjà établie.
Nous ne devons pas nous dissimuler que, dans le sublime projet de la division du royaume,
l'égalité et l'égalité la plus parfaite ent»e les départements et les divisions secondaires, a dû être la première base adoptée ; que le choc des intérêts particuliers, et peut-être encore la crainte et le danger de les heurter trop rapidement et de trop près, avaient amené plus d'une capitulation, et forcé l'Assemblée constituante, commandée par l'empire des circonstances à s'en éloigner d'une manière sensible.
Frappée de ces obstacles et de l'imperfection de son ouvrage dans l'exécution de plusieurs parties de détail, mais convaincue de la nécessité de les corriger, elle a formellement déclaré qu'elle en laissait le soin à la magistrature suivante.
Les nombreuses réclamations qui ont été faites à l'Assemblée de la part des communes ou des corps administratifs de presque tous les départements, sur la rectification des limites, offrent au comité de division un travail dont il prépare les bases pour les soumettre à l'Assemblée dans un temps plus opportun.
Mais il a pensé que si les circonstances et l'importance des matières soumises à ses délibérations ne permettent pas au Corps législatif de s'occuper encore d'un objet aussi intéressant, il n'en est pas moins vrai qu'il doit saisir toutes les occasions qui s'offriront à lui pour réparer l'inégalité frappante de la première division.
L'esprit de l'ordre, la simple raison nous font sentir qu'il doit y avoir le plus d'égalité possible entre les départements et les districts sous le triple rapport du territoire de l'impôt et de la population. Sans cette mesure dans la distribution, sans cette égalité dans les parties, la nouvelle division du royaume, destinée à rendre l'administration plus simple, plus uniforme, aurait visiblement manqué d'atteindre son but, qui a dû être celui d'offrir à tous les Français l'idée d'un partage égal, fraternel, utile sous tous les rapports.
C'est là le seul moyen d'empêcher que le sentiment de leur supériorité ne fasse exagérer à quelques administrateurs la conscience de leurs forces et ne leur inspire des prétentions et des idées de domination et de préférence que la Constitution réprouve.
Ce sont ces dernières considérations qui, en prescindant de tous les autres moyens, ont principalement déterminé les bases que votre comité a adoptées, pour le projet de décret qu'il vous propose et qu'il vous présente avec d'autant plus de confiance qu'il s'est convaincu, par l'avis du comité de. constitution sur Saint-Ferreol que ses membres les avaient aussi adoptées.
L'application qu'il en a faite à la situation respective des deux départements par le tableau comparatif de l'un avec l'autre, lui a fait connaître que, du côté de la surface, il y a une différence ae 145 lieues au désavantage de la Haute-Loire, puisque la surface n'est que de 244 lieues, lorsque celle du département de Rhône-et-Loire est de 389.
Il est sensible que cette étendue excède de beaucoup la mesure adoptée dans le rapport sur l'organisation et la division du royaume, d'après laquelle chaque département devait avoir une étendue de 320 lieues carrées ; d'où il résulte qu'alors même que Rhône-et-Loiré serait réduit à cette quantité, la Haute-Loire n'aurait encore qu'environ un tiers de l'étendue qu'elle doit avoir.
La population de Rhône-et-Loire est de près de
600,000 âmes. Celle de la Haute-Loire n'est que d'environ 200,000.
La disproportion, sous ce second rapport, est encore immense.
Le département de Rhône-et-Loire réunit encore tous les avantages que lui donnent un sol fertile et un commerce immense à Lyon, Saint-Etienne, Saint-Chamond, etc..., soutenu par l'industrie des habitants, encouragé par les plus nombreux établissements et alimenté par la navigation de deux grandes rivières la Loire et le Rhône.
Celui de la Haute-Loire ne présente, au contraire, qu'un sol ingrat et sans culture, hérissé de montagnes nues et arides, dont les malheureux habitants sont forcés à des émigrations périodiques pour aller chercher, dans une terre étrangère, les premiers besoins de la vie.
Le comité a donc pensé que toutes ces considérations devaient amener l'Assemblée à améliorer la condition du département de la Haute-Loire, en lui adjugeant 2 communes que toutes leurs habitudes et leurs relations y appellent et à considérer qu'il serait souverainement injuste, impolitique et contraire aux principes d'égalité décrétée par la Constitution, d'augmenter un département déjà beaucoup trop étendu, pour en retrancher un déjà beaucoup trop petit et presque sans consistance.
Il vous propose le décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que les différents arrêtés des corps administratifs de Rhône-et-Loire et de la Haute-Loire annoncent que l'assiette, le recouvrement des impositions et le versement du produit de la vente des biens nationaux dans les paroisses de Riotord et de Saint-Ferreol ne sont retardés et empêchés que par les prétentions opposées des deux départements sur les paroisses contentieuses, et que pour asseoir et répartir l'impôt, et qu'il importe ae fixer dans cette partie les limites des deux départements, décrète l'urgence. »
Décret définitif.
Art. 1er. L'Assemblée nationale, après avoir
entendu le rapport de son comité de division, et décrété l'urgence,
décrète que les paroisses de Riotord, Saint-Ferreol et leur territoire
demeureront définitivement unis au département de la Haute-Loire, dans
le district de Monistrol.
« Art. 2. L'Assemblée nationale renvoie au pouvoir exécutif la connaissance de tout ce qui est relatif à l'arrêt et à la détention du sieur Ploton, élu maire de Riotord, ainsi qu'à l'assiette et au recouvrement des impositions dans les deux paroisses, et au versement des fonds provenant de la vente des biens nationaux, et le charge de lui en rendre compte dans un mois. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, au nom du comité central, fait un rapport et présente un projet de décret sur le mode a accélérer les travaux de V Assemblée; il s'exprime ainsi :
Messieurs,
Régler l'ordre de vos travaux pour leur donner plus d'ensemble et de rapidité, tel fut le but que vous vous proposâtes en créant une
commission centrale. C'est en vain qu'elle veut l'atteindre ; ses efforts sont impuissants : une foule d'obstacles l'arrêtent. Presque effrayée à leur aspect, elle se croit obligée de les offrir à vos regards. Leur tableau sera son ouvrage; leur destruction sera le vôtre.
Le premier comme le plus grand de tous, est le nombre prodigieux d objets qui exigent de votre part ae promptes délibérations. L Assemblée constituante, après avoir renversé un colosse énorme, n'éleva qu'un édifice très simple, et vous laissa entourés de décombres dont on ne peut calculer la masse ni concevoir la confusion. Il ne s'agit pas de tout emporter, l'ouvrage serait facile ; mais il faut fouiller patiemment dans cet entassement monstrueux de débris confondus pêle-mêle; il faut chercher, il faut découvrir, il faut ouvrir pièce par pièce tout ce qui est nécessaire pour exécuter les divisions intérieures, les distributions symétriques dont vos prédécesseurs ne firent que tracer le plan, pour meubler, pour rendre habitable et commode l'édifice dont ils ne firent que les murs. Cette effroyable masse de ruines est le premier obstacle que rencontre votre commission centrale, et la première réponse à ceux qui s'étonnent de voir dans vos opérations tant ae lenteur et de détails.
Quand à travers les difficultés, votre commission centrale est parvenue à faire un choix de matières, et qu'elle vous en offre la série selon l'ordre dans lequel vos comités consultés, lui ont présenté la note de leurs rapports, des circonstances imprévues forgent de nouvelles entraves, et font de vos tableaux hebdomadaires autant de promesses trompeuses. Après vous avoir fait remarquer que les nominations des membres, soit du bureau, soit des comités prennent un temps considérable, nous observe rons d'abord que la plupart d'entre nous, trop com-plaisamment livrés à des correspondances importunes et funestes à l'intérêt public, ne se rendent qu'avec lenteur dans la salle de nos séances ; et de trois heures consacrées aux objets qui sont portés dans le petit ordre du jour, a peine en reste-t-il une. De là résulte un engorgement que chaque séance rejette sur celle qui suit, et que chaque jour accumule.
Pendant la seule heure qui reste pour le petit ordre du jour, il faut faire de longues lectures de lettres officielles et particulières qui la prennent presque tout entière ; viennent ensuite des motions d ordre qui démentent très souvent le mot par lequel on les désigne. Les discussions suivent, le temps fuit, l'ordre du jour est la seule chose qui reste. Nouvelle cause journalière de la stagnation de vos travaux.
Les reproches de despotisme qu'on a faits aux comités de l'Assemblée constituante, ont armé contre les vôtres un esprit de vigilance inquiète qui dégénère en défiance, et qui, par là même, est poussé trop loin, surtout lorsqu'il est question d'objets individuels un peu importants. Dans de pareilles circonstances, dont les séances du soir vous offrent des exemples continuels, ne vous semble-t-il pas qu'en général les décrets pourraient, sans danger, suivre de près les rapports? On éviterait, par là, les dispendieuses longueurs de beaucoup de discussions oiseuses et d'ajournements inutiles. Il serait absurde, il est impossible de consacrer ce principe par un décret; mais votre commission vous observe qu'il importe infiniment de lui donner les plus fréquentes applications, et que l'Assemblée natio-
nale, soit pour la dignité de ses délibérations, soit pour l'accélération de sa marche, doit se faire un devoir de passer sur les petits objets de détail, sans s'y traîner lentement.
Lorsqu'il s'agit de grands objets, il est un ordre de parole. Quelquefois les discours qu'on prononce ne sont pas parfaitement adaptés à la discussion, ni bien strictement renfermés dans les bornes de la question dont il s'agit : de là du temps perdu sans lumières acquises.
S'agit-il d'objets sur lesquels il n'est point de liste ae parole, les membres que cette liste avait privés momentanément du droit d'énoncer leur opinion, se dédommagent peut-être un peu trop du silence qu'ils avaient gardé dans les discussions importantes et quelquefois un tumulte affligeant produit une funeste lenteur. Les petits objets se terminent enfin, mais les grands restent en arrière.
Le tableau hebdomadaire ne satisfait pas les désirs de tous les membres de l'Assemblée. L'un se plaint de ne pas voir tel objet dont il avait sollicité avec instance le placement dans le tableau. L'autre trouve que tel rapport qu'il voit à l'ordre du jour, n'est pas à beaucoup près aussi important, aussi pressé que tel autre qu'on a laissé dans l'oubli. Des réclamations s'élèvent, des motions sont faites. L'Assemblée, justement avare de ses moments, veut arrêter les discus-tions, et décrète que tel jour tel objet sera rapporté. Votre commission centrale doit obéir à vos décrets, mais elle trahirait à la fois son devoir et votre confiance, si elle ne vous observait que les ajournements à jour fixe dérangent le tableau de plusieurs semaines, et ramènent pendant longtemps le désordre dans le cours de vos opérations.
Tous les membres de l'Assemblée ont la plus vive impatience d'accélérer les travaux, parce qu'ils en aperçoivent la masse. Votre commission centrale partage l'une et voit bien l'autre. Mais elle est très éloignée dé croire que vous deviez vous prêter aux demandes qui tendent à faire mettre sans cesse de nouveaux rapports à l'ordre du jour.
Autant peuvent être louables les motifs de ceux qui les forment, autant deviendrait funeste votre facilité à les accueillir.
Dans ce momentrci vous avez à l'ordre du jour des rapports et des discussions infiniment importants, qui doivent vous prendre un grand npmbre de séances. Si vous y en mettez davantage, vous les suivrez avec moins d'ordre, et vous rendrez moins de décrets. Embrasser beaucoup, c'est saisir peu. Tout commencera la fois, c'est ne finir jamais rien : or, ce serait vous exposer infailliblement à ce danger, que de rien intercaler dans la série extrêmement chargée de vos travaux actuels.
Plusieurs membres se sont plaints des fréquentes séances du soir, parce qu'ils y ont vu un obstacle; aux travaux particuliers de vos comités. Ces travaux ne sont pas, à beaucoup près, aussi pressants qu'on le pense ; les accumuler dans ce moment, ce serait se hâter de faire une provision inutile. Ceux qui sont prêts à vous être offerts, seront peut-être suffisants pour occuper la plus grande partie du temps de fa législature. Votre commission centrale attendait d'en connaître l'ensemble, pour en offrir une partie dans le tableau de trimestre que vous l'avez chargée de vous présenter ;
Aujourd'hui un nouvel obstacle l'arrête : c'est l'impossibilité de présenter un ordre fixe de tra-
vail pour trois mois, tandis que cet ordre n'a pu jusqu'ici être suivi une semaine, à cause des transpositions, des additions qu'on a obtenues de l'Assemblée par des décrets d'ajournement fixe.
Au tableau succinct des causes qui entraînent la confusion et la lenteur de vos travaux, votre commission centrale joint l'indication des remèdes qui lui paraissent adaptés au mal; elle croit que vous devez réformer le mode de vos élections : il en est un très simple, qui ne dérobera pas un seul instant à vos travaux. A chaque entrée de la salle, peut être placée une boîte ou, les membres, avertis la veille, déposeront leurs billets en entrant, sous l'inspection de deux commissaires, qui écriront les noms des votants à mesure qu'ils donneront leur suffrage. Votre commission centrale vous propose encore de déterminer invariablement la durée de vos séances, en sorte quelles soient plus ou moins tard prolongées, selon qu'elles auront été ^ouvertes plus ou moins de bonne heure. Chaque jour, votre président annoncerait, en l'ouvrant, l'heure où elle serait levée.
Quant aux motions d'ordre, il est impossible d'adopter une disposition précise pendant tout le cours des séances. Mais votre commission pense que ces espèces de motions, dont on abuse si fréquemment, ne doivent sous aucun prétexte, être permises à aucun membre après l'heure du grand ordre du jour, à moins qu'elles ne portent très directement sur les objets soumis à la discussion.
Un article de votre règlement porte, que si un opinant s'écarte de la question, le Président l'y rappellera. Cet article, indispensable dans toute assemblée délibérante, reste néanmoins sans exécution. Votre commission estime que le Président doit l'exécuter avec la plus grande sévérité.
Il a paru à votre commission centrale que l'Assemblée devait, d'un côté, s'abstenir soigneusement des ajournements à jour fixe, et de l'autre, se faire une loi sacrée d'épuiser tous les objets renfermés dans le tableau hebdomadaire, avant de mettre aucun nouveau rapport à l'ordre du jour.
Enfin, quels que puissent être les inconvénients qu'on a cru trouver dans les séances du soir, dont on se plaint sans cesse, elles ont paru à votre commission d'une indispensable nécessité. Elles sont sollicitées par une multitude incalculable d'affaires particulières qui ne peuvent souffrir de retard sans la plus criante injustice. Sans elles, il est impossible que vous parveniez de très longtemps à désobstruer votre marche. Si on pouvait parvenir à vous les faire supprimer, vous seriez inévitablement réduits à laisser des milliers de malheureux dàns les positions les plus déchirantes, à perpétuer en mille et mille endroits des désordes locaux, ou à sacrifier sans cesse à ces objets partiels ceux qui sont d'un intérêt majeur et d'une utilité générale.
Hâtez donc, Messieurs, la pressante expédition de tous ces détails, avec la célérité convenable à une grande Assemblée qui fixe de petits objets. A mesure qu'ils disparaîtront de vos tableaux hebdomadaires, vos travaux s'agrandiront : vos ennemis qui s'applaudissent de vous y voir arrêter, perdront de leurs forces à mesure que vous acquerrez de la dignité; ils défendront à la bassesse de leurs destinées à mesure que vous monterez à la hauteur des vôtres ; ils
rétrograderont à grands pas vers le néant qui lés attend, à mesure que vous avancerez vers le but où vous devez tendre.
Il viendra le temps où il vous sera permis de consacrer presque tous vos moments à des objets dignes de vous. Et quand vous pourrez offrir dans la série de vos seances, la discussion majestueuse de grands plans d'organisation des finances, de législation civile et criminelle, et d'institution nationale, alors vous ferez prendre à toute la France l'attitude de ses représentants ; vous élèverez l'opinion publique à votre niveau ; vous en formerez autour de vous un rempart où viendront expirer les trames infructueuses de la trahison déjouée, et les efforts; impuissants de la rage vaincue; vous rendrez la liberté des Français aussi impérissable que les droits qu'ils ont d'en jouir.
Voici le projet de décret :
« Article premier. Les séances du matin dureront toujours cinq heures. A l'instant où le Président ouvrira la séance, il annoncera l'heure avant laquelle elle ne pourra être levée.
« Art. 2. Dès que le grand ordre du jour sera passé, nul membre ne pourra faire de motion d'ordre à moins qu'elle ne porte très directement sur les objets soumis à la discussion.
« Art. 3. Les comités de l'Assemblée feront passer, tous les huit jours, à la commission centrale, la note de leurs rapports, dans un ordre d'inscription relatif à leur plus ou moins grande urgence, et la commission centrale sera tenue de suivre cet ordre, à mesure qu'elle mettra les rapports à l'ordre du jour.
« Art. 4. Rien ne pourra jamais changer l'ordre de midi, et lorsque l'Assemblée nationale aura décrété quelque ajournement fixe, la discussion des objets ainsi ajournés, ne pourra, dans aucun cas, être ouverte avant 2 heures.
« Art. 5. Jusqu'à l'épuisement des objets de détails arriérés, il y aura trois séances au soir par semaine, le mardi, le ieudi et le samedi. >»
Messieurs, il me reste à vous proposer un autre article, sur le mode des élections, que je vais lire, mais dont vous renverrez la discussion à un autre jour. Le voici :
« Art. 6. Les élections se feront, à l'avenir, de la manière suivante :
« 1° Le Président de l'Assemblée annoncera la veille les nominations à faire le lendemain ;
2° A chaque entrée dans la salle, il y aura une boîte, ou chaque membre, en entrant, déposera son billet en présence de deux commissaires, qui inscriront les noms des votants à mesure qu'ils donneront leur suffrage ;
« 3° Le scrutin sera fermé à l'instant -où l'Assemblée passera au grand ordre du jour, et le recensement sera fait d'après le mode prescrit par le règlement ;
4° Il ne pourra jamais être fait deux scrutins en même temps, ni passé au deuxième avant que le résultat du premier n'ait été proclamé. »
Plusieurs membres : Aux voix I aux voix !
En applaudissant aux vues excellentes présentées par le comité central, frappé, comme tous mes collègues, de l'importance de la régularité de nos travaux, de la-perfection dont ils sont susceptibles, j'ai fait un travail qui, en beaucoup de points, paraît se rapporter à célui qui vient d'être soumis à l'Assemblée ; je vous prie, Monsieur le Président, de consulter l'Assemblée pour savoir si je serai entendu sur cet objet. (Oui ! oui ! Non ! non.')
Comme il faut économiser le temps de l'Assemblée, ie demande que l'on mette aux voix le projet de la commission centrale ; et que M. Dumas fasse ses observations sur chaque article.
(Après deux épreuves, l'Assemblée décide que M. Dumas sera entendu.)
Si je n'étais certain que le remède sûr à tous les maux dont nous nous plaignons est dans l'ordre des travaux du Corps législatif et dans celui de ses délibérations, je n'aurais pas demandé quelques-uns de ces moments précieux.
Vous avez voulu établir dans vos travaux un ordre capable de prévenir l'incohérence et l'immaturité auxquelles nous expose l'importance des objets soumis à nos délibérations, et la chaleur qu'un zèle encore effervescent apporte dans nos débats. Vous avez voulu garantir à la nation l'emploi d'un temps précieux, dont vous êtes comptables ; frappé, comme vous, de la grande idée de la responsabilité du Corps législatif, j'ai médité sur cette matière ; j'ai cru reconnaître de grandes imperfections dans l'ordre de nos travaux, dans la tenue de nos séances, et j'ai espéré que l'Assemblée écouterait avec quelque indulgence le tribut de mon zèle, les observations et le résultat où elles m'ont conduit.
Le règlement que l'Assemblée nationale constituante se donna dès les premiers temps de la Révolution, et que nous avons adopté avec quelques légers changements, est la meilleure forme de délibération à laquelle ont ait pu atteindre jusqu'à cette époque. Il faut même convenir qu'il est supérieur à tous les modèles qui existaient alors en ce genre. Il est d'autant plus nécessaire de le conserver, que le principe démocratique du gouvernement representatif, y est préservé de toute atteinte, par l'élection fréquente des officiers de la Chambre, la liberté illimitée de la discussion et la manière de voter; mais il faut assurer la stabilité de ce principe, par des formes qui préservent enfin l'Assemblée de tout désordre et de cette tendance naturelle à l'anarchie, naturelle à toute institution absolument populaire.
Ceux qui apprécient l'esprit régénérateur, le ressort toujours actif que l'unité de chambre maintient dans le Corps législatif; ceux qui redoutent l'esprit de corporation, le plus dangereux ennemi de la liberté, doivent sentir tous les inconvénients, j'oserai même le dire, le danger de la tenue actuelle de nos séances; et je ne doute pas qu'il n'aient cherché comme moi à résoudre ce problème, et qu'ils n'aient cherché à porter de la perfection dans l'organe où réside la vie du corps politique ; je leur demande de l'indulgence en faveur de ce puissant motif.
Le Corps législatif est sans doute, dans le gouvernement français, la partie purement démocratique ; mais c'est une erreur de croire que, pour le tenir toujours en balance, il faut se tenir sans cesse en opposition avec le pouvoir exécutif, que notre zèle inexpérimenté nous fait confondre avec la prérogative royale.
Certes, les orages qui s'élèvent au milieu de nous; les malheureux dissentiments qui existent parmi nous, sur l'état actuel de notre gouvernement, proviennent dè cette erreur, et il ne faut pas perdre une seule occasion de la dissiper. C'est ainsi que des vérités sages, mais avec lesquelles on n'est pas familier, ont percé lentement les nuages des temps et des préjugés.
Mirabeau, impatienté de l'astucieuse injustice
des reproches des ennemis de la Révolution, qui demandaient à grands cris, le miracle de la résurrection du pouvoir exécutif, définit ainsi ce qu'ils affectaient de ne pas entendre : « Le pouvoir exécutif est fait, leur dit-il ; il résulte de chaque loi : il aura sa complétion avec la com-plétion des lois nouvelles, comme il a fini avec les anciens abus. » La fausse analogie que les perfides modérateurs de notre Révolution s'ef-iorçaient d'établir entre notre gouvernement et le gouvernement anglais doit enfin être ici détruite.
Les fondateurs de la liberté française ont souvent répété à cette tribune, qu'en Angleterre le roi est à lui seul le pouvoir exécutif; parce que les lois, une fois faites par le Parlement, il les fait seul exécuter; tandis qu'en.....
Passez au règlement ; tout cela est étranger à un règlement.
Je me renferme dans la question, et si j'ai paru en sortir, c'est seulement aux yeux de ceux qui ne savent pas les traiter dans leurs racines. (Murmures.)
Je continue : Les fondateurs de la liberté française ont souvent répété à cette tribune qu'en Angleterre le roi est à lui seul le pouvoir exécutif ; parce que les lois, une fois faites par le Parlement, il les fait seul exécuter ; tandis qu'en France, le roi n'est que le chef suprême u pouvoir exécutif; il ne nomme pas les agents de l'exécution, il s'en sert réellement.
Nous aurons fait un grand pas vers le meilleur ordre de nos travaux, vers le seul succès des travaux du Corps législatif, quand cette confusion d'idées sur le pouvoir exécutif sera enfin dissipée.
Mais, Messieurs, ce n'est pas la seule cause des désordres dont nous nous plaignons; tout réside dans la tenue de nos séances. Le Corps législatif n'a en lui-même aucun moyen d'action , aucun moyen de répression. Vainement réformerait-on les abus les plus marqués, si l'on n'attaquait pas le mal dans sa source, si le principe de l'action du Corps législatif n'était ni connu hi développé. Cette action est la formation régulière, l'expression précise et vraie de la majorité des volontés, et c'est précisément dans l'expression de cette majorité, dans la discussion contradictoire qui la prépare, que nous manquent les régulateurs.
Il faut le dire, la liberté des opinions est illUr spirement établie, puisqu'elle est vainement réclamée. Le Président ae l'Assemblée nationale est un pivot central sur lequel tournent 750 volontés circonférentes ; il n'a et ne peut avoir aucune force réelle, pour arrêter le mouvement une fois donné; les règlements sont les seuls points sur lesquels il puisse s'appuyer ; mais au milieu de tant de résistances inégales, l'état stationnaire ne peut être produit que par le résultat qu'amène l'Unanimité, o\i au moins la majorité spontanée, sans que votre Président ait aucun moyen de prévenir des débats souvent trop tumultueux.
If est temps, Messieurs, de le reconnaître ; votre Président remplit à la fois deux fonctions incompatibles : celle de régulateur des délibérations, et celle d'organe de la yolonté générale, il résulte de ce mélange, ou, si l'on veut, de cette succession de fonctions,' l'impossibilité de les remplir exactement, l'une ou l'autre, ou toutes les deux à la fois ; et il n'y aura, pour le Corps législatif, aucune expression suffisante de l'ex-
pression impartiale de la volonté, tant que les deux parties de son action demeureront ainsi confondues.
Cet inconvénient paraîtra plus sensible, si l'on fait attention que cette dictature du Président, déjà si difficile à exercer, et qui devrait être fortifiée par les moyens de police, est, au contraire, affaiblie par l'insuffisance de ces moyens et leur mauvaise direction. Je le répète, c'est parce que les moyens de réprimer les volontés particulières sont anéantis, qu'ils ne sont point appliqués à propos, que les moyens d'ordre manquent. Rien ne prévient, rien ne prépare la répression; elle est immédiate, elle est nécessairement fautive. Il suffit qu'un moyen moral manque une fois, pour qu'il perde son ressort : c'est ainsi que le rappel à 1 ordre, qui devrait être un trident dans la maih du Président, n'est qu'un faible roseau, avec lequel il lutte péniblement contre les flots de la parole, incertain s'il n'en sera pas submergé. (Rires et applaudissements.)
Les conséquences de cette mauvaise organisation de l'Assemblée ne sauraient vous être échappées. C'est-là la cause de ces mouvemeùts tumultueux qui s'accroissent par degrés, qui sont même involontairement partagés par les spectateurs. De là le respect à la majesté nationale est violée, la majesté du peuple est violée. Si vos délibérations sont influencées, législateurs, vos qualités morales sont dissemblables, bonnes ou vicieuses, comme votre existence physique, comme tous les ouvrages de la nature. Qui (rentre vous ose répondre à la nation que chacun de nos collègues revêtus d'un courage stoïque, toujours indépendants des événements, reste impassible comme la vérité au milieu des plus violents orages que paraissent exciter les passions humaines ? Ce serait une grande injustice, Messieurs, que de chercher la cause du désordre dans lés effets les plus apparents.
Non, dans l'état actuel, l'ordre général ne pourrait être produit que par l'harmonie presque impossible, de toutes les passions mises en jeu. Je suis sûr qu'à peine l'ordre est troublé, que la majorité des votants et que tous les spectateurs voudraient qu'il fût rétabli; mais il ne faut pas moins que l'unanimité instantanée des volontés pour le reproduire, tandis que la plus faible minorité peut prolonger le désordre.
Il faut remarquer qu'on a fait à une assemblée nombreuse une fausse application des règles qui suffisent à un petit nombre, à de petits espaces, où les rapports se simplifient, où les difficultés s'isolent, tandis qu'au contraire dans une grande assemblée les rapports se compliquent, les difficultés se généralisent, les moyens de combattre demeurent particuliers, des hommes agités par un esprit antisocial, des hommes chez lesquels la raison politique est réellement dépravée et au point que 1 organisation publique leur paraît toujours un principe d'oppression, cherchent une force, un principe qui n'existent plus pour eux, ainsi que des aveugles voudraient tâter la lumière. Ils ne connaissent pas, ils ne veulent pas la sainteté de la loi, l'expression légale de la volonté du peuple ; mais partout ils veulent produire cette expression, ils veulent la voix du peuple, la force au peuple où le peuple n'est pas. Ils établiraient un gouvernement populaire sur les mêmes bases que le despotisme. La définition qu'en a donnée l'illustre auteur des lois conviendrait à leur fantastique ouvrage. « Nouveaux sauvages, ils couperaient au pied
l'arbre de la liberté pour en cueillir les fruits. (Applaudissements à gauche. — Murmures à droite.)
Je demande la parole pour un fait.
Veuillez écouter la vérité. (Murmures.) Ces Messieurs trouveront la réponse à tout ce qu'ils veulent relever dans la suite du travail.
Qu'ils se transportent donc aussi sur les places de Rome et d'Athènes ; qu'ils voient et qu'ils disent si toute la force du peuple n'était pas dans les représentants, dans les chefs qu'il s'était choisis, et toute sa majesté dans la vénération pour les organes de la loi. Conçoit-on, en effet, que cette immense collection ae suffrages, qui jamais ne fut troublée par aucune sédition dans les circonstances les.plus orageuses, eût pu exister sans un ordre et des moyens de police extrêmement forts?
En développant, Messieurs, les causes du désordre de nos séances, je crois avoir fait pressentir les moyens que j'ai à vous proposer. (Bruit.)
, rapporteur. Je demande la parole pour un fait; le voici :
Lorsque la commission vous a présenté des mesures, elle vous a annoncé que ce n'était que des mesures d'un moment, qu'elle attendait qu'elle eût fait l'essai de ces mesures préliminaires pour Vous présenter un plan général. Or, M. Dumas, dont d'ailleurs les vues sont très bonnes, vous présente un plan général, mais l'Assemblée n'a pas décrété d'ouvrir la discussion sur des mesures générales; je demande donc que la discussion ne s'ouvre que sur des mesures particulières.
Je continue à traiter la question générale, et je dis que jamais il n'a été plus important de la faire que quand l'impression du Corps législatif peut se propager jusqu'aux extrémités de l'Empire. Je demande que nous traitions la question en grand dès à présent. (Oui! oui!)
Je divise les moyens que j'ai à vous proposer en deux parties ; 1 ordre des travaux et l'ordre dans les délibération ou la tenue des séances.
Ordre des travaux.
Vos discussions sur l'utile établissement d'un bureau central, et le décret qui en est résulté sont un premier pas vers la solution d'un meilleur ordre de vos travaux ; le dernier travail qui vient de vous être présenté est un pas de plus. Mais, d'une part, l'organisation de ce bureau est imparfaite, et, de l'autre, sés décisions ne sont pas assez précises ni assez fortement maintenues. Je vais m'expliquer davantage, mais j'indiquerai ce qu'il est plus expédient de faire actuellement : 1° pour que le comité central puisse remplir vos vues, et fixer absolument votre Confiance, pour que la priorité des objets à mettre à l'ordre du jour, y soit mûrement délibérée ét arrêtée, il faudrait, ce me semble, que ce bureau fixement composé, comme il l'est, de 12 membres pris sur toute l'Assemblée, fût présidé par le ice-Président de l'Assemblée nationale, lorsqu'il pourrait s'y rendre, et què deux de Messieurs les secrétaires de l'Assemblée, par tour de semaine, fus-senttenus d'assister auxseances du bureau central (Murmures.) ; il serait aussi nécessaire que chaque comité envoyât régulièrement à la commission centrale ou son président ou un secrétaire, pour discuter l'urgence des rapports qu'il pro-
posera, pour être mis à l'ordre du jour en présence de tous les autres commissaires ; les motifs de ces propositions n'ont sans doute pas besoin d'être développés.
Vous sentez, Messieurs, l'utilité de cette discussion ; vous reconnaissez l'avantage que deux des secrétaires de l'Assemblée soient parfaitement au courant du travail de la commission centrale ; et lorsque je traiterai des fonctions du Vice-Pré-sident dans la forme des délibérations, je démontrerai l'utilité de sa présence au bureau central.
Le bureau central est sans doute occupé à établir une division générale des travaux et je désirerais que celle-ci fût adoptée.
Travaux de légistation.
Travaux, politiques,
Travaux de finance,
Décisions, renvois, affaires particulières et pétitions.
Il faut trouver un moyen pour que la Multiplicité des objets qui restent arriérés et se cumulent, ne porte pas l'Assemblée à sortir elle-même, par des ajournements à jour fixe, de la route qu'elle s'est tracée.
L'Assemblée pourrait consacrer tels jours de la semaine exclusivement à tels objets, et cependant, ne pas rejeter trop loin, par ces interruptions, des discussions sur des objets importants d'une autre classe de travaux. Pour remplir les deux conditions de ce problème, il faut d'abord destiner aux finances deux séances du matin; deux séances du matin et une du soir aux objets politiques, soit intérieurs, soit extérieurs; une aux travaux de législation ; une du matin et une du soir aux objets relatifs à la guerre et à la marine ; toutes les décisions, renvois et affaires particulières seraient annoncés ou lus suivant leur importance, après le procès-verbal : j'ai remarqué que c'était une méthode très vicieuse que d'intercaler les séances destinées à certains objets de travail et de couper, ainsi, le fil des idées en prolongeant les discussions.
D'ailleurs, nous avancerions bien plus rapidement en consacrant plusieurs séances de suite au même objet. Je voudrais donc que les séances des lundi et mardi fussent uniquement consacrées aux finances jusqu'à ce que nous soyons sortis du labyrinthe, et que les bases principales aient été discutées et arrêtées ; mais je désirerais que ces séances commençassent dès 9 heures du matin, et que l'on passât à l'ordre du jour, dans les séances consacrées aux finances immédiatement après la lecture du procès-verbal. Croyez, Messieurs, que cette volonté ferme et cette constance à vous occuper principalement des finances, ne servira pas peu à relever le crédit national et à confondre les espérances de nos plus cauteleux ennemis. Il n'y a aucun de nous qui ne désire s'exercer sur ces matières, et répondre à l'invitation civique d'un de nos collègues qui nous en a si bien montré la nécessité.
La séance du mardi soir serait destinée aux rapports des comités militaire et de marine, ainsi que celle du mercredi matin. Les séances du jeudi matin et soir, et celle du vendredi matin, seraient destinées aux objets de politique extérieure, d'administration, et d'économie intérieures; la séance du samedi matin, aux travaux de législation ; celle du samedi soir, à des rapports sur des objets particuliers, en solution des pétitions individuelles ; et enfin, le dimanche, aux pétitions.
Ce n'est pas assez d'avoir destiné les heures,
il faut les remplir avec justice et prévenir les réclamations sur les objets forcément arriérés qui consument les heures sans profit pour personne. Pour atteindre ce but, il suffit ae changer la manière d'établir le tableau hebdomadaire ; il est inutile, il est illusoire de destiner d'avance tel nombre d'objets à telle séance, comme si on pouvait prévoir, avec quelque certitude, le cours et la durée des discussions ; ce n'est pas un tableau par jour qu'il faut faire, c'est un tableau des matières, une notice des rapports sur chacune des divisions de travail qui présente dans l'ordre d'urgence irrévocablement établi, tout ce qui, sur chaque matière, est réellement prêt et mûr pour la discussion : comme on pourra rappeler à côté de chaque partie ou division de travail, les séances qui y sont consacrées, il ne restera rien à prévoir, chacun sera satisfait, et saura que la discussion sur tel objet ne peut être reprise que dans la séance la plus prochaine de celles destinées à cette division de travail, comme aussi que les objets les premiers sur la notice, jugés les plus urgents, doivent être épuisés avant de passer à d'autres.
Le rapporteur du comité central se présenterait à la tribune tous les dimanches après la lecture du procès-verbal, et motiverait, au nom du comité, l'urgence des rapports sur chaque division de travail. Cet ordre d'urgence, soumis à l'Assemblée, serait discuté et décrété pour être exécuté irrévocablement. Ce n'est que par des formes également sages et rigoureuses, que nous parviendrons à maintenir Fordre des délibérations et à prévenir ces réclamations indécentes contre l'ordre du jour ; chacune de ces réclamations aura dû être produite dans les différents comités par lés membres, et au comité central par les présidents ou les commissaires des divers comités; il n'y aura donc pas lieu à les renouveler dans l'Assemblée. Dans le cas où une observation d'un comité aurait été repoussée par le comité central, elle pourra être reproduite par ce même comité et définitivement jugée par l'Assemblée. Ainsi les motifs des décisions du comité central seront parfaitement connus, la liberté d'opinion religieusement conservée, et l'ordre des travaux de l'Assemblée solidement établi.
Ordre dans les délibérations ou tenue des séances.
L'exactitude des ordres de parole, les fonctions des officiers de l'Assemblée, les moyens de police intérieure et extérieure, concourent à produire le meilleur ordre possible dans les délibérations. Je vais traiter séparément chacun de ces objets.
Les huit premiers articles du chapitre 3 de votre règlement ne laissent rien à désirer, ou du moins rien de plus sévère et de plus sage à prescrire sur l'ordre de parole; mais, Messieurs, c'est ici surtout que nous manquons de moyens d'exécution.
L'article 4 est conçu en ces termes : Le président est expressément chargé de veiller à ce que personne ne parle sans avoir obtenu de lui la parole, et à ce que jamais plusieurs membres ne la prennent à la fois. Cet article est sans cesse oublié, et son exécution ne peut être garantie que par cette générosité mutuelle, dont les membres au Corps législatif ne peuvent s'écarter sans trahir leurs devoirs et leurs obligations envers leurs commettants; le plus souvent on ne demande pas la parole, on lutte avec fureur à qui l'arrachera, sans songer que par ce genre de
procédé on enfreint, dans le sanctuaire des lois, la loi conservatrice de toutes les lois, et qu'en exposant le président de l'Assemblée nationale à faire des efforts physiques pour se faire obéir, on nuit à la dignité du Corps législatif : écoutons-nous, respectons-nous, si nous voulons être écoutés et respectés. (.Applaudissements.)
Mais si l'on ne peut que faire des vœux pour l'exécution d'une loi qui dépend de la disposition des esprits, au moins peut-on corriger les formes qui multiplient et facilitent ces violations.
Le règlement porte que la liste de parole n'aura d'effet que pour une seule séance ; mais il faut convenir qu'outre la difficulté de maintenir cette règle, les ajournements prescrits par la Constitution obligent à ouvrir des listes, et que si l'on en usait autrement l'Assemblée serait privée de travaux très utiles que ses membres n'entreprendraient pas, dans l'incertitude d'obtenir la parole assez tôt, pour être entendus avant que la discussion soit fermée. Pour tenir ces listes d'une manière régulière et qui ne donne lieu à aucune plainte, ]e pense qu'il faudrait les établir sur un ordre parfaitement semblable et parallèle à celui de nos travaux; il faudrait pour cela qu'il y eût autant de registres d'ordre ae parole qu'il y a de comités ; les registres seraient placés sur le bureau d'un greffier, en face du Président; et dès que l'Assemblée aurait décrété un ajournemeut, le greffier l'inscrirait sur le registre du comité qui doit en faire son rapport; et il pourrait alors, et seulement après que le Président aurait annoncé que la liste de parole est ouverte, chacun des membres qui voudrait se faire inscrire viendrait apporter sa carte de député dans une boîte, disposée de manière que les premières cartes qui y seraient jetées dussent sortir les premières à l'ouverture de la boite, qui se ferait par le greffier, en présence des secrétaires. C'est ainsi que les listes de parole pourraient être données avec la plus exacte justice; et sans doute, Messieurs, vous ne trouverez point trop minutieux ses soins qui peuvent prévenir la perte du temps.
Les listes de parole étant formées de la manière que nous venons d'indiquer, sur chaque objet ajourné, seraient remises au Président, promulguées avant la fin de la séance, par le Président lui-même, et envoyées, signées de lui, au comité central.
Ces listes de parole devront être affichées à côté de l'ordre du jour, lorsqu'un objet devra être mis en discussion; et comme, par la disposition indiquée ci-dessus pour la destination des séances et l'ordre des travaux, tous les rapports qui se trouvent prêts doivent être affichés successivement, il en sera de même des ordres de parole sur chacun de ces objets.
Cette première clôture de l'ordre de parole n'empêchera pas que le registre ne reste ouvert; mais pour que les listes affichées soient complètes, le Président fera faire, après la séance du samedi matin, un relevé exact de tous les suppléments de liste de parole, et les fera passer au comité central. Le rapporteur de ce comité devra relever les listes, dans l'ordre du dimanche, sur l'ordre des travaux de la semaine, afin que, s'il s'élève quelques réclamations sur l'ordre de la parole, l'Assemblée puisse prononcer d'avance que les listes soient affichées et définitivement arrêtées.
Il est important d'observer, avant de terminer cet article, que le rapport du comité central sur l'ordre d'urgence des objets et sur les listes de
parole correspondantes, ne s'étendra jamais au delà de la semaine, parce que des événements imprévus, de nouvelles décisions de l'Assemblée, pouvant accroître ou atténuer les motifs d'urgence pour tel ou tel objet, il faut que l'Assemblée, dût-elle confirmer son jugement, ne s'engage pas elle-même et ne se prescrive pas des règles trop strictes, qui perdraient leur force et leur bon effet, si une seule fois elles avaient dû plier devant les circonstances.
Des fonctions des officiers de l'Assemblée.
Les dispositions que je viens d'indiquer, pourront, je l'espère, prévenir les difficultés qui troublent le cours de notre discussion; mais c'est surtout l'attribution et le partage iexact, la facilité et la régularité d'exécution dans les fonctions des officiers de l'Assemblée, qui peuvent établir la gravité, la solidité désirable, j'avais presque dit la solennité dans la tenue de nos séances. Je vais traiter de chacune des fonctions des officiers. Je n'ai point suivi l'ordre hiérarchique, mais celui qui m'a paru le plus propre à éviter les répétitions, en passant des objets compliqués aux objets plus simples.
Des greffiers.
Il me semble d'abord qu'il est essentiel de dégager le bureau de l'Assemblée de toutes les communications qui peuvent le distraire des occupations qui lui sont propres, et qui ne sont ni précisément définies, ni suffisamment remplies ; pour parvenir au but et pour que les secrétaires occupés des objets courants, n'ayant avec les membres de l'Assemblée aucune de ces communications nécessaires qui sont une des principales causes du désordre, je propose qu'il soit créé deux places de greffiers : je vais indiquer leurs fonctions avant de parler de celles des secrétaires, puisqu'il s'agit de les changer de la partie uniforme et presque mécanique du travaif des bureaux.
Le premier greffier, placé à la droite et un peu au-dessous du Président, serait uniquement chargé de la rédaction du procès-verbal; ce qui serait extrêmement utile au Président, et servirait aussi beaucoup à la vérité, à l'uniformité et à la correction du procès-verbal.
Le second greffier, placé au bureau de MM. les secrétaires, en face du Président, serait chargé, sous l'inspection de MM. les secrétaires : • 1° de tenir le registre des ordres de parole...
Nous n'avons encore rien fait pour la patrie, et la séance est perdue ; je demande le renvoi au comité central et qu'on passe à l'ordre du jour.
Je prie, au nom de la patrie, M. Dumas de remettre sa motion au comité central. (Bruit ! — Non! non!)
Je demande la parole pour un fait personnel.
Plusieurs membres : Non! non! A bas! à bas!
(L'Assemblée décrète le renvoi du plan de M. Mathieu Dumas à la commission centrale. (1)
Plusieurs membres demandent l'impression du
Un membre : Je demande que l'Assemblée décrète qu'elle délibère sur-le-champ sur le projet de décret de la commission centrale.
(L'Assemblée décrète qu'elle statuera sur-le-champ, et article par article, sur le projet de décret présenté par la commission centrale.)
, rapporteur, donne lecture de l'article premier ainsi conçu :
Art. 1er.
« Les séances du matin dureront toujours cinq heures. A l'instant où le président ouvrira la seance, il annoncera l'heure avant laquelle elle ne pourra être levée. »
Un membre demande que le commencement des séances soit fixé à dix heures.
Plusieurs membres observent qu'il y a déjà un règlement à ce sujet et demandent la question préalable sur cette proposition.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition et adopte l'article premier.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 ainsi conçu :
Art. 2.
« Dès que le grand ordre du jour sera passé, nul membre ne pourra faire dé motion d'ordre, à moins qu'elle ne porte très directement, sur les objets soumis à la discussion.
Un membre : Je demande que les opinants ne parlent que de la tribune.
Un autre membre : Je demande qu'au lieu de demander la parole pour un fait on aille au bureau, où l'un des secrétaires en donnera lecture.
Plusieurs membres : La question préalable sur les amendements !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à dé-' libérer sur les amendements et adopte l'article 2.
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 ainsi conçu :
Art. 3.
« Les comités de l'Assemblée feront passer, tous les;huit jours, à la commission centrale, la jnote de leurs rapports, dans un ordre d'inscription relatif à leur plus ou moins d'urgence, et la commission centrale sera tenue de suivre cet .ordre, à mesure qu'elle mettra les. rapports à i l'ordre du jour. »
Un membre demande que l'on' supprime les imots : « tous les huit jours. » |
Un autre membre demande qu'à la note des rapports, chaque comité joigne celle des rapporteurs.
Plusieurs membres : La question préalable sur les amendements !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte l'article 3.)
, rapporteur, donne lecture des articles 4 èt 5 qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 4.
« Rien ne pourra jamais changer l'ordre du jour de midi; et lorsque l'Assemblée nationale aura décrété quelque ajournement fixe, la discussion des objets ainsi ajournés ne pourra, dansaucuncas, être ouverte avant deux heures. »
Art. 5.
« Jusqu'à l'épuisement des objets de détail arriérés, il y aura trois séances du soir, le mardi, le jeudi et le samedi.
, rapporteur. Voici l'article 6 dont vous pourrez renvoyer la discussion à un autre jour, si vous le jugez à propos.
Art. 6.
« Les élections se feront, à l'avenir, de la manière suivante :
« 1°. Le président de l'Assemblée nationale annoncera toujours la veille les nominations à faire le lendemain ;
2°. A chaque entrée de la salle il y aura une boîte, où chaque membre, en entrant, déposera son billet en présence de deux commissaires, qui inscriront les noms des votants à mesure qu'ils donneront leur suffrage;
« 3° Le scrutin sera fermé à l'instant où l'Assemblée passera au grand ordre du jour, et le recensement sera fait d'après le mode prescrit par le règlement;
« 4° Il ne pourra jamais être fait deux scrutins en même temps, m passé àu deuxième avant que le résultat du premier n'ait été proclamé.»
Plusieurs membres : L'ajournement !
D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte l'article 6.)
Je demande, comme article additionnel, que chaque orateur soit tenu de commencer son opinion par la lecture de son projet de décret.
appuie cet article additionnel, qui, selon lui, fera tomber les phrases des discours.
Je demande la question préalable sur cet article additionnel qui me paraît contraire à la liberté des opinions. Un projet peut présenter des vues dont le besoin ne sera pas senti tout d'abord. Une sorte de défaveur ne permettra pas à celui qui aura imaginé de développer avec succès les motifs qui peuvent en déterminer l'adoption. Souvent un projet ne conviendra qu'à une localité inconnue au plus grand nombre. Il est difficile de prévoir tous les inconvénients qui résulteraient certainement d'une mesure semblable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur l'article additionnel de M. Goujon.
, rapporteur. Je propose d'ajouter un article 7 conçu en ces termes.
Art. 7.
« Les commissaires aux élections seront nommés par ordre alphabétique. »
(L'Assemblée adopte l'article 7.)
Un membre propose de choisir, parmi les
membres de l'Assemblée, des censeurs qui, placés dans différentes parties de la salle, rappelleraient à l'ordre ceux qui s'en écarteraient.
Plusieurs membres demandent à proposer des articles additionnels.
, rapporteur. Je propose de passer à l'ordre du jour sur les articles additionnels. Le comité central vous présentera prochainement un plan plus étendu, dont les dispositions que vous venez d'adopter faciliteront I exécution.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité central, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les séances du matin dureront toujours 5 heures. A l'instant où le président ouvrira la séance, il annoncera l'heure avant laquelle elle ne pourra être levée.
Art. 2.
« Dès que le grand ordre du jour sera passé, nul membre ne pourra faire de motions d'ordre, à moins qu'elles ne portent très directement sur les objets soumis à la discussion.
Art. 3.
« Les comités de l'Assemblée feront passer, tous les 8 jours, à la commission centrale, la note de leurs rapports dans un ordre d'inscription relatif à leur plus ou moins d'urgence, et la commission centrale sera tenue de suivre cet ordre à mesure qu'elle mettra les rapports à l'ordre du jour.
Art. 4.
« Rien ne pourra jamais changer l'ordre du jour de midi; et lorsque l'Assemblée nationale aura décrété quelque ajournement fixe, la discussion des objets ainsi ajournés ne pourra, dans aucun cas, être ouverte avant 2 heures.
Art. 5
« Jusqu'à l'épuisement des objets de détail arriérés, il y aura trois séances du soir, le mardi, le jeudi et le vendredi.
Art. 6.
« Les élections se feront, à l'avenir, de la manière suivante :
« 1° Le président de l'Assemblée nationale annoncera toujours la veille les nominations à faire le lendemain;
« 2° A chaque entrée de la salle il y aura une boîte où chaque membre, en entrant, déposera son billet en présence de 2 commissaires, qui inscriront les noms des votants à mesure qu'ils donneront leur suffrage;
« 3° Le scrutin sera fermé à l'instant où l'Assemblée passera au grand ordre du jour, et le recensement sera fait d'après, le mode prescrit par le règlement;
« 4° Il né pourra jamais être fait 2 scrutins en même temps, ni passé au deuxième avant que le résultat du premier n'ait été proclamé.
Art. 7.
« Les commissaires aux élections seront nommés par ordre alphabétique.
, au nom du comité de Vordinaire des finances, donne lecture de la première partie de son rapport sur Vétat des dépenses et des moyens de Vannée 1792; il s'exprime ainsi : (1)
Messieurs, par un décret du mois de décembre vous avez chargé vos comités de finances de vous présenter, le 1er mars, l'état des dépenses et des moyens de 1792. Ce travail important aurait exigé, pour être complet, que tout ce qui tient aux institutions nécessaires d'un peuple libre et à notre Constitution fût décrété, que l'ordre intérieur fût rétabli, et que nous pussions connaître quelle sera notre situation politique avec les puissances étrangères.
L'instruction publique si essentielle pour affermir la liberté sur les principes immuables de la raison et de la justice, le régime des hôpitaux, des maisons de secours, des établissements dé charité, que la voix plaintive de l'humanité souffrante vous demande avec tant d'instance; la police des prisons, des ateliers et maisons de force que l'ordre public et le respect dû à la loi vous pressent d'établir, exigent des dépenses considérables sur lesquelles nous ne pouvons vous présenter encore que des aperçus vagues et incertains.
Notre situation politique, cette conjuration de rois, excitée par des
Français qui ont trahi leur patrie, et qui, dans leurs coupâmes projets,
voudraient voir la France attaquée par tous les points de sa vaste
enceinte, et déchirée au dedans par l'anarchie, le fanatisme et le
désordre ; les passions exagérées et le crime vous ont forcés,
Messieurs, à un développement de moyens de défense, dont l'Europe
entière est étonnée. L'entretien de l'armée pour défendre nos limites,
les préparatifs de guerre, le rétablissement de nos places fortes,
exigent des dépenses d'autant plus considérables que les prix du
numéraire et des subsistances est augmenté par la défiance que les
ennemis de la chose publique cherchent à répandre. La France veut être
libre; elle ne calculera aucune dépense pour défendre sa liberté; mais
si cette résolution imposante arrête les efforts de ses ennemis, si des
princes qui se sont montrés sages dans l'administration de leurs Etats,
renoncent à des projets plus dangereux pour eux-mêmes que pour nous;
s'ils nous donnent des assurances et des preuves incontestables que la
paix sera cimentée, nous nous empresserons de cimenter avec eux et les
peuples qu'ils gouvernent, les liens de la paix et de la fraternité. Ce.
n'est pas par des flots de sang et le flambeau à la main, que nous
devons réveiller les nations, ce sont nos mœurs, nos vertus, nos lois et
notre prospérité qui doivent les instruire. Ce n'est point une liberté
féroce et sauvage que nous avons conquise ; mais une liberté éclairée et
fondée sur lesdroits imprescriptibles et sacrés de la raison et de la
justice. Nous devons donc saisir avec empressement tous les moyens
d'affermir la paix, et alors les dépenses considérables que la guerre
nécessite pourront être réduites aux mesures sages qu'exige une
surveillance prudente.
Parmi le sacrifice qu'exige les services de cette année, vous compterez les secours que les malheurs de nos colonies nous forcent d'accorder. Le commerce, les manufactures, les arts, le crédit public et le sort d'unç population active et nombreuse, répandue dans nos ateliers et dans nos ports, dépend des mesures que vous allez prendre sur cet important objet, et vous n'oublierez jamais que vous devez justice, protection et secours à toutes les parties ae l'Empire. Parmi ces sacrifices, seront encore ceux que vous serez forcés de faire pour assurer les subsistances des départements du sud et ouest de l'Empire. Les ennemis cruels de la patrie et de l'ordre ont égaré le peuple ; les départements où les subsistances sont les plus abondantes, puisque le blé n'y vaut pas la moitié de ce qu'il coûte ailleurs, sont ceux où les manœuvres criminelles ont eu le plus grand succès ; et tandis que si la loi était respectée, la masse de nos subsistances suffirait aux besoins de l'Empire, on vous force de recourir aux nations étrangères, on décourage l'agriculture en avilissant le prix de ses denrées, et en violant sa propriété. C'est ainsi que l'on cherche à vous préparer des jours encore plus malheureux.
Votre fermeté, Messieurs, doit rompre ces trames criminelles. Mais quels que soient les événements, le service de cette année demandera de grandes dépenses ; et puisque nous ne pouvons vous donner que des aperçus sur quelques objets, nous ne vous les présenterons du moins, que d'après les calculs les plus vraisemblables, et en forçant plutôt tout ce qui est indéterminé, qu'en le réduisant, parce que nous croyons essentiel que l'état des dépenses publiques ne soit jamais excédé. C'est ainsi que la confiance publique s'établira, car le peuple sera toujours forcé à croire qu'on le trompe, quand, après-des états très économiques, on ordonnera ensuite, par de nouveaux décrets, de nouvelles dépenses.
Quant à celles qui sont déjà déterminées par vos décrets, ou par ceux de l'Assemblée constituante, nous avons dû les soumettre à un scrupuleux examen. L'expérience apprend à tous ceux qui ont étudié l'histoire des gouvernements, avec quelle facilité les abus s introduisent, combien leur progression est rapide, et combien il faut d'efforts, pour les détruire lorsqu'un poids accablant force enfin une nation à briser ses chaînes : le Corps législatif doit donc s'occuper, sans cesse, de prévenir ces abus qui tendent toujours à détruire la force et la liberté publique.
Nous avons présumé qu'il devait y avoir un système d'égalité proportionnelle entre toutes les parties de la depense publique, et nous n'avons pas trouvé cette proportion dans plusieurs de celles déjà décrétées. Nous avons vu que différentes causes avaient plus ou moins influé sur cette fixation ; il a donc fallu revoir toutes les parties du service public avec la plus scrupuleuse attention. Une économie sévère est le premier de nos devoirs ; car nous n'avons pas le droit de demander à la nation des contributions plus fortes que celles qui sont nécessaires
pour remplir ses obligations et salarier les fonctionnaires que le service public et l'administration de toutes les parties de l'Empire exigent; tout ce qui excède ces limites, excède aussi nos pouvoirs. Cette économie est d'autant plus nécessaire, qu'une partie de nos moyens est dévorée par la dette publique dont l'ancien régime a grevé la nation française, et qu'elle a eu la loyauté de vouloir acquitter.
Ce n'est pas dans le court espace de l'existence que des législateurs doivent circonscrire leurs pensées et l'influence de leurs choix : ce ne sont pas les accents tumultueux d'une popularité trompeuse, qu'ils doivent ambitionner, mais la reconnaissance publique pendant plusieurs siècles.
C'est la postérité, c'est la reconnaissance d'un peuple libre, éclairé et tranquille au milieu de ses utiles travaux, transmise des pères aux enfants comme une tradition forcée, qui doit être l'objet de nos vœux les plus chers. C'est cet avenir seul qui peut nous présenter quelque gloire et nous faire braver avec courage les factieux et les traîtres, la calomnie et les intrigues dont ils s'entourent. C'est avec le même intérêt que nous devons voir la génération actuelle et celle qui nous succédera sur cette terre de la liberté. Nous ne devons pas accabler par le poids des charges publiques la génération présente, et nous ne devons pas repousser ce fardeau en entier sur celles qui nous succéderont. Nous devons les appeler par une progression sage à acquitter successivement là dette publique et à préparer les jours où la nation, dégagée au poids de son engagement, emploiera les revenus publics à accoître les moyens de prospérité et de bonheur. En excédant la mesure des contributions que la nation peut supporter en ce moment, nous serions d autant plus injustes, que les désordres de l'ancien régime et les efforts faits pour conquérir là liberté ont diminué les ressources et nécessité des sacrifices dont le calcul serait effrayant si le prix de la liberté n'était pas au-dessus de tous les- sacrifices; en réduisant, plus que nous ne devons, les dépenses publiques, nous compromettrions la Liberté elle-même, et nous paralyserions la force publique. Il faut qu'un peuple longtemps accablé sous le poids des chaînes, ait un gouvernement actif et vigoureux qui le préserve des dangers de la trahison, de la licence et de l'anarchie, où la corruption et l'intrigue voudraient le plonger. Il faut multiplier les institutions publiques qui peuvent influer sur l'esprit national et détruire les préjugés et l'ignorance que quelques faux amis de la liberté, comme lés tyrans de la terre, veulent opposer à ceux qui savent chérir et défendre cette liberté sans jamais la séparer de la justice et du respect des lois. Il faut surtout multiplier les travaux sur une terre longtemps opprimée par le despotisme et la féodalité ; car multiplier les travaux, c'est ouvrir de nouvelles sources de richesses publiques.
L'effet le plus funeste de l'ancien régime a été de plonger dans l'indigence une grande partie du peuple; il faut lui donner tous les moyens d'existence et de travail qui peuvent dépendre de nous. Ouvrir de nouvelles routes, creuser de nouveaux canaux, rendre navigables ceux que la nature a tracés, dessécher les terres submergées, arroser celles que leur position rend arides et incultes, favoriser l'agriculture, encourager les citoyens qui se livrent à des travaux utiles, rendre aux manufactures, aux arts et au com-
merce toute l'activité et la liberté que l'industrie demande : voilà des dépenses d'autant plus nécessaires qu'elles influeront sur le revenu public, et qu'elles prépareront à vos successeurs de nouvelles ressources.
Tels sont les motifs qui nous guideront dans l'examen successif que nous allons vous soumettre de toutes les parties de la dépense publique et dans la fixation que nous vous proposons ae décréter ; nous la divisons en dépense ordinaire et en dépense extraordinaire. La dépense ordinaire sera divisée en deux sections principales : dépenses à la charge du trésor public, dépenses à la charge des départements. Les dépenses à la charge du trésor public seront divisées en 5 chapitres ; le premier sera celui des dépenses ordinaires d'administration, de sûreté, de défense de guerre, de marine, d'instruction, de justice, des pensions et des gratifications : ce chapitre présentera le véritable état des dépenses nationales à la charge du trésor public, dans la proportion où elles pourraient être réduites. Lorsque chaquç partie de la dépense publique sera acquittée dans l'ordre, qu'indique les vrais principes de l'administration, le second chapitre sera celui du culte ; le troisième, des travaux publics ; le quatrième, des intérêts perpétuels de la dette publique ; le cinquième, celui des rentes viagères et du traitement du clergé supprimé : cette dépense étant décroissante doit être séparée, et elle peut servir de base à une Caisse (pamortis-sement pour le remboursement de la dette publique. . ;
Les dépenses à la charge des départements seront divisées en 3 chapitres ; le premier comprendra les dépenses ordinaires d'administration, ae justice et d'instruction ; le second, des charités et des secours; le troisième, d'instruction publique.
Les dépenses extraordinaires seront divisées en 3 sections. La première comprendra les dépenses particulières à l'année 1791, pour la défense de l'Empire, ou la sûreté intérieure ; la seconde, les dépenses d'établissements publics, de secours et d'avances aux départements, districts et municipalités, et aux colonies; la troisième, le remboursement de la dette exigible.
Nous terminerons cette partie de dépenses publiques, par le tableau des avances qu'il sera indispensable de faire au trésor public, sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, pour suppléer à l'insuffisance du revenu ordinaire, ou au retard des recouvrements, afin que vous puissiez juger de la dépense entière de la caisse de l'extraordinaire pendant l'année 1792. Nous vous présenterons ensuite l'état des moyens. Il sera divisé en deux parties : moyens ordinaires, moyens extraordinaires. -
Les moyens ordinaires seront divisés en deux sections : la première comprendra les contributions versées au trésor public; elle sera divisée en 2 chapitres, contribution directe et contribution indirecte. Nous vous rendrons compte de leur état actuel, et du produit qu'elles annoncent.
Vous sentez que l'étendue au rapport dont je viens de tracer le plan demandera plusieurs séances. Ceux de vos comités qui ont rapport aux finances n'ont pu remettre encore à votre comité des finances leurs observations et leurs démandes, Les matériaux nécessaires pour ce travail important n'ont pu être rassemblés qu'avec beaucoup de peine, et l'impression des états a tenu beaucoup ae temps ; mais tous vos comités s'en occupent maintenant, et chaque semaine nous pourrons
vous présenter un ou deux articles de ce travail, de manière que le tableau général des dépenses et des moyens, soit sous vos yeux avant fe 25 ou 26 de ce mois, pourvu que nous puissions obtenir 2 ou 3 séances par semaine.
Je vous présenterai aujourd'hui, Messieurs, 2 articles des dépenses de l'Assemblée nationale législative. L'état des dépenses de l'Assemblée nationale, pour le premier trimestre, nous a été fourni par MM. les commissaires ae la salle. Nous en avons vérifié les détails, et nous les avons comparés avec ceux qui ont été relevés sur les registres de la trésorerie nationale. Le soin avec lequel cette comptabilité est suivie par MM. vos commissaires, a rendu cette vérification très exacte et très facile. Voici les dépenses ;
Le total des dépenses de l'Assemblée nationale se monte, par année, à 5,693,674 livres.
11 est possible de diminuer une partie de cette dépenses, et MM. les commissaires de la salle s'occupent d'un travail à cet égard.
Nous ne pouvons nous empêcher d'observer que le terrain immense qu'occupe l'Assemblée nationale et ses bureaux, cause à la nation une dépense de plus de 400,000 livres, outre celle dont nous venons de donner les détails.
Deuxième article. Liste civile. La liste civile a été fixée, par la loi du 1er juin 1791, à 25 millions. L'Assemblée nationale, par la loi du 25 mai, a décrété une somme de 80,000 livres pour le conseil particulier du roi ; cette somme n'a pas été employée pour 1791. Votre comité pense qu'elle doit être retranchée de la somme des dépenses publiques.
Nous comprendrons à la suite de*la liste civile le traitement des princes français ; votre comité a pensé que la rente apanagère devant être séquestrée pour Louis-Stanislas-XaVier et Charles-Philippe, et que le traitement déterminé par l'article 14 de la loi du 6 avril 1791, devant être supprimé, vous aviez à décider l'époque où le traitement a dû cesser, et votre comité des finances a un rapport particulier à vous faire sur cet objet.
En supposant que ce traitement doive cesser à compter au 12 février, date de la loi sur la séquestration des biens des émigrés, il leur sera dû pour un mois 12 jours, 2,333,320 liv. 12 s.
L'article qui suit est celui des affairés étrangères, mais le comité diplomatique n'a pu encore remettre ses états. Ainsi dans la première séance, nous présenterons l'état de dépenses des affaires étrangères, du département de la justice, du département de l'intérieur et des contributions publiques. Je demande que l'Assemblée veuille bien accorder 2 ou 3 séances par semaine pour la suite du rapport, parce qu il faut qu'il soit terminé en entier avant la fin de mars.
Plusieurs membres : L'impression !
(L'Assemblée décrète l'impression de la première partie du rapport de M. Lafon-Ladebat.)
Un membre demande que par suite et connexité avec le précédent rapport on fasse celui sur la vente des sels et tabac.
(L'Assemblée décide que ce rapport sera fait sur-le-champ.)
, au non du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et
présente un projet de décret (1) sur les mesures à prendre
Messieurs, l'un dés premiers bienfaits {que la Révolution à procurés à la nation, est l'abolition de l'impôt désastreux de la gabelle. Dès le mois de septembre 1789, il a été permis de se pourvoir de sel à un prix modéré : l'esprit de fiscalité a cessé d'empoisonner cette denrée de première nécessité.
Ce que l'Assemblée constituante avait fait pour le sel, ne lui paraissait pas devoir s'étendre au tabac : elle avait d'abord pensé qu'il était possible de charger d'une contribution cette marchandise, dont la consommation était occasionnée bien plus par la fantaisie que par le besoin; mais revenant enfin aux principes de liberté et d'égalité, l'Assemblée constituante a dégagé de toutes entraves cette source de jouissance, et elle a décrété que la vente et la culture du tabac seraient libres dans tout le royaume.
Cependant elle a pris des précautions pour que les quantités considérables de sel et tabac qui restaient dans les magasins des régisseurs et fermiers ne fussent pas perdues pour le trésor public. Elle a décrété, le 20 mars 1791, que les fabriques de tabac dépendantes de la ferme générale, et les ustensiles servant à l'exploitation, seraient donnés séparément à bail par les directoires de districts, et que les tabacs seraient vendus au plus offrant et dernier enchérisseur, après affiches et publications ; en réservant cependant que le tabac manufacturé ne pourrait être vendu que par quintal, et ne pourrait être adjugé à prix moindre que 35 Sous la livre; que le tabac en feuille ne pourrait être vendu que par milliers, et ne pourrait être adjugé à un prix moindre que 12 sous la livre.
Le même décret a aussi ordonné la vente des sels existant dans les magasins, greniers, dépôts et entrepôts dépendants de la ferme générale, en réservant qu'ils ne pourraient être vendus à un prix moindre que 10 0/0 au-dessus de celui auquel ils revenaient dans le lieu de la vente; que dans les lieux où il n'y en aurait pas plus de 2,000 quintaux, le sel serait vendu par parties de 200 livres ; !et dans les lieux où la quantité excédait 2,000 quintaux, qu'il serait vendu par miKim.
Par un autre décret du 29 juillet 1791 il a été ordonné que le tabac de cantine né pourrait être vendu à un prix moins que 20 sols la livre.
D'après les renseignements qui avaient été fournis sur les quantités de sel et de tabac existant dans les magasins', et en supposant qu'ils seraient vendus aux prix fixés par les décrets des 20 mars et 29 juillet, il paraissait évident que le tabac produirait une somme de 15,000,000 délivres. Ces deux sommes étaient entrées en grande considération dans le tableau des ressources de 1791 et 1792.
Cependant, depuis l'époque de la promulgation du décret du 20 mars 1791 jusqu'à présent, il n'a été vendu de tabac pàr les directoires de districts que pour la somme de 936,227 liv. 16 s. ; et la vente du sel par eux faite n'a produit que 99,529 livres. ^ .
Les ventes faites par les préposés de la ferme générale, jusqu'au moment de la clôture des inventaires prescrits par l'article 3 du décret du 20 mars, ont produit, pour le tabac, la somme de 8,549,000 livres, et pour le sel 791;919 liv. 11 s. 6 d.
En sorte que, dans l'espace de 10 mois, il n'est rentré au trésor oublie qu'une somme to-
taie de 10,376,676 liv. 7 s., tandis que l'on comptait sur plus de 20 millions pour l'année 1791 seulement.
Le tabac manufacturé restant à vendre monte à plus de 16 millions de livres pesant; le tabac en feuille à plus de 8 millions de livres, et le sel à plus 3 millions de quintaux.
Deux causes paraissent surtout avoir contribué à retarder les ventes : la première est l'obligation imposée aux directoires de district de ne vendre le tabac fabriqué. que par quintal, et le tabac en feuille que par milliers ; la seconde est la fixation du minimum du prix du tabac manufacturé, à 35 sols la livre.
Il paraît évident, en effet, qu'en défendant de vendre une quantité de tabac manufacturé moindre de 100 livres, on éloignait la concurrence, on ne donnait d'appât qu'aux accapareurs. 2 ou 3 citoyens pouvaient se réunir pour acheter ensemble 20,30 ou 40 livres de tabac pour leur consommation; mais une réunion de 8 à 10 devenait plus difficile, et il n'y avait guère què des marchands qui pussent se déterminer à prendre une quantité de 100 livres. Votre comité pense donc que vous devez donner plus de facilités aux simples consommateurs, et réduire considérablement la proportion au-dessous de laquelle on ne pourra vendre ; et il ne croit pas devoir vous proposer de différence à cet égard entre le tabac en feuille et le tabac manufacturé.
La seconde cause qui a paru à votre comité nuire beaucoup à la vente du tabac manufacturé, est la fixation du minimum du prix à 35 sols la livre.
Aussitôt que les citoyens ont eu recouvré leur liberté, il s'est élevé partout des manufactures et des ventes de tabac ; des spéculations de commerce ont été exercées sur une marchandise qui était depuis si longtemps, pour le génie scal, une source de vexations et de persécutions en tous genres. La grande concurrence de fabriques particulières a naturellement amené la médiocrité du prix, la facilité de satisfaire à toutes les fantaisies, à tous les goûts ; et le tabac de ferme, aujourd'hui national, a été souvent rejeté parce que les consommateurs ont trouvé les moyens de s'en procurer à un prix bien inférieur à celui de 35 sols la livre. Votre comité vous propose donc de fixer à 20 sols le minimum du prix au-dessous duquel on ne pourra vendre la livre de tabac manufacturé. Il croit que cette réduction dans le prix, et la faculté accordée aux citoyens d'acheter par lots de 20, 30 et 40 livres, et de se réunir deux ou trois pour acheter ces quantités ou de plus grandes, amèneront un débit considérable, et que bientôt la vente totale des tabacs pourra s'effectuer et produire au trésor public, sinon la totalité, au moins une grande partie des sommes sur lesquelles on a compté lorsqu'on a porté cet objet au nombre des ressources de 1791 et 1792.
L'Assemblée constituante avait décrété que le tabac en feuille ne pourrait être vendu que par milliers; et cette disposition était évidemment une entrave à la vente ; car les marchands seuls pouvaient acheter des quantités aussi considérables, et les simples consommateurs étaient nécessairement dans l'impossibilité de s'approvisionner. Votre comité vous propose de décréter qu'il n'y aura, à cet égard, aucune différence entre le tabac en feuille et le tabac manufacturé j que pour l'un et l'autre, la plus petite quantité qu'on puisse adjuger soit fixée à 20 livres. Mais au lieu de diminuer le prix du tabac en feuille,
votre comité pense qu'on peut l'augmenter, et fixer le minimum à 14 sols, au lieu de 12 sols, minimum du prix actuel. Cette augmentation est déterminée par plusieurs motifs : en premier lieu, parce que la quantité de tabac en feuille est bien moins considérable que celle du tabac manufacturé ; en second lieu, parce que le droit de 25 livres par quintal, imposé sur les tabacs venant de l'étranger, et le désavantage de notre change, rendraient cette marchandise fort chère, si l'on voulait en faire venir; enfin parce que le tabac qui existe dans les magasins de la nation, est d'une qualité bien supérieure à celui que produisent les parties de notre sol où il était permis d'en planter. Toutes ces considérations paraissent devoir faire augmenter le prix du tabac en feuille.
En vous proposant de fixer un prix au-dessous duquel les tabacs, soit manufacturés soit en feuille, ne pourraient être adjugés, votre comité ne s'est pas dissimulé que, pour certaines parties du royaume, ce prix serait peut-être trop considérable, et qu'il serait trop faible dans quelques autres parties. Il n'a pas cru cependant qu'il fût prudent de laisser aux administrateurs qui seront chargés des ventes, une entière liberté sur la fixation des prix, ne fût-ce que par la raison que cette liberté paraîtrait peut-être une responsabilité trop onéreuse à ceux que vous en rendriez dépositaires. Votre comité vous propose donc de décréter que, dans les départements où le prix que vous fixerez serait jugé trop considérable ou trop faible, comparativement à celui du commerce, les corps administratifs en feront l'observation au ministre des contributions, lui indiqueront le prix qu'il paraît convenable de fixer, d'après celui commun du commerce, et que le ministre pourra autoriser ces corps administratifs à diminuer ou augmenter le minimum à fixer.
Votre comité a pensé que l'adoption des différentes mesures que je viens de mettre sous vos yeux, pourrait accélérer beaucoup la vente dès tabacs. Il me reste à vous proposer maintenant des moyens pour faciliter et hâter aussi la vente des biens nationaux. Si cette vente a éprouvé jusqu'à présent une lenteur et des retaras préjudiciables à la chose publique, il en faut chercher les causes dans les dispositions de la loi du 27 mars 1791. L'article lo de cette loi veut que le sèl ne puisse être vendu à un prix moindre que de 10 0/0 au-dessus de Celui auquel il revient dans le lieu de la vente ; et l'article 16 veut que, dans les lieux où la quantité de sel excédera 2,OOfrquintaux, il soit vendu par milliers. Ces deux dispositions ont été des entraves à la liberté et aux désirs des consommateurs et des commerçants.
D'abord le minimum fixé pour le prix du sel est en général supérieur au prix commun du commerce. Aussitôt que cette denrée de première nécessité a été retirée des mains impures qui en_ avaient fait pendant des siècles l'impôt le plus meurtrier, dès que les premiers cris de la liberté se sont fait entendre, tous les citoyens se sont hâtés de se pourvoir de cette marchandise, que les barrières ne pouvaient plus empêcher uer circuler; dans toutes les parties du royaume, le commerce s'en est emparé, et il a mis d'autant plus d'empressement et d'activité, que les entraves avaient été jusque-là insurmontables. Ainsi il s'est établi une concurrence très considérable, et le prix du sel a été partout amené à un taux inférieur à celui fixé par la
loi du 27 mars 1791 pour les sels nationaux.
Cette première raison a donc empêché leur vente. Mais quand cet obstacle ne se serait pas rencontré, il en naissait toujours un considérable de la disposition de la loi qui porte que, dans les lieux où il y aura plus de 2,000 quintaux de sel, il sera vendu par milliers. Cette disposition éloignait évidemment les citoyens qui ne voulaient acheter que pour leur consommation; elle ne donnait de marge qu'aux commerçants. Votre comité vous propose donc de décréter que, quelle que soit la quantité des sels existant dans un magasin, ils pourront être vendus par quintal : cette quantité n'est pas assez considérable pour éloigner les simples consommateurs ; et d'ailleurs, 2 ou 3 citoyens se réuniront facilement pour acheter 100 livres de sel.
A l'égard du minimum du prix à fixer peur la vente, votre comité n'a pu vous présenter de détermination précise. Le prix effectif des sels existant dans les magasins nationaux se compose : 1° des frais d'achat et de voiture ; 2° des irais de déchet, de séjour et de loyers de greniers et magasins; 3°, la loi du 27 mars 1791, avait ajouté 10 0/0 au-dessus du prix auquel revenait le sel dans le lieu de la vente. Vous remarquez, Messieurs, que les frais d'achat et de voitures variant suivant les lieux et les distances, le prix des sels nationaux, d'après la fixation faite par la loi du 27 mars, doit varier aussi à l'infini. Il paraîtrait donc, au premier coup d'œil, convenable d'adopter le prix fixé par cette loi ; mais votre comité a pensé que l'intérêt personnel et l'industrie des commerçants avaient pu leur inspirer des moyens beaucoup moins dispendieux que ceux qui étaient employés par la ferme générale pour l'achat et le transport de leurs sels; que celle-ci, faisant des bénéfices immenses, ne se montrait pas aussi difficile sur le montant de ces frais, qu un négociant éclairé qui travaille pour son compte particulier. 11 est donc très presumable que le sel rendu dans le magasin d un simple citoyen qui en fait le commerce, lui coûte infiniment moins qu'il ne coûtait à une Compagnie de financiers; que ce commerçant peut conséquemment vendre cette marchandise, même avec profit, à un prix bien inférieur à Celui qui avait été fixé par la loi du 27 mars 1791. Votre comité vous propose donc de décréter qu'il n'y aura point de fixation de minimum de prix, et que les corps administratifs seront autorisés à fixer ce minimum sur le prix commun du commerce, après avoir pris une délibération qui rappellera ce prix, sera adressée au ministre des contributions, et par lui approuvée, si elle ne compromet pas les intérêts de la nation.
Après vous avoir indiqué les causes qui ont retardé jusqu'à présent la vente des sels et tabacs, votre comité vous a proposé les mesures qu'il croit propres à accélérer cette vente. Il doit ajouter que plusieurs motifs la sollicitent impérieusement.
D'abord la conservation des tabacs exige des soins, une surveillance et des manipulations qu'il n'est plus possible de leur donner depuis que la remise en a été faite aux directoires-de district par les préposés de la ferme générale. Il serait donc à craindre que les tabacs, s'ils restaient plus longtemps en dépôt, ne se détériorassent, ne s'affaiblissent et n'éprouvassent des avaries qui en rendraient à la suite la vente impossible.
En second lieu, les magasins qui les renferment coûtent un'loyer considérable à la nation.
Les sels occupent des magasins bien plus considérables encoré que les tabacs; ils eprouvent un déchet immense. L'évaluation de ce déchet, jointe à celle du loyer des greniers et magasins, forme un objet de 1 liv. 10 s. par quintal; ce qui fait pour 347,751,452 livres pesant de sels nationaux, une somme de 5,216,271 livres.
Enfin le retard de la vente prive le trésor public d'une ressource de plus de 40 millions. Ainsi toutes sortes de considérations se réunissent pour vous déterminer à hâter, par tous les moyens possibles, la vente de ces objets, qui dépérissent tous les jours, et dont la conservation diminue la quantité et la qualité.
Outres les mesures que votre comité vous a indiquées comme les plus propres à accélérer cette vente, il doit vous proposer encore deux moyens qui lui ont paru concourir au même but.
La loi du 27 mars 1791 ordonnait que la vente serait faite après deux affiches et publications faites deux dimanches consécutifs dans toutes les municipalités de leur ressort. Cette obligation de ne vendre qu'après deux affiches et publications, faites à sept jours d'intervalle l'une de l'autre, a dû mettre aussi un intervalle un peu long entre chaque vente, et les rendre plus rares. Votre comité vous propose de décréter qu'il n'y aura qu'une affiche et publication faite dans toutes les municipalités du ressort d'un district, un jour de dimanche, et au moins huit jours avant la vente ; que la première affiche et publication annoncera que toutes les semaines, à un jour indiqué, et qui sera toujours le même, il sera procédé à la vente des sels et tabacs nationaux ; et que chaque dimanche on renouvellera l'affiche et publication jusqu'à l'épuisement de la totalité des objets à vendre; en sorte qu'il y ait une vente chaque semaine.
Les directoires de district sont, dans ce moment, et seront encore longtemps chargés d'objets d'administration très pressants et très importants ; la répartition des contributions entre les contribuables doit surtout occuper une grande partie de leurs moments, et cette opération est trop intéressante pour qu'on puisse se permettre de la troubler. Votre comité vous propose donc de décréter |que les directoires de district, qui ne pourront pas choisir dans leur sein un commissaire pour procéder à ces ventes, seront autorisés à les choisir parmi les membres du conseil de district, ou même dans le conseil général d'une commune.
La loi du 27 mars 1791 n'avait rien statué sur le mode de payement. Votre comité vous propose de décréter que les adjudicataires seront tenus de payer comptant, entre les mains du receveur du district, les sommes qui n'excéderont pas 100 livres, et que pour les sommes plus fortes il pourra être accordé un crédit de trois mois, à charge par les adjudicataires de passer leur reconnaissance et de fournir caution.
Comme les sommes à provenir de ces ventes ont été mises au nombre des ressources ordinaires de 1791 et 1792, elles doivent être versées par les receveurs de district à la trésorerie nationale, et les procès-verbaux de vente doivent conséquemment être adressés, par les directoires de département, aux commissaires de la trésorerie, afin que ceux-ci puissent établir l'ordre de leur comptabilité avec les receveurs de district.
Il n'a de même été rien prescrit par la loi du 27 mars 1791, pour le payement des frais occa-
sionnés par la vente et la conservation des sels et tabacs. Cependant ces frais sont indispensables, et l'intérêt public exige qu'on les paye avec exactitude ; mais il faut éviter l'erreur et l'arbitraire ; et, à cet effet, votre comité vous propose de décréter que les directoires de district seront tenus de dresser des états de ces frais qu'ils enverront aux directoires de département, que ceux-ci vérifieront et arrêteront ces états qu ils adresseront ensuite au ministre des contributions publiques, qui les fera acquitter par la trésorerie nationale.
Projet de décret d'urgence.
« L'Assembiée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 ordinaire des finances, voulant faire cesser les causes qui ont jusqu'à présent retardé la vente des sels et tabacs nationaux, et considérant que leur conservation exige des frais et des dépenses qu'on ne peut continuer sans un préjudice considérable pour l'intérêt du trésor public, décrète qu'il y a urgence. »
décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Aussitôt après la publication du
présent décret, les directoires de district continueront de mettre en
vente, sous la surveillance des directoires de département, au plus
offrant et dernier enchérisseur, les tabacs manufacturés, les tabacs en
feuille, et les sels appartenant à la nation, dont il a dû être fait
inventaire en exécution de l'article 3 de la loi du 27 mars 1791.
« Art. 2. La vente sera annoncée par des affiches et publications faites un jour de dimanche, dans toutes les municipalités au district, et au moins huit jours à l'avance; ces affiches et publications indiqueront quelle sera la plus petite quantité de sel et de tabac qu'on pourra acheter, et annonceront aussi que la vente aura lieu chaque semaine à un jour désigné, qui sera toujours celui du marché, s'il y en a dans le lieu où se fera la vente; et pour cet effet il sera fait chaque dimanche de nouvelles affiches et publications pour indiquer la vente qui aura lieu successivement la semaine suivante.
« Art. 3. Les tabacs manufacturés et en feuille seront vendus par partie de vingt livres pesant et -au-dessus, et le sel par quintal et au-dessus.
« Art. 4. Le tabac manufacturé ne pourra être vendu au-dessous de 20 sols la livre, et le tabac en feuille au-dessous de 15 sols; cependànt dans les lieux où ce prix du tabac manufacturé serait évidemment trop fort ou trop faible, comparativement à celui du commerce, les corps administratifs en feront l'observation au ministre des contributions publiques, ils lui indiqueront le prix commun du commerce, annonceront quel prix il paraît convenable de fixer, et le ministre pourra les autoriser à vendre à "un prix qu'il désignera.
« Art. 5. Pour fixer le minimum du prix du sel, les corps administratifs adresseront de même, au ministre des contributions, des observations motivées sur les localités et le prix commun de cette denrée dans le commerce, ils exprimeront leurs, vœux sur la fixation à faire, et le ministre les autorisera à vendre au prix qu'il indiquera.
« Art. 6. En attendant cette autorisation, les directoires de district pourront vendre le sel au prix fixé par l'article 15 de la loi du 27 mars 1791, distraction faite sur ce prix des 10 0/0 rappelés au même article.
« Art. 7. Pour procéder avec plus d'activité et d'assiduité aux ventes dont il s'agit, les directoires de district qui ne pourront, sans nuire à la marche ordinaire des autres affaires confiées, à leur administration, nommer des commissaires dans leur sein, sont autorisés à les choisir parmi les membres du conseil de district, ou du conseil général d'une commune.
« Art. 8. Sont exceptés de la vente les sels existant dans les salines des ci-devant provinces de Lorraine et Franche-Comté, etdans les salines de Peccais.
« Art. 9. Les sommes provenant de la vente des sels et tabacs seront payées comptant, par les adjudicataires, entre les mains du receveur du district, quand elles n'excéderont pas 100 livres ; et si elles sont plus fortes, il pourra être accordé trois mois de crédit aux adjudicataires; à charge pareux de passerune reconnaissance de lasomme due et de fournir caution.
« Art. 10. Ces reconnaissances seront remises au receveur du district, qui en fera le recouvrement, et dans le cas où les adjudicataires ne payeraient pas au terme fixé, le procureur syndic du district exercera, au nom du procureur général syndic du département, les poursuites nécessaires par devant le tribunal du district, sans qu'il soit nécessaire, en ce cas, de citer le débiteur par devant le tribunal de conciliation.
« Art. 11. Les receveurs de district verseront directement à la trésorerie nationale, en même temps que le produit des contributions, les sommes provenant des ventes de sels et tabacs.
« Art. 12. Les directoires de district adresseront chaque semaine des expéditions des procès-ver-bàux de vente aux directoires de département, qui les feront passer de suite aux commissaires e la trésorerie nationale.
« Art. 13. Ces procès-verbaux et les expéditions seront exempts de la formule du timbre; mais les reconnaissances ou billets passés par les adjudicataires, dans le cas exprimé en l'article 9 ci-dessus, seront faits sur papier timbré aux frais des débiteurs.
« Art. 14. Il sera dressé, par les directoires de district, des états des frais occasionnés par la vente et la conservation des sels et tabacs, ces états seront envoyés aux directoires de département qui les vérifieront, les arrêteront et les adresseront ensuite au ministre des contributions publiques, qui les ordonnancera et les fera acquitter par la trésorerie nationale. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.
(La séance est levée à quatre heures.)
A la séance de l'assemblée nationale législative du
OPINION de M. Mathieu Dumas (2), député du département de Seine-et-Oise, sur Vordre des travaux et des délibérations de VAssemblée nationale.
Messieurs,
Vous avez voulu établir dans vos travaux un ordre qui pût prévenir l'incohérence et l'immaturité auxquelles nous exposent la multiplicité d'objets soumis à nos délibérations, et la chaleur qu'un zèle effervescent porte encore dans nos débats. Vous avez voulu garantir à la nation l'emploi d'un temps précieux, dont vous êtes comptables. Frappé comme vous de cette grande idée de la responsabilité du Corps législatif, j'ai médité sur cette matière. J'ai cru reconnaître de grandes imperfections dans l'ordre de nos travaux et dans la tenue de nos séances; et j'ai espéré que l'Assemblée écouterait avec quelque indulgence mes observations et le résultat auquel elles m'ont conduit.
Le règlement que l'Assemblée nationale constituante se donna dès les premiers' temps de la Révolution, que nous avons adopté avec de légers changements, me paraît le meilleur mode ae délibération auquel on ait pu atteindre à cette époque; et il faut même convenir qu'il est supérieur à tous les modèles qui existaient dans ce genre; il est d'autant plus nécessaire de le conserver, que le principe démocratique du gouvernement représentatif y est préservé de toute atteinte, par 1 élection fréquente des officiers de la Chambre, la liberté illimitée de la discussion, et la manière.de voter.
Mais il faut assurer la stabilité de ce principe par des formes qui préservent l'Assemblée ae tout désordre, et de cette tendance à l'anarchie naturelle à toute institution absolument populaire. Ceux qui apprécient l'esprit régénérateur, le ressort toujours actif que l'unité ae chambre maintient dans le Corps législatif ; ceux qui re-dputent l'esprit de corporation, le plus dangereux ennemi de la liberté, doivent sentir les inconvénients, je dirai même les dangers de la tenue actuelle de nos séances; et je ne doute pas qu'ils n'aient cherché comme moi à résoudre le problème, et à porter une plus grande perfection dans l'organe où réside la vie du corps politique
Lé Corps législatif est, sans doute, dans le gouvernement français, la partie purement démocratique; mais c est une grande erreur que de croire que, pour lui conserver ce caractère, il faille le tenir sans cesse en opposition avec le pouvoir exécutif, que notre zèle inexpérimenté nous fait confondre avec la prérogative royale.
Certainement, les orages qui s'élèvent, les malheureux dissentiments qui éclatent parmi nous sur l'état actuel de notre gouvernement, proviennent en partie de cette erreur, et il ne faut
pas perdre une occasion de les dissiper, car c'est ainsi que des vérités simples, dont l'usage nous est aujourd'hui familier, ont percé lentement la nuit des temps et des préjugés.
Mirabeau, impatienté de l'astucieuse injustice des reproches des ennemis de la Révolution, qui demandaient le miracle de la résurrection du pouvoir exécutif, définit ainsi ce qu'ils affectaient de ne pas entendre : le pouvoir exécutif est fait, leur dit-il; il résulte de chaque loi : il aura sa complétion avec la complétion des lois nouvelles comme il a fini avec les anciens abus.
La fausse analogie que les perfides modérateurs de la Révolution s'efforçaient d'établir entre le gouvernement français et le gouvernement anglais, doit être enfin détruite. Le fondateur de la liberté a répété souvent dans cette tribune, qu'en Angleterre le roi a lui seul le pouvoir exécutif; les lois une fois faites par le parlement, lui seul les fait exécuter; tandis qu'en France, le roi n'est que le chef suprême du pouvoir exécutif ; il ne nomme pas les agents de l'exécution, il s'en sert seulement.
Nous aurons fait un grand pas, quand cette confusion d'idées sur le pouvoir exécutif sera enfin dissipée, et les principes du gouvernement bien entendus; mais, Messieurs, la principale cause du désordre dont nous nous plaignons tous, est dans le mode de la tenue de nos séances.
Le Corps législatif n'a pas en lui-même des moyens suffisants d'action, ni sur lui-même des moyens de répression. Vainement reformerait-on les abus les plus remarqués, si l'on n'attaque le mal à la source, si le principe de l'action du Gorps législatif n'est ni connu ni développé; cette.action est la formation régulière, l'expres.-sion la plus précise et la plus vraie de la majorité des volontés; et c'est précisément dans la formation de cette majorité et dans la discussion contradictoire qui la prépare, que manquent les régulateurs. Il faut le dire, la liberté des opinions est illusoirement établie, puisqu'elle est vainement réclamée :
Le président de l'Assemblée nationale est un pivot central, sur lequel tournent sans cesse les 750 volontés circoniérentes ; il n'a donc ni ne peut avoir de force réelle pour arrêter le mouvement une fois imprimé. Les règlements sont les seuls points extérieurs sur lesquels il pourrait s'appuyer ; mais au milieu de tant de résistances inégales, l'état stationnai re ne peut être produit que par le résultat d'une longue lutte, et la destruction des forces, une fois que cet état de repos est troublé, comment pourrait-il être soudainement rétabli par un agent central, qui par cela même qu'il est forcément appliqué à la répression de chacune des volontés particulières perd sa force prépondérante, et détruit lui-même l'équilibre?
Il est temps, Messieurs, de le reconnaître : votre président remplit à la fois deux fonctions incompatibles : celle de régulateur des délibérations et celle d'organe de la volonté générale. Il résulte de ce mélange, ou, si l'on veut, de cette succession de fonctions, l'impossibilité de les remplir exactement l'une et l'autre ; et il n'y aura pour le Gorps législatif aucune garantie suffisante de l'expression passive et impartiale de ses volontés tant que les deux parties de son action demeureront ainsi confondues.
Cet inconvénient paraîtra plus sensible, si l'on fait attention que cette dictature du président, déjà si difficile à exercer, qui devrait être fortifiée par les moyens de police, est au contraire
affaiblie par leur insuffisance et leur mauvaise direction : je le répète, c'est parce que tous les moyens de réprimer les écarts de chaque volonté sont concentrés, qu'ils ne peuvent être appliqués à propos. Les intermédiaires manquent, rien ne prévient, rien ne prépare la répression ; elle est immédiate, elle est nécessairement fautive et il suffit qu'un moyen purement moral soit une fois mal appliqué, pour qu'il perde tout son ressort; c'est ainsi que le rappel à l'ordre, qui devrait être le trident dans la main du président, n'est plus qu'un faible roseau avec lequel il lutte péniblement et difficilement contre les flots, incertain s'il n'en sera pas submergé. Les conséquences de cette mauvaise organisation de l'Assemblée ne sauraient vous être échappées; c'est la seule cause de ces mouvements tumultueux qui s'accroissent par degrés, et qui sont souvent même involontairement partagée par les spectateurs. Le respect pour la majesté nationale est violé si nos délibérations sont influencées. Législateurs, vos qualités morales sont dissemblables, bonnes ou vicieuses, comme votre existence physique, comme tous les ouvrages de la nature. Qui d'entre vous osera répondre à la nation, que chacun de nos collègues a le stoïque courage, qui, toujours indépendant des événements, reste impassible comme la vérité, au milieu des plus violents orages que puissent exciter les passions humaines? Ce serait une grande injustice, Messieurs, que de chercher la cause du désordre dans les effets les plus apparents.
Non, dans l'état actuel, l'ordre général ne pourrait être produit que par l'harmonie presque impossible de toutes les passions mises enjeu. Je suis sûr qu'à peine l'ordre est troublé, que la majorité des votants et que tous les spectateurs voudraient qu'il fût rétabli ; mais il ne faut pas moins que l'unanimité instantanée des volontés pour le reproduire, tandis que la plus faible minorité peut prolonger le désordre. Il faut remarquer ici qu on a fait à une assemblée nombreuse une fausse application des règles qui suffisent à un petit nombre, à de petits espaces où les rapports se simplifient et les difficultés s'isolent, tandis qu'au contraire, dans les grandes assemblées, les rapports se compliquent, les difficultés se généralisent, et les moyens de combattre demeurent particuliers.
Les hommes agités par un esprit antisocial, les hommes chez lesquels la raison publique est tellement dépravée que l'organisation des corps politiques leur paraît toujours un principe d'oppression, cherchent une force, un principe qui n'existe plus pour eux, ainsi que les aveugles voudraient tâter la lumière; ils ne connaissent pas, ils ne veulent pas la sainteté des lois, l'expression légale de la volonté du peuple, où le peuple n'est pas; les insensés établissent un prétendu gouvernement populaire sur les mêmes bases que le despotisme : la définition qu'en a donnée l'auteur de l'Esprit des lois conviendrait à leur fantastique ouvrage; nouveaux sauvages, ils couperaient au pied l'arbre de la liberté, pour en cueillir les fruits.
Qu'ils se transportent donc aussi sur les places de Rome et d'Athènes : qu'ils disent si toute la force du peuple n'était pas dans les représentants, dans les chefs qu'il s'était choisis, et toute sa majesté dans la vénération pour les organes de la loi? Conçoit-on, en effet, que cette immense collection de suffrages, qui jamais ne fut troublée par aucune sédition dans les circonstances
les plus orageuses, eût pu exister sans un ordre et des moyens de police extrêmement forts?
En développant, Messieurs, les causes du désordre de vos séances, je crois vous avoir fait pressentir les moyens que j'ai à vous proposer. Je les divise en deux parties : l'ordre des travaux et l'ordre dans les délibérations ou la tenue des séances.
Ordre des travaux.
Vos discussions sur l'utile établissement d'un bureau central et le décret qui en est résulté sont un premier pas vers la solution de la meilleure distribution de vos travaux; mais, d'une part, l'organisation de ce bureau central est imparfaite, et, de l'autre, ses décisions ne sont pas assez précises ni assez fortement maintenues. Je vais expliquer davantage ma manière de voir sur ces deux points, en indiquant ce qui me paraît le plus expédient à faire. Premièrement, pour que le comité central puisse remplir vos vues, et fixer absolument votre confiance, pour que la priorité des objets à mettre à l'ordre du jour y soit mûrement délibérée et arrêtée, il faudrait, ce me semble, que ce bureau fixement composé, comme il l'est, de 12 membres pris sur toute l'Assemblée, fût présidé par le vice-président de l'Assemblée nationale, lorsqu'il pourrait s'y rendre, et que deux de MM. les secrétaires de l'Assemblée, par tour de semaine, hissent tenus d'assister aux séances du bureau central; il serait aussi nécessaire que chaque comité y envoyât régulièrement son président ou un commissaire, pour y discuter l'urgence des rapports qu'il proposera pour être mis à l'ordre du jour, eu présence de tous les présidents ou commissaires des autres comités. Les motifs de ces propositions n'ont, sans doute, pas besoin d'être développés. Vous sentez, Messieurs, l'utilité de cette discussion ; vous reconnaissez l'avantage que. deux des secrétaires de l'Assemblée soient parfaitement au courant du travail de la commission centrale; et lorsque je traiterai des fonctions du vice-président dans la forme des délibérations je démontrerai l'utilité de sa présence au bureau central.
Le bureau central est sans doute occupé à établir une division générale des tràvaux, et je désirerais que celle-ci fût adoptée :
Travaux de législation ;
Travaux politiques;
Travaux de finance;
Décisions, renvois, affaires particulières et pétitions. ,
Il faut trouver un moyen pour que la mulipli-cité des objets qui restent arriéres et se cumulent ne porte pas l'Assemblée, à sortir ellermême par des ajournements à jour fixe, de la route qu'elle s'est tracée.
L'Assemblée pourrait consacrer tels jours de la semaine exclusivement à tels objets, et cependant ne pas rejeter trop loin, par ces interruptions, des discussions sur des objets importants d'une autre classe de travaux. Pour remplir les deux conditions de ce problème, il faut d'abord destiner aux finances deux séances du matin ; deux séances du matin et une du soir aux objets politiques, soit intérieurs soit extérieurs, une aux travaux de législation ; une du matin et une du soir aux objets relatifs à la guerre et à la marine ; toutes les décisions, renvois et affaires particulières seraient annoncés ou lus, suivant leur importance, après le procès-verbal : j'ai
remarqué que c'était une méthode très vicieuse que d'intercaler les séances destinées à différents objets de travail, et de couper ainsi le fil des idées en prolongeant les discussions.
D'ailleurs, nous avancerions bien plus rapidement en consacrant plusieurs séances de suite 'au même objet. Je voudrais donc que les séances des lundi et mardi fussent uniquement consacrées aux finances, jusqu'à ce que nous soyons sortis du labyrinthe, et que les bases principales aient été discutées et arrêtées; mais je désirerais ue ces séances commençassent dès neuf heures u matin, et que l'on passât à l'ordre du jour, dans les séances consacrées aux finances, immédiatement après la lecture du procès-verbal. Croyez, Messieurs, que cette volonté ferme et cette constance à nous occuper principalement des finances, ne servira pas peu à relever le crédit national et à confondre les espérances de nos plus cauteleux ennemis. Il n'y a aucun de nous qui ne désire s'exercer sur ces matières, et répondre à l'invitation civique d'un de nos collègues qui nous en a si bien montré la nécessité. La séance du mardi soir serait destinée aux rapports des comités militaire et de marine, ainsi que celle du mercredi matin. Les séances du jeudi matin et jeudi soir et celle du vendredi matin pourraient être destinées aux objets de politique extérieure, d'administration et d'économie intérieure; la séance du samedi matin aux travaux de législature; celle du samedi soir à des rapports sur des affaires particulières, en solution des pétitions individuelles; enfin, les dimanches aux pétitions.
Ce n'est pas assez d'avoir destiné les heures, il faut les remplir avec justice et prévenir les réclamations sur les objets forcément arriérés qui consument les heures sans profit pour personne. Pour atteindre ce but, il suffit de changer la manière d'établir le tableau hebdomadaire; il est inutile, il est illusoire de destiner d'avance tel nombre d'objets à telle séance, comme si on pouvait prévoir, avec quelque certitude, le cours et la durée des discussions. Ce n'est pas un tableau par jour qu'il faut faire, c'est un tableau de matières, une notice des rapports sur chacune des divisions de travail qui présente dans l'ordre d'urgence irrévocablement établi, tout ce qui, sur chaque matière, est réellement prêt et mûr pour la discussion : comme on pourra rappeler, à côté de chaque partie ou division de travail, les séances qui y sont consacrées, il ne restera rien à prévoir, chacun sera satisfait, et sauraque la discussion sur tel objet ne peut être reprise que dans la séance la plus prochaine de celles destinées à cette division de travail, comme aussi que les objets les premiers sur la notice, jugés les plus urgents, doivent être épuisés avant de passer à d'autres.
Le rapporteur du comité central se présenterait à la tribune tous les dimanches après la lecture du procès-verbal, etmotiverait, au nom du comité, l'urgence des rapports sur chaque division de travail. Cet ordre d'urgence, soumis à l'Assemblée, serait discuté et décrété, pour être exécuté irrévocablement. Ce n'est que par des formes également sages et rigoureuses, que nous parviendrons à maintenir l'ordre des délibérations et à prévenir ces réclamations indécentes contre 1 ordre du jour : chacune de ces réclamations aura dû être produite dans les différents comités par les membres ; et au comité central, par les présidents ou les commissaires des divers comités; il n'y aura donc pas lieu à
le renouveler dans l'Assemblée. Dans le cas où une observation d'un comité aurait été repoussée par le comité central, elle pourra être reproduite par ce même comité, et définitivement jugée par l'Assemblée. Ainsi les motifs des décisions du comité central seront parfaitement connus, la liberté d'opinion religieusement conservée, et l'ordre des travaux de l'Assemblée solidement établi.
Ordre dans les délibérations ou tenue des séances.
L'exactitude des ordres de parole, les fonctions des officiers de l'Assemblée, les moyens de police intérieure et extérieure, concourent à produire le meilleur ordre possible dans les délibérations. Je vais traiter séparément chacun de ces objets.
Les 8 premiers articles du chapitre III de votre règlement ne laissent rien à désirer, ou du moins rien de plus sévère et de plus sage à prescrire sur l'ordre de parole ; mais c'est ici surtout que manquent les moyens d'exécution.
L'article 4, conçu en ces termes : Le Président est expressément chargé de veiller à ce que personne ne parle sans avoir obtenu de lui la parole, et à ce que jamais plusieurs membres ne la prennent à la fois. Cet article, dis-je, esl sans cesse oublié; et son exécution ne peut être garantie que par une générosité mutuelle dont les membres du Corps législatif ne peuvent s'écarter sans trahir leurs devoirs et leurs obligations envers leurs commettants. Le plus souvent on ne demande point la parole, on lutte avec fureur à qui l'arrachera, sans songer que, par le manque de procédés, on enfreint la loi conservatrice de toutes les lois, et qu'en exposant le président de l'Assemblée nationale à faire des efforts physiques pour faire obéir à la loi, on nuit à la dignité au Corps législatif. Ecoutons-nous, si nous voulons être écoutés et respectés.
Mais si l'on ne peut que faire des vœux pour l'exécution d'une loi qui dépend de la disposition des esprits, au moins peut-on corriger les formes qui multiplient et facilitent ces violations. .
Le règlement porte que la liste de la parole n'aura d'effet que pour une seule séance, mais il faut convenir qu'outre la difficulté de maintenir cette règle, les ajournements prescrits par la Constitution obligent à ouvrir les listes, et que si l-ont en usait autrement, l'Assemblée serait privée de plusieurs travaux très utiles, que plusieurs de ses membres n'entreprendraient pas, dans l'incertitude d'obtenir la parole assez tôt pour être entendus avant que la discussion fût fermée.
Pour tenir ces listes d'une manière régulière et qui ne donne lieu à aucune plainte, je pense qu'il faudrait les établir sur un ordre parfaitement semblable et parallèle à celui des travaux.
Il faudrait pour cela qu'il y eût autant de registres pour l'ordre de parole, qu'il y a de comités. Ces registres seraient placés sur le bureau du greffier, en face du président; et dès que l'Assemblée aurait décrété un ajournement, le greffier l'inscrirait sur le registre du comité qui doit en faire le rapport; alors, et seulement après que le président aurait annoncé que la liste de la parole est ouverte, chacun des membres qui voudraient se faire inscrire pour la question, viendrait apporter sa carte de député ans une boîte disposée de manière que les pre-
mières cartes qui y auraient été jetées dussent sortir les premières à l'ouverture de la boîte, qui se ferait par le greffier, en présence des secrétaires. C'est ainsi que les listes de parole pourraient être dressées avec la plus exacte justice ; et sans douté, Messieurs, vous ne trouverez point trop minutieux les soins qui peuvent prévenir la perte du temps.
Les listes de parole étant formées de la manière que nous venons d'indiquer, sur chaque objet ajourné, seraient remise au président, promulguées avant la fin de la séance, par le président lui-même, et envoyées, signées de lui au comité central.
Ces listes dé parole devront être affichées à côté de l'ordre du jour, lorsqu'un objet devra être mis en discussion; et comme, par la disposition indiquée ci-dessus pour la destination des séances et l'ordre des travaux, tous les rapports qui se trouvent prêts doivent être affichés successivement, il en sera de même des ordres de parole sur chacun de ces objets.
Cette première clôture de liste de parole n'empêchera pas que le registre ne reste ouvert ; mais pour que les liâtes affichées soient complètes, le Président fera faire, après la séance du samedi matin, un relevé exact de tous les suppléments de liste de parole, et le fera passer au comité-central.
Le rapporteur de ce comité devra relater les listes dans le rapport du dimanche, sur l'ordre des travaux de la semaine, afin que s'il s'élève quelque réclamation, l'Assemblée ait pu prononcer avant que les listes de parole soient affichées.
Il est important d'observer avant de terminer cet article, que le rapport du comité central sur l'ordre d'urgence des objets et sur les listes de parole correspondantes, ne s'étendra jamais au delà de la semaine, parce que des événements imprévus, de nouvelles décisions que l'Assemblée, pou vant accroître ou atténuer lès motifs d'urgence pour tel ou tel objet, il faut que l'Assemblée, dût-elle confirmer son premier jugement, ne s'engage pas elle-même et ne se prescrive par des règles trop strictes, qui perdraient leur force et leur bon effet, si une seule fois elles avaient dû plier devant les circonstances.
Des fonctions des officiers de l'Assemblée.
Les dispositions que je viens d'indiquer pourront, je l'espère, prévenir les difficultés qui troublent le cours de notre discussion ; mais c'est surtout l'attribution et le partage exact, la facilité et la régularité d'exécution dans les fonctions des officiers de l'Assemblée, qui peuvent établir la gravité, la solidité désirables, j'avais presque dit la solennité dans la tenue de nos séances. Je vais traiter de chacune des fonctions des officiers. Je n'ai point suivi l'ordre hiérarchique, mais celui qui m'a paru le plus propre à éviter les répétitions, en passant des objets compliqués aux objets plus simples.
Des greffiers.
Il me semble d'abord qu'il est essentiel de dégager le bureau de l'Assemblée, de toutes les communications qui peuvent le distraire des occupations qui lui sont propres, et qui ne sont ni précisément définies, ni suffisamment remplies ; pour parvenir à ce but et pour que les secrétaires, occupés des objets courants, nayant
avec les membres de l'Assemblée aucune de ces communications nécessaires qui font une des principales causes du désordre, je propose qu'il soit créé deux places de greffiers : je vais indiquer leurs fonctions avant de parler de celle des secrétaires, puisqu'il s'agit de les charger de la partie uniforme et presque mécanique du travail au bureau.
Le premier greffier, placé à la droite et un peu au-dessous du Président, serait uniquement chargé de la rédaction du procès-verbal; ce qui serait extrêmement utile au Président, et Servirait aussi beaucoup à la vérité, à l'uniformité et à la correction du procès-verbal.
Le second greffier, placé au bureau de MM. les secrétaires, en face du Président serait chargé, sous l'inspection de MM. les secrétaires : 1° de tenir le registre des ordres de parole, ainsi que je l'ai dit ci-dessus; 2° d'expédier, soit aux différents comités et bureaux de l'Assemblée, soit aux ministres, séance tenante, toutes les affaires et pièces dont l'Assemblée aurait décrété le renvoi, de telle manière qu'aucune de ces transmissions ne se trouvât arriérée d'une séance à l'autre.
Ces deux greffiers seraient en même temps les chefs, lè premier, du bureau des procès-verbaux; le second, du bureau des renvois.
La commission centrale, à laquelle je désire que l'Assemblée veuille bien renvoyer mon travail, pourra proposer le traitement dont elle les croira susceptibles.
Les secrétaires.
Les fonctions de MM. les secretaires de l'As- semblee, sent tellement indefinies, qu'a l'ex- ception du tour de redaction du procSs-verbal, il n'y a aucune repartition regulifere du travail entre eux; et tandis que l'un des six, charge de la collection des notes, de la redaction, du renvoi des pieces, ne trouve pas assez de temps entre les seances, les cinq autres ne sont point occupes, ne se croient point necessaires; et, malgre le zele de tous, il n'y a ni ordre ni exac- titude dans le service.
Je propose donc que sur les six secrétaires, trois seulement soient de service alternativement d'une séance à l'autre. Leurs fonctions pourraient être ainsi réglées.
Le premier serait chargé de mettre en ordre les différentes pièces adressées au Président, ou remises sur le bureau pendant la séance ; il noterait les pièces susceptibles d'être immédiatement renvoyées, et les ferait passer à celui de ses collègues chargé, pendant la [séance, de la surveillance dés renvois. Le même secrétaire remettrait au Président les pièces qui devraient être lues pendant la séance, prendrait ses ordres, et ferait les lectures. 1
Ce premier secrétaire serait placé à la gauche du bureau.
Le second secrétaire serait uniquement occupé à prendre des notes sur les discussions et l'état de la délibération; il recevrait les motions et amendements qui seraient rédigés sur le bureau par les membres, et les transmettrait au Président : ce second secrétaire devrait être placé à la droite du bureau. Il se trouverait ainsi plus à la portée du greffier rédactéur du procès-verbal.
Enfin le troisième secrétaire | serait uniquement occupé de la surveillance, des renvois, et de la tenue des registres des ordres de parole par le second greffier; il serait uniquement
chargé des annonces, invitations* appels des membres. Ce troisième secrétaire serait placé au centre du bureau, au-dessous du Président, et en face du second greffier.
Du vice-président, orateur de l'Assemblée.
J'aurais dû, Messieurs, traiter d'abord des fonctions du principal officier de l'Assemblée ; mais j'ai pense qu'il me serait plus facile de vous faire apprécier les avantages ae l'institution nouvelle que je vous propose, après avoir indiqué les modifications dont toutes les parties du bureau m'ont paru suceptibles.
J'ai prouvé qu'en général les fonctions que réunit yotre Président sont incompatibles; j'observe ici plus positivement que le Président est entièrement hors de sa place (qui est le pouvoir exécutif de l'Assemblée), lorsqu'il résume l'état de la délibération, qu'il.en rétablit ou suspend le cours. 11 est difficile qu'il conserve purement l'état de la question, et, par cela même qu'il n'y a pas au-dessus du Président un plus haut degré du jugement,.on croit voir son opinion dans sa manière de poser la question ; cette crainte est même naturelle, elle est même salutaire, puisque l'organe de ce rapport de Fétat de la discussion va devenir l'organe de la loi; et qu'à différentes périodes de la discussion, leur simple exposé, qui doit paraître nécessairement partial, altère forcément le caractère d'impassibilité intérieure et extérieure qui ne doit pas un seul instant abandonner le proclamateur de la loi. Il faut donc qu'il y ait un agent responsable pour cette partie essentielle dé nos travaux; un orateur qui puisse appliquer en entier son attention et son jugement a cet objet, sans être entraîné, trompé lui-même, ou distrait par l'exercice d'aucune autorité, il faut qu'il soit subordonné au Président, et que l'action de celui-ci soit toujours le dernier terme, la solution nécessaire, l'ultima ratio sapientiœ.
On pourrait m'objecter que dans la Chambre des communes d'Angleterre, le speaker ou orateur réunit les fonctions de président; mais je répondrai que les éléments et l'organisation de notre Corps législatif diffèrent essentiellement de celui de l'Angleterre.
La durée des fonctions de l'orateur de la Chambre des communes, les formes de son élection, l'influence qu'acquiert cette place à cause de la forme du gouvernement, une foule de petites circonstances, d'usages, de traditions respectées; une générosité mutuelle, la première des vertus publiques, et que malheureusement ne devance pas la maturité des gouvernements, telles sont les causes qui donnent à l'orateur président de la Chambre des communes, une force capable de balancer tous les efforts, toutes les agitations; il fàut donc que nous cherchions à produire cet admirable équilibre par des moyens différents et plus adéquates, à notre Constitution. .
J'ai pensé que les fonctions d'orateur de l'Assemblée, que j'assignerais d'une manière plus précise, pourraient être remplies par le vice-président, qu'on appellerait à l'avenir, l'orateur de l'Assemblée; il continuerait à remplacer le Président en cas d'absence et le serait lui-même par un des anciens présidents.
L'orateur de l'Assemblée devrait être placé en arrière et au-dessus de la tribune.
Les fonctions seraient ainsi limitées ;
1° Rectifier la citation des lois relatives à l'objet en discussion ;
2° Maintenir la discussion dans les termes de la question agitée ;
3° Après en avoir été requis par le Président, rappeler l'élat de la délibération, toutes les fois que la discussion aura été fermée ou interrompue, ou lorsque le Président le jugera nécessaire ;
4° Porter la parole au roi.
L'orateur doit avoir nécessairement la priorité pour la parole, toutes les fois qu'il la demandra pour remplir quelqu'une des fonctions qui lui auront été confiées ; mais il ne pourra en user qu'à son tour de parole pour en poser une opinion particulière, et alors il se fera remplacer et passera à la tribune.
Parmi les fonctions des orateurs, l'une des plus importantes est de rétablir le texte de la loi toutes les fois qu'il sera cité par les opinants d'une manière vague ou infidèle ; et pour faciliter cette utile précaution, il serait nécessaire qu'il eût sous les yeux, avec le tableau de l'ordre du jour, une notice des différentes lois déjà promulguées pour chacun des objets mis en délibération ; les greffiers auraient soin de faire préparer au bureau des procès-verbaux cette notice qui devrait être revue par l'archiviste. 11 en serait fait deux expéditions, dont l'une serait remise sur le bureau du Président et l'autre sur le bureau de l'orateur de l'Assemblée.
Après avoir déterminé les fonctions des différents officiers, et réservé au Président toutes celles déjà renfermées dans le règlement, qui sont relatives au maintien de l'ordre, à la dignité des délibérations, à l'impartiale expression des lois, j'ai cherché à diriger, vers le même but, le zèle qui nous anime tous, sans doute, mais qui, le plus souvent, reste infructueux par notre négligence à observer les règlements.
Dans une salle d'une forme circulaire, et dans laquelle les membres seraient plus rapprochés, les moyens établis seraient suffisants pour maintenir le silence, et prévenir ces fréquentes explosions de parole, ces débats particuliers qui retardent sans aucun fruit la marche des délibérations; mais dans une salle d'une forme carrée et oblongue, il est très difficile de produire, si l'on peut s'exprimer ainsi, une disposition d'esprit uniforme, une manière de parler et de se taire qui soit semblable ; car il y a nécessairement trois salles, trois régions separées, dans chacune desquelles l'ordre se trouble ou se rétablit à des temps inégaux, et qui n'ont l'une sur l'autre aucune influence, aucune force d'attraction.
Oui, Messieurs, c'est dans la disposition physique du local qu'est le secret du silence, et cette observation est plus importante qu'on ne pense.
Tous ceux qui ont observé le magnétisme des grandes Assemblées (si l'on veut passer cette expression), ont reconnu que plus les rayons visuels convergeaient facilement vers, le même point, plus l'équilibre d'attention était solidement établi ; il faut donc dans le local où nous sommes maintenant, ne pouvant mettre à une égale distance du correspondant général (le Président), chaque membre de l'Assemblée; il faut dis-je, diviser et porter dans les différentes parties de la salle, la partie de l'action du Président qui est divisible, et ce n'est pas seulement sa voix pour réclamer le silence, mais ses regards, mais son geste, mais son interlocution tacite qui préviennent à une moyenne les interruptions bruyantes, et qui demeurent sans effet a une
distance plus éloignée. Presque jamais l'ordre n'est troublé, la parole n'est arrachée dans la moyenne région ae l'Assemblée, dans ce diamètre, où sans efforts, sans s'inquiéter chaque membre voit et entend le Président, et s'identifie avec la direction générale de l'Assemblée; il s'y élève rarement des orages, et le Président peut toujours prévenir les éclats.
Dans les extrémités, au contraire, tous les moyens du Président sont affaiblis, les membres ne le voient point et surtout n'en sont point vus ; dès lors ils sont moins acteurs que spectateurs de la scène générale, et la responsabilité solidaire du silence diminue en raison de leur éloi-gnement.
Les huissiers dont le service n'est pas réglé comme il devrait l'être, non seulement ne peuvent pas suppléer la voix du Président dans les extrémités de la salle, mais j'ai remarqué que leur bruyante mobilité nuit à l'ordre, au lieu d'y servir, et qu'à mesure qu'ils s'éloignent du Président, ils se trouvent de plus en plus déplacés, n'ont aucun effet, ne hasardent pas d'en produire, parce qu'il semble que leurs gestes, leurs évocations, deviennent arbitraires, lorsqu'ils se trouvent hors de la portée des regards du Président.
Des censeurs.
Je pense donc que quatre censeurs, élus au sort entre les anciens secrétaires, pourraient fournir, à chaque séance, deux censeurs, dont les foncv tions indiquées ci-après, auraient pour objet de maintenir, concurremment avec le Président, l'ordre et le silence dans l'Assemblée. Cette élection serait renouvelée toutes Jes semaines* et proclamée par le Président avec le tableau hebdomadaire : ces deux censeurs occuperaient, à chaque extrémité de la salle, un fauteuil placé à l'endroit ou se trouvent actuellement les petites tribunes qui seraient supprimées. Chacun d'eux serait chargé, dans la partie de la salle où il serait placé, de prévenir et faire cesser le trouble et les interruptions, èn rappelant nominativement à l'ordre ceux des membres à sa portée qui s'en écarteraient, et les faisant prévenir par 1 huissier de service auprès de chaque censeur ; dans les discussions, sur les demandes 4e parole, et dans les épreuves douteuses, ils donneraient leurs témoignages lorsqu'ils en seraient requis par le Président.
Lorsque les censeurs auront rappelé deux fois nominativement à l'ordre un membre de l'Assemblée, et que chaque fois ils l'en auront fait prévenir par l'huissier de service auprès d'eux, ils seront autorisés à le dénoncer au Président.
Pour donner plus de force à ce rappel à l'ordre, je voudrais que, lorsqu'un membre de l'Assemblée a été rappelé deux fois à l'ordre par le Président, ou par les censeurs, pour cause d'interruption, d'une opinion, la parole ne lui fût accordée qu'après que la liste de parole serait épuisée, et qu'il fût censé avoir usé de son tour de parole.
Des huissiers.
Le service des huissiers de l'Assemblée a été rempli, jusqu'à présent, avec zèle, assiduité et décence, par ceux qui en sont chargés; mais, je voudrais que leurs places et leurs fonctions fussent ainsi réglées :
Un huissier sera placé à la gauche du Prési-
dent, et y nestera fixé pendant toute la durée de la séance, il n'aura d autre emploi que de proclamer le silence, et par un seul avertissement qui sera répété par deux autres huissiers, placés aux extrémités de la salle, derrière le fauteuil de chaque censeur. Un quatrième huissier se tiendra à côté du greffier rédacteur du procès-verbal, et sera destiné à la communication du bureau des secrétaires avec celui du greffier, comme aussi à porter dans l'intérieur de la salle les ordres du Président. Deux autres huissiers seront employés au service de mouvement au près des membres de l'Assemblée, chacun dans une moitié de la salle.
Les huissiers ne devront jamais réclamer le silence pendant lè coup de sonnette du Président, et ils devront toujours attendre le signal donné par l'huissier placé à la gauche du Président, qu'ils répètent tous une seule fois ; jamais le mot d'ordre ne devra être employé par les huissiers. Lorsque le Président ou les deux censeurs enverront un huissier pour rappeler un membre au silence, l'huissier, après s'être arrêté en face du membre désigné, lui dira : Monsieur, le Président ou lé censeur vous avertit. La seconde fois, t l'huissier s'exprimera ainsi : Monsieur, le Président ou le censeur vous rappelle nominativement au silence.
Les huissiers ne devraient être employés à aucun service extérieur ; et pour les suppléer en cela, je désirerais qu'il fût créé quatre places de garçons de bureau, spécialement chargés de la communication de l'extérieur avec l'intérieur de la salle, des commissions dans les comités, et autres objets relatifs à cette espèce de service; ces garçons de bureau se tiendraient aux principales entrées de la salle et à portée des huissiers chargés du service de mouvement.
De Vordre et de la décence qui doivent être gardés par les citoyens présents aux séances du Corps législatif.
Les moyens de police que je viens d'indiquer sont uniquement relatifs aux membres du Corps législatif; les rendre communs ou les appliquer au petits nombre de citoyens, témoins de nos délibérations, se serait nuire à leur effet ; et croire de si grandes précautions nécessaires, ce serait à la fois faire injure au peuple dont nous sommes les représentants, et trop bien servir les ennemis de la Constitution, en donnant quelque consistance à leurs manœuvres.
C'est une grande erreur; c'est une faussé application de la loi, que de rappeler à l'ordre les citoyens présents à nos séances ; des moyens de police justes et précis doivent jsuffire pour procurer le silenee respectueux qui doit environner nos délibérations; plus on s'est écarté de ce principe, et plus il importe d'y ramener tous les esprits.
Le règlement de l'Assemblée nationale n'est obligatoire que pour ses membres; aucune des dispositions d'ordre qui y sont comprises, ne peut être appliquée aux étrangers; ainsi, dans l'Assemblée, le silence est maintenu, le respect au règlement est gardé par convention ; et dans les tribunes ou galeries, il doit l'être par surveillance; ce qui pour nous est une observation de règlement, est pour les étrangers au Corps législatif, la non perturbation de 1 ordre, le respect à une consigne. Nous avons des causes de mouvement et d'agitation dans la manifestation et le débat très utile de nos opinions, et c'est
contre l'abus des débats que nous avons élevé la digue d'une police forte, dont le principe est dans la générosité et la solidarité des membres, pour procurer la meilleure et la plus digne manière de tenir nos séances ; mais les étrangers n'entrent pour rien dans ces motifs. L'interruption de nos délibérations, quelque légère qu'elle soit, le moindre mouvement de leur part, le moindre bruit est une violation des lois constitutionnelles ; car, il ne peut exister de parfaite liberté dans une Assemblée, que lorsque les assistants demeurent dans un état parfaitement impassible.
Je n'ai pas besoin, sans doute, de développer davantage les conséquences de la déviation des principes qui nous a entraînés jusqu'à vouloir appliquer comme un moyen de police, un simple mode de délibération le comité général : comme si la retraite des citoyens présents à nos séances, lorsque nous la jugerons nécessaire, pouvait être regardée comme une peine, comme une expulsion, comme le résultat d'une lutte entre les représentants d'un grand peuple et quelques perturbateurs. Non, Messieurs, je ne pense pas que tel soit l'esprit de la Constitution ; je n'examinerai point ici dans quelles circonstances le Corps législatif doit se former en comité général ; mais comme toutes les démarches du Corps législatif, tous ses mouvements, tous ses modes de délibération ne doivent s'exécuter qu'avec calme, avec gravité, nous ne devons pas chercher de telles armes dans la Constitution, quand elle nous en a remis de suffisantes pour le maintien de l'ordre, et qu'il suffit de les employer avec prévoyance, justice et fermeté.
Ne doutez pas, Messieurs, qu'en établissant ces moyens ae police, vous ne remplissiez le vœu de tous les bons citoyens, de ceux-là même qui, pouvant employer plus de loisir à suivre vos séances doivent constamment ici former la précieuse majorité des témoins de notre zèle pour le maintien de la Constitution : ceux-là, surtout, s'empresseront de concourir efficacement à la religieuse observation des règles que la Constitution vous oblige de leur prescrire.
Le but politique de la publicité des séances du Corps législatif n'est rempli que lorsque la libre manifestation des opinions dé chaque membre n'est arrêtée par aucun obstacle, ni voilée par le secret, ni altérée par aucune interruption; il faut que les citoyens présents à nos séances connaissent bien les principes et les différences des assemblées publiques et des assemblées politiques. Dans les jeux publics, par exemple, les marques d'approbation et d'impro-bation, la manifestation des affections et des sentiments de chacun sont réunis, que nul autre individu que ceux qui sont présents aux jeux, ne peut pour son plaisir ou son avantage, profiter ae l'ordre qui y est maintenu, ni souffrir du désordre qui s'y introduirait.
Mais dans les Assemblées des représentants du peuple, quand la liberté d'opinion souffre la moindre atteinte, les éléments ae sa volonté sont méconnus, et le vœu national n'est pas rempli. Quel représentant du peuple pourrait dire à ses commettants qu'il a exprimé librement son vœu, si des interruptions continuelles, des acclamations, des trépignements, des cris séditieux ne lui laissent pas même le libre usage de sa pensée ? Non, Messieurs, le peuple de quatre-vingt-deux départements, en se représentant sur un point du quatre-vingt-troisième, n'a pas voulu abandonner à de tels hasards l'expression de sa
volonté, et le peuple du quatre-vingt-troisième ne le veut pas davantage.
Répétons souvent aux citoyens qui nous écoutent, cette grande vérité conservatrice de leurs droits : hors de la représentation légale, le vœu du peuple ne peut être ni présumé, ni exprimé : ceux qui le disent, trompent la nation et favorisent des actes attentatoires à la souveraineté. Ne souffrons donc pas que la couronne civique soit profanée ; elle ne s'obtient pas en un jour : elle se fane promptement sur la tête du citoyen qui a pu la surprendre au peuple abusé ; douce, glorieuse, mais tardive récompense, elle fut souvent arrosée du sang de la victime couronnée ; mais la certitude del'obtenir de la postérité est une jouissance présente qui suffit aux grandes âmes, et soutient le courage du citoyen vertueux.
La liberté française ne sera bien affermie que lorsque le même respect qui accompagne dans nos temples le culte religieux, régnera dans le sanctuaire des lois, est-ce donc parce que leur culte est épuré de toute superstition, est-ce parce que l'objet de ce culte sublime, présent et sensible à tous les esprits, est le bonheur de l'humanité, est-ce parce qu'il n'a besoin ni de pompe ni ae mystères, qu'il commanderait une vénération moins profonde?
Non, Messieurs ; et puisqu'il est démontré que la moindre interruption est une infraction au pacte social, c'est à vous de procurer ce respectueux silence et de garantir aux bons citoyens qui suivent les séances du Corps législatif, qu'aucun perturbateur ne les exposera à partager leurs fautes.
L'exécution des décrets relatifs à la police extérieure et au silence dans les galeries et tribunes; le maintien du bon ordre dans la totalité de l'enceinte occupée par le Corps législatif, sont uniquement confiés à MM. les commandants en chef, les gardes nationales et grenadiers de la gendarmerie nationale.
C'est à eux de veiller à ce que les consignes soient conservées dans les termes précis de la loi. Mais pour qu'ils puissent remplir leurs devoirs, il faut que l'accès des tribunes soit libre dans le centre autant pour le bon ordre que pour la commodité des citoyens qui voudraient s'y placer. Le local ainsi disposé permettrait aux gardes de s'approcher facilement et de s'adresser aux citoyens qui contreviendraient à la loi, sans causer aucun dérangement à Ceux qui y resteraient fidèles.
Si la loi du silence est enfreinte et l'ordre troublé par un citoyen, le commandant du poste le plus à portée le fera sortir et conduire jus-ques au delà du poste le plus extérieur de 1 en-ceinte.
Si la perturbation de l'ordre des tribunes était accompagnée d'expressions irrespectueuses, de clameurs, ou d'insultes aux agents de l'autorité, le citoyen coupable de ce délit serait, conformément au règlement, conduit en prison, et il en serait rendu compte à la séance suivante, pour être prononcé par le Corps législatif, telle peine qui serait jugée convenable, suivant la gravité du cas.
J'ai rempli, Messieurs, avec la tâche que je m'étais imposée, un rigoureux devoir : je me serais reproché d'avoir employé beaucoup de temps à ces détails au milieu des objets importants qui nous occupent, si je n'étais convaincu qu'il n'est rien de minutieux ni de frivole qui ne s'ennoblisse par le but où il tend. Miroir fidèle, foyer de l'association générale, le Corps
législatif, en se soumettant à des lois de police, réfléchit l'image de la société, qui, pour n'avoir pas à décider sur des faits particuliers d'une manière contraire à l'intérêt général, choisit des fonctionnaires, bien qu'elle soit au-dessus d'eux et se soumet sans peine à leur autorité. Les bons effets de la perfection de l'organisation des Corps législatifs sont incalculables; et cette délibération s'agrandit et s'élève par l'influence qu'elle peut avoir sur la confection des lois.
J'ai l'honneur de vous présenter le projet de décret suivant :
Art. 1er. La commission centrale sera
composée de 12membres pris sur toute l'Assemblée; elle sera présidée,
par le vice-président du Corps législatif, toutes les fois qu'il pourra
s'y rendre ; deux secrétaires de l'Assemblée y seront attachés par tour
de huitaine, et chaque comité pourra y envoyer son président ou un
commissaire chargé de discuter, en présence des présidents et
commissaires des autres comités, l'urgence des rapports qu'il proposera
de mettre à 1 ordre du jour, pour lesquels il demandera la priorité.
Art. 2. L'Assemblée établit dans ses travaux l'ordre suivant : Les séances du lundi et du mardi matin seront uniquement consacrées aux finances; elles commenceront à neuf heures, et on passera à l'ordre du jour aussitôt après la lecture du procès-verbal.
Les mardi soir et mercredi matin, elle entendra les rapports qui lui seront présentés par ses comités militaire et de marine.
Les séances du jeudi matin, ou jeudi soir, du vendredi matin seront employées à des discussions relatives à la politique extérieure, à l'administration et à l'économie intérieure.
La séance du samedi matin sera destinée à des travaux de législation; celle du samedi soir, à entendre différents rapports sur des affaires particulières en solution de pétition.
Art. 3. A l'exception des jours consacrés aux finances, les décisions, renvois et affaires parti-ticulières, seront annoncés ou lus, suivant leur importance, après la lecture du procès-verbal.
Art. 4. A chaque séance du dimanche matin, le rapporteur du comité central, après la lecture du procès-verbal, présentera le tableau général du travail de la semaine; il sera disposé de manière que tous les objets prêts à être traites et mûrs pour la délibération soient classés suivant leur urgence, qui aura été décrétée et affectée aux jours où l'Assemblée doit s!occuper de semblables matières.
Art. 5. S'il arrivait qu'un comité crût devoir réclamer contre une décision du bureau central, alors le président de ce comité serait admis, après la lecture hebdomadaire, à présenter à l'Assemblée les observations, qui seraient discutées sur-le-Champ, afin que Tordre du travail de la semaine demeurât, après la décision de l'Assemblée, irrévocablement fixé.
Art. 6. Les discussions ne seront plus interrompues avant que leurs objets n'aient été termines, et si l'Assemblée n'a pas prononcé sur la question agitée pendant les séances qui y étaient consacrées, elle en reprèndra la discussion la semaine suivante, et s'en occupera exclusivement, avant de passer à d'autres questions de même nature.
Art. 7, Il sera placé sur le bureau du greffier, en face du président, un nombre de registres égal à celui des comités de l'Assemblée. Lorsque le président aura prononcé un ajournement ou un renvoi, le greffier l'inscrira suf le
registre destiné au comité qui a fait ou doit faire le rapport de l'objet ajourné, et qui servira aussi à établir les listes de parole. Immédiatement après avoir prononcé l'ajournement ou le renvoi d'un objet quelconque, le président annoncera que la liste de parole est ouverte; alors seulement les membres qui voudront s'y faire inscrire apporteront leurs cartes de députés, et les déposeront dans une botte disposée ae manière que les cartes puissent sortir dans le même ordre où elles y auront été jetées. L'ouverture de cette boîte sera faite par le greffier en présence des secrétaires, et les noms exactement inscrits.
Art. 8. Les listes de parole, formées comme on l'a dit ci-dessus, seront remises au président, proclamées par lui avant la fin de la séance, et renvoyées, signées de sa main, au comité central.
Art. 9. Ces listes de parole seront affichées avec l'ordre du jour, lorsqu'un objet devra être mis en discussion.
Art. 10. Après la clôture des listes dont on vient de parler, les registres continueront de demeurer ouverts, et on sera libre de s'y faire inscrire pour la parole, à la suite des membres qui y seront déjà portés. Tous les samedis soir, le président fera taire le relevé de ces suppléments de liste, et renverra, aussi signé de lui, à la commission centrale, dont le rapporteur sera tenu d'en faire mention le lendemain, afin que, s'il s'élève quelques réclamations à ce sujet, l'Assemblée puisse sur-le-champ les discuter et prononcer.
Art. 11. Il sera établi dans l'Assemblée deux greffiers ; le premier, placé à la droite du prési-ent, sera chargé de la rédaction du procès-verbal; le second, placé au bureau des secrétaires en face du président, tiendra, sous l'inspection du bureau, les registres de parole, et expédiéra, soit aux différents comités, soit aux ministres, séance tenante, les renvois décrétés par l'Assemblée.
Le premier sera chef du bureau des procès-verbaux, le second du bureau des renvois.
Art. 12, Le greffier rédacteur sera chargé de faire préparer au bureau des procès-verbaux, une notice des différentes lois déjà promulguées sur les objets mis en délibération ; cette notice sera toujours revue par l'archiviste : il en sera fait deux expéditions, dont l'une sera déposée sur le bureau du président, et l'autre remise au vice-président avec le tableau de l'ordre du jour.
Art. 13. Des six secrétaires, trois seront toujours de service alternativement d'une séance à l'autre.
Le premier, placé à l'extrémité gauche du bureau, mettra en ordre les différentes pièces adressées ou remises au président, et déposées sur le bureau pendant la séance; il notera celles susceptibles d'être immédiatement renvoyées aux différents comités, et les fera passer à celui de ses collègues qui sera chargé de la surveillance des renvois. Il remettra au président les pièces qui devront être lues pendant sa séance, prendra ses ordres, et fera les lectures.
Le second, placé à l'extrémité droite du bureau, au-dessous,et à portée du greffier rédacteur du procès-verbal, prendra des notes sur la discussion et l'état de délibération : il recevra les motions ou amendements rédigés par quelques membres sur le bureau, jet les remettra au président.
Le troisième se placera àu centre du bureau,
au-dessous du président, et en face du second greffier; il surveillera les renvois et la tenue des registres de parole ; il sera aussi chargé des annonces, invitations et appels des membres.
Art. 14. Le vice-président, élu pour le même temps et de la même manière que le président, remplira les fonctions d'orateur de l'Assemblée détaillées ci-après ; il continuera à remplacer le président en cas d'absence, et le sera lui-même par un des anciens présidents présent à la séance.
Art. 15. Le vice-président, orateur de l'Assemblée, sera placé en arrière et au-dessus de la tribune, ses fonctions seront :
1° De maintenir la discussion dans les limites de la question ;
2° De rappeler et résumer l'état de la délibération, après en avoir été requis par le président, toutes les fois que la discussion aura été fermée ou interrompue d'une séance à l'autre, ou lorsque le président le jugera nécessaire ;
3° De rectifier la citation des lois relatives à la discussion ;
4° De porter la parole au roi dans les députa-tions.
Art. 16. Le vice-président, orateur de l'Assemblée, aura la priorité de la parole, toutes les fois qu'il la demandera pour remplir quelques-unes de ses fonctions; mais il ne pourra en user qu'à son tour pour exposer une opinion particulière ; et alors il se fera remplacer et passera à la tribune.
Art. 17. Il sera nommé quatré censeurs, élus par le sort entre les anciens secrétaires ; cette élection sera renouvelée au commencement de chaque semaine, et proclamée par le président avec le tableau hebdomadaire.
Art. 18. De ces quatre censeurs, deux seront toujours et alternativement en fonctions à chaque séance. Ils occuperont chacun un fauteuil qui remplacera aux deux extrémités de la salle des petites tribunes qui seront supprimées.
Art. 19. Les censeurs rempliront les fonctions suivantes :
1° Maintenir l'ordre et le silence comme le président, et faire prévenir nominativement les membres qui s'en écarteront, par l'huissier de service près de chaque censeur;
2° Dénoncer au président les membres qui, prévenus deux fois parle censeur, ou par l'huissier de la part du censeur, continueraient de se permettre des interruptions ;
3° Dans les discussions sur les demandes de parole, et dans les épreuves douteuses, donner leur témoignage, lorsqu'ils en seront requis par le président.
Art. 20. Lorsqu'un membre de l'Assemblée aura été rappelé deux fois au silence par le président ou par les censeurs pour cause d'interruption d'une opinion, il sera censé avoir usé de son tour de parole, et ne pourra plus l'obtenir sur l'objet en délibération que lorsque la liste aura été épuisée.
Art. 21. Les huissiers, employés au service intérieur, alterneront pour les postes fixes, et pour les postes de mouvement.
Art. 22. Tjn huissier ' sera placé à la gauche du président, et y restera fixement pendant toute la durée de la séance ; il n'aura d'autre emploi que de proclamer le silence, et pàr un seul avertissement qui sera répété par deux autres huissiers placés aux extrémités de la salle, debout, derrière le fauteuil de chaque censéur.
Un quatrième huissier se tiendra à côté du
bureau du greffier rédacteur du procès-verbal, et sera destiné à la communication du bureau des secrétaires avec celui du greffier, comme aussi à porter dans l'intérieur de la salle les ordres du président. Deux autres huissiers seront employés au service de mouvement auprès des membres de l'Assemblée, chacun dans une moitié de la salle.
Art. 23. Les huissiers ne réclameront jamais le silence pendant le coup de sonnette du président; ils attendront le signe de celui d'entre eux qui sera placé à sa gauche, et ils le répéteront tous une seule fois.
Art. 24. Le mot d'ordre ne sera jamais employé par les huissiers ; lorsque l'un d'eux sera envoyé par le président ou les censeurs auprès d'un membre, pour le rappeler au silence, après s'être arrêté en face devant lui, il lui dira : Monsieur, le président ou le censeur vous avertit : la seconde fois l'huissier s'exprimera ainsi : Monsieur , le président ou le censeur vous rappelle momentanément au silençe.
Art. 25. Les huissiers ne seront chargés d'aucun service extérieur ; il sera créé quatre places de garçons de bureau chargés de la communication de l'extérieur avec l'intérieur de la salle, des commissions dans les comités, et autres objets relatifs à cette espèce de service ; ces garçons de bureau se tiendront aux principales entrées de la salle, et à portée des huissiers chargés du service ae mouvement.
Art. 26. Le silence dans les galeries et tribunes, l'exécution des décrets relatifs à la police extérieure, le maintien de l'ordre dans l'enceinte occupée par le Corps législatif, sont uniquement confiés à MM. les officiers commandant en chef les gardes nationales et grenadiers de la gendarmerie nationale, qui veilleront à ce que les consignes soient conservées dans les termes de la loi.
Art. 27. Les deux officiers commandant au moment de l'ouverture de la séance, se rendront auprès du président de l'Assemblée pour prendre les ordres, et lui rendront compte après la séance levée.
Art. 28. Les officiers commandant auront une place dans l'intérienr de la barre, et l'un d'eux devra toujours s'y trouver ou s'y faire remplacer par un officier de service.
Art. 29. L'emplacement des tribunes destinées aux citoyens, sera disposé de manière que le1 centre de chacune d'elles soit laissé parfaitement libre.
La garde destinée aux tribunes sera placée dans le fond, et fournira une sentinelle a chaque extrémité.
Art. 30. Si la loi du silence est enfreinte, èt le bon ordre troublé par un citoyen présent aux séances du Corps législatif dans quelque partie de la salle que ce soit, le commandant du poste le plus à portée le fera sortir, et conduire jusques au delà du posté le plus extérieur de l'enceinte.
Art. 31. Si la pertubation de l'ordre dans les tribunes est accompagnée de quelques expressions irrespectueuses, clameurs, ou insulte aux agents de l'autorité, le citoyen coupable de ce délit sera conduit'en prison, et il en sera rendu compte, à la séance suivante, par les commissaires ae la salle, pour être prononcé par le Gorps législatif telle peine qui sera jugée convenable, suivant l'exigence du cas.
A la séance de l'assemblée nationale législative du
M. A. J. Tliorillon (1), député de Paris à VAssemblée nationate législative, à ses commettants (2) et à ses collègues, touchant ses principes, que quelques journalistes ont défigurés, sur les clubs et sur l'ordre des travaux de VAssemblée.
Une indisposition assez sérieuse m'a privé, en février et mars, de plusieurs séances de l'Assemblée nationale (3). Déjà, depuis le 3 janvier, que, sur ma motion, on avait décrété que le 6 on déciderait si les assesseurs devaient remplacer les juges de paix dans toutes leurs fonctions, une extinction de voix m'ayant enlevé les rares occasions que les grands orateurs laissent aux autres députés pour porter la parole, j'avais eu le temps de regretter d'en être privé, non à cause ae la petite vanité de parler en public; mais parce que je ne l'ai jamais demandé que pour soutenir de plus en plus notre Constitution et les principes qui lui servent de base. Le même loisir m'a fait concevoir une sorte de nécessité de m'expliquer sur mes principes, que plusieurs écrivains ont dit que je n'avais pas assez prononcés, ce qui en a autorisé d'autres à m'inscrire dans la liste des prétendus ministériels, Cette occasion m'a fait naître aussi l'idée de dire un mot des clubs, et de l'ordre des travaux de l'Assemblée.
Mes principes.
Je confesse que j'ignore encore, en ce moment, ce que signifie ce mot ministériel. Mes commettants se rappelleront que celui qui, depuis 9 ans, avait quitte son état public, et vivait dans une profonde et tranquille retraite, sans prétentions quelconques, que celui qui, trois ans avant la Révolution, écrivait pour qu'elle s'opérât; qui partout, et même sous le joug de la censure, demandait l'égalité et la liberté; mais cette liberté qui ne dégénère point en licence, et qui respecte les droits et les propriétés de chacun ; cette égalité dans l'exercice des droits,sous l'égide des lois;, qui, dans ses propositions, s'éloignait autant de l'exagération de ces écrivains mercenaires qui n'ont rien à perdre, et qui n'ont à espérer que dans la confusion et le désordre, qu'il se rapprochait de ceux qui, prévoyants, mais modérés/cherchaient dans une route calme, et cependant certaine, le but du bonheur public où, par exemple, devait conduire la double représentation, que dès lors il demandait; qui, électeur réuni à l'époque à jamais mémorable du 14 Juillet 1789, n'a cessé pendant toute la Révolution, de présider les assemblées primaires, les
comités permanents, et d'administrer la sûreté de Paris; qu'un pareil homme, enfin, serait un singulier agent du despotisme, si, comme on vient de me l'expliquer c'était là un ministériel.
Serait-ce à partir de 1er octobre que, sortant d'être juge de paix, j'ai pris séance à l'Assemblée nationale, qu'il se serait opéré une métamorphose dans mes sentiments? Vous allez en juger.
Je dois à votre confiance cette profession civique; il conviendrait même que chacun des fonctionnaires publics fît la sienne, parce qu'il est clair, qu'à raison de ce que l'on le connaîtrait mieux, on bannirait de son esprit toutes ces petites inquiétudes que les uns et les autres y font naître; et l'on rassurerait ceux qui ne vous approchent que pour alarmer votre sécurité (1).
En général, j'atteste que mes opinions silencieuses, par assis et levé, ont été le plus souvent celles ae la majorité, mais, dans tous les cas, quelle que soit mon opinion lors de la discussion, quand l'Assemblée aura décrété, la mort seule me séparera de ses décrets; seule elle m'empêchera de soutenir la Constitution que j'ai jurée et que je jure de maintenir.
Dans les premiers jours, j'avais demandé que l'Assemblée ne tînt que six séances par semaine, et le matin, pour que les membres eussent plus de temps pour l'étude et pour approfondir les matières, soit dans les comités, soit dans leur cabinet; en sorte qu'en un quart d'heure au plus, ils nous épargneraient les tristes fruits de la prénotion.
La cause des émigrés est venue ; j'ai soutenu que l'inquiétude seule qu'ils donnaient â la France, demandait répression ; on peut se rappeler mes deux projets de décrets, etc.
Celle des prêtres non-assermentés a suivi;j'ai soutenu que les lois existantes étaient assez répressives; mais qu'il fallait les faire exécuter. J'avoue que ma morale constante à cet égard, est le moins de lois possible ; mais exécution prompte et certaine.
Les mesures à prendre contre les princes émigrés ont occupé l'Assemblé le 1er janvier; je voulais que l'on ajournât au 15; terme que le roi avait fixé pour avoir la réponse des électeurs. Ma raison était que l'on pourrait regarder notre décret comme prématuré.
Des membres d'une société anglais (les Wighs) avaient envoyé une adresse : j'ai bien consenti à ce qu'il en fût fait mention honorable; mais j'ai soutenu qu'en bonne politique la nation française ne devait pas correspondre avec une Société étrangère, quelque nombreuse quelle fût, par la raison qu'elle ne justifiait pas de l'attache de son gouvernement. Aimerions-nous, disais-je, qu'une Société importante de notre pays correspondît avec nos voisins, et approuvât leurs opérations, si par hasard elles étaient contraires à nos principes? cela est-il d'ailleurs de la dignité des représentants d'un grand peuple? etc.
Plusieurs de ces systèmes n'ont point été accueillis; mais ils étaient dans ma conscience; et jusqu'au moment où l'Assemblée m'a fait con-
naître sa volonté rien ne pouvait m'empêcher de m'expliquer.
Ici, et à 5 ou 6 reprises, les circonstances peu favorables, m'ont privé de la parole sur des motions que j'avais méditées; mais les orateurs, plus heureux, ayant payé ma dette, en très grande partie, il m'en reste moins de soucis.
J'arrive à un reproche qui m'a été sensible ; de ne pas avoir voté lors de l'affaire du ministre de la marine.
Je réclame à cet égard deux faits : le premier, que cette affaire à l'ordre du matin, s'est trouvé tout à coup à l'ordre du soir : le second, que j'étais déjà forcé de quitter les séances du soir a cause de mon indisposition.
Au reste, j'atteste ceux de mes collègues qui ont bien voulu prendre garde à moi, que toujours et toujours j'étais l'un des premiers entrés et l'un des derniers sortis, soit à l'Assemblée nationale, soit à celle du comité de législation dont je suis membre.
Dans ma retraite, au surplus, j'ai eu le loisir de méditer sur ce qui s'était passé sous mes yeux, et sur ce que le Logographe m'a appris de certaines séances; je veux aire des démêlés au sujet des clubs, ae l'ordre de la parole et des tra-* vaux de l'Assemblée.
Sociétés ou clubs.
Je n'ai jamais été d'aucun. Trop occupé de mes diverses fonctions publiques, mes jours, et très souvent mes nuits, y ont été employés.
Ces sociétés, nécessaires dans un temps de révolution, le sont certainement moins, lorsqu'une bonne et sage constitution, et tous les pouvoirs constitués, sont en activité.
La moindre indiscrétion, la plus petite exagération, dans dés clubs, peuvent porter la défiance et refroidir la soumission. Tous les bons citoyens doivent s'intéresser sans doute au bonheur, commun ; mais ce but s'éloigne, lorsque la surveillance diminue le respect dû aux autorités publiques, dont le discrédit est un fléau.
Cependant, je ne suis point d'avis de gêner le rassemblement de bons patriotes. La loi permet aux citoyens de s'assembler. La communication des pensées est dans la nature même de l'homme et est écrite dans notre Constitution. Je pense donc que l'on crie mal à propos contre celles dites des Jacobins et des Feuillants. Je pense qu'en se conformant aux lois, qu'en persévérant toujours à rejeter ces motions incendiaires, turbulentes, exagérées que l'on se permet de faire dans quelques sociétés, qu'en médisant sur celles qui tendent au bonheur généràl, qu'en foulant aux pieds ces dénonciations calomnieuses qui finissent par couvrir de honte leurs auteurs, la patrie ne pourra qu'applaudir au zèle de ces bons citoyens réunis. Mais il faut qu'ils l'avouent, àrai-son de ce que leur association est bien ou mal composée, ils peuvent propager le bien ou le mal.
Leur utilité, je le répète, ne ferait point de doute si l'on n'y admettait que les amis de l'ordre et de la loi: si l'on en écartait ces turbulents systématiques, qui ne trouvent leur bonheur que dans l'inconstance des choses, et même dans leur bouleversement.
Mais, dans le cas contraire, quel malheur ! leur système pervers a fait ses ravages avant que les autorités en soient instruites. Nulle surveillance active ne peut empêcher l'orateur perfide de distiller ses poisons ; et lorsqu'ils ont envenimé,
que de mal ! je ne dis pas pour guérir (cela est impossible), mais seulement pour empêcher les progrès.
D'ailleurs, est-il bien sage, lorsque le souverain (le peuple) a donné sa confiance, est-il bien sage à un gouvernement de souffrir que, sous l'ombre d'une société libre, on déguise le germe de ces petites oligarchies, dont le moindre mal est de tout troubler, ou d'alarmer?
Qu'individuellement les citoyens portent leurs plaintes à l'autorité supérieure, même contre-elle, des abus ou délits qu'ils veulent réprimer ou prévenir, ils seront accueillis avec reconnaissance; mais que des dénonciations inflammatoires publient une chimère, si ce n'est même une calomnie, sous le masque du patriotisme, c'est ouvrir la porte à la confusion et à l'anarchie.
Des sociétés particulières, si elles sont sages, sont un bien (î); si elles ne le sont pas, elles sont le centre du trouble, du désordre et du renversement des Empires.
Dans tous les cas, je pense et avec franchise et fermeté, que, s'il est vrai que plusieurs de nos collègues se réunissent à ces sociétés, ils manquent à leur devoirs.
Les représentants de la nation sont envoyés pour faire des lois ; ces lois doivent être le résultat d'un travail approfondi, d'une méditation calme, dans le silence du cabinet, oûils doivent préparer le suffrage qu'ils auront à donner à i'Assemblée.
Cette étude préliminaire doit nous mettre à même de recueillir avec fruit la juste, l'utile controverse que la discussion procure, en sorte que, sans prévention, sans instigation, nous puissions prononcer pour le mieux.
Or, est-il croyable, est-il possible, qu'un député qui a assisté, présidé, discuté dans un club, puisse encore se aire libre dans son suffrage, lorsque 2 ou 300, la veille, l'ont nécessairement influencé? Non: de telles délibérations le séduisent et l'enchaînent; et si, par la suite, la masse des bons citoyens, qui y va, se laissait remplacer par des factieux, il sé laisserait entraîner dans des systèmes dangereux, fruits honteux des passions. Songeons que lors de la Révolution nous pouvions, nous devions chercher à trouver les nommes, comme ils devaient être ; mais qu'aujourd'hui nous devons les prendre comme ils sont ; que toute notre sollicitude doit se borner à les soutenir dans l'obéissance à la loi, et à assurer leurs pas dans la carrière qu'ils ont à parcourir. Je dis donc que les députés à l'Assemblée nationale doivent s'abstenir des clubs; autrement, ils ne seront plus ces députés impassibles qui viennent calculer, avec leurs collègues, l'intérêt public. Nos commettants ne nous ont point donné leur confiance pour aller préparer notre suffrage dans un club, mais bien dans l'Assemblée des représentants de la nation: dans cette Assemblée auguste, où, ne chérissant que le bonheur public, on écarte toujours l'influence des intrigues. Je me crois si assuré de ce que je viens de dire, que j'avoue même qu'il faut être fou et exagéré pour penser autrement. D'où je
conclus ; des clubs, tant qu'on voudra, pourvu qu'ils n'entravent point la marche de l'Administration ; mais point de représentants de la nation pour les composer.
Ne convient-il pas mieux que ces représentants se préparent à recevoir les vœux individuels des citoyens, et que, tranquilles, sans passions, éclairés par la sagesse et pleins ae l'amour du bien, ils méditent s'ils les accueilleront ou les rejetteront?
Personne n'est sans faiblesse ; que de grands hommes se sont laissés subjuguer par les passions ! oh, que je regrette de ne pas être érudit! que d'exemples, que de citations se trouveraient ici I mais sans feuilleter l'histoire des autres siècles, fixons un moment nos regards sur la scène actuelle du monde: que de caméléons qui, sous mille formes, cachent l'ambition et 1 intrigue; qui, sous l'emblème de la fermeté, ne sont que des pusillanimes, et n'expriment d'autre volonté que cellè de leurs séducteurs! Un représentant, dont le suffrage ne serait que celui d'un club, serait un parjure ; il commettrait un délit contre la Constitution, et pour le moins, il violerait la foi qu'il a jurée à ses commettants. A quoi serions-nous exposés, si l'un de nous venait a participer, malgré lui, à quelque résolution qui demanderait la vigilance de la loi? De partie deviendrait-il juge? Non. Eh bien, la nation serait donc privée de son suffrage !
Réfléchissons-y ; notre mission dans la hiérarchie des pouvoirs est assez brillante et son utilité assez respectable pour abandonner, tant que nous aurons l'honneur de représenter une grande nation, le petit avantage de délibérer en club. Aimons-nous à parler? Avons-nous des talents oratoires? Nous croyons-nous capables d'y suppléer, par l'exposé simple et solide de bonnes vues pour le honneur du peuple? eh bien! nous avons la tribune, et, si elle ne peut pas toujours nous recevoir, nous avons les comités, nous avons nos collègues, et enfin la presse. D'ailleurs. nos collègues, plus pénétrés que jamais que les longs discours font perdre du temps; qu'en une demi-heure, méprisant les phrases emphatiques et oisèuses, et surtout les redites, on peut traiter une grande affaire, les orateurs se multiplieront davantage, mais, dans tous les cas, plus de clubs pour vous, la crainte d'y rencontrer un dépravé qui soutienne que ces sociétés seules expriment la volonté générale, doit vous les faire fuir...
Ordre de la parole : Travaux de V Assemblée»
A cet égard/comme le comité central paraît remplir les vues de l'Assemblée, et dans l'espoir bien fondé, que par les mesures prises, il n arrivera plus que l'on discute le soir ce qui était à l'ordre du matin, il ne me reste que quelques vœux à former.
Pour le bien public, je désirerais :
1° Qu'on limitât les orateurs à une demi-heure, et tout au plus à une heure, pour proposer leurs moyens. Cette économie de temps procurerait l'avantage d'entendre 6 orateurs au lieu de 1, et certainement, on aurait moins de phrases et plus de choses (1);
2° Que le comité central fût autorisé, s'il ne l'est pas, à donner une heure aux députés qui ont des lois à proposer. Sur le Code pénal, j ai sollicité en vain, pendant trois semaines, la parole. Ce que j'ai à proposer occupera pourtant, je l'espère, les comités ae législation, de commerce et militaire, si un jour je peux être entendu;
3° Que toujours, pour économiser le temps de l'Assemblée et mieux faire jouir les citoyens du droit de pétition, on n'en reçût plus à la barre le jour de la discussion de leur pétition dont ils seraient avertis. J'excepte les corps municipaux, administratifs et judiciaires, qui auraient quelque chose d'intérêt public et pressant à communiquer; mais à l'égard des pétitionnaires individuels, on a, je l'espère, assez reconnu combien leur lecture était illusoire; que ces citoyens seraient bien plus satisfaits, s'ils étaient présents à la discussion, où ils verraient, le zèle, les talents et l'impartialité se disputer pour leur obtenir bonne justice (1);
4° Je désirerais encore que, pour l'économie du temps de l'Assemblée et pour une plus grande utilité, quand elle désire éclairer le peuple, ou prémunir contre les instigations de nos ennemis, elle ne se chargeât plus des adresses; qu'elle se bornât à en décréter le principe ou 1 objet/ et qu'elle renvoyât aux départements pour les dresser.
Que résulterait-il de cette méthode? Les membres qui, séparément en composent, s'occuperaient à autre chose, l'Assemblée ne passerait point une séance à en entendre la lecture et à juger la priorité ; des commissaires ou un comité ne perdraient point une séance pour la dernière rédaction, qui ne finit qu'en revenant encore enlever deux heures à l'Assemblée.
A ces premiers avantages se réunirait celui de laisser aux départements la facilité de mesurer leurs expressions avec l'intelligence et l'idiome des administrés ; ces administrateurs parleraient, dans sa naïveté, la langue que leurs administrés entendent; les faits particuliers y seraient mieux développés et le remède mieux appliqué au mal et à ses progrès. Pour parer à l'ennui d'une lecture de deux heures, que le citoyen agricole n'a pas le temps de faire, ces administrateurs réduiraient l'instruction à une demi-heure, et surtout ils se défendraient des grands mots, de trames, d'orages, d'organisation sociale, etc., qui peuvent convenir à. Paris, à Bordeaux, à Marseille, etc., mais qui sont inintelligibles pour les campagnes, et surtout pour celles des extrémités de l'Empire ;
5° Qu'il n'y ait absolument que deux séances le soir : les députés des comités manquent à leur mission principale ou à leurs comités. D'ailleurs, une séance suivie, et de 6 heures le matin, vaudrait les deux qui ne commencent qu'à 11 heures et à 7 heures;
6° Que les ministres ne donnent qu'une idée de leurs comptes et qu'ils les remettent signés sur le bureau. Le temps qu'ils passent à l'Assemblée à attendre leur tour, celui qu'ils emploient à lire un compte qu'il faut toujours renvoyer à un comité, obstrue à la fois la marche de l'administration et de la législation.
A leur égard, comme à l'égard des autres citoyens, je désirerais que l'Assemblée nationale rendît une loi qui établirait des règles uniformes, lorsqu'il s'agit a'accusation. Cette idée demande quelques développements.
La Constitution, chapitre V du pouvoir judiciaire crée une haute cour nationale pour connaître des délits des ministres et agents principaux du pouvoir exécutif, et des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l'Etat, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d'accusation.
Je conviens qu'il semble ici que les ministres ne doivent être poursuivis que d'après un décret d'accusation, si toutefois on ne restreint point l'indispensabilité de ce décret, à la seconde partie, aux crimes qui attaqueront la sûreté générale.
Je dis, si toutefois on ne le restreint pas là, comme je le crois écrit dans la Constitution, chapitre III, section première.
En effet, l'article 1er porte : la
Constitution délègue exclusivement au Corps législatif les pouvoirs et
fonctions ci-après... 10° De poursuivre devant la haute cour nationale,
la responsabilité des ministres et des agents principaux du pouvoir
exécutif.
D'accuser et de poursuivre devant la même cour ceux qui seront prévenus d attentat et de complot contre la sûreté générale de l'État, Ou contre la Constitution.
11 me semble que la Constitution marque ici à Vœil, comme à l'esprit, la grande différence quelle veut apporter entre la poursuite, simple et par action, qu'engendre la responsabilité, de l'accusation et de la poursuite des prévenus d'attentat, etc.
Cette distinction est de la justice, base dis-tinctive de la liberté constitutionnelle.
Quel citoyen voudrait être ministre, si, pour avoir ordonné une défense inutile, dont ses biens sont responsables, et, si l'on veut même, sa personne, à défaut de biens, tout à coup il se trouvait dans les liens d'un secret de prise de corps, autrement dit décret d'accusation?
Quelle incohérence avec la gradationdes peines, strictement nécessaires pour la répression des crimes et délits, si l'Assemblée nationale, en opposition avec toutes les lois pénales, ne faisait aucune distinction !
Une ordonnance pécuniaire, mal à propos signée, serait punie comme un attentat contre la sûreté générale! on avouera qu'il y aurait ici exagération, confusion, abus, et même contravention et délit.
Je voudrais donê que l'on distinguât bien soigneusement la responsabilité cmte et la responsabilité criminelle j et qu'ainsi , pour la première, il y eût action contre le ministre ou autres : et pour l'autre, accusation.
Mais je voudrais que cette accusation ne fût jamais que le résultat de pièces qui, sans donner une preuve légale, donneraient au moins une si puissante présomption, que l'on pût difficilement s'y méprendré.
Et encore dans le cas de présomption seulement, lorsque le prévenu pourrait être amené sans péril, je voudrais qu'il ne fût mis d'abord qu'en état a arrestation et interrogé.
Et dans la crainte que, pendant cet interrogatoire, dés agents affidés ne fissent disparaître les preuves, je voudrais que le prévenu fût gardé à vue, ensemble ses papiers, etc.
On concilierait, par ce moyen, toute la vigilance que l'on doit à la liberté et à l'honneur d'un citoyen.
Convenons-en : tout état d'accusation, fruit de dénonciations vagues, de simples Conjectures, ne convient point à la dignité et à la justice des représentants d'une nation.
En cette partie l'Assemblée n'est que juré. Eh bien, un juré ne peut juger qu'en pleine connaissance. Or, je le demande, un long, vague, fastidieux discours, a-t-il jamais donné une preuve? A-t-il jamais pu frapper un citoyen, et surtout l'enchaîner?
7° Je désirerais, à l'égard des rapporteurs des comités, qu'ils fussent toujours choisis parmi ceux qui sont de l'avis du rapport : on a senti le ridicule d'entendre un rapporteur proposer un avis contraire au sien. D'ailleurs, étant contraire, il est mal défendu, et ainsi le comité n'est plus représenté, ses méditations, ses vues diverses, sa prévoyance, deviennent superflues ;
8° Je désirerais que la parole fût constamment accordée, par préférence, à ceux qui sont inscrits, et, dans l'ordre de leur inscription. En n'écoutant pas ceux qui se sont préparés, on perd nécessairement, tels habiles que soient les orateurs improvisateurs, n'ayant pas approfondi, leurs vues sont presque toujours plus brillantes qu'utiles; elles procurent 1 effet dangereux de 1 éclair, qui ne paraît que pour davantage nous plonger dans les ténèbres ;
9° Enfin, nos lois doivent toujours reposer sur les basses immortelles de la justice, sur celles d'une raison mûrie par l'expérience et par la prévoyance, calculée avec la plus saine philosophie et les rapports nécessaires du commerce social ; or, comme on ne peut se dissimuler que souvent nous puisons nos meilleures idées dans les conseils des sages qui ont écrit avant-nous, et qui chaque jour nous donnent à moissonner dans leurs ouvrages, j'aimerais que les orateurs ou rapporteurs publiassent les noms de ceux qui leur ont donné l'heureuse découverte ou projet qu'ils proposent à l'Assemblée, surtout lorsqu'elle adopte leur motion. La reconnaissance et l'équité nous en font un devoir ; c'est d'ailleurs l'un des moyens infaillibles de propager les talents et les vertus, et d'entretenir le feu sacré de l'émulation qui en est le germe.
Séance du
presidence de m. guyton-morveau. ;
La séance est ouverte à dix heures et demie.
annonce que, suivant le règlement décrété hier, la séance ne sera pas levée avant trois heures et demie.
, secrétaire, donne, lecture du procès-verbal de la séance du mardi 6 mars 1792, au soir.
Un événement déplorable a répandu la consternation dans cet Empire;
c'est Y assassinat du maire d'Etampes. On Vous a proposé des
dédommagements pour sa famille, et un monument à sa mémoire sur une
place publique d'Etampes pour honorer le magistrat du peuple victime de
son dévouement à la loi; (1) ; jé
Mais le jour où le magistrat du peuple, où l'homme de la loi a été immolé en la faisant exécuter, en remplissant ses fonctions avec fidélité et courage, est un jour de deuil pour la patrie ; dans ce jour le règne de la loi a cessé; la loi n'a plus existé; son flambeau a été éteint, le mouvement du corps politique a été arrêté, un point du royaume a été couvert par les ténèbres ae l'anarchie, et soumis à l'empire de la révolte et du crime. Je demande que ce jour de honte et d'infamie, ce jour de calamité soit annoncé par les dehors les plus marqués de l'affliction; qu'un deuil public annonce a toutes les provinces votre douleur profonde, votre indignation au récit d'un pareil attentat, et votre ferme intention d'en tirer une vengeance éclatante. La loi, pour être exécutée, doit être gravée dans l'opinion publique ; et sa violation doit paraître un tel attentat, que les passions les plus effrénées n osent l'entreprendre sans avoir l'appréhension de voir la patrie entière s'élever contre lui. Le moyen que je vous propose, soyez-en persuadés, Messieurs, est le seul propre à relever l'espérance des bons citoyens, à rappeler la fermeté dans le coeur des magistrats découragés, et à sauver l'Etat ; je demande donc que vous décrétiez, dans le sentiment deladouleur, que vous ressentez de l'assassinat du maire d'Etampes, un deuil de 3 jours dans tout l'Empire.
observent que l'Assemblée a déjà chargé son comité d'instruction publique.de présenter un projet sur les honneurs à rendre aux victimes du patriotisme.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Laureau au comité d'instruction publique.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des administrateurs composant le directoire du district de Beauvais, qui dénoncent à l'Assemblée nationale le refus fait par le lieutenant-colonel du 6° régiment de dragons de 2 hommes, très en état de porter les armes, qui, voulants'en-rôler, en vertu de la loi du 25 janvier dernie^ pour aller à la défense de la patrie, avaient choisi ce régiment. Les administrateurs ajoutent que le régiment présente cependant un déficit de 64 hommes, que les 2 hommes refusés avaient servi avec avantage dans ce corps, qu'ils avaient la taille et les qualités requises et que le plus âgé venait d'atteindre sa 46® année.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au pouvoir exécutif, qui rendra compte incessamment des faits qui y sont énoncés.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 7 mars 1792.
Le même secrétaire donne ensuite lecture des nouveaux membres qui doivent entrer dans la composition des comités suivants :
Comité des pétitions.
Membres : MM. Castel,
Taillefer,
Sautereau,
Delpierre,
Soubeyrand-Saint-Prix,
Philibert,
Eschasseriaux,
aîné.
Ferrus,
Dareau,
Duphénieux,
(Le plus jeune dê Faye-Lachèze, ) ces messieurs
i sera premier ' suppléant)
Batault.
Suppléants : MM. Demées,
Terrède,
Elie,
Fabre,
Marchand,
Solomiac.
Comité des assignats et monnaies.
Membres : MM. Brémontier,
Archier,
Dorizy,
Reboul,
Lavigne,
Morivaux,
Carez,
Léchelle,
Leroy (de Lisieux),
Fressenel,
Sablière-Lacondamine,
Mourain.
Suppléants : MM. Frasey,
Perrin,
Paillet,
Duhem,
Loysel,
Pantin.
Comité de Vexamen des comptes.
Membres : MM. Àrchinard,
Lefebvre,
Maignen,
Rouède,
Boisrdt-de-Lacour,
Carant,
Paigis,
Leyris,
Ille,
Dehaussy-Robecourt,
Lavigne.
Suppléants : MM. Leboucher-du-Longchamp,
Champion,
Bergeras,
Hugot,
Alleaume,
Damourette.
Comité féodal.
Membres : MM. Rolland,
Morisson,
Lemalliaud,
Deusy,
Vacher,
Frécine.
Suppléants : MM. Rubat (de Belley),
Dorliac,
Col,
Gentil (Michel),
Lerebour-de-La-Pigeonnière,
Jouffret.
Comité des décrets.
Membres : MM. Bernard,
Gaubert,
Oudot,
Cornet jeune,
Giraud,
Jouffret.
Suppléants : MM. Boisrot-de-Lacour,
Brémontier,
Durin,
Perrin,
Goujon,
Leyris,
Paignard.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Arrêté du directoire du département dllle-et-Vilaine, du 28 février dernier, portant qu'à la requête du procureur général syndic, et à la diligence des procureurs syndics de district, il sera formé des arrêtés conservatoires entre les mains des fermiers régisseurs et débiteurs des émigrés. Cet arrêté est fondé sur la nécessité d'empêcher que les- émigrés puissent soustraire leurs revenus à la main de la nation, quoique le mode d'exécution du séquestre sur leurs biens ne soit pas encore décrété. (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie cet arrêté au comité de législation.)
2° Lettre du procureur général syndic du dépar-ment de la Charente, par laquelle il annonce à l'Assemblée les troubles qui ont eu lieu à Angou-lême relativement à la circulation des grains. Il envoie en même temps un arrêté du directoire de ce département, relatif aux mesures qu'il a été nécessaire de prendre pour faire respecter la loi de la libre circulation des grains.
(L'Assemblée renvoie cette lettre à la commission des Douze.)
3° Lettre des administrateurs composant le directoire du département de la Seine-Inférieure, par laquelle ils annoncent que le 27 du mois dernier quatre charrettes chargées de laine et de coton ont été pillées sur la route de Rouen au Havre. Us donnent en même temps les motifs d'un arrêté qu'ils ont été Obligés de prendre pour empêcher la sortie hors au royaume, des cotons, faines, chanvres, cuirs, gommes et autres objets et pour prévenir et arrêter les désordres que l'exportation combinéé de ces matières a déjà occasionnés et pourrait occasionner encore.
Monsieur le Président, il y a des lois qui punissent ceux qui pillent ; l'Assemblée ne peut s'occuper de ces objets.
(L'Assemblée renvoie cette lettre à la commission des Douze.)
4° Lettre des administrateurs du directoire du département de la Charente, qui font part à l'Assemblée du zèle avec lequel les citoyens concourent et se prêtent au recrutement ; cette lettre est ainsi conçue :
» Angoulême, le 3 mars 1792.
« Vous apprendrez sans doute avec plaisir, Mes-
sieurs, que le recrutement s'effectue dans notre département avec un enthousiasme qui n'a point d'exemple. Sous l'ancien régime, les hommes cherchaient à se soustraire, par tous les moyens possibles, à la nécessité de grossir le nombre des soldats, malgré la certitude qu'ils avaient de faire la plus grande partie de leur service dans leurs foyers. Aujourd'hui, nos jeunes gens volent s'enrôler sous les drapeaux de la patrie, et l'espérance de combattre les ennemis de la liberté qu'ils ont jurée, augmente encore leur zèle et leur ardeur.
« Ce fut dimanche dernier, que la loi relative au recrutement commença à être exécutée dans ce département, et nous recevons de tous nos districts l'assurance qu'elle a produit partout le même effet, et que partout on s'est disputé le droit d'être enregistré le premier. Nos districts nous annoncent que les cent feuilles d'enrôlement que nous avions envoyées à chacun d'eux, ne suffiront pas, et ce qui nous autorise à le croire, c'est que nous sommes instruits que, dès ce jour, 90 enrôlements ont eu lieu dans notre ville et 55 dans celle de Gonfolens.
« Si l'Assemblée nationale veut satisfaire nos braves citoyens, qu'elle leur procure prompte-ment l'occasion de se signaler. Nous comptons, sur leur subordination comme sur leur courage,, et nous sommes persuadés que si les chefs veulent vaincre, il leur suffira ae marcher au combat. Quel que soit le sort de nos armes^ "nos ennemis peuvent s'attendre que nos soldats re-nàîtrOnt ae leurs cendres', et que tant qu'il existera un homme dans, ce département, il vivra libre. » (Vifs applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
Je crois être l'interprète sincère de nos concitoyens en assurant* en leur nom, à l'Assemblée que si la France a besoin de 600,000 hommes le département de la Charente est prêt à fournir son contingent. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète, au milieu des plus vifs applaudissements, que mention honorable sera faite de cette lettre dans son procès-verbal et qu'une expédition du procès-verbal sera envoyée au directoire du département de la Charente.)
4° Lettre des administrateurs du directoire du département de la Mayenne qui annoncent aussi que les recrutements se font avec une activité qui surpasse toute espérance" et qui est bien capable d'étonner les puissances mêmes qui nous menacent. 600 citoyens se sont déjà enrôlés.
(L'Assemblée, pénétrée des mêmes sentiments, décrète que mention honorable sera faite de cette lettre au procès-verbal et qu'une expédition du procès-verbal sera envoyée au directoire du département de la Mayenne.)
5° Extrait d'une lettre du 2 mars 1792 à M. Mouysset, député, par un particulier de Villeneuve-sur-Lot, département de Lot-et-Garonne, où on lui donne lès nouvelles les plus rassurantes du zèle des citoyens pour voler à la défense de la patrie et du courage qu'ils montrent à l'envi les uns des autres; cet extrait est ainsi conçu :
« Les volontaires de notre ville partent ce matin. Le nombre est de 130 hommes, auxquels se sont joints ceux de Penne, Pujol, etc... Il en est arrivé hier 20 de Lectoure. Ces militaires partiront ensemble; ils formeront un corps de
350 hommes. Le nombre serait double, si l'on voulait recevoir les jeunes gens qui n'ont pas tout à fait atteint l'âge de 18 ans. Vous seriez dans l'enthousiasme si vous étiez témoin de l'empressement que montrent tous nos patriotes pour s'enrôler. Ceux qui ne sont pas reçus à partager cette faveur se retirent en-pleurant; plusieurs même veulent partir sans enrôlement, et je suis sûr que quelques-uns partiront. Enfin tous nos chemins sont couverts de jeunes citoyens qui vont à l'envi recruter nos régiments de ligne. Ainsi, soyez bien persuadé que nous sommes décidés à partir tous, à périr tous, s'il le faut, plutôt que de souffrir qu'on porte une atteinte quelconque à notre Constitution. C'est le vœu général de toute notre contrée. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne qu'il sera faite mention honorable de cette lettre au procès-verbal.)
6° Lettre d'un grand nombre de citoyens d'Agen, qui annoncent que dans le seul district d'Agen plus de 400 jeunes gens se sont enrôlés pour le 71e régiment d'infanterie. L'impatience de ces braves citoyens a prévenu la proclamation de la loi sur le recrutement. Déjà, ils sont en marche pour se rendre à Metz et ils passeront par Paris dans la douce espérance que l'Assemblée nationale voudra bien accueillir leurs serments et l'expression du patriotisme qui les enflamme. •{Applaudissements.)
(Des acclamations répétées préviennent le décret de l'Assemblée qui ordonne la mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal.)
Qu'on ose nous attaquer, nous répondrons. Pour déterminer l'indécision de Léopold, qui nous juge d'après la nation de Coblentz, il faut lui envoyer un extrait de toutes ces adresses. (Rires et applaudissements.)
, Dans les campagnes du département de la Corrèze, il y a déjà plus de 300 hommes d'enrôlés. (Applaudissements).
7° Lettre des administrateurs du directoire du département des Landes, relative à des troubles suscités par les prêtres non-assermentés. A cette lettre sont joint trois procès-verbaux.
(L'Assemblée renvoie ces pièces à la commission des Douze.)
La députation du département de la Dordogne vient ae recevoir des administrateurs du directoire du district et des officiers municipaux de la ville de Nontron, un paquet qu'elle croit très important de communiquer à 1 Assemblée.
Je demande que ces dépêches soient lues à l'instant. (Oui! oui!).
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de surveillance !
(L'Assemblée décide que les pièces seront lues.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de ces pièces :
« Extrait des registres des délibérations du directoire du district de Nontron, département de la Dordogne, ce 24 février 1792, Van IV de la liberté.
« Les membres du directoire du district de Nontron, réunis au lieu ordinaire de leurs séances, il leur a été remis, par le' directeur de la poste de cette ville une lettre signée Texier fils, émigré, adressée à MM. les administrateurs
du district de Nontron et à MM. les maires et officiers municipaux de la ville de Nontron. Le district a aussitôt appelé la municipalité pour entendre la lecture de la lettre, datée du 3 février, mais sans mention du lieu où elle a été écrite. Les administrateurs en ont fait faire deux copies, ils ont envoyé l'une au ministre de l'intérieur, et l'autre à l'Assemblée. Par cette lettre, le sieur Texier ose tenter de les corrompre et de les rendre parjures et traîtres à la Constitution... »
Le directoire annonce qu'il a repoussé avec indignation de telles propositions, et que pour avoir un garant réciproque de leur inviolable attachement à la patrie, les administrateurs, aussitôt après la lecture de cette lettre, ont juré de mourir plutôt que de se laisser corrompre et d'accéder à toute proposition qui tendrait à porter la moindre atteinte à la Constitution.
La lettre du sieur Texier est à peu près ainsi conçue :
« -C'est avec confiance, Messieurs, que je m'adresse à vous pour vous demander de nous réunir ensemble contre les vrais ennemis du peuple. La guerre arrive à grands pas ; mais ce n'est point contre la France qu'on veut la faire. La coalition de l'Europe ne menace que les factieux, les républicains, et les tyrans plébéiens, qui veulent plonger le peuple dans l'anarchie pour le dominer ensuite à la place des rois. Quoique nous soyons dissidents d'opinions politiques; réunissons-nous contre le parti-républicain, avec les amis de l'ordre, avec les gens de la bonne cause. Il est évident... » (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je demande l'ordre du jour; ces pièces ont déjà été lues et renvoyées au comité ae surveillance (Assentiment.)
quitte sa place et reproche vivement à M. Gilbert de ne pas laisser achever la lecture des pièces... .
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de surveillance et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du directoire du district et de la municipalité de Nontron, et des sentiments qu'ils ont manifestés en cette occasion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre des administrateurs du directoire du département du Finistère, qui font part à l'Assemblée de l'acte généreux et civique de M. Launay-Allain, député, qui, outre sa contribution patriotique, a mit don à la patrie de ses boucles ét éperons d'argent, et du remboursement de son office de notaire royal, de la valeur au moins de 1,500 livres.
(L'Assemblée, voulant consigner dans ses fastes ce trait de patriotisme et de générosité, en a décrété la mention honorable dans le procès-verbal.)
2° Pétition du sieur Amant-Glay, de la ville de Fleurance, district de Lectoure, département du Gers, ancien fourrier au régiment de Beaujolais, ci-devant Lastic. Ce citoyen, bien qu'âgé de plus de 60 ans et couvert de blessures honorables, conserve encore au milieu des glaces de la vieillesse toute la vigueur et le courage de la jeunesse. Instruit du danger de la patrie, il demande d'être employé dans les postes les plus périlleux : « Je n'attends, dit-il, qu'un signe pour marcher, et, s'il le faut, pour mourir. »
Ce citoyen courageux, retiré du service et couvert de blessures, s'est distingué dans plusieurs actions. Le 15 juillet 1761, il enleva sur la Lippe à la légion "britannique, deux pièces de canon, avec le secours seul de quelques-uns de ses camarades. Je prie l'Assemblée d'ordonner le renvoi de cette pétition au pouvoir exécutif et je demande qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal.
(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif et en ordonne la mention honorable au procès-verbal.)
3° Lettre du capitaine commandant le 40e régiment d'infanterie, ci-devant Sois sonnais, qui réclame contre le fait avancé dans une lettre lue à l'Assemblée nationale (1), que le commandant de ce régiment, en garnison au Fort-Barraux, avait déserté en emportant la caisse du régiment qui contenait 200,000 livres. Le signataire assure qu'il n'a rien manqué dans cette caisse, et proteste du patriotisme des officiers de ce régiment.
Je ne sais si on a avancé à l'Assemblée que le commandant du régiment de Soissonnais avait emporté 200,000 livres. Mais ce que je sais, c'est que presque tous les officiers ont déserté et que ceux qui sont restés, au nombre de quatre, ont déjà séduit plusieurs sous-officiers et soldats. Voilà pourtant le patriotisme de ces officiers, vanté par un capitaine, qui, j'oserai le garantir d'avance ne vaut pas mieux qu'eux.
Plusieurs membres. L'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
4° Lettre du procureur syndic des districts de Saumur, qui annonce que le jour de la publication de la loi sur le recrutement de l'armée de ligne, 150 jeunes gens se sont enrôlés, et que déjà on a reçu la nouvelle qu'ils sont arrivés à leur destination ; qu'au surplus les subsistances circulent avec liberté, et que la plus grande tranquillité règne dans ce district. (.Applaudissements.)
(L'Assemblé décrète la mention honorable de cette lettre au procès-verbal.)
, au nom, du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet de décret en rectification dune erreur faite dans un décret de liquidation du 11 février dernier (2) au préjudice d'un créancier liquidé ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il s'agit de réparer une erreur préjudiciable à un créancier ae l'Etat, et qui en suspend le payement, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de liquidation et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Le décret du 11 février dernier, portant liquidation de différentes
parties de l'arriéré, sera
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
(Aisne). Les députés du département de l'Aisne n'ont pas cru devoir avertir l'Assemblée qu'il y avait du trouble au sujet des grains, dans leur département, parce qu'ils ont espéré que le pouvoir exécutif prendrait toutes les mesures nécessaires pour les arrêter. Je dois annoncer à l'Assemblée que les administrateurs de ce département ont exposé vingt fois leur vie pour empêcher la propagation des troubles, et que, par leur conduite ferme et courageuse, ils n'ont pas peu contribué à rétablir le calme; que dernièrement les brigades de gendarmerie de Villers-Cotterets, Crécy, Château-Thierry, ont dissipé un rassemblement de factieux, qui avait pour objet de piller les grains et qui parcourait les campagnes taxant les blés, qui cependant sont à bon marché dans le pays. La gendarmerie nationale est parvenue à en arrêter plusieurs, malgré les coups de fusil qui ont été tirés sur elle. (Applaudissements.) Sans doute que si les tribunaux font leur devoir, on tirera des interrogatoires de ces. chefs d'émeute des renseignements précieux sur les causes générales de la fermentation qui se manifeste à la fois dans presque tous les départements, à l'occasion ou plutôt sous le prétexte des subsistances, particulièrement dans ceux qui en sont le plus abondamment pourvus. Il n'est pas douteux que c'est là une des mille manœuvres employées par les ennemis du bien public, qui se flattent de livrer aux horreurs de la disette les parties méridionales de l'Empire, en levant sans cesse en insurrection contre la circulation des grains le peuple des départements du Nord, qui en ont au delà du besoin, et de combiner ainsi, pour arriver plus sûrement à leur but, la guerre intérieure avec les entreprises du dehors ; mais cette nouvelle manœuvre ne tardera pas, comme toutes les autres, à tourner contre ses auteurs.
Je demande que l'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces à la commission des Douze et qu'en même temps elle veuille bien faire mention honorable au procès-verbal de la conduite ferme et sage des administrateurs du département de l'Aisne et de la gendarmerie nationale agissant, le 29 février dernier, sous les ordres du sieur Toussaint Guillot, sous-lieutenant.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Jean Debry).
Un membre : Tous les jours les corps administratifs et les ministres vous dénoncent des troubles ; il faut que les ministres rendent compte de l'organisation de la gendarmerie nationale : car si cette organisation n'est pas achevée, les troubles sont certainement la faute des ministres.
Un membre du comité militaire : Le rapport sur cet objet est prêt, plusieurs lois du corps constituant sont les seules causes du retard.
(L'Assemblée ajourne à la séance de ce soir le rapport du comité militaire sur l'organisation de la gendarmerie nationale.)
(Aisne). J'ajoute que parmi les factieux il y avait un procureur syndic d'une commune voisine; il était armé-d'un fusil; l'administration l'a provisoirement suspendu, et il est maintenant dans les prisons.
Messieurs, s'il est douloureux pour les députés du département de l'Indre, d'avoir à vous annoncer, à la suite des tristes événements dont on vous a fait successivement le trop fidèle récit, que la ville de Châteauroux vient aussi d'être le théâtre d'une insurrection des plus violentes au sujet de la circulation des grains, ils éprouvent en même temps une bien grande consolation en pouvant vous apprendre que la fureur du peuple qui, dans cette circonstance malheureuse, s'est porté aux excès les plus affreux, avait été promptement arrêtée, sous la surveillance des corps administratifs et judiciaires, par les soins vigilants de la gendarmerie et les enorts réunis d'un grand nombre de gardes nationales, tant de Châteauroux que de plusieurs autres villes et lieux circonvoisins, dont les principaux sont Argenton, Lachâtre, Ghâtillon, Buzançais, Levroux et Issoudun.
Il serait difficile, Messieurs, ainsi qu'il résulte des divers procès-verbaux qui nous ont été adressés, et d'une lettre du département; il serait, dis-je, difficile de vous exprimer ce que ces gardes nationales, animées du zèle le plus ardent, et pénétrées de la plus entière soumission pour la défense et le maintien de la loi, ont déployé de courage, de prudence et d'activité.
Le civisme des gardes nationales éloignées du chef-lieu ne s'est pas borné, Messieurs, à les faire voler au secours de leurs frères d'armes de Châteauroux. Des détachements d'entre elles, quittant tous les jours leurs foyers viennent tour à tour les aider à garder les coupables qui ont été arrêtés, et dont on instruit actuellement le procès, et leur projet est de se remplacer ainsi successivement, jusqu'à ce que les séditieux aient été punis et que la tranquillité soit parfaitement rétanlie dans Châteauroux.
Je demande donc, Messieurs, autant pour donner aux gardes nationales du département de l'Indre un juste témoignage de votre satisfaction, que pour ranimer, par leur exemple, l'ardeur et l émulation de toutes les gardes nationales de l'Empire français, entre les mains desquelles reposent essentiellement pendant que les troupes de ligne sont aux frontières, la tranquillité publique et le salut de la patrie : que I Assemblée veuille bien décréter qu'il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de la conduite généreuse des gardes nationales, et de celle du directoire et de la gendarmerie nationale du département de l'Indre ; et qu'extrait du procès-verbal sera envoyé tant aux diverses brigades de la gendarmerie, qu'aux gardes nationales de toutes res parties" de ce département, par le même directoire auquel ledit extrait sera adressé dans le plus bref délai.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Collet.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture deslettres suivantes :
1° Lettre des administrateurs composant le directoire du département des Pyrénées-Orientales, qui demandent que l'Assemblée s'occupe de leurs besoins en tout genre et qui lui font part d'une lettre qu'ils ont écrite au ministre de la guerre,
ayant pour objet d'accélérer les mesures efficaces pour que le département situé sur les frontières d'Espagne, soit mis en état de défense et ne soit pas laissé plus longtemps dans un abandon qui peut compromettre la sûreté de l'Empire. Ils prient l'Assemblée de surveiller le ministre sur cet objet.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
2° Lettre écrite à MM. les députés de la Côte-d'Or, par les administrateurs du directoire du district de Beaune, qui leur annonce le succès du recrutement dans ce district, et l'enthousiasme patriotique qui^anime tous les jeunes citoyens; 120 jeunes gens se sont enrôlés en trois jours.
Je reçois à l'instant une lettre dé M. Hugau, qui m'apprend que M. Deli-vet-Saint-Mars, députe du département de l'Eure, est mort ; il sera inhumé demain vendredi à 4 heures de relevée.
(L'Assemblée nationale, touchée de la perte •qu'elle vient de faire d'un de ses membres, décrète que vingt-quatre députés, pris dans son sein, assisteront a l'enterrement de M. Delivet-Saint-Mars.)
Un de MM. les secrétaires fait l'appel des ving-quatre membres qui doivent composer la députation.
Un de MM. tes secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
Ie Lettre de deux députés de la municipalité de Crépy, département de l'Aisne, qui demandent à être admis à la barre.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis à la séance de ce soir.)
2° Adresse des administrateurs du directoire du district de Clermont en Argonne, département de la Meuse, contenant la réclamation des pauvres de ce district, dont toute l'industrie et toute la ressource est de vendre des cendres, qu'ils prennent dans les forêts pour les verreries : doivent-ils être assujettis au droit de patente?
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
, au nom des comités de marine et de législation réunis, donne lecture de la nouvelle rédaction (1 ) des observations à présenter au roi, sur la conduite de M. Bertrand, ministre de la marine ; elle est ainsi conçue :
« Sire, le cri de l'opinion s'est élevé contre le ministre de la marine ; ce cri universel, si impérieux dans tous les temps, irrésistible dans un moment où tant d'intérêts maritimes sont liés à notre situation intérieure, réveillent des inquiétudes diverses, et commandent toute l'attention des représentants du peuple français.
« L'Assemblée nationale, résolue de vous pré senter des observations sur la conduite de ce ministre, les réduit à trois griefs principaux.
Premier grief.
Il a laissé ignorer au Corps législatif l'état d'abandon où se trouve le
port de Brest, par la défection des officiers de la marine; défection
Deuxième grief.
« Il a publié, le 14 novembre dernier, qu'aucun officier de marine n'avait quitté son poste, tandis qu'il est notoire qu'à cette époque un grand nombre de ces officiers avait passé sans permission en pays étranger. »
« Dans une lettre que vous àvez adressée aux commandants des ports, sur l'émigration des officiers de la marine, vous disiez ces mots : Quel est donc votre devoir à tous ? De rester fidèlement à votre poste, et un mois après ~*bn a vu le ministre affirmer à la France, par la voie d'un journal, qu'il n'y avait pas un seul officier de la marine qui eût quitté son poste. Il a cherché depuis à se justifier, en alléguant que le mot poste ne devait s'entendre que du service, et qu'alors aucun de ceux qui étaient employés, soit à la mer, soit dans les ports, n'avait encore abandonné son service : mais en admettant même cette équivoque, que peut répondre le ministre quand on lui prouve qu'à l'époque dont il parle, le nombre d'officiers nécessaires au service, et prescrit par la loi, ne se trouvait pas dans les ports, et que, si l'on compare les revues passées a Brest le 1er octobre et le 20 novembre derniers, avec le texte formel de l'ordonnance de 1736, il en résulte qu'il manquait, notamment à Brest et à Rochefort, plus de la moitié des officiers dont la présence était indispensable ?
« Le ministre s'efforce de borner à la formation des armements les postes actifs des arsenaux de marine. Mais peut-il omettre les détails des escadres et des divisions des canonniers-ma-telots, les commissions du conseil de marine dans les ports, la garde, la conservation et la visite des vaisseaux, la garde journalière de l'amiral et de l'avant-garde, et les dispositions à faire en cas d'incendie, services cependant qu'il suffit d'énoncer pour en faire sentir toute l'importance ?
« Enfin, il suppose que l'ancienne ordonnance peut être regardée comme n'étant plus en vigueur. Mais personne n'ignore qu'une loi subsiste tant qu'elle n'est pas abrogée, tant que celle qui la remplace n'est pas exécutée.
« Les officiers de la marine devaient d'autant moins dans cet intervalle être absents de leur département, qu'ils avaient tous reçu l'ordre formel de rejoindre le 15 septembre au plus tard pour la revue de la nouvelle formation.
« Au surplus, obligés où non de se trouver à leur département, il n'était permis à aucun d'entre eux d'abandonner sa patrie quand elle est menacée. Abandonner sa patrie ! Tout Français s'indigne à cette idée. Se peut-il qu'un ministre n'ait pas craint de nier, de démentir une aussi coupable désertion? .
« Il a voulu ensuite la pallier. Tantôt il a allégué que les officiers qui n'avaient pas quitté le " royaume pouvaient être retenus par l'exemple de leurs camarades, comme si leur émigration eût pu rester ignorée; tantôt il a prétexté que les puissances voisines qui auraient eu des intentions hostiles contre la France, auraient été contenues par le bon état de notre marine, comme si ces puissances n'eussent pas elles-mêmes reçu les émigrés dans leurs Etats ; tantôt enfin, il a prétendu qu'il s'était flatté que beaucoup d'émigrés s'empresseraient de revenir. C'est ainsi que
sous les dehors de la prudence, et d'un sentiment généreux, était caché le moyen de conserver à la tête de nos armées navales des officiers rebelles ou au moins suspects; c'est ainsi qu'en paraissant servir son pays, il a enfreint les lois de son pays; car la loi du 18 décembre 1790 déclare déchus de leurs grades et emplois, tous Français fonctionnaires qui ne seront pas présents ou résidants dans le royaume, et n'auront pas prêté le serment civique. La loi du 25 juillet 1791 prononce que les officiers qui ont abandonné leur corps seront poursuivis comme transfuges; et la loi de l'amnistie ne s'appliquant qu aux faits antérieurs au 14 septembre 1791, n'accorde aux gens de guerre que la remise des peines, sans leur rendre aucun droit sur les places qu'ils avaient abandonnées.
« Sire, le ministre qui a trahi une fois la vérité et la loi, ne peut-il pas être soupçonné de les trahir toujours? Et quel succès espérer désormais d'opérations exécutées au milieu de cette juste méfiance?
Troisième grief.
« Il accorde un nombre excessif de congés sans cause légitime, dans un temps d'émigration et à la veille d'une nouvelle formation.
« Le ministre a vainement cherché à se justifier du grand nombre de congés qu'il a fait expédier à des officiers et à des élèves de la marin e* dans des circonstances où il n'en devait être accordé à personne ; lors même que son prédécesseur les avait absolument suspendus dès le 15 août, et qu'il avait donné des ordres pour rappeler dans leur département tous les officiers dont les congés ne sont pas suffisamment motivés : il en est d'autres qu'on nè: peut voir sans étonnement. Tel est, par exemple, le congé accordé à un inspecteur général qui doit toujours être en tournée, ou résider à Paris, et qui a obtenu la permission de se retirer en Hollande, sous le prétexte ridicule que la vie de Paris est trop coûteuse; tels sont encore les congés accordés à trois lieutenants pour faire leurs caravanes, et, par une condescendance que le patriotisme, au défaut de la loi, eût interdite à un ministre vraiment citoyen, on a vu ces officiers conserver leurs appointements, au moment même où ils allaient au sein d'un ordre uniquement fondé sur des distinctions que la Constitution réprouve, faire l'abdication absolue du titre de citoyen français.
« Voilà, sire, quelle a été la conduite du ministre de la marine; l'Assemblée devait à la nation de vous présenter ce tableau dans un temps où le gouvernement ne peut ramener l'ordre qu'en se montrant dévoué au maintien de la Constitution.
« Sire, il ne peut exister pour vous de grandeur véritable, que dans la détermination invariable et solennelle de seconder le vœu du peuple par tous les moyens de puissance^u'il a mis entre vos mains (Applaudissements™ le repos même dont vous avez plus d'une fois éprouve et exprimé le besoin, vous n'en jouirez que le jour où les ministres entreront dans vos sentiments, et où rejetant loin d'eux avec loyauté, ces réserves, ces subterfuges, sources éternellés d'une défiance qui entrave tous les ressorts de l'Administration, ils feront, en quelque sorte, la conquête de la confiance nationale. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée adopte cette nouvelle rédaction
des observations et décrète qu'elles seront portées au roi, dans le jour, par les mêmes commissaires chargés d'aller présenter les décrets à la sanction) (1).
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des juges du tribunal de district de Bouxon-ville, département du Loiret, qui demandent une interprétation de la loi sur les jurés.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)
, au nom du comité de Vordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret relatif au versement ordinaire du mois, à faire par la caisse de Vextraordinaire dans celle de la trésorerie nationale; il s'exprime ainsi :
Je suis chargé, Messieurs, par le comité de l'ordinaire des finances de vous présenter le projet de décret pour le versement ordinaire du mois, je vous observe que la recette des impositions qui avait augmenté de 2,000,000 livres pendant le mois de janvier, a encore augmenté de 3,600,000 livres pendant le mois de février, cependant elle est encore insuffisante pour couvrir les dépenses du mois.
Voici le projet de décret :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 ordinaire des finances sur le versement à faire par la caisse de l'extraordinaire dans celle de la trésorerie natio • nale, pour différence «entre la recette du mois de février dernier, et l'évaluation des dépenses particulières de 1791 et 1792, conformément aux décrets des 17 avril et 23 mai derniers, attendu que le service public exige impérieusement ce versement, et ne peut éprouver aucun retard, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. Ier.
« La caisse de l'extraordinaire versera à la trésorerie nationale la somme de 20,275,514 liv. pour le remplacement de la différence entre les recettes du mois de février dernier, et les dépenses ordinaires fixées par le décret du 18 février 1791.
Art. 2.
« La caisse de l'extraordinaire versera aussi, conformément aux décrets
des 17 février et 17 avril 1791, à la trésorerie nationale, la somme
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
annonce que les administrateurs du département de Seine-et-Marne, et des officiers municipaux de Melun, demandent à être introduits pour instruire l'Assemblée des troubles survenus aux environs de cette ville, au sujet des grains.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront entendus ce soir.)
communique aussi à l'Assemblée une lettre qu'il reçoit du sieur Benon, médecin de Paris, chargé par son père de remettre un don patriotique de 900 livres, destiné à fournir aux frais de la guerre; savoir : 300 livres données par le sieur Benon père, marchand de vin en gros, district de Mâcon ; 300 livres par M. Brienet, capitaine de la gendarmerie nationale du département de l'Ain, et 300 livres par M. Delord, bourgeois, district de Mâcon. A cette lettre sont jointes trois quittances, de 300 livres chacune, du trésorier de la caisse de l'extraordinaire. Le sieur Benon ajoute, dans sa lettre, qu'il profite de cet exemple et de cette occasion pour faire aussi son offrande à la patrie. Il prie l'Assemblée d'agréer l'hommage d'un plan sur l'organisation générale de la médecine, ou plutôt des médecins. (Applaudissements.)
(L'Assemblée nationale, après avoir ouï lecture de la lettre du sieur Benon, a marqué sa sensibilité par des applaudissements réitérés, et a décrété la mention honorable et l'envoi du procès-verbal au sieur Benon.)
Messieurs l'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité de législation (1) sur le mode d'exécution du décret qui a mis le bien des émigrés sous la main de la nation.
, rapporteur, donne lecture- de ce projet de décret qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, voulant déterminer promptement la manière dont les biens des émigrés, qu'elle a mis sous la main de la nation par son décret du 9 février dernier, seront administrés et fixer l'indemnité provisoire que la nation a droit de prélever sur ces biens, ainsi que les exceptions que la justice exige; après avoir entendu le rapport de son comité de législation et décrélé l'urgence, décrète ce qui suit :
« Article 1er. — Aliénation. ^ Les biens des
Français émigrés ayant été mis sous la main de la nation par le décret
du 9 février dernier, l'Assemblée nationale déclare nulles toutes
dispositions relatives à la translation de la propriété, de l'usufruit,
ou de la possession de ces biens, qui auraient été faites
postérieurement à la promulgation du décret du 9 février, ainsi que
toutes dispositions qui pourraient être faites par la suite, tant que
lesdits biens demeureront sous la main de la nation.
« Art. 2. — Administration. — Ces biens, tant meubles qu'immeubles,
seront administrés, de
« Art. 3. — Meubles. — L'administration, quant aux meubles, se bornera aux dispositions nécessaires pour leur conservation; il en sera dressé des états ou inventaires sommaires par des commissaires nommés par les directoires de district, en présence de deux membres de la municipalité du lieu; un double de ces inventaires sera déposé aux archives du chef-lieu du département.
« Art. 4. Les personnes qui se trouveront en possession actuelle de ces meubles pourront y être conservées, en se chargeant, au bas de l'inventaire, de les représenter à toutes réquisitions et en donnant caution de la .valeur.
« Dans le cas où personne ne se trouverait en possession des meunles ou préposé à leur garde par le propriétaire, comme aussi dans le cas où les possesseurs, ou préposés refuseraient de s'en charger et de donner caution, les commissaires qui procéderont à l'inventaire pourront y établir des gardiens, ou pourvoir de toute autre manière à leur conservation.
« Art. 5. ^Exceptions. — Ne sont point sujets aux dispositions du présent décret, les biens des Français établis en pays étranger avant le 1er juillet 1789; ceux dont l'absence est antérieure à la même époque; ceux qui ne se sont absentés qu'en vertu d'un passeport, pour cause de maladie ; ceux qui ont une mission du gouvernement, leurs épouses, pères et mères domiciliés avec eux ; les gens ae mer, les négociants et leurs facteurs notoirement connus pour être dans l'usage de faire, à raison de leur commerce, des voyages chez l'étranger.
Art. 6. — Moyens d'exécution. — Dans un mois à compter de la promulgation du présent décret, chaque municipalité enverra au directoire de son district l'état des biens situés dans son territoire appartenant à des personnes qu'elle ne connaîtra pas pour être actuellement domiciliées dans le épartément, ainsi que des rentes, prestations et autres redevances qui leur sont dues; le directoire du district fera passer sur-le-champ ces états au département avec son avis.
« Art. 7. Le directoire du département, d'après ses connaissances particulières et sous sa responsabilité, arrêtera définitivement, dans le mois suivant, la liste des biens qui devront être administrés conformément à l'article 2. Il fera publier et afficher cette liste, dont il enverra une copie au ministre des contributions et une autre aux commissaires régisseurs des domaines nationaux, qui seront tenus, aussitôt après la réception de cette liste, de prendre l'administration des biens y contenus.
« Art. 8. — Précautions. — Pour éviter, dans la confection de ces listes, toute erreur préjudiciable à des citoyens qui ne seraient pas sortis du royaume, les personnes qui ont des biens hors le département où elles font leur résidence actuelle, enverront au directoire du département de la situation de leurs biens, un certificat de la municipalité du lieu qu'elles habitent, qui constatera qu'elles résident actuellement dans le royaume; ce certificat sera délivré gratuitement par les municipalités ; mais le secrétaire desdites municipalités sera payé de son salaire par l'ad_
ministration des domaines séquestrés, à raison de 10 sous parchaque certificat.
« Art. 9. — Difficultés. — Les difficultés qui pourront s'élever sur le fait de l'absence, ou sur l'administration des biens séquestrés, seront terminées administrativement par les directoires de département, sur l'avis des directoires de district.
« Art. 10. — Débiteurs. — Les fermiers, locataires ou autres débiteurs des émigrés qui, à raison du séquestre, auraient été forcés à des déplacements, soit pour fournir des renseignements, ou pour payer en des lieux où ils n'étaient pas tenus de se transporter, pourront retenir, sur les sommes qu'ils verseraient leurs frais de voyages et autres indemnités qui leur auront été allouées par les directoires de département.
« Art. 11. — Triple contribution. — Tous les biens des Français émigrés payeront, par forme d'indemnité, du service personnel que tout citoyen doit à l'Etat, une triple contribution principale, foncière et mobilière pendant tout le temps que durera le séquestre, sans préjudice des indemnités que la continuité de l'absence des émigrés ou leurs complots pourraient rendre nécessaires.
« Art. 12.— Moyens d'exécution.--** Pour l'exécution de l'article précédent, chaque municipalité sera tenue de fournir un état nominatif de tous les absents, réputés émigrés, compris au rôle, tant de la contribution foncière que de la contribution mobilière, et à la suite des noms de chacun elle indiquera le montant de la cote d'imposition pour laquelle ils auront été portés dans les rôles.
« Art. 13. — Les états exigés par l'article 12 seront adressés par les municipalités au directoire du district qui, à vue d'iceux et d'après les délais qui seront à sa connaissance, fera former un rôle de supplément de la taxe ordonnée, par l'article 11 à l'égard des absents; ces rôles, ainsi formés, seront visés et rendus exécutoires de la même manière que les rôles de contributions ordinaires.
« Art. 14. — Triple retenue. — Il sera fait, en outré, une triple retenue sur Jes intérêts des rentes, prestations ou autres redevances, à raison desquelles la simple retenue est autorisée; l'administration des domaines séquestrés qui touchera ces redevances sous la déduction de la retenue simple que fera le débiteur, comptera au trésor public les deux autres parties de cette retenue.
« Art 15. — Les débiteurs de rentes, prestations ou redevances ou autres sommes quelconques dues à des émigrés, sont aussi tenus d'en fournir leur déclaration, soit à leur municipalité, soit au directoire du district ou à celui du département, à peine d'une amende qui sera toujours égale à la quotité de la redevance.
« Art. 16. Tous payements faits avant l'échéance des termes et qui ne seraient pas justifiés par des actes authentiques, sont déclarés frauduleux ; et sans y avoir égard, les débiteurs pourront être contraints à payer aux échéances portées par les titres de créance.
« Art. 17. — Créanciers. — Les créanciers des émigrés seront payés sur le produit de leurs biens, en remplissant les conditions prescrites, pour justifier la légitimité et la sincérité de leurs créances, par les articles 1 et 2 du décret du 29 juillet 1791, même par privilège aux deux dernières parties de la triple contribution ; mais après le prélèvement des frais d'administration, sans préjudice du droit de la nation, de se faire
payer du surplus de la contribution sur l'excédent des fonds ou revenus du débiteur.
« Art. 18. — Femmes, enfants, pères, mères. Si les émigrés ont, dans le royaume, femmes ou enfants, pères ou mères dans le besoin, ceux-ci pourront demander, sur les biens personnels de l'émigré, la distraction à leur profit d'une somme annuelle qui sera fixée par le tribunal du district du lieu du dernier domicile de l'émigré, en présence du procureur général du département.
« Art. 19. — Précautions. — Les femmes communes en biens avec leurs maris et demeurées en France, sont autorisées à jouir de tous les biens dépendant de leur communauté, et à en toucher à leur profit et sur leurs simples quittances, tous les revenus; il en sera de même des enfants qui seraient, avec leurs pères ou mères émigrés, en continuation de communauté.
« Les enfants qui ont des droits acquis, mais dont les pères ou mères émigrés auraient l'usufruit par les dispositions de quelques coutumes, sont autorisés a jouir des biens ainsi grevés d'usufruit, tant que le séquestre aura lieu ; les pères ou mères, donateurs, jouiront également, et pendant le même temps, et sans être tenus d'en rendre aucun compte, des biens par eux donnés à leurs enfants émigrés.
« Si les biens dont il est question dans le présent article avaient été compris dans les listes de séquestre, il en sera fait distraction sur la demande des parties intéressées, par les directoires de départements, sur l'avis de ceux de district.
« Art. 20. — Les propriétaires résidant en France, qui auraient quelques propriétés indivises avec un émigré, sont autorisés à conserver la jouissance de la propriété indivise, en payant la portion du revenu appartenant à l'émigré, à la caisse du séquestre, d'après l'évaluation qui en sera faite, par experts nommés, tant par le copropriétaire que par l'administration du domaine séquestré, les frais de laquelle évaluation seront supportés en entier par la portion appartenant a l'émigré.
« Art. 21. — Fin du séquestre. — Les biens séquestrés ne seront restitués que sur la demande personnelle du propriétaire rentré en France ou de ses héritiers légitimes résidant dans le royaume.
« Art. 22. — Conditions. — Pour obtenir cette restitution, le propriétaire sera tenu de donner caution de la valeur au moins d'une année de revenu, et, dans le cas où il quitterait de nouveau sa patrie, tant qu'elle sera menacée, l'année du revenu sera exigée-de la caution et les biens seront de nouveau mis en séquestre.
« Art. 23. — Compte. — Les revenus des biens séquestrés seront restitués avec les fonds qui les auront produits, sous la déduction de la triple contribution annuelle, au prorata du temps de l'absence et de toutes les sommes qui auront été payées en vertu des articles ci-dessus, ainsi qué dé tous les frais de régie et d'administration ; et si les revenus ne suffisent pas pour acquitter les avances faites par la nation, les biens ne seront restitués qu'après le remboursement total desdites avances.
« Art. 24. — Héritiers. —Après la mort légalement prouvée de l'émigré, ou après 25 ans du iour de la promulgation du présent décret, les biens de l'émigré qui ne se sera pas présenté seront réunis, à l'exception des fruits qui demeureront à la nation, à ses héritiers légitimes. Ceux-ci pourront même, après 10 ans, demander
à être provisoirement envoyés en possession des biens, en donnant caution.
« Art. 25. Conservation. Les biens séquestrés étant le gage des indemnités que la nation a et pourra avoir à répéter contre les émigrés, sont mis sous la sauvegarde de la loi, des corps administratifs, de la garde nationale et de toutes les autorités constituées; tout pillage, dégât, vol ou autres dommages, seront poursuivis contre les prévenus et punis sur les coupables, suivant la rigueur des lois, et en général il sera veillé à leur conservation par tous les moyens indiqués pour les domaines nationaux.
« Art. 26. — Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Plusieurs membres demandent qu'on discute d'abord l'ensemble du projet de decret.
D'autres membres rappellent le décret du 9 février et observent que le principe étant décrété, la discussion doit s'ouvrir sur les articles.
(L'Assemblée décrète qu'elle entendra la lecture successive de tous les projets.)
et plusieurs autres membres mon-? tent à la tribune et présentent des projets de décret sur la même question.
propose un article qu'il a vainement cherché dans le projet du comité et demande à le motiver.
Un membre observe à M. Lamarque qu'il pourra le présenter comme article additionel.
Plusieurs membres : La priorité pour le projet de M. Goujon!
D'autres membres : La priorité pour le projet du comité 1
(L'Assemblée accorde la priorité au projet du comité et décrète qu'il sera discuté article par article.)
, rapporteur, donne lecture du décret d'urgence qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, voulant déterminer promptement la manière dont les biens des émigrés qu'elle a mis sous la main de la nation par son décret du 9 février dernier, seront administrés, et fixer l'indemnité provisoire que la nation a droit de prélever sur ces biens, ainsi que les exceptions que la justice exige ; après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète l'urgence. »
Je demande la parole contré l'urgence et pour prouver que le décret ne doit pas être assujetti à la formalité de la sanction. Je prie d'abord les membres de l'Assemblée dont l'opinion serait peut-être choquée par la mienne de m'entendre avec la patience qui convient à la dignité des législateurs.
Ge que le comité n'a pas prévu et ce qui me paraît à moi d'une grande conséquence (surtout dans les circonstances où nous nous trouvons), c'est que la loi du séquestre soit dans la disposition pleine et entière du Corps législatif, c'est qu'elle soit décrétée comme loi non sujette à la sanction.
Ici, Messieurs, j'aborde une question délicate, mais qui n'est point hors de mon sujet. J'ose demander, je le répète, pour la dignité qui convient à l'Assemblée, que ceux de mes collègues dont, peut-être, je vais heurter l'opinion, veuillent bien tolérer la mienne et l'écouter sans prévention.
A Dieu ne plaise, Messieurs, que je veuille pré-
senter la moindre observation contre l'article constitutionnel, qui accorde au roi le droit de suspendre l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, en refusant de les sanctionner. La Constitution est notre évangile politique. La nation qui l'avoue est le Dieu qui l'a dicté, et tant que la volonté nationale n'y aura fait aucun changement, périsse mille fois le premier qui voudrait y porter atteinte. (Applaudissements.)
Tel est le sentiment dont je suis profondément pénétré, et je ne doute nullement que ce ne soit celui de tous les membres de cette Assemblée.
Mais en rendant hommage au droit constitutionnel du veto suspensif, il me sera permis, sans doute, de fixer un moment votre attention sur les moyens de prévenir l'abus qu'on pourrait en faire, en lui donnant le caractère d'un veto absolu, et en l'appliquant à une loi urgente, réclamée par tous les départements du royaume.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il existe dans cette capitale, une faction très nombreuse de mécontents, de ces hommes qui, impénétrables à l'esprit public, excessivement satisfaits d'eux-mêmes, et très peu de leurs concitoyens, assiègent les antichambres et les bureaux des ministres; et là, interprètes présomptueux de la Constitution, sourient dédaigneusement sur tel ou tel décret, et accordent à tel autre l'honneur de leur suffrage. Ils disent, lequel doit être sanctionné, lequel sera frappé du veto; en un mot, ils se constituent en conseil du roi, et c'est cette petite secte d'intrigants qui, perpétuellement en opposition avec l'Assemblée nationale et avec le vœu du peuple, obsède et trompe criminellement un monarque dont la conduite, connue avant la Révolution, autorisé à penser que s'il -agissait par lui-même ou par lui seul, aucun principe de liberté et dé justice ne lui serait étranger. (Applaudissements prolongés.)
Lorsque vous avez rendu contre les princes rebelles et contre leurs adhérents le décret du mois de novembre dernier, c'est cette même secte qui publiait, d'une part pour décourager le peuple, que l'armée de Coblentz était formidable ; et de l'autre, pour décrier l'Assemblée nationale, que les émigrés étaient en petit nombre, 6ans secours, sans armes, sans mauvais desseins, qu'il était ridicule de s'en occuper... De là le veto contre ce décret, le renfort des attroupements de Coblentz, les intrigues multipliées auprès des puissances voisines, et le danger imminent de la guerre.
Ce sont ces mêmes hommes qui ont dit que la loi contre les prêtres factieux était injuste, sous prétexte que le traitement de ces prêtres était garanti par la Constitution, comme si la Constitution ne garantissait pas toutes les propriétés, et comme s'il était défendu à la loi de irapper sur les propriétés (garanties) des citoyens coupables... De là encore le veto contre ce décret, les factions des prêtres, leur nouvelle audace et leurs complots dans les départements.
Enfin» ce sont ces mêmes hommes qui, réunis aux ennemis de la patrie, et sous le prétexte perfide de soutenir la Constitution (qu'ils brûleraient mille fois si elle était en leur pouvoir) démontreront facilement à quelques ministres qu'une mesure que réclame la presque unanimité des citoyens français, et que commande le salut de l'Etat, est contraire à la justice et à la liberté.
Si les inconvénients du veto suspensif transformé en veto absolu, résultaient nécessairement de la loi, il faudrait les supporter avec résigna-
tion, patience et fermeté ; mais c'est la loi même, c'est la Constitution qui vous indique le remède.
Ce serait une lâcheté, ce serait un crime de ne pas l'employer.
Je dis donc que sous deux rapports différents la Constitution affranchit de la sanction royale la loi que vous allez porter.
Je prie qu'on veuille la lire avec moi.
L'article 8 de la section iii du chapitre III porte « que toutes les lois concernant l'établissement, la prorogation et la perception des contributions publiques, seront promulguées et exécutées, sans être sujettes à la sanction, si ce n'est pour des dispositions qui établiraient des peines autres que des amendes ou contraintes pécuniaires ».
Le décret qui assujettit les biens séquestrés à une triple contribution, est une loi générale faite pour tous les citoyens qui s'absenteraient à une époque déterminée. La mesure particulière qu elle contient tend uniquement (et par une règle uniforme) à mettre les charges et les contributions des citoyens absents dans une égalité proportionnelle avec celles des autres citoyens. Cette loi concerne donc purement et simplement les contributions publiques. Elle n'est donc pas sujette à la sanction.
Veut-on que ce soit une loi pénale ? Mais en fait de contributions publiques, la Constitution n'assujettit à la sanction du roi que les décrets qui établiraient des peines autres que des amëhdes et peines pécuniaires ; c'est-à-dire, lorsque ces peines frapperaient sur la personne même du citoyen. Or, en envisageant comme loi pénale celle dont il s'agit, peut-on dire qu'une peine qui porte sur la contribution même, qu'elle ne fait qu augmenter, soit une peine corporelle? peut-on dire qu'elle soit dans une autre classe que celle des contraintes et amendes pécuniaires, que l'article 8 affranchit littéralement de la sanction? Non, on ne le peut pas, sans dénaturer la loi, sans ajouter à la Constitution, dire que cette loi ait besoin d'être sanctionnée.
Mais un moyen bien plus fort, plus impérieux encore vient renforcer celui-ci ; il est écrit dans la Constitution. Ce dernier, nous a souvent occupés dans le silence de nos cabinets ; mais une délicatesse extrême et fausse nous a égarés dans la pratique, et jamais nous n'avons pris de parti à cet égard. Aujourd'hui, un intérêt majeur, une crise violente, sollicitent toute la vérité : di-sons-Ia sans ménagement. -
La Constitution donne-t-elle au roi le veto absolu ? Non.
L'Acte constitutionnel porte que, dans le cas où lé roi refuse son consentement, ce refus n'est que suspensif, et que les deux législatures suivantes peuvent le rendre nul, en représentant le même déçret dans les mêmes termes.
Voilà donc deux vérités incontestables. La première, que, dans aucun cas, le veto ne peut ni ne doit être absolu; la seconde, qu'il ne peut s'appliquer qu'aux décrets.qui sont de nature à être présentés au roi par trois législatures consécutives.
Ce n'est pas moi, c'est la Constitution qui le dit formellement. Or, il est plus clair que le jour qu'un décret, dont l'exécution est essentiellement provisoire, et doit nécessairement, ou être nulle ou avoir son effet avant la législature qui jugera le veto ; il est, dis-je, de la dernière évidence que ce décret n'est point de nature à être présenté par trois législatures consécutives ; il ne peut pas l'être, il ne le sera jamais. La
Constitution est donc absolument violée, lorsque le veto est appliqué à un pareil décret. (Applaudissements,.)
Il est plus clair que le jour que le veto qui frappe ce décret est un veto absolu. Tout homme de bonne foi doit donc reconnaître que sous ce premier rapport seul on porte une atteinte essentielle à la Constitution, que nous avons tous juré de maintenir.
En vain, dira-t-on, que le chapitre de la Constitution qui énonce les décréta non sujets à la sanction au roi, n'y a point compris ceux dont je parle.
Je réponds qu'il n'était pas nécessaire d'insérer dans un chapitre ce qui était formellement dans un autre, et que toutes les pages de la Constitution sont également sacrées.
Je réponds que si la proposition que j'avance est une conséquence évidente et incontestable du droit de sanction, tel qu'il est exprimé, et défini dans l'Acte constitutionnel, peu importe que je la trouve ailleurs; elle est dans tous les chapitres, dès qu'elle est dans un seul, et quiconque se permet d'en violer un, les viole tous.
Je réponds qu'il faudrait cent volumes pour exprimer toutes les conséquences des principes que contient l'Acte constitutionnel. Or, qui oserait nier toutes les conséquences, parce qu'elles ne sont pas toutes littéralement exprimées.
J'ajoute que si nous souffrons plus longtemps cette usurpation de l'autorité royale sur le Corps législatif, nous rendons nulles toutes les lois au moment, qui, dans l'état de guerre et parmi les troubles dont on nous environne, tendront à sauver la liberté ; nous compromettrons le salut du peuple, et nous violerons la Constitution. (Applaudissements dans les tribunes.)
Telle est mon opinion, je l'ai dite : elle est au fond de ma conscience, je veux que mes concitoyens la connaissent, et je ne m'en départirai jamais. (Applaudissements.)
Je demande la question préalable sur le décret d'urgence. Quand bien même on pourrait penser que le moyen que j'ai présenté contre le décret d urgence, n'est pas celui que l'Assemblée nationale doit adopter, je vous prie de vous rappeler qu'il y a un moyen particulier relativement a la disposition de l'article du décret qui concerne la triple contribution. En d'autres termes, dans le cas où vous n'adopteriez pas les principes généraux que j'ai trouvés dans la Constitution, au moins vous avez cette seconde question à examiner : en portant à la sanction tout ce qui concerne l'administration des biens séquestres, devez-vous y soumettre l'article qui oblige à la triple contribution? Je soumets a l'Assemblée l'examen de ces deux questions.
Plusieurs membres demandent avec chaleur que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée décide que la discussion continuera.)
On propose à la fois une question qu'on peut appeler générale, et une question particulière, l'une et l'autre sur le projet de décret présenté par le comité. Quant a la question générale, il m a semblé voir ou du moins il m'a paru reconnaître aux dernières paroles que le préopinant a prononcées à la tribune, qu'il s'en, défiait déjà (Non! non! Murmures.), qu'il se défiait déjà de sa proposition générale puisqu'il a réduit lui-même les moyens à la question particulière, qu'il avait d'abord soumise à l'Assemblée.
Au reste, s'il est nécessaire de discuter l'une
et l'autre question (Oui! oui!), comme il y a des personnes prêtes à parler sur cette matière, on peut, dès à présent» ouvrir la discussion. Je vais les traiter en peu de mots, et d'après la conduite que l'Assemblée a jusqu'ici tenue, et d'après la la lettre de la Constitution. Je demande à l'Assemblée de vouloir bien m'écouter avec indulgence et attention.
Sur la question générale, je crois d'abortf qu'il n'y aurait plus de Constitution pour la France, si un seul corps constitué pouvait iuger dans quel cas ses actes sont susceptibles d être soustraits à la sanction du pouvoir opposé qui doit concourir à leur complément. Je ne vois qu'un corps constituant qui puisse décider ces questions.
Je m'explique : je suppose que le Corps législatif français puisse, comme l'a dit le préopinant, décider que tel ou tel décret n'est pas sujet à la sanction, je ne verrai dans le Corps législatif qu'un corps constituant, qu'un corps qui se revêtirait lui-même du pouvoir de soustraire à une autorité nécessaire tel ou tel acte et de là il en résulterait que le Corps législatif pourrait par le moyen d'un décret d'urgence soustraire à la sanction tout les actes qu'il ne voudrait pas soumettre. (Murmures.) Or, Messieurs, il n'y aurait plus alors de Constitution pour la France, car toutes les fois qu'un pouvoir constitué peut se revêtir d'une autorité arbitraire, il n'y a plus de Constitution, il n'y a plus rien de solide, et les citoyens sont despotiquement soumis à la volonté de ce pouvoir. La Constitution a établi la sanc-. tion pour faire reviser les lois par le représentant héréditaire de la nation, qui vérifie si les décrets du Corps législatif ont été rendus dans les formes prescrites par la Constitution et pour l'intérêt du peuple. Le Corps législatif décrète, le roi examine, il a le droit de suspendre.....(Murmures.)
On a écouté M. Lamarque parlant contre la Constitution. Je demande qu on entende M. Becquey qui la défend.
, Si le Corps législatif avait, comme l'a dit le préopinant, la faculté de soustraire à la sanction tels actes qu'il regarderait comme urgents, par la même raison vous autoriseriez aujourd'hui le roi représentant héréditaire à qui la Constitution donne tel ou tel droit à accroître aussi ses pouvoirs. 11 n'y aurait pas de motifs, si nous jugeons que nos ppuvoirs peuvent être augmentés chaque jour, qui empêchât le roi de dire aussi : je vais étendre mes pouvoirs, car je suis également pouvoir constitué. (Murmures.)
C'en est assez, je dirai plus, c'en est trop pour réfuter une proposition qui est directement lancée contre la Constitution et qui l'anéantirait. Il n'y a point de Constitution, nous dit la Déclaration des droits, où les pouvoirs ne sont pas exactement limites.
Je reviens, Messieurs, à la question particulière à laquelle M. Lamarque paraissait s'être réduit en quittant la tribune. Il vous a dit qu'il fallait soustraire à la sanction la partie du décret qui concerne la triple contribution sur les biens des émigrés. Je prétends encore que M. Lamarque s'est trompé dans cette question, et je vais essayer de le prouver.
La Constitution porte que les décrets du Corps législatif, relatifs aux contributions, ne seront point sujets à la sanction ; et pourquoi, Messieurs? Parce que les représentants du peuple doivent voter librement pour le peuple et abstraction faite du représentant héréditaire, les impôts
que le peuple paye pour subvenir aux besoj^s publics. Voilà, Messieurs, quelle est l'intention de la loi. Mais il faut bien distinguer. Les biens et les personnes t lorsque les représentants du peuple votent des contributions, ils les votent sur tous les revenus sans distinction de personnes. Ici, ce n'est pas une contribution que vous exigez, c'est une peine que vous imposez. (Murmures.) Le premier caractère d'une contribution, c'est de frapper immédiatement sur tous, et du moment où il y a distinction de personnes, je n'aperçois plus de contribuables, dans le décret dont il s'agit, c'est à raison des personnes qu'on impose une double contribution, et non pas à raison des biens, c'est donc une amende particulière et non pas une contribution ; on ne la perçoit pas sur des biens libres, mais on la retient sur des biens saisis, je dis donc que le terme de triple contribution qui est employé par votre comité de législation, ne l'a été que pour exprimer la quotité de la somme qu'il faut retenir sur les biens des émigrés; mais non à titre de contribution, c'est une indemnité que vous vous réservez pour dédommager la nation des frais de la guerre qu'ils cherchent à vous susciter; ce n'est point une contribution puisqu'elle ne vous frappera pas tous ; la Constitution ne connaît point d'exception, c'est donc un acte du Corps législatif qui ne peut être exécuté, comme tous les autres décrets, qu'avec la sanction du roi, puisqu'il n'est pas dans le nombre de ceux que la Constitution a exceptés; en matière d'exercice de pouvoirs constitués, chacun n'a de pouvoir, d'autre autorité-que celle qui est précisément écrite dans la Constitution.
D'après ces observations, je demande la question préalable sur les deux propositions de M. Lamarque.
Je crois que le préopinant s'est trompé, lorsqu'il a établi que la question était de savoir si le Corps législatif pouvait se donner une autorité arbitraire. Personne dans l'Assemblée ne peut soutenir ce principe, le Corps législatif n'a que le pouvoir qui lui est donné par la Constitution. La véritable question est donc de savoir si la Constitution n'ayant établi en faveur du roi que le veto suspensif, il peut en aucune circonstance exercer le veto absolu. Cette question est vraiment importante; et pour vous en convaincre, je n'ai besoin que de vous rappeler ce qui l'a fait naître. C'est le veto apposé par le roi à des décrets qui vous étaient impérieusement dictés, pour le salut public," par l'opinion de là France entière. Vous avez vu que le roi exerçait alors, non pas un veto suspensif, mais véritablement un veto absolu, puisqu'il ajournait des décrets de circonstance jusqu'après l'époque où ces circonstances devaient naturellement être passées. Cependant, si je remarque que l'Assemblée a cru qu'il était de sa prudence de jeter un voile religieux sur cette question, jusqu'à ce que des circonstances plus déterminées la forcent à l'examiner dans toute son étendue, je lui représenterai que, dans ce moment-ci, elle peut encore se dispenser de lever ce voile religieux ; et peut-être, Messieurs, y aurait-il un danger à le faire; car nous ne pouvons nous le dissimuler, de tous les côtés on cherche à discréditer l'Assemblée nationale, tantôt en disant qu'elle ne remplit pas ses devoirs, tantôt qu'elle véut les outrepasser sous le prétexte du salut du peuple. Il faut donc éviter ces deux inconvénients, et plus vous mettrez de
sagesse et de modération dans votre conduite, plus vous confondrez nos ennemis de quelques côtés qu'ils soient ; il faut couvrir ces inculpations du mépris qu'elles méritent. (Applaudissements.) En laissant donc, dans ce moment, la question indécise : je vous observerai que vous n'avez nul intérêt à l'approfondir présentement.
D'abord, Messieurs, remarquez que le principe de votre décret, sur le séquestre est sanctionné par le roi : craindriez-vous pour les dispositions subséquentes, pour celle de la triple imposition, mot que je voudrais rayer, parce qu'il serait très immoral même de confondre aux yeux des citoyens, ce que l'on appelle réellement la contribution d'avec une peine? Craindriez-vous, dis-je, que les dispositions subséquentes ne fussent pas sanctionnées? L'Assemblée constituante avait établi la triple imposition, le décret a été sanctionné par le roi ; le roi sanctionnera sans doute, dans cette occasion, les conséquences du principe qu'il a déjà sanctionné. Que serait en effet le principe qui met les biens des .émigrés sous la main de la nation, si vous ne vous réserviez en même temps le droit de prendre sur ces biens l'indemnité qui vous appartient?
Je demande donc, Messieurs, que nous fassions cette loi salutaire dans cette séance, et que,, sans nous laisser aller à une question importante et dont l'intérêt public n'exige pas la discussion en ce moment-ci, on adopte 1 urgence et que le décret soit mis aux voix article par article. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte le décret d'urgence.) (1).
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. ler.
Aliénation.
« Les biens des Français émigrés ayant été mis sous la main de la nation par le décret du 9 février dernier, l'Assemblée nationale déclare nulles toutes dispositions relatives à la translation de la propriété, de l'usufruit, ou de la possession de ces biens, qui auraient été faites postérieurement à la promulgation du décret au 9 février, ainsi que toutes dispositions qui pourraient être faites par la suite, tant que lesdits biens demeureront sous la main de la nation. »
demande que la nullité des ventes, proposée dans le premier article pour celles qui auraient été, faites dans la publication du décret, soit étendue à toutes les aliénations faites depuis le jour de la sanction. Il observe que le décret du séquestre a été proclamé dans tout le royaume par la voie des papiers publics, et qu'un grand nombre d'émigrés en ont sciemment éludé les dispositions.
combat cet amendement en observant qu'il tendrait à donner un effet rétroactif à la loi.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur- l'amendement de M. Saladin.)
propose qu'il soit établi une administration particulière pour les biens des princes émigrés, en faveur de leurs créanciers.
(L'Assemblée ajourne l'amendement de M. Gou-pilleau.)
Plusieurs membres proposent divers amendement qui sont rejetés par la question préalable.
Un membre propose un autre amendement portant qu'aucun remboursement ne pourra être fait à aucun Français émigré, qu'à la caisse du séquestre sous peine de nullité du remboursement et du payement.
, rapporteur. L'article 16 traite des traitements frauduleux et c'est là que cet amendement trouvera mieux sa place.
(L'Assemblée ajourne la discussion de cet amendement jusqu'à la discussion de l'article 16 et adopte l'article 1er.)...
, rapporteur, donne lecture dé l'article 2 qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 2.
Administration.
« Ces biens, tant meubles qu'immeubles, seront administrés, de même que les domaines nationaux, par les régisseurs de l'enregistrement, domaines et droits réunis, leurs commis et préposés, sous la surveillance des corps administratifs, d'après les règles prescrites par les décrets des 9 mars, 16 et 18 mai; et 19 août 1791, concernant l'administration des domaines nationaux ».
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :
Art. 3.
Meubles.
« L'administration, quant aux meubles, se bornera aux dispositions nécessaires pour leur conservation; il en sera dressé des états ou inventaires sommaires, par des commissaires nommés par le§ directoires de district, en présence de deux membres de la municipalité du lieu; un double de ces inventaires sera déposé aux archives du chef-lieu du département. »
Un membre : Je propose, par amendement, qu'après les mots -. quant aux meubles, ilsoitajouté ceux-ci : et effets mobiliers.
Un autre membre : Pour éviter toute équivoque,-il faut encore ajouter ces mots : et actions.
(L'Assemblée décrète les deux additions proposées, puis adopte l'article 3.)
Suit la teneur de cet article :
Art. 3.
Meubles.
« L'administration, quant aux meubles, effets mobiliers et actions, se bornera aux dispositions nécessaires pour leur conservation; il en sera dressé des états ou inventaires sommaires, par des commissaires nommés par les directoires de district, ert présence de deux membres de la municipalité du lieu; un double de ces inventaires sera déposé aux archives du chef-liéu du département. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu :
« Art. 4. — Les personnes qui se trouveront en possession actuelle de ces meubles, pourront y être conservées, en se chargeant, au bas de l'inventaire, de les représenter à toutes réquisitions, et en donnant caution de la valeur.
« Dans le cas où personne ne se trouverait en possession des meubles, ou préposé à leur garde par le propriétaire, comme aussi dans le cas où les possesseurs ou préposés refuseraient de s'en charger et dé donner caution, les commissaires qui procéderont à l'inventaire pourront y établir es gardiens, ou pourvoir de toute autre manière à leur conservation. »
Un membre propose qu'à la fin de cet article, et après ces mots, ou pourvoir de toute autre manière à leur conservation, il soit ajouté ceux-ci : régie ou mise en valeur.
(L'Assemblée décrète l'addition proposée, puis adopte l'article 4.)
Suit la teneur de cet article :
Art. 4.
« Les personnes qui se trouveront en possession actuelle de ces meubles, pourront y être conservées, en se chargeant, au bas de l'inventaire, de les représenter à toutes réquisitions, et en tonnant caution de la valeur.
.« Dans le cas où personne ne se trouverait en possession des meubles, ou proposé à leur garde par le propriétaire, comme aussi dans le cas où les possesseurs ou préposés refuseraient de s'en charger et de donner càution, les commissaires qui procéderont à l'inventaire pourront y établir des gardiens, ou pourvoir de toute autre manière à leur conservation, régie ou mise en valeur. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 qui est ainsi conçu :
Art. 5.
Exceptions.
« Ne sont point sujets aux dispositions du présent décret, les biens des Français établis en pays étranger avant le 1er juillet 1 /89; ceux dont l'absénçe est antérieure à la même époque ; ceux qui né se sont absentés qu'en vertu d'un passeport, pour cause de maladie; ceux qui ont une mission du gouvernement, leurs épouses, pères et mères domiciliés avec eux ; les gens de mer, les négociants et leurs facteurs, notoirement connus pour être dans l'usage de faire, à raison de leur commerce, des voyages chez l'étranger. »
Parmi les exceptions à faire, il en est, pour une classe d'hommes qui méritent l'attention de l'Assemblée; je veux parler des artistes et des savants qui voyagent pour s'instruire en médecine, en chirurgie, en botanique, en minéralogie, etc.
vous savez que la minéralogie est encore parmi nous dans son enfance. Eh bien, il est des artistes qui voyagent en Suède, en Russie, en Allemagne, pour étudier l'exploitation. des mines et recueillir des lumières, dont ils viendront ensuite faime l'application pour le bien de leur pays. .
Les peintres et les sculpteurs sont obligés d'aller travailler sur les modèles que leur fournit l'Italie. La prospérité nationale se compose de
divers éléments, et les arts y entrent pour une grande partie. Les lumières et les arts qui, dans tous les pays, ont concouru à l'établissement de la liberté, ne conspirent jamais contre elle. Je propose pour amendement à l'article, sont exceptés tes artistes notoirement connus voyageant pour les progrès de Vart.
Un membre : Je demande que l'exception s'étende aux savants.
Rien n'est plus arbitraire que le titre de savant; il n'est pas un émigré qui ne serait tenté de le prendre ; je crois, Messieurs, que l'exception que vous avez faite suffit, parce que, si un homme véritablement artiste se présentait pour avoir une exception à la loi, certainement cette exception ne souffrirait aucune difficulté, parce qu'elle est de droit. Au contraire, si vous faites uhe exception expresse en faveur des savants et des artistes, tous les émigrés échapperont à la loi à moins que vous n'établissiez une académie pour juger de leurs talents. (Rires.)
Plusieurs membres : Ouvrez l'article !
Je ne conçois pas comment, lorsqu'on excepte les négociants, classe extrêmement nombreuse, et dont on peut aussi usurper le titre, car tout homme peut prétexter un voyage pour commerce, je ne sais pas, dis-je, comment on ne voudrait pas excepter les artistes, surtout ceux qui exercent notoirement leur profession, leur noipbre est extraordinaire-ment limité et, il est plus que vraisemblable qu'aucun des émigrés ne pourra jamais se revêtir du prétexte d'une profession, qu'il est notoire qu'il n'a jamais eu le talent d'exercer.
J'ai l'honneur d'assurer à l'Assemblée qu'il y a plusieurs artistes partis depuis la Révolution, plusieurs artistes qui ont des biens assez considérables, et qu'ils ne sont partis que pour les progrès et l'avantage des arts; or, ces gens-là doivent jouir de l'exception.
Quant à l'exception sollicitée en faveur des savants, j'avoue que cette exception me paraît plus difficile à établir, parce qu'il n'y a pas un nomme qui ne puisse dire qu'il est savant; mais la profession d artiste est notoire, et ceux qui l'exercent sont connus. Je demande que dans le titre des exceptions, au mot négociant, on joigne ceux d'artiste notoirement connu.
Il y a une grande différence entre les négociants et les artistes : les négociants ne voyagent point sans leurs passeports ou leurs patentes. Avec cette patente ils affirment partout qu'ils sont négociants ; mais vous ne disconviendrez point avec moi que les ci-devant nobles, qui ne faisaient autrefois qu'un amusement des arts, qui barbouillaient comme mauvais peintres, ou s'amusaient à faire des menuiseries ou des serrures, imaginant aujourd'hui de se parer de ces mêmes arts, né parviennent ainsi à se soustraire à cette loi. Je demande la question préalable.
Je demande que l'on excepte tous ceux qui justifieront d'une cause légitime d'absence. (Murmures.)
Rien ne serait positif dans votre loi, d'après la rédaction de M. Goujon. Elle ne doit pas être livrée à l'arbitraire des corps administratifs. La loi étant pénale, doit être précise, et doit prévoir tous les cas d'exception.
Je regarde toutes les exceptions comme des prétextes à l'abri desquels les en-
nemis de l'Etat échappent à la disposition de la loi. Les élèves de l'artillerie, du génie et de la marine, sont aussi des espèces de savants, qui, sous ce prétexte, viendraient de Coblentz recueillir leurs héritages. Je demande la question préalable sur les savants et sur les artistes. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je crois que vous aurez fait une bonne loi, lorsque vous aurez donné aux artistes, à ces hommes qui ont fait, en quelque sorte, de la France la patrie de l'Europe entière, les moyens de perfectionner leurs talents. Je demande donc que vous ayez assez de confiance dans la fidélité des corps administratifs pour les laisser juger des exemptions que mériteront les jeunes artistes qui voudront aller perfectionner leurs talents dans les Empires voisins. (Murmures.)
Le devoir d'un artiste, quand la cité est attaquée, est de bien défendre son pays. Il nous faut en ce moment des hommes et des armes, bien plus encore que des artistes.
Dans l'article 5 de votre projet on excepte les émigrés qui ont obtenu des passeports pour cause de maladie; or, j'observe que, si au moyen d'un passeport pour maladie, on peut être exempt du présent decret, l'émigration qui est déjà une grande maladie, fournira beaucoup de malades. (Applaudissements.)
Je propose donc, par amendement, de supprimer les mots : ceux qui se sont absentés en vertu d'un passeport pour cause de maladie.
Si vous ne retranchiez pas cette disposition, il n'y aurait pas un émigré qui ne présentât un passeport de cette nature; car rien n'est plus facile que de faire faire un certificat de maladie. La plupart des émigrés, qui ont peut-être dès à présent les armes à la main, prouveraient le plus clairement possible qu'ils sont malades. Il y a en France d'excellents médecins, d'excellentes eaux minérales. Ceux qui sont malades dans l'air de la liberté, ne doivent pas aller, pour se guérir, humer l'air de l'esclavage.
'Il faut ou que l'Assemblée nationale fixe toutes les exceptions, ou qu'elle laisse aux corps administratifs à juger des causes d'absences. L'amendement de M. Lemontey, quoi qu'on en ait dit, mérite d'être admis. 11 est aussi une foule de jeunes médecins et chirurgiens qui voyagent dans les universités pour s'instruire.
vous ne pouvez pàs vous dispenser de les comprendre dans l'article. (Murmures à gauche et dans les tribunes.) J'ai tellement raison, qu'on ne me répond que par des murmures. (Applaudissements.) Je demande que l'Assemblée nationale fixe toutes ces exceptions, ou qu'elle laisse aux corps administratifs, ou à tout autre pouvoir qu'elle jugera convenable, de juger les causes d'absence.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Goujon!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Goujon.)
Un membre : Je demande qu'on mette aux voix l'amendement de M. Lasource, et je m'appuie sur ce que le ministre de la marine a accordé presque tous les congés dans son département pour cause de maladie. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Lasource! D'autres membres : Aux voix l'amendement! (L'Assemblée adopte l'amendement de M. Lasource.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Lemontey!
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. Lemontey.)
Je propose la rédaction suivante pour cet amendement :
« Sont exceptés ceux qui justifieront par brevets, inscriptions ou lettres d'apprentissage, qu'ils sont artistes, ou étaient artistes avant leur départ. »
Je demande comment M. Casses arrivé depuis huit jours d'Egypte, et qui rapporte la plus belle et magnifique collection ae dessins de toutes les antiquités de l'Egypte.....(Murmures.)
Messieurs, si quand on parle de sciences on ne peut obtenir le silence, vous passerez pour... Je demande comment M. Cassac aurait pu justifier d'un brevet d'apprentissage. Est-ce qu'il y a jamais eu des brevets d'apprentissage dans les arts?
M. Quatremère ne s'attache qu'à une partie^ de ma rédaction, et parce qu'il nous cite un savant auquel il sera impossible de représenter ni brevets ni inscriptions ni lettres d'apprentissage, il en conclut que personne n'en doit présenter. La difficulté s'est élevee seulement pour les médecins, chirurgiens, peintres, sculpteurs, en un mot pour tous les élèves des différents arts et sciences qui exigent soit inscriptions, soit brevets. Je soutiens que ceux-là ne peuvent pas se dispenser de présenter l'un ou l'autre des titres qui justifient qu'ils se sont livrés à tel art depuis leur bas âge. (Applaudissements.)
M. Bouestard ignore sans doute les premiers éléments des arts, car il saurait qu'il n'y a jamais pour cela de brevet d'apprentissage; il saurait que M. Valencienne, l'un de nos premiers artistes, n'a pris le pinceau qu'à près de vingt-cinq ans : or, je demande si, lorsque vous avez accueilli la rédaction de M. Bouestard, votre intention n'a point été de comprendre les artistes? Je demande à M. Boues-tàrd si telle n'a pas été son opinion? Il me semble què c est là l'intention de toute l'Assemblée, et il me semble que la discussion pourrait s'abréger en adoptant une autre rédaction, car l'intention de M. Bouestard n'est pas d'exclure les artistes.
Non sûrement.
Puisque ce n'est pas l'intention de M. Bouestard ni celie de l'Assemblée, comme je n'en puis douter, il n'y a qu'une difficulté dans la rédaction, qu'il sera très facile de faire disparaître, si M. Bouestard peut la relire.
Un membre : J'observe à l'Assemblée qu'il est beaucoup plus facile de se procurer un brevet d'apprentissage, qu'il n'est facile d'être notoirement connu ]»our un artiste.
Je demande à prouver que la rédaction de M. Bouestard est la seule qui puisse être admise. D'après son raisonnement, ou vous a cité de célèbres artistes, et je demande à présent à M. Quatremère s'il sera difficile à des artistes connus dans l'Europe, de produire des
certificats qu'ils ont exercé pendant toute leur vie cette profession.
Je réponds à M. Rouyer, qu'il y a en Italie 600 artistes qui ne pourront pas justifier de lettres d'apprentissage.
Je suis d'avis qu'il faut mettre toutes les exceptions dans l'article, afin de ne rien laisser à l'arbitraire dans 1 exécution. Je pense aussi qu'il faut accorder une exception à ceux qui sont absents pour cause de santé, en le justifiant d'une manière évidente.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
Voici ma rédaction :
« Ceux qui justifieraient par brevets, inscriptions, lettres d'apprentissage, ou qui ont été notoirement connus, avant leur départ, pour s'être destinés à l'étude de quelques arts, sciences ou métiers, et ne seront absents que pour acquérir de nouvelles connaissances dans leur état. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée adopte la rédaction présentée par M. Bouestard, puis décrète l'article 5.)
Suit la teneur de cet article :
Art. 5.
Exceptions.
« Ne Sont point sujets aux dispositions du présent décret, les biens des Français établis en pays étrangers avant le 1er juillet 1793; ceux dont l'absence est antérieure à la même époque; .ceux qui Qnt une mission du gouvernement, leurs épouses, pères et • mères domiciliés avec eux; les gens de mer, les négociants et leurs facteurs, notoirement connus pour être dans l'usage de faire, à raison de leur commerce, des voyages chez l'étranger; ceux qui justifieraient par brevets, inscriptions, lettres d'apprentissage, ou qui ont été notoirement connus avant leur départ, pour s'être destinés à l'étude de quelques arts, sci- nces ou métiers, et ne seront absents que pour acquérir de nouvelles connaissances aans leur état. »
Suit la teneur des articles décrétés :
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, voulant déterminer promptement la manière dont les biens des émigrés, qu'elle a mis sous la main de la nation par son décret du 9 fevrier dernier, seront administrés, et fixer l'indemnité provisoire que la nation a droit de prélever sur ces biens, ainsi que les exceptions que la justice exige; après avoir entendu le rapport de son Comité de législation, décrété l'urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Aliénation.
« Les biens des Français émigrés ayant été. mis sous ta main de la nation par le décret du 9 février dernier, l'Assemblée nationale déclare nulles toutes dispositions relatives à la translation de la propriété, de l'usufruit ou de la possession de ces biens qui auraient été faites pos-
térieurement à la promulgation du 7 février, ainsi que toutes dispositions qui pourraient être faites par la suite, tant que lesdits biens demeureront sous la main de la nation. »
Art. 2.
Administration.
« Ces biens, tant meubles qu'immeubles, seront administrés, de même que les domaines nationaux, par les régisseurs de l'enregistrement, domaines et droits réunis, leurs commis et préposés, sous la surveillance des corps administratifs, d'après les règles prescriptes par les décrets des 9 mars, 16 et 18 mai, et 19 août 1791, concernant l'administration des domaines nationaux. »
Art. 3.
Meubles.
« L'administration, quant aux meubles, effets mobiliers et actions, se bornera aux dispositions nécessaires pour leur conservation; il en sera dressé des états ou inventaires sommaires, par des commissaires nommés par les directoires de district, en présence de deux membres de la municipalité du bien ; un double de ces inventaires sera déposé aux archives au chef-lieu du département. »
Art. 4.
« Les personnes qui se trouveront en possession actuelle de ces meubles pourront y être conservées, en se chargeant, au bas de l'inventaire, de les représenter à toutes réquisitions, et en donnant caution de la valeur.
« Dans le eas où personne ne se trouverait en possession des meubles, au préposé à leur garde par le propriétaire; comme aussi dans lé cas où les possesseurs ou préposés refuseraient de s'en charger et de donner caution, les commissaires qui procéderont à l'inventaire pourront y établir aes gardiens, ou pourvoir de. ^oute autre manière à leur conservation, régie ou mise en valeur. »
Art. 5.
Exceptions.
« Ne sont point sujets aux dispositions du présent décret les biens des Français établis en pays étrangers avant le 1er juillet 1789; ceux dont l'absence est antérieure a, la même époque ; ceux qui ont une mission du gouvernement, leurs épouses, pères et mères domiciliés avec eux ; les gens de mer, les négociants et leurs facteurs, notoirement connus pour être dans l'usage de faire, à raison de leur commerce, des voyages chez l'étranger; ceux qui justifieraient par brevets, inscriptions/lettres d'apprentissage, ou qui sont été notoirement connus, avant leur départ; pour s'être destinés à l'étude de quelques arts, sciences ou métiers, et ne seront absents que pour acquérir de nouvelles connaissances dans leur état: »
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de plusieurs soldats du 43e régiment, ci-devant de la Couronne, qui demandent à l'Assembléé
l'agrément d'être admis à la barre, pour une pétition importante.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis et entendus ce soir.)
(La séance est levée à 4 heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Supplément (1) à l'opinion de M. Cavellier sur les dénonciations dirigées contre M. Bertrand et la prétendue justification de ce ministre (2).
Messieurs,
J'ai, dans les trois rapports que j'ai eu l'honneur de faire à l'Assemblée, consigné mon opinion sur la conduite de M. Bertrand : aussi me bor-nerai-je, dans cet instant, à mettre sous vos yeux le résumé de mes motifs et à réfuter succinctement les prétendus moyéns de justification produits par le ministre.
D'abord, je pense que le ministre est repré-hensible d'avoir différé.jusqu'à.présent de mettre à exécution la loi du 15 mai concernant l'organisation de la marine. Le défaut de. détermination du nombre d'officiers à employer habituellement dans les ports, n'est qu'un prétexte sur lequel il s'est fondé pour s'arroger un droit qui ne lui appartenait nullement, puisque, cette fixation n est qu'une conséquence de la loi et la suppose déjà en vigueur, et l'on peut justement soupçonner le ministre de n'avoir eu d'autre but que de voiler la défection du corps de la marine, qu'il connaissait mieux que personne. Ce qull y a de certain, c'est que plusieurs officiers qui avaient sollicité et obtenu de l'emploi, n'ont quitté le royaume que parce que la loi n'a pas été puhliée à temps èt a été retardée sans motif apparent.
Je le crois très coupable d'avoir faussement avancé, dans sa lettre du 14 novembre, qu'aucun officier de la marine n'avait quitté son posté ; et puisque la discussion est réduite à savoir quelle extension on doit affectér au mot poste, je vais en donner une définition clàire èt précise. Dans les circonstancés présentes, par le mot poste, on doit nécessairement entendre la France; et des officiers qui, suivant l'ordonnance, ne peuvent sortir du royaume sans une permission spéciale du roi, ni même changer de résidence sans en prévenir lé commandant de leur département, sont censés avoir quitté leur poste, dès qu'ils ont franchi les frontières.-Je le prouvé : je suppose un instant que le Corps législatif eût décrété l'armement ae 20 vaisseaux. Le ministre vous aurait dit : « Les bâtimènts sont prêts ; il y a, dans les magasins, les munitions et les vivres nécessaires ; les équipages seront bientôt levés ; mais , pour les officiers, je ne sais où les prendre. » Vous lui auriez objecté, avec raison, qu'il venait de publier qu'aucun officier n'avait quitté son poste; s'il vous avait répliqué qu'il avait entendu dire que cinq ou six officiers qui étaient en
activité à Brest s'y trouvaient encore, n'auriez-tous pas été indignés d'une pareille réponse èt n'en auriez-vous pas témoigné votre mécontentement au ministre? Je vais plus loin et je démontre que, par le mot poste, M. Bertrand a lui-même entendu le royaume. En effet, à cette occasion, le ministre a-t-il écrit qu'aucun officier n'avait quitté son poste? C'est pour redresser une erreur commise par le rédacteur du Moniteur, qui lui faisait parler des mesures prises relativement aux émigrés de son département. Le roi, par le mot poste entend aussi le royaume, lorsque; dans sa lettre aux émigrés, il leur dit : « Quel est donc votre devoir, à tous? de rester fidèlement à votre poste. » Il reste donc prouvé que par le mot poste le ,ministre a dû entendre et a réellement entendu le royaume.
Mais, j'accorde pour un instant que le mot poste ne puisse s!appliquer qu'à un service quelconque dans les arsenaux; la,cause du ministre n'en -devient pas meilleure, puisqu'il est constaté, par les revues des 1er octobre et 20 novembre* qu'il manquait à Brest plus de la moitié des officiers dont la présence est formellement exigée par l'ordonnance de 1786, dont la disposition relative à cet article est maintenue par la loi du 15 mai. M. Bertrand, ne pouvant repousser une preuve aussi évidente, avance gratuitement que l'ordonnance de 1786 n'a jamais été observée. Mais, à supposer que cela fût vrai, le ministre ne voit pas qu'en essayant de se justifier d'un côté, il s'inculpe lui-même de l'autre ; car, si l'on a jugé inutile la" présence des commandants et majors d'escadre dans les ports, on a dû aussi supprimer les suppléments, qui ne leur sont accordés que pour cette présence ; par la raison qu'où il n'y a point de fonctions, il ne doit pas y avoir de salaire ; et cependant, ces suppléments ont été régulièrement payés jusqu'au dernier décembre inclusivement.
Relativement à la contradiction qui existe entre sa lettre et celle du roi, M. Bertrand s'excuse sur ces intentions et dit qu'il n'a avancé qu'aucun officier n'avait quitté son poste, que pour déterminer ceux qui l'avaient, abandonné à y revenir. J'avoue franchement que ce raffinement de politique me passe. Il me semble que la lettre au ministre étant postérieure à celle du roi, la première peut être regardée comme nulle par ceux qu'elle concerne et par les puissances étrangères; que l'assertion de M. Bertrand tend à faire soupçonner le roi de duplicité ; que les officiers émigrés y voient une approbation imt plicite de leur conduite, e.t. ceux qui sont encore-dans le royaume un motif rassurant de les imir ter : c'est aussi,l'effet qu'a produit cette lettre.;, et je ne sais sur quel fondement le ministre.se félicite de son prétendu succès, puisque le petit nombre d'officiers qui se trouvaient dans les ports, à l'époque du 14 novembre, est, depuis, entièrement disparu.
M. Bertrand, observe enfin que ce qu'il a écrit au rédacteur d'un journal peut être regardé comme son opinion personnelle, et que d'ailleurs les ministres ne sont responsables que des actes de leur, administration. Je répondrai : 1° qu'il y a des cas où il est impossible de séparer la personne de la place ; et que, quand il ] a dit qu'aucun officier de son département n'avait quitté son poste., il avait parlé en fonctionnaire public; qu'en conséquence, il ne pouvait être considère comme un particulier ; 2°que,.suivant la Constitution, les ministres sont responsables de tout délit contre la sûreté publique : or, c'est
un délit contre la sûreté publique que d'assurer | à la nation que ceux quelle paye pour la défendre sont à leur poste, alors qu'ils n'y sont pas.
Les longs discours que le ministre vous a débités, ni les sophismes de ses défenseurs, ne sauraient détruire les faits que je viens de citer, ni atténuer les preuves que j'apporte à l'appui; et vous avez entre les mains la réponse aux objections de l'incrédule M. Forfait. Oe qui prouve, d'ailleurs, qu'il est lui-même convaincu de l'injustice de sa cause, c'est que, pour défendre un ministre prévaricateur, il essaye en vain de représenter la ville de Brest comme un lieu livré à la plus horrible anarchie ; de peindre ses habitants, au milieu desquels il a passé avec agrément 12 ans de sa vie, comme des cannibales altérés de sang et de faire regarder la société des amis de la Constitution comme une association de factieux, ennemis de l'ordre et des lois. J'ai trop bonne opinion de mes concitoyens, j'ai trop de confiance dans l'équité dé l'Assemblée et j'attache trop peu d'importance à la dégoûtante sortie de M. Forfait, pour que je croie devoir la réfuter. Personne n'ignore que c'est au zèle soutenu des corps administratifs de la ville de Brest et au patriotisme éclairé de sa garde nationale, que la France est redevable de la conservation de ce premier arsenal de marine ; et toutes les villes du royaume ont rendu un témoignage éclatant au civisme et aux lumières de la société des amis de la Constitution, en la félicitant d'avoir, par ses, exhortations fraternelles, calmé l'insurrection élevée dans l'escadre de 1790. Je. ferai seulement une observation qui sûrement n'aura pas échappé à la plupart d'entre vous, c'est qu'il faut que M. Forfait ait eu de puissants motifs pour, dans la défense d'Un ministre dont dépend son avancement, dénoncer une ville entière, et joindre la calomnié à l'ingratitude.
Qu'on rapproche actuellement des faits articu lés plus haut contre le ministre, les 113 congés qu'il a fait expédier pendant un court espace de temps, et dans des circonstances où il n'en était dû à personne, et l'on se confirmera dans l'idée qu'on a dû se former de ses motifs; on verra que cette précaution avait pour objet de mettre à l'abri au blâme des officiers absents sans congé, tels que M. du Bouexic et quelques autres, dont, quoi qu'en dise le ministre, les congés étaient depuis longtemps expirés. En vain dira-t-on que la lettre de son prédécesseur, du 15 août, n'était pas une loi pour lui, et qu'en conséquence on ne peut pas lui faire un- crime d'y être contrevenu : en avouant que les ordres donnés par un ministre ne peuvent en général obliger son successeur, je dirai cependant que quand l'exécution de ces ordres est utile et instante et que rien n'exige de délai, on doit s'y conformer ; et M. Bertrand ne peut alléguer aucun motif fondé qui l'ait pu porter à retarder une opération que M: Thévenard paraissait avoir à cœur d'achever, l'organisation de la marine.
Pour affaiblir la dénonciation des citoyens de -Brest, le ministre se sert d'un moyen aussi petit que déplacé. Il a reconnu, dit-il, dans le nombre de ceux qui l'ont signé, plusieurs commis dé la marine, qui, dans la crainte d'être réformés, et pour prolonger leur existence dans les bureaux, ont intérêt à âecuser le ministre. Mais c'est une supposition absurde. L'exécution de la loi ne peut être éludée par aucun moyen, et si elle prescrit une réforme, qu'importe à ceux qui
doivent en être l'objet, qu'elle soit ordonnée par M. Bertrand ou par un autre?
Enfin le ministre vous a fait des protestations répétées de patriotisme et d'attachement à la Constitution, mais c'est par des actions et non par de vaines paroles qu'on persuade les représentants de la nation. D'ailleurs, Messieurs, vous savez la plupart d'entre vous que M. Bertrand était ci-devant l'ardent sectateur des Brienne et des Lamoignon, le zélé panisan des grands bailliages et de la cour plénière, et par conséquent l'ei\nemi nécessaire de la Révolution, et l'expérience vous a appris combien il faut se défier de ces conversions subites qui n'ont d'autre fondement que l'intérêt et l'ambition, et qu'un suppôt de l'autorité arbitraire et du despotisme ne devient pas dans un moment l'ami ae l'égalité et de la liberté. Au surplus, il me parait que, dans son dernier discours, le ministre avoue implicitement les délits qui lui sont reprochés. C'est une amende honorable, il vous demande grâce; reste à savoir si vous avez le droit de la lui accorder, et si l'indulgence est permise à des législateurs.
Si les faits articulés jusqu'ici contre le ministre de la marine ne suffisaient pas pour vous déterminer à prendre un parti sévère à son égard, ie demanderais que vous vous fissiez représenter l'organisation de ses bureaux. Vous y verriez qu'il commence par supprimer le bureau des fonds, créé par Colbert, qui sûrement s'entendait aussi bien que lui en administration; vous verriez que celte suppression n'a d'autre but que de réformer M. Borjour, qui avait dénoncé un payement illégal ordonne par M. Fleurieu, et que l'Assemblée constituante avait mis sous la sauvegarde de la nation ; vous verriez qu'on recrée sous une nouvelle dénomination le conseil de la marine, supprimé par vos prédécesseurs; vous verriez enfin que le ministre a plutôt été occupé d intérêts particuliers que d'objets d'une utilité générale, et qu'il a (dus pensé à se composer une cour qu'à se donner des collaborateurs.
D'après cet exposé, je conclus à ce que l'As-semblee déclare au roi, non que le ministre de la marine a perdu la confiance de la nation, mais que loin de se mettre eu peine de la mériter, il a fait tout ce qui était nécessaire pour l'éloigner sans retour.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion de M. Becquey (1), député, sur les dénonciations portées contre le ministre de la marine.
Observations préliminaires.
Je n'ai pas assisté à la séance extraordinaire du mercredi soir, où l'Assemblée nationale a décrété, par appel nominal, qu'il n'y avait lieu à délibérer sur les propositions de son comité de marine relatives au ministre. J ignorais avec presque tous les membres de l'Assemblée qu'on dût y traiter cette question. Le jeudi matin, on
est parvenu à faire, pour ainsi dire, rapporter le décret rendu la veille. Carie renvoi aux comités pour préparer des observations au roi sur la conduite du ministre est dans d'autres termes la demande d'une nouvelle rédaction du projet du comité, qui cependant avait été rejeté sans réserve par la question oréalable.
Cette affaire n'étant pas terminée, je fais imprimer l'opinion que j'avais déposée contre le projet du comité. On y trouvera quelques réflexions propres à jeter un jour sur le véritable but qu'on s'est proposé en dénonçant le ministre. Je sais bien qu'en répandant mon opinion, je me place sur la liste des députés que l'on désigne sous le nom de ministériels, sur cette liste que l'on publie depuis quelques jours dans tout Paris, et que l'on a si immoralement envoyée dans les départements, avec la perfide intention d'exécuter des divisions dans le sein du Corps législatif et de nuire à un grand nombre de ses membres. Je sais que nous sommes a-rivés à un tel point d'exagération, qu'un député ^st considéré comme un homme faible, par cela seul qu'il veut être toujours sage dans re.s vues et dans ses moyens. Je sais qu';l faut ou dénoncer sans cesse des ministres ou passer pour leur être honteusement dévoué. Je sais e*»tm qu'il y a aujourd'hui plus de courage à détendre des ministres que l'on croit innocents, qu'il n'y en avait autrefois à les accuser coupables. Mais nulle considération ne me fera sacrifier le sentiment de mes devoirs. Je dirai donc la vérité tout entière, je ne me croirai pas moins libre pour être moins inquiet; moins turbulent. Je serai toujours, le fidèle ami de la Constitution, quoique je ne sois pas toujours d'accord avec ceux qui voudraient se parer exclusivement de ce beau litre.
D'ailleurs, je suis convaincu que le salut de la patrie dépend de l'empire que prendront dans l'Assemblée nationale les principes que l'on calomnie aujourd'hui, et qu'on regrettera un jour de n'avoir pas assez constamment suivis. Ce n'est plus l'esprit conquérant; c'estl'esprit conservateur qui doit présider à notre marche. Les ennemis de la liberté ne craindront le sénat français que lorsqu'il apportera dans ses actes cette prudence, cette sagesse, qui seules peuvent gouverner les grands Etats surtout après les secousses d'une Révolution. Croyons que ces ennemis fondent leurs principales espérances sur nos divisions intérieures, sur les excès auxquels l'esprit de paiti porte toujours ceux qu'il agite. Et sans doute les victoires de nos exaltés politiques servent mieux les vœux des émigrés, que ne le feront jamais les armées des puissances étrangères.
Je n'expose ces pénibles réflexions que parce qu il est encore temps de remédier ;iu mal. Que l'Assemblée nationale prenne enfin l'attitude qui lui convient : qu'elle fasse justice de ces présomptueux qui parlent de tout, et dont la sterile abondance sert si faiblement la chose publique; qu'elle appelle, qu elle encourage, qu'elle accueille ces députes modestes, qui recelent des talents que réclame la patrie, mais qui se sont condamnes à un silence absolu plutôt que d'avoir à lutter contre les murmures et les huées qui accompagnent presque toujours à la tribune ceux qui ne sont pas de l'avis d'un certain parti.
Sans doute, l'Assemblée nationale doit se tenir dans une salutaire defiance, elle doit surveiller soigneusement les agents d'un pouvoir natu-
Tellement usurpateur, faire punir ceux qui sont coupables; mais garantissons-nous de ces préjuges qui font voir dans tous les actes de ces agents des prévarications et des crimes; car il nest pas plus permis d'être injuste envers un ministre qu'envers tout autre citoyen. C'est la Constitution qui a établi le ministère; il importe au bonheur public que l'homme de bien, l'homme de génie occupent ces places importantes, qu'il faudrait fuir si elles n'étaient accompagnées que de dégoûts et de dangers. Enfin, craignons de dégrader une institution qui doit être honorée, puisqu'elle appartient au peuple par qui et pour qui elle existe comme touies les autres.
Opinion de m. Becquèy.
On vous a proposé de déclarer au roi que le ministre de la marine a perdu la confiance de la nation. Un tel acte de la part du Corps législatif aurait nécessairement des conséquences très graves qu'il nous faut, apercevoir à l'avance. Ce serait la première fois que l'Assemblée nationale de France exercerait cette censure publique contre un des principaux agents du pouvoir exécutif, et les principes sur cette matière ne peuvent pas être encore parfaitement connus. Nous devons donc les rechercher avec soin, pour en faire une juste application aux faits sur lesquels le minisire a été dénoncé.
Uu des grands moyens de nos institutions nouvelles contre les actes arbitraires, contre les abus du gou» ernement, contre toutes les usurpations sur la liberté nationale, c'est la responsabilité des ministres. Suivant la Constitution, c'est le Corps législatif qui doit poursuivre cette responsabilité, pour procurer à la nation son recours contre ceux qui auraient commis des fautes préjudiciables à ses intérêts, et pour assurer la punition de leurs délits.
Ainsi lorsqu'un ministre estaccusé d'une faute ou d'un délit quelconque, et que le Corps législatif s'est assuré du fondement de l'accusation, il traduit le ministre devant la haute Cour nationale, qui prononce, et il serait à la fois injuste et illégal de recourir à une autre mesure. Un ministre a, par la Constitution, le droit d'être jugé seb »n les règles qu'elle a établies ; on ne peut pas le priver de ce droit précieux qu'il partage avec tous les citoyens français; et toutes les fois que les faits sont certains, le Corps législatif doit seulement s'assurer s'ils caractérisent un délit: dans ce cas, il faut qu'il accuse le ministre, mais s'il en est autrement, il se borne à déclarer qu'il n'y a pas lieu à inculpation.
Cependant une loi particulière qui ne fait pas partie de l'Acte constitutionnel, énonce la faculté pour le Corps législatif de déclarer au roi qu'un ministre a perdu la confiance nalionale. J examine donc quelles sont les circonstances où il convient de suivre cette mesure, qui peut quelquefois devenir utile. Il est des cas où l'on tenterait vainement d'atteindre des ministres coupables, mais assez adroits pour se mettre à l'abri de la responsabilité légale. Il est malheureusement possible qu'un ministre traverse à dessein le cours de sa propre administration, qu'il desserve secrètement la nation dont il est l'agent, qu'il abuse de Ja confiance du roi, qu'il influe sur les délibérations de son conseil d'une manière fâcheuse, et qu'il prépare sourdement des maiheurs publics; et tout cela sans que la loi puisse réprimer directement des menées qu'il a le talent de rendre presque invisibles.
La conduite d'un tel ministre ne peut pas échapper longtemps à l'œil perçant et observateur de l'opinion publique. Elle le dénonce, elle l'accuse, elle vient pour ainsi dire suppléer à l'impuissance de la loi : et c'est dans de telles positions, que le Corps législatif instruit par l'opinion nationale bien prononcée, et effrayé du danger de laisser plus longtemps le ministre participer au gouvernement, peut porter contre lui une censure terrible en le dénonçant au r u lui-même, comme ayant perdu la confiance de la nation.
Mais on ne doit user de cet instrument moral qu'avec la plus grande réserve, sinon on courrait le risque d'être souvent injuste; d'ailleurs on en affaiblirait bientôt les effets; on finirait par le rendre nul. C'est dans les circonstances majeures, c'est lorsque le salut de la chose publique le commande impérieusement, que le Corps lé- . gislatif ne peut faire l'emploi de cette grande mesure; et nous voyons qu'en Angleterre, d'où nous avons tiré le modèle de notre loi, le parlement n'y a jamais eu recours que lorsqu'il a été pressé par des événements importants, par exemple pour sauver la patrie d'une guerre désastreuse que conseillait un ministère ambitieux à un roi qu'il dominait
Dans l'affaire qui nous occupe, Messieurs, je ne vois rien qui puisse vous déterminer à cet acte extraordinaire : d'une part, l'opinion publique n'accuse pas le ministre de la marine comme un ennemi de l'Etat; de l'autre part, les faits sur lesquels il est accusé sont apparents, sont certains; nous pouvons les examiner et poursuivre le ministre, si nous le croyons répréhen-sible. Je pense donc que la question actuelle doit être posée ainsi : Y a-t-il, ou n'y a-t-il pas lieu à accusation contre le ministre de la marine?
Je veux vous épargner un nouveau récit des faits. Ils vous sont assez connus. Nous savons tous que pour rendre leur dénonciation plus importante, les citoyens de Brest et de Rochefort avaient accusé le ministre sur 9 points principaux de son administration. Le comité a reconnu la fausseté et la frivolité de 7 des chefs d'accusation. 11 s'est borné à vous entretenir des deux objets qui lui ont paru les plus sérieux. Cette réunion de 7 chefs d'accusation faux ou nuls, prouve au moins l'intention très décidée qu'avaient les dénonciateurs de trouver le ministre coupable. Mais ce n'est pas ce que nous devons considérer à présent.
Les deux faits sur lesquels porte l'accusation peuvent maintenant être réduits à des termes très simples. On reproche au ministre : 1° d'avoir accordé à des officiers absents sans congé ou dont les congés étaient expirés depuis longtemps, des prolongations à l'effet de les aider à toucner leurs appointements en France, quoiqu'ils fussent émigrés; 2° d'avoir annoncé faussement dans une lettre, insérée dans la feuille du Moniteur, qu'aucun officier de marine n'avait quitté son poste, tandis qu'il avait contresigné quelque temps auparavant une lettre du roi aux commandants des ports, dans laquelle il reconnaissait l'émigration, en invitant les officiers émigrés à rentrer en France.
Sur le premier grief, le ministre a répondu qu'il était faux qu'il eût accordé une prolongation à des officiers sans congé ou dont le congé fût expiré. 11 eu a offert la preuve ; il a demandé qu'on la vérifiât dans le bureau de la marine. Il a ajouté que les congés qu'il avait accordés,
étaient dus à ceux qui les ont obtenus ; il a dit qu'il avait le droit d'accorder ces congés; qu'il était d'autant moins reprochable de l'avoir fait, que le service des ports n'en avait nullement souffert; que l'intérêt de la nation et sa sûreté n'avaient pas éténn seul instant compromis; et à cette réponse, Messieurs, qu'a-t-on répliqué? Rien, absolument rien, selon moi, qui ait pu vous faire quelque impression. On a supposé au ministre des intentions perfides; mais outre qu'il est très peu moral de présumer d'autres intentions que celles que les actions présentent naturellement, il faut observer que les ministres, comme les autres citoyens, ne peuvent être repris gué pour des faits positifs : leurs pensées sont indépendantes du joug de la loi ; et si elles étaient perverses, ils n'auraient,- ainsi que tous les hommes, d'autrejjuge que leur conscience, d'autre supplice que leurs remords.
A l'égard du second grief, celui sur lequel on insiste le plus, le ministre vous a dit que lui et tous les marins n'entendaient pas, par le mot poste, ce qu'entend votre Comité. Il prétend que ce mot poste, en terme de marine, signifie des fonctions actives sur mer ou dans les arsenaux ; qu'il a dit la vérité dans sa lettre au Moniteur, en annonçant qu'aucun officier de marine n'a quitté un poste de cette nature. On ne lui cite le nom d'aucun officier qui soit dans ce cas; et au surplus, il prouve jusqu'à l'évidence qu'il n'a pu avoir l'intention de tromper la nation et l'Assemblée nationale sur l'émigration des officiers de marine, puisque, dans ses discours à l'Assemblée et dans la lettre du roi qu'il a contresignée, il a parlé officiellement de cette émigration, qu'il eût essayé inutilement et sans motifs, de dissimuler dans sa lettre au Moniteur.
Je ne veux pas répéter, Messieurs, les raisonnements et les débats qui ont eu lieu, de part et d'autre, dans cette affaire; ce serait perdre inutilement votre temps ; je ferai seulement une observation sur le dernier grief reproché au ministre de la marine. Je crois que l'Assemblée nationale n'aurait pas dû s'en occuper un seul instant. M. Bertrand ne peut vous être dénoncé que comme ministre et non pas comme citoyen. Vous ne pouvez, vous ne devez voir que ses actes ministériels ; et vos recherches sur sa conduite doivent s'arrêter là où il cesse d'agir en sa qualité de ministre. M. Bertrand a donc pu écrire au Moniteur telle lettre qu'il lui a plu ; il a pu publier tel écrit qu'il a voulu, sans devoir craindre que cette lettre ou cet écrit fussent soumis à votre examen. C'est, selon moi, porter une atteinte directe à la liberté de la presse, base si nécessaire de la liberté publique, que de discuter dans cette enceinte: des écrits particuliers, des opinions personnelle? au ministre. Il a le droit ae les publier, comme tout autre citoyen, sans jamais pouvoir être inquiété à ce sujet.
Mais ce n'est pas sous ce seul rapport que j'ai fixé mon opinion; J'ai prouvé suffisamment qu'il n'y avait pas lieu à accusation contre le ministre de la marine. J'ai prouvé aussi que ce ne pouvait être le cas de faire la déclaration proposée par le Comité. J'observerai encore que si cette déclaration avait un fondement solide, que si en la faisant vous énonciez le véritable vœu national, le mi se hâterait, sans doute, de suivre vos vues; car aucun»des pouvoirs ne résistera jamais à l'empire suprême de l'opinion.. Mais ici, vous n'exprimeriez pas l'intention du peuple français, et je. craindrais, pour la Suite de votre démarche, que le roi, qui représente aussi la na-
tion, ne crût pas devoir y accéder. Il vous dirait : Mon ministre me paraît irréprochable ; il n'est pas démontré qu'il soit coupable des fautes d'administration qu'on lui impute. L'opinion de quelques citoyens de Brest et de Rochefort, qui vous ont trompés, n'est pas l'opinion publique : je crois mon ministre utile, et je le garde.
Et quelles seraient les suites de cette division entre les deux pouvoirs suprêmes? Quels regrets n'aurions-nous pas de l'avoir provoquée sans motifs! Quelle idée donnerions-nous de notre Constitution en montrant ses principaux dépositaires divisés entre eux; et l'intérêt du peuple! que deviendrait-il au milieu de tels combats? Renonçons donc à un acte que rien ne pourrait justifier et dont les résultats pourraient être si funestes.
Enfin, Messieurs, les règles éternelles de la justice et de la morale nous défendent de faire cette déclaration, qui appelait sans cesse l'ignominie sur le front d'un nomme public qui n'est pas coupable. J'interroge ici tous ceux qui ont examiné avec attention et les accusations portées contre le ministre, et les moyens justificatifs, les rapports du Comité et l'opinion de ceux qui ont combattu le Comité : qu'ils disent ce qu'ils ont vu. D'un côté, des allégations vagues, des imputations fondées sur dès intentions présumées, des difficultés sur.des mots; et, de rautre, des certitudes prouvées, des réponses décisives et victorieuses.
Pour moi, je vois percer dans les dénonciations, l'intérêt - personnel des dénonciateurs ; j'y reconnais l'esprit de vengeance de quelques commis mécontents; je vois surtout,' et avec tout Paris, que c'est encore plus dé la place du ministre, que du ministre lui-même que l'on s'occupe; qu'on désire moins le déplacer que le remplacer; qu'on se prépare ainsi des moyens d'empire sur le successeur ; qu'on compte le dominer, soit par sa reconnaissance pour ceux qui lui auraient facilité l'accès du ministère, soit par la crainte de lui'faire éprouver à-son tour un pareil sort.
Que serait-ce cependant, Messieurs, qu'un gouvernement sur lequel les passions des hommes auraient ainsi une prise continuelle et destructive? Quoi! notre nouvel ordre social n'âurait-il proscrit les intrigues dés cours que pour y voir succéder ces intrigues populaires, qui troublent les Empires et préparent Jeurruine? Défions-nous donc des pièges que l'on nous tend; ils menacent la Constitution qui ne peut se maintenir que par le concert des différents pouvoirs, et par le jeu régulier de toutes les institutions nouvelles. Ren- \ dons aujourd'hui un nouvel hommage à la justice. Prouvons solennellement notre impartialité, en rejetant par la question préalable le projet du Comité de marine, et en déclarant avec franchise qu'il n'y à pas lieu à l'inculpation contre le ministre.
Troisième Annexe.
a la séance de l'assemblée nationale législative du jeudi 8 mars 1792, au matin.
Opinion de M. Coppens (1), député du Nord et membre du Comité de marine, sur la question de savoir si le ministre de la marine a perdu ou non la confiance de la nation.
Inconnu d'un ministre dont je n'ai pas même entendu prononcer le nom avant qu'il eût été chargé du département de la marine, dont je n'ai rien à craindre ou à espérer et que je ne verrai jamais, ce n'est, Messieurs, que le cri de ma conscience qui m'oblige à parler en sa faveur; et je ne serais pas moins prompt à l'accuser si je le croyais coupable, que je ne le suis à le défendre, dans la persuasion intime où je suis de son innocence.
M. Bertrand, en arrivant au ministère, fut sans doute vivement affecté en voyant la quantité considérable de militaires qui avaient abandonné et qui abandonnaient journellement le royaume ; il dut craindre qu'un grand nombre d'officiers de son département ne suivît le même exemple ; et ses craintes étaient d'autant mieux fondées, qu'il ne pouvait pas douter, quoiqu'il n'en eût pas de preuves authentiques, que déjà plusieurs officiers de la marine étaient émigrés, et que d'autres, qui avaient été insultés ou maltraités dans les ports, pouvaient suivre le même exemple.
On ne peut certainement attribuer qu'au désir qu'avait ce ministre d'empêcher l'émigration, le parti qu'il prit de proposer au roi d'écrire la lettre aux commandants des ports, et non pas aux émigrés, comme on vous l'a dit et comme le rapporteur du Comité l'a annoncé dans une feuille qu'il a fait distribuer le 31 janvier. Il serait peut-être intéressant de rapporter ici cette lettre en entier; mais comme vous la connaissez, je me bornerai à en citer quelques passages : Je suis informé, Messieurs, que les émigrations se multiplient tous les jours dans le corps de la marine, et je ne puis pas différer plus longtemps de vous faire connaître combien j'en suis vivement affecté... Dites bien à ces braves officiers que j'estime, que j'aime et qui l'ont si bien mérité, que l'honneur et la patrie les appellent... Je vous charge, Monsieur, d'adresser de ma part un exemplaire de cette lettre à tous les officiers de votre département, et particulièrement à ceux qui sont en congé...
On ne peut, dans ce que je viens de citer, ainsi que dans tout le reste de la lettre, trouver ma-r tière à faire le plus léger reproche à M. Bertrand. Ce ministre voyant ensuite qu'elle n'avait pas produit tout l'effet qu'il attendait : que plusieurs libellistes se plaisaient à annoncer une très grande émigration dans le corps de la marine, et donnaient une fausse interprétation à ce qu'il avait dit dans la séance du 12 novembre, écrivit le 14 du même mois au Moniteur la lettre qui a le plus servi de base aux inculpations qu'on lui a faites depuis, et que l'on présente comme contradictoire à celle écrite aux commandants des ports, parce que dans l'une, le roi dit, en par-
lant des officiers qui avaient abandonné le royaume : Assurez-les que leur retour, que je désire par dessus tout et auquel je reconnaîtrai tout bon Français, tous mes vrais amis, leur rendra pour jamais toute ma bienveillance ; et que dans celle au Moniteur, M, Bertrand annonce qu'aucun officier de la marine n'a abandonné son poste. C'est ici le grand champ de bataille de M. le rapporteur. Mais pourquoi aurait-il plutôt le droit d'attribuer à ce mot poste, la signification qu'il lui donne, que le ministre, qui l'a écrit, celui de l'interpréter comme il le faut ? M. le rapporteur a-t-il le talent de lire au fond du cœur du ministre? M. Bertrand vous a dit qu'il avait entendu par le mot poste, les détails confiés aux officiers de marine dans les ports, ou à bord des vaisseaux armés. Il est facile de donner des preuves que le ministre ne l'a pas entendu autrement. En effet, dans sa lettre au Moniteur, après avoir affirmé qu'aucun officier de la marine n'avait abandonné son poste, il ajoute que dans le nombre de ceux qui étaient absents, plusieurs avaient été forcés, par des attentats plus ou moins graves contre leurs personnes ou leurs propriétés, à quitter le lieu de leur résidence. Cela ne prouve-t-il pas évidemment que le ministre a entendu mettre une différence entre le mot poste et celui résidence? \\ n'est pas moins évident que le roi l'a entendu de même, dans sa lettre aux commandants des ports, lorsqu'il dit : Quel est donc votre devoir à tous ? de rester fidèlement à votre poste; de coopérer avec moi, avec franchise et loyauté, à assurer l'exécution des lois... C'est votre roi qui vous demande de rester inviolable-ment attachés à vos devoirs, que vous avez toujours si bien remplis.
Ces deux phrases ne peuvent assurément pas s'adresser aux émigrés, mais seulement aux commandants des ports, à qui la lettre est écrite, et aux autres officiers qui avaient un service actif dans les ports et qui étaient réellement à leur poste, puisque le roi leur dit que leur devoir est de rester fidèlement à leur poste. Il est donc bien clair qu'il n'y a pas, comme on a voulu le faire croire, de contradiction entre la lettre du roi et celle de M. Bertrand au Moniteur. Cette inculpation si grave se réduit, comme vous l'a très bien dit le ministre, à une simple querelle de mots, à une question purement grammaticale.
Si, au lieu de perdre un temps considérable à discuter sur une question oiseuse, l'Assemblée, aussitôt que les pétitions de Brest et de Roche-fort lui sont parvenues, eût ordonné une revue générale de tous les officiers de marine, on connaîtrait depuis longtemps ceux qui, amis de la Constitution, respectent le serment qu'ils ont fait de la maintenir de tout leur pouvoir et sont décidés à vivre libres ou à mourir; on connaîtrait également ceux qui, aveuglés par des préjugés funestes ou égarés par de faux principes, veulent déchirer le sein de la patrie. Si, dès que M. Bertrand est venu solliciter l'Assemblée de faire les lois nécessaires pour que celle du 15 mai soit mise à exécution, elle s'en était occupée, l'organisation de la marine serait actuellement ou achevée, ou au moins très avancée.
Et ne croyez pas. Messieurs, que ce qui a été dit dans l'Assemblée, que les lois qui restent à faire sont purement réglementaires, et ne sont pas nécessaires au ministre pour la confection de cette organisation, soit vrai. La simple nomination des officiers désignés pour composer le corps militaire* ne suffit pas pour atteindre ce
but, puisque les officiers ainsi désignés ne peuvent être mis en activité qu'après qu'il aura été reconnu qu'ils ont rempli toutes les conditions prescrites par la loi et spécialement celle d'être présents et résidents dans le royaume, ce qui ne peut être constaté que par la revue de formation ; qu'après qu'ils auront prêté le serment qui sera décrété pour la marine comme il l'a été pour la guerre ; qu'après enfin que les fonctions qu'ils auront à remplir dans les ports et le nombre des officiers qui devra y être employé, auront été déterminés par l'Assemblée; car le ministre ne peut prononcer ni sur ces fonctions ni sur la quantité d'officiers qui seront en activité de service, puisqu'à l'Assemblée seule appartient le droit de fixer les dépenses de la marine et que les capitaines et lieutenants qui ne seront pas employés ne jouiront que de la moitié de leurs appointements, tandis que ceux en activité de service doivent jouir de la totalité.
On a souvent dit dans l'Assemblée, Messieurs, et M. Grangeneuve l'a répété dans son discours du 1er février, que M. Bertrand ne peut composer la. marine que d'officiers émigrés. Mais peut-on faire de nonne foi cette assertion, quand on voit que ce ministre, dans tous les discours qu'il a adressés à l Assemblée nationale, observe toujours que la revue générale qu'elle prescrira peut seule le mettre en état de connaître et de remplacer les officiers émigrés, et qu'il la sollicite de décréter promptement le mode et l'époque de cette revue? C'est tien gratuitement prêter au ministre des intentions coupables ; car quand M. Bertrand aurait le désir de conserver dans le corps de la marine quelques émigrés, peut-on concevoir comment il pourrait y réussir? Et, bien loin de cela, c'est lui qui ne cesse de vous demander de le mettre à même de pouvoir les remplacer.
Mais, dit-on, il a compris dans la liste qu'il a remise à l'Assemblée, les officiers qui sont émigrés . D'abord, Messieurs, rien ne constate légalement cette émigration et, s'il avait raye ceux que l'on dit émigrés et que personne n'a encore désignés, n'aurait-il pas fait une chose tout à fait irrégulière? Ne se serait-il pas exposé à priver la nation du service de quelques bons officiers, sur l'absence desquels on pourrait avoir de fausses notes ? Ne se serait-il pas exposé lui-même à se voir dénoncé à l'Assemblée par des officiers, qu'il aurait crus émigrés ou qui seraient rentrés dans le royaume? On n'aurait certainement pas manqué de dire que c'étaient les officiers les plus patriotes qu'il avait voulu exclure de la nouvelle formation.
Une considération bien importante à mettre, Messieurs, sous vos yeux, c'est que le ministre ne pouvait rien faire de plus avantageux pour les officiers émigrés, que de ne pas les porter sur la liste de formation, puisque c'eut été leur conserver les moyens de rentrer un jour au service et de conserver une partie de leurs appointements : car l'article 16 de la loi du 15 mai dit: Les sous-Lieutenants actuels non compris dans La formation conserveront ls deux tiers de leurs appointements jusqu'au moment où ils rentreront en activité; et l'article 21 s'exprime ainsi : « Les capitaines et majors de vaisseau qui ne voudront pas continuer leur service ou qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation, auront pour retraite, dans ce moment-ci seulement, les deux tiers des appointements dont Us jouissaient. Ce n'est donc pas pour favoriser les officiers émigrés que le ministre les a portés sur la liste de
formation, mais pour les assujettir à une revue qui constatera leur absence, les mettra dans le cas d'être remplacés et leur ôtera la faculté de pouvoir réclamer dans la suite des avantages que l'Assemblée constituante n'a entendu accorder qu'à des officiers patriotes.
M. le rapporteur trouve le ministre très ré-préhensible pour avoir accordé des congés, dans des circonstances où il n'en était dù à personne. Mais, Messieurs, existe t-il quelque loi, je ne dis pas qui lui défendit d'en donner, mais qui l'autorisât à refuser aux officiers qui arrivaient de la mer, les congés qu'ils réclamaient, en vertu de la loi? Il se récrie sur celui accordé à M. Nieul, pour aller passer quelque temps en Hollande ; mais il ne vous dit pas que cet officier, qui avait couru de très grands dangers, a été tenu, en partant, d'indiquer l'endroit où il pourrait recevoir les ordres du roi : preuve certaine qu'il n'y avait aucune intention suspecte de sa part, ni de celle du ministre. Il cite encore un congé accordé à un officier pour aller servir en Russie : bien loin, Messieurs, que le ministre soit répréhensible pour l'avoir donné, il serait bien à désirer qu'il fût souvent dans le cas d'en accorder à des officiers jaloux d'acquérir de nouvelles connaissances en servant sur les vaisseaux des différentes puissances maritimes.
Un autre reproche grave articulé contre M. Bertrand, c'est de n'avoir pas fait exécuter l'ordre qu'avait donné M. Thévenard, que tous les officiers en congé fussent rendus à leur département pour le 15 septembre. Mais, Messieurs, pourriez-vous faire un crime à M. Bertrand de n'avoir pas fait exécuter l'ordre de M. Thévenard, tandis que ce dernier, qui ne l'avait donné que parce qu il espérait que l'organisation de la marine pourrait être achevée au lo septembre, non seulement ne l'a pas fait exécuter, mais que voyant qu'elle était nécessairement retardée par le "manque des lois nécessaires pour l'achever, il s'est déterminé à accorder, depuis cette époque jusqu'au 4 octobre, qu'il a quitté le ministère, quatorze congés et huit prolongations de congés. M. Bertrand a-t-il fait autre chose que M. Thévenard, en accordant des congés ou des prolongations de congés jusqu'à la nouvelle organisation?
On reproche encore au ministre l'inexécution de l'ordonnance de 1786 ; M. Bertrand vous a dit, Messieurs, qu'elle n'avait jamais été mise à exécution. Il vous est facile de vous convaincre de la vérité de cette assertion, en faisant vérifier, sur les revues faites avant le 20 novembre, si le nombre d'officiers prescrit par l'ordonnance de 1786, se trouvait effectivement au port de Brest. N'y aurait-il pas une injustice extrême à faire un crime au ministre actuel de n'avoir pas mis en vigueur, dès les premiers moments de son entrée au ministère, une ordonnance qui n'avait jamais été suivie? L'Assemblée constituante a-t-elle trouvé des torts à MM. La Luzerne, Fleurieu et Thévenard, parce qu'ils ne l'avaient pas fait exécuter? Ces ministres avaient cependant bien plus de moyens que M. Bertrand pour y parvenir, puisque le décret qui a supprimé le corps de la marine et l'a recréé sous une nouvelle forme, n'était pas rendu. Le Comité d'alors, dont plusieurs membres étaient à Brest, n'ignorait pas l'inexécution de cette ordonnance; et s'il eut jugé qu'il était indispensable qu'elle fût suivie, il n'aurait pas manqué d'en informer l'Assemblée.
Je crois, Messieurs, avoir suffisamment répondu
à toutes les allégations faites contre le ministre de la marine, et avoir démontre avec la plus grande évidence qu'il n'est nullement coupable. Je pourrais à présent vous parler de la circonspection avec laquelle l'Assemolée doit fair* usage désarmés redoutables que la Constitution a mises entre ses mains, non pour tourmenter les ministres pour quelques erreurs ou quelques fautes légères qu ils auraient commises, mais pour donner un grand exemple s'iisse rendaient coupables de délits importants; je pourrais vous aire que ce ne peut être sur des dénonciations vagues, sur des faits qui ne sont pis clairement et légalement prouvés, que vous pouvez prononcer co itre un ministre un décret d'accusation, ou déclarer au roi qu'il a perdu la confiauce de la nation ; ce qui est une peine bien plus considérable. puisque c'est un jugement sans appel ; je pourrais vous observer que vous ne pouvez trop surveiller les manœuvres que des intrigants ne cessent d'employer auprès des comités et jusque dans le sein même de l'Assemblée, pour faire servir vos décrets à assouvir leurs haines et leurs vengeances particulières, ou à déplacer un ministre auquel ils veulent en substituer un autre, de la faveur duquel ils sont assurés. Mais MM. Quatremère et Lagrévo! ayant déjà discuté ces objets, je me bornerai à vous prier de considérer qu'à peine un mois s'était écoulé depuis que M. Bertrand avait été appelé au ministère, à peine avait-il eu le temps de prendre connaissance de la situation et des affaires importantes de son département, qu'on l'a représenté comme un traître qui a trompé lu nation et le roi. C'est avec la plus scrupuleuse attention, Messieurs, que j'ai examiné la conduite de ce ministre, que j ai pris communication des mémoires qu'il a adressés à l'Assemblée nationale, tous ayant pour objet de provoquer les lois nécessaires pour l'organisation de la marine ; et bien loin de le trouver coupable, je me suis convaincu que toutes ses démarches n'ont eu pour but que l'exécution de la loi.
Je finis, Messieurs, en vous rappelant que c'est de la bonne harmonie qui doit régner entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, que dépend le maintien et raffermissement de la Constitution. Ne tracassons point les ministres spécialement chargés de faire exécuter les lois ; ne nous plaisons pas à leur chercher des torts imaginaires et à écouter des dénonciations vagues que l'intrigue et la cabale ne cesseront de diriger contre eux ; hâtons-nous de rendre les lois nécessaires pour que celui de la marine puisse promptement o ganiser et tirer de l'inertie où elle est, cette partie essentielle de la force pu-plique, et croyons que M. Bertrand, qui annonce des talents et de l'énergie, ne les emploiera qu'à faire exécuter la loi et à maintenir la Constitution, qu'il a juré de défendre de tout son pouvoir.
Je conclus à la question préalable sur le projet du Comité, et à ce que l'Assemblée ordonne une revue générale de tous les officiers de la marine pour le 15 mars.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion de m. Cuel (1), député du Puy-de-Dôme, sur Le projet de décret proposé par le Comité de marine contre le ministre.
Je ne viens pas défendre la cause du ministre de la marine, ni justifier sa conduite : je n'examinerai pas s'il est innocent ou coupable des délits qu'on lui impute; mais je viens inviter l'Assemblée nationale à se prémunir contre une faute grave que son Comité lui propose.
Déclarer par un acte solennel qu'un fonctionnaire public a perdu la confiance de la nation, c'est dire qu'il s'en e t rendu indigne pour en avuir abuse; c'est prononcer contre lui une peiue aftlîctive infamante.
Est-il un Français capable de balancer un moment entre la perte de l'honneur ou de la vie? Et si l'on considère le supplice sous ses deux rapports, quant au moral et quant au physique, ce n'est pas un problème pour décider lequel des deux est le plus affligeant.
Nul citoyen ne peut être puni qu'en vertu de la loi légalement appliquée. Elle ne distingue pas dans l'application les peines infamantes et des peines corporelles : soit que la peine affecte 1 âme, soit qu'elle frappe le corps, les formes doivent être également et religieusement observées.
L'atteinte la plus dangereuse pour la Constitution serait sans doute la confusion des pouvoirs qu'elle a si sagement distingués; par la même raison que le pouvoir judiciaire ne peut faire des lois, le pouvoir législatif ne peut les appliquer ; et je le demande, si l'assemblée nationale adoptait le projet de décret de son Corail é, ne prononcerait-elle pas un jugement contre le ministre V Et ce jugement serait-il légal? Je frémis lorsque je calcule de saug-iroid les funestes effets que produirait nécessairement ce bouleversement de principes.
11 est vrai que l'Assemblée nationale constituante a. donne à votre Comité l'idee du projet de décret qu il vous présente; c'est une preuve de cette grande vérité, que dans l'ouvrage le plus parfait qui puisse sortir de la main des hommes, l'examen et la réflexion, le temps et l'expérience y découvrent toujours quelque tache plus ou moins sensiole; mais i'Assemblee constituante a fait la revision de ces lois, et nous trouvons à chaque pas, dans l'éternel monument de sa sagesse, des maximes qui rectifient sa première erreur. Aucun ministre,eu place ou hurs de place, ne peut être poursuivi en matière criminelle, pour fait de son administration, sans un décret du Corps législatif, et dans le sens de la Constitution, c'est le décret d'accusation.
Dans le même sens, elle délè.ue au Corps législatif le pouvoir dé poursuivre devant la haute Cnur nationale la responsabilité des ministres et des agents du pouvoir exécutif, mais elle ne l'autorise pas à les frapper.
Sans doute, les fautes réfléchies d'un ministre ne sont jamais légères ; elles caractérisent toujours médiatement ou immédiatement, unatten-
tat ou un complot contre la sûreté générale de l'Etat ; s'il est criminel, s'il existe aes preuves de son crime,- il faut, dans le froid de l'impassibilité, l'accuser devant la haute Cour nationale; la loi le veut, et là; il sera interrogé, il connaîtra ses témoins, il aura la faculté de les récuser et de les contredire, il aura un conseil et pourra se défendre ; s'il est condamné, il le sera légalement.
Mais écartons un mode de punir proscrit par la justice et par la raison; craignons de détruire d'un seul mot les grands effets que'doit produire sur les nations l'immortelle déclaration de Gon-dorcet ; soyons sages, si nous voulons sauver la France.
Je ne conçois pas les inconséquences du Comité : il n'a certainement pas pensé que les faits imputés au ministre n'étaient pas assez graves pour donner lieu à un décret d'accusation contre lui et, dès lors, la haute Cour ne pouvant le frapper de son glaive, il a pu proposer à l'Assemblée ae le punir en le déshonorant aux yeux de l'Europe ; le motif serait bien injuste. Aurait-il cru devoir par indulgence le flétrir pour lui conserver la vie ? Cette pitié serait bien cruelle.
Je le répète, je ne suis pas le thuriféraire des ministres; je déclare qu'ils ne m'ont jamais rien refusé et j'assure qu'ils ne me refuseront jamais rien ; mais autant je suis éloigné de donner à des hommes un encens qui ne leur est pas dû, autant je suis idolâtre des principes de la justice et de la Constitution.
Je demande la question préalable contré le projet du Comité, sauf à porter contre le ministre le décret d'accusation, s il y a lieu.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion de M. Malassis (1), député du Finistère, sur tes accusations portées par les administrateurs de ce département et par les habitants de la ville de Brest contre le ministre de la marine.
Messieurs,
Je ne m'attacherai pas à répondre à tous les articles de la volumineuse et prétendue justification du ministre de la marine ; cette discussion a déjà trop longtemps occupé l'Assemblée. Il est affligeant d'employer tant ae séances pour l'éclaircissement d'un fait qui serait depuis longtemps décidé s'il avait regardé tout autre qu'un ministre. Je ne m'arrêterai qu'au chef d'accusation qui fait le principal objet du rapport du Comité de marine (2) : j'aborde donc directement la question.
Tous les officiers de marine étaient-ils à leur poste à l'époque du 14 novembre dernier ? voilà ce qu'il s'agit d'examiner.
Il faut d'abord définir ce que l'on doit entendre par être à son poste.
Quant à moi, Messieurs, je ne sais si je m'abuse, mais il me paraît évident qu'il n'y a pour les officiers de marine non embarqués que deux manières d'être à son poste ; savoir : de résider au lieu de leur service, ou d'habiter tout autre ville du royaume, lorsqu'ils en ont obtenu la permission par un congé légal.
Voyons si, dans ces deux cas, le ministre de la marine était fondé à publier qu'aucun officier de son département n'avait quitté son poste.
Le roi, dans sa lettre du 13 octobre 1791 aux commandants des ports, dit : « Je suis informé « que les émigrations se multiplient tous les « jours. »
Il ajoute : « Comment se peut-il que des offi-« ciers d'un corps dont la gloire m'a toujours « été si chère, se soient laissés égarer au point « de perdre de vue ce qu'ils doivent à la patrie, « ce qu'ils doivent à mon affection, ce qu'ils se « doivent à eux-mêmes ! »
Le roi dit plus loin : « Quel est votre devoir à « tous Ide rester fidèlement attaché à son poste, de « coopérer avec moi, avec franchise et loyauté, à « assurer l'exécution des lois que la nation pense « devoir faire son bonheur. »
Il est clair que le roi, reprochant aux officiers de la marine a'avoir manqué à leur devoir envers la patrie, et en disant, un moment après, que leur devoir est de rester fidèlement à leur poste; il est clair, dis-jej que le roi, par sa lettre et le ministre de la marine en la contre-signant, publiaient formellement que des officiers de la marine avaient quitté leurs postes.
Cela, Messieurs, vous paraîtra sans doute de tpute évidence. M. Bertrand seul n'en conviendra pas. Eh bien, je suppose un instant qu'à l'époque de la lettre du roi, aucun officier de marine n ait été censé avoir quitté "son poste; je suppose qu'ils aient pu franchir les frontières sans mériter Ce reproche. Mais, je vous le demande, Messieurs, quel effet a produit là lettre du roi? Au lieu de voir rentrer les émigrés, comme l'on devait naturellement s'y attendre, l'émigration a pris de nouveaux accroissements, et la presque totalité de la marine, ci-devant noble, s'est. jointe avec plus d'empressement encore, au delà du Rhin, aux ennemis de la nation et du roi.
Le ministre de la marine ne pouvait pas au moins ignorer que le poste d'un officier est celui que le roi lui désigne au nom de la loi ; dL ne pouvait pas ignorer que la lettre du roi ne fût un ordre pour tous les officiers de la marine : il savait donc que ceux qui n'avaient pas obéi en rentrant dans le royaume, et ceux qui, malgré la défense, en étaient sortis, avaient nécessairement quitté leurs postes.
C'est cependant après cette émigration, presque entière au 14 novembre, un mois après la lettre du roi, contresignée par M. Bertrand, qu'il ose affirmer, à la face de l'Europe, qu'aucun officier de marine n'avait quitté son poste !
M. Bertrand avait avancé un fait faux; il a voulu le soutenir, persuadé sans doute qu'un ministre ne devait pas avoir tort. La manière dont il tâche de justifier sa lettre, prouve qu'il n'était pas d'accord avec lui-même.
En effet, de quel misérable moyen s'est-il -servi? Du prétexte de la politique! Pouvait-elle colorer un mensonge qui ne devait en imposer
à personne, puisqu'il était public ? Il dit « qu'il était important que les puissances étrangères ne crussent pas que nous eussions un grand nombre de vaisseaux sans officiers pour les commander. »
Gomment M. Bertrand a-t-il pu croire qu'il fût possible de se contenter d'une pareille excuse?
Les étrangers n'ont-ils pas lu comme nous la lettre du roi et la sienne? croiront-ils, comme le dit M. Bertrand, que tous les officiers de marine sont à leurs postes, lorsque quelques-uns d'entre eux sont présents à un service particulier ou ont un congé pour s'en absenter ? Les étrangers ont-ils pu croire que tous les officiers de marine étaient à leurs postes, lorsque, de fait, les trois quarts étaient passés dans l'armée des conjurés? M. Bertrand pouvait-il supposer les cabinets de l'Europe, parfaitement instruits des émigrations, assez imbéciles pour tomber dans un pareil piège? Non, certainement : M. Bertrand ne l'a jamais cru. Quelles ont donc été ses intentions? Quelques orateurs les ont interprétées de différentes manières. Quant à moi, j'en abondonnerai le soin à l'opinion publique, gui saura probablement les apprécier à leur juste valeur.
M. Bertrand sait très bien qu'il est impossible, en rapprochant la lettre du roi de la sienne, de ne donner à son assertion que le sens étroit qu'il prétend y attacher; il ne peut pas douter que le public n'y mette toute l'extension dont elle est naturellement susceptible. Le vrai est qu'ayant administré souverainement la ci-dévant province de Bretagne, il n'a pas imaginé qu'étant ministre de la marine, on eût osé le contredire.
Je crois avoir démontré que des officiers de la marine avaient déserté leurs postes à l'époque du 14 novembre; cependant le ministre ,de la marine refuse encore à sa propre conviction et persiste à dire qu'il n'a avancé rien que de vrai, lorsqu'il a affirmé qu'aucun officier de.marine n'avait quitté son poste, 11 dit que celui-là seul pouvait quitter son poste, qui avait un service particulier à remplir dans les ports, et il soutient que personne ne l'avait abandonné ; il prétend que sa lettre ne présente pas un autre sens. Ce n'est là certainement qu'un pitoyable subterfuge bien digne de l'ancienne chicane ; car le ministre de la marine, dans sa lettre du 14 novembre, ne laisse pas d'équivoque sur la signification du mot quitter son poste. Voici comme il s'exprime : « Je n'ai pas dit en effet qu'en de-« mandant à être entendu, j'avais uniquement' « pour motif d'instruire l'Assemblée des mesures « prises, quant à mon département,| contre les « émigrants. M. le Président ne m'ayant accordé « la parole qu'après avoir prononcé le décret « de passer à l'ordre du jour, je dis seulement, « qu'après le décret qui venait d'être rendu, je « n'avais plus rien à dire, que si j'eusse été en-« tendu un moment plus tôt, j'aurais dit que le « message dont nous étions chargés, avait uni-« quement pour objet d'instruire l'Assemblée des I « mesures que le roi avait prises relativement « aux émigrés; mais j'ai si peu donné à enten-« dre qu'aucune de. ces mesures fût relative à « mon département, que si j'avais été dans le « cas de m'expliquer a cet égard, je me serais, « fait un devoir d'affirmer qu'il n'y avait pas un seul officier de marine qui eût quitté son « poste. »
En lisant cette phrase, il n'est personne qui ne convienne que M. Bertrand entendait lors-
que les émigrés avaient quitté leurs postes. En affirmant en même temps qu'aucun officier de son département ne l'avait quitté, il déclarait qu'aucun officier de marine n'avait émigré : il avançait donc un fait faux, un fait en contradiction manifeste avec la lettre du roi, qu'il avait contresignée. Mais ces deux lettres s'accordaient parfaitement dans la signification du mot quitter son poste. Cependant, considérons sa lettre sous le point de vue sous lequel il prétend qu'on doit la juger, et examinons quelles en pourraient être les conséquence^.
Voyons d'abord combien il y a de postes à remplir dans les ports, ou plutôt combien il y a d'officiers particulièremènt attachés à des postes.
Chacun des trois grands ports Brest, Toulon et Rochefort, ont
Un commandant; . Un directeur de port; Un major général; Un sous-directeur; Un aide-major ; Un directeur d'artillerie ; Un directeur général ; Un sous-directeur :
Total 8 officiers attachés particulièrement à des postes; ce qui ferait 24 pour les trois grands ports. En en supposant 16 pour tous les petits-ports, le nombre monterait à environ 40.
J'observe que, dans mon calcul, je ne comprends pas les officiers des canonniers-matelots, parce qu'ils ne sont pas proprement dits des officiers de vaisseaux, puisqu'ils ne sont pas destinés à les commander ; ils sont d'ailleurs trop bons patriotes pour n'être pas restés fidèlement attachés à leurs compagnies respectives.
D'après le système de M. Bertrand, si les 40 chefs se tiennent à leurs départements, n'eussent-ils pas un seul officier pour remplir sous leurs ordres les différents services des arsenaux, personne n'aurait quitté Son j)oste.
Il s'ensuivrait que dè 1,000 officiers de vaisseaux, au moins, dont est composé le corps de la marine, 960 pourraient quitter le royaume et se joindre aux ennemis de l'Etat, sans que pour cela on puisse dire qu'aucun officier de marine ait quitté son poste. Cette assertion serait aussi absurde que révoltante.
S'il v a des officiers supérieurs dans les ports, il est ae toute nécessité qu'il y ait des subordonnés et que le nombre en soit fixé en raison des besoins du service. La loi du 15 mai n'en parle pas; d'ailleurs elle n'est pas encore misé à exécution.
C'est donc à l'ordonnance de 1786 qu'il faut s'en rapporter pour le nombre d'officiers de marine obligés à résidence dans les ports, puisqu'elle seule a prévu combien il en fallait pour remplir, sous les ordres des commandants, les différents services qui exigent la garde et la surveillance continuelle et très étendue des arsenaux (1). Il est incontestable que ces officiers, quoique non affectés à un service particulier, avaient vraiment déserté leur poste s'ils avaient quitté leur département sans congé.
Or, il est prouvé, par les deux dernières revues
passées à Brest les 1er octobre et 20 novembre derniers, que, dans ce seul port, 5 capitaines de vaisseau seulement étaient présents à la première revue, et 4 à la seconde.
Les mêmes revues constatent que de 139 lieutenants, moitié des officiers de ce grade, non embarqués et obligés à résidence, 72 seulement ont répondu à l'appel et qu'au 1er novembre, de 122 lieutenants, 19 seulement se sont présentés.
Il résulte, en conséquence, qu'à la revue du 1er octobre, il manquait 5 capitaines de vaisseau et 68 lieutenants, et qu'à celle du 20 novembre, il manquait 6 capitaines et 103 lieutenants dans le seul port de Brest.
Il est donc évident, de quelque manière qu'on examine la question, soit, comme je l'ai prouvé, qu'elle doive s'appliquer aux émigrés qui étaient libres du choix de leur domicile dans le royaume, soit qu'elle reearde uniquement c^ux que l'ordonnance oblige à résider dans les porls, qu'il y avait, au 14 novembre, des officiers de marine qui n'étaient [tas à leur poste.
Mais M. Bertrand prétend que l'ordonnance de la marine de 1786 n'a jamais été exécutée à la lettr e, et qu'au moment d'une organisation nouvelle, il n'a pas cru devoir exiger qu elle fut exactement suivie. Le rapporteur lui a fort judicieusement observer que les torts de ses prédécesseurs n'autorisaient pas les siens. Mais ne l'a-t-on pas scrupuleusement observée cette ordonnance en ce qui pouvait être utile et agréable au ci-devant grand i-orps de la marine?
Un des défenseurs de M. Bertrand, pour justifier l'absence des officiers de la marine, cite l'article 1er de la loi du 15 mai 1791, qui dit : « Pour l'exécution des précédents décrets, le corps de la marine est supprimé; » et il en conclut que les officiers ne fcont plus tenus à résidence dans les ports. Il aurait dû citer en même temps le vingt-sixième et dernier article de celte même loi, qui est ainsi conçu : « Les officiers de la marine « continueront de remplir leurs fonctions et de « recevoir leurs appointements actuels jusqu'à « l'époque de la formation nouvelle du corps de « la marine. »
Le même défenseur cite encore l'article 7 conçu en ces termes : « Tous les grades non énouces « dans la présente composition et toutes les « distinctions d'escadres actuellement existantes, « sont supprimés, ainsi que les états-majors qui « y sont attachés. Les fonctions attribuées à ces « états-majors seront exercées provisoirement « par l'état-majur de la marine dans chaque « port. » Et il en conclut que ce provisoire dispense de résidence les 10 capitaines de vaisseau attachés aux escadres. J y consens très volontiers; mais si ces capitaines ne sont plus sujets à des fonctions et à la résidence, pourquoi reçoivent-ils le supplément d'appointements affecté à cette résidence et à ces fonctions? Je puis vous affirmer, Messieurs, qu'ils l'ont touché pour les trois derniers mois 1791.
Je le demande à M. Bertrand, si le lendemain, si le jour même de la publication de sa lettre du 14 novembre, les circonstances vous eussent obligés à décréter l'armement de 20 vaisseaux de ligne et d'un nombre proportionné de trégates etautrespetits bâtiments, qu'aurait-il purépondre à ce décret? Il vous aurait dit : J'ordonnerai l'armement de ces vaisseaux; mais je n'ai pas d'officiers pour les commander. Vous lui eussiez objecté sa lettre du 14 novembre; et il vous eût répété que ces officiers étaient absents des ports par congé ou sans congé; qu'ils étaient même
presque tous hors du royaume. Il aurait ajouté qu'en vain il leur donnerait des ordres d'y rentrer, puisqu'ils s'étaient déjà refusés à l'invitation du roi, du 13 octobre, qui leur prescrivait leur premier devoir, celui d'être à leur poste.
Mais il n'en eut pas moins persisté à vous soutenir, comme il l'a encore fait dans la séance du 19 janvier, qu'il n'y avait pas un seul officier de marine qui eût quitté son poste, suivant l'interprétation qu'il donnait à ce mot; il aurait dit, comme à cette même séance, qu'il ne connaissait pas de loi qui l'obligeât à yappliquer un sens plutôt qu'un autre, mais où est celle qui l'a autorisé à l'interpréter d'une manière dans la lettre du roi du 13 octobre, qu'il a contresignée, et même dans la sienne du 14 novembre;"et à prétendre i'interpréteraujourd'hui d'une manière toute différente? En vérité, Messieurs, il est dégoûtant de répondre à tant d'absurdités.
M Bertrand peut, sans doute, interpréter un mot comme bon lui semble, en ce qui le regarde personnellement, comme particulier; mais quand une fausse interprétation peut compromettre les intérêts de la nation, il est vraiment coupable lorsqu'il s'en sert comme ministre. L'article 3 de la quatrième section du chapitre 2 de la Constitution, rend les ministres responsables de tout délit par eux commis contre la sûreté nationale; c'en est certainement un de déguiser la situation d'une branche essentielle de la force nationale; d'un département aussi important que celui de la marine; et quand? lorsque nous sommes menaces de touies parts, à la veille d'une guerre générale.
J ai démontré, Messieurs, et je ne crois pas qu'il y ait un homme de bonne foi qui puisse se refuser à convenir que M Bertrand en a imposé à la nalion d'une manière à compromettre sa sûreté, lorsqu'il a publié, le 14 novembre dernier, qu'aucun officier de son département n'avait quitté son poste.
J'appuie, en conséquence, les conclusions du rapport du Comité de la marine, tendant à ce que l'Assemblée nationale décrété que le ministre de la marine a perdu la confiance de la nation.
Je demande aussi que les officiers de la marine émigrés au 15 novembre dernier et ceux qui ont franchi les frontières depuis cette époque, ne soient plus susceptibles de rentrer dans le poste qu'ils ont si lâchement et si traîtreusement abandonné, et que ceux qui n'ont pas quitté le royaume soient tenus, pour être admis dans la nouvelle organisation, de le justifier par un certificat de la municipalité du lieu où ils ont fait leur résidence depuis ladite époque, visé par le directoire du district.
Je demande que la loi du 15 mai 1791, sur l'organisation des officiers de la marine, soit prompte-ment exécutée; que la revue de formation soit fixée à un terme très court et que le rapport de votre Comité de maiine, sur les remplacements, vous soit l'ait sans le moindre délai. Nous sommes à la veille d'une guerre ; et quoi qu'en dise M. Bertrand, nous n'avons presque pas d'officiers de marine. (Je puis vous assurer, Messieurs, que le nombre des absents était encore plus grand à la revue du 1er nu mois dernier (janvier 1792) (1) qu'il ne l'était à celle extraordinaire du 20 no-
vembre dernier). Il est donc urgent de procéder à un remplacement, à cet égard, Messieurs, l'on ne doit avoir aucune inquiétude : les Jean Bart et les Duyuay-Trouin n'étaient pas de la caste de ceux qui sont au nombre des conjurés.
Ce serait ici l'instant de réfuter les injures gratuites que M. Forfait s'est permises contre la ville de Brest, injures qui n'avaient aucun rapport au sujet de la discussion ; mais je me reprocherais de faire perdre à l'Assemblée un temps précieux pour l'entretenir de calomnies qui ne méritent d'autre réponse que le plus profond mépris.
Je ne puis croire ni même soupçonner que M. Forfait ait eu l'intention de faire sa cour au ministre par des imputations aussi odieuses que déplacées, contre une ville dont le seul crime est d'être patriote et d'avoir osé dénoncer des abus; je lui suppose trop de délicatesse pour n'être pas persuadé qu'il dédaignerait tout avancement qui ne serait pas la recompense de ses servicés, de ses talents et de son patriotisme. Mais je lui demanderai comment il a pu se charger d'avance de faits aussi graves, sans en pouvoir alléguer aucune preuve. Comment a-t-il pu croire aussi légèrement que les habitants d'une ville où il a passé avec agrément les plus belles années de sa vie, soient devenus, depuis qu il l'a quittée, des animaux féroces?
Je pourrais lui prouver que les sources où il a puisé ces calomnies sont aussi impures que méprisables. Je pourrais lui prouver que les mouvements populaires qui ont eu lieu à Brest n'étaient pas proprement dit du fait de ses habitants, et que s ils n'ont pas.eu les suites les plus fâcheuses,, c'est à leur intervention courageuse, dirigée par l'amour de l'ordre et le respect pour la loi, qu'on en est redevable.
Je lui démontrerais que ces mouvements populaires ont toujours été provoqués.
Je lui prouverais, enfin, qu'aucune viUe du royaume n'a montré plus de patriotisme et n'a déployé plus d'énergie pour défendre la liberté, l'égalité, la Constitution.
Mais, Messieurs, pour bien jug^r les habitants de Brest et apprécier les faits dont on les accuse, il suffit de connaître leurs calomniateurs, qui, parjures aux serments réitérés qu'ils ont prêtés devant les officiers municipaux de ladite ville, poursuivent en ce moment, au delà du Rhin, avec l'acharnement le plus criminel, l'abominable projet de dévaster leur patrie. C'est là le poste qu'ils ont .préféré à celui qu'ils avaient juré de garder pour sa défense.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Liste des membres (1) qui, dans la séance du mercredi 1er février 1792, au soir, ont pris part au vote par appel nominal sur cette question : « T a-t-il lieu à délibérer sur le projet de décret du Comité de marine tendant à déclarer au roi
que le ministre de la marine a perdu la confiance de la nation? Oui ou non. » (t)
OUI. NON.
Albitte, aîné. Adam (Jean-Louis).
André (de Logny). Adam (Jean-Charles).
André (du Thillot). Amat.
Antonelle. Anseaume.
Arbogast. Avelines.
Archinard. Baert.
Arena. Ballue.
Audrein. Béjot.
Azéma. Belle.
Barennes. Belleroche.
Baudin. Beugnot.
Beaupuy, aîné. Bigot de Préameneu.'
Beauvais. Blanchard.
Bélin. Bonnemère.
Benoid. Bosc.
Bernard (de Nantes). Boullanger.
Bissy jeune. Bousquet.
Blanchon (de Confolens).Bravet.
Bô. Brémontin.
Bon net-de-Meautry. Bruley (Prudent).
Bon ne val. Brunck.
Bonnier. Calvet.
Bordas. Caminet.
Borie. Cartier.
Boucher. Carnot-Feuleins jeune.
Boues lard. Caubère.
Briand. Champion.
Brissot de Warville. Chasteau.
Brival. Chazot.
Broussonnet. Chéron-La-Bruyère.
Brulley (Théodore). Chevallier-Malinert.
Brun. Chirat.
Galon. Claye.
Cambon fils aîné. Codet.
Cappin. Colomb-De-Gast.
Carnot aîné Co ns tant-Saint-Estève.
Carpentier. Coppens.
Causse. Coubé.
Cavellier. Couget.
Chaubry-de-Laroche). Croichet.
Ghedaneau. Crublier-d'Optère.
Choudieu. Cuel.
Clauzel jeune. Cunin.
Cochet. Damourette.
Condorcet. Danthon.
Corbel. Daverhoult.
Cornudet-des-Chaumets.Debranges.
Courtin aîné. Delacroix.
Coupé. Delafont-Braman.
Courtois. Delaizire.
Cous lard. Depère.
Couturier. Derr.en.
Cresiin. Deschamps.
Crousse. Desportes fils.
Curée. Desprez.
Dameron. Destrem.
Debry (Jean-Antoine). Don «ois.
Dehaussy-Robécourt. Dorizy.
Delaunay. Douyet.
Deliège. Ducastel.
Delmas. Dumas (Mathieu).
Deperet. Dumolard fils.
Descamps. Dupertuis.
Deydier. Duval (de Vitré).
Dberbez-Lalour. Du van t.
Dièudonné. Duvoisin-De-Laserve.
oui.
Digaultray. Dubois de Bèllegarde. Dubois-du-Bais. Dubout. Dubuisson. Ducos fils. Duhem. Duphénieux. Dupont-Grandjardin. Dupin. Duquesnoy.
non.
Escanyé. Esperou.
Fabre (de Carcassonne). Faure. Fayolle. Ferrus. Foissey. Forfait. Fossard. Fouquet.
Français (Antoine).
Duval (dePlessis-Dorin). François (Louis-François)
Duval (de Thiei). Dyzès. Escbasseriaux. Espariat.
Fabre (de Ploermel). Faye. Fiquet. Gaston.
Gàstëllier.
Gausserand.
Genty.
Gérardin.
Girard.
Giraudy.
Golzart.
Goubet
Gaudin (Joseph), négo- Goujon.
ciant. Gaulmin. Gay-de-Vernon. Gélin. Gensonné. Germignac. Gertoux. Gibergues. Girod (Jean-Louis). Giroust (de Nogent). Gossuin. Goupilleau. Grangeneuve. Guimberteau. fl Gréau. Haussmann, Henry (François)'. Hérault-de-Séchelles. Ingrand. Isnard. Inizan. Jagot. James. Jamon. Jay.
Journu-Aubert. La Boissière. I Lacoste.
Lacoste-Monlausier.
Laguire.
Lamarque.
Lambert (Charles) .
Lamourette.
Laplaïgne.
Lasource.
Laumond.
Lauzet-du-Perret.
Lefebvre (Charles).
Lemoine-Villeneuve.
Léopold.
Lequinio.
Le Tourneur.
Levasseur aîné.
Leyris.
Limousin.
Lindet.
Lolivier.
Lomont.
Lostalot.
Louvet.
Lucat ^Bernard).
Grégoire aîné. Guitard fils. Guyton-Moryeau. Hainsselin.
Hébert (Jean-Baptiste).
Hébert (Louis-Joseph).
Henry (Pierre-Paul).
Hochet:
Hugau.
Ille.
Jahan.
Jollivet.
Jouffret.
; Jouneau (Jean-Joseph). Juglar. Labastie. Lacépède. Lacretelle. Lacuée jeune. Lafon-Ladebat. Lafont (Charles-Marie). Lagrévol. Lambert (Joseph). Lameth.
Langlois ^Pierre). Langlois (Guillaume). Larochette. Lassabathie père. Lebœuf. Lavigne.
Lecointe-Puyràveau. Leconte-de-Betz. Legras. Lejeune. Lemaistre. Lemesre. Lemontey. Lepigeon-de-Boisval. Leroy (Jean-François). Leroy-de-Flagis). Letailleur. Letellier. Levavâsseur. Lozeran-de-Fressac. Lucas (François)." Lucy. Maizières. Maleprade. Malus. Marchand. Marie (Joseph).
oui.
Maignen. Malassis. Mallarmé. Manchand. Maribon-Montaut. Martin (Etienne). Martin (Pierre). Martineaù. Mauche. Méricamp. Merlet. Merlin. Michaud (Jean-Baptiste) Michâud (Luc). Monneron. Morand aîné. Moreau (Jean). , Morisson. Moulin. Niou. Oudot. Péraldi. Piétri. Pinet aîné., Piorry. Poisson. Pozzo-di-Borgo. Prieur-Duvernois. Projean. Quillet. Reboul.
Richard (Joseph). Rivery. Rolland. Romme.
Roubaud (Jean-Louis).
Rougier-La-Bergerie.
Roujoux.
Rouyer.
Roux (Victor).
Ruamps.
Rudler.
Sabathier.
Saladin.
Sallengros.
Sautayra.
Sauvé.
Seranne (Joseph-François). Sers. Siau. Siblot.
Soubeyrand-Saint-Prix.
Soubrany.
Taillefer.
Thibaut.
Thuriot.
Tocquot.
Turgan.
Valdruche.
Vardon.
Vayron.
Vergniaud.
Vernerey.
Vidalot.
Viennet.
Voisard fils.
NON.
Massenet. Massey.
Mathieu (Jacques.)
Mayerne.
Ménard.
Merveilleux.
Meunier.
Michel cadet.
Michelon-Dumaret.
Molinier.
Montault-Des-Isles. Moreâu (Edmé). . Morel. Nogaret fils. Paillet. Petit. Philibert. Pierrot (François). Pieyre fils. Pillaut. Poitevin. Pomiès. PoUjet. Prouveur.
Quatremère-Quincy.
Quatresolz de Marolles.
Quesnay.
Raffin.
Rameau.
Ramond.
Régnault-Beaucaron.
Rever. .
Ribes (Louis).
Rivoalan.
ROchoux.
Rogniat.
Rouède.
Rousseau (Louis-Julien).
Rubat (Antide).
Ruet.
Sage.
Sancerre.
Savonneau.
Sedillez.
Servière.
Solomiac.
SOret.
Tarbé.
Tavernel.
Terrëde.
Tesson.
Theule.
Thévenet.
Thévenin.
Treilh-Pardailhan.
Tronchon.
Turpetin.
Verneilh.
Viénot-Vaublanc.
Voysin de Gartempe.
Waelterlé.
Séance du
présidence de m. vergn1aud, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires proclame les membres du Comité de liquidation.
Ce sont :
Membres : MM. Lindet,
Baffoigne, Gelin,
Jard-Panvillier,
Lucy,
Amy
Bamel,
Nau l'aîné, ,
Faye,
Glaye,
Theule,
Soret,
Courtois,
Philibert,
Lostalot,
Ménard,
Morel,
Sanslaville,
Jolly l'aîné.
Dherbez-Latour,
Richard.
Auguis,
Carret,
i(MM. Alleaume et Pa-ganel ayant un égal nombre de voix, le plus jeUne est premier suppléant.) Suppléants : MM. Pierrot (François), Martin (Pierre). Dupont (Jacob), Calmon, Col,
Danthon, Girod.
Suppléants : MM. Régnier, Demées,
Marie (Jean-Joseph), Solomiac.
Un membre monte à la tribune pour faire lecture d'une adresse des citoyens actifs de la ville de Bourges.
Un autre membre demande que, suivant un précédent décret de. l'Assemblée, cette adresse Soit directement renvoyée au comité des pétitions.
(L'Assemblée renvoie l'adresse au comité des' pétitions.)
Messieurs, les membres composant le bureau municipal de Grenoble font part à l'Assemblée nationale de deux vices qu'ils ont cru découvrir dans la rédaction des lettres-patentes accordées au sieur Perrotin, suppléant au tribunal de district de, leur ville et devenu juge par Vélection du tribunal criminel du département de l iséré, il y est dit que le juge tient sa mission du roi, tandis qu'il la tient du peuple. Je demande le renvoi de cette affaire au comité de législation, pour qu'un prompt rapport en soit fait.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire au Comité de législation.)
Un membre demande le renvoi au Comité de commerce d'une pétition adressée à V Assemblée par les sieurs Grillon frères et Compagnie, entrepreneurs de la manufacture des draps du Ckâteau-du-Parc, département de F Indre.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au Comité de commerce.)
Un membre demande que plusieurs pièces adressées à l'Assemblée parle district de Marseille et dans lesquelles ce corps administratif se plaint de la non-résidence du sieur Brémond-Julien, son procureur-syndic, soient renvoyées au Comité de division.
(L'Assemblée renvoie les pièces au Comité de division.)
Un membre observe que les directoires de département et de district sont autorisés, par l'article 19 de la loi du 24 août 1790, h s'adjoindre ; les premiers 4 membres du Conseil général, et les seconds 2, pour les aider dans leurs travaux pendant les 6 premiers mois de leur administration. IL demande que ces membres adjoints soient payés, pour tout le temps de leur service; aux mêmes appointements que les membres des directoires.
Un membre observe que ce payement est une suite nécessaire de la loi qui autorise leur nomination et demande que l'Assemblée nationale passe à l'ordre du jour ainsi motivé.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour ainsi motivé.)
Un membre demande qu'on entende à l'instant le rapport et le projet de décret sur les convois militaires;
(L'Assemblée ajourne cet objet à samedi soir.)
, au nom du Comité colonial, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur les pétitions du sieur Destimanville, exilé de Pondichéry sans jugement légal,réclamant son renvoi dans cette colonie avec indemnité; il s'exprime ainsi : Messieurs, lorsque les premières nouvelles de la Révolution parurent à Pondichéry, les citoyens, reconnaissant quelle influence la réunion des volontés individuelles acquérait sur l'administration, en firent usage en s'opposant au départ des dernières troupes qui allaient évacuer cette place.
On attribua au sieur Destimanville (sur les pétitions de qui vous allez prononcer) d'avoir joué un rôle dans cette résistance ; aussitôt après; un placard anonyme, affiché à la porte de l'église pour exciter les habitants à se rassembler et à délibérer, conçu en termes peu ménagés, dont les chefs s'alarmèrent, occasionna une grande rumeur.
Le sieur Destimanville, alors à Pondichéry, vient vous déclarer ici que
ses nombreux ennemis l'accusèrent de vouloir exciter une sédition ;
qu'on l'inculpait notamment d'être l'auteur du placard; c'est en vain
qu'il veut se justifier, ce bruit s'accrédite et fait de tels progrès
qu'il est envoyé, dit-il, prisonnier à bord d un vaisseau, par un
jugement irrégulier ou plutôt par l'effet de la clameur publique,-gardé
à vue et recommandé au capitaine comme un homme suspect, il est
transporté en France ; rendu à Paris, depuis
Mais son affaire n'est point officiellement connue; c'est lui seul qui en parle, et il ne se trouve absolument aucune accusation, aucune plainte, ni même aucune pièce qui le concernent directement ou indirectement dans les cartons de votre Comité.Nous avons fait faire des recherches dans les bureaux de la marine, et il ne s'y trouve rien à charge ni à décharge.
Les informations que le ministre a fait prendre sur notre demande, auprès des personnes revenues depuis peu de Pondichéry n'indiquent rien que de très vague. Cependant une attestation donnée ici par l'ex-président du Comité représentatif de Pondichéry, annonce que ledit sieur Destimanvi le a été expulsé de la colonie, sans formalités légales, ce qui a mis le ministre dans le cas de payer son passage, et quelques menus frais auxquels il lui était impossible de satisfaire par lui-même.
11 vous demande aujourd'hui des indemnités pour son entretien, sa subsistance et son passage de retour; votre Comité n'ayant vu, dans cette affaire, ni preuve de délit d'une part ni abus d'autorité ae l'autre, n'a pas cru devoir vous proposer d'allouer des indemnités au plaignant; mais il a pensé qu'il était juste de faciliter son retour dans la colonie, afin de le mettre à portée d'invoquer la justice pour faire manifester son innocence En conséquence, il" vous propose le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son Comité des colonies sur les réclamations du sieur Destimanville en indemnités relatives à son f xil de Pondichéry, considérant qu'il n'est parvenu dans ses bureaux ni dans ceux de la marine, aucune plainte contre lui ni aucune preuve officielle qu'il ait été vexé par l'autorité publique; décrète qu'il est libre de retourner à Pondichéry et qu'il y sera transporté sur les vaisseaux ou aux frais de la nation, et qu'il y sera en état de pleine liberté sous la sauvegarde de la loi.
Quant à ses autres demandes, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer quant à présent, et renvoie aux commissaires civils, afin de prendre sur les lieux des informations relatives à cette affaire pour en être référé au Corps législatif. »
Le Comité n'a point envisagé cette affaire sous son véritable point de vue; je m'offre à le démontrer avec des pièces dont je suis actuellement détenteur, si l'on veut me donner quelques minutes pour les aller chercher.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, au nom du Comité colonial, fait un rapport et présente un projet de
décret (1) sur les pétitions (2) de 7 citoyens de Pondichéry, accusés de
conspiration, exilés et envoyés en France par des ordres arbitraires ;
échappés au naufrage qui a fait périr leurs vaisseaux et leurs
Le désir de votre Gomité était de ne pas vous distraire, quant à présent, des objets généraux qui intéressent la totalité de la nation et qui exigent tout votre temps; mais il est des circonstances qui s'opposent à tout délai; telle est celle où se trouvent 7 citoyens, presque tous pères de famille, exilés de Pondichéry sans jugement légal et qui demandent à y être renvoyés; le moment presse, car la saison va finir pour faire voile vers la mer des Indes.
Arrivés ici l'été dernier, après un voyage de dix mois, hérissé de contrariétés et interrompu par un naufrage, ils furent présentés à l'Assemblée constituante; ils ne purent obtenir qu'elle prononçât sur leur sort à cause de la multitude d'affaires dont elle était surchargée. Dès les premiers jours de votre session, admis dans cette enceinte pour invoquer votre justice, ils l'attendent encore. Cependant vous avez accueilli leur pétition, vous l'avez renvoyée à votre Comité colonial : le jour est donc" venu de prononcer, puisque l'état des choses ne permet plus aucun retardement.
Nous ne nous appesantirons pas sur les volumineux détails qui sont parvenus à votre Comité. Trois séances suffiraient à peine [tour vous en faire la lecture : nous en avons pris connaissance, et elle nous a conduit au résultat que nous allons vous présenter; nous avons cru devoir nous borner à vous en présenter l'extrait, en vous citant les traits les plus essentiels.
Depuis longtemps la méfiance dans un gouvernement obéré, vacillant, changeant de principes, comme de ministres; tour à tour et souvent à la fois oppresseur et impuissant, avait fait naître chez les Français cet esprit d'inquiétude et d'insubordination, avant-coureur (l'une desorganisation prochaine.
Tout annonçait une forte crise politique, qui devait amener ou le règne de la liberté ou le retour du despotisme le plus absolu.
L'événement du 14 juillet fut comme une étincelle électrique, subitement suivie d'une commotion générale, et si nous avons vu autour de nous, au milieu de tant d'agitations, toutes les parties de l'Empire se calmer, et se réunir en un faisceau commun, malgré le choc des passions les plus contraires, malgré tout ce que les partisans de la servitude ne cessent de faire pour nous y entraîner; c'est dû, n'en doutons pas, à la permanence des assemblées nationales, et des corps administratifs, toujours attentifs à étouffer les germes de division et à ramener les esprits égarés aux véritables principes; mais celte force publique et ce foyer de lumières centrales agissant avec succès dans les 83 départements à raison de leur proximité, ne pouvaient avoir les mêmes effets à plusieurs milliers de lieues de la métropole : nos colonies de l'Amérique ne prouvent que trop cette vérité: celles de l'Inde, soumises à un régime différent, ont été bien moins agitées, mais elles n'ont pas été exemples de troubles.
On ignorait à Coromandel, tout ce qui s'était passé à Paris, dans le mémorable mois de juil-
let 1789, lorsque les Anglais, toujours sur les avis avant nous, dirent aux Français : « Vos bastilles sont renversées, l'arbre de la liberté est mis à leur place; vous n'êtes plus sujets; vous êtes vos maîtres. »
Quel homme vil, quelle âme étroite pouvait entendre des accents si flatteurs sans tressaillir, sans s'abandonner à une joie immodérée.
Faut-il s'étonner que l'inquiétude et la vivacité françaises ne pouvant se résoudre à attendre des nouvelles de 6,000 lieues, impatientes de prendre possession de la liberté, méconnaissant ses limites et les nouvelles formes d'administration, se soient égarées, se soient portées à des excès contre ceux qui, ne voulant pas se dessaisir des rênes du pouyoir qui leur était confié, ne cessaient de contrarier des vœux si chers.
Jusque-là, il n'est pas douteux que les fautes et les désordres résultant de cet enthousiasme exalté ne fussent excusables ; mais, si après ces premiers transports, les passions, les haines, les inimitiés particulières, sous le manteau du patriotisme, ont exercé ou préparé des vengeances personnelles, c'est là que commencent les Vrais délits. Nous allons examiner sous lequel de ces rapports devaient être classés les projets des citoyens de Pondichéry, qui ont donné lieu à la déportation contre laquelle ils réclament.
Les habitants de cette ville, plus instruits, à mesure que les vaisseaux de commerce leur apportaient les décrets que rendait successivement l'Assemblée nationale constituante, et dont ils dévoraient la lecture, voulurent jouir d'une assemblée délibérante, pour commencer à attaquer et réformer les abus sous lesquels ils gémissaient.
Le sieur de Frêne, faisant les fonctions de gouverneur depuis le départ de M. dé Gourvai, était revêtu, comme lui, de tous les pouvoirs ; après avoir temporisé, il consentit enfin à ce qu'il fût formé, le 1er mars 1790, un comité qualifié dé représentatif, mais dont (selon ïè mémoire des plaignants) pour abréger les formes d'élection, il fut présenté une liste de 67 personnes, à laquelle on ne changea rien, et dans laquelle étaient compris les administrateurs préposés du roi, tous les hommes en place, et ceux qui marquaient le plus par leurs facultés : on n y admit qu'un très petit nombre de sujets de la classe moins aisée du peuple, ou connus par leurs sentiments populaires ; cependant, dans, la liste des membres de ce comité, on retrouve trois de ces mêmes exilés, dont nous nous occupons en ce moment.
Ceux-ci se parant d'un civisme énergique, révoltés contre les abus innombrables que se permettaient (disent-ils) tous les gens en place, accumulent contre eux des imputations odieuses ; vendre la justice, en suspendre l'exécution, faire emprisonner arbitrairement d'honnêtes citoyens, relâcher des meurtriers, trafiquer des domaines publics, accaparer les subsistances au nom du roi, les faire enchérir, et soûs des noms empruntés, les vendre chèrement au peuple : telles sont les inculpations graves, mais nullement prouvées qui, excitant l'indignation des sieurs Hervé et Pilavoine, lès portèrent à faire des écrits qui, bien loin de ramener l'ordre et l'harmonie dans la colonie, ne pouvaient que les en éloigner pour longtemps. Ce fut, selon eux, la manifestation de leurs sentiments patriotiques qui attira sur leur tête la colère du gouverneur et notamment leurs demandes pour faire prêter par les soldats le serment civique.
Deux cents hommes de troupes de ligne arrivant de l'Ile de France, sur la flûte la Bienvenue, annoncèrent par quelle heureuse métamorphose les soldats français étaient devenus citoyens, en prêtant le serment civique : ceux de la garnison aspirant à jouir de la même faveur que leurs camarades s'adressent à Hervé pour leur dresser une pétition ; ce qu'il fit ; il prépara aussi un discours qui devait leur être fait en réponse, au nom du comité dont il était membre : il le communiqua à M. de Frêne, et les paragraphes cités sont dans les meilleurs principes, et dans l'esprit de la Constitution. Cependant les troupes ne purent obtenir cette faveur ; le gouverneur répondit au comité que cette formalité était inutile, attendu qu'il l'avait remplie lui-même au nom de tous les militaires; les soldats ne, furent donc pas admis à prêter ce serment détesté des partisans du pouvoir arbitraire, parce qu'il lie les gens de guerre au sort des citoyens, et leur interdit de tourner leurs armes contre le peuple, sans une réquisition expresse de ses délégués.
Cependant (mais toujours selon les expressions des exilés), le comité représentatif dont on s'était promis beaucoup, ne remplissait point l'attente des habitants, il. accueillait pour la forme toutes les représentations, mais aussitôt ensevelies dans le bureau de rédaction, elles n'en sortaient jamais. Le comité accusé de ne travailler qu'au maintien de l'ancien régime, n'ayant point été formé sur les bases, ni dans les formes constitutionnelles, ne pouvait subsister que provisoirement, et les amis de la liberté et de l'égalité réclamaient l'exécution du décret du 14 décembre 1789, pour la formation d'une municipalité.
C'est à cette occasion et sur les instances presque menaçantes d'un grand nombre de citoyens, que fut convoquée, le 20 août 1790, l'assemblée générale; c'est dans cette séance et celles des 21 et 24 qu'on vit éclater les scènes orageuses (ici, je me sers des expres ions du comité) les scènes de la conspiration avortée, de la liste de proscription] dévoilée, et de l'arrestation des chefs des factieux, suivie de leur exil.
Extrait du procès-verbal des séances du comité représentatif et de l'assemblée générale de Pondichéry.
Le 8 août une députation de 30 citoyens veut forcer le président du comité à convoquer le lendemain l'assemblée générale de la commune. Le comité la demande aussi, le gouverneur n'insiste plus : elle a lieu le 30. La séance est troublée par diverses accusations du sieur de Culan ; cet officier, qui s'était dit chargé de quelque mission du gouvernement dans l'intérieur de l'Inde, était cependant sans emploi dans la colonie, quoique prétendant aux premières places. C'est lui qui commence le désordre, en inculpant M. Moracin, ex-président du comité : plusieurs voix l'appuient, lui crient : « Bravo, M. le marquis ; il faut chasser ce flatteur. » Cependant, l'ex-président se justifie sur-le-champ à la satisfaction de l'assemblée. Le sieur de Culan fait une autre sortie contre le gouverneur, et dirigé contre lui-même une accusation qui fut réfutée à la séance suivante. La cabale qui, jusque-là, n'était que soupçonnée, éclate. Le sieur | Pilavoine, proclamé avocat général et chancelier des citoyens plaignants, remet sur le bu-I reau un mémoire revêtu de 53 signatures. Ceux
qui étaient venus pour en exiger,1a lecture, déclarent qu'ils ne se regardent plus comme spectateurs du comité, mais comme formant avec lui l'assemblée générale. Ils ordonnent la lecture du mémoire ; on les croit soutenus par des gens armés, postés en dedans, et en dehors de la salle, et on les satisfait.
Les signataires y déclarent avoir donné au sieur Pilavoine leurs pouvoirs pour signifier leurs vœux au comité et y porter leurs griefs contre les membres dont ils .révoquent les places, et ils le chargent de soutenir leurs intérêts, même opiniâtrement (ce sont les propres mots). Ils déclarent des juges et des olficiers publics de la colonie, incapables, de remplir leurs places, pour cause de monopole, d'abus d'autorité, de corruption, de manigance^ de déni de justice et de jugements arbitraires. Us demandent leur remplacement et la destitution des membres suspecta du comité, qu'ils déclarent traîtres et perfides envers la nation et le roi. Ils signifient et enjoignent très expressément auxdits membres qu ils aient à se retirer à mesure qu'ils seront nommés. Le. président alarmé réclame l'inviolabilité des membres.; Trois des séditieux, La Boulaye, La Morandière et Culan, lui répondent qu'ils le prennent sous leur sauvegarde, ainsi que le secrétaire du comité. Cette, distinction excite-l'indignation I du président, parce qu'elle- semble déceler le sort qui pouvait être destiné aux autres membres.
Quoique aucune preuve ne soit administrée contre les accusés, quoique leurs accusateurs se bornent à en pronlettre, ils n'en exigent pas moins leur sortie de l'Assemblée; à peine sont-ils sortis, que Pilavoine et ses adhérents requièrent l'arrestation provisoire de ces 18 accusés; ils osent plus, ils forcent le président de députer vers le,gouverneur trois des leurs pour exiger de lui l'arrestation et la détention des Malabars (ce sont les nègres indiens libres, formant le gros de la population de Pondichéry), de réquérir, dis-je, la détention des Malabars employés sous les personnes en place qu'ils avaient dénoncées, et cela afin d'obtenir dieux, par force, des délations contre leurs chefs, mesure dangereuse, qui pouvait perdre la colonie par l'alarme que cette dér tention pouvait jeter dans l'esprit des Indiens. Pilavoine annoncé même qu'il va faire.battre la caisse par toute la ville, pour que tous ceux qui auraient des griefs contre les accusés eussent à les présenter. Etrange: manière de fournir des preuves au soutien ae son mémoire !
Cependant, revenus de leur première surprise, les membres de l'assemblée discutent sur cette étonnante proscription ; des observations raison-nées donnent lieu à des remords chez un grand nombre de signataires, et la scène change. L'un se rétracte, en reprochant à Pilavoine de n'avoir pas effacé sa signature comme il l'en avait chargé ; un autre se plaint des changements et additions faites au mémoire depuis qu'il l'avait signé; presque tous assurent que leur bonne foi a été surprise; la plupart n'avait cru souscrire qu'une demande pour la formation d'une municipalité ; plusieurs veulent effacer leur signature, et l'un d'eux parvient à rayer la sienne; ce qu'on empêche dé la part des autres.
Le 21 août, l'assemblée reprend la délibération de la veille.
Le sieur de Culan, l'un des chefs du complot, dit n'avoir parlé la veille que sur des ouï-dire. Les rétractations continuent : elles deviennent presque générales;, il en résulte que « le mé-
« moire inculpatif (voici les propres mots du pro-« cès-verbal ae cette séance) a été présenté à la « signature et signé par le plus grand nombre « avant d'être fini, et qu'on a inséré une feuille j « en blanc entre une partie du mémoire et les « signatures, et qu'elle a été remplie ensuite à « volonté; qu'on a séduit la majeure partie de « ceux qui ont souscrit, par l'assurance que « c'était uniquement une pétition pour la forma-« tion de la municipalité ; qu'on a signé pour des i « gens qui ne savent ni lire ni écrire ; qu'on a | « fait signer plusieurs enfants; qu'on a fçrcépar « des menaces plusieurs citoyens craintifs à i « donner leur seing et qu'on n'avait montré la I « liste des proscrits qu'à un très petit nombre. »
Sur quoi rassemblée -arrête à l'unanimité que | le sieur La Morandière, convaincu d'avoir signé ; lui-même sur ce mémoire inculpatif les noms de plusieurs citoyens, et d'autant plus coupable | que, ci-devant emprisonné pour des propos séditieux et incendiaires, il avait obtenu son pardon, sera conduit à bord d'un vaisseau, pour être envoyé en France à l'Assemblée nationale. Le comité général prononce le même jugement contre Du-cluseau, convaincu d'avoir été le colporteur du mémoire, d'avoir menacé les uns pour les faire signer et d'y avoir engagé les autres par des mensonges ;; ces. faits sont avoués par lui-même.
Un semblable arrêté est pris à l'unanimité contre Pilavoine, convaincu d'avoir composé le mémoire, de l'avoir fait signer avant qu'il fût fini, et de l'avoir ensuite rempli de calomnies et de dénonciations.
Ces trois particuliers furent, en conséquence, envoyés à bord d'un vaisseau.
Le 24 août, à l'ouverture de la séance, le président annonce avoir, de concert avec le cçm-mandant, fait arrêter le sieur Hervé, membre du comité, et cela, d'après une foule de rapports qui l'inculpent grièvement. Une lettre que le sieur de Culan écrivait à Hervé, mise sous ses yeux et qu'il ne peut dénier, contenait ces mots : Secondez-moi bien,Re verserai jusqu'à la dernière goutte de mon sang pour vous..Il n'a pu, s'excuser autrement, qu'en disant qu'il avait perdu la tête, en écrivant cette lettre.
Selon lui, Hervé était l'homme le plus intrigant et le plus dangereux de la, colonie ; ce sieur de Culan, Interpellé par: le président ét le gouverneur, est convenu qu'il aurait voulu se venger de n'avoir pas été nommé à des places qu'il avait ambitionnées et qu'il avait crues lui être dues; que c'était Hervé qui l'avait égaré et excité à dés motions violentes ; il produit une lettre de lui, où l'on voit qu'il était l'auteur du complot éclaté le 20, et qu'il promettait au sieur de Culan, pour le seconder, une garde composée d'hommes armés ayant pour devise : Vaincre ou mourir ! "V
Cette lettre présentée à Hervé, qui jusque-là protestait de son innocence, il s'écrie : Me voilà trahi ! me voilà perdu ! devais-je myattendre à une action pareille d'un homme pour qui j'ai tout fait ? II traite le sieur de Culan ae lâche et de traître, il rejette le tout sur lui; il le charge; ainsi, ils seront inculpés l'un l'autre.
Par une lettre d'Hervé, écrite en rade le 25 août au president, il (lit n'avoi-r ecrit la lettre ci-cjes- sus citee au sieur Gulan, qu'ii qualifie cle scele-rat, qu'afin d'eviter les coups de la sedition qu'il soupçonnait; il ajoute que si la lettre présente d'autres vues, c'est par feinte, afin d'obtenir de ce conspirateur son secret, dans le dessein de sauver la colonie, en le divulgant; il demande
que ses concitoyens le jugent, et s'il est coupable, la mort.
Dans le même temps, le sieur Gulan prend la fuite et passe sur les terres anglaises/Le président, qui l'annonce, ajoute que, de concert avec le gouverneur, il a fait arrêter les sieurs Durand, La Boulaye et Petit, pour s'être montrés de son parti; ce que l'assemblée générale approuve.
Lecture raite à cette séance de pièces adressées à l'assemblée sur le mémoire inculpatif, il en résulte qu'il n'a pu être produit aucune preuve non seulement des crimes annoncés, mais même du moindre grief; en conséquence, l'assemblée décide que les 18 personnes inculpées par les séditieux, sont lavées de tout soupçon.
L'Assemblée arrête que les sieurs Durand, Hervé Petit et La Boulaye seront traités comme les trois autres conspirateurs ; voici les expressions littérales de cet arrêté :
« Les sieurs La Morandière, Pilavoine, Duclu-« seau, Durand, Hervé, Petit et La Boulaye, en-« voyés prisonniers par l'assemblée, sur la flûte « du roi la Bienvenue, et convaincus par le pro-« noncé à l'égard de chacun d'eux, relaté dans « la séance du 21 de ce mois, et dans celle de « ce jour mardi 24, d'avoir troublé la tranquil-« lité des citoyens, sont, par la présente assem-« blée générale, condamnés à l'exil de Pondi-« chéry, et seront envoyés le plus tôt possible à « l'Assemblée nationale en France, avec prière « à cet auguste sénat de les regarder seulement « comme exilés de cette colonie, par la néces-« sité où elle était d'assurer seulement sa tran-« quillité. »
Cet arrêté fut pris à l'unanimité de l'assemblée générale; et pour être conséquente, elle prononça la même peine d'exil contre le sieur Gulan; mate sa fuite en avait prévenu l'exécution.
Après un examen attentif de tous ces événements, et après les plus mûres réflexions sur leurs causes et leurs effets, votre comité a cru y discerner un complot de quelques individus tendant à se soulever contre les autorités légitimes et peut-être à s'en saisir eux-mêmes; mais il n'a vu aucun crime commis, rien de ce qui caractérise une conspiration suivie, et encore moins «exécutée; point d'amas d'armes; point de meurtriers apostés; pas même une seule épée tirée. L'assemblée générale, effrayée, a pu qualifier de plan de conjuration le mémoire du sieur Pilavoine tendant à faire interdire 18 personnes en place; mais celui-ci et ses adhérents s'honorent au contraire dans leur système, de cet amour pour les principes de la Constitution, de ce dévouement patriotique, qui leur donne le courage d'agir sans détour, de dénoncer les abus d'autorité, les violations de la justice, et de faire enfin publiquement à l'assemblée la lecture de leur dénonciation ; on ne peut se dispenser de convenir que s'ils eussent cru cette pièce aussi criminelle qu'elle l'a paru à l'assemblée générale, ils se seraient bien gardés de la produire au -grand jour, de la lire en pleine assemblée et sans l'appui d'aucune force armée. Quoi qu'en disent néanmoins les auteurs et les signataires du mémoire, ils sont inexcusables; quand ce ne serait que .pour avoir tenté d'affaiblir le respect dû à l'autorité publique dans la personne de ses dépositaires et ae les avoir dénoncées sans preuves acquises. Aussi votre comité a-t-il pensé (jue cette insubordination n'avait pas du rester impunie; mais que la peine devait être proportionnée au délit, que la police aurait dû infliger à
ces hommes turbulents et dangereux une punition momentanée; il a pensé qu'un bannissement précipitamment jugé, sans aucune forme légale, une déportation à 6,000 lieues de leurs affaires et de leurs familles, est un acte de despotisme du comité et du gouverneur réunis, qui semble appuyer, à quelques égards, ces mêmes inculpations contre lesquelles les plaignants se récrient.
Mais, à la vérité, sous le rapport du maintien de la paix et de l'ordre dans la colonie, les chefs se voyaient dans une position bien embarrassante ; ifs se sont crus réduits à opter entre le châtiment et l'impunité. Laisser agir à leur gré ces têtes exaltées et fortement suspectes de mauvaises intentions, c'était trop compromettre ; les livrer à la justice était sans doute la voie la plus sûre et la plus régulière, mais quelle justice! et quels tribunaux! ses ministres comme membres eux-mêmes du comité représentatif, étaient tous partie dans cette affaire ; tel est l'abus de la confusion des principes, de l'accumulation des divers pouvoirs sur les mêmes sujets, que, ne pouvant plus se surveiller les uns les autres, ils se coalisent et se soutiennent nécessairement; les diverses autorités n'en font plus qu'une; alors une volonté arbitraire dirige la force publique, administre ses revenus, et s'asseoit au tribunal des juges.
Dans cette position que pouvait faire l'assemblée générale pour prévenir une subversion peut-être exagérée, mais dont il n'était pas possible de calculer l'étendue ni la gravité? Lexil fut le seul expédient proposé et on l'adopta; on peut juger des alarmes qu'éprouva la colonie, des inquiétudes qui l'agitèrent et combien elle se félicita d'en être délivrée, par le Te Deum qu'elle fît chanter, comme pour une victoire qui assurait le salut du pays.
Néanmoins, quelques raisons que puisse alléguer cette assemblée générale, elle n'est point un tribunal, elle n'a aucun droit dé prononcer une peine afflictive, et quand elle l'aurait eu, pouvait-elle juger sans information, sans instruction, et en passant par-dessus toutes les formalités judiciaires?
Est-ce la faute des plaignants s'il n'y a pas, dans la colonie, un tribunal compétent pour les juger, pour prononcer jusqu'à quel point ils pouvaient être coupables, et pour les punir proportionnellement à leur délit?
S'il eût été possible de concilier avec la hiérarchie judiciaire, leur translation à l'Ile-de-France, avec toutes les pièces à charge et à décharge, pour y être jugés par le conseil supérieur, c'eût été plus tolérable; mais c'est à Paris qu'on les envoie, à 6,000 lieues de leurs épouses, de leurs enfants, de leurs affaires; on leur fait tout quitter subitement; la consolation même de faire par écrit des adieux secrets leur est interdite, et le jour de leur arrestation voit commencer celui de leur supplice ; car on les charge de chaînes, et on les traite en criminels; mais arrivés à l'Ile-de-France, précédés par la nouvelle de la rigueur et de l'illégalité ae leur jugement, ils sont accueillis comme des victimes ae l'aristocratie; leurs fers sont brisés, on leur procure un embarquement pour la France ; mais l'infortune les poursuit, une tempête fait périr le vaisseau avec tous leurs effets; ce n'est qu'après les plus pénibles travaux qu'ils parviennent presque nus au cap de Bonne-Espérance; l'humanité, la charité qu'ils ont souvent invoquée sans succès, sont leurs seules ressources; embarqués de nou-
veau et toujours contrariés (ce voyage serait taxé de fabuleux sans les preuves trop évidentes de la réalité de ces détails), ils arrivent enfin, les uns par la Hollande, les autres par nos ports ; ils demandent justice, ils l'attendent ici depuis plus de 6 mois.
L'assemblée générale de Pondichéry, dans son adresse du 6 septembre 1790, ne prétend pas être vengée : « Elle demande grâce et pardon « pour les coupables ; elle n'a pas voulu, ait-elle, « les livrer à la rigueur des tribunaux, ni voir « la loi demander leur sang; mais elle demande tr que l'Assemblée nationale confirme l'acte de «* police exercé contre eux. »
Je n'examinerai pas si vous devez confirmer ce jugement, qui ne devait en aucun cas être uniforme pour les huit sujets qualifiés également de factieux. Trois d'entre eux, toujours en avant, dirigeant les autres, sont les vrais moteurs de tous ces troubles; deux, surtout, poussés par des motifs de haine et de vengeance particulières, ont tout conduit; c'est le sieur Culan et le sieur Hervé. Le premier est le chef apparent du complot; mais, manquant de caractère et d'énergie, il était tout entier dans la main d'Hervé ; celui-ci intrigant et dangereux, ne doutant de rien, trop confiant pour un conspirateur, a poussé ses adhérénts dans le précipice. Il vient de succomber ici à sa mauvaise santé et à sa longue infortune. Pilavoine, rédacteur du mémoire, dénué de tout, ne pouvant pourvoir à ses premiers besoins, attend votre décision, en protestant de son innocence, dont il ne donne pour garant que la pureté de ses intentions et de son patriotisme. Les cinq autres ne paraissent que les instruments aveugles d'une faction qu'ils secondaient, mais en sous-ordre, et sans paraître avoir été initiés dans les projets secrets, ni admis dans les confidences intimes.
Dans cet état des choses, si vous deviez prononcer sur le fond, je poserais ainsi la question : Les 7 exilés de Pondichéry sont-ils coupables, ou sont-ils innocents? Mais, sévères observateurs des principes constitutionnels, nous n'empiéterons pas sur le pouvoir judiciaire. Il ne s'agirait tout au plus ici que de .déterminer à quel tribunal cette affaire doit être portée ; mais encore ce ne serait que dans le cas où la loi d'amnistie n'aurait pas tranché la difficulté d'une manière im- prévue : en effet, ce décret du mois de septembre 791, s'applique si parfaitement ici, qu'il semble avoir été rendu exprès pour ce cas même. Il anéantit toute contestation résultante de tous les faits relatifs à la Révolution; ainsi, il ne vous reste pas même le choix de faire autrement; et vous aurez la satisfaction de prévenir une procédure effrayante par ses longueurs et ses difficultés; aussi votre comité, convaincu que vous ne pouvez vous écarter de cette route déjà frayée, ne se serait pas étendu aussi longuement sur les développements de cette affaire, s'il n'avait cru de son devoir de vous faire juger par vous-mêmes, de l'intérêt qu'inspirent ces 6 exilés; il a pensé qu'on ne peut abandonner sans secours, ces malheureux que leur déportation et leur naufrage ont privé de toute ressource, et réduits à manquer des objets de première nécessité : il a cru que si le gouvernement arbitraire a causé leur infortune, c'est au gouvernement libre et bienfaisant à la réparer.
Quelque répugnance donc que votre comité ait à vous proposer des indemnités pécuniaires dans la situation gênée où se trouvent nos finances, il a vu, avant tout, la nécessité d'être juste; il
a pensé que toute considération cédant à ce premier de nos devoirs, avant de se permettre aucun acte de générosité, avant d'accorder des gratifications à qui que ce soit, il faut acquitter cette dette la plus sacrée par sa nature, et la plus im-pérative par ses effets. Ces exilés, victimes d'une violence imprévue par le fait de l'administration, jetés dans un vaisseau, ayant pris avec eux tout ce que leurs parents ou leurs amis purent leur procurer d'argent ou d'effets précieux pour leur dépense en Europe, se sont vus réduits par leur naufrage, non seulement à la privation de ce secours essentiel, mais même à la dernière des misères ; ils réclament tous des indemnités plus ou moins fortes; mais l'énumération de leurs pertes particulières est du moins quant à présent, dénuée de toutes preuves ; le seul La Bou-laye, qui dit avoir perdu plus de 6,000 livres dans ce naufrage, rapporte une attestation du capitaine commandant la flûte la Bienvenue, qui dit lui avoir vu embarquer à son bord, à Pondichéry, divers effets, des couverts d'argent et un groupe de pagodes, roupies et piastres. Ce certificat est loin, sans doute, d'être une pièce probante, puisque ce n'est point la flûte la Bienvenue qui a péri, et que le naufrage n'a eu lieu qu'après le second embarquement sur les navires marchands la Louise-Chérie dans le passage de l'Ile-de-France en Europe.
D'ailleurs on èst forcé de mettre en doute, si, contre son intérêt même, le sieur La Boulaye a pu charger de l'argent à l'Ile-de-France pour l'apporter en Europe, tandis que tout le monde sait qu'il y a un avantage assuré à faire tout le contraire.
Il n'est pas moins très problable que soit en argent, soit en marchandises embarquées avec lui, cet infortuné a perdu, par l'effet d'un jugement arbitraire, presque tout ce qu'il possédait dans le monde, tout ce qu'il avait lentement amassé pendant 30 années de travaux.
Combien n'est-il pas douloureux pour tous ceux qui sont inviolablement attachés aux principes de la justice de ne pouvoir opiner pour la réparation d'une perte aussi fâcheuse et aussi désespérante !
Mais ces six exilés n'ayant ni les uns ni les autres aucunes preuves suffisantes ni pour constater ce qu'ils ont perdu, ni pour autoriser des distinctions à faire entre eux, votre comité a pensé, d'après même ce que l'Assemblée constituante a fait dans des occasions presque semblables, qu'on ne peut pas faire moins que de leur payer à chacun 150 livres par mois pour le temps qu'ils ont passé à terre depuis leur départ de Pondichéry, de leur allouer à chacun uniformément une somme de mille livres pour leur tenir lieu de toute indemnité, sans que toutefois cela puisse être considéré comme le remboursement de ce qu'ils disent avoir perdu aans leur naufrage, attendu que le Trésor public est hors d'état de réparer envers tous les Français les pertes qu'ils ont éprouvées par les effets de la Révolution.
Il est certain que ce dédommagement n'est nullement proportionné à leur malheur, à deux ans d'interruption de toutes leurs affaires, à 12,000 lieues de voyage, dont partie en état de captivité, et le reste dans la peine, les privations et les contrariétés de tout genre. Aussi ce tableau déchirant, mais nullement exagéré, aurait porté votre comité à vous proposer moins d'économie dans cette occasion, s'il ne vous voyait assaillis journellement de toutes les parties ae l'Empire, par des demandes de secours plus ou moins
fondées, auxquelles vous êtes obligés de résister par la plus impérieuse de toutes les lois, la nécessité.
C'est d'après toutes ces considérations, que votre comité vous propose le projet de décret suivant, après en avoir conféré avec le comité de l'ordinaire des finances :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité colonial, considérant que le décret du 28 septembre quiétend aux colonies le bienfait de l'amnistie, prononcée par celui du 14 du même mois, pour tous les délits commis dans les passages de la servitude à la liberté, s'applique précisément aux faits imputés aux citoyens exilés de Pondichéry.
« Considérant que la proximité du départ des vaisseaux, destinés à doubler le cap de Bonne-Espérance, et par lesquels seuls ces colons peuvent retourner chez eux, ne permet aucun dé- . lai, décrète qu'il y a urgence.. »
Décret définitif.
Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale décrète :
« Art. 1er. Que les sieurs Pilavoine, Petit, Durand, La Morandiére, Ducluseau, La Boulaye, qui, par l'effet des troubles qui ont eu lieu à Pondichéry, dans le mois d'août'1790, ont été exilés de cette colonie, et renvoyés en France, sans jugement légal, seront libres d'y retourner et qu ils demeureront sous la sauvegarde de la loi.
« Art. 2. Que les frais de leur passage d'ici à Pondichéry, ainsi que ce qui peut être dû pour celui de Pondichéry ici, seront supportés par la nation.
« Art. 3. Qu'il leur sera fourni une somme de 150 livres par mois pour tout le temps qu'ils auront séjourné à terre depuis le jour de leur départ de Pondichéry, jusqu'à celui de leur arrivée en retour, et de plus une somme de 1,000 livres pour leur tenir lieu de toutes autres indemnités.
« Art. 4. Qu'à l'égard du sieur Hervé, l'un des 7 exilés, décédé à Paris, au mois de janvier dernier, la même indemnité de 1,000 livres aura lieu en faveur de ses créanciers et héritiers, ainsi que €elle de 150 livres par mois, jusqu'au moment de son décès.
« Art. 5. Des fonds suffisants seront fournis par les commissaires de la trésorerie nationale sur les ordonnances du ministre de la marine, et ils seront remplacés par la Caisse de l'extraordinaire. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, député du département de Seine-et-Marne, demande un congé de 8 jours, pour des affaires personnelles qui l'appellent au sein de sa famille.
(L'Assemblée accorde le congé demandé.)
, ministre de la guerre. L'Assemblée nationale a été informée, par les
différents procès-verbaux, des troubles survenus dans \ le département
des Bouches-du-Rhône et dans- la ville d'Aix (1). J'en ai reçu moi-même
un compte officiel des différents chefs que le roi a préposés
1° Il résulte unanimement de tous les différents récits, que des hommes armés, étrangers à la ville d'Aix comme à toutes réquisitions légales, contre lesquelles mêmes la municipalité avait d'abord requis l'intervention des forces militaires pour s'opposer à leur entrée dans la ville, sont parvenus, soit par la terreur, soit par la violence, à disperser le directoire du département et à obtenir de la municipalité que le régiment d'Ernest fût tenu de se retirer dans la caserne. Ce régiment suisse, dont ils demandaient l'éloi-gnement, a été enveloppé par la même troupe armée, le 27 février au matin, sans que M. Barbantane, commandant à Aix, et retiré avec le régiment au quartier, n'ait pris aucune mesure défensive contre ces préparatifs et ces actes hostiles. Cependant la loi du 29 juillet l'y autorisait formellement ; et cette loi dont il ne devrait pas ignorer, ni négliger les dispositions, lui a été rappelée par la municipalité, dont il avait sollicité l'intervention.
Cet officier général semble n'avoir rien fait pour remplir son devoir, il n'a tenté que des moyens de parlementage et dé négociation avec une troupe séditieusé, ce qui était déjà un triomphe pour la licence, une dégradation de pouvoirs constitués, et un outrage à la dignité nationale dont nous sommes doublement responsables lorsqu'il s'agit de nos forces armées. 11 a laissé s'accroître, par un acte de faiblesse et l'absence de toutes précautions, les forces auxquelles il voulait résister, et bientôt il les a vu arriver à un point, que c'était livrer à une mort à peu près certaine le régiment d'Ernest, que de tenter de le faire sortir armé. Paraissant vouloir se décharger de la responsabilité sur son subordonné, il a autorisé le major de son régiment à prendre le parti qui lui semblerait le plus conforme à l'intérêt du corps et des cantons suisses. Il l'a autorisé à donner l'ordre que les armes fussent déposées dans le quartier, à condition qu'on les leur rendrait ensuite. Ce régiment a pris, ainsi désarmé, la route de Toulon. Il faut admirer la subordination calme et dévouée avec laquelle le régiment a obéi à la voix de son chei, lorsqu'il lui commandait le sacrifice le plus pénible pour des soldats. Il faut en même temps, suivant la hiérarchie militaire et constitutionnelle, faire porter la responsabilité sur le premier chef; et le roi, à qui j'ai rendu compte des faits contenus dans la lettre même de M. Barbantane, m'a ordonné d'écrire à M. de Coincy, commandant de la huitième division, pour qu'il ait à suspendre du commandement cet officier dont la conduite devra être jugée par une cour martiale. M. Barbantane sera remplacé par M. Charteron (1).
Il résulte du dernier état de choses, que les armes enlevées par une
violence impunie, ont été retenues par une coupable injustice, et
dérobées même en partie à l'autorité de la municipalité d'Aix; que le
régiment d'Ernest s'est trouvé à Toulon sans armes, arrêté par la
crainte que les corps administratifs de Toulon ont montrée de le voir
rentrer dans cette ville, et par le
Sa Majesté a été au-devant de tout ce qui peut satisfaire ses fidèles alliés. J'ai ordonne, de sa part, à M. de Goincy de compléter sur-le-champ l'armement du régiment d'Ernest. J'ai prévenu le ministre de l'intérieur de sommer le département des Bouches-du-Rhône, pour qu'il ait à rendre les armes enlevées, par tous les moyens qne la force publique a mis en son pouvoir. ette malheureuse affaire aurait pu irriter extrêmement la nation suisse, et nuire au renouvellement de la capitulation, si le roi n'avait pas pris toutes les mesures qui viennent d'être indiquées.
La sûreté publique oblige qu'on s'oppose avec force au genre d'insurrection qui éclate de toutes parts. Je reçois à chaque instant des courriers qui demandent des troupes au nom des corps administratifs, et je me verrai nécessairement dans l'impossibilité d'en donner à tous. Le royaume entier est dans un état qui exige toutes les forces réunies de l'Assemblée nationale et du roi, et j'appelle l'attention des membres les plus distingués de cette Assemblée..... (Exclamations et murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres : A l'ordre 1 à l'ordre !
Je demande que le ministre soit rappelé à l'ordre.
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Je demande pour la dignité de l'Assemblée que le ministre de la guerre soit rappelé à l'ordre. Il n'y a pas de membres plus distingués les uns que les autres. Monsieur le Président, faites respecter l'Assemblée par les ministres. (Bruit.)
appuient les observations de M. Charlier.
Voix dans les tribunes: Oui! oui! à Tordre! A l'Abbaye! (Vifs applaudissements.)
(Le calme se rétablit.)
Sur la dernière phrase du ministre de la guerre, il s'est élevé une réclamation pour que je le rappelasse à l'ordre, attendu que tous les membres de l'Assemblée sont également distingués. (Applaudissements dans les tribunes.)
Voix dans les tribunes : Oui ! Oui !
Je rappelle les tribunes à l'ordre : elles ne peuvent point prétendre influencer les décisions de l'Assemblée. Je mets aux voix la proposition qui a été faite. ..(L'Assemblée décrète que, le ministre de la guerre sera rappelé à l'ordre.)
Un membre : Je demande, avant qu'on aille aux voix, que M. le ministre soit entendu. (Oui! oui!) \
On demande, qu'avant que ; j'exécute le décret, le ministre soit entendu.
et quelques autres mem- j ires : Non ! non I
Voix nombreuses dans les tribunes : Nonl nonl
(L'Assemblée décrète que le ministre de la guerre sera entendu.)
, ministre de la guerre.- Je commencerai par dire que j'ai tort puisque je n'ai pas été compris. A Dièu ne plaise... (Murmures.) :L
Plusieurs membres : Laissez parler !
, ministre de la guerre. Loin de moi l'idée qu'il y ait dans l'Assemblée un membre qui ne soit distingué par ses talents et par son patriotisme. Mais quand j'ai dit les mots, les plus distingués, j'ai dû invoquer la voix des membres qui ont le plus d'influence, soit par la confiance qu'ils ont inspirée à leurs collègues, soit par leur éloquence, soit par les connaissances localès qu'ils peuvent avoir pour appeler l'attention plus particulière de l'Assemblée sur les rémèdes à apporter au désordre. (Applaudissements.) Voilà, Monsieur le Président, mes motifs. L'Assemblée décidera ensuite ce qu'elle doit faire et je me soumettrai à son décret.
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (Non ! non !)
On demande que d'après l'explication que vient de donner M. le ministre de la guerre, l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
Si l'Assemblée se décide à passer à l'ordre du jour, je demande qu'il soit Fait mention dans le procès-verbal de 1 amende* honorable que vient de faire le ministre. (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Oh! oh! Fi donc !
Messieurs, je suis bien loin d'excuser le ministre. Je conviens qu'il a eu tort; je ne crois pas qu'aucun membre de l'Assemblée puisse prendre la parole pour l'excuser ; mais quand j'ai entendu dire qu il fallait faire mention dans le procès-verbal de l'amende honorable faite par le ministre... (Murmures.) Je dois répéter ce qui a été dit, afin d'en démontrer le non ou le ridicule. Je dis, Messieurs, que, faire mention que l'Assemblée nationale passe à l'ordre du jour, parce que le ministre a reconnu ses torts, ce serait au contraire relever le ministre de la guerre, parce qu'il est un principe certain, c'est que l'homme s'élève lorsqu'il reconnaît ses torts et qu'il les avoue hautement. (Murmures.) Je demandée à l'Assemblée de vouloir bien peser dans sa sagesse le décret que je vais lui proposer; voici ma rédaction :
« L'Assemblée nationale, sur les explications données par le ministre ae la guerre, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour. »
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée, ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La priorité pour la rédaction de Rouyer!
et d'autres membres : Non! non!
, Je mets aux voix la rédaction de M. Rouyer qui est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale, sur les explications données par le ministre de la guerre, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour. »
Je demande la parole sur la rédaction... (Murmures.)... sur la rédaction.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
, à la tribune. Je veux parler sur la rédaction;
Je demande qu'on fasse l'appel nominal. (Applaudissements dans les tribunes.)
Voix dans les tribunes : Oui! oui!
Je donne la parole à M.Gha-tot sur la rédaction.
Plusieurs membres : Consultez l'Assemblée, Monsieur le Président, pour savoir si M. Chabot sera entendu.
(L'Assemblée décide que M. Chabot ne sera pas entendu et adopte à la presque unanimité la motion de M. Rouyer.).
L'Assemblée fie peut ainsi déroger à un décret qu'elle vient de rendre, elle ne doit pas justifier en quelque sorte les torts des ministres en les laissant impunis. (Il descend de la tribune en gesticulant ; puis tout à coup sYadressant à M. Rouyer.) Vous abandonner la cause populaire dont vous vous êtes toujours montré le défenseur, vous trahissez votre devoir èt votre conscience. Ce n'est pas à vous à parler; il faut que vous soyez payé par la liste civile pour défendre ainsi le ministre...
Plusieurs membres : A l'ordre! A l'Abbaye!
maniféste d'une manière énergique la plus vive indignation, monte rapidement à la tribune, et demande à être entendu. Ses collègues parviennent à le calmer. Il quitte la tribune.
L'Assemblée a passé à l'ordre du jour à une très grande majorité. Je donné la parole au ministre pour continuer, et je préviens que je rappellerai à l'ordre quiconque interrompra.
, ministre de la guerre. Le roi a donné ordre aux officiers généraux envoyés dans les départements du Midi, de s'informer exactement de ce qui se passe dans la ville d'Arles, et de faire en sorte que la force publique soit envoyëè contre les ennemis de l'ordre pour s'opposer avec vigueur aux contre-révolutionnaires, et ne laisser aucun prétexte d'inquiétude aux amis de la liberté, afin qu'ils appuient la résolution de donner force à la loi.
Un membre du comité militaire a bien voulu déjà annoncer qu'il n'y avait rien dans l'ordonnance que j'ai envoyée à l'armée, qui fût contraire aux décrets. Ce serait peut-être assez pour votre justice, mais ce ne serait point assez pour moi, si cette ordonnance contenait des articles qui pussent dégoûter les soldats du service, et diminuer leur zèle.
Je prie donc de nouveau l'Assemblée de vouloir bien charger, ou son comité militaire, ou ses commissaires, de s'assurer s'il n'existe rien dans cette ordonnance qui ne soit la conséquence immédiate des décrets. ;
C'est pour donner une idée de cette vérité que je crois devoir relèver deux ou trois faits. On a dit que j'avais soumis les soldats à cinq appels. D'abord l'ordonnance n'en prescrit que quatre : un au lever, un pour la soupe du matin, un pour la soupe du soir, et un autre pour la retraite; et à l'ordonnance était jointe une note qui dispensait de l'appel pour la soupe du soir; il n'en est donc ordonné que trois.
On a dit que j'exigeais des soldats de se baigner en tout temps. Ce serait peut-être mieux fait pour leur santé et pour leurs forces; mais cette précaution ne leur est recommandée que pendant la saison favorable. Enfin on a dit que-cette i ordonnance était la même que celle
de 1788, et elle n'à de commun avec elle que ce que doivent ordonner ou défendre toutes les ordonnances. Je supplie l'Assemblée de me pardonner ces détails ; mais dédaigner de prouver que l'on a la raison pour soi, quand on a le droit en sa faveur, ne m a jamais paru que la vertu d'un sot. (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie le rapport du ministre de la guerre au comité militaire.)
Une députation de la municipalité de Melun et communes environnantes,-département de Seine-et-Marne, est admise à la barre.
L'orateur de la députation annonce que lès troubles qui s'étaient manifestés dans quelques parties de l'Empire, gagnàient déjà le, département de Seine-et-Marne, le marché de blé a été assàilli mardi dernier par 2,000 hommes, et les brigands ont imposé une taxe bien inférieure à celle de la valeur du blé. On est cependant parvenu à arrêter quelques-uns des cnefs des factieux; il n'y a pas eu d'effusion de sang et 1-on est redevable de beaucoup d'éloges, dans cette affaire, à la conduite de la municipalité, de la gendarmerie, de la garde nationale et des troupes de ligne- On retrouve partout les mêmes causes el les mêmes instigateurs dè ces insurrections. Les causes les plus éloignées sont encore inconnues; mais sans doute elles ne le seront pas longtemps.
Les pétitionnaires sollicitent de l'Assemblée de prompts moyens pour la répression de ces soulèvements dont ils lui font connaître la connexion, et qui n'ont pour but que d'éparpiller les forces et laisser là patrie à la merci "de ses ennemis. Ils annoncent que les corps administratifs et lés municipalités sont décidés à ne point céder aux factieux. (Applaudissements.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Je demande que l'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite des corps administratifs du département de Seine-et-Marne et qu'elle renvoie: aux comités d'agriculture éi de commerce la demande exprimée par la députation.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Jauçourt.)
Un membre demande que le rapport sur les subsistances soit mis à l'ordre du jour'de demain, immédiatement après la lecture du procès-verbal.
. (L'Assemblée décrète cette motion.)
Une députation de 5 soldais du 45e régiment (1), ci-devant la Couronne, est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Messieurs, noûs apportons aux représentants du peuple nos hommages et nos réclamations. L'amour de la discipline militaire n'emporte point l'abnégation des droits de l'humanité. Les plus bràves soldats sont aussi les meilleurs citoyens. Si jamais les ennemis de la liberté pouvaient soumettre l'armée française à un régime avilissant, arbitraire et despotique, la Constitution serait anéantie, et vous ne seriez plus. Nous regardons le soldat comme le plus utile de tous les citoyens, et nous méprisons celui qui se servirait contre le peuple des armes qui lui ont été confiées pour la défense de l'Etat. ( Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Voici le sujet de notre mission : Représentants du 45e régiment, nous avons toute sa confiance et c'est en son nom, que nous sommes ici pour vous avouer ce qui s'est passé...
Il ne peut y avoir que des pétitions individuelles; un régiment ne peut pas envoyer de représentants ; je demande que les pétitionnaires ne soient pas entendus. (Murmures prolongés. — L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre!
Pour ôter la parole aux pétitionnaires, je dois consulter l'Assemblée.
Plusieurs membres : Non! non! Pourquoi la consulter?
Les pétitionnaires ne parlent qu'en leur nom. S'ils ont parlé dé la confiance de leur régiment en eux, c est pour donner plus de poids à leur pétition.
Plusieurs membres demandent la parole (Tu-■ multe.)
Je demande qu'on entende les membres distingués qui veulent parler.
Les pétitionnaires viennent d'annoncer qu'ils étaient les représentants de, leur régiment...
Ce n'est pas vrai ! (Murmures.)
Je demande qu'ils parlent en leur nom seulement.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Je demande la parole. (Murmures et réclamations; M. Foissey monte à la tribune et obtient la parole après un long tumulte.) J'ài demandé la parole au nom de la Constitution et de la loi...
Et moi, je la demande au nom de la justice pour que les pétitionnaires soient entendus.
J'ai demandé la parole au nom de la Constitution et de la loi. La Constitution porte que tout citoyen a le droit de former des pétitions individuelles ; la seconde ne reconnaît aucun corps parlant collectivement dans une pétition : l'une et l'autre veulent que la force armée soit essentiellement obéissante (Murmures.), et il est étonnant qu'il ait suffi de les rappeler pour exciter des murmures dans une Assemblée qui a juré de maintenir la Constitution. L'Assemblée vient à l'instant d'entendre les pétitionnaires lui déclarer qu'ils étaient les représentants du 45e régiment. De ce fait, Messieurs, résultent deux conséquences : la première, c'est que les pétitionnaires ne parlent point en leur nom, mais au nom de tous leurs camarades; la seconde, que le corps qui les a députés, étant un corps armé, n'a pu, aux termes de la loi, ni délibérer ni créer des représentants. Je demande que les pétitionnaires ne soient pas entendus. (Murmures.)
Voix dans les tribunes : A bas! à bas!
Je rappelle aux tribunes qu'elles doivent garder le silence.
On fera césser ce tumulte en demandant aux pétitionnaires s'ils veulent parler individuellement ou autrement. Si c'est comme individus qu'il veulent parler, on les entendra; si c'est au nom du régiment, il faudra leur rappeler la loi et ne pas les écouter.
On chicane sur les mots. Les sol-
dats qui sont à la barre sont munis de congés. Ainsi, sous ce premier rapport, on n'a rien à dire. Sous un second point de vue, ils sont les victimes d'un règlement despotique, ils sont victimes de vexations qu'ils souffrent individuellement avec tout le reste du régiment (Rires ironiques et applaudissements prolongés.)... que tous les individus qui composent le régiment souffrent avec eux. Les 5 pétitionnaires s'en plaignent pour eux-mêmes. Se plaignant pour eux et non pour le régiment, ils doivent être entendus, car le régiment obtiendra justice s'ils l'obtiennent, et il ne faut pas la leur refuser. Je demande que la parole leur soit continuée. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je consulte l'Assemblée sur la proposition de M. Delacroix.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix.)
, s'adressant aux pétitionnaires. Messieurs, parlez-vous en votre nom individuel?
Vorateur de la députation : Oui, Monsieur le Président.
J'ai demandé aux pétitionnaires s'ils parlaient en leur nom individuel, ils m'ont répondu : oui. (Applaudissements )
Alors, il faut les entendre.
L'orateur de la députation : Pour lever tout soupçon sur ma conduite, voici mes congés et mes certificats.
Voix diverses : C'est inutile, parlez! — Dites votre pétition !
L'orateur de la députation : A la réception du nouveau règlement, un bon patriote tel que je le suis, tel que jè veux toujours l'être, a du être étonné. Je n'ai pu m'empêcher de murmurer en lisant certains articles, et de rechercher quel pouvait être l'auteur d'un pareil règlement. (Rires.)
Messieurs, l'orateur est plus accoutumé à combattre qu'à parler en public. (.Applaudissements.)
L'orateur de la députation : Cependant, malgré la sévérité de cette ordonnancé qui rappelle les anciens règlements et ne fait de nous que des esclaves, je me suis soumis, mais provisoirement, en attendant- de votre sagesse que vous eussiez examiné si elle était compatible avec la liberté.
Ce n'est pas le seul chagrin que j'éprouve dans ce moment. Les officiers qui nous commandaient, et en qui nous avions beaucoup de confiance, ont voulu nous quitter dans un moment où le régiment, ainsi que moi, ne savions de quel côté tourner la tête. Us nous ont laissés seuls pour braver les dangers. Mais, comme nous sommes tous braves soldats et enfants de la patrie, nous iious sommes resserrés davantage pour la défendre. (Applaudissements.) Nous avons juré, comme nous le jurons encore, de la soutenir jusqu'à la dernière goutte de notre sang. (Applaudissements.) Nos officiers nous ont quittés; ils n'étaient pas faits pour soutenir les mêmes intérêts que nous. En bien, qu'ils viennent nous combattre s'ils le veulent : ils verront ce que peuvent les vrais enfants de la patrie contre ceux qui tournent leurs armes contre elle.
Nous manquons aussi de tout dans notre régiment. Point de culottes, point de drap pour faire des habits. On nous a tout ôté. Heureuse-
ment qu'on n'a pas pu nous enlever ce que nous avions de meilleur : notre cœur et nos armes. Vifs applaudissements.)
Je me résume, Messieurs, je demande que, comme Pères de la patrie, vous jetiez un coup d'œil sur cette ordonnance. Vous y verrez un amas de minuties qui sont plutôt faites pour avilir le soldat que pour lui inspirer le courage qu'il doit avoir pour servir sa patrie. (Applaudissements dans les tribunes.) Nous ayons parcouru ce règlement article par article. Ceux qui regardent les punitions sont justes, parce qu'un homme qui manque ne peut jamais être trop puni. (Applaudissements.)
Ceux qui regardent la propreté nous ont paru justes aussi. Mais nous avons remarqué quelques articles qui ne sont pas faits pour des soldats, qui sont faits pour des esclaves comme il y en avait autrefois. (Applaudissements réitérés.) Nous avons rédigé une addition à ce règlement ; nous vous la soumettons. Si elle vous paraît bonne, vous l'adopterez. C'est dans cette confiance que nous nous présentons devant vous et que nous nous risquons à tout braver. Nous demandons justice et nous espérons l'obtenir. (Vifs applaudissements.)
, répondant à la députation. Le courage, sans la discipline, peut conduire les soldats à la mort. C'est au courage et à la discipline réunis à les conduire à la victoire. Il importe donc à la conservation de nos armées et au salut public, qué cette discipline soit rigoureusement observée. Mais il n'est pas moins essentiel sans doute qu'elle soit fondée sur les règles de la justice, ae l'humanité et de la Constitution. Toute réclamation qui n'aura pas d'autre objet, obtiendra toute l'attention des représentants du peuple, et tout l'intérêt qu'on doit à des hommes qui offrent généreusement leur sang à la patrie. Vous vous glorifiez d'être ses enfants; elle se glorifie aussi' d'avoir des enfants qui, comme vous, savènt respecter les lois, et qui, comme vous, sauront vaincre pour elle. (Applaudissements.)
L'Assemblée vous invite à sa séance.
Je demande la parole parce qu'il m'importe de justifier la conduite de M. Bar-bantane, commandant à Aix...
Plusieurs membres demandent le renvoi de la pétition des soldats du 45° régiment au comité militaire.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
Je demande quand sera prêt le rapport du comité militaire sur le règlement fait par le ministre.
, au nom du comité militaire. Trois commissaires ont été nommés pour cela et ils s'en sont occupés sans relâche. Le rapport pourra vous être fait samedi, il est très court, et jusqu'à présent on n'a rien trouvé à changer à ce règlement.
A la séance de lundi soir, j'ai demandé 1 impression de ce règlement, afin que chacun fût à portée de l'examiner et de l'étudier. Mais M. le Président, lors de cette proposition, leva si prestement la séance, qu'il ne fut pas possible de se prononcer sur ma motion. Je demande donc aujourd'hui que le règlement soit imprimé et distribué à tous les membres.
, ministre de la guerre. Rien ne sera plus utile pour le ministre de la guerre,
et sûrement rien ne sera plus utile à la chose publique, que l'examen de ce règlement que j'ai provoqué au comité militaire. J'ignore quel en sera le résultat; mais il importe à la sûreté de l'Empire, à la discipline militaire, sur laquelle repose la liberté, que vous prononciez bientôt, afin que l'on sache bien à quoi s'en tenir; car peut-être se serait une conséquence bien effrayante que de voir arriver des soldats, au nom de toute l'armée, faire des pétitions au Corps législatif et au roi..J'aurai l'honneur de faire distribuer à tous les membres de l'Assemblée des exemplaires de cette ordonnance} et je les supplie de vouloir bien l'examiner avec la plus scrupuleuse sévérité. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
La parole est à M. Gérardin.
J'ai demandé la parole pour détruire les impressions que l'on a voulu jeter sur la conduite de M. Barbantane, qui commandait à Aix (1). Cette conduite a eu l'approbation des corps administratifs et des bons citoyens de cette ville. Sans l'extrême prudence de M. de Barbantane, qui s'est exposé à tous les dangers pour empêcher le sang ae couler, il eût été répandu à grands flots dans cette malheureuse cité. Cela sans doute ne peut donner lieu à aucun reproche. On l'a cependant accusé devant vous, doit-on s'en étonner? les torts de M. Barbantane sont graves en effet : il fut patriote avant la Révolution ; il n'a jamais varié depuis. Il appartient à une société persécutée même par les puissances étrangères. (Applaudissements. Bravo !)
Messieurs, lorsque vous aurez pour magistrats du peuple des hommes qui méritent la confiance publique, l'on fera de vains efforts pour exciter des troubles entre le peuple et le peuple. Lorsque vous aurez à la tête des armées des hommes qui, par leur patriotisme, mériteront la confiance de tous, l'on ne pourra jamais allumer des foyers de discorde entre les troupes de ligne et les citoyens. Messieurs, si le régiment d'Ernest est sorti d'Aix désarmé, le désarmement n'a point été provoqué par M. Barbantane : le major du régiment a cru cette mesure nécessaire pour sauver le régiment d'une force très considérable qui investissait la caserne : des coups dé canon avaient été tirés sur la caserne, et plusieurs pans de murailles avaient été renversés. D'ailleurs M. Barbantane a obéi à toutes les réquisitions des corps administratifs, il s'est conformé en tout à la loi; et dans cette occasion, comme dans toutes les autres, il a écouté son patriotisme, qui lui a fait un devoir d'épargner le sàng de ses concitoyens. Les députés des Bouches-'du-Rhône qui sont ici ont reçu des lettres qui attestent les faits que j'ai l'honneur de vous annoncer.
Au surplus, je ne viens pas demander qu'on suspende le jugement de M.
Barbantane, je le provoque au contraire. Je suis sûr qu'il en sortira
avec l'estime de ses concitoyens. Il ne peut craindre un jugement qui
prouvera malheureusement que, lorsqu'on est obligé de donner des places
aux patriotes, on n'aime pas à les y
, officier au second bataillon des volontaires du département de V Yonne, est admis à la barre et présente à l'Assemblée, l'adresse suivante dont un secrétaire donne lecture :
« Législateurs, dans les troubles qui agitèrent le district de Noyon, les volontaires au 2e bataillon de l'Yonne, en cantonnement dans cette ville, y ont rempli leurs devoirs envers la loi, sans en ensanglanter la victoire. Il leur reste maintenant à s acquitter devant vous envers la vérité, ils vous la présenteront sans art.
« M. de Gouy vous a annoncé qu'ils étaient coupables de défection dans la journée des troubles arrivés à Ourscamps, district de Noyon, 13 février dernier (1); certes, que plutôt mille morts nous arrivent qu'un tel malheur! Mais il est facile de vous eu prouver la non-existence.
« On extrait, dit-il, d'un procès-verbal du directoire du district de Noyon constate ce fait.
« Un extrait d'un procès-verbal de ce même directoire et un cértificat que nous avons en main constatent le fait contraire.
« L'acte qu'il possède est démenti par les administrateurs, et les deux actes que nous en avons reçus sont appuyés de leurs signatures. Voici lé passage qui nous concerne dans leur procès-verbal :
« Ils y rendent compte du sujet du rassemblement, au départ de la garde nationale de Noyon pour y maintenir l'ordre; « un instant après, « dit le procès-verbal, la revue du commissaire « des guerres achevée, la moitié des gardes na-« tionales volontaires est partie pour la même « destination et pour la même cause, tandis que « l'autre moitié est restée pour la tranquillité « intérieure de la ville. »
« La municipalité appuie également ces faits dans un autre certificat signé d'elle. « Les vo-« lôntaires, dit-elle, se sont comportés ce même « jour d'une manière à ne donner lieu à aucun « reproche n'y inculpation contre eux. » Nous pouvons encore, s'il en est besoin, iustifier d'un certificat de nos frères d'armes de la garde nationale qui nous rendent la même justice.
« Voila, législateurs, les volontaires fidèles que l'on voulait couvrir d'opprobre à vos yeux. Nous protégeâmes l'ordre, au milieu de ce rassemblement de près de 30,000 hommes; votre cœur eût été déchiré sans doute si nous eussions essayé d'en faire davantage.
« Non, vertueux et humains législateurs, les bras des volontaires de l'Yonne n'ont point faibli dans le maintien de vos sages décrets. Si l'action de la loi a été un moment suspendue, c'est que les corps administratifs jugeront l'appareil de nos forces insuffisant pour ôter tout espoir d'y résister. La moitié du bataillon étant de garde aux différents postes de l'intérieur de la ville, l'autre moitié seule était requise de se porter dans la plaine.
« Mais dans ces moments délicats et difficiles, que faisait alors M.
Gouy-d'Arsy lui-même? Il avait essayé dès le matin, par ses courriers,
de se faire précéder par la terreur, et malheureusement il ne parvint à
l'être que par la défiance; car les bruits que ces mêmes courriers
répandirent, firent accourir tous les habitants des campagnes au point
menacé. Il s'approcha à
« Devaient-ils donc, au nombre de 250 soldats-citoyens, essayer la dispersion sanglante de 30,000 frères alors paisiblement rassemblés? Ah! nous briguerons avec ardeur un tel essai lorsque la patrie nous accordera l'instant de nous mesurer contre les traîtres et les tyrans qui la menacent. Alors nous saurons, pour sauver sa liberté, brusquer la victoire ou la gloire de périr pour elle; mais que tout notre sang tarisse dans nos veines avant que nous versions imprudemment celui de nos fidèles citoyens.
« Elus et représentants du peuple, vous nous avez armés, en son nom, du ier ae la loi. Nous ne saurons jamais balancer, fût-ce contre nos frères les plus chéris, d'en porter les coups nécessaires; heureux cependant, si, en arrêtant avec succès les fureurs trop souvent involontaires du citoyen égaré, il ne se trouve, dans ces chocs funestes, rougi que de notre propre sang !
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs dé la séance, J
Je demande mention honorable de la conduite du bataillon de l'Yonne qui prouve un excès de délicatesse. C'est se montrer bien sensible à la calomnie que de répondre à une inculpation de M. Gouy.,
J'appuie la mention honorable. Vous vous rappelez, Messieurs, que lorsque M. Gouy vint à la barre, je relevai le fait qu'il avait avancé contre le bataillon de l'Yonne qui s'est toujours très bien conduit.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-yerbal de la conduite du 2e bataillon des volontaires de l'Yonne.) '
, au nom, dû comité de l'ordinaire des finances, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur l'acompte demandé par les entrepreneurs, constructeurs et ouvriers des églises de Saint-Sulpice, de Saint-Philippe-du-, Roule, des Capucins ae la Chaussée-d'Antin, de la Madeleine de la Ville-l'Evêque et de Sainte-Gene-viève; cé projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale,1 après avoir entendu lé rappport de son comité
de l'ordinaire des finances sur les sommes dues aux entrepreneurs,
constructeurs "et ouvriers dés églises de Paris de Saint-Sulpice, de
Saint-Philippe-du-Roulé et
Savoir : .
Pour Saint-Sulpice....... 401,530 1. 8 s. 9 d.
Pour Saint - Philippe-du- Roule...................446,653 6 10
Pour les Capucins........ 44,230 3 7
.Total...... 892,413 1.19s.2d.
« Après avoir entendu aussi le rapport de son comité sur les pétitions des entreprénèurs, constructeurs et ouvriers des églises de Paris de la Madeleine de la Ville-l'EVêquè et de Sainte-Geneviève, pour tes travaux faits avant que ce dernier monument fût destiné à la mémoire des grands hommes, sous le nom de Panthéon français-, après avoir entendu la première, seconde et troisième lecture du projet dé décret dans ses séances du 28 janvièr, 5 février, et dans celle dé ce jour, ayant décrété qu'elle était en état de délibérer définitivément, décrète ce qui suit:
Art. 1er.
« La trésorerie nationale payera.aux entrepreneurs, constructeurs et ouvriers des églises de Paris de Saint-Sulpice, Saint-Philippe-du-Roule et des Capucins de la Chaussée-d'Antin, le tiers de leurs, créances respectives, sur les mandats du directoire du département de Paris, d'après les ordonnances qui seront délivrées par le ministre de l'intérieur, jusqu'à concurrence de la somme de 297,471 liv. 6 f. 5 d., qui sera versée à la trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire.
Art. 2.
« Conformément au décret du 3 septembre dernier, le directoire du département de Paris vérifiera et arrêtera, dans le plus court délai possible, le compte définitif de chacun desdits entrepreneurs, constructeurs et ouvriers, et en rendra compte à l'Assemblée nationale.
Art. 3.
« Les entrepreneurs, constructéurs ét ouvriers des églises de Paris, de la Madelèine de la Ville-l'Evêque,, seront payés par la trésorerie nationale sur les états vérifiés ét arrêtés par le directoire du département de Paris, et sur l'ordonnance du ministre de l'intérieur, de leurs entréprises et travaux pour le troisième trimestre de 1791, et le quatrième jusqu'au 8 décembre dernier, époque à laquelle leurs travaux ont cessé. Ce payement sera fait sur le fonds de 122?877 livres provenant du bénéfice des loteries destinées à cet objet pour l'année 1791, et sur lequel les deux premiers trimestres ont déjà été acquittés.
Art. 4.
« Le directoire du département de Paris fera vérifier également les travaux faits par les entrepreneurs des églises de Sainte-Geneviève avant le 16 juin 1791, et de la Madeleine de la Ville-
l'Evêque, depuis 1780 jusqu'en 1790, pour que les sommes qui peuvent leur être dues, soient liquidées comme dépenses arriérées, dans les formes prescrites par les lois ».
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement et adopte le projet de décret.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur la pétition de M., de Prez de Crassier (1) et en interprétation de l'article 2 du décret du 27 janvier dernier (2); il s'exprime ainsi :
Messieurs, M. ae Prez de Crassier, officier général, membre de l'Assemblée constituante, s'est présenté à la barre, et a réclamé contre la construction d'un décret du 27 janvier dernier, qui semblait l'exclure du choix du roi dans la nomination des officiers généraux; il vous a exposé qu'après quarante-six ans de service, après avoir, en sortant de l'enfance, combattu pour la liberté, décoré du fleuron des guerriers, il a reçu le grade de maréchal de camp, non comme une grâce, mais comme une justice, et ,qu'il l'aurait rejeté loin de lui s'il avait cru qu'on le lui eût présenté comme hochet de la vanité, et comme un titre inutile; vous avez renvoyé cette pétition à votre comité militaire, pour vous présenter un rapport sur cette rédaction : le comité m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant qu'il-est nécessaire d'interpréter l'article 2 de son décret du 27 janvier ; qu'il est instant de ne pas retarder la nomination qui appartient au roi, de la moitié, des officiers généraux dont elle a décrété l'augmentation, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir délibéré l'urgence, décrète, comme article additionnel à son décret du 27 janvier, les articles suivants :
Art. 1er. t Les douze officiers généraux qui
sont à la nomination du roi, pourront être choisis parmi les maréchaux
de camp non employés, qui, lorsqu'ils ont obtenu ce grade, n'étaient
point en activité effective de service, pourvu que depuis l'époque à
laquelle ils en ont reçu le brevet, ils n'aient pas quitté le royaume,
qu'ils aient prêté le serment civique, et qu'ils aient servi dans les
gardés nationales, ou qu'ils aient rempli des fonctions déléguées par le
peuple.
Art. 2. « Les colonels et lieutenants-colonels qui, en vertu du décret du 24 janvier 1791, ont demandé, obtenu, et préféré le grade de maréchal de camp en retraite au service effectif qu'ils faisaient dans leurs régiments, ne pourront être nommés par le roi, quand même ils réuniraient toutes les conditions mentionnées dans l'article précédent.
Art. 3. « Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
(L'Assemblée adopte le changement et le projet de décret sauf rédaction et décrète que la rédaction lui sera présentée à la séance de demain, après la lecture du procès-verbal.)
Une députation de la municipalité de Crépy, département de l'Oise, est admise à la barre.
L'orateur de la députation fait part à l'Assemblée de l'empressement que témoignent les jeunes gens de cette commune à s'incorporer dans les troupes de ligne et du désespoir de ceux que leur âge et leur taille ne permet pas d'enrôler. Le directoire a été obligé de prendre deux commis pour enregistrer tous ceux qui se présentent pour aller aux frontières. Il jure, au nom des citoyens de Crépy, de vivre libre ou de mourir et proteste du dévouement des officiers municipaux à la cause de la liberté. Il dépose en même temps sur le bureau deux assignats, l'un de 100, 1 autre de 50 livres de la part de M. l'abbé Gabriel, ci-devant chanoine, actuellement aumônier de la garde nationale, à contribuer à la défense de la patrie. (Applaudissements.)
, répondant à la députation. L'Assemblée s'occupe à chaque instant des moyens de maintenir l'ordre au dedans et la dignité de la nation au dehors. Comme vous, les représentants du peuple mourront à leur poste plutôt que de compromettre jamais la Constitution et la liberté dé la France. L'Assemblée vous invite à sa séance.
Je demande que l'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse de la municipalité de Crépy et du don de M. l'abbé Gabriel.
(L'Assemblée décrète la mention honorable au procès-verbal de l'adresse de la municipalité de Crépy et de la générosité de M. l'abbé Gabriel.)
(La séance est levée à dix heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Extrait du compte rendu au ministre de la guerre, sur les troubles de la ville d'Aix; par M. Puget-Barbantane (2).
Avertissement.
M. Puget-Barbantane a envoyé à un de ses amis le double du compte qu'il a rendu au ministre de la guerre. Il n'était pas destiné à être imprimé, mais la calomnie qui cherche à noircir la cçnduite de cet officier général, impose à l'amitié le devoir de donner à ses lettres la plus grande publicité. Elles répondent à toutes les inculpations, l'élèvent au-dessus de tous les reproches et la flatteuse approbation des corps administratifs des Bouches-du-Rhône vient encore à l'appui de la justice que lui rendent déjà tous les bons citoyens. Cette approbation est
consignée en ces termes dans une lettre adressée par les administrateurs de ce département à l'Assemblée nationale :
Extrait d'une lettre des administrateurs des Bou-ches-du-Rhône, le 29 février 1792.
« Nous devons rendre ici l'hommage le plus éclatant au zèle infatigable de M. Barbantane, commandant dans le département. Sa conduite prudente et éclairée a empêché que des flots de sang ne coulassent; et s'il n'a pu, malgré tous ses soins, au milieu des plus grands périls, éviter que le régiment d'Ernest n'ait été désarmé, il lui reste, ainsi qu'à nous, la consolation que les pages de notre histoire ne seront pas souillées du récit d'un affreux carnage. «
D'après ce que l'on vient de lire, on doit s'étonner de la précipitation avec laquelle M. Puget-Barbantane a été suspendu de ses fonctions; mais son amour pour la Révolution, son attachement à la Constitution, son dévouement populaire, l'expliquent suffisamment.
Aussi, bien loin de craindre le jugement dont il est menacé, il le désire au contraire, puisqu'il peut servir à constater, d'une manière authentique, qu'il ne s'est pas écarté un seul instant, dans une position aussi difficile, de ce qui lui était prescrit par l'humanité, le patriotisme et la loi.
Extrait du compte rendu au ministre de la guerre sur les troubles de la ville d'Aix; par M. Puget-Barbantane.
Monsieur,
La disposition de la ville de Marseille, contre le régiment d'Ernest, vient d'éclater d'une manière extrêmement violente. Les événements qui en ont été le résultat, ont commencé dimanche 26, à 10 heures du matin, et se sont terminés ce matin à 4 heures. J'ai été tellement occupé jour et nuit, que je n'ai pu donner que des détails très courts à M. de Coincy. Je vais avoir l'honneur de vous, présenter les faits ; et vous jugerez, Monsieur, combien ces événements m'ont suscité de peines et de fatigues.
J'appris, à mon arrivée dans cette ville, que le détachement de 300 hommes, qui était en garnison à Toulon, avait ordre de se réunir au régiment d'Ernest. La lettre que le département vous avait écrite à ce sujet, et la nouvelle de l'arrivée de ce détachement à Aix, excitaient une grande fermentation à Marseille contre le département, et ranimaient la haine de ses habitants contre le régiment d'Ernest.
J'ai cru devoir prendre quelques mesures de prudence. Je recommandai au-commandant de ce régiment de rappeler les officiers qui étaient à Marseille, ayant su que quelques-uns étaient mariés, et d'ordonner aux autres de n'y point aller, li y avait alors une légère fermentation qu'avaient excitée dans la ville des propos tenus par deux soldats, sur la cocarde nationale. J'ordonnai la vérification des faits (sachant combien il importe, dans ces circonstances, d'aller au-devant de la méfiance) ; nous ne trouvâmes aucune preuve. Depuis quelques jours, cette fermentation paraissait calmée, et j'écrivais à M. de Coincy, le dimanche 26, que tout étant tranquille, j'allais me rendre à Toulon, ou il m'avait ordonné d'aller faire la revue des régiments qui y sont en garnison, lorsque le maire entra chez moi et me dit qu'une personne venait de lui apprendre
u'une colonne armée arrivait par le chemin de larseille; mais cependant, quoique cette nouvelle ne lui parût pas authentique, il ajouta qu'il fallait tenir le régiment dans son quartier, et qu'il se rendait à l'hôtel de ville. Je lui demandai s il jugeait nécessaire d'aller au delà de cette mesure ; M. le maire me dit qu'il allait en conférer avec le corps municipal. J'envoyai l'ordre à M. de Vattevifle, major du régiment, à qui M. Doliviers, à cause de sa santé, a remis le commandement, d'ordonner au régiment de rester à son quartier, et de s'y tenir prêt à prendre les armes; je lui fis dire en même temps de passer chez moi ; il était très éloigné d'ajouter foi à la nouvelle que le maire venait de m'apprendre. Nous nous séparâmes, présumant que c était un faux bruit. Mais cependant je me rendis auprès du corps municipal assemblé pour cet objet; on me remit au bas de l'escalier de l'hôtel de ville, une réquisition pour m'inviter à m'y rendre. Là j'appris que cette colonne armée était au momènt d'entrer dans la ville. Je priai alors instamment MM. les oficiers municipaux de prendre une délibération à ce sujet. Je reçus une réquisition portant de m'opposer à ce qu'il n'entrât aucune troupe armée dans la ville, et ils donnèrent l'ordre d'en fermer les portes. Je leur exprimai le désir de voir la garde nationale à la tête de la troupe de ligne ; on me répondit qu'elle avait des ordres. Je me rendis avec toute la célérité possible au quartier.
Je donnai l'ordre sur-le-champ au régiment de prendre les armes, et de se porter vers la porte où cette troupe devait arriver ; je leur recommandai la plus grande promptitude dans l'exécution, et je me rendis moi-même au grand galop vers cette porte, comptant m'avancer sur le chemin, pour reconnaître la troupe et ses dispositions. Mais quel fut mon étonnement de trouver la grillé ouverte et les canons entrant dans la ville. Jugeant alors que ces deux troupes ne pourraient se rencontrer en face l'une de l'autre avant que je parvinsse à l'hôtel de ville, j'y fus pour dire que je ne pouvais exécuter la première réquisition, puisque la troupe armée était déjà entrée dans la ville, et que je venais savoir quelles mesures ultérieures le corps municipal croyait devoir prendre. Je reçus une nouvelle réquisition pour veiller à la sûreté de la ville et empêcher tout acte de violence.
Je rejoignis le régiment ; il était en marche, et s'approchait de la tête ae colonne; je lui fis faire nalte ; de manière que ces deux corps se trouvant très près l'un de l'autre, n'étaient cependant point en face,
Ne pouvant alors me rendre à l'hôtel de ville sans traverser la troupe armée, je m'avançai vers elle pour qu'elle m'ouvrît un passage. Je fus d'abord couché en joue; mais je demandai à parler au chef, et ils me laissèrent passer.
J'appris en me rendant à l'hôtel de ville, que le détachement, qui était allé chercher les drapeaux, avait été arrêté dans sa marche.
Je rendis compte d'abord au corps municipal de la position des troupes ; je le priai de se transporter sur les lieux, et d'ordonner qu'on laissât prendre au régiment ses drapeaux. Ils vinrent avec moi. et prirent les mesures que paraissaient indiquer les circonstances. Le détachement revint avec les drapeaux; les officiers municipaux me requirent alors de faire rentrer la troupe de ligne. Comme ils étaient présents, ie leur demandai s'il fallait faire exécuter sur-le-champ leur réquisition. Ils la reprirent, et se
rendirent à l'hôtel de ville pour y délibérer. Je restai à la tête du régiment, le major des Suisses l'ayant désiré, parce qu'il présumait que dans la disposition où étaient les esprits, ma présence était seule capable de suspendre les mouvements dangereux qui pouvaient se manifester. En effet, quelque temps après, la troupe armée laissa éclater des cris d'impatience ; je crus même qu'elle se préparait à des actes hostiles, par des mouvements qu'elle fit en changeant la disposition de son artillerie: Je me portai alors en avant; je lui demandai quelles étaient ses intentions : elle me répondit qu'elle n'avait aucuné vue hostile.
Pendant la délibération du corps municipal, je reçus différentes députations particulières pour faire retirer le régiment; je répondis que j'étais là en vertu de la loi, et que j'y resterais. Gomme les esprits paraissaient' s'échauffer, j'envoyai mon aide de camp à l'hôtel de ville pour renare compte aux officiers municipaux de tout ce qui se passait, et leur demander s'ils ne jugeaient pas à propos de se transporter de nouveau sur les lieux. Ils m'envoyèrent quelque temps après, la réquisition de faire rentrer le régiment dans son quartier; ce qui fut exécuté. La troupe armée s'est retirée.
Je rappellerai en finissant ce premier récit, que lorsque je fus dans le cas d'exécuter la seconde réquisition, portant de ne pas laisser entrer la troupe armée dans la ville, je priai le corps municipal d'ordonner le rassemblement de la garde nationale. Je ne l'ai vue nulle part rassemblée. Je crois qu'une grande partie s'est réunie à la troupe armée, et que l'autre n'a pas paru.
Le régiment rentré dans son quartier, je me transportai à l'hôtel de ville pour savoir si les officiers municipaux avaient pris de nouvelles mesures. Je fus ensuite au directoire du département : je lui rendis compte de ce que j'avais fait, de ce qui s'était passé, et de l'impossibilité où j'avais été de me présenter plus tôt devant lui. Ces messieurs se concertèrent avec moi sur les mesures à prendre; je leur dis que je n'avais pu parfaitement reconnaître la force armée qui; s'était présentée; qu'on m'avait, appris qu'il n'existait pas de garde nationale rassemblée dans la ville, vu qu'une partie s'était réuniè à cette forcé armée; que le résultat des réquisitions que j'avais reçues de la municipalité, était de temporiser. Le directoire me requit alors de faire marcher sur-le-jchamp 200 hommes à l'hôtel de ville, pour assurer la liberté de sés déclarations; je lui représentai qu'il prenait une marche contraire à celle de la municipalité, mais que, s'il y persistait après l'avoir pesée dans sa sagesse, je m'y conformerais. Gomme il y persista, jè donnai des ordres en conséquence. Par une nouvelle réquisition, il demanda un bataillon que je fis marcher, en m'assurant, autant qu'il était en mon pouvoir, des points de communication de l'hôtel de ville au quartier. Je m'avançai vers l'hôtel de ville : en approchant des rués qui l'a-voisinent, j'entendis Beaucoup de rumeurs; on vint me prévenir qu'on se préparait à s'opposer à notre arrivée. La réquisition étant positive, je continuai ma marche. Nous entendîmes alors des coups de fusil. Les officiers municipaux se présentèrent avec leurs écharpes pour arrêter la marche du bataillon. Je leur dis que je me rendais à la réquisition du département, qui étant une autorité supérieure, je ne croyais pas pouvoir me dispenser d'y obéir. Ils réitérèrent leur réquisition, me représentant qu'ils avaient la po-
lice immédiate de la ville. Je suspendis alors la marche de la troupe, et j'envoyai mon aide de camp au directoire pour le prévenir de l'opposition de la municipalité. Mon aide de camp, après avoir traversé une foule d'hommes armés, dont plusieurs le couchèrent en joue, parvint au directoire où il ne trouva aucun des membres de l'administration; sur le compte qu'il me rendit, la municipalité me requit de ramener la troupe de ligne dans son quartier. Dans ce moment les soldats composant le corps de garde de la troupe de ligne arrivèrent désarmés. Je priai la municipalité de marcher à la tête du régiment, ce qu'elle fit; et nous nous retirâmes sans aucun événement. Il était alors 6 heures du soir. Je reçus quelque temps après, une nouvelle réquisition pour faire rentrer tous les postes dans le quartier : ce qui fut mis à exécution.
Ici finit la première partie de mon récit. Mon devoir me prescrivait de suivre les réquisitions des magistrats du peuple; je m'y suis conformé, et, dans des circonstances aussi délicates, il m'est doux de penser que la loi m'a toujours servi de guide; et que je suis parvenu, en ne m'écartant pas de ce qu'elle m'ordonnait, à prévenir l'effusion du sang.
Extrait de la seconde lettre de M. Barbantane à M. le ministre de la guerre.
Je pensais, d'après la disposition connue de la ville de Marseille envers le régiment d'Ernest, qu'il ne pourrait rester plus longtemps dans le département des Bouches-du-Rhône. J'avais cru même qu'il serait utile de le faire sortir delà 2 division. Je comptais en parler à M. de Goincy. Les événements qui s'étaient passés dans la journée ne me laissaient pas douter que son départ ne fût démandé, et la prudence me portait à croire qu'il fallait en prévenir la demande. J'envoyai donc un exprès à M. de Goincy, pour en obtenir l'ordre. J'appris, dans la même soirée, que la troupe armée se disposait à des actes ^hostiles. Je me rendis alors au quartier pour n'en plus sortir. J'en prévins la municipalité, qui me témoigna l'intention de me requérir de ne rentrer dans la ville, que s'il arrivait du désordre. La nuit se passa sans événement ; nous entendîmes seulement battre la générale.
A la pointe du jour, nous vîmes des troupes se placer ae tous côtés. Le quartier est dominé par un couvent et plusieurs autres bâtiments qui furent occupés par des hommes armés ; des canons furent braqués contre de faibles murailles; d'autres pièces furent placées en face de la seule porte par laquelle le régiment pouvait sortir du quartier. Au premier mouvement de ces troupes, je fis demander par mon aide de camp quelles étaient leurs intentions; on lui' répondit qu'on me les ferait savoir. Ces dispositions hostiles et cette réponse me firent pressentir la position où j'allais me trouver; mais je ne doutais pas que, soit par le secours de la municipalité, ou par moi-même, je ne parvinsse à faire partir le régiment avec armes et bagages, et sans effusion de sang. Si l'on ne me laissait pas cette possibilité, j'étais décidé à prendre la route de Toulon à travers les coups de fusil; j'entrevoyais qu'on perdrait beaucoup de monde, mais qu'enfin on sortirait. Gomme je faisais ces réflexions, un commandant de la troupe se présenta pour conférer. Ge fut alors que j eus besoin de me rappeler que j'étais le seul qui pouvait concilier les esprits et peut-être arrêter des flots de sang ; je
me sentis dominé par ce sentiment, et me rendis à la conférence à laquelle on m'invitait. L'on me dit que ce régiment était ennemi du bien public; que l'on voulait le voir partir sans armes. Je répondis que je ne pouvais acquiescer à une semblable proposition ; que je demandais à faire appeler des officiers municipaux ; on s'y refusa a'abord ; enfin mon aide de camp se rendit (non sans un péril imminent) à l'hôtel de ville. Je le chargeai de dire à MM. les officiers municipaux que la position où nous nous trouvions, nécessitait leur présence, et que je les invitais à venir employer tous les moyens possibles de conciliation. Ils crurent ne devoir pas se rendre à mes instances, et ils m'envoyèrent en note les articles de la loi du 27 juillet 1791 relative à la forcé publique, portant que les dépositaires de cette force pourront la déployer dans trois cas :
1° Si des voies de fait étaient exercées contre eux;
2° S'ils ne pouvaient défendre autrement les. postes dont ils seraient chargés ;
3° S'ils y sont autorisés par un officier civil.
Ainsi, dans les deux premiers cas? il n'est pas besoin de réquisition pour qu'ils aient le droit de se défendre.
Jugez, Monsieur, de la position affreuse où je me trouvais; le régiment était en bataille dans son quartier ; ce quartier est dominé par des maisons occupées alors, comme je l'ai dit, par des hommes armés; il n'a d'autre issue qu un chemin entre deux murailles, qui ne permettait pas de sortir autrement qu'en colonne, sur laquelle le canon aurait été dirigé dans tous lés sens. Le premier parti que je crus devoir prendre, fut la voie de la conciliation; je m'avançai donc vers la troupe armée pour parler à ses chefs ; aux reproches d'incivisme qui me furent faits par les officiers du régiment, j'opposai l'admirable et imposante conduite ae fous les régiments suisses depuis la Révolution. Je représentai combien ils avaient contribué partout au bon ordre et à la tranquillité publique ; combien ils avaient été désirés même dans les villes les plus recommandables par leur patriotisme; je leur peignis avec chaleur et sentiment les occasions où j'en avais été le témoin; je leur dis enfin que s'ils avaient des reproches à faire à quelques individus, j'étais décidé, pour calmer les esprits, et pour ne pas troubler la tranquillité publique, de faire partir sur-le-champ le régiment, pourvu que ce fût avec armes et bagages; je vis avec satisfaction que ce discours leur faisait impression; ils me dirent qu'ils allaient en délibérer avec leurs états-majors; leur réponse fut qu'ils laisseraient partir le régiment" : avec ses armes, mais sans les munitions, et la baïonnette dans le fourreau.
Il m'est bien important de fixer ici l'attention sur le parti que je crus devoir prendre, ayant des ordres à donner dans des circonstances âi extraordinaires à un régiment suisse. Je savais que le major avait la confiance entière du régiment, et je puis dire qu'il avait déjà gagné la mienne par une manière calme, froide et judicieuse;' prenant en considération des relations dont je ne pouvais pas avoir connaissance, telles que celles de la France avec les Gantons, je crus devoir dire au major que j'allais ne m'occuper que des moyens de conciliation; qu'il voyait la position où se trouvait le régiment ; que je lui donnais l'ordre de prendre le parti qu'il croirait, sous tous les rapports, le plus utile et le plus sage; et que s'il décidait ae marcher, mâ
place était à la tête du régiment. Le major délibéra avec les capitaines et me dit qu'il ne pouvait pas partir sans la baïonnette au bout du canon et les munitions. D'après lé parti que je venais de prendre, je fis tout ce qui était en mon pouvoir pour que les munitions fussent conservées ; j'offris de les limiter. Je ne pus rien gagner; on renouvelait avec chaleur les expressions de méfiance et d'aristocratie, et enfin on me dit : ce sont les officiers qui font les réponses, envoyez-nous des sous-officiers et des soldats. Le major satisfit à cette nouvelle demande. Après cette conférence, on rapporta qu'on s'en tenait à ce qui m'avait été dit d'abord ; que Ton partirait avec les armes seulement, baïonnette dans le fourreau. On décida de consulter les compagnies qui exprimèrent le vœu de conserver leurs munitions. Constant dans la conduite que j'avais cru devoir me prescrire, je me présentai de nouveau à la tête de la troupe armée ;- je fis de nouvelles tentatives sur les chefs. Je leur exprimai que la volonté d'ôter au régiment les munitions, paraissait être une sorte de désarmement; j'employai pour les persuader toutes les raisons que je croyais propres à faire impression sur eux; je leur représentai que puisqu'ils disaient que le patriotisme le plus pur les avait déterminés à faire cette démarche, ils devaient en prévoir les conséquences, et écarter les dangers qui pourraient en résulter, même pour la cause qu'ils prétendaient défendre. Enfin ne pouvant rien obtenir d'eux, j'ajoutai que j'allais me porter vers leurs troupes, et leur parler moi-même. Ils me dirent qu'il y aurait du danger pour moi, et que si les conférences se prolongeaient, ils risquéraiént eux-mêmes pour leurs jours; mais cédant cependant à mes instances, ils assemblèrent leur état-major. Je leur exprimai le désir de me trouver à leur conférence, et que rien ne m'empêcherait de m'y rendre. Je m'y rendis en effet; je répétai tout ce que je venais de dire; mais je ne pus rien gagner : des cris d'impatience se firent entendre dans leurs rangs. De retour au quartier, je fis part au régiment que je n'avais pu rien obtenir; je réitérai au major l'ordre que je lui avais donné, qui était de prendre le parti que sa prudence et sa sagesse lui dicteraient; il sentit combien l'arrivée de nouvelles troupes augmentait les dangers de sa position, et que noyant d'autre issue qu'un défifé entre deux montagnes, le régiment serait entièrement détruit. Cependant des cris tumultueux se renouvelèrent; des coups de canon furent tirés ; un coup de fusil atteignit une sentinelle.
Je me présentai alors de nouveau pour dire que le régiment allait partir, mais l'on ne m'é-couta plus : on dit de me retirer, et qu'il fallait partir sans armes; j'engageai le major à envoyer une députation de bas officiers et de sol" dats ; ils revinrent en disant qu'on leur avait pris leurs sabres, et qu'ils s'étaient échappés au milieu des coups de fusil. Dans cette funeste position, je répétai au major : vous savez l'ordre que je vous ai donné ; je marche à votre tête, si telle est votre résolution. Ce fut alors qu'avec le même calme qui ne l'a pas abandonné un moment, voyant la sentinelle tuée, et un pan de muraille abattu par l'effet des coups de canon, il crut devoir donner l'ordre à MM. les capitaines de dire à la troupe de déposer ses fusils et ses munitions.
« Nous ne sommes point en pays ennemi (dit-il), je réponds de tout vis-à-vis du canton de
Berne; l'ordre que je vous donne ne peut porter aucune tache au régiment; il est nécessaire par les circonstances. » Je ne connais rien de plus touchant que le sang-froid avec lequel cet ordre fut donne, la résignation avec laquelle il fut exécuté par ces mêmes soldats qui, peu de temps auparavant, livrés à leur propre mouvement, n'avaient pas voulu sortir avec leurs armes sans munitions. Jamais on n'a vu un tel exemple de discipline et de confiance en son chef.
Ce parti pris, je fis demander à la troupe armée que deux pelotons se portassent à la tête, pour assurer la marche du régiment, d'autres à F'arrière-garde. Je reçus la promesse que les armes seraient remises à la municipalité, et ils donnèrent en outre leur parole que le regiment marcherait avec la plus grande sûreté; le régiment étant parti, je restai seul dans le quartier avec mon aide de camp; la troupe armée s'empressa de veiller à la sûreté des armes, mais je vis bien, en sortant du quartier, parle désordre qui y régnait, que ses efforts seraient inutiles ; j écrivis à la municipalité pour lui demander de faire ce qui dépendrait d'elle pour conserver les armes et l'équipage. Ce soin rempli, je montai à cheval, et fus rejoindre le régiment, craignant les embarras et les obstacles qu'il pourrait rencontrer sur la route de Toulon que je lui avais ordonné de suivre. Son arrivée inattendue à Ro-quevaire causa un léger mouvement qui fut bientôt calmé. Le major ayant décidé de ne s'y arrêter que pour s'y rafraîchir, je me suis cru autorisé à lui donner un billet d'étape et de logement à Beausset. Je le quittai pour retourner a Aix, où j'ai trouvé le conseil du département assemblé; je lui ai fait sentir combien il était important de renvoyer les armes au régiment d'Ernest; il me dit qu'il s'occuperait sans délai dé cet objet et fit en attendant partir les équipages.
L'extrême précipitation avec laquelle j'écris, la fatigue que j'éprouve, excusent la négligence de mon style. Je pars pour Toulon, vous me jugerez d'après les faits ; et les corps administratifs des Bouches-du-Rhône entreront dans les détails dont ils doivent rendre compte.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GUYTON-MORVEAU.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Messieurs, je crois devoir vous faire part d'un arrêté pris par le directoire du département d'Eure-et-Loir, contenant des mesures utiles pour assurer l'exécution de la loi du 12 février dernier sur le Séquestre des biens des émigrés, mesures que lui a dictées son zèle pour le bien public, et qui ne s'écartent en rien au sens de la loi que vous avez portée.
donne lecture de cet arrêté et conclut en demandant que l'activité du directoire du département d'Eure-et-Loir soit approuvée.
Plusieurs membres s'y opposent et demandent l'ordre du jour parce que cet arrêté contient des dispositions législatives.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, rapporteur du projet de décret sur
le mode de séquestre des biens des émigrés. Cet arrêté devient une nouvelle preuve de la nécessité qu'il y a de ne point interrompre trop longtemps les discussions commencées. En conséquence je demande que la suite de la discussion au projet de décret sur le mode de séquestre des biens des émigrés ait lieu demain matin. (I).
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Sé-dillez.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de vingt-trois citoyens de la ville de Bray qui demandent d'être admis à la barre.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront reçus dimanche prochain.)
(L'Assemblée ordonne ensuite que les commissaires qui doivent surveiller le scrutin seront nommés aujourd'hui à midi et que l'on procédera demain à la nomination d'un vice-président.)
Un membre demande que les comités qui doivent, concourir à la nomination des douze membres chargés d'examiner les causes des troubles qui régnent dans quelques départements et d'en indiquer les remèdes (2) soient tenus d'apporter au bureau, séance tenante, les résultats de leurs nominations.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Un de MM. lés secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des sous-officiers et soldats citoyens, composant le 40® régiment ci-devant Soissonnais, en garnison à Grenoble, qui expriment à l'Assemblée leur respectueuse reconnaissance des témoignages de satisfaction qu'elle leur a fait donner par son président, pour la conduite patriote qu'ils ont tenue à l'occasion de la désertion de leurs officiers (3).
2° Lettre des administrateurs des directoires des départements de la Haute-Garonne, de Lot-et-Garonne, de la Charente et adresses des citoyens de Saint-Flour (département du Cantal) et des officiers municipaux de la ville d'Aix qui instruisent l'Assemblée des troubles qui ont lieu dans ces divers territoires.
(L'Assemblée renvoie toutes ces pièces à la commission des Douze.)
3° Lettre des administrateurs du directoire du département de Rhône-et-Loire. Ils annoncent que les volontaires du 3e bataillon de ce département demandent avec un généreux empressement d'être promptement armés pour la défense dë la patrie. Ils joignent à leur lettre la pétition des volontaires sur cet objet.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
Un membre : J'observe que la plupart des lettres dont on fait lecture
annoncent presque toujours comme généraux, des troubles qui ne sont
souvent que locaux et particuliers, ce qui entretient partout
l'inquiétude et nuit essentiellement au crédit public. Je demande, en
conséquence,
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Un membre, au nom du comité de Vextraordi-naire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur le timbrage des assignats; il s'exprime ainsi :
Messieurs, pour suffire aux besoins de la caisse de l'extraordinaire, la fabrication des assignats doit s'élever à trois millions par jour. Les tim-breurs ne peuvent, sans passer les nuits, fournir au timbrage de trois millions en assignats de 5 livres. Ce travail forcé altère leur santé ; il y aurait du danger à les y soumettre plus longtemps, sans venir à leur secours, c'est à-dire en vous proposant d'augmenter les timbreurs, sans augmenter la dépense. Votre comité vous propose le décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 extraordinaire des finances, considérant que pour fournir au timbrage des assignats, en quantité suffisante pour assurer le service de la caisse de l'extraordinaire, il est indispensable de multiplier le nombre des timbreurs et, par conséquent, celui des coins à leur usage, et que cette mesure ne peut être prise trop promptement, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que l'archiviste tirera des archives nationales la matrice du coin destiné au timbre des assignats de cent sols, pour la remettre au sieur Gatteaux, graveur, lequel, sous la surveillance tant des commissaires du comité de l'extraordinaire des finances, que du commissaire du roi, auprès de la caisse de l'extraordinaire, fera quatre nouveaux coins, et immédiatement après l'exécution de son travail, rétablira cette matrice dans les archives.
Je ne considère pas le décret comme sujet à la sanction. C'est un décret réglementaire et de simple police. D'ailleurs, il me semble que l'Assemblée a déjà rendu de pareils décrets sans les faire précéder de celui d'urgence. Ainsi, sous tous ces rapports, je demande la suppression du décret d'urgence.
Un membre : Un décret semblable, du 3 novembre dernier, a été porté à la sanction.
Si on l'y a porté, c'est par erreur.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur la motion de supprimer le décret d'urgence.
(L'Assemblée ferme la discussion sur cette motion.)
Plusieurs membres demandent que le décret du 3 novembre que l'on a porté par erreur à la sanction, en soit aussi retiré.
D'autres membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Jetnets aux voix le projet de décret du comité de l'ordinaire des finances, sans le faire précéder du décret d'urgence.
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, considérant que pour fournir au timbrage des assignats en quantité suffisante pour assurer le service de la caisse de l'extraordinaire, il est indispensable de multiplier le nombre des timbreurs et, par conséquent, celui des coins à leur usage, et que cette mesure ne peut être prise trop promptement, décrète que l'archiviste tirera des archives nationales la matrice du coin destiné au timbre des assignats de cent sols, pour la remettre au sieur Gatteaux, graveur ; lequel sous la surveillance tant des commissaires du comité.de l'extraordinaire des finances, que du commissaire du roi, auprès de la caisse ae l'extraordinaire, fera quatre nouveaux coins et, immédiatement après l'exécution de son travail, rétablira cette matrice dans les archives. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi' 8 mars 1792, au matin.
Un membre : Vous venez d'entendre, à la lecture de ce procès-verbal, que M. le secrétaire, en rendant compte de la demande d'admission à la barre de cinq soldats du 45e régiment d'infanterie, les a désignés sous la qualité de députés du régiment. Je demande que ces derniers mots soient retranchés : 1° parce que les corps armés, ne pouvant délibérer, ne peuvent envoyer de députation : 2° parce que la Constitution s'oppose à ce qu'il soit envoyé des pétitions en nom collectif.
Je soutiens qu'il est permis aux régiments de s'adresser sans intermédiaire au Corps législatif, lorsqu'ils ont des plaintes à lui porter. Je rappelle à ce sujet le décret rendu à l'époque de l'affaire de Nancy et par lequ-1 les régiments avaient obtenu la permission d'envoyer des députés.
Plusieurs membres : Assez ! assez ! Vous attaquez la Constitution 1
D'autres membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète la radiation des mots : députés du régiment.)
Un membre : Je demande que l'Assemblée ordonne aux commis de tous ses Comités de faire la recherche de plusieurs pièces concernant la commune de Cellefrouin, district de la tiochefoucault, département de la Charente, et qui avaient été renvoyés, par décret du 15 ou du 16 décembre dernier, au Comité des domaines; pièces dont la perte arrête la vente de biens considérables.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
, au nom du comité militaire, donne lecture de la nouvelle rédaction du projet de décret, adopté hier soir sauf rédaction (t), sur la pétition de M. de Prez dé Crassier et en interprétation de l'article 2 du décret du 27 janvier dernier. Elle est ainsi conçue :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité
militaire, considérant qu'il est nécessaire d'interpréter l'article 2 de
son décret du 27 janvier dernier, et qu'il est instant de ne pas
retarder la nomination, qui
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir délibéré l'urgence, décrète, comme additionnels à son décret du 27 janvier dernier, les articles suivants :
Art. 1er.
« Les douze officiers généraux qui sont à la nomination du roi, pourront être choisis parmi les maréchaux de camp non employés qui, lorsqu'ils ont obtenu ce grade, n'étaient point en activité effective de service, pourvu que, depuis l'époque à laquelle il- ont reçu les brevets, ils n'aient pas quitté le royaume, qu'ils aient prêté le serment civique, et qu'ils aient servi dans la garde nationale, ou qu'ils aient rempli des fonctions publiques à la nomination du peuple.
Art. 2.
« Les colonels et lieu tenants-colonels qui, en vertu du décret du 15 lévrier 1791, ont demandé, obtenu et préféré le grade de maréchal de camp en retraite, au service effectif qu'ils avaient dans leurs régiments, ne pourront être nommés par le roi, quand même ils réuniraient toutes les conditions mentionnées dans l'article précédent.
Art. 3.
« Le présent décret sera porté, dans lê jour, à la sanction. »
(L'Assemblée adopte cette nouvelle rédaction.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret sur les moyens de fournir des subsistances aux départements où les récoltes ont été au-dessous de leurs besoins (1).
, au nom des Comités de l'agriculture réunis, soumet à la discussion, le projet de décret sur les subsistances ; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu les Comités d'agriculture, de commerce et de l'extraordinaire des finances, réunis;
« Considérant qu'il importe à la tranquillité publique d'assurer le plus promptement possible l'approvisionnement en grains des départements méridionaux et de l'intérieur qui peuvent en manquer, décrète qu'il y a urgence.
« Et, après avoir préalablement décrété l'ur gence, décrété ce qui suit :
« Art. ler. Il sera mis jusqu'à concurrence
de la somme de 10 millions à la disposition du ministre de l'intérieur,
sous sa responsabilité, pour être employés eu achats de blé dans
l'étranger destines à approvisionner les départements, soit méridionaux,
soit de l'intérieur, qui ont annoncé dés besoins.
« Art. 2. Le ministre de l'intérieur sera tenu de faire ces achats dans les pays étrangers, qui offriront le plus d'avantages, soit pour la célérité de l'expédition, soit pour l'économie dans les prix, et d'en rendre compte au Corps législatif.
« Art. 3. Le ministre de l'intérieur demeure
« Art. 4. Le ministre de l'intérieur rendra compte au Corps législatif, de huitaine en huitaine, des demandes qui lui seront faites, et de la quantité qu'il aura délivrée à chaque département à titre d'avance.
« Art. 5. Les acquits-à-caution et toutes les formalités ordonnées par la loi du 12 février dernier pour le chargement de grains d'un port de France à l'autre, seront observées, et demeureront communes à tous les chargements qui pourraient se faire sur les rivières et canaux à la distance de 5 lieues des frontières.
« Art. 6. Tous les chargements seront accompagnés d'un passeport conforme au modèle annexé au présent décret, pour constater que ces grains faisant partie de l'approvisionnement,fait par la nation, sont destinés pour tel département
« Art. 7. L'exportation .des amidons et des eaux-de-vie de grains est èt demeure provisoirement suspendue jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné :
« Art. 8. Le présent décret sera porté à la sanction dans le jour, et publié et affiché dans les 83 départements.
APPROVISIONNEMENT NATIONAL.
Passeport pour le% subsistances.
Lessez passer le nommé (son nom) demeurant à (sa demeure) conduisant par (eau ou par terre) à (tel endroitx.so}t municipalité distincte ou département), pour lè département de (nom du département), la quantité de (nombre de setiers ou quintaux de blé) que vous làissez librement circuler dans le royaume, pour arriver à sa destination, en prêtant assistance tototês les'fois qù'il en sera besoin, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale législative.
A (le lieu) ce ' (la daté).
Le Comité de commerce, Messieurs, me semble n'avoir pas indiqué toutes les mesures nécessaires pour assurer l'exécution de celles qu'il propose. D'abord il n'indique pas de quelle manière seront fixés, dans les départements, les prix dès grains que le gouvernement est autorisé à faire venir de l'étranger; ni à quelles conditions la nation fera cetté avance des secours réclamés par quelques départements, ni quelle est la caisse qui devra fournir les 10 millions à mettre à la disposition du ministre dè l'intérieur et comment devra s'opérer le recouvrement.
Les'points essentiels à fixer pour la tranquillité des départements et pour l'ordre de la comptabilité m'ont paru devoir être déterminés parcè qu'ils doivent influer beaucoup sur le décret que vous allez rendre.
D'abord à quelles conditions la nation fera-t-elle ; l'avance réclamée par les départements? Je vous 1 proposerai d'adopter une mesure que l'Assemblée constituante, à la fin de sa session, avait adop-1 tée, lorsque, prévoyant les besoins du royaume, elle avait mis une somme de 12 millions à Ja ; disposition du ministre de l'intérieur, ces conditions sont consignées dans l'article 3 de là loi ;
du 2 octobre et je les indiquerai dans le projet que je vais soumettre à l'Assemblée.
De quelle manière le ministre de l'intérieur débitera-t-îl aux départements le ^montant des secours qu'ils auront achetés?
J'observe que tous les grains que le gouvernement fera acheter ne viendront pas du même endroit, ne coûteront pas le même prix. Je crois donc qu'il sera utile que le ministre de l'intérieur lasse prix moyen de la totalité des grains qui seront achetés à l'étranger, afin que tous les épartements payent les grains qui leur seront délivrés à raison du prix moyen qui aura été constaté. quelle est la caisse qui fournira les 10 millions ?
Je crois que pour ne rien changer à l'ordre de comptabilité, il convient d'adopter le mode déjà établi pour remploi et la distribution des 10 millions votés par la loi du 26 septembre dernier ; je crois encore que comme il reste une portion de 12 millions à employer, vous devez décréter que la portion non employée de la somme de f2 millions sera ajoutée aux 10 millions décrétés aujourd'hui, pour être employée de la même manière; afin que le ministre ne rende qu'un seul et même compté de l'emploi des 22 millions mis à sa disposition, pour ^approvisionnement des départements.
On vous proposera, sans doute, de faire acheter les grains pour chaque département; mais je réponds d'avance à cette proposition, qu'il y aurait injustice et danger; injustice, parce que les départements méridionaux, par exemple, qui tireront leurs grains de la Sicile et d'Italie, les payeront beaucoup plus cher que les départements du nord, qui ont beaucoup plus de facilités et de ressources, et que, par conséquent, le secours deviendrait inégal. -
Je dis qu'il y aurait danger : 1° parce que les peuples qui] apercevraient cette inégalité, pourraient manifester leur mécontentement; 2° et que la concurrence des commissaires envoyés chez l'étranger par les divers départements, pourraient faire augmenter le prix dés grains d'une manière éffrayànte.
D'après toutes ces considérations, je propose le décret suivant, destiné à remplacer les quatre premiers articles du projet des comités :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, instruite que la somme de 12 millions remise à la disposition du ministre de l'intérieur, en exécution de la loi du 2 octobre dernier, est insuffisante pour procurer aux divers départements du royaume les secours en grains ou Jarines qui leur seront nécessaires ; et considérant qu'il importe à la tranquillité publique d'accélérer ces nouveaux approvisionnements, décrète qu'il y a urgence, »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera remis à la dispositiôn du
ministre de l'intérieur une somme de 10 millions, qui sera employée,
ainsi que la portion restante des 12 millions mis à sa disposition par
la loi du 26 septembre dernier, à l'achat de grains et farines pour
subvenir aux départements qui en auront besoin.
« Art. 2. Ces grains et farines ne pourront
être achetés qu'à l'étranger, et seront expédiés directement pour les ports du royaume les plus commodes pour les départements qui auront des besoins.
« Art. 3. Ces secours continueront d'être accordés aux départements, à titre dé prêt et à charge de remboursement, conformément à ce qui est prescrit par l'article 3 de la loi du 2 octobre dernier.
« Pour que les départements qui seront secourus le soient d'une manière juste et uniforme, le ministre de l'intérieur constatera le prix moyen de l'achat des frais de transport et àutres relatifs auxdits grains et farines, jusqu'à leur arrivée dans les différents ports du royaume, et c'est à raison de ce prix moyen que les départements seront débiteurs. Les frais de transport dans l'intérieur seront à la charge des départements.
« Art. 4. Le ministre de l'intérieur rendra compte tous les quinze jours de cette partie de son administration, et remettra, à l'époque du 1er octobre 1792, un état détaillé de l'emploi des sommes qui auront été mises à sa disposition, en exécution du présent décret et de la loi du 2 octobre dernier, en se conformant d'ailleurs, pour le mode de comptabilité, à ce qui est prescrit par l'article 3 de ladite loi. »
Maintenant je fais quelques observations sur les derniers articles au projet du Comité. Sur l'article 5 je demande l'ajournement, ét:propose que MM. les députés ae la Moselle, des Ar-dennes, de la Meuse, du Haut et du Bas-Rhin, soient invités à se rendre aux comités de com^ merce et d'agriculture, pour examiner si cette disposition de la loi est exécutable, et quelle modification l'article peut éprouver.
Sur l'article 6 j'observe qu'il y aurait un inconvénient à assujettir les grains à une formalité quelconque. Ce serait reconnaître la violation de la loi qui ordonne cette libre circulàtion ; ce serait autoriser l'arrestation de tous les chargements de grains qui ne seraient pas munis des certificats conformes à celui désigné par votre loi. Je demande la question préalable sur cet article.
(La discussion est interrompue.).
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de la municipalité de Beaucaire, qui est ainsi conçue :
« Législateurs,
Le conseil général de la commune a arrêté que la ville d'Arles vous serait dénoncée comme le foyer de l'aristocratie et comme ayant arboré le drapeau de la contre-Révolution. Le bruit de ses canons se fait entendre mais ne nous épouvanté pas, parce que le canon de la Constitution tonnera plus fort que celui de la révolte. Ordonnez, législateurs, de nous donner les armes que jusqu'à ce jour nous avons vainement réclamées.
Signé : les officiers Municipaux de la ville de Beaucaire, »
(L'Assemblée renvoie cette lettre à la Commission des Douze.)
Je reçois en ce moment une lettre du commissaire provisoire du roi,près le tribunal de Bordeaux, par laquelle il adresse à l'Assemblée les pièces concernant l'arrestation du sieur abbé Gauban, ci-devant bénédictin, prévenu d'avoir fait des enrôlements pour Coblentz.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au Comité de surveillance.)
L'Assemblée reprend la discussion du projet d» décret des Comités de commerce et d'agriculture réunis, sur les subsistances.
Il est peut-être impolitique dans des temps ordinaiTfes, de charger le gouvernement de l'achat des grains; mais, dans ce moment-ci, il faut prendre dés mesures extraordinaire. Nos pays méridionaux manquent de grains; si vous leur donniez des secours en argent, la concurrence s'établirait dans tous les marchés étrangers, et dans lès achats de papiers sur l'étranger, ce qui pourrait produire des désavantages considérables : 1° en faisant augmenter les grains dans les marchés ; 2° en faisant baisser le cours du papier sur l'étranger; en conséquence le ministre de l'intérieur aoit être chargé de l'achat de ces grains.
Voici, Messieurs, la première observation que j'ai à faire sur le projet du Comité.
Je crois ensuite qu'il faudrait fixer au ministre de l'intérieur quelle quantité de grains vous voulez qu'il achète pour approvisionner le royaume. En conséquence, je demanderai que le premier article soit rédigé ainsi :
« Le ministre de l'intérieur sera tenu de faire acheter deux cent mille setiers de blés mesure de Paris, dans les pays étrangers qui offriront le plus d'avantages pour la célérité déTexpédi-tioni »
J'avoue que je vois avec peine que nous nous privons de toute sorte de commerce avec l'étranger. Dans ce moment nous avons besoin de dix millions pour acheter du blé à l'étranger ; si nous nous privons de tous les moyens d exportations ; si nous ne vendons plus rien à l'extérieur, il faudra payer en numéraire : càr on ne nous donne pas du grain pour rien: et donner en ce moment-ci notre argent, serait plus dangereux que de donner nos marchandises.
En conséquence, je (m'oppose à l'article 7 qui défend la sortie des amidons et eaux-de-vie de grains, pour ne pas rompre nos moyens d'échange avec l'étranger. .
Voilà, Messieurs, mes observations.
Je demande que l'on discute le principe général de cette importante question.
, rapporteur. Il ne s'agit point de la question générale des subsistances, mais seulement des secours particuliers à accorder aux départements qui ont des besoins momentanés.
Plusieurs membres demandent que le projet des Comités soit discuté article par article.
Je demande que la discussion soit fermée, et la priorité pour le projet de M. Tarbé.
(L'Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité au projet de M. Tarbé destiné à remplacer les quatre premiers articles du projet des Comités.)
Voici le décret d'urgence :
« L'Assemblée nationàle, instruite que la somme de 12 millions, remise à la disposition du ministre de l'intérieur, en exécution de la loi du 2 octobre dernier, est insuffisante pour procurer aux divers départements du royaume les secours en grains ou farines qui leur seront nécessaires ; et considérant qu'il importe à la tranquillité publique d'accélérer ces nouveaux approvisionnements, décrète qu'il y a urgence. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence.)
donne lecture de l'article premier de son projet de décret; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera remis à la disposition du
mi-^nistre de l'intérieur une somme de dix millions qui sera employée,
ainsi que la portion restante des douze millions mis à sa disposition
par la loi du 26 septembre dernier, à l'achat de grains et farines, pour
subvenir aux départements qui en auront besoin. »
Je demande qu'on retranche tout ce qui concerne la somme restante des 12 millions, parce que le ministre de l'intérieur a offert de procurer cette somme aux départements qui lui ont fait connaître leurs besoins; ainsi ce qui reste des douze millions est censé employé à des achats faits chez l'étranger. Au sur- plus, je propose qu'on insère seulement dans article, que le ministre de l'intérieur emploiera aux nouveaux achats les sommes qui lui restent et dont il n'a pas promis l'emploi aux différents départements.
Ici je rappelle mon amendement, et je demande qu on fixe la quotité de l'achat des grains.
J'adopte l'amendement de M. Lacuée, et je le rédigerai de concert avec lui.
Il est essentiel que l'on sache dans le royaume, et surtout chez l'etranger, que la mesure que nous prenons n'est pas à cause de la disette des grains, que nous en avons suffisamment, mais seulement parce que les ennemis du bien public empêchent que les grains circulent dans le royaume, et qu'il faut rassurer le peuple sur ses subsistances pour déjouer les intrigues de 6es ennemis.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements de MM. Cambon et Broussonnet.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements de MM. Cambon et Broussonnet; puis adopte l'article premier du projet de M. Tarbé avec l'amendement de M. Lacuée.)
Suit la teneur de cet article : â « L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La Trésorerie nationale tiendra, à la disposition du ministre de l'intérieur, une somme de dix mdlious, pour être employée à l'achat de grains ou de farines, destinés à subvenir aux départements du royaume qui réclameront des secours. »
donne lecture de l'article 2 de son projet de décret qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 2.
« Ces achats de grains ou de farines ne pourront être faits que dans les pays étrangers, et l'expédition en sera faite pour les ports du royaume les plus commodes pour l'approvisionnement des départements qui ont des besoins.
donne lecture de l'article 3 de son projet de décret; il est ainsi conçu :
« Art. 3. Ces secours continueront d'être accordés aux départements, à titre de prêt et à
charge de remboursement, conformément à ce qui est prescrit par l'article 3 de la loi du 2 octobre dernier.
« Pour que les départements qui seront secourus le soient d'une manière juste et uniforme, le ministre de l'intérieur constatera le prix moyen de l'achat des frais de transports et autres relatifs auxdits grains et farines, jusqu'à leur arrivée dans les différents ports du royaume, et c'est à raison de ce prix moyen que les départements seront débiteurs. Les frais de transport dans l'intérieur seront à la charge des départements. »
Je voudrais que la nation supportât la perte que les marchés passés avec l'étranger lui occasionneront, parce que c'est une des mesures extraordinaires que nous avons à prendre. Je demande encore que tous les départements payent le prix du grain d'après le prix du fourlot sur la localité ; par ce moyen vous ménagez les intérêts de l'agriculteur et celui de l'acquéreur.
Voici l'article que je propose :
« Les administrations de département rendront compte du montant des grains qui lèur seront .délivrés, d'après le prix courant du marché du chef-lieu du département. Ils en rembourseront le montant à fur et mesure de la vente. Les frais de transport et la perte seront à la charge de la nation. »
Un membre : Je demande la question préalable sur tous les amendements, et je propose qu'il soit dit que les grains seront vendus au prix courant dans tous les départements, et que la perle et les frais de transport seront supportés par la nation.
Je m'oppose à l'adoption de cet amendement ; je crois qu'il faut éviter la cherté des transports, et pour cela je demande que le prix du blé soit fixé sur les prix courants des marchés maritimes dans lesquels ils seront versés. (Murmures.)
Je propose la rédaction suivante ;
« Les blés seront apportés sous la surveillance des districts et municipalités dans les marchés publics pour y être vendus en concurrence avec ceux du commerce, et lés départements compteront du produit qui sera versé dans les caisses de district, suivant les états journaliers qui en auront été tenus par ces municipalités, lesquelles les transmettront aux directoires. »
Plusieurs membres : Aux voixl Aux voix cette rédaction !
(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Vincens-Piauchut.)
Il faut que l'article porte que les municipalités rendront compte du produit des grains qui auront été vendus aux marchés, déduction faite des frais à la réception, vente et distribution de ces grains.
Il faut ensuite dire de quelle manière ces municipalités en compteront. Il faut dire que les municipalités justifieront par des bordereaux exacts au district qui les visera et les arrêtera.
Je demande donc que cet article de M. Vincens soit décrété sauf rédaction, et on le soumettra à l'Assemblée. (Oui! oui !)
(L'Assemblée adopte sauf rédaction l'article, présenté par M. Vincens-Piauchut; il devient l'article 3 du décret.)
Suit la teneur de cet article, tel qu'il a été
adopté lors de la lecture du procès-verbal
Art 3.
« Les départements feront, sur l'avis des districts, distribuer ces grains aux municipalités ayant des marchés publics. Ces municipalités en feront faire la vente en détail au prix courant, et en concurrence avec ceux du commerce; elles tiendront un compte exact et journalier du produit des grains ou farines dont elles auront fait la vente; elles en verseront le produit net, tous les huit jours, dans la caisse du receveur du district, qui en comptera directement avec la trésorerie nationale.
« Les bordereaux de vente de ces grains, et ceux des frais de transport, magasinage et distribution, dressés par les municipalités, seront vérifiés et visés par les directoires de district, qui les adresseront aux directoires de département; et surveilleront immédiatement toutes ces opérations. Les directoires de département feront passer ces états, tous les quinze jours, au ministre de l'intérieur, avec les renseignements relatifs à l'état des subsistances dans l'étendue, desdits départements. »
donne lecture de l'article 4 de son projet de décret qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 4.
« Le ministre de l'intérieur rendra compte, tous les quinze jours, de cette partie de son administration, et remettra, à l'époque du 1er octobre 1792, un état détaillé de l'emploi des sommes qui auront été remises à sa disposition, en exécution du présent décret. »
L'Assemblée passe ensuite à la discussion des articles 5, 6, 7 et 8 du projet de décret des comités réunis.
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 du projet de décret des comités, il est ainsi conçu :
Art. 5.
« Les acquits-à-caution et toutes les formalités ordonnées parla loi du 12 février dernier, pour , le chargement des grains d'un port de France à l'autre, seront observées, et demeureront communes à tous les chargements qui pourront se faire dans les cinq lieues limitrophes. »
Je demande que tous les bâtiments étrangers qui apporteront des grains en France, soient reçus dans tous les ports, én fai-sa quarantaine et sans payer des droits extraordinaires; mais comme cette proposition pourrait peut-être causer certains inconvénients, je demandé quelle soit renvoyée aux comités réunis de marine et de commerce, afin de vous présenter un article à ce sujet.
(L'Assemblée renvoie la proposition de M. Rouyer aux Comités réunis de marine et de commerce.)
Je demande que la circulation des grains soit provisoirement prohibée par les ports de mer et les canaux limitrophes des frontières. (Murmures ) Sans celte précaution on exportera vos grains comme cela s'est fait jus-qu ici; on les accaparera et on vous rendra vos propres grains pour le double de leur valeur. (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres du département du Nord ont assisté à la discussion du Comité: ils ont insisté sur la disposition de l'article 5. Je demande qu'il soit adopté tel qu'il est.
J'appuie la proposition qui vous est faite d'assujettir les départements voisins des frontières à des formalités; mais vous ne voulez pas faire une loi inexécutable, et si vous adoptiez la mesure indiquée, qu'arriverait-il? c'est qu'il est tel canal, c'est qu'il est telle rivière, qui, par leurs sinuosités, se trouvent tantôt hors de l'Empire et tantôt en dedans. 11 ne faut pas considérer seulement le département du Nord que l'on vous dit avoir été entendu au comité. Votre loi, une fois faite, deviendra obligatoire pour toutes les frontières du royaume. Or, il faut savoir si les autres frontières du royaume sont exposées aux mêmes dangers, si d'autres départements font les mêmes réclamations, s'ils demandent les mêmes exceptions. Je propose donc que tous les députés des départements limitrophes des frontières soient invités à se rendre ce soir aux comités d'agriculture et de commerce pour présenter leurs observations.
M. Duhem ne vous a sans doute fait cette proposition que pour ridiculiser l'absurde idée du ministre de l'intérieur, de fermer nos ports. Si l'on adoptait une mesure semblable, il ne nous resterait plus qu'à bâtir comme la Chine une grande muraille sur nos frontières. (Rires et applaudissements.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Duhem!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement dé M. Duhem et adopte l'article 5.).
, rapporteur, donne lecture de l'article 6 du projet des Comités ; il est ainsi conçu :
« Art. 6. Tous les chargements seront accompagnés d'un passeport conforme au modèle annexé au présent décret, pour constater que ces grains, faisant partie de l'approvisionnement fait par la nation, sont destinés pour tel département. >»
Dans mon opinion, j'ai motivé la question préalable ; je la demande sur l'article des Comités. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 6.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 7 du projet des Comités ; il est ainsi conçu :
« Art. 7. L'exportaiion des amidons et des eaux-de-vie de grains est et demeure provisoirement suspendue jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné. »
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 7.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 8 du projet des Comités qui deyient article 6 et qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
« Art. 6 (ancien art. 8).
« Le présent décret sera porté à la sanction dans le jour, et publié et affiché dans les 83 départements. »
Je demande la parole pour un article
additionnel, qui me paraît absolument nécessaire pour concilier la justice et l'égalité. La loi du 2 octobre porte que les départements qui obtiendront des secours sur les 12 millions mis à la disposition du ministre de l'intérieur, payeront l'intérêt à 5 0/0. Vous venez de décréter maintenant que la perte qui résultera de l'approvisionnement qui va se faire, sera supportée par le Trésor public; il faut donc dispenser les départements qui ont obtenu des secours de l'intérêt exigé par la loi du 2 octobre, car sans cela vous les puniriez d'avoir été les premiers à donner des secours aux pauvres. Le Trésor publia appartient à tous les départements, et la perte résultant des achats qui vont se faire, sera par conséquent prise sur tous les départements; l'Assemblée ne doit pas, par la même raison, exiger l'intérêt des départements qui sont approvisionnés, et c'est déjà assez qu'ils en soient pour les pertes qu'ils éprouveront. Je propose donc l'article additionnel suivant :
« Les départements qui ont obtenu des secours sur les 12 millions mis à la disposition du ministre de l'intérieur, sont dispensés de l'intérêt auquel ils ont été assujettis par la loi du 2 octobre dernier, art. 3, dérogeant quant à ce, à la disposition relative aux intérêts, à la charge, par les départements, de rembourser les secours qu ils ont obtenus aux époques fixées par la loi. »
(L'Assemblée adopte l'article additionnel. de M. Borie.)
Un membre demande que les laboureurs soient affranchis des formalités prescrites par l'article 5 du projet des comités, pour les acquits-à-caution.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.),
Suit le texte définitif du décret tel qu'il a été présenté à la sanction :
« L'Assemblée nationale, instruite que la somme de 12 millions, remise à la disposition du ministre de l'intérieur, en exécution de la loi du 2 octobre dernier^ est insuffisante pour procurer aux divers départements du royaume les secours en grains ou farines qui leur seront nécessaires, et considérant qu'il importe à la tranquillité publique d'accélérer ces nouveaux approvisionnements, décrète qu'il y a urgence. »
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Article premier.
« La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 10 millions, pour êtré employée à l'achat de grains ou de farines destinés à subvenir aux départements du royaume qui réclameront des secours. »
Art. 2.
« Ces achats de grains ou de farines ne pourront être faits que dans les pays étrangers, et l'expédition en sera faite pour les ports du royaume les plus commodes pour l'approvisionnement des départements qui ont des besoins. »
Art. 3.
« Les départements feront, sur l'avis des districts, distribuer ces grains aux municipalités ayant des marchés publics. Ces municipalités en feront faire la vente en détail au prix courant et
en concurrence avec ceux du commerce; elles tiendront un compte exact et journalier du produit des grains ou farines dont elles auront fait la vente; elles en verseront le produit jiet tous les 8 jours dans la caisse du receveur du district qui en comptera directement avec la Trésorerie nationale.
« Les bordereaux de vente de ces grains, et ceux des frais de transport, magasinage et distribution, dressés par les directoires de département, qui surveilleront immédiatement toutes ces opérations. Les directoires de département feront passer ces états tous les quinze jours au ministre de l'intérieur, avec les renseignements relatifs à l'état des subsistances dans l'étendue desdits départements. »
Art. 4.
« Le ministre de l'intérieur rendra compte tous les 15 jours de cette partie de son administration, et remettra, à l'époque du 1er octobre 1792, un état détaillé de l'emploi des sommes qui auront été remises à sa disposition, en exécution du présent décret. »
Art. 5.
« Les acquits-à-caution et toutes les formalités ordonnancées par la loi du 12 février dernier, pour le chargement des grains d'un port de France à l'autre, seront observées, et demeureront communes à tous les chargements qui pourraient se faire dans les 5 lieues limitrpphes. »
Art. 6.
« Les départements qui ont obtenu des secours sur les 12 millions mis à la disposition du ministre de l'intérieur, sont dispensés de l'intérêt auquel ils ont été assujettis par la loi du 2 octobre dernier, article 3 ; dérogeant quant à ce à la disposition relative aux intérêts, a la charge par les départements de rembourser les secours qu'ils ont obtenus, aux époques fixées par la loi. »
Art. 7.
« Le présent décret sera porté à la sanction dans le jour, et publié et affiché dans les 83 départements. »
prie l'Assemblée d'agréer sa démission de membre du Comité de liquidation.
Un de MM. les secrétaires proclame les membres de la Commission des Douze ainsi qu'il suit, savoir :
Pour le Comité de législation.
MM. Tardiveau.
Vimar.
Pour le Comité de surveillance.
MM. Fauchet.
Basire.
Pour le Comité militaire.
MM. Delacroix.
Jounault.
Pour le Comité des pétitions.
MM. Chassagnac.
Gossuin.
Pour le Comité de commerce.
MM. Français (de Nantes).
Delaizire.
Pour le Comité d'agriculture.
MM. Rougier-La-Bergerie.
Broussonnet.
, nommé aux Comités des pétitions et de liquidation, déclare opter pour le comité de liquidation.
, au nom du Comité de Vordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur la suspension du traitement des deux princes français, frères du roi; il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée nationale constituante a décrété, les 20 et 21.décembre 1790, qu'il serait payé tous les . ans à chacun des deux princes, irères du roi : 1° une rente apanagèredun million pour leur tenir lieu de leurs apanages supprimés par le même décret; 2° une pension ou traitement d'un million pour chacun d'eux, le tout payable par la Trésorerie nationale, à compter du t*r janvier 1791.
Par un décret du 26 juillet 1791, sanctionné le 6 août, l'Assemblée nationale a ordonné que les trésoriers des princes continueraient à recevoir de la trésorerie nationale, mais -en qualité de séquestres de leurs créanciers, la rente apana- gère et le traitement qui leur,avaient été accor-és par les décrets des 20 et 21 décembre 1790, pour être employés : 1° la rente apanagère d'un million au payement de leurs créanciers, ouvriers et fournisséurs, habitant le royaume, à la Charge par lesdits créanciers de justifier non seulement de leur résidence, mais encore du payement de leurs impositions et de leur contribution patriotique ;
2° Le traitement anriuel d'un million à payer les gages et salaires dés officiers et domestiques de leurs maisons,
Une autre disposition de ce même décret du 26 juillet porte que les trésoriers des princes justifieront, chaque mois, aux commissaires de la trésorerie nationale, des payements qu'ils auraient effectués; qu'ils seront responsables de ceux qu'ils auraient faits en contravention de la loi; enfin, qu'ils rapporteront à la trésorerie nationale les sommes qu'ils y auraient reçues pendant le mois, et qui n'auraient pas été payées conformément aux dispositions du décrét du 29 juillet.
Votre Comité s'est assuré, par l'examen et la vérification qu'il a fait faire dés comptes arrêtés doubles à la fin de chaque mois, entre les commissaires de la trésorerie nationale, et'les fondés de pouvoirs des princes, que le décret du 20 juillet 1791 a été exécuté dans toutes ses dispositions.
Mais la loi du 12 février dernier, qui met les biens des émigrés sous la
main de la nation, a fait naître une difficulté relativement au paye-
Les commissaires ae la trésorerie nationale vous ont présenté, à ce sujet, le 15 de ce mois, des observations que vous avez renvoyées à votre comité de l'ordinaire des finances, pour vous en faire le rapport.
Voici la question que ces observations ont fait naître :
Le décret qui met les biens des émigrés sous la main de la nation est-il applicable à la rente apanagère, et au traitement des princes frères du roi, et peut-il intervertir l'ordre et les dispositions prescrites par le décret du 29 juillet 1791, qui assure le payement de leUrs créanciers, l'entretien de leurs maisons et les gages de leurs officiers?
Votre Comité a fait une distinction que semble nécessairement exiger la nature des circonstances.
La rente apanagère d'un million accordée à chacun des princes ne peut être considérée que comme un remplacement des domaines, rentes et autres objets.qui formaient les apanages. Dès lors, elle doit être affectée spécialement au payement des créances qui avaient ces apanages pour hypothèque; ellë doit être le gage des rentes viagères dont les apanagistes étaient les débiteurs; c'est aussi, dans cet esprit, que l'Assemblée nationale constituante a su concilier parfaitement la fixation de la rente apanagère avec l'état connu des dettes'des ci-devant apanagistes. Elle a plaint le sort d'une foule de citoyens trop confiants qui, ayant attaché leur fortune à celle des princes, né pouvaient, en aucune manière, souftrir de la suppression des apanages, et devaient, au contraire, être traités comme les autres créanciers de l'Etat. Quant à vous, Messieurs, animés du même sentiment de justice, vous ne pouvez que confirmer les sages dispositions de l'Assemblée nationale T constituante, en décrétant que les créanciers des princes, les ouvriers et fournisseurs continueront d'être payés, comme par le passé, sur les fonds provenant de la rente apanagère, et en observant les formalités prescrites par la loi du 6 août 1791.
11 n'en est pas de même du traitement qui leur est accordé. Car, en le renfermant dans de justes bornes, il est évident que si ce traitement est attaché à la personne des princes, il doit s'éteindre et cesser avec elle; or les princes sont, en quelque sorte, frappés de mort politique ; s'ils ont Une existence à notre égard, nous ne les connaissons plus que comme traîtres à la patrie, que comme chefs de rebelles.
Là nation, en les considérant comme héritiers présomptifs de la couronne, avait mis au rang de ses dépenses l'entretien de leurs maisons et le payement d'un traitement annuel qui répondît à leur titre de frères du monarque : mais la nation, trop longtemps généreuse, doit enfin retirer un bienfait dont elle serait la victime. Elle doit bénéficier des 2 millions fixés pour le traitement des deux princes, dès qu'ils cessent de faire partie du corps social, dès qu'ils ont perdu leurs droits de citoyens; lorsque abjurant
tous lès sentiments qui attachent l'honnête homme à sa"patrie, ils manifestent ouvertement contre elle des desseins hostiles, et lorsqu'ils emploient tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour renverser la Constitution, et conduire à son terme la conspiration qu'ils ont formée contre nos lois et notre liberté.
Ainsi, Messieurs, la mesure que vous avez à prendre pour arrêter le payement du traitement des deux princes sera non seulement l'effet d'un droit légitime, mais encore l'un de vos devoirs les plus sacrés.
L'effet d'un droit légitime, parce que vous avez nécessairement celui d'affaiblir les chefs des rebelles par tous les moyens que vous pourrez employer pour les mettre hors d'état de soutenir leurs injustes prétentions.
L'un ae vos devoirs les plus sacrés, car vous devez compte à la nation, qui vous contemple, de toutes les mesures que vous aurez prises pour faire contribuer vos ennemis à l'entretien de votre armée, et à toutes les dépenses que les préparatifs de la guerre entraînent.
Par là, Messieurs, vous vous approprierez tout ce qui pouvait augmenter la force des princes; vous augmenterez votre avantage de tout ce qui pouvait diminuer vos ressources. Si vous ne trouvez dans la confiscation du traitement des princes qu'une très modique indemnité de3 frais que les préparatifs de la guerre nécessitent, ce sera toujours un soulagement de 2 millions pour le Trésor public; enfin, c'est une maxime consacrée par le droit des gens qu'une nation offensée injustement doit commencer, lorsqu'elle le peut, par se faire justice elle-même.
On pourrait peut-être objecter que les sommes destinées au traitement des princes, ne sont pas à leurs dispositions, puisque, conformément au décret du 29 juillet, ces sommes doivent être employées à l'entretien de leurs maisons et au pavement des gages de leurs officiers.
Votre Comité a prévu cette objection. lia pensé que, quoique le séquestre ait été ordonné par le décret du 29 juillet 1791, et que ce soit les trésoriers des princes français qui touchent de la trésorerie nationale, à la charge de payer leurs officiers, et de rendre compte de l'excédent, cependant il restait aux princes plusieurs moyens ae toucher indirectement une partie de leur traitement par l'entremise de leurs officiers même.
-D'ailleurs auraient-ils, eux seuls, le privilège de recevoir indirectement du Trésor public des sommes qui ne leur sont destinées que comme princes habitant le royaume, sans justifier, comme les autres citoyens, de leur certificat de résidence?
Enfin, convient-il d'entretenir les maisons et de salarier les officiers de deux princes fugitifs, errant dans les pays étrangers, et mendiant aux puissances des forces qu'ils veulent tourner contre leur propre patrie? Non, Messieurs, quelle que soit la latitude de notre pouvoir, elle ne va point jusqu'à nous autoriser a charger la nation ae dépenses injustes, pour en accorder gratuitement le produit à ses ennemis jurés. Ce serait une illusion volontaire, que de supposer que le Corps législatif puisse vouloir entretenir les maisons des deux princes qui ne tiennent plus à nous que parce que le souvenir de nos bienfaits est inséparable du souvenir de leur ingratitude et de leur rebellion.
Votre Comité a donc fait une distinction entre les créanciers des deux princes français et leurs
officiers, gens à leurs gages et à leur service. Les créanciers ont des droits acquis, et la nation s'étant mise en possession du gage, doit acquitter la dette. Quant aux officiers et domestiques qui tiennent à la personne des princes, leur traitement ne peut être compris dans l'état général des dépenses; car la loi qui affecte 2 millions à l'entretien des maisons des frères du -roi, suppose qu'ils seront domiciliés dans le royaume; la nation ne doit, donc pas se charger d'une dépense aussi considérable, qui tournerait à son préjudice. La justice exige seulement qu'elle appelle à la liquidation ceux des officiers dont les charges leur donnent droit au remboursement.
D'après toutes ces considérations, votre Comité a pensé que sur les 2 millions accordés à chacun des princes; savoir.: 1 million pour leurs rentes apanagères, et 1 million pour leur traitement, la trésorerie nationale pouvait continuer de payer dans les termes, et conformément aux dispositions du décret du 29 juillet 1791,. aux séquestres établis pour leurs créanciers, le million affecté à la rente apanagère; qu'à l'égard de leur traitement, le payement devait cesser à compter du 12 février dernier, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait pris ultérieurement un parti sur la suppression ou conservation des maisons des deux princes frères du roi.
En conséquence, votre Comité a l'honneur de vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de l'ordinaire des finances, sur la demande des commissaires de la Trésorerie nationale, relative au payement de la rente apanagère, et du traitement des deux princes français, considérant qu'il est indispensable et pressant de statuer sur ladite demande, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. Les commissaires de la trésorerie
nationale continueront de payer aux trésoriers et séquestres des
créanciers de Louis-Stanislas-Xavier, et Charles-Philippe, princes
français, la rente apanagère qui leur est accordée par les décrets des
20 et 21 décembre 1790, à la charge par lesdits séquestres de se
conformer aux dispositions du décret du 29 juillet 1791. '
« Art. 2. A l'égard du traitement accordé par lesdits décrets des 20 et 21 décembre 1790, èt fixé à 1 million pour chacun desdits princes, le payement cessera à compter du 12 février dernier. .
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre écrite par les députés du bataillon des volontaires du département de la Charente-Inférieure, étant en route pour se rendre aux frontières et qui demandent l'honneur d'être admis à la barre.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront reçus demain soir.)
, au nom des Comités de Vordinaire des finances et des secours publics
réunis, fait un rapport et présente un projet de décret (1)
Messieurs,
La municipalité de Paris vous a présenté une pétition relative à un secours extraordinaire de 200,000 livres, pour substanter la classe indigente du peuple, dont la rigueur de la saison, en suspendant les travaux, a diminué les ressources et augmenté les besoins. Pénétrés d'une sollicitude toujours active en faveur de celte classe la plus nombreuse et la plus intéressante, vous avez ordonné à vos Comités de l'ordinaire des finances et des secours publics, de vous faire un rapport qui embrassât les divers départements du royaume dans la distribution des fonds qu'ils ont droit d'attendre de la bienfaisance nationale. C'est pour obé.r à votre décret que vos Comités m'ont chargé de vous soumettre un projet de décret précédé d'un exposé succinct des motifs sur lesquels il repose. Je dois vous faire part, en même temps, qu'aux premiers jours du mois d'avril prochain votre Comité des secours, jaloux de partager votre juste impatience, espère vous offrir, sur la mendicité, une uniformité de vues et de principes pour fixer l'intérêt des citoyens indigents d'une extrémité de l'empire à l'autre. Dès lors disparaîtront enfin, de l'asile de la liberté, les pernicieux effets de l'arbitraire dans lequel languit encore cette partie importante de l'administration.
En reprenant l'objet de ce rapport, il est essentiel de vous rappeler, Messieurs, que la nécessité des secours que vient réclamer la municipalité de Paris, a pour garant une population de 100,000 pauvres, que la rigueur du temps a privés tout récemment du salaire de plusieurs jo irnées. Ce motif est trop puissant par lui-même, pour qu'il soit besoin de l'appuyer d'une infinité d'autres qui assurent également ie succès de cette pétition des magistrats du peuple.
Le renvoi direct que vous avez fait à vos Comités de cette même pétition, les a dispensés d'examiner si la graduation des pouvoirs constitués n'eût pas exigé l'intermédiaire préalable du département de Paris. Il n'est donc pas de difficulté capable de balancer la justice de ce secours, et ae l'appliquer, par le grand principe de l'égalité des droits, à tous les départements du royaume, qui annoncent des besoins aussi urgents que la municipalité de Paris. Ce principe, incontestable aux yeux de la raison et de l'humanité, ne trouvera certainement pas de contradicteur dans le sein de cette Assemblée; aussi me fais-je un devoir de porter votre attention, sans autre détour, sur les deux, résultats suivants. Ces résultats consistent : 1° dans les moyens d'accélérer le versement des secours que le corps constituant a affectés aux départements; 2° dans le mode de répartition d'une partie des secours que vous-mêmes avez décrétés.
Le développement de la première de ces propositions, qui a pour objet les moyens d'accélérer Je versement des secours fixés par l'Assemblée constituante, exige une courte analyse des lois des 19 décembre 1790, juin et 9 octobre 1791.
Vous savez, Messieurs, que par la loi du 19 décembre 1790, il a été accordé une somme de 15 millions, pour être employée à l'établissement d'ateliers de charité, dans les différents départements du royaume; que par cette même loi, article 2, il fut d'abord disposé sur cette somme de 15 millions, de celle de o,640,000 livres, pour
être répartie avec égalité, entre les 83 départements, à raison de 80,000 livres pour cliacun. Permetlez-moi de retracer ici la disposition de l'article 8, conçu en ces termes :
« Dans les dix premiers jours de chaque mois, et à compter du mois de janvier prochain (1791), les directoires des départements feront passer au ministre un relevé des dépenses faites sur ces fonds de secours et des travaux opérés, moyennant cette dépense. Ils distingueront soigneusement dans cet état, les fonds de direction et de conduite des travaux, et ceux du travail proprement dit. »
L'article suivant enjoint au ministre de rendre compte à l'Assemblée des états qui devaient être fournis par Chaque département.
En suivant la «lisposition faite successivement des fonds restants de ces 15 millions, c'est-à-dire des 8,360,000 livres, on trouve que le corps constituant lésa répartis sur les83 départements, en prenant pour base les besoins apparents d'un chacun; c'est ce qui résulte des lois des 16 juin, et 9 octobre 1791. Il paraît inutile de vous détailler les réc.amations sans nombre, qui ont succédé à ce mode de répartition; il suflit seulement que vous daigniez ne r»as perdre de vue, que l'article 2 de la loi du 9 octobre dernier défend au ministre de l'intérieur, sur sa responsabilité, de mettre aucune partie de ces nouveaux fonds de secours à la disposition des départements, jusqu'à ce qu'ils aient rendu compte de l'emploi des 30,000 livres accordées en mai 1790, et des S0,000 livres accordées au mois de décembre de la même année
Je dois remarquer ici que par un oubli difficile à justifier, il n'y a qu'un petit nombre de départements qui aient satisfait à l'obligation du compte, à laquelle la loi les a assujettis. Sans doute que l'exactitude qui caractérise particulièrement les corps administratifs, les met à couvert du plus léger soupçon; mais reste que cette exactitude n'a pu les soustraire à la soumission à la loi, qui garantit sagement la publicité de ce genre d'opérations. Ajoutons que ce retard prive encore les administrés de ces secours; car on a vu que le ministre de l'intérieur n'a pu en effectuer le versement, dans chaque département, faute par les directoires d'avoir rendu le compte prescrit.
Mais comme les besoins deviennent de jour en jour plus pressants, vos comités ont du se persuader, Messieurs, que ce ne serait pas en vain que les citoyens indigents que vous n'hésiterez pas à classer parmi les premiers créanciers de la nation, auront fait entendre le cri de la douleur et de la misère qui les afflige. Il leur a donc paru, sous ce premier rapport, que pour concilier votre attachement à la loi, avec les sentiments de justice et d humanité qui vous animent, il était indispensable de proroger, jusqu'au 1er octobre, la reddition des comp.es à laquelle sont assujettis les directoires des départements. Ce parti, dicté par l'empire des circonstances, a le double avantage d'assurer de prompts secours à la classe indigente des citoyens, et de donner aux corps administratifs uu temps suffisant pour remplir l'obligation sacrée de la loi.
Indépendamment de ces premiers secours effectifs qui le portent à 5,760,000 livres, aux termes de la loi du 9 octobre, il vous reste encore à répartir, au premier jour, ceux que vous-mêmes avez décrétés le 17 janvier dernier. 2,500,000 livres de ces nouveaux fonds étant spécialement destinés aux besoins les plus pressants et les
mieux constatés des divers départements d'ici au 1er juillet, vos comités ont dû se renfermer à cet égard dans l'exécution rigoureuse de votre décret. Par une des dispositions de l'article 1er, vous vous étés réservés d'arrêter la répartition de cette somme sur le résultat des demandes et mémoires qui seront adressés par les départé-ments ; et ce résultat ne peut vous être soumis dans ce moment, faute d'éclaircissements suffisants de la part des corps administratifs, qui sont dans le cas de prétendre à ce nouveau bienfait. Il ne peut être question ici que de la modification de l'article 3, qui porte littéralement que les secours qui seront donnés aux départements pour être employés en travaux utiles, ne pourront leur être accordés que lorsqu'ils auront rempli toutes les conditions prescrites par la loi du 9 octobre. Il serait superflu de rappeler que pour ne pas rendre illusoires, au préjudice de la classé indigente du peuple, les bienfaits que cette loi du 9 octobre lui assure, il vous a été déjà proposé de différer au 1er octobre prochain l'exécution de ces conditions relatives au compte à rendre par les directoires des départements : les mêmes motifs vous déterminerpnt vraisemblablement à comprendre dans cette prorogation de délai, la reddition de compte préalable que prescrit cet article.
Maintenant si vous prenez l'ensemble des détails auxquels il a fallu nécessairement se livrer, vous vous convaincrez sans peine, Messieurs, que l'esprit et la lettre de votre décret du 17 janvier dernier ont entièrement dirigé vos comités dans la recherche des moyens des secours qu'ils étaient chargés de vous présenter ; car du moment que de prompts secours peuvent être abondamment versés dans les départements, que vous conservez de plus 2,300,000 livres pour faire face à leurs nouveaux besoins jusqu'au lor juillet, vos comités s'abstiendront de vous proposer, Messieurs, de décréter d'autres fonds applicables à tous les départements du royaume. Ne tient-il pas en effet aux premiers principes d'humanité et d'une législation .éclairée de subordonner essentiellement le secours aux besoins, et dès lors n'est-il pas de toute évidence que dans un Etat qui ne formé plus qu'une grande famille, le plus ou le moins de secours publics doit nécessairement frapper sur une fixation purement relative aux localités? Est-il possible de se défendre de cette base, si l'on veut considérer un instant la disparité trop frappante des besoins sur la surface de cet Empire? Ces faits concourent également à faire ressortir cette inégalité, puisque plusieurs départements n'ont pas encore employé 12,000 livres sur les 80,000 accordés au mois de décembre 1790; que d'autres enfin ont mis une partie de cette somme en des moins imposés, qui ont provoqué toute votre indignation. La sagesse de votre décret du 7 janvier, en parant a ces monstrueux inconvénients, vous ménage une répartition partielle à laquelle vos comités ont cru devoir rigoureusement tenir, comme la seule juste et la seule équitable. Les départements qui vont être nantis de 5,760,000 livres, auront tout le temps nécessaire pour vous faire connaître l'insuffisance de la portion qui leur est destinée et pour vous porter de nouvelles réclamations, si leurs besoins jusqu'au 1er juillet l'exigent, n n'est pas étranger de rappeler ici qu'incessamment votre Comité de secours a de plus à vous présenter un travail particulier, pour rendre tous les départements du royaume participants au bénéfice de la loi du 15 septembre dernier, qui
a pour objet les prisonniers détenus pour mois de nourrice. Voilà qui augmentera considérablement encore la masse de vos secours. Ces considérations réunies ont motivé le projet de décret dont je vais avoir l'honneur de vous faire lecture :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la justice et l'humanité sont un devoir impérieux aux représentants de la nation de porter les secours les plus prompts possibles à la classe de citoyens indigents, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
«. L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses Comités de l'ordinaire des finances et des secours publics, sur les secours à accorder aux départements du royaume et à la municipalité dg Paris, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. ler.Le ministre dé l'intérieur est
autorisé à mettre à la disposition des directoires de département les
5,760,000 livres de secours, suivant la répartition qui en a été faite
par la loi du 9 octobre 1791.
« Art. 2. Ces fonds de secours seront employés par les directoires de département, à subvenir aussi utilement que les localités le comporteront aux besoins de la classe indigente du peuple. ,
« Art. 3. Les directoires de département rendront d'ici au 1er d'octobre prochain, au ministre de l'intérieur, un compte dans la forme prescrite par les lois des 19 décembre 1790 et 9 oc^ tobre 1791, de ïèmploi des fonds de secours qui leur ont été ou leur seront délivrés tant en exécution des précédents décrets que du présent.
« Art. 4. Au mois de décembre suivant le ministre de l'intérieur sera tenu de donner connaissance à l'Assemblée nationale du compte général rendu par les départements.
« Art. 5. Sur les fonds de 2 millions 500,000 livres décrétés pour secours, le 17 janvier dernier, le ministre de l'intérieur fera délivrer à la municipalité de Paris une somme de 200,000 livres applicable "aux besoins des citoyens indigents, sous la surveillance du directoire du département, qui en rendra compte au ministre de l'intérieur.
« Art. 6.11 sera incessamment pourvu à la répartition et distribution aux départements des 2 millions 300,000 livres restant, suivant le mode prescrit par le décret du 17 janvier dernier, sauf pour la reddition dè comptes préalable, qui dér-meure prorogée jusqu'au 1er octobre, ainsi qu'il est réglé par l'article 2 ci-dessus.
« Art. 7. L'Assemblée nationale déroge aux lois dés 19 décembre 1790 et 9 octobre 1791, en ce qu'elles peuvent contenir de contraire aux dispositions de ce décret. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui observe que l'importation permise des tabacs en feuilles venant de l'étranger exige l'entrepôt réel et que sans cet entrepôt on peut facilement faire Ta fraude du droit de 25 livres 0/0, imposé par quintal. Il de-
mande que l'Assemblée prononce sur cet objet.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux Comités de commerce et d'agriculture réunis.)
2° Adresse des sous-officiers du 24e régiment d'infanterie, ci-devant Brie. Ils désavouent uné pétition présentée au nom de la garnison de Lille (1) où leurs noms se trouvent compromis, et qui a pour objet des réclamations sur quelques articles du nouveau règlement militaire. Ils déclarent qu'ils ne font que louer et admirer les mesures sages qui régnent dans ce règlement, et prient de rayer leurs noms de cette pétition, dont ils n'ont eu connaissance que trop tard.
Cette lettre pourrait bien viser une pétition que j'ai été chargé de présenter à ce sujet. Je demande que les signatures soient comparées pour savoir quelles sont les véritables.
Plusieurs membres demandent la mention honorable de cette adresse.
D'autres membres : L'ordre dù'jour!
Je demande à motiver l'ordre du jour. La prétendue lettre de ces sous-officiers peut bien être une lettre des officiers eux-mêmes, e sais que plusieurs membres du comité mili? taire ont trouvé que le nouveau règlement envoyé à l'armée présentait des vexations inouïes et que ce règlement devait supporter des corrections. En conséquence, avant ae faire mention honorable de. la lettre des sous-officiers, je demande le renvoi au Comité militaire, en passant à l'ordre du jour.
J'appuie la demande de renvoi au Comité militaire. Les sous-officiers parlent d'une ordonnance qu'il .est utile de connaître! Le roi ne peut faire ni ordonnances, ni règlements, mais des proclamations conformes aux lois pour en assurer l'exécution.
Un membre : Je demande la question préalable sur la mention honorable !
Plusieurs membres : Appuyé I appuyé !
D'autres membres : L'ordre du jourl Le renvoi au Comité militaire !
Je mets aux voix la question préalable sur la mention honorable.
(L'Assemblée décrété qu'il y a lieu à délibérer sur la mention honorable.)
Je demande à prouver à ceux qui se sont levés pour dire qu'il y avait lieu à délibérer sur la question préalable que leur demande est inconstitutionnelle et que l'Assemblée ne peut pas faire mention honorable d'une pareille lettre quelque louable que soit la démarche des pétitionnaires. Il existe, Messieurs, une loi formelle portant qu'aucun corps de sous-officiers ne peut s'assembler pour délibérer, ni pour envoyer aucune adresse. (Murmures.)
Plusieurs membres : Et ceux d'hier?
On m'observe que les soldats qui ont été admis hier soir à la barre y
sont venus d'une manière collective. Je réponds que c'est comme
pétitionnaires individuels que M. le Président leur a accordé la parole
ét j'affirme que vous donneriez un exemple frappant contre la loi si
vous faisiez mention honorable d'une pétition faite au nom du corps des
sous-officiers. (Murmures.) Elle est collective, car elle commence
On a fait trois propositions : la première, la mention honorable; la seconde, le renvoi au Comité militaire; la troisième, l'ordre du jour. Il était du devoir de M. le Président de mettre d'abord l'ordre du jour aux voix. Je demande que M. le Président se conforme au règlement.
Je demande l'ordre du jour motivé ainsi :
« L'Assemblée, regrettant de ne pouvoir faire mention honorable des sentiments ae ces fidèles soldats, passe à l'ordre du jour, et adopte les motifs de M. Rouyer. » -
Nous ne pouvons, sous aucun prétexte, admettre une pétition collective; ainsi je demande que nous passions à l'ordre du jour, et que nous nous en souvenions toujours.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Grumet-Mont-Pié, capitaine au corps du génie, employé au Fort l'Écluse. Il annonce qu'il a appris avec autant de peine que de surprise, que le directoire du département de l'Ain l'a dénoncé à l'Assemblée nationale, comme ayant abandonné son poste et comme, étant émigré. Il envoie à l'Assemblée un certificat de sa municipalité pour se justifier de cette inculpation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au Comité militaire.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée législative du
Projet de loi (1) sur les subsistances, par Georges Thomas Brémontier (2),député du département de la Seine-Inférieure (3). 1
Messieurs,
Economes de la nation, et envoyés par elle pour statuer sur ses plus chers intérêts, nous allons délibérer sur les moyens de pourvoir efficacement à celui de ses besoins le plus impérieux et le plus essentiellement lié avec l'agriculture, cette source primitive de toutes richesses.
C'est alors que chacun de nous doit compté d'une opinion dont il ne saurait que soupçonner l'utilité;»., et je vais m'acquitter de ce devoir.
La libre circulation intérieure, seule capable d'opérer l'égale répartition de la denrée et les moyens de subsistance sur toute la surface de l'Empire ;
La faculté d'exportation, sans laqùelle il ne
peut y avoir de véritable richesse territoriale, et par laquelle seule nous pouvons, après avoir été tributaires de l'étranger, compenser ce désavantage par la vente à ce même étranger, du superflu éventuel de nos récoltes;
Et enfin la faculté que les spéculateurs nationaux ou étrangers doivent avoir de réexporter librement la quantité de blé par eux importée; faculté qui, tout en excitant le commerce, favorise les importations, attire les dépôts, et multiplie évidemment nos ressources : tels sont les trois moyens dont le concours est indispensable pour le succès du régime qu'il convient d'adopter.
Si le premier de Ces moyens est le seul que les circonstances actuelles permettent d'employer, si toute exporta ion à l'étranger est largement proscrite jusqu'au temps plus heureux où des récoltes abondantes nous donneront l'avantage de compenser nos pertes, en vendant nos denrées à ce même étranger dont nous avons été contraints d'implorer les secours, il n'est aucun de vous, Messieurs, qui ne s nte en même temps combien les restrictions apportées à la liberté d'exportation sont préjudiciables à la balance du commerce, à l'influence du numé-raireî et aux avantages qu'un royaume agricole doit retirer d'un produit supérieur à sa consommation.
11 est donc inconstestablement vrai que tout système sur les subsistances sera incomplet, s'il n'embrasse à la fois une pleine et entière liberté de circulation intérieure, la faculté bien ordonnée d'exporter à l'étranger, et celle de réexporter librement la denrée que des spéculations auraient attirée chez nous.
Que faut-il donc faire pour obtenir le concours de ces moyens de richesse et de prospérité? Vous n'y parviendrez jamais,- Messieurs, qu'en' dissipant, par de simples précautions, ces alarmes, ces frayeurs dont la cause, bien qu'elle soit chimérique, est aussi désastreuse dans ses effets, que pourrait l'être la disette la plus réelle.
Cette dernière est, je le sais, pour ainsi dire impossible dans un pays dont le site, les aspects et la nature du sol sont aussi variés qu'en France. L'excessive durée des pluies ou de la sécheresse féconde u e partie de notre territoire, tout en frappant l'autre de stérilité... Mais si la disette réelle est excessivement rare, nous avons souvent à lutter contre la disette d'opinion. C'est celle-ci, c'est cette famine factice qu'il faut anéantir.... Voilà le fléau, voilà l'ennemi commun que nos efforts doivent atteindre; et si les dérèglements de l'imagination produisent la plupart de nos maux, c'est l'imagination qu'il làut guérir.
Suffira-t-il d'éclairer le peuple sur ses vrais intérêts?... Mais l'instruction, rarement proportionnée à l'intelligence de ceux qu'il faut convaincre, se propage 'lentement, et la crainte franchit les intervalles avec une rapidité électrique.
Invoquera-t-on cette soumission aux lois, cette religieuse observance des règlements qui protègent avec tant de sagesse la libre circulation des blés?... Mais il s'agit ici du premier et du plus impérieux des besoins, et le peuple français si digne des bienfaits de la liberté parce qu'il en reconnaît les limites, se ressent encore de cette propension aux alarmes et à l'inquiétude, sur le sort d'une denrée plus d'une fois soumise à de barbares spéculations. 11 se souvient encore, avec effroi, de ces hommes profondément
pervers, mesurant froidement leurs profits sur les alarmes du peuple , et l'extrémité de ses besoins.
Doit-on avoir recours aux primes d'importation ?...
Mais ces primes, souvent mal réparties, souvent frauduleuses, et presque toujours l'aliment d'une méprisable cupidité, ne sont, en dernière analyse, qu'un impôt plus ou moins pesant, plus ou moins direct sur le peuple, et même sur la classe du peuple que l'impôt ne semble pas atteindre.
Les greniers d'abondance, tels qu'on les a conçus jusqu'à présent, offrent de grands embarras pour l'emplacement, et surtout dans la difficulté de proportionner ces greniers à la réalité des besoins; mais en supposant ce premier obstacle vaincu, combien d'autres à surmonter! i'énormite des premières avances, concurrence multipliée dans les achats et les transports, détails infinis pour la conservation de la denrée, réclamations innombrables sur la qualité des comestibles, dangers pour les administrateurs, et le risque de voir anéantir par accident quelques-uns de ces précieux dépôts.
Il faut cependant assurer tous nos concitoyens; il faut offrir à la raison du plus simple vi.la-geois, non pas des idées métaphysiques et abstraites, mais un langage clair, précis, et dont le simple usage de ses sens puisse lui certifier l'exactitude. Les surhaussements subits dans le prix du blé, ce thermomètre de toutes les valeurs, sont ce qui effraye le plus la classe des journaliers, puisqu'alors toute combinaison entre le prix de la denrée et les salaires est rompue. Prévenons donc ce malheur dont nous avons si souvent gémi. La plupart des moyens employés jusqu'à présent ont manqué léur effet, parce qu'on en a usé trop tard et dans un tèmps trop voisin de celui qu il fallait prévenir. Chargés de l'honorable emploi de surveiller les intérêts de la grande famille, imitons dans notre surveillance les chefs de familles particulières; prenons comme eux, prenons en avance des mesures assez tôt effrayées pour en faciliter au besoin, ou rectifier l'exécution. La prévoyance et l'à-propos... telles sont les bases de toute économie; tels sont les garants certains de l'ordre et de la paix intérieure. N'attendons pas que la nécessité presse l'émission d'une loi qu'il eût fallu méditer longtemps; et faisons enfin, Messieurs, que les entraves mises à la circulation intérieure, ou à l'exportation, ne puissent plus être désormais que l'effet d'une malveillance condamnable et aussitôt réprimée.
Ces avantages, Messieurs, tiennent à trois moyens que je crois simples et très praticables. Il faut accorder à chaque administration de département, toujours mieux instruite des ressources et des besoins des habitants de son ressort, la faculté de l'aire tous les ans, quelle qu'ait été la récolte précédente, la fourniture au rabais de telle quantité de bon blé, soit de France, soit étranger, livrable dans tels marchés et à telle époque que ces administrateurs détermineront;
Il faut que chaque adjudication fixe également le temps à l'expiration duquel" chaque soumissionnaire auraTalibre disposition des grains dont lés corps administratifs n'auront pas jugé à propos d'ordonner la fourniture.
11 faut enfin que chaque adjudication fixe, et toujours au rabais, le montant de la prime ou indemnité à payer aux soumissionnaires à telle
époque, pour chaque mesure de blé dont la livraison n'aurait pas été commandée
C'est ainsi que vous mettrez le peuple dans la confidence des précautions employées par ces administrations tutélaires et patrimoniales, si dignes de sa confiance; c'est ainsi qu'il pourra exercer par lui-même une espèce de surveillance domestique, et que, rassuré sur les manœuvres des accapareurs, devenues impossibles, il se tranquillisera nécessairement.
De ces greniers partiels et dispersés sur toute la surface de chaque département, se versera promptement et sans frais la quantité de blé nécessaire dans tous les marchés où la disette se fera sentir. La seule présence dès secours calmera l'imagination; et déjà on aura opéré aux trois quarts le bien qu'on se propose
Plus d'entraves à la libre circulation intérieure ou même extérieure: point de mouvement, point de transport de blé sans nécessité, point ae frais de manipulation et d'entretien, point d'accaparement présumable, peu de lois réglementaires; et c'est ainsi qu'en influant sur le prix commun du blé, le gouvernement tiendra entre l'intérêt du consommateur et celui de l'agriculture, la balance que, dans ces moments ci surtout, il me paraîtrait imprudent de confier au hasard des événements où à la malignité.
Les précautions contre la disette auront toujours pour mesure les véritables besoins de chaque département, puisque chaque département en supportera les frais ; et remarquez, je vous prie, Messieurs, que la dépense sera très modique; car de deux choses l'une :
Ou le prix excessif des blés nécessitera des versements ; et dans ce cas, les soumissionnaires recevront eux-mêmes, des mains du consommateur, le prix de la denrée qu'aux termes de leur adjudication, ils se seront obligés de fournir;
Ou bien le prix du blé d'adjudication sera au-dessous du prix courant ; et, dans ce dernier cas, l'obligation de l'adjudicataire se résout pn primes ou indemnités, dont, eu égard à la concurrence, on peut présumer la modicité, et qui, dans tous les cas, n'égaleront jamais la depense ue les moindres mouvements subits, les moin-res transports précipités occasionnent ordinairement.
On peut même ajouter avec certitude que les dépenses à faire pour les secours en subsistance ont toujours lieu dans les années de cherté, et qu'ici, au contraire, ce ne peut être que dans les années d'abondance.
Permettez-moi de fixer les idées par un exemple.
On suppose que la quantité de blés tenus par les soumissionnaires à la disposition du département qui aura usé de la faculté des adjudications, soit de 50,000 quintaux de blé ; ce qui généralement est plus que suffisant pour empêcher la crue subite du prix de la denrée.
On suppose encore que le bénéfice des adjudicataires soit en masse de 8 0/0; ce qui fait % 16 sols du quintal estimé 10 livres
Il en résultera, pour chaque département qui aura provoqué des adjudications, une somme de 40,000 livres à répartir sur tous les contribuables, somme très inférieure sans doute aux dépenses que nécessite, dans un département, la rareté excessive des subsistances, et remarquez, Messieurs, que cette somme de 40,000 livres, n'est imposable qu'en supposant, contre toute
vraisemblance, la réserve entière des blés d'adjudication jusqu'aux délais convenus ; ce qui est moralement impossible, puisqu'il n'est pas d'année où les variations dans les prix du blé, ne fournissent au département l'occasion d'ordonner des versements partiels dans quelques-uns des marchés de son ressort : d'où il suit que cette dépense, supposée de 40,000 livres, sera presque toujours réduite à moitié, et souvent au quart.
Le moyen que je propose, moyen simple, facile et rassurant, présente donc de véritables économies.
C'est une pure faculté dont, en vertu de la loi, chaque département pourra faire usage ; et voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses Comités d'agriculture et de commerce réunis, considérant que la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume est le plus sùr moyeu de prévenir la disette réelle, et d'assurer à tous les habitants de l'Empire le partage d'une denrée d'indispensable nécessité; persuadée que si, dans les circonstances actuelles, il convient de s'opposer à tout transport de blés à l'étranger, on ne peut cependant méconnaître que l'accroissement de la richesse territoriale dépend de la sagesse des précautions à la faveur desquelles il serait permis d'exporter à l'étranger lesuperllu éventuel des récoltes; considérant enfin que la faculté de réexporter les blés en France, est le plus sûr moyen d'attirer dans l'intérieur du royaume des entrepôts qui tournent le plus souvent à l'augmentation des ressources et à l'approvisionnement général, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Dans l'intervalle du 15 septembre au 15 novembre de chaque année, et quelle qu'ait été la récolte précédente, chaque administration de département, à ce autorisée par le ministre de l'intérieur et sous sa surveillance, pourra recevoir par forme d'adjudication, et au jour indiqué, les soumissions de ceux qui offriront, avec bon et valable cautionnement, de tenir pendant un temps déterminé, à la disposition du département telle quantité de blés bons et livrables, soit de France, soit de l'étranger.
Art. 2.
« L'adjudication de ces fournitures à faire dans les marchés, selon les proportions et aux époques déterminées, aura lieu au rabais, et toujours publiquement.
Art. 3.
« Sera également fixée au rabais et publiquement la prime ou indemnité à accorder aux soumissionnaires, pour les blés réservés, qui (le département n'ayant pas jugé à propos d'en ordonner la livraison) seraient, à l'expiration du temps fixe, laissés à la libre disposition des divers soumissionnaires.
Art. 4.
a Le montant de ces blés tenus en réserve, sera composé d'après l'état des besoins que chaque municipalité enverra à son district, et celui-ci au département, lequel procédera, sous la surveillance du ministre de l'intérieur et dans les formes prescrites, à cette adjudication, dont les conditions seront publiées et affichées, à la réquisition du procureur général syndic, dans chaque lieu de district, quinze jours avant que ladite adjudication ait lieu.
Art. 5.
« Immédiatement après que l'adjudication sera terminée, le directoire de chaque département enverra une copie en forme, du procès-verbal d'ajudication, au ministre de l'intérieur, chargé de rendre compte au Corps législatif du nombre et du prix des adjudications, à mesure qu'elles auront été faites.
Art.6
« Les municipalités de chaque lieu où le dk rectoire de département jugera à propos d'ordonner dès versements, certifieront le directoire de district dont elles dépendent, èt celui-ci le directoire de son département, de la qualité et quantité de chaque versement, à mesure qu'il aura eu lieu ; desquels versements il sera tenu registre au département, pour y avoir recours au besoin.
Art. 7.
« Le montant des primes ou indemnités, telles qu'elles auront été fixées lors de l'adjudication, sera réparti par un rôle additionnel, au prorata des impositions foncières et mobilières du département dans le ressort duquel les adjudications auront été effectuées.
ATt. 8.
« Au moyen des précautions ci-dessus, toute opposition a la libre circulation intérieure, exportation ou réexportation des blés, ne peuvent plus être considérées que comme une malveillance condamnable; et l'Assemblée nationale charge expressément les tribunaux de la poursuite et punition de tous lés contrevenants au présent décret.
Art. 9.
« Il sera fait une instruction pour rappeler au peuple, dans les termes les plus clairs et les plus précis, les avantages de la circulation et d'une liberté de transport des blés, soit dans l'intérieur, soit à l'extérieur du royaume ; liberté sans laquelle il ne peut exister aucun moyen certain d'approvisionnement, aucune égalité dans la répartition de la denrée, et aucune richesse nationale : des exemplaires de cette instruction seront envoyés à chaque directoire de district chargé de les faire publier et afficher dans les principaux lieux et municipalités de son ressort. »
Séance du
présidence de m. gutton-morveau.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Je demande à faire lecture à l'Assemblée d'un procès-verbal du Conseil général de la commune et du district de Lai g le, qui constate les précautions prises dans cette contrée pour dissiper Yattroupement des séditieux armés réunis dans le district de Verneuil. Il a été adressé à la députation du département de l'Orne ; le voici :
« Messieurs,
« Des ennemis de tout ordre et de toute justice, des ennemis déclarés de notre Constitution ont égaré des domiciliés du district de Verneuil, au département de l'Eure, au point de les engager à se porter en troupe armée dans les villes et bourgs pour y taxer les blés, le pain, le beurre, les œufs, le bois et le fer.
« Le 3 de ce mois, après avoir forcé des maires, des officiers municipaux et d'autres personnes de l'accompagner, cette troupe avait déjà imposé ses lois à plusieurs villes et nourgs.
« La ville de Laigle était menacée d'en être assaillie. Mais les mesures' vigoureuses qu'elle avait prises pour résister à ces ennemis publics et dont ils eurent connaissance, leur fit prendre une autre.route. Ils se portèrent sur Damville, 4 ou 5 lieues au-dessus ae Verneuil.
« Justement alarmés des suites d'un brigandage qui les exposait à ne plus voir tirer de blé du district de Verneuil et qui achevait de miner leur commerce, les habitants de Laigle ont cru devoir se concerter avec ceux de Verneuil pour détruire un attroupement qui portait l'effroi "et la désolation dans tous les pays. Après avoir invoqué et reçu des secours de tous les cantons du district et de la ville de Mortagne, la garde nationale de Laigle est partie mercredi pour se joindre à celle ae Verneuil, et de là se porter contre l'attroupement des séditieux. Ainsi, le jour même où, en vertu de votre décret du six de ce mois, deux cents volontaires de la brave et généreuse garde nationale de Paris, sont partis pour se rendre dans le département de l'Eure, environ deux cents gardes nationales des districts de Laigle et de Verneuil étaient en marche pour ramener à la raison, rallier sous l'étendard de la Constitution, ou combattre 5, 6 ou 8,000 hommes révoltés contre elle.
« Je ne vous entretiendrai pas, Messieurs, des récits qui m'ont été faits sur l'origine et la formation de cet attroupement; des conjectures ne sont pas des faits, bientôt sans doute vous connaîtrez la vérité.
« Mais je ne dois pas vous laisser ignorer que trois des hommes que les rebelles avaient envoyés à Laigle pour y prendre connaissance des dispositions de cette ville, y ont été interrogés, et y sont retenus en prison.
« Dans ces conjonctures orageuses et vraiment difficiles, la commune de Laigle a manifesté autant de sagesse que sa garde nationale a montré de bravoure et d'obéissance à la loi. Le directoire du district, d'accord avec le conseil général de la commune, a dépêché un exprès au département de l'Orne, pour l'instruire des
mesures nécessaires à la sûreté du pays. Le directoire du département l'a autorisé à les mettre en usage.
Sur un faux avis que la troupe des séditieux approchait de la ville, la cavalerie de la garde nationale courut aussitôt à sa rencontre. Le lieutenant-colonel, ancien gendarme, décoré de la croix de Saint-Louis, M. Camus (je dois le nommer) tomba sous son cheval. La troupe s'arrêtait; il lui cria : « Passez sur mon corps, Vennemi est en vue. » (.Applaudissements réitérés.)
« C'est ainsi que les habitants de Laigle, malgré la déplorable situation où le défaut de fil de laiton tient tous les intéressants ouvriers de la fabrique d'épingles de cette ville, savent manifester leur attachement à la Constitution, et sont disposés à défendre les droits sacrés qu'elle garantit.
« Puisse l'exemple du département de l'Orne et de l'Eure, des districts de Laigle, de Mortagne et de Verneuil, être imité dans tout l'Empire; et à l'anarchie dans laquelle l'aristocratie et les séditieux de toute espèce nous plongent, et dont le despotisme serait nécessairement la fin, succédera bientôt dans toute sa force, le règne si désirable de la loi, le seul digne des bons citoyens et des vrais patriotes!
« Je demande, Messieurs, que vous ordonniez mention honorable au procès-verbal, de la conduite des administrateurs des districts de Laigle, de Mortagne et de Verneuil, de la conduite de la garde nationale de la ville de Laigle, et de celle du sieur Camus, lieutenant-colonel, qui se sont distingués par leur zèle et leur civisme. (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie les pièces à la Commission des Douze et ajourne la mention honorable jusqu'après le rapport*) §
Un de MM. les secrétaires donhe lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 8 mars, au soir.
fait part à l'Assemblée des soins actifs qu'a pris la municipalité de Preneuse, district de Mantes, pour la découverte d'une fabrication de faux billets.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable au procès-verbal du zèle de la municipalité de Fre-neuse.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Hassenfratz, qui fait hommage à l'Assemblée nationale de son ouvrage sur la Géographie élémentaire ; cette lettre est ainsi conçue ;
« Monsieur le Président,
« Il manquait à l'instruction publique une géographie élémentaire adaptée a la nouvelle Constitution française et à l'esprit de liberté et d'égalité qui règne parmi nous ; plus particulièrement dirigé par mon patriotisme que par les forces et les lumières que cet ouvrage exige, j'ai essayé de tracer aux géographes français une marche nouvelle et plus analogue à nos principes.
« La destruction des privilèges ayant entraîné avec eux celle d'un
préjugé qui éloignait du commerce toutes les personnes qui avaient de
l'aisance, et la classe des citoyens fortunés di-
« C'est ainsi qu'en jetant de bonne heure dans l'esprit des nombreux citoyens que l'on forme pour la prospérité de la patrie le germe des connaissances nécessaires à l'augmentation de leur fortune, on contribue directement à l'accroissement de la richesse et de la forcé de son pays.
« J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissànt serviteur.
« J.-H. Hassenfratz.
« Ce 9 mars 1792, l'an IV de la liberté. »
(L'Assemblée accepte l'hommage, ordonne la mention honorable au procès-verbal de l'offre de M. Hassenfratz et renvoie l'exemplaire de l'ouvrage au Comité d'instruction publique.)
2° Lettre de M. Demonchanin qui demande à présenter à l'Assemblée nationale une pétition relative aux subsistances.
(L'Assemblée décrète qu'elle recevra ce pétitionnaire dimanche prochain à la séance du matin.)
3° Lettre de M. Louis Carpentier qui demande à être admis à la barre pour entretenir l'Assemblée des moyens d'éviter l'agiotage du numéraire.
(L'Assemblée décrète qu'elle recevra ce pétitionnaire dimanche prochain à la séance du matin.)
Un membre demande que l'Assemblée s'occupe de la discussion de la question relative à l'aliénation des bois nationaux.
(L'Assemblée renvoie- cette proposition à la Commission centrale.)
4° Pétition du conseil général d'administration du district de Noyon, qui réclame des secours pour les incendiés de la ville de Noyon.
Un membre observe que cette alfaire est déjà soumise au Comité des secours publics.
(L'Assemblée décrète que ce Comité fera incessamment son rapport sur cet objet.) '
, au nom du Comité de division, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'arrondissement du tribunal de commerce d'Orbec, district de Lisieux, département du Calvados; le projet de décret est ainsi conçu (1) :
« L'Assemblée nationale, considérant que l'intérêt du commercé exige que le tribunal de commerce établi à Orbec, par le décret de l'Assemblée nationale constituante du 14 juin 1791, soit incessamment Organisé et son arrondissement déterminé;
« Après avoir entendu le rapport de son Comité ae division
Décrète que le tribunal de commerce d'Orbéc comprendra dans son
arrondissement le canton
(L'Assemblée ouvre la discussion.)
Deux membres sont entendus.
(L'Assemblée ajourne la discussion à huitaine, après la seconde lecture du projet de décret du Comité.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Bonne foi, prêtre, procureur de la commune à Thiers, qui fait remise à la nation de l'indemnité qui lui reviendrait pour la dime inféodée à lui appartenant sur un arpent de terre.
(L'Assemblée accepte ce don patriotique, en ordonne la mention honorable au procès-verbal et renvoie la lettre au Comité de liquidation.)
2° Lettre de M. Tallien qui fait hommage à l'Assemblée de plusieurs exemplaires du dernier numéro d'un journal intitulé : Y Ami des citoyns par lequel il rappelle aux bons principes les citoyens égarés. Cet écrit, en placard, est destiné à l'instruction du peuple.
(L'Assemblée renvoie cet ouvrage à la Commission des Douze.)
3° Lettre de M. Arimot, employé supprimé, qui demande, que l'Assemblée règle le sort des anciens employés des fermes.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au Comité central pour mettre prochainement à l'ordre du jour le rapport du Comité de liquidation sur cet objet.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
L'Assemblée nationale a renvoyé à l'examen du Comité diplomatique F office de iempereur et la lettre confidentielle de M. Delessart ainsi que la dénonciation qui a éié faite contre ce ministre ( l). Ce Comité a examiné ces pièces, mais il a été partagé dans cètte affaire en deux avis et il paraît déterminé à la laisser tomber ; il n'a pas même pris en considération la dénonciation qui a été faite contre M. Delessart. Cependant rien n'est plus urgent, plus important que cette matière. Je déclare que nous sommes environnés de trahisons,'que les traîtres ne sont pas loin de nous, et qu'il.importe de les connaître.
Je demande que l'Assemblée veuille bien à l'ordre de deux heures m'entendre, et sur l'office de l'empereur, et contre M. Delessart. (Applaudissements.)
appuie la demande de M. Brissot de Warville^
J'ignore si, comme l'a dit M. Brissot,; l'intention du Comité est de
laisser tomber cette affaire, et de ne vous présenter aucun rapport sur
l'office de l'empereur qui lui a a été renvoyé. J'ignore encore où il a
puisé que le Comité ne vous rendrait pas compte de la dénonciation faite
contre M. Delessart. Je sâis très bien qu après avoir délibéré longtemps
sur cette affaire, le Comité a chargé l'un de ses membres d'en faire un
rapport à l'Assemblée, et que ce rapporteur est M. Koch. Je ne conçois
pas comment M. Brissot, qui était présent, peut aire lorsque quelqu'un a
été Ghargé de réd ger un rapport, que l'intention du Comité est de
Je demande à répliquer.
et plusieurs autres membres : L'ordre du jour!
Je demande à ceux qui s'opposent à ce que M. Brissot obtienne la parole, si le salut de la patrie n'est pas à l'ordre du jour. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
J'ai dit, Messieurs, que le Comité diplomatique paraissait vouloir ensevelir celle affaire dans le silence, et voici pourquoi. 11 y a neuf jours que la communication a été faite à l'Assemblée, que le renvoi a été ordonné au comité diplomaiique; et cependant le rapport n'a point encore été fait à l'Assemblée. 11 est vrai que le Comité, sur mes vives réclamations, a arrêté d'en charger M. Koch. Je lui ai demandé quand il serait prêt: il m'a répondu avec un air cP indifférence. (Exclamations et murmures.) Je déclare que M. Koch m'a dit hier qué le rapport n'était point commencé, qu'il ne pouvait point être prêt avant mardi. Cependant on ne doit pas vous dissimuler qu'il existe de très grands dangers au dehors, que nous sommes environnés d'ennemis, qu'hier encore le ministre des affaires étrangères nous a déclaré que l'empereur avait donné des ordres pour faire marcher 10,000 hommes de plus dans le Brabant, outre les 30,000 qui s'y trouvent déjà.
Je viens à la dénonciation de M. Delessart : on n'a pas voulu s'en occuper au Comité, et il m'a paru qu'on voulait laisser tomber cette affaire dans le silence. Or, je regarde M. Delessart comme un traître, et je demande à le dénoncer à l'ordre de deux heures. (Applaudissements dans les tribunes.)
L'Assemblée ne croira pas sans doute que son Comité diplomatique ait pu recevoir avec indifférence un renvoi aussi important et qu'il ne s'en soit point occupé. Il y a eu déjà quatre délibérations successives sur cet objet. Et si le Comité a distrait ce qui regarde le ministre d'avec ce qui est relatif à l'intérêt général du royaume, ce n'est que pour approfon iir davantage les deux matières. M. Brissot sait tout cela ; il sait, quoiqu il ait souvent manqué aux séances, que M. Koch a été chargé de faire ce rapport mardi prochain...
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Au reste, si ce que M. Brissot demande à lire peut donner à l'Assemblée des lumières qu'il a constamment refusées aux instances du Comité, jè rte m'oppose pas à ce qu'il soit entendu; le comité tâchera de profiter des vues de M. Brissot, mais j'ai cru de mon devoir de réfuter ce qu'il y avait d'insidieux dans ce qu'il a dit à l'Assemblée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
M. Jaucourt en a imposé à l'Assemblée.....(Le bruit couvre la voix de Vorateur.)
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour!
La nation ne sera plus gouvernée par l'Assemblée nationale, mais par les Comités.....
Voix dans les tribunes : Oui! oui! (Les tribunes applaudissent M. Grangeneuve dont les paroles se perdent au milieu du bruit.)
Je demande la parole.
Plusieurs membres ; La discussion fermée!
D'autres membres insistent pour que M. Guadet Obtienne la parole.
Je demande que M. le Président consulte l'Assemblée pour savoir si M. Brissot sera ou ne sera pas entendu à l'ordre de deux heures.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que M. Brissot-de-Warville sera entendu à deux heures.) {Les tribunes, poussent des huées contre ceux qui se lèvent pour la négative, puis applaudissent vivement lorsque M. le Président proclame le résultat de l'épreuve )
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des officiers municipaux de Strasbourg, qui invitent l'Assemblée nationale à terminer promptement la loi sur le mode de constater les naissances, les mariages et les décès. Elle est ainsi conçue :
« Strasbourg, le 8 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« La nécessité de déterminer le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés, et de désigner les officiers publics qui en recevront et conserveront les actes au terme de l'article 8 du titre II de l'Acte constitutionnel, devient de jour en jour plus urgente. La répugnance de quelques citoyens à faire baptiser leurs enfants par des prêtres assermentés, et à être mariés par eux, le refus journalier de la part des curés constitutionnels, de constater les noms des enfants nouveau-nés, et celui des témoins de leurs naissances, lorsque les parents ne les font pas présenter à la paroisse, 1 opiniâtreté avec laquelle les curés refusent d'enterrer les enfants qu'ils n'ont pas baptisés, nous exposent sans cesse à des scènes affligeantes; peut-être serons-nous dans le cas de faire ensevelir des enfants sans prêtres, et seulement en présence d'un officier de police; mais la loi ne nous autorise pas encore à dresser procès-verbal et tenir registre de ces actes, et les membres du conseil de l'évêque se persuadent que nous agirions contre la Constitution, si nous donnions cette facilité aux non-conformistes ; l'Assemblée sentira, sans doute, les conséquences de cette position, les désordres qui doivent nécessairement en résulter, et l'embarras dans lequel nous nous trouvons; nous vous prions instamment, Monsieur le Président, de lui soumettre ces observations, et nous ne doutons pas qu'elle ne rende un décret sur cette importante matière.
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie cette lettre au Comité central.)
, au nom du Comité des secours publics, donne lecture de la nouvelle rédaction du décret (1) tendant à demander communication au ministre de la marine du traité fait avec le dey d'Alger pour la délivrance des Français captifs; elle est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la marine sera tenu de
lui rendre
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du Comité de législation, sur le mode de séquestre des biens des émigrés.
, rapporteur, donne lecture de l'article 6 ainsi conçu :
Art. 6.
Moyens d'exécution.
« Dans un mois, à compter delà promulgation du présent décret, chaque municipalité enverra, au directoire de son district, l'état des biens situés dans son territoire, appartenant à des personnes qu'elle ne connaîtra pas pour être actuellement domiciliées dans le département, ainsi que des rentes, prestations et autres redevances qui leur sont dues ; le directoire du district fera passer sur-le-champ cet état au département, avec son avis. »
Un membre demande, par amendement; que le terme d'un mois, accordé par cet article aux municipalités, soit plus éloigné.
Un autre membre propose que les compagnies de finances fournissent à la municipalité du lieu principal de leur domicile, l'état des sujets qui leur sont attachés.
Un autre membre indique des changements à faire dans la rédaction.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte l'article 6.)
(La discussion est interrompue.)
Je viens de recevoir une lettre du ministre de la justice à laquelle est jointe une lettre du roi nommant M. de Grave ministre de la guerre, à la place de M. de Narbonne. Les voici :
Lettre du ministre de la justice.
« Paris,
« Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous adresser une lettre du roi, dont Sa Majesté me charge de vous prier de donner connaissance à l'Assemblée nationale. »
« Je suis avec respect,
« Monsieur le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur, Signé: « M.-L.-F.
DUPORT. »
« Paris, le
« Je vqus prie, Monsieur le Président^ dé dire de ma part à l'Asàemblée nationale, que j'ai nommé M. dé Grave au département de la guerfe, à la place dp. M. de Narbonne. (Mouvement.)
Signé : « louis .» "
S'il est du devoir de l'Assemblée de poursuivre les ministres prévaricateurs, nous devons aussi un tribut d'éloges à ceux qui ont montré dans le ministère . .une activité continue et bien préciéhse dans le moment où l'onze plaint que le pouvoir exécutif est en iiuéiqùé sorte paralysé, et qui ont .fait preuve d'une franchise et uné loyauté raaltërables. Je demande que vous déclariez que M. Narbpnne emporte les regrets de l'Assemblée nationale. (ApplaudissementsS)
Plusieurs membres. : Appuyé ! appuyé !
Voilà efiéore un ministre qui a eu à sa disposition le maniement " dés deniersI nationaux. Je demande que l'Assemblée décrète que, M. Narbonne né pourra quitter Paris sans avçir rendu ses, Comptes.. (Les tribunes applaudissent.)' '
En rendaiithommage aux applaudissements avec lesquels l'Assemblée, a accueilli la motion dé M. Sage ,.
Plusieurs membres. Ce n'est pas vrai !
;je l'appuie» debout mon pouvoir; mais il est impossible que l'Assemblée na-r tionalç n'ait pas aperçu au milieu de ses travaux continus, et nonobstant qu'elle doit refuser toute attention aux intrigues qui l'environnent, il est impossible, dis-je, qu'éllé n'ait pas été ,frappée de celle dont il paraît que 'fé'CMrigément de ministère a été l'objet et la conséquence. 11 est, certain que le système qui paraît avoir prévalu dans le conseil du roi ne peut convenir nullement aux sentiments de rAssemblée nationale, et que ce système, également ennemi de l'établissement de la Constitution et d'un gouvernement légitime, mérite l'improbatiop la plus,sévère de la part des représentants de la-nation. (Applaudissements.)
Certes, Messieurs, rAssemblée nationale ne jettera jamais des regards sur la conduite.intérieure du ministère.. Il est au-dessous d'elle de s'occuper décès intrigues,, qui assiègent partout la masse des' agents du "pou voir executif; mais lorsqu'une fois elle, est frappée de la certitude que le Goùverriëhient ne peut pas marcher, qu'il ne marche pas, alors ce n'est point un ministre, ce ne sont point deux ministres qu'elle doit dénoncer à l'indignation publique. Ge qui convient à la nation, ce qui sied aux représentants d'un péuplè libre, c'est d'annoncer, c'est de déclarer au roi que le ministère entier n'a plus la confiance ae la nation. (Applaudissements.)
Ami du gouvernement, c'est-à-rdire du gouvernement légitime, personne plus que moi ne déteste les agents qui en empêchent 1 établissement. Mais je iïè vous proposerai point, sur chacun des ministres en particulier, des ^observations relatives à la part personnelle qu'il a prise aux embarras dont souffre l'Etat. Il est tel ministre relativement auquel cette spécification ne serait point actuellement sans iftconvénient. C'est ainsi, par
exemple, que des observations motivées sur je ministre des affaires étrangères pourraient contrarier l'effet des négociations entamées. Mais je vous proposerai de conserver cette grande vérité qu'il faut que le Gouvernement marche, et que le Gouvernement ne marche point ; que le seul homme qui dans ce rrçomént paraissait être au niveau de ses devoirs, au moins par son activité, a paru hétérogène à un ministère, qui semble avoir adopté l'inertie comme système de sa conduite. (Applaudissements.) Vous devez donc déclarer au roi que le système de son ministère vous, paraît incompatible ayec lés principes de la Constitution et ne sauràit mériter la con-fiàrice dé la nation. [Vifs applaudissements.)
Au roi seul appartient la nomination et la révocation des ministres. Je suis loin d'appuyer la motion qui est faite de prononcer votr$ , ir^probàtion sur la révocation du ' ministre Nârbohrte. Vous 'Sâvqz trop bien, Mes- ' sieurs, que 'soU renvoi, sans que vous ayez prô-inoncé d improbation sur sa conduite, prouve sà justification. (Bruit sourd.)
Maintenant vous avez 'décide qu'il serait fait des observations au roi sur la conduite de ;M. Bertrand... M
Plusieurs membres : L'ordre du jour !_ ,
En réponse, que vous annonce-. t-on ? La révocation au ministre Narbonne et la i nomination d'un autre ministre. Celui qui avait de l'activité ; est renvoyé et celui précisément que vous avez hautement improuvé, celui qui se trouve à la tête d'un ministère qui est presque totalement perdu par sa faute, celui-là, dis-je, n'est pas remplacé.
Je ne connais point l'art de faire des phrases ; • mais je le dis, comme je le pense : on ne peut pas i se dissimuler que ce ne. soit ici le résultat des intrigues ministérielles. J'appuie d'ailleurs la proposition de M. Charlier j; mais en même temps je vous observe qu'il est de votre sagesse de ne point commettre d'injustice. Il y a longtemps je' fis la même proposition que lui lors du départ de l?ex-ministre ûuportail. On refusa de m'entendre; on voit aujourd'hui si j'avais tort ou raison. Il ne faut pas que vous fassiez une loi particulière pour le. ministre Narbonne. Je demande donc que vous portiez une loi générale (C'est fait ! a7est fait !) et què vous décrétiez que tous les ministres qui seront révoqués seront tenus de rester dans la capitale jusqu'après la reddition de leurs comptes.
,secrétaire. Voici une lettre de M. de Narbonne :
Monsieur le Président,
« N!étant plus dans le ministère, j'ai cru que le posté d'un citoyen français était de servir sur les frontières ; j'en ai fait demander la permission au roi; s'il veut' bien me l'accorder, je partirai ce soir pour Metz, d'où il me sera facile dé faire parvenir à l'Assemblée tous les comptes qu'elle pourrait exiger de moi;
« Je suis avec respect, .
« Monsieur le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur, Signé : « L. Narbonne. »
Un membre : Je demande la question préalable sur la motion de déclarer que M. de Narbonne,
emporte les regrets de l'Assemblée. Si un ministre a bien mérité de la patrie, il en trouve la récompense dajns son cœur et dans sa conscience. Quant à la proposition de M., Ramond, qui regarde, le ministère en entier, j'en demande le renvoi au Comité de législation. .
A l'égard de la motion de M. Ra-mond, je demande que l'Assemblée passe purement et simplement à l'ordre du jour, et j'appuie celle de M. Charlier ; je demande quelle est la date de la lettre de M. ae Narbonne.
, secrétaire. Elle est sans date.
On assure, comme fait constant, que M. de Narbonne est déjà partir et qu'il est sur la route de Metz. L'Assemblée nationale doit décréter que l'ex-ministre de la guerre ne pourra sortir de Paris avant d'avoir rendu ses comptes ; c'est un des articles qui ont été proposés par M. Vaublanc, lors de la question de la responsabilité des ministres.
Relativement à la motion de M. Sage, j'observe;qu'il ne faut pas que les représentants d'un peuplé libre se pressent trop pour marquer dés regrets à un homme; mais j'appuie la motion de M. Charlier. Voilà mon opinion sur ces deux propositions. Quant à celle de M. Ramond, je serai toujours constant.dans mes principes; je crois "qu'il est essentiel pour la Constitution et la nation qhè les Représentants du peuple marchent de cohcert avec lé pouvoir exécutif. J'ai Souvent accusé à la tribune le pouvoir exécutif d'attaquer la Constitution, en ne faisant pas exécuter les lofe; je le répéterai toujours à l'Assemblée- Elle né peut aVoir confiance dans lin mih'istèrè qui attaque la Constitution en ne faisant pas exécuter les lois avec rigueur.
Je regrette le ministre qui avait montré une très grande activité dans l'administration de son département; mais ce n'est pas le temps de juger sa conduite, nous devons saisir cette occasion pour tenir au roi le langage qui convient aux représantants du peuple et lui dire : « Sire, la Constitution vous a déclaré inviolable, mais vous ne l'êtes point devant l'opinion publique qui plane au-dessus de toutes les institutions, c'est elle qui a déjà jugé les coupables dont les avis conservent auprès de vous un agent dépouillé de. la confiance et de l'estime nationale et éloignent ) celui qui faisait tout pour mériter et s'assurer l'une et l'autre.» (Applaudissements.jVdipipmç donc de toutes mes forces la motion, de M. Ramond, et, à votre place, je ne perdrais jpas utt instant, pour aller dire au roi que tout le ministère a perdu la confiance de la nation. Vous Verrièz dès lors que la Constitution aurait son exécution entière et que le Gouvernement marcherait.
Un valet de pied remet une lettre à un huissier de la salle.
Je reçois une lettre du ministre de la justice à laquelle est jointe une lettre du roi.
J'ai oublié de dire que je crois que nous devons éxcêpter le ministre dé l'intérieur de notré déclaration.
demande le renvoi de la discussion à trois jours.
, secrétaire% donne lècture des lettres qui viennent d'être remises à M. le président.
Lettre du ministre d,e la justice.
« Paris,
« Monsieur le Président,
« Le roi m'a chargé de transmettre à l'Assemblée nationale sa réponse, relative aux Observations de l'Assemblée sur la conduite du ministre de la marine. J'ai l'honneur, 4ë vous les adresser.
« Je suis avec respect, '
« Monsieur le Président,
« Votre.très humble et très « pbéissant serviteur.
Signé ': « M.-L.-F. iluport »
Réponse aux observations.
« Messieurs, j'ai examiné'les observations que le zèle et la sollicitude de l'Assemblée nationale l'ont portée à m'adrèsser sur la conduite du ministre de la marine (1) . Je recevrai toujours avec plaisir iësî communications qu'ellè croira utiles d'entretenir avec moi. Les observations qui m'ont été remises de la part dé l'Assemblée, me paraissent absolument conforhies aux dénonciations sur lesquelles elle avait déclaré n'y avoir lieu à délibérer. Je m'étais fait rendre compte alors des réponses que M. Bertrand avait présentées contré ces différents griefs, et j'avais porté le'même jugement que l'Assemblée. Depuis, aucune plainte" fondée, ne s'est fait entendre relativement aux différentes' parties de "son administration; et'tout ce. qti'i me reviént de la pàrt des colons,' du commerce et des gêns de mer, me présente des témoignages de son zèle et de l'utilité de ses services, (Murmures sourds.y Enfin, aucune violation de là loi lie lui étant repro-ché'e, je croirais, manquer à la justice de lui ré-;, tirer ma confiance. Au reste, les ministres savent bien que le seul moyen de l'obtenir et de la conserver est de faire exécuter les lois avec énergie et avec fidélité.
Signé : « Louis.
Et plus bas : « M.-L.-F. Duport.
« Ce 9 mars 1792. »
(L'Assemblée reprend la discussion des différentes motions.)
Un membre demande la question préalable sur toutes les motions.
D'autres membres demandent l'ordre du jour.
Je demande la division sur la motion de passer à l'ordre du jour. Je ne
m'oppose pas à l'ordre du jour sur la proposition ae M. Sage tendant à
approuver la conduite du ministre de la guerre, mais je m'y oppose sur
celle de M. Ramond tendant à ce qu il soit déclaré au roi que le
ministère entier a perdu la confiance de la nation. Je ne crois pas
néanmoins que vous devez la décréter sur-le-champ. Il est étonnant que
M. Ramond vienne proposer à l'Assemblée cette motion que j'avais faite
au Comité diplomatique oh elle avait été rejetée, et que j'avais
C'est par intérêt pour la royauté constitutionnelle qu'il faut enfin faire justice d'eux ; je demande donc à être entendu après que M. Brissot aura parlé contre le ministre des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. Gensonné vient de dire à l'Assemblée qu'il avait proposé au Comité diplomatique la motion qué je viens de faire, et que cette motion y avait été rejetée. Ce fait n est point exact. Il est aisé de sentir, Messieurs, que cette motion n'est nullement de nature à être délibérée au Comité diplomatique, du ressort duquel elle n'est point. M. Gensonné a proposé à la délibération du Comité son opinion relativement aux négociations de M. Delessart. C'est cette opinion qui n'y a point prévalu en son entier. Les membres du Comité qui sont ici présents rendront justice à la vérité de l'explication que je donne.
Je profite de la parole pour rétablir, dans sa pureté ma motion qui ne me paraît pas avoir été bien saisie. Je demande que l'Assemblée nationale déclare au roi que le système qui prévaut dans le ministère actuel est incompatible avec les principes d'une constitution libre.
Il est échappé à M. Ramond un aveu bien précieux, qui depuis longtemps était dans l'esprit des bons citoyens, c'est que le Gouvernement ne marche pas. M. Ramond l'attribue à l'inertie combinée des agents du pouvoir exécutif; et, en partant de là, on doit s'étonner de la mollesse de ses conclusions. En effet, si les troubles du royaume sont le résultat de l'inertie combinée des agents du pouvoir exécutif, il ne suffit pas de déclarer que le système du ministère actuel est contraire à l'intérêt public. Si nous adoptions précipitamment" cette mesure, nous donnerions un moyen de se sauver à ceux de ces ministres qui doivent payer de leur tête cette eoupable inertie (Applaudissements.)
Ce n'est pas, Messieurs, lorsque tout l'Empire se réunit pour déclarer qu'effectivement il existe à la cour un système d'inertie, qu'effectivement il existe autour d'elle un système d'intrigue, un système qui veut faire rétrograder la Révolution et modifier la Constitution, ce n'est pas alors, dis-je, qu'il faut déclarer que les ministres ont perdu la confiance de la nation. Il faut que l'Assemblée examine s'il n'est pas quelqu'un de ces agents qui trempe dans cette grande conspiration, et pour cela, je demande qu'on entende les différents rapports qui pourront être faits contre chacun d'eux.
Il en est un qui est particulièrement inculpé pour être plutôt le ministre de Léopold que celui de Louis XVI. Il en est un autre contre lequel l'Assemblée a prononcé son opinion à la presque unanimité, et l'on doit s'étonner de sa résistance coupable à la volonté nationale. Cette seule résistance peut le rendre criminel et faire croire que lui-même est de la conspiration. Or, sans
précipitation, je demande que la motion de M. Ramond ne soit pas décrétée à l'heure même, mais que l'Assem blée suspende sa délibération jusqu'au moment où, comme le dit M. Gensonné, l'on pourra démontrer peut-être que les ministres eux-mêmes empêcnent la Constitution de s'établir. C'est à leur inertie que le royaume doit tous les troubles qui l'agitent. En me résumant donc, je demande quà l'ordre de deux heures on entende le rapport que M. Brissot doit vous faire sur le ministre de affaires étrangères et qu'on discute la motion de M. Ramond. (Applaudissements.)
Trois propositions sont faites à l'Assemblée nationale. La première, d'approuver la conduite de M. Narbonne4 la seconde, de décréter que les ministres qui sortiront du ministère ne pourront s'absenter de la capitale, que leurs comptes ne soient rendus ; la troisième, que les membres composant actuellement lè. ministère ont perdu la confiance de la nation. Il faudrait peut-être, Messieurs, rapprocher? comparer les deux premières propositions qui vous sont faites pour démontrer que la première ne peut pas être adoptée. En effet, par cela même que l'Assemblée exige qu'un ministre ne s'absente qu'après avoir rendu ses comptes, il s'ensuit que le ministre n'est dégagé qu'après que ses comptes ont été reçus. Ce n'est donc qu'après cette vérification, qu'on pourra l'en dégager par un témoignage d'approbation.
Il y aurait donc précipitation, il y aurait légèreté de la part de l'Assemblée nationale, à déclarer, avant d'en être convaincue, qu'un ministre a mérité sa confiance, qu'un ministre a des droits à ses regrets.
Messiéurs, je suis bien éloigné de repousser la proposition qui est faite de déclarer que M. de Narbonne a des droits aux regrets de l'Assemblée nationale ; mais je dis que l'Assemblée nationale ne peut pas faire cette déclaration avant de s'être assurée.....
Plusieurs membres : On est d'accord !
Ainsi, en appuyant la motion de M. Charlier, qui tend à ce qu'il soit rendu un décret général qui assujettisse le ministre à rester à Paris jusqu'à ce qu'il ait rendu ses comptes, je demande l'ajournement de la motion de M. Sage jusqu'à l'instant où le compte aura été rendu.
J'y consens.
Reste donc à examiner la troisième proposition, celle de M. Ramond, qui consiste à faire décréter à l'Assemblée nationale, dès à présent, que les membres composant le ministère ont perdu la confiance de la nation.
M. Ramond a donné une rédaction plus simple que j'adopte. 11 n'a pas entendu proposer à l'Assemblée nationale de déclarer que le ministère avait perdu la confiance de la nation, mais que le système du ministère ne méritait pas la confiance de la nation. Et à ce sujet j'observerai à l'Assemblée que l'énoncé simple de cette proposition présente une idée qui, dans une circonstance qui n'est pas éloignée, a été repoussée, comme elle le devait être, par l'Assemblée nationale; je veux dire l'idée de la solidarité du ministère.
Vous avez senti avec raison que, quand il était question d'un acte aussi grave que celui qui tend à priver un èitoyen de l'estime et de la confiance de la nation entière, les preuves, les dénonciations, les inculpations devaient être
personnelles, devaient être particulières, puisque les délits le sont et qu'il n'était pas possible d'établir entre les ministres une solidarité injuste. (Murmures.) Vous avez compris, en outre, qu'il y aurait du danger pour la chose publique à reunir, à coaliser les ministres entre eux, à les forcer à faire cause commune avec ceux qui seraient accusés et à opposer une résistance dangereuse aux déterminations que l'intérêt national pouvait solliciter.
J'entends dire qu'il règne dans le ministère en général, sans considération de personnes, un système qui ne mérite pas la confiance de la nation. Ce système est-il une erreur ou un . crime? c'est ce qu'il faudrait examiner. Si ce système est crimininel, il mérite autre chose, de la part de l'Assemblée, qu'une détermination vague, insignifiante, provoquée par des causes inconnues, qui pourraient induire l'Assemblée à commettre des fautes. Si le ministère est coupable, il faut qu'il soit jugé sévèrement, mais qu'il le soit sur des faits certains, avec des pièces de conviction. Il faut que chacun des membres de l'Assemblée, en votant, ait la certitude qu'il a acquitté un devoir de représentant de la nation.
Ainsi, Messieurs, quoique peut-être il eût convenu à l'Assemblée de passer à l'ordre du jour sur cette proposition, moi je demande que le comité des Douze, qui vient d'être nomme, soit chargé spécialement de recueillir toutes les plaintes, toutes les dénonciations qui peuvent exister actuellement contre les ministres dans les différents comités, qu'il soit chargé d'en examiner la conduite et d en faire à l'Assemblée un rapport dans le plus court délai possible.
J'appuie la proposition de M. Gen-sonné, et je trouve de nouveaux motifs de l'appuyer dans la lettre du roi, dont il vient de vous être fait lecture. Cette lettre renferme une proposition non exacte, un véritable faux ministériel, dont le ministre de la justice s'est rendu coupable par son contreseing. Il est, en effet, faux de dire que l'Assemblée nationale ait déclaré qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur toutes les inculpations et reproches faits au ministre de la marine, soit par les pétitionnaires, soit par les membres de 1 Assemblée nationale.
Elle a déclaré qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur une proposition particulière qui lui avait été faite relativement a ce ministre et par un comité c'est parce qu'une question fut mal posée, que l'Assemblée prit le parti de la rejeter par la question préalable. Ce n'est que par un véritable abus d une délibération qui n'a point eu de résultat ; c'est par une subtilité qui serait plutôt digne de la Sorbonne que d'un ministère même artificieux et rusé, que les ministres cherchent sans cesse à déshonorer l'Assemblée nationale, et à faire croire qu'elle se met en contradiction avec elle-même. Je trouve, Messieurs, dans cette lettre, un fait très précis, pour lequel le ministre de la justice me semble être mis en cause. Je demande donc que cette affaire soit réunie à toutes celles relatives aux autres ministres, et notamment à celle du ministre des affaires étrangères, dont la conduite incertaine et peut-être artificieuse, a mis l'Etat dans le péril où il se trouve.
En me résumant, j'appuie la motion de M. Charlier. Je demande que la motion de M. Sage soit ajournée jusqu'à l'époque où le compte de M. Nar-bonne aura été rendu et reçu, et que la troisième proposition soit discutée sur-le-champ.
Enfin il est arrivé le jour où l'incrédulité même va être forcée d'avouer les complots tramés par le ministère contre la liberté de la France. Enfin il est 'arrivé le jour où le bandeau fatal devait tomber de dessus les yeux qui s'obstinaient à ne pas voir. Eh ! Messieurs, était-il possible qu'il y fût retenu plus longtemps? On cherche en vain en France le pouvoir exécutif délégué par la Constitution; on ne l'y trouve pas. Dans l'intérieur les rênes du gouvernement semblent avoir été comme à plaisir abandonnées à l'aristocratie. A l'extérieur, c'est Léopold, c'est le roi de Prusse, c'est le roi d'Espagne qui paraissent tenir le fil ae toutes nos relations politiques.
Cependant, Messieurs, malgré l'évidence de cette trame ourdie contre la liberté et la sûreté de la France, je ne crois pas que l'Assemblée nationale doive s'occuper en ce moment de juger ceux qui en sont coupables. Elle le doit d'autant moins qu'en adoptant de confiance la motion de M. Ramond elle sauverait évidemment les ministres que j'accuse, et qui le seront bien autrement, des peines qu'ils ont méritées pour leur perfidie et pour leurs complots : elle les sauverait; car qu'est-Ce, Messieurs, pour ceux qui n'ont jamais eu la confiance de la nation, que de faire déclarer par le Corps législatif qu'ils l'ont perdue? Qu'est-ce surtout pour le Corps législatif que de faire déclarer que le ministère a perdu la confiance de la nation ou que le système qu'il a embrassé n'a pas mérité la confiance de la nation, lorsqu'il est évident qu'à votre résistance, au langage de la justice, à celui de la raison on opposera les mêmes intrigues qui sauvent Bertrand de l'anathème que vous avez porté contre lui?
Je crois donc, Messieurs, que les circonstances sont telles, que le salut de l'Etat et de la patrie est si compromis qu'il faut que l'Assemblée examine, non la conduite du ministère seul, mais celle de chacun des ministres en particulier; je me persuade qu'un grand exemple sera fait et qu'il apprendra aux successeurs des ministres actuels ce qu'il en coûte pour avoir intention de perdre la cnose publique. Je demande donc que M. Brissot soit entendu à l'instant même, puisque l'ordre de deux heures est arrivé, et que la discussion soit ouverte tous les jours sur cet objet, dès que M. Brissot aura été entendu. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs ^membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
établit l'état de la délibération.
(L'Assemblée décrète que M. Brissot de War-ville sera entendu sur-le-champ.)
Je demande qu'on décrète l'urgence et qu'on adopte la motion de M. Charlier, amendée par M. Bouyer, tendant à ce que les ministres révoqués ne puissent quitter le lieu de la résidence du Corps législatif sans avoir rendu leurs comptes de gestion.
Je m'oppose au décret d'urgence, parce que la Constitution porte que les actes relatifs à la responsabilité des ministres ne sont pas sujets à la sanction.
Je demande que vous mettiez : « les ministres ne pourront sortir » sous telle peine que vous déterminerez.
Plusieurs voix : Non, non; alors ce serait sujet à la sanction !
D'autres membres : La question préalable sur l'urgence !
(L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérér sur l'urgence, puis adopte là proposition de M. Charlier, sauf rédaction, avec l'amendement de M. Rouyer.)
si vous n'aviez porté ûnëTpi que contre le ministré de la guerre, vous n'auriez pas eu besoin de décréter l'urgence; mais comme vous l'avez généralisée, il faut décréter l'urgence.
Puisque vous ne voulez pas faire les trois lectures, vous devez décréter l'urgence, parce qu'autrement votre décret serait nul et le roi ne l'exécuterait pas.
(L'Assembléé nationale décrété l'urgence et adopté la motion principale, sauf rédaction.)
Je demande l'ajournement de ma motion jusqu'à ce que le ministre de la guèrre ait rendu son Compte.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Sage.).,
Je demande que la personne qui rédigera le décret, le fasse de manière à ce qu'il puisse atteindre Montmorin et Duportail, et qu'on mette que tous les ministres qui ont donné leur démission, ftu qui ont quitté le ministère depuis l'acceptation de la Constitution, seront tenus, etc.
J'appuie la motion avec d'autant plus dé raison, qu ayant fait cette motion il y a 3 mois, le Corps législatif passa à l'ordre du jour sur le prétexte qu'on donna que MM. Montmorin et Duportail avaient rémis leurs comptes. Cependant ils ne l'ont point fait; il faut donc que la loi frappé aussi sur eux.;
(L'Assemblée adopte la motion de M. Delacroix et la renvoie avec celle de M. Charlier au Comité de législation pbur la rédaction;)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui demande que l'Assemblée, prononce le plus tôt possible, sur la difficulté relative au Remplacement des membres du directoire du département du Pas-de-Calais ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur dé vous envoyer uné lettre du directoire du département du Pas-de-Calais, par laquelle le corps administratif, insistant de nouveau sur là demande qu'il fait depuis 2 mois, à 1 effet d'obtenir là faculté de se' compléter, annonce qu'il ne peut plus suffire à ses fonctions, et qu'il lui devient impossible de lés continuer, si PAssemblée nationale né prend pas incessamment sa sollicitation dans la plus grande considération.
« Je sûis avec respect, etc.
Signé : « Caiiier. »
(L'Assemblée ajourne le rapport sur cet objet à la séance de ce soir.)
, rapporteur du projet de décret sur le séquestre des émigrés. Si l'Assemblée nationale veut que le séquestre des émigrés ne. soit pas une mesure illusoire, il est absolument indispensable qu'elle le "décrète très promptement. Je demande la continuation de la discussion à ce soir.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Sédillez.)
Voici le résultat du second tour de scrutin pour l'élection d'un vice-président.
Sur 508 votants, dont la majorité absolue est de 255; M. Gensonné à obtenu 223 vôix étM. Dorizy 129. Par conséquent, il y a lieu à un troisième tour1 dé scrutin, et on le fera demain.
La parole est à M- Brissot de Warville. {Dénonciation contre M. Delessart.) ( Vifs applaudissements.)
Messieurs (1), vous avez renvoyé à votre Comité diplomatique l'examen de la note confidentielle ae M. Delessart à M. deNoailles, du 2l janvier;des différentes dépêches, de M. ae Kaunitz et enfin la réponse du roi à ces dépêches en date du 28 février.
J'examinerai d'abord la conduite que. vous devez tenir à l'égard de , l'empereur et ensuite le parti que vous devez prendre à l'égard du ministre des affaires étrangères.
Pour vous mettre à portée de prendre une détermination convenable, il est nécessaire de vous rappeler ici les faits principaux qui ont précédé, ces dépêches.
Vpus avez vu par la circulaire de l'empereur aux diverses puissances de l'Europe, du mois de juillet dernier, par son traité conclu avec le roi de Prusse le 21 juillet, par son office du. 21 décembre, qu'il existait un concert .formé par lui et diverses puissances Contre la sûreté, contre la Constitution delà France, sur le futile prétexte de maintenir l'honneur des couronnes.
Frappés des dangers qu'un pareil concert pourrait avoir pour la France, et désirant les prévenir, vous rendîtes, le 28 janvier dernier, un décret par lequel vous invitiez le roi à demander à l'empereur s'il entendait renoncer à tout traité qui pourrait porter atteinte à la souverainèté, à la sûreté et a l'indépendance de la nation française, et de lui déclarer qu'à défaut par lui de donner pleine et entière satisfaction sur tpus ces points avant le 1er mars, son silence, ainsi que toute réponse évasive et dilatoire, seraient regardés comme une déclaration de guerre.
Ce décret a été applaudi par la, nation entière, -il a prouvé que l'Assemblée nationale ne se trompera jamais lorsqu'elle prendra pour guides les sentiments élevés, les résolutions fermes qu'inspire l'état d'homme libre, lorsqu'elle se montrera jalouse de l'indépendance de notre patrie et de l'honneur du nom français.
On avait tout lieu d'espérer qué ce décret serait accueilli par le pouvoir exécutif : il n'y a répondu qu'avec humeur, en insinuant que vous empiétiez sur son initiative, en vous reprochant votre enthousiasme, en vous disant enfin que depuis1 plus de 15 jours il avait demandé à l'empereur des explications conformes à votre intention. Qui de vous, Messieurs, n'a pas été affligé de ce message? Vous aviez rendu un décret d'invitation, parce vous croyiez n'avoir qu'un même sentiment avec le roi; parce que vous aviez voulu convaincre l'Europe entière de la bonne harmonie qui régnait entre les deux pouvoirs : au lieu d'un retour amical, on ne vous donne qu'une leçon déplacée, où l'aigreur et la dureté se montrent à la place du concert sur lequel vous aviez compté.
On vous reproche d'avoir mis une invitation en forme de décret, comme si
la Constitution vous défendait cette forme pour les invitations, comme
si cette forme de division par articles n'était pas une manière nouvelle
de classer les objets.
Eh! pourquoi, Messieurs, si l'Assemblée nationale ne pouvait pas délibérer, pourquoi lui npti-fiait-on l'office du 21 décembre? Quelle singulière prétention de vouloir avertir lés représentants de la nation des dangers qui la menacent, et de vouloir que l'Assemblée nationale s'interdise de manifester son opinion sur les meâures qu'exige le péril commun? Mais je dois vous révéler ici un fait qui prouvera la duplicité du ministère.
M. Delessart, après-la notification de l'office du 21 déçèmbre, provoqua lui-même les conférences, du Comité diplomatique sur cet objet et y assista. Il eut communication du projet dé décret qui vous fut proposé.
Au milieu des1 discussions, il lui échappa de dire qu'il avait écrit à Tempèteur dans le sens de ce message. — Si vous lui avez écrit ainsi,' obser-vai-je à M. Delessart, il est inutile que l'Assemblée invite le roi à faire ce qu'il a déjà fait. — Non, répondit M. Delessart : cette invitation rie sera point inutile; il importe de convaincre les puissances européennes, par une démarche d'éclat, que les deux pouvoirs agissent dér concert.
Ce fut d'après cette sage réflexion que le projet de décret fut présenté; et le ministre qui l'avait provoqué lui-même, le fait censtirer amèrement par le roi! il cènsure le prétendu enthousiasme de l'Assembléè, lorsque le roi lui-même, par son discours du 14 décembre, l'avait allumé! Il le censure lorsqu'il ne pouvait ignorer que le décret de l'Assemblée nationale avait été le fruit d'une longue discussion, et le résultat de la presque unanimité des suffrages. Oui, Messieurs, l'ennemi le plus cruel de la Révolution n'aurait pu dicter au roi une conduite plus perfide, plus propre à encourager les ménaces et les insultes des puissances étrangères, et c'est à ce message, n'en doutez pas, que vous devez les outrages contenus dans les diverses dépêches du ministère autrichien.
J'écarte, quant à présent, lês conséquences qu'on doit tirer de cette Conduite relativement au ministre des affaires étrangères. Je me borne à examiner ici ce que l'empereur a fait et ce què vous devez faire.
Le rofvous a dit, dans son message du 28 janvier, qu'il avait demandé à l'empereur, depuis plus de 15"jours, des explications' conformes à celles de votre invitation. Il est étrange que l'on mette dans la bouche du roi un triple mensonge ! D'abord le roi n'a pas écrit à l'empereur, car on
ne nous a montré qu'une lettré de M. Delessart, qui n'est pourtant pas le roi ; ensuite la lettre de M. Delessart est du 21-janvièr, C'èst-à-dire antérieure de 7 jours au message du xroi. Enfin la lettre dé M. Kaunitz n'était pas conformé' à vos intentions.
Je n'examinerai pas tout ce qu'il y a d'irrégu-lier dans la dépêche du ministre des affaires étrangères ; je me borne à considérér la, marche qu'il a suivie relativement à l'empereur. Le ministre y rappelle le blâme, la conduite de l'em-pereûr à l'égard dés éihîgrés et de l'électeur de Trêves; il s'étonne de ce que,par crainte dé l'insubordination de quelques municipalités, l'empereur ait pu donner des ordres pour protéger l'électeur ae Trêves, qui était eh état d'hostilité.
Il expose des doutes plutôt que nos inquiétudes sur lé' côhcert formé entre l'empereur et diverses autres' puissances, sur le fameux congrès projeté pour modifier notre Constitution. Il observe qu'il n'exiète auCtihé raison pour motiver un pareil concert. :
Il convient qu'il a été une époque où la cause dés émigrés, qui paraissait liée avec cëlle du roi, a pu exciter'l'intérêt1 dès sôuvèrains;^niais que depuis l'acceptation de la Constitution par le roi, ce motif ne peut plus intéresser l'empereur. Il lui déclare que le roi désire la paix, mais qu'il désire d'être rassuré. Enfin, M. Delessart enjoint à l'ambassadeur de provoquer des explications sur trois points :
1° Sur l'office du 21 décembre ;
2° Sur l'intervention de l'Empereur sur nos affaires intérieures; « v - ; _
3° Enfin cè que là Majesté Impériale entend par les souverains réunis en concert pour la sûreté et Vhonneur des couennes.
Àssurémënt, Messiéùrs, ce langagé' n'est pas celui de votre décret du mois de janvier : vous n'y demandiez pas la paix bassement. Ce langage que vous vous initiez à tenir était fier et digne d'hommes qui sentent leur grandeur et qui cependant veulent être condamnés justes. Vous ne vouliëz pas qu'on fît dès dissertations pour attirer d'autres dissertations^ Vous ne vouliez pas des explications, mais une déclaration précisé. Vous fixiez un terme, parce que Vous craigniez avec raison qu'on ne vous entraînât dâtts: Une' négociation interminable. ' Vous /âviéz insiste sur la circulaire du:ler novembre, sur la cbhVèntion de Pilnitz, sur lé traité du 25 juillet, parce que ces traités étaient Contraires à votre traité d'alliance, parce qu'ils en étaient la rupture, parce que vous vouliez convaincre l'Empereur par ses propres actes ; et le ministre des affâires étrangères garde un profond silence sur ces pièces importantes ! Vous aviez annoncé lé projet d'examiner le traité de 1756, dont les inconvénients vous avaient frappés; et tel était l'objet du renvoi que vous en aviez fait au Comité diplomatique. Le ministre des affaires étrangères, malgré votre vœu, cherche dans sa lettre à convaincre l'empereur qu'il lui convient dè maintenir les traités : ainsi, loin que le ministre des affaires étrangères ait écrit à l'empereur dans le sens de votre invitation, iL a précisément écrit tout le contraire, excepté sur un seul point, celui du concert; mais ce point est si froidement, si lâchement discuté, on y oublie tellement et la dignité nationale et les convenances politiques, qu'il ne peut remplir vos intentions.
M. Delessart a peut-être cru les mieux remplir en envoyant à l'empereur vos décrets des 14 et 25 janvier dernier, car l'un est cité et discuté
dans la lettre de M. Kaunitz ; et pour l'autre, il y a une allusion si frappante qu'on ne peut s'em-pécher de la reconnaître.
Quoi qu'il en soit, Messieurs, examinons maintenant les réponses du ministre de l'empereur, et voyons si elles doivent nous satisfaire. Je ne parle pas de son explication sur le secours que empereur devait donner à l'électeur de Trêves.
Je n'examine point ici s'il est bienvrai qu'avant toute réquisition l'empereur a le premier soumis, dans ses Etats, la réception des émigrés français aux règles les plus strictes d'un asile innocent. Je n'examinerai point si tant de rassemblements d'ennemis faisant publiquement des exercices militaires, s'incorporant publiquement, tenant partout des discours outrageants pour la nation ou ses représentants, annonçant hautement des projets d'invasion sous la protection ou avec le secours des alliés de la France, se parant avec affectation des signes de la rébellion, accueillis par la cour de Bruxelles, tandis que les cours nationales y étaient proscrites : je n'examine point si toutes ces circonstances étaient bien conformes aux lois d'un asile innocent, bien propres à entretenir la paix et le bon voisinage avec un ancien allié.
Je passe également sous silence le mépris que l'empereur a fait de la réquisition de ses bons offices et de ses troupes, aux termes du traité de 1756, tandis qu'il s empressait de soutenir les préparatifs hostiles de l'électeur de Trêves ou des émigrés qui abusaient de son nom.
J'arrive à une question bien plus importante, à l'examen du concert formé entre l'empereur et les autres puissances. Ce concert a-t-il existé? Quel en a été l'objet? Existe-t-il encore? Peut-il être funeste à la France?
Telles sont les questions dont il faut chercher la solution dans la lettre du ministre de l'empereur, solution qui doit déterminer notre résolution.
Ce concert a-t-il existé? Le ministre autrichien l'avoue, et il le justifie en empruntant les termes mêmes de la lettre de M. Delessart. « Il a été, disait ce dernier dans sa note du 21 janvier, une époque sans doute, où la cause des émigrés, qui semblait liée à la cause du roi, a pu exciter l'intérêt des souverains et plus particulièrement celui de l'empereur. » Le sens de ces paroles n'est pas douteux. M. Delessart, ce ministre qui veut mourir pour la Constitution, qui se plaint qu'on le calomnie, qui n'a pas pu oublier qu'avant cette époque, la Constitution avait été solennellement jurée par le roi, par tous les Français (car, qui a pu oublier la lettre écrite par M. Montmorin, au nom du roi, à toutes les puissances étrangères?) ; M. Delessart qui n'était lui-même qu'un traître envers le roi et envers la nation, s'il a été une époque à laquelle la cause des émigrés a été liee a celle du roi, M. Delessart a donc cru légitimer toutes les conspirations qui ont eu lieu avant l'acceptation de la royauté constitutionnelle par Louis XVI.
Cette opinion, Messieurs, qui paraît avoir été celle de tout le ministère d'alors, donne la clef de sa conduite autrement inexplicable jusqu'à ce moment. Faut-il être surpris si ce ministre de l'empereur a entendu le sens de cette confidence coupable, s'il s'est emparé de cette opinion, pour justifier ce qui ne peut l'être aucunement aux yeux de la nation française, la ligue qu'il a for-mée_avec les diverses puissances?
Je'dois, Messieurs, vous mettre ici ses paroles sous les yeux : « Oui, dit l'empereur (ou le prince
Kaunitz, c'était alors au beau-frère et allié du roi à inviter les autres princes de l'Empire de se concerter avec lui pour déclarer à la France qu'ils regardaient tous la cause du roi très chrétien comme la leur propre ; qu'ils demandaient que le prince et sa famille fussent mis sur-le-champ en entière liberté, et qu'on leur accordât la faculté d'aller partout où ils le jugeront convenable; qu'en réclamant pour toutes ces personnes royales l'inviolabilité et le respect auxquels le droit naturel et des gens obligent les sujets envers leurs princes, ils se réuniront pour venger avec le plus grand éclat tous les attentats ultérieurs quelconques que l'on commettrait ou que l'on se promettrait de commettre contre la sûreté, la personne, l'hortneur du roi, de la reine, de la famille royale; qu'enfin ils ne reconnaîtraient comme loi, comme Constitution légitimement établies en France, que celles qui se trouveront munies du consentement volontaire du roi, jouissant d'une liberté parfaite ; mais qu'au cas contraire, ils emploieront tous les moyens placés en leur puissance, pour faire cesser le scandale d'une usurpation de pouvoirs qui porterait le caractère d'une révolte ouverte. »
Voilà les bases de ce fameux concert. Le croi-rez-vous? cette déclaration qui doit soulever l'indignation d'une nation si fière, l'empereur sou-tient qu'elle ne contient rien d'attentatoire a la dignity, a la surete et a l'independance du peuple fraacais. Ainsi. Messieurs, l'empereur n'at- tentait pas à l'indépendance du peuple français, en s'immisçant dans les affaires de la nation française, en soutenant contre elle le chef du pouvoir exécutif! Il n'attentait pas à la souveraineté du peuple français, en l'avilissant jusqu'à traiter ses membres de sujets d'une famille, en voulant le contraindre à une inviolabilité envers ceux qui violaient sa propre souveraineté, en faisant dériver de la nature et du droit des gens une inviolabilité qui n'est qu'une faveur de la nation 1 II n'attentait pas à la sûreté de la nation, en la menaçant de sa vengeance et de celle de toutes les puissances européennes, si elle voulait continuer des changements à l'égard de la royauié, en qualifiant ces changements ae révolte et d'insubordination ! Il n'attentait pas à la souveraineté de la nation, en prescrivant des bornes à ses innovations; en lui déclarant que lui, que tous les princes, ne reconnaîtraient comme lois constitutionnellement établies en France, que celles qui seraient émanées du consentement volontaire du roi : c'est-à-dire, Messieurs, qu'il violait ici, tous les principes de notre Constitution; car, d'après ces principes, tout pouvoir vient du peuple; ce peuple a droit de changer sa Constitution et d'y faire telles inno--vations que bon lui semble, et, pour faire ces innovations, il n'a besoin du consentement de personne. Crest en conséquenêe de ce principe que l'acceptation de la Constitution par le roi était indifférente, inutile à son complément, et qu'elle n'était nécessaire que pour lui, que pour constater qu'il acceptait la royauté constitutionnelle. (Applaudissements.)
Telle est, cependant, la déclaration que le ministre de Léopold prétend justifier par tout ce que les principes du droit des gens ont de plus sacré. Quel est donc ce prétendu droit des gens devant lequel doit se plier le droit que la nature donne à tous les hommes? C'est le droit des despotes. Ce n'est pas même le droit que le ministre cite, parce que le droit des gens n'embrasse que les rapports des nations entre elles, et non pas les
rapports des membres d'une société avec ceux qui les gouvernent. Et c'est sur un droit tyran-nique aussi visiblement usurpé, c'est sur un sophisme aussi mal fondé, que le ministère autrichien s'appuie pour justifier la ligue! Comment, dit-il, peut-on caractériser ce concert de ligue contre la France, lorsque son seul but était de venir à l'appui de l'inviolabilité du roi et de la monarchie française, reconnue par la Constitution? Eh! Messieurs, qui peut-être dupe d'un subterfuge aussi misérable? Je l'adopte, pour un moment, et je demande qui a donné à Léopold la mission de défendre, de protéger, les armes à la main, cette inviolabilité? Est-ce le peuple? Non. Le peuple français n'a pas besoin de secours étrangers pour soutenir sa Constitution, son bras seul suffira. Est-ce le roi lui-même? Mais il n'aurait pu, sans crime, invoquer l'appui de l'empereur contre la France.
Le ministre autrichien avoue, il est vrai, que d'après l'acceptation du roi, il convenait que Léopold proposât lui-même aux autres puissances, par sa circulaire du 1er novembre, de suspendre le concert, par la vraisemblance, ajoute-t-il, que cette acceptation avait été volontaire, et par l'espoir que les dangers qui menaçaient la liberté, l'honneur et la sûreté ae la famille royale, ainsi que la conservation du gouvernement monar-: chique en France, cesseraient à l'avenir. Ce n'est, ajoute-t-il, que dans le cas où le péril se renouvellerait que la part active du concert est insérée dans la note du 1er novembre. Observez, Messieurs, que Léopold ne croit pas à la vérité, mais à la vraisemblance (te l'acceptation du roi, et ce mot doit vous donner un grand trait de lumière en le rapprochant de l'office du 5 juillet 1791, où Léopold ait ne reconnaître pour lois constitutionnelles que celles émanées du consentement du roi.
Avec ce mot on se réserve la faculté de revenir sur le passé et d'avoir un prétexte de guerre ; et cette lettre mêipe en offre la preuve ; car malgré les phrases longues et entortillées dont le ministre autrichien s'enveloppe, il est évident que le concert entre l'empereur et les puissances existe toujours, est en pleine activité; je dois encore vous mettre sous les yeux un autre passage frappant qui vous en convaincra :
« Tant que, dit Léopold, l'état intérieur de la France, au lieu d'inviter à partager l'augure favorable de M. Delessart sur la renaissance de l'ordre, l'activité du Gouvernement et la puissance des lois, manifestera au Contraire des symptômes d'inconstance et de fermentation, les puissances armées de la France auront le plus sujet de craindre pour le roi et la famille royale le retour des mêmes extrémités qu'ils ont éprouvées, et pour la France, de la voir replongée dans le plus grand des maux dont un grand Etat puisse être affligé, l'anarchie populaire; mais c'est aussi celui des maux le plus contagieux pour les autres peuples, et tandis que plus d'un Etat étranger a déjà fourni les plus funestes exemples de ces droits, il faudrait pouvoir contester aux autres puissances le même droit de maintenir leur Constitution, que la France réclame pour la sienne, pour ne pas convenir qu'il n'a jamais existé d'alarmes et ae concert général plus légitime, plus urgent, plus essentiel à la sûreté française. »
Ainsi, Messieurs, il est évident, d'un côté, que l'empereur, au mois de juillet 1791, a formé une ligue pour défendre la cause du roi des Fran-
çais, lui maintenir la couronne, empêcher les innovations, s'immiscer dans la Constitution et dans les affaires intérieures de la France. Il est évident, d'un autre côté, de l'aveu même du ministre autrichien, que ce concert existe encore, qu'il est encore en pleine" activité. Il est donc évident que l'empereur, loin de le faire cesser, permet que son ministère nous déclare positivement qu'il se croit obligé, tant pour son intérêt personnel que pour celui du roi des Français, d'y persévérer.
Ainsi, loin que l'empereur vous ait donné satisfaction, loin qu'il vous ait fait la déclaration que vous aviez invité le roi de lui demander, il repousse, au contraire, toute idée de satisfaction; il adhère plus que jamais à cette ligue qui vous paraissait alarmante et contraire à notre sûreté, à notre dignité, à notre indépendance. Donc, d'après l'article 4 du décret du 25 janvier, l'empereur tombe dans le cas de la guerre, ou vous tomberiez en contradiction avec vous-mêmes ; car, rappelez-vous, Messieurs, que vous avez annoncé que vous regarderiez comme déclaration de guerre toute réponse évasive et dilatoire : or, ici il n'y a pas même de réponse évasive et dilatoire, la réponse est claire, la réponse est un refus joint à des menaces et à des outrages.
Voulez-vous, Messieurs, une dernière preuve de la persévérance de l'empereur dans sa ligue avec les puissances? Il vient de conclure un nouveau traité définitif avec le roi de Prusse, traité qui a été signé le 7 février dernier, dont on a annoncé la prochaine notification officielle à votre ministère. Ce traité repose sur les mêmes bases que les précédents. Les princes, dit-on, ne cherchent qu'a se garantir des effets de votre Révolution et d'une attaque de la France; mais comment peut-on croire que ces princes craignent sérieusement les attaques d'une nation qui ne veut que la justice, qui ne veut pas de conquête, point d'agression, et à qui sa propre situation commande la tranquillité? Ce prétexte de défense n'est donc invoqué par les princes que pour couvrir un réel projet d'attaque : une ligue formée pour se défendre de qui ne veut point attaquer est par trop absurde : c'est donc une véritable ligue offensive, ou elle n'aurait pas d'objet. Ces faits et ces raisonnements me paraissent suffisants pour vous convaincre des intentions hostiles de l'empereur. Je ne parle pas ici de ces diatribes contre les républicains et les jacobins ; ces déclamations appartiennent plus à un esprit de parti français qu'à l'esprit et aux intérêts de l'empereur ; et si des traits d'ignorance prouvent que le ministère autrichien est étranger aux détails de notre intérieur, des traits sarcastiques et son opiniâtreté à poursuivre-nos sociétés populaires, prouvent qu'il n'est pas étranger aux vues, aux haines de certains partis. Enfin, Messieurs, ces déclamations prouvent que Léopold est trompé sur notre situation, qiril sert, peut-être sans le savoir, d'instrument à des hommes méprisables qui veulent plutôt se venger que le servir.
Les rois sont-ils donc condamnés à ne jamais connaître la vérité? Comment l'empereur n'a-t-il pas reconnu dans notre Révolution l'empire de cette philosophie qu'il a lui-même cultivée? Comment n'a-t-il pas vu que cette Révolution, qui n'est pas, comme les anciennes, seulement au profit de quelques individus, mais d'une nation entière, qui, ayant cette nation pour appui, ne peut être renversée en un moment avec des moyens ordinaires, ni par de misérables intri-
gues? Comment n'a-t-il pas vu que dans une pareille révolution, les sociétés particulières n'ont pas l'influence qu'il leur prête, ou que si elles 1 ont, c'est que toute la nation est dans ces sociétés? Enfin, comment n'a-t-il pas jugé, sa position et la nôtre, et n'a-t-il pas pris le seul parti qui lui convenait, pour conserver la tranquillité dans ses Etats? Léopold devait, par politique même, se montrer avec franchise et loyauté; il devait dire à la nation française : Vous avez changé la forme de votre gouvernement : le roi adopte ces changements; je suis loin dé les blâmer; je veux rester votre ami, votre allié. Vous avez des embarras ; mes moyens sont à vous; des ennemis vous menacent, je les combattrai. Comme roi, je devrais haïr votre Révolution, comme homme je dois la bénir et préparer nos peuples à eh sentir les bienfaits. C'est ainsi, Messieurs, que.Léopold aurait affermi son trône à l'ombre même de notre Révolution. 11 n'a fait , que l'ébranler avec ses déclamations contre vous et votre Révolution. (Applaudissements.) Descendre à Une justification serait indigne de vous. D'un côté, tous vos actes prouvent la fidélité religieuse avec laquelle vous avez maintenu la Constitution, et de l'autre vous n'êtes point les vengeurs des sociétés populaires. Sont-elles utiles à la liberté? Vous devez les protéger. S'écartent-elles de la loi? Vous saurez les y ramener. Veut-on vous forcer de les détruire? Ce piège est trop grossier. Vous connaissez les droits du peuple, ils sont avant vous, ils sont avant la loi. Vous pouvez en punir l'abus; vous ne pouvez pas en ôter l'usage, ou vous nè seriez que des tyrans. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) '
La terreur que le ministre de Léopold excite sur les manœuvres des républicains et des jacobins, ne paraît être qu'un prétexte pour continuer sa ligue avec les autres puissances et pour continuer ses armements. Mais vous devez renverser même ce prétexte.
Quand bien même il existerait dans le sein de la France des hommes qui eussent conçu - le projet criminel de changer la Constitution avant le terme prescrit par la loi, quand bien même les hommes et les sociétés populaires seraient coupables de tous les délits dont on les accuse, serait-ce une raison suffisante pour autoriser Léopold à s'armer contre vous, à se préparer à intervenir dans les discussions qui peuvent diviser les Français? Vous seuls êtes juges de ces délits contre la patrie; vous seuls avez le droit de frapper les conspirateurs ; vous seuls avez le droit de prendre toutes les mesures pour empêcher le renversement ou le changement de la Constitution : toute puissance étrangère qui usurpe un pareil droit, qui veut intervenir dans vos querelles intérieures, porte par cela même atteinte à l'indépendance et à la souveraineté de la nation. (Applaudissements.)
Ainsi donc, Messieurs, puisqu'il est évident que le concert entre l'empereur et les autres puissances existe, puisqu'il ne peut avoir d'autre objet que de menacer la Constitution et la France sous prétexte de les défendre, comment pour-rait-on approuver dans toutes ses parties la réponse faite par M. Delessart, au nom du roi, à l'empereur? Il met de côté tout ce que son confrère, M. Kaunitz, expose d'inquiétant sur ce concert ; il ne s'arrête qu'à une phrase de la note du ministre des Autrichiens ; il prétend que l'empereur se plaint de la calomnie par laquelle on lui impute d'avoir attenté à la souveraineté de la
nation française, par des concerts et des alliances, et il se garde bien de citer les phrases qui prouvent et l'existence et la clarté et le funeste objet de ce concert ; il met de côté' les menaces et les outrages et ne s'attache qu'aux protestations pacifiques et amicales ; il se borne à lui demander la cessation d'un concert qui n'a point d'objet. C'est demander ce qui a déjà été refusé; c'est demander qu'on abandonne ce concert, sans réfuter les sophismes sur lesquels on appuie sa nécessité; c'est, en ne fixant point de terme, entraîner d'autres délais funestes; en un mot, c'est rester au même état d'incertitude, après avoir perdu un temps précieux dans de vaines explications.
Il est vrai que le roi offre de prendre l'engagement de faire cesser tous les préparatifs de guerre et de réduire les troupes sur les frontières, aussitôt que l'empereur aura fait la même chose; mais n'y a-t-il pas plus que de la mollesse dans cette proposition?n'est-elle pas dénaturé à faire croire que nous craignons la guerre, ou que nous avons besoin de la pâix ? ou plutôt l'empereur n'en est-il pas persuadé, puisque M. Delessart lui en fait ingénument confidence? Et comment, d'après cette confidence, nous aurait-il épargné les menaces et les injures?
Il est encore vrai que le roi déclare que, d'après une invitation aussi loyale, il ne pourrait voir dans une réponse qui ne porterait pas le même caractère, que la volonté de prolonger une situation dans laquelle la France ne peut ni ne veut rester. Eh! que signifient ces phrases? on y répondra par d'autres phrases et nous achèverons d'épuiser les restes d'un temps précieux et irréparable.
An! si, pénétré de la dignité, de la majesté qui convient au peuple français, on eût voulu imiter son langage et sa franchise, il fallait éluder ce déluge ae mots qui ne servent qu'à embrouiller les idées; il fallait emprunter la noble brièveté des Spartiates, tracer un cercle étroit autour de l'empereur, lui fixer un terme et ne pas sacrifier à une étiquette ridicule la sûreté ét fa liberté de la France.
Telle avait été l'intention de l'Assemblée nationale : elle avait bien prévu les inconvéniénts de tout autre mode, et sa prévoyance sé réalise ; car, faute d'avoir suivi la route qu'elle avait ouverte, nous sommes encore au même état d'incertitude où nous a jetés l'offiee du 21 décembre. Nous ignorons encore si nous aurons la guerre ou la paix, et nous avons perdu deux mois et demi dans de vaines négociations.
Cependant, malgré la perte que nous avons faite, nous ne devons pas désespérer ; mais que doit faire l'Assemblée nationale? Si le roi avait notifié à l'empereur son décret du 25 janvier, ou plutôt s'il l'avait suivi formellement, la marche serait simple. L'empereur ayant répondu, sur l'article du- concert, qu'il se croyait nécessité à le maintenir, il est évident que nous devrions prendre cette réponse comme une déclaration de guerre, et que le roi devrait la proposer aussitôt. Mais le roi n'a point suivi votre invitation; il n'a point demandé d'explication nettè et précise sur ce traité; il n'a point fixé un terme pour la donner, il n'a point déclaré que toute réponse évasive ou dilatoire serait regardée comme une déclaration de guerre," il paraît, au contraire, que l'empereur croit ce décret sans exécution parce que, ignorant nos formes, il croît que ce décret a besoin de sanction, et qu'il fait qu'on ne lui en a pas donné. Il y aurait donc de l'injus-
tice et de la déloyauté d'attaquer sur-le-champ l'empereur, en conséquence de la notification qui ne lui a pas été faite. Cependant le danger presse; quel est l'homme assez aveugle pour ne pas voir dans ses dissertations volumineuses le dessein de traîner en longueur ses explications, et de nous amener à cette saison où tout l'avantage pourrait être en faveur de nos ennemis? Qui ne voit dans le mécontentement de Léopold sur votre opiniâtreté d'écarter la noblesse, le désir de lavoir ressusciter chez nous? Qui ne lui en voit déjà faire la proposition dans ces tempéraments qui peuvent se lier avec les éléments d'une monarchie libre. N'est-ce pas peindre sans déguisement la Chambre haute? Qui ne voit sa haine du peuple, cachée sous celle pour les Jacobins, son aversion pour la doctrine de la souveraineté du peuple, sa crainte de la chute du pouvoir absolu dans sa haine contre les républicains? Qui ne voit qu'il a juré la ruine de notre Constitution et de ses principes qu'il peint comme dangereux et contagieux? Qui ne juge de l'intensité ae sa haine pour notre Révolution par les sacrifices qu'il rait en se liguant avec le roi de Prusse? Qui ne doit redouter les effets de ce nouveau traité du 7 février, dont on vous cache à dessein les clauses? Qui ne voit enfin que, si la conspiration des princes ne fait pas à la France des menaces plus violentes, c'est que le moment n'est pas favorable pour l'explosion, c'est que tous les préparatifs nécessaires pour la faire recevoir ne sont pas encore achevés, quoiqu'ils se continuent tous les jours avec une activité qui redouble?
Attendrez-vùus donc, Messieurs, qu'ils soient complets pour prendre un parti déterminé? At-tendrez-vous d'être sur le bord de l'abîme pour vous réveiller, pour vous montrer tels que vous devez être? Laisserez-vous consumer ce qui reste d'un temps précieux dans de vaines explications? Non, si la loyauté vous ordonne dé ne pas attaquer sur-le-champ l'empereur, la prudence et votre danger vous commandent d'exiger enfin de lui une déclaration positive qui vous autorise ou à attaquer ou à poser les armes. Or, celle qui a été faite par le pouvoir exécutif est loin d'avoir ce caractère. L'Assemblée nationale doit donc réitérer son invitation du 25 janvier, insister sur la nécessité d'exiger une déclaration précise, fixer un terme fatal, presser les prépa-tifs de la guerre, et surtout elle doit appeler toute la responsabilité sur la tête des ministres s'ils ne se conforment pas à cette invitation; car enfin il est question ici du salut ou de la perte de la France. Cet article m'amène naturellement à ma dénonciation contre M. Delessart.
En vous dénonçant, Messieurs, le ministre des affaires étrangères, je remplis une de ces fonctions redoutables que dés législateurs ne doivent pas entreprendre légèrement. Le salut de la France me l'ordonne, et je croirais trahir -mon serment si, convaincu qu'un ministre a compromis la sûreté, la dignité de la nation, si, convaincu que le laisser à son poste c'est préparer les plus grandes calamités à la patrie, je n'exposais pas à tous les regards, tous les faits et tous les motifs qui ont gravé cette conviction dans mon âme. On a cherché à décourager les dénonciations. Il ne faut en décourager que l'abus; mais lorsqu'un citoyen se présente avec des faits et des preuves, lorsque le plus grand intérêt provoque ces dénonciations, il a droit à l'attention des représentants du peuple.
Le ministère des affaires étrangères n'est pas
pour la responsabilité dans la classe des autres départements. On demande pour tous une confiance entière, elle n'est nécessaire que pour la conduite des affaires étrangères.
Dans les autres départements, la loi seule doit diriger les ministres, elle doit seule diriger leur surveillance.Ont-ils suivi, ou non, la loi? Voilà le point où doivent se ramener presque toutes les questions que fait naître la responsabilité dans les autres départements; mais dans le département des affaires étrangères, il n'y a point ae loi à suivre, c'est l'intérêt national qu'il faut défendre au dehors, c'est lui qui doit servir de règle, soit pour diriger le ministre, soit pour l'accuser. A-t-il trahi ou négligé cet intérêt? Tel est le point où peuvent se réduire les questions relatives à la responsabilité de ce département.
Mais, Messieurs, il y a tant de manières d'envisager Cet intérêt extérieur, il peut y avoir tant de variations dans les opinions sur la bonté des mesures j publiques, que la responsabilité devient difficile et presque impossible à exercer, qu'un ministre coupable ou inepte peut toujours échapper avec la plus grande facilité. L'intérêt national est-il évidemment blessé? Le ministre peut toujours se couvrir du voile de l'incapacité, et le coupable se dérober à la peine. Le ministre des affaires étrangères ne communique de sa correspondance que ce qu'il veut, et est-il obligé de la communiquer entière, il a la ressource ae la double correspondance, l'une ostensible, l'autre chiffrée. Il a vingt manières pour soustraire sa véritable marche aux regards ae ses surveillants. Que conclure de ces réflexions? Qu'un législateur doit être sévère quand un pareil coupable est découvert, car la sévérité doit être en raison du facile accès à l'impunité. Elle doit être encore en raison de la confiance que la nature des choses force d'accorder à un ministre. Or, Messieurs, cette confiance doit être ici entière ; car on ne peut surveiller à chaque jour, à chaque instant un ministre des affaires étrangères, ou l'on troublerait ses opérations. Ce n'est presque toujours que lorsqu'elles sont consommées qu'on peut juger et l'intention du ministre et la bonté ae ses démarches. Jusque-là une confiance entière doit l'environner. Or, la sévérité dans la poursuite doit être en raison de la grandeur de la confiance dont on a revêtu le ministre.
Enfin, Messieurs, observez que ce ministre peut, par sa nature, attirer sur un Etat les plus grands périls. Supposez un ministre incapable ou pervers, il peut, par cette incapacité ou à dessein, aliéner les puissances étrangères, exciter une guerre, compromettre la dignité ou la sûreté de l'Etat. Telles sont les considérations que vous ne devez pas perdre de vue sans l'examen de cette énonciatiôn. Vous devez être justes, mais n'oubliez jamais aussi que l'indulgence peut compromettre le sort de 25 millious d'hommes. N'oubliez jamais que nous sommes dans des circonstances critiques, où la perversité ou l'incapacité peuvent causer des maux incalculables^ et conséquemment l'incapacité seule devient un véritable crime pour un ministre; car s'opiniâtrer à tenir le gouvernail dans une tempête, lorsqu'on n'a ni la force, ni la tête, ni le courage nécessaires, c'est s'exposer à être l'assassin de ses frères, qu'un homme plus habile pourrait sauver. (Applaudissements.)
Pour juger, Messieurs, la conduite de M. Delessart, il faut nous reporter à l'époque où il est entré dans le département des affaires étran-
gères. Qu'avait à faire en y entrant un homme
Sui eût voulu sincèrement l'établissement de la onstitution et préserver son pays du danger qui le menaçait ? Il aurait exposé à l'Assemblée nationale la situation extérieure, il lui aurait révélé les traités des diverses puissances dirigés contre la France ; il aurait fait voir, d'après la circulaire du 1er novembre, qu'il existait un concert entre elles, dont le prétexte était de défendre l'honneur des couronnes, dont le véritable objet était d'alimenter la division dans le Gouvernement français, afin de pouvoir établir un ordre de choses plus conforme au despotisme ; il aurait chargé l'ambassadeur de France à la cour de Vienne, de demander une déclaration sur ces conventions secrètes ; en un mot, il aurait pris toutes les mesures pour prévenir l'effet de ce concert puissant. Aucune époque ne pouvait être plus favorable; en commençant cette marche dès le mois de novembre, ou 1 empereur aurait répondu d'une manière satisfaisante, ou bien il aurait déclaré persévérer dans ce concert. Dans le dernier cas, tous les avantages possibles favorisaient l'attaque des Français, us pouvaient ' être facilement rassemblés, et nos ennemis n'étaient pas prêts à nous recevoir. En un mot, une paix inaltérable ou une guerre prompte, tel était le but où l'on devait tendre dès le mois de novembre. Il fallait donc, dès lors, tenir un langage ferme et clair, offrir la paix et l'union si on voulait rompre le concert ; si on ne le voulait pas, il fallait menacer de la guerre ; voilà ce qu'aurait dû faire un ministre patriote et éclairé. Voyons ce qu'a fait M. Delessart.
D'abord il n'a point donné connaissance, ni à l'Assemblée nationale ni même au Comité diplomatique, des circulaires de juillet, du traité avec la Prusse, de la convention de Pilnitz, ni même de la déclaration du mois de novembre ; il a donc caché à l'Assemblée des pièces importantes qui auraient pu l'instruire des dangers dont on la menaçait au dehors, des pièces qui auraient pu la déterminer à prendre des mesures extérieures : premier délit et délit très grave ; car ces traités devaient être regardés comme hostiles, puisque jè vous ai démontré qu'ils étaient attentatoires à l'indépendance, à la souveraineté, à la sûreté de la nation française.
M. Delessart a donc compromis par son silenee opiniâtre et la sûreté et la Constitution de la France. Dira-t-il qu'il n'a pas eu connaissance de ces pièces ? Mais quel est donc le devoir du ministre des affaires étrangères? N'est-ce pas de se procurer toutes les pièces publiques et secrètes qui peuvent intéresser la sûreté ou les relations extérieures de la patrie? Pourquoi donc entretient-on à grands irais tant d'ambassadéurs, tant de chargés d'affaires, tant d'espions de toutes les couleurs dans toutes les cours d'Europe? Pourquoi consacre-t-on des millions à des dépenses secrètes? N'est-ce pas pour se proeurer la connaissance des manœuvres secrètes des cabinets de l'Europe? Par quelle fatalité se fait-il donc qu'avec tant de moyens de connaître les secrets les plus cachés de ces cabinets, notre ministère n'ait pas pu se procurer même ce qui était publié? car la circulaire de Padoue, la convention de Pilnitz et la circulaire du mois de novembre n'ont pas tardé à être publiques ; et il eût été impossible qu'elles ne le fussent pas, puisque par leur nature, elles devaient tomber dans une roule de mains. Telle en a été enfin la publicité que toutes les gazettes les ont copiées, et cependant le ministère n'en a donné aucune connais-
! sance officielle à l'Assemblée nationale. Dira-t-il qu'il ne devait pas lui présenter des pièces qui n'avaient d'autre authenticité que la publicité des gazettes? Mais son devoir ne lui ordonnait-il pas de prendre des renseignements dans les diverses cours d'Europe, et n'aurait-il pas connu facilement leur authenticité? Aussi, ou M. Deles-sard a connu ces pièces, et il est coupable et il a trahi son devoir en ne les communiquant pas à l'Assemblée nationale, en ne provoquant pas les mesures nécessaires pour le salut public, ou il ne les a pas connues, et il est encore coupable de négligence en n'ayant pas pris tous les moyens de se les procurer, en n'ayant pas rap-pele et remplacé les envoyés de France à Vienne, à Berlin, à Ratisbonne, qui lui cachaient des faits aussi importants. Si l'Assemblée nationale eût été instruite du concert formé entre les puissances, elle ne se serait pas bornée dans son message au roi, du mois de novembre, à demander au roi qu'il prît des mesures contre les émigrés : elle l'aurait invité à presser l'empereur de s'expliquer sur ce concert et d'y renoncer, et ce point était bien plus grave, bien plus important que celui de dissiper quelques attroupements d'émigrés. ,
Non seulement M. Delessart nous laissait ignorer les intentions des princes dont l'empereur était l'âme, mais il cherchait encore à nous persuader que ce prince était à notre égard dans les intentions les plus pacifiques. Rappelez-vous en effet ce que le roi vous disait ici dans son discours du 14 décembre : « L'empereur a rempli ce qu'on devait attendre d'un allié fidèle, en défendant et en dispersant tout rassemblement dans ses Etats ». Il proférait ces mots dans le temps même où l'empereur violait de la manière la plus scandaleuse le traité de 1756 : dans le temps où il refusait ses bons offices et ses troupes à la France, et les prêtait à l'électeur de Trêves.
Quinze iours après, le roi, dans sa lettre du 30 décembre, commence à s'apercevoir de son erreur. L'office de l'empereur du 21 décembre lui a ouvert les yeux. « Cet office, vous écrivait-il, m'a causé la plus grande surprise, j'avais droit de compter sur les sentiments de l'empereur et sur son désir de conserver avec la France la bonne intelligence ». Cet office du 21 décembre annonçait clairement le concert formé entre l'empereur et les puissances. « L'empereur, y disait-on, est trop vivement attaché à Sa Majesté Très Catholique pour ne pas désirer d'éloigner cette extrémité de la guerre qu'il pourrait s'attirer de la part des autres puissances réunies en concert pour le maintien de la tranquillité publique et pour la sûreté des couronnes ». Ce langage était clair; le croiriez-vous, Messieurs? le ministre des affaires étrangères n'a cependant encore demandé aucun renseignement sur ce concert à l'empereur ; car, dans la réponse que le roi vous annonçait, dans sa lettre du 31 décembre, avoir faite à l'empereiir, il n'est aucunement question de ce concert; on ne parle que de l'électeur de Trêves et du désir de conserver la paix. Il semblait que M. Delessart voulût en dérober la connaissance ;on ne la donne que le plus tard possible; il semblait se réserver cette matière nouvelle à des explications et des négociations, pour tempérer l'ardeur de la nation française, qui brûlait d'attaquer et de se venger des insultes qu'elle avait reçues.
Un ministre habile et patriote aurait vu dans ce concert le foyer de tous les orages qui pouvaient menacer la France, il se fût attaché opi-
niâtrément à le dissiper : M. Delessart respectait au contraire ce foyer, et ne s'attachait qu'a quelques ramifications, au rassemblement des émigrés, aux princes possessionnés. Un ministre habile et patriote eût insisté fortement auprès de l'empereur sur la destruction de ce foyer": M. Delessart affectait même de ne pas le connaître. Un ministre habile ét patriote se fût empressé de faire sentir à l'Assemblée nationale la nécessité de la destruction de ce concert, la nécessité de hâter les mesures diplomatiques et militaires, et se fût empressé de communiquer à l'Assemblée tous les offices qui pouvaient accélérer et diriger sa marche : M. Delessart, au contraire, prenait le plus grand soin pour dérober ces offices. Et, je. vais, Messieurs, vous en citer un exemple frappant : rappelez-vous l'ardeur qui régnait aux mois de décembre et janvier, dans tous les esprits ; on désirait que le ministre ne perdît aucun moment pour avoir une déclaration positive, afin d'entrer en campagne, et cependant tout semblait concerté pour nous épuiser par des lenteurs perfidés.
M. Delessart reçoit, le 12 ou le 13 janvier, une réponse de l'empereur du 5 ; il la cache avec soin au Comité. On savait l'arrivée de ce courrier. Instruit par un patriote digne de foi, qu'il avait reçu des dépêches importantes de Vienne, qu'on y annonçait un ordre de faire marcher 28,000 nommes^ je le presse de communiquer cet office. M. Delessart répond qu'il n'en a reçu aucun; et cependant il avait reçu cet office ; il ne l'a communiqué que le 1er mars, en balbutiant une justification ridicule, si elle n'est pas de -mauvaise foi. (Applaudissements dans les tribunes.) L'empereur montre dans cet office son inquiétude sur le rassemblement de 150,000 hommes, sur les déclamations injurieuses et menaçantes contenues dans les gazettes sur les complots des clubs. « De tels faits, ajoute-t-il, offrent de justes sujets d'alarmes, sollicitent l'attention des puissances étrangères réunies en concert. »
Si cet office eût été connu de l'Assemblée nationale, elle aurait sans doute insisté avec plus de force sur la nécessité d'avoir une déclaration prompte, positive, relative au concert, ou de prendre des mesures rigoureuses pour le faire cesser. Mais le ministère voulait contrarier ces mesures rigoureuses par des négociations éternelles. Un ministre dévoué aux intérêts de l'empereur aurait-il agi autrement? L'empereur n'était point préparé à la guerre ; une invasion subite lui causait des pertes irréparables. On arrêtait cette invasion en mettant une grande distance dans la communication des dépêches, dans les réponses, en écrivant des dissertations pour provoquer des dissertations; et pendant cette polémique les préparatifs se faisaient, le temps favorable se perdait.
Tel a été, je ne dis pas l'intention, mais l'effet de la conduite de M. Delessart ; s'il en a eu l'intention, c'est un traître, s'il n'y a pas eu d'intention, c'est incapacité, mais une incapacité bien funeste à la France. Ce système, perfide et inepte est encore bien plus développe dans la fameuse lettre confidentielle que je vais examiner.
On s'attend à voir le roi lui-même écrire avec noblesse et fermeté à l'empereur : point du tout, c'est M. Delessart qui seul écrit. On dit que c'est l'usage diplomatique; cet usage pouvait convenir à l'ancien régime ; il est contraire au nouveau ; le nouveau veut que chaque fonctionnaire public remplisse ses fonctions ; le roi, le premier de ces
fonctionnaires, étant chargé de suivre les relations extérieures, doit donc signer les actes nécessaires pour les entretenir, sa signature seule doit leur donner l'authenticité convenable. 11 est étrange que le roi soit obligé de communiquer lui-même avec l'Assemblée nationale, tandis qu'il se dispense de communiquer lui-même avec les puissances étrangères. Il semble que s'il est un genre de communication où la signature du roi soit iinportante, c'est dans les relations extérieures. Et peut-on être surpris maintenant que les puissances étrangères ajoutent si peu de foi à toutes les déclarations du roi de France, lorsqu'on le voit, dans tous les actes, remplacé par des ministres, et lorsqu'on est persuadé que ces ministres ne sont pas de son libre choix?
Mais à qui M. Delessart écrit-il ? Est-ce à l'empereur ou à ses ministres ? Non, c'est à M. de Noailles, ambassadeur de France^ et il lui écrit une note confidentielle, c'est-à-dire une note à laquelle, on ne devait pas répondre publiquement ; et pourquoi ne voit-on pas paraître les lettres qui devraient être publiques? M. Delessart dit qu'elles existent, mais il n'en a montré aucune; et cette réserve doit augmenter les inquiétudes sur sa conduite; et s'il en a écrit, il est bien étrange que M. de Kaunitz n'en fasse au eu né mention dans sa réponse.
J'entre dans l'examen ae cette lettre. Je ne m'arrêterai point au paragraphe qui. regarde l'électeur de Trêves: je ne relèverai point les traits qui marquent l'influence éternelle de l'ancien système diplomatique. Trois points essentiels frappent mon attention : 1° la faiblesse coupable avec laquelle M. Delessart parle du concert des princes ; 2° la perfidie des communications sur l'état de notre intérieur ; 3° l'affectation coupable de demander la paix. Et d'abord, Messieurs, avec quelle faihlesse le ministre parle de ce concert, dont l'existence était si bien démontrée, dont l'objet était si contraire aux intérêts de la France! Il a l'air de douter de son existence. « On a été, dit-il, extrêmement frappé de ces expressions: les souverains réunis en concert; on a cru y voir l'indice d'une ligue formée à l'insu de la France et peut-être contre elle. » L'indice! Comment une expression aussi lâche, aussi criminelle, est-ellé échappée au ministre? Les preuves les plus frappantes de cette conjuration n'étaient-elles pas ecrites dans la circulaire, dans le traité du mois de juillet, dans la convention de Pilnitz, dans la déclaration du mois de novembre? Gomment l'empereur n'aurait-il pas vu, dans cette mollesse de style, la preuve qu'on redoutait ses armes, preuve de l'impuissance de la France, et comment n'aurait-il pas déployé la résolution la plus ferme de persévérer dans ce cohcert?
« On a été étonné, ajoute le ministre, que l'empereur, beau-frère et allié du roi, né lui ai point fait part de ce concert entre les souverains de l'Europe. »
L'empereur : allié du roi ! le roi des Français a-t-il donc des alliés? J'imaginais avec tous les patriotes et avec la Constitution, que la nation seule en avait maintenant. Cette expression au-rait-elle été réfléchie, ou bien ne serait-elle que "l'effet de cette habitude incurable des ministres, de confondre la nation avec le roi, de subordonner celle-ci à un individu? On serait tenté de le croire, lorsqu'on voit dans le même paragraphe, le ministre placer le roi avant la nation, ne voir en tout que le roi, comme si la nation ne
comptait pour rien; lorsqu'on voit enfin M. Delessart n'être affligé du concert des puissances que parce que ce concert entraînait de nouveaux chagrins pour le roi. On s'en appuie, dit-il, pour accuser le roi de complicité avec la cour de Vienne. Etait-ce donc là la première, la seule idée qui devait frapper le ministre d'une grande nation ? Ne devait-il pas s'indigner plutôt de ce que ce traité attentait a l'indépendance nationale ? Devant un si grand intérêt, tout autre intérêt individuel ne devait-il pas s'évanouir? Et cependant, Messieurs, on oublie le premier, on ne cite que le second ; on le cite avec une chaleur plus propre à confirmer les soupçons qu'à les diminuer.
Ce n'était pas assez de dégrader la nation, en élevant le roi seul, M. Delessart la trahissait manifestement, en demandant des explications sur ce concert ; ces explications étaient absolument inutiles; le ministre avait sous les yeux les circulaires qui contenaient les projets coupables de concert. C'était donc demander ce qu'on savait bien, ce qu'on savait déjà; c'était donc faire une démarche absurde, inutile ; on voulait gagner du temps, ou en donner à l'empereur : il y avait donc encore une fois ici ou ineptie ou trahison.
On a beaucoup applaudi l'éloge que le ministre a fait, dans ce paragraphe de notre Constitution ; mais analysez cet éloge avec soin, et vous y trouverez les traits ïes plus perfides. On y lit que la Constitution est devenue, pour la grande majorité de la nation, une espèce de religion qu'elle a embrassée avec enthousiasme. La grande majorité de la nation! Je l'avoue, Messieurs, j'ai été souvent inquiet de cette expression que j'ai vue constamment employée par le pouvoir exécutif. Lisez les lettres du roi,, ses discours, il n'y parle jamais que de cette grande majorité,
N a-t-on pas voulu réserver, par ces mots, un argument à la minorité, dans des temps plus heureux? (.Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes). Je l'ignore, mais ce que je sais, c'est que cette expression est un outrage pour la nation; car, je le demande et je mets ici dé côté les émigrants, quel est le Français qui n'a pas souscrit à cette Constitution, qui ne sent pas la nécessité de la maintenir pour sa propre sûreté ? Ce que je sais, c'est qu'il est perfide d'annoncer aux puissances étrangères que notre Constitution n'est adoptée que par une grande majorité, c'est leur dire qu'il existe une minorité dont on peut être obligé, à cause des^ circonstances, de taire la force, une minorité qui, si elle était aidée, pourrait devenir redoutable.
Et pourquoi encore, Messieurs, ne parler que ' de l'enthousiasme avec lequel le peuple français a embrassé cette Constitution? Employer ce mot vis-à-vis des princes étrangers, n'est-ce pas leur donner une petite mesure du sentiment qui vous attache a la Constitution? Car les rois ne sont-ils pas accoutumés à regarder l'enthousiasme comme une flamme légère qui se dissipe aisément? N'est-ce pas leur dire que le peuple français aime la liberté avec plus de légèreté que de raison? Oui, sans doute, le peuple français a de l'enthousiasme; mais ce n'est pas un simple enthousiasme, un enthousiasme aveugle, il est raisonné; et si le peuple défend la liberté jusqu'à la dernière goutte de son sang, c'est parce qu'il est intimement convaincu, par la raison, que sa fortune et sa vie ne sont que des chimères sans la liberté. (.Applaudissements.) Le
ministre n'est-il pas encore plus coupable en communiquant confidentiellement au prince de Kaunitz ses idées sur la situation de l intérieur de la France? Méditez, Messieurs, cette phrase : « On parle de mécontents, de l'indiscipline de notre armée, de la pénurie de nos finances, de nos troubles intérieurs, en un mot on nous peint comme étant dans une impuissance absolue. Je ne dissimule pas que nos embarras ne soient grands, mais le lussent-ils davantage, on se tromperait beaucoup si l'on croyait pouvoir dédaigner la France et la menacer sans inconvénient. »
Qui de nous, Messieurs, n'a pas été révolté de voir un ministre français faire des aveux aussi contraires à nos intérêts, au ministre d'une puissance étrangère, dont la malveillance était I prouvée? N'est-ce pas un véritable crime de haute trahison?
Je veux que tous les faits soient vrais, je veux qu'ils soient publics; je veux que toutes les puissances étrangères puissent aisément les connaître; mais niera-t-on que l'attestation d'un ministre, leur donne un poids plus considérable? Niera-t-on qu'une puissance ennemie ne soit pas encouragée à nous attaquer en voyant un ministre qui doit connaître à fond notre situation, convenir que nos embarras sont grands; en le voyant n opposer pour ressources à ces , grands embarras qu'une phrase vague et lâchement écrite : « On se tromperait beaucoup si on croyait pouvoir dédaigner la France et la menacer sans inconvénient. » Etait-ce donc ainsi que le ministre devait peindre la France? A tous nos embarras ne devait-il pas opposer le courage de 4 millions de bras armés, ; déterminés à vaincre ou à périr, les ressources naturelles de notre sol, de notre industrie, qui sauront bien un jour rappeler le numéraire enfoui, les ressources des biens qui restent encore à notre disposition? Comment ce ministre si habile à peindre nos embarras a-t-il omis ces ressources ? 11 semble, en lisant cette lettre, que le ministre n'eut pour objet que de fournir des motifs à l'empereur pour traverser notre Révolution. L'empereur avait annoncé que l'objet du concert des puissances était de rétablir l'ordre et la tranquillité dans le sein de la France ; et on lui écrivait que tout était dans le désordre ! L'objet du concert était encore de rassembler des forces, pour soutenir le. roi, pour modifier, s'il était possible, notre Constitution, sous le prétexte qu'elle ne donne pas assez de.force au roi; et M. Delessart, dans une phrase entortillée, mais , dont le sens a été clair pour tout le monde, si l'on en juge au moins par les murmures qu'elle a excités, M. Delessart, dis-je, fournit un motif aux puissances pour maintenir ce eoncert, et un principe pour modifier la Constitution lorsque l'occasipn s'en présentera. Ecoutez cette phrase, Messieurs, elle mérite l'attention la plus profonde : « Il a été une époque sans doute où la cause des émigrants, qui paraissait liée à celle du roi, a pu intéresser les souverains et plus particulièrement l'empereur ; mais une fois : que le roi, par l'acceptation de la Constitution, s'est mis à la tête^lu gouvernement, les émigrés n'ont pu intéresser que par leurs malheurs. »
Il résulterait de là, Messieurs, que dans l'opinion de M. Delessart, le roi n'était point sincèrement à la tête du Gouvernement avant son acceptation; il en résulterait, d'après son opinion, qu il s'était volontairement parjuré aux mois de fé-r vrier et d'avril 1790, lorsqu'il avait protesté de
son attachement à la Constitution ; il en résulte encore que, dans l'opinion de M. Delessart, le roi, avant son acceptation, pouvait exciter l'intérêt des souverains, c'est-à-dire qu'ils pouvaient légalement conspirer contre la Constitution; il en résulte encore què, dans son opinion, la Constitution n'a été legalé et valide qu'après l'acceptation du roi, et que les tentatives pour la détruire n'ont point été criminelles jusqu'à cette époque. Il en résulte enfin que si l'avenir annonçait de nouveaux ennemis, ceux, par exemple, de l'époque citée par M. Delessart, si, ce que je suis loin de croire, un retour sur cette acceptation était praticable, la Constitution pourrait être changée. N'en doutons pas, Messieurs, telle est la conséquence secrète que l'empereur a tirée de cet aveu. Lui dire, en effet, qu'il a été une époque où la .situation du roi pouvait exciter l'intérêt des souverains, c'est-à-dire où ils pouvaient s'armer pour lui, n'est-cé pas lui dire qùe, si cette époque revient, ils peuvent, ils doivent reprendre les armes pour lui ? (Applaudissements.) Cette conséquence est si évidente que le ministre autrichien l'a suivie et s'en est emparé pour justifier le concert des puissances. C'est précisément parce qu'il craint le retour de cette époque qu'il déclare persévérer dans ce concert. Il laut être aveugle pour nè pas Convenir que le ministère français l'encourageait ici par son aveu. Mais il l'eneourageait encore bien plus fortement par la lâcheté avec Jaquelle il expose ses craintes pour la guerre.
Sans doute, Messieurs, il ne fallait pas dissimuler aux puissances l'aversion que la nation française a pour la guerre; peut-être encore M. Delessart pouvait-il mettre sés sentiments et ceux du roi à côté de ceux de la nation; mais pouvait-il dire que le voeu de la saine partie de la nation est pour la paix?,Sans doute, il est pour la paix si elle n'est pas humiliante, si elle noué procure toute la satisfaction convenable ét une tranquillité durable. Mais s'il faut l'acheter par l'opprobre ou par des sacrifices incompatibles avec nos principes,!'ose dire avec plus de raison, que lé vœu de la saine partie de la nation, que dis-je, de la nation entière, est pour la guerre. (Applaudissements.) Eh! pourquoi cette distinction de partfe saine? N'était-ce pas flétrir ceux qui s'étaient déclarés pour la guerre? N'était-ce pas attirer l'anathème sur eux? N'était-ce pas ronder une division dans le sein de la1 nation, pour faire proscrire ceux qu'on déteste? Et le ministre qui emploie un langage aussi incendiaire, nous parle sans cesse d'Une hypocrite réunion! Gomment encore, Messieurs, M. Delessart n'a-t-il pas senti qu'il avilissait la nation en substituant ses craintes à notre ardeur, les calculs des tiinidités à l'intrépidité de nos résolutions? Etait-ce par une déclaration sur les calamités de la guerre qu'il devait espérer d'engager l'empereur .à poser les armes? Etait-ce en ne lui présentant que des succès embarrassants, et que le triste avantage d'avoir détruit son allié? Peut-on croire sérieusement que si l'empereur étant assuré dé succès utiles et de conquêtes réelles, il renoncerait avec plus d'empressement à la guerre ! N'y a-t-il donc pas tout à la fois lâcheté et perfidie, dans cétte manière de présenter la questiori? Lâcheté en ne présageant que des défaites ; perfidie, en ne présentant pôur contrepoids à la guerre que l'embarras des succès, comme si les conqùérants étaient jamais embarrassés de leurs victoires !
L'affectation de M. Delessart à prêcher la
paix n'était-elle pas encore plus propre à nous attirer la guerre ou au moins des réponses humiliantes? Lisez la fin de sa lettre : « C'est la paix que nous voulons ; nous demandons à faire cesser cet état dispendieux de guerre dans lequel on nous a entraînés ; nous demandons à revenir à la paix. » Qui ne sent ici, Messieurs, que le ministre autrichien ne devait voir dans ces cris pour la paix, que les terreurs de l'impuissance et de la pusillanimité? Qui ne sent tout à la fois et l'im-politique de les présenter à son ennemi, et le déshonneur dont elles couvraient la nation? Sans doute, si nous avons à combattre des ennemis à demi vaincus, des puissances qui n'eussent pas montré des intentions hostiles, nous devrions leur tenir ce langage. Cette soif de la paix honore une nation supérieure et sûre de battre et d'écraser ses ennemis ; mais cette soif de la paix est déshonorante dans une nation outragée, insultée par un prince qui soulève toutes les puissances contre elles, et qui s'en fait gloire! Cette soif de la paix était déshonorante en répondant à un prince qui nous menaçait de sa colère, si nous osions marcher contre des rebelles ! C est ainsi qu'en prêtant mal à propos à la nation des sentiments de paix, le ministère l'a flétrie et qu'il encourageait nos ennemis à nous insulter.
Ce n'est pas tout : un autre trait de perfidie doit encore soulever vos esprits. Vous vous rappelez tous les raisonnements présentés dans cette tribune sur les inconvénients frappants de ce traité de 1756. Vous vous rappelez que les partisans les plus déclarés de ce traité, n'ont pas osé nier ses inconvénients; qu'ils ont dit qu'on pouvait en faire disparaître les principaux articles; vous vous rappelez que, frappés de ces inconvénients, vous avez soumis ce traité à l'examen de votre Comité. Eh bien! M. Delessart adopte précisément un système contraire ; il insinue à l'empereur qu'on ne demande pas mieux que d'exécuter ce traité; il semble même lui demander grâce, en lui promettant que « ce traité n'aura plus' désormais d'inconvénient pour lui, et qu'il peut lui devenir utile. » Un ministre^ français convenir que cette alliance avait eu des inconvénients pour l'empereur, convenir que cette alliance ne lui avait pas toujours été utile! Un ministre de l'empereur aurait-il tenu un autre langage ? Il fallait avoir une profonde ignorance ou une profonde mauvaise foi, pour méconnaître tous les avantages dont ce traité avait été à la maison d'Autriche, tous les maux dont il avait écrasé la France. La place qu'occupe M. Delessart lui faisait donc un devoir, autant que la vérité, de soutenir que ce traité était et avait toujours été désavantageux pour la France sous tous les rapports ; il a donc sacrifié ici. tous les intérêts de sa patrie aux intérêts de la maison d'Autriche ; et une pareille conduite ne serait pas criminelle? Je ne sais, Messieurs, si je m'abuse, mais une idée ine saisit fortement après avoir analysé cette lettre : les intérêts de la France y sont tellement sacrifiés, on y avilit tellement la France (câr elle y est aux genoux de l'empereur),; qu'on ne peut s'empêcher de dire : Ce n'est pas un ministre français qui à écrit cette lettre, elle sort de là plume de l'ambassadeur autrichien; — tandis que l'on est forcé d'attribuer au ministère français la réponse de l'empereur. (.Applaudissements.)
Quel est, Messieurs, le résultat du tableau que je viens de vous présenter ? Que la conduite de M. Delessart va nous jeter dans les plus grands dangers : il a, par sa lenteur, donné à la coalition
le temps de se former, de faire des préparatifs, de fortifier ses plans, de faire marcher des troupes, d'attendre le moment où elle pourra combattre avec beaucoup d'avantage.
Si la coalition ne veut pas se dissoudre, il faut, ou que nous reculions devant elle, ou que nous combattions : reculer serait ignominieux et funeste pour notre Constitution, car cet échec accroîtrait l'audace et la prétention des rois ennemis; et d'un autre côte, quoique en attaquant nous ne devions pas désesperer des succès, cependant ils seraient bien moins grands, les périls seraient bien plus nombreux si nous avions prévenu pendant l'hiver les desseins de la coa-ition couronnée.
Je veux supposer encore que la coalition ne nous attaque pas, je veux qu'elle se borne à nous environnner de troupes, sous prétexte de défendre ses frontières : le danger sera-t-il moins grand pour nous ? Les armées du Nord n'encourageront-elles pas les mécontents de l'intérieur? La crainte de leur invasion n'imprimera-t-elle pas la terreur, n'augmentera-t-elle pas le discrédit des assignats, le mécontentement du peuple? Et qui nous répond alors qu'il n'y aura pas de soulèvement? Qui nous répond que des étrangers ne profiteront pas d'un instant favorable pour intervenir dans nos querelles, chercher a nous subjuguer et à renverser notre Constitution? Ainsi donc, attaqués ou simplement menacés, notre sort est le même, le moment seul est différent. Est-ce par ineptie, est-ce par trahison que le ministre nous a traînés dans cette position désastreuse? Quel que soit le motif, il ne met de différence que dans la peine, que dans le genre d'exclusion. Est-ce ineptie? il ne peut plus avoir la confiance de la nation. Est-ce trahison? il doit être accusé.
Et qu'on ne vienne pas répéter ici les déclamations ordinaires sur l'indulgence. Messieurs, vous êtes placés ici entre la sûreté d'une grande nation et l'intérêt d'un individuchoisissez. Mais songez que votre indulgence serait bien meurtrière; on dit qu'il faut attendre la fin des négociations pour juger M. Delessart. Ah ! Messieurs, ce qu'il vous a communiqué ne suffit-if pas pour le juger? On me dit que s'il est coupable, alors on exercera la responsabilité ; qu'alors sa tête répondra de ses fautes. Ce motif peut adoucir les hommes novices en matière de responsabilité; mais souvenez-vous bien que sous le régime le plus libre et même le plus sévère, on punit difficilement un ministre cou- pable. Et d'ailleurs la mort de ce coupable ren- ra-t-elle la vie à des milliers de nos concitoyens des frontières que sa conduite expose à périr? Si la coalition lève le masque, si elle éclate, si elle attaque, non, il n'est point de supplice capable d'expier le crime des ministres qui auront attiré ce fléau en France, lorsqu'il était si facile de le porter chez l'ennemi !
M. Delessart dira-t-il, si cet événement arrive, qu'alors il aurait été trompé; qu'il avait toujours cru que l'empereur voulait sincèrement la paix? Mais pourquoi, dans ce cas, ne l'a-t-il pas fait expliquer sur ie concert, dès le mois de novém-bre? Pourquoi, s'il était si sûr des intentions pacifiques ae l'empereur, a-t-il provoqué lui-même f'armement de 150,000 hommes? Avait-on donc besoin d'une force aussi considérable pour balayer quelques milliers d'émigrés ?
Dira-t-il que s'il a provoqué cet armement, c'est qu'il craignait que l'empereur ne protégeât les émigrés? Mais, s'il le craignait, il ne
croyait donc pas aux intentions pacifiques de l'empereur I Et dès lors pourquoi ne prenait-il pas des mesures décisives contre lui, dans un temps où elles pouvaient être avantageuses? C'est cet armement qui, d'après la lettre même de l'empereur, a provoqué ses préparatifs. C'est donc M. Delessart avec tout le ministère qui nous a attiré cette guerre ; et par une contradiction coupable, dans le temps où le ministère nous attirait cette guerre, faisait ou avait l'air de faire des dépenses énormes pour la soutenir, il prenait en diplomatie toutes les mesures pour ne l'avoir que dans un temps défavorable.
Il me semble que M. Delessart ne peut sortir de ce dilemme : ou vous croyiez aux intentions guerrières et contre-révolutionnaires de l'empereur et de la coalition, dès lors vous êtes coupable de ne les avoir pas prévenues dès le mois ae décembre dernier; ou vous croyiez à ses intentions pacifiques, et dès lors vous ne deviez pas provoquer un armement dispendieux, et dès lors vous êtes coupable d'avoir, par cet arme-ment, provoqué l'empereur à la guerre, et vous êtes coupable, lorsque vous écrasiez la nation de ces préparatifs dispendieux, de ne pas avoir forcé l'empereur à s'expliquer ou à rompre la coalition, et dès lors vous êtes responsable de tous les maux que cette conduite a engendrés dans l'Etat. (.Applaudissements;)
Car, Messieurs, qui a porté un coup fatal à nos assignats, altéré le crédit, fait baisser le change, encouragé le désordre intérieur ? La mauvaise conduite du ministère. Gomment les assignats se seraient-ils soutenus, lorsqu'on voyait une coalition nous menacer, et le ministère, ou la craindre, ou la ménager? lorsqu'on craignait qu'il n'existât un concert secret entre cette coalition et notre Gouvernement? lorsque les lenteurs, les ménagements du ministère pour cette coalition et son aversion pour la guerre, confirmaient ces soupçons ? Une fermeté imposante en diplomatie, de la célérité dans les résolutions, de l'union dans les mesures, auraient inspiré la confiance ; et la faiblesse, la lenteur et la désunion de notre ministère devaient nécessairement l'altérer. Aussi non seulement M. Delessart est responsable de toutes les calamités donfnous sommes menacés au dehors, il l'est encore de celles qui nous déchirent au-de-dans. (.Applaudissements.)
Ai-je besoin, Messieurs, d'ajouter à ces délits ceux qu'offre encore la conduite de ce ministre relativement aux autres puissances? Vous rappellerai-je qu'il n'a fait aucune notification à l'électeur de Mayence et à divers autres princes qui protégeaient les émigrés, tandis que, pour les écraser partout à la fois, il fallait un concert général de mesures? Vous rappellerai-je qu'il a conservé longtemps dans leurs postes, des hommes notoirement contraires à notre Révolution, tels que les Vergennes, les Montezan, les Bérenger? Vous rappellerai-je qu'il n'a pris aucune mesure pour avoir des réparations des outrages faits à notre chargé d'affaires à Rome? Vous rappellerai-je qu'il a laissé les Espagnols, les Allemands rassembler des troupes, des munitions de guerre sur les frontières, sans qu'il en ait donné connaissance à l'Assemblée, à moins qu'il n'y ait été provoqué par des dénonciations? Vous rappellerai-je que des Français ont été vexés, emprisonnés, dépouillés de leurs biens, quelques-uns d'entre eux suppliciés en Espagne, en, Portugal, à Florence, dans les Pays-Bas, et que Je ministre n'a pris aucune mesure pour
venger et faire réparer ces outrages, ni même communiquer ces faits à l'Assemblée nationale? Vous rappellerai-je que notre pavillon a été outragé en Portugal et en Hollande, et qu'il n'en a tiré aucune satisfaction? Vous rappellerai-je que le traité entre la Russie et la Pprte a été conclu sans notre participation, qu'il n'en a donné aucune connaissance â l'Assemblée nationale, comme si la Porte pouvait être désormais étrangère à la France? Vous rappellerai-je qu'il n'a pris aucune mesure pour profiter de la révolution de la Pologne et unir deux pays si bien faits pour s'appuyer mutuellement? Vous rappellerai-je qu'il a laissé conclure les divers traités entre l'empereur et le roi de Prusse et n'a envoyé en Prusse que lorsque ces traités étaient faits? Vous rappellerai-je qu'il n'a sollicité que tardivement l'Angleterre, pour l'empêcher d'entrer dans la coalition, pour former avec elle une alliance avantageuse, qu'il disait d'abord n'être pas praticable, et dont l'événement a prouvé la praticabilité, malgré toutes les ruses souterraines employées pour la faire échouer? Vous rappellerai-je enfin, Messieurs, et ce délit est sous vos yeux, qu'il n'a pas communiqué à l'Assemblée les pièces qui pouvaient faire connaître et la coalition d'Outre-Rhin et ses com-y plices? et quoiqu'un décret le lui ordonne, plus' ae deux mois se sont écoulés sans qu'il ait obéi ; il refuse même d'y obéir. (Applaudissements.) Voici, Messieurs, les deux projets de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que, d'après l'office de l'empereur du 17 février, le concert entre les puissances dirigé contre la France est encore en pleine activité, qu'il importe de le forcer à y renoncer, ou de prévenir promptement ses menaces; que la réponse du roi au 28 février peut conduire encore à des explications lentes et par conséquent funestes à la France ; qu'il importe d'avoir une réponse positive, à un terme fixe : décrète que le roi sera invité à demander à l'empereur s'il entend persister dans ce concert, lui fixer un terme, etc. ; le terme passé, de prendre enfin les mesures les plus rigoureuses pour maintenir la sûreté, l'in dépendance et la dignité de la nation française ; déclare qu'elle rend responsable de tous les maux qui pourraient arriver les ministres qui donneraient au roi le conseil de ne pas se rendre à cette imitation. « (Applaudissements.)
Second décret.
«L'Assemblée nationale, considérant que le ministre des affairees étrangères a négligé ou trahi ses devoirs, compromis la sûreté et la dignité de l'État :
« 1° En ne donnant pas connaissance à l'Assemblée de toutes les pièces qui tendaient à faire connaître le concert formé entre l'empereur et les différentes puissances contre la France ;
« 2° En n'ayant point pressé la cour de Vienne, dans l'intervalle du 1er novembre au 21 janvier de renoncer à la partie de Ces traités et de ce concert qui blessait la sûreté et la souveraineté de la France ;
« 3° En avant dérobé à la connaissance de l'Assemblée l'office du 5 janvier;
« 4° En n'ayant pas, clans la note du 21 janvier, écrit avèc force contre le concert des puis-
sances, et demandé sa dissolution ; en ayant, au contraire, affecté d'en douter;
« 5° En ayant communiqué au ministère autrichien des détails sur l'intérieur de la France, qui pouvaient donner une fâcheuse opinion sur sa situation et provoquer des déterminations funestes pour elle ;
« 6° Èn ayant avancé une doctrine inconstitutionnelle et dangereuse sur l'époque qui a précédé l'établissement de la royauté constitutionnelle ;
« 7° En ayant demandé bassement la paix ;
« 8° En ayant demandé aussi bassement la continuation de l'alliance avec une maison qui outrageait la France ;
« 9° En ayant conduit cette négociation de manière à la faire traîner en longueur, lorsqu'il importait de la terminer promptement ; de manière que la France est, au mois de mars, précisément au même état où elle était au mois de décembre;
« 10° En ne s'étant pas conformé aux bases de l'invitation du 25 janvier lorsqu'il disait qu'il s'y était .conformé, en ayant fait au contraire l'inverse;
« 11° En ayant porté dans toute cette négociation une lâcheté ou une faiblesse indigne de la grandeur d'un peuple libre ;
« 12° En ayant négligé ou trahi les intérêts de la nation française dans toutes ses relations avec les puissances étrangères ainsi qu'il est dit ci-dessus ;
« 13° En ayant refusé d'obéir aux décrets de l'Assemblée nationale :
« Déclare qu'il y a lieu à accusation contre le ministre des affaires étrangères. » (Vifs applaudissements).
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix !
Je demande la parole.
Je demande que les deux projets de décret de M. Brissot soient divisés de ïa manière suivante : 1° qu'on mette aux voix, sans désemparer (Murmures.) le projet de décret tendant à faire mettre M. Delessart en état d'accusation (.Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) parce que je crois qu'il n'y a pas un membre dans cette Assemblée qui ne porte dans son cœur la conviction intime des prévarications de M. Delèssart. (Applaudissements.)
Quant au projet relatif à l'office de l'empereur, je crois qh il y aura des membres qui diront qu'il est attentatoire à la Constitution ; mais si 1 Assemblée veut m'àccorder 10 minutes d'attention dans la séancé de demain ou de lundi, je prends l'engagement solennel de démontrer que les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons sont telles que, sans blesser la Constitution, vous avez le droit de déterminer toutes les mesures que commande votre position à l'égard de l'empereur. Je demande donc que cette question soit ajournée à lundi et qu on aille aux voix sur le projet de décret portant accusation. (Vifs applaudissements dans les tri-bunes.)
appuie la motion de M. Mailhe.
Je vous prie de croire, Messieurs, que c'est à l'évidenCe du délit que je m'attache, et non pas à la défense du ministre. Vous vous disposez ^ effrayer les ennemis de la patrie par un grand exemple de sévérité, mais vous devez vous garder ae tout reproche de précipitation.
Il est de la dignité, il est de la grandeur de l'Assemblée de rendre d'autant plus imposant son jugement, qu'elle l'aura pesé avec maturité. Elle doit donner aux esprits irrésolus le temps d'assurer leur détermination. D'ailleurs, je demande à l'Assemblée nationale si ce n'est pas précisément la marche qu'elle a toujours suivie lorsqu'elle a voulu porter un décret d accusation. (Non! non!) Eh bienl je dirai, tant pis, parce que le devoir des juges, avant de prononcer, c'est d'examiner avec maturité. Je demande l'impression du projet de décret et l'ajournement de la discussion.
Plusieurs membres demandent la parole.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Vous avez la parole.
le demande que M. Delessart soit mandé sur-le-champ à la barre pour être interrogé sur tous les faits avancés par M. Bris-sot, et que le pouvoir exécutif soit tenu de donner des ordres pour l'y faire conduire. Je regarde le ministre des affaires étrangères comme coupable de haute trahison; mais je crois qu'avant de prononcer un décret d'accusation il faut entendre celui qui est prévenu.
Plusieurs membres : Non! non! Vous n'en avez pas le droit!
J'entends dire que l'Assemblée nationale n'a pas le droit de faire venir un ministre à la barre. Je ne sais sur quoi on fonde une pareille assertion, mais j'avoue que je ne connais aucun décret, aucune disposition de la Constitution qui empêche de ranger les ministres dans la classe des autres citoyens. Je fais donc la motion que M. Delessart soit amené à la barre pour y répondre.
Je m'oppose à la motion de M. Delacroix. Depuis longtemps l'opinion publique avait annoncé les prévarications du ministre des affaires étrangères,.Enfin le jour est arrivé où le résultat des pièces et preuves écrites, a enfin convaincu le plus incrédule, que le sieur Delessart avait trahi la nation française. D'après le récit qui vous a été fait par M. Bris-sot,je demande à tous les membres de l'Assemblée nationale s'il en est un seul qui puisse douter un seul instant, dans là profondéur de sa con-r science, dans la justice et la pénétration la plus intime de ses sentiments, que le sieur Delessart, quand même il n'aurait commis qu'un seul des délits qui résultent de sa correspondance avec l'empereur, avec les ennemis de la patrie, ne mérite pas d'être mis en état d'arrestation. Je conclus à ce que, sans désemparer, vous portiez le décret d'accusation* (Applaudissements.)
Plusieurs membres réclament la parole.
Messieurs, tandis que nous délibérons, peut-être le ministre fuit-il. (Murmures dans VAssemblée. — Applaudissements des tribunes) . Je demande que la discussion soit fermée, que le ministre soit mis en état d'accusation, arrêté, et le scellé mis sur ses papiers.
En pareilles circonstances il faut demander si quelqu'un veut parler pour le ministre. Je propose que ceux qui devront parler en faveur ae M. Delessart soient entendus.
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Je ne veux point parler pour lé ministre, c'est pour l'Assemblée que je veux parler.
Plusieurs membres : Elle n'en a pas besoin!
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Plusieurs membres parlent dans le tumulte.
Je veux sauver l'Assemblée du reproche qu'on ne manquerait pas de lui faire, d'avoir cédé à un mouvement d'enthousiasme, lorsqu'elle ne devait écouter que la justice.
S'il est dans cette Assemblée des membres qui, à la simple lecture d'un discours, qui a duré plus d'une heure et demie, rempli de faits et de raisonnements plus ou moins exacts, aient acquis une conviction assez intime des délits du ministre, pour se croire en état de voter sur-le-champ le décret d'accusation : je déclare que je n'ai pas encore cette conviction. (Murmures.)
Dans une pareille matière, nous devons opiner chacun d'après notre conscience. Je m'acquitte avec la mienne en demandant que la discussion ne s'engage sur la question de savoir s'il y a lieu ou non à accusation contre le ministre des affaires étrangères, qu'après que le discours et le projet de décret de M. Brissot auront été imprimés et distribués.
Toutes les fois qu'il s'est agi de porter un décret d'accusation, l'Assemblée ne l'a rendu qu'après avoir entendu la lecture des pièces. Je la supplie donc de ne point s'écarter de cette marche, qu'elle a suivie jusqu'à présent, et qu'il est surtout essentiel d'observer dans une affaire dont les suites sont d'une si grande importance.
Je demande que le discours de M. Brissot, et son projet de"décret, qui présente 13 chefs d'accusation soient imprimés, et que la discussion s'ouvre 3 jours après que la distribution en aura été faite aux membres de l'Assemblée (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
L'Assemblée veut-elle m'entendre?
Je ne cherche point à excuser le ministre : mais il y a loin de cela à le mettre en état d'ao-cusation. Je déclare que je ne puis avoir dans ce moment-ci la conviction que le ministre des affaires étrangères ait mérité d'être mis en état d'accusation; car, pour y être mis, il faut qu'on ait commis des délits suffisants pour mériter une peine capitale. (Murmures.) J'ai fait pendant 6 ans l'état de juge, et je n'ai jamais décrété un accusé aussi légèrement qu'on vous propose de décréter un ministre. (Murmures.) Je ne vois pas qu'il puisse être mis en état d'accusation. Je ne pourrai me convaincre que lorsque j'aurai sous les yeux les pièces; d'après cela je consens à l'impression du projet de décret et du discours de M. Brissot et à l'ajournement à jour fixe.
Depuis longtemps tous les amis de la liberté et de la patrie soupçonnént la conduite de M. Delessart : il à été dénoncé plusieurs fois, on n'avait pas alors toutes les pièces nécessaires pour le convaincre ; mais aujourd'hui les faits qu'on vous a présentés, les moyens qu'on vous a déduits, ont frappé de conviction tous les hommes qui n'ont point intérêt à y résister. (Bravo! Bravo! Applaudissements.) Le ministre vous a-t-il prévenu de tous les traités qui ont été faits avec la Prusse et l'Espagne; vous a-t-iL dénoncé ce concert entre les puissances pour soutenir l'honneur des couronnes, et pour frapper la Constitution française? Non, il ne vous
l'a pas dénoncé. Observez les lettres qu'il a écrites, vous n'y voyez que de la faiblesse, vous n'y voyez qu'un homme qui tâche de découvrir à l'empereur notre situation, non pas telle qu'elle est, mais telle qu'il voudrait qu'elle fût. (Bravo! Bravo ! Applaudissements.)
Je demanderais aux membres qui voudraient défendre M. Delessart, quel est le service qu'il a rendu? a-t-il cherché a vous avoir des alliés? a-t-il cherché à rompre la coalition de nos ennemis? Non; tandis qu'il vous flatte dés intentions pacifiques de l'empereur, il vous engage à entretenir une armée considérable. Ou M. Delessart savait que l'empereur n'avait point de diposi-tion à se mêler de nos affaires, et dès lors il ne devait point provoquer ces forces.; ou M. Delessart connaissait que les puissances étrangères, et Léopold surtout, ne cherchaient qu'un prétexte pour venir les attaquer, et dès lors il aurait dû entretenir la nation de mesures qu'il fallait prendre pour engager l'empereur à se déclarer. Certainement M. Delessart est coupable; le salut de, la patrie l'exige, il faut que vous fassiez un grand exemple, et que vous frappiez la tête du coupable. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Concluez ! concluez 1 (Murmures.)
Je demande que le décret d'accusation soit mis aux voix sur-le-champ.
Je demande la parole.
Plusieurs membres : Non! non ! La discussion fermée !
C'est pour ajouter un fait à ce qu'a dit M. Brissot
(L'Assemblée décide que M. Vergniaud sera entendu.)
Je demande à parler pour le ministre.
Lorsqu'il s'agit de porter un décret d'accusation, la première chose dont celui qui parle sur une telle matière doit s'abstenir, c'est d'exciter dans l'Assemblée, par des mouvements oratoires, un enthousiasme qui, pouvant se concilier avec les élans de la liberté, afflige néanmoins la justice. C'est donc le langage de la raison froide que j'essayerai de tenir.
Toutes les présomptions, on ne peut se le dissimuler, sont contre M. Delessart. CTest lui, il n'en faut pas douter, qui, d'accord avec le ministère autrichien, prolonge une explication qui conduira à une guerre où toutes les chances seront contre nous. C'est lui qui, en entretenant la guerre au dehors, maintient, en même temps, les divisions intestines, et les désordres intérieurs qui nous affligent et troublent tous les départements de l'Empire. Lorsque de telles preuves s'élèvent contre un ministre, il n'y a qu'un seul moyen pour lui de faire éclater son innocence, c'est d'aller devant les juges qui doivent le condamner ou l'absoudre.
Je crois donc que c'est parler en faveur de M. Delessart, que de demander contre lui le décret d'accusation, et j'y conclus. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Je demande la parole pour ajouter un fait grave à ceux de M. Brissot; mais j'observe à l'Assemblée que lorsqu'elle se prépare à faire un acte de justice, elle doit s'abstenir de tout ce qui ressemble à la passion. M. Becquey veut parler pour le ministre; je de-
mande qu'il soit entendu, et je me réserve la parole pour lui répondre.
Comme les premières règles de la morale m'ont appris que l'innocence doit toujours être présumée jusqu'à la conviction du crime..... (Murmures.)
Ce n'est pas pour le ministre que je parle, mais pour ce que je crois être son innocence : on l'accuse aujourd'hui d'avoir écrit à M. de Noailles, pour être communiquée à M. Kaunitz, une lettre indigne de. la nation française, et quand je me rappelle qu'à la lecture de cette lettre, l'Assemblée l'a interrompue plusieurs fois par des applaudissements.....(Murmures.)
Voix diverses : C'est vous! — Ce sont les membres distingués qui applaudirent!
....je me dis alors que nous devons être dans une grande défiance sur nos mouvements, car si nous avons eu tort de l'applaudir, ne pourrions-nous pas avoir tort aujourd'hui de le condamner sur cette même lettre, et avec une telle précipitation?
Je dirai plus : le comité diplomatique, saisi de la dénonciation de M. Delessart, chargé par vous de l'examiner, ne s'est pas encore cru en état de vous mettre à portée ou de l'innocenter, ou de l'accuser. Je demande donc si tous les membres de l'Assemblée qui, n'étant pas chargés par vous aussi spécialement que le comité diplomatique de faire l'examen nécessaire de tous les faits sur lesquels on dénonce le ministre ; je demande, dis-je, si tous les membres peuvent se croire assez éclairés sur la dénonciation rapide de M. Brissot...
Aucun des membres du comité diplomatique n'osera s'élever contre le décret, car tous ont déclaré qu'ils blâmaient la conduite du ministre.
, membres du comité diplomatique, s'avancent vers la tribune et protestent.
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Interpellé par M. Brissot, comme membre du comité diplomatique, je dois à la vérité pure de dire que nous nous sommes occupés avec la plus profonde attention, pendant plusieurs séances, de la question soumise à l'Assemblée nationale. Nous avons souvent trouvé des raisons de soupçonner la conduite de M. Delessart, nous n'avons rien trouvé ni dans sa correspondance ni ailleurs qui pût servir de preuve. Nous avons cru que ce serait compromettre l'intérêt national que de lier les torts d'un ministre, qui ne pouvant être que soupçonné, à l'intérêt général, qui, dans ce moment, pouvait être compromis, et nous avons séparé tout ce qui était personnel au ministre de ce qui était relatif aux négociations. Nous avons vainement demandé à M. Brissot son travail sur cet objet. Il l'a constamment refusé... (Murmures.)
Ce n'est pas vrai !
Il l'a refusé; j'en atteste tous les membres du comité, et M. Brissot n'oserait le nier une seconde fois... (Murmures prolongés>)
Que l'Assemblée souffre enfin qu'on l'éclairé. M. Jaucourt a demandé la parole pour un fait. U ne doit pas être interrompu, tant qu'il se bornera à cet exposé qui, peut-être, empêchera l'Assemblée d'assumer la nonte d'une accusation sans aucun examen des preuves.
, placé à une petite tribune. J'annonce à l'Assemblée que M. Dumas n'est pas membre du comité diplomatique.
Plusieurs membres parlent au milieu du tumulte dans différentes parties de la salle.
Il est inutile de s'occuper ici de ce qu'on fait au comité diplomatique. C'est la tactique de ceux qui défendent le ministre, de chercher à faire perdre de vue le véritable état de la question.
Loin de chercher à détourner l'attention de l'Assemblée, je la fixe, au contraire, sur le point important qui, dans ce moment, peut éclairer sa décision; je répète que je n'ai pas vu sans étonnement M. Brissot faire à l'Assemblée un discours dont il n'a point communiqué au comité, ni les bases ni les idées principales.
Plusieux voix : Il n'y était pas obligé.
Je sais qu'il n'y était pas obligé, mais j'ai lieu d'être étonné que l'Assemblée nationale, au lieu de renvoyer ce discours au comité pour lui en faire le rapport, porte dans ce moment avec précipitation, une décision si importante. (Murmures.) Je demande que ce discours de M. Brissot soit renvoyé au comité diplomatique, pour en faire le rapport a jour fixe, et je crois qu'il est de sa sagesse et de sa prudence de prendre ce parti, quand ce ne serait que pour prouver que le comité diploma-tiqne a sa confiance.
Je demande que ceux qui s'opposent à l'ajournement, récapitulent les treize chefs d'accusation sur lesquels porte le projet de décret de M. Brissot.
Nous! nous!
Plusieurs membres ironiquement : N'acceptez pas le défi !
On ne cherche point à éclairer l'Assemblée qui n'en a pas le besoin, mais, je le répète, à faire perdre ae vue la question. On a demandé si quelqu'un voulait parler en faveur, du ministre, et personne ne s'est levé. Il n'a pas trouvé dans cette Assemblée un seul homme qui le crût innocent. Je ne vois donc pas ce qui pourrait vous empêcher d'aller aux voix, et je demande que la discussion soit fermée.
Un grand, nombre de membres : Fermez la discussion I
demandent la parole pour des faits.
J'ai été interrompu par M. Brissot; vous ne pouvez pas m'empêcner ae finir mon discours.
(L'Assemblée décide que la discussion continuera.)
Je dis qu'il est étonnant que le comité diplomatique ne se soit pas trouvé en état de faire un rapport, et que tant de membres soient décidés à se croire convaincus contre M. Delessart.
Il n'y a peut-être pas dix membres de l'Assemblée qui puissent récapituler, avec ordre, les les griefs dont le ministre est accusé, et les inductions qu'en a tirées M. Brissot. (Aux voix ! aux voix!) Or, la prendre règle prescrite aux jurés, lorsqu'ils ont "à prononcer sur de tels faits, c'est de le méditer longtemps. Quel exemple funeste donnez-vous dans tout l'Empire aux jurés, si, chargés, comme vous l'êtes, des
premières fonctions déléguées par le peuple, vous apportez de la légèreté et de la précipitation dans l'exercice de cette importante fonction ! Oui, il est de l'intérêt public, plus que de l'intérêt au ministre, d'ajourner la discussion.
Que l'Assemblée ne se décide pas aujourd'hui. M. Brissot a disséqué, depuis sept à huit jours, la lettre de M. Delessart et l'a présenlée sous le point de vue le plus défavorable. Vous tous, Messieurs, n'avez pas fait cette dissection, et vous n'êtes pas en état de prononcer. (Murmures.) Je demande donc pour la justice, pour vos consciences, pour votre propre dignité, que vous ne décrétiez pas l'accusation, et que vous chargiez votre comité diplomatique de vous faire un rapport sur le discours et le projet de décret ae M. Brissot.
On demande, d'une part, le renvoi au comité diplomatique pour qu'il vous fasse un rapport; de l'autre, l'ajournement de Ja discussion pour que les membres de l'Assemblée puissent s'éclairer sur les faits contenus dans la dénonciation de M. Brissot.
Sur le renvoi au comité diplomatique, j'observerai que lorsque l'Assemblée nationale a formé des comités, ce n'est pas qu'elle ait pensé qu'il lui fût impossible de délibérer sans leurs rapports, mais pour faciliter ses travaux et s'en assurer la préparation. L'Assemblée nationale est-elle suffisamment éclairée par l'opinion d'un membre de l'Assemblée, alors le renvoi à un comité devient superflu, et ne peut aboutir qu'à une perte de temps.
Quant à l'ajournement, je demande si M. Brissot a argumenté de faits incertains et vagues ou bien s'ils sont constatés par des pièces écrites. Dans ce cas, il faudrait ajourner pour acquérir, non des preuves, car vous savez que pour rendre un décret d'accusation des présomptions vous suffisent; (Applaudissements). Les preuves ne sont nécessaires que pour prononcer le jugement de condamnation ; mais il faudra ajourner pour se procurer les présomptions dont on a besoin pour motiver le décret d'accusation.
Mais, Messieurs, ce n'est pas là le cas où se trouve l'Assemblée nationale. M. Brissot a parlé d'après des pièces écrites ; il a parlé d'après la négligence prouvée de M. Delessart à nous donner communication de pièces dont il importait au salut de la France que nous eussions connaissance. Il a parlé de son refus obstiné de donner des communications prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale. Il a parlé surtout de la lettre confidentielle de M. uelessart; il n'est aucun de nous dans le cœur duquel, par la perfidie et la lâcheté qui la caractérisent, elle n'ait produit la plus vive indignation ; indignation telle, que j ose croire, que j'ose me flatter qu'il n'y aura plus parmi nous de dissentiments sur la conduite du minist re, que les débats qui ont paru nous diviser, vont, dès cet instant, s'évanouir pour faire place à une opinion unanime, et que le décret d'accusation que vous rendrez terminera ces scènes scandaleuses qui trop souvent, ont troublé nos délibérations.
Sans répéter, dans un développement inutile, les faits que vous a présentés M. Brissot, je vais en rappeler un à votre mémoire qui est échappé à la sienne.
Et ici, Messieurs, ce n'est plus moi que vous allez entendre, c'est une voix plaintive qui sort de l'épouvantable glacière d'Avignon. Elle vous crie Le décret ae réunion du Comtat à la
France a été rendu au mois de septembre dernier; s'il nous eût été envoyé surrle-champ, peut-être qu'il nous eût apporté la paix et éteint nos funestes divisions. Peut-être que le moment où nous aurions connu légalement notre réunion à la France, nous aurait tous réunis au même sentiment : peut-être qu'en devenant Français nous aurions abjuré l'esprit de haine, et serions devenus tous frères; peut-être enfin que nous n'aurions pas été victimes d'un massacre abominable, et que notre sol n'eût pas été déshonoré par le plus atroce des forfaits. Mais M. Delessart, alors ministre de l'intérieur, a gardé pendant plus de deux mois ce décret dans son portefeuille; et dans cet intervalle, nos dissensions ont continué : dans cet intervalle de nouveaux crimes ont souillé notre déplorable patrie; c'est notre sang, ce sont nos cadavres mutilés qui demandent vengeance contre votre ministre. (On applaudit à plusieurs reprises.)
Permettez^moi, Messieurs, une réflexion. Lorsqu'on proposa à l'Assemblée constituante de décréter le despotisme de la religion chrétienne, Mirabeau prononça ces paroles mémorables : « De cette tribune où je vous paris, on aperçoit la fenêtre d'où la main d'un monarque français armée contre ses sujets par d'exécrables factieux, qui mêlaient des intérêts personnels aux intérêts sacrés de la religion, tira l'arquebuse, qui fut le signal de la Saint-Barthélémy. » Eh bien, Messieurs, dans ce moment de crise où la patrie est en danger, où tant de conspirations s'ourdissent contre la liberté, moi aussi, je m'écrie : Je vois de cette tribune les fenêtres d'un palais où des conseillers pervers égarent et trompent le roi, que la Constitution nous a donné, forgent les fers dont ils veulent nous enchaîner, et préparent les manœuvres qui doivent nous livrer a la maison d'Autriche. Je vois les fenêtres du palais où l'on trame la contre-révolution, où l'on combine les moyens de nous replonger dans les horreurs de l'esclavage, après nous avoir fait passer par tous les désordres de l'anarchie, et par toutes les fureurs de la guerre civile. (La salle retentit d'applaudissements.)
Le jour est arrivé, Messieurs, où vous pouvez mettre un terme à tant d'audace, à tant d'insolence, et confondre enfin les conspirateurs. L'épouvante et la terreur sont souvent sorties dans les temps antiques, et au nom du despotisme, de ce palais fameux. Qu'elles y rentrent aujourd'hui au nom de la loi. (Applaudissements réitérés.) Qu'elles y pénètrent tous les cœurs. Que tous ceux qui l'habitent sachent que notre Constitution n'accorde l'inviolabilité qu'au roi. Qu'il sachent que la loi y atteindra sans distinction tous les coupables, et qu'il n'y sera pas une seule tête, convaincue d'être criminelle, qui puisse échapper à son glaive. Je demande qu'on mette aux voix le décret d'accusation. (L'orateur descend de la tribune au milieu des applaudissements réitérés de l'Assemblée et du public.)
J'ai demandé la parole pour un fait et je le citerai sans aucune réflexion. On a reproché à M. Delessart de n'avoir pas fait ce qui était en son pouvoir pour procurer à la France des alliés. Hier, il est venu au comité. Il y a lu une dépêche très bien faite qui prouve que des efforts et des démarches sont dirigées, pour obtenir à la France un allié redoutable par sa puissance. Dans l'état actuel des négociations, et d'après ce qui a été lu au comité diplomatique, si la France ne peut pas
compter décidément sur son alliance, elle peut compter au moins sur sa neutralité. Le négociateur ajoute même que s'il était revêtu du caractère sans lequel il ne peut pas traiter définitivement, il serait presque sûr de réussir dans ses négociations. Tous les membres du comité l'ont entendu comme moi. Je ne crois pas devoir donner sur ce fait d'autres explications; il suffit qu'il soit connu.
Pour tranquilliser toutes vos consciences, s'il était possible, que vos consciences en eussent besoin, je n'aurais à lire qu'un seul article de la Constitution; je n'aurais ensuite qu'une seule réflexion à vous présenter, ou plutôt, Messieurs, vous allez vous-mêmes en tirer la conséquence. Voici cet article :
« Une haute Cour nationale, formée de membres du Tribunal de cassation et de hauts jurés, connaîtra des délits des ministres et agents principaux du pouvoir exécutif, et des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l'Etat, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d'accusation. »
Si après tout ee que vous savez, si après votre propre conviction et celle de la France entière, vous ne rendez pas le décret d'accusation, vous direz donc en d autres termes, vous oserez dire à la nation entière qu'il n'y a pas le moindre délit à reprocher à M. Delessart. (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion fermée 1
(L'Assemblée ferme la discussion.)
établit l'état de la délibération.
Plusieurs membres : Aux voix l'ajournement!
Je demande la question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)
Je mets aux voix le décret d'accusation.
(L'Assemblée décrète à une très grande majorité qu'il y a lieu à accusation contre le ministre des affaires étrangères.) (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
J'ai demandé la parole pour proposer un quatorzième considérant au décret d'accusation.
Je crois que la conduite de M. Delessart doit être envisagée sous deux points de vue : Il m'a paru coupable de trahison envers la nation, et M. Brissot l'a parfaitement démontré. Il m'a paru -en outre coupable de trahison envers le roi, car les faits qui vous ont été exposés par M. Brissot vous annoncent que le ministre des affaires étrangères a au moins exposé le roi, par le langage qu'il a tenu, en son nom, au soupçon d'avoir voulu favoriser le concert des puissances étrangères. Je demande donc qu'à la suite des 13 considérants que contient le projet de décret de M. Brissot, on ajoute celui-ci :
« Considérant enfin qu'il s'est rendu coupable de trahison envers le roi, et que, par sa conduite et le langage qu'il a tenu en son nom, il l'a exposé au soupçon d'avoir voulu favoriser le concert des puissances étrangères, et contribué ainsi à éloigner dé lui la confiance publique, décrète qu'il y a lieu à accusation. »
Je demande que l'Assemblée ne se sépare pas avant qu'elle ait
appris que M. Delessart est sous bonne et sûre garde.
Je demande que l'Assemblée ne ge sépare pas avant que la rédaction du décret soit achevée, et j'observe que ce n'est pas dans les décrets d'accusation que doivent être énoncés les considérants. 11 faut un acte d'accusation et c'est là que tous les motifs seront relatés. Je demande, en outre, qu'on appose les scellés sur les papiers de M. Delessart.
Ge ne doit point être dans les bureaux des affaires étrangères que doivent être apposés les scellés ; on interromprait ainsi le cours des négociations. Je demande donc qu'ils soient mis seulement sur l'habitation particulière de M. Delessart.
(L'Assemblée décrète qu'elle ne se séparera point qu'elle n'ait entendu la rédaction du décret d'accusation.)
Je propose la rédaction suivante :
« L'Assemblée nationale, sur la dénonciation motivée d'un de ses membres, déclare qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Delessart, ministre des affaires étrangères ; charge le pouvoir exécutif de donner, sans délai, les ordres ûê-cessaires pour le faire mettre en état d'arrestation, et faire apposer les scellés sur tous les papiers qui lui sont personnels, et qui pourront se trouver dans sa maison d'habitation.
« Le présent décret sera adressé, sur-le-champ, au pouvoir exécutif, qui rendra compte demain des mesures qu'il aura prises pour le mettre à exécution. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Plusieurs membres demandent l'impression du discours et des projets de décret de M. Brissot-de-Warville.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et des projets de décret de M. Brissot-de-War-ville.)
demande un congé de trois semaines.
(L'Assemblée accorde le congé demandé et décrète ensuite que la séance du soir commencera à sept heures.)
(La séance est levée à six heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE M. LEMONTEY, ex-président.
La séance est ouverte à sept heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, renfermant des pièces relatives à la liquidation des ateliers de secours.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, contenant des pièces justificatives, sous six numéros, e un rapport sur la demande du sieur Carteaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, faisant envoi de plusieurs instructions de M. Portai sur les secours à donner, et traitements à administrer aux personnes suffoquées par des vapeurs méphitiques, submergées, ou moraues par des chiens enragés, ainsi que d'un ouvrage in-8° de ce médecin, et dont l'édition faite aux frais du gouvernement, a été dilapidée au moment de la Révolution.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces v jointes aux comités d'instruction publique et ae l'extraordinaire des finances réunis.)
4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, relative aux dépenses de l'établissement de la haute Cour nationale, établie provisoirement dans l'église des ci-devant minimes d'Orléans.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
5° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, sur une difficulté relative au payement des appointements des officiers de la marine.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
6° Adresse et pétition des ci-devant commis de la régie générale des aides de la ville et banlieue de Rouen, sur le prolongement, jusqu'au 1er avril prochain, du secours qui leur a été accordé précédemment.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)
7° Lettre des administrateurs composant le directoire du district de Bordeaux. Ils annoncent que les recrutements se sont faits avec la plus grande activité. Quoique chaque district ne dût fournir que 93 hommes pour son contingent, le seul district de Bordeaux en a déjà fourni 4 ou 500. (Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du zèle des citoyens de Bordeaux.)
8° Lettre de M. de Maulde, qui fait hommage à l'Assemblée d'une brochure sur la proposition de vendre les forêts nationales.
(L'Assemblée renvoie cet ouvrage au comité des domaines.)
9° Lettre des administrateurs du directoire du département de Paris, qui adressent à l'Assemblée nationale les actes administratifs qu'a fait le directoire depuis la dernière session du conseil général; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 10 mai 1792, l'an IV de la liberté.
« Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale les actes administratifs qu'a faits lé directoire du département depuis la dernière session du conseil général, relativement aux contributions directes dont la loi du 1er décembre 1790 met la répartition sous la surveillance du Corps législatif.
« Ils sont délivrés en trois parties : les unes se rapportent au rôle d'acompte de 1791, arriéré de 1790 et années antérieures; les secondes, aux rôles définitifs des contributions foncière et mobilière de 1791.
« Les troisièmes concernent l'assiette des contributions de 1792.
« C'est sur cette dernière partie que se sont élevées des oppositions dont rAssemblée nationale a déjà été instruite. Le directoire se borne à l'assurer en ce moment qu'il ne perd pas de vue la loi qui l'oblige à mettre incessamment un terme à ces oppositions.
« L'Assemblée jugera, par le tableau exact des irrégularités multipliées et des omissions importantes qu'a relevées le comité contentieux du département dans les opérations de la commission municipale pour les contributions de 1791, combien il était important de faire, pour les rôles de 1792, les dispositions renfermées dans l'arrêté du directoire du 31 janvier dernier. Nous nous empressons d'annoncer à l'Assemblée nationale que les 16 comités d'arrondissement établis par cet arrêté montrent tant de zèle et d'intelligence, qu'on ne peut trop regretter de n'avoir pas tiré plus tôt les opérations préliminaires de l'assiette, du bureau dans lequel elles ont été jusqu'à présent concentrées.
v Nous sommes avec respect, etc.
« Signé : La Rochefoucauld, Démeunier, Garnier, Davous, Briois-Beau-metz, Brousse, Roederer, pro-cureur-syndic. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces y jointes au comité de l'ordinaire des finances.)
10° Lettre de M. Hurel, à laquelle sont joints plusieurs exemplaires d'un écrit (1) sur les assignats.
(L'Assemblée renvoie la lettre et l'ouvrage au comité de l'ordinaire des finances,)
Un membre, au nom du comité de surveillance, demande à être autorisé à prendre un commis de plus.
(L'Assemblée accorde cette demande.)
, au nom du comité de division, fait un rapport et présente un projet de décret sur les moyens de compléter le directoire du département du Pas-de-Calais (2) et s'exprime ainsi :
Messieurs, des difficultés se sont élevées dans le directoire du département du Pas-de-Calais sur le remplacement de plusieurs de ses membres ; elles se renouvellent souvent dans les autres départements du royaume. Votre comité de division, pour y mettre un terme, vous propose le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division,
« Considérant que le nombre d'administrateurs auquel se trouve réduit le directoire du département du Pas-de-Calais est insuffisant pour l'administration de ce département, et que néanmoins il est d'un intérêt pressant qu'aucune partie de cette administration n'éprouve un retard qui deviendrait funeste à la chose publique;
« Considérant encore qu'il est instant de donner à tous les directoires de département et de district du royaume qui se trouveraient dans le cas de celui du département du Pas-de-Calais, les moyens de se compléter promptement :
« Décrète qu'il y a urgence. »
« L'Assemblée nationale, après avoir délibéré l'urgence, décrète :
Art. 1er. Les places qui sont actuellement ou
qui deviendront vacantes, par mort, démission ou autrement, dans les
directoires de département et de district, seront remplies, à défaut des
suppléants, par ceux des membres des conseils respectifs, qui seront
nommés à cet effet par les membres restants desdits direc--toires.
» Art. 2. Les membres ainsi nommés exerceront leurs fonctions dans le directoire jusqu'à l'époque légale de la réunion du conseil, qui élira définitivement aux places qu'ils auront remplies. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence.)
Divers membres proposent sur le décret définitif des amendements qui sont rejetés par la question préalable.
(L'Assemblée adopte le décret définitif.)
Ce n'est pas assez d'avoir fourni au département du Pas-de-Calais les moyens de compléter son directoire, en lui attribuant la faculté de choisir les membres qui lui manquent parmi les administrateurs de son conseil, et d'avoir étendu cette disposition à tous les départements et districts qui se touveraient dans le même cas. Il est un cas particulier auquel il est également nécessaire de pourvoir, celui où, lorsque, par le refus des suppléants ou en cas d'empêchement légitime de la part des membres des conseils des districts, il ne se trouve pas de sujet pour remplacer les procureurs-syndics et membres des directoires dont les places viennent à vaquer par mort ou démission. Le directoire du district de Blois se trouve précisément dans ce cas par la démission que le procureur-syndic et successivement deux membres du directoire ont donnée de leurs places, et par lè refus que les suppléants et les membres du conseil ont fait de remplacer les démissionnaires. En conséquence, je propose l'article additionnel suivant :
« Dans le cas où des procureurs-syndics et membres de directoire de district, dont les places sont ou deviendront vacantes jusqu'aux prochaines élections par mort ou démission, ne pourraient pas être remplacés parmi les membres de la même administration, soit par le refus d'accepter de la part des suppléants, soit à raison de l'incompatibilité des fonctions d'administrateur du conseil avec celles de membre de directoire, ou par tout autre empêchement légitime, les directoires des départements dans 1 é-tendue desquels se trouveront les districts qui auront des sujets à remplacer, sont et demeureront autorisés à procéder aux remplacements nécessaires par des membres qui seront pris dans les consèils du département, »
(L'Assemblée adopte l'article additionnel de M. Thévenin.)
Je propose de décréter qu'à l'avenir les administrateurs et secrétaires des directoires de département et de district ne pourront remplir en même temps les fonctions d'avoués près les tribunaux.
Je demande la question préalable sur cette proposition.
et plu-
sieurs autres membres parlent successivement pour ou contre cette proposition.
Avant de prononcer cette incom-
Patibilité, 1 Assemblée doit se rappeler que homme que son district appelle à l'administration, ne peut y rester que 4 ans; or, vou-dra-t-il abandonner un état permanent, un état dont lui et sa famille attendent souvent toute leur subsistance, pour embrasser par patriotisme l'état de membre d'un directoire pendant 4 ans? Peut-être l'esprit de civisme n'est-il pas encore assez mûr parmi nous pour porter une pareille décision. Au surplus je regarde la question comme assez importante pour proposer l'ajournement.
(L'Assemblée rejette la question préalable et prononce l'ajournement de la motion de M. Pier-ron.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division,
« Considérant que le nombre d'administrateurs auquel se trouve réduit le directoire du département du Pas-de-Calais est insuffisant pour l'administration de ce département, et que néanmoins, il est d'un intérêt pressant qu'aucune partie de celte administration n'éprouve un retard qui deviendrait funeste à la chose publique ;
Considérant encore qu'il est instant de donner à tous les directoires de départements et districts du royaume qui se trouveraient dans le cas de celui du département du Pas-de-Calais, les moyens de se compléter promptement,
« Décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir délibéré l'urgence, décrète :
Art. 1er.
« Les places qui sont actuellement ou qui deviendront vacantes, par mort, démission ou autrement, dans les directoires de départements et de districts, seront remplies à défaut des suppléants, par ceux des membres des conseils respectifs qui seront nommés à cet effet par les membres restants desdits directoires.
Art. 2.
« Les membres ainsi nommés exerceront leurs fonctions dans le directoire jusqu'à l'époque légale de la réunion du conseil, qui élira définitivement aux places qu'ils auront remplies.
Art. 3.
« Dans le cas où des procureurs-syndics et membres de directoire de district, dont les places sont ou deviendront vacantes jusqu'aux prochaines élections, par mort ou démission, ne pourraient pas être remplacés parmi les membres de la même administration, soit par le refus d'accepter de la part des suppléants, soit à raison de l'incompatibilité des fonctions d'administrateur du conseil avec celles de membres de directoire, ou par tout autre empêchement, les directoires des départements dans l'étendue desquels se trouveront les districts qui auront des sujets à remplacer, sont et demeurent autorisés à pourvoir aux remplacements nécessaires par des membres qui seront pris dans les conseils desdits départements. »
Une députation des volontaires du bataillon de la Charente-Inférieure est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Législateurs, le bataillon de la Charente-Inférieure actuellement en marché pour se rendre aux frontières, nous a députés vers vous pour vous témoigner l'amour brûlant du patriotisme dont il fut toujours animé. Le cri de la guerre s'est fait entendre jusqu'à nous. Ce n'est qu'à force de sollicitations que nous avons obtenu d'y marcher. Nous ne désirons, nous ne demandons que la faveur de n'être pas mis sur la seconde ligne. Les fatigues, les périls de tout genre n'ont rien qui nous effraye. Ce sera pour nous une douce satisfaction, si vous apprenez un jour qu'au lit de l'honneur notre dernier soupir fut une expression d'amour pour la patrie. (Applaudissements.) Poursuivez, sages législateurs, soyez forts de tous les bons citoyens qui sont prêts à mourir pour maintenir, pour défendre et la Constitution, et la liberté,, et les droits de l'homme. (Applaudissements.) Nous avons quelques réflexions à vous présenter relativement au bataillon de la Charente-Inférieure ; mais pour ne point abuser de vos moments, nous en demandons le renvoi au comité militaire. (Applaudissements.)
, répondant à la députation. Messieurs, l'Assemblée nationale applaudit à votre dévouement. Volez à la défense des frontières de votre patrie, et si les ennemis s'y présentent, apprenez-leur ce que valent les soldats de la liberté et des Français régénérés, combattant pour leurs lois. L'Assemblée vous invite à sa séance.
(La députation traverse la salle au milieu des applaudissements de l'Assemblée et des tribunes.)
Je demande qu'il soit fait mention honorable de la conduite des volontaires nationaux du bataillon de la Charente-Inférieure ; ces volontaires n'ont fait qu'une sollicitation au ministre de la guerre, c'est d'être placés à l'endroit le plus périlleux des frontières.^(Applaudissement s.)
Plusieurs voix : Mention honorable et envoi de l'extrait du procès-verbal!
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal, la renvoie au comité militaire et ordonne, en outre, l'envoi de l'extrait du procès-verbal au bataillon de la Charente-Inferieure.)
On m'écrit du district de Saint-Maixent, département des Deux-Sèvres, que le recrutement s'y fait comme dans toute la France, avec une rapidité prodigieuse, et qu'avant d'avoir officiellement reçu le décret, à la seule nouvelle qu'en donnaient les papiers publics, il y avait déjà dans ce district 5o hommes enrôlés. (Applaudissements.)
Il faudrait faire mention honorable de tous les districts de l'Empiré, car tous se conduisent avec le même zèle. Dans le mien, les manufacturiers ont été obligés de présenter une pétition aux administrateurs pour arrêter les enrôlements, car ils n'avaient plus d'ouvriers. (Applaudissements.) Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. .
J'y consens, mais à condition qu'il soit motivé sur le zèle de fous les districts.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour motivé
sur ce qu'il faudrait faire mention honorable de tout le royaume.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation sur le mode de séquestre des Mens des émigrés.
, rapporteur, donne lecture de l'article 7 qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 7.
Le directoire du département, d'après ces états et ses connaissances particulières, et sous sa responsabilité, arrêtera définitivement, dans le mois suivant la liste des biens qui devront être administrés conformément à l'article 2. Il fera publier et afficher cette liste dont il enverra une copie au ministre des contributions et une autre aux commissaires régisseurs des domaines nationaux, qui seront tenus, aussitôt après la réception de cette liste, de prendre l'administration des biens y contenus. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 8, qui est ainsi conçu :
Art. 8.
Précautions.
t Pour éviter, dans la confection de ces listes, toute erreur préjudiciable à des citoyens qui ne seraient pas sortis du royaume, les personnes qui ont des biens hors le département où elles font leur résidence actuelle enverront au directoire du département la situation de leurs biens, un certificat de la municipalité du lieu qu'elles habitent actuellement dans le royaume: ce certificat sera délivré gratuitement par les municipalités'; mais le secrétaire desdites municipalités sera payé de son salaire par l'administration des domaines séquestrés à raison de 10 sous par chaque certificat. »
Par cet article, l'émigré qui est arrivé depuis 2 jours peut jouir de tous ses biens. Je demande qu'il soit dit dans l'article que l'on sera obligé de justifier, par un certificat, la résidence dans le royaume depuis 6 mois, ainsi que vous l'avez fait pour les rentiers de l'Etat.
(L'Assemblée décrète l'article 8 avec l'amendement de M. Basire.)
Suit la rédaction de l'article 8, adoptée lors de la lecture du procès-verbal :
Art. 8.
Précautions.
« Pour éviter, dans la confection de ces listes, toute erreur
préjudiciable à des citoyens qui ne seraient pas sortis du royaume, les
personnes qui ont des biens hors le département où elles font leur
résidence actuelle enverront au directoire du département la situation
de leurs biens, un certificat de la municipalité du lieu qu'elles
habitent, lequel certificat sera visé par le directoire du district, qui
constatera
, rapporteur, donne lecture de l'article 9 qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 9.
Difficultés.
« Les difficultés qui pourront s'élever sur le fait de l'absence ou sur l'administration des biens séquestrés, seront terminées administrativement par les directoires de département, sur l'avis des directoires de district. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 10, ainsi conçu :
Art. 10.
Débiteurs.
« Les fermiers, locataires, ou autres débiteurs des émigrés, qui, à raison du séquestre, auraient été forcés à des déplacements, soit pour fournir des rensèignements, ou pour payer en des lieux où ils n'étaient pas tenus ae se transporter, pourront retenir, sur les sommes qu'ils verseront, leurs frais de voyages et autres indemnités, qui leur auront été allouées par les directoires ae département. »
Un membre propose, par amendement, que l'indemnité soit allouée par les directoires de district et homologuée par les directoires de département.
(L'Assemblée adopte l'article 10 avec l'amendement.)
Suit la rédaction de l'article 10, adoptée lors de la lecture du procès-verbal :
Art. 10.
Débiteurs.
« Les fermiers, locataires, ou autres débiteurs des émigrés, qui, à raison du séquestre, auraient été forcés à des déplacements, soit pour fournir des renseignements, ou pour payer en des lieux où ils n'étaient pas tenus de se transporter, pourront retenir, sur les sommes qu'ils verseront à la caisse du séquestre, leurs frais de voyages et autres indemnités, qui leur auront été allouées par un arrêté du directoire de district, homologué par celui du département. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 11, ainsi conçu :
Art. 11.
Triple contribution.
« Tous les biens des Français émigrés payeront par forme d'indemnité du service personnel que tout citoyen doit à l'Etat, une triple contribution principale, foncière et mobilière pendant tout le temps que durera le séquestre, sans préjudice des indemnités que la continuité de l'absence
des émigrés ou leurs complots pourraient rendre nécessaires. »
Plusieurs membres : La question préalable !
Un membre propose de substituer à l'article 11 un autre article.
D'autres membres proposent des rédactions différentes.
Cet article ne me paraît point remplir les vues de l'Assemblée. Dans les dangers qui menacent la patrie, je me croirais coupable envers elle, si je me sentais arrêté par un mouvement de commisération pour ceux qui la trahissent. Vous avez décidé que les biens des émigrés seraient mis sous la main de la nation. Cela était fondé sur ce principe, que celui qui fait le mal doit le réparer. Je suppose qu'un homme, par malveillance ou par imprudence, embrase la maison de son voisin, que cette maison vaille 100,000 livres; que la forfune de l'auteur du mal se monte à la même somme, et qu'il, ait plusieurs enfants, à quoi serait-il condamné? à réparer le dommage, quel que soit le nombre, quel que soit le sort de ses enfants : car c'est encore un principe de toute vérité, que les enfants n'ont de droit que sur la fortune réelle de leur père; que le père n'a de fortune réelle que celle qui lui reste après avoir payé tout ce qu'il doit. (.Applaudissements.) Venons à l'application. Je vois que les émigrés ont causé de grandes dépenses à la nation, qu'ils lui ont suscité des ennemis dans toute 1 Europe, qu'ils provoquent sans cesse contre elle une guerre impie, qui lui coûterait non seulement beaucoup d'argent, mais, ce qui est bien plus précieux, le sang de ses meilleurs citoyens. Je vois qu'ils fomentent, dans l'intérieur, des désordres incalculables, et je n'hésite pas à leur attribuer le meurtre du vertueux maire d'Etampes. Ne prendre sur leurs biens qu'une triple imposition, c'est vous en rendre simplement les régisseurs, c'est rapporter, pbur ainsi dire, le décret qui les a mis sous la main de la nation. Je propose à l'Assemblés les articles suivants (1) :
« Art. 11. Les revenus des biens séquestrés seront versés dans la caisse du receveur de district, pour y demeurer affectés, comme les biens eux-mêmes, au payement de l'indemnité qui sera définitivement arrêtée par l'Assemblée nationale.
« Art. 12. Les débiteurs des rentes, prestations ou redevances, ou autres sommes quelconques dues à des émigrés, seront tenus d'en fournir leur déclaration/dans la quinzaine de la publication du présent décret, a leur municipalité, à peine d'une amende égale à la quotité de la redevance. Ils seront également tenus de faire les payements à l'échéance des pactes, entre les mains du receveur du district. Tout payement fait aux émigrés, après la publication du présent décret, sera regardé comme nul. Il en sera de même de tout payement qu'on prétendait avoir été fait avant Féchéance des pactes à venir, si le payement n'est constaté par un acte public.
« Art. 13. Les femmes, les propriétaires par indivis, les enfants ou les
pères et parents des Français émigrés qui, par succession, donation ou
autrement, auraient des droits déjà acquis sur les biens séquestrés,
pourront, s'ils sont
« Art. 14. Dans tous les cas, on laissera aux femmes, aux enfants et pères et mères des émigrés, la jouissance de la maison où ils ont leur domicile, sans que, néanmoins, ils puissent être dispensés de l'inventaire prescrit par l'article 3, et sans entendre soustraire ladite maison à la main-mise de la nation.
« Art. 15. Tous autres prétendants-droit sur les biens des émigrés pour créances, hypothèques ou autres causes, et qui, pour justifier la légitimité de leurs droits, rempliront les conditions prescrites par les articles 1 et 3 du décret du 27 juillet 1791, pourront poursuivre la mainlevée des sommes qui leur seront dues parles voies indiquées par la loi pour les cas de séquestre. Le procureur-syndic du district sera appelé dans ces instances.
« Art. 16. Si un émigré rentre en France dans le délai d'un mois après la publication du présent décret, il sera réintégré dans la jouissance de ses biens, en payant les frais d'administration, sa contribution, et, de plus, à titre d'indemnité, une somme double de cette contribution ; il sera encore tenu de donner caution de la valeur d'une année de revenu; et s'il quittait de nouveau sa patrie, avant que l'Assemblée nationale ait proclamé que les dangers qui la menacent, sont passés, l'année de revenus sera exigée de la caution, et les biens seront de nouveau mis en séquestre.
« Art. 16. Les émigrés qui ne rentreront pas dans le délai fixé par l'article précédent, ne pourront obtenir la jouissance de leurs biens qu'après que l'Assemblée nationale aura définitivement arrêté l'indemnité due à la nation. »
(L'Assemblée ordonne l'impression et la distribution des nouveaux articles proposés par M. Vergniaud et ajourne la discussion à lundi.)
Suit la teneur des articles décrétés : -
Art. 7.
« Le directoire du département, d'après ces états et ses connaissances particulières, et sous sa responsabilité, arrêtera définitivement, dans le mois suivant, la liste des biens qui devront être administrés conformément à l'article 2. Il fera publier et afficher cette liste dont il enverra une copie au ministère des contributions, et une autre aux commissaires régisseurs des domaines nationaux; qui seront tenus, aussitôt après la réception de cette liste, de prendre l'administration des biens y contenus. »
Art. 8.
Précautions.
« Pour éviter, dans la confection de ces listes, toute erreur préjudiciable à des citoyens qui ne seraient pas sortis du royaume, les personnes qui ont des biens hors le département où elles
font leur résidence actuelle, enverront au directoire du département de la situation de* leurs biens, un certificat de la municipalité du lieu qu'elles habitent; lequel certificat sera visé par le directoire de district, qui constatera qu'elles résident actuellement et habituellement depuis six mois dans le royaume \ ce certificat, qui sera affiché dans la municipalité qui l'aura délivré, sera donné gratuitement par les municipalités ; mais le secrétaire desdites municipalités sera payé de son salaire par l'administration des domaines séquestrés, a raison de dix sous par chaque certificat, le papier et le timbre compris. »
Art. 9.
Difficultés.
« Les difficultés qui pourront s'élever sur le fait de l'absence ou sur l'administration des biens séquestrés, seront terminées administra-tivement par les directoires de département, sur l'avis des directoires de district. »
Art. 10.
Débiteurs.
« Les fermiers, locataires, ou autres débiteurs des émigrés, qui, à raison du séquestre, auraient été forces à des déplacements, soit pour fournir des renseignements, ou pour payer en des lieux où ils n'étaient pas tenus ae se transporter, pourront retenir, sur les sommes qu'ils verseront à la caisse du séquestre, leur frais de voyages et autres indemnités qui leur auront été allouées par un arrêté du directoire de district, homologué par celui du département. »
(La séance est levée à dix heures et demie.)
idées (2) pour parer au manque de confiance sur les assignats par m. hurel.
Est-ce que l'Assemblée nationale ne pourrait pas, malgré le décret qui dit qu'il ne sera plus fait d'emprunts, accepter un projet, qui serait à bien des égards plutôt un dépôt de confiance, qu'un emprunt, et satisferait à trois objets intéressants :
1° A faire face au vide de la perception;
2° A faire le remboursement, sans nouvelle émission d'assignats;
3° Et enfin à procurer un numéraire?
Le manque d'argent provient, dit-on, de l'abondance du numéraire fictif appelé assignats, dont il n'a aucun autre débouché que la communication des besoins entre les citoyens, et l'achat des biens déclarés nationaux et du clergé; la méfiance s'est emparée des citoyens au point de survendre toutes les marchandises, en ne regardant la valeur des assignats que comme moitié
de la valeur du numéraire, valeur qui s'établit de même dans la vente des biens nationaux, qui, eu égard aux impositions, ne produiront guère plus d'un et demi 0/0.
L'Assemblée constituante, en remboursant toutes les charges et tout ce qui était dû, a donc versé en circulation un numéraire immense sur lequel il n'y a pas de confiance; faute d'emploi, cette somme montant à près de deux milliards, a occasionné le défaut de la circulation de l'argent, qui se trouve remplacé par les billets de particuliers dont l'intérêt est le défaut d'argent et qui n'emploient peut-être la confiance qu'on leur donner que pour augmenter le malheur général.
Il semble aussi que la nation éprouve, dans ce moment, plusieurs embarras :
Le premier, de faire face au vide de la perception de l'impôt, ce qui oblige à verser tous les mois delà caisse de l'extraordinaire, à la trésorerie nationale 20 à 22 millions ;
2° De trouver sans nouvelle émission d'assignats, les fonds nécessaires pour opérer le remboursement décrété par l'Assemblée constituante ;
3° Et enfin, de tâcher de trouver du numéraire pour faire face aux dépenses indispensables, telles que la paye des troupes, etc.
Tous les moyens employés jusqu'à présent, pour parer à tous ces inconvénients, sont ruineux pour la nation.
Sur l'impôt.
Les fonds que l'on emploie pour parer au vide, anéantissent d'autant ceux ordonnés pour les remboursements, et tendent aussi à anéantir les ressources de la nation; étant de principe, que de prendre sur son fonds pour payer les arrérages de ses dettes, est se ruiner; et pour peu que cela dure trois ou quatre ans, il sera mangé sur le bien de la nation 12 ou 1,500 millions.
Nouvelle émission d'assignats.
Sans trouver des moyens autres que ceux décrétés, c'est-à-dire émettre de nouveaux assignats, il n'est pas possible de faire de remboursements, où if ne seront effectués qu'en quittance de finance portant intérêts a 5 0/0. Il serait contre l'ordre de supprimer à un homme son état, et de lui retenir ses fonds à un autre intérêt que ceux sur lequel-il les avait fournis, les conventions devant être tenues : et si l'on en rembourse pour 600 millions, ce sera 30 millions d'intérêts perpétuels de plus à payer.
Avoir du numéraire.
On n'engagera à donner de l'argent pour le besoin de l'Etat, que par un appât quelconque, et en donnant les moyens de se défaire d'un effet que l'on craint de voir périr en entier dans ses mains.
La confiance existe encore dans la nation; on le voitnar le taUx où se vendent les rentes perpétuelles et viagères. Ces dernières ont gagné jusqu'à 20 et 22 0/0.
Le seul emprunt qui existe à pouvoir convertir en viager, est celui de 80 millions qui est à 8 0/0 sur deux têtes, et à 9 0/0 sur une tête; de sorte qu'à 20 0/0 de bénéfice sur deux têtes on n'a guère que 6 1/4 0/0 d'intérêts.
J'estime donc qu'au lieu d'émettre de nouveaux
assignats, ce n'est que par un emprunt que l'on peut trouver une ressource efficace et sûre, pour venir au secours de l'Etat en retirant de la circulation une masse considérable d'assignats qui y sont versés. Je propose donc d'ouvrir un emprunt en perpétuel et viager de 600 millions et plus aux clauses et conditions suivantes :
Savoir, en perpétuelle, il serait accordé 2 0/0 d'intérêt, et lesdits contrats ou quittances de finances qui seraient donnés seraient pris pour comptant pour l'acquisition de biens nationaux ou du clergé.
L'emprunt en viager produirait 4 0/0 sur deux têtes et 6 sur une ; et ceux qui voudraient fournir un quart en espèces, il leur serait accordé 8 0/0, sur line tête, et 6 0/0 sur deux.
On suppose 200 millions en perpétuelle, ce qui irait peut-être au delà; ce ne serait jamais que 4 millions d'intérêts à payer, avec lesquels on en rembourserait dix.
Quatre cents millions en viager; on présume moitié sur une tête, ce serait alors 12 millions; et 200 sur deux têtes, ce serait 8 millions, en tout 24 millions d'intérêts susceptibles d'extinction de toute façon. Je ne porte point ici l'augr mentation pour ceux qui porteraient le quart en argent, parce que l'on ne peut le calculer que sur le besoin.
11 est impossible de douter du succès de cet emprunt. Jamais la nation n'a encore manqué à ses engagements en rentes. À défaut de confiance d'une part dans les assignats, se joint la crainte d'être volé, et celle du feu ; les placements obligatoires, tels que ceux des mineurs, des douaires, etc., y seront portés avec empressement; En un mot, ce serait un dépôt volontaire où chacun porterait avec certitude d'intérêt, jusqu'à ce qu'il en eût besoin les sommes qu'il est obligé de garder chez lui sans crainte.
En viager, la soif d'en avoir et l'exactitude des payements ne peuvent manquer d'engager à y porter avec chaleur et empressement; et la dégradation sûre du payement de l'intérêt par les extinctions en diminue toujours la charge.
M. Clavière dit très bien dans l'article 8 de la conjuration contre les finances et des moyens d'en arrêter les effets, insérés dans la Chronique du mois des papiers patriotiques, folio 85 :
« Ouille désordre aes opinions... c'est le plus grand mal de nos finances; il décourage les penseurs... En effet, que peuvent-ils proposer à la méchanceté, à une cupidité non moins haïssable, et à cette inconcevable terreur qui s'empresse de réaliser contre soi-même, plus de perte que ne peut en craindre le spéculateur le plus timide, s il veut user de sa raison? C'est à l'Assemblée nationale à s'affermir contre tout ce délire, pour s'en occuper avec plus de succès.
« Quoi qu'on puisse lui dire, l'Assemblée nationale doit rendre les assignats rares afin d'empêcher le prix des choses de s'élever. Elle doit séparer les assignats de la dette publique, afin que leur gage leur appartienne évidemment à tous les yeux. Elle doit, sans s'embarrasser du succès, ouvrir des emprunts pour ceux que le discrédit des assignàts inquiète, et qu'on induit à acheter du papier sur l'étranger en faisant d'énormes sacrifices. Elle ne doit destiner les capitaux provenant de cet emprunt, qu'à de sages opérations propres à contre-balancer les perfidies de l'agiotage. Elle doit soumettre les mutations des effets aux porteurs, au droit d'enregistrement, afin de rançonner et d'affaiblir l'agiotage. Elle doit proscrire les dénomiations
en livres tournois, en ordonnant en même temps la refonte des monnaies d'or et d'argent.
Signé : « HUREL, « Citoyen de la section Enfants-Rouges. »
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GUYTON-MORVEAU
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 9 mars.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 10 mars, au matin.
Le sieur llelman, qraveur, dont les talents sont déjà connus par deux gravures : l'une représentant l'ouverture des états généraux, l'autre, la mémorable nuit du 4 août, fait hommage a l'Assemblée d'une nouvelle gravure représentant la Fédération générale des Français au Champ-de-Mars du 14 juillet 1790. (Applaudissements.)
(L'Assemblée agrée l'hommage et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
dépose sur le bureau, de la part de M. Gabet, les deux premiers volumes d'une collection ayant pour titre : « Procès-verbaux de l'Assemblée nationale constituante par ordre de matières ou collection des motions, rapports, décrets, etc., dans leur ordre naturel. »
(L'Assemblée accepte l'offre et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
, secrétaire, donne lecture lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Légerin l'aîné, de Chaumont, département de la Haute-Marne, datée du 8 de ce mois, et à laquelle étaient jointes deux quittances de finances, l'une du 6 septembre 1777, de la somme de 37 livres 10 sols, pour une maîtrise d'épicier, et l'autre du 21 juin 1778, de la somme de 93 livres 15 sols pour une maîtrise de mercier-drapier. Il fait don de ces deux sommes et déclare ne rien réclamer de ce qui lui est accordé par le décret de février 1791.
(L'Assemblée accepte ce don patriotique et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
2° Pétition par les municipalités de Changy et Outrepont, district de Vitry-le-François, département de la Marne, dont l'objet est d'obtenir des renseignements et des secours, afin de rentrer en possession de biens dont elles réclament la propriété.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
Une députation des administrateurs du directoire du département de Seine-et-Marne et des officiers municipaux de Melun est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture :
1° D'une adresse des administrateurs du directoire du département de Seine-et-Marne, qui annonce les premiers succès de leurs démarches et l'espoir de maintenir la paix dans leur département.
2° D'un compte rendu, par la municipalité de Melun, des moyens de persuasion et de fermeté qu'elle a employés pour prévenir une insurrection dans cette ville.
Ces pièces sont ainsi conçues : %
Adresse du directoire du département de Seine-et-Marne.
Messieurs,
« Nous nous sommes présentés devant vous, il y a peu de jours, pour vous
communiquer nos chagrins et nos inquiétudes (1). Nous venons aujourd'hui
vous peindre notre reconnaissance et notre satisfaction. L'accueil
favorable que vous avez bien voulu nous faire, et la célérité avec
laquelle vous avez résolu de statuer sur nos représentations, ont
commencé à ramener le calme et la tranquillité dans les communes dont
les maires nous avaient accompagnés. Cependant, à notre retour à Melun,
nous avons encore trouvé de justes sujets d'alarmes. Nous étions menacés
(l'une insurrection presque générale dans les campagnes, et on nous
faisait craindre, dans la ville même, une désertion à peu près pareille
à celle dont une ville voisine nous avait donné le malheureux exemple.
Le département, le district et la municipalité s'étant rassemblés, un
même sentiment s'est manifesté parmi tous les administrateurs. Le peuple
ne peut, de son propre mouvement, vouloir le mal et le désordre. On
cherche à l'égarer, cherchons à l'instruire. Aussitôt, on arrête
unanimement que tous les citoyens seront convoqués le soir même pour
conférer avec les corps administratifs sur les dangers présents et les
mesures à prendre. Ils se rendent à l'invitation. Nous leur faisons le
tableau des circonstances délicates où nous nous trouvons. Nous
cherchons à leur faire distinguer les bons citoyens et les ennemis
publics. Nous peignons d'un côté la respectable indigence qui, eii
demandant l'exact nécessaire, semble réclamer une dette sacrée; et de
l'autre, là scélératesse perfide qui, à la faveur du besoin, s'efforce
d'égarer le patriotisme le plus pur. Nous demandons d'être aidés à
protéger l'une et à repousser l'autre. Un assentiment général répond à
notre demande, et tous les bras se lèvent pour nous promettre de
s'armer. Plusieurs communes voisines viennent nous offrir leurs secours,
et nous nous séparons ; administrateurs et administrés ne forment qu'un
peuple de frères. Nous recevons en même temps les offres de plusieurs
cultivateurs, qui, instruits qu'on cherche à soulever les campagnes à la
faveur du prix des grains, promettent de les fournir à un prix modéré et
invariable jusqu'à la moisson prochaine. Nous nops • hâtons de publier
ces nouvelles preuves de leur patriotisme. Les mesures sont prises avec
les commandants des corps armés pouroccupertoutes les avenues de la
ville et ne laisser entrer aucune troupe en armes, sans un réquisitoire
du procureur de la commune. Ces dispositions ont produit le plus heureux
effets. La ville de Melun a vu hier affluer à ses portes environ 30
communes armées, formant environ 8,000 hommes nombre fort supérieur à la
population de la ville. Toutes ces communes ont consenti plus ou moins
facilement à déposer leurs armes aux portes. La force publique a été
déployée dans un appareil
« Fontaine, président du département. »
Compte que rend à VAssemblée nationale le directoire du département de Seine-et-Marne, du succès des mesures qu'il a prises pour apaiser les troubles qui se sont élevés dans Vétendue de son ressort, relativement aux subsistances, jusqu'au 10 mars 1792.
« Le directoire du département de Seine-et-Marne, qui avait fait part à l'Assemblée nationale de ses inquiétudes sur la fermentation qui s'était manifestée dans plusieurs parties du district de Melun, relativement au prix des subsistances, et qui se propageait d'une manière effrayante, doit le compte des mesures générales qu'il a prises pour assurer des grains, et la sûreté des personnes et -des propriétés dans les cinq districts compris dans son administration.
« Les cinq districts ont reçu des avis sur la conduite à tenir dans les différents marchés de leur ressort, et sur l'emploi qu'ils seraient dans le cas de faire de la force publique, d'après la loi du 3 août 1791.
« Une adresse aux citoyens a été imprimée et envoyée à toutes les municipalités, pour éclairer le peuple des villes et des campagnes sur le danger qu'il ferait courir à la liberté et à la Constitution, s'il suivait imprudemment les mouvements de division et de trouble que cherchent à lui inspirer les ennemis de la chose publique.
« Et partout les cultivateurs ont été invites à porter 1 abondance dans les marchés, avec l'assurance que protection leur serait donnée contre toute voie de fait qu'ils pourraient appréhender ; le directoire croyant pouvoir se reposer sur leur civisme, de la valeur qu'ils mettraient eux-mêmes a leurs grains.
« Il résulte des comptes rendus par les districts sur leur position, que ceux de Nemours, Provins et Rozoy ont éprouvé un commencement d'agitation; que de premières précautions ont été prises, et qu'il en sera pris d ultérieures qui accroîtront en raison de la gravité des cir-constancés.
« Le district de Meaux, qui n'a encore éprouvé aucune secousse marquante, étant cependant entouré de pays très échauffés relativement à leurs subsistances, s'attend bien à avoir aussi ses orages, et s'y prépare par des mesures de prévoyance.
« Quant au district de Melun, c'est dans ses marchés que les mouvements populaires plus nombreux, plus armés, plus menaçants, auraient pu devenir dangereux et aboutir à des excès funestes, s'il n'y avait été opposé à temps des moyens de prévoyance et de vigueur suffisants .
« Comme il a été déjà fait à l'Assemblée nationale un récit des troubles récents qui ont eu lieu dans le marché de Brie, et dans le canton de Boissise-la-Bertrand, il suffira de s'arrêter à ce qui vient de se passer à l'occasion et dans la journée du marché de Melun, du samedi 10 mars.
« Depuis plusieurs jours ce marché était menacé d'une invasion très nombreuse d'hommes armés, que l'on savait avoir l'intention de forcer la municipalité et même les corps administratifs à taxer le blé ; et l'on pouvait craindre que les malveillants, qui dirigent ces attroupements partout où ils éclatent, d'après un plan bien évidemment contre-révolutionnaire, n'eussent des projets attentatoires aux pouvoirs constitués, et favorables à la dévastation et au pillage.
« Il s'agissait d'éviter le malheur dont on était menacé, et il fallait. se tirer d'affaire avec ses propres forces, le département ayant la certitude qu'il ne pouvait obtenir de secours d'aucun des départements voisins.
« Différents moyens ont été employés pour parvenir à la fin que l'on se proposait; ils ont consisté principalement dans un plan de conduite, combiné de confiance envers les citoyens, de communication amicale avec les administrations inférieures, de prévoyance pour l'approvisionnement du marché, u'une précaution de force et de police pour la sûreté des personnes et des propriétés.
« L'assemblée générale des habitants de Melun, tenue la veille du marché, et à laquelle se sont trouvés les corps administratifs et la municipalité, était un rapprochement parfaitement heureux dans les circonstances; elle a produit l'effet très utile de faire sentir aux citoyens indigents que l'on s'occupait de leurs besoins, de piquer d'honneur les gardes nationales, et d'éclairer les uns et les autres sur les véritables causes des mouvements extraordinaires dont la
cherté des subsistances n'est que le prétexte.
« A cette assemblée a succédé, dans le lieu des séances du département, une conférence des corps administratifs, de la municipalité et des commandants des différents corps militaires, sur les mesures à suivre le lendemain dans l'emploi des forces qui devaient servir pour proteger le marché; et comme déjà le danger semblait être diminué, le département a cru pouvoir laisser à la municipalité le détail de l'exécution avec d'autant plus de confiance, qu'il connaissait son zèle et son activité, et qu il devait, avec le district, se réunir à la maison commune pour y partager les fatigues du corps municipal et pourvoir aux besoins et" aux dangers qui pourraient survenir.
« Dès le matin du samedi 10, les laboureurs, fidèles à leur parole, qu'ils avaient donnée de garnir le marché, se sont empressés de remplir leur promesse ; l'approvisionnement s'est trouvé être fort abondant, et les laboureurs ont annoncé de bonne heure la disposition de se relâcher sur le prix de leurs grains.
« En même temps que les subsistances arrivaient de tous les environs, les corps administratifs et la municipalité surveillaient tous les mouvements du dehors, et dirigeaient ceux du dedans. La municipalité se portait partout, veillait à tous les postes, négociait avec les communes, faisait déposer en lieu de sûreté les armes de toutes leurs gardes nationales, au nombre de plus de 8,000, et donnait aussi ses soins à la vente des grains sur le marché, qui s'est fait avec beaucoup de tranquillité, et à un prix offert par les laboureurs et accepté par les acheteurs, dont l'effet sera de réduire la taxe du pain à deux sols la livre.
« Les corps administratifs n'ont pas été dans le cas de déployer leur autorité supérieure; ils se sont bornés à une seule inspection qui leur était d'autant plus agréable, qu'ils navaient qu'à rendre justice au zèle et à l'intelligence du corps municipal.
« Le département n'a que des éloges à donner aux 2 escadrons de cavalerie du 18e régiment, aux 5 brigades de gendarmerie nationale de Melun, Fontaineblau, Brie-Comte-Robert, Lieu-saint et Chailly, et aux 2 bataillons de la garde nationale melunoise. Ces différents corps et leurs chefs ont donné des preuves soutenues de civisme, de sagesse et de fermeté, et il doit être observé que s'il eût fallu un supplément de force, on l'eût aisément trouvé dans plusieurs gardes nationales des environs qui ont fait offre de leur service.
« Le département se plaît aussi à déclarer qu'en général les officiers municipaux qui venaient à la tête des communes se sont conduits d'une manière fort raisonnable, et que plusieurs d'entre eux ont offert de faire partie delà députation qui va mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale le récit des faits de la journée du 10 mars.
« C'est ainsi que la ville de Melun a été préservée des malheurs dont elle était menacée; et quoiqu'il y ait lieu de croire qu'elle n'ait plus à appréhender de semblables attroupements, cependant il sera prudent de se mettre en garde contre une nouvelle invasion.
« Le département continuera de rendre compte à l'Assemblée nationale de tous les événements importants qui intéresseront les besoins et la tranquillité des citoyens confiés à son administration. (.Applaudissements.)
« Fait et arrêté en la maison commune de Melun par les membres du directoire de département de Seine-et-Marne, à il heures 1/2 du soir, le samedi 10 mars 1792.
Signé : « Fontaine, Président, Babée, Gharbonneau, Gorbilly, Guillard, Garnot, Jacob, Paris ; Prieur, procureur général, et Mallet, secrétaire général.
« Pour copie conforme :
« Mallet, secrétaire général. »
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonné la mention honorable et l'insertion au procès-verbal de l'adresse du directoire du département de Seine-et-Marne et du compte rendu de la municipalité de Melun.)
Un membre : Voici une adresse des administrateurs du directoire du département du Gard, concernant divers faits relatifs à la ville d'Arles, et qu'il est important de faire connaître à l'Assemblée.
« Messieurs,
« L'événement vient de justifier nos craintes. Une grande explosion vient de se manifester dans Arles. Les patriotes y sont livrés à tous les dangers et à tous les malheurs. Les ennemis de la Révolution effrayés de la marche des Marseillais, et pensant probablement que leur ville était menacée par eux, ont saisi des citoyens qu'ils ont emprisonnés avec toutes sortes de mauvais traitements et les y retiennent comme otages. Les portes de la ville sont fermées, et les patriotes qui ont pu échapper ne l'ont fait qu'a travers les plus grands périls et les coups de fusil lorsqu'ils ont été aperçus. Un grand nombre se sont réfugiés dans le département du Gard, dans les villes de Saint-Gilles et de Beaucaire. Hier, il y en avait déjà plus de deux cents dans cette dernière ville, parmi lesquels se trouvent le président du tribunal du district, ci-devant membre de l'Assemblée constituante, un juge de pàix et des notables. Tous s'accordent à peindre l'état de leur ville comme affreux; et inspirent les plus vives alarmes sur le sort des otages qui y sont retenus.
« Nous ne pouvons vous dissimuler nos craintes, elles sont très vives ; la situation de la ville d'Arles, ses ressources en armes, provisions, munitions, moyens qu'on semble s'être obstiné à leur laisser, sa position géographique, ses relations soupçonnées avec les émigrés, ses rap- ports bien connus avec Carpentras et le Comtat enaissin, rapports rendus faciles par la communication du Rhône, ses relations prouvées avec Jalès et tous les mécontents du département du Midi, nous inspirent de vives alarmes, et rendent urgentes toutes les mesures vigoureuses, que nous avons déjà sollicitées, et qui, déjà tardives, pourraient devenir inutiles, si elles étaient plus longtemps différées. Nous ne cesserons de le répéter : à l'instant où la guerre s'engagera au dehors, un mouvement violent ne peut manquer d'éclater dans ces départements, est dès longtemps préparé, et sera favorisé et soutenu par les ennemis extérieurs. »
D'après la lecture que vous venez d'entendre,
je demande que l'Assemblée veuille bien mettre à l'ordre du jour d'une des premières séances le rapport relatif aux troubles d'Arles.
Je demande une séance extraordinaire demain soir, pour s'occuper de l'affaire d'Arles et le renvoi des pièces aux comités de surveillance et des pétitions.
Un membre : Les massacres exercés sur les patriotes à Avignon, doivent faire présumer ce qui arrivera %ux prisonniers détenus à Arles ; je demande que l'Assemblée rende dès à présent responsables sur leurs têtes, les autorités constituées de la ville d'Arles, c'est-à-dire la municipalité, le district et les chefs de la force publique, des malheurs qui pourraient arriver aux citoyens détenus.
Je m'oppose à ce décret, parce que cette responsabilité existe, ët que ce serait 1 affaiblir pour tous les pays que de la prescrire pour la ville d'Arles.
Un membre : Je demande que l'on passe à l'ordre du jour en le motivant.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour motivé sur ce que la responsabilité est déjà prononcée par les lois existantes.)
Uu de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. de Narbonne, qui prie l'Assemblée de déterminer le mode suivant lequel son compte, en qualité d'ancien ministre de la guerre, devra être rendu. Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, 11 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« J'ai appris que l'Assemblée nationale avait décrété que les ministres rendraient leurs comptes en quittant le ministère, avant de sortir de Paris. Comme il n'y a point, à cet égard, de forme réglée, je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir demander à l'Assemblée qu'elle indique la manière dont je dois obéir à ce décret. J'espère qu'elle excusera l'empressement que je témoigne, et qu'elle n'y verra que le juste et vif désir que tout citoyen doit avoir de se rendre à son posté.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : « Louis de Narbonne. »
Plusieurs membres demandent le renvoi à divers comités.
La chose est toute simple; je demande la question préalable sur la demande du renvoi.
Plusieurs membres. L'ordre du jour!
(L'Assemblée rejette l'ordre du jour et renvoie la lettre de M. de Narbonne aux comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances.)
, le jeune', au nom des comités militaire et de Vordinaire des finances réunis, soumet à la discussion un projet de décret (1) sur les créances arriérées du département de la guerre four Vannée 1790; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que la disposition du décret du 29
septembre dernier, qui renvoie à la liquidation générale toutes les
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Les appointements, soldes et masses des troupes, ceux des officiers et employés dans les différents services de la guerre, les intérêts des finances et gages d'ofûces qui sont assignés sur les fonds de la guerre, conformément à la loi du 3 juin 1791, relative au remboursement des charges et offices militaires ; les travaux, approvisionnements et dépenses particulières de 1 artillerie et du génie ; les indemnités accordées sur. les fonds de la guerre par l'article 14 du titre V de la loi du 10 juillet 1791, aux officiers de tout grade qui n'ont point été payés pendant les années antérieures à 1791, des logemènts en argent qui leur étaient affectés par les ordonnances ; ensemble toutes les sommes résultantes de ces différents objets, et qui étaient dues à l'époque du 1er janvier 1791, seront acquittées par le Trésor public dans les formes accoutumées, sans que lesdites créances puissent être regardées comme assujetties à la liquidation générale : les exceptant à cet égard des dispositions du décret du 29 septembre 1791. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Un membre observe qu'il y a de fréquents abus relativement aux logements des officiers, qu'ils se font payer en argent quoiqu'ils l'aient eu en nature.
, le jeune, rapporteur. Le payement des logements dont il s'agit dans le décret proposé n'est pas susceptible de cet abus.
Un membre : Je demande qu'il soit fait une instruction nouvelle sur Vassiette des contributions foncière et mobilière, pour que les municipalités puissent établir avec plus d'activité les rôles de la contribution de 1792.
(L'Assemblée renvoie cette motion au comité de l'ordinaire des finances.)
J'observe que l'Assemblée nationale a rendu le 20 février dernier, un décret d'accusation contre le sieur Duléry (1), détenu dans les prisons d'Angoulême, ce décret n'est pas exécuté. Je demande que le ministre de la justice soit tenu de rendre compte par écrit aujourd'hui et séance tenante, de l'exécution qui a dû être donnée à ce décret.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Dubois-de-Bellegarde.
, secrétaire, donne lecture d'une, lettre de M. Cahier de Gerville,
ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée nationale seize pièces
relatives à l'exécution de l'acte d'accusa-
« Paris, le 11 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« J'envoie à l'Assemblée nationale seize pièces relatives à l'exécution de l'acte d'accusation porté hier contre M. Delessart.
Je suis avec respect, etc.
Signé : « CAHIER. »
Lettre des administrateurs composant le directoire du département de Paris au ministre dé l'intérieur.
« Paris, le 11 mars 1792, l'an IVe de la liberté.
Nous nous empressons, Monsieur, de vous rendre compte de toutes les circonstances relatives à l'accusation de M. Delessart. M. le procureur général-syndic, instruit par la voix publique, sur les sept heures dû soir, du décret de l'Assemblée nationale qui déclare qu'il y a lieu à l'accusation contre M. Delessart et ordonne qu'il sera mis en état d'arrestation, et sur la nouvelle qui lui avait été donnée que les attroupements se formaient autour de sa maison, avait écrit sur-le-champ à M. le maire de Paris la lettre que nous joignons, n° 1. Peu après, il a été informé par un exprès qu'il avait envoyé sur le lieu, que les nouvelles qui lui avaient été données relativement aux attroupements n'étaient pas fondées.
M. le maire lui a accusé la réception de sa lettre. Par celle-ci, jointe n° 2, à neuf heures du soir, il a reçu votre lettre qui portait envoi du décret rendu le matin. A cette lettre en était jointe une autre du ministre de la justice, adressée au juge de paix de la section où est la rue d'Artois.
« M. lé procureur général-syndic a, sur-le-champ, expédié à M. Dufresne, juge de paix de la section de la Grange-Batelière, la lettre de M. le garde des sceaux, une expédition du décret et la lettre ci-jointe n° 4. L'accusé de réception lui a été apporté par celui qu'il avait chargé de porter la lettre. Il a en même temps fait avertir M. Papillon, colonel de la première division de gendarmerie nationale, et M. de Rus-sière, commandant la 29® division, de se rendre au département. M. Papillon était arrivé le premier. M. le procureur général-syndic lui a remis, à 10 heures et 1/2, l'ordre ci-joint, n° 5.
« Peu de temps après nous nous sommes réunis au directoire sur les lettres de convocation que M. le procureur général-syndic nous a fait passer. Immédiatement après avoir reçu l'acte du Corps législatif, nous l'avons consigné dans nos registres. Pendant que nous délibérions sur les mesures ultérieures à prendre, il nous est parvenu de vous une seconde lettre, n° 6, par laquelle vous me donniez ordre de faire conduire sur-le-champ M. Delessart à Orléans. Nous avons en conséquence pris l'arrêté dont nous joignons ici copie, n° 7.
« M. Papillon est venu au directoire sur les onze heures et 1/2 et nous a
rapporté le procès-verbal qu'il avait dressé dans la maison de M. Dé-
« Peu de temps après nous avons reçu la lettre de M. le maire, n° Il : sur les quatre heures nous avons reçu de M. Delessart la lettre ci-jointe, n° 12. Au vu de cette lettre nous avons chargé M. Papillon de se transporter dans ladite maison et de mettre à exécution l'acte du Corps législatif. Nous lui avons à cet effet expédié le pouvoir; dont nous joignons, copie, n° 13. Nous y avons joint une lettre pour MM. les commissaires de la haute Cour nationale, n° 14, et nous l'ayons chargé de nous faire instruire aussitôt qu'il aurait arrêté M. Delessart. A 6 heures du matin nous avons repu Pécrit de M. Papillon, n° 15, qui nous apprenait que le décret avait été exécuté. Et nous nous sommes séparés.
Signé : « Les administrateurs composant le directoire du département de Paris. »
Plusieurs membres demandent la lecture de la lettre écrite par M. Delessart au directoire du département.
, secrétaire. La voici :
« Paris, le 11 mars, 2 heures du matin.
« Au moment où j'ai appris, Messieurs, qu'on venait de porter contre moi un décret d'accusation, j'ai cru devoir me mettre à l'abri des contraintes violentes et illégales qu'une multitude égarée aurait pu exercer sur moi; mais sachant que le directoire est assemblé et s'occupe de ce gui me concerne, je me hâte de lui annoncer que je suis prêt à me soumettre à la loi, et qu'il peut, en conséquence, donner les ordres nécessaires pour mon arrestation. Je porterai à Orléans le même sentiment qui m'a toujours guidé dans mes fonctions, et comme il m'a toujours servi à être fidèle â mes devoirs, il me servira, j'espère, à faire triompher mon innocence. Je suis actuellement dans une maison, n° 2, rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur.
« Le ministre des affaires étrangères,
Signé : « delessart.
« P. S. Il m'est impossible, Messieurs, à l'heure actuelle, de trouver une berline à louer, n'en ayant pas chez moi, mais il sera probablement facile a l'officier de gendarmerie d'en avoir ce soir. Je vous prierai donc de vous occuper de ce soin ; mon valet de chambre devait revenir à minuit m'apporter les choses dont j'avais besoin. Il n'est venu ici personne de chez moi. Ne vous
serait-il pas possible de donner quelque ordre à cet égard? car il y apparence qu'on a empêché toute communication.
Plusieurs voix : Le renvoi des pièces au comité des décrets !
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité des décrets.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, qui annonce un brûlement d'assignats et expose la situation de la caisse de l'extraordinaire jusqu'à hier au soir; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 11 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il a été brûlé hier à la caisse de l'extraordinaire, 7 millions d'assignats, provenant des recettes sur les domaines nationaux; ces 7 millions joints aux 425 millions déjà brûlés, forment un total de 432 millions.
« La dépense de la caisse de l'extraordinaire, depuis son établissement, s'élevait hier au soir à 1,961,420,183 liv. 14 s. 4 d. En déduisant le montant des brûlements, la masse des assignats qui restent en circulation, n'est plus que 1,527,420,183 liv. 14 s. 4 d.: mais en y ajoutant les 15,316,463 liv. 10 s. de billets de caisse, ou promesses qui remplacent encore les assignats dans le commerce, la véritable circulation est 1,544,736,647 liv. 4 s. 4 d.; il manque par conséquent 55,263,362 liv. 15 s. 8 d. pour arriver aux 1,600 millions qui peuvent exister en circulation, aux termes de la loi du 17 décembre 1791.
Je suis avec respect, etc.
Signé : « amelot. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui informe l'Assemblée des dispositions qu'il; a prises, dès que le décret d'accusation contre M. Delessart eut été rendu. Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 11 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir que j'ai transmis hier, à M. le ministre de l'intérieur et au juge de paix de la section, le décret d'accusation rendu contre M. Delessart dans la séance du matin, et leur en ai,recommandé la plus prompte exécution. J'avais représenté verbalement à M. le procureur général-svndic du département, la nécessité de prendre en avance les mesures convenables, en attendant que l'expédition de cet acte pût iui être envoyée officiellement.
Je suis avec respect, etc.
Signé : « Duport. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des décrets.)
Voici l'extrait d'une lettre qui m'a
été adressée, le 6 de ce mois, par le commandant des gardes nationaux volontaires de Bordeaux. Cette lettre porte qu'en exécution du décret sur le recrutement pour les troupes de ligne, les gardes nationaux se sont rassemblés dans tout le département le même jour. La proposition d'enrôlement a eu tant de succès qu il faudra peut-être un nouveau décret pour les arrêter et forcer la jeunesse à rester avec leurs dieux pénates. Le nombre des recrues, dans le département de la Gironde, se monte à près de 5,000. (Applaudissements.)
Voici une lettre datée du 4 mars qui m'annonce que dans le district de Fresnay, département de la Sarthe, soixante-cinq jeunes gens courageux, bien constitués et incorruptibles ont suivi les mouvements du patriotisme le plus ardent en s'enrôlant pour la défense de la patrie. (Applaudissements.)
Dans la neuvième partie du département de la Dordogne, le nombre des recrues s'élève à 600.
Plusieurs membres observent que les mêmes nouvelles viennent de tous les départements.
(L'Assemblée, par ce motif, passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Boisdenemets, qui donne sa démission de député suppléant du département de l'Eure.
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport ét présente un projet de décret sur une demande du conseil général de 1er commune de Chaumont, tendant à un emprunt de 30,000 livres pour achat de grains; le projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, sur la demande du conseil général de la commune de Chaumont, tendant a obtenir l'autorisation d'ouvrir un emprunt de 30,000 livres, Çour être employées à l'achat des grains, pour former un grenier de subsistance;
« Vu la délibération du conseil général de la commune de Chaumont, du 29 janvier dernier, les arrêtés des directoires du district de Chaumont et du département de la Haute-Marne, du 30 janvier dernier;
« Considérant que le moindre retard rendrait désormais inutile l'emprunt demandé, vu la saison avancée, décrète l'urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que la municipalité de Chaumont est autorisée a emprunter une somme de 30,000 livres, pour être employée, sous la surveillance des corps administratifs, à l'achat des grains nécessaires pour former un grenier de subsistance ; à la charge, par elle, de les rembourser dans l'année 1792, en y employant les deniers provenant de la vente desdits grains ; et en cas d'insuffisance, par supplément en sols additionnels sur les rôles des contributions foncière et mobilière de 1792; à la charge aussi d'en rendre compte au directoire de département, qui y prononcera, sur l'avis du directoire du district. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un vice-président de l'Assemblée. Sur 376 votants, dont la majorité absolue est de 189, M. Gensonné a obtenu 209 suffrages. En conséquence, je le proclame vice-président.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des administrateurs du directoire du département des Hautes-Pyrénées, séant à Tarbes. Elle contient une dénononciation contrele sieur Lau-i, payeur général, sur les obstacles qu'il ap-rte à l'exécution de la loi du 3 février, relative au payement de la solde des gardes nationales. Le directoire a été forcé de licencier momentanément un bataillon, faute de fonds. Il demande, que la Trésorerie nationale fasse les fonds nécessaires pour l'armement, l'équipement et la solde des volontaires nationaux. Il a donné ordre au courrier extraordinaire qui portait la dépêche d'attendre la réponse, et il espère qu'il ne l'attendra pas longtemps de la sollicitude paternelle de l'Assemblée nationale.
L'établissement des 87 payeurs généraux porte atteinte à la Constitution ; c'est le complément des efforts du ministère pour soustraire l'administration- des finances aux corps administratifs. Déjà l'Assemblée a ordonné, par plusieurs décrets, que le comité de l'ordinaire des finances lui ferait son rapport sur cet objet : les événements qui arrivent dans le département des Hautes-Pyrénées pressent ce rapport. Il se trouve le troisième à l'ordre du jour pour vendredi. Je demande que le comité central soit chargé de mettre cette affaire la première à l'ordre, pour ce même jour, vendredi.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Rougier-La-Bergerie.)
Un membre : Je demande que les commissaires de la Trésorerie nationale soient mandés sur-le-champ, pour dire s'ils ont envoyé les fonds nécessaires pour payer la solde des gardes nationales.
, secrétaire, donne lecture d'une" lettre justificative de M. Launai.
demande le renvoi de toutes les pièces au comité de l'ordinaire des finances, pour en faire le rapport séance tenante.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Mer-r lin(l),):
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Pétion, maire de Paris; elle est ainsi conçue :
« Paris, le 11 inàrs 1792, l'an IVe de la liberté.
« Monsieur le Président,
« Le conseil général de la commune de Paris, me charge de vouloir bien obtenir de l'Assemblée la permission d'être entendu aujourd'hui à la barre. 11 attend la réponse de l'Assemblée.
« Je suis avec respect, etc...
Signé : « pétion. »
2° Lettre de M. de Grave, ministre de la guerre; |1 fait part à l'Assemblée de sa nomination au département de la guerre et il témoigne le plus grand zèle pour servir les intérêts de la nation; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 11 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« Entièrement dévoué à la chose publique, à la cause de la liberté et au soutien ae la Constitution, j'ai cru devoir accepter la marque de confiance dont le roi m'honore en me nommant au ministère de la guerre. J'ai plus consulté dans cette circonstance mon zèle que mes forces,, mon courage que mes dangers; mais je ne vois de possibilité de succès que dans là confiance de l'Assemblée nationale; et si je désire de l'obtenir, c'est surtout pour pouvoir bien servir la nation.
« Je suis avec respect, etc;
Signé : « de Grave. »
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, datée de ce jour.
Il expose que l'hôpital Saint-Alexis, de la ville de Limoges, réclame le remboursement de la dépense que lui causent les mendiants invalides, dépense qui monte à environ 100,000 livres par an, et qui était ci-devant payée par le Domaine.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des secours publics.)
„ 4° Pétition du sieur Dumont, dit Valdajou.
Il expose que depuis plus de 20 ans tous les pauvres estropiés de la capitale et des environs sont pansés et traités chez lui gratuitement, au nombre d'environ 200 par semaine; qu'il lui a été, jusqu'ici, payé par la municipalité de Paris, une indemnité annuelle pour les onguents, médicaments, linges et frais de pansements, et pour son logement. Il demande que pour le soulagement de la classe de citoyens la plus malheureuse, et vu l'état actuel des finances de la municipalité de Paris, l'Assemblée nationale décrète la continuation du traitement gratuit des pauvres, et du payement de ses indemnités sur le Trésor national.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
, au nom du comité de surveillance, fait un rapport et présente un projet de décret sur les procédures faites à Douai, au mois de décembre dernier, contre Auguste François, cuirassier, arrêté comme suspect d'être espion des émigrés, et pour avoir tenu des propos séditieuxet contre Joseph Vidal, se disant négociant à Bruxelles, porteur d'une commission d'emprunter 3 millions pour Louis-Stanislas-Xavier et Charles-Philippe, princes français (1), il s'exprime ainsi :
Messieurs, le 23 décembre dernier, les citoyens arrêtèrent à Douay, le
nommé Auguste
Le 19 du même mois de décembre, les citoyens arrêtèrent encore dans la même ville, le nommé Joseph Vidal, .se disant négociant à Bruxelles quittait porteur d'une commission d'emprunter 3 millions pour Stanislas-Xavier et Charles-Philippe, princes français. Vidal avoua tenir cette commission des princes depuis le 2 juillet dernier. Il dit qu'elle était devenue inutile dans ses mains, et que depuis, suspect lui-même au gouvernement autrichien, il avait été obligé de fuir de Bruxelles, pour chercher un asile en France. Votre comité, qui a lu l'interrogatoire, a bien remarqué que Joseph Vidal avait tergiversé dans ses réponses, que se prétendant persécuté dans le Brabant, ainsi que plusieurs autres négociants qu'il nomma : on lui prouva qu'il en imposait puisque les personnes qu'il désignait comme victimes du régime autrichien étaient encore à Bruxelles fidèles adhérentes de l'empereur, et qu'il ne s'était dit patriote émigré brabançon que pour obtenir protection. La municipalité vous envoya les pièces de la procédure, et vous demanda une règle de conduite. Ce particulier était, sans contredit, au mois de juillet dernier, un agent des émigrés; mais alors il était établi à Bruxelles, et, soumis à d'autres lois qu'à celles de la France, il ne se rendait pas coupable, en acceptant la commission que lui donnaient les princes. L'embarras de ses réponses ne prouve pas qu'il ait trahi la France. Votre comité vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu* le rapport de son comité de surveillance, approuve la prudence et le zèle des corps administratifs et du juge de paix de la ville ae Douai, et, sur les dénonciations faites contre les sieurs Joseph Vidal et Auguste François, décrète qu'il n'y a pas lieu à accusation. »
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
Je suis informé qu'un grand nombre d'embaùcheurs pour l'armée des émigrés désolent les frontières. Déjà un chef de ré>-
giraent de la garnison de Maubeuge, accusé d'enrôlement par le juré d'accusation du district d'Avesnes, est détenu dans la prison du tribunal criminel du département du Nord. Il est essentiel que la punition des traîtres suive de près leur arrestation ; mais j'y trouve un obstaacle dans l'article 4 du titre V de la seconde partie de la loi sur le juré, du 29 septembre 1791, qui ordonne la suspension et le renvoi au Corps législatif des affaires dont la connaissance lui est réservée. Je propose, afin de ne pas surcharger l'Assemblée et la haute Cour nationale, d'attribuer aux tribunaux criminels la compétence des crimes d'enrôlement.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Gossuin au comité de législation,)
Un de MM. Les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Montamant, président de la section de La halle aux blés. Il annonce qu'un sieur Rover, qui avait à ses gages quatre autres particuliers, ayant été dénoncé et arrêté, a déclaré qu'il recevait tous les mois du sieur Reiche, secrétaire de la liste civile, une somme de 100 écus destinée à stipendier des hommes dont la mission est, disent-ils, de prêcher l'amour delà Constitution et l'obéissance aux lois sur la terrasse des Feuillants et autres lieux de rassemblement. A cette lettre est jointe une expédition du procès-verbal dressé le 7 de ce mois.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de surveillance.)
Une députation de citoyens de Paris, de la section de la Croix-Rougey est admise à la barre et demande que le chef du pouvoir exécutif soit, ainsi que tous les autres citoyens, assujetti au payement des contributions publiques, à prop irtion de ce qu'il reçoit de la nation. (Applaudissements.)
réoond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
On a applaudi, et sans doute on a eu raison d'applaudir à la demande de ces citoyens; maisj'observe qu'il est inutile de rendre un décret. Il en existe un qui assujettit tous les fonctionnaires publics à une retenue sur leur traitement, pour tenir lieu de contribution. Le roi est le premier fonctionnaire public; en cetie qualité, il doit contribuer, pour les charges de la nation, en raison de ce qu'il en reçoit. Il doit payer la contribution patriotique les contributions foncière et mobilière; et les administrateurs seraient coupables de prévarication s'ils l'en exceptaient. Il n'y a pour lui d'exception aux lois communes que celles qui sont énoncées dans la Constiiution, à l'article de la délégation du pouvoir royal. Rendre maintenant un décret, ce serait commettre une inconséquence, et supposer que la question pût être douteuse. Je demande donc l'ordre du jour, motivé sur ce qu'il existe déjà un décret à cet égard.
Quelques membres demandent le renvoi au comité de l'ordinaire des finances.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour par le motif que tous les fonctionnaires publics doivent contribuer aux impositions. (Applaudissements.)
Le sieur Palloy, architecte entrepreneur, qui s'est distingué pendant tout le cours de la Révolution par son patriotisme et ses talents, est
admis à la barre (1) avec plusieurs autres citoyens; il s'exprime ainsi :
Représentants de la nation française (2),
Les 23 volumes que je dépose au sénat sont les minutes de ceux que je remettrai demain à la municipalité, en présence des citoyens de la capitale; ce sont les extraits et pièces à l'appui du compte concernant la démolition de la Bastille, dont les feuilles de rôles sont entre les mains du bureau des domaines. Je le rendrai publiquement ce compte, en présence des électeurs de 1789, que j'ai invités, en présence du peuple, des autorités constitutées et des ministres mêmes, pour leur en former l'habitude; pour démontrer que, malgré tous les obstacles des ennemis du bien public, j'ai suivi le cours de cette démolition avec le zèle et l'activité que m'a toujours inspiré l'amour de la liberté, que je ne quitterai qu'à la mort.
Dans mon discours je n'y fais pas de phrase, mais je vous fais part des
différentes manœuvres employées pour me perdre ou pour empêcher cette
démolition, des assassinats commis sur ma personnes, de duels auxquels
j'ai été provoqué, des papiers incendiaires jetés dans l'atelier (3),
des lettres anonymes contre la représentation nationale, qui m'ont été
adressées ae toutes les parties de l'Empire (4) ; des efforts que l'on a
Je puis vous en convaincre, Messieurs, par la lecture de mon compte général, que je dépose dans le sein de votre Assemblée; je n'ai touché aucun argent, mais je dois compte de mission, c'est le devoir d'un honnête entrepreneur, et croyez que la dépense n'excède pas 700,000 livres, malgré que ces nouveaux cordons bleus, ces valets de ministres les portent au double (3).
Vous verrez d'un coup d'œil ce qu'a coûté la destruction de ce repaire d'iniquités, dont la dépense ne monte pas si haut que l'ont publié les malveillants -, mais je réclame une justice, qui est de demander le compte du lieutenant de maire (Célérier), Payet, Plaisans et Vienne et autres employés aux travaux de clôtures, ainsi que des travaux de charité ; vous y verrez un total de 14 millions (4); et ce sont ces mêmes hommes, agents des Breteuil et Bertier, qui ont préparé le camp de nos ennemis au Champ-de-Mars, qui ont démoli les créneaux de la Bastille, qui ont entravé mes travaux, qui ne cessent de soudoyer des malheureux, faibles d'esprit, sans caractère et sans fortune, pour donner mauvais renom à l'atelier de la Bastille-voilà les hommes que ma conscience me force de dénoncer à la nation comme les plus forcenés aristocrates. Le directoire du département et du corps municipal est composé en partie de forcenés aristocrates. Las de me plaindre, j'ai été obligé de me taire. Voilà 2 ans 1/2 que je suis dans le plus dur esclavage, et c'est de vous seuls que j'attends justice.
J'apporte, Messieurs, les restes de ces fers dans lesquels étaient enchaînés tant de malheureuses victimes. Pour qu'ils ne vous fassent pas frémir d'indignation, je les ai fait purifier au feu, et j'en ai fait fabriquer des médailles représentant la colonne de la liberté, qui sera élevée, malgré les efforts du despotisme : je ne pouvais clore mon offrande patriotique qu'en vous réservant ces vestiges.
A qui puis-jé mieux en faire hommage qu'à voiis, représentants d'un peuple libre, à des hommes qui savent apprécier le mérite, qu'au sein, dis-je, des défenseurs de la patrie , qui ont résolu plutôt périr que d'abandonner l'ouvrage des hommes du 14 Juillet ! Voilà le motif de ma donation ; déjà les membres de l'Assemblée constituante ont reçu de moi la même offrande.
Ces médailles, symboles de notre liberté, serviront de liens
indissolubles de fraternité; placées sur votre cœur, elles vous
rappelleront notre ancienne servitude ; avec ce signe frappant, votre
fermeté et votre courage se maintien-
Des citoyens patriotes, mes amis, oui, mes amis, mes frères d'armes, mes camarades, ceux qui ont été pour moi prêcher la morale de la liberté dans les 83 départements, sont ici présents. Je vous remets, législateurs ces imprimés ; vous y verrez mes principes et lés leurs ; tout ce qu'ils ont proclamé dans toutes les villes en y déposant les débris de notre ancien esclavage, afin que les Français se pénètrent bien de tous les forfaits des despotes. Tous se sont dis-puté'la gloire de vous offrir ces médailles, permettez qu'ils les remettent dans les mains des députés, ainsi que les imprimés.
J'ai l'honneur de vous présenter un projet (1) que j'ai conçu, d'une colonne à la gloire de la nation française, élevée sur les débris de ce monument que j'ai anéanti par les ordres du peuple souverain et l'organe des électeurs de 1789, ainsi que l'approbation de. l'Assemblée constituante; i en dispose 83 modèles, pour être envoyés au cnef-lieu de chaque département; et je m'en réserve pour les peuples qui sauront comme nous sortir de l'esclavage.
Vous verrez sur mon projet une superbe place, une belle promenade, le boulevard Saint-Antoine continué jusqu'à la rivière, un pont jeté sur la Seine, un nouvel arsenal isolé; un quai agréable et différentes percées, portant les noms analogues à la Révolution. Je demande votre adhésion a mon projet.
Que l'Assemblée applaudisse à l'élévation de ma colonne seulement, je me restreins à cet édifice, qui me servira de gage d'amitié de la part de mes frères, et de récompense de la nation.
J'ai assez de pierres de ce fort, dont je me suis rendu adjudicataire, pour faire le rocher sur lequel serait-assise ma colonne, qui serait prête pour le 14 juillet : elle serait" d'autant moins coûteuse, que sa construction est simple quoique majestueuse.
Messieurs, l'intérêt, le vil intérêt ne guide pas ici mes pas : d'ailleurs, comme je viens de le dire, elle serait peu dispendieuse; je vous en fais la demande, pour avoir au moins la gloire d'élever ce monument à la liberté ; ce sera pour moi la plus belle des récompenses.
Comme artiste, comme homme libre, je vous présente mon plan dans son entier, avec prière de le faire mettre au concours dans les 83 départements ; s'il n'est pas admis, j'aurai au moins le mérite de l'intention que mon dévouement pour ma patrie m'a fait naître : trop heureux d'avoir donné à mes concitoyens une dernière preuvé de ma haine pour l'esclavage.
Je dépose sur votre bureau la copie de la lettre que j'adresse aux huissiers d'honneur de l'Assemblée (2) ; je vous propose, législateurs, de changer le nom d'huissier en celui-ci : Officier du Sénat français; je joins aussi 10 médailles pour leur être remises, si vous voulez les agréer, vous priant de faire disparaître ces chaînes, signes d'esclavages, qui n'appartient que dans un conseil de despotes ou de tyrans, où leurs huissiers portaient ce signe à leur col.
En vous faisant passer mon compte, je remettrai à chacun de MM. les
députés, sous quelques iiiois, une copie de ce plan, avec prière
Non, Messieurs, je ne demande pas de récompense, Palloy n'est pas patriote pour de l'argent. Que n'ai-je une seconde fortune, je recommencerais, et je ne réclamerais même pas ce qui m'est dû pour les travaux de la démolition du colosse de tyrannie. Je me fais gloire d'avoir sacrifié mes veilles et ma fortune; en promulguant dans tout cet Empire les vestiges du monument de douleur, pour animer dans tous les cœurs l'amour de la liberté. J'ai fait tout ce que de bons citoyens doivent faire, d'éclairer, d'instruire ses compa-triotesdans les principes delà Constitution, puisés dans la Déclaration des droits de l'homme, de ramener des frères égarés par le fanatisme et la féodalité, en lèur faisant détester la caste privilégiée; voilà comme doivent se comporter les hommes qui aiment leur patrie.
Voilà mes sentiments qui guideront en tout temps mes actions : cette main sera toujours levéé pour assurer ma fidélité, en soutenant les droits que la nature nous a donnés, et celle-ci pour la défendre, et vous protester que, pendant le cours de ma vie, le mot de patriote sera ajouté à mon nom, engagement sacre que j'ai contracté au haut des tours de cette Bastille orgueilleuse. Il n'est nul tyran, nul ministre, nulle intrigue, tel événement qu'il arrive, qui me ferait changer, ni ne m'empêcherait de signer ce mot qui doit être dans le cœur de tous les amis de la liberté. Ce n'est pas l'ostentation qui me le fait ïajouter, c'est que j'en ai fait le serment sur les atours de la Bastille, le 16 juillet 1789; dans ce temps les despotes avaient encore du pouvoir, et ce serait lâcheté actuellement, si je cessais de l'émettre.
Voilà, Messieurs, ma première et dernière profession de foi : Je réclame auprès de vous, si l'on ne me'rend pas la justice que j'espère obtenir ; car c'est moins un compte que je rends à la nation, mais bien des faits historiques sur la démolition de la Bastille, que sur l'auteur de la destruction de cette forteresse, qui éclaircira le peuple des entraves qu'il a essuyées, pour venir à la fin d'abattre ce monstre inanimé. (Vifs applaudissements dans l Assemblée et dans les tribunes.)
, répondant à M. Palloy. Monsieur, les débris de cette forteresse trop fameuse, 4ous ces matériaux amoncelés et façonnés par les ordres des despotes pour imprimer la terreur et étouffer la voix de ces hommes qui avaient le courage de révéler aux peuples leurs droits et leur puissance, sont devenus, par vos soins généreux,des trophées à la liberté; ils ont été portés en triomphe dans les 83 départements. A leur aspect, la haine de la tyrannie èst devenue plus profonde, le serment de la Fédération a été répété avec enthousiasme. Ils seront conservés pour attester, à la fois, les outrages faits à l'humanité et sa régénération dans cet Empire. L'idée de ce rapprochement ne pouvait naître que dans une âme embrasée du plus pur patriotisme : la confiance d'avoir contribué à. fortifier ce sentiment sera toujours pour vous la plus flatteuse récompense.
L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction le nouvel hommage que vous venez lui offrir; elle vous accorde, et a vos dignes coopérateurs,
les honneurs de la séance. (Applaudissements.)
Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de l'offre patriotique de M. Palloy, et que l'hommage en soit agréé. (.Applaudissements.)
L'acceptation de l'hommage fait à l'Assemblée pàr le citoyen Palloy est une fête nationale. Il renouvelle et éternise les souvenirs des premiers temps de la Révolution. Ceux qui en ont suivi avec zèle toutes les périodes, ont partout rencontré le brave Palloy ; et c'est à ses compagnons d'armes à lui rendre cette justice, que son courage a éclaté dans chaque danger, et qu'il a consacré les époques les plus glorieuses par les moyens les plus ingénieux et les plus heureux efforts de son art.
Je demande, en conséquence, qu'il soit fait mention honorable de ce mémorable hommage; que les. mémoires, plans et projets du patriote Palloy soient renvoyés au comité d'instruction publique pour en faire son rapport, et que ce comité soit aussi chargé de présenter à l'Assemblée une manière de témoigner à M. Palloy la reconnaissance nationale.
(L'Assemblée agrée l'hommage, décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal, renvoie le mémoire au comité d'instruction publique et charge ce comité de lui faire un rapport sur le moyen de consacrer, dans la personne au patriote Palloy, la reconnaissance nationale.)
Je demande que l'Assemblée permette à MM. les huissiers de prendre sur-le-champ les médailles que le citoyen Palloy leur a destinées.
M. Palloy. Je prie l'Assemblée d'autoriser MM. les huissiers à substituer aux médailles qu'ils portent, les médailles que j'ai fait frapper pour eux.
J'appuie cette demande, mais il faut que ces médailles ne soient plus suspendues à des chaînes, enblèmes odieux de l'esclavage. (Applaudissements.)
Je propose qu'elles soient suspendues à un ruban tricolore. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète que les nouvelles méy dailles des huissiers, au lieu d'être suspendues à des chaînes, seront suspendues à des rubans tricolores.)
Je demande que cette faveur s'étende aux huissiers des tribunaux.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Merlin.)
Un de MM. les secrétaires appelle les départements par ordre alphabétique. Les députés de chacun vont prendre sur le bureau les médailles qui leur sont offertes.
Le sieur André Scheppiche, de Paris, est admis à la barre.
Il expose qu'il a servi 21 ans dans l'armée, qu'il a reçu des blessures et que le besoin dans lequel il se trouve l'oblige à réclamer des secours.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Scheppiche au comité des secours publics.)
Le conseil général de la commune de Paris est introduit à la barre. (Applaudissements.)
M. Pétion, maire de Paris, prononce le discours suivant :
« Messieurs,
« La municipalité de Paris, dans ce moment important, vient vous offrir le tribut de ses sentiments et de ses vœux.
« 11 est, dans l'ordre social comme dans l'ordre physique, des lois dont l'action imposante ne se lait sentir qu'à des époques mémorables.
« Lorsque l'atmosphère qui nous environne est chargée de vapeurs malfaisantes, la nature ne se dégage que par les éclats de la foudre; de même la société ne se purgé de l'excès des maux qui l'accablent, que par des explosions salutaires. L'air ensuite est plus pur, tout renaît à l'espérance et au bonheur . Il est donc vrai que la responsabilité n'est plus un vain mot. Il est donc vrai que les hommes, quel que soit le poste qu'ils occupent, fléchissent le genou devant la majesté de la loi ; il est donc vrai que le glaive de la justice se promène indistinctement sur toutes les têtes.
Loin de nous, de vouloir frapper à l'avance un individu qui appartient tout entier à la loi; c'est de la loi seule qu'une nation juste et libre attend toujours sa vengeance. » (Applaudissements.)
, répondant au conseil général de la commune dè Paris :
Messieurs,
C'est au milieu des troubles, c'est dans les dangers que le courage s'agrandit, que la vertu brille de tout son éclat. L'Àssemblee nationale a entendu avec satisfaction l'expression de la sollicitude avec laquelle vous suivez les grands objets que des circonstances difficiles présentent à ses délibérations; elle y reconnaît les sentiments et le langage des vrais magistrats du peuple : elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne la mention honorable, l'impression et l'insertion au procès-Terbal, du discours du conseil général et de la réponse du président.)
, au nom du comité de Vordinaire dés finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur les pièces envoyées par les administrateurs du directoire du département des Hautes-Pyrénées (1), concernant le défaut de payement des gardes nationaux volontaires de ce département ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé, au comité de l'ordinaire des finances, la plainte formée par le département des Hautes-Pvrénées, du retard apporté dans le payement des gardes nationaux qu'il avait été obligé dé licencier. Votre comité, après l'examen des pièces, où il a vu que le payeur de ce département veut mettre sa responsabilité à couvert, en exigeant toutes les formalités, a cru qu'il fallait renvoyer l'objet au pouvoir exécutif, pour rendre compte des moyens d'exécution quil a employés, et des punitions qu'il aura fait infliger a ceux qui n'auront pas exécuté la loi. Votre comité vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entend
(L'Assemblée adopte ce projet dë décret)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse des membres composant le conseil d'administration du 2e bataillon des volontaires nationaux du département de Paris, en garnison à Marchiennes. Ils témoignent leur inquiétude sur ce que le payeur général leur a déclaré qu'il ne pourrait plus leur remettre le numéraire pour le mois actuel, leur bataillon n'ayant point été compris dans l'état de distribution pour les trois premiers mois de l'année. Ils demandent à l'Assemblée de prendre des mesures pour la réalisation en espèces, des assignats, dont l'échange leur fait éprouver une perte considérable sur leur solde.
appuie ces détails par une lettre du lieutenant-colonel d'un bataillon de volontaires en garnison à Condé.
(L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis.)
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, en réponse au décret (1) qui lui enjoignait de rendre compte de l'exécution du décret d'accusation rendu contre le sieur Dulery; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 11 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« En conséquence du décret rendu ce matin, qui m'oblige à rendre compte, séance tenante, de l'exécution qui a dû être donnée au décret rendu contre le sieur Dulery, détenu dans les prisons d'Angoulême, j'ai l'honneur d'instruire l'Assemblée que la double minute de ce décret a été remise le 29 février au roi, qui en a ordonné l'exécution le 1er mars. Le lendemain, 1er mars, j'en ai fait faire trois expéditions en forme, qui ont été envoyées le même jour, la première au ministre de l'intérieur, pour le département de la Charente ; la seconde, à la haute Cour nationale; la troisième, au commissaire du roi près le tribunal du district d'Angoulême.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : « DÛPORT. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
3° Pétition des ci-devant employés aux fermes et régies du département de Paris, supprimés, ils exposent qu'ils n'ont pu obtenir la liquidation définitive ae leurs pensions, et ils demandent la prolongation des secours qui leur ont été accordés par les lois des 8 mars, 31 juillet et 20 novembre derniers.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
4° Lettre du sieur Delessart, datée de ce jour, où
« Paris, le 11 mars 1792.
« Monsieur le Président,
« Au moment de partir pour Orléans, qu'il me soit permis de me plaindre de ce que, sans m'avoir entendu, sans avoir reçu aucun éclaircissement de ma part, l'Assemblée nationale a prononcé contre moi le décret le plus redoutable, et que, tandis qu'il lui était si facile de se convaincre de mon innocence, elle ait préféré de me présenter à la France et à l'Europe comme prévenu du crime de haute trahison. Fort de ma conscience, je ne crains pas le jugement auquel je vais me soumettre. Je prouverai que toute ma conduite respire le respect des lois, l'attachement à la Constitution, l'amour ardent de mes devoirs. Je Confondrai le mensonge et la calomnie, mais je regretterai toujours, et comme fonctionnaire public, et comme citoyen, que l'Assemblée nationale ne m'ait pas mis à portée d'obtenir la justice que j'attends du tribunal auquel elle m'envoie.
« Je suis, avec respect, etc..,
Signé : « Delessart. »
' Plusieurs membres : L'ordre du jour!-
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Le sieur Lerrut est admis à la barre.
Il soumet à l'Assemblée des mesures qu'il a méditées pour accélérer la rentrée des contributions et demande qu'elle veuille prononcer sur la question de savoir si les receveurs des rentes de l'hôtel de ville de Paris sont soumis au droit de patentes. Il pense que la loi a prononcé formellement que tous citoyens exerçant état, profession et art quelconque, étaient soumis à cette imposition, et ne pouvaient, sans infraction, s'y soustraire. Il propose, en conséquence, des moyens pour queles receveurs ne puissent éluder la loi. [Applaudissements.)
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Le-brut au comité de l'ordinaire des finances.)
Un membre demande que ce renvoi ne retarde pas l'exécution de la loi, qui ne fait pas d'exception.
(L'Assemblée renvoie également cette motion au comité de l'ordinaire des finances.)
, ministre de Vintérieur, obtient la parole pour rendre compte de l'état actuel des troubles dans plusieurs départements des environs de Paris; il s'exprime ainsi :
Messieurs, je vais encore appeler rattention de l'Assemblée sur les calamités de l'intérieur du royaume Je n'en indiquerai pas les causes, cela me serait impossible. Il me semble cependant que la cause première ef principale se trouve dans le discrédit des assignats, qui produit le renchérissement de toutes les denrées. Le siège des troubles, éloigné autrefois de la capitale, se trouve aujourd'hui dans les départements qui l'avoisinent, dans ceux de Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Eure, Eure-et-Loir. Je présumais, ou plutôt je craignais beaucoup hier, que dans le
département de Seine-et-Marne, à Melun, il y eût des troubles considérables. Le directoire de de département m'avait écrit la veille à 4 heures du soir, pour me demander des forces; mais il m'était impossible de lui en donner dans un espace de 8 à 12 heures, et d'un autre côté il est impossible au ministre de procurer à la fois des secours à toutes les communes qui en deman-den t.
J'ai reçu un très grand nombre de lettres de différent s corps administratifs. J'en ai reçu une hier de la m unicipalité de Melun, qui contient quelques détails. Je demande à l'Assemblée la permission de la mettre sous ses yeux; mais avant de faire cette lecture, je dois lui dire que mon intention avait été de dresser un nouveau rapport, semblable à celui que j'ai soumis à l'Assemblée le 18 février dernier. Dans ce rapport, dont j'espérais que l'Assembleé s'occuperait incessamment, puisqu'elle l'avait ardemment désiré, j'avais énoncé les causes principales des troubles, je les avais attribuées aux inquiétudes occasionnées par la circulation des subsistances, aux dissentiments religieux. J'avais indiqué les remèdes; j'ai insisté sur l'indispensable nécessité de s'occuper promptement de séparer la délégation des fonctions civiles, qui sont encore, on ne sait pourquoi, dans les mains des prêtres du culte catnolique, d'avec les fonctions religieuses qu'il faut leur laisser. L'Assemblée a reçu une lettre de la • municipalité de Strasbourg (l), qui lui fait sentir l'urgence d'une décision sur cet objet si important
Voici, Messieurs, la lettre de la municipalité de Melun.
« La municipalité de Melun, instruite du projet formé par les communes environnantes, de venir en armes au marché de eette ville cejourd'hui, et craignant que la réunion d'un grand nombre d'hommes armés n'occasionnât une fermentation, qu'essayeraient "peut-être d'augmenter encore les ennemis de la chose publique, a cru devoir prendre toutes les précautions dont la prudence lui faisait une loi, et employer les moyens qui étaient en son pouvoir pour assurer l'approvisionnement du marché et le maintien de la tranquillité. Ses membres et ceux du conseil général de la commune ont tenu séance, sans désemparer, pendant plusieurs jours, et c'est avec la plus grande satisfaction que nous annonçons aujourd'hui que nos mesures et celles des corps administratifs ont été couronnées du succès le plus entier.
« Des lettres d'invitation ont été envoyées à tous les cultivateurs des
environs. Les boulangers ont été .prévenus de tenir leurs boutiques bien
approvisionnées, les auberges visitées avec soin, pour s'assurer du
nombre des étrangers et gens suspects. Les administrateurs de
département et dê district, et lés membres du tribunal, ont arrêté, sur
la demande du corps municipal, de se réunir à la maison commune, pour
que les magistrats du peuple, entourés de toutes les lumières et de tous
les moyens d'autorité, pussent faire parler avec avantage le langage de
la loi. Le juge de paix a été invité de s y rendre avec ses assesseurs,
pour y tenir l'audience de police correctionnelle, et délivrer les
mandats d'amener et d'arrêt qui pourraient être nécessaires. 160 hommes
du 18e régiment de cavalerie, en
« Un assez grand nombre de municipalités, dont nous vivons consigné les noms sur nos registres, comme la reconnaissance les a gravés clans la mémoire de tous nos concitoyens, étaient venues, dès la veille, promettre à celle de Melun le secours de leurs gardes nationales. En témoignant à ces braves citoyens la satisfaction dont les pénétrait cet acte de dévouement auxquels les circonstances attachaient encore un plus grand prix, la municipalité a cru devoir les prier de faire demeurer leurs gardes nationales hors la ville, jusqu'au moment où elles recevraient une réquisition particulière pour prêter main forte à la garde nationale de Melun.
« Effectivement, à 10 heures du matin, des municipalités, au nombre de 30 environ, à la tête de leurs gardes nationales armées de fusils et quelques-uns de piques, de haches, de faux et de fourches, se présentèrent à la fois aux différentes entrées de la ville. Pendant que les administrations de département et de district dirigeaiént, de la maison commune, les mesures générales d'administration et de correspondance, qui pouvaient assurer le maintien de l'ordre et la sûreté des approvisionnements, les membres de la municipalité se-sont distribués partout pour déterminer les habitants des campagnes à ne pas se porter à des excès dont eux-mêmes seraient les premières victimes, et résister courageusement aux suggestions dangereuses dont quelques têtes exaltées effrayeraient leur patriotisme. Venez-vous pour nous servir? venez-vous en frères, leurs disions-nous; déposez ici vos armes; établissez-y vous-mêmes une garde, suivez-nous, et vous allez nous voir communiquer aux administrations vos sujets de plaintes, vos demandes. Le blé, dont la rareté'sur les-marchés vous causait des inquiétudes, y est aujourd'hui en abondance; le prix en diminuera naturellement; il est aujourd'hui au prix que vous desirez vous-mêmes, et ce n'est pas l'effet d'une taxe.
« Les lois défendent de taxer le blé; nous sommes disposés à faire tous les sacrifices, hors celui de nos devoirs. L'abondance, la protection que nous avons promises aux fermiers, le bon ordre auquel vous allez vous-mêmes concourir, ont été les seules causes de cette diminution, et vos vœux à cet égard sont parfaitement remplis. Voulez-vous rester en armes, joignez-vous aux corps de gardes extérieurs, et aidez nos gardes nationaux à repousser les brigands dont nous sommes menacés.
« Nous pouvons dire, à l'éloge des habitants
des campagnes, qu'aucune municipalité n'a montré de résistance ; le plus grand nombre est entré sans armes, quelques-uns se sont réunis aux corps de gardes. La maison commune a été ouverte à toutes les députations des citoyens paisibles, et c'est par ces communications fraternelles entre les chefs des communes rurales et les différents membres des administrations et de la municipalité, que nous sommes "parvenus à détruire l'effet des impressions défavorables qu'on avait essayé de leur faire concevoir.
« Le marché s'est passé avec le plus grand ordre; le blé s'est vendu à un prix modéré; il y en avait eu telle quantité que les fermiers ont été obligés d'en resserrer. Il n'y a pas eu d'attroupements, pas même de rixes particulières. La municipalité s'est transportée plusieurs fois sur le marché, et a recueilli partout des témoignages de l'amitié, de la bienveillance des habitants de la ville et de ceux des campagnes. Nous devons donner les plus grands éloges à la garde nationale; il n'est pas un seul citoyen qui ne se soit empressé de s'armer et qui n'ait exécuté, avec autant d'intelligence que de zèle, les différents ordres qui lui ont été donnés. Les officiers et soldats du 18° régiment de cavalerie et la gendarmerie nationale ont les mêmes droits à notre reconnaissance, et dans un moment où l'on cherche de toutes parts à faire naître des sujets de division entre les citoyens, on apprendra sans doute avec intérêt que toutes les parties de la force publique ont donné parmi nous les preuves de l'union la plus sincère et la plus fraternelle. »
Je vais lire à l'Assemblée une lettre particulière adressée du département d'Eure-et-Loir à un des premiers Commis de mes bureaux par une personne digne de foi; elle jette quelque jour sur les causes de ces troubles :
« Nous avons été hier dans une grande crainte sur l'issue du marché. La troupe noire est arrivée en bon ordre et au nombre de 500 hommes, les uns armés en grenadiers, les autres armés de faux, de piques èt autres instruments. 3 hommes de cette troupe sé sont détachés pour aller à la municipalité. On leur a demandé ce qu'ils voulaient faire. Ils ont répondu qu'ils voulaient maintenir l'ordre dans les marchés. Ils se sont en effet portés vers le marché dans lê meilleur ordre. La municipalité a invité les laboureurs à se relâcher un peu sur le prix de leurs blés. Les pauvres malheureux avaient une si grande peur, qu'ils en ont diminué le prix jusqu'à 15 livres. Le marché fini, l'attroupement s'est retiré encore dans le meilleur ordre possible. Il était bien discipliné, bien armé, et mon-\ trait un grand respect pour ses chefs, qui ne sont pas des hommes du peuple. On a remarqué sous le déguisement de sans-culottes des hommes qui portaient du linge fin, et qui, par leur langage, paraissaient avoir reçu de l'éducation. »
Tel est le résultat du compte d'un officier de la gendarmerie nationale du département d'Eure-et-Loir. ,
Voici maintenant, Messieurs, la lettre que j'ai reçue hier à cinq heures du soir, du département de Seine-et-Oise :
« Votre dépêche d'hier m'a été remise entre quatre et cinq heures du matin. Elle a été sur-le-champ communiquée au département, qui y a vu bien clairement qu'il fallait qu'il se bornât à ses propres forces; et comme il s'y attendait dès
la veille, d'après ce que lui avaient rapporté les députés, il avait pris toutes les mesures convenables.
« Je me hâte d'arriver au résultat. Le marché a eu lieu sans malheur, et je crois pouvoir vous dire avec toute la tranquillité et tout l'ordre que l'on pouvait désirer. Plus de 8,000 hommes armés sont arrivés et ont voulu entrer. On a eu assez de moyens, et assez de fermeté pour les obliger de déposer leurs armes à l'entrée. Quatre compagnies de cavalerie, et environ 6 à 700 hommes de la garde nationale ont fait une police très sage; on avait eu la précaution de fournir abondamment le marché. Les laboureurs avaient senti la nécessité de se réduire sur le prix. Des adresses au peuple, et des conférences avec les citoyens avaient servi à éloigner les défiances, et à ranimer l'esprit public. Cette réunion de moyens a fait son effet, et il en estrésulté une suite heureuse, et telle que nous pouvions la désirer. Nous devons aussi vous prévenir, Monsieur, que nous avons été requis d'envoyer des forces à Limours pour aujourd'hui, et que nous y avons fait passer 50 hommes de la garde nationale de Fontainebleau ; que nous avons été requis, mais trop tard pour Brie, et que nous craignons qu'il ne s'y manifeste des troubles. »
Telle est, Messieurs, la lettre que j'ai reçue hier.
Vous voyez que tous les attroupements, dont j'ai connaissance depuis quelques jours, portent les mêmes caractères ; ce sont des hordes errantes d'environ 5, 6, 7 et 8,000 hommes, souvent fort bien armés, qui font marcher à leur tête des officiers municipaux, quelquefois des officiers de gardes nationales, et qui se portent dans les marchés, dans les manufactures pour y taxer le blé, le pain et les autres objets.
Je n'ai point eu le temps de faire un rapport préparé sur les troubles qui affligent de toutes parts le royaume ; j'ai fait faire un extrait de tous ceux qui sont arrivés depuis le 18 février, jour où j'ai rendu compte à l'Assemblée. J'en dépose toutes les preuves sur le bureau, et les voici. (Le ministre dépose les pièces.) Je ne rendrai pas un compte détaillé à l'Assemblée nationale, il lui prendrait au moins deux heures.
Je dois lui dire encore qu'il y a eu dernièrement une émeute à Agen, département de Lot-et-Garonne, dont on ignore encore la cause. L'Assemblée nationale peut remarquer, dans toutês ces émeutes, un caractère à peu près uniforme. Partout ce sontdes attroupements très nombreux, qui marchent en armes avec des officiers municipaux et des personnes qu'on aurait nommées autrefois de distinction. L'Assemblée doit remarquer encore que, dans toutes ces émeutes, il n'y a pas eu un coup de fusil de tiré; ce qui annonce ou une grande force dans les attroupements, ou une grande faiblesse dans les corps administratifs. De toutes parts on me demande des secours de troupes, et je ne peux écrire que des lettres; car l'Assemblée nationale sait que notre situation politique ne me permet pas ae dégarnir les frontières, et puis il faudrait, pour suffire à tout, que les troupes ne fissent que marcher d'un lieu dans un autre, car ces hordes errantes se portent à droite et à gauche, de manière qu'on ne peut prévoir leurs mouvements d'un jour à l'autre et qu'on ne sait jamais où les prendre.
J'avais conseillé aux départements de se faire toujours accompagner de quelques juges de paix. Je voyais en effet dans la loi du 22 juillet dernier,
sur la police correctionnelle, et du 29 septembre, sur la police de sûreté, de grandes facilités, lorsqu'on avait les forces nécessaires, pour assurer la punition des perturbateurs au moyen du mandat d'amener, donné sur place et exécuté à l'instant même. En effet, au moyen d'un mandat et (Tune information sommaire, le coupable peut être saisi et son procès fait en peu de jours. Mais je dois dire à l'Assemblée nationale que je vois régner parmi les juges de paix, parmi même les municipalités, une grande consternation, peut-être une grande faiblesse qui les empêche d agir. Je crois, Messieurs, qu'il est temps de prendre de grandes mesures sur cet objet. Je crois aussi que l'Assemblée nationale ne doit pas se borner aux mesures dé force, qu'elle doit aussi faire, concourir avec les opérations des corps administratifs quelques mesures judiciaires.
Sans doute, toutes les municipalités ont le droit de déployer le drapeau rouge et de publier la loi martiale ; mais d'abord cette loi a de grands inconvénients et nous en voyons la preuve dans ces attroupements; des personnes vraiment innocentes, des personnes contraintes par la force de suivre ces attroupements, se trouveraient victimes et punies pour un crime qu'elles n'auraient pas commis. De plus, l'exécution de cette loi a encore ce malheureux résultat d'établir la guerre civile entre les citoyens, car c'est véritablement la guerre des citoyens soumis contre les citoyens révoltés. D'un autre côté, il ne faut pas infiniment compter sur les mesures de force, car je l'ai déjà dit et l'Assemblée nationale le sait, les troupes sont répandues sur les frontières et il en reste très peu dans l'intérieur; or, pour que la loi martiale pût produire quelque effet, il faudrait que le drapeau rouge fût accompagné d'une très grande force pour n'être pas obligé d'en déployer toute la sévérité.
Peut-être l'Assemblee nationale trouvera-t-elle dans sa sagesse quelque mesure temporaire qui ne durera qu'autant que les circonstances dureront. Il ne m'appartient pas de la lui indiquer; mais je crois qu'elle doit être puisée dans l'ordre judiciaire. 11 me semble que si l'on voyait marcher avec le peu de force publique qui se trouve dans les départements des juges -élus par le peuple, et qui par conséquent auraient sa confiance, il en résulterait un très grand avantage. Ils pourraient faire emprisonner les chefs des attroupés qui seraient pris sur le fait et les juger immédiatement avec toutes les formes que doit assurer un régime de liberté. Alors on ne craindrait pas, comme on le craint dans la proclamation de la loi martiale, de confondre les innocents avec les coupables ; il n'y aurait de condamné que celui qui l'aurait mérité. Ces exemples d'ailleurs feraient une plus forte impression; enfin, cette mesure n'aurait pas les inconvénients de la publication de la loi martiale. Il n'y aurait plus que la guerre des perturbateurs contre la loi.
Je ne propose pas à l'Assemblée cette mesure, comme la seule ou comme la meilleure; je la supplie seulement de porter promptement un œil attentif sur la situation du royaume. C'est un devoir, pour moi, dans les derniers moments de mes fonctions publiques, de presser les mesures qu'exige impérieusement le salut de l'Etat. Je supplie donc l Assemblée de considérer que véritablement la liberté publique, l'existence sociale, que notre patrie enfin est en péril ; j'en ai la conviction intime, et je voudrais la faire passer dans tous les cœurs aes membres de l'As-
semblée nationale. Oui, je le répète, Messieurs, Ja patrie est en péril.
D'un autre côté je remarque, dans toutes les administrations, de la disposition au découragement ; et si nous perdions le secours de leur zèle qui nous a soutenus jusqu'à présent, je ne sais plus où on pourrait prendre des forces.
Je supplie donc l'Assemblée de se faire rendre compte, le plus tôt possible, des faits contenus -dans mon mémoire du 18 février, et des nouveaux détails que je viens de lui soumettre.
Je ne puis m'empêcher d'être surpris d'entendre dire à un ministre patriote que la patrie est en danger, et qu'il est aux derniers moments de son administration.
Je crois que lorsqu'on a la conviction intime que la patrie est en danger, on ne peut quitter son poste, excepté dans des circonstances impérieuses, ou par des raisons tellement pressantes qu'on ne puisse s'en dispenser.
En conséquence, je demande au ministre de l'intérieur si c'est lui qui donne sa démission, ou si c'est le roi qui la lui demande.
Messieurs, dans les circonstances où nous sommes il est important que le ministère de l'intérieur soit confié à un ministre qui mérite la confiance de l'Assemblée. Ce ministre peut écarter la guerre civile. En conséquence, je demande que M. le président veuille bien faire expliquer le ministre sur ces mots : dans les derniers moments de mes fonctions publiques.
La motion de M. Cambon prouve qu'il est intimement convaincu, et nous sommes tous convaincus avec lui, du patriotisme du ministre de l'intérieur. Je pense que dans le moment où il annonce sa retraite, l'Assemblée peut lui donner des témoignages de sa reconnaissance, mais qu'elle ne peut pas lui demander de s'expliquer sur les raisons qui l'engagent à se retirer. Je demande donc que l'Assemblée témoigne à M. Cahier la confiance qu'elle a et qu'elle a eue dans son administration.
-Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour. La proposition de M. Cambon n'est point dans la Constitution. Toutes nos démarches vis-à-vis le pouvoir exécutif et ses agents ne peuvent être indifférentes et si on ne les trouve pas dans la Constitution, elles sont très dangereuses.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Cambon.)
La commission des Douze s'occupe, sans relâche, de présenter le résultat de son travail. Je demande la parole pour le moment où il sera prêt.
(L'Assemblée renvoie le compte du ministre de l'intérieur et les pièces qu'il y a jointes à son comité des Douze pour faire incessamment son rapport sur les troubles du royaume, et charge la commission centrale de le mettre à l'ordre du jour, toute affaire cessante.)
Une députation du bataillon des vétérans de la garde nationale de Paris est admise à la barre.
Leur commandant remercie l'Assemblée de ce qu'elle leur a renvoyé des citoyens qui veulent ^organiser de la même manière. Il exprime, au nom de tous ses frères d'armes, les sentiments les plus patriotiques et proteste à l'Assemblée que sans cesse entourant la salle de ses séances, ils vaincront ou périront avec les représentants de la nation. (.Applaudissements.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal.)
Une députation des ci-devant employés dans la régie générale est admise à la barre. Ils demandent, à titre de secours, la prolongation de leur traitement provisoire, jusqu à ce qu'il ait été définitivement fixé, pour les dédommager des retards qu'éprouve la liquidation de leurs créances sur l'Etat qu'ils sollicitent sans fruit depuis longtemps.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation.)
Le sieur Charles Zamilh de Malthe est admis à la barre.
Il expose qu'il a servi en qualité de timonnier pendant 23 mois 9 jours et a reçu diverses blessures. Il demande le traitement d'invalide et le payement depuis la fin de son service et supplie l'Assemblée d'entendre le rapport que doit faire en sa faveur M. Rouyer, au nom du comité de marine.)
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(L'Assemblée,renvoie la pétition au comité de marine).
Le sieur Pottin de V au vineux est admis à la barre avec plusieurs autres citoyens.
Il donne lecture d'une adresse où il expose le plan d'une Banque nationale dont l'obiet est d'éteindre latlette publique, de favoriser le commerce et d'alimenter l'industrie. Il donne, en outre, les moyens les plus prompts de rétablir les finances, de rendre aux assignats dans le commerce toute leur valeur, et de les retirer en peu de temps de la circulation. Il joint à cette pétition un mémoire explicatif du moyen qu'il emploie pour parvenir à ce but. Il offre à rAssemblée une somme de 25,000 livres en assignats, et il demande qu'ils soient réunis à ceux destinés à être brûlés. 11 annonce que, dans 8 jours, il en offrira une quantité plus considérable, et qu'il n'ose prononcer sur le nombre de centaines de millions que d'ici au 1er janvier prochain il fera brûler. (.Applaudissements).
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Je demande que le brûlement des assignats offerts par M. Pottin soit suspendu jusque après le rapport des. comités.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait dans son procès-verbal mention honorable de cet hommage, renvoie l'adresse et le mémoire aux deux comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, et ordonne que le brûlement des 25,000 livres d'assignats sera suspendu jusqu'à ce que le rapport des comités ait été fait.^
Le sieur Audoin, garde national du bataillon de VAbbaye de Saint-Germain-des-Prés, est admis à la barre et présente une pétition dont l'objet est d'indiquer des moyens propres à rétablir la paix, et entre autres celui ae nommer des commissaires pacificateurs pris dans le sein de l'Assemblée, et- qui seraient envoyés, au nombre de 2, dans chacun des départements où sont les troubles. (Applaudissements.)
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de cette pétition au procès-verbal et la renvoie à la commission des Douze.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Copie de la lettre adressée par M. Palloy aux huissiers de l'Assemblée nationale et remise sur le bureau (1).
« Messieurs (2),
« Je profite du jour que je rends mon compte à ia nation, concernant la mission dont mes concitoyens m'ont chargé au sujet de la démolition de la Bastille, commencée le 14 juillet 1789, finie le 21 mai 1791, qui se fera demain, pour rendre hommage à tous les citoyens qui se sont distingués dans le cours de la Révolution; c'est à vous, Messieurs les huissiers d'honneur de l'Assemblée nationale, à qui je fais présent d'une médaille qui porte les mêmes emblèmes, d'un côté, celle que vous avez : elle est faite des matières de ce repaire de tyrannie, purifiées au feu ; sur le revers, le bonnet de la liberté, soutenu par un faisceau d'armes, auquel sont attachées les clefs de la nation, font la différence de l'empreinte de celle que vous avez : cette médaille sera attachée par un ruban tricolore, et non par une chaîne, symbole de notre ancienne servitude, que tout homme libre doit rougir de porter, surtout au sein de la représentation nationale.
« Je ne puis entendre sans frissonnement ce mot d'huissier, qui ne vous appartient pas : l'Assemblée nationale devrait substituer un autre nom, tel que Officier du Sénat français; et c'est à ce titre que je me fais un devoir de briser les chaînes qui sont suspendues à votre col.
« C'est à vous, Messieurs, c'est à vous, mes concitoyens, à obtenir de l'Assemblée l'agrément de porter cette médaille civique ; elle vous est d'autant plus due, que vous avez travaillé au renversement de ce colosse du despotisme ; que vous avez combattu tous les obstacles des ennemis qui en voulaient à notre bonheur, en attaquant les personnes sacrées de nos législateurs; que vous avez prouvé votre intégrité dans la mission qui vous était confiée. Les députés changent à chaque législature, mais vous, Mesi sieurs, vous êtes immuables comme la nation : cette médaille pendue à. votre côté, où est représenté le signe de la liberté et la clef du Sénat, fera plaisir aux patriotes, qui, la voyant, se ressouviendront qu'ils ne sont assemblés que pour affermir les bases de notre régénération; elle fera, au contraire, frémir les faussaires, qui n'oseront développer leurs sinistres projets, s'il en est dans l'Assemblée; elle leur rappellera que les rênes de l'Etat sont dans leurs mains; que c'est de leurs travaux que dépend le bonheur de la France.
« J'ose espérer que mon offrande vous sera agréable, et que vous la porterez avec toute la
pureté que je vous connais. La reddition démon compte se fera aux électeurs de 1789, de qui j'ai reçu l'ordre de continuer cette démolition, en l'Hôtel de Ville, en présence d'une députation du Sénat français et du peuple assemblé; j'espère, Messieurs, que vous voudrez bien augmenter le nombre des bons citoyens qui seront satisfaits de différentes particularités contenues dans mon compte, et dont peut-être j'aurai à lutter, s'il est des intrigants qui se présentent.
a la séance de l'assemblée nationale legislative du
Projet (1) dédié à la nation française et présenté à l'Assemblée nationale, et à Louis XVI roi des FTançais, le 11 mars 1792, l'an IV de la liberté, par Palloy, architecte-entrepreneur (2).
« Législateurs,
« Le génie, » l'agriculture, l'art militaire, les sciences et les mœurs doivent rendre grâce de l'heureuse révolution qu'ils éprouveront sans doute. Faites qu'en parlant de Paris et de la Révolution française, l'on dise de cette grande cité : Il y eut un Sénat, où naquirent la régénération des principes des mœurs et la vertu des bonnes lois, ét où l'on a protégé et encouragé le bon goût de l'architecture! Il faut des monuments pour en éterniser l'époque ; faites, sénateurs français qui composez cette enceinte, donnez essor aux lumières des artistes, et appuyez le génie bienfaisant du roi qui a guidé mon idée patriotique : il m'a renvoyé vers vous pour que vous applaudissiez à un projet auquel il a bien voulu applaudir sans en arrêter l'exécution, puisque cest à vous à rendre les décrets qu'il doit sanctionner.
« Les vues de ce monarque sont de consolider et affermir cette grande nation par de sages lois et des projets utiles, mais mis au concours, afin de ne point commettre d'erreur. Faites le bien, législateurs, et vous donnerez à l'Europe l'exemple des vertus pour les peuples de l'univers. C'est le motif du projet que j ai l'honneur de vous soumettre;
« Législateurs, oubliez-vous le champ de bataille où les Français cueillirent les premiers lauriers? Il faut de l'encouragement tant au génie qu'aux actions héroïques ; les Français ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, et ils n'auraient pas le. bonheur de vous posséder dans ce Sénat, sans cette mémorable époque.
« Je viens donc, Représentants de cette grande nation, comme artiste, vous prier de vous joindre aux vues du roi, pour l'emTbellissement de ce quartier, et vous rappeler qu'il a été oublié depuis sa victoire; tous projets ont été écartés jusqu'alors. Il a cependant besoin plus que tout autre d'être embelli par une nouvelle distribution, après la chute de cette informe masse, il y faut quelques beaux monuments, quelque effort de l'art qui appelleraient les étrangers. Ils se
demanderaient, où donc était c-tte forteresse odieuse, époque de la liberté du monde? Ce quartier se trouvera régénéré en ne laissant de débris de cet antre inexpugnable, que les traits sur le passé qui figurera le plan de cette forteresse dans sa longueur et largeur, dans ses mêmes proportions. Tel est l'exposé du premier programme présenté à l'Assemblée constituante, et remis entre les mains des représentants Mirabeau et Barnave, sur les tours mêmes de la Bastille, au moment de son affaissement; d'un autre côté, ce nouveau quartier et édifices, donneront beaucoup d'avantages aux propriétaires des faubourgs, qui ont tout sacrifié pour l'intérêt général, et qui le font journellement.
Comme artiste de la seconde classe, je viens payer le tribut de ma reconnaissance, en vous faisant hommage du fruit de mes travaux et de mes veilles. La nature n'a pas doué tous les hommes des mêmes talents; mais tous les vrais Français doivent se disputer le désir de concourir à montrer leur effort et leur courage pour le bien de leur patrie.
« Quoique battu parles flots de l'intrigue, rien n'a pu arrêter mon génie inspiré par la liberté. Je vous offre ce faible ouvrage. Mes talents n'approchent pas de ceux qui pourront mériter le choix du jury des arts; aussi ai-je hasardé à mettre au concours. Que n'ai-je le mérite et le talent aussi bouillant que mes idées! je vous rendrais avec plus de netteté ce que mon civisme m'inspire. Puissé-ie au moins, en vous remettant ce projet, servir de base et être utile aux vrais Français en donnant l'invention à ceux qui, par mérite supérieur, rendraient ce quartier plus agréable et plus intéressant par ses nouvelles dispositions! Je dépose avec les plans et modèles, un nombre suffisant de lumières pour faire connaître aux différents artistes des départements, la localité du terrain sur lequel est assis mon projet, travail et dépense, que j'ai cru devoir faire, pour encourager les artistes qui se trouvent éloignés.
« prospectus.
« La Seine partage Paris en deux parties. Est-il, pour cette capitale, de situation plus agréable, plus utile et plus salubre, si l'on voulait tirer parti des avantages que cette rivière peut procurer d'un bout de ses rives à l'autre? Tel on le voit dans un plan que j'ai présenté à l'Assemblée constituante, à son arrivée à Paris, lorsqu'elle tint ses séances à la salle de Notre-Dame. Ses quais ne s'accordent nullement en parallèle; l'on voit un côté bien applani, de belles maisons, un superbe jardin, de belles promenades, un beau port, et l'autre côté n'est qu'un terrain aride, raboteux, présentant des precipices, dont la terre est coupée à pic sans le moindre talus; des échoppes, construites çà et là, sans alignement, empêchent de voir la perspective et la longueur de la rivière. Combien de fois l'œil de l'étranger a-t-il été trompé et surpris par ces disproportions sans exemple!
« Cette différence ne provient que de l'ambition, de l'orgueil, de l'avarice, du caprice des hommes, de l'insouciance et de la mollesse chez les souverains, en n'honorant point la capitale de leur présence. Un beau monument a été jeté sur la rive du midi, le Louvre, ce chef-d'œuvre d'architecture; de l'autre côté et à l'extrémité, le cabinet d'Histoire naturelle; chacun alors s'est empressé de construire; la porte Saint-Bernard
fut jetée à bas pour donner plus de dégagement à ce nouveau côté; il serait trop long ae détailler la progression des choses qui sont restées à l'abandon : eu effet l'on a bâti çà et là sans régularité, sans plan uniforme. Le voyer est bien blâmable ainsi que le prévôt des marchands, qui cependant tirent le vingtième des rétributions des bâtisses qui se font au compte du gouvernement. Gomment a-t-on pu laisser couler des siècles avec autant d'insouciance qui semble détruire plutôt que d'embellir Paris? Il faut cependant applaudir au vœu de l'émigré Breteuil, par la suppression des baraques qui étaient sur les ponts! Eh! pourquoi ne continuerait-on pas? le Louvre nous en donne un exemple. A peine ce palais commençait-il à s'élever que l'on voyait construire à grands frais dans ses environs, de magnifiques hôtels, de belles maisons, et ce palais n'a jamais été fini : du même côté de la Seine était un terrain à l'abandon, sur lequel était une bastille informe qui déplaisait aux regards du curieux observateur, en face de ce beau Louvre; il n'y a que depuis quelques années que l'on a élevé des hôtels; le nouveau pont va donner au quai d'Orsay son mérite. Combien l'étran-/ ger est étonné de voir cette capitale si renommée, déserte dans plusieurs quartiers, et surchargée d'habitants dans d'autres !
« Aujourd'hui qu'il est question de construire des places publiques, des edifices nationaux, des promenades, il faut y mettre toutes les commodités que la nature nous offre en joignant l'utile à l'agréable ; c'est ce que je me suis efforcé de faire dans le plan général que j'ai présenté à l'Assemblée constituante. J'ai cherché à rendre libre la circulation des deux extrémités de Paris; c'est une partie détachée que je traite avec plus d'étendue et mieux détaillée.
« Le commerce étendu du faubourg Saint-Antoine et du faubourg Saint-Marcel, exige depuis nombre d'années un débouché ou passage sur la Seine, à la jonction des deux boulevards; cet objet est non seulement de la plus grande conséquence pour la capitale, mais aussi pour les grandes routes. Les marchandises qui nous viennent d'Orléans, de Lyon, du ci-devant Poitou et de la Champagne, ne seraient plus voiturées par l'île Saint-Louis, ce qui fait faire un circuit considérable et qui n'est déjà que trop embarrassé par l'enlèvement des vins et des bois, ce qui a occasionné des malheurs continuels; d'ailleurs, comme je viens de le dire, le commerce de ces deux faubourgs n'étant plus resserré, deviendrait très florissant. Quel agrément pour l'habitant de ne plus rien trouver qui empêche sou passage, de ne plus être forcé de se promener toujours sur le même lieu! il ne sera plus fatigué de rencontrer les mêmes objets; les marchands, les manufacturiers de ces deux faubourgs ayant un débouché pour leur commerce, seront non seulement plus actifs, mais seront encore plus gracieux envers l'acheteur, que rien n'empêchera d'aller plus loin ; les esprits se trouveront égaux, il n'y aura plus de distinctions; le citoyen du faubourg Saint-Antoine sera le même que celui du faubourg Saint-Marcel; les marchands, quoique ayant un commerce plus ou moins étendu, s'entr'aideront avec facilité ; les gens à fortune se trouveront confondus avec ceux qui font un petit commerce; la classe malheureuse se trouvera plus soulagée ; il serait même à propos que, dans toutes nos grandes villes, les noms des faubourgs fussent supprimés, pour ne faire qu'une seule et même cité, car il
que par l'artisan indigent, qui se trouve en masse dans un trop petit circuit. Il est donc de l'intérêt d'un gouvernement que toutes les classes soient étendues dans une grande ville, par cela même que les gens aisés ne bâtissent pas tous dans un même quartier; car qui verrait un Parisien de la rue Saint-Honoré et un du faubourg Saint-Marcel, trouverait, à fortune égale, ces deux hommes différents ; et c'est d'où proviennent les insurrections, par le peu d'accord des mœurs et des caractères.
« Il faut donc tâcher de continuer d'embellir cette capitale par toutes sortes de monuments publics, tels que des places, rues, quais, ponts et jardins agréables. Cette nouvelle opération ferait revivre différents quartiers, éviterait des embarras continuels et des malheurs sans nombre; Paris serait majestueux et représenterait au moins la première ville de l'empire français; les rues étant plus aérées seraient toujours propres et l'air plus salubre. Je désirerais qu'il vînt une ordonnance qui fixât définitivement les hauteurs des bâtiments, et cela suivant la largeur des rues; la plus grande 50 pieds, la moyenne 40, celle après 30, la plus petite 20 ; que tous les bâtiments, terrains, cours, jardins des marchés fussent clos de murs et non en planches. Il est des parties de faubourg que l'on croirait être à 50 lieues de Paris, tant les fermetures sont misérables, et ce sont ces misérables constructions qui affaiblissent l'espèce humaine et qui rendent 1 homme brute.
« Citoyens, artistes patriotes, donnons essor à notre génie ; appelons vers nous les étrangers connaisseurs, en augmentant la capitale d'hommes éclairés, nous saurons apprécier et profiter de la beauté du sol de notre position, en joignant la majesté à l'agréable, l'utile à la beauté; faisons disparaître ces logements étroits, obscurs et infectés, où l'homme, renfermé comme dans une prison, n'a que des idées sombres sans étendue, semblables au local qu'il habite, ce qui empêche les riches de visiter les quartiers aue l'on appelle faubonrgs.
« Les étrangers ne connaissent pas les faubourgs Saint-Jacques ni Saint-Marcel, et l'on ne connaît celui de Saint-Antoine que par le besoin des habitants qui sont très industrieux; la largeur de leurs rues est tout pour eux : il n'y avait que les faubourgs Saint-Germain, Saint-Honoré, qui étaient fréquentés, parce qu'ils étaient occupés par des riches. Ils empêchaient les étrangers d'aller dans ces quartiers, de façon qu'ils ne connaissaient Paris qu'au Palais-Royal, sur les boulevards, aux spectacles.
« Avantage.
« Je me suis attaché particulièrement, dans le plan que je me suis proposé, à exécuter sur les terrains de la Bastille, de l'Arsenal, de l'île Lou-viers, l'église des Célestins et dépendances, une place publique, un monument, une salle de spectacle, salle d'instruction publique, la continuation du boulevard, un égout couvert, pour jèter les eaux à la rivière, un jardin public, un port, des magasins à blés. Un pont de communication à. l'autre extrémité, deux quais de communication, Une gare d'approvisionnements maritimes, une distribution de local sur le terrain à vendre, sur l'emplacement de ces dépendances, où seraient écrites les rues dont les noms seraient analogues à la Révolution ; l'île Louviers serait
entourée d'un mur, et renfermerait les magasins-de poudres et salpêtres; dans le risque d'une explosion, le danger ne serait pas si grand qu'il pourrait l'être aujourd'hui; la garde en sera, plus ^ûre et moins difficile. Cette île contiendrait encore la fonte de l'artillerie, les magasins de l'équipement militaire, un pont de communication de l'île Louviers à l'île Saint-Louis.
« Il est d'autant plus urgent de faire disparaître ces piles de bois qui semblent nous rendre dans une forêt, et empêchent de découvrir la rive, qui, par leur masse énorme, occasionnent des ébou-lements de terres fréquents et d'un autre côté-privent un bras de la Seine de sa navigation.
« De plus, depuis que les entrées sont supprimées et qu'il est libre aux marchands de s'établir où ils veulent, l'île Louviers est moins fréquentée par les acquéreurs, et son entretien est toujours le même ; car combien la ville n a-t-elle pas dépensé, ce qui a toujours fait une vache à lait pour tous ces agents, qui ne trouvent jamais de projets à leur gré quand il n'y a pas de destruction à faire ; c'est sur les dépouilles publiques qu'ils faisaient leurs fortunes; ils envahissaient tout, et très peu d'artistes pouvaient avoir des entreprises. Les gens de mérite végétaient, tandis que les gros matadors accaparaient tout.
«Voilà une faible esquisse des erreurs de l'ancien régime : Ah ! verge correctionnelle, viens et frappe ces monstres qui osent se couvrir du manteau du patriotisme, pour mieux nous égorger.
« Ces terrains, vastes, en partie ignorés, appartenant à la nation, deviendraient un lieu riche et agréable, un endroit de population, de commerce, et Paris serait le même d'un bout de la ville à l'autre, par 4 grands ports que je propose: Il y a eu différents projets sur le terrain ae la Bastille ; tous les artistes ont fait briller leurs-génies, en multipliant les idées sur ce sol ; les uns ont donné des plans de palais national, les autres d'obélisque, ceux^i de colonnes trajanes: c'est un superbe morceau d'architecture à imiter. Mais pourquoi toujours copier? laissons aller les artistes à Rome. Il s'en faut que j'applaudisse aux folles dépenses des clôtures de cette capitale» mais on rendra justice au mérite des artistes qui ont contribué à l'ornement des bâtiments qui, par leur variation, ont rendu cette grande cité si agréable. Chaque entrée est d'autant d'arcs de triomphé ; l'auteur en sera toujours considéré, M. Le Doux.
« D'autres artistes ont présenté des projets de gare, le palais du Sénat, une place, un jardin public, et d'autres voulaient y établir une foire perpétuelle : tous ces projets sont grands, et sont dignes des citoyens libres et éclairés, et des architectes célèbres, tels que les Renard, Scélérie, Legrand, Chalgrin, Molinos, Peyre, Jalier de Savault,Brognard,Nourri, Guillaumot, Antoine Aubert, Gondoin,Bellanger, Payette, Petit-Radie... c'est à eux à fixer les premiers l'exemple, par des plans qui devront en tout temps fixer les regards de la postérité, je ne doute pas qu?ils présentent des projets.
« Il serait possible, entre, la jonction des deux boulevards, pour l'entrée du faubourg, d'élever un arc de triomphe représentant toutes les époques mémorables de la Révolution, les traits d'héroïsme de nos braves généraux. Dans le haut serait érigée la statue équestre du premier roi constitutionnel, guidé par le génie, et à la place du terrain 5-6, deux fontaines.
« necessite.
« 11 faut donc ne s'occuper, en renonçant à un palais, que d'un monument à la gloire de la liberté, qu'en tout temps il fasse la honte des ennemis extérieurs de cette Londres qui prétend nous rivaliser, et rappelle par son image à nos neveux ce que nous avons fait et ce qu'ils ont à faire pour conserver notre ouvrage ; c'est dans ce moment où l'ennemi cherche à enlever nos propriétés, que nous devons lever une tête majestueuse, et lui imposer en faisant disparaître les vestiges de notre ancienne servitude jusqu'à la plus basse fondation, par le comblement de cet affreux précipice, qui nous retrace encore les corps entiers de ce colosse, par le repaire de ces huit tours qui paraissent encore. Mettons-nous sur nos gardes, et méfions-nous de l'avenir; il n'y aurait rien d'impossible que la tyrannie fît revivre ce colosse formidable, et obligeât les Français des 83 départements à rapporter les parties qui formaient son ensemble, et qui leur ont été disséminées, pour leur rappeler à jamais les horreurs du despotisme. Commençons à exiger le monument que nous devons à notre nouvelle régénération.
« Parle plan que j'ai présenté,j'anéantis tout, et j'y ajoute les pierres dont j'ai fait l'acquisition, pour élever le socle de la colonne de la Liberté. C'est dans le moment où les souverains qui nous entourent nous cherchent la guerre, qu'il faut leur montrer que, forts de notre courage, notre persévérance, notre civisme, nous élevons un monument en dépit des ennemis du bien public et des jaloux de la France; et pour que l'exécution n'ait aucune interruption, nos armées les défendront. Oui, il faut que la colonne de la Liberté soit érigée sur les décombres du despotisme, la dépense n'est pas assez considérable: une somme de 6,000 livres par département fera les frais; et quel est le directoire qui se refuserait à cette modique somme, puisqu'il y a eu des départements qui ont offert, lors de l'envoi des modèles de la Bastille, jusqu'à 3,000livres (1) ?
« Cette colonne sera le point de ralliement, et nos ennemis verront que notre hardiesse prouve notre courage. Je promets l'entière exécution pour la fin de la campagne prochaine, la base en étant déjà fondée.
« Si toutefois le projet de la colonne est accepté, ce sera pour moi la plus belle récompense — non mon projet — parce que je ne me crois pas le seul capable, mais celui d exécuter celui qui aura été choisi.
« Si l'Assemblée nationale décrète l'exécution de ce monument, j'écrirai aux 83 départements de m'envoyer 4 ouvriers, dont 2 tailleurs de pierre, 1 limousin ou maçon et 1 garçon, afin que' chaque département contribue par leurs concitoyens à l'érection d'un monument à la gloire de la nation française.
« Je vais donc donner un détail, et développer les avantages de tout mon projet, sans ambition pour le général, trop heureux si je puis élever la colonne de la Liberté, comme entrepreneur. Je prie l'Assemblée nationale d'accepter le plan le plus exactement levé, afin que tous les artistes de
la France puissent concourir, sur le surplus, tant pour la distribution du terrain, la plantation du jardin, la construction du pont et les travaux des quais, magasins à blé, arsenal, salpêtre, artillerie et magasin à poudre, étant un terrain national. Je prie chacun de ses membres de peser dans leur sagesse les circonstances présentes, et de juger si les départements favoriseraient ma demande, en proposant le payement de ces 6,000 livres par douzième, de mois en mois, qui ne nuiraient sûrement pas aux dépenses extraordinaires pour soutenir la guerre.
« Quelle gloire pour les représentants de cet Empire, d'avoir, dans le cours de leur législature, supporté le fléau de la guerre, et érigé la eolonne ae la Liberté; que ce monument simple serait prêt à recevoir le trophée des victoires que la nation remportera, qui transmettra à la postérité l'époque de la guerre la plus juste, le courage des enfants de la patrie contre les soldats ennemis, ce qui sera une des plus brillantes époques du peuple français; peut-on rien de plus analogue a la Révolution et au temps présent? Aucune entreprise ne peut être, par son genre et sa situation, plus favorable, tant pour .'le souvenir du M juillet que pour employer des ouvriers que le peu d'occupation fait végéter.
« Eh! qu'il est beau pour une grande nation de penser aux malheureux, même en combattant ses ennemis. Voyez Louis XIV! n'a-t-il pas fait de forts travaux au moment même des plus grandes guerres; c'est une preuve que le peuple français est le plus grand et le plus belliqueux de toute la terre, quand il est bien gouverné.
« description détaillée du projet admis pour le concours.
« Je propose par le plan que j'ai présenté d'établir une nouvelle place publique qui serait appelée la place de la Liberté, cette place pourrait également servir à rassembler la garde nationale parisienne pour y passer la revue, pour y faire les traités ae paix, d'union, de neutralité, les manifestes, les déclarations de guerre, les traités de cession, les actes d'établissement; enfin, ce sera sur cette place où se feront toutes les annonces et les fêtes nationales, et la publication de tous les décrets ; elle pourrait encore servir aux supplices des traîtres à la nation ; son étendue vaste démontre beaucoup d'avantages. Le débouché par la rue Saint-Antoine serait redressé sans frais; faisant l'alignement du faubourg, la colonne lui servirait de point de vue. Jamais place publique n'a contenu un espace aussi grand.
« La démolition de la Bastille laissé à la ville de Paris la libre disposition d'un vaste et superbe emplacement ; c'est aux artistes qu'il appartient de diriger le goût du public, et d'offrir à l'Administration des projets qui tendent soit à l'embellissement, soit à l'utilité commune.
« Ayant été employé comme entrepreneur général, j'en ai levé le plan dont j'ai fait hommage' à tout 1 Empire, en disséminant les vestiges de ce lieu maudit de la surface du globe ; j'ai fait graver différentes constructions que j ai trouvées dans les décombres, j'ai mis au jour, différentes idées, telles que le projet général que j'ai conçu tant sur le terrain de la Bastille que de l'Arsenal, l'île Louviers et dépendances. Aussi chaque artiste trouvera, sans se déplacer, les moyens d'exercer son génie ; s'il eu est, malgré lesplacets et modèles qu'ils trouveront à leur
chef-lieu de département, qui ont besoin de quelques renseignements, ils n'ont qu'à s'adresser à moi, je ferai tout pour leur être agréable.
« A. — Place de la Liberté.
« Dans mon plan général l'on voit la place de la Liberté; elle est d un vaste carré long, contenant 80 toises sur 60, et la partie circulaire 200 toises réduites, ce qui fait en superficie 5,000 toises. Cette place a deux issues; sa plantation ne nuit à aucune propriété, elle prend sa superficie sur l'ancien sol ae la Bastille.
« Rien n'est plus monotone que ces bâtiments uniformes autour de nos belles places; ils causent des réparations considérables. Les particuliers qui deviennent acquéreurs de ces monuments sont obligés de se conformer à la régularité de la place, et se trouvent, par leurs acquisitions, esclaves dans leurs propriétés. Quoique la vue ae mon projet paraisse régulière et uniforme, je ne m'y arrête pas, pour ne point gêner les propriétaires jusqu'à ce point : ils pourront construire librement autour de la place de la Liberté. Il ne faut pas que l'artiste soit gêné dans son travail, et que ses vues soient arrêtées ; seulement il serait à désirer que chaque propriétaire fût tenu de se servir d'un architecte connu par les bâtiments qu'il aura exécutés; il s'assujettira à la hauteur qui lui sera fixée, depuis 58 pieds jusqu'à 60, compris l'entablement, et 15 pieds de hauteur de comble; d'après cette fixation, il pourra bâtir sur le moins 6 toises de face ; cette place alors par son irrégularité, sa noblesse, par son agréable et belle variété, sa majestueuse simplicité et la variété des goûts, sera réellement la place de la Liberté. Le propriétaire étant libre de varier par son goût la décoration de ses bâtiments, il sera également libre d'employer la nature des matériaux qu'il jugera convenable, soit en pierre, soit en moellons, soit en briques ; l'épaisseur des murs de face sera fixée en élévation de 18 pouces et la fondation assise sur un bon sol.
« On verra cette forteresse fameuse autrefois, retracée en pavé noir, indiquée par un trait ponctué, se perdre dans la libre étendue de cette place. L'ancienne place de la Bastille indiquée par le plan ponctue, sera sur le sol même de la place, rendu visible par un pavé en granit semblable à celui qui sert à border les quais des trottoirs de plusieurs ponts de Paris ; ces traces durables parleront toujours puissamment à l'âme des Français et des étrangers; en foulant ce pavé, ne pourra-t-on pas être électrisé du saint amour de la patrie et ae la haine la plus profonde pour les ennemis de la France? La tour de la Liberté se trouvera être au milieu de la place ; c'est sur elle que je propose de fonder ma colonne, qui par sa position se trouvera en ligne droite à la rue de la Liberté, au nouveau jardin projeté, à la rue Saint-Antoine et à son faubourg (1).
« Pour rendre cette place régulière, il est des terrains à acheter qui ne sont pas considérables, l'on en trouvera un détail à la fin du prospectus.'
« B. — Colonne de la Liberté.
t Au milieu de cette place est une colonne por-
tant la statue de la Liberté, posée sur un piédestal; elle a, compris sa base, chapiteau et statue, 164 pieds; son diamètre sera de 12 pieds 3 pouces, par conséquent elle se trouvera plus forte que celle de Trajan élevée à Rome; elle sera composée en pierres neuves de la meilleure qualité; chaque assise portera éjpaisseur d'un mur, deux marches et noyaux; le noyau sera percé d'outre en outre et "goujonné dans toute sa hauteur ; le fer partira de fond, et soutiendra la statue de la Liberté.
« Cette colonne, avec sa base immédiate, sera fondée sur un socle de 15 pieds de haut, représentant la Bastille dans toutes ses proportions ; elle sera établie sur un rocher qui a 72 pieds carrés, et 23 pieds de hauteur. Le rocher et le modèle de Bastille seront faits avec des pierres de cette ci-devant forteresse, ainsi que la fondation des pierres que j'ai achetées pour cet usage, et qui en attendent l'exécution ; et que, dans le cas que les pierres que j'ai achetées fussent insuflisantés, je me servirais du peu de masse qui reste encore du bastillon et des murs, parties du fossé du fort, dont la démolition sans doute sera ordonnée.
« Sur chacune des huit tours du modèle servant de socle à la colonne, je propose de placer une statue ; dans les entre-deux seront les tables de la Loi, telles que la Déclaration des droits de l'homme, l'Acte constitutionnel et autres. Je rappelle que je tiens du département de Seine-Inférieure une inscription et diverses autres qui qui m'ont été adressées.
« Le rocher représentera les ruines et les débris de l'ancienne forteresse, en laissant les vides où il sera fait des plantations ; c'est de cette fondation que sortira la colonne de la Liberté.
.« Les débris sembleront vouloir se relever, mais ils resteront écrasés par la colonne, dont la seule simplicité formera l'ornement. Il peut ën-trer dans les vues de l'Assemblée nationale d'y faire un jour disposer des trophées, lorsqu'une éclatante victoire aura signalé le courage de nos armées ou que quelques généraux se signaleront eux-mêmes et, succombant au sort de. la guerre, leurs noms pourront y être inscrits.
« Le promenoir, placé sur la plate-forme de la Bastille, sera assez large pour y poster une sentinelle. Dans la masse du rocher, il y aura deux corps de garde, l'un pour la cavalerie et l'autre pour l'infanterie. L'intérieur de ces corps de garde sera d'une architecture simple et majestueuse ; ils seront éclairés par des jours tirés sur la plate. forme de la base dë la colonne.
« Le plan, par le bas, se terminera par un revers de pavé en glacis, entouré de bornes en granit, sans chaînes ni barres, mais entre des peupliers qui rendront ce monticule pittoresque.
« Sur les deux côtés latéraux, seraientdeux fontaines, une pour abreuver les chevaux et l'autre pour le service public, jetant de l'eau par deux têtes de poisson marin, dans un bassin de granit, en forme de coquille; au-dessus seront placés Neptune et Ampnitrite, dieux des eaux. Deux réservoirs seront dans les corps de garde; deux regards seulement en dehors pour arrêter les eaux, dans le temps des gelées et de réparation.
«- Le plan représentera une masse solide, pour la base de la colonne, tel qu'on le voit dans la coupe ; un noyau sera établi dfe fond, et au pourtour, il y aura un escalier qui conduira îusqu au sommet delà colonne ; dans l'intérieur de cette colonne, seront inscrits, sur 83 médaillons de pierre de la Bastille, io scrutés avec agrafes du fer de ce fort,
les noms de chaque département, et à chaque endroit de chef-lieu, il y aura un percé pour y mettre une bannière au bout d'une lance; elle serait exposée tous les 14 Juillet de chaque année.
L'escalier arriverait jusqu'au-dessus de la colonne, et servirait à mettre le drapeau national, pour présenter quelques signes imposants dans les grandes circonstances, dans les fêtes nationales des triomphes éclatants, ou pour voir donner le spectacle d'un feu d'artifice qui soit vu à de grandes distances, commodément et par un grand nombre d'individus, sans aucune crainte d'accident.
Il serait agréable de voir du haut de la colonne de la Liberté, jaillir et se développer majestueusement dans les airs, des germes en flammes brillantes, symbole de l'abondance.
Aucune entreprise ne peut être, par son genre et sa situation, plus analogue à la Révolution ; sa forme neuve, sa simplicité et son économie, rien ne pourra plus nous rapprocher du travail des Romains, qui ont porté les arts à leur perfection pour y rappeler les époques de leur révolution martiale.
C. — Ancienne Bastille.
Le plan de l'ancienne Bastille avait 8 tours ; une des 8 était nommée celle de la Liberté, qui avait 30 pieds de diamètre : c'est sur cette ernière que je propose de fonder ce monument. Il reste encore a fouiller 3 pieds de fondation, ce qui donne un moyen de planter la fondation à la superficie qui m est nécessaire, laquelle est de 72 pieds, non pas en masse lourde, mais en massif de ruine; car le point de la colonne ne portera que sur le milieu de la tour. Cette masse de superficie va en pain de sucre et en monticule à la hauteur du pavé.
Il serait nécessaire, dès le moment de l'acceptation du plan, de donner congé à toutes ces maisonnettes qui bordent les fossés de la Bastille, par la rue Saint-Antoine ; elles appartiennent en partie à la nation, et l'autre aux héritiers de Launay.
Les deux parties d'avance seront données gratis, ainsi que la partie circulaire, pour faciliter les propriétaires à bâtir et embellir la place, savoir : les faces des maisons numérotées 1, 2, 3; mais forcé de les faire ériger sur-le-champ, le n° 4 sera acheté ; l'encoignure et la valeur de la bâtisse, équivaudra à la dépense de l'acquisition, bien qui appartient à la nation.
Alors la perspective de la colonne se verra par la rue Saint-Antoine et le faubourg ; il y aura trois nouvelles rues aboutissant au faubourg : une s'appellera rue des Batailles, rue du Courage, et la troisième celle de la Victoire qui répondra au carrefour.
D. — Carrefour du faubourg.
Deux parties des terrains marqués 7 et 8 seront achetées ; ils seront nécessaires pour avoir l'alignement du faubourg; la rue de Charenton et le coin de cette rue à la cour de la Juiverie, et le terrain n° 9, seront à vendre.
Le terrain numéroté 10 est très bien situé ; faisant face sur trois rues, le derrière de ce terrain donnera sur la rue de la Renommée, au bout de laquelle sera celle de la Bravoure, qui sera une nouvelle rue percée, aboutissant à la rue des Filles-Anglaises.
E. — Salle de spectacle.
Le n° 11 est assez grand pour y construire une salle de spectacle, elle ne pourrait être mieux placée : des rues multipliées conduiront de toutes parts à cette nouvelle place, et ouvriront aux voitures des routes différentes qui préviendront les embarras, hors d'état d'incendier les propriétés voisines. L'on pourrait tourner au pourtour à couvert sous une galerie, comme au Théâtre-Français. Le n° 14 pourra servir de magasin de dépôt des décorations, et de logement des acteurs. J'ai pensé ne pouvoir en donner que l'idée ; je n'y ai pas joint de projet, qui ne peut s'adopter que suivant le genre de spectacle ou d'école qu on pourrait y établir, et qui ne peut être mieux placé dans un quartier aussi beau par sa nouveauté.
E. — Salle d'instruction publique.
Cette salle fera le parallèle à celle de spectacle par les mêmes décors à l'intérieur, et pareillement isolée sur les trois côtés. C'est dans cette enceinte que les jeunes Français s'instruiront sur différentes sciences et arts. Un nombre sera reçu tous les ans de chaque département : ces élèves y resteront pendant 6 ans et tous les ans d'ensuite seront renouvelés. Le n° 13 pourra être bâti au pourtour pour leur collège, où il y aura des instructions de toutes les langues.
F. — Boulevard.
Le boulevard de la Liberté prendra sa naissance à la place de ce nom, et ira gagner le bord de l'eau, en face du pont projeté, où seront différentes issues ; ce Boulevard aura une grande allée et deux contre-allées ; la chaussée sera de la même largeur que le boulevard Saint-Antoine, et ne dérangerait rien à la maison Beaumarchais.
G. — Egout de la ville.
Avant que d'établir cette chaussée, il sera important de continuer l'égout déjà projeté. J'ai, en octobre 1789, présenté un devis qui avait été accepté par la commune (1). Cet égout qui a de longueur 500 toises, est de la plus grande et première nécessité,en procurant un rapide écoulement aux eaux qui séjournent dans lés fossés ; il donné des exhalaisons méphytiques ; aussi MM. Jallier, de Lapoix et Montizon, tous trois électeurs et architectes, avaient bien senti la nécessité de cette construction, et les avantages que l'on en tirerait ; ils n'ont pas hésité à prendre un arrêté mais des intrigants attachés à la commune, ainsi que ceux qui entouraient le bureau de la ville, se sont fortement opposés à l'exécution de ce projet qui aurait peu coûté, ayant sur lés lieux les matériaux, les ouvriers qui étaient nombreux auraient été employés utilement, et serait fini.
Le long de ce boulevard sera du terrain à vendre; savoir: les n° 15, 16, 17, 18. Il y aura deux percées à faire pour gagner le bout du cul-de-sac Saint-Claude, qui s'appellera la rue de
l'Abondance, et la nouvelle à percer, rue de la . Réunion ; cette vente serait plus que suffisante ; pour faire l'acquisition du terrain n° 19, côté du Nord, pour y faire un magasin à blé : il sera à la proximité du rivage et du charroi, à l'entrée de la ville, au bout d'un pont et à l'issue d'un faubourg. Il serait d'une grande utilité pour l'approvisionnement de Paris. Je n'en ai pas fait de projet : il est utile pour le bien général, de - dire que la masse de ce terrain dont le carré est, comme on le voit régulier, contenant 18,000toises de superficie, est entouré de rues qui donneraient quatre issues. Je pense, dis-je, que ce projet ne peut être arrêté que d'accord avec les administrateurs des subsistances, pour aviser sur les commodités qui leur paraîtraient les plus favorables.
H. — Magasins à blés.
Plusieurs citoyens avaient démontré la nécessité d'établir des magasins à blés à l'entrée de la capitale, à l'effet d'avoir des approvisionnements suffisants en cas de calamité ou de disette; mais, de tous ces projets, aucun n'a pu être accepté; on s'est contenté, comme il se pratique encore, d'acheter des farines de tous côtés éloignés de la ville, ce qui occasionne des frais de transport; au lieu que celui établi sur la rive, -et même aux quatre parties de la rivière, c'est-à-dire deux au levant et deux au couchant, ne pourrait qu'augmenter l'approvisionnement. L'entretien de ces magasins serait peu dispendieux, tous les grains et farines se voitureraient sur l'eau, empêcheraient le monopole; car, plus 41 y a de difficulté pour faire venir cette denrée de première nécessité, plus les intrigants usu-raires, les sangsues du peuple et du gouvernement, mettent tout en usage pour satisfaire leur cupidité, d'autant que la nalle au blé actuelle est même trop petite ; il faut leur ôter tous ces moyens, en opposant une barrière à leur agiotage ; ils jouissent quand ils trompent leur patrie; combien n'en avons-nous pas d'exemples !
Je désire donc, et je ne suis pas le seul, que le projet de magasin sur la rive droite soit mis au concours; je ne crois pas qu'il puisse être situé plus avantageusement, tant par la salubrité de l'air, la descente des bateaux de Gha-renton, Gorbeil et autres lieux; on ne serait pas obligé de passer les ponts: un autre magasin pourrait être du côté du Jardin des Plantes, pareil à celui que je propose.
J. — Côté du Jardin des Plantes.
Le terrain numéroté 20, en partie occupé à des chantiers de marchands de bois forains, serait une acquisition à faire qui deviendrait de grande utilité pour le magasin a grains, qui serait isolé par deux rues portant le nom de Provision et de Subsistance. Ces deux rues seraient fermées la nuit, ne servant que pour le service de ces ma- gasins, parce qu'aucune voiture n'entrerait dans . intérieur ; ainsi en serait des deux magasins au bas delà rivière, en face des Invalides, qui recevraient les blés ae Normandie, de 'Picardie, voi-turés sur les rivières delà Seine et dé l'Oise. Ces -quatre magasins, ainsi que celui de la halle àux «lés, toujours bien entretenus d'approvisionnements, donneraient beaucoup de tranquillité àu peuple. On supprimerait, par là, une infinité dè magasins épars dans la capitale, dont les loyers «ont une charge très lourde pour la ville, ou oc-
cupent des emplacements appartenant à la nation, qui peuvent être vendus, comme Saint-Martin, Saint-Antoine, les Bernardins, les Théatins et autres. Ce projet est d'autant plus facile à exécuter, que la municipalité n'a aucune dépense à faire pour l'acquisition des terrains, puisque partie appartient à la nation, et que la ville de Paris elle-même économiserait beaucoup.
K. — Jardin national,
Il sera pris dans la masse du terrain un emplacement pour faire un jardin national, qui aura 200 toises de long sur 80 toises de large, ce qui donne une superficie de 15,000 toises ; ce jardin comprendra des quinconces, des allées, des bosquets, des gazons, des plates-bandes de verdure et de fleurs, des salles ae toutes formes; la statue du roi des Français sous la figure de Minerve, sera élevée sur un piédestal! L.
M. — Statues.
Il sera placé des statues des grands hommes, reconnus par leur patriotisme, et désignés par l'Assemblée nationale pour mériter les honneurs du Panthéon français.
N. Au milieu de ce jardin, il sera construit un bassin.
O. D'une partie du terrain, il sera fait une plantation d arbres en bosquets figurant le plateau de la Bastille.
Il sera composée d'allées et de 8 salons circulaires; la plantation formera la même superficie qu'avait cette ci-devant forteresse, dont les brancnes des arbres formeront les 8 tours. Les contre-allées communiqueront de table en table, à chacune desquelles sera élevée une statue en marbre blanc posée sur un socle en pierre de la Bastille; elles représenteront : la Force, la Victoire, la Science, la Vérité, VUnion, la Vertu, la Justice et la Prudence. P. Sur chaque piédestal sera gravé le nom des 8 tours.
Q. Dans le milieu sera élevé un mât de 96 pieds en bronze, de 12 pieds de base, et finira en pointe, où serônt un globe et un coq, symbole e la vigilance. 11 laissera à la postérité l'idée de la hauteur de cette forteresse, depuis la fosse jusqu'aux créneâux. Au pied de ce mât sera élevé un piédestal formé des mêmes pierres de la Bastilles; sur les quatre faces on lira les inscriptions suivantes : Liberté, Bravoure, Dévouement et Constitution.
Tous les ans, le 14 juillet, jour de la commémoration nationale, on pourra, dans ce même jardin, donner une fête en illumination, comme elle fut exécutée sur les décombres de la Bastille, le 14 juillet 1790, avec cette inscription ; Ici l'on danse (1).
Ce jardin, par sa position, fera face à celui des Plantes. R; il aura quatre entrées : une par le quai, une par le boulevard, l'autre par le Quartier-Neuf et l'autre par la place de la Nation; il laissera voir la colonne par le percé de la rue de la Liberté.
Quatre parties de terrain à vendre désignées sous les nos 21, 22, 23 et 24, qui bordent le boulevard, la rue de la Liberté et la rue de la Nation, qui aboutissent au quartier neuf, bordées par 4 nouvelles rues, savoir : celle des Français,
des Patriotes et de la Nation, seront à vendre; les encoignures des deux parties de ces 4 terrains, formeront un vide circulaire en face du jardin, pour faciliter l'entrée du jardin national.
S. — Place nationale. .
Cette place, qui formera demi-lune, portera le nom de Nationale. Seront construits au côté marqué T, un corps de garde dont le frontispice sera orné d'un bas-relief représentant la prise de la Bastille, avec les Droits de l'homme et la Constitution, gravée sur une pierre de cette forteresse.
Une fontaine dont le frontispice sera pareillement orné d'un bas-relief représentant le roi au Champ-de-Mars, 1790, et les actions mémorables de la Révolution : cette place pourra également servir pour les voitures publiques.
V. — Quartier neuf.
Le long du jardin est la rue de l'Immortalité qui aboutit sur le quai, ensuite les rues de la paix, de l'Arsenal, ae la Municipalité, des Cantons, des Districts, des Départements, des Grands-Hommes, de la Fraternité, de la Constitution et de la Loi : les inscriptions de ces rues seront, gravées sur des pierres de marbre noir, en lettres d'or ou en faïence.
Dans toutes les rues il y aura des terrains à vendre, sous les nos 25, 26, 27, 28; 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42. Chaque rue sera numérotée à dater de la naissance de notre liberté, et portera les noms qui rappelleront l'époque de notre Révolution.
11 serait à désirer que les rues, places, ponts, quais, fontaines, carrefours et tous autres lieux publics de la capitale, fussent ainsi désignés, afin d'effacer pour toujours ces noms bizarres et indécents que l'on voit encore subsister, malgré le décret (1).
Les inscriptions des batailles gagnées remplaceraient celles qui sont aux ponts, où l'on voit encore les.noms de ces ex-voto qui nous bastil-laient au moindre mot, en substituant à ces noms des ci-devant saints, de tyrans, d'échevins, d'anciens magistrats, ceux des défenseurs du peuple ; il serait encore nécessaire d'ôter tous ces petits saints exposés, çà et là, dans les différents quartiers de Paris, ils ne servent qu'à rappeler le fanatisme. Tous ces changements, qui ne paraissent que très peu de chose, feraient beaucoup à la Constitution, en effaçant tous ces restes de l'ancien régime : l'on recréerait de nouvelles âmes par un nouveau feu de patriotisme, qui n'a cessé jusqu'à ce moment de faire" de grands progrès. L'on pourrait mettre en place le nom des législateurs, des généraux qui auraient coopéré au bien général; ces noms ne se poseraient qu'après la mort du représentant, du général qui auraient bien mérité de son pays. Il faut récompenser le courage, la vertu, le patriotisme.
X. — Quartier vieux.
Percé dans les rues de la Cerisaie et Petit-Musc, désignées sous les nos 43,44,45,46, qui donneront une très grande valeur à ces terrains ;
les deux parties des rues en face de celles des départements et des districts, s'appelleraient rue de la Justice et de la Force, il est bien plus avantageux pour la ville, de faire des percées qui aboutissent au couvent des Filles-Sainte-Marie ; on quadruplerait les loyers de ces maisons. Les dépenses, pour faire ces acquisitions, ne sont pas considérables : ce percé produira une grande valeur pour le reste des autres terrains.
Y. Terrain des Filles-Sainte-Marie.
Il serait à propos de saisir l'avantage que nous donne le couvent des Filles-Sainte-Marie ; ce terrain comprenant l'église, bâtiment, jardin et dépendances, donne de quoi faire deux dégagements, savoir : un depuis le quai de la Gloire jusqu'à l'encoignure ae la place, par la rue des Départements, s'appellerait rue de la Section, l'autre dégagement communiquerait au boulevard neuf; il s'appellerait rue de là Vertu; l'on sera pour cet effet obligé d'acheter les terrains numérotés 51 et 52 ; mais aussi on vendra avec un intérêt avantageux les nos 47, 48, 49 et 50; non seulement ils couvriront cette acquisition, mais ils donneront encore un grand produit..
11 serait à propos de changer trois rues de nom, qui sont comprises dans mon état général.
La première est le passage Lesdiguière qui prend naissance à la demi-lune de la place de la Liberté, et qui serait continuée jusqu'aux rues de la Constitution et de la Nation, et s'appellerait rue Triomphale.
La deuxième, rue de la Cerisaie, qui serait prolongée et appélée rue des Législateurs.
La troisième, cul-de-sac de Guémenée, qui serait percée et prolongée à la rue des Tournelles, serait appelée rue de la Bonnè-Foi, se joindrait à la rue de la Force, pour remplacer et faire perdre le nom de Guémenée.
Z. — Quai de la Gloire.
La construction du quai de la Gloire est de la plus grande utilité; l'alignement de ce quai serait pris du port Saint-Paul à la Râpée.
Le produit de la vente des terrains en conservant la bibliothèque de l'Arsenal, le long du quai, serait très avantageux, en ce que ce lieu serait très commode pour le commerce et agréable pour la vue. Le mur du parapet coûterait, j'en conviens, mais il faut toujours calculer en grand : la ville a fait une estacade au bout de File Louvier, ainsi qu'on le voit dans le vieux plan, et une autre opposée attenante à l'île Saint-ouis. Ces estacades coûtent annuellement, pour entretien, beaucoup. Pourquoi, depuis 50 ans que Paris commence à vouloir s embellir, n'a-t-on pas trouvé des moyens plus simples? Il est étonnant que ce quartier ait été tellement ignoré de tout le monde, que l'on n'ait pas encore su apprécier la juste valeur desplus beaux terrains. Je sais qu'avant la Révolution il était défendu de jeter la moindre, idée sur ce qui entourait la Bastille de 100 toises à la ronde ; mais depuis la Révolution nous sommes libres de nos idées ; et je puis certifier qu'il est de la dernière nécessité de détruire ces palais et jardins du gouverneur, ces logements pour caserner des milliers de soldats, ces enclos, ces remparts qui menacent ruine. Pourquoi laisser tout dégrader davantage? Allons, détruisons, abattons ce qui
donne encore des souvenirs amers, et recréons de nouveau sur un sol qui peut rapporter.
a. — Port de la Gare.
Ce port serait très utile, non seulement par la position, mais encore par le balage, dont l'étendue offrirait un terrain pour décharger les grains qui pourraient venir tant par terre que par eau. On pourrait, dans la saison chaude, exposer les sacs de blés, sous ces halages, dont l'air éviterait la fermentation des grains.
b. — Port de la Râpée.
- Les bords de la Râpée recevraient la décharge des bateaux marnois, des toues, et des trains de bois pour le dépôt des pierres à plâtre.
c. — Port de l'Hôpital.
Il serait pratiqué un autre port proposé, qui est le port de l'Hôpital, lequel donnerait une grande facilité pour la continuation du quai de la Tournelle, marqué rf., ce qui rendrait les deux côtés de la rivière marchands, agréables et commodes .
d. — Quai marchand.
Dans la longueur de ce quai, sur les bords du rivage, seraient pratiquées par-dessous lé pavé, plusieurs arches de communication pour aller dans les caves de la halle aux vins et autres ter-Tains, cette communication serait une rue de 9 pieds de large, comme les bords de la Loire entre Orléans et Amboise; par ce moyen la construction du quai ne deviendrait pas nuisible, des berges subsisteraient le long du rivage. Les marchandises alors ne gêneraient pas la voie publique, comme cela arrive journellement lors ae la décharge des bateaux de vins, des tirages de trains, 1 arrivée dés coches, etc. : c'est en général le port le plus marchand de tout Paris. En faisant quatre arcades de communication, les toues même peuvent décharger par ces rues, et les haquets chargeraient dans la halle.
; Autre point d'utilité et de profit, c'est que les vins se porteraient mieux, et conserveraient leur qualité, les pièces ne seraient plus exposées aux grandes extrémités de l'air, car dans l'été les pièces se dessèchent^ et dans l'hiver elles s'entrouvent dans les grosses eaux; un reflux enlève les vins, une débâcle enfin, fait tout appréhender pour les propriétés exposées sur les bords de la rive.
Tous ces accidents prouvent que ce remblai est nécessaire ; il le serait d'ailleurs en raison du rapprochement des terres de la descente des deux ponts, la rive étant très basse.
L'héberge des terres qui seraient le long du quai laisserait toujours le port dans son état naturel, puisque ce mur ne prendrait que la chaussée publique. Ce projet demanderait son exécution générale. Nous n'avons pas de plus beau port ni de plus beau quai que Celui des Tuileries. Tous les ports ne devraient pas interrompre la promenade des quais, c'est 1 article 15 dans mon projet sur l'embellissement de Paris.
e. — Port des Coches.
Au milieu de ce quai marchand, en face de la
rue de Seine, serait un port appelé le port des Coches, sur lequel serait le débarquement de tous les coches d'eau, venant d'Auxerre, Monte-reau et autres et divers entrepôts pour le quartier Saint-Marcel ; cela dégagerait le port marchand. Ce port, comme on le voit par le plan, aurait d'un côté une voie pour les voitures, et l'autre une descente qui donnerait à ces mêmes voitures l'avantage de charger sur le bord de la rivière.
f. — Pont de la Liberté.
Il y a eu différents projets pour la construction d'un pont, soit en pierres, ou en bois, ou en fer. Je le propose en pierres, composé de 5 arches, belle arcade. Celle du milieu interrompue par une machine hydraulique, 4 arches seraient destinées pour la navigation et pour le halage marqué g. Ce monument utile serait élevé à la gloire de la Liberté, et la dépense, que je ne puis évaluer, coûterait biens moins que celui qui se construit, les équipages étant déjà disposés et le travail plus aisé, par les vastes terrains qui l'avoisinent et â proximité des carrières. Il serait pour le moins aussi utile que ce dernier, qui a été construit au moment de la Révolution; nos finances, quoique faibles, ont suffi à son achèvement : celui que je propose peut s'élever au moment de la guerre. La construction appellera, les acquéreurs des terrains dont je fixe la vente ; les bénéfices que l'on tirera diminueront la dépense de plus de moitié. Ce que je dis peut se vérifier par les terrains des environs du pont qui avoisine le faubourg Saint-Germain et des Tuileries, qui ont presque doublé le prix (1). Voilà donc le moment de le faire. Je suis certain qu'un nombre infini de citoyens de la capitale contribueront chacun pour leur quote-part à la formation de ce pont. Ce serait même une souscription à faire avec un entrepreneur intelligent, qui pourrait s'associer des banquiers. Je désirerais que quelqu'un proposât ae prendre cette construction en bloc; il n'est guère possible qu'il se trompe : le département, d'après un devis certain, saurait ce qu'il dépenserait et pourrait en conséquence recevoir la contribution volontaire des particuliers; il n'est nul propriétaire dans les environs qui ne fît une offrande.
Si dans mon projet j'ai rappelé l'exécution de ce pont, c'est que, pour le moment, le quartier du faubourg Saint-Antoine, qui fait l'entrée de Paris, est absolument le faubourg le plus commerçant ; que l'on juge d'après la construction de ce pont combien cet endroit sera florissant, combien le faubourg Saint-Marcel, aussi peuplé, gagnera à cette jonction.
Rien de plus facile que de percer des issues aux environs et à peu de frais; ces terrains sont vagues et bordés de chantiers.
Quel avantage pour les propriétaires de ces endroits d'être servis par des chemins pavés.
La construction de ce pont serait encore utile, parce qu'il donnerait la pente nécessaire à tous les rouliers des villes de Lyon, Orléans et autres villes considérables ; il rendrait les entrées de Paris égales, agréables et majestueuses.
Ce pont alors serait très utile pour les personnes de pied et pour les équipages ; il dégagerait le pont de la Tournelle et le pont Marie d'un grand nombre de voitures, qui sont obligées de
faire un circuit pour arriver à ces ponts, ce qui cause des embarras et des accidents continuels. Je suis témoin de quantités de malheurs (1).
h. — Machine hydraulique.
On pourrait tirer un double avantage du pont que je propose, en plaçant sous l'arcne du milieu une machine hydraulique pour faire monter l'eau à la hauteur qu'on voudra, presque absolument sans frais ; les découvertes les plus simples sont souvent les meilleures.
On se plaint journellement des maladies occasionnées par les eaux; je puis fournir à tous les citoyens, indistinctement, l'eau la plus pure et la plus salubre; il serait possible d'établir dans la capitale des communications très nécessaires pour cela ; on pourrait alors supprimer les pompes a feu de Chaillot, l'île des Cygnes et de l'Hôpital, qui ne font qu'incommoder les habitants du voisinage par la fumée ; d'ailleurs ces mêmes pompes ne fournissent qu'une eau dégoûtante et dangereuse pour la santé, d'après le rapport des médecins et les mémoires de Mirabeau. Il est démontré que la pompe de Chaillot établie par MM. Saint-James, d'Orléans, Sartine et consorts, n'était que pour satisfaire leurs vils intérêts, et non pour l'utilité et la santé des citoyens. Regardez au debouchement des tuyaux, l'eau est croupie et infectée.
Pour l'utilité de Paris, et remplacer la pompe à feu, les fontaines soi-disant épuratoires qui bordent les quais et qui en ôtent le cours docile de la vue de la rivière, les épuisements infectés des eaux au bout de la Seine, les croupissements dans les tonneaux, la pompe du pont Notre-Dame, qui coûte immensément d'entretien à la maison commune, et qui nuit à la navigation, ainsi que la pompe au PonkNeuf, surtout dans les débâcles, je propose donc de mettre particulièrement au concours ma pompe hydraulique. La fondation de sa construction formerait un avant-bec en maçonnerie, qui romprait les glaces dans les moments de débâcle. Cette machine hydraulique, capable d'enlever 50,000 muids d eau en 24 heures, quantité plus que suffisante pour la fourniture de Paris, ne coûterait pas la centième partie d'entretien que coûtent les pompes de Paris, qui sont à la charge de la ville (2).
La machine sera assez élèvée pour le service de l'eau qu'elle produira, qui ne sera pas une eau stagnante comme celle de la pompe à feu, mais bien une eau vivante et épurée; elle se divisera en quatre principaux embranchements, qui partiront de droite et de gauche pour lé ser-vice de Paris, le long de chaque boulevard et des quais, à distances égales, où seront placées de grosses bornes (M), avec robinet, et la devise Omnibus gravée dessus.
Cette machine, comme on le voit, ne serait pas d'un grand entretien, et ces deux issues seraient suffisantes pour fournir tout Paris, par le moyen des, branchages qui Conduiraient l'eau dans le réservoir des fontaines publiques.; Il serait aussi possible de placer des auges de distance en distance, principalement du côté des boulevards, pour abreuver les chevaux : les porteurs d'eau feront toujours leur distribution, et alors ce serait pour eux un profit réel et moins de frais. La ville sera exempte de l'entretien de parties de réservoirs, et surtout de ceux des
pompes à feu ; elle n'aura pour tous frais que le grand réservoir, ceux des principales fontaines, le local du concierge et la machine, qui par l'avant-bec d'une pile du pont, peut subsister un temps infini sans la moindre réparation ; elle pourra remplir les différents réservoirs que l'on jugerait à propos de conserver, tels que les deux que je propose au rocher de la colonne de la Liberté. On donnerait à ce monument le caractère que demande son utilité; il serait possible d'y placer l'horloge du carillon du Pont-Neuf.
i. — Rivière des Gobelins et égout de la ville.
Il faudrait que l'égout de la ville à construire dans les fossés de l'Arsenal, la décharge de la rivière des Gobelins et l'égout de l'hôpital, k, vins: sent se jeter dans la Seine en deçà du pont de la Liberté, afin que l'eau fût entièrement dans toute sa pureté. La constitution de l'égout de la rue Saint-Antoine ne sera presque pas aérangée ; mais il faudra couper la rivière de Bièvre, dite des Gobelins, et la faire passer à côté ou sous le Jardin des Plantes, et faire une petite saignée en changeant la pente, pour l'égout de l'hôpital, qui tomberait dans la rivière des Gobelins, dont les eaux iraient se perdre dans la Seine, au-dessous du pont de la Liberté, m. Cette dépense est peu dispendieuse.
Aqueduc.
Pour éviter une dépense annuelle, il faudrait que les 4 embranchements fussent formés dè gros tuyaux de fonte et de 4 aqueducs, où il y aurait des saillies en pierres pour porter les tuyaux, et un regard à chaque dépôt d'eau, où seraient placés, proche à ce regard comme je l'ai dit ci-dessus, un corps de garde de pompiers n et un fontainier. Il sera possible aussi de placer dans le même aqueduc, un autre tuyau, lequel servirait à fournir les propriétaires, ce qui n'interromprait pas la voie publique. Ces 4 aqueducs pourraient être construits par autant d entrepreneurs qu'il y aura de dépôts d'eau, et les ouvriers pourraient y être employés utilement cet hiver, si les tuyaux crevaient, ce qui serait impossible, au moins de sitôt, parce qu'ils ne seraient pas sujets au remuage et au tuffement des terres du pavage; c'est encore un des articles de l'embellissement de Paris, que j'ai donné dans un mémoire où je demandais de supprimer tous les ruisseaux des rues de Paris, et que dans chaque milieu de rue il y eût un aqueduc qui fit egout et qui supportât tous les embranchements de tuyaux. La première dépense serait très grande, mais éviterait par suite l'entretien des pavés et des rétablissements de tuyaux qui coûtent des millions par an. Ce projet, comme on le voit, dégagera dans les rues, évitera l'entretien, et rendra Paris plus sain et plus beau.
Il a été démontré dans beaucoup d'écrits, que les maladies de teint, de dents, des yeux, viennent de la mauvaise eau que l'on boit journellement dans Paris ; elle est chargée de différents corps putrides : les eaux croupies des pompes à feu, à la teinte poire qu'elles possèdent, laissent dans la bouché, un quart d'heure après, une âcreté piquante. L'on ne peut se refuser à ces ventes évidentes et incontestables; il faut donc y remédier, en procurant l'eau la plus pure et la plus salubre, laquelle ne peut se trouver qu'au-dessus de Paris; profiter du dessus de 1 égout des fossés de la Bastille pour y faire l'a-
gueduc; pour les fontaines de la place de la Liberté, vu que la conduite aurait 500 toises, et dans le cas de décharge, un percement dans la voûte rappellerait les eaux dans l'égout, et les déblayerait de temps à autre ; dans la sécheresse, on laisserait des robinets, et le trop plein même des réservoirs nettoyerait ces égouts (1).
Fontaines à conserver.
On pourrait laisser subsister les autres fontaines, et particulièrement même celles de Grenelle, Saint-Jacques, du Trahoir, qui recevraient les eaux d'Arcueil, qui ne sont pas cependant des plus salubres ; je ne parle que d'après les mémoires que j'ai lus de la Faculté de médecine ; et si je me suis attaché à un si long détail, c'est pour la santé de mes compatriotes, car la santé ae la moitié des individus de Paris n'est mauvaise que par les eaux qui en sont la cause.
Il manque à Paris à chaque place publique, à chaque carrefour, une fontaine, qui rendrait l'utile, la salubrité, et l'agréable, pour le monument que l'on pourrait construire, à l'exemple des plus petites provinces, qui ont à proportion plus qu'à Paris.
Je crois aussi que l'aqueduc est d'un gros entretien, ainsi que le bâtiment de l'Observatoire, les Carrières. Je sais que depuis 3 ou 4 ans, la nation a dépensé beaucoup d'argent. Je laisse cet objet à la décision des nommes de l'art et à l'économie, qui sont soldés du gouvernement.
On peut également conserver les fontaines qui reçoivent les eaux des prés Saint-Gervais et de Belleville. Ces eaux ne gèlent point ; elles peuvent se transporter dans les tonneaux pendant les gelées en niver.
Je propose également qu'à tous les repos d'eau il y ait une remise pour une voiture à tonneau, des seaux, une pompe pour les incendies et un corps de garde aé pompiers, le tout d'une construction simple et à très peu de frais. Les établissements actuels des corps de garde de pompiers sont ignorés par beaucoup de citoyens, et c'est un corps si respectable et si utile !
Il serait possible, pour cet effet, de profiter des tuyaux de fonte des eaux boueuses de Chaillot, en ne s'en sérvant qu'au bout de six mois, afin de leur donner le temps de se purifier; mais il faudrait supprimer tous les tuyaux de bois qui se crèvent sans cesse, inondent les caves, minent les fondations des bâtiments, et par leurs ruptures continuelles, forcent à des poses et reposes qui embarrassent la voie publique, occasionnent journellement des accidents, coûtent beaucoup, et ne font le profit que de deux ou trois particuliers, au sieur Cher-Adàmé entre autres qui ne sait ni lire ni écrire, et qui possède 3 millions.
Il faudrait également supprimer l'obligation de donner de l'eau dans toutes les maisons ; cette servitude ancienne deviendrait à charge à la ville, comme au propriétaire, les uns par des entretiens continuels, les autres par des embarras et fort peu de jouissance ; il faudrait seulement en fournir à ceux qui bordent le boulevard et les quais à 50 toises de distance, pas plus, et que tous ces embranchements donnassent à la ville 100 livres par an ; que l'entretien fût aux
frais des propriétaires, s'ils voulaient jouir de plus de 50 toises. Le regard ne serait pas à leur jouissance. N'est-il pas juste que la ville ne soit pas lésée ? Quand, un homme, est riche, il faut qu'il paye ses jouissances.
o. — Ile de VArsenal.
La construction des murs, au pourtour de la terrasse de l'île Louvier, est d'autant plus utile qu'elle conservera la propriété de cette île intacte, dont les terres se detacnent journellement, soit dans les grosses eaux, pendant les débâcles, soit par les bateaux ou trains de bois, qui en approchent tous les ans à la suite des gelées. Il se fait un tassement dans cette île, lequel tassement refluant sur les bords, se détache par petites parcelles, et va trouver le lit de la rivière; sans cesse l'on y fait des décharges de gravats pour le hausser, mais il en va plus dans l'eau qu'il n'en reste sur la berge : ce fait se prouve par le bras du mail, qui est présentement hors d'état de navigation, fouillez-le, vous y trouverez des gravats. Ce même bras ne fait plus voir que les trois quarts de sa sûperfie telle qu'elle était dans son principe. Je renvoie les curieux au plan de cette gare, qui existe encore.
p. — Magasin à poudre.
Suivant mon plan, cette île aurait l'avantage de renfermer tous les ustensiles de l'artillerie et divers magasins à l'usage du service militaire, pour y faire le magasin à poudre, qui serait placé sur le bord de l'île, et serait isolé du corps ae jl'île par une traverse d'eau g, avec un pont tournant,. 3 factionnaires seraient en vedette dans les temps d'insurrection, et un seul en temps de paix, r. Ce magasin à poudre serait construit le plus solidement possible, en briques de 24 d'épaisseur, et couvert en tôle à double calotte, pour que, dans le cas d'accident, l'explosion fût légère, et dans le cas du feu du ciel, il n'arrivât aucun accident.
Sa position serait à la pointe de l'île, vers la campagne; ce magasin, ainsi placé, ne menacera absolument èn rien les habitations voisines.
s. — Salpètrière.
Dans la même île seraient transportés tous les ateliers de salpêtre; l'on y formerait le cabinet de chimie, la fonte des sels, les lessives, la raffinerie, les dépôts de salpêtre; la commodité de ce travail serait d'autant plus agréable et moins coûteuse, que le salpêtre transporté à Gorbeil, pourra être amalgamé et raffiné par les moulins, se rapporterait au nouvel arsenal, dans des bateaux qui seraient déchargés au bord de l'île» pour y être porté au magasin.
t. — Logement et atelier.
La régie des poudres pour la distribution et fourniture de l'armée résiderait dans cette maison, les chefs qui y sont attachés et la garde nécessaire.
u. — Magasin de Vartillerie.
Dans ce magasin serait déposée l'artillerie pour le rhabillage des fourgons, trains d'armes, affûts, fonte de canons, outils et généralement tous les ustensiles de guerre.
v — Magasin de Véquipement militaire.
Ce magasin serait destiné pour être le dépôt de l'équipement militaire, consistant en tentes, lits, habillement et linge, et ce qui concerne l'armement.
x — Caserne des Invalides et logement.
Ces bâtiments, dont un est destiné pour ca-serner les invalides, l'autre servirait de logement à des chefst comme ingénieurs nationaux, premier commis et concierge.
Le vide des terrains non occupés serait planté d'arbres au pourtour, depuis l'entrée jusqu'à la réserve du magasin à poudre (1).
y — Pont des deux Mes.
La construction du pont de communication de l'arsenal à l'île Saint-Louis, serait jetée de façon à y recevoir les voitures nécessaires pour le charroi des poudres et ustensiles de guerre. Ce pont rendrait l'île Saint-Louis plus vivante qu'elle n'est présentement, par le passage journalier des voitures qui se rendraient à ce nouveau magasin, ainsi que pour les gens de pied que leurs affaires et la promenade attireraient ; ce côté de la maison Bretonvilliers deviendrait alors très vivant. En attendant, le pont à jeter sur le couchant de l'île au bout delà rue Saint-Louis, pour communiquer à la Cité, rendra les rues de ces îles très passagères. Il faudrait que le pont de la Cité fût refait en pierres, de manière que les voitures de l'artillerie, sans passer sur les quais, traverseraient tout Paris dans l'intérieur, et depuis le Pont-Neuf communiqueraient dans l'île ae l'arsenal.
Z — Nomination du quai.
Le quai au bout du pont projeté n'ayant pas de nomination, je propose de le nommer quai de l'Artillerie, et à défaut de logement, on pourrait prendre l'hôtel Bretonvilliers pour y établir les écoles du génie.
Établissement d'une gare.
Le bras de rivière le long du quai de la Gloire formera une gare qui ne sera pas aussi dispendieuse que celle ae l'Hôpital pour les bateaux marchands, apportant l'approvisionnement de Paris. Cette gare, ainsi que celle qui se ferme par une estacade, pourra contenir 800 bateaux marnois; il est nécessaire que cette estacade soit conservée ; il n'y aura que de très légères réparations à faire des côtés des pointes de l'île, de l'arsenal et Saint-Denis. Il y aura donc deux ouvertures à la gare;l'une qui est déjà formée naturellement, se trouvera près du pont; une estacade, un carrefour de charpente seraient placés pour défendre des glaçons dans une débâcle ; de l'autre côté, au bout de l'île il y aura une même défense.
Le bras du quai de la Gloire, et le canal du port Saint-Paul jusqu'au pont Marie, seraient assez spacieux pour garer ; il ne serait plus né-
cessaire d'aller former des gares à une lieue de Paris, comme on avait déjà projeté (1).
Les droits de gare étaient a charge, tant à cause de l'imposition forte qu'à cause de la sévérité de sa perception; un marchand ne pouvait rien enlever de son bateau qu'il n'ait préalablement payé le droit de gare.
Quelle satisfaction pour le citoyen, de pouvoir conserver sa propriété sans être obligé d'aller au loin pour se garer, et de payer ce même impôt, dont la ville ne retirait pas un grand revenu, mais qui servait à engraisser quelques particuliers !
noms des nouvelles rues
I. Des Batailles,
II. De la Victoire,
III. Du Courage,
IV. De la Renommée,
V. De la Bravoure,
VI. Roi,
VII. De la Liberté,
VIII. Des Français,
IX. De l'Abondance,
X. De la Réunion,
XI. De la Provision,
XII. Des Subsistances,
XIII. Des Citoyens,
XIV. De la Nation,
XV. De l'Immortalité,
XVI. De la Paix,
XVII. De l'Arsenal,
XVIII. De la Municipalité,
XIX. Des Cantons,
XX. Des Districts,
XXI. Des Départements,
XXII. Des Grands-Hommes,
XXIII. De la Fraternité,
XXIV. De la Constitution,
XXV. De la Loi,
XXVI. De la Justice,
XXVII. De la Vertu,
XXVIII. Du Triomphe,
XXIX. Des Législateurs,
XXX. De la Force.
tableau
Par ordre alphabétique des renvois portée au plan (2).
A Place de la Liberté,
B Colonne de la Liberté,
C Ancienne Bastille,
D Carrefour de Gloire,
E Salle de spectacle,
E L'Instruction publique,
F Boulevard de la Liberté,
G Egout de la ville,
H Magasins aux farines,
I Magasins aux grains,
K Jardin national,
L Statue de Louis XVI
M 4 Statues,
1 Franklin, 3 J.-J. Rousseau,
2 Voltaire, 4 Mably.
N Bassin avec jet,
0 Plantation figurant la Bastille,
P 8 Statues dans les cabinets de la plantation représentant :
5 L'Union, 9 l'Abondance,
6 La Vérité, 10 La Force,
7 La Vertu, 11 La Victoire,
8 La Prudence, 12 La Justice.
Q Mât, surmonté d'un coq,
R Jardin des Plantes,
S Place nationale,
T Corps de garde,
U Une fontaine,
V Quartier neuf,
X Quartier vieux,
Y Terrain des Filles-Sainte-Marie,
Z Quai de la Gloire,
0 Port Saint-Martin.
Suite du tableau
Par ordre alphabétique des renvois portés au plan.
a Port de la Gare,
b Port de Râpée,
c Port de l'Hôpital,
d puai marchand,
e Port des coches,
f Pont de la Liberté,
g Halage,
h Machine hydraulique,
i Rivière des Gobelins,
k Egout de l'Hôpital,
1 Décharge et égout de la ville,
m Fontaine du pont,
n Corps de garde des pompiers,
0 Ile ae l'Arsenal,
p Magasin à poudre,
q Fossés du magasin à poudre,
r Guérite,
s Salpê trière,
t Régie des poudres,
u Magasin d'artillerie,
v Magasin d'équipement,
x Caserne des Invalides,
y Pont de l'Ile-Saint-Louis,
z Le quai d'artillerie,
* La gare
+ Estacade,
ordre numérique des terrains a vendre et a acquérir.
Terrains à vendre. ,
1 2 3 £ 5 6 9 10
11 12 13 14 15 16 17
18 21 22 23 24 25 26
27 28 29 30 31 32 33
34 35 36 37 38 39 40
41 42 43 47 . 48 49 50
Terrains à acquérir.
4 7 8 19 20
44 45 46 51 52
Renseignements sur les remplacements actuels
Dans cette vaste propriété de la nation (l'Arsenal et les Célestins), terrains très agréables par leur position, incultes malgré leur bon sol,
soit par abandon, soit par oubli général, résident quelques personnes exemptes de location.
Des ventes se sont faites, de plusieurs maisons du côté de la rue de la Cerisaie, qui aujourd'hui sont nécessaires pour faire des percements agréables ; l'on serait donc obligé de racheter ces mêmes biens, qui ont été vendus sans réflexion.
Les Célestins, terrain vaste, mais vague, abandonné depuis longtemps, contenant 10 arpents de superficie, sur lequel sont divers bâtiments qui tombent en vétusté, viennent d'être concédés à l'instituteur des sourds et muets; cette institution mérite l'éloge et la protection de l'Assemblée nationale, qui aurait pu lui donner une maison plus convenable, plus sûre et plus commode, car ce couvent est entièrement au pillage, par des personnes qui y résident sans location ; elles coupent les bois qui leur conviennent, arrachent les grilles, et commettent mille dégâts.
Des brevetaires de ministres qui tiennent leur résidence d'une permission verbale, occupent une grande partie cfe l'Arsenal; cette quantité d'individus n est que de 50 personnes, y compris le bibliothécaire.
État des logements
De VArsenal de Paris, conforme à ce qui a été remis à M. Lardin, officier municipal et commissaire administrateur de biens nationaux.
Avant le décret de l'Assemblée nationale sur l'Arsenal de Paris, les officiers municipaux ont présenté un mémoire relatif à ces biens ; encon-séquence, le bureau du domaine des biens nationaux présente l'état des terrains et un décret rendu l'autorise à procéder à la vente ou à la location.
suit la description des batiments et terrain de l'arsenal
Première cour, à droite.
Nos 1. Corps de logis servant de logement au portier de la porte du côté du quai.
2. Corps de logis occupé par le
concierge.
3. Maison occupée par le garde
magasin.
4. Maison occupée par une veuve.
5. Petit corps de logis.
6 et 7. Deux échoppes.
Dans la même cour, à gauche.
8, 9 et 10. Trois échoppes aux éperons de l'église.
11. Cinq échoppes de suite adossées
aux murs de clôture des Célestins.
12. Maison particulière.
13 et 14. Petits corps de logis.
Deuxième cour, à droite.
15.Sous la voûte, logement du portier.
16.Une échoppe.
17.Bâtiment de la bibliothèque.
18 et 19. Bâtiments de particuliers.
20. Une échoppe.
21. La fonderie.
Même cour, à gauche.
22. Suite de la bibliothèque.
23 et 24. Deux bâtiments particuliers.
25. En retour un corps de logis.
26 et 27. Maisons à deux particuliers.
Cour du secrétaire, à gauche.
28. Maison servant au ministre de la guerre.
Même cour, à gauche.
29, 30, 31 et 32. Quatre maisons particulières.
Cour de la fonderie, à droite.
33.
34.
35.
36.
37.
39.
40.
41.
Écurie, remises et greniers.
Un petit logement au-dessus des remises.
Maison et dépendances.
Même cour, à gauche.
Maison particulière.
Dans le jardin public.
Un pavillon servant de café.
Dans Vavenue, à droite.
Maison du jardinier du jardin.
Maison du portier du jardin.
Maison et jardin particulier.
Maison ci-devant à M. Mazurier, derrière cette maison est le magasin de l'artillerie du département de la guerre.
Dans la même avenue, à droite.
42.
43.
Maison particulière. Maison à M. Amabert.
Cour des poudres, à droite.
44. Régie des salpêtres et poudres.
Même cour, à gauche.
45. Bâtiment de la raffinerie.
46. Logement du portier de la porte
ae la Cerisaie. 47 et 48. Maisons particulières.
Cour de VOrme, à droite. 49 et 50. Maisons de particuliers.
Même cour, à gauche. 51 et 52. Maisons de particuliers. Cour de la Bastille. 53. Maison particulière.
Tout le reste est libre quoiqu'ocCupé par M. L.
Saint-Agathe pour les effets du casernement et autres qui tombent en vétusté.
détail de la masse du terrain
Quant au terrain et couvent des Célestins, il y a très peu de locataires, mais il est occupé en très grande partie par les sourds et muets. 11 faudrait trouver un endroit commode à cet établissement.
Le magasin à poudre et autres établissements militaires, seraient transportés dans l'île l'Arsenal, comme je l'ai marqué dans le cours de mon mémoire. Cette île rapportait à la ville 30,000 livres par an; mais le fermier qui avait ce bail vient ae le remettre.
Quant aux percés de rues dans le terrain du couvent de Sainte-Marie, ce sera une distribution à faire quant on vendra le couvent ; elles donneront beaucoup d'avantages à la vente de ses biens.
Ce que produirait la vente des terrains que la démolition de la Bastille laisse à la disposition de la nation, et de ceux de la suppression de l'Arsenal, et que l'embellissement et la richesse du quartier nécessitent, il en résulterait une forte somme, dont je vais donner les détails.
Le gouvernement qui est abandonné forme une très grande étendue, et l'autre masse de bâtiments y contiguë, n'est uniquement que le local de deux particuliers, lequel tient une superficie de 500 toises. Quel vaste terrain pour ces deux régisseurs de poudres!
Le vrai magasin à poudre est dans le jardin de l'Arsenal, ne contenant que 12 toises ae superficie ; il se trouve par sa position exposé à être incendié? ce qui causerait une explosion redoutable ; il y a eu déjà plusieurs tentatives.
La partie la plus occupée de ce vaste terrain, est celle où se travaille le salpêtre. Cet atelier est composé d'un inspecteur et de 15 ouvriers. Cet établissement si précieux si utile, conduit par un homme habile, produit annuellement une fabrication de sàlpêtre de la valeur d'un million (1).
Je propose de transporter cet atelier dans l'île de l'Arsenal, la ville v trouvera plus de commodité, le citoyen plus d'utilité, la nation un grand avantage; car la superficie qui compose les terrains qui font l'ensemble de la Bastille, des fossés, du jardin, des cours de l'Arsenal, des Célestins, du gouvernement, de la rue de l'Estrapade, de la place actuelle de la Bastille, du Mail, contient en superficie de 22,201 toises, déduction faite dé la place, des boulevards, du quai, des rues, jardin, enfin de tout ce qui reste pour la voie publique.
Les 22,001 toises, à raison de 250 livres la toise l'une dans l'autre, rendraient à la nation la somme dç 5,550,250 livres.
Ce terrain, dont je mets la valeur au plus bas, a pourtant été accordé par le ministre, pour différentes entreprises, qui heureusement n'ont pas eu lieu, à la somme de 1,800,000 livres. Les acquéreurs auraient recouvré les déboursés de leurs acquisitions, pour la démolition seulement, de sorte qu'ils auraient eu le terrain pour rien, et peut-être encore du bon. N'est-ce pas là une friponnerie des plus manifestes que l'on aurait faite à l'Etat (2) ? -
Moyens d'employer les démolitions des bâtisses à supprimer comme on va le voir.
La suppression des bâtiments, leurs démolitions, la coupe des bois de l'Arsenal, enfin toutes espèces de destructions qui sont sur la superficie projetée, ainsi que les murs des fossés dé l'Arsenal, produiraient une somme qui équivaudrait à la dépense de l'égout couvert, à raire le long des fossés, la construction du mur le long du boulevard, qui servira d'alignement, la plantation d'arbres, les déblais et remblais des terres pour régulariser le sol, le pavé de la Liberté, la chaussée du boulevard et la plantation d'arbres.
dépenses
Il est bon d'observer relativement à la dépense, d'après les remplois et détails des démolitions dont je viens de donner l'emplacement,, que je n'entre point en ce que l'on serait dans le cas de payer pour les constructions qui seraient à faire sur-le-champ, comme les monuments de la colonne de la Liberté, les bâtisses nécessaires et pressées à faire à l'Ile Louvier, pour les magasins de poudre et salpêtre, les magasins d'armes, d'équipements, les ateliers, l'artillerie, la fonderie des cloches et des canons, le logement des invalides, celui des régisseurs, enfin tout ce qui est nécessaire à la manutention militaire, faire les murs au pourtour de l'île, et construire le pont de communication de l'île de l'Arsenal à l'Ile Saint-Louis.
La construction de tous genres pour ériger la colonne de la Liberté, tant fondation, fouilles, épuisement, rocher, Corps de garde, fontaines, réservoirs, regards conduits d'eau, bornes revers de pavés, plantation d'arbustes, base de la colonne, Chapiteau, piédestal de la statue, escalier, porte, et généralement tout ce qui entre dans la construction, suivant l'exécution d'après le plan, coupe, profil et élévation que je présente, suivant le détail du devis annexé au projet, et remis au comité d'instruction publique, signé de moi, ce monument coûtera, clés à la main, toute la maçonnerie, charpente, plomberie, serrurerie, menuiserie, pavage, vitrerie , carrelage, peinture et sculpture, la somme de....................... 500,000 liv.
Plus, pour la statue dé la Liberté, d'après les détails qui m'ont été donnés par M. Dumont, sculpteur, en employant les matières qui sont au magasin de la ville, qui ne seraient pas dans le cas de servir, car je suis trop ami des arts pour demander ce qui peut servir à l'utilité de l'instruction, elles ne peuvent être mieux employées qu'à faire cette statue.
Pour modeler la statue, faire le creuset, couler le plâtre, réparer, faire le second creux, tirer un modèle en cire, réparer, faire toutes les armatures en fer, couler plus de 22,000 livres pesant en matière, poids de statue, faire les frais de la fonte, et pour réparer la dite figure, sortir du creux, et pour frais imprévus la somme de 30,000 livres (1).
Pour sortir de l'atelier, transport, et la monter sur le piédestal, échafauder à ce sujet, pour ce la somme de...................... 10,000 liv.
Quant aux constructions à faire dans l'Ile de
l'Arsenal, tant pour les magasins à poudre, d'armes, d'équipements, artillerie, salpêtre, logement des regisseurs, concierges, commis, caserne d'invalides, partie des murs de l'île, faisant lé pourtour y compris le batardeau, charpente nécessaire pour l'établissement de ladite construction, enlèvement des terres; fouilles et héberges perdues dans le rivagé, ainsi que les fossés ae défenses pour le magasin à poudre, dont le plan ne se voit qu'en masse sur le projet général, me réservant, si l'exécution a lieu d'en donner connaissance avec un détail exact, je me soumets de dire seulement que ces bâtiments contiendront en superficie 3,110 toises; que les constructions seront faites selon l'art et le décor convenables, avec la plus grande solidité, leur élévation ne passera pas deux étages, la distribution sera faite suivant l'emploi que demande les différents états qu'ils renferment. Cette construction coûtera 700 livres la toise superficielle, en ce que les matériaux de solidité ne doivent pas être épargnés; comme également si le prix est modique par toise superficielle, c'est que ces ateliers renferment beaucoup de solidité; mais de l'autre ils laissent des vides dans la distribution pour des ateliers, des remises, des magasins, et en général beaucoup de places vagues : au prix de 700 livres la toise, fait la somme de deux millions cent soixante-onze mille ci........................ 2,171,000 liv.
Plus, pour les murs de pourtour de l'Ile de l'Arsenal, la construction totale coûtera, compris maçonnerie, charpentes, serrurerie batardeau, rouille, terrasse, épuisement, : frais de bateaux et faux frais, y compris le mur du magasin à poudre, coupement des héberges, un million cinq cent mille livres...... 1,500,000 liv.
Plus, le pont des deux arches, qui ne sera construit que pourla voie d'une voiture et trottoirs des deux côtés, que j'estime coûter. 400,000 liv.
Il s'agirait pour cette opération, d'abord, de donner congé aux petites échoppes qui régnent le long de la rue Samt-Antoine au pourtour des fossés de la Bastille, s'emparer du couvent des Filles-Sainte-Marie, et tous les bâtiments, église et terroir des Célestins, ainsi que les bâtiments et jardin de l'Arsenal, et aux chantiers de l'Ile Louvier; il serait possible de laisser subsister dans cette île le pressoir ou laminage qui existe et qui rapporte un loyer, tout le reste des propriétés appartient à la nation ; elle n'aurait alors de déboursés à faire que pour quelques légers dédommagements envers les locataires, dont le nombre est très petit, puisque d'une part, les locataires des échoppes n'ont payé aucun loyer depuis la Révolution, et que de l'autre, les marchands de bois ont rendu leur bail à la ville; ils se pourvoiront ailleurs pour leur location.
Quant aux maisons qu'il serait nécessaire d'acquérir, savoir : pour les trois percés rue de la Cerisaie, pour le percé de la rue Jean-Beau-sire, pour ceux de la place, les deux à l'entrée du faubourg, rien ne portera obstacle, parce que ce ne sera qu'à l'avantage des propriétaires; car les deux percés dans le terrain des Filles-Sainte-Marie augmentera près du double la valeur du produit; et au surplus qui peut se refuser à un décret de déguerpir sur-le-champ lorsque c'est pour une chose aussi juste et aussi utile au ikiblic?
RÉCAPITULATION DE LA DÉPENSE GÉNÉRALE
Le monument de la Colonne. 500,000 liv.
La statue de la Liberté...........30,000
La charpente d'élévation...........10,000
Le mur de l'Ile Louvier............2,171,000
La construction dans ladite île. 1,500,000 Le pont de communication des deux lies..........................400,000
Total de la dépense 4,611,000 liv.
La nation se trouve donc dans le moment, pour ériger la place de la Liberté, planter le boulevard, le jardin national, construire l'égout de la ville, les déblais et remblais des fossés de la rue Contrescarpe, le percement des rues, le passage desdites rues, la construction dans l'île, le mur au pourtour le pont de communication pour la somme de 4,611,000 livres, qu'elle n'a point à tirer de sa caisse, par la vente de 22,201 toises de terrain provenant du nouveau quartier, sur les terrains de la Bastille, Arsenal et dépendances* qui, à raison de 250 livres la toise, l'Un portant I'autre, montent à la somme de 5,550,250 livres. II résulte de la vente de ces terrains, que, déduction faite de la dépense contenue an projet, la nation jouira d'un bénéfice de 939,250 livres.
PREUVE
Par la vente des 220,201 toises de terrain au prix de 250 livres la toise, fait la somme de................ .. 5,550,250 liv.
Pour la dépense............. 4,611, 000
Bénéfice........ . 939,250 liv.
Je laisse aux commissaires que l'Assemblée nationale voudra nommer, où a M. Perronnet, comme premier ingénieur des ponts et chaussées, MM. Molinos, Legrand, ou aux architectes nommés par le département, l'estimation à faire du surplus de mon projet, comme le quai delà Gloire, le pont de la Liberté, la machine hydraulique, l'aqueduc, les conduits, les distributions d'eau, les fontaines, leurs emplacements.
Je suppose, mon projet admis, que l'exécution s'en fasse, l'avance ne pourrait etreprélévée à la Caisse nationale que sur les fonds destinés aux ateliers publics, et sur le revenu des terrains à vendre ; dans le cas que la construction aurait lieu, ce terrain augmenterait de valeur de plus du quart, ce qui produirait un million trois cent quatre-vingt-sept mille cinq cent cinquante cinq livres ci....................... 1,387,555 liv.
MOYENS D'EXÉCUTION
Les travaux seraient divisés en 48 parties égales, pour chacune des sections de cette cité qui aurait droit d'y placer 48 entrepreneurs qu'éli s choisiraient dans leur sein, et pour éviter l'embarras de la confusion, ils seraient inspectés par 6 architectes et 1 inspecteur général que a nation nommerait à cet effet. L'on formerait des blocs par chaque portion ; chaque lot étant ainsi divise et distribué aux 48 entrepreneurs, l'un ne pourrait empiéter sur l'autre, ils seraient obligés d'employer, chacun pour ce qui les concerne, tous maçons, charpentiers, serruriers, menuisiers ; couvreurs, et tous autres artistes nécessaires à ce travail, demeurant dans la même
section. Tout étant ainsi disposé, chaque section jouirait de l'avantage de coopérer lucrativementà cet ouvrage qu'elle pousserait avec la plus grande diligence, comme elle a coopéré à la prise de la Bastille, sur condition que les ouvriers envoyés des départements à un nombre fixé, seraient aussi divisés par chaque entrepreneur, maçons et charpentiers seulement.
Par ce moyen l'intrigue ne distribuerait pas l'ouvrage à ses connaissances, par intérêt et à tant pour cent, comme le font la plupart des architectes nouvellement créés, qui déshonorent même l'art par ce trafic si connu, et qui retarde l'exécution des travaux. Si. au contraire, la division se fait en 48 lots, il serait possible que la totalité du projet fût exécutée en moins de 2 ans, à dater du 14 juillet prochain ; ce projet ranimerait l'émulation de plusieurs artistes qui seraient jaloux de faire valoir leurs talents, par la variation du goût, n'étant plus fixés par la régularité qui devenait trop monotone, et noircissait plutôt les idées que ae les rendre claires. Pourquoi ne connaissait-on autrefois qu'un ou deux architectes célèbres ? c'est que les monuments n'étaient donnés qu'à un seul, qui maintenait les autres par une soumission sur la décoration extérieure. Si les artistes n'avaient pas été gênés par ces mêmes architectes, il régnerait dans Paris des variétés agréables et à l'infini : voilà comme la gêne a tenu des hommes qui auraient donné à la nation des lumières qu'elle serait jalouse de posséder. Un artiste qui brûle de s'élancer avec distinction dans la carrière où la nature l'a conduit s'occuperait du local, et donnerait à Paris une plantation heureuse sUr cette superficie si productive en matériaux, car il n'est pas de sol plus riche pour la bâtisse.
En distribuant les entreprises par portions égales, l'avance ne serait pas chez un entrepreneur, qui souvent retient le salaire de l'ouvrier, et néglige ses travaux par la quantité qu'il en a à surveiller. Tout en démontrant la manière d'exécuter ce projet général, je le soumets au Concours; par là il sera facile de connaître les artistes ; et:si je propose une distribution de ces travaux avec autant d'entrepreneurs, c'est parce qu'un seul homme ne peut pas tout faire, et qu'il ne pourrait être suppléé que par les commis de son bureau, qui coopéreraient pour lui tant bien que mal aux vues de ce projet.
Comment est-il possible qu'un seul homme puisse régler 50 mémoires par jour, si ce n'est que par des commis qu'il emploie? Alors il ne » peut pas non plus les vérifier ; il tient un poste où tout son talent se réduit à approuver ce que le temps nelui a pas permis d'examiner. Eh bien, pourquoi donc laisser à un seul homme une place où il est démontré qu'il ne peut la remplir vu son immensité d'affaires : peut-il faire des milr-lions d'affaires? il faut qu'il soit sorcier ou faux. Je n'ai pas lâché prise à la Bastille pendant 2 ans, et j'ose me flatter, qu'elle ne serait pas démolie, si je n'avais pas montré cette résistance qui a déplu à beaucoup et qui m'occasionna dans le concours que j'ai proposé beaucoup d'ennemis. J'ai fait mon devoir, mon vœu est rempli; il a fallu, pdur cela, que j'abandonne mes autres travaux ; tout a été pour ma patrie.
J'ai développé dans mon compte rendu, les contrariétés que j'ai essuyées, j'ai sacrifié 2 années de mon travail à disséminer les vestiges de cette forteresse, j'en sacrifierai d'autres pour l'utilité et la défense de ma patrie ; et pendant
tout ce temps, je n'ai pu m'occuper de mon état, ni penser a suivre mes recouvrements. Comment donc se peut-il, je le répète qu'un seul homme puisse faire pour des millions d'affaires? Je laisse aux gens de l'art à juger de son travail et du soin qu'il peut y donner comme entrepreneur.
urgence du travail
Législateurs,
Les événements ont pu empêcher d'entreprendre différents travaux utiles, mais le temps est arrivé où le talent doit être exercé et connu.
Je ne veux pas être choisi exclusivement aux artistes dont les talents sont supérieurs au mien; je ne vous présente ces plans, je le répète, que pour les mettre au concours.
En désirant qu'un projet civique éternise la nation française par son exécution, il est sans doute précieux que chaque citoyen puisse y concourir, surtout quand il s'agit d'élever un monument à la gloire d'une nation libre, qui ne craint pas die répandre son sang pour conserver sa liberté et soutenir la Constitution qu'elle s'est donnée.
Pour consacrer de grands événements, il faut des monuments qui expriment les causes de leur élévation : c'est ce que je propose dans mon plan général. Mon principal désir serait seulement d'être chargé de l'exécution de la colonne de la Liberté, reconçant à toutes autres entreprises, comme inspecteur seulement, pour veiller a sa solidité ; je m'estimerai heureux si le plan de cette colonne peut satisfaire mes concitoyens ; je sais qu'il y a divers projets conçus pour être exécutés sur ce terrain, par des premiers maîtres que j'ai nommés, et sous lesquels j'ai travaillé. Des dessinateurs mêmé que j ai employés, gens de mérite, peuvent participer à ce concours de génie ; je présume que si le mien est agréable, il fera naître au moins des idées heureuses à des artistes qui y concourront.
Laissons les Romains se porter en foule dans leurs contrées; rapprochons-nous des Grecs, qui opposaient les artistes aux artistes, à leur exemple faisons sortir du génie des hommes à talents, des chefs-d'œuvre de goût et d'éclat. Les arts, encouragés par l'espérance du succès, sortiront de l'obscurité et des préjugés; la liberté naissante, cette divine inspiration qui caractérise le génie, s'abandonnera au feu de la composition. Les peintres, les architectes, les sculpteurs, les amateurs concourront tous, et feront disparaître l'ancienne habitude que les artistes se forgeaient de ne point sortir de chez eux, pour les ordres d'architecture; dont il faut en estimer le mérite, qui sera toujours la base de l'artiste; mais je soutiens que chaque siècle a sa forme et son goût, comme autrefois l'ancien régime ; aujourd'hui dans le nouveau, nos lois nous dictent que tout artiste qui a créé et enfanté de belles choses, pourra les produire sous les yeux du public, et recevoir le tribut des louanges qui alimenté le génie, et soutient, les élève ou les blâme. Alors ceux qui cultivent les sciences et les arts, pourront se présenter dans la rue; le goût décidera, et la perfection l'emportera. Combien alors verra-t-on d'idées belles et neuves en tous genres!
Si nous n'existions pas sous un gouvernement sage, et si les magistrats établis par un peuple éclairé ne cherchaient pas à encourager le génie,
je ne proposerais pas de concours, mais je n'ignore pas que plusieurs architectes se soient occupés de ce même objet ; je désire que leurs idées soient aussi économiques que les miennes ; le monument que je propose a l'avantage de n'être point onéreux à la nation.
L'abandon des arts est le plus grand fléau d'un Empire : c'est ce que l'on a vu dans ce bouleversement actuel. Nombre d'artistes ont été forcés de travailler aux travaux de charité pour ne pas mourir de faim. J'ai vu aux travaux de la Bastille des hommes du premier mérite ; ils paraissaient dans ces ateliers, comme des hommes battus par la tempête, et qu'une forte vague a portés sur 1e rivage, là, ils attendaient que quelques génies bienfaisants vinssent leur tendre des bras protecteurs (1).
L'établissement de grands travaux dans une ville immense comme Paris est très nécessaire, il soulage l'indigent, fait revivre le commerce, donne une circulation à tout, et encourage l'émulation.
Il est d'une bonne administration de diriger à propos l'emploi des sommes qui peuvent servir à alimenter les citoyens infortunés, en les employant à des objets nécessaires et généraux ; par là, l'émulation serait encouragée depuis le premier jusqu'au dernier; chacun concourrait à donner essor à son génie, et l'on éviterait d'énormes dépenses, qui ne donnent aucun avantage.
Les dégradations se faisaient sans cesse aux travaux de charité, l'on y dépensait 22,000 livres par semaine. L'artiste indigent n'en profitait pas ; il n'avait que ses 20 sous par jour; mais des lâches fainéants, des bandits qui venaient de toutes parts recevoir leur argent pour avoir paru un quart d'heure seulement. Que de pillage s'est-il fait (2)! Et cela vient de ce qu'il fallait employer vagabonds et autres dans ces ateliers, après surtout la suppression de ceux de Montmartre.
Je demande quel avantage la nation a retirés de ces travaux. Je dirai que loin de procurer quelque chose d'utile, d'agréable, ils n'ont absolument que dégradé les endroits où on les établissait. Pourquoi n'avoir pas employé ces mêmes hommes à différents établissements utiles, chacun suivant son talent?
Le département de Paris peut donc, dès à présent, commencer les travaux que je présente, puisque dans la partie du projet de monument et de l'île, il n'y a point d acquisition à faire pour le moment. Ces fonds seraient au moins employés plus utilement qu'aux ateliers de charité, où beaucoup d'hommes devenus fainéants, pourraient se vendre à nos ennemis faute d'emploi, car il est des hommes malheureux qui ne travaillent que pour ceux qui les occupent, n'importe l'ouvrage et l'opinion; la misère quelquefois les fait vendre au plus offrant et dernier enchérisseur, comme ces filles prostituées, ces propriétés publiques.
Je chéris l'nomme de bien, et veux au moins en mourant laisser un regret dans le cœur des braves citoyens.
Vivre libre ou mourir, être honnête homme et utile à ma patrie jusqu'à mon dernier soupir,
être l'ennemi des fripons et des intrigants, être utile par mon état, par mes conseils, ma fortune même pour ma patrie, voilà mes voeux, voilà mon serment!
Puisse doubler mon courage excité par le patriotisme le plus ardent, qui dans ce moment fait agir ma faible plume ! Le projet que j'ai présenté est pour anéantir à jamais ce lieu de servitude, en y retraçant le champ de la liberté «t la gloire de la première nation du globe. J'ai cru que, pour consacrer de grands événements, il fallait aes monuments qui parlassent aux yeux de tous les hommes; qu'a la vue de tout ce qui les frappera, leurs âmes s'électrisassent. Le génie de la liberté, debout sur le despotisme écrasé, nous fait respecter des autres nations. Les inscriptions françaises apprendront aux voyageurs que la France est devenue la patrie commune et le foyer des hommes libres, à compter du 14 juillet 1789, sous le règne d'une dynastie dont le chef régénère la famille, et a juré de rendre son . peuple neureux.
La place de Liberté décorée des armes de nos conquêtes, l'impression de ce monument deviendra par sa simplicité plus noble et plus durable, et causera un progrès plus râpide chez les hommes.
Trop heureux si, acceptant mon projet comme architecte, je puis ériger ce monument comme inspecteur, je le répète, voilà ma seule ambition: Ge sera la plus belle récompense que je reconnaîtrai avoir reçue de la nation, dont je me fais gloire d'être citoyen-soldat, et un des premiers défenseurs de ma patrie, que je soutiendrai jusqu'à la dernière goutte de mon sang, comme fidèle observateur des lois. Tels sont les devoirs que je me suis imposés, et que je jure d'exécuter fidèlement.
Signé : Palloy.
Séance du
présidence de m. guyton-morveau «
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, concernant l'évaluation "des denrées coloniales, pour servir à la perception des droits d'entrée.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités d'agriculture et de commerce réunis.).
2° Lettre des administrateurs du directoire du département de Vlndre qui transmettent à l'Assemblée nationale Varrêté pris le 28 février dernier par les 15 brigades de la gendarmerie nationale de ce département, réunies à Châteauroux, portant d'offrir à la patrie la partie du payement ae leur solde en argent, avec consentement et demande même de n'être payés, pendant tout le cours de la guerre, qu'en assignats de 5 livres et de moindre valeur s'il en est émis ; ces pièces sont ainsi conçues ;
« Châteauroux, 5 mars 1792, l'an IVe de la liberté.
« Monsieur le Président,
« Si jamais désintéressement fut digne d'éloge, le sacrifice que viennent de faire les gendarmes des 15 brigades nouvellement organisées dans notre département, en est un qui doit vous être connu. La manière dont ces militaires viennent de se montrer sous nos yeux, mérite de notre part un tribut de justes louanges, et c'est pour leur en faire sentir les effets que nous avons l'honneur de vous adresser une expédition' de leur arrêté, ainsi que de la délibération que nous avons cru devoir prendre à leur sujet. Veuillez, Monsieur le Président, ne pas laisser ignorer à l'Assemblée nationale ce trait de générosité de leur part.
« Les administrateurs du directoire et procureur général syndic du département de l'Indre.
(Suivent les signatures.)
Arrêté pris le 28 février dernier par les 15 brigades de la gendarmerie nationale du département de Vlndre, réunies à Châteauroux.
« Nous, sousTofficiers et gendarmes de la gendarmerie nationale du département de l'Indre ;
« Réunis en cette ville par les ordres de M. Douard, notre lieutenant-colonel, pour y protéger la tranquillité publique, qui y est troublée ; considérant que les ennemis de la chose publique emploient tous les moyens possibles d'y apporter le trouble et le désordre, en accaparant surtout le numéraire de cet Empire, que le Gouvernement est forcé d'acheter à un prix excessif pour la partie de payement à faire aux troupes, en espèces; qu'animés des principes qui caractérisent ae bons Français et de bons citoyens^ nous sommes non seulement déterminés à sacrifier notre vie pour la défense de la patrie, menacée par des traîtres et des ennemis étrangers, mais que désirant encore y coopérer plus efficacement, s il est possible, par les sacrifices de nos intérêts personnels,
« Nous avons unanimement arrêté d'offrir à la patrie la partie du payement de notre solde en argent, demandant et consentant à n'en être payés, pendant tout le cours de la guerre, qu'en assignats de 5 livres, ou de moindre valeur, si l'on en émet.
« Pourquoi avons choisi et nommé parmi nous, MM. Angineau, maréchal des logis; Mel-quion, brigadier ; Maillard et Ballereau, gendarmes, pour faire part de la présente délibération à MM. les administrateurs du directoire de ce département.
« Priant M. Douard, notre lieutenant-colonel/ sous les auspices et avec la permission duquel nous nous sommes réunis et assemblés, de vouloir bien la présenter à mesdits sieurs les administrateurs, en les priant de vouloir bien, pour propager notre civisme parmi tous nos frères d'armes, en adresser une expédition à M. le Président de l'Assemblée nationale. (Vifs applaudissements.)
« Fait et arrêté à Châteauroux, ce 28 février 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé en original : Angineau, maréchal des logis à Levroux; Angineau, maréchal des logis à Cbâtillon ; Angineau, maréchal des logis à Saint-Benoît; Angineau, maréchal des logis à Buzan-çois; Ghaumereau, maréchal des logis à Château-
roux; Sallé, maréchal des logis à Aigurande; Bauduit, brigadier à Ghâteauroux; Guillerot, brigadier à Issoudun; Melquion, brigadier à la Châtre.
« Gande, Morin, Bottard, Chaumereau, gendarmes de la brigade de Ghâteauroux; Collas, brigadier; Sadoit, Jacob, Giros, gendarmes de la brigade d'Issoudun; Lunot, Rossignol, Preu-gnault, Galères, gendarmes de la brigade de la Châtre; Maillard, Petit, Laperrine, gendarmes de la brigade d'Argenton; Barnault, Hetier, Gade-mont, gendarmes de la brigade de Saint-Benoît; Pallereau, Hetfer, Lemoine, gendarmes de la brigade de Châtillon; Collet, Sein, Bichat, gendarmes de la brigade de Buzançois; Delaporte, Desbrinets, Robert, gendarmes de la brigade de Valançay; et les sieurs Delestang, Tortat, Ghau-vat, Laforest, Brindault, Bertrand, Briollet, Sadoit, Ferrary, Boucher, Grosbois, Paternault, Le-beau, Filiatre, Pied, Theret, Gabillàud, Hemery, Collas, Perisse, Thabaud, Rambault, Germain, Preugnault et Bottard, nouveaux gendarmes mis en activité par le directoire du département de l'Indre.
« Pour expédition, à Ghâteauroux, ce 4 mars 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : Thabaut. »
« Certifié conforme, à Ghâteauroux, ce 8 mars 1792, l'an IVe de la liberté.
~ « Signé : Guerinet, secrétaire général. »
Extrait des délibérations du, directoire du département de l'Indre, du 5 mars 1792, l'an IVe de la liberté.
« M. Douard, lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale de cë département, étant entré, suivi de MM. Angineau, maréchal des logis à Le-vroux; Melquion, brigadier à la Châtre; Balle-reau et Maillard, gendarmes, députés ae leur corps, a mis sur le bureau un arrêté pris par toutes les brigades, tant anciennes que nouvelles, de la gendarmerie nationale de ce département, réunies en cette ville, par lequel, après s'être pénétrées de la rareté du numéraire et de l'embarras où est la nation de faire le prêt des troupes en argent, les gendarmes annoncent au Directoire qu'ils désirent être payés en papier, et que Ge sacrifice est le plus léger qu'ils puissent faire à la nation. M. le président, après s'être fait faire lecture de cet arrêté, a témoigné à la députation toute la satisfaction du directoire pour le généreux sacrifice qu'ils veulent bien faire dans un temps où le numéraire est à un si haut prix, et l'a engagé à en faire part à tous les gendarmes, ainsi que de la délibération qui allait être prise à ce sujet: en conséquence, et d'après les conclusions de M. le procureur général syndic, il a été arrêté, toujours en présence ae la députation, que, pour donner à cet acte de patriotisme toute l'authenticité qu'il mérite, il en sera adressé expédition à l'Assemblée nationale et au ministre ae la guerre, et qu'il sera inscrit sur le registre ordinaire de nos séances.
« Et comme on ne saurait trop reconnaître de semblables procédés, il a été arrêté qu'expédition de la présente délibération sera adressée aux colonel et lieutenant-colonel de la gendar-.
merie, et à toutes les brigades de ce département. (Applaudissements.)
« Par les administrateurs composant le directoire du département de l'Indre.
« Signé: Crublier,président/Gaigneau, Patoû, Fassardy, Thabaud, Guillemet, Forest, Arthuy, Bernard; Perigirs, procureur général syndic ; et Guerinet, secrétaire général.
« Pour expédition, à Châteauroux, le 5 mars 1792, l'an IV® de la liberté.
Signé : guerinet. »
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de cet acte de patriotisme et de générosité et décrète l'insertion au procès-verbal de l'arrêté des sous-officiers et gendarmes de la gendarmerie nationale du département de l'Indre, ainsi que de l'arrêté et de la lettre du directoire.)
Voici un mémoire du conseil général de la commune de Montargis, sur la situation déplorable et malheureuse des habitants de cette ville et de la campagne, par l'énorme quantité de billets des caisses patriotiques de aris qui y circulent, et qui, n'étant pas reçus par les receveurs des contributions publiques, retardent et empêchent le payement de l'impôt. Ils demandent que les émissaires de ces billets établissent dans les chefs-lieux de districts, des caisses où l'on pourrait échanger leurs billets patriotiques contre des assignats nationaux.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire aux comités de l'ordinaire des finances et des assignats et monnaies réunis.)
, au nom du comité des domaines, fait un frapport et présente un projet de décret (1) sur les 25 contrats d'échange de la forêt de Senonche ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, les propriété nationales, qu'on ap-elait autrefois le domaine
de la Gouronne, ont e tout temps excité la cupidité des courtisans et de
ces prétendus grands pour qui la fortune publique était une mine
féconde, qu'ils avaient seuls le privilège d'exploiter à leur gré ; sous
un ouvernement corrompu, on en faisait un trafic onteux, tous les moyens
étaient employés sans pudeur7 et l'inaliénabilité du domaine, reconnue
par les rois les plus despotes, était sans cesse violée par des détours
et des manœuvres de tout genre imaginés par les ministres. Si
quelquefois les parlements opposaient à ces dilapidations l'arme presque
toujours impuissante du refus d'enregistrement, on a remarqué que ce
n'était souvent que leurs intérêts particuliers qu'ils cherchaient à
défendre. Les faits dont je vais rendre compte présenteront un exemple
frappant de ces vérités ; mais, avant tout, il est de mon devoir de
faire hommage de ce travail à celui à qui il appartient. M.
Enjubault-Laroche, membre du comité des domaines de l'Assemblée
constituante, doit en avoir fout le mérite. Votre comité n'a eu qu'à
vérifier son exactitude, et moi-même, Messieurs, je me suis imposé
l'obligation de n'y faire que les changements et les additions que les
circonstances rendaient nécessaires.
Une clause remarquable dans ce contrat, c'est la déclaration faite par le roi, de n'entendre pas réunir à la Couronne les terres et domaines par lui acquis, au contraire en jouir comme d'un domaine particulier, sauf à le réunir par la suite ou à comprendre dans l'apanage des princes ses petits-fils lesdites terres ou les portions d'icelles qu'il jugerait à propos.
Ainsi, par l'effet de cette clause monstrueuse, on faisait acquérir personnellement au roi une propriété considérable, qu'il payait et'qu'il ne pouvait payer que des deniers de l'Etat, dont il était possible que l'Etat ne profitât pas; mais ce n'est pas encore l'instant d'examiner la validité de cette déclaration.
Par lettres patentes, en forme d'édit, du mois d'avril suivant, Louis XV constitua l'apanage de Louis-Stanislas Xavier, prince français, son petit-fils, pour être composé des duché d'Anjou, comtés uu Maine et du Perche, ensemble, du comté de Senonche, la forêt exceptée. Quiconque aura quelque connaissance du local, se demandera a lui-même : Pourquoi cette exception? Pourquoi a-t-on voulu, contre toutes les convenances, séparer la forêt des domaines de Senonche? c'est ce que la suite va faire connaître à l'Assemblée. Ce sera déjà lui apprendre beaucoup et peut-être la prévenir contre la surprise, que dé lui dire, dès a présent, que l'abbé Terrai était alors dans le ministère.
Par 25 contrats passés successivement dans le cours des années 1772, 1773, 1774 et 1775, le roi vendit purement et simplement à autant de personnes différentes, jusqu'à concurrence de 6,941 arpents 14 perches et demie des bois de eette^ forêt, qui en contient 8,066. Tous ces prix reviennent à la somme de 3,392,000 livres.
Aucune de ces acquisitions n'était sérieuse; à peiùe chacune d'elles était-elle conclue, que l'ac- quéreur rétrocédait ja portion au roi, à titre 'échange, et en recevait des domaines dont il feignait de croire que cette tournure insidieuse, recouverte de quelques vaines formalités, le rendait propriétaire.
Pour donner quelque couleur à ces contrats simulés et les présenter même au public sous un aspect favorable, on imposait aux échangistes des conditions si onéreuses en apparence, qu'on peut dire qu'en les prenant à la lettre, elles portaient avee elles l'empreinte de la dureté et même de l'injustice. On exigeait d'eux qu'ils s'obligeassent de payer ces domaines, au-dessus de leur prix réel, d'un sixième, d'un quart, quelquefois même d'une moitié. L'échelle de cette progression était graduée sur la faveur dont jouissait l'échangiste^ L'abbé Terrai, inventeur de Ce mode d'aliénation, et acquéreur lui-même, se mit, comme de raison, dans la classe la plus favorisée; il ne voulut excéder que d'un sixième le juste prix des domaines qu'il acquit. On imagine bien qu'il fit participer sa famille à cette faveur. J'ai remarqué qu il y avait plusieurs de ses parents au nombre des acquéreurs.
Pour fixer ses idées sur cette manière de contracter, et en prendre des notions précises, on peut jeter les yeux sur les bons du roi portant acceptation des échanges. Comme ils sont presque tous calqués à peu près sur le même modèle, le comité a pensé qu'il suffisait d'en mettre un à là suite du rapport, si l'Assemblée juge convenable
d'en ordonner l'impression. On y verra que le sixième que l'impétrant offrait devait être pris en dedans et non en dehors, et qu'il ne devait porter que sur la-valeur du fonas, et non sur celle de la superficie.
Ceci ne donne lieu à aucune équivoque. Cependant on assure que quelques échangistes, confondant les idées et altérant le sens des mots, ont trouvé le secret de se soustraire à une partie des obligations qu'ils avaient contractées. C'est ce qui sera sans doute examiné scrupuleusement lors de la liquidation.
Outre cette augmentation de prix, à laquelle les acquéreurs s'étaient soumis, plusieurs d entre eux s'étaient encore imposé l'obligation de rembourser en pure perte les finances d'engagement des domaines qu ils obtenaient, d'indemniser les officiers de justice et de supporter tous les frais.
Au reste, la clause que nous venons d'expliquer ne se rencontre pas en termes exprès dans tous les contrats d'échange des portions de la forêt de Senonche. Il en est où elle ne se trouve que par équivalent. M, le maréchal de Mouchy, par exemple, après avoir acquis du roi le ^ septembre 1771, 492 arpents et demi de futaie sur taillis, les lui a rétrocédés à titre d'échange, le 11 octobre suivant, et il a reçu en contre-échange la terre de Montlhéry. Il a été expressément convenu par le contrat que cette terre serait évaluée au denier 40 de son revenu, tandis qu'on a abandonné l'évaluation de la forêt à la jurisprudence observée à la chambre des comptes, ce qui l'a réduit au denier 30.
Cette stipulation a produit à peu près le même effet que s il avait été convenu que M. de Mouchy paierait un quart au-dessus de la valeur effective de l'objet qu'il.acquérait.
De pareilles conventions semblent d'abord bien rigoureuses. On se demande comment des courtisans, si accoutumés à faire, avec le roi leur maître, des marchés avantageux, ont pu se déterminer à les accepter ? Mais ce problème n'est pas difficile à résoudre. Il est expliqué dans un mémoire présenté sur cette matière. Des personnes qui se prétendent instruites, et qui doivent l'être, assurent qu'on recevait en payement du prix de la forêt, des effets tellement décriés, qu'il y avait quelquefois près de moitié à perdre. Elles ajoutent que quelques échangistes ont obtenu leurs quittances sans rien payer, que d'autres ont remis au Trésor royal de simples billets sous leurs seings, qui n'ont été soldés qu'au bout de dix ans. Ces faits qu'on n'est pas en état de prouver, mais qui sont dans l'ordre des . choses possibles sous un ministère qui se permettait tout, servent à expliquer le désintéressement apparent de quelques échangistes. Tous n'ont pas eu l'art de se procurer les mêmes faveurs, parce que tous n'avaient pas le même crédit, et on connaissait alors à la cour différents poids et différentes mesures.
II. serait superflu et fastidieux d'analyser tous les contrats que nous avons annoncés. A quelque différence près, ils sont tous les mêmes. Cependant il en est qui méritent une distinction par la singularité des circonstances, et par l'intérêt que le public y a pris dans le temps.
De ce nombre est celui fait avec M. Dubarry, qu'on ne sera pas surpris sans doute de trouver dans le nombre de ces heureux .échangistes.
Le 20 février 1772, il acquit pour 900,000 livres 1,699 arpents dix perches des bois de Senonche. Il paya cette somme en contrats, dont il n'est pas facile d'apprécier la valeur. On prétend
qu'ils ne valaient pas le tiers. Le 15 juin suivant il rétrocéda au roi ces mêmes arpents, et reçut en échange : 1° le comté de 1'Isle-Jourdain, composé de plus de 30 seigneuries ; 2° la forêt de Bouconne, contenant 4,245 arpents 38 perches de taillis; 3° le domaine de Gray en Franche-Comté, avec ses annexes.
M. Dubarry a donné ces domaines à son fils, en le mariant avec Mlle de Tournon.
Celui-ci, effrayé par les plaintes, les réclamations et les murmures que cet échange excitait de toutes parts, et craignant qu'il ne fût anéanti, demanda que dans le cas où il plairait au roi d'annuler cet échange, il voulût bien ordonner que les bois de la forêt de Senonche lui seraient rendus, ou du moins leur valeur en argent. Pour obtenir cette faveur, M. Dubarry se faisait un titre de celles qu'on lui avait déjà accordées. Il observait que le feu roi ayant fait la grâce à son père d'ordonner le remboursement des contrats à 4 0/0, ce remboursement avait été effectué par une ordonnance de comptant, avec laquelle il avait payé les bois de la forêt de Senoncne ; que de cette manière, il pourrait payer ses dettes, montant à 400,000 livres et assurer les reprises et conventions matrimoniales de sa femme.
Le mémoire de M. Dubarry a été mis sous les yeux du roi, qui a décidé que l'échange serait annulé, et que l'on rendrait les 900,000 livres de contrats à 4 0/0.
Un arrêt du conseil du 24 octobre 1774 a, en conséquence, cassé et annulé les contrats, arrêts et lettres patentes relatifs à cet échange, sauf à pourvoir au remboursement des sommes payées par M. Dubarry, pour l'acquisition des bois 4e la forêt de Senonche, et à l'indemnité qui pourrait lui être due pour les frais par lui faits.
Par acte du 29 août 1775, M. Dubarry a subrogé Louis-Stanislas-Xavier, prince français, dans les droits résultant de cet échange.
Cette subrogation a été ratifiée par lettres patentes du 29 septembre suivant.
Un arrêt du 16 du même mois avait ordonné que celui du 24 octobre 1774 serait et demeurerait comme non-avenu.
Pour connaître la valeur en produit annuel des objets compris dans cet échange, on a consulté l'état de situation fourni par le prince français, lorsqu'il fut question de régler le traitement des apanagistes. Les deux terres de Gray et de l'Isle-Jourdain sont portés à 74,000 livres de rente, et l'on sent bien qu'on n'avait pas intérêt alors d'en exagérer le prix. On prétend même que l'administration des finances du prince ayant mis en vente la terre de l'Isle-Jourdain, m estimée seule 80,000 livres de revenu.
Tel est, Messieurs, l'historique fidèle des échanges de la forêt de Senonche; c'était de cette manière qu'on trafiquait des biens domaniaux.
Votre comité des domaines a dû, comme celui de l'Assemblée constituante, s'arrêter d'abord à quelques principes. La clause de non-réunir stipulée par Louis XV, dans l'acquisition faite du prince de Conti, lui a paru mériter son attention particulière, parce que la décision de sa validité; ou de son invalidité, détermine en quelque sorte l'opinion à laquelle on doit se fixer sur les contrats d'échange.
Le roi a-t-il pu, en vertu de la clause dont il s'agit, posséder à titre de propriété particulière, séparée du domaine public, les terres et la forêt de Senonche, acquises du prince de Conti? Voilà la question; elle peut se résoudre en peu de mots.
Par l'élévation du roi sur le trône, sa personne privée, éteinte, et confondue dans la personne publique, n'a plus d'existence que dans l'ordre physique, et la loi d'accord avec la raison, ne doit plus reconnaître que la personne publique. La personne privée ne peut plus exercer de droits de possession ni de propriété séparés de l'état avec lequel elle s'est unie. Il se contracte entre le prince et la nation une société qui a tous les caractères de la communauté qui se stipule dans les contrats de mariage, et dont les effets s'étendent à toutes les acquisitions particulières. Telle est la doctrine enseignée par l'annotateur de Le Fèvre de La Planche, titre Ier, livre III, chapi1 tre III. Elle porte avec elle sa démonstration.
Ces principes tiennent tellement à nos mœurs et à la nature de notre gouvernement, qu'ils étaient gravés dans les cœurs de tous les Français, avant qu'aucune loi les eût expressément consacrés, et il serait absurde de reconnaître une propriété acquise des deniers d'une communauté, dont cette communauté ne profiterait pas.
Ce serait cependant cet étrange renversement d'idées et de choses qu'il faudrait admettre pqur défendre la validité de la clause que nous examinons.
L'établissement de la liste civile, en changeant. l'ancien ordre de choses, a permis de modifier ces principes ; mais cette sage innovation ne peut s'appliquer aux acquisitions antérieures à la promulgation de la loi.
C'est d'après ces maximes que votre Comité ne balance pas à vous proposer la nullité de la déclaration ou de la clause de non-réunir, stipulée dans le contrat de vente fait par le prince de Conti.
Mais ce n'est pas le seul point de vue sous lequel on puisse envisager les échanges dont il s'agit. On pourrait même faire grâce aux échangistes de la nullité de la clause dont nous avons parlé, et la supposer valable. La nature des traités scandaleux qu'ils représentent, et les circonstances qui les ont précédés et suivis, sont telles, qu'ils n'en seraient pas plus heureux.
Ils ne peuvent contester que, dans l'ordre ancien, le domaine public était inaliénable; on ne pouvait en acquérir aucune portion à prix d'arr gent; l'échange était le seul moyen approuvé par la loi, parce qu'il n'est pas une aliénation. Mais, pour être valable, il fallait qu'il fût loyal et sincère, sans fraude ni simulation ; et dans les con-, trats dont il s'agit, les vices se montrent à découvert; et telle était alors la corruption du gouvernement, qu'on n'a pas même pris la peine de les couvrir d'un voile.
Rétablissons les faits. Un homme en faveur, un protégé jetait un regard de cupidité sur un domaine à sa convenance ; il proposait tout simplement d'acheter une portion de la forêt de Sé-nonche, et de l'échanger aussitôt après le domaine qu'il convoitait; ce projet, dont on ne faisait nul mystère, était consigné, sans détour ni finesse, dans un mémoire présenté au ministre des finances; on y ajoutait des conditions plus ou moins onéreuses, selon le degré de faveur que l'impétrant avait par lui-même, ou qu'il avait su se procurer. Le mémoire était présenté au roi, qui écrivait le bon de sa main : le reste allait de lui-même. U n'était plus question que des formes ; on en trouve l'observation dans quelques-uns de ces marchés ; d'autres ne les ont pas encore obtenues. Qu'on se rappelle encore les facilités ruineuses données pour les
payements, la nature des espèces ou contrats versés au Trésor public. On pourra ajouter le reproche de lésion et celui de la simulation et de la fraude.
Dans les contestations journalières qui se décident dans les tribunaux, on tient pour principe que la proximité des dates entre deux contrats qui se détruisent, fournit une présomption de fraude et de simulation, qu'elle peut suffire pour les faire annuler l'un et l'autre. Il est, par exemple, très difficile de penser qu'une vente soit sérieuse, lorsque, dans un bref intervalle, l'acheteur rétrocède à son vendeur lui-même l'objet qu'il tient de lui. Cette présomption acquiert de nouvelles forces, si la même personne répète souvent la même opération, et elle devient une vraie certitude, si les circonstances décèlent les motifs qui ont suggéré cés transactions contradictoires. Ici, cette présomption se présente dans toute saforce, puisque nous voyonsvingt-cinq contrats de vente suivis presque immédiatement d'autant de rétrocessions, et qu'il est impossible de se faire illusion sur les motifs qui les ont déterminés. Mais quelque décisive que soit cette présomption, on peut encore l'abandonner aux échangistes. Les bons du roi, d'après lesquels des portions de la forêt de Senonche ont été aliénées, nous fournissent la preuve positive et directe, que ces ventes dérisoires n'étaient qu'une tournure imaginée pour aboutir à l'échange. L'acquisition du domaine public était le but unique des acquéreurs. Ils ne voulaient point acheter la forêt dè Senonche ; le roi ne voulait point la vendre : c'était si peu son intention, que l'obligation de rétrocéder était une clause essentielle ae tous ces arrangements; et comme sans l'intention il ne peut y avoir de contrat, il n'y a point eu aussi de vente réelle de toutes les portions de forêt. Cette vérité est sensible. Lorsque les acquéreurs ont paru échanger les parties détachées de forêt contre des propriétés nationales, qu'ont-ils fait? Ils ont cédé ce qu'ils n'avaient pas acheté, ce qu'ils ne pouvaient même acquérir, d'après les principes ci-dessus posés. Ils n'ont point donné un domaine patrimonial, pour avoir un domaine national ; ils n'ont fait qu'abandonner à l'Etat l'argent qu'ils lui avaient payé d'avance, pour prix et avec intention d'acheter des domaines nationaux sous la forme d'un échange. Leur titre n'est par conséquent qu'un engagement dont la finance est la somme qu'ils avaient payée comme prix de la forêt de Senonche ; cela posé, la nature et le sort de ces contrats se trouvent réglés par les décrets rendus sur cette matière, et l'Assemblée ne peut se dispenser de prononcer la révocation ae tous les engagements. Ici deux objections se présentent, mais elles ne sont pas effrayantes.
On dit d'abord que l'Etat avait besoin de cet argentpour payer le prince de Gonti. On répondra que L'Etat pouvait se dispenser d'acquérir. On observera ensuite que l'Etat avait alors beaucoup de besoins, plus souvent factices que réels, et puisqu'on voulait payer le prince de Gonti, n'était-il pas plus simple et plus sage d'engager quelques portions du domaine plutôt que ae les vendre?
On dit encore que la révocation de ces échanges profitera peu à l'Etat, qu'il y perdra peut-être, et que le plus grand nombre a été vendu son prix. Cette perte, qu'on veut faire craindre, n'est pas inquiétante ; la totalité des sommes payées ou censées l'être est de~ 3,392,000 livres, et on voit près d'un million à gagner sur l'objet seul
cédé à M. Dubarry. D'ailleurs ces échanges comprennent une foule de droits supprimés sans -indemnité. Il faudrait, d'après les décrets, en payer la valeur ou rendre les portions de forêts échangées : or, ce dernier parti serait presque impossible et infiniment préjudiciable, et l'autre nécessiterait une foule de liquidations embarrassantes, compliquées, et dont le résultat serait nécessairement très onéreux à la nation. Il est prudent, il est nécessaire de prévenir et d'étouffer toutes ces difficultés.
En conséquence, votre comité des domaines vous présente le projet de décret suivant :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des domaines et les trois lectures du projet de décret par lui présenté dans les séances des 12 mars......et après
avoir délibéré qu'elle était en état de prononcer définitivement, a décrété et décrète ce qui suit;
Article premier.
« Les contrats de vente faits par le roi au cours des années 1771, 1772, 1773 et 1774, de différentes portions de la forêt de Senonche aux particuliers y dénommés, étaient feints et simulés, conséquemment nuls et non translatifs de propriété.
Art. 2.
« Les contrats qualifiés d'échange, par lesquels ces particuliers ont postérieurement rétrocédé au roi ces portions de forêt et reçu en remplacement des domaines nationaux, sont des engagements purs et simples. Les sommes qu'ils justifieront avoir payées pour prix desdites portions de forêt leur tiendront lieu de finances, et toutes les lois relatives aux domaines engagés, et notamment l'article 26 de celle du l*r décembre 1790, leur seront appliquées.
COPIE LITTÉRALE DU MÉMOIRE
Sur lequel a été accordé le bon du roi pour Vacquisition faite par M. Vabbé Terray, lors contrôleur générait de la forêt de Senonche, qu'il a échangée avec le domaine de Resson, et autres objets désignés.
M. le contrôleur général désire acquérir par échange la terre et seigneurie de Resson, domaine engagé, et un bois près Provins, appartenant au roi, connu sous le nom de buisson de Ferrières.
Le domaine de Resson étant engagé depuis 1574, il n'a pas été possible de se procurer sur la consistance et le revenu de ce domaine tous les éclaircissements qu'on aurait désiré pour en connaître la valeur; on sait seulement que cette terre a été adjugée à Antoine de Patras, sieur de Marcilly, le 13 décembre 1574, moyennant 300 livres, et revendue à François de .Fernay le 21 mai 1586, moyennant 600 livres; en sorte qu'en portant cette terre à 4,000 livres, on ne croit pas s'éloigner beaucoup de sa valeur. Suivant fes éclaircissements donnés par les officiers de la maîtrise de Provins, le Buisson de Ferrières consiste en 258 arpents sous la dénomination de ventes, ou triages des terriers, ou faître plaquée des Grands-Pieux, Robinet, Croix de l'Assemblée,
Petit-Crespin, Grand-Poirier, Queue-de-Renard, la Pipée de Souillart; le fonds est estimé 200 livres l'arpent; ce qui fait 51,600 livres; la superficie, 67,267 L. 14 s. Il y a en outre 123 arpents 12 perches de friches, nommés la Chambre au Loup, et le fonds du Briard, estimés 8,530 livres; en sorte que la valeur de ces bois et du domaine de Resson, est de 131,387 1. 14 s.
M. le contrôleur général offrant de donner un sixième en sus, il lui sera aliéné des bois de Senonche jusqu'à concurrence de 157,665 livres; il lui sera ensuite passé contrat d'échange de ces bois contre le domaine de Resson et le Buisson-de-Ferrières, à la charge que, dans le cas où la valeur des bois n'excéderait pas d'un sixième celle du domaine de Resson et du Buisson, il sera tenu de fournir un supplément; et que, dans le cas où la valeur des l)ois serait supérieure de plus d'un sixième à celle du domaine et du Buisson, il lui sera tenu compte par Sa Majesté de l'excédent : et à la charge en outre de rembourser en pure perte les finances d'engagement du domaine de Resson, le roi se chargeant de payer les indemnités qui seront dues, tant aux officiers de la maîtrise de Provins, qu'au receveur général des domaines, pour raison de l'aliénation du Buisson-de-Ferrières, et de faire tous les frais de l'échange et des évaluations.
Cet arrangement procure à Sa Majesté un bénéfice de 26,000 livres environ, et la mettra en état d'acquitter 1,057,665 livres sur le prix des biéns acquis de M. le prince de Conti.
Les mêmes principes de justice qui ont déterminé les propositions faites pour l'échange de M. d'Aligre, doivent régler celui de M. le contrôleur général. Le sixième qu'il offre ne doit donc être pris qu'en dedans, et non en dehors, et ne doit porter que sur la valeur des fonds, et non sur celle delà superficie. Alors voici quelle sera l'opération : La superficie du Buisson de Fer-
rières est estimée...................67,267 liv.
Cette première somme ne doit pas être sujette au sixième d'augmentation.
Les fonds de ce buisson sont estimés........... 51,600 1.
Les friches sont estimées.................. 8,520
Le domaine de Resson peut valoir............. 4,000 ) 74, 820
Total des objets sujets au 6e d'augmentation... 64,120 1. '
Sixième d'augmentation................... 10,7001.
Total général du montant des bois à céder à M. le contrôleur général. 142,087 liv.
Le surplus des conditions seront les mêmes que pour M. d'Aligre. Ensuite est écrit, de la main au roi : Bon.
Pour ampliation, Signé : Terray.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret èt ajourne la discussion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 10 mars 1792 au soir.
(Aisne). 11 se commet dans mon département et dans plusieurs autres un
crime très grave. Des gens mal intentionnés se transportent dans les campagnes, et au moyen d'arrhes modiques, retiennent en stagnation pendant six ou huit mois des grains qu'ils finissent par ne point acheter; pour remédier à cet inconvénient, il n'y a point d'autre remède que de décréter que tous achats de blé commencés par délivrance d'arrhes, seront effectués dans la quinzaine, et que, passé ce temps, ils seront annulés, et les laboureurs autorisés à se pourvoir en indemnité. Je demande moi-même le renvoi de ma proposition au comité d'agriculture et de commerce pour en faire son rapport.
Messieurs, ce qui vient d'être annoncé par M. Debry est malheureusement trop vrai ; il y a dans les campagnes des gens qui se rendent dans toutes les fermes, et qui paient non pas au prix qu'on leur demande, mais à tel prix possible tous les [grains afin de les accaparer, et ae parvenir enfin à affamer la France. Cette vérité a déjà été dénoncée à l'Assemblée ; et elle doit être aussi frappante pour vous que cette autre qui a encore été démontrée, savoir qu'il y avait des gens qui calculaient les moyens d'épuiser le numéraire ; vous avez décidé que le comité de législation ferait un rapport poùr poser des bases générales, et déterminer une loi répressive contre les accapareurs ; je demande que l'Assemblée décrète que le rapport sera fait jeudi soir.
Un membre : J'appuie la motion, d'autànt plus que dans le département de Seine-et-Marne, on a taxé le blé. Le juge de paix voulant y mettre ordre et arrêter ceux qui faisaient taxer le blé, a été menacé d'être incendié, et a été obligé de relâcher les prisonniers ; il est important et instant de réprimer de pareils désordres que les maires ne peuvent plus contenir.
Je demande le renvoi au comité des Douze en ce qui concerne les désordres, et au comité de commerce en ce qui concerne les accaparements.
(L'Assemblée renvoie la motion de, M. Jean Debry au comité de législation pour faire, jeudi Soir, un rapport général sur les accaparements.)
Voici une lettre des administrateurs du district de Sarlat, dans le département de la Dordogne, qui m'annoncent que, lorsque l'on a connu le décret sur les enrôlements, le nombre des recrues dans ce district, s'est élevé à 600. Le nombre en eût été plus considérable encore si les fonds n'avaient pas manqué, mais, ni le ministre, ni le département n'en ont encore envoyé. Les citoyens de Sarlat, pour obvier à ce manque de fonds, ont reçu chez eux et logé ces zélés défenseurs de la patrie et ont formé une bourse pour subvenir aux frais de leur enrôlement et de leur départ.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de ces faits dans le procès-verbal.)
Messieurs, les jeunes gens du département de l'Aude sont depuis longtemps aux frontières. Voici les sentiments que leurs pères me chargent de vous exprimer.
« Législateurs, il est temps de punir des rebelles qui nous outragent, de démasquer des ministres qui nous trompent, de déconcerter un Léopold et des électeurs qui nous jouent. Que doivent penser de notre inaction nos amis; que ne doivent point en espérer nos ennemis ? Attaquons :
que craindrions-nous? Nous qui avons imité les Suisses, les Hollandais, les Américains dans ce que nous 'avons déjà fait, ne les imiterions-nous pas dans ce qu'il nous reste à faire ? Que nos armées marchent à l'ennemi : nos enfants sont aux frontières; s'ils succombent nous sommes là pour les remplacer, pour les venger ou pour mourir. (,Applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
Je demande la mention honorable au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
Je demande la parole pour faire une proposition (1) sur la suppression du terrage ou champart.
Messieurs (2), les voûtes de cette salle ont souvent retenti des vœux des habitants des villes ; je vous apporte ici celui, non moins recomman-dable, du peuple des campagnes.
Je vous prie de m'accorder quelque attention.
J'ai profondément médité le discours de M. Couthon, prononcé à la séance du 29 du mois passé (3), et je déclare être entièrement de son avis.
Je voudrais, comme lui, que tout débiteur de droits ci-devant seigneuriaux conservés, pût en faire le rachat partiel, sans qu'en vertu de la solidarité, on le contraignît à rembourser au delà de sa quote-part.
Je voudrais qu'on ne réputât conservés et susceptibles de rachats, que ceux de ces droits qui seraient établis par titres constitutifs, suivis de prestations, ou au moins par 3 reconnaissances successives, également survies de prestations, et dont la plus ancienne rappelât le titre de concession.
Je voudrais surtout que tout débiteur de droits ci-devant seigneuriaux conservés, fût admis à racheter divisément, soit les droits casuels, soit les cens et redevances annuelles et fixes.
Et j'ajouterai, Messieurs, aux motifs développés par M. Couthon, que l'Assemblée nationale constituante vous a donné l'exemple de cette dernière mesure, par son décret du 14 novembre 1790.
En effet, il a été alors décrété que, pour faciliter aux redevables le moyen de se libérer des droits, tant casuels que fixes, dus aux ci-devant liefs appartenant à la nation, ceux qui possédaient des fonds mouvants en fiefs oucensives des biens nationaux, pourraient être admis à racheter divisément tous les droits dont il s'agit.
Cependant, si l'on m'objectait qu'ici le cas n'est pas le même, et que
rAssemblée nationale a pu favoriser non les débiteurs de redevances
ci-devant seigneuriales, envers les particuliers, fnais seulement les
débiteurs de pareils droits envers la nation, je répondrais, je crois,
avec quelque avantage que, lorsqu'il s'agit, dans un Etat régénéré,
d'aider à l'affranchissement de redevances dont le nom seul nous offre
encore les traces de l'ancienne servitude, la loi doit être égale pour
tous; et qu'il serait absurde de consacrer une différence qui ne
tendrait qu'à réta-
,Vous achèverez donc, Messieurs, de déroger à 1 article 3 du décret du 3 mai 1790.
Ce principe une fois reconnu, il est évident que tout particulier pourra racheter divisément tous les droits seigneuriaux qui grèvent sa propriété!
Mais, parmi ces mêmes droits, n'en existe-t-il pas un bien décourageant pour l'agriculture et dont la prestation devrait être supprimée? Je veux parler du terrage ou champart.
De tous les droits ci-devant seigneuriaux, celui-ci a paru toujours le plus révoltant aux habitants des campagnes ; sans doute, parce qu'il fait partie du produit immédiat de leurs peines et de leurs soins ; la suppression a été en conséquence l'objet particulier de leurs vœux, lors des assemblées baiîliagères.
Cependant l'Assemblée constituante, qui a supprimé les dîmes ecclésiastiques et inféodées, a conservé le droit de champart ou terrage, et il se trouve au nombre des ci-devant droits seigneuriaux rachetables.
Ainsi, messieurs, l'on voit, sur la terre de liberté, continuer la perception d'un droit dont le moindre vice, peut-être, est de n'avoir pas de fondement ; d'un droit dont la faculté du rachat est illusoire pour celui qui n'est pas riche; d'un droit enfin qui consacre l'esclavage, puisqu'il en est encore l'image.
Néanmoins, le cri du cultivateur s'est fait assez entendre; et malgré les efforts des autorités constituées, malgré l'éloquente et tardive instruction du 15 juin 1791, il s'est alors prononcé d'une manière trop énergique, pour que vous ne songiez pas très sérieusement à porter au mal qui renaîtrait, sans doute, un remède efficace;
Je ne percerai pas la terre, pour trouver les racines de ce chêne antique, qui, selon Montesquieu, personnifie les lois féodales; mais je dirai qu'il faut en effacer toutes les traces apparentes ; et dût l'Assemblée nationale exciter encore les cris de l'aristocratie expirante, il faut enfin qu'elle convainque le peuple des campagnes, que l'abolition au régime féodal n'est pas un presque inutile bienfait.
À Dieu ne plaise, cependant, que je veuille attaquer le droit sacré de la propriété ; mais je désire, s'il est possible, concilier ce droit avec celui non moins sacré de la liberté.
Je voudrais donc qu'en admettant les diverses propositions de M. Couthon, l'Assemblée nationale défendît pour l'avenir la prestation en nature du droit de terrage ou champart, et qu'elle décrétât que les propriétaires de cette redevance en seront remboursés, soit par les •particuliers débiteurs, soit par la nation, qui en ferait l'avance pour ceux des débiteurs qui seraient dans l'impossibilité d'opérer eux-mêmes ce rachat.
Je voudrais que cette avance fût remboursée à la nation en vingt années, et dans la même forme que le prix des biens nationaux vendus.
Je voudrais enfin que les assemblées administratives fussent chargées de procéder incessamment à la liquidation du droit dont il s'agit, d'après la mesure indiquée par |M. Couthon, et de manière à ce que ^indemnité -des propriétaires fût assurée avant l'époque à laquelle le terrage ou champart cessera d'être perçu.
Je préviens, d'avance, la grande objection qu'on peut me faire ; celle de dire qu'il serait
très déplacé d'emprunter pour l'usage en question, des fonds destinés à acquitter, dès ce moment, la dette publique. Mais à cela je réponds : 1° que si la proposition de M. Gouthon est accueillie par l'Assemblée nationale, comme il faut l'espérer, le grand nombre des prétendants au droit de champart ou terrage, se trouvera réduit à un nombre beaucoup moins considérable;
2° Qu'il ne se trouvera peut-être pas un dixième des débiteurs hors (l'état d'acquitter l'indemnité due à chaque propriétaire de ce droit; et j'ajoute que si, d'ailleurs, l'Assemblée veut être moins prodigue envers les officiers ministériels, elle trouvera facilement; dans l'économie des liquidations, les moyens d'être, en ce moment, véritablement utile au cultivateur, à cet être précieux, si longtemps et si cruellement vexé.
Toutes sortes de raisons vous pressent, Messieurs, d'adopter la mesure bienfaisante que je propose.
Si vous abolissez la perception du champart ou terrage, vous rendrez à la culture des terres son plus beau lustre, la liberté de disposer entièrement des récoltes; vous bannirez un prétexte éternel de division entre les citoyens; vous épargnerez aux faibles des vexations, aux âmes plus fortes des procès, peut-être des crimes ; en un mot, vous enlèverez aux ennemis de la Constitution, une arme redoutable dont ils espèrent profiter pour nous ramener au despotisme par l'anarchie.
Hâtez-vous donc, Messieurs, de remplir la juste attente des habitants des campagnes. Leurs bénédictions sont suspendues : faites-les descendre sur vos têtes ; elles seront vos plus douces récompenses.
(L'Assembléé renvoie la motion de M. Golzart au comité féodal, déjà chargé d'un rapport sur le même objet.)
Le décret d'accusation qui a été rendu contre M. Delessart prendrait, ce me semble, un caractère de partialité et de passion, si l'Assemblée nationale se montrait longtemps indifférente sur les diverses dénonciations qui ont été faites contre le ministre de la justice. Il ne faut pas, Messieurs, qu'on ait droit de soupçonner, qu'en même temps que nous punissons les fautes d'un ministre, nous voulons couvrir celles d'un autre ministre; je demande donc que l'Assemblée nationale se rasse rendre compte demain par le comité de législation, avant l'ordre de midi, des dénonciations qui ont été renvoyées à ce comité contre M. Duport, ministre de la justice.
Plusieurs voix : Appuyé I (.Applaudissements dans les tribunes.)
Ne semble-t-il pas que nous soyons ici pour poursuivre personnellement les ministres? (Murmures.) N'est-il pas étonnant que lorsque nous sommes venus ici pour nous occuper de grands objets, nous n'en ayons encore entamé aucun, et que nous soyons perpétuellement occupés à des dénonciations? (Murmures.) Je ne m'oppose pas à ce que l'on renvoie à un comité la motion de M. Guadet, si;on le veut; mais je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Contrairement à l'opinion de M. Laureau, je pense que la motion de M. Guadet est très importante. Nous ne poursuivons que les ministres prévaricateurs. Nous n'avons point accusé, ni M. Cahier, ni M. de Narbonne
mais nous avons voulu, mais nous voulons déjouer les cabales, et punir les ministres, quand ils sont coupables. (Applaudissements.)
Je demande qu'on renvoie au comité qui est saisi de toutes les dénonciations contre M. Duport, les deux faits sur lesquels j'appelle son attention.
Le 3 décembre 1791, lin nommé Tirion, précepteur, pour avoir volé 300 livres, a été condamné à vingt ans Se Bicêtre; le 16 janvier, le jugement dont le condamné avait rappelé, a été confirmé, et cependant le commissaire du roi a reçu du ministre de la justice un sursis à l'exécution du jugement. Depuis ce sursis le condamné a trouvé le moyen de s'évader de la Force. Je soutiens que le ministre de la justice n'avait pas le droit d'accorder le sursis, et qu'il a ainsi violé la loi.
Voici, Messieurs, l'autre fait.
Un particulier, nommé Auger, soldat, ayant assassiné son caporal, fut condamné par le tribunal criminel à être pendu dans le courant du mois de décembre dernier, il s'est pourvu en cassation. La requête a été rejetée, et le ministre de la justice a commué sa peine, en 20 ans de détention. Je remets la note de ces faits au comité qui se fera délivrer des expéditions des actes que je dénonce.
Il y a plus, dans le district de Grave, il a envoyé dans le mois de janvier dernier des lettres de grâce pour y être entérinées. Je demande le renvoi de tous ces faits au comité de législation pour qu'il fasse le rapport très incessamment.
Je demande que les pièces de la dénonciation soient envoyées au comité avec injonction d'en venir rendre; compte séance tenante (Murmures), et que le décret d'accusation soit rendu sans désemparer.
Je dénonce le ministre de la justice comme ayant commis une autre prévarication. Voici le ait : Deux lettres de grâce ont été enregistrées au tribunal du premier arrondissement de Paris dans le courant des derniers 3 mois de l'année 1791. Un des membres de ce tribunal me l'a lui-même dit, et j'en ai pris la note, pour me transporter au greffe afin de voir si cet entérinement était effectivement vrai. Je n'ai pas eu le temps de vérifier les faits; je demande que le comité chargé de faire un rapport sur M. Duport, ministre de la justice, s informe si réellement le premier, tribunal d'un des arrondissement de Paris a entériné des lettres de grâce.
Je suis si convaincu du patriotisme très sincère du ministre (Murmures) et très bien prouvé jusqu'alors, que je suis le premier à provoquer sur lui toute la vigilance de l'Assemblée nationale, et toute la sévérité de la loi. Mais j'ajouterai com me motion d'ordre qua est Ire important, et pour l'honneur de la justice, et pour la surete de tous les individus, que lAs-semblée nationale prenne contre elle-même des précautions qui puissent la sauver de tout esprit départi et de prévention.(Murmures.) Ainsi en appuyant la proposition de M. Guadet, je demande le renvoi au comité de toutes les dénonciations passées, présentes et futures et que l'Assemblée nationale prenne l'engagement de ne juger le ministre que sur le rapport qu'elle même aura commandé.
J'ajoute à ce que vient de dire M. Hua, qui, peut-être, frappera beaucoup de
membres de l'Assemblée, c'est qu'après le rapport du comité de législation, l'Assemblée nationale ne juge rien, ne prononce rien, n'accuse personne sans avoir entendu le ministre. (Rires ironiques et exclamations à gauche. — Applaudissements à droite.)
Si chacun de nous voulait articuler tous les faits dont il a connaissance contre le ministre de la justice, nous ne sortirions pas aujourd'hui de cette énumération. Je déclare que, pour ma part, j'en ai trois très positifs que je porterai au comité. Je demande donc le renvoi au comité à qui nous communiquerons ce que nous savons, afin qu'il fasse son rapport demain. Quant à la motion de M. Hua, elle ne me paraît pas même digne de la question préalable. J'insiste sur le renvoi.
Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)
La proposition de M. Hua est une critique amère et indécente de la conduite ferme et vigoureuse que l'Assemblée a tenue samedi envers iM. Delessart. (C'est vrai!c'est vrai!) Je demande la question préalable. (Applaudissements.)
L'improbation au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Hua et ordonne que le comité de législation lui rendra compte à la séance de demain, avant l'ordre de midi, de toutes les dénonciations faites contre le ministre de la justice, ainsi que des nouveaux faits qui lui sont imputés.)
L'Assemblée nationale vient d'accorder la parole à M. Guadet pour lui présenter des réflexions importantes; et moi je a demande aussi à l'Assemblée nationale, pour lui faire part de quelques réflexions qui me sont suggérées par les circonstances actuelles.
Tous les Empires dans le cours de leur durée, dit un politique moderne, ainsi que tous les hommes dans le cours de leur vie, ont un moment de bonheur dont ils doivent savoir profiter. La fortune se présente une fois à chaque Empire comme à chaque individu. 11 faut la saisir, il faut la fixer; elle ne reparaît plus, si par maladresse, ou par insouciance^ on laisse échapper l'instant d'obtenir ses faveurs.
Le moment où je parle, est celui des Français, est celui de rétablir, de consolider enfin lé bonheur de l'Empire au dedans, et sa considération au dehors. Le moment où je parle enfin, Messieurs, est celui où il ne dépend que de vous d'asseoir sur des bases inébranlables, non seulement notre propre liberté, mais encore celle de l'Europe entière. (Murmures.)
Saisissons, Messieurs, saisissons l'occasion favorable où le ciel, qui veilla toujours sur les destinées de la France, vient de la délivrer à la fois de ses deux plus redoutables ennemis. (Murmures dans l Assemblée, applaudissements des tribunes.) Oui, Messieurs, de ses deux plus redoutables ennemis. (Murmures.)
Plusieurs membres : Il faut en profiter et ne pas le dire!
L'amour de l'intérêt public me fait prendre la parole, je vous prie de ne point m'interrompre. (Bruit.) Plusieurs voix : L'ordre du jour !
Il est indigne de la loyauté d'une nation libre d'attaquer un ennemi mort.
Voix diverses : L'ordre du jour! Non! non!
Je consulte l'Assemblée pour savoir si l'orateur doit être entendu.
(L'épreuve est douteuse.)
Dans le doute, l'orateur doit conserver la parole.
et quelques autres membres. L'appel nominal !
Il est certain que s'il y a une faction dans le moment actuel, il faut rabattre et l'anéantir. Je demande que l'on maintienne la parole à l'orateur, qui a des vues profondes et sages. (Bravo! Applaudissements dans les tribunes.)
On réclame le règlement pour maintenir la parole dans le doute.
Plusieurs voix : Il n'y a pas de doute!
, s1 adressant à M. Henry-Larivière. Vous avez la parole.
Je ne veux pas offenser l'Assemblée nationale, en insultant à la mémoire des morts ; mais je ne veux pas user de ménagements coupables et taire les réflexions que je puis avoir à faire sur l'intérêt national. Je rappellerai les faits tels qu'ils sont et tels qu'il m'im-porte de les rappeler, pour la conservation d'une liberté qui, sans doute, a été plus exposée que beaucoup de membres de l'Assemblée nationale ne l'ont cru.
Je disais que le ciel, qui a toujours veillé sur les destinées de la France, vient de la délivrer à la fois de deux ennemis également redoutables. Vous entendez, Messieurs, que je parle ici de Delessart et de l'empereur, (1) Delessart qui semblait tenir au milieu de la cour des Tuileries le bout dé ce conducteur électrique, à l'extrémité duquel Léopold tenait la foudre qui devait nous frapper. Eh bien, Messieurs, je dis que cette circonstance est celle où vous devez, toute affaire cessante, vous occuper enfin de la destruction totale des complots qui nous ont agités si longtemps; de ces manœuvres criminelles par lesquelles on a cherché à entraver le crédit public; par lesquelles on avait, pour ainsi dire, séché la substance publique. J'ajoute que vous ne devez pas attendre que tous les ennemis de la patrie puissent se rallier une seconde fois, puissent se choisir de nouveaux chefs pour nous préparer encore de nouvelles entraves.
Eh! Messieurs, quelle circonstance fut jamais plus favorable? ConsidéreZj en politique, quels mouvements, quelles agitations, quels troubles vont naître en Allemagne pendant l'élection du nouveau roi des Romains? Considérez, Messieurs, que le fil de la trame est découvert, que la conspiration est presque détruite puisque l'empereur n'est plus, et que Delessart est maintenant enchaîné aux pieds de la loi. Considérez l'état honteux des émigrés, dont je ne veux parler ici que pour les représenter errants et vagabonds, sans appui, sans chef, sans crédit, cherchant partout un asile qu'ils ne trouveront plus nulle part. (Applaudissements dans les tribunes.)
Eh bien ! Messieurs, voici l'instant où vous devez déployer un grand
caractère et prendre l'attitude imposante qui doit asseoir à sa place le
peuple français. Oui, Messieurs, c'est l'instant, et je le répéterai de
toutes mes forces, c'est un besoin pour mon âme ; c'est l'instant
d'extirper
En me résumant, je demande au nom de la France, au nom de la patrie, et peut-être au nom de l'Europe entière que le comité diplomatique, saisissant la circonstance du moment, fasse incessamment son rapport sur cette réponse de la cour de Vienne. Je demande que ce Comité nous dise quelle attitude doit prendre le peuple français; quelle conduite il doit tenir envers son propre roi. Je demande enfin, que le changement arrivé dans la politique, soit pris en grande considération par l'Assemblée nationale elle-même, afin de prendre promptement des mesures décisives, pour savoir s'il y a lieu, ou non, à déclarer la guerre. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes,)
Et moi aussi, Messieurs, ie m'étais pénétré, comme le préopinant, de la nécessité de saisir l'instant actuel pour le bonheur des Français. Et parmi les moyens qui s'offrent à mon esprit, j'en trouve un qui n'a jamais été employé, c'est de faire entendre au roi des Français, la vérité qu'il n'a jamais connue (Murmures). Non, qu'il n a jamais connue, et vous en avez la preuve dans tout ce qui vient de se passer : un ministre qui a mérité de porter sa tête sur l'échafaud, est conservé. Un ministre qui faisait agir les lois, est renvoyé. ..(Murmures.)
Voix diverses : L'ordre du jour ! Le renvoi au comité diplomatique !
Je reconnais que l'Assemblée ne peut pas déclarer la guerre et je retire la dernière partie de ma motion.
Je demande le renvoi de la motion de M. Larivière au comité diplomatique.
Je demande que la motion soit énoncée en termes clairs et précis, afin que nous sachions sur quoi doit porter le renvoi.
Voici : Je demande que l'Assemblée charge le comité diplomatique de faire incessamment un rapport: 1° sur la dernière réponse de l'empereur à M. Delessart ; 2° sur le parti qu'il y a à prendre dans les circonstances nouvellement survenues.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Henry-Larivière au comité diplomatique pour faire ce rapport dans trois jours.)
Je demande que pour surcroît de lumières on ajoute au comité diplomatique les six suppléants. (Murmures à droite. Applaudissements à gauche.)
Le comité diplomatique est complet. Si l'Assemblée juge nécessaire ae l'augmenter, il faut procéder à une nouvelle élection.
C'est moi qui fis, il y a quelques jours (1), la motion d'adjoindre les suppléants au comité. Je la fis, parce que les circonstances semblaient l'exiger. Je la renouvelle aujourd'hui, parce que les circonstances l'exigent plus impérieusement.
Je rappelle à l'Assemblée que la question préalable fut proposée et adoptée sur cette motion. Elle jugea alors que le comité étant au complet, il était inutile d'y adjoindre les suppléants qui, comme tous les membres de l'Assemblée, ont le droit d'assister à ses réunions. Or si vous avez trouvé le nombre des membres suffisant il y a huit jours, vous devez encore le trouver suffisant aujourd'hui. Si cependant vous jugez nécessaire d'augmenter le nombre des membres des comités, je demande qu'il y soit procédé dans les bureaux par Voie d élection.
Quand vous avez formé des comités vous ne les avez formés, je pense, que pour vous proposer leurs travaux, afin que vous puissiez aller plus avant dans toutes les affaires, Aujourd'hui de nouvelles questions se présentent, elles sont de la plus haute importance. Je crois même que l'Assemblée nationale doit profiter des circonstances avantageuses où nous nous trouvons pour faire triompher la Constitution. Elle a besoin, par conséquent, d'avoir un comité diplomatique très nombreux, très éclairé, et certes l'on ne me disputera pas que les six suppléants qui sont nommés ne soient des membres très éclairés, et qui ont tous, à juste titre, la confiance de l'Assemblée. Je demande donc que ces suppléants soient dès aujourd'hui compris dans le nombre des membres du comité diplomatique et qu'ils y soient adjoints. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Comme membre du Comité diplomatique, j'appuie la motion de M. Delcher. Le comité était déjà chargé d'affaires importantes ; il le sera davantage dans quelques jours. Il n'est personne de vous qui ne voie, qui ne sente tous les changements qui vont s'opérer dans la diplomatie européenne. Jusqu'à ce jour, on a fait regarder la France comme nulle dans la balance politique de l'Europe. U faut désormais que cela change; il faut donner aux affaires une direction analogue au caractère et à la puissance de la nation. Cette question ne peut être trop mûrement approfondie. Pourquoi les membres qui ont été nommés comme suppléants au comité n'y seraient-ils pas incorporés? Il n'y a pas longtemps que vous décrétâtes que les suppléants du comité des assi-signats et monnaies en deviendraient membres ; vous avez fait la même chose à l'égard du comité de législation. J'augure trop bien des intentions des autres membres du comité diplomatique pour ne pas croire qu'ils seront bien aises derecevoir six adjoints. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la motion de M. Delcber sous cette forme :
« Les six membres suppléants du comité diplomatique sont-ils adjoints et incorporés à ce comité avec voix délibérative ?
Je demande la parole sur la manière de poser la question. (Murmures et exclamations.)
Un membre : Je propose de porter à vingt-quatre le nombre des membres du comité.
demande la question préalable sur cette dernière proposition.
J'invoque l'exécution du règlement pour obtenir la parole sur la manière de poser la question. (Le silence se rétablit) Je demande qu*avant d'adjoindre six membres au comité diplomatique, il soit décrété qu'il sera composé de 18 membres. En conséquence, je propose que la question soit posée ainsi : « Le comité diplomatique sera-t-il composé de 18 membres »
Plusieurs membres : La priorité pour l'adjonction pure et simple!
(L'Assemblée accorde la priorité à la manière dont M. le président a posé là question et décrète que les six membres suppléants du comité diplomatique seront adjoints et incorporés à ce comité, avec voix délibératives. (.Applaudissement
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'Intérieur, qui réclame la décision de l'Assemblée nationale sur les difficultés qu'offre l'exécution des articles 4 et 18 de la deuxième section de • la loi du 4 octobre dernier, relative à l'organisation de la garde nationale. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le président,
« J'ai déjà eu l'honneur de rendre compte à l'Assemblée nationale, des observations qui m'avaient été faites sur les difficultés qui s élèvent sur les articles 4 et 18 de la deuxième section de la loi du 14 octobre dernier, relatives à l'organisation de la garde nationale. Ces deux articles présentent une contradiction évidente dans leurs dispositions, en ce qui concerne la formation dès bataillons par cantons. 11 est d'autant plus instant que l'Assemblée nationale prononce sur cet objet, que ces difficultés arrêtent l'organisation de la garde nationale.
« Je suis avec respéct, etc. »
« Signé : cahier.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui, exposant à l'Assemblée quelles dépenses énormes coûte l'impression des lois particulières qui n'ont rapport qu'à certains cantons, souvent même à une seule municipalité, le prie de s'occuper promptement des moyens ae soulager la nation d'une charge aussi pesante; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le président.
« M. le ministre de la justice a proposé à l'As-
semblée nationale, de vouloir bien, selon le vœu d'un décret de l'Assemblée nationale constituante, déclarer en marge de ses décrets, ceux qui doivent être imprimés et envoyés à tous les départements. L'Assemblée n'a encore rien décidé à cet égard. L'incertitude sur cet objet a obligé de les faire imprimer et distribuer presque tous, ce qui occasionne de très grandes dépenses, il serait, je crois, à propos que l'Assemblée prît une décision à cet égard.
Je suis avec respect, etc.
Signé : Cahier. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des décrets.)
, ministre de la justice, demande la parole.
La parole est à M. le ministre de la justice.
, ministre de la justice. Monsieur le président, je viens d'être instruit que j'avais été dénoncé, il n'y a qu'un moment, sur 20 chefs d'accusation et ae délits. Je prie l'Assemblée nationale d'ordonner que la communication de de ces 20 chefs me sera faite sur-le-champ; j'espère être en état, sur la simple lecture, ae donner tous les éclaircissements nécessaires avant la fin de la séance-; si cependant j'avais besoin de quelques renseignements qui exigeassent plus ae temps, je prierais l'Assemblée de m'entendre demain : je crois et j'ose dire qu'il ne convient pas à un homme de mon caractère d'être soupçonné plus de 24 heures.
et quelques autres membres : L'ordre du jpur!
Un membre : Je fais la motion que les charges articulées contre le ministre lui soient communiquées sur-le-champ.
Au commencement de la séance j'avais déjà prié l'Assemblée de ne jamais condamner personne sans l'entendre. (Murmures.) Le ministre de la justice est dénoncé; il se présente ; il vient lui-même au devant de vos dénonciations ; il vous demande et vous ne pouvez refuser de lui en donner communication (Nouveaux murmures.)
Monsieur le président, je vous prie de me maintenir la parole.
Je propose l'ordre du jour et je demande à le motiver. (Bruit.)
L'ordre du jour, que plusieurs membres réclament sur la proposition du ministre, couvrirait l'Assemblée de déshonneur s'il était adopté. (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)
Je convertis en motion la demande du ministre. Je pense que personne ne peut s'y opposer et je demande qu'elle soit mise aux voix.
Monsieur le président, je demande la parole pour une motion d'ordre,
L'Assemblée, en s'occupant des moyens de sauver la nation, ne doit pas oublier ce qu'elle doit à la justice, ce qu'elle doit à l'humanité; mais, le ministre de la justice, en vous demanr dant que dans ce moment les chefs d'inculpa-r tion lui soient communiqués, pour qu'il y apporte des réponses, me semble demander une chose que l'Assemblée nationale ne peut pas accorder (Murmures.), et voici pourquoi :
Le membre qui a fait la motion de renvoyer les nouvelles dénonciations au comité pour y être jointes à celles qui y étaient déjà, vous a observé aussi qu'il existait beaucoup d'autres chefs d'accusation qui n'avaient pas encore été soumis à l'Assemblée. Or, vous ne pouvez en donner communication au ministre sans les connaître, et lui-même, en répondant à certains faits, ne pourra vous donner des éclaircissements sur ceux qu'il ignore encore. (Murmures.) Je demande donc que l'Assemblée, avant d'accorder la parole au ministre de la justice, attende que le comité de législation lui ait fait son rapport.
, ministre de la justice. J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que d'après les réflexions du préopinant... (Murmures.)
Plusieurs membres : Le ministre[discute !
Un membre : Ohl il est préparé. ,
, ministre de la justice. J'ai l'honneur d'observer, d'après les réflexions du préopinant, qu'il paraît dans l'ordre de la justice que je ne sois pas obligé d'attendre le rapport du comité sur tous les chefs d'accusation pour répondre à ceux que l'Assemblée connaît déjà. Je ne crois pas que cela puisse être dans l'intention de l'Assemblée. Lorsqu'un fonctionnaire public, dont l'honneur est une sorte de propriété nationale, est en état de se disculper sur-le-champ, on ne peut lui refuser la faculté de se justifier. Je demande à l'Assemblée de vouloir bien faire droit à ma demande.... (Murmures.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
L'honneur de l'Assemblée exige que cette discussion ne soit pas prolongée davantage.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voici comment je pose la question :
« L'Assemblée nationale décrète que le comité de législation donnera connaissance, au ministre de la justice, dans le jour, des faits sur lesquels il n été dénoncé. »
(L'Assemblée décrète la proposition de M. La-source.)
(Au moment où ce décret vient d'être prononcé, il se manifeste tout à coup un grand mouvement dans un des côtés de la salle.) , Plusieurs membres : A l'Abbaye ! à l'Abbaye I
se couvre.
(Le calme se rétablit.)
Il y a un membre qui vient de causer un grand scandale, je demande qu'il soit envoyé à l'Abbaye. (Oui! oui!)
monte à la tribune.
M. Grosse-du-Rocher demande à être entendu pour se justifier avant que la proposition de M. Isnard soit mise aux voix.
Lorsqu'on discutait sur la demande du ministre, j'étais là, à côté d'un membre que je ne connais pas. 11 m'a dit que nous étions des bourreaux, que nous voulions envoyer le ministre à Orléans. Je lui ai répondu que nous n'étions pas des bourreaux et quil manquait à l'Assemblée en parlant ainsi. Fai encore ajouté que les membres qui parlaient de cette façon feraient mieux de se retirer dans leurs départements. Un moment après, il m'a interpellé : Je voudrais bien savoir pourquoi vous avez dit que je ferais mieux de me retirer dans
mon département; je vous prie de vous expliquer. Il m'a mis la main sur la poitrine. Au bout de quelques instants, je l'ai înterpèllé à mon tour. Voilà le moment de nous expliquer; voulez-vous avoir un petit mot de conversation?.....
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour !
J'observe qu'il n'y a pas un mot de vrai dans tout ce qu'a dit le préopinant. J'appuie l'ordre du jour...
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
La parole est à M. Condor-cet sur les mesures qu'il croît nécessaire de prendre pour le rétablissement des finances.
Messieurs (1), la situation de nos finances est le seul danger réel que nous ayons à combattre. Si les ennemis du dehors nous menacent, c'est qu'ils comptent sur ce désordre qu'ils exagèrent; il est le seul fondement des espérances coupables que les conspirateurs conservent encore. C'est en le fomentant, en l'augmentant, que jusqu'ici ils ont pu nous nuire ; et si on aperçoit un refroidissement momentané dans quelques portions de citoyens, si quelques autres ont pu laisser éclater des mécontentements, c'est encore là qu'il faut en chercher la cause unique.
Tous les Français connaissent cette vérité ; tous nous pressent de changer enfin cette situation des affaires publiques qui les effraie, les irrite ou les afflige.
Mais, avant ae chercher les remèdes, il faut bien connaître quelle est la véritable cause de ce mal sur laquelle l'opinion publique flotte encore incertaine.
Nous avons aujourd'hui environ 1,600 millions de papier-monnaie existants dans la circulation, hypothéqués sur plus de 2 milliards de biens nationaux vendus et non payés ou mis en vente.
Un papier-monnaie est plus commode que l'argent a quelques égards, moins commode à quelques autres. Il ne peut guère servir dans le commerce étranger; en général, on le thésaurise moins. Il reste donc employé tout entier dans la circulation intérieure la plus active. Ainsi, en supposant qu'il en excède les besoins, il doit en résulter une augmentation dans les prix des denrées, et l'échange contre l'argent doit être au-dessous du pair, jusqu'à ce que la circulation s'élève au niveau de la masse du pa-, pier. Pendant ce mouvement, cet excédent sert a développer l'industrie, qu'il maintient ensuite lorsque réquilibre est rétabli. -
Le défaut de confiance peut produire une baisse plus grande, et alors l'accroissement momentané d'industrie ne fait que . diminuer le mal, mais ne peut le réparer, surtout quand des émissions souvent réitérées devancent continuellement ces effets de l'industrie, et empêchent d'en sentir les avantages. Il est évident, en effet, qu'il faut bien plus de temps pour employer une masse des assignats à aes spéculations utiles, que pour la répandre par des payements.
Mais la baisse, relativement à l'argent, doit être plus forte que
l'augmentation du prix des denrées : 1° parce que le manque de confiance
n'influe pas sur les prix tant que le danger pa-
Il faut joindre encore au prix de l'argent le profit nécessaire de ceux qui font le commerce particulier de ces échanges ; profit d'autant plus grand, que ce commerce a quelque honte et quelque danger. On n'y emploie dans un même temps qu'une masse de capitaux inférieure aux demandes ; les besoins qui font acheter l'argent permettent rarement d'attendre. Enfin, ce commerce doit, par sa nature, devenir un objet d'agiotage ; car l'agiotage s'empare bientôt de toutes les choses dont la valeur soumise à l'influence des événements, est exposée à des variations fréquentes et rapides.
Ainsi l'on se tromperait si l'on jugeait de la perte réelle des assignats par le rapport de leur valeur à celle de l'argent monnayé; et c'est uniquement d'après les prix de certaines denrées, que, par un calcul assez compliqué, et même auquel il serait difficile de donner des bases certaines, qu'on pourrait déterminer cette dépréciation avec quelque exactitude. Mais il est im- portant de remarquer qu'elle est bien au-dessous de ce qu'indique le prix de l'argent, et de détruire cette erreur que nos ennemis se plaisent à répéter.
Je réduis donc à trois points principaux les causes immédiates des embarras qui nous fatiguent : trop dé papier-monnaie en circulation ; trop peu de confiance dans le papier-monnaie ; une cherté excessive des métaux précieux.
On voit en effet que si la confiance était entière, on pourrait porter la masse de papier monnayé au-dessus des besoins de la circulation, sans éprouver d'inconvénients bien graves, pourvu cependant qu'on n'excédât point les bornes de ces besoins d'une masse trop forte, et que les émissions nouvelles ne se succédassent pas avec" une imprudente rapidité. De même, si ce papier n'avait que très peu de confiance, et que la masse des billets fùtsensiblemeutau-dessous des besoins de la circulation, ils se soutiendraient encore. On a vu, dans les premiers temps de l'émission des billets patriotiques, ces papiers gagner sur les assignats nationaux avec une confiance nécessairement moindre ; mais on en avait besoin pour la circulation. On ne les prenait point pour les garder, et alors le besoin l'emportait sur la défiance, ou même il n'existait pas de défiance dans un intervalle de temps si court pour chaque individu.
Enfin, la perte plus forte des billets comparés aux monnaies métalliques, a des causes particulières, dont quelques-unes peuvent être attaquées ; et cet objet devient d'autant plus important, que l'état de guerre nous obligerait à une dépense considérable en argent. D'ailleurs, cette différence, fût-elle absolument produite par des causes étrangères, et à la masse aes papiers en circulation, et aux motifs réels de la confiance, elle serait toujours un mal, parce qu'elle serait un moyen d'appeler la défiance, d exciter des in-
quiétudes. Enfin, cette même différence, influant sur le prix des denrées et des matières premières qu'on pourrait tirer de l'étranger, influe, par une conséquence nécessaire, sur leur prix général, et sur celui de presque toutes les autres.
La masse des billets excède les besoins de la circulation : cela est prouvé, et par la rareté extrême de l'argent, et par l'augmentation des prix. Existe-t-il de la défiance? Il serait difficile de le nier. Ce n'est pas, à la vérité, de cette défiance du moment présent, qui anéantit en quelque sorte tout effet public qu'elle a frappé, mais de cette défiance qui se porte sur un temps plus éloigné, qui n'avilit pas un papier, mais qui, en augmentant l'empressement de l'employer avec quelque profit, en fait nécessairement baisser la valeur.
Quelle est la cause de ces deux maux? c'est que l'Assemblée constituante n'a pas assez calculé ses opérations. Lorsqu'elle créa les assignats, elle devait se dire : « Ils auront, non seu-« lement pour hypothèque, mais pour moyen « d'extinction, la vente ae telle masse de biens « nationaux; donc il faut régler l'émission de « ces billets sur les rentrées des ventes, afin de « ne jamais excéder ces rentrées d'une somme « trop forte. » En effet, ces assignats étant destinés à payer : 1° une dette inconnue, surtout alors ; 2° à fournir des fonds pour une dépense extraordinaire, non moins inconnue, il était donc indispensable de soumettre à un système régulier leur émission graduelle.
La dépense extraordinaire était forcée; une économie sévère pouvait la restreindre : mais, dans l'impossibilité absolue de la suspendre, ou d'y pourvoir autrement qu'avec de nouveau papier-monnaie, c'était dans l'ordre des remboursements de la dette liquidée, qu'il fallait chercher le moyen de combiner les émissions et les extinctions d'assignats.
Il ne fallait pas laisser les titulaires de charges supprimées, et un grand nombre d'autres créanciers, se persuader qu'on leur devait, non une prompte liquidation et les intérêts du retard, mais un payement actuel. En effet, dans la plus rigoureuse justice, toute dette qui n'était contractée que par l'indemnité d'une suppression exigée, soit pour compléter la destruction d'un abus, soit pour perfectionner le système de l'ordre social, ne pouvait être regardée comme dette exigible; autrement, toute nation qui n'aurait ni biens territoriaux à vendre ni le crédit d'emprunter de très grosses sommes, serait condamnée à conserver les abus qui la dévorent. Plus ces abus seraient grands, plus leur perpétuité se trouverait assurée.
D'ailleurs, on avait permis de ne payer que 22 0/0 de la plus grande partie des biens nationaux ; on exigeait un quart seulement pour le reste, et on laissait 12 ans pour achever les payé-ments; les reventes étaient exemptées pendant 3 ans de toute espèce de droits; il était donc évident que beaucoup de capitalistes, de citoyens des départements, de fermiers de biens mis en vente, achèteraient à crédit; qu'ainsi les rentrées seraient fort au-dessous du produit réel des aliénations. Le désir de se défaire des assignats pouvait exciter à acheter de plus fortes parties, a payer plus cher, mais non a payer la totalité : car, après tout, si le crédit se rétablit, celui qui a employé ses assignats dans le commerce ou la banque, les retrouve augmentés de valeur; si les assignats, au contraire, continuent de perdre, il lui est aisé de s'en procurer pour acquitter ses
domaines, même à meilleur marché. Dans toutes les hypothèses, il y avait donc de l'avantage à profiter des facilités accordées par la loi, ne fût-ce que pour améliorer ses acquisitions par des reventes partielles ; et en général, on aime mieux, dans un moment d'inquiétude, être débiteur que créancier de la nation.
Aussi dans le fait, sur 1528 millions de biens vendus, il n'est rentré que 370 millions d'assignats (1).
U est donc évident que l'on a commis une erreur, en n'assujettissant pas leur émission à une règle plus sévère. Mais quelle a été la cause de cette erreur? C'est qu'on a voulu fonder sur les biens nationaux une double hypothèque, celle de la dette non liquidée et celle des assignats.
On n'a point dit : on mettra des assignats jusqu'à concurrence des valeurs affectées à leur extinction ; on a fait entendre qu'on en mettrait à proportion, non seulement de la dépense nécessaire, mais de la valeur de toute la dette. On a effrayé sur leur solidité, même lorsque leur gage était encore à peine entamé.
Ainsi cette confusion, premier principe de l'augmentation de la masse des assignats, a été aussi la première cause du défaut de confiance.
11 faut donc d'abord détruire cette confusion ; donner aux assignats une hypothèque bien clairement distincte; leur affecter une portion de biens nationaux irrévocablement separée, ne les employer à payer que la partie de la dette qu'il est rigoureusement indispensable d'acquitter, et hypothéquer le reste sur les portions des biens nationaux, dont la vente n'est pas encore décrétée en prenant ensuite des mesures pour en accélérer les aliénations dont le prodqit présumé servirait à régler l'ordre des remboursements. Après cette première opération, nécessaire, indispensable, si l'on ne veut pas voir la confiance s'altérer de plus en plus, il ifaut chercher à diminuer l'augmentation de la masse des assignats, causée par le retard des rentrées.
Le premier moyen est la vente des obligations des particuliers; ces obligations ont: ï° une hypothèque spéciale, avec privilège, sur un bien dont une partie du prix est acquittée ; 2° une hypothèque ordinaire sur tous les biens de l'acquéreur ; 3° la garantie de la foi publique.
Il est difficile de-trouver des effets plus solides. Mais ces hypothèques sont dispersées sur un grand nombre d'individus, et déportions de biens répandues dans les divers districts; les remboursements sont libres ét non à termes fixes ; ils peuvent être faits ou chez le receveur du district, ou à la caisse de l'extraordinaire; la foi publique ne permet pas d'altérer les conditions premières de l'aliénation, et ces diverses circonstances obligent à établir un ordre particulier pour la vente de ces obligations.
D'ailleurs, il ne serait pas nécessaire de trouver des acheteurs pour la totalité ou la presque to-' talité de ces obligations ; que cette vente s'élève assez haut pour maintenir la masse des assignats en circulation, telle qu'elle est aujourd'hui etl'em-pêcher d'augmenter malgré de nouvelles émissions, la circulation s'élèvera peu à peu au même niveau, et les prix reprendront leur équilibre.
On pourrait employer encore un autre moyen
Qu'il me soit permis de m'arrêter ici un moment sur l'utilité politique de ces établissements.
Dans une nation qui occupe un grand territoire, où la population est nombreuse, où l'industrie a fait assez de progrès pour que, non seulement chaque art, mais presque chaque partie des différents arts soit la profession exclusive d'un individu, il est impossible que le produit net des terres, ou le revenu des capitaux, suffise à la nourriture et à l'entretien ae la presquè totalité des citoyens, et que le salaire ae leurs soins et.de leur travail ne soit pour eux qu'une sorte de superflu. U est donc inévitable qu'un grand nombre d'hommes n'aient que des res-r sources non seulement viagères, mais même bornées au temps pendant lequel ils sont capables de travail; et cette nécessité entraîne celle de faire des épargnes, soit pour leur famille s'ils meurent dans la jeunesse, soit pour eux-mêmes, s'ils atteignent à un âge avancé.
Toute grande société riche renfermera donc un grand nombre de pauvres; elle sera donc malheureuse et corrompue, s'il n'existe pas des moyens de placer avantageusement les petites épargnes et presque les épargnes journalières.
Si, au contraire, ces moyens peuvent devenir presque généraux, les nécessiteux seront en petit nombre ; la bienfaisance n'étant plus qu'un plaisir, la pauvreté cessera d'être humiliante et corruptrice ; et si on a une Constitution bien combinée, de sages lois, une administration raisonnable, on pourra voir enfin -sur cette terre, livrée si longtemps à l'inégalité et à la misère, une société qui aura pour but et pour effet le bonheur de la plurarité de ses membres.
En même temps que ces établissements offriraient des secours et des ressources à la partie pauvre de la société; qu'ils empêcheraient la ruine des familles qui subsistent du revenu attaché à la vie de leur chef; qu'ils augmenteraient le nombre de celles dont le sort est assuré; qu'ils concilieraient la stabilité des fortunes avec les variations qui sont la suite nécessaire du développement ae l'industrie et du commerce, et conduiraient à établir ce qui n'a jamais existé nulle part, une nation riche, active, nombreuse, sans l'existence d'une classe pauvre et corrompue; ils serviraient dans le moment actuel à diminuer la masse des papiers. On pourrait y admettre aussi, comptant, une partie ae la dette à liquider, ce qui serait alors un moyen d'accélérer les remboursements de la partie la plus sacrée de cette dette, de celle qui appartient à la partie pauvre du peuple.
Après avoir fixé et séparé la portion des biens nationaux destinée à l'extinction des assignats, après avoir accéléré cette extinction par les moyens qui viennent d'être proposés, on hypothéquerait, au reste de la dette liquidée, la partie des biens nationaux réservés que la nécessité de sauver la chose publique n'aurait pas destinée à des emplois plus sacrés; car nous indiquerons bientôt une autre réserve nécessaire. Cette hypothèque serait formée ensuite du produit, plus considérable qu'on ne croit, des droits que la nation peut réclamer sur les domaines aliénés, des créances du Trésor public sur les particuliers, des domaines incorporels, enfin des forêts nationales.
Je n'entreprendrai point de traiter ici cette
grande question de l'aliénation de ces forêts. S'il était prouvé que le prompt acquittement de la totalité de la dette liquidée, est rigoureusement nécessaire; si la vente de ces forêts était le seul moyen d'acquitter cette dette sans discréditer le papier national par une émission trop abondante, alors sans doute il ne faudrait pas hésiter entre le salut public et les inconvénients qu'on croit voir dans cette aliénation. A-t-on d'ailleurs assez examiné si dans le mode de ces ventes, si dans quelques dispositions que la justice même peu-t demander en faveur de ce genre de propriétés, il n'y aurait pas des moyens ae prévenir ces inconvénients plus sûrement encore que par une conservation ruineuse pour la fortune publique, favorable à tout système de corruption, et dangereuse pour la liberté même?
Quelques personnes ont paru regarder comme indifférente, et presque comme utile, l'augmentation de la masse des assignats; mais elles n'ont pas songé que du moment où cette somme excéderait la valeur des biens dont la vente, doit les éteindre, ces papiers changeraient absolument de nature, et ne seraient plus qu'un papier-monnaie ordinaire; qu'alors une augmentation dans les prix toujours croissante deviendrait une conséquence nécessaire de cette multiplication d'un papier-monnaie dont l'extinction ne serait plus assurée; que ce haussement dans le prix ne s'étendrait pas proportionnellement sur tous les objets ; qu'il serait accompagné de variations fréquentes ; que cependant tous les revenus exprimés en livres nominales resteraient les mêmes; que de ces circonstances combinées résulterait infailliblement un déplacement de fortunes qui entraînerait après lui des changements, des incertitudes dans les moyens de subsister, toujours contraires au honneur du peuple et à la tranquillité publique; que les mouvements dans les prix seraient alors livrés à l'opinion, aux événements divers; que cet ordre de choses, qui pourrait se soutenir dans un pays isolé et paisible, serait dangereux pour une nation encore agitée, et entourée d'ennemis.
L'idée de voir, par ce moyen, une circulation toujours croissante animer le commerce et l'industrie, ne sèrait qu'une chimère dont l'expérience aurait bientôt détrompé. En accélérant trop rapidement le payement des créanciers, on serait donc injuste envers ceux qui ne recevraient pas leurs remboursements les premiers, puisque par l'effet de la dépréciation de la monnaie employée dans le payement, on leur donnerait moins qu'on ne leur doit; puisque pour des sommes nominativement égales à celles que les premiers auraient reçues, ils recevraient des valeurs réellement plus faibles. Un ordre dans les remboursements obligerait d'en mettre dans les liquidations ; et pour la masse générale des créanciers un tel ordre n'est-il pas préférable à un payement immédiat, mais dépendant de liquidations incertaines et arbitraires quant à leurs époques?
D'ailleurs, à moins qu'on ne regarde comme utile, comme bonne en elle-même, la multiplication indéfinie du papier-monnaie; à moins qu'on ne croie qu'il n'existe pas un terme où elle devienne nuisible, la prudence exige de réserver cette ressource pour les besoins extraordinaires, au lieu de la prodiguer, de rester maîtres des opérations, et non de les abandonner au hasard. Ainsi, quelque opinion que l'on embrasse sur les bornes des émissions de
papier-monnaie, il est également évident et qu on doit toujours se conserver la faculté d'en poser les bornes, de les resserrer ou de les étendre, et qu'il n'est pas moins nécessaire de conserver aux assignats leur caractère distinctif, c'est-à-dire l'assurance qu'ils s'éteindront graduellement par la vente des biens nationaux : d'où résulte, et la nécessité d'employer tous les moyens de réduire la masse des assignats, et celle de consacrer spécialement à leur Extinction une partie déterminée des domaines de la nation.
Je passe maintenant à l'examen des moyens de diminuer la disproportion entre l'argent et les assignats, ou d'en rendre les inconvénients moins sensibles. Je proposerais d'abord l'établissement de payement par registre.
Cet usage est établi à la banque d'Angleterre pour les parties non échues de la dette publique, en Hollande pour les sommes déposées à la banque. Le propriétaire d'une valeur quelconque se fait écrire pour cette valeur ; s'il en veut transporter une partie à un autre, on écrit sur le même registre qu'il a retiré cette somme pour l'inscriré sous le nom de celui à qui elle est transportée. On aurait le droit de redemander à volonté les valeurs que l'on aurait déposées.
A Londres, lès feuilles formées chaque jour sont inscrites sur ce registre, et transportées ensuite à la Tour, afin que les propriétaires aient un double titre, et que leur sûreté soit entière. On pourrait, pour un établissement plus général, avoir ici deux registres outre les feuilles originales, ce qui augmenterait la sûreté.
Par ce moyen on est à l'abri du vol et de l'incendie, on n a point à craindre les faux billets ; car, lors même que pour son usage on retire une portion de ce qu'on a déposé, on est sûr de ne recevoir d'une caisse que des effets dont la bonté est certaine. Il faudrait même, pour augmenter cette certitude, que les assignats déposés fussent brûlés, et les sommes qu'on redemanderait acquittées en assignats nouveaux. Ainsi comme la crainte des faux assignats est un des motifè qui altèrent la confiance, cet établissement servirait encore à la ranimer.
Enfin, comme on peut transporter toute espèce de fraction de somme, quelle que soit la nature des assignats déposés, on voit que l'on est dispensé de tous les soins nécessaires pour se procurer des appoints.
Si l'on formait de pareilles caisses dans les grandes viUes de commerce, il serait facile d'établir une correspondance entre leurs registres et ceux de la caisse de Paris; et dès lors on éviterait aux particuliers les frais et les dangers des transports; on diminuerait même ceux qui sont nécessaires pour le service public.
Ainsi, dans plusieurs des points sur lesquels les papiers les plus sûrs ont quelque infériorité sur l'argent monnaie, on parviendrait, non seulement à la détruire, mais à donner à ces papiers plusieurs avantages sur l'argent même.
On peut transporteries sommes qu'on a dépor sées, d'une manière simple, commode et absolu^ ment sûre ; il suffirait d'appliquer à cet établissement public ce que l'on fait à la caisse d'escompte pour les payements par registre, qui y sont en usage depuis longtemps.
Je proposerai ensuite l'établissement d'échanges à bureau ouvert, d'assignats plus forts jus- qu'à une certaine valeur, contre ceux de 10 sols ; de ceux de 10 sols, en monnaie de cuivre ou de métal de cloche.
Quelque utile que soit une distribution proportionnelle entre les départements, les échanges à bureau ouvert ont de plus l'avantage d'offrir l'assurance d'y trouver ce dont on aurait nécessairement besoin; assurance qui dispense des précautions, et qui facilite les échanges particuliers.
Comme la loi de l'égalité oblige de n'échanger à chaque porteur qu'un billet à la fois, on voit que ces bureaux pourraient être ouverts en assez grand nofbbre pour être très utiles, sans consommer cependant une grande somme de monnaie.
L'établissement de ces bureaux d'échange a un autre avantage qu'il ne faut pas perdre de vue. Un de vos comités a proposé de réduire à un moindre nombre les coupures d'assignats, d'échanger à bureau ouvert celles des coupures qui seraient supprimées; et au bout d'un certain terme, de déclarer que, toujours reçues dans les caisses publiques, toujours échangeables contre des assignats-monnaie, ces assignats supprimés ne seraient plus reçus que librement dans le commerce; qu'ils seraient billets de banque réalisables en monnaie nationale, et non plus assignats-monnaie. Or, par ce moyen, aussi simple qu'ingénieux, vous pouvez réunir l'avantage de conserver autant de papier qu'il peut être utile d'en avoir-dans la circulation; et cependant ne jamais les porter au delà du gage qui leur doit être spécialement affecté, et préparer l'ordre constant et habituel par lequel doivent être remplacées les mesures qui ont marqué le passage ae la servitude à la liberté.
Puisque par l'un de ces établissements la crainte (les faux assignats, des dangers auxquels ces papiers sont exposés, n'existerait plus pour ceux qui y déposeraient des valeurs ; puisqu'au moyen e l'autre le besoin d'argent monnayé ne subsisterait plus pour aucun des usages communs, la disproportion de valeur entre l'argent et les assignats devrait nécessairement diminuer.
Mais, comme le Trésor public a besoin de monnaies métalliques, surtout si la guerre a lieu; comme la possibilité prouvée de s'en procurer sans de trop grands sacrifices, serait même le moyen le plus sûr de conserver la paix, ou de diminuer le nombre de nos ennemis, il faut chercher d'autres ressources. Les achats faits pour les dépenses nationales sont une des premières causes du haut prix de l'argent; et les établissements dont on vient de parler, très utiles pour diminuer le besoin que les particuliers ont d'argent monnayé, ne serviraient que faiblement le Trésor public.
Avant d'examiner ceux que l'on peut proposer, il faut d'abord réduire à sa juste valeur la répugnance très raisonnable en elle-même pour toute opération par laquelle la puissance publique reconnaîtrait une différence entre l'assignat et l'argent.
Quand la loi a dit que l'assignat de 300 livres équivalait à 50 écus ae six livres, elle a entendu seulement ce qu'elle entendait lorsqu'elle a dit qu'un louis valait quatre de ces écus : c'est-à-ire, que dans toutes les conventions ils pouvaient être donnés et devaient être reçus indifféremment. Mais elle n'a pas entendu que l'assignat de 300 livres et les 50 écus, le louis et les quatre écus, étaient tellement une seule et même chose que personne ne pût préférer l'un à l'autre.
Cette préférence peut même exister alternati-en faveur de l'une et de l'autre des deux vement valeurs égales.
Ainsi, par exemple, si le papier était très rare, on pourrait le préférer à l'argent. On préfère le louis aux quatre écus si on doit voyager, et les quatre écus au louis si on a des payements de détail à faire. Si les motifs de cette préférence sont assez forts, et s'ils agissent dans un même sens sur un grand nombre d'individus, on finit par paver le prix de l'échange; mais cela ne nuit pas à l'égalité légale des valeurs. Une guinée n'en a pas moins un rapport constant avec le louis de France, quoique, suivant le prix du change, il faille à Londres un nombre plus ou moins grand de guinées pour payer une dette de cent louis de France. La différence entre l'argent et l'assignat est précisément de la même nature que celle qui est produite par l'état du change entre les monnaies qui seraient au pair.
Ainsi, acheter de 1 argent pour le Trésor public au-dessous du pair parce que l'on a besoin d'argent en nature, ce n'est pas altérer l'égalité de valeur établie par la loi, reconnaître une inégalité qu'elle a proscrite, c'est en admettre une autre sur laquelle la loi n'a pas d'empire, parce qu'elle ne peut statuer que deux choses différentes soient les mêmes ; qu'une monnaie, par exemple, qui pèse moins, ne soit pas plus facile à transporter; que le papier ne se détruise pas plus aisément qu'un morceau de métal ; qu'un effet national ait cours dans le pays étranger.
Ainsi, toute opération publique, qui aurait pour motif la nécessité d'un emploi pour lequel les différences naturelles ou physiques d'une monnaie de papier et d'une monnaie d'argent ne peuvent s'évanouir, ne nuirait pas à l'égalité légale reconnue entre ces valeurs.
C'est d'après ces principes qu'il faut d'abord examiner les moyens auxquels on peut àvoir recours.
Il s'en présente de deux espèces; on peut chercher à diminuer le besoin d argent; on peut chercher à s'en procurer à un moindre prix.
La dépense de l'armée est jusqu'ici une des principales causes du besoin d argent monnayé.
Quand tous les autres salaires sont payés en assignats, il ne peut y avoir que deux motifs légitimes d'exception; l'un est la difficulté de les employer aux petits échanges; ainsi, tant qu'il n'existe pas d'assignats au-dessous de cinq livres, ce n'est pas mettre une différence de valeur entre les assignats et l'argent que de payer en monnaie métallique, ceux dont les faibles salaires doivent être partagés ou employés en très petites portions, et ne pourraient supporter la perte des échanges. Ge motif cessera lorsque l'émission des assignats de dix sous, et la distribution de monnaie de cuivre à bureau ouvert, rendra inutile le secours des monnaies métalliques. Le second motif serait la nécessité d'acheter dans un pays où les assignats n'ont point cours. Mais ce motif doit-il s'étendre jusqu'à payer encore en argent, lorsqu'on n'achète pas immédiatement dans ces pays, mais seulement de fournisseurs qui en ont tiré leurs denrées? Je ne le crois pas. Deux causes peuvent contribuer à la sortie de l'argent, l'une est la nécessité du commerce avec l'étranger, et rien ne peut s'opposer à cette cause naturelle ; l'autre est le commerce même d'argent, lorsqu'il peut se faire avec profit: or, il peut se faire avec profit sur nos frontières, parce que nos émigrés ont des assignats à changer ; d'où il résulte que toute masse d'argent portée aux frontières sans nécessité pour un service public, est un moyen
de plus d'en augmenter la rareté et le prix.
Il faut donc à cet égard chercher d'autres remèdes, et ne pas perdre de vue que dans le moment où l'on doit espérer de voir la monnaie métallique devenir presque inutile pour les particuliers, où la suspension des revenus des émigrés doit encore en diminuer les achats, où les thésaurisations particulières doivent se ralentir, il est très important de ne pas laisser aux spéculateurs la ressource des besoins du Trésor public.
Jé passe aux moyens de se procurer, à un moindre prix, l'argent indispensablement nécessaire. Celui que je préférerais est un emprunt en matières d'or et d argent, remboursable par la vente d'une portion distincte et déterminée de biens nationaux.
On donnera pour gage une masse détachée de biens ruraux estimés au denier dix-huit; d'usines ou maisons, estimées au denier quinze; cette masse serait égale à la valeur des sommes prêtées.
Il faudrait que les prêteurs formassent une compagnie, afin qu'ils pussent suivre l'ordre des ventes dans les divers districts.
On fixerait un intérêt et des époques graduelles de remboursements; l'ordre des ventes et des payements seraient réglé d'après ces époques.
On attribuerait aux prêteurs une portion dans la crue des ventes, au-dessus de l'estimation dont on fixerait les règles, estimation qu'il ne faut pas confondre avec le denier d'après lequel on a calculé la valeur de l'hypothèque; car il faut que celle-ci reste encore plus que suffisante, quelque dégradation que l'on puisse avoir à craindre dans une partie des biens.
La compagnie, et dès lors ses membres, pourraient enchérir, et par conséquent recevoir réellement leur remboursement en terres. On prolongerait pour cet effet jusqu'à un au ou deux ans après le terme du remboursement total, la faculté de revendre sans payer les droits d'enregistrement, etc.
On laisserait une certaine latitude dans l'ordre des ventes, pour que la compagnie pût chaque année en accélérer ou en retarder le progrès.
Les particuliers qui voudraient acheter, traiteraient avec les seuls districts, et n'auraient rien de commun avec la compagnie des prêteurs; les conditions seraient fixées par la loi, elles se rapprocheraient de celles qui existent pour les autres biens, à l'exception seulement que les annuités seraient remboursables à des époques rigoureusement fixes, parce qu'autrement, la compagnie des prêteurs serait sans cesse obligée à des revirements de parties, et que d'ailleurs elle ne pourrait traiter avec sûreté, si dans un moment de discrédit du papier-monnaie, ses débiteurs pouvaient l'accabler de remboursements. Gomme la masse des biens destinés à cette emploi, une fois déterminée, on ne les v affecterait cependant qu'à mesure des demandes; le plus ou le moins de succès de cette opération, ne pourrait produire aucun effet nuisible, ni empêcher le succès d'aucun autre moyen.
Que ce mot de compagnie n'effraye point; il serait à désirer qu'une grande partie des fonds fournis par des étrangers, pût diminuer, ou du moins arrêter la baisse exagérée des changes; et il faut bien que ces étrangers aient des agents qui les représentent.
D'ailleurs, aucune grande opération de finance ne se fait en Europe par des hommes isolés; et il ne faut pas juger ces associations librement for-
mées sous un régime libre, comme ces anciennes compagnies, sur la formation, sur l'administration desquelles l'intrigue du Gouvernement exerçait une influence dangereuse.
On faciliterait le succès de cette opération en permettant les conventions où l'on stipulerait les payements en matières d'or et d'argent; et on doit les autoriser d'abord, parce que ces métaux ayant dans le marché général de l'Europe une valeur très peu variable, toute stipulation où l'on vend métal pour métal, porte un caractère de fixité et de précision, qu'aucune autre nature de condition ne peut atteindre; ensuite, parce qu'il doit être libre à celui qui donne une chose quelconque, de stipuler qu'on lui rendra une autre chose quelconque; enfin, parce que cette liberté existant de fait pour les spéculateurs, il ne peut qu'être utile ae l'étendre à tous les citoyens.
Mais l'accélération du payement de l'impôt peut seul assurer la réussite de quelque opération que ce soit; et le véritable moyen d'y parvenir est de bien convaincre les citoyens, que du prompt payement des contributions, dépend le salut publie; que la conservation des avantages qu'ils ont obtenus par la Révolution, est attachée à l'exactitude avec laquelle ils rempliront Ce devoir; que s'ils le négligent, les abus détruits depuis deux années, ou renaîtront, ou seront remplacés par d'autres plus difficiles à déraciner. En effet, il est évident qu'en vain présenterions-nous un milliard, ou même plus d'un milliard d'excédent entre nos ressources et les besoins ou les dettes, la confiance ne peut renaître, si l'on n'a pas la certitude d'avoir dans le payement des impositions un moyen annuel de subvenir aux dépenses.
Tel est le véritable mal de notre position : tant que les impôts ne suffiront pas aux dépenses ordinaires, tant qu'on payera une partie de ces dépenses en assignats nouveaux, on verra toujours un terme après lequel les ressources en capitaux seront épuisées. Cependant il ne faut ici rien exagérer; si les rentrées des impositions; si seulement l'état des rôlès en mars, en avril, en mai était tel, que l'on puisse juger avec une sorte de certitude, que 1 année 1793 produira rigoureusement une somme égale à la somme imposée, on verra bientôt le crédit se rétablir. Car personne n'a jamais pensé que dans la première année, le recouvrement dût être complet et régulier; mais on espérait, et on avait droit d'espérer que cette première année annoncerait que, pour la suivante, on attendrait le terme désiré.
Tel est le véritable but auquel il faut tendre, en se défendant également et dev la confiance exagérée des amis plus ardents qu'éclairés de la chose publique, et de la terreur hypocrite des ennemis de la liberté ou des hommes intéressés au désordré.
Presser la confection, l'exécution des rôles, en réparer le défaut par des demandes d'acompte, tels sont les seuls moyens directs que nous pouvons employer.
Il en est un autre dont il faut presser l'effet, c'est l'extinction des billets des caisses particulières. Les receveurs exigent pour ces billets la garantie des collecteurs ; on ne pouvait négliger cette précaution sans exposer la fortune publique, et il est aisé de sentir jusqu'à quel point elle peut retarder la rentrée îles impositions.
Je proposerais ensuite que l'Asemblée nationale choisit parmi les membres de l'Assemblée
constituante, qui ont le plus conservé la confiance du peuple, qui se sont occupés dans cette Assemblée des questions relatives a l'impôt, qui ont concouru au travail de son établissement, un petit nombre de commissaires qui, parcourant les départements, en commençant par ceux où cet établissement éprouve plus de difficultés, puissent diriger les opérations, résoudre les objections, chercher et indiquer les moyens de lever les obstacles.
Je dis des membres de l'Assemblée constituante; car où trouver ailleurs aujourd'hui des hommes connus de la France entière, des hommes que l'on puisse présenter à la confiance de toute la nation; et en nommant ces commissaires, Messieurs, vous ne feriez qu'appliquer une loi antérieure; car celle du 20 décembre 1790 portant institution des corps administratifs, prononce que la répartition des contributions directes se fera sous l'inspection immédiate du Corps législatif.
Mais c'est dans la force de l'esprit public qu'il faut placer nos plus fermes espérances. Que les sociétés populaires, bien convaincues de la liaison intime et nécessaire du payement des contributions et du maintien de la liberté, continuent de faire à leurs membres un devoir d'acquitter régulièrement leurs impôts; qu'elles donnent cet exemple à toutes les réunions d'hommes, volontaires ou légales ; qu'elles excitent, qu'elles récompensent par leur estime les travaux de détail entrepris dans les diverses parties du royaume, pour faciliter, la composition des rôles, pour aider les municipalités dans leurs travaux, etc., et elles acquerront de nouveaux titres à la reconnaissance de la nation.
Entre la négation absolue d'esprit public qui existait sous l'ancien régime, où ceux qui s'avisaient d'en laisser apercevoir quelques étincelles, étaient regardés, les uns comme des têtes exaltées, les autrés comme des rêveurs imbéciles, et le moment, où les citoyens en seront individuellement animés, il a fallu chercher des moyens d'exciter cet esprit public, de le conserver, de le diriger; et les sociétés populaires ont été, elles sont encore cet intermédiaire indispensable.
Qu'on ne s'étonne donc point de voir compter ces premiers foyers de notre esprit public au nombre des moyens d'accélérer le payement des impôts! peut-on ignorer encore que, chez toutes les nations qui ne sont point avilies par l'esclavage, le succès de la levée des impositions a toujours été gradué sur le plus ou moins d'énergie du patriotisme, et que, chez un peuple libre, la plus grande force des lois est dans la volonté même de ceux qui doivent y obéir? Que votre opinion sur la nécessité de payer promptement les contributions devienne celle des citoyens les plus occupés des intérêts publics; que nos inquiétudes pour le salut de la patrie, se communiquent à eux, et bientôt leur zèle les aura dissipées.
La fixation des dépenses doit être comptée à la fois, et parmi les moyens d'assurer le payement ae l'impôt, et parmi ceux de relever le crédit. Dans une Constitution libre, les deux secrets les plus sûrs, pour faire payer les contributions, sont de prouver aux individus que les taxes sont réparties avec une exacte et impartiale égalité, au peuple que le produit de ces taxes est employé d'une manière utile pour lui. Aucune loi coactive n'aura jamais sur des hommes libres l'effet de cette persuasion.
Que le travail sur la dépense publique annonce donc! un esprit non de parcimonie, mais d'économie éclairée, de celle qui tend à faire le mieux possible avec le moins de frais, qui ne cherche pas à diminuer la dépense, mais à comparer pour chaque partie, pour chaque degré de cette dépense, l'avantage que les citoyens en retirent, et la perte que cette même dépense leur fait éprouver. Car, dans celle dont l'objet est le plus nécessaire, il y a un point où elle cesse d'équivaloir au fort qu'elle produit. Plus elle augmente, plus ce mal s'accroît dans une progression effrayante, et plus aussi l'utilité diminue, et la véritable économie consiste à saisir pour chaque objet le point précis où l'utilité cesse d'être réelle, parce qu elle est plus que compensée par le poids de l'imposition qu'elle nécessite.
La Constitution a déterminé que la dépense serait fixée chaque année ; mais cette loi sage en elle-même n empêche pas la raison de juger quelles sont les dépenses qui doivent être renouvelées, qui sont, à quelques changements près, toujours également nécessaires, toujours à peu près les mêmes, et quelles sont les dépenses particulières à l'année courante, nécessitées seulement par les circonstances, ii faut donc, même en n'établissant les dépenses que pour année, en séparer exactement ces deux classes.
Alors, d'un côté, l'économie excitera la confiance ; de l'autre, on pourra juger si le produit des impôts suffit ou non à des dépenses qui devant se renouveler chaque année, ne peuvent jamais être acquittées par des moyens extraordinaires, et le crédit pourra s'appuyer sur une base vraiment solide.
Mai3 il ne faut pas se le dissimuler, tant que l'on verra le Trésor public dans la dépendance du ministère, ou prêt à y retomber, on se flatterait encore en vain d'obtenir cette confiance qui s'appuie sur l'ordre, sur la probité de l'Administration.
L'indépendance absolue du Trésor public, de toute influence du Pouvoir exécutif, est, pour tout homme qui a réfléchi, un élément nécessaire de toute Constitution libre, qu'on veut préserver de la corruption et du désordre.
Or, cette indépendance n'existe pas en France, puisque les commissaires de la Trésorerie et les membres du bureau de comptabilité sont nommés encore par le roi, puisque, d'après la loi pour le bureau de comptabilité, ses membres ne sont destituables qu'avec le consentement du roi. Si cependant on lit la loi d'organisation de la Trésorerie nationale, on voit que les commissaires ont le droit et l'obligation : 1® d'exiger des ministres la citation du décret qui ordonne chaque dépense, et par conséquent d'examiner la dépense avec le décret;
2° De n'accorder que jusqu'à concurrence des sommes fixées pour chaque dépense: ce qui assure au pouvoir législatif les moyens de prévenir les abus, en formant des états de dépenses détaillés et précis, qui ne permettent pas d'en changer arbitrairement les dispositions ;
3° D'exiger que l'ordonnance du ministre porte l'objet particulier de la dépense, et même le nom de la partie prenante, ce qui est nécessaire pour éviter les distractions momentanées de fonds.
Ainsi les commissaires de la Trésorerie, qui ne sont ordonnateurs de dépenses pour aucune partie, qui ne reçoivent que des fonctionnaires élus par le peuple, le montant des impositions, sont d'un coté les censeurs des dépenses que le Pouvoir exécutif est chargé de faire; de l'autre,
ils sont encore les surveillants de la négligence que ses agents immédiats pourraient laisser ^introduire dans la perception; et l'on doit s'étonner, sans doute, que l'on ait trouvé des hommes assez habiles pour découvrir que la nomination des surveillants doive appartenir à celui qui est seul intéressé à rendre la surveillance illusoire.
11 y a plus, les commissaires de la Trésorerie ne sont pas des ministres assistant au Conseil, travaillant avec le roi; il ne faut pas les assimiler à un ministre des finances qui aurait sinon la volonté, du moins le pouvoir de défendre le Trésor publie contre les déprédateurs, auprès du chef commun : ils ne seraient pas même les hommes du roi, ils seraient les créatures des ministres.
Les membres du bureau de comptabilité ont une double fonction : ils sont juges de la validité des pièces qui forment les comptes, et de plus, ils sont les censeurs de la manière dont on a suivi les règles établies par la loi, dans la recette comme dans la dépense ; les faire encore choisir par le pouvoir exécutif, c'est vouloir que non seulement ceux qui sont chargés de forcer les ministres à se conformer à la loi, mais ceux même qui doivent juger si ces premiers défenseurs des intérêts du peuple ont rempli leur mission, soient nommés d'après des intentions presqu'infailliblement contraires à celles qui devraient diriger ces choix. On sait combien peu en ce genre on peut compter sur une responsabilité si difficile à exercer, ou sur une surveillance insuffisante, si elle n'est pas journalière, et qui cependant ne peut l'être sans entraver toutes les opérations.
Il faut donc ou qu'une élection nationale choisisse ces agents publics, ou abandonner le Trésor au peuple, à la prodigalité ministérielle, ouvrir une source nouvelle de corruption, et se résoudre à ne voir jamais renaître la confiance.
Si, en Angleterre, elle a subsisté longtemps, quoique le Trésor public y soit administré par des agents ministériels, c'est que cette confiance, née dans un moment où les engagements de l'Etat n'avaient aucune proportion avec ses ressources, a continué d'exister en vertu d'une impulsion première; c'est que rien n'y présage, n'y fait craindre la destruction d'une machine depuis longtemps en activité, tandis qu'en France c'est au moment même où une nouvelle machine s'organise, où l'on n'a pu encore en observer le mouvement, qu'il s'agit de créer une confiance nouvelle.
Je sens tout ce que l'existence d'une élection nationale, quelle qu'en puisse être la forme, a d'effrayant pour des esprits serviles, tout ce qu'elle ôterait d'espoir à ceux qui n'ont vu dans la Révolution que l'établissement d'un système corrupteur, utile à leur fortune; mais je sais aussi quels obstacles invincibles ce genre d'élection, une fois établi même pour une seule place, oppose au retour du despotisme.. Je sais qu il est rigoureusement nécessaire au maintien de la liberté, et je n'ai pas cru le devoir dissimuler aux dignes représentants d'une nation qui veut être libre.
Qui ne voit, en effet, que la possibilité de confier à des élus du peuple de nouvelles fonctions, devenues nécessaires par les circonstances, est un des moyens les plus sûrs de prévenir les projets contre la liberté, de rendre inutiles les ruses de ses ennemis? Et par quelle coupable pusillanimité, lorsque tout nous parle de nos
dangers, n'oserions-nous en laisser entrevoir le remède, et rejetterions-nous le seul qui puisse détruire un mal présent, sous prétexte qu'il servirait peut-être à guérir une partie de ceux qu'un avenir orageux peut nous cacher?
Non, ou le Trésor public sera indépendant, ou la confiance fuira loin de nous ; et c'est là que nous allons être enfin à portée de juger des intentions qui trop longtemps sont restées incertaines.
Je viens de tracer le tableau des opérations que je crois utiles au rétablissement des finances : cnacune d'elles sera faible, si elle est seule ; toutes sont nécessaires, èt leur réunion peut sauver la chose publique.
Etablir des échanges à bureau ouvert; créer des bureaux de payements par registre ; séparer une masse de biens nationaux d'environ 2 milliards, destinés dès ce moment à la seule extinction des assignats ; en former une autre consacrée à un emprunt en métaux; offrir aux restes de la dette liquidée, sur les forêts nationales, sur les produits des domaines aliénés, une hypothèque certaine, et une assurance de remboursement, ou bien y employer immédiatement la vente de ces forêts ; accélérer la rentrée du produit des ventes, et diminuer la masse des assignats par l'aliénation des obligations contractées par les particuliers; créer une caisse publique pour y placer les épargnes des citoyens pauvres; accélérer la rentrée de l'impôt, en excitant le zèle des sociétés patriotiques, au lieu de chercher, par de vains reproches, à l'égarer et à l'étouffer ; employer, pour presser la confection des rôles, le zèle des membres de l'Assemblée constituante, dont le patriotisme et les lumières nous offrent une ressource; offrir à la confiance publique le tableau consolant d'un ordre de dépenses clair, à l'abri des abus, dicté par uife sage économie ; assurer l'indépendance absolue du Trésor public de tout pouvoir qui n'émane pas de la volonté nationale : tels sont ces moyens.
Plusieurs ont été déjà présentés à l'Assemblée ; quelques autres ont été proposés par M. Glavière : je n'ai cherché ici qu'à faire voir le bien qui résulterait de leur ensemble.
Mais parmi ces moyens, qui tous appartiennent au système des finances, ceux qui peuvent agir sur l'opinion, ne seront pas les moins efficaces. Si la crainte, si les calculs de l'intérêt personnel conduisent les peuples esclaves ; l'homme libre agit d'après sa raison et son patriotisme; il se plaît à unir sa fortune à la fortune nationale, quand celle-ci appartient vraiment au peuple; il ne sépare point l'une de l'autre, parce qu'il ne sépare point son bonheur de la prospérité de sa patrie.
Projet de décret.
« Art. 1er. L'Assemblée nationale charge son
comité des assignats et monnaies de lui proposer un projet
d'établissement d'échanges, à bureau ouvert, d'assignats contre
assignats, et d'assignats de dix sous, contre la monnaie de cuivre ou de
métal de cloches.
« Art. 2. Elle charge son comité de l'ordinaire des finances de lui présenter le plan d'un établissement public de payement par registres, à Paris et dans les principales villes commerçantes.
« Art. 3. Les comités de l'ordinaire des finances et des secours publics présenteront le plan d'une
caisse d'accumulation, pour y placer lès plus petites épargnes des citoyens, et leur assurer par ce moyen, des secours pour leur vieillesse, ou des ressources pour leur famille.
« Art. 4. La masse totale des biens nationaux sera partagée en trois portions distinctes : l'une affectée spécialement à l'extinction des assignats émis ou à émettre, pour subvenir, soit aux dépenses extraordinaires, soit à la partie de la dette rigoureusement exigible ;
« La seconde destinée à servir de gage à un emprunt qui sera ouvert en matières d'or et d'argent, et dont le plan et les conditions seront incessamment présentés à l'Assemblée ;
« La troisième consacrée à l'extinction de la dette, suivant un mode régulier de remboursement graduel qui sera présenté à l'Assemblée.
a Art. 5. Le comité des finances présentera incessamment un plan sur le mode d'aliéner les obligations contractées par les particuliers envers la nation, pour le payement des biens nationaux.
« Art. 6. L'Assemblée nommera cinq commissaires pris hors de son sein, et charges par elle de parcourir les départements, pour y faciliter la confection des rôles d'imposition.
« Art. 7. Le comité central mettra incessamment à l'ordre du iour la discussion sur le rapport relatif aux nouvelles coupures d'assignats, et au mode de les échanger; la suppression des congrégations séculières, celle de l'ordre de Malte, et la discussion sur cçux des biens déclarés nationaux, dont la vente peut être décrétée ; enfin la discussion de cette proposition, que les commissaires de la Trésorerie nationale et les membres du bureau de comptabilité doivent être choisis par une élection nationale, et qu'ils ne doivent être destituables que par l'Assemblée nationale. »
(L'Assemblé décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Condorcet et le renvoi aux comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances.)
, secrétaire, donne lecture des pièces suivantes :
1° Note envoyée par M. Duport, ministre de là justice, des décrets sanctionnés par le roi, ou dont il a ordonné l'exécution (1).
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui sollicite la décision de l'Assemblée nationale rèlativement aux sieurs Charier-Dubreuil et Antoine Gauthier, accusés d'enrôlement pour l'armée des émigrés et détenus depuis trois ans dans les prisons du tribunal de Clermont-Ferrand (2) ; cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président,
« Le commissaire du roi près le tribunal de Clermont-Ferrand m'informe,
par sa lettre du 17 février dernier, qu'il existe dans les prisons de ce
tribunal deux prisonniers accusés d'enrôlements pour les émigrés; il
observe que,détenus depuis trois mois, ils attendent la décision de
l'Assemblée nationale ; ils ajoutent que, détenus depuis ce temps dans
le secret rigoureux, leur
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : Duport. »
Un membre observe que le rapport du comité de surveillance sur cette affaire est prêt.
(L'Assemblée ajourne à la séance extraordinaire de ce soir pour entendre le rapport du comité de surveillance.)^
, secrétaire. Voici une lettre de M. Challan, procureur général syndic du département de Seine-et-Oise, et adressée à M. Mathieu Dumas, député de ce département. Il annonce que grâce aux précautions qui ont été prises et à la présence de la force, il y a lieu d'espérer le retour de la tranquillité dans ce département et il envoie les adresses et discours que le directoire a cru nécessaires dans cette douloureuse circonstance.
La lettre de M. Challan est ainsi conçue :
» Versailles, le 11 mars 1792.
« Le directoire, Monsieur, connaissant l'intérêt que vous prenez à tout ce qui peut être relatif à la sûreté et à la tranquillité du département, me charge de vous instruire qu'il espère que les sages précautions prises par les commissaires et là présence de la force rappelleront aux principes constitutionnels ceux que les malveillants avaient égarés. Etampes et Longjumeau ont déjà témoigné les plus vifs regrets de ce qui s'est passé dans leur enceinte, et le dernier marché a été paisible. Malheureusement la crainte en avait encore diminué l'approvisionnement. Je joins ici les adresses et discours que le directoire a cru nécessaires dans cette douloureuse circonstance. Agréez, Monsieur, l'hommage des sentiments sincères de votre frère et concitoyen. »
« Signé : challan. »
Voici le discours prononcé par l'un des commissaires du département de Seine-et-Oise à la maison de commerce, lors de l'entrée de la force armée dans la ville d'Etampes, le 9 mars 1792 :
« Messieurs,
« La France entière a appris avec la douleur la plus profonde qu'il existait dans son sein une ville où le premier magistrat du peuple, en faisant tous ses efforts pour maintenir l'exécution de la loi, avait été cruellement massacré sous les yeux de ses concitoyens, sans qu'ils se soient mis en devoir de le défendre. Ce n'est point, Messieurs, la force qui vous a manqué, c est le courage.
« La brave garde nationale parisienne vient de le ranimer par son exemple. Nous aimons à croire que le germe du véritable patriotisme n'est point étouffé dans vos cœurs, et que les scélérats qui ont osé tremper leurs mains dans le sang d'un citoyen aussi respectable que votre maire, ne sont point habitants de cette ville.
« Nous venons à votre secours. Tous ceux qui sont attachés à la Constitution doivent se rallier autour de nous. Ils apprendront, par expérience, que les liens de la société sont indissolubles,
quand ils sont resserrés par l'union de tous les amis du bon ordre et de la tranquillité publique.
a Votre conduite ultérieure apprendra si vous méritez encore l'honneur d'être appelés citoyens français. »
Plusieurs membres : Le renvoi à la commission des Douze.
(L'Assemblée renvoie les pièces à la commission des Douze.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du sieur Michel Josset, vieillard plus qu'octogénaire. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Monsieur le Président,
« Je suis un vieillard de 80 ans passés, ancien officier d'artillerie qui souhaite présenter une pétition à l'Assemblée nationale, pour obtenir la justice qui lui est due. Le cas étant très urgent, veuillezTbien, Monsieur le Président, engager l'Assemblée à m'accorder d'être admis à la barre, ce soir, ou le plus tôt qu'il sera possible.
« Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : « michel josset.
« Paris,
(L'Assemblée décrète que M. Josset sera admis à la séance de ce soir.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (2) du projet de décret du comité de législation sur le mode du séquestre des biens des émigrés.
rapporteur, donne lecture de l'article U du projet au comité, qui est ainsi conçu:
Art. 11.
Triple contribution.
« Tous les biens des Français émigrés payeront, par forme d'indemnité du service personnel que tout citoyen doit à l'Etat, une triple contribution principale, foncière etjnobilière pendant tout le temps que durera le séquestre, sans préjudice des indemnités que la continuité de l'absence des émigrés ou leurs complots pourraient rendre nécessaires.
Un membre observe que, par un décret rendu à la séance de samedi soir, f1 Assemblée a ordonné l'impression et la distribution de 7 articles proposés par M. Vergniaud (3), pour être substitués aux articles 11, 12, 13, 14, 15, 16 ët 17 du projet du comité et demande la lecture des sept articles à y substituer.
Plusieurs membres : Appuyé ! Appuyé 1
(L'Assemblée ordonne cette lecture.)
, rapporteur, donne lecture des articles 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 du projet du comité ; ils sont ainsi conçus :
Art. 11.
Triple contribution.
« Tous les biens des Français émigrés payeront, par forme d'indemnité du
service personnel que tout citoyen doit à l'Etat, une triple
contribution
Art. 12.
Moyens d'exécution.
« Pour l'exécution de l'article précédent chaque municipalité sera tenue de fournir un état nominatif ae tous les absents, réputés émigrés, compris au rôle tant de la contribution foncière que de la contribution mobilière, et à la suite es noms de chacun elle indiquera le montant de la cote d'imposition pour laquelle ils auront été portés dans les rôles.
Art. 13.
« Les états exigés par l'article 12 seront adressés par les municipalités au directoire du district qui, à vue d'iceux, et après les délais qui seront a sa connaissance, fera former un rôle de supplément de la taxe ordonnée par l'article U a l'égard des absents; ces rôles ainsi formés seront visés et rendus exécutoires de la même manière que les rôles de contributions ordinaires.
Art. 14.
Triple retenue.
« Il sera fait, en outre, une triple retenue sur les intérêts des rentes, prestations ou autres redevances, à raison desquelles la simple retenue est autorisée; l'administration des domaines séquestrés, qui touchera ces redevances sous la déduction de la retenue simple que fera le débiteur, comptera au Trésor public les deux autres parties de cette retenue.
Art. 15.
« Les débiteurs de rentes, prestations ou redevances, ou autres sommes quelconques, dues à des émigrés, sont aussi tenus d'en fournir leur déclaration, soit à leur municipalité, soit au directoire du district ou à celui du département, à peine d'une amende, qui sera toujours égale à la quotité de la redevance.
Art. 16.
« Tous payements faits avant l'échéance des termes, et qui ne seraient pas justifiés par des actes authentiques, sont déclarés frauduleux ; et sans y avoir égard, les débiteurs pourront être contraints à payer aux échéances portées par les titres de créance.
Art. 17. Créanciers.
« Les créanciers des émigrés seront payés sur le produit de leurs biens, en remplissant les conditions prescrites pour justifier lalégitimité et la sincérité de leurs créances par les articles 1 et 2 du décret du 29 juillet 1791, même par privilège aux deux dernières parties de la triple contribution; mais après le prélèvement des frais d'administration,, sans préjudice du droit de la nation de se faire payer du surplus de ces contributions sur l'excédent des fonds ou revenus du débiteur. »
donne lecture des articles de son projet destinés à remplacer les articles 11
12,13,14, 15, 1«6 et 17 du projet du comité; ils sont ainsi conçus :
« Art. 11. Les revenus des biens séquestrés seront versés dans la caisse du receveur de district, pour y être affectés, comme les biens eux-mêmes, au payement de l'indemnité qui sera définitivement arrêtée par l'Assemblée nationale.
« Art. 12. Les débiteurs des rentes, prestations ou redevances, ou autres sommes quelconques dues à des émigrés, seront tenus d en fournir leur déclaration, dans la quinzaine de la publication du présent décret, à leur municipalité, à peine d'une amende égale à la quotité de la redevance. Ils seront égalemènt tenus de faire les payements à l'échéance des pactes, entre les mains du receveur du district. Tout payement fait aux émigrés, après la publication du présent décret, sera regardé comme nul. Il en sera de même de tout payement qu'on prétendrait avoir été fait avant l'échéance des pactes à venir,si le payement n'est constaté par un acte public.
« Art. 13. Les femmes, les propriétaires par indivis, les enfants ou les pères et parents des Français émigrés qui, par succession, donation ou autrement, auraient des droits déjà acquis sur les biens séquestrés, pourront, s'ils sont eux-mêmes résidants en France, présenter les titres qui établissent leurs droits au directoire du district; et, sur son avis, le directoire du département leur accordera-, sans frais, une mainlevée sur les revenus, proportionnée à leurs droits, sauf toutefois la retenue de leur part des impositions : il pourra leur accorder la jouissance des biens affectés à leurs droits; mais dans ce cas, ils fourniront caution de verser, dans la caisse du receveur du district, la portion des revenus qui appartient aux émigrés.
« Art. 14. Bans tous les cas* on laissera aux pères et mères des fa maison où ils ont femmes, aux enfants et émigrés, la jouissance de leur domicile, sans que néanmoins ils puissent être dispensés de l'inventaire prescrit par l'article 3 et sans entendre soustraire ladite maison à la mainmise de la nation.
« Art. 15. Tous autres prétendants-droit sur les biens des émigrés pour créances, hypothèques ou autres causes, et qui, pour justifier la légitimité de leurs droits, rempliront les conditions prescrites par les articles 1 et 3 du décret du 27 juillet 1791, pourront poursuivre la mainlevée des sommes qui leur seront dues, par les voies indiquées par la loi pour les cas de séquestre. Le procureur-syndic du district sera appelé dans ces instances.
« Art 16. Si un émigré rentre en France dans le délai d'un mois après la publication du présent décret, il sera réintégré dans la jouissance de ses biens, en payant les frais d'administration, sa contribution, et de plus, à titre d'indemnité, une somme double de cette contribution ; il sera encore tenu de donner caution de la valeur d'une année de revenu; et s'il quittait de nouveau sa patrie, avant que l'Assemblée nationale ait proclamé que les dangers qui la menacent sont passés, l'année de revenus sera exigée de la caution, et les biens seront de nouveau mis en séquestre.
« Art. 17. Les émigrés qui ne rentreront pas dans le délai fixé par 1 article précédent, ne pourront obtenir la jouissance de leurs biens qu'après que l'Assemblée nationale aura définitivement arrêté l'indemnité due à la nation. »
Un membre : Je demande la priorité pour le projet
de M. Vergniaud. Les dispositions qu'il présente sont on ne peut plus claires, elles renferment toutes celles présentées par le comité.
Divers membres prennent successivement la parole, les uns pour que la priorité soit accordée aux articles du projet du comité, les autres aux articles proposés par M. Vergniaud.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité aux articles proposés par M. Vergniaud.)
donne lecture de l'article de son projet destiné à remplacer l'article 11 du projet du comité; il est ainsi conçu :
« Art. 11. Les revenus des biens séquestrés seront versés dans la caisse du receveur de district, pour y être affectés, comme les biens eux-mêmes, au payement de l'indemnité qui sera définitivement arrêtée par l'Assemblée nationale. »
Divers membres proposent sur cet article des amendements.
Je propose la rédaction suivante :
« Les revenus des biens séquestrés seront affectés, comme les biens eux-mêmes, au payement de l'indemnité qui sera définitivement arrêtée par l'Assemblée nationale. »
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix 1
(L'Assemblée adopte la rédaction de l'article 11 proposée par M. Caminet.)
donne lecture de l'article de son projet destiné à remplacer l'article 12 du projet du eomité; il est ainsi conçu :
« Art. 12. Les débiteurs des rentes, prestations ou redevances, ou autres sommes quelconques dues à des émigrés, seront tenus d'en fournir leur déclaration dans la quinzaine de la publication du présent décret, à leur municipalité, à peine d'une amende égale à la quotité de la redevance. Ils seront également tenus de faire les payements à l'échéance des pactes, entre les mains du receveur du district. Tout payement fait aux émigrés, après la publication du présent décret, sera regardé comme nul. Il en sera de même de tout payement qu'on prétendrait avoir été fiait avant l'échéance des pactes à venir, si le payement n'est constaté par un acte publie. »
Divers membres proposent sur cet article des amendements, des additions, des retranchements.
Il résulte de l'article, que les débiteurs des rentes, prestations ou redevances, seront tenus d'en faire leur déclaration à la municipalité. Je demande si une pareille déclaration est praticable, si vous n'aurez pas un nombre incalculable de difficultés dans les dispositions qu'on vous propose, si ce ne serait pas faire tomber sur la France une pluie de procès, et offrir le plus brillant présent aux gens de plume. Pour simplifier ces dispositions, il faut les diviser et surtout lever tout prétexte d'équi- . voque et de doute par des énonciations détaillées. et précises. Je demande que M. Vergniaud se concerte avec le comité de législation, pour arrêter avec lui et présenter unie nouvelle rédaction de cet article et des articles suivants.
(L'Assemblée décrète que M. Vergniaud se joindra au comité de législation pour arrêter avec lui et présenter à l'Assemblée une nouvelle rédaction de cet article et des articles suivants, et ajourne la suite de la discussion.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
note des décrets (1) sanctionnés par le roi ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution
du 11 février au 10 mars 1792.
« Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à Monsieur le président de l'Assemblée natiO" nale, la note des décrets sanctionnés par le roi ou dont sa Majesté a ordonné l'exécution.
dates des décrets.
titres des decrets.
dates des sanctions,
11 février 1792. Décret relatif à la liquidation des offices de judicature.
n février 1792. Décret relatif à la liquidation des offices de perruquiers.
n février 1792. Décret relatif aux compagnies de chasseurs de la garde nationale.
12 février 1792. Décret qui accorde un secours de 30,000 livres aux habitants
de la ville du Port Sainte-Marie.
17 février 1792. Décret portant qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Fa-biani.
19 février 1792. Décret relatif aux limites des districts de la ville et de la cam-
pagne de Lyon.
21 février 1792. Décret qui accorde une somme de 600 livres au sieur Laurent Bouy, dit Valois (2).
21 février 1792. Décret relatif à la compagnie de la prévôté des monnaies.
22 février 1792. Décret qui maintient dans l'exercice de ses fonctions !e sieur
Michel, administrateur du district de Metz.
25 février 1792. Décret qui accorde un secours de 3,000 livres au sieur Latude. 28 février 1792. Décret qui affecte au service de la caisse de l'extraordinaire
100 millions en assignats. 28 février 1792. Décret qui rectifie des erreurs de calcul qui existaient dans le décret de l'Assemblée constituante, sur l'administration de la marine.
28 février 1792. Décret relatif à la circonscription des paroisses de Provins.
29 février 1792. Décret qui fixe les secours provisoires accordés aux officiers
de l'état-major de places.
20 février 1792. Décret portant qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Du-
lery.
29 février 1792. Décret qui fixe l'emplacement des bureaux de la comptabilité.
31 janv. 7 fév. Décret relatif au château de Niort, et 1er mars 1792.
2 mars 1792. Décret relatif au remplacement des emplois vacants dans l'armée.
2 mars 1792. Acte d'accusation contre le sieur Fabiani.
6 mars 1792. Décret qui autorise le département de Paris à envoyer des gardes nationales dans les départements de l'Eure et de Seine-et-Oise.
6 mars 1792. Décret qui autorise le pouvoir exécutif à placer à Versailles, Rambouillet et autres lieux, un régiment de troupes à cheval et un bataillon de gardes nationales.
10 mars 1792. Décret portant qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Delessart, ministre des affaires étrangères.
« Paris, le 12 mars 1792. Signé : « M.-L.-F. Duport. »
24 février 1792.
24 février 1792.
2 mars 1792.
2- mars 1792.
Le roi en a ordonné l'exécution le 4 mars 1792.
2 mars 1792.
7 mars 1792.
7 mars 1792.
Le roi en a ordonné l'exécution le 1er mars 1792.
7 mars 1792.
7 mars 1792.
7 mars 1792.
7 mars 1792. 7 mars 1792.
* Le roi en a ordonné l'exécution le 29 février 1792. 4 mars 1792. 7 mars 1792.
7 mars 1792,
Le roi en a ordonné l'exécution le 4 mars 1792. 6 mars 1792.
6 mars 1792.
Le roi en a ordonné l'exécution le 10 mars.
Séance du lundi
présidence de m. gensonné, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui remet à l'Assemblée les trois états hebdomadaires relatifs à la fabrication de la monnaie de cuivre. La totalité s'élève à 13,350,699 livres 5 sols.
Plusieurs membres demandent l'impression des états joints à la lettre du ministre et le renvoi du tout au comité des assignats et monnaies.
(L'Assemblée décrète l'impression des états et les renvoie au comité des assignats et monnaies.)
Il y a environ 6 semaines (1), je fis la motion que le ministre des contributions publiques rendît compte de Vemploi des 12 ou 15 millions de monnaies fabriquées avec le cuivre ou le métal des cloches. M. Dorizy me répondit que le comité des assignats et monnaies ferait incessamment un rapport sur cet objet, et cependant nous n'entendons parler de rien à cet égard. Je demande que le comité des assignats et monnaies soit tenu de faire le plus tôt possible son rapport sur la destination et l'emploi des monnaies dont parle le ministre dans les états qu'il vient d'envoyer.
Un membre : J'observe que ce rapport est prêt et qu'on le fera au premier jour.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Charlier au comité central, pour que le rapport soit fait le plus tôt possible.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. de Narbonne, ex-ministre de la guerre; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Impatient de rendre à l'Assemblée nationale les comptes qu'elle désire, je m'empresse de lui adresser, en attendant que la forme de ces comptes soit déterminée, les états sommaires de toutes les dépenses que j'ai ordonnées pendant mon administration, tant sur l'exerice 1791 que sur celui de 1792. Les bureaux de la guerre sont occupés à en former des états détaillés par nature de dépenses. Aussitôt qu'ils seront terminés, je les remettrai au comité chargé de l'examen des comptes. L'Assemblée nationale sentira sûrement qu'un compte de 42 millions demande quelques jours de travail. J'y joindrai l'état de tous les marchés que j'ai passés.
« J'espère qu'il ne lui reste aucun doute, ni sur la pureté ae mon
administration ni sur l'efficacité des moyens que j'avais employés pour
mettre nos armées en état d'entrer en campagne au permier ordre. Je me
permets d'observer que les ministres, n'ayant aucuns fonds entre leurs
mains, ne peuvent être comptables de deniers, puisque les ordonnances
des ministres, d'après
« Je suis avec respect, etc...
Signé : « de Narbonne. »
Un membre : M. de Narbonne demande que ses comptes soient renvoyés au bureau de l'examen des comptes. Mais avant, j'observe qu'il faut agiter une grande question : c'est de savoir si les comptes des ordonnateurs doivent passer par le bureau de comptabilité. Je crois que d'après la loi il faut ordonner au bureau de comptabilité de viser d'abord les comptes des ministres qui sortiront du ministère; car sans cela, il est clair que les ministres qui auront donné leur démission seront obligés de rester à Paris pendant un an ou 18 mois.
Je demande donc que la question que je propose soit renvoyée au comité, pour voir si les comptes des ordonnateurs doivent d'abord passer par le bureau de comptabilité, et, en second lieu, si on fera une exception à la loi qui ordonne que les comptes seront examinés par le bureau au fur et à mesure de leur présentation.
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. de Narbonne aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, par laquelle il Annonce qu'aujourd'hui, 12 au courant, il n'est survenu nul changement à l'état approximatif du montant des Domaines nationaux vendus et restant à vendre, qu'il a adressé le 5 de ce mois ; les districts qui étaient en retard, à cette époque, n'ayant rien fait parvenir depuis.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice. Il fait part des doutes qui se sont élevés sur les dispositions de la loi du 18 février 1791 relative à l'instance pendante entre les prétendants-droit à la succession de Jean Thierry.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
3° Lettre de la municipalité de la Réole, chef-lieu de district du département de la Gironde, qui annonce que les prêtres fanatiques tourmentent de plus en plus les consciences. A cette lettre est joint un Procès-verbal de célébration d'un mariage constitutionnel fait devant les officiers de cette municipalité entre Jean Lafon et Anne Bou-chardeau. La lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
Je vous prie de mettre sous les yeux du Corps législatif le procès-verbal que j'ai l'honneur ae vous adresser. Le midi de l'Empire est travaillé en tous sens par les ennemis, et les prétextes religieux leur fournissent leurs plus fortes armes. Ils cherchent à alarmer les consciences, et quand l'estime et la considération personnelles dont jouissent Jean Lafon et Anne Bouchardeau font taire la calomnie, ils troublent la sécurité de ces jeunes époux, en disant que leur mariage déclaré devant la municipalité, avant que les lois aient déterminé des formes précises, cette
union est illégitime et ne peut être validée.
« Législateurs de France, prononcez et dictez notre conduite. Ge n'est plus à Rome qu'il appartient de calmer les consciences, la religion nationale est celle dont vous êtes les pontifes.
Signé : « Constantin Fauche, Maire de la Réole. »
Plusieurs membres demandent le renvoi des pièces à la commission des Douze.
D'autres membres : Le renvoi au comité de législation !
Un membre : Je demande que l'on passe à l'ordre du jour, attendu que l'on doit incessamment mettre en discussion le projet de décret sur la manière de constater les naissances, mariages et décès.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour ainsi motivé.)
3° Lettre des officiers municipaux de la ville d'Amiens, qui envoient une délibération relative à quelques détails d'exécution de la loi sur l'organisation de la garde nationale.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
4° Lettre du conseil général de la commune de Saint-Pierre-sur-Dives, département du Calvados. Cette commune demande une brigade de gendarmerie nationale.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.) ,
, au nom du comité de surveillance, fait un rapport et présente un projet de décret d'accusation contre les sieurs François-Marie-Jérôme Charrier-Dubreuil et Antoine Gauthier (1), habitants tous les deux de la paroisee de Nébouzat, district de Clermont-Ferrana, département du Puy-de-Dôme ; il s'exprime ainsi:
Messieurs, le tribunal du district de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, par sa lettre du 25 décembre 1791, vous a envoyé une volumineuse procédure qui contient différentes pièces relatives aux enrôlements qui se fontpour les émigrés ; je vais tâcher d'en extraire les principaux faits, afin de vous mettre à même de prononcer avec connaissance de cause, si du moins vous n'aimez encore mieux que je vous fasse la lecture tout entière de cette longue et volumineuse procédure.
Le 13 décembre dernier 1791, le sieur François Gharrier-Dubreuil, accompagné du nommé Antoine Gauthier, habitant tous les deux au lieu d'Antérioux, paroisse de Nébouzat, district de Clermond-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, se sont rendus chez le nommé Bonnet, perruquier demeurant audit Clermont-Ferrand, où, ayant rencontré les sieurs Valéry et Baraduc, il leur ont proposé de s'enrôler, et sont promptement sortis tous les quatre ensemble pour se rendre à l'auberge du nommé Grand-Jacques, où effectivement le sieur Charrier-Dubreuil a fait contracter deux engagements pour le prix chacun de 300 livres, aux nommés André Valéry et Baraduc.
Ces deux pièces, Messieurs, que le tribunal du
11 résulte de ces trois pièces qu'effectivement le sieur Dubreuil a voulu non seulement engager deux citoyens, mais en même temps on s'aperçoit clairement que l'embaucheur maladroit, et selon toute apparence aussi ignorant que méchant, a voulu se donner un ton de conséquence en promettant à chacune de ses recrues 300 livres, quoiqu'il n'eût pas lui-même à sa disposition plus de 110 livres, comme il est prouvé par la procédure que j'ai entre les mains, dont votre comité a pris une entière connaissance.
Dans quatorze témoins que le tribunal a entendus dans cette affaire, sept n'ont rien déposé qui puisse donner aucune preuve du crime dont sont accusés les sieurs Dubreuil et Gauthier; mais les sept autres aussi, en articulant affirmativement des faits d'enrôlement, attestent que Charrier-Dubreuil a non seulement engagé les nommés Valéry et Baraduc, mais encore ils disent formellement que c'est pour les émigrés qu'on a fait ledit enrôlement, et qu'ils ont même reconnu les pièces originales qui caractérisent les circonstances et dont je vous ai fait le détail.
Voilà, Messsieurs, les principaux faits dont j'étais chargé de vous faire le récit, et sur lesquels vous avez à prononcer; il en résulte évidemment d'abord, que les sieurs Charrier-Dubreuil et Gauthier ont engagé pour les émigrés deux citoyens de Clermont-Ferrand, aussi votre Comité a pensé unanimement qu'il devait vous proposer le décret d'accusation contre ces particuliers.
Voici le projet de décret :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale, après
avoir entendu le rapport de son . comité de surveillance, sur la
procédure instruite par le tribunal du district de Clermont-Ferrand,
département du Puy-de-Dôme, au sujet des enrôlements pour les émigrés,
décrète qu'il y a lieu à accusation contre les sieurs
François-Marie-Jérôme, Charrier-Dubreuil et Antoine Gauthier, habitants
tous les deux de la paroisse de Nébouzat, district de Clermont-Ferrand,
département du Puy-de-Dôme.
« Art. 2. L'Assemblée nationale approuve la conduite ferme et patriotique qu'a tenue le tribunal du district ae Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, dans l'affaire des sieurs Charrier-Dubreuil et Antoine Gauthier ainsi que celle du sieur Barre, juge de paix dudit lieu, et donne des éloges au zèle et à l'activité qu'ont montrés dans cette circonstance la garde nationale et la gendarmerie nationale de la ville de Clermont-Ferrand. »
Les sieurs Dubreuil et Gauthier ne sont pas convaincus suffisamment par le rapport du comité de surveillance. Je demande que l'Assemblée prenne connaissance d'une pièce essentielle que le rapporteur m'a dit avoir entre les mains. Cette pièce porte que les témoins, lors d'une confrontation, ont reconnu les embaucheurs. Je prétends que sans l'existence et l'exhibition de cette pièce, on ne peut mettre les prévenus en état d'accusation.
Un membre : Le comité de législation doit pré^ senter un rapport sur la question de savoir si l'embauchage n'est pas de la compétence des tribunaux criminels. Par ce motif, je demande l'ajournement jusqu'au moment où ce rapport sera fait.
Un membre répond que l'Assemblée doit seule
prononcer sur tous les crimes de lèse-nation et qu'elle ne peut déléguer un droit que la Constitution lui attribue exclusivement. 11 demande la question préalable sur la dernière motion.
(L'Assemblée déerète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la dernière motion.)
Divers membres exposent que le nommé Du-hreuil, l'un des prévenus, n est qu'un ivrogne tout au plus digne d'être envoyé àla police correctionnelle. Ils demandent, en conséquence, que ces deux particuliers soient traduits devant cette juridiction.
Plusieurs membres : La question préalable!
, rapporteur, lit des dispositions d'où il résulte que le sieur Dubreuil était dans son bon sens lorsqu'il avait enrôlé.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi des prévenus à la police correctionnelle.)
met successivement aux voix le décret d'accusation contre les sieurs Charrier-Dubreuil et Gauthier. Il est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance sur la procédure instruite par le tribunal du district de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, au sujet des enrôlements pour les émigrés, décrète qu'il y a lieu à accusation contre les sieurs François-Marie-Jérôme Charrier-Dubreuil et Antoine Gauthier, habitants tous les deux de la paroisse de Nébouzat, district de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme. »
, rapporte^?'. Je demande qu'il soit fait au procès-verbal mention honorable de la conduite tenue dans cette affaire par le tribunal de Clermont, par la garde et la gendarmerie nationales
(L'Assemblée décrète cette motion).
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale approuve la conduite ferme et patriotique qu'a tenue le tribunal du district de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, dans l'affaire des sieurs Charrier-Dubreuil et Antoine Gauthier, ainsi que celle du sieur Bai ré, juge de paix dudit lieu, et donne des éloges au zèle et à l'activité qu'ont montrés dans cette circonstance la garde nationale et la gendarmerie nationale de la ville de Clermont-Ferrand. »
, L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité des pétitions sur les troubles dArles (1); mais avant d'ouvrir cette discussion, jé dois donner connaissance à l'Assemblée d'un paquet que je viens de recevoir et qui Concerne cette ville,
, secrétaire. Voici une lettre de M. Fassin, député extraordinaire de ta ville d'Arles (2).
« Monsieur le Président,
« Depuis que la commune d'Arles convoquée dans ses sections m'a
expressément chargé de repousser les calomnies lancées contre elle, et
de produire à l'Assemblée nationale des preuves
« J'espère, Monsieur, que l'Assemblée nationale voudra nien accorder àla ville d'Arles quelques délais pour se défendre contre les imputations des administrateurs actuels du département des Bouches-du-Rhône; ces administrateurs se sont trouvés sitôt prêts à remplacer le directoire dispersé par les Marseillais lors de leur dernière incursion à Aix, qu'il n'est pas possible que l'Assemblée nationale ne conçoive contre eux quelque défiance.
« D'ailleurs, la ville d'Arles a envoyé au ministre de l'intérieur, par un courrier extraordinaire, des pièces justificatives de sa conduite dans ces derniers moments, et i'ose assurer à l'Assemblée nationale que si elle veut accorder à la ville d'Arles le délai que je réclame, il ne restera dans l'esprit des représentants de la nation aucun nuage sur le patriotisme de mes concitoyens.
« Je suis avec respect,
Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
, « Paris, ce
« Fassin, député extraordinaire de la commune d'Arles. »
A cette lettre est Joint un mémoire.
Ce mémoire est une adresse des amis de la Constitution de la ville de Nîmes. Je demande qu'elle soit lue avant que l'on délibère sur l'affaire d'Arles.
Oui, pourvu qu'elle soit signée i ndivi duellement.
, secrétaire. Elle est signée individuellement.
(L'Assemblée ordonne la lecture de cette adresse.)
, secrétaire, donne lecture de cette adresse, qui est ainsi conçue :
« Messieurs, nous attendions avec une confiance respectueuse, et le rapport de l'affaire d'Arles, et la décision de l'Assemblée nationale sur le sort de cette ville rebelle. Nous espérions que le comité des pétitions, frappé du danger imminent qui menace nos contrées et révolté de la conduite odieuse èt criminelle des Arlésiens, vous présenterait des moyens efficaces pour déjouer leurs sinistres projets et ramener les habitants alarmés du midi de l'Empire. Notre attente a été trompée, et le rapport de M. Del-pierre, plein d'inexactitudes, son projet de décret et l'ajournement prononcé, tout a contribué à accroître les craintes et les alarmés des bons citoyens, et l'audace et l'espérance des ennemis de la patrie.
« Législateurs, il n'y a plus lieu à l'ajournement; le mal est toujours croissant; le département du Gard, dont lès habitants 6e distinguent par le patriotisme le plus pur et le plus
ardent, se voit environné de complots et de machinations contre la patrie. Quelle que soit la suite malheureuse de nos tentatives, nous ne nous décourageons point de nos mau vais succès ; nous persévérons à vous dire la vérité; nous vous la devons, nous la devons à la patrie. Nous allons donc rectifier les erreurs du Comité, et proposer des mesures que nous croyons plus utiles que les siennes.
« Lorsque M. Antonelle exerçait dans Arles les fonctions de maire, son patriotisme et son éloquence y maintenaient l'ordre et l'union; il forçait au silence les nombreux malveillants que cette ville renfermait dans son sein. Mais pendant que, dans une longue et impofitique absence, M. Antonelle servait la chose publique à Avignon, le fanatisme reprit son auaace et recommença ses intrigues; et lorsque le maire rentra dans ses foyers, il trouva ses travaux perdus et l'aristocratie triomphante. Depuis lors, le mal a toujours été croissant. Cependant quelques bons citoyens faisaient encore des efforts pour soutenir la cause de la libérté : les patriotes s'assemblèrent à la Monnaie, et prirent le nom de Monnaidiers; leurs adversaires réunis à la Chiffonne eurent le nom de Ghiffonnistes; ainsi Bfonnaidier et patriote, Chiffonniste et aristocrate devinrent synonymes. Mais la bonne cause fut encore outragée ; les patriotes recevaient continuellement des insultes. Les autorités constituées dont le devoir était de soutenir la majorité, favorisaient, au coirtrairer les manœuvres aristocratiques. D'après le tableau de ce qui s'est: passé à Arles, si nous jetons les yeux sur le rapport, nous sommes frappés des erreurs qu'il contient.^ Si nous examinons les mesures qu'il propose, nous sommes étonnés d© voir qu'on s'avise de déclarer qu'on regardera comme perturbateurs du repos public ceux qui se serviraient des dénominations de Monnaidiers et de Ghiffonnistes ; comme si l'on pouvait, par un décret, défendre de se nommer patriotes et aristocrates... »
Je demande à faire une motion d'ordre. Cette adresse n'apprend riende houveau à ceux qui ont lu le rapport de M. Delpierre. Je propose de ne pas perdre de temps et de passer ae suite à la discussion du projet de décret.
Je demande, au contraire, qu'on entende la lecture de cette adresse, parce qu'elle réfute.....
, rapporteur. Elle répète et même avec inexactitude les faits que j'ai déj,à détaillés.
L'intention de cette adresse est de prouver qu'il ne faut point différer la décision sur cette affaire. On a donc eu tort d'interrompre la lecture. Je demande qu'elle sort continuée, parce qu'elle jette un grand jour sur les faits.
, secrétaire, continuant la lecture de Vadresse :,
« Nous combattons également la disposition qui porte que les ouvrages de fortification seront démolis. Nous pensons q,ue„ cette mesure sera inutile si les Artésiens rendent les canons qu'ils ont arrêtés. Enfin, la proposition d'y lever un bataillon de garde nationale tend à compromettre la Constitution, puisqu'elle en livrerait la défense à ses plus acharnés ennemis.
« Nous osons croire que le comité a été mal instruit. Sous les Romains, sous les despotes français les citoyens d'Arles auraient été décimés, les chefs des complots punis de mort. Nous
sommes à 5 lieues du danger, nous savons ce qui s'y passe. Pour faire voir l'inutilité, le danger et l'insuffisance des moyens proposés par M. Delpierre, nous proposons les mesures que nous croyons nécessaires pour ramener la paix dans nos contrées et y rétablir la Constitution sur des bases inébranlables.
« Nous croyons urgent et instant de décréter :
« 1° Qu'il y a lieu à accusation contre les commissaires civils envoyés à Arles, contre le directoire du département des Bouches-du-Rhône, contre le directoire du district d'Arles, Contre la municipalité de Cette et notamment contre le maire, aristocrate forcé, qui ont vu sous leurs yeux se former l'orage et ne l'ont pas dissipé, qui ont été témoins des vexations exercées contre les patriotes, des enrôlements, de l'enlèvement des fusils et des canons et de l'état de défense de cette place, et qui, par conséquent, sont complices du projet de contre-révolution. S'il y a lieu à accusation contre les Varnier, les Delattre et autres coupables que l'opinion publique désigne depuis longtemps, il nous semble qu'on ne doit pas balancer à lancer le décret d'accusation contre ceux dont nous venons de parier :
« 2° Qu'il sera envoyé un bataillon de volontaires nationaux de Marseille et un régiment de troupes de ligne patriote;
« .3° Que les citoyens d'Arles seront (désarmés et que la commune restituera les canons et les fusils volés à la nation;
« 4° Que les Monnaidiers ou patriotes d'Arles fugitifs sont mis sous la protection spéciale de la loi ;
« 5° Qu'il sera procédé au renouvellement des administrateurs du directoire du département des Bouches-du-Rhône et du district d'Arles, et que les assemblées primaires seront convç-quées pour la formation d'une nouvelle municipalité;
« 6° Enfin, que la commune d'Arles payera tous les frais de l'expédition.
« Yoilà, Messieurs, tous les moyens de faire rentrer dans le devoir une ville rebelle et des Français dégénérés. C'est par oe gFand exemple de justice que vous dissiperez comme une fumée les nuages obscurs qui rembrunissent notre ho> rizon; mais le temps presse, le mal s'accroît de jour en jour, et bientôt il ne sera plus temps.
« Depuis le rapport, il est arrivé de nouveaux faits. Le 26 février, 18 à 20 vaisseaux venaient de Marseille à Arles ; les matelots chantaient l'air patriotique Ça ira. Le maire, en écharpe, a ordonné à une patrouille de faire feu sur les matelots, et même sur leurs femmes et leurs en-r fants. Un ci-devant gentilhomme verrier, reconnu pour patriote, estpoursuivii et obligé de se jeter dans le Rhône, à la nage, pour éviter la mort. Il n'y a plus de patriotes à Arles. Législateurs, ordonnez; nos id ras et nos vies sont depuis longtemps dévoués à la défense de la liberté. Notre garde nationale brûle de se signaler ; celles djB Montpellier-et d'Orange demandent à marcher contre Arles. Nous n'attendons que les réquisitions légales.
« Et vous, Antonelle, rompez donc enfin, rompez un silence* eoupahle. Votre patrie est en danger; votre patrie est menacée. Si vous êtes encore jaloux de Festime publique, si votre civisme est sincère, vous éclairerez l'Assemblée nationale; vous guiderez ses délibérations en dévoilant la vérité et vous mériterez encore la
reconnaissance et l'amour de yos concitoyens. »(Applaudissemen ts.)
« Nous sommes avec respect, etc...
« Les citoyens de Nimes. » (Suivent les signatures).
, rapporteur. Rien ne s'oppose à ce que la ville d'Arles envoie un député extraordinaire auprès de l'Assemblée nationale pour éclairer les faits qui s'y sont passés récemment et sur lesquels il y a un nuage très épais. Mais je crois la présence d'un député d'Arles inutile a la discussion de cette affaire. Le rapport que j'en ai fait, ainsi que le projet de décret sont fondés sur les causes et la filiation des désordres qui se sont commis dans Arles, depuis l'époque de la Révolution jusqu'au mois ae septembre dernier. Quant aux reproches que me font les amis de la Constitution de Nîmes, contre l'inexactitude de mon rapport, et contre l'inefficacité des mesures que j'ai proposées, je les renverrai, pour répondre à leur premier reproche, au rapport lui-même, qui contient une ample réponse à leur imputation. Il paraît que les amis de la Constitution de Nîmes n'ont vu le rapport qu'à travers un extrait très infidèle de quelques journaux ; et il me semble que s'ils 1 avaient vu en original, loin de me reprocher de de n'avoir pas saisi le véritable sens, ils verraient que je leur prouve, à eux-mêmes, qu'ils sont très infidèles. Quant aux mesures qu'ils proposent, je crois, Messieurs, que quand le temps sera venu, je montrerai qu'elles sont d'une insigne extravagance.
Je dois annoncer à l'Assemblée un fait qui, quoiqu'il ne dépende pas de l'affaire d'Arles, vous prouvera cependant combien il est instant que vous vous occupiez de rétablir le calme dans des départements méridionaux. Le Comité de surveillance a reçu une lettre du lieutenant-colonel commandant la gendarmerie dans le département de l'Ardèche, qui lui apprend que les contre-révolutionnaires, cantonnés au château de Banne, ont envoyé chercher de l'argent et des munitions à Arles, et qu'il y est arrivé 5 petits canons dans des bottes ae paille. Ils ont demandé de nouveaux secours.
On peut se convaincre, Messieurs, d'après tla lecture de l'adresse des citoyens de Nîmes et des faits que vous connaissez, qu'on s'est étrangement trompé lorsqu'on a voulu jeter un mauvais vernis sur les sociétés des amis de la Constitution. Il est donc bien démontré maintenant que ce sont ses véritables amis. (Applaudissements). On dit qu'elles doivent respecter les autorités constituées ; oui, j'en conviens, lorsqu'elles sont patriotes. (Applaudissements). Mais vous ne sauriez assez lancer l'ana-thème contre celles qui ne font pas leur devoir.
Vous voyez, d'un coté, une municipalité qui se coalise avec les factieux; d'un autre, vous voyez un directoire de département, un directoire de district, gangrenés, qui secondent leurs manœuvres, et vous pourriez suspendre encore le juste châtiment que mérite la conduite criminelle des membres de ces corps constitués? Non, je ne le pense pas. Je demande que vous chargiez le pouvoir exécutif d'envoyer, pour réduire ces factieux, les bataillons de garde nationale de Nîmes et de Marseille. Vous devez vous confier principalement à la garde nationale, qui est le
rempart de la Constitution. Je demande que ce soit là l'objet du rapport de votre comité. (Vifs applaudissemen ts.)
(de Marseille). La ville de Marseille est tranquille. Les 21 bataillons qu'on y a envoyés n'y sont pas nécessaires. Tous les impôts sont payés avec une exactitude et une diligence très grandes, (Applaudissements.) Je demande que ces 21 bataillons soient envoyés à Arles.
Messieurs (1), depuis longtemps, la ville d'Arles vous est dénoncée comme le point dans lequel la haine pour la Constitution concerte avec le fanatisme les moyens les plus efficaces de nuire à notre liberté. Sans doute, une telle impiété excite plutôt dans vos esprits une douleur sensible, en voyant se séparer de la famille des enfants dénaturés qu'une crainte réelle des dangers dont ils nous menacent. L'idée qu'ils ne pourront échapper à l'influence du patriotisme qui les environne vous fait espérer qu'un tel égarement ne saurait se prolonger; que le repentir expiera bientôt des intentions coupables; et des précautions répressives vous ont paru inutiles là où le temps et l'exemple vous ont paru suffire.
Je viens, Messieurs, troubler la confiance que peuvent vous inspirer ces dispositions vraiment paternelles. Une telle tranquillité serait perfide, elle ne tend qu'à laisser éclore paisiblement des calamités qui peuvent encore être étouffées et il est de mon devoir d'agrandir à vos yeux la petite importance que paraît avoir acquise auprès de vous la situation ae cette ville.
Jusqu'ici, Messieurs, votre attention semble ne s'être fixée que dans l'enceinte de ces murs et votre comité, qui eût pu étendre la mesure de votre sollicitude, n'a jugé lui-même les rapports de cette situation que dans des limites très circonscrites. Pour moi, je ne considère la ville d'Arles que comme le point principal de cette ligne de correspondance que les ennemis de la Constitution ont tracée dans les départements méridionaux et sur laquelle ils comptent avoir établi une communication facile de moyens hostiles. Ensuivant leurs combinaisons, en examinant la situation des lieux qu'embrassent leurs relations, les dispositions des habitants qui s'y trouvent placés, je ne puis voir d'autre essem que celui d'une agression prochaine ou celui de favoriser les tentatives des ennemis étrangers sur notre territoire.
Si, parmi nous, quelqu'un pouvait douter de la réalité des mouvements des
Piémontais sur nos frontières; si notre crédulité pouvait [admettre
qu'une puissance faible en ressources a fait porter vers nous une grande
partie de ses forces et des munitions abondantes, pour se mettre en
défense contre une invasion dont elle n'est point menacée, il me
suffirait, pour ramener les esprits à une juste défiance, de faire
connaître à l'Assemblée nationale les relations que n'a cessé d'avoir
avec la cour de Piémont le sieur Froment, un des principaux agents des
déplorables scènes de Nîmes. Cet homme, l'ennemi le plus implacable de
la Constitution, admis dans la société intime, à la familiarité même du
comte d'Artois pendant son séjour à Turin, a pu combiner avec ce prince
les moyens de faire éclater, dans ces mêmes contrées, ae nouveaux
troubles plus sérieux et qui, précédés de
On ne tarda pas, en effet, à ressentir dans cette partie du royaume les mouvements de cette nouvelle ligue, combinée autant sur les dispositions; ulcérées des esprits que sur les avantages de la localité. Les haines cruelles qu'avaient allumées parmi les citoyens les massacres de la ville de Nîmes, ne permettaient pas de douter de l'efficacité du premier moyen. Il fallait arracher le second à 1 opinion des habitants de la ville d'Arles qui, à cette époque, professaient l'attachement le plus zélé à la Constitution, mais dont l'abjuration au patriotisme était indispensable pour disposer librement de la position de leur ville.
Tout ce que la perfidie a pu inspirer à des hommes habiles pour égarer le peuple fut mis en œuvre par les agents de la nouvelle conspiration. On sut profiter adroitement de l'absence du maire qui, jaloux de donner au patriotisme de ses concitoyens des bases inébranlables, avait été en fortifier le lien auprès des amis de la Constitution d'Avignon, et tel fut le rapide succès des manœuvres sourdes de ces agitateurs qu'au spectacle si édifiant d'un ardent amour de la liberté on vit succéder bientôt les symptômes affligeants de l'incivisme. Cinq prêtres perturbateurs, qui avaient été obligés de se retirer dans un village voisin, furent ramenés à Arles avec une pompe que des hommes même superstitieux ne sauraient considérer comme la réparation d'une injustice, mais bien comme une insulte directe à la cause de la patrie.
Ce changement si prompt, ce passage presque subit de l'enthousiasme de la liberté a un esprit tout à fait contraire présentent une réflexion qui ne peut échapper à des législateurs. Ce n'est, Messieurs, que par des lois sages et bienfaisantes qu'on parvient à fixer cette mobilité naturelle aux dispositions d'un peuple réglé jusqu'ici par l'unique sentiment de ses besoins; si le gouvernement néglige cette félicité qu'il fait résulter de son bien-être, il devient alors dépendant des facultés particulières. L'homme riche, en soulageant sa détresse, l'arrache pour ainsi dire à la société; il se l'assujettit par la reconnaissance et cet effet, toujours produit par la bienfaisance la plus désintéressée, combien doit-il être plus actif, combien doit-il s'agrandir lorsqu'une réunion d'hommes opulents et agités ae violentes passions, emploie les sacrifices d'une grande générosité dans la dispute des plus grands intérêts!
Craignons, Messieurs, de voir se réaliser dans les départements méridionaux la vérité, de cette réflexion que je ne fais qu'indiquer ainsi, mais qui, quoique rapide, ne laissera pas de vous intéresser; une misère affreuse peut y attiédir le patriotisme. Les malveillants ne cessent d'en imputer la cause aux vices du nouveau gouvernement ; une augmentation d'impôts, une disette absolue de subsistances fortifient leurs déclamations artificieuses. Bientôt une générosité perfide offrira de suppléer au défaut de cette prévoyance publique, et le sacrifice de l'opinion peut devenir le prix des secours accordés à des besoins extrêmes par une bienfaisance hypocrite.
Telle parut du moins être la cause du mouvement rétrograde qu'éprouva l'esprit public auprès des habitants de la ville d'Arles. Ce fut en rappelant sans çesse au souvenir du peuple l'immunité d'impôts dont il jouissait avant la Révolution, en l'effrayant du nouveau poids des con-
tributions qu'il aurait à supporter, en exagérant la perte des assignats, que ces agitateurs criminels s'efforçaient eux-mêmes de décrier; en lui présentant les nobles, les prêtres et les -hommes riches, disposés à fournir du travail aux ouvriers et à soulager leurs besoins s'ils voulaient s'abandonner a leur direction, qu'ils parvinrent à donner à cette ville une impulsion tout opposée à celle qu'elle avait suivie jusque-là.
Cette révolution faite dans les esprits, la place est aussitôt mise en un état de guerre qui menace la contrée. Une nouvelle organisation de la garde nationale repousse tous les bons citoyens; tous ceux dont les mauvaises intentions sont connues y sont admis; les Froment, les Descombiès en prennent le commandement et leur influence ne tarda pas à y devenir supérieure.
Aigues-Mortes, située sur les côtes de la Méditerranée et peu éloignée de la ville d'Arles, manifeste le même esprit. Ses habitants, au lieu de mettre en défense la partie située sur la mer, portent leurs forces sur les avenues de terre, affichant par ce renversement non des craintes contre ses voisins, mais le dessein de les provoquer. Ces villes peuvent être facilement alimentées du côté de la mer et servir de point de débarquement dans une invasion de troupes étrangères ; elles sont protégées au delà du Rhône par le comtat Venaissin dont la situation agitée correspond intimement avec les troubles des départements méridionaux, et on ne peut douter que ces deux places ne devinssent, par l'effet de leur position, un magasin d'approvisionnements pour alimenter l'armée des rebelles.
C'est aussi sous ce rapport qu'elles ont paru si importantes aux chefs ae la ligue contre-révolutionnaire, dirigée par les princes transfuges; n'ont-ils pas évidemment démontré que telles étaient leurs prétentions lorsqu'ils ont osé les mettre dans un état de guerre qui a dû exciter les alarmes des villes voisines et les provoquer à des entreprises violentes? Aigues-Mortes, commè ville frontière, se trouve pourvue d'artillerie et de munitions de guerre; Arles s'en est procuré en très grande quantité, outre les quarante canons appartenante un armateur de Marseille qu'elle s est appropriés en violant toutes les lois de la propriété et du commerce. Ses remparts nouvellement fortifiés et environnés de fossés, sont hérissés de bouches à feu ; elle renferme dans ses murs une milice nombreuse et bien armée; elle a un amas considérable de munitions et d'armes de toutes les espèces, et cette quantité vient d'être augmentée par la distribution des 1,500 fusils enlevés à leur destination et que les ministres semblent avoir affecté de laisser à la disposition de cette ville, en résistant aux demandes pressantes et réitérées qui leur ont été faites par les députés des départements menacés, cette ville, fière de ses forces, ne craint pas d'avouer leur destination coupable; elle profère sans remords les .mots sacrilèges de guerre civile et de contre-révolution. Un petit siphon d'argent, porté à la boutonnière par les hommes et au bras par les femmes, est le signe de ralliement que les ennemis de la Constitution se sont donné. Des informations faites devant les officiers de police de Beaucaire et de Nimes fournissent la preuve légale qu'il se forme à Arles un bataillon de volontaires pour la contre-révolution. Deux em-baucheurs ont été arrêtés en flagrant délit. On a trouvé sur eux des portefeuilles garnis d'enrôlements déjà signés; ils donnaient 6 livres en espèces et promettaient 15 sous par jour. Il est
prouvé que le sieur Loys, maire de cette ville, est lui-même à la tête de cette faction criminelle et qu'il en favorise les manœuvres par tous les moyens que lui fournit son autorité. On lit dans les p èces que le aieur Delord, de Nîmes, ayant été à Arles pour ses affaires, le sieur Loys vint le trouver au lieu où il était et le menaça de le faire arrêter s'il ne quittait la ville à l'instant. Un citoyen inconnu, soupçonné d'espionnage, mais plus encore de patriotisme, après avoir été détenu en prison, reçut par les ordres du maire cinquante coups de nerf de bœuf, et ce châtiment illégal et barbare en affectant votre humanité, vousdésigne aussi quel est l'esprit persécuteur qui surveille dans cette ville les amis de la Révolution. Le sieur Barne, négociant de Nîmes, arrêté et maltraité par une patrouille chiffonniste avec menace d'être pendu, se plaint qu'ayant réclamé la protection du maire, il faillit être victime de la fureur populaire, sans qu'il se donnât aucun soin pour en calmer les mouvements. Les mêmes pièces attestent un complot formé par les sieurs Sottchon et Rey, enrôlés dans les troupes d'Arles, d'assassiner le sieur Blanc Pascal, accusateur public, parce qu'il avait dénoncé à l'Assemblée nationale les desseins coupables de cette ville. Faut-il rappeler encore les excès, les cruautés commis envers les patriotes de cette ville rebelle, au moment où la marche des Marseillais lui fit craindre qu'elle n'eût aussi pour objet le châtiment de son audace?-Le récit de leurs maïheurs a déjà excité votre sensibilité et vous n'avez pu entendre, sans un grand mouvement d'inêigna-tion, qu'un très grand nombre enfermés à cette époque dans la maisondu Collège, étaient destinés à être massacrés au premier signal d'hostilité ; que d'autres n'ont pu se procurer un asile par la fuite qu'à travers les dangers de la mort ; que le sieur Fabre, essayant de s'évader par le toit de sa maison, y fut atteint d'un coup de fusil qui le précipita dans la rue. Enfin le caractère de cette granae explosion qui a failli être si funeste à tous les patriotes et une foule défaits particuliers dont je retranche la citation, amènent facilement à cettecertitude affligeante, que le civisme est une vertu persécutée dans cette ville et que la malveillance y triomphe complètement.
Et, Messieurs, ce n'est pas dans son enceinte seulement qu'elle manifeste cette audace. La hardiesse des manœuvres de ces ennemis de la patrie témoigne aussi l'ascendant qu'ils ont acquis au dehors. M y a des pièces qui désignent la trace de leurs communications avec les habitants des départements de l'Ardèche et de la Lozère. Là s'attache l'autre extrémité de la chaîne contre-révolutionnaire, et cepoint, correspondant à Arles, offre encore de plus grandes ressources au succès de la ligue des conjurés par l'égare-rement excessif dans lequel le fanatisme a plongé une classe nombreuse de citoyens. Une lettre de la municipalité de Saint-Ambroise porte que lé grand prieur d'Arles, accompagné de deux autres Personnes, visitant les postes des châteaux de an es et de Jatlès, a offert au sieur Crégut 130,000 livres qu'on a refusées pour des enrôlements; que cinq commissaires d'Arles ont parcouru les principaux villages du Vivarais et des Cévennes, excitant les habitantsà se réunir pour grossir l'armée du comte d'Artois, qu'ils annonçaient être sur le point d'entrer en France; qu'il faudra, à cette époque, faire main basse sur tous les patriotes, leur promettant le pillage et une somme de 6 millions à se partager, pour récompense de leur fidélité.
Ainsi, Messieurs, cette coalition doit vous paraître d'autant plus puissante qu'elle se repose dans deux extrémités où son esprit domine, où ses plans et ses manœuvres peuvent être exécutés avec une espèce d'approbation publique, où aucune surveillance ne gêne les opérations et où les projets de nuire à la Constitution se délibèrent sans aucun ménagement.
Vous concevez quelle doit être, sur les villes centrales, l'influence de cette force puissante qui réside dans les points extrêmes de cette chaîne contre-révolutionnaire. Les malveillants y sont devenus plus audacieux. Sous cette force protectrice, ils ont repris, avec une nouvelle activité, leurs manœuvres auprès des citoyens faibles et ignorants; ils aigrissent les esprits, ils rallument les haines, ils annoncent enfin que l'instant d'une juste vengeance est arrivé.
Peignez-vous l'état d'inquiétude, cette perplexité qui agitent ces villes su rtout où les scènes cruelles ont excité un ressentiment implacable entre les citoyens. On y médite les projets d'une affreuse vengeance, et le signal du désordre y est attendu avec une barbare impatience.
Ces idées affligeantes ne sont que trop conformes à des dispositions réelles, et pour en redouter l'effet, il suffit de se rappeler avec queliê facilité de pareilles dispositions donnèrent le mouvement à une expédition concertée l'année dernière dans les plaines de Jalès. Un rassemblement presque subit de 20,000 paysans égarés par des factieux, menaça les contrées méridionales des calamités de la guerre civile, et sans le courage et le patriotisme d'un général habile, le zèle des gardes nationales et l'activité des corps administratifs, ces contrées eussent été arrosées du sang des patriotes. A cette époque, une armée de 8,000 hommes et de grands sacrifices d'argent suffirent à peine pour réprimer une entreprise mal combinée. Les ennemis manquaient de chefs expérimentés, d'armes, de munitions. C'était une lourde masse d'hommes, sans autre direction que le désir du pillage et les passions de leurs conducteurs.
Aujourd'hui ils sont ralliés sous un plan profondément médité. Des hommes habiles et forcenés sont à leur tête. Une vraie tactique militaire doit difigerle mouvementées forces. Les châteaux de Banes et de Jalès sont devenus un dépôt de munitions, gardés par des troupes, défendus par de l'artillerie, et il ne faut pas croire, Messieurs, que cette destination soit projetée ; elle est réelle dans ce moment et vous n'en douterez pas en apprenant que deux compagnies de ligne s'étant présentées pour s'en emparer, ont été forcées de se retirer.
Des pièces remises à votre Gomité fournissent une conviction aussi affligeante des dispositions funestes des habitants du Nord que de ceux du Midi. Elles portent qu'il s'est fait en dernier lieu une assemblée des chefs fédérés à Jalès. On y convint de ce qu'il y aurait à faire au moment où les émigrés commenceraient d'agir. On y calcula les forces dont on pouvait disposer et on y arrêta qu'on pouvait compter sur 10,000 hommes effectifs. Enfin cette assemblée se termina par le serment individuel, sur un sabre nu, d'exterminer tous les patriotes. Ces pièces portent encore qu'une brigade de gendarmerie, renforcée de quatre soldats du 38e régiment, chargée d'une expédition judiciaire a été attaquée par un détachement des fédérés, puis dispersée et les hommes grièvement maltraités; que les patriotes y reçoivent les mêmes mauvais traite-
ments qu'à Arles : que la cocarde nationale, même le bouton d'uniforme, sont arrachés aux voyageurs qui osent l'y porter; que dans certaines communes, la cocarde blanche, ce signe proscrit de l'esclavage, est arborée impunément; que 150 quintaux de poudre ont été emmagasinés à Villefort qui est la ville centrale et la place forte du Nord ainsi qu'Arles est celle du Midi ; que douze autres quintaux de poudre ont aussi été enfermés dans le château ae Banes; que chaque semaine un exprès va prendre, au lieu où est l'entrepôt de la poste, les lettres adressées aux chefs, de l'armée de Jalès ; qu'on y recrute publiquement pour l'armée des princes et que les municipalités des Vans et de Barres favorisent ouvertement ces menées audacieuses.
Laissant là le détail des manœuvres intérieures des ennemis de la Constitution dans les départements méridionaux, manœuvres dont il serait ridicule de vouloir douter, puisque leurs auteurs se font une jouissance de leur publicité, il suffira, pour achever d'attacher l'attention de l'Assemblée, de lui faire connaître les grandes ressources que peuvent fournir à un vaste projet de troubles, la topographie des lieux et le caractère des habitants qu'embrassent ces relations et ces projets contre-révolutionnaires.
En vain, Messieurs, voudrait-on, pour restreindre votre sollicitude et par conséquent vos précautions, vous présenter les troubles qui agitent le Midi du royaume comme résultant de la jalousie et de l'animosité de deux sectes religieuses ; l'étendue évidente du système n'admet point pour principe un objet aussi circonscrit, et le calme avec lequel est suivie cette combinaison d'agression suppose un motif plus sérieux.
Sans doute, l'aliénation malheureuse de deux sectes religieuses est devenue, dans les mains de nos ennemis, un des éléments essentiels des troubles projetés ; mais c'est aussi une des principales raisons qui ont déterminé, dans les contrées méridionales, la formation d'une ligue contre notre liberté.
Les novateurs ont toujours admis, dans le calcul du bouleversement des nations, la haine des partis, l'influence du climat, et le caractère des peuples. Ils ont dû confier, par conséquent, à des esprits cruellement divisés, à des contrées rapprochées du soleil et à des caractères ardents, le soia de faire éclore le germe funeste de grandes dissensions. Ils ont dû se rappeler que dans des temps moins agités, les montagnes aes Cévennes, ont été, pour des ligueurs factieux, un théâtre avantageux de guerre civile; qu'il n'est pas de contrée dont la situation soit phis favorable à l'accroissement d'un faible début d'hostilités parla ressource des postes, la facilité de se procurer des vivres dans des villages extrêmement multipliés; que, dans aucune partie du royaume, on ne trouve des hommes aussi forts, aussi courageux, aussi sobres que ceux dont ces montagnes sont peuplées ; et ces vertus que j'ai vues dans le principe se dévouer à la liberté avec un vif enthousiasme, hélas! je le dis avec une douleur amère, ont été étouffées dans le cœur d'un grand nombre par les suggestions perfides des ennemis de cette liberté. Aussi est-ce dans ces contrées qu'ils ont étendu le plus leurs relations afin d'appliquer, au succès ae leurs desseins, l'organisation morale d'un peuple dont le génie ardent rend l'insurrectiou facile, aisé à égarer, parce qu'il est crédule, et susceptible de corruption par sa détresse habituelle.
En fixant votre attention sur les ressources en hommes forts et courageux que ces contrées promettent aux rebelles, remarquez combien à l'autre extrémité la position de la ville d'Arles facilite les moyens de les alimenter et deleur procurer des armes. Voyez avec quel soin on a formé des magasins de vivres et de munitions dans les points intermédiaires en appliquant à cet usage Villefort, les châteaux de Banes et de Jalès : et hormis de vouloir se refuser à la plus grande évidence, cette correspondance de positions, l'une procurant des hommes, l'autre procurant des vivres et, dans tous les cas, une retraite sûre à des troupes poursuivies ou battues, décèle, par la tactique ae ces dispositions, la gravité des projets qui se méditent dans les départements méridionaux.
La disette extrême des grains qu'éprouvent les peuples du Midi fortifie encore cette idée. N'en doutons pas, la malveillance établit ses projets sur la détresse, la misère, le désespoir du peuple. Vous avez entendu le ministre de l'intérieur vous dire qu'il se faisait des exportations dans la Savoie; quel autre motif que celui de provoquer un soulèvement, peut déterminer à exporter une denrée dont le prix ne saurait être plus avantageux que là où elle est urgente?
Rappelez-vouseneore, Messieurs, qu'aux mêmes époques où les habitants de nos frontières méridionales ont fait parvenir à l'Assemblée leurs inquiétudes sur quelques mouvements des Espagnols et des Piémontais, elle a appris aussi que les officiers du régiment de Soissonnais étaient passés en Savoie; et une partie de ceux du bataillon des chasseurs du Roussrllon, en Espagne, appelant de là leurs soldats au nom de leur attachement pour leur roi et pour leur religion.
Le rapprochement des faits que je viens de vous citer, combinés avec ces circonstances, les localités et le caractère des peuples agités dans le Midi du royaume, amène nécessairement l'Assemblée à l'idée d'un vaste projet médité dans cette pa rtie dé la France et appelle son attention la plus sérieuse. Elle a pu négliger, jusqu'ici, des précautions qui auraient pu arrêter les progrès au mal, parce qu'elle en ignorait la gravité. Aujourd'hui des réclamations pressantes, le cri du danger que des citoyens font retentir à ses oreilles, l'avertissent qu'un remède plus tardif deviendrait peut-être inutile et qu'elle aurait négligé de le prévenir. Ils confient à son patriotisme la vengeance des insultes faites à la Constitution, et à son humanité le soin d'empêcher que le sang des enfants de la patrie ne soit versé par ses ennemis.
Votre comité, Messieurs, vous a indiqué à ce sujet quelques mesures; mais comme il a considéré les troubles de la ville d'Arles dans des rapports trop particuliers, les moyens qu'il vous propose m'ont paru ne pas suffire. La coalition ayant acquis la plus grande force, le parti doit être prompt; il doit être extrême parce que le danger est réel, parce qu'il est imminent. Tandis qu'on peut encore disposer de la troupe de ligne placée dans ces départements, il faut qu'on lui fasse occuper les postes destinés à favoriser le mouvement des forces ennemies ; placer à Arles à Aigues-Mortes, à Villefort, une garnison sûre; s'emparer des fusils, des canons et des muni-r tions inutiles à la défense ordinaire de ces places; faire démolir les fortifications nouvellement construites à Arles; arrêter la formation du bataillon de volontaires levé pour cette ville; désarmer tous ceux qui en faisaient déjà partie,
ainsi que les citoyens des communes qui ont manifesté des dispositions contraires à la Constitution, et distribuer ces armes aux villes patriotes.
Avec ces mesures promptement exécutées (et elles peuvent l'être à 1 aide de la force armée dont le rassemblement vient d'être ordonné dans les départements méridionaux), les espérances de nos ennemis peuvent être renversees sans aucune commotion violente ; le calme rétabli dans ces contrées si cruellement agitées et les citoyens rendus à cette joie que les dangers de la patrie avaient mêlée de tant de regrets.
Mais il ne suffit pas de rappeler la tranquillité par des dispositions répressives : une grande insulte a été faite à la Constitution, jusqu'ici ses ennemis n'avaient osé afficher une rébellion aussi manifeste. Ordonnez aux tribunaux d'en poursuivre la réparation éclatante par la punition des principaux auteurs de cette coalition perfide; il serait inconséquent, il serait injuste que, lorsque votre rigueur frappe d'accusation le simple soupçon de crime, le coupable audacieux fût épargué.
Qu'il me soit permis, Messieurs, de former encore un vœu bien cher aux vrais amis de la liberté. Il dépend de vous de tarir la source même de ces désordres qui affectent votre sollicitude. L'amour de la liberté, naturel aux habitants du Midi du royaume, les avait rendus dignes, depuis longtemps, de ce bienfait précieux. Ils le reçurent avec transport et ils Pont conservé pur jusqu'au moment où les ennemis de cette liberté ont su empoisonner ce sentiment du souffle empesté du fanatisme. Bientôt, un mélange ridicule de lois civiles et ecclésiastiques devint dans leurs mains un instrument perfide de divisions funestes-, ce fut le signal de la discorde parmi des citoyens qui s'étaient jusque-là regardés comme des frères. Les vertus mêmes contribuèrent à ce désordre par leur exagération. Le patriotisme eut aussi des torts par une exaltation qui fut le scandale de l'humanité en substituant une volonté et une verge arbitraire à celle de la loi. Une entière liberté de culte, si vous ordonnez qu'elle soit rigoureusement maintenue, rendra bientôt le calme à ces esprits violemment irrités. Bientôt ces citoyens, plus égarés que coupables, reviendront à leur affection première pour la liberté ; ils consoleront leur patrie des douleurs qu'ils lui auront fait éprouver en devenant, par leur attachement courageux à la Constitution, la terreur de ces mêmes ennemis dont ils furent l'espérance.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'i lim- porte de porter un prompt remède aux trou-les qui agitent la ville d'Arles et les départements méridionaux, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. Le pouvoir exécutif fera
remettre, sans délai, la place d'Arles dans son état ordinaire de
défense; en conséquence, les fortifications nouvellement construites
seront démolies ainsi que la digue élevée sur la route de Marseille, et
les frais du démolissement seront supportés par la commune.
« Art. 2. Les pièces d'artillerie qui ne seront
pas jugées indispensables pour la sûreté de la ville d Arles seront transportées dans la citadelle du Saint-Esprit, ainsi que les munitions de guerre qui se trouveront déposées dans ladite ville, Villefort, les châteaux de Banes et de Jalès.
« Art. 3. Le bataillon de volontaires nationaux, sous le nom de bataillon de la ville d'Arles, sera dissous et les hommes qui le composaient seront tenus de remettre leurs armes à la commune ainsi que tous les citoyens connus pour avoir manifesté des principes contraires à la Constitution ; lesquelles armes seront pareillement transportées dans la citadelle du Saint-Esprit, sous la surveillance des corps administratifs.
« Art. 4. Il sera envoyé incessamment à Arles, Aigues-Mortes, Mende et Villefort, une garnison suffisante en troupes de ligne et volontaires nationaux ; et, en outre, les châteaux de Banes et de Jalès seront occupés par des détachements suffisants jusqu'à ce que 1 ordre soit entièrement rétabli dans ces contrées.
« Art. 5. Le pouvoir exécutif fera donner, par le ministre de la justice, les ordres nécessaires aux accusateurs publics près les tribunaux criminels des départements des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l'Ardèche et de la Lozère, pour qu'ils aient à dénoncer auxdits tribunaux les principaux auteurs des troubles qui agitent ces départements. «
Unmembre : Je demande qu'on renvoie la lettre de Banes, lue par M. Lecointre, au Pouvoir exécutif.
Messieurs, les mesures qu'on vous propose pour réprimer les factieux d'Arles et du camp de Jalès ne peuvent qu'aggraver le mal, si elles ne s'étendent en même temps au département de la Lozère, dont le chef-lieu vient de donner le signal de l'insurrection la plus scandaleuse. La nation indignement outragée par le maire de la ville de Mende, en présence des 3 compagnies du régiment ci-devant lyonnais envoyées pour le maintien de la tranquillité publique; plusieurs grenadiers insultés par un corps de gardes nationales; cinq soldats poignardés, 4,000 fanatiques appelés par le tocsin ; le directoire du département forcé de faire éloigner la troupe de ligne; le tribunal criminel transféré dans un arsenal pour pouvoir y exercer ses fonctions avec sûreté, tel est, Messieurs, l'affreux tableau des malheurs occasionnés par l'insurrection de la ville de Mende; tel est 1 affreux présage des maux qu'elle nous prépare, si vous ne prenez des moyens suffisants pour les prévenir, en même temps que vous dissiperez les factieux d'Arles et du camp de Jalès, auxquels les rebelles de Villefort et de Mende tendent les bras. Ces deux villes sont devenues le refuge des frénétiques féodaux et religieux ; les départements voisins vont être le point de ralliement de ceux d'Arles et de Jalès si une force majeure ne les empêche pas de s'y réunir, et cette réunion serait d'autant plus dangereuse que le département de la Lozère est un pays haché et très difficile; que le sieur Gastellane, déchu de l'évêché de Mende, y réside, on ne sait à quel titre, dans le château national de Gha-nac, aussi fort par sa situation que par les ouvrages de l'art et regardé comme lé plus ferme boulevard des séditieux.
Le Directoire du district de Mende a laissé résider dans cette forteresse le ci-devant évêque, par une sorte de tacite reconduction, et c'est à cette fatale résidence que le fanatisme doit la rapidité de ses progrès. C'est dans la force de ce
château et dans les moyens pécuniaires de celui qui l'habite, que l'aristocratie a mis sa principale confiance.
Au moment de l'insurrection arrivée à Mende le 25 février, 200 hommes armés furent assemblés sur la terrasse du château de Chanac. Le ci-devant évéque les harangua dans les termes les plus factieux, les régala et les soudoya à 40 sous par tête. Les citoyens qui ne se sont pas trouvés a ce rassemblement ont été condamnés à 6 livres d'amende par la municipalité de Chanac, et les malheureux qui ont été hors d'état de payer ont été maltraités et emprisonnés. C'est d'après cet exposé fidèle de la situation alarmante du département de la Lozère, que je me propose d'offrir à la délibération de l'Assemblée plusieurs mesures qui m'ont paru nécessaires au rétablissement de la tranquillité.
Je demande que l'Assemblée décrète que le chef-lieu du département et le tribunal criminel seront transfères à Marvéjols; que le maire et le commandant de la garde nationale de Mende, et le sieur Castellane, ci-devaut évêque, seront mandés à la barre ; que les mesures de répression prises contre la ville d'Arles et contre le camp de Jalès, seront étendues au département de la Lozère ; que le ministre de la justice sera tenu de faire poursuivre les auteurs de l'assassinat des soldats du régiment de Lyonnais. (Applaudissements . )
Vous devez d'autant plus prendre en considération les faits qui viennent de vous être présentés, que les troubles qui ont porté le fer et le feu dans le département de la Lozère, se propagent dans le département de la Haute-Loire qui le limite. Vous devez porter la plus grande attention sur le maire et le commandant de la garde nationale de Mende, qui d'abord avaient mérité la confiance publique, mais qui ne l'avaient fait que pour la trahir ensuite. Il faut punir ces deux prévaricateurs. Ce n'est pas seulement contre des embaucheurs obscurs que vous devez être sévères, c'est surtout contre les fonctionnaires publics qui usurpent la confiance de leurs concitoyens pour les trahir avec plus d'impunité. Si 1 Assemblée se croyait assez instruite, je proposerais même de rendre le décret d'accusation contre eux, et certainement vous n'en auriez jamais porté de plus mérité.
Il importe encore à la tranquillité publique que les autorités constituées resident dans des lieux où elles soient respectées et en sûreté. Le directoire de département et le tribunal criminel ont été obligés de se séparer. Ils ont été contraints de céder à l'orage le 25 février dernier. Le seul moyen de faire connaître que la loi ne tolère aucun délit, c'est de punir la ville de Mende, et de transporter à Marvéjols, comme l'a proposé le préopinant, le tribunal criminel et le directoire du département, qui depuis leur installation n'ont cessé d'être en butte à l'opposition tyrannique de l'aristocratie. La ville de Marvéjols, depuis le commencement de la Révolution, a donné les plus grandes preuves de patriotisme, et cet acte de rigueur apprendra au pays que les autorités constituées doivent être respectées. (Applaudissements.)
Si tous les membres de l'Assemblée étaient aussi convaincus que moi du crime du maire et du commandant de la garde nationale de Mende, je n'hésiterais pas à demander le décret d'accusation. Mais les pièces qui consta-
tent leur incivisme sont déjà au comité des Douze qui doit vous en faire incessamment le rapport.
Je demande donc que l'affaire de Mende soit renvoyée à cette commission, et j'observe, Messieurs, que c'est la ville d'Arles qui est le centre de la contre-révolution, que c'est sur elle que vous devez porter vos premiers regards, que c'est d'elle qu'il est question dans le rapport de M. Delpierre. Je demande comme motion d'ordre, que, vous occupant d'abord de l'affaire d'Arles, celles de Jalès et de Mende soient renvoyées à l'examen de votre comité des Douze pour vous en faire demain un rapport particulier.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Chabot.)
Un membre : Je demande que l'affaire d'Arles soit décidée sans désemparer. (Les tribunes applaudissent.)
En rendant hommage au zèle du préopinant, je le prierai d'observer qu'il est 10 heures, que cette affaire mérite un sérieux examen, et qu'il est possible que l'Assemblée soit bientôt incomplète pour délibérer. Je propose donc l'ajournement à demain matin, immédiatement après la lecture du procès-verbal.)
(L'Assemblée ajourne la discussion sur l'affaire d'Arles à demain matin, immédiatement après la lecture du procès-verbal.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GUYTON-MORVEAU.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1 ° Lettre de M. Delaplace, doyen des gens de lettres, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage de sa composition, en deux volumes brochés, ayant pour titre : le Valère-Maxime français, livre classique.
(L'Assemble accepte cette offre et décrète qu'il en serait fait mention honorable au procès-verbal.)
2° Lettre de M. Boissel, qui fait hommage à l'Assemblée de trois cents exemplaires d'un autre ouvrage intitulé : Adresse à la nation française.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cet ouvrage au comité de législation.)
3° Lettre de M. de Graves, ministre de la guerre, ayant pour objet de donner à l'Assemblée les éclaircissements qu'elle a demandés et de justifier M. de Narbonne, son prédécesseur, de l'inculpation d'avoir négligé de faire passer dans le département des Hautes-Pyrénées (1) les fonds nécessaires pour la solde des volontaires nationaux des frontières d'Espagne. M. de Graves envoie, pour pièce justificative, une lettre de M. de Narbonne, en date du 30 janvier dernier, par laquelle il pressait vivement la Trésorerie d'envoyer les fonds nécessaires pour cette sçlde.
(L'Assemblée renvoie ces pièees au comité militaire.)
4° Lettre du sieur Fassin, député extraordinaire de la commune d'Arles, (jui expose de nouveau ( 1') que Tétat de sa santé et l'insurrection des Marseillais sur Arles ne lui ont pas permis de se procurer tous les renseignements nécessaires pour la justification de ses concitoyens. Il sollicite un court délai pour qu'il puisse remédier à ces inconvénients j cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Monsieur le Président,
« J'ai prévenu hier l'Assemblée, par la lettre que j'eus l'honneur de vous adresser, que le mauvais état de ma santé ne me permettait point de remplir les obligations que m'imposent la confiance de mes concitoyens et qu'en conséquence, j'avais formellement demandé ces derniers jours, à la municipalité d'Arles, de faire procéder, par la convocation des sections, à la nomination d'un second député ; intimement persuadé que mes commettants, jaloux de l'estime ae tous les Français et assurés de détruire les calomnieuses imputations de leurs ennemis, satisferaient bientôt à ma juste demande, je priais l'Assemblée de m'accoraer un délai que la justification de mes compatriotes paraissait exiger.
« Des motifs plus puissants m'autorisent aujourd'hui à le solliciter avec plus de force et, j'ose l'espérer, avec plus de succès. Des nou-vellès inculpations, des mensonges absurdes, des faits tronqués et altérés des lettres supposées, toutes ces pièces, dis-je, inventées par la rage et suggérées par l'esprit de vengeance, ont été portées, depuis peu ae jours, au comité de pétitions et de surveillance ; la distance des lieux, et l'état de trouble et d'agitation qui a nécessairement causé l'incursion des Marseillais qui devaient, après l'expédition d'Aix, se diriger sur Arles, a ôté tous les moyens aux administrateurs, réunis de cette dernière ville, de me faire passer leurs pièces justificatives.
« Législateurs, c est d'après les principes de notre sainte Constitution, c'est eh vertu des Droits de l'homme, que je vous conjure de nouveau aujourd'hui de ne point juger les Artésiens sans les entendre, votre refus compromettrait la dignité de l'auguste caractère des représentants d'un peuple Kbre, puisqu'il exposerait une ville entière, entièrement dévouée par principe et par sentiment à la Constitution, à succomber sous le poids des plus atroces calomnies et à partager la honte des ennemis de notre liberté. D'après ces considérations, je me repose absolument sur la justice et sur l'impartialité de l'Assemblée; je ne demande qu'un court délai et vous n'ignorez pas, Monsieur le Président, que les délais servent à convaincre le crime, comme ils servent à faire briller l'innocence.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé: « Fassin, député extraordinaire de la commune d'Arles.
« Paris, ce
, rapporteur. Je pense qu'il convient d'ajourner une décision qui peut être éclairée par ae nouvelles pièces arrivées au comité.
Plusieurs membres trouvent très extraordinaire que la ville d'Arles, instruite que l'Assemblée nationale est, depuis 2 mois, assaillie journellement de dénonciations toujours plus graves contre elle, ait négligé jusqu'à présent de fournir ses moyens de défense ; ils ne voient dans le délai demandé qu'un nouveau moyen de favoriser le projet des .contre-révolutionnaires, qui ont résolu d'incendier le midi de la France.
L'Assemblée a passé à l'ordre du jour, hier soir, sur une pareille lettre ; je demande qu'elle y passe encore aujourd'hui. Si vous donnez du temps aux aristocrates d'Arles, vous leur laissez la faculté de développer leur système, de recueillir leurs forces et ae laisser accroître le mal à un tel point que le remède deviendra absolument inutile. L'Assemblée connaît assez de faits pour asseoir un jugement. Si vous accordez sans cesse de nouveaux délais, la contre-révolution s'opérera dans ces contrées, avant que vous ayez pu décréter un seul article sur cet objet. Je demande donc qu'on passe aujourd'hui même à la discussion ae cette affaire.
Un membre demande que les nouvelles pièces relatives à l'affaire d'Arles, et parvenues depuis avant-hier à l'Assemblée, soient lues avant que la discussion sur l'affaire d'Arles soit terminée.
J'appuie la proposition de M. Guadet par d'autres motifs. La députation de la Haute-Loire a reçu de son département une lettre qui annonce que le département de la Lozère est en feu, que 20,000 hommes sont armés pour faire la contre-révolution sous le commandement de M. Castellane, ancien évêque du département, du maire et du commandant de la garde nationale de la ville de Mende. Je demande donc que l'Assemblée s'occupe aujourd'hui, à l'instant même, des moyens de ramèner l'ordre dans la ville d'Arles..
Plusieurs membres demandent que l'on passe à l'ordre du jour sur la demande du sieur Fassin.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jouT.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre d'un député extraordinaire du département des Hautes-Alpes qui demande que l'Assemblée mette à Tordre au jour le rapport du comité des secours publics relatif aux besoins pressants de ce département.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité centrai.)
2° Pétition de la commune de Saint-Pierre-sw-Dives, département du Calvados, pour demander qu'il soit établi dans son sein un tribunal de commerce..
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 12 mars 1792, au matin, dont la rédaction est adoptée.
Un membre, au nom du comité de surveillance, demande une séance extraordinaire demain soir pour entendre divers rapports de ce comité.
(L'Assemblée décrète qu'il y aura une séance demain soir.)
, au nom d» comité de marine, fait un rapport et psésenteiui projet de décret sur lrin-
exécution des lois relatives à la police et aux droits de navigation dans les ports de commerce; il s'exprime ainsi :
Messieurs, en examinant les lois rendues par l'Assemblée constituante, sur les différents rapports de l'ancien comité de la marine, votre comité actuel a fixé particulièrement son attention sur le décret du 9 août 1791, concernant la police de la navigation et des ports du commerce.
Il a pensé que les règlements dont il s'occupe pour compléter l'organisation de la marine militaire, doivent marcher de front avec ceux du commerce maritime; car s'il est important que cette partie de la force publique soit bien organisée, il est indispensable d assurer en même temps, suivant les nouveaux principes, le meilleur ordre possible dans la marine marchande, qui constitue essentiellement, presque uniquement, la force et la consistance de l'armée navale.
Or, Messieurs, avec les encouragements et la protection spéciale qu'il est de votre justice et de votre sagesse d'accorder à la profession utile de navigateur, personne ne doute que le moyen le plus efficace de faire prospérer la navigation marchande ne doive résulter de la bonne administration et de l'application uniforme des lois de police. L'arbitraire, le moindre abus dans cette partie, produisent les effets les plus funestes, en dégoûtant nos armateurs des intérêts maritimes. Les vexations des anciennes amirautés en sont la preuve.
Il a donc paru essentiel à votre comité de se livrer à une revision particulière sur la loi déjà rendue à cet égard, pour vous faire connaître ensuite les changements et les modifications dont elle lui paraîtra susceptible.
Ce travail est déjà commencé, et même fort avancé. M. Goppens, qui en est chargé, s'en est occupé avec beaucoup d'intérêt, de zèle et de constance. Néanmoins, reconnaissant que la revision dont il s'agit est à la fois de la compétence des comités de législation et de commerce, votre comité de la marine se propose d'en délibérer avec eux avant de vous soumettre aucun résultat.
Et comme l'examen approfondi de plusieurs questions soumises au concours de trois comités réunis, et à la décision desquelles est essentiellement liée la prospérié de notre commerce extérieur, exigera un temps convenable, plus ou moins long selon l'importance et l'intérêt de ces mêmes questions, et qu'il importe d'ici là de faire observer exactement, uniformément dans tous les ports de l'Empire les lois constitutionnelles déjà promulguées, jusqu'au moment de leur modification ou révocation, votre comité m'a chargé de vous présenter aujourd'hui quelques faits relatifs à celle du 13 août, dont plusieurs dispositions ont été négligées pour motiver le décret préparatoire que je dois vous demander en son nom.
Il est à la fois douloureux et pénible pour votre comité de la marine d'être si souvent obligé d'appeler votre attention sur l'inexécution des lois relatives à ce département. Il semble que quelque génie malfaisant en dirige toutes les opérations, au plus grand dommage de la nation française.
Une immoralité bien caractérisée, ou une insouciance également dangereuse de la part du ministre, une cupidité coupable, sans doute, de la part de l'un de ses principaux agents, une connivence punissable, soit active, soit tacite, de la
part de tous ces suppôts de l'ancien régime, sont autant de causes combinées qui ont arrêté jusqu'à présent, dans plusieurs ports de mer du royaume, nommément dans celui de Cette, la pleine exécution de la loi du 13 août 1791, et ont privé le Trésor national d'un revenu considérable, qui lui appartient depuis cette époque.
Le ministre de la marine, instruit de quelques particularités relatives au port de Cette, dont j'avais entretenu le comité, a écrit, le 24 janvier dernier, la lettre dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture. Vous jugerez que, selon son usage, M. Bertrand présente une justification anticipée. Nous en examinerons le mérite. Nous verrons si, dans cette occasion, il a mieux rempli son devoir, il a moins outragé la vérité que dans l'affaire des congés, dont il n'a été absous que parce qu'un premier décret négatif fut surpris à votre indulgence.
« Je viens d'être informé, dit-il, qu'on prétend que dans quelques ports, etc. »
Sur cette lettre, j'ai du commencer par prendre des renseignements au port de Cette même, afin d'être assuré de la vérité des faits, qui jusque-là ne m'avaient été transmis que d'une manière vague et un peu incertaine.
D'après la correspondance que j'ai tenue, tant avec la municipalité qu'avec le tribunal de commerce, j'ai vérifié et reconnu qu'en effet la loi du 13 août n'était pas entièrement exécutée, malgré l'installation des juges de commerce. D'après même une dernière lettre de la municipalité, en date du 5 février, j'ai lieu de croire que la même loi est pareillement négligée et plus mal suivie dans plusieurs autres ports de la Méditerranée et de l'Océan.
D'un autre côté, votre comité a su, par plusieurs de ses membres, que non seulement cette loi était mal interprétée, mais encore que celle du 31 décembre 1790, portant qu'il serait établi des tribunaux de commerce dans toutes les villes maritimes où il existait des amirautés, n'était nullement connue dans quelques ports de mer, notamment dans celui de la Rochelle, où les juges de commerce ne sont point encore nommés.
De là il résulte une sorte de bigarrure, de diversité de régime d'un port de France à l'autre, bien contraire aux principes d'égalité et d'uniformité consacrés par l'organisation judiciaire.
Il résulte un dommage considérable pour le Trésor public, privé du produit des droits de navigation, qui appartiennent à la nation depuis l'instant où les anciennes amirautés ont pu être entièrement remplacées, et ont dù cesser toute espèce de fonctions et de perceptions.
Il en résulte enfin une véritable anarchie dans quelques villes maritimes, par défaut de surveillance des anciens officiers, dont le zèle pour la chose publique n'a jamais égalé l'ardeur pour les émoluments, et qui aujouid'hui même, sont bien plus empressés à recevoir sans titres qu'à veiller à la bonne- police, là où leurs successeurs ne sont pas encore nommés.
Ces circonstances suffiraient, sans doute, pour motiver le décret que j'ai à proposer.
Mais je ne puis dans ce moment me dispenser d'examiner devant l'Assemblée nationale, la lettre du ministre de la marine, après avoir exposé les trois dispositions relatives à son département, qui n'ont pas été suivies au port de Cette, et ailleurs.
Les juges du tribunal de commerce de la ville de Cette sont, de leur côté, parfaitement en règle. Ils ont nommé leur greffier et le receveur des
droits de navigation, ainsi que la loi le prescrit, et sont entrés en pleiue activité du moment qu'ils ont eu leurs lettres patentes.
Si, de son côté, la municipalité n'a pas fait tout ce que la même loi prescrit, j'ai lieu de présumer qu'elle a été induite en erreur par une personne attachée au département de la marine; car je puis garantir, avec confiance, sa bonne intention et les principes d'une municipalité, dont la conduite, depuis la Révolution, est au-dessus de tout éloge. J'en appelle en témoignage de l'entière députation du département de l'Hérault.
Trois dispositions essentielles de la loi du 13 août 1791 ont été négligées à Cette et dans plusieurs autres villes maritimes, quoique les tribunaux de commerce y soient en activité.
1° La délivrance des congés et passeports de mer, par les chefs ou commissaires aux classes, aux lieu et placé des anciens préposés des amirautés, radicalement supprimés;
2° La nomination et l'installation des capitaines et lieutenants de port, et autres préposés à la police de la navigation, aux lieu et place des anciens préposés et commissionnés de l'amiral, également supprimés, et probablement remboursés de leurs offices ;
3° La recette des droits de navigation à percevoir par les receveurs nommés par les tribunaux de commerce, pour en verser, chaque mois, le produit dans les caisses de district, aux lieU et place des anciens greffiers et receveur de l'amiral, également supprimés, et qui n'ont pu ni dû continuer la recette desdits droits au bénéfice particulier de tous les officiers supprimés depuis la nomination des nouveaux receveurs.
Voyons maintenant s'il est permis au ministre de la marine d'ignorer ce qui se passe dans nos ports à cet égard-là, et si l'excuse anticipée qu'il onne dans sa lettre est admissible et valable. Votre comité ne le pense pas; vous allez apprécier les motifs du jugement qu'il en porte.
Premier motif. Tous les chefs et commissaires aux classes, correspondent directement et très régulièrement avec le ministre. Il ne serait pas raisonnable de supposer qu'ils eussent négligé de l'informer exactement de tout ce qui avait rapport à la nouvelle attribution qui leur est donnée de la délivrance des congés, et de la réception des déclarations des navigateurs. La municipalité de Cette assure d'ailleurs, dans sa lettre au 5 février, que depuis plus de trois mois le commissaire aux classes a envoyé l'état nominatif des capitaines au long cours, pour l'ex- pédition des brevets d'enseignes non entretenus. est donc impossible que le ministre n'ait pas su journellement dans quels lieux la loi était négligée et mal appliquée, dans quels lieux la loi était observée et régulièrement suivié.
Second motif. Le ministre allègue que comme la loi ne prescrit pas aux officiers municipaux de l'informer de ce qu'ils auront fait à l'égard de ce qui les concerne, et qu'il ne lui a été transmis aucune plainte sur cet objet, il n'a pu être instruit de l'inexécution dont il s'agit. Nous allons répondre par le texte même ae la loi. L'article 9 du titre III du décret dont nous réclamons l'entière observation, s'exprime ainsi :
« Les procès-verbaux d'élection des capitaines et lieutenants de port seront a dressés au ministre de la marine, qui leur en fera expédier les commissions sans délai. »
Or, les élections de ces officiers étant dévolues aux conseils généraux des communes par l'ar-
ticle 5 du même titre, le ministre ne peut pas dire que les officiers municipaux n'ont aucun avis à lui donner sur ce qui leur a été attribué ; et de là il résulte évidemment que le silence seul de quelques municipalités aurait dû suffire pour provoquer l'attention du ministre, aussi bien que la correspondance de celles qui, sur ce point-là, se sont sans doute conformées à la loi. H n'est donc pas possible d'admettre que le ministre n'a pu être instruit de l'inexécution sur laquelle j argumente.
Troisième motif. Aux termes de la loi, le double du compte remis au district par le receveur des droits de navigation, doit être envoyé à la fin de chaque année au ministre de la marine. Le nouvel ordre de comptabilité avant établi que dans toutes les parties de l'Administration, l'année commencerait au 1er janvier, le ministre a dû recevoir, dans le courant du même mois, les comptes des recettes faites dans le ports de mer où l'on aura suivi cette disposition essentielle du décret. Et en supposant qu'il n'ait reçu aucun compte de cette nature dans le mois de janvier, cette seule circonstance était propre à lui faire connaître qu'il y avait de la négligence ou du malentendu sur cet objet ; et certes, lorsqu'il s'agit des deniers publics, un ministre ne saurait être ni trop actif ni trop surveillant. M. Bertrand est donc inexcusable, non seulement d'avoir négligé de rappeler à la loi les corps administratifs, les anciens préposés de l'amiral, et les nouveaux receveurs maritimes, mais encore de prétendre cause d'ignorance d'une véritable malversation commise dans son département.
Quatrièmemotif. Enfin, les trois dispositions qui nous occupent, devant être entièrement observées sous l'autorité et la surveillance immédiate du ministre de la marine, c'était à lui à suivre, à s'assurer de leur entière exécution, et à s'en faire certifier par les agents et préposés qui lui sont directement subordonnés, notamment par tous les commissaires aux classes, qu'un silence timide ou coupable a pu faire conniver avec les anciens officiers d'amirauté, percevant frauduleusement des droits dont le devoir de votre Comité de la marine est de poursuivre la restitution.
Jusque-là l'excuse de M. Bertrand n'est donc ni valable ni admissible. Je la crois aussi mensongère et tout aussi peu fondée que celles qu'il a voulu faire valoir dans l'affaire des congés.
Mais à tous les motifs que je viens d'exposer pour réfuter la justification anticipée de M. Bertrand, je dois ajouter pour celle ae la municipalité de Cette une dernière observation ; elle ne portera pas précisément contre ce ministre. Je la dirige contre le chef de son premier bureau, contre la personne même qui directement ou indirectement a induit en erreur cette municipalité. Je la dirige contre ce que l'on appelle un sous-ministre ; car je ne doute pas que vous ne soyez obligés, avant peu, de porter votre attention sur tous les agents subalternes du pouvoir exécutif, sur tous ces bureaucrates qui ne sauraient absolument se plier au nouveau régime, et dont l'aristocratie invétérée arrête la marche du gouvernement, perpétue le désordre et la confusion dans l'intérieur du royaume, et nourrit l'espoir criminel des contre-révolutionnaires.
Le chef de bureau dont je parle, est député extraordinaire de la municipalité de Cette. Il était ci-devant lieutenant général de l'amirauté de la même ville, et de celle du procureur dû
roi, et de celle d'huissier royal de la même juridiction : or? avec tous ces titres, avec toutes ces qualités, il n'a pu ignorer que le tribunal de commerce était établi à Cette, et que néanmoins les droits de navigation étaient perçus par son ancien greffier, qui certainement n'aura pas manqué de lui faire le compte de ce qui lui revenait àlafin dechaque mois pour ses trois offices, d'après les anciennes ordonnances, à moins d'e supposer que ce greffier, percevant sans titre ni fonction, n'ait retenu toute la recette à son profit. La chose n'est pas présumable; d'ailleurs, il faut ici expliquer que le même chef de bureau a pour principal objet de sa compétence, la police de 1a navigation et des ports de commerce; que conséquemment il ne pouvait, sans trahir à la fois, et la confiance de la municipalité dont il est représentant, et le devoir essentiel de sa placé, ne pas éclairer ses propres concitoyens sur l'exécution de la loi, ne pas préyenir son supérieur sur la mauvaise application qui en a été faite-, et s'il n'a absolument rien dit, ne doit-on pas à bon droit lui imputer.le blâme qu'on voudrait rejeter tardivement sur des municipalités trop faibles ou trop confiantes?
Ajoutons à cela le silence réfléchi que le même personnage a gardé, relativement à l'omission du modèle des congés de mer, que vous n'avez pu redresser que le 29 décembre, et nous serons convaincus de sa mauvaise volonté et de ses combinaisons perfides, pour entraver l'èxé-cution des lois régénératrices.
Quoi qu'il en soit cependant de la conduite de ce sous-ministre, vous ne devez diriger votre action censoriale que contrôle ministrelunnême, responsable envers la nation; mais ce n'est pas encore le moment. Ce n'est pas non plus le moment de vous proposer la mesure réparatoire du dommage fait au Trésor public, dans une partie directement soumise à son autorité et à sa surveillance. Avant d'en venir là, votre comité pense qu'il est nécessaire de rendre un décret préalable, dans lés termes suivants, par la raison que l'entière exécution de la loi au 13 août, a dû exiger dans le principe le concours de plusieurs ministres :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de la marine, de l'inexécution, dans plusieurs ports de mer, des lois relatives à la police et aux droits de navigation, que des officiers supprimés ont indûment perçus, et voulant faire cesser un abus aussi contraire à l'ordre public que préjudiciable aux intérêts de la nation, afin d'établir l'unité et l'uniformité de régime dans tous les ports du royaume, et de faire réintégrer dans le Trésor national le produit des droits qui lui appartiennent, décrète que le pouvoir exécutif rendra compte, dans le délai de 8 jours, de tout ce qui est relatif à l'exécution de la loi du 13 août 1791, concernant la police de la navigation et des ports de commerce, et principalèment du versement dans les caisses nationales des droits de navigation qui ont dû être perçus au profit de là nation depuis l'installation des tribunaux de commerce établis dans toutes les villes maritimes Où J1 existait dès amirautés, en conformité du décret du 31 décembre 1790, pour être ensuite statué ce qu'il appartiendra. »
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
Un membre demande que le comité de légis-tion fasse, au plus tôt, son rapport sur la forma-
tion d'un tribunal de commerce dans la ville de La Rochelle.
Un membre observe que ce tribunal peut être formé et mis en activité sans une nouvelle loi.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe- à l'ordre du jour.)
Je reçois, dans l'instant, un procès-verbal de la municipalité de Lisieux, qui porte que, sur une réquisition de la municipalité ae Bernay, on a fait partir sur-le-champ deux cent quarante hommes, avec du canon, pour mettre à la raison les brigands du département de l'Eure. On enverra un plus grand'nombre de gardes nationales si cela est nécessaire. Dans tous les districts, il n'y a qu'un même Cri : Guerre aux aristocrates, guerre aux anarchistes, guerre à tous les ennemis quelconques de la chose publique; la Constitution ou la mort! (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres demandent la mention honorable au procès-verbal et le renvoi à la commission des Douze.
Je demande l'ordre du jour; l'Assemblée ne peut encore décréter la mention honorable.
(L'Assemblée décrète qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour.)
Quelques membres : L'ajournement de la mention honorable !
Je demande la parole pour ap-: puyer l'ajournement. (Non! non!)
(L'Assemblée décrète que M. Thuriot ne sera pas entendu et rejette l'ajournement.)
insiste pour avoir la parole.
Plusieurs membres : A l'ordre ! A l'ordre ! .
Vous voulez déshonorer l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète la mention honorable et le renvoi du procès-verbal à la commission des Douze.)
On vient de me remettre une somme de 427 livres 4 sols en assignats, avec une note qui annonce que ce sont les élèves des écoles gratuites de mathématiques et de dessin établies à Reims qui en font hommage à la nation.
Il a été fondé par M. Rogier de Monclin, citoyen de Reims, une rente de 480 livres, pour être employée à distribuer en prix chaque année aux élèves des écoles gratuites de . mathématiques et de dessin. En 1790, les élèves ont demandé qué la rente, au lieu d'être employée en prix, fût versée dans la caisse des dons patriotiques. La rente, échue le 1er juillet 1790, est de 480 livres, les débiteurs ont retenu pour les deux vingtièmes ét les quatre sols pour livré du premier, 52 livres 16 sols ; partant, reste à verser dans la caisse des dons patriotiques 427 livres 4 sols. Les élèves de ces écoles en font don à la nation. Je demande que l'Assemblée, en l'acceptant, décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la générosité de ces citoyens. (Applaudissements.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes ;
1° Lettre des Acadiens et Canadiens établis à La»
Rochelle qui invoquent l'exécution de la loi rendue en leur faveur le 21 février 1790.
(L'Assemblée renvoie cette lettre à la commission centrale pour qu'elle mette incessamment à l'ordre du jour le rapport du comité des secours publics relatif à cet objet.)
2° Lettre d'un député extraordinaire des citoyens de la confession d Augsbourg qui adresse à l'Assemblée un mémoire contenant les réclamations de ses frères sur les vexations qu'ils disent éprouver encore, malgré les décrets de l'Assemblée constituante.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire aux comités diplomatique et des domaines réunis.)
Plusieurs pétitionnaires, n'ayant pu être admis à la barre dimanche, demandent à y être admis ce soir.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité des pétitions sur les troubles d'Arles.
Je demande la permission de présenter à l'Assemblée quelques réflexions sur le rapport des commissaires civils.
Je demande que les membres se bornent a présenter leurs projets de décret. Les faits connus, il n'est question que de passer à la discussion des moyens à prendre. Je propose donc, par motion d'ordre, qu'on lise de suite le projet de décret présenté par le comité des pétitions et qu'on discute ensuite les articles.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Lagré-vol.)
, rapporteur, donne lecture du projet de décret du comité; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que depuis l'époque du .9 iuin 17.91, deux partis ont déchiré la ville d'Arles; que l'excédent d'artillerie, qui couvre ses remparts et les ouvrages de défense qui ont été ajoutés pendant un temps d'orage, dans le mois de septembre dernier, excitent de la fermentation et de l'inquiétude dans le département des Bouches-du-Rhône et des départements voisins; que les dénominations que les partis se sont respectivement données, ne tendent, en subsistant, qu'à perpétuer les haines et à réveiller des souvenirs dangereux;
« Considérant enfin que,, conformément à l'arrêté du 7 septembre du département des Bouches-du-Rhône, cassé par une proclamation du roi le 18 du même mois, plusieurs citoyens déposèrent volontairement leurs armes à la municipalité et que, depuis, ils n'ont point été réar?J més;
« Décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les 40 pièces de canon ou fusils
de rempart arrêtés sur le Rhône par les citoyens d'Arles, dans le
courant du mois de septembre dernier, ainsi que les 1,000 fusils
destinés à un régiment de ligne, retenus à la municipalité de la même
ville, seront remis sous la main du gouvernement.
« Art. 2. Les ouvrages de défense élevés à l'extérieur des murs seront
démolis en entier aux frais de la commune.
« Art. 4. Nul ne pourra entrer dans la garde nationale arlésienne s'il n'est domicilié dans la ville depuis un an, et dans le cas où quelques individus y auraient été reçus sans cette condition, ils en seront exclus; à cet effet, une expér dition du contrôle des citoyens qui la composent, certifiée par la municipalité et visée par l'administration du district, sera adressée au directoire du département.
« Art. 5.11 sera entretenu dans Arles une force publique, suffisante pour l'exécution des lois et le maintien de la tranquillité.
Art. 6. Les noms de Monnaidiers et de Chif-fonnistes sont regardés comme des injures et ceux qui s'en serviront déclarés mauvais citoyens. »
présente quelques observations relativement au mémoire des commissaires et proposé un projet de décret tendant à mettre le maire d'Arles en état d'àccusation, à faire désarmer les contre-révolutionnaires de cette ville et à y établir une. garnison suffisante pour arrêter les projets des malintentionnés.
M. Ménard a présenté un autre projet de décret dans la séance d'hier au soir. 11 faut d'abord décider lequel de ces projets aura la priorité. Or, je demande la question préalable sur celui du comité et la priorité pour celui de M. Ménard.
Non seulement le projet du comité est insuffisant; mais il contient des dispositions inutiles, dangereuses ou ridicules. Le premier article porte que les 40 pièces de canon où fusils de rempart qui sont dans la ville d'Arles seront mis sous la main du gouvernement. Il est inutile : toutes les armes sont sous la main du pouvoir exécutif, car la Constitution porte èx-pressémértt que le roi dirige la force armée.
De même pour l'article 3. D'où vient l'arrêté du directoire du départemént des Bjouches-du-Rhône? D'où vient l'illégalité des démarches quî-ont été faites dans ce pays contre les patriotes? D'où vient le désarmement de tous les citoyens? Il vient de la conduite louche des corps administratifs ; il vient de la municipalité, il vient du directoire de district qui ne vaut pas mieux que la municipalité, du directoire du département des Bouches-du-Rhône quia favorisé tout Ce qui s'est passé d'inconstitutionnel à Arles. Remettre donc à la diligence des corps administratifs le soin d'armer ou de réarmer les citoyens, c'est remettre entre les mains des malveillants le soin de pourvoir à la sûreté publique. Cet article est donc non seulement inutile, mais il est dangereux.
J'en dirai àutant de l'article 4. C'est parles certificats de la municipalité que l'on veut faire contrôler les titres d'admission dans la garde nationale ; or, l'on sait que c'est à la municipalité que se sont présentés tous les fédérés contre-révolutionnaires. Que seront ces certificats de la municipalité, sinon des contrôles de contre-révolution.
Sur le cinquième article, je demande entre les mains de qui sera déposée la force publique? Sera-ce entre lés mains des commissaires civils ? Sera-ce entre les mains de la municipalité qui vous est dénoncée et dont le maire doit être
mis en état d'accusation, selon le vœu des bons citoyens des départements voisins? Sera-ce entre les mains des directoires de district ou de département qui ont toujours soutenu les contre-révolutionnaires? En un mot cet article est encore très dangereux.
Quânt au dernier article, il est tellement ridicule qu'il n'est pas nécessaire de s'y arrêter, car appeler des citoyens Monnaidiers ou Chiffonnis-tes, Jacobins ou Feuillants, enfin comme on voudra, il est certain que ce sont des expressions que la loi ne doit pas proscrire parce qu'elle ne peut atteindre les qualifications que les citoyens peuvent se donner mutuellement.
Je demande donc la question préalable sur la totalité du projet du comité et je propose d'y substituer une grande partie des articles présentés par M. Ménard, après que vous aurez mis en état d'accusation le maire d'Arles, et suspendu la municipalité ainsi que les directoires ae district et de département dont l'incivisme est si bien démontré. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je crois que tous les projets de décret qu'on vous a présentés, sans même en excepter celui de M. Ménard, sont également insuffisants. Les uns et les autres n'ont pas saisi le vrai point de la question. Il ne convient pas de censurer les corps administratifs; ils doivent être punis comme ayant commis une infraction à la loi; jè vais tâcher de le démontrer.
Il est défendu, par la Constitution et par plusieurs décrets réglementaires de l'Assemblée constituante, aux municipalités ou corps administratifs de mettre aucune ville sur pied de guerre, sans une autorisation expresse du Corps législatif. Cependant, Messieurs, tous les récits que vous avez entendus, toutes les pièces qui vous ont été lues, prouvent d'une manière évidente que la ville d'Arles, avec la seule permission de la municipalité, s'est mise sur le pied de guerre. Non seulement elle a reconstruit des fortifications démolies depuis très longtemps, mais elle en a fait élever ae nouvelles. Le directoire du district et celui du département des Bouches-du-Rhône ne s'y sont nullement opposés, quoiqu'ils eussent dû, s'ils avaient fait strictement leur devoir, en ordonner la démolition. Joignez à cela le vol manifeste, fait par la municipalité d'Arles, des 1,400 fusils, qui n'étaient point destinés aux citoyens de cette ville et dont la municipalité a armé les Ghiffonnistes, c'est-à-diré les contre-révolutionnaires. Je crois qu'aucun membre ne peut se dissimuler que cette distribution d'armes n'avait d'autre motif que celui de favoriser une contre-révolution; elle ne pouvait ayoir celui de défendre une ville qui, se trouvant au milieu des départements méridionaux, n'était nullement menacée.
Vous devez donc voir dans toute cetté conduite un délit national, puisqu'il sera,toujours vrai de dire que la municipalité d'Arles, le directoire du district et celui du département ont formellement contrevenu aux décrets de l'Assemblée nationale constituante. (Murmures.). Je répète, Messieurs, que l'Assemblée ne peut se dissimuler les projets hostiles et contre-révolutionnaires formés par la ville d'Arles et que vous avez des preuves assez convaincantes pour sévir contre a municipalité et les deux administrations qui lui sont supérieures.
Je propose donc de décréter d'accusation la municipalité d'Arles ; je demande en second lieu, non seulement de suspendre les directoires de
district et de département, mais encore de casser ces deux corps administratifs ; de convoquer les assemblées primaires pour procéder à une nouvelle élection des membres de la municipalité ; d'exclure de ces assemblées lesChiffonnistes, c'est-à-dire ceux qui ont manifesté des projets de contre-révolution, et d'ordonner enfin le désarmement de ces derniers : Vous avez extirpé la racine du mal, vous en avez détruit la première tige, il faut à présent en détruire les branches.
Je ne crois pas que l'Assemblée puisse adopter la motion qui vient d'être faite ae casser le directoire de département. Au moment de la naissance des troubles d'Arles, il a très bien rempli son devoir; et quand les commissaires civils sont arrivés dans cette ville, il n'a pu être responsable des mesures que l'on a prises pour arrêter les progrès de l'esprit contre-révolutionnaire de la municipalité. Je rappelle à ce sujet les arrêtés que ce directoire a pris dans le mois de septembre dernier. D'après cela je pense, que si quelqu'un doit être mis en accusation, Ce sont les commissaires civils qui auraient dû employer tous les moyens en leur pouvoir pour désarmer la ville d'Arles.
Je démande la parole pour une motion d'ordre. Je crois que dans une affaire de cette importance, l'Assemblée ne doit se déterminer qu'après avoir entendu les députés du département des Bouches-du-Rhône; parmi ces députés, il en est un qui a réuni la confiance générale, et dont les lumières peuvent éclairer votre décision. Je Crois que l'Assemblée doit l'inviter à rompre le silence auquel il paraît s'être condamné; je demande que M. Antonelle soit entendu. (,Applaudissements.)
Si l'Assemblée m'honore assez de sa confiance pour vouloir m'entendre, je demande qu'elle décrète l'ajournement à samedi. Je ferai distribuer jèudi un long mémoire sur l'affaire d'Arles, que j'ai donné à l'impression; mais, dans ce moment, il m'est impossible de parler (1).
Je m'oppose à l'ajournement à samedi, et pour démontrer à l'Assemblée l'urgence ae son décret, il me suffit jd'observer que cent et quelques patriotes d'Arles, qui forment presque toute la masse des patriotes de cette ville, sont jetés dans les cachots; que ces citoyens courent les plus grands dangers et qu'une glacière, semblable à celle d'Avignon, est prête à s'entr'ouvrir dans cette malheureuse ville. Un petit nombre de Monnaidiers se sont réfugiés à Beaucaire ; ils y sont parvenus en franchissant les remparts, pendant la nuit, à l'aide de cordes. C'est pitié de yoir arriver ces pauvres patriotes qui sont tout nus et qui n!ont pas un sou.
J'ai été témoin d'une séance des amis de la Constitution à Reaucaire, dans laquelle on présenta un cahier où chacun des membres sous-; crivit pour offrir des vivres et un logemènt à ces patriotes réfugiés. Pour toutes ces raisons, Messieurs, je m'oppose à l'ajournement, mais je ne m'oppose nullement au décret d'accusation.
Je demande la parole pour appuyer l'ajournement à samedi. Le 18 du mois
Je suis aussi convaincu que ceux qui m'interrompent, qu'il existe à Arles un foyer de troubles et de contre-révolution. Je connais les localités et je sais que tous les aristocrates se sont rassemblés dans cette ville; mais je crois qu'il serait nécessaire, pour prendre une détermination définitive, de connaître les faits postérieurs au rapport qui vous a été fait le 18 février.
Je demande que ceux qui proposent l'ajournement me nient le délit formel que j'ai énoncé contre la municipalité d'Arles. Les autorités constituées, séantes en cette ville, sont évidemment coupables, et les préparatifs qu'on y a faits, l'ont été pour opérer une contre-révolution.
Tout à l'heure M. Lagrévol a dit que l'on était assez instruit et qu'il était inutile d'entendre les observations de M. Archier. Maintenant M. Broussonnet vient nous dire que nous ne sommes pas suffisamment instruits. Pour concilier ces deux opinions, je propose d'entendre M. Archier et ensuite de décréter d'accusation la municipalité.
Messieurs, ce n'est pas d'aujourd'hui que l'Assemblée est instruite des opinions anticiviques de la majorité des habitants de la ville d'Arles. Dès le mois d'août dernier j'ai écrit au ministre dans les termesles plus clairs et les plus précis. Je peignais cette ville, et vous pouvez le voir par ma correspondance, je peignais cette ville comme un foyer d'aristocratie d'où les patriotes avaient été obligés de fuir? poursuivis par le fanatisme qui s'y était retiré en grande force. Mes plaintes furent apparemment inutiles. Depuis, l'Assemblée constituante y a envoyé des commissaires civils. Je ne sais quel a été le but de leur ministère ; mais depuis qu'ils sont arrivés dans le pays, le mal ne fait qu'empirer.
On vous dit, d'un côté, que Vous n'êtes pas assez instruits, d'un autre, que vous l'êtes plus qu'il ne faut. Eh bien, Messieurs, je vais vous donner un moyen de concilier tousles avis. Je dirai que vous n êtes pas assèz instruits pour porter un décret d'accusation ; mais que vous êtes assez instruits pour suspendre lés corps administratifs de la ville d'Arles et les mander à la barre. Je demande donc que pour mesure provisoire, on suspende de leurs fonctions les officiers municipaux et qu'ils soient mandés à la barre. Vous prendrez alors les mesures nécessaires, et vous ferez remplir les fonctions de la municipalité par les -membres qui étaient en activité lors de la dernière élection. Voilà, je crois, le seul moyen de concilier tous les esprits.
M. Antonelle nous a annoncé qu'il avait un travail à l'impression. D'après cela, je pense qu'il ne lui sera pas difficile de nous donner sommairement le récit des faits.
J'observe qu'ayant quitté le pays depuis six mois, je n'ai pas une connaissance
directe des faits qui se sont passés depuis. La partie de mon travail relative à cette dernière époque, a seulement pour objet de faire connaître la situation des esprits.
Je ne m'oppose point à l'ajournement pour le jugement définitif. Mais il y a des mesures provisoires et instantes à prendre, et ces mesures je vais les indiquer : c'est de mander à la barre, non seulement la municipalité mais encore le directoire de district, et principalement le directoire du département, qui n'a rien fait de ce qu'il devait faire pour empêcher de terminer la contre-révolution ; en outre, comme il serait possible que les corps administratifs ne répondissent pas au mandat de l'Assemblée, je crois qu'il importe que le conseil de département soit mis en activité pour remplir toutes les fonctions administratives et qu'il soit dans le cas de requérir les forces du département pour maintenir la chose publique en sûreté dans le pays; car, si on s'en rapporte au pouvoir exécutif, qui a demandé contre Marseille des forces qui pourraient fort bien n'être pas dirigées dans le sens de la Révolution, on se trouverait exposé à de grands périls. .(Applaudissements.)
insiste sur une prompte décision.
s'oppose au mandat à la barre et invoque l'ajournement.
Le pouvoir exécutif aurait dû faire connaître à l'Assemblée nationale les troubles de la ville d'Arles, et il est responsable de sa négligence à cet égard. Au reste, s'il n'a pris aucune mesure, c'est au pouvoir législatif à en prendre. J'appuie donc la motion de M. Fauchet, tout en observant que le directoire de département ne me paraît pas aussi coupable que les autres corps administratifs.
Je crois que c'est la peine la plus douce que l'on puisse imposer au directoire du département, que celle d être mandé à la barre et je m'étonne qu'il ait pu trouver des défenseurs. L'innocence ou la complicité de ses membres m'est indifférente; ils ont fui, c'est assez. En effet, le plus grand délit que des administrateurs puissent commettre, c'est de quitter leur poste lorsque la chose publique est en danger. Ils ont tous prêté le serment de vivre libres ou mourir, et c est violer ce serment crue d'abandonner son poste. La suspension du décret d'accusation est déjà une faveur pour eux. J'appuie donc la motion de M. Fauchet, mais je demande que les commissaires civils soient également mandés à la barre.
11 ne faut pas voir dans cette affaire, la seule ville d'Arles, mais tous les départements du Midi, la coalition des aristocrates qui s'y sont rassemblés, leur liaison avec le camp de Jalès et avec les émigrés. La proposition de mander les administrateurs à la barre, me paraît devoir être adoptée, ne serait-ce que pour Séparer les anciens administrateurs des nouveaux. Ensuite j'observe qu'ils ne doivent pas être màndés à la narre pour nous éclairer sur la situation actuelle de la ville d'Arles. Ce serait leur faire une sorte d'honneur; car ce serait supposer que vous ajouterez foi à ce qu'ils vous diront. Vous devez les mander pour rendre compte de leur conduite. Je propose donc, comme mesure provisoire, de mander à la barre le directoire du département, le directoire de district et la municipalité, et de les faire provisoirement
remplacer par le conseil général du département, par le conseil général de district, par le conseil général de la commune; de mander également à la barre les commissaires civils; d'inviter le roi à faire partir un corps d'armée, composé de gardes nationales dans le centre des départements du Midi ; et enfin, d'autoriser les corps administratifs à faire élargir tous les citoyens qui ont été emprisonnés dans la ville d'Arles, en vertu d'ordres arbitraires, et sans décrets préalables. (Appaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
D'autres membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix l'ajournement quant au fond.
(L'Assemblée décrète l'ajournement de la discussion sur le fond.)
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Guadet.
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Guadet.)
Plusieurs membres : Le décret d'urgence !
(L'Assemblée décrète l'urgence puis adopte la motion de M. Guadet, sauf rédaction (1).
Vous venez de mander à la barre les administrateurs des directoires du département des Bouches-du-Rhône, du district et municipalité d'Arles ; mais le décret ne dit rien des procureurs-syndics et procureur de la commune ; cependant ils sont les plus coupables, s'ils n'ont pas fait leur devoir, parce que c'était à eux de requérir. Je demande donc : 1° que l'Assemblée décrète que le procureur général syndic du département, le procureur syndic du district et le procureur de la commune d'Arles soient compris dans le décret qui mande les directoires èt la municipalité; 2° Que le délai pour comparaître, soit fixé au 1er avril prochain.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Borie.)
La parole est à M. le ministre de la guerre.
, ministre de la guerre. Messieurs, je ne répéterai point à l'Assemblée des phrases de dévouement qui sont devenues une espèce d'usage. Je crois qu'il est temps que les amis de la liberté jugent les hommes publics par leur conduite, et par leurs actions plus que par leurs discours. C'est, avec le plus extrême dévouement, que je me consacre à la cause-de la liberté. J'ai soutenu de tout mon pouvoir, de toutes mes forces, de tous mes moyens, les officiers patriotes. J'ai cherché à éclairer ceux que l'on séduisait, à leur montrer que le véritable honneur est inséparable de l'amour de son pays. C'est par ces sentiments, c'est par cette conduite que j espère continuer d'obtènir le suffrage et la confiance de mes concitoyens.
Je parle, dans ce moment, devant l'Assemblée nationale, et je parle sans crainte, sans timidité, sans avoir préparé de discours. Je suis ici dans le temple de la liberté, et je sens élever mon âme et mes facultés à la hauteur des destinées de la nation. (Applaudissements.)
Messieurs, c'est en même temps'une peine pour moi que de me voir obligé,
la première fois que je parais dans l'Assemblée, à lui rendre compte
Un membre : Je convertis en motion la proposition du ministre.
(L'Assemblée renvoie les lettres au comité militaire.)
Il est extrêmement instant de prendre un parti à cet égard. Si vous voulez faire la guerre, il est absolument indispensable d'augmenter les appointements des officiers en proportion de la perte des assignats. Je demande que le rapport des comités militaire et des finances sur cet objet, soit ajourné à jeudi soir.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Guadet.)
, ministre de Vintérieûr. Je me proposais de demander la parole à l'Assemblée nationale sur le sujet que le ministre de la guerre vient de traiter. Je vois avéc plaisir qu'elle a prononcé le renvoi à l'un de ses comités pour en faire Je rapport le plus tôt possible. J'ai en effet reçu des corps administratifs de Strasbourg plusieurs lettres très instantes qui montrent l'indispensable nécessité d'établir promptement quelque proportion entre la somme qu'on paye aux officiers et la somme qu'ils sont forcés ae dépenser. Les détails que j'ai sur cela, sont même assez affligeants.
Je dois profiter de cette occasion pour rappeler à l'Assemblée nationale une lettre que j'ai eu l'honneur de lui écrire.
Cette lettre avait pour objet de lui demander s'il ne serait pas utile d'autoriser les deux départements du Haut et du Bas-Rhin à donner quelques secours aux ministres des coVnmunions protestantes. Ce sujet de délibération est grave; mais je crois que aans les conjonctures où nous sommes, lorsque nous avons tant besoin de maintenir le patriotisme sur les frontières, il n'est pas possible à l'Assemblée nationale de laisser réduire à la plus grande misère, les ministres de la communion protestante, qui exercent une très grande influence sur une partie importante de la population.
Je prie rAssemblée nationale de prendre cet objet en considération, le plus promptement qu'elle pourra. Je ne propose pas de les faire payer sur le Trésor public : mais peut-être l'Assemblée' trouverait-elle convenable d'autoriser les départements de donner des secours à ceux qui en ont besoin.
(L'Assemblée renvoie au comité militaire les lettres des corps administratifs de Strasbourg et aux comités diplomatique et des secours publics réunis la demande de secours pour les ministres du culte protestant.)
Je demande que le ministre de la guerre fasse parvenir, dansa jours, au
comité
(L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)
La parole est à M. le ministre de la justice pour répondre aux différents chefs d'inculpation articulés contre lui dans les séances précédentes (1).
, ministre de la justice. Je viens, Messieurs, vous présenter tous les éclaircissements (2) que vous pouvez désirer sur les différents chefs d'accusation qui vous ont été portés contre moi. Je serai simple et aussi court qu'il me sera possible: mais comme je suis obligé d'entrer dans quelques détails qui exigeront des développements, je prie l'Assemblée de me prêter son attention.
Premier chef d'accusation.
Le ministre de la justice a contresigné une lettre du roi, à l'Assemblée nationale, où il est dit que l'Assemblée a rejeté, par la question préalable, les pétitions et inculpations dirigées contre le ministre de la marine : ce fait qui tend à faire croire que l'Assemblée s'est mise en contradiction avec elle-même, est faux et par conséquent calomnieux. Il n'appartient point aux agents du pouvoir exécutif de voir dans les décrets autre chose que ce qui a été renfermé par la délibération de l'Assemblée. Le ministre est coupable, par ce fait, d'avoir provoqué l'avilissement du pouvoir législatif.
Je ne puis dissimuler combien cette dernière phrase m'a été sensible ; et ceux qui connaissent mon caractère et mon vif amour pour la Constitution ont dû s'étonner avec moi que je fusse soupçonné de chercher à avilir l'un des pouvoirs constitutionnels.
Je passe à la dénonciation elle-même : M. Re-boul, qui l'a faite, n'a pas pris garde que l'acte dont il s'agit n'est pas un acte responsable, que ma signature apposée au pied de cette lettre est du genre de celles qui sont apposées au bas des lois. Electeur de ses ministres, non comme pouvoir exécutif, mais comme représentaut héréditaire de la nation, le roi ne rend compte qu'à lui-même des motifs qu'il peut avoir d'accorder ou retirer sa confiance. Je n'ai même pas dû prendre lecture du message que le roi me chargeait de vous adresser : mon devoir se bornait à faire transcrire la minute écrite de la main du roi et à vous garantir, par ma signature, que c'était réellement le roi qui vous écrivait.
Second chef d'accusation.
Il résulte d'une contradiction qu'un membre de cette Assemblée a cru
trouver entre la proclamation du 15 janvier dernier, sur les jurés, et
l'instruction adoptée par l'Assemblée constituante le 19 septembre
dernier. On me reproche d'avoir permis par la proclamation, aux
tribunaux de district, de nommer eux-mêmes les
L'article 2 du titre Ier de la seconde partie de la loi sur les jurés dit que le directeur du juré « sera pris », à tour de rôle, tous les six mois, parmi les membres composant le tribunal, le président excepté; et l'article 2 du titre de la même partie dit également que le tribunal criminel sera composé d'un président et de 3 juges, « pris » chacun, tous les $ mois, et partout, dans les tribunaux de district, le président excepté; ainsi la contexture de ces deux articles est la même; les mêmes mots , «sera pris », « seront pris », sont employés pour indiquer d'où le directeur du juré et les juges du tribunal « seront pris » ; mais la loi garde le plus profond silence sur ceux qui les prendront : il n'est dit nulle part par qui « seront pris » le directeur du juré et les juges destinés au tribunal criminel : l'usage constant a voulu que le directeur du juré fût « pris « par les tribunaux de district, il s'ensuivait naturellement que les juges devaient également « être pris » par les tribunaux de district d'où ils étaient pris. Que ce soient les directeurs de département qui désignent les trois tribunaux qui députeront, les premiers, chacun un juge au tribunal criminel; rien de plus facile à concevoir. Il serait impossible de forcer les sept, huit ou neuf tribunaux de district à se déplacer et à se rendre dans un endroit commun pour y délibérer eux-mêmes quels seront les trois premiers qui fourniront un juge pour le service au tribunal criminel. Il était plus simple de laisser ce soin à un tiers, c'est-à-dire au directoire du département qui les connaît tous. Mais il n'en est pas ainsi des juges de chaque tribunal qui ne sont pas connus par le directoire du département. Les trois tribunaux de district, une fois désignés, chaque juge de ces tribunaux doit, à tour de rôlej laire le service près le tribunal criminel. La loi le veut expressément. Ainsi ce n'est plus qu'une affaire de police du tribunal. Il ne s'agit plus que d'un avertissement à donner au second, au troisième, au quatrième, au cinquième juge, qu'ils doivent aller, chacun à leur tour, pendant 3 mois, remplir les fonctions criminelles.
Est-ce donc sérieusement qu'on m'a reproché d'avoir, dans la proclamation, donné ce soin aux tribunaux de district? Mais ajoute-t-on, l'instruction, page 34, dit expressément le contraire. Mais, sans parler des rapports absolument inconstitutionnels que l'instruction établit entre les corps administratifs et les corps judiciaires, qu'est-ce donc que cette instruction? C'est une masse de 78 pages non divisées en articles, décrétées sans discussion, après une simple lecture et dans la même séance ; c'est un commentaire qui a un caractère vraiment respectable, mais qui n'est revêtu d'aucune des formes qui font la loi et qui, d'ailleurs, contient une foule de contradictions monstrueuses avec la loi sur les jurés.
J'aurai l'honneur de vous soumettre incessamment la liste nombreuse de ces contradictions. En attendant, je dois vous dire que j'ai prévenu moi-même la dénonciation qui vient ae vous être faite. Consulté par un commissaire du roi, sur les moyens de concilier la proclamation et l'instruction, voici la réponse que je lui fis :
Copie de la lettre ecrite par le ministre de la jus-tice, a M. le commissaire du roi, prbs le tri- bunal criminel du departement de I'Aisne, le 7 mars 1792.
« J'ai reçu, Monsieur, votre lettre du 11 février dernier, par laquelle vous m'exposez vos doutés sur la contradiction que vous avez aperçue entre l'instruction sur la loi des jurés et la proclamation du roi du 15 janvier, relativement au point de savoir qui des tribunaux de district ou au directoire du département doivent choisir les juges du tribunal criminel.
« Si cette question était examinée d'après les principes constitutionnels et les premières règles de notre législation, il faut convenir qu'elle ne serait pas décidée en faveur des administrations supérieures de chaque département. En effet, leur abandonner la faculté de nommer parmi les iuges de district ceux qui doivent former le tribunal criminel, c'est élever les corps administratifs au-dessus des corps judiciaires, et la loi les a séparés bien distinctement; c'est au moins établir entre eux un rapport que la loi ne peut reconnaître entre deux corps indépendants l'un, de l'autre.
« Aussi la loi du 29 septembre dit-elle simplement : « le tribunal criminel sera composé d'un « président et de trois juges pris chacun tous « les 3 mois dans les tribunaux de district ».
« Ces termes offrent naturellement le sens que le choix de chaque juge du tribunal criminel, comme le choix du directeur du juré du tribunal de district doit être confié à chaque tribunal : quant au directoire de département, il doit se borner à désigner les trois tribunaux qui doivent fournir les juges, comme il est chargé de désigner les tribunaux d'appel de chaque tribunal.
« Ainsi le roi, placé entre la loi, dont le sens est clair et naturel, et l'instruction qui ne devrait être que le simple développement, que le commentaire purement explicatif de la loi, mais qui, comme vous avez pu le remarquer, si vous l'aviez comparée à la loi, contredit souvent èt y ajoute plus souvent encore, a suivi dans sa proclamation du 15 janvier-le sens que présente la loi, le plus conforme aux principes généraux de notre législation.
« Au reste, Monsieur, je compte mettre incessamment sous lés yeux au Corps législatif le tableau des nombreuses contradictions qui existent entre la loi et jusques à sa détermination, j'invite les tribunaux èt les directoires de département à régler de concert cette petite difficulté qui ne doit pas arrêter un instant la marché des tribunaux criminels. ^^ ; ; :
« P. S. Cependant, comme les termes de l'instruction sont clairs, et qu'elle a été décrétée, il est plus sûr de s'y conformer. De la main du ministre. !» -
Au surplus, si l'on veut juger du fait par l'intention, si l'on veut savoir dans quels principes est faite cette proclamation dans laquelle on m'accuse d'avoir substitué, une jurisprudence ministérielle à la loi elle-même, je demande à l'Assemblée nationale la permission de lui lire le préambule :
« Français, le pouvoir judiciaire est le véritable lien des institutions sociales . sans lui aucun citoyen né pourrait compter sur la libre jouissance de ses premiers droits, sur la propriété de sa personne et de ses biens; sans lui, votre légis-
lation nouvelle vous promettrait en vain de si grands avantages.
« Mais c'est par l'action redoutable et continue qu'il exerce contre le crime et ses auteurs, que ce pouvoir tutélaire intéresse d'une manière plus immédiate et plus profonde, non seulement la société en général, mais chacun de ses membres en particulier.
« Aussi l'Assemblée constituante, non moins soigneuse de garantir à tout individu sa liberté, son honneur et sa vie, que de maintenir la sûreté publique, s'est-elle attachée, avèC une sorte de préférence, à bien ordonner le système de vos lois criminelles; et cette branche ae ses travaux est une de celles où brille éminemment sa sagesse. De peur que le juge ne devînt plus redoutable que la loi, elle n'a conféré le droit de punir, ni à un homme, ni à un corps : elle a divisé tout à la fois et les recherches nécessaires pour la découverte des délits, et les fonctions attribuées aux ministres de la justice : la plainte, l'accusation et la conviction ne sont plus sous la dépendance d'un seul et même tribunal; et le partage de la puissance prévient l'oppression et la tyrannie.
« Français, tel est l'esprit dé ces lois que vous , devez recevoir comme un des plus beaux pré-; sents que la raison ait faits à l'humanité. Le roi ' se félicite de voir enfin, sous son règne, une lé-: ' gislation douce, humaine, et appropriée à une-Constitution libre substituée à un système oppressif, plus propre à effrayer l'innocent qu'à faire trembler le criminel.11 se fait gloire d'avoir commencé à purger le Code de plusieurs de ces atrocités légales dont son coeur gémissait, et d'avoir préparé les esprits à ce que l'Assemblée nationale a exécuté. Il voulait comme elle que la loi protégeâtl'accusé, en punissant le crime, qu'elle respectât jusque dans le coupable la qualité d'homme, et que le supplice même ne fût ' qu'un sacrifice fait à la sûreté publique. Tous ses vœux à cet égàrd vont être remplis ; mais ce1 n'est pas seulement sous ce point de vue que cette institution est belle, elle l'est encore par ; son heureuse influence sur les mœurs nationales.
« La loi des jurés, investissant chaque particulier d'une véritable magistrature, fera naître et nourrira dans tous les cœurs ce respect de soi, source des vertus privées, et garant des vertus publiques, ce sentiment de la dignité personnelle qui ennoblit toutes les affections. Chaque citoyen appelé à devenir tour-à-tour l'arbitre de là destinée de chaque citoyen, saura s'estimer, sentira mieux le prix de l'estime, et reconnaîtra le vrai principe de l'égalité. L'accusé pouvant opposer à la malignité d'un acusateur, et même aux plus redoutables probabilités, lè témoignage de sa vie entière; les citoyens sentiront profondément les besoins d'une réputation pure qui commande l'habitude des vertus. Ainsi s'agrandira encore le génie national; ainsi se développera le véritable esprit de la liberté, et de nouveaux liens de fraternité uniront tous les Français.
« Voilà, citoyens, la perspective que vous offre votre législation criminelle ; voici les obligations quelle vous prescrit. Les intérêts de la société, les droits de l'humanité sont remis en vos mains ; vous vous rendez coupables envers l'une, si vous écoutez une molle indulgence ; vous offensez l'autre, si vous outrez la sévérité légale. Votre conscience, voilà votre guide, la justice votre règle, l'impartialité votre devoir.
Oter au crime l'espoir de l'impunité, soustraire l'innocence à la crainte de l'oppression ou de l'erreur des tribunaux, et le juge à l'empire de sa volonté propre, telle est la perfection d'un système de lois criminelles, tel est l'objet des fonctions augustes qui vous sont confiées.
« Vous plaindriez-vous des dérangements passagers qu elles vous coûteront quelquefois? Non, la liberté, vous le savez, n'est pas un bien que l'on puisse acquérir sans combat, ni conserver sans sacrifice ; il vous convient de prouver à l'Europe, par un zèle ardent à remplir les devoirs que vous impose l'honorable titre de citoyen, que vous êtes digne de le porter. Vos ennemis ont trop rémarqué votre peu d'empressement à exercer dans des assemblées primaires et électorales, le plus important des droits politiques du citoyen dans un gouvernement représentatif. Français, bannissez donc cette funeste indifférence, ou avec une Constitution libre vous ne serez pas des hommes libres, et avec de bonnes lois, vous ne jouirez qu'imparfaitement des biens que de bonnes lois assurent. »
Troisième chef d'accusation.
Pour répondre à ce reproche qu'on me fait d'accorder encore des lettres de grâce, je ne dirai qu'un mot; je lirai l'article r3 du titre VII de la première partie du Code pénal. Le voici :
« L'usage de tous actes tendant à empêcher ou àsuspendre l'exercice de la justice criminelle, l'usage des lettres de grâce, de rémission, d'abolition de procédure, et de commutation de peine sont abolis, pour tous crimes poursuivis par la voie de jurés. »
Ainsi l'exception elle-même suppose que pour tous les délits jugés par les anciens, tribunaux criminels, ou par les tribunaux de district suivant les anciennes formes, le roi a conservé le droit de faire grâce. N'est-ce pas, en effet, un remède nécessaire contre la sévérité de nos anciennes lois et la dureté des jugements qui portaient uniquement sur cette classe qu'on appelait autrefois le peuple? les anciens tribunaux criminels et ceux de district jugeant suivant les anciennes formes, étaient obligés de se décider uniquement sur les preuves légales, et n'avaient pas le droit de déclarér excusable même l'homicide involontaire. Eh bien, alors le roi devient là conscience du juge, et fait les fonctions de juré en accordant des lettres de grâce. Aussi le comité de mendicité de l'Assemblée constituante s'était-il occupé .vivement de cet objet intéressant. Voici la réponse que je fus dans lé cas de faire à ce comité, en réponse à une lettre de M. de Liancourt, qui me parlait de la nécessité d'une commission pour revoir les procès de toutes les personnes détenues à Bicêtre et à la Sal-pêtrière :
Copie de la lettre du ministre de la justice à MM. du comité de mendicité, le 14 décembre 1790.
« Vous me rappelez, Messieurs, un engagement qui m'est cher et qu'il tarde à mon ccéur de remplir. Il m'est arrivé plus d'une fois, durant mes premières fonctions administratives, de visiter les maisons de Bicêtre et de la Salpêtrière, et j'ai promis à leurs malheureux habitants de n'épargner ni soins, ni démarches, ni sollicitations pour adoucir l'horreur de leurs destinées, et les faire participer, autant que le permettrait la justicé et la sûreté publique, aux inestimables
bienfaits de la Révolution. J'étais loin de prévoir alors que j'aurais un jour le bonheur de réaliser par moi-même leurs espérances. Mais je n'en mis pas moins d'intérêt à observer tout ce qui me semblait capable d'émouvoir une âme sensible en faveur de l'humanité souffrante et dégradée. C'était une chose aussi inespérée qu'attendrissante pour moi, de retrouver encore sur ces visages flétris la trace des plus touchantes affections de la nature, et de saisir quelques expressions de reconnaissance et de joie, où je craignais de n'entendre que les cris du désespoir.
«t J'osai penser qu'il ne serait pas impossible de rendre a ces infortunés une étincelle de vie morale, et peut-être ne faudrait-il, pour arriver à ce but si désirable, que substituer à la dureté d'un régime arbitraire une exacte proportion entre les délits et les peines, des règles invariables d'équité, et surtout cette compassion, ce zèle d'humanité que nous devons à tous nos semblables, quels qu'ils puissent être.
« Vous le voyez, Messieurs, je fais gloire de professer vos sentiments et vos principes. J'adopte également vos réflexions judicieuses sur les distinctions à faire entre les coupables.
« Les uns n'ont à se reprocher que des fautes. Ce serait non seulement une injustice, mais une barbarie, de prolonger leur captivité. Les autres ont Commis des délits, mais plusieurs d'entre eux les ont suffisamment expiés par les rigueurs d'une longue détention. Il convient de remettre ces derniers en liberté. Quant à ceux qui se sont souillés de forfaits, et qui ont mérité la mort, on ne saurait se dispenser, en les retenant dans les fers, de les soumettre à une discipline plus morale et plus douce.
« Voilà, Messieurs, de quoi je vais m'occuper incessamment, avec les commissaires nommés par le roi. 11 ne m'appartient pas d'exposer ici mon opinion particulière sur les autres questions que m'offre votre lettre. C'est à l'Assemblée nationale de les examiner dans sa sagesse, lorsqu'elle débrouillera le chaos de notre jurisprudence criminelle. Mon partage est moins brillant, et ne satisfait pas moins mon cœur; j'irai moi-même, Messieurs, j'irai dégager la parole que j'ai donnée à ces infortunés ; j'irai leur apprendre que les législateurs de la France daigneront compatir à'leurs misères. Ils béniront, sans doute, une Révolution dont les salutaires effets pénètrent jusqu'au fond des cachots; une Révolution consacrée par des principes de philanthropie universelle, et qui assure indistinctement à tous les citoyens, justice, humanité, protection. »
Au surplus, je dois vous rendre compte des précautions que je prends toujours avant d'accorder des lettres de rappel. Je ne le fais qu'après avoir consulté lés commissaires du roi, après m'être assuré que les détenus mènent habituellement une bonne conduite èt qu'ils ont des moyens de subsister sans être à charge à.la société. Quant aux lettres de commutation de peine, j'ai toujours soin de me régler autant que possible sur le nouveau Code pénal. Par exemple, si l'accusé, condamné par les anciens tribunaux criminels à perdre la vie. n'eût été puni par le nouveau Code pénal, que de 20 ans de détention, je convertis la peine de mort en 20 ans de détention.
Je ne sais si je dois me justifier du reproche qui m'a été fait, d'avoir accordé des lettres de grâce pendant l'époque du 21 juin. Comment se trouverait-il un citoyen qui me dénonce pour avoir alors exercé ce droit? Ignore-t-il qu'un
décret autorisait provisoirement les ministres de continuer à faire chacun dans leur département, et sous leur responsabilité, les fonctions du pouvoir exécutif? Ne sent-il pas que le droit de délivrer des lettres de grâce est une partie de mon département, ou pense-t-il qu'à cette terrible époque la justice, ou même la clémence, dussent sommeiller?
Quatrième et cinquième chef d'accusation.
Je ne dirai qu'un mot sur le quatrième, qui consiste à avoir donné une commission de notaire au sieur Beville, demeurant à Saint-Denis. La ville de Saint-Denis avait senti le besoin d'un second notaire, et elle était effectivement dans l'analogie d'une loi très ancienne qui ordonnait que les villes excédant une certaine quantité l'habitants auraient deux notaires. J'ai suivi, à cet égard, la marche que je suis constamment; i'ai consulté les corps administratifs, et j'ai entre les mains cinq lettres différentes de M. Pastoret, procureur général syndic du département de Paris, par lesquelles il me mandait qu'il croyait l'établissement d'un notaire à Saint-Denis, non seulement utile, mais nécessaire.
Je passe au cinquième chef d'inculpation qui à paru le plus grave. Il s'agit de provisions de notaire, accordées le 14 octobre à M. Charpentier. Permettez-moi de remonter un peu plus haut, c'est-à-dire dans l'intervalle dé lg. sanction à la promulgation de la loi sur la nouvelle orga-sation des notaires. La suppression des justices seigneuriales avait produit un assez grand vide dans plusieurs fonctions ministérielles, et principalement dans celles des notaires. D'un autre côté, l'abolition de la vénalité m'avait rendu difficile sur la délivrance des provisions de notaires. Cependant il devenait instant de pourvoir au remplacement des offices vacants par mort ou par démission. Alors, je fixai l'attention de PAssemblée constituante sur cet objet par ma lettre du 14 septembre 1791 :
« Monsieur le Président, ie crois devoir solliciter l'attention de l'Assemblée sur un objet qui chaque jour devient plus pressant. Elle n'a pas encore statué sur le sort des notaires, et ce délai me rend incertain sur la conduite que je dois tenir lorsqu'il est question de leur remplacement.
« La vénalité des offices étant abolie, il peut désormais paraître inconstitutionnel de délivrer de nouvelles provisions d'offices de notaire, quoique ces offices ne soient pas expressément supprimés.
« D'un autre côté les notaires seigneuriaux n'existent plus et cependant ils instrumentent encore dans plusieurs endroits, tandis que. dans certains autres ils ont cessé service, inconvénients auxquels je n'ai pu suppléer qu'en donnant quelques commissions d'après l'avis des directoires de département.
« J'ajouterai, Monsieur le Président, que plusieurs notaires exercent des fonctions que la loi déclare incompatibles; et qu'il serait peut-être dur de les forcer à l'option au moment où leur sort paraît sur le point d'être décidé.
« Je vous prie, Monsieur le Président, d'engager l'Assemblée à prendre ces motifs en considération, et à faire cesser ma perplexité en s'occupant incessamment de ces utiles fonctionnaires publics, dont la position si intéressante
sous plus d'un rapport, sollicite vivement sa bienveillance et sa justice.
« Je suis, etc.
Signé : « duport. »
Quelques jours après, le projet de la nouvelle loi fut mis a la discussion. Alors je devins plus sévère, persuadé que, le projet connu, les de-^ mandes allaient se multiplier à l'infini. Je consultai le comité de Constitution, qui donna une décision par laquelle il déclara qu'il ne voyait pas d'inconvénient, qu'il voyait même justice à l'obtention de provisions pour le sieur Charpentier. Cependant le 14 octobre, jour que ces provisions furent scellées, la loi était sanctionnée, mais n'était pas promulguée. C'est à cette époque que je reçus du sieur Jousset, premier clerc de M. Pérignon, la lettre suivante :
« Monsieur, déjà le publie se livrait à l'espérance d'éprouver Une diminution sensible dans le prix des honoraires de notaires; et si l'indemnité qui leur a été accordée pour la suppression de la vénalité de leurs offices était regardée comme un fardeau pesant pour le Trésor public, on croyait en trouver la juste Compensation dans la réduction des honoraires; mais quel sera l'étonnement des citoyens quand ils sauront, qu'indépendamment de leur indemnité, les notaires vont encore obtenir la faculté de vendre leurs places comme-auparavant? A quoi servira donc l'indemnité, si ce n'est à épuiser le Trésor public et à enrichir les notaires, sans aucun soulagement pour le peuplé? Ces observations sont la suite d'un avis qu'on m'a donné hier, qu'un premier clerc de Paris allait obtenir de vous, Monsieur, ou des provisions, ou une commission pour succéder à son notaire. Comme l'ombre cache toujours les œuvres suspectes, celui qui vous a sollicité a dû s'envelopper des voiles du mvstère, et à cet égard les renseignements que j^ai reçus ne peuvent avoir le degré de certitude nécessaire peut-être pour légitimer ma démarche; mais elle trouve son excuse dans l'intérêt public. Si l'avis est faux, cette lettre sera comme non-avenue. Si, au contraire, il est vrai, je me permettrai de vous observer, Monsieur :;1° que le retard de la sanction du décret qui supprime la vénalité, ne pouvant être attribué qu'à votre volonté, il s'ensuivrait que votre volonté seule, prévalant sur les décrets du Corps législatif, ferait sortir de la chancellerie les actes les plus contradictoires à ces décrets; 2° que quoique j'aie partagé et que je partage encore avec tous les nons citoyens la satisfaction peu commune de vous voir élevé au ministère, mon devoir de citoyen m'obligerait cependant à provoquer la justice du Corps législatif et de l'opinion publique sur un acte qui blesserait à la, fois et l'intérêt public et le respect que vous devez aux décrets de l'Assemblée nationale, dont le défaut de sanction ne pourrait être attribué, dans ce cas, qu'à la volonté où vous seriez de vous ménager les moyens d'y contrevenir. Pardon, Monsieur, de ce langage sévère ; il est celui d'un ami chaud et sincère des lois et de la liberté.
Je suis, etc. »
Voici quelle fut ma réponse ;
« Je reçois à l'instant votre lettre, Monsieur ; elle est d'un honnête homme, et la fermeté m'en plaît ; car ce serait bien inutilement qu'on m'au-
rait choisi? si je ne savais pas entendre la vérité, comme j'ai su la dire dans tous les temps. 11 est vrai que j'ai donné aujourd'hui un renaez-vous à un notaire que j'aime et estime, et à son maître-clerc, dont je fais beaucoup de cas ; et que je dois discuter avec eux la possibilité ou l'impossibilité de faire ce qu'ils désirent. Vous ne serez pas de trop dans cette discussion ; car je cherche toujours la justice, et je vous suis obligé de m'avoir mis en garde contre une chose injuste que je pourrais faire. Si vous voulez vous trouvez chez moi entre six heures et demie et sept heures, j'en serai fort aise. Je vous salue. Au surplus, le décret est sanctionné, et je donne des ordres pour que la publication n'en soit pas retardée. »
La conférence eut lieu. Nous discutâmes ensemble ce grand axiome de notre jurisprudence auquel nous devons nous conformer tant qu'il n'est pas aboli, savoir, que les lois ne sont obligatoires que du jour de la promulgation. M. Jous-set sortit dé chez moi si convaincu, que le lendemain soir il me fît une demande pareille. Voici sa lettre :
« Monsieur, j'invoque le bénéfice de la loi pour le sceau des provisions de notaires à Paris, que M. Sourdeau m'a préparées, et que j'apporte avec le registre que sa confiance en moi lui a fait me remettre. J'implore votre bienveillance pour accélérer cet acte de vôtre justice et je l'attends dans votre antichambre. Quelques instants plus tard, et je vais savoir si je serais quelque chose dans la société ou si je dois me résigner à une nullité désespérante.
« Signé : Jousset, premier clerc de M. Péri-gnon, notaire. »
« Ce dimanche, cinq heures et demie du soir. »
Mais la loi était envoyée aux tribunaux. Alors la question devenant plus délicate, et les demandes se multipliant de toute part, je m'en référai à l'Assemblée nationale et je lui soumis, non la première question, dont je ne doutais pas, mais la seconde, qui me paraissait différente, non pour tendre a l'Assemblée un piège, ainsi qu'un membre s'est permis de l'avancer, mais seulement pour éclaircir un point délicat. L'Assemblée n'a pas adopté mon opinion sur la première question. Cela prouve seulement que je m'étais trompé, et que le comité de législation, qui pensait comme moi, s'était aussi trompé. Mais sous quel prétexte pourrait-on me rendre responsable d'une simple opinion de jurisconsulte conforme aux anciens principes non encore abolis?
Sixième chef d'accusation.
Par ce grief, on me reproche de continuer à accorder des lettres de répit qu'on confond perpétuellement avec des arrêts de surséance. Je me borne pour toute réponse à vous donner lecture d'une lettre de M. Yoidel, et de la réponse que je crus devoir lui faire :
« Paris, ce 20 décembre 1791.
« Hier au soir, Monsieur, à l'audience des référés, s'est présenté devant moi un demandeur à fins de continuation de poursuites contre l'entrepreneur de l'illumination de Paris. Celui-ci a produit, pour défense, des lettres de répit, en date du 13 de ce mois, signées Louis, contre-
signées Duport; adressantes au troisième tribunal, portant défense et un délai de six mois pour l'entérinement. Vous avez été surpris, Monsieur, et le commis qui a expédié cette pièce est ignorant ou coupable. Les lettres de surséances et de répit étant positivement proscrites par la loi, si malheureusement celles-là tombaient en des mains ennemies, on ne manquerait pas de, vous en faire un crime ; pour moi, qui ai l'honneur de vous connaître, il m'est impossible d'y voir autre chose qu'une surprise, et je me hâte de vous en prévenir, afin que vous puissiez en punir l'auteur, et empêcher l'usage malfaisant qu'on en voudrait faire.
Signé : charles voidel.
Voici ma réponse, je vous demande la plus grande attention, elle contient l'exposé des seuls principes connus Sur cette matière :
« Vous m'informez, Monsieur, par votre lettre du 20 décembre, que l'entrepreneur de l'illumination de Paris, poursuivi par un créancier, lui a opposé des lettres de répit, adressantes au tribunal près duquel vous exercez vos fonctions; vous observez que ces lettres étant positivement proscrites par la loi, le commis qui les a expédiées est ignorant ou coupable; vous ajoutez que si ces lettres tombaient dans des mains ennemies, on ne manquerait pas de m'en faire un" crime ; mais que me connaissant, vous n'y voyez qu'une surprise qui m'a été faite, et dont vous me prévenez pour que je puisse en punir l'auteur.
« Je vous dois, Monsieur, des remerciements pour l'avis amical que la justice que vous me rendez vous a engagé à me donner, et je vous les fais de tout mon cœur; mais vous avez dû penser que les lettres de répit qui vous ont été présentées n'ont pas été, expédiées légèrement et sans examen. Je ne peux pas croire que les personnes employées dans mes bureaux aient fe dessein de me tromper ; elles y réussiraient, d'ailleurs, difficilement, parce que je regarde comme une de mes obligations de voir tout, et je la remplis avec scrupule. Il n'existe aucune loi positive qui abolisse les lettres de répit; il n'existe même aucune disposition des lois nouvelles d'où l'on puisse induire l'abolition de ces sortes de lettres; elles sont spécialement autorisées par l'ordonnance de 1669, qui n'est point abrogée en cette partie ; le titre VI ést uniquement employé à exposer les circonstances dans lesquelles ces sortes de lettres doivent être accordées, et lés formalités à observer; ces lettres s'expédient au grand sceau : le juge auquel elles sont adressées est autorisé, par l'article 4 de l'ordonnance de 1669, en entérinant les créanciers appelés, à donner le délai qu'il croira convenable pour payer les dettes ; il ne peut aceorder plus de cinq années, sinon du consentement des trois quarts des créanciers, mais il doit être accordé, par les lettres, un délai de 6 mois au débiteur, pendant lequel temps défenses seront faites à tous huissiers, d'attenter à sa personne et meubles meublants. C'est la disposition formelle du même article 4. Quoique les lettres de répit soient entérinées, les créanciers peuvent cependant faire saisir les immeubles, les mettre en criées et baux judiciaires; (article 5) enfin, si l'état sur lequel les lettres ont été accordées, est frauduleux, le débiteur peut être déchu du bénéfice de ces lettres, même après leur entérinement. C'est le vœu de
l'article 2 du titre 9, de l'ordonnance de 1673. Toutes ces dispositions des ordonnances de 1669 et 1673 n'étant point abrogées, il est évident que les lettres de répit, dont vous me parlez, ont pu être demandées et délivrées, et que le délai ae six mois et les défenses accordées à l'impétrant, loin d'être une contravention à la loi, ne sont que l'exécution littérale de l'ordonnance de 1669. Il existe bien à la vérité, dans le titre 1.4 de l'organisation judiciaire, deux articles relatifs à l'usage des lettres royaux ; mais il suffit de les lire, pour se convaincre qu'ils ne s'appliquent point aux lettres de répit.
« L'article 20 porte : « que les chancelleries établies près des cours supérieures et présidiaux, ensemble l'usage des lettres royaux qui s'y expédiaient, demeurent supprimées ». Et l'article 21 veut que « dans les cas où. lesdites lettres étaient nécessaires, on se pourvoie devant les juges compétents, pour la connaissance immédiate du fonds... ».
« Ces dispositions ne s'appliquent donc qu'aux lettres royaux qui s'expédieront dans les chancelleries établies près les cours et présidiaux; c'est l'usage de ces lettres seules qui est supprimé. Les lettres de répit, comme celles de grâce, ne s'expédiaient point dans ces chancelleries, mais au grand sceau; ainsi, les dispositions de la loi citée sont évidemment étrangères aux lettres de répit, dent l'usage ne peut cesser que lorsqu'il sera interdit par une loi précise.
« P. S. J'en ai fait expédier un assez grand nombre depuis que je suis au ministère, au vu et au su de tout le monde, puisqu'elles l'entérinent. Elles n'ont jusqu'ici souffert aucune difficulté. Lorsque le conseil existait encore, le rapport s'en faisait devant moi par un maître des requêtes, en présence de trois autres et d'un conseiller d'Etat. Depuis la suppression du conseil, elles s'expédient sur le vu de mon comité de jurisprudence et après examen et un bon de moi àu pied de ce vu. Vous voyez qu'il n'y a pas lieu à surprise de la part de mes bureaux, et qu'il faut être un peu circonspect à les en accuser,' ainsi que sur le reproche d'ignorance. Je ne puis, au reste, qu'être très sensible à la bienveillance dont votre lettre est pour moi une. preuve précise. »
J'ajouterai que dans ce moment plusieurs lettres de répit me sont demandées. Je les suspendrai par respect pour l'Assemblée,même je prierai son comité de s'en occuper promptement, il s'agit de créanciers de l'Etat, qui, pour payer leurs dettes, attendent après leur liquidation.
Au reste, vous devez savoir que les lettres de répit n'étaient autrefois accordées qu'au conseil de la chancellerie, sur le rapport d'un conseil d'Etat et devant trois maîtres des requêtes ; j'ai substitué à cette forme le conseil de justice, composé de quatre jurisconsultes appelés auprès de moi, pour m'aiaer de leurs lumières. Ainsi ce serait une erreur très grossière que de confondre des lettres de répit, avec des arrêts de surséance.
Septième chef d'accusation.
Il résulte d'un sursis accordé dans un procès criminel du nommé Tirion, et d'une commutation de peine accordée au nommé Auger. Quant au sursis obtenu par le nommé Tirion, vous devez vous rappeler que les anciennes lois qui donnaient également au civil et au criminel la faculté de se pourvoir en cassation, ne fixaient aucun délai
pour le criminel, et que cependant les jugements criminels étaient exécutoires dans les 24 heures; ce qui a nécessité les sursis pour ne pas rendre dérisoire cette faculté de se pourvoir en cassation. D'ailleurs, vous allez voir avec quelle connaissance de cause je me suis comporté dans l'espèce présente. Voici la lettre du défenseur officieux de cet accusé :
« Monsieur,
« Le sieur Tirion, de Senlis, détenu au Ghâtelet, a pris, chez le sieur Donon, maître de pension, son ami, chez lequel il était précepteur, sans honoraire, en attendant qu'il trouvât une place utile, pour 260 livres d'assignats. Le sieur Donon a été désintéressé sur-le-champ, et a donné son désistement dès le commencement de la procédure.
« Le sixième tribunal provisoire du palais a confirmé hier, moi plaidant, un jugement du quatrième tribunal, qui condamne le sieur Tirion au carcan et à trois ans de détention.
« Le sieur Tirion n'a que 24 ans et a inspiré au tribunal l'intérêt le plus touchant. Il serait affreux que ce jeune homme, dont la carrière peut être longue encore, fût perdu pour la société.
« Je ne puis vous rendre, Monsieur, l'intérêt qu'il m'a inspiré à moi-même.
« Le tribunal l'a condamné avee les plus grands regrets. Il a mis en délibération s'il prendrait le parti de vous supplier lui-même de vouloir bien commuer la peine, et il n'a pas cru qu'il dût se permettre cette démarche. Mais il m'a fait appeler aujourd'hui, expressément pour me dire de. la fairé, et de m'autoriser de son suffrage, et des vœux ardents qu'il fait pour son succès.
« J'ai l'honneur, de vous supplier, Monsieur, au nom de ce que vous avez de plus cher, de vouloir bien commuer la peine du sieur Tirion, lui ôter le carcan, et diminuer sa détention. Je vous en conjure à mains jointes.
« Ayez la bonté, de vous rappeler, Monsieur, que dans un âge plus avancé que mon client, un homme que vous vénérez, j'en suis sûr, qui sera toujours l'idole des cœurs vertueux et sensibles, un moraliste profond, une espèce de législateur, consulté avec respect, après sa mort, par les législateurs de la France, a volé son ami et son bienfaiteur, et combien lés caractères de son crime, qu'il a eu le courage héroïque de confesser lui-même publiquement, l'aggravaient encore.
« Si Jean-Jacques, dont je ne prononce le nom, et ne me rappelle le souvenir qu'avec attendrissement et respect, eût été dénoncé par son ami, s'il eût été livré entre les mains ae la justice, c'en était fait, et il était perdu pour le monde ; et le monde eût été privé ae son repentir, de ses remords, et du fruit de ses leçons sublimes.
« Prenez ce texte, je vous supplie, Monsieur, et je m'abandonne à votre cœur que je connais.
« Signé : giroust. »
Quant au nommé Auger, il s'agit si peu d'une commutation de peine que sa requête n'a été jugée qu'aujourd'hui. Je reçois à l'instant une lettre du substitut du commissaire du roi près le tribunal de cassation, datée d'aujourdhui 13 mars. La voici :
« Paris, ce 13 mars 1792.
« Monsieur, j'ai l'honneur de vous informer que la requête de M. Anselme Auger, soldat de la garde nationale parisienne, en cassation du jugement en dernier ressort du sixième tribunal criminel, établi à Paris le 12 septembre dernier, qui le condamne à perdre la vie, a été rejetée par jugement du tribunal criminel de cejourd'hui.
Signé : Lanudade, substitut du commissaire du roi au tribunal de cassation. 9
Comment puis-je donc être dénoncé hier pour avoir donné à ce soldat des lettres de commutation de peine, postérieurement au rejet de sa requête, par le tribunal de cassation, puisqu'il n'a été jugé qu'aujourd'hui ?
Huitième chef d'accusation.
Ici, je suis dénoncé pour avoir donné des provisions de commissaire du roi à M. Gonneau-Des-fontaines, qui s'est trouvé n'être pas dans les termes de la loi. Il est bien étonnant que ce soit en retour de ma confiance que MM. les députés de la Haute-Vienne se soient permis cette dénonciation. L'Assemblée nationale doit se rap-pelér les précautions que j'ai prises pour la nomination des commissaires du roi près les tribunaux criminels. A l'égard de M.Gonneau dont j'ignorais l'inéligibilité, mais que tous ses concitoyens m'assuraient être digne de la confiance du roi, c'est aux tribunaux seuls à juger de cette nomination. Au surplus, je n'ai aucun compte à rendre à cet égard; c'est comme si on poursuivait un corps électoral pour avoir élu un candidat qui n'aurait pas l'âge, le temps d'étude, ou quelque autre qualité légale. La seule peine de l'erreur, c'est la nullité de la nomination.
Neuvième chef d'accusation.
J'arrive enfin à la dernière dénonciation faite par M. Couturier, pour avoir refusé des lettres de rappel au nommé Branne, détenu aux galères pour cause de faux-saunage.
A cela je n'ai que 3 mots à répondre : 1° les lettres de rappel étaient expédiées antérieurement à la dénonciation de M. Couturier; 2° le nommé Branne au faux-saunage avait ajouté la rébellion, ce qui le mettait hors la disposition de la loi du 21 mars 1790, et ne lui laissait de ressource que dans la clémence du roi; 3° j'ai pu retarder l'expédition de ces lettres de rappel, attendu mes principes connus de faire sortir peu de galériens à la fois, et de prendre auparavant des informations sur leur conduite habituelle, et sur les moyens qu'ils ont de subsister sans être à charge à la société.
Voilà, Messieurs, tous les éclaircissements que vous pouviez désirer sur les dénonciations qui vous ont été portées contre moi. Je remettrai à votre comité toutes les pièces justificatives dont je vous ai fait lecture.
J'invite l'Assemblée nationale à examiner sévèrement les réponses que M. le ministre de la justice vient de lui communiquer. Il m'a paru, d'après ses observations, qtfil a donné aux agents du pouvoir exécutif, et surtout aux ministres, un exemple bien dangereux pour lar chose publique en prenant sur lui, dans
plusieurs circonstances, de suppléer au silence de la loi ou aux obscurités qu'il pouvait y avoir. Hâtez-vous, Messieurs, d'arrêter dans sa naissance un pareil abus qui, si vous lui donniez le temps de se fortifier, introduirait bientôt une jurisprudence ministérielle qui viendrait remplacer vos lois. Vous ne tarderiez pas à être replongés dans le chaos dont vous avez eu tant de peine à sortir. Je demande le renvoi du tout au comité de législation. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande que le procès-verbal fasse mention que les réponses du ministre sont verbales.
, ministre de la justice. J'offre de les remettre par écrit.
Dans ce cas, je demande que le ministre soit tenu de rédiger par écrit les explications qu'il vient de donner et qu'elles soient renvoyees au comité de législation.
(L'Assemblée décrète que le ministre fera parvenir sa réponse par écrit et la renvoie au. comité de législation.) (1)
Je vais lire à l'Assemblée la rédaction du décret qu'elle a rendu tout à l'heure sur l'affaire d'Arles (2). La voici :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est instant d'arrêter les troubles de la ville d'Arles, et d'en prévenir les effets, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les administrateurs composant le directoire du département des Bouches-au-Rhône, celui du district d'Arles, et les maires, officiers municipaux de la même ville, ensemble le procureur général syndic du département, le procureur syndic du district, et le procureur de la commune, comparaîtront à sa barre le 1er avril prochain, pour y rendre compte de leur conduite durant les troubles de la ville d'Arles. Décrète aussi que les commissaires civils envoyés à Arles, viendront également à sa barre, dans le mêmè délai, pour rendre aussi compte de leur conduite.
« L'Assemblée nationale décrète que, provisoirement, et jusqu'à ce qu'elle en ait autrement ordonné, les fonctions administratives et municipales dans le département des Bouches-du-Rnône, lé district et la ville d'Arles, seront remplies par les conseils généraux d'administration et de la commune, à l'effet de quoi chacun desdits conseils généraux se réunira et nommera, s'il le juge convenable, savoir : le conseil général du département, neuf membres, dont 1 un sera désigné pour remplir les fonctions de procureur général syndic;celui du district, cinq membres, dont l'un sera également désigne pour remplir les fonctions de procureur syndic; et celui ae la commune, un nombre de membres égal à celui des officiers municipaux de la ville d'Arles, y compris le procureur de la commune, lequel sera également désigné pour en remplir les fonctions.
« L'Assemblée nationale décrète que le conseil
Second décret.
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Le roi sera invité de faire former, dans le centre des villes d'Arles, Marseille, Beaucaire, Nîmes et Montpellier, un corps d'armée, principalement composé de gardes nationales, lequel sera destiné à maintenir, sous la réquisition des corps administratifs, l'ordre et la tranquillité dans les départements du Midi, et principalement ceux des Bouches-du-Rhône, de la Lozère, de l'Ardèche et du Gard. »
Plusieurs membres font quelques observations et présentent des amendements qui sont rejetés par la question préalable.
(L'Assemblée adopte la rédaction présentée par M. Guadet.) (La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Observations (1) sur le compte rendu au roi par M. Debourge, Vun des commissaires civils envoyés à Arles, en exécution du décret du 23 septembre 1791, par P. A. Antonelle, député, ci-devant maire d'Arles(2)
avis préliminaire.
L'on me communiqua, il y a environ 3 semaines, un compte rendu au roi par les commissaires civils envoyés à Arles (3) en exécution du décret de'l'Assemblée constituante du 23 septembre 1791. J'ouvris le cahier, je vis la signature de M. le commissaire Debourge; je ne doutai point que ce travail sur Arles ne fût son ouvrage ; je le lus avec l'intérêt naturel du titre, et la méfiance non moins fondée que m'inspirait la signature. La mauvaise foi calme et soutenue du rédacteur me fit beaucoup souffrir. Je pris la plume pour me soulager; et l'effet naturel du mal que me causait tant d'artifice, fut de retracer plus nettement dans ma mémoire le véritable état des choses. Je l'écrivis, cela me suffisait. Mon objet n'était assurément pas de réfuter le compte rendu au roi. J'imaginai que ce compte rendu resterait ignoré comme tant d'autres. Ce que je venais d'écrire est à la suite de ce préambule, sous le titre d'Observations générales.
J'appris ensuite que l'on parlait de ce compte rendu dans plusieurs journaux, qu'on l'y mettait même en opposition avec le travail en effet un peu différent de M. Delpierre, rapporteur de l'af-
faire d'Arles. Il me fut dit aussi que M. Debourge s'occupait de faire imprimer cet étrange compte rendu... J'y revins alors, je le lus de nouveau; après quoi je transcrivis les passages qui me parurent les plus marquants ; je fis des observations particulières telles que me les put inspirer chacun de ces passages. J'écrivis l'observation immédiatement à la suite de la citation qui y aurait lieu ; c'est dans cet ordre et ainsi intercalées, que je fais imprimer les citations et les observations en désignant les premières par des guillemets, et marquant chacune d'elles d'un numéro.
Observations générales.
Vers le midi de la France, non loin de l'extrémité sudK)uest de la patrie antique des premiers troubadours, sty la rive gauche de la branche orientale du Rhône qui baigne lè pied de ses murs, dans une enclave de terres presque toutes sablonneuses ou marécageuses, sur un sol qu'elle défend péniblement contre les invasions du fleuve et, qu'elle n'a su ni préserver des écoulements supérieurs, ni débarrasser de ses marais, vieil-lissait inconnue, s^éteignait dans une assez douce langueur et semble vouloir aujourd'hui rajeunir, par les convulsions, et renaître à la renommée, une ville autrefois célèbre, et de nos jours trop oubliée peut-être; une ville, dont le territoire immense attend des bras et demande la culture ; une ville sans manufacture, sans art, sans industrie, où les talents sont enfouis et les sciences négligées; une ville qui a laissé périr sa navigation, son commerce et ses routes; une ville que son isolement physique et moral retenait encore en deçà des idées contemporaines, et que des: privilèges communs, des avantages généraux, un régime très doux, une moindre inégalité, nè pouvaient guère incliner avec la même force vers le besoin des grands changements.
Une telle ville, ainsi que je l'ai énoncé ailleurs avec plus de développement, était sans doute moins hautement appelée que beaucoup d'autres, à la Révolution nationale. Le caractère de ses habitants paraissait même y résister. En général, ils n'en avaient pas les principes dans l'esprit, les sentiments au £œur, l'énergie et le mouvement dans l'âme. Elle y heurtait tous les refus de l'égoïsme, tout le poids d'une longue inertie, toutes les chaînes des habitudes, toutes les tiédeurs ou les impuissances de l'incurie ou de la mollesse.
Quelques hommes, Cependant furent tout à coup forcés de paraître; on les jeta sur la scène, comme malgré eux. Ils y portaient un sincère amour de la Révolution, un sens droit, un dévouement pur, un désintéressement absolu. Ils fuyaient les honneurs et les places. Ils étaient loin de vouloir dominer. Ils ne cherchaient ni le succès personnel, ni la gloire. On les pressait d'agir, on les excitait à parler, et leur âme sortait entière, et ils laissaient aller toutes leurs pensées, et ils firent des prosélites, par cette seule puissance, que les cœurs persuadés exercent sur les cœurs sensibles. J'adjure tous mes concitoyens sans exception, amis ou ennemis,, de dire si, dans notre, longue, notre pénible, mais heureuse mission, nous employâmes d'autres armes, ou si nous connûmes d'autres motifs. Mais passons vite ; car, dans la crise à laquelle nous touchons, ces paroles d'attendrissement, qui, pourtant, ne sont point un signe de faiblesse, sembleraient une inconvenance ou même une affectation.
Nos soins, nos sacrifices, notre persévérance ne furent point inutiles à la chose publique. Nous parvînmes à donner à la cité d'Arles, mais d'une manière adoucie et paisible, l'allure de la Révolution nationale, et cette ville eut même une physionomie assez constitutionnelle. Tout cela, je le voyais assez, n'entrait pas bien avant, ou n'avait guère de réalité. C'était, ou de simples linéaments, ou des impressions sans profondeur. Il y avait même un assez bon nombre d'esprits rèches ou de caractères durs, qui n'avaient pu recevoir ni empreintes ni traces. Mais enfin, en général, les apparences étaient sauvées, l'honneur de la ville restait sans tache, les patriotes osaient parler, ils gagnaient chaque jour du terrain, et n'y mettant aucune impatience, on attendait tout du temps, de la persuasion, et de l'excellence d'une bonne cause. Un avantage bien précieux, nous distinguait d'ailleurs des autres villes, c'était la paix intérieure!....: Qu'il me soit permis de répéter ici ce que j'en ai dit ailleurs.
...... Je désirais que cette façon d'être tournât « entièrement à la gloire des Arlésiens, je vou-« lais que le calme ae notre situation paraissant « le résultat de l'intelligence des cœurs et de la « concorde des pensées, servît d'attestation à « l'union de tous et au patriotisme de chacun ; « que l'on vît en nous des Français tellement « favorisés par leurs destinées, qu'ils étaient « constitutionnels sans trouble, comme sans ef-« fortj, révolutionnaires à la fois, et paisibles, « tant ce bel ordre de choses leur convenait à « tous ! Ne doutant pas que cela ne fût un jour, « il me semblait utile qu'on le crût à l'avance. « Peut-être avais-jê en partie réussi à la persua-« der... Arles paraissait opposer au bouleverse-« ment de toutes les tourmentes de son voisi-« nage, la barrière imposante et-l'intéressante « tranquillité de la raison, de l'ordre, du plus « aimable civisme... Ce repos faisait contraste. « On la voyait comme immobile, sous le vent « même de plusieurs tempêtes... Telle était en « ceci sa distinction, qu'on pouvait croire qu'elle « y mettait de la recherche, et aspirait surtout « a la conserver... cela semblait facile. »
Voilà ce que fuUa ville d'Arles sous le règne heureux et paisible des Monnaidîers. C'est notre ère de fraternité, de patriotisme et de bonheur. Elle finit le 9 juin 1791, âu moment de l'explosion des Minimes qui ouvrit si bruyamment l'èré de la Chiffonne et du désordre.
L'on vit cette bonne famille arlésienne, jusr qu'alors inaccessible à toutes les effervescences étrangères, s'émouvoir tout à coup et sans causé apparente, de sa propre agitation. Les amis de Vordre et de la paix se présentèrent en phalange pour rétablir l'un et l'autre qui n'étaient point altérés, et à l'instant même l'ordre et la paix, habitués au culte aimable et pur que lui rendaient les Monnaidiers ; l'ordre et la paix, effarouchés de cette manière nouvelle de les maintenir dans leur cité chérie, s'enfuirent pour n'y plus reparaître.
Ce premier coup de main des amis de l'ordre, était en apparence une simple expédition de Pandours échauffés ; mais dans la vérité, une faction était formée ; il existait un complot, et des symptômes non équivoques, le manifestèrent assez à tout œil attentif.
L'égarement d'esprit qui en fut à la fois le moyen et le résultat, devint bientôt un état de démence, un délire raisonné, et cette folie déplorable prit soudainement un caractère grave ;
l'on apercevait nettement ces quatre traits dis-tinctifs : 10 le dévouement d'une ville si catholique (car c'est ainsi qu'on s'exprimait à l'antique religion de ses pères) ; 2° le dévouement au monarchisme d'une ville idolâtre de ses rois, ainsi qu'on le disait encore ; 3° (et ce trait en était le plus fortement prononcé), l'esprit de haine contre le patriotisme, et de persécution contre les patriotes. Cette double antipathie était une véritable fureur; 4° enfin, je ne sais quel mépris pour la nation, quel dégoût pour une chose si nouvelle, et quelle répugnance léopoldine ou sacerdotale à la reconnaître.
Aussi, M. Debourge, appelé sur-le-champ par les Chiffonnistes, ne manqua pas de les travailler dans tous ces sens. Ceci se passait vers la mi-juin; l'évasion du roi et toutes ses suites manœuvraient alors, et j'ai de très fortes raisons de ne pas mettre en doute que parmi nos agitateurs publics et nos meneurs secrets, ce grand crime avait des complices ; et je puis ajouter que sans l'événement de Varenne(l) la Chiffonne arborait la cocarde blanche. Au surplus, s'ils n'osèrent pas déployer ce signal, ils n'en conservèrent pas moins tous les sentiments et toutes les espérances qu'il exprime.
Depuis ce moment la Chiffonne est une des plus grandes ressources des contre-révolutionnaires du Midi. C'est, en conséquéncè, l'objet des prédilections du ministère, et des complaisances de tous les agents du pouvoir exécutif. Ge n'est pas assez de dire qu'il n'y a pas d'exemple d'une faction, plus constamment, plus insolemment criminelle, et plus complètement impunie. Il faut ajouter que l'on paraît avoir contracté avec elle une alliance offensive et défensive. Et certes, l'on ne pouvait mieux: faire. En effet, par le zèle et les soins de cette bienheureuse Chiffonne, Arles est la véritable ville du pouvoir exécutif.
Ce sont là des vérités qu'on ne trouvera point dans ce très insidieux rapport de M. Debourge.x Peut-être, cependant, y sont-elles énoncées implicitement.
J'observe, en effet, que, dans ce rapport, où parlant au nom des Chiffonnistes, il proteste au pied du trône de leur attachement à la personne sacrée de Sa Majesté; où il la conjure, à l'occasion de la faveur dont elle venait d'honorer leur révolte, d'exercer ainsi son autorité, de C exercer infatigablement pour l'accroître et pour l'affermir, de l'exercer, pour en étendre l'influence, de l'exercer pour la faire bénir par tous les conspirateurs du dedans et du dehors qui n'ont guère besoin que de ses veto, et qui les aiment autant que les bons citoyens les redoutent. J'observe, ai-je dit, que dans ce même rapport, M. Debourge parlant toujours à Sa Majesté lui dit : « Il serait bien à désirer, Sirê, que Y esprit public eût fait partout les mêmes progrès que dans la ville d'Arles. » Il reste à savoir, si, en parlant ainsi, M. Debourge ne prétendait pas exprimer le vœu de la contre-révolution. Et alors, on ne pourrait plus l'accuser d'avoir dissimulé, qu'au fond elle est à peu près faite à Arles, et qu'à la première occasion, elle paraîtra sous ses véritables formes, qu'il faut bien déguiser encore quelques jours.
Quoi qu'il en puisse être, M. Debourge, nommé commissaire pour Arles au mois de septembre, et présentant son rapport au moins de lévrier, a
cru devoir laisser ignorer tous les faits, qui, pendant cet intervalle de temps, ont pu se passer dans le lieu de sa mission. Mais, en revanche, au milieu de ses hardis mensonges sur le passé, de ses insinuations perfides sur le présent, de ses vœux inciviques pour l'avenir, de ses impertinences dénigrantes envers des personnes qu'il ne connaît point, de ses assertions chiffonnistes et mensongères sur des choses dont il ne se doute pas, et qui étaient parfaitement étrangères à l'objet de sa mission, il n'a pas négligé de prodiguer l'hommage et la flatterie aux Chiffonnistes oppresseurs, d'affecter à l'égard des Mon-naidiers persécutés un mépris que ceux-ci lui rendront avec beaucoup plus de sincérité; et enfin, pour tout amendement à l'état actuel des choses, il propose d'abolir les dénominations de Monnaidier et de Chiffonniste, ce dont il s'est dit très assidûment et très avidement occupé pendant tout le cours de sa mission. Assurément, il s'est tourmenté là d'un grand souci.
Espérons que l'Assemblée nationale avertie par le travail intéressant et judicieux du rapporteur du comité des pétitions, instruite par les nouveaux écrits qui paraissent, s'éclairant ensuite par la discussion, ne se bornera pas, dans une affaire d'un si vaste intérêt, à la grande mesure offerte par M. le commissaire.
Au surplus, il est tout simple que M. Debour-ge, malgré sa tendre affection pour les Chiffonnistes, ou plutôt, à raison même de cette amitié, qui a des sollicitudes, fasse bon marché de l'illustre nom de Chiffonniste. Car enfin, cette contre-révolution tant désirée, n'est pas tout à fait aussi sûre; et que faire alors d'un nom, qui ne rappelle et n'exprime que la faction, le fanatisme et la révolte ?
Quant au titre de Monnaidier, c'est tout autre chose. Çfuoi qu'il arrive, il se conservera pur comme ceux qui le portent. Les souvenirs chers aux bons cœurs se réveilleront en l'entendant, prononcer. Le patriotisme dévoué, patient, incorruptible, fut signalé, dans Arles, aux jours de calme ainsi qu'aux jours d'orage, par ce nom simple et obscur.' Il est honoré partout dans nos contrées, si ce n'est à la Chiffonne, et cela même est un honneur de plus. Il ne passera jamais, il ne périra point, il tient aux racines de la Constitution, il s'unit à toutes ses branches ; et porté par elle, comme d'autres noms plus célèbres, sans doute, il parviendra avec elle et avec eux, à toutes les extrémités de la terre et du temps.
observations
Sur lé compte rendu au roi par M. Debouge, tm des commissaires civils envoyés à Arles, en exécution du décret du 23 septembre 1791.
1. « Vous nous avez envojés à Arles pour y « rétablir la paix; la paix est rétablie. »
Cette assertion précise est un mensonge formel ; il est impossible de pousser plus loin le mépris de l'infortune et l'absence au remords. Non, vous n'avez pas rétabli la paix. Vous avez fait la guerre; vous l'avez faite sans courage et sans franchise ; càr vous la faisiez à l'abri de tout danger, couvert du rempart des formes, et sous le masque de la clémence. Vous avez consacré l'iniquité, déshonoré le malheur, avili le patriotisme, et consolidé l'oppression.
2. « Nous n'avons pu nous rendre à Arles que
le 20 octobre de l'année dernière, dans la matinée de ce jour, nous fûmes visités à Tarascon par une vingtaine d'Arlésiens décrétés. »
Comme la perfidie est déjà sensible ! avec quel art et quelle apparente simplicité l'on se hâte de jeter la défaveur sur les misérables 1 Comme on cherche à dégrader ces victimes à qui l'on devrait rendre l'honneur et tous leurs droits ! Gomme on se complaira bientôt dans l'éloge des sacrificateurs qu'il fallait réprimer!... Vous ne parlez ici que de ces décrets ; vous n'élevez aucun doute sur leur justice, et cependant vous saviez assez qu'ils étaient les derniers crimes de la haine ; et vous ne dites pas un seul mot des plaintes énergiques et touchantes proférées par ces vertueux proscrits, ni des nombreuses révélations, qui vous furent si naïvement prodiguées par eux, sur les excès de leurs persécuteurs.
3. « Il suffisait qu'ils se prétendissent opprimés pour que'nous prissions intérêt à leur sort; nous le leur promîmes et nous tînmes parole. ».
Quel froid persiflage... Eh quoi, malheureux, vous, qui aggravâtes leurs maux, qui caressiez leurs tyrans, qui fûtes ainsi leur dernier et véritable bourreau ; vous affectez ici le langage du juste! vous jouez même la sensibilité!... Quel homme êtes-vous donc ?
4. c En arrivant à Arles, nous vîmes combien les moyens conciliatoires étaient nécessaires. Cette ville fermentait encore : des gardes nationales occupaient au dedans et au dehors , un grand nombre de portes ; plusieurs patrouilles étaient dans une activité continuelle. De sept portes, deux seules restaient ouvertes. Un bureau militaire, établi depuis le mois de septembre, s'assemblait fréquemment. »
Dites plutôt, car c'est la vérité, qu'il était permanent : Ajoutez, que- cette institution monstrueuse dont vous n'auriez pas dû taire les principes et les attentats, puisqu'il y aurait bien peu de franchise et de courage à les dissimuler officiellement ici, après les avoir tant loués sur le lieu même ; ajoutez, ai-je dit, que ce bureau bouleversait et tyrannisait la ville; où, dès longtemps, il avait anéanti par la violence toutes les administrations, et dispersé tous les administrateurs. Mais fallût-il même faire grâce de tous ces faits et condescendre à ignorer tout ce que votre rapport cache, je prendrais acte encore de vos demi-aveux ; je sais très bien qu'ils sont incomplets et prodigieusement adoucis, n'importe, je consens à voir un moment les bornés au vrai dans les bornes de la confidence que vous consentez vous-même à nous faire. Il n'en reste pas moins prouvé, que le vingt octobre toutes les dispositions hostiles subsistaient encore, que l'esprit de révolte des Chiffonnistes n'avait rien perçai de sa force, que tout le patriotisme d'Arles était en exil, les administrateurs en fuite, la Chiffonne, en pleine usurpation, et la ville en état de guerre. Et cependant, le petit' nombre de gardes nationales, misés en mouvement par les arrêtés du département, des 7 et 12 septembre, étaient depuis longtemps rentrées dans leurs communes respectives ; et cependant la proclamation Delessart, éversive de Ces arrêtés, comme de la bonne cause, était publiée depuis un mois ; et cependant, le décret du 23 septembre , visiblement surpris à l'ignorance de l'Assemblée constituante sur cette affairé majeure, avait achevé et consacré le triomphe du fanatisme et de la rébellion, et- cependant enfin, M. Debourge, si connu des Chiffonnistes, .mon-
sieur Debourge, choisi par un ministre (1) auquel ils ne sont pas moins cners, leur arrivait comme un renfort, il ne restait donc plus aucun prétexte aux feintes alarmes de ces furieux.
5. « Dès le lendemain.... grand nombre de personnes se présentèrent. »
Quels étaient ces visiteurs? Etaient-ils tous ou membres ou sectateurs de la Chiffonne ? Ne se présenta-t-il pas aussi quelque patriotes autrement dit Monnaidiers 1 Que vous dirent les uns ? Que répondirent les autres?... Vous vous taisez sur tout cela, ainsi que sur la totalité des détails de l'entrevue de la veille à Tarascon. Et cependant ce fut surtout à ces premières démarches, et par ces confrontations inattendues, et dans ces mouvements qu'on ne peut contraindre, que vous dûtes facilement saisir la vraie nature d'une crise qui durait encore. Votre long séjour dans le département, qui ne l'oubliera pas, avait pu d'ailleurs vous initier au secret des troubles qui, dès lors, commençaient à désoler cette ville, et dont les agents exécutifs ont si déplorablement favorisé le progrès. Vous en saviez les causes, vous en connaissiez l'esprit. Et s'il ne vous était pas donné d'apprécier d'abord én détail toutes les imputations, tous les griefs, toutes les plaintes, il vous était bien facile au moins de saisir en masse leur résultat, et d'apercevoir nettement quels étaient les opprimés,quels étaient les oppresseurs... Mais vous n'en doutiez pas, tout vous était connu fort à l'avance... M. Delessart ne l'ignorait pas non plus-, lui qui ne fit choix de vous, que pour consommer dans Cette ville la ruine du patriotisme, et y rendre plus éclatant et complet le triomphe des réfractaires de tout costumé.
6. « Nous leur annonçâmes que pour nous garantir de tout soupçon de partialité, nous ne rendrions de visite qu'aux fonctionnaires publics, avec qui même nous nous interdirions toute liaison particulière. »
Je vous répondrai que, toujours infidèle à ce premier devoir d'un médiateur, que toujours insensible au véritable intérêt de la chose publique, vous avez constamment éconduit et trahi les patriotes, attiré, flagorné, soutenu les Chif-fonnistes ; je dirai hautement, je veux qu'il soit connu de tous, que, vous viviez dans une intimité scandaleuse et désespérante avec les chefs du parti.
7. « Le 24 octobre, neuf ou dix habitants nous apportèrent le même mémoire qui a été présenté par deux pétitionnaires à l'Assemblée nationale, le 27 novembre dernier. »
Ici et dans tout le paragraphe suivant la perfidie est plus profonde, comme tout est dissimulé : on se garde bien de nous apprendre que ce mémoire fut présenté par les patriotes ; que ce mémoire, indépendamment de la notoriété publique qui en attestait le contenu, fut en outre appuyé de 500 signatures, et pouvait l'être de 5,000; que toutes les accusations qui en sont l'objet sont graves et articulées; que ceux contre qui elles sont dirigées, sont précisément les excellents citoyens de M. Debourge : que c'est aussi en faveur ae ces honnêtes gens si criminels que leur ami et commensal réclamait la loi d'amnistie du 14 septembre 1791 ; et enfin, que si les patriotes, déterminés à les convaincre én forme, et à les faire punir au vœu des autres lois, demandaient à les produire devant toute
autre justice que celle d'Arles ; c'est que dans le tribunal de ce district, le commissaire du roi, l'accusateur public, quatre d'entre les cinq juges étaient, en ceci, notoirement prévaricateurs et ministres, non de la loi, mais des passions des Chiffonnistes, les uns, par complicité, les autres, par crainte.
8. « Bientôt les renseignements vinrent en foule et nous parvînmes, tant par les témoignages comparés (comparés, vous n'écoutiez qu'un parti...) que par une série de pièces authentiques, à connaître les causes des événements qui agitaient depuis 6 mois la ville d'Arles. »
Ces causes étaient assez dévoilées ; dès longtemps le cri universel des bons citoyons les publiaient dans nos contrées ; vos correspondances familières suffisaient, d'ailleurs, pour ne vous laisser aucun doute; mais vous n'aviez garde de les reconnaître hautement ; elles portaient la condamnation de vos amis. Vous pouviez encore retrouver ces causes, en étudiant de bonne foi les pièces véritablement authentiques qui les dénonçaient avec tant de ménagement, telles que les arrêtés du directoire du département, des 30 juillet, 5 août, 7 et 12 septembre etc.; quelques arrêtés ou proclamations de nos administrateurs du district ét de la municipalité réunis; les pétitions des citoyens patriotes assemblés dans l'église des ci-clevant Augustins, etc... ; et enfin, cette notice du maire, ainsi que ses trois ou quatre lettres imprimées, qu'il se vit dans la nécessité de publier après la plus longue et la plus indulgente des patiences, dont les Chiffonnistes avaient tant et si cruellement abusé. Quant à la série de vos pièces, dites, authentiques, les unes, vous lé saviez comme nous, étaient fausses ; les autres avaient été successivement arrachées par des circonstances impé-rièuses, par des violences ouvertes ou des persécutions continuelles èt sourdes, à l'extrême longanimité de ces magistrats qui ne pouvaient se résoudre à désespérer du retour de la paix dans une ville où ils l'avaient si constamment fait régner; de ces mêmes magistrats sur le compte desquels vous vous permettez aujourd'hui des insinuations perfides, et d'impudentes qualifications; de ces magistrats trop supérieurs à vos insultes pour ne pas vous les pardonner, mais qui ne vous pardonneront jamais le mal que vous venez de faire au peuple, et les nouveaux crimes de vos dernières manœuvres dans un département où vous aviez déjà, mérité et obtenu le profond mépris des patriotes.
9. « Vers les premiers jours de juin dernier, des habitants, avaient publiquement menacé de nerfs de bœuf les personnes du sexe qui refusaient de reconnaître I'évêque métropolitain. »
Cette prétendue menace publique ne fut jamais prouvée; on est fondé à croire qu'elle n'a jamais eu lieu. Ce n'était là qu'un mauvais bruit de quartier, répandu par quelques malveillants, qui ne purent indiquer, ni les personnes menacées, ni lescitoyens menaçants. Mais ce qui fut alors bien public, bien affligeant, bien soutenu, ce fut la grossièreté des invectives* et l'amertume des sarcasmes qui signalèrent là haine des honnêtes gens contre les prêtres assermentés et leur évêque.
10. « Le 6 juin, au soir, les mêmes hommes avaient chasse, de leur propre autorité, cinq prêtres de Nîmés qui s'étaient retirés dans Arles. >»-
Rétablissons les faits. Cinq prêtres réfractaires, chassés du département du Gard comme perturbateurs, par un arrêté du directoire de ce département, viennent porter dans Arles le poison de
leurs maximes. Les patriotes en conçoivent une juste alarme. Deux officiers municipaux, sans cortège et sans appareil, se rendent à la demeure de ces prêtres, leur parlant avec la plus loyale franchise de l'agitation qui se manifeste et les engagent à quitter d'eux-mêmes la ville, comme s'ils continuaient leur route, ce que ceux-ci ne tardèrent pas de faire, sans éprouver aucune espèce de violence ni d'affront. Cet événement très simple est du 6 juin 1791. Quatre jours après, la coalition chiffonniste, toute bouillante encore du honteux triomphe qu'elle venait de remporter sur un club, trop confiant, trop divisé et dans le lieu même des séances de ce club délibère, pour la consolation du fanatisme et le renfort du parti contre-révolutionnaire, d'envoyer à ces prêtres bannis une députation nombreuse, chargée de les supplier, au nom de la commune d'Arles, de venir fixer leur résidence dans nos murs. Ils y rentrèrent en effet, couronnés de lauriers, entourés d'un attroupement de folles, précédés d'une musique guerrière, soutenus par un nombreux détachement de la garde nationale en signe d'allégresse et d'honneur; et un seul homme sage (1) que le hasard jeta dans cette foule, eut beaucoup de peine à obtenir qu'on ne décorât pas la porte d'entrée de la maison où on les établit, d'une devise, ouvrage des meneurs, dont l'esprit et la lettre étaient une grossière insulte au patriotisme et à la loi.
11. Non contents de cette violence, ils (toujours les mêmes sans doute) avaient remis le même jour dans les mains d'un prêtre, non fonctionnaire public et non assermenté, un billet portant ces mots : Si vous ne f... pas le camp, «vous aurez affaire à la compagnie de la.Monnaie.»
Le fait du billet remis est vrai ; et c'est là sans doute une brutalité répréhensible... Mais la personne par qui fut remis ce billet non signé, n'a pas été connue, et l'on peut raisonnablement croire que cet expédient étrange était une manœuvre ennemie, semblable à mille autres, que déjà l'on employait pour soulever le peuple contre la compagnie de la Monnaie, dont le patriotisme faisait ombrage. Au surplus, le ci-devant chanoine, à qui s'adressait cette invitation, affectait en tout lieu le mépris ouvert de nos représentants et de leurs lois ; il n'y avait guère, dans Arles même, de détracteur plus insolent et plus obstiné de notre Constitution. Et certes, l'emportement, la publicité, la persévérance de ses diatribes dont les Chiffonnistes faisaient leur profit, étaient plus criminels et plus dangereux, que l'avertissement dont M. Debourge et les Chiffonnistes firent tant de bruit.
12. « Cette compagnie (de la Monnaie) était double des autre's, parce qu'on avait fait sortir de ces dernières les individus les plus chauds, pour en augmenter celle-là. »
Ces individus les plus chauds, qu'on a fait sortir de ces dernières pour augmenter celle-là, etc... voilà bien le style de la Chiffonne ! C'est aussi une de ses impostures. 11 faut l'avouer, si M. Debourge est un immense médiateur, il est au moins un très fidèle copiste.
13. Dans la séance d'une société de soi-disant amis de la Constitution (les vrais amis de la Constitution s'y trouvaient encore en effet, mais déjà trop mêlés, parce que les honnetes gens les avaient forcés à se relâcher sur la loi du scrutin. Sur la motion de chasser de la ville tous
les prêtres non assermentés, un membre ayant élevé la voix pour rappeler les dispositions du décret rendu par l'Assemblée constituante, le 7 mai 1791, concernant la liberté des opinions religieuses, i] lui avait été répondu que les clubs étaient faits pour prévenir la loi et aller même au delà. »
S'il y avait dans Arles, à cette époque, un homme recommandé par les connaissances utiles, par le talent modéste, les mœurs pures, le patriotisme irréprochable et le sincère amour du peuple, c'était l'oratorien Giraud. A tant de torts, déjà si graves, cet homme joignit deux griefs vraiment impardonnables, le premier, de rester l'ami fidèle et le défenseur ardent d'un maire qu'on travaillait à dépopulariser, pendant son absence; le second, de l'avoir aidé à désabuser les simples et à démasquer tous les hypocrites ; aussi dans l'odieux soulèvement du 9 juin, qui préparait la tentative atroce du lendemain 10, cet excellent citoyen fut dévoué le premier à la haine des meneurs. Cette victime désignée, ne fut pas immolée. Il dut la vie aux soins généreux d'un de ses guides, et à la maladresse ou à l'indécision des assassins apostés pour le fusiller dans sa fuite. Quant au propos qu'on dénature ici par la manière dont on le cite en l'isolant, et qui, à sa vraie place et dans l'exactitude de l'expression, était tout à fait irrépréhensible, ce fut la seule imputation articulée contre lui, dans la crise même de la violence et des plus grands excès. Le mémoire qu'il publia dans le temps, et la notice du maire, ont assez fait connaître ce premier débordement de fureur et la longue frénésie qui y a succédé. Je ne veux pas revenir sur un tableau si triste ; mais je doute qu'il y ait rien de comparable à la bassesse d'âme d'un homme, qui, revêtu, au nom de la nation et par le roi, du caractère le plus pur, comme du ministère le plus saint, celui ae pacificateur, s'en dépouille lui-même, pour se transformer en sous-agent, en dernier souteneur d'une chambre de révoltés, et en diffamatenr des hommes de bien, persécutés par elle ; il n'y a point ici d'exagération. M. Debourge est visiblement le champion et le calomniateur titré de la Chiffonne. Il était impossible de faire, avec plus de perfidie, un métier plus vil.
14. « Ces dispositions alarmèrent tous les citoyens honnêtes et paisibles; ils se rassemblèrent pour faire tête à l'oppression; (je prie que l'on caractérise celte oppression, d'après les imputations,, même articulées par les accusateurs, religieusement transmises par M. le commissaire ; et qu'à mon tour je viens d'extraire de son rapport, et de transcrire littéralement sous les chiffres 9, 10, 11, 12 et 13) « dans l'espoir d'éviter tous les maux que pouvait entraîner l'intolérance religieuse; (l'intolérance religieuse!... Ce prétexte, est ridicule jusqu'à l'indécence et faux jusqu'à l'impudeur), et d'inspirer des sentiments plus doux aux membres qui composaient alors la société des amis de la Constitution ; ils se décidèrent à s'y faire recevoir, aux termes du règlement de cette société, qui admettait indistinctement tous les citoyens inscrits dans la garde nationale. »
Ce paragraphe entier du rapport est d'une fausseté plus hypocrite à la fois, et plus hardie que tout ce qui précède. Je ne puis croire, cependant, que l'on porte ce genre d'assurance jusqu'à cet excès, de vouloir établir, ou même indiquer aucune espèce de parallèle, là même où se réunissent tous les contrastes; je veux dire entre
ces hommes gui à force de vertus, de persévérance et de civisme, gagnant tous les cœurs, faisant fléchir toutes les résistances, avaient, comme par miracle, établi dans Arles une société d'amis de la Constitution, et ces autres hommes qui, cinq mois après et dans l'absence du maire, réussirent, par tous les plus indignes moyens de fomentation à opérer le soulèvement du 9 juin. Les citoyens honnêtes et paisibles, dont on nous atteste ici les alarmes. rassemblés, nous dit-on, dans Vespoir d'inspirer des sentiments plus doux, etc., s'ameutèrent à l'heure convenue; ils formèrent d'abord, et dans le tumulte? un grand nombre de pelotons particuliers, qui partant de divers quartiers, furent tous conduits hors de la ville, au rendez-vous général , dans l'église des ci-devants minimes. C'est là, qu'au grand étonne-ment des vrais patriotes, dans l'abattement et le désespoir des autorités légitimes, rendues impuissantes, les meneurs réunirent un attroupement de 800 hommes, la plupart séduits, qui, préparés de longue main, recevant avec une avidité nouvelle le poison versé par quelques discoureurs scélérats, s'animant de ces passions étrangères, et disposés à servir les haines et les projets des chefs, finirent par être entre leurs mains un bataillon de motionnaires aveugles et de conjurés. On jugea que le moment de la charge était venu, et que d'une si belle ardeur, il pouvait éclore un coup de main décisif. On s'y détermine à l'instant. Le capitaine, les principaux agitateurs, les grands criards, les plus résolus, les mieux fanatisés, au nombre de 4 ou 500, fondent tout à coup sur l'église du Collège, où la société des amis de la Constitution tenait ses séances, ils l'envahissent et s'y établissent, pistolets en poche. C'était le 9 juin 1791, vers fes 6 heures du soir. Le maire trop longtemps absent de la ville, y rentrait à l'instant même, et se rendait à la maison commune. Le club, pendant son absence, n'avait pas cessé de voir en lui son président; lès usurpateurs du club, instruits de son arrivée, députèrent aussitôt vers lui pour l'inviter à venir les présider. Il n'hésita pas un moment à les satisfaire ; et cependant, deux hommes publics bien instruits, deux hommes qui avaient soigneusement observé et suivi tous les indices d'un complot obscur et les symptômes de ses effrayants progrès; deux hommes qui connaissaient à la fois et la profonde immoralité des premiers ordonnateurs et la scélératesse de leurs vrais agents, et la violence effrénée de quelques sous-ordres et le degré d'égarement de •la foule abusée, et le dànger imminent qui menaçait les jours de tous les patriotes déclarés, Ces deux hommeSj dis-je, s'étaient hâtés, par une confidence énergique et précise, de manifester au maire toute l'étendue du péril ; il ne voulut pas y croire, et cette persuasion même ne l'aurait pas arrêté : ceux qui connaissent la naturelle confiance des âmes pures, et le dévouement habituel des bons cœurs, ne seront point surpris de cette conduite du maire et de son entier abandon. L'on sait assez comment il en fut récompensé. Les excès cruels et le sauvage délire des 9 et 10 juin 1791, ne sortiront plus de la mémoire des bons citoyens; et la honte éternelle des agitateurs d'Arles, c'est que des excès semblables s'y renouvelèrent ensuite plus d'une fois, et sont toujours prêts à y renaître. Quant au maire, dans toutela durée des deux mois qu'il passa dans cette ville, il s'y montra constamment le même. Au milieu de la tourmente publique, témoin de toutes les inquiétudes, sollicité
par toutes les irritations, abreuvé lui-même d'amertumes, mais toujours calme, toujours pur, toujours patient et bon, il s'occupa sans cesse du bien qu'on ne lui permit jamais de faire, il sacrifia tout à la paix, qu'il lui fut impossible de rétablir.
15. « Le 9, cette société ainsi recomposée fit une pétition à la municipalité, portant, etc... » Pure escobarderie !
Cette société ainsi recomposée par la violence, cessa d'être ce qu'elle avait toujours été, un asile de paix, un moyen de communication et d'accord, un vrai centre de réunion, première source du civisme pur qui caractérisait alors le bon peuple d'Arles; l'on vit paraître un rassemblement nouveau, formé dans des vues de renversement et de domination ; une seconde Chàmbre où les remueurs de la Chiffonne, tourmentés de la petite ambition de devenir les maîtres du ménage et les puissants de la ville, disposaient, sous les yeux mêmes du maire trop indulgent sans doute, mais qui se trompait ainsi à la mesure de leur démence et de leur perversité, disposaient, ai-je dit, toutes les batteries qui devaient leur servir à dissoudre, le bon parti en séduisant les simples, intimidant les faibles et écrasant les forts. Ce club du 9 juin, ainsi gangrené et frappé à mort dans sa naissance, ce club incessamment travaillé de tous lés ferments de méfiance et de discorde, périt bientôt de dissolution, abandonné de tous les patriotes, et rejeté par toutes les Sociétés patriotiques, qui lui notifièrent, en termes exprès, qu'elles le déclaraient tout à fait indigne de l'affiliation qu'elles avaient précédemment accordée à la Société du mois de janvier, instituée par les vrais amis de la Constitution, et récemment déshonorée et dénaturée par le mélange et l'intrusion forcée de ses ennemis. J'ai déjà dit que le maire avait senti la nécessité d'accepter la présidence de ce conciliabule d'usurpateurs, qui voulaient au moins conserver ce trait de ressemblance avec la Société qu'ils venaient de détruire. Il jugea qu'il ne lui restait pas d'autre moyen, sinon de rétablir l'ordre, au moins d'adoucir les inimitiés et le désaccord et de prévenir ainsi les derniers excès. Et, en effet, secondé de quelques administrateurs et d'un petit nombre d'autres patriotes, il soutint encore quelques jours cette ville malheureuse sur le penchant de l'abîme-dû les Chiffonnistes s'efforçaient de la précipiter.Tout ce qui se fit alors de tolérable, car nous ne pûmes atteindre jusqu'au bout, fut le fruit de l'inconcevable patience de ces patriotes, du zèle de ces magistrats, de leur inaltérable douceur d'âme, de leur dévouement absolu qui, dans tout ce qui ne frappait que sur eux-mêmes, leur donna le courage de tout dissimuler et de tout supporter. Ils ne voulurent jamais, iii laisser éteindre dans leurs cœurs, ni consentir à voir s'effacer dans celui de quelques vrais citoyens l'espérance et le désir ae sâuver la chose publique..... Les circonstances et la perversité furent plus fortes qu'eux... Ils ont tout fait pour une ville que l'hypoerisiè et l'intrigue ont rendue trop ingrate... Ils en sont dédommagés par cès puissances intérieures* véritables consolations des âmes pures et fortes, par la convie-, tiùn d'avoir toujours voulu le bien du peuple, et la certitude ae lui avoir épargné de grands maux... C'est même ici le cas de répéter une vérité qui fut toujours également avouée dans Arles et par les malveillants les plus acharnés et par les bonnes gens les-plus abusés ; c'est
que jusqu'à l'époque du 9 juin 1791, c'est-à-dire aussi longtemps que ces patriotes si calomniés, si follement méconnus aujourd'hui, y avaient eu de l'influence et de l'ascendant, elle n'avait pas cessé d'être la ville fraternelle, et qu'entourée de volcans, exposée à tous les pièges, voisine de tant de foyers de trouble, de fanatisme et de dissensions, elle s'était maintenue exempte de divisions et de querelles pour elle-même, ne connaissant guère d'autre inquiétude que celle d'y mettre un terme chez ses voisins... L'affreuse bagarre du 9 juin ouvrit un ordre de choses nouveau. De tout autres acteurs et de bien tristes événements y ont occupé la scène ; elle est devenue le scandale et le mépris des âmes fières, des cœurs sensibles, des esprits citoyens. Elle est à ia fois un théâtre, un asile ouvert à tous les fanatiques, un lieu d'appel pour rassemblement des plus vils rebelles, un des centres de toutes ces petites coalitions conspiratrices qui, dépravant 1 esprit public sur les divers points de l'Empire où elles fomentent tous les mécontentement, semblent déjà correspondre entre elles ,et ne plus attendre qU'uh événement ou qu'un homme, pour former une seule et grande conjuration. Ce dangereux état de choses est bien sensible et bien connu. Il est également démontré que les administrations locales, même les plus faibles ou les plus corrompues, ne seraient pas forcées de le tolérer, ou n'oseraient pas le maintenir, si le pouvoir exécutif qui le connaît et le souffre, n'était pas justement soupçonné d'une adhésion tacite, qu d'une connivence effective. Quant à ce qui a plus particulièrement trait à l'espèce de contre-révolution opérée, dans Arles, voici très expressément, et sans répéter ce que j'ai développé dans d'autres écrits ; voici, dis-je, et telles sont dès longtemps mes convictions morales et mes certitudes physiques.
J'affirme que les hommes sincères et dévoués qui, les premiers jours de la Révolution nationale , allèrent en quelque sorte au devant d'elle, qui l'accueillirent au milieu de tous les dégoûts et de tous les dangers; qui, depuis, ont tout souffert et tout sacrifié pour que la ville d'Arles consentît à la suivre ; qu'on a vus constamment amis de la Constitution, ses défenseurs zélés, observateurs fidèles de ses lois ; j'affirme, ai-je. dit, que ces Citoyens. invariables jet probes, sont, à cause de cela même, en butte à des persécutions odieuses, dans l'exil ou dans la servitude, dans la misère ou dans l'abjection.
J'affirme que des ennemis connus de cette Révolution, ou ses partisans très équivoques, que des calomniateurs audacieux de cette Constitution, ou ses timides détracteurs sont, et pour cela même, encore en crédit, en honneur, en autorité réelle dans Arles!
J'affirme que les prêtres assermentés y sont, à raison de ce serment seul, méprisés, haïs, insultés, menacés, forcés de fuir.
J'affirme que les prêtres insermentés, les prêtres réfractaires, les prêtres parjures, les prêtres perturbateurs et fanatiques, y, sont, à raison de tant de vertus et de services, appelés, recherchés, suivis, préconisés. î
J'affirme què- de deux conspirateurs publics bien connus, l'un (1) est honoré par la Chiffonne comme un hommé irréprochable, car un tel reproche n'y fait pas tache; l'autre (2) y est appa-
remment devenu l'objet de la vénération ou de l'idolâtrie du parti, puisque l'insolent outrage et le plus sanglant des affronts que la main de ce furieux fît subir à un citoyen honnête et paisible, en présence de cent témoins, non seulement y reste impuni comme l'assassinat du seul curé assermenté de la Camargue, mais encore est un nouveau titre de gloire, ou plutôt une chose toute simple, un des droits de son métier de conspirateur, la manière aisée d'un héros delà Chiffonne. On assure que le maire actuel lui-même, ne dédaigne pas ce grand moyen d'administration publique, un peu moins indigne de lui que de sa place.
J'affirme premièrement, et sous le rapport du vrai patriotisme, qui est un dévouement et non pas un calcul, un sentiment explosif et sublime et non pas une rivalité jalouse s'agitant entre les limites d'une banlieue; j'affirme, secondement, et sous le rapport des principes fondamentaux de notre Constitution, je veux dire la souveraineté nationale, l'égalité des droits, la liberté, trois vérités éternelles, inconciliables avec les puérilités et les chimères des deux religions, ae l'esclave et du despote, le monarchisme et le catholicisme. J'affirme, avais-je dit, que sous ces deux rapports essentiels du patriotisme véritable et des principes de la Constitution française, la faction qui domine aujourd'hui dans Arles par tous les souvenirs encore vivants du fanatisme et du royalisme, s'efforce d'y raminer et d'y répandre des opinions, dont l'effet infaillible, en supposant que ce poison put mordre encore, serait l'incurable abâtardissement de l'esprit public, la contremarche de la Révolution, et le honteux retour aux anciennes misères. Heureusement cela est impossible, même dans Arles. Mais ce qui ne l'est pas, puisque les Chiffonnistes l'ont déjà effectué, c'est la diffamation, la ruine et le désespoir de 800 familles qui avaient bien mérité de la patrie.
J'affirme, indépendamment des desseins ultérieurs des chefs, qui certainement étaient plus profonds, et de leur dernier but, qui très probablement est un grand crime ; j'affirme qu'en ceci leur première vue était de subjuguer par la terreur, ou d'expatrier par tous les moyens de violence et d'opprobre, Ces révolutionnaires de 1789, ces hommes vénérables et obscurs, qui, sincèrement dévoués à la nation et à ses lois, étaient incapables de pactiser avec des traîtres, de transiger avec des conspirateurs. Or, dans ce premier dessein, trois raisons déterminaient les meneurs. La première, c'est que si le sincère amour du juste et du bon, si les vertus pures, patientes et fortes, furent d'abord nécessaires pour opérer dans Arles une révolution grande et salutaire, ils voyaient très bien qu'il ne leur fallait plus rien de tout cela pour mettre à profit cette révolution que les bons citoyens avaient faite... La seconde, c'est qu'usurpant ainsi dans l'opinion publique par la violence et la fraude, le rang où les autres se trouvaient naturellement placés par leur civisme, ils en recueillaient le double avantage de déshonorer en quelque sorte la Révolution qu'ils avaient si vainement contrariée, et de se venger de son accomplissement sur ceux-là mêmes qui l'avaient payée de tant de sacrifices... La troisième, enfin, c'est que ce premier succès, une fois obtenu, les meneurs étaient bien assurés que leur parti, déjà fort par la réunion des ambitieux, des brouillons, des étourdis, des fanatiques et des traîtres, se grossirait encore de la foule des lâches et des
indécis. J'ai assez dit dans le temps, et je ne peux me résoudre à répéter aujourd'hui tous les honteux moyens qu ils employèrent pour compléter leur bande et la tenir toujours en effervescence; il m'est également impossible de surmonter une seconde fois le dégoût et l'horreur qu'on éprouve à tracer cette continuelle succession d alarmes toutes chimériques , de soupçons affreux, de menaces atroces, de haines aveugles, de fureurs gratuites, qui, chaque jour, semblaient menacer d'un déchirement intérieur ce peuple arlésien, si naturellement bon et calme, au sein duquel il n'existait aucune autre cause puissante ae division que l'ambition et l'immoralité de ce petit nombre d'agitateurs. Ces manœuvres leur ont trop réussi. L'on vit bientôt, avec étonnement ce tripot de la Chiffonne , où se réunissaient d'abord quelques joueurs oisifs, présenter ou cacher un ramas de comploteurs obscurs, puis amorcer une multitude de dupes, attirer ensuite moins secrètement des mécontents de toute espèce, se fortifier et s'enhardir par degrés, finir enfin par ameuter à découvert un rassemblement journalier, être en effet la maison commune du parti, sa diète perpétuelle, le centre de toutes les délibérations, le point de ralliement de tous les séditieux, le premier laboratoire de tous leurs projets ; en un mot, un foyer toujours actif de révolte et de déterminations insensées, dont une des plus brillantes, sans doute, fut de compléter en quelques jours toutes les dispositions qu'aurait pu faire une ville souveraine, entouréé de peuples ennemis prêts à attaquer son .indépendance. Elle débuta par un petit trait de brigandage assez hardi, parla saisie de 39 canons, et de 150 fusils, qui descendaient le fleuve ; elle dépêcha dans plusieurs villes voisines, et surtout vers Carpentras, sa digne et fidèle alliée, pour des enlèvement s et des transports de poudre ; elle s'approvisionna de boulets et de mitrailles; elle saigna le fleuve, prépara l'inondation de son territoire par les marais et canaux d'écoulements, ouvrit un fossé, mura ses portes, terrassa ses remparts, les hérissa de bouches à feu, et se promit d'être avant peu une petite métropole de fanatisme et de conspiration, dont la première étude devait être l'entier rétablissement du royalisme, la résurrection et le triomphe de l'Église universelle, l'anéantissement absolu des clubs et de la déclaration des Droits.
J'ignore à quel point précis en est aujourd'hui l'exécution d'une aussi belle pensée; j'ignore si les grandes destinées de la Chiffonne l'emporteront sur la volonté nationale et les droits éternels. Sans doute, il serait permis de se moquer un peu de tant de gloire et de sagesse, s'il n'en fût pas résulté, s'il n'en résultait pas encore de très grands maux.
J'affirme que, depuis plus de 8 mois, la ville d'Arles est notoirementeninsurrectionintestineet persécutrice contre le franc patriotisme ; j'affirme qu'elle est plus que jamais en conspiration secrète et sourdement active contre les institutions et les principes qui ont régénéré l'esprit public et qui l'alimentent; j'affirme que le commissaire Debourge fut dès l'origine, et n'a pas discontinué d'être l'apologiste et le complice des Chiffonnistes ; i'affirme que le ministre Delessart était instruit a mesure de tous leurs excès qu'il a toujours beaucoup aimés ; j^affirme qu'il n'a jamais permis qu'ils fussent réprimés; j'affirme que le pouvoir exécutif et ses divers agents ont très bien connu ce désordre et n'ont pas cessé de le
vouloir et de le favoriser ; j'affirme que, par l'état actuel des choses dans cette ville, au premier échec de nos armes, au premier trouble public dans le midi de la France, Arles et son territoire seraient le point du royaume sur lequel les Porsenna de Vienne, des Alpès, du Tage, et la horde catilinaire d'outre-Rhin, pourraient le plus compter, je ne doute pas, que, en effet l'on n'y compte ; et que l'on ne s'en occupe en plus d'un lieu; je prédis que ce petit coin ae l'Empire sera soigné dans tous les genres avec une prédilection marquée, ce qui, pourtant, ne serait pas peut-être assez machiavélique.
J'affirme que dans cette ville dont M. le commissaire vante beaucoup l'esprit public qui, nous dit-il, est son ouvrage, dans cette ville qu'il vient d'animer d'un trop bon esprit pour qu'on ne soit pas assuré d'elle, la faction dominante s'est en effet très hautement moquée et de la souveraineté nationale, et de la déclaration des Droits, et de la Constitution fondée sur l'égalité et la liberté, et de toutes les chimères de ce genre qui sont la doctrine et la religion des séditieux Monnaidiers. Mais en revanche, comme le dit et le proteste M. le commissaire, cette faction est servilement dévouée, exclusivement attachée à la personne sacrée de Sa Majesté et à la royauté,.. constitutionnelle. Je dois prévenir que M. le commissaire prend sur lui 1 épithète que je ne garantis pas, et qui semblera peut-être hasardée à tout homme qui connaît bien les meneurs Chiffonnistes et M. le commissaire.
10. « Jamais il ne s'est présenté d'occasion « de témoigner, à cet égard, notre douleur (sur les désignations de Chiffonnistes ou de Monnai-« diers) « et notre improbation, que nous ne « l'ayons avidemment saisie. Celui que nous avons le plus fortement réprimandé, est un curé du parti monnaidien » (vraiment je le crois bien !) « qui s'est avisé, dans un extrait baptistaire, de donner le nom de Monnaidier à un enfant... (Eh! qui donc vous avait donné ce droit de contrôle et de juridiction'! Au surplus, vous me permettrez de révoquer en doute ce fait tel au moins que vous Vénoncez.) « Ce même homme nouvellement décrété « pour des crimes de faux a pris la fuite sans « doute, il ne manquera pas de publier qu'il « n'est sorti d'Arles que parce qu'on y a persé-« cuté les prêtres assermentés. »
M. le curé Guibert, que l'on désigne ici avec une affectation et une légèreté si cruelles, M. Guibert, bien digne assurément de la haine des traîtres, fut pendant toute la durée de son séjour à Arles, un des plus intègres et plus utiles citoyens d'une ville qu'il n'a pas cessé d'édifier par la pratique 4e toutes les vertus. Il est vrai qu'il avait commis la faute irréparable de prononcer très franchement au milieu de ses paroissiens, à l'issue de la messe paroissiale et en présence du conseil général de la commune, le serment prescrit. Il est encore vrai que ses deux vicaires le prononcèrent tout aussi sincèrement que lui; et, ce qui était presque aussi criminel, chacun de ces trois ecclésiastiques accompagna son serment d'une petite exhortation très nettement constitutionnelle. Gela fit une heureuse et grande sensation. On conçoit bien que de telles atteintes aux lois ne pouvaient être oubliées ni perdues par les amis des lois. Aussi, les Chiffonnistes, qui ne persécutent pas du tout les prêtreà assermentés, mais qui les assassinent dans leur personne ou dans leur honneur, ont fait justice exemplaire. Ces trois prêtres ainsi que tant d'autres ont fui pour sauver leurs
jours, c'est tout ce que j'en ai su. Le décret, sur lequel M. le commissaire s'égare avec tant de décence, ne peut être qu'une dernière infamie de la Chiffonne et de son tribunal.
17. « Une procédure prise à la requête de deux « particuliers maltraités pendant la nuit du 17juil-« let dans un café, par environ 80 personnes du « parti de la Monnaie, prouva des desseins cou-« pables..... L'accusateur public se rendit partie « principale. »
11 n'y eut de coupables et de prouvé dans cet événement que le taux témoignage des Chiffonnistes, la prévarication monstrueuse de l'accusateur public, et la pusillanimité des juges. C'est la plus abominable horreur de la contrer révolution arlésienne. C'est surtout contre cette indignité que les Monnaidiers ont constamment et inutilement réclamé. Ils demandent justice, elle n'existe pas pour eux, dans ce tribunal, l'accusateur public refusa, avec la plus perverse obstination, de recevoir aucune de leurs dépositions. Ils firent appel, au moment même des décrets. Ils ne purent obtenir la remise de la procédure. On persiste à la leur refuser.
18. « Les décrétés alièrent publier dans les « villes et les campagnes voisines qu'Arles était « à feu et à sang..... Ils réussirent à faire rendre « au département, le 30 juillet, un arrêté, par « lequel, entre autres dispositions, la garde na-« tionale était provisoirement remise dans son « premier état. »
Je le répète, M. le commissaire a écrit son rapport sous la dictée des calomniateurs chiffonnistes. Leurs innocentes victimes étaient incapables, même dans leur désespoir, dé se livrer à de telles exagérations; d'ailleurs, on eût refusé de les croire; et l'on n'avait pas besoin de les consulter sur tous ces désordres publics, qui étaient devenus une connaissance commune et l'objet familier de l'entretien de tous. Ce ne fut pas non plus à leur sollicitation, ni sur leur rapport que les administrateurs de directoire du département rendirent leur arrêté du 30 juillet 1791. Cet arrêté vraiment indispensable, cet arrêté prononcé sur le vu même des verbaux, pétitions et délibération des Chiffonnistes, et après que les députés delà Chiffonne eurent été entendus à deux reprises différentes, cet arrêté, dont toutes les dispositions étaient justes, douces, salutaires, fut reçu dans Arles par les patriotes, ainsi que par les autorités constituées, comme il devait l'être, avec reconnaissance et respect. Mais les Chiffonnistes en parlèrent avec toute l'amertume du plus insultant mépris, ils le rejetèrent obstinément, et préparèrent avec une sorte de fureur leur résistance inflexible, leur opposition armée à son exécution.
19. « Le 5 août le département envoya deux « commissaires pour veiller à l'entière exécution « de cet arrêté »
Le directoire fut effectivement contraint d'envoyer en commission deux de ses membres, chargés par lui de venir lutter dans Arles, au nom de la loi, contre le fanatisme et la révolte. Mais l'arrêté du 30 juillet ne fut pas exécuté.
20. « Les commissaires n'éprouvèrent aucune « résistance. »
Ces commissaires ne s'abusèrent pas un seul moment, ni sur l'excès et la réalité du mal ni sur l'artifice de quelques vaines protestations. L'on y gagna cependant la courte suspension des derniers excès. Mais ils virent de grands scandales et n'obtinrent aucune soumission véritable. Je vais retracer sans choix les premiers traits
qui s'offrent à ma mémoire, de ce tableau hN deux et révoltant : 1° le- lendemain du jour où les commissaires du département avaient abordé cette ville devenue sauvage, les chefs de la Chiffonne, impatients de paraître dans l'éclat de leur gloire et de montrer ce qu'ils savaient faire, ameutèrent, sous le plus noir prétexte, deux ou trois cents des leurs, qui, après avoir forcé toute la garde nationale à s'armer, jetèrent la ville entière dans une épouvante affreuse, cassèrent toutes les délibérations auxquelles on avait feint de se soumettre la veille, et dépouillèrent la commune de tout ce qui lui restait de cartouches ; 2° le rassemblement continuel de la Chiffonney au mépris de l'arrêté du département, et en violation de la parole donnée aux commissaires, était plus nombreux encore, pendant toute la durée de leur séjour qu'avant leur arrivée ; il était au plus haut degré de tumulte et d'effervescence, et chaque jour, on y renouvelait des motions atroces contre les patriotes ; 3° tous les soirs un attroupement de cinq ou six cents personnes, recevait de la Chiffonne, et remplissait une mission très digne des ordonnateurs et des exécuteurs : ils venaient établir devant la la maison des commissaires, depuis 9 heures, jnsqu'à 11 heures, un concert vraiment infernal, où des cris frénétiques, des hurlements de rage, se mêlaient à des cantiques d'illuminés, et aux accents de l'incivisme le plus niais. Si je n'eusse pas connu toute la méchanceté des meneurs, j'aurais cru que ce n'était là qu'une scène des petites-maisons, et que tout le monde avait des vertiges. Au surplus, il fallait bien que la très grande majorité fût à peu près timbrée, pour se livrer journellement à des excès si bêtes, et pour s'abandonner à de tels meneurs. Il n'est pas inutile d'observer qu'à cette époque, comme auparavant et depuis, le maire actuel de cette malheureuse ville d'Arles était toujours à la tête de toutes les bandes, et le constant et très pétulant instigateur de tous les désordres. C'est précisément à raison de cela que le commissaire Debourge est si content des excellents choix que les honnêtes gens viennent de faire.
21. « Le procès-verbal de leurs opérations prouve « que les Arlésiens étaient dans ae bonnes dispositions. »
Ce procès-verbal, où tout fut pallié à dessein, n'était qu'une pièce ostensible et de pure convenance. Nous craignions encore de trop aigrir des révoltés, qui avaient pour eux tous les moyens de force, et qui les auraient employés sans scrupule. D'ailleurs, il y avait là un homme, et je crois avoir le droit de le publier moi- même,., il y avait là un .homme qui ne voulut jamais renoncer à l'espérance de voir tout à coup cette race arlésienne, cruellement égarée sans doute, mais essentiellement raisonnable et douce, revenir d'elle-même à sa bonne nature, et fuir et rebuter ses tristes dépravateurs. Dans cette consolante persuasion, il sentait le besoin de ménager des hommés qui n'attendaient qu'un prétexte pour la pousser par l'irritation et le délire à la honte et à l'asservissement.
Toutefois, dans l'extrême adoucissement de ce verbal il reste encore de quoi démentir vingt fois ce commissaire Debourge, dont le rapport entier n'est qu'une criminelle imposture. La législature actuelle compte parmi ses membres trois ci-devant administrateurs du directoire du département des Bouches-du-Rhône. M. Pellicot, entre autres, fut un des deux commissaires envoyés dans le mois d'août à Arles; on peut les
questionner; je suis bien convaincu qu'ils seront épouvantés de la lâche et menteuse audace de M. Debourge.
22. « La presque généralité des citoyens fournissait, toutes les nuits, depuis le 20 août, d'après l'autorisation des deux commissaires du département, de la municipalité et du district, à la compagnie de garde à l'hôtel de ville, un supplément d'hommes armés pour faire conjointement avec celle-ci des patrouilles dans la ville et lui donner des secours au besoin. »
Tout ce paragraphe est prodigieusement faux: expliquons ceci le plus brièvement qu'il me sera possible, en priant le lecteur, si pourtant il en est, de me pardonner le dégoût et l'ennui que j'éprouve et que je lui communique... La compagnie dite cleZa Monnaie était composée tout entière, des premiers et véritables soldats de la Révolution. Nulle autre compagnie, dans la légion arlésienne, ne l'égalait en patriotisme, en zèle, en dévouement; elle les surpassait toutes en discipline exacte et en assiduité de service; elle pouvait être leur modèle. On eut le malheur de n'y voir qu'un sujet d'envie... il était naturel, il auraitdû sembler doux de l'imiter ; on trouva plus facile de la haïr. L'excès de cette jalouse haine fut tel, que pour anéantir la compagnie qui en était l'objet, on jura de dissoudre la garde nationale. ïGe fut, dit-on, un des serments prononcés le 9 juin dans l'églisedes ci-devant minimes. On sait assez dans Arles, comment et par quels motifs le maire se crut obligé de souscrire à cette désorganisation; on sait aussi qu'à époque les Chiffonnistes instituèrent cet étrange service de supplément, qui, sous tous les rapports, était Dien tout ce qu'on pouvait imaginer de plus ridicule, déplus irrégulier, déplus vexatoire. Le district et la municipalité ne voulurent jamais l'avouer. Il arriva seulement que, le 20 août, par des raisons et par des motifs du moment,les deux commissaires du directoire, et le maire, prêts à se rendre à Aix, où l'Assemblée électorale allait se réunir, crurent devoir ne pas rejeter entièrement la prière que leur fit M. le colonel de la légion, de permettre les patrouilles des supplémentaires. Cette autorisation donnée par nous à regret, et la veille de notre départ, était la première. Il suffît, au reste, de la lire pour se convaincre qu'elle était de pure tolérance. Nous étions bien éloignés d'approuver un genre de service dont l'unique objet ^t l'effet infaillible était d'entretenir et de redoubler l'inquiétude et les alarmes des bons, l'insolence et le pouvoir des méchants.
23. « Il était réservé à la compagnie de la Monnaie de s'opposer à l'admission de supplément. Quelques jours avant le 1er septembre, jour auquel elle devait monter la garde, et.....d'excellents citoyens (Ceux qui, pour Vexécution de leur coup de main contre la compagnie, dite de la Monnaie qui était de garde à la maison commune, avaient si bien disposé toutes choses, qu'à l'heure même de l'exposition 800 hommes armés, tenus en réserve, parurent tout à coup, -occupèrent les deux places voisines, et se saisirent de toutes les avenues.) « Crâigant que ce mouvement ne fût présenté sous ses vraies couleurs dans les villes voisines, crurent 'de l'intérêt et de l'honneur d'Arles que toutes les circonstances en fussent parfaitement connues ». Lisez : toutes altérées, déguisées, cachées, « ils obtinrent de la municipalité qu'elle leur fît expédier une eopie collationnée au procès-verbal qu'elle en avait dressé. »
Tout l'historique de l'événement affreux du 1er septembre-est ici très inutile, très incomplet et le procès-verbal que l'on cite est en contradiction relativement aux faits principaux, avec celui que des officiers municipaux d'Arles vinrent présenter à cette époque au département, ainsi qu'avec les récits d'une multitude'de témoins, tous concordants. Il est incontestable que ce malheureux jour fut un de ceux où les Chiffonnistes manifestèrent avec le plus d'audace et de barbarie l'usage qu'ils auraient à faire de leur moyens de force. Ce qui restait encore d'hommes publics patriotes fut obligé de fuir. Depuis longtemps on leur prodiguait l'outrage; ce jour-là, on leur donnait la chasse pour les égorger. Le 1er septembre l'emporta même en excès sur les mémorables nuits des 9 et 10juin précédents, et n'a pu être surpassé que par la frénésie du jour où l'arrêté au 7 septembre fut signifié.
24. « Le directoire (du département), trompé par de faux « rapports » (les récits naifs de quatre ou cinq cents citoyens qui accouraient successivement, et venaient rendre compte de ce qu'ils avaient, vu et entendu; les lettres de plusieurs autres qui écrivaient des lieux divers où ils avaient été chercher asile) « et obsédé par des députa-tions nombreuses et réitérées du corps électoral, alors assemblé, ordonna par son arrêté du 7 septembre. »
Cet arrêté, dont M. le commissaire se garde bien de développer les nombreux et irrécusables motifs; cet arrêté qui. depuis longtemps, était le seul moyen qui restât à l'administration supérieure de faire justice à tous sans qu'il pût en résulter ni mal ni violence ; cet arrêté réprimant et indispensable, par la cassation duquel la chose publique a-été complètement et irrévocablement trahie; cet arrêté, dont le seul inconvénient fut de n'être pas appuyé, dans l'origine, de l'appareil de force nécessaire pour en assurer le succès, en contenant les traîtres et imposant aux boute-feux, cet arrêté, dis-je, obtint des patriotes une soumission sans murmure et une exécution prompte. Ils obéirent sur l'heure à cette loi de pacification et vinrent déposer leurs armes. Les Chiffonnistes, au contraire, gardèrent les leurs, enlevèrent le dépôt des autres, s'abandonnèrent à toutes les fureurs de l'insulte et de la rage, vomirent l'invective contre le département; arrachèrent à main armée les placards de son arrêté, déshonorèrent la nation et ses lois par l'emportement des plus grossiers outrages* saisirent sur le fleuve toute l'artillerie qui le descendait, appelèrent, pour le placer à la tête de leurs bataillons révoltés, un homme connu par sa haine de la Constitution, etc.,firent ensuite au dehors et au dedans de la ville tous les préparatifs qui peuvent suivre une détermination de guerre bien arrêtée, et finirent par la déclarer et la signifier, en quelque sorte, après avoir contraint de fuir ou de s'expatrier tous ceux que cet excès de délire épouvantait, ou qui s'indignaient d'une si criminelle insurrection. Je ne retrace là qu'une partie de leurs inconcevables excès... La proclamation du roi, contresignée Delessart, les passe tous sous silence; elle n'en tient aucun compte; elle n'en dit pas un seul mot; elle les tolère donc, ou plutôt elle les autorise et les approuve, par cela qu'elle ne les condamne pas. Mais, en revanche, elle censure, elle anathëmise, sous les plus frivoles et les plus inutiles prétextes, tou tes les dispositions salutaires et préservatrices, toutes les dispositions salutaires et vraiment paternelles dans leur apparente sévérité que le département
avait si sagement déterminées par ses arrêtés de juin, juillet, août et septembre. J'ai dit, dans le temps, que M. Delessart, en accordant même que ses intentions ne dussent pas être suspectées, méritait encore des reproches très graves, par cela seul que dans des cas de cette importance et de cette gravité, et dont il sentait bien qu'il ne pouvait apprécier ni l'espèce, ni les causes, ni les suites, il s'était permis de soumettre à son opinion, nécessairement incertaine et hasardée, l'opinion publique de tout le midi de la France, et d'annuler les arrêtés civiques et vraiment libérateurs de ces administrateurs locaux, à qui seuls il appartenait de connaître le mal et d'y porter un sûr remède. Je persiste à penser que cette proclamation fut une calamité publique, un véritable délit ; casser, par une proclamation du roi, ces arrêtés sages et fermes- du département, c'était, dans une crise difficile, couper le nerf de l'autorité, immoler le patriotisme, déshonorer l'obéissance légitime, couronner le fanatisme et la révolte, tendre une main royale à la contre-révolution qui allait fuir, rendre le calme et la force au scélérat qui se troublait, restituer le faux honneur à l'infâme qui allait se couvrir d'un juste opprobre. J'ai publié très naïvement alors ce que je pensais de ces indignes manœuvres ; il serait bien superflu d'épuiser aujourd'hui ces vieux détails, et de redire mes pensées. Je n'ai certainement pas changé d'opinion, mais il me semble qu'elle est avouée par tous les hommes de bonne foi ; il est devenu impossible de douter que la cour, que le ministère en général et ses nombreux agents, que le ci-devant ministre de l'intérieur en particulier, n'aient soigneusement alimenté, dans plus d'un lieu, tous les germes de désordre, lorsque ayant pour principe la haine dlune génération qui extirpait tdéracinait douloureusement tous les abus, leur dernier fruit pouvait être la résurrection ou le maintien d'un certain nombre de ces abus, car, par eux le despotisme du prince et tout ce qui en est inséparable, pouvait insensiblement ou brusquement recouvrer sa puissance et ses forcés, raturer ensuite et tôt ou tard effacer cette importune déclaration des Droits, frontispice un peu fier d'une Constitution devenue modeste. On favorisait, on excitait, on ralliait, en cent lieux divers, toutes les résistances ; c'était l'armée intérieure du pouvoir exécutif,, c'était encore sa propagande ; elle travaillait à lui restituer toutes les usurpations dont la souveraineté nationale l'avait dépouillée. Elle avait d'abord contrarié et retardé la marche de la Révolution ; on voulut ensuite s'en servir pour la faire reculer. J'atteste que M. Debourge conserve des principes et nourrit des sentiments qui l'ont dû faire paraître successivement digne de l'une et de l'autre mission. Il a très bien et très sagement rempli la dernière pans son commissariat .récent près de la Chiffonne. C'est â la fois un succès et un bonheur ; il a satisfait ses amis, et accompli les desseins du ministre. Ses efforts avaient été moins heureux parmi nous à la première époque : sa mission était alors plus importante, on lui avait confié l'éducation du peuple entier du département des Bouches-du-Rhône. Ce peuple eut le malheur, dit-on, de ne rendre justice ni à ses principes qu'il n'aurait pas dû détester, ni à sa conduite qu'il a eu tort de tant mépriser. Je serai plus équitable que ce bon peuple : l'estime que je porte à M. le commissaire Debourge et la reconnaissance que je lui voue, seront précisément les mêmes pour les deux
temps, parce que, en effet, il paraît n'avoir pas varié. J atteste que lorsqu'il parut dans Arles, naturellement introduit par la première explor sion du 9 juin, il sut déjà s'y comporter en tout point, comme devait le faire un nabile et bon chiffonniste; il travailla de toute sa force et de tout son art à parfaire leur besogne de prédilection, qui consistait à dépopulariser entièrement un district et une municipalité trop peu fanatiques et raonarchiens, à mettre en honneur les brouillons, les mécontents, les ambitieux, les inconstitutionnels de chaque secte, et par dessus tout, celle des royalistes et des rèfrac-taires, à verser toutes les défaveurs sur les patriotes en général, sur les prêtres assermentés en particulier, et notamment, sur le modeste et vertueux évêque métropolitain des côtes de la Méditerranée ; si l'on joint à cela je ne sais quel mélange de simplicité séraphique sur les objets de la loi chrétienne, et de persiflage amer sur les principes fondamentaux de la Constitution française, on pourra se former une idée assez juste de la méthode que suivit ce petit apôtre de contre-révolution. Il développa, dans cette belle entreprise, le plus heureux talent. J'admirais à part moi cette naturelle facilité de mentir, cette perfidie de tous les moments, de tous ses regards, de toutes ses paroles, cet art inestimable de se conformer aux temps, aux lieux, aux personnes, peut-être aux inspirations, si ce n'était même aux ordres positifs : il est certain qu'à cette première époque du délire public dans Arles, il fallait agir et parler précisément comme il agit et parla, pour achever d'égarer les esprits, et préparer le triomphe et le recrutement de la tourbe chiffonniste. A la vérité, rien ne lui faisait;obstacle, en ceci; le seul homme qui se trouvait à portée et en disposition de le combattre ou de le démasquer, appréciait aussi de son côté toutes les dispositions du moment. Il sentait le besoin de ne pas aliéner entièrement la confiance publique déjà trop déviée de sa direction, et douloureusement réduit à dissimuler pour le salut de la chose, commune, en présence de celui qui ne mentait que pour la perdre, il désapprouvait modérément les discours, et laissait croire qu'il ne pénétrait pas les intentions. Il y avait là de quoi mettre à l'aise M. le commissaire civil qui, en effet,, ne se gênait guère. Il nous quitta trop tôt sans douté, mais, pour que l'esprit public et les honnêtes gens fie perdissent pas tout, il les fit appuyer d'un détachement de dragons de ligne, commandés par un officier à sa main, très digne de lui par ses idées sur la Révolution, homme vraiment recommandable par sa haine contre les patriotes, qui la lui payaient en mépris. Par ce mépris et par cette naine, il se trouva tout naturellement coalisé avec les Chiffonnistes. Ce double rapport les unissait très convenablement à lui, rien n'était plus parfaitement assorti. Cela produisit le meilleur effet : ils ne se quittèrent plus, et tout alla le mieux du monde pour le trouble et le déshonneur d'une ville sacrifiée. Voilà, fort en raccourci, l'aperçu des premiers services rendus au patriotisme et au bon ordre par M. le commissaire civil, à l'époque oû les Chiffonnistes, pour compléter le bouleversement d'une ville auparavant tranquille, honorée et digne de l'être, conçurent l'idée de la mettre sous la sauvegarde de leurs patrouilles supplémentaires, et de la recommander, ou plutôt de la livrer à la surveillance spéciale et immédiate de M. Debourge, sous l'autorité de la Chiffonne, et la coupelle
d'Achille Villardy. Je sais beaucoup moins ce que M. le commissaire civil a dit et fait à Arles cette dernière fois. La présence de MM. ses collègues, que je n'ai pas 1 honneur de connaître, a pu le tenir en circonspection. Au surplus, les choses alors en étaient a ce point où, pour le triomphe de la mauvaise cause et de ses partisans, il suffisait de laisser aller et de ne pas s'opposer au tout en état. Il paraît que c'est à peu près le parti qu'a suivi M. Debourge. Cela lui a valu les remerciements des oppresseurs et les malédictions des opprimés. Les Chiffonnistes le préconisent, les patriotes l'ont en horreur. Ceux-ci, sans doute, auront d'abord été séduits par le pateli-nage et la douceur perfide de ses promesses et de ses premières paroles. Il n'aura pas manqué de les trahir toutes, et leur franchise s'en est indignée. Quoi qu'il en puisse être, il est bien avéré du moins que, sous le rapport de l'intolérable dépression et des vexations de tout genre, éclatantes ou sourdes, qui étouffent le patriotisme dans Arles, ou l'en tiennent exilé, la situation de cette ville continue d'être affligeante à la fois et alarmante pour le bon citoyen, pour le patriote de bonne foi, pour le sincère ami des droits communs de l'homme et des autres droits, non moins respectables, du laboureur, de l'artisan, du pauvre, et des droits plus incontestés et plus sûrs de l'opprimé, et des droits vraiment sacrés de la vertu qu'on persécute. Quant à l'homme qui aurait eu le malheur de les méconnaître, ou, ce qui est bien pis, de les railler amèrement, je ne suis point étonné qu'il n'éprouve pas cette affliction, qu'il n'exprime par ces alarmes. Un tel homme, fût-il même rapporteur exclusif de la commission, n'avouera rien. On ne pourra savoir par lui ce qu'il a vu ou entendu, ce qu'il a dit ou fait, ce qu'on doit penser ou croire... Il n'avouera rien, j en suis convaincu... Expliquons-nous cependant... J'en excepte les choses qu'il lui est réservé de sentir... et qu'il pourrait bien avouer encore, professer même, en temps et lieu, puisqu'il les a, dit-on, plus d'une rois proclamées dans Arles, en sa qualité de commissaire civil, des choses enfin qui touchent de bien près aux opinions qu'il vint y fortifier à sa première mission, et dont on aperçoit aussi les indices déguisés, les traces soigneusement adoucies, dans le rapport mis sous les yeux de l'Assemblée nationale. Je veux parler ici du profond respect qu'il porte et de la préférence comme exclusive, qu'il Voue et veut faire accorder au riche et aux mœurs du riche, au ci-devant grand par sa naissance, et aux saines lumières qui accompagnaient ce genre de grandeur, à la candeur du fourbe qui a du savoir-vivre, a la sagesse de l'egoi'ste, a la morale de Thypocrite, aux scrupules du l'a- natique, k la purete d'ctme de Tambitieux. a Tin- tégrité du cœur faux et dur, à Y excellent civisme des détracteurs du peuple, des sages amis de l'égalité, etc... etc... C'est uniquement parmi eux qu'on peut rencontrer, c'est cela seul qui constitue des hommes vraiment recommanaableS; et ces hommes ainsi recommandantes peuvent seuls, doivent seuls, soutenir, fréquenter, desservir les églises électorales, les autels de la justice, les chapelles municipales, administratives, etc., et le temple entier ae la Constitution. En effet, il en est d'une sage Constitution comme d'une religion nouvelle : pour qu'elle ne soit pas ou repoussée ou bientôt abandonnée, il faut initier exclusivement à ses mystères, il faut appeler spécialement aux honneurs de son ministère et du culte, ces propriétaires aisés, ces fourbes
adroits, ces sycophantes avides, tous ces hommes aux belles manières, qui ne manquent jamais ni de loisir, ni d'assurance, ni de vices... Il faut encore, il faut surtout en écarter impitoyablement l'homme simple, l'homme droit, l'homme pauvre, l'homme obscur, qui gâterait tout par son désintéressement, sa maladresse et ses vertus. En effet, ce sont là, n'en doutons point, les dangereux ennemis de nos honnêtes gens et des puissances ; il faut, à tout prix, en débarrasser la chose publique, qui ne peut marcher avec de telles entraves. La Constitution, que nous aimons tant à citer, n'exige, il est vrai, pour Y entrée aux assemblées électorales, que des conditions faciles à remplir, et c'est là, sans doute, un très grand malheur, mais enfin, des reviseurs ne pouvaient pas être parjures comme un manifeste; et d'ailleurs ne s'en rapprochèrent-ils pas ensuite par cette loi réglementaire du..... septembre, qui, pourvu seulement qu'on la maintienne, car c'est bien le moins, rendra illusoire pour les quatre cinquièmes des citoyens le premier de leurs droits, la sauvegarde des autres. Toutefois, il est visible que cette réduction est trop nuisible, et, d'ailleurs, mal^à propos restreinte; la saine politique exigeait qu'on l'étendît à tout... Aussi, les vrais sages, les constitutionnaires éclairés, qui, ne pouvant souffrir la licence ni s'accommoder aux chimères, ne se lasseront jamais d'offrir aux citoyens une liberté avec des menottes, et une égalité avec des cartes et des privilèges; ceux, en un mot, qui veulent sincèrement et fortement, non pas Y ordre du bonheur public et la paix des âmes libres, mais le rétablissement des ordres et l'affermissement d'une servitude immuable ; ceux-là, disons-nous, sont bien convaincus que la seule manière raisonnable de satisfaire au vœu de la Constitution, serait d'interdire à la presque totalité des citoyens, aux individus de la colonne populaire, non seulement l'entrée aux assemblées électorales, mais l'assistance même à toute assemblée délibérante; il est bien entendu qu'on les déclarerait tous inhabiles à exercer aucune fonction publique; cela va de soi-même, et n'a pas besoin d'être justifié. Qui pourrait douter, en effet, ou qui oserait contester que l'énergie et l'incorruptibilité du laboureur, de l'artisan, du pauvre, et de tous les hommes dignes de l'être, ne soient de véritables fléaux?.....Ma foi, M. le commissaire a dit vrai : la société n'a plus que cette sorte d'ennemis; et ce serait bien à tort qu'on affecterait d'y confondre, ou qu'on entreprendrait d'y réunir ces autres hommes familiarisés au Crime décent, à l'odieuse intrigue, au vice sans pudeur; ceux encore dont les erreurs transmises et les préjugés reçus composaient la raison et formaient la pensée, qui avaient mis toutes leurs jouissances dans de vaines distinctions sans titre réel, dans leur prosternement aux pieds des uns, dans l'abaissement où ils tenaient les autres; ceux aussi dont la misère publique était le patrimoine; ceux enfin qui, de quelque manière et par quelque motif que ce pùt être, aspiraient au mariage et à la perpétuité de tels où tels abus, soit qu'ils y aperçussent simplement un moyen de vivre dans la honte, ou une voie d'enrichissement par la rapine, ou un instrument de domination; gardons-nous, dis-je, de penser que ces véritables hommes du vieux régime aient le moindre regret à sa destruction, ni la plus légère répugnance pour le nouvel ordre de choses qui le remplace ; il n'est pas au contraire de citoyens plus occupés qu'eux d'en faciliter le prompt et parfait rétablissement ; ils
sont de vrais Chiffonnistes, ils sont les hommes recommandables de M. le commissaire.
Ce ne sont point eux ni leurs amis qui calomnient infatigablement le peuple et les vrais représentants du peuple. Ce ne sont point eux ni leurs amis qui sembleraient avoir conçu le projet de dissoudre l'Assemblée nationale ou de la réduire à l'asservissement : ce ne sont point eux ni leurs amis dont le soin continuel, la première passion, l'exécrable étude, furent toujours de livrer aux poignards de l'assassin ou du diffamateur ceux qu'ils désespéraient d'intimider ou de corrompre, ce ne sont point eux ni leurs amis qui ont juré une haine implacable, une guerre éternelle et sourde à la liberté sainte à l'égalité fraternelle et civique, à toutes ces vérités premières, fondement éternel de la Constitution sage que nous avons élevée et dont tous les bons esprits de la terre travailleront à perfectionner l'œuvre : ce ne sont point eux ni leurs amis qui, de nos jours encore épuisent contre ces principes tUtéfaires les paroles d'irritation, les sentiments de rage, les traits d'insolence ou de fureur; ce ne sont point eux ni leurs amis qui sollicitent, préparent ou pétitionnent les refus de sanction, ou les décrets impopulaires, ou le discrédit et l'abolition de ces sociétés patriotiques qui nous aideront, eh dépit d'eux, à saùver la France et la Constitution : ce ne sont point eux ni leurs amis qui tourmentent les meilleures lois, cherchent le pire dans les moins bonnes, les violent toutes au besoin, les éludent quand ils ne peuvent pas les enfreindre, ne veulent jamais y voir que l'arrêt de mort ou la réprobation de toutes les libertés dites populaires, et la consécration ou l'excuse des perfidies royales comme des iniquités ministérielles ; ce ne sont point eux ni leurs amis qui enfouissent le numéraire ou qui l'exportent, agiotent contre les assignats et en commandent des fabriques, cabalent dans les cours voisines et Courent l'Europe pour y soulever des hordes armées et leur livrer en proie ce bon peuple qu'ils s'efforcent de diviser et d'affamer; ce ne sont point eux, enfin, ni leurs amis qui, payeurs ou payés, scélérats ou bas coquins dans les tripots, les carrefours, les antichambres , les étuves, l'œil-de-bœuf ou les coulisses, les correspondances secrètes, ou les plats offices de Vienne dictés à Paris et dignes ae Coblentz, empoisonnent et veulent gangrener l'opinion publique," pour le réasservissement de l'Europe et la plus grande gloire du fanatisme et des Couronnes. Sans doute, ces méprisables tentatives sont bien vaines et les vrais élus du peuple ne reculeront pas. 11 est possible que des circonstances les environnent de dangers et les vouent à d'honorables outrages..... C'est cela même qui anime et affermit leur passion pour le bien. Des cœurs généreux ne peuvent mollir dans l'accomplissement de leurs devoirs tant qu'ils leur valent des persécutions. C'est un lien de plus qui retrempe et resserre tous les autres. C'est le vrai ciment qui rend à jamais inséparables la bonne cause et ses victimes... Les élus du peuple ne reculeront donc pas... le bon peuple ne reculera pas... Ici, comme partout, son imprescriptible souveraineté ne pourra plus être méconnue ni contrariée. Toutes les tyrannies doivent tomber et disparaître. La raison marche de triomphe en triomphe. Le vœu du philosophe ne peut tarder à s'accomplir et l'affranchissement universel de la nature numaine est aussi prochain qu'inévitable. Ce n'était donc pas mes alarmes que j'ex-
primais tout à l'heure, ce n'était pas même mon indignation, car l'expérience et la réflexion la tempèrent; ce n'était pas non plus précisément du mépris ; je ne suis pas assez content de moi pour mépriser les autres même alors que leurs principes me font horreur, mais j'ai pensé que moi-aussi j'étais appelé par ma franchise et par le choix du peuple à lui dénoncer les hommes qui emploient tous leurs talents à égarer les uns, tous leurs moyens à corrompre les autres, qui semblent s'être concertés entre eux pour réduire l'Assemblée nationale à vouloir inutilement le bien, à laisser faire le mal, qui, enfin, n'ayant pu réussir encore, mais aspirant toujours à submerger le vaisseau de la chose publique, épuisent en attendant tout l'art de leurs manœuvres pour le tenir en panne quand le vent est bon, ou pour cingler à vent contraire, en louvoyant par toutes les fausses directions.
Je sais qu'il est des hommes, même parmi ceux dont un franc jacobin peut aimer le patriotisme, qui désapprouveront peut-être la naïveté de mon style et de mes déclarations. Il ne suffit pas de pressentir leur mécontentement; je désire encore d'en deviner lès motifs, et je crois pouvoir en assigner à l'avance les deux plus importants. Le premier prendra sa source dans le louable désir qui les tourmente de voir enfin se rétablir dans 1 esprit du peuple cette confiance en ceux qui sont chargés de l'exécution des lois, sans laquelle il ne peut y avoir dans les sociétés humaines, ni honneur ni véritable ordre, ni tranquillité, ni sincère et parfaite obéissance. Le second motif, qui découle du même principe que le premier, dont il est la suite et le dernier terme, proviendra d'une inquiétude exagérée sur la déconsidération qui menace le pouvoir exécutif. L'on ne manquera pas de dire qu'un pouvoir qui se sent ainsi déconsidéré, ou perd le courage en perdant la force, et ne gouverne plus, ou ne gouverne que pour le malheur et la ruine du peuple, par tous les moyens de corruption et de malfaisance, en se coalisant avec toutes les ambitions et tous les ressentiments. Puisque je crois avoir saisi au fond des cœurs de ces estimables citoyens les sentiments qui pourraient déterminer leur censure, je dois à mon tour leur exposer les miens; j'ai le besoin et je me sens digne de me raccorder avec eux, et pour cela je conserverai dans cette explication, cette même franchise de langage qui semble les alarmer dans la crise actuelle, mais qu'ils sont faits pour es*- timer et goûter dans tous les temps.
Et d'abord, quant à la confiance du peuple en ceux qui gouvernent, ma réponse se bornera au court développement d'une vérité simple, c'est que cette confiance n'est point une chose de sollicitation ou ae commandement ; on ne peut l'exiger; celui qui en a besoin doit l'inspirer. Je vois très bien que de petits importants s'irritent de ne pas l'obtenir, mais je vois moins ce qu'ils font pour la mériter.
Or, sans doute il ne peut être ici question que de ce genre de confiance; car celle qui ne serait de la part des citoyens que l'effet de leur insouciance ou de leur aveugle abandon, pourrait être considérée comme un des symptômes de cette atonie morale qui conduit un Etat à sa fin. Il n'y aurait bientôt plus de volonté générale ni de ehose publique. Il n'y aurait que des intérêts séparés et des caprices. Ceux qui gouverneraient alors, n'apercevraient, ne chercheraient dans cette confiance d'enfant ou d'esclave qu'un moyen facile et sûr de tout faire servir au succès de
leurs vues, au contentement de leurs fantaisies. Disons donc que le peuple ne doit accorder sa confiance qu'à ceux qui la gagnent, quéle moment est venu pour lui de la faire appréciér ce qu'elle vaut, en la mettant au plus haut prix, car rien n'est au-dessus d'elle; disons que, depuis trois ans, le pouvoir exécutif se joue insolemment de cette confiance, ou la trahit sourdement... Disons que, ligué d'intention et de fait avec les mille espèces diverses de malveillants et de conjurateurs, il féconde, il éternise, il fait naître ou laisse se former, il crée lui-même, ou ne permet pas qu'on détruise tous les. empêchements, toutes les contrariétés, tous les obstacles de force vive ou d'inertie, de corruption ou de violence, d'attaque oblique ou de résistance secrète, dans l'intention non équivoque, graduellement variable, mais immuablement perverse, d'abord d'étouffer la Révolution dans le germe ; puis, et ne l'ayant pu, de la faire avorter dans ses premiers développements, la voyant ensuite marcher avec rapidité, de l'égarer dans le trouble public, de l'effrayer, en l'enveloppant de désordres, en excitant tous les brigandages, en exagérant le tableau de ces horreurs salariées, de la noyer enfin dans le sang du peuple et de ses amis, ou du moins, de la rendre stationnaire, intolérablej par le renouvellement éternel de toutes les inquiétudes, par l'excès de l'angoisse et des misères, de conduire ainsi le peuple à l'abattement par l'extrême lassitude, à la double impuissance d'agir, et de résoudre par l'absolu dénûment de ressources et l'épuisement des forces de l'âme, à la servitude, en un mot, par le découragement et la faim, par le besoin du calme et la nécessité de vivre.
Heureusement de telles espérances n'étaient pas seulement infernales, elles étaient chimériques. Mais nul homme attentif n'a pu douter qu en effet ils n'aient été conçus et suivis, ces projets atroces sur lesquels j'appuierais avec plus de force, si désormais les jours du véritable et grand danger n'avaient passé sans retour... sans sans retour, ai-je dit,... oui, jé le répète... je croirais si l'on veut, à quelque crise, mais non pas à un danger réel. Cette crise, sera nécessairement salutaire parce que les yeux du peuple sont ouverts; mais ce n'est pas non plus une raison pour qu'il doive les fermer...
Eh! qu'a donc fait le pouvoir exécutif, pour mériter qu'on perde sitôt le souvenir de tout ce qu'il a voulu faire?.... Rien encore, non, rien..... il faudrait donc que ce peuple fût bien follement dévoyé, s'il lui épargnait même la simple méfiance et s'il ne le surveillait infatigablement, jusqu'à ce que le pouvoir exécutif ait fait ses preuves. Nous sommes loin du temps où la confiance du peuple cessera d'être un renoncement à la liberté.....Je dis plus encore, lors même que tous les ferments de nos vieilles dépravations seront amortis, lorsqu'un mâle esprit et d'austères mœurs auront en effet régénéré l'espèce ; lorsque tous les hommes du siècle d'abâtardissement et de servitude auront disparu, lorsqu'une postérité vraiment nouvelle, une génération dliommes créés par la Constitution et dignes de la perfectionner parce qu'ils vaudront mieux qu'elle ; lorsqu'une population immense, une race pure et libre, couvrant et fécondant une terre désormais heureuse, y ouvriront ou y recommenceront pojir l'espèce humaine le véritable âge de gloire et de félicité, à cette époque, dis-je, où l'humaine vertu atteindra le degré de force et de pureté dont elle est susceptible, il sera toujours néces-
saire cependant que le peuple ait les yeux ouverts sur ses délégués, et ne leur laisse pas ignorer qu'il les voit.
D'abord, parce qu'en effet ce sera seulement ainsi qu'il pourra les honorer d'une confiance éclairée, en second lieu, parce que, même dans les plus excellents naturels et les mieux cultivés, il reste encore je ne sais quoi de paresseux et d'impur, qui a besoin d'être aiguillonné et châtié. Or, rien n'anime et n'amende comme la certitude d'être observé et jugé par un peuple éclairé qui, résolu à toujours exercer celui de ses. droits dont il ne doit jamais se dessaisir, dispense à tous ses serviteurs, dans les divers emplois de sa grande maison (laquelle est tout autre chose que cette maison militaire du roi, que nous détruirons, quand nous aurons le sens commun, et qui ne pourra plus se recruter, quand chaque citoyen aura le juste sentiment de sa dignité) la louange ou le blâme, la vraie gloire, ou l'insupportable honte.....Par toutes ces raisons, et faisant grâce des différences entre le temps actuel et l'heureux temps qu'il est si doux d'imaginer, je persiste à penser que le peuple français ne doit pas épargner au besoin les conseils et les censures, soit a ses vrais représentants, organes de ses volontés, soit à tous ceux, sans exception, dont le devoir et la charge sont de les suivre en tout point pour eux-mêmes et de les faire exécuter; bien entendu qu'il applaudira tout aussi franchement à ce que nous pourrons faire de louable et de bon. Car une louange méritée, une louange qui part du cœur et qui exprime la gratitude, fait grand bien à celui qui la reçoit..... J'ai dit ce que je pensais, relativement à la confiance du peuple en ses délégués ou agents, chargés par lui ou pour lui, de vouloir ou d'agir, de prononcer, de régler, gouverner, administrer. Je vais parler à présent, de cette considération, tant réclamée depuis peu en faveur de quelques hommes, qui semblent y compter, comme sur un droit inhérent à leur place, un indispensable supplément de salaire, une redevanche réservée au profit de la seigneurie qu'on appelle ministère. Je vais parler de cette considération qui, par l'influence des vrais principes sur les sentiments, a pris un tout autre caractère. Et, pour que le naturel et la simplicité de la manière ôtent tout prétexte de méconnaître la franchise de mes aveux ou le vrai sens de mes déclarations, je m'adresse au pouvoir exécutif lui-même ; dans la personne de de son chef je dis au roi :
Tu as juré la Constitution par ta conscience et non par celle des traîtres... Tu as juré la Constitution dans le sens de la Révolution, c'est-à-dire dans le sens de la déclaration des Droits, et non dans le sens des contre-révolutionnaires...; tu as juré la Constitution selon la raison publique, et non selon les sophismes d'un directoire; tu as juré la Constitution pour le maintien de l'égalité sainte et protectrice ; tu l'as jurée pour l'inébranlable affermissement de la liberté publique; tu ne l'as pas jurée pour la plus grande gloire des intrigants et le triomphe d'une coalition ténébreuse... En un mot, tu l'as iurée pour le peuple et la vérité, qui vit éternellement ; tu ne l'as pas jurée pour les nobles, qui, grâce à la philosophie, sont tout à fait morts en France, qui vont mourir en Europe, qui ne ressusciteront pas, tu peux m'en croire ; car de telles fictions n'ont qu'un temps, et nous sommes à terme!
Je n'ai pas encore épuisé la formule de ton
serment. Tu as juré d'être fidèle à la nation gt à la loi. Et sans doute tu dois éprouver quelque inquiétude... Je crois t'entendre, je te copie au courant de ma plume. Est-on fidèle à la loi quand on fait du droit abusif de suspendre, le droit absurde d'anéantir?... Est-on fidèle à la loi quand On la fait taire ou parler, qu'on la cache ou qu'on la montre, qu'on la suit ou qu'on l'élude, pour l'accomplissement de toutes les injustices ; elle dont la nature est d'être partout présente, toujours impartiale, et souveraine! Est-on fidèle à la loi quand on en méconnaît l'esprit, quand on la déprave de deux manières, en faveur du méchant et contre le bon?... Est-on fidèle à la loi quand on récompense par elle Amour Bouillé, quand on punit par elle Puget-Barbantane ? Est-on fidèle à la loi quand on la met en opposition ou en désaccord avec le salut du peuple, principe unique et dernier but de toutes les lois ? Est-on fidèle à la nation, quand on résiste obstinément à sa volonté notoire et perséverante?... Est-on fidèle à la nation, quand on s'abandonne aux conseils de ses ennemis les plus pervers, quand on conserve des ministres méprisés, des ministres coupables, des ministres désavoués par ellej'quand on la livre aux machinations de tous les conspirateurs; quand on s'endort sur tous ses périls, quand on néglige ou sacrifie tous ses intérêts ; quand on la fait insulter par tous les cabinets de l'Europe ; quand on l'immole à de vains ménagements, à une pitié molle et fausse, à de honteuses condescendances ? Que ferait-on de plus si l'on pouvait se déterminer à la trahir? et quelle est donc cette fidélité nouvelle qui a tous les caractères de la trahison ?
Voilà ce que j'ai cru entendre, et je pense aussi qu'il est utile, qu'il ne peut pas être superflu, de te répéter ainsi tes propres discours et de les publier. Il te reste cependant beaucoup à faire... nonore-toi par tes propres œuvres, et l'on t'honorera de la considération publique, tu pourras même encore, mais sans inquiétude, en rester constamment jaloux; légitimement acquise, elle te sera religieusement conservée. — Grave ineffaçablement dans ton cœur, manifeste par ta conduite et tes paroles le sentiment de conviction qui doit t'attacher, ces sentiments de respect et d'amour qui doivent t'unir et te dévouer aux vérités éternelles de la déclaration des Droits de l'homme, et alors à son tour, le citoyen t'accordera et témoignera toute son estime. Car, si tu crois sincèrement à ses droits, et si tu les respectes, il respectera tes vertus ; et ce respect mutuel et cette confiance réciproque seront les plus sûrs garants de sa fidélité et de la tienne.— Ne souffre pas, surtout, que jamais il puisse te soupçonner de rester indifférent ou indécis sur les deux fondements de toute association raisonnable, sur les principes sacrés de son organisation actuelle; je veux dire, la naturelle indépendance de toute nation qui, en se donnant des lois, ne statue que sur elle-même, l'inaliénable et imprescriptible souveraineté au peuple dans chaque société civile, l'indépendance effective de la nation française, la souveraineté reconnue et prononcée du peuple français ; car s'il t'arrivait d'oublier, si tu avais le malheur de méconnaître que tu ne peux raisonnablement te réputer, et que tu n'es en effet que son délégué, ne serait-il pas à craindre, que, rrappé de l'éton-nement où le jetterait cette impuissance de l'évidence sur ta raison, il ne se déterminât à te prouver par le fait, que, si dans le cours ordinaire des choses, il consent à voiler sa souve-
raineté, jamais il ne perd le droit et la puissance de la faire réapparaître; que s'il a distribué et délégué les autorités diverses qui émanent de l'unique pouvoir, il peut les retirer et les ramener à leur source pour ordonner une autre distribution ; que ce pouvoir qui t'a investi peut te dessaisir, et qu'il ne te doit plus enfin ni protection ni solde, au moment où tu cesses de le servir et de l'avouer pour maître? Aime donc toujours, vénère sincèrement un si bon maître, et ses complaisances envers toi seront moins gratuites, et sa munificence continuera d'être infinie. Sers-le fidèlement, c'est-à-dire uniquement, car tes ménagements ou tes condescendances pour les opinions ennemies ou pour les personnes, seraient un commencement de trahison ; ton dévouement à leurs intérêts, une forfaiture ; tes connivences secrètes, le dernier terme de l'opprobre et du crime. Sers fidèlement, ai-je dit, ce grand et excellent maître, et il té couvrira de ses bienfaits, et il te protégera de sa force, et cette inépuisable, cette prodigieuse bonté française, dont tes prédécesseurs abusèrent infiniment, sans pouvoir la fatiguer, te maintiendra dans le poste que tu semblas fuir ; dans le poste où le peuple a daigné permettre que son acceptation te plaçât. Vois comme ce bon peuple a déjà jeté le voile de l'entier oubli sur dix siècles d'injustice et d'oppression... Vois comme il a voulu te séparer en idée, et te distinguer dans son cœur, de la foule de tes ancêtres, de la portion criminelle de ta famille, de tes entours actuels, de tes ministres passés... Il ne t'a reproché; ni leurs folles prodigalités, ni leurs désastreuses dilapidations, ni leur insolent orgueil, ni le nombre, l'excès et la persévérance de leurs iniquités. Sa généreuse clémence a voulu tout acquitter et tout pardonner... Il t'a aussi pardonné tes fautes personnelles ; et cependant, ces fautes étaient graves, et cependant ces fautes l'ont jeté et le tiennent encore dans un grand embarras; et cependant ces fautes méritaient sans doute une expression beaucoup moins douce... Mais aussi quand il te les a pardonnées, il a dû croire que ton désir continuel et ton assidu travail seraient de les réparer ; car il croyait à ta probitéj et même il paraît s'être donné le droit d'y croire à l'avenir; car il serait dur pour le souverain de s'être interdit l'exercice-de toute juridiction sur le serviteur qu'il paye, si dans le même temps il s'en croyait trahi.
Quoi qu'il en soit, la loi constitutionnelle te répute infaillible. Je ne chercherai pas jusqu'à quel point il peut sembler absurde ou supportable, dangereux ou indifférent, de voir un représentant infaillible dans un fonctionnaire-pu-blic non élu, dans un fonctionnaire public héréditaire. De profonds penseùrs ont affirmé que cela était indispensable. .. A la bonne heure. Mais s'il est vrai, comme on le dit, que tu sois gouverné comme le fut Thémistocle, dis à celle dont l'ascendant te domine, que cette fiction de la loi a des bornes très circonscrites et que la foi constitutionnelle la fixe exclusivement sur ta personne, elle s'y arrête, elle s'y incorpore : elle ne peut en être détachée.
Répète à tes premiers agents qu'à plus forte raison, elle ne s'étend pas jusqu'à eux, et qu'on leur demandera seulement compte de leur conduite publique et des détails de leur gestion.
Dis au plus aimable de tous qu'un agréable discoureur pourrait encore être un ministre assez commun, que nous lui demandons de bonnes actions et non pas de jolies phrases, que
le ton et le langage de la liberté ne sont pas non plus si faciles à saisir qu'il paraît le croire ; qu'en général son rôle à l'Assemblée est de rendre compte et rarement de proposer, bien moins encore de discuter, de recevoir des leçons, et non pas d'en offrir, d'essuyer au besoin et non d'essayer de petites mercuriales.
Dis-lui que, bien qu'il ne soit guère moins l'enfant gâté de l'Assemblée que celui des Tuileries, jamais cependant l'on n'y pourrait approuver les airs légers et la méprise un peu forte d'un ministre qui substituerait les expansions de la censure à celles du respect, des conseils frivoles, à des services réels, des lieux communs de discipline servile au sentiment profond du patriotisme guerrier et de l'égalité constitutionnelle, des sorties contre le premier magistrat de la première commune de l'Empire et contre des soldats persécutés à sa justification, en présénce des représentations du peuple sur sa conduite envers les soldats.
Dis-lui surtout, dis et répète, car il ne paraît pas le savoir, qu'il faut absolument que notre régime militaire soit en accord avec notre régime politique et civil, sous peine de voir l'un violemment renversé par l'autre tôt ou tard, et jusque-là des tiraillements et des secousses éternelles.
Dis-lui qu'à ces conditions seules les reproches du surveillant et les réclamations du subordonné peuvent encore se calmer, s'adoucir, s'éteindre même, en venant se fondre dans le sentiment de tout ce qui peut être accordé d'indulgence ou d'estime, à l'énergie qu'il développe, à l'activité dont il fait preuve, à l'inexpérience nécessairement fautive, à l'entraînement des circonstances, à la nouveauté c^e notre situation... A ces conditions seules, avais-je-dit, et au moment où. je le disais, il blâmait inciviquement, il osait chercher à flétrir le patriote Puget-Barbantane, pour avoir su, dans une position critique, où les lignes des différents devoirs se croisent, les unir en quelque sorte, pour n'en abandonner aucune, et s y tenant en effet, mériter à la fois l'approbation du rigorisme et la reconnaissance de tous les bons cœurs.
Dis à celui qui fut intendant, qu'il est notoirement coupable et que, même en supposant que sa conduite pût être excusée sous quelques rapports, son obstination à lutter contre la mésestime publique, dans un poste et à la tête d'une administration où ce défaut de confiance met la chose publique en péril, cette obstination, dis-je, serait seule un crime, et l'accuserait en outre d'un défaut de pudeur, qui tient toujours à plusieurs autres vices.
Dis à l'indigne ami de Necker que la douce philosophie elle-même ne peut se préserver d'uue sorte d aversion contre l'hypocrisie.
Dis-lui que le meilleur et le plus indulgent des peuples ne peut s'empêcher d'abhorrer la per-
Dis-lui que de tous les départements du royaume s'élève contre lui le cri d'accusation ou de reproche ; dis-lui, que si l'intérieur de l'Empire dépose à sa charge, les événements du dehors l'inculpent moins peut-être, mais le dénoncent avec plus de force et d'éclat; dis-lui que sous ses deux ministères, il a mérité le blâme et la honte; qu'après nous avoir ruinés, divisés, fanatisés, il nous humilie et nous dégrade, que le patriotisme le hait et le méprise à tous ces titres ; que la fierté nationale s'indigne de t'avoir vu successivement remettre en de telles mains
les deux balances de nos destinées, et qu'au jugement de tout homme impartial, un ministre ainsi convaincu d'une opiniâtre connivence, avec tous les traîtres ou d'une inconcevable impéritie, doit, avant tout, être congédié ou décrété.
Ajoute, tu le peux, soit pour lui, soit pour tout autre que l'indulgence, que là pitié, que le mépris même ont un terme, que ce terme une fois atteint, nous serions criminels si nous ne sévissions pas, que les grands juges le seraient davantage s'ils palliaient ou ménageaient les grands attentats publics, qu'il n'est au pouvoir de qui que ce soit de faire grâGe, et qu'à l'heure de 1 expiation, l'on ne doit plus voir que la victime dévouée et la nécessité de l'immoler; dis enfin qu'à l'époque oùles contre-révolutionnaires, les intrigants, les fanatiques, les machinateurs de toutes les sortes de conjurations contre la liberté publique, au dedans et au dehors, redoublent de fureur et d'insolence, accroissent leur nombre, cimentent léurs coalitions, vampirisent nos subsistances ; qu'à l'époque, où les complots, la résistance et la pertinacité de tous les ennemis du peuple ont lassé sa longanimité,. et fatigué la trop longue patience de ses représentants; que, si près encore de ces jours, où deux lois éminemment justes éminemment nécessaires, deux lois impatiemment sollicitées par le peuple, et sectionnées par ses bénédictions, furent rendues impuissantes dans les mains et par les mains qui devaient lui répondre de leur exécution... dis-nous, répétons ensemble, qu'au moment où tout l'appareil de la force publique se déploie, au moment où le peuple entier va se lever peut-être et demander la chute de toutes ces têtes coupables, il doit sembler étrange qu'on s'obstine à nous entretenir de la confiance, et de la considération qui sont dues au pouvoir exécutif.
Roi des Français, dis un dernier mût à tà femme, à tes ministres, aux reviseurs de l'acte constitutionnel, c'est que, s'ils trahissent un jour les grands intérêts que tu parais leur abandonner, s'ils abusent de toi-même et cherchent à livrer la nation... alors, certes alors, tous les fanatismes unis, Rome et Coblentz, Madrid et Vienne, le Sacerdoce et les Couronnes, ne les soustrairont pas à la justice éclatante du plus, généreux des peuples si lâchement abusé. Ta temme et tes ministres périront les premiers sous le glaive des lois, le peuple ensuite, marchera, s'il le faut, vers tous les trônes.
Après cette longue digression, je reviens cher-, cher un homme, qui combàttrait plutôt pour le» usurpations de ceux-ci que pour les droits de l'autre. Cet homme est M. le commissaire civil rapporteur. Je le retrouve au point même où je l'avais quitté. Il travaille encore les arrêtés du département; le voilà qui tient en mains cette, bienheureuse proclamation Delessart et qui s'écrie :
« C'est un grand bonheur, Sire, pour les dé-« partements méridionaux, que Votre Majesté ait « cassé ces arrêtés, etc; ».
Oui, cela fut presque aussi heureux et aussi salutaire que le furent ensuite et le sont encore aujourd'hui, les deux veto, dont je viens de parler, ces veto que le cri public désavoue, que la Constitution rejette, et que nous supportons. Ici, M. le commissaire prend occasion des derniers arrêtés de septembre, pour diriger une espèce d'attaque contre l'assemblée électorale du département des Bouches-du-Rhône. Je ne chercherai point à réprimer ce petit écart ; l'oa
doit pardonner à la suffisance habituelle de M. le commissaire, ce qnune telle excursion pourrait offrir d'indécent. Mais comme il cite en son entier le décret de l'Assemblée constituante du 23 septembre 1791, je ne crois pas, à mon tour, pouvoir négliger cette occasion de présenter un petit nombre ae faits positifs et de raisonnements simples, qui serviront à faire apprécier et ce décret, et la conduite de l'assemblée électorale.
On a présenté contre l'assemblée électorale du département des Bouches-du-Rhône, 5 griefs principaux :
1° De s'être déclarée permanente ;
2° D'avoir délibéré qu'elle serait payée malgré les décrets ;
3° D'avoir forcé les déterminations des administrateurs du directoire du département ;
4° D'avoir provoqué et ordonné la marche et le rassemblement des gardes nationales du département, et excité leur sédition et leur fureur;
5° D'avoir délibéré, au mépris de la loi qui défend aux corps électoraux de délibérer, etc...
Je ne parlerai point de la prétendue expulsion de 40 électeurs, qui ne fut en effet que la fuite très volontaire de 12 électeurs Chiffonnistes, lesquels désertèrent leur poste au jour convenn avec les chefs de la Chiffonne pour venir dans Arles les aider à précipiter leur parti dans les derniers excès de la déraison et de la révolte.
Première imputation. L'assemblée électorale s'est déclarée permanente.
Certes, une telle déclaration de sa part eût été une folie bien ridicule. Heureusement elle en était incapable, et dans le moment même où on articulait cette accusation, le corps électoral du département était dissous et réparti!" en 7 assemblées dè district dans les chefs-lieux respectifs. Cette première imputation était, comme on le voit, bien notoirement démentie par le fait. Pour connaître les motifs et les événements qui ont pu la faire hasarder, il suffirait de jeter les yeux sur la troisième et dernière adresse des électeurs de ce département à l'Assemblée nationale. Ils avaient bien voulu me charger de la rédiger, d'après les circonstances à l'époque de notre séparation, le 18 septembre 1791, et tous les électeurs présents l'adoptèrent.
Je la transcris ici :
les citoyens soussignés a l'assemblée nationale.
Régénérateurs de la France,
L'audace effrénée des perturbateurs publics, et l'humiliation des hommes de bien dans quelques sections de ce département, au moment même où l'assemblée électorale tenait sés séances, sont deux choses vraiment révolutionnaires; elles sont même inconcevables.
Ce n'est pas l'humanité seule, c'est encore le patriotisme et nos serments qui réclament une sollicitude active et les plus prompts secours et pour que des jours de deuil ne succèdent pas à des jours d'alarme, il ne suffit pas d'une force qui triomphe, il faut une force qui impose.
Dans la ville d'Arles surtout le désordre a pris un caractère alarmant. Les dernières extravagances des petits meneurs de ce bon peuple offrent deux points de vue également propres à exciter l'indignation, intéresser la pitié, animer la vigilance et le zèle de tous les bons citoyens.
D'un côté, nous voyons 500 familles en larmes
et tous les patriotes opprimés ou fugitifs ; de l'autre, l'appareil insolent, la criminelle détermination d'une résistance ouverte aux autorités constitutionnelles, l'ameutement et la provoca-ton d'une troupe soulevée poussant le cri de guerre et les plus grossières clameurs de l'invective et de l'outrage contre les soldats de la nation, que les administrateurs viennent de réquérir au nom et pour l'appui des lois.
Le Directoire du département a profondément senti le scandale et l'imminent danger, soit de l'impunité, soit de la répression tardive d'un tel excès. Il a jugé comme nous que le secret de tant d'audace était caché peut-être dans les ressorts d'une puissante coalition. Il n'a pu se dissimuler l'urgente, l'indispensable nécessité de prévenir l'incendie en l'étouffant dans sa première flamme, et de rendre justice et gloire à tant de vrais sectateurs de la loi nouvelle, que des insensés et des traîtres condamnent à la misère, à l'exil, à tous les dehors de l'opprobre.
Le Directoire a dû se décider aussitôt à mettre en mouvement ces cohortes citoyennes qui, essentiellement tutélaires et protectrices, spécialement chargées dé maintenir l'ordre et le calme intérieur de l'Empire, ne pouvant jamais devenir indifférentes sur le mépris ou l'exécution des lois, se hâteront d'arracher une commune aveugle à la tyrannie capricieuse de quelques dominateurs, et de soustraire le patriote au poignard des factieux.
Nous ne parlerons pas seulement de ce qui tient à la simple humanité et à la naturelle compassion pour d'innocentes victimes ; mais nous parlerons encore de la Constitution blasphémée, des pouvoirs légitimes méconnus et renversés, des administrations envahies, du sanctuaire de leurs travaux forcé et profané, des administrateurs sacrifiés et livrés à la violence et à l'outrage, de leurs têtes menacées, demandées, poursuivies, du patriotisme au plus désespérant degré de persécution, de l'antici-visme au plus haut point d'égarement, de barbarie et d'impudence, des prêtres constitutionnels saisis aux marches mêmes de l'autel, chassés du temple à main armée, fuyant devant une horde sacrilège et révoltée, et l'abandonnant à des prêtres séditeux ou parjures qu'elle couvre de bénédictions.
Nous parlons d'un tribunal asservi, lançant des décrets, et dirigeant le décri public sur des révolutionnaires sans reproche, ouvrant et multipliant les cachots pour y étouffer les gémissements de l'innocence, le cri de la vertu indignée et cherchant à marquer des flétrissures du crime des noms à jamais honorés par la pureté du plus intrépide dévouement.
Nous ne parlerons pas de quelques royalistes formellement obstinés, de quelques ambitieux sans frein, de quelques scélérats profondément pervers ou notoirement infâmes, de quelques prêtres exécrables bien dignes de leur être associés, d'un tas de petits brouillons, d'intrigants obscurs, de méchants en sous-ordre, agents corrupteurs et corrompus, qui travaillent infatigablement le bon peuple.
D'abord et par les plus indignes moyens, ils réussissent à lui faire insensiblement prendre en haine et en mépris ceux qu'il devait chérir et vénérer; le conduisant ensuite de cette prévention contre ses magistrats patriotes et ses prêtrês assermentés, à la méconnaissance et à l'aversion des choses dont il ne pourrait être bien instruit que par eux, ne cessant point de le
troubler, de l'aveugler, de l'irriter, s'étudiant par-dessus tout, à l'exaspérer par d'affreuses chimères, à l'enivrer de folles espérances; ils l'ont enfin précipité dans l'abîme, et se flattent peut-être de l'avoir enfin rendu coupable, et bientôt coupable du plus grand excès, je veux dire la violation manifeste et persévérante des premiers principes du pacte social, et l'insurrection armée contre la volonté publique.
Que si l'on joint à ce rapide aperçu, l'influence de ce vieux fanatisme qui a, dans Arles, tant d'apôtres et de disciples de tout âge et de tout sexe, si l'on y écoute ce cri très distinct de contre-révolution, qui retentit journellement dans les chambres communes, si l'on considère les opinions bien connues et bien prononcées des principaux meneurs, si l'on étudie leur caractère, si l'on cherche à pressentir leurs espérances, si l'on apprécie surtout la petite rage, l'orgueil ridicule, l'incurable haine de la Constitution qui distingue le général actuel; enfin, si l'on songe à tous les préparatifs de guerre qui se font dans cette malheureuse ville, à tous les moyens de force qu'on y accumule, comme si l'on voulait la séparer de la nation, et la constituer indépendante, on aura tout lieu d'appréhender que nos ennemis communs, coalisés en cent lieux divers, ne veuillent y allumer le premier foyér d'une guerre intestine, dont les reux couvent disposés sur tant d'autres points de la France, produiraient bientôt un embrasement général.
Voilà trop fidèlement, peut-être, le spectacle d'horreur qu'on prépare sans le savoir ; un commencement de révolte amènerait la guerre civile et tous ses attentats ; la France entière seràit un théâtre de calamités, un champ de carnage; et dans ces scènes de frénésie et d'opprobre l'on pourrait voir disparaître et s'ensevelir les prodiges de vos régénérateurs, et toutes les espérances nationales.
Nous ne redirons pas ici ce que l'on sait assez, comment s'y sont pris les mécontents pour tout gâter dans Arles. 11 serait bien superflu de revenir sur ces affligeants détails. Mais n'oublions jamais une chose que personne ne contestera; tant que les patriotes y conservèrent en fait de chose publique une sorte d'ascendant, cette ville fut paisible, elle fut honorée et mérita de l'être. Mais à partir du jour (9 juin 1791) où les prétendus amis de l'ordre et dé la paix se présentaient en phalange pour y rétablir l'une et l'autre, la persécution, le trouble et les alarmes y ont continuellement régné, et chaque jour elle s'est crue menacée du bouleversement.
Nous ne voulons point tromper la sensibilité publique ni trop alarmer le civisme des fondateurs de notre Constitution, dans la vue de nous faire pardonner ce que ^nos résolutions supérieures pourraient offrir d'irrégulier en apparence. De tels moyens seraient trop indignes d'eux et de nous.
Mais nous leur dirons, dans de si déplorables extrémités, le directoire du département a cru devoir ordonner un rassemblement de gardes nationales, et leur marche vers Arles. Des missives ont été expédiées par lui aux diverses communes. Le directoire a de suite convoqué le conseil, non pour légitimer des opérations que le salut public exigeait et consacrait, mais pour s'entourer d'une plus grande force et recevoir de nouvelles lumières.
C'est par suite du même sentiment qu'il a dû former le vœu de ne pas voir l'assemblée élec-
torale se dissoudre au moment même où sa réu nion, ses travaux et son appui, devenaient pour les administrateurs un renfort nécessaire, pour le patriotisme un moyen de concentration, une seconde source de vie, et pour les amis de la Constitution ébranlée dans Apt et presque ren-' versée dans Arles, une certitude qu'elle serait bientôt relevée et raffermie.
Nous avions tous une extrême envie de secon-conder ce désir de nos administrateurs. Nous avons fait serment de les observer; nous savons que nos décrets ne voient en nous que des électeurs, qu'au delà de cette mission, chacune de nos démarches peut avoir l'air d'une entreprise ou d'une usurpation, et que nous ne représentons le peuple que dans le pouvoir d'élire en son nom.
Mais nous savons aussi que toutes ces lois ayant pour dernier but la conservation de la chose publique, celui qui la sauve satisfait à tout, car la nécessité de la sauver est la plus impérieuse des lois.
Nous pensons que, dans une grande crise publique, ce même peuple dont nous sommes ici les délégués n'approuverait pas que tous les électeurs désertassent un poste, oû le devoir de tout citoyen est de rester aussi longtemps que sa présence y est nécessaire, et nous avons conclu que si le salut commun'en dépendait, les bienfaiteurs publics qui ont donné à la France la plus belle des Constitutions, ne pourraient jamais blâmer des Français qui, à quelque titre que ce pût être, resteraient ici ou s'y présenteraient pour maintenir et défendre cette même Constitution.
Un petit nombre, en effet, était bien déterminé à rester, mais sous le titre de simples citoyens, sans autre mission que leur dévouement, * sans autre prétention que celle de s'employer sous les ordres des administrateurs, de les soulager dans tous les accessoires de leurs nouvelles opérations si pénibles, si multipliées, de les aider à sauver le midi de la France de la dévorante contagion qui déployait sa fureur et commènçait ses ravages.
Malheureusement à cette époque même, la région malade perdit ses vrais médecins. Trois administrateurs (1) nous abandonnèrent, et je vis disparaître avec eux tout ce qu'il y avait de patriotisme et d'énergie dàns le directoire. La mollesse et la trahison y furent plus à l'aise. Le conseil d'administration fut "constamment au-dessous des circonstances. Tout lui semblait impossible. Une proclamation Delessart, telle que ce brave homme les fait toujours, parut enfin au .moment qu'on lui avait si bien ménagé, et la chose publique fut irréparablement sacrifiée. A partir de ce jour, la lice fut aplanie et resta cons-tamment ouverte à tous les contre-révolutionnaires qui voulurent s'y présenter. J'avais eu l'honneur de le prédire, ainsi qu'un petit nombre d'électeurs assez naïvement, mais on ne nous avait pas fait celui de nous croire.
Seconde imputation. Les électeurs ont délibéré qu'ils seraient payés malgré les décrets.
Ce qui fait entendre, en d'autres termes, que les électeurs avaient entrepris de dépouiller l'Assemblée nationale de ses pouvoirs, et s étaient
ainsi constitués en assemblée souveraine. Autre extravagance dont le seul énoncé prouve suffisamment à quel point l'on avait abusé de la trop facile crédulité ae nos juges. Les principes connus qui animaient le corps électoral et chacun de ses membres, les trois adresses qu'il fit successivement parvenir à l'Assemblée nationale dans le cours de ses séances, ses opinions hautement manifestées, sa conduite exposée à tous lés yeux, étaient en opposition directeavec une telle démarche. Ainsi donc, rien n'est mieux prouvé quela mauvaise foi de ceux qui, les premiers, la lui ont imputée. On n'eut pas un moment l'idée d'opposer une délibération à un décret, ni d'arrêter une décision éversive de ce décret. Seulement on fit, et certainement on avait droit de faire une pétition juste et décente, à l'occasion d'un décret (bon ou mauvais, comme on voudra, car il n'importe pas de le savoir pour la justification du corps électoral) qui, ne portant aucune clause énonciatrice du passé, semblait ne pouvoir pas faire exception à la règle générale qui veut qu'aucune loi ne puisse avoir un effet rétroactif.
Troisième imputation. Le corps électoral a forcé les déterminations des administrateurs du directoire du département.
Sur cela, je demande d'abord si la contrainte exercée sur les pouvoirs constitués serait une chose concevable de la part d'une élite de citoyens délégués par ce même peuple que représentent tous pouvoirs constitués, comment se fait-il donc qu'on ait si facilement cru, si avidement saisi ce qu'il était si pénible de croire, si naturel de rejeter? Gomment une inculpation si grave, articulée sans preuve, dans l'absence de tous les accusés, est-elle adoptée sans examen, admise au simple aperçu, comme on recevrait un axiome, et suivie à l'instant d'une-réprobation que je ne veux pas caractériser?... La vérité est que le corps électoral et le directoire du département furent constamment unis par la pureté même des principes qui leur étaient communs, et, des Vues qui les animaient, La vérité est que tous les membres de ce directoire, à l'exception d'un seul, l'étaient en même temps du corps électoral. La vérité est que trois d'entre eux furent nommés à la législature. La vérité est qu'ils démentent formellement, ainsi , que tous les autres électeurs, les qualifications d'arrogance ét de tumulte, par lesquelles on a essayé de dénaturer, au fond et dans la forme, le but, l'objet et le ton des députations du corps électoral près du directoire; la vérité est, enfin, qu'à cette époque, bien loin que l'on fût dans le cas d'avoir à forcer le zèle du directoire, c'était bien assez pour le corps électoral de le seconder quand le premier l'invitait.
Quatrième imputation. Le corps électoral a provoqué et ordonné la marche et le rassemblè-ment des gardes nationales du département, et excité leur sédition et leur fureur.
Développons cette imputation, pour eh faire mieux sentir la force et apercevoir l'étendue. Le corps électoral a tenté d usurper à la fois les pouvoirs de tous les corps administratifs et municipaux du département, et du commandant des troupes de ligne dans ce département, avec le projet de le livrer tout entier àux horreurs de la dévastation, ce qui eût offert l'excès et la réunion de la démence et de la rage... C'est ici quela calomnie prend un caractère véritablement atroce. Repoussons-la néanmoins avec le calme de l'assurance et la supériorité du bon droit.
Une grande méprise en ceci, des membres de l'Assemblée constituante, fut de parler de la Révolution et du nouveau régime comme d'une opération terminée et d'une œuvre sincèrement acceptée, dans la ville d'Arles, tandis que les Chiffonnistes, après l'avoir complètement bouleversée, dominant sans partage sur les débris des autorités légitimes, ruinées par eux, préparaient, proclamaient et provoquaient les batailles contre-révolutionnaires instituées et conduites par des chefs et sous-meneurs avides de renversements et capables de toutes les violences ; tandis encore qu'en préparation des dernières fureurs, et depuis plus deJ3 mois, cette faction était continuellement en état de menace, d'insulte, de persécution et d'outrages contre les autorités constituées, contre les citoyens reconnus patriotes ou soupçonnés de l'être, contre les prêtres assermentés, etc., etc. Aussi, quand un des opinants, dans la séance du 23 septembre, se permit ae dire en expression générale, que la ville d'Arles était sincèrement attachée à la Constitution, il était impossible de voir autre chose dans cette assertion qu'un-pur badinage, et c'eût été le cas de lui reprocher sévèrement une plaisanterie si excessive.
Aujourd'hui que chacun sait ce que valent les Chiffonnistes, ce n'est plus la peine de s'appesantir sur la continuelle erreur de cette discussion du 23 septembre 1791. Mais pour faire tomber l'inculpation que j'attaque, il doit m'être permis de retracer en peu de mots l'état des choses tel qu'il était au moment où fut écrite la lettre qui donna lieu à cette imputation. '
On n a point oublié qu'un parti nombreux, un parti armé et fourni de munitions, un parti dans lequel tout ce qui n'était pas ambitieux ou méchant était à 1 entière disposition du méchant ou de l'ambitieux, tourmentait déplorablement une ville entière, et la tenait depuis trois mois en agitation et én travail. .On n'a point oublié que, rassasiés de dégoûts, ou succombant sous le poids des vexations et de l'opprobre, tous les patriotes dévoués, tous les citoyens fiers, tous les adorateurs ae la Constitution, tous les hommes publics sans reproche, ou avaient fui, ou se cachaient, ou s'abstenaient. Ce n'était pas une simple désorganisation, c'était une véritable dissolution ; la Chiffonne, à la vérité, survivait à tout, succédait à tout, et pour le bonheur de la ville, elle y affermissait son empire, et régnait tumultueusement, dans l'anéantissement absolu de toute règle et de toute sûreté (1).
Le directoire, cependant, de qui cet état de choses était bien Connu, le directoire, qui savait que, pendant 3 mois, tous les moyens de patience, de conciliation, de fermeté, dé pardon, d'exhortation, d'indulgence, toutes les espèces de commissions, toutes les voies de retour à la décence et à l'ordre, avaient été'successivement et infructueusement employées; qui voyait que toutes les mesures étaient combles, et 1 oppression comme le danger public à son dernier terme, le directoire, ai-je dit, se détermine enfin à prendre cet arrêté du 7 septembre, dont j'ai tant parlé.
Cette dernière tentative détermina l'éruption du volcan. La charte paternelle fut reçue par ces furieux comme un peuple féroce pourrait accueillir le manifeste d'un peuple ennemi.
On jette le cri de charge et de malédiction contre l'autorité tutélaire... on ameute... on s'arme... on s'attroupe.., l'odieuse persécution acquiert le dernier degré de fureur, et se tourne en rage... etc. Je laisse là le détail de mille horreurs, que la foule des fugitifs témoins à la fois et victimes de cette inconcevable frénésie, vinrent nous retracer à Aix.
Le directoire convoque à l'instant un rassemblement nombreux de gardes nationales; il donne avis aux départements voisins; il se concerte avec le commandant des troupes de ligne. Il continue d'informer le ministre ae l'intérieur des dépêches remises à des courriers extraordinaires, etc. etc.
Ce fut alors, et au moment où les administrateurs, en exécution de l'arrêté du 7, fixaient le contingent particulier de chaque commune dans les gardes nationales à fournir, c'est à ce moment précis, dis-je, que des citoyens du nombre des électeurs crurent donner une preuve de sollicitude et de civisme en proposant de faire parvenir aux communes du département une lettre d'éveil et de réunion, en accompagnement de la lettre d'ordre que le département leur adressait.
Je ne sais si, dans telles circonstances, cette lettre n'était pas un de nos devoirs ; mais je sais bien qu'on ne me persuadera jamais qu'une démarche, nécessaire pour le maintien de la Constitution et pour le rétablissement de l'ordre public, puisse être raisonnablement qualifiée d'attentat à la Constitution et à l'ordre public. Je sais bien que ce n'est pas exciter la sédition, que de la dénoncer à ses répresseurs naturels, au moment même où le pouvoir constitué les requiert légalement de la réprimer.
Mais, nous dit-on, c'était courir le risque d'allumer une guerre civile, car les gens de la Chiffonne craignent plus que la mort les gardes nationales étrangères... ils veulent absolument des troupes à leur main... ils se battront jusqu'à extinction plutôt que de souffrir ou de recevoir des gardes nationales étrangères, etc... etc. Ah I vraiment, je le crois comme vous, que les factieux de la Chiffonne redoutent beaucoup des troupes profondément patriotiques ; cela ne peut entrer dans leur calcul, et les bandes noires le dérangeront moins.
Je dis donc, à mon tour, que cet effroi même et cette insultante répugnance des Chiffonnistes et de leurs meneurs n'étaient au fond que l'indiscrète expression, la manifestation nouvelle de la déplorable illusion des uns, des espérances et des dernières vues des autres ; les opinants, à la séance du 23 septembre, n'auraient pas dû s'y méprendre. Je prie, en effet, qu'on me dise quelles appréhensions raisonnables ou sincères, quelles appréhensions dégagées de tout esprit de trouble et de domination, quelles appréhensions véritablement civiques pouvaient agiter incessamment les Chiffonnistes, jusqu'à l'épouvante et l'horreur contre les gardes nationales, ces nouveaux soldats de la liberté, de l'égalité, de la loi, ces défenseurs naturels des opprimés, par qui la sûreté publique, dans l'intérieur de nos villes, s'allie si naturellement et doit rester constamment unie avec tous les avantages de la liberté. Ce sont là pourtant les soldats que les Chiffonnistes peignaient journellement à l'œi ldu peuple sous les couleurs les plus fausses ; ils les dénigraient avec affectation; ils en parlaient précisément comme ils ont toujours parlé des sociétés d'amis de la Constitution. Les gardes
nationales et les sociétés populaires étaient leurs deux plus fortes antipathies. On l'avait bien vu dans l'orage contre-révolutionnaire des 9 et 10 juin 1791; les premières foudres furent dirigées contre ces deux institutions, qui disparurent de nos murs, où les patriotes avaient eu tant de peine à les introduire; disons mieux, à faire du moins supporter quelques-unes de leurs formes, car nous n'en avons jamais pu obtenir la réalité ; et cette ressemblance déjà fort altérée, disparut à l'époque malheureuse que je viens de rappeler. Le club fut violemment anéanti; la garde nationale fut si complètement, si radicalement désorganisée, que depuis lors elle ne put jamais se remettre debout, ni recevoir une forme. Les meneurs y substituèrent je ne sais quel ouvrage de leur fantaisie, sous le nom de supplément, et de service de supplément, qui était bien, surtout entre leurs mains, ainsi je l'ai exposé plus haut, ce qu'il y avait de plus propre à faire détester jusqu'au nom de gardes nationales; car ces messieurs en prenaient sérieuse-ment le nom, à peu près comme cette même Chiffonne qui, jeune alors, mais déjà sans retenue, et le jour même où elle venait envahir le local des séances de la société des amis de la Constitution, eut bien l'impudeur d'en usurper encore le titre qu'elle n'a pas moins honoré que celui de garde nationale.
Cinquième imputation. Le corps électoral a délibéré au mépris de la loi, qui défend aux corps électoraux de délibérer.
Sans doute, les électeurs ne reçoivent du peuple que le pouvoir d'élire, c'est tout ce qu'ils peuvent faire en son nom. Le mot seul indique cette limite, et la Constitution la pose expressément.
Mais indépendamment de ce devoir et de ce pouvoir qu'ils exercent et remplissent en commun au nom de cette portion (du* peuple dont ils forment la délégation dans chaque département ou district, chacun d'eux conserve encore, et ne doit pas négliger les obligations et les droits intransmissibles qui lui sont communs avec tous les autres citoyens ; cela est incontestable.
A présent, je demande s'il serait juste, s'il se^ rait bon et utile, s'il serait convenable, s'il serait possible d'exiger et d'obtenir que 600 citoyens, plus ou moins, car ici qu'importe le nombre, quand on ne prétend pas y puiser un moyen de puissance ; qu'un nombre quelconque dé citoyens (actifs), véritablement choisis par le peuple, commis par sa volonté directe, honorés au premier degré de sa confiance, mais humiliés en quelque sorte et défavorisés par cette confiance même qui en aurait fait des électeurs, fussent condamnés à rester immobiles et passifs dans les plus grandes crises publiques, quand elles arriveraient à certaines époques ae l'année, et qu'ils se crussent entièrement dépouillés du roit et de l'obligation de s'intéresser activement à la chose publique, au moment précis où i1 leur serait plus facile de la bien servir, et cela, encore, dans l'hypothèse même où le péril commun serait au plus haut point d'imminence et de gravité. Devraient-ils même ne pas se permettre alors d'exprimer fortement, quoique décemment leurs sollicitudes et leurs vœux? Or, voilà, très fidèlement, et la crise publique .telle que nous l'avons tous vue, et la conduite des électeurs telle que tout témoin de bonne foi n'hésitera pas de l'attester. Ils ne se sont permis que des pétitions honorables pour eux sous tous
tes rapports de régularité, de civisme et de dévouement. Ils savaient très bien que ces pétitions ne pouvaient, en aucun sens, entraîner pour ceux à qui ils les présentaient, l'obligation égale d'y accéder et de les satisfaire, puisqu'elles étaient hors de la ligne qui borne le pouvoir des électeurs. Mais ces pétitions n'offraient aussi que l'exercice très légitime du droit commun à tout citoyen. J'ajoute que, dans les circonstances, cet exercice était peut-être encore l'accomplissement d'un devoir.
Ainsi donc, sur tous les points en question, Rassemblée électorale du département des Bouches-du-Rhône est pleinement justifiée etparfai-itement irréprochable. Il faut seulement conclure deces imputations graves et calomnieuses qu'elle a eu de bien méprisables ennemis. Il faut dire 'encore que ceux d'entre les membres de l'Assemblée Constituante, qui ont eu le malheur de servir involontairement des haines si basses, ont -en quelque sorte terminé l'exercice de leur souveraineté par un décret qui consacrait la car lomnie, désarmait la loi, abattait le patriotisme, -enflait la révolte, et coinpromettait la réputation d'honneur, de civisme, de lumière et d'intégrité de 700 mandataires, de 700 élus du peuple, qui venaient de leur créer des successeurs au nom du peuple entier d'un département ; c'est là, sans doute ae la part de ces opinants, une faiblesse bien coupable. Ils me diront qu'ils ne connaissaient en ceci, ni les lieux, ni les choses, ni les personnes, et qu'il est tout simple qu'on se trompe, en appréciant ce qu'on ne connaît pas, en prononçant sur des faits qu'on ignore; je l'accorde, mais rien n'est plus extraordinaire aussi, ni moins excusable, que cette inouïe précipitation d'un décret d'insulte et de rigueur porté sur l'heure et comme au hasard. Cependant j'estime que le corps électoral du département des Bouches-du-Rhône, faisant grâce aux uns par reconnaissance et respect pour les autres, peut oublier et doit pardonner la faute des instigateurs et préparateurs de ce décret, en faveur de la déclaration des Droits, émanée non des mêmes têtes ni de la même majorité, mais, à tout prendre enfin, de la même Assemblée, du même corps, de la même puissance.
Cependant, d'une part, la faiblesse du conseil d'administration du département à cette époque, vde l'autre, l'incivisme et l'impopularité bien prononcés du directoire, impopularité qui le domina, dès qu'on en eut séparé les 3 membres (1) qui, par l'influence de leur patriotisme, en avaient toujours diminué et plus d'une fois vaincu l'ascendant; en troisième cause, le dévouement de M. Goinci, commandant de division, dans cette partie à la cause,comme au principe des Chiffonnistes, dont il approuva très nettement la .révolte et les dispositions de guerre, ainsi que le choix qu'il avait fait d'un aristocrate outré, pour lui confier la direction des travaux du siège et le commandement général de la ville et de sa banlieue ; en quatrième cause, la fameuse proclamation Delessart, en date du 18 septembre 1791, proclamée et affichée dans Aix dès le 22 ; en cinquième cause, ce décret du 23 septembre 1791, fruit liâtif d'une discussion précipitée qui n'eut pas d'autre base qu'un rapport fondé sur quelques écritures infidèles ; la mission donnée ensuite au très suspect M. Debourge ; l'incontestable
conscience et le continuel appui du ministère; la supériorité du nombre et ae toutes les sortes de moyens ; en un mot, tout ce qu'on a déjà vu dans mes observations, tout ce qui résulte de ce dernier paragraphe, tout ce qu'on peut encore facilement imaginer, explique assez le triomphe complet des Chiffonnistes sur les vrais patriotes. Tout ce qu'on a su depuis des suites de ce renversement de choses, ne doit pas étonner; le triomphe des méchants est déraisonnable et cruel comme eux. Mais, sans doute, l'Assemblée nationale jugea que cette extravagante barbarie a fait son cours. L'affaire d'Arles avait été renvoyée aux deux comités réunis des pétitions et de surveillance. Un membre du comité des pétitions a déjà présenté un rapport, dont l'Assemblée a ordonné l'impression et la distribution. Un membre du comité de surveillance prépare sur le même objet un travail qui est presque achevé. Plusieurs personnes sont inscrites à la page d'Arles sur le registre de la parole. Tous peuvent prendre communication des divers papiers ayant trait à cette affaire, qui ont été successivement déposés aux comités. J'y ai déposé moi-même le peu que j'avais écrit dans le temps sur la véritable cause et les étranges suites ae nos troubles. J'ai dit également à ceux qui ont cru devoir me consulter ce que jé pensais de la disposition des esprits dans cette ville. Je répète ici que, dans toutes les hypothèses, et quelque détermination que prenne l'Assemblée, relativement aux différentes demandes qui terminent le mémoire des commissaires députés pour les patriotes Monnaidiers, la ville d'Arles resterait perdue pour le patriotisme et verrait fuir encore ce qui peut rester d'hommes fiers, sincèrement attachés aux principes de la liberté et de l'égalité, si l'on n'y établissait pas, pour le temps qui serait jugé nécessaire, une garnison nombreuse de gardes nationales. Car c'est la sauvegarde la plus sûre contre l'oppression : ce sont là les protecteurs naturels du civisme persécuté et les vrais propagateurs des vérités constitutionnelles. Ils enhardiront à parler ceux qui aiment à s'en entretenir, ils les feront insensiblement pénétrer dans l'esprit des quelques citoyens trop peu instruits et trop faciles à tromper. Leur présence seule produira le désabu-sement des uns, le désasservissement des autres, le retour des bons, le déliguement des enrôlés. Ainsi quel que puisse être le décret définitif de l'Assemblée nationale, je vote pour cette mesure, qui me paraît absolument indispensable et sans laquelle toutes les autres seront sans effet, ou n'en auraient qu'uni mauvais. La ville d'Arles est aujourd'hui la ville de l'Empire qui a le plus besoin qu'un autre esprit se mêle à son esprit; or, l'on ne peut lui désirer et lui procurer un meilleur esprit que celui qu'y porteront des gardes nationales. Cette opinion a toujours été la mienne; je la conseillais, il y a 9 mois, et dès. l'origine de nos troubles. Je n'ai pas varié depuis. Ce fut là mon premier mot, ce sera mon dernier.
Qu'il me soit permis d'y joindre une seule réflexion relative à l'affligeante situation d'une contrée que cette ville avoisiue. On a beaucoup répété dans ces derniers temps qu'il venait de s'y commettre des crimes affreux, cela est malheureusement trop vrai. Cependant il serait aisé de prouver que cet horrible excès de désespoir, dernière crise d'une fièvre trop prolongée, n'est pas le grand crime, et que, dans la révolution des deux Comtats, le forfait atroce, l'œuvre de scélératesse, n'est ni dans les choses ni dans
les personnes, où l'on a trop affecté de les montrer. Quoi qu'il en soit, et quelque opinion que l'on adopte à cet égard, il me paraît que les bons esprits doivent arriver à un résultat commun sur les moyens à employer aujourd'hui... De longs troubles et des calamités déplorables ont, en quelque sorte, décaractérisé l'excellent peuple de ce beau pays ; il faut rendre ce peuple à lui-même... il ne s'agit point d'exercer des vengeances, mais de calmer les haines, d'adoucir les irritations, de rapprocher tous les dissentiments, de préparer la réconciliation des cœurs par celle des esprits... Il ne faut pas y aller punir lés crimes passés, il faut les faire oublier; il fâut surtout empêcher qu'ils ne se reproduisent... il faut, en un mot, si l'on peut ainsi parler, se hâter d'y faire la clôture d'une révolution, que le mauvais côté de l'Assemblée constituante, la cour, le ministère ont si douloureusement, si criminellement, si inhumainement entretenue et alimentée. Cette clôture est tout entière dans l'amnistie générale et l'organisation de la chose publique... Le reste est l'œuvre du temps que tous les décrets imaginables n'accéléreront pas.
P.-A. Antonelle.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
observations (1) sur l'affaire d'Arles et sur un écrit en 96 pages, petit caractère, de P.-A. Antonelle, député, ci-devant maire d'Arles' (2), par J.-G.-A. Debourge, l'un des commissaires civils envoyés à Arles par le roi.
Mars 1792.
Au mois de septembre dernier, le corps électoral du département des Bouches-du-Rhône arracha au directoire de ce département un arrêté, portant :
1° Qu'il serait enjoint à tous les citoyens de la ville d'Arles de déposer à la municipalité, dans les 24 heures précisément, et pour tout délai, toutes les armes en leur pouvoir;
2° Qu'il serait écrit aux diverses municipalités en état de fournir ensemble le nombre de 1,200 gardes nationales, pour les inviter à tenir les citoyens armés qui leur seraient demandés, prêts à marcher à la première réquisition.
Le roi cassa cet arrêté, par une proclamation du 18 septembre 1791.
L'Assemblée constituante, d'après le rapport de M. Alquier, dont le patriotisme était bien connu, improuva, par un décret du 23 septembre, la conduite des électeurs du département des Bouches-du-Rhône, déclara nuls et attentatoires à la Constitution et à l'ordre public, les arrêtés qu'ils avaient pris relativement aux troubles d'Arles, ainsi que les délibérations par les-
quelles l'assemblée électorale s'était déclarée permanente; défendit aux électeurs de provoquer à l'avenir, sous aucun prétexte et dans aucun cas, l'armement et la marche des gardes nationales, sous peine d'être poursuivis comme perturbateurs du repos public.
Dix ce ces électeurs sont devenus membres de l'Assemblée nationale. Ils ont voulu se venger» comme législateurs, de l'improbation qu'ils avaient essuyée comme électeurs.
Telle est l'origine de la nouvelle persécution dirigée contre 1 infortunée ville d'Arles.
A peine les commissaires civils envoyés par le roi, en vertu du décret du 23 septembre, s'y furent-ils rendus, que 9 ou 10 Monnaidiers (1) leur apportèrent un long mémoire, par lequel ils demandaient un désarmement général provisoire, et dés troupes de ligne, ainsi que des gardes nationales. Cette demande était trop visiblement contradictoire avec les dispositions du décret pour que les commissaires pussent s'y prêter.
Les Monnaidiers, frustrés de leur espoir, ne tardèrent pas d'envoyer à l'Assemblée nationale ce même mémoire, auquel ils ajoutèrent, pour dernière demande, que les commissaires fussent incessamment rappelés.
Il fallait que les Monnaidiers fussent bien sûrs de trouver des appuis dans l'Assemblée nationale, pour oser réclamer sitôt, et contre un décret de l'Assemblée constituante, sanctionné par le roi, et contre les commissaires civils chargés de le faire exécuter.
En éffet, leur mémoire fut renvoyé, le 29 novembre, au comité des pétitions. On ne voulait, par là, qu'avertir les commissaires de la manière dont ils devaient se conduire. Il est évident que si, au mépris du décret du 23 septembre, ils avaient favorisé la mesure d'un désarmement général, s'ils s'étaient prêtés à requérir les gardes nationales de Marseille, les mêmes personnes qui les accusent aujourd'hui d'aristocratie et de contre-révolution, n'eussent pas manqué de les combler d'éloges.
Qu'arriva-t-ii? Au lieu de faire rejeter, comme contraires au décret du 23 septembre, les demandes présentées par les Monnaidiers, le 27 novembre ; au lieu d'improuver, au moins comme prématurée, la demande du rappel des commissaires, dans un moment où les plaintes contre eux ne pouvaient avoir acquis aucune vraisemblance, on fit renvoyer au comité des pétitions un mémoire qui, ne contenant que des mesures relatives à la ville d'Arles, à des querelles dor mestiques, ne pouvait être rangé dans la classe des pétitions; un mémoire, dont les auteurs méritaient qu'on les renvoyât aux tribunaux, pour y être poursuivis comme parjures à la Constitution et machinateurs de complots contre la ville qui les avait vus naître.
Pendant tout le temps que les commissaires sont restés à Arles, on n'a présenté au directoire des Bouches-du-Rhône et à l'Assemblée nationale, ni contre la ville d'Arles ni contre eux, aucune autre dénonciation.
Le 12 janvier, ils partent pour Paris. A leur passage par Nîmes, ils reçoivent un billet du
procureur général-syndic du département du Gard, qui demande a les entretenir. La conversation roule sur l'état de la ville d'Arles, et sur les mauvais traitements que deux ou trois NI mois prétendaient y avoir reçus. Les commissaires donnent, avec empressement, les explications demandées, le procureur-général syndic en paraît satisfait; il leur promet de rassurer la ville de Nîmes sur les dispositions des Arlésiens.
A peine les commissaires sont-ils de retour à Paris, qu'ils apprennent que ce même procureur général-syndic témoigne au ministre de l'intérieur de vives inquiétudes sur la situation de la ville d'Arles. Les dénonciations succèdent aux dénonciations : la municipalité d'Arles répond victorieusement à tout ; elle se repose du succès de sa justification sur le zèle de ses deux députés extraordinaires à Paris; mais l'absence de l'un, la maladie de l'autre et des obstacles qui se devinent aisément empêchent qu'on lise a l'Assemblée nationale, et qu'on insère dans le papiers publics les pièces justificatives de la ville d'Arles. La garde nationale arlésienne envoie une adresse à l'Assemblée nationale, en réponse aux dénonciations des clubs deNimes et ae Marseille. Cette adresse a le même sort que celle de la munici- palité ; on ne la lit point. Le 25 mars, l'un des éputés extraordinaires d'Arles a encore envoyé à r Assemblée nationale une adresse du conseil général de la commune d'Arles; on n'en a pas même fait mention.
Le 13 mars, l'Assemblée nationale décrète que les administrateurs composant le directoire des Bouches-du-Rhône, ceux du district d'Arles, les maires et officiers municipaux de la même ville, ensemble le procureur général syndic du département, le procureur-syndic de district et celui de la commune, comparaîtront à sa barre le 1er avril prochain pour y rendre compte de leur conduite durant les troubles de la ville d'Arles; décrète aussi que les commissaires envoyés à Arles, viendront également à sa barre, pour y rendre aussi compte de leur conduite.
Il était sans doute râcheux pour la ville d'Arles qui, depuis longtemps, réclame auprès de l'Assemblée nationale des secours provoqués par les désastres qu'elle a essuyés depuis l'année 1789, et spécialement cet hiver; il était, dis-je, fâcheux pour elle que sa municipalité fût tenue de venir se justifier, d'une manière si dispendieuse, contre des inculpations notoirement fausses, contre des suppositions dénuées de vraisemblance, contre une adresse du club de Nîmes, que M. Delpierre, rapporteur de l'affaire d'Aries, a traitéenautement d'extravagante ; mais du moins, était-ce pour la municipalité, ainsi que pour les commissaires, une occasion éclatante de mettre au grand jour la pureté de leur conduite.
Le 17 mars, les ennemis de la ville d'Arles, non contents de leur premier succès, font décréter que les commissaires seront mandés le lendemain à la barre. Quel a été le prétexte de ce décret? Une lettre pleine de faits reconnus aujourd'hui pour faux, et signée par le sieur Blanc-Pascal, accusateur public du département du Gard, dont le témoignage devait paraître extrêmement suspect, voici pourquoi. Le 30 janvier, la municipalité d'Arles, après avoir requis l'accusateur public du département des Bouches-du-Rhône de faire toutes les poursuites nécessaires pour constater légalement les faits contenus en la dénonciation du 20 janvier 1792, du sieur Blanc-Pascal, accusateur public du dépar-
tement du Gard (1), s'était réservé très expressément, après avoir démontré que ladite dénonciation était dénuée de la moindre preuve, de le dénoncer, ainsi que ses complices, comme d'infâmes calomniateurs.
Il faut aussi remarquer que le rapporteur de l'affaire d'Arles ne s'est point permis la plus légère inculpation contre les commissaires.
Le 18, introduits à la barre, ils y lisent le même rapport qu'ils avaient présenté au roi le 6 février. A peine la lecture est-elle achevée que M. Antonelle, usurpant tout à fa fois les fonctions d'accusateur, de témoin et de juge, affirme, sans essayer d'en produire la moinare preuve, que le rapport est scélératement faux. Tout autre que M. Antonelle se serait récusé dans cette affaire, attendu que sa qualité seule de député l'a soustrait à la surveillance des commissaires, qui auraient pu le dénoncer aux tribunaux comme principal auteur des troubles d'Arles.
Les commissaires sont congédiés ; l'Assemblée décrète ensuite qu'elle discutera, le lendemain, si les citoyens de la ville d'Arles seront ou ne seront pas désarmés.
Quelqu'un observe qu'il conviendrait auparavant d'entendre les administrateurs mandés à la barre le 13 mai; cette réclamation n'est pas écoutée.
Le lendemain, le désarmement est ordonné, parce qu'on suppose que la ville est en état de rébellion. Cependant elle s'est bornée à faire, au mois de février 1792, ce que l'Assemblée constituante ne lui a point reproché d'avoir fait au mois de juin 1791 ; elle était bien mieux fondée, dans cette dernière crise, à se mettre en état de défense qu'à la première époque, puisque au mois de juin, le désarmement auquel le corps électoral l'avait fait condamner par le directoire du département, avait une apparence de légalité qui rendait cette mesure moins alar-? mante ; mais, vers la fin de février dernier, elle devait se tenir sur la défensive, sous peine d'éprouver toutes sortes de calamités, parce qu'elle était publiquement menacée (2) non par une autorité constituée, mais par les mêmes Marseillais qui, les 26 et 27 février, ont dispersé le directoire du département, et obtenu le désarmement du régiment d'Ernest.
Il résulte des faits qui viennent d'être exposés, et qui ne sont pas les seuls qu'on pourrait produire, que, dès le commencement ae cette législature, les députés du département des Bouches-du-Rhône, et surtout M. Antonelle, ont eu le projet de faire révoquer le décret rendu le 23 septembre dernier par l'Assemblée constituante.
Les commissaires ne pouvaient donc prévenir la proscription à laquelle ils sont en butte aujour d'hui, qu'en trahissant leur devoir.
On leur reproche d'avoir annoncé que la paix était rétablie dans Arles. Mais à leur retour, rien n'etait plus vrai ni mieux reconnu pour vrai, puisqu'a l'exception du memoire presente le 27 novembre, par deux Monnaidiers, TAssemblee nationale n'avait reçu jusqu'au 6 février, et même n'a reçu directement, depuis cette époque, aucune plainte du contraire,«de la part d'aucun Arlésien; toutes les autres dénonciations contre
Arles sont faites par des clubs ou des individus étrangers (1) à la ville d'Arles.
Non seulement les commissaires ont dû dire, à leur retour, que la paix était rétablie dans Arles, mais ils pouvaient annoncer que cette paix s'affermirait de jour en jour.
Ils avaient vu la police municipale s'exercer avec la même sévérité contre les Chiffonnistes que contre les Monnaidiers ; ils savaient à n'en pas douter, que les secours confiés à la municipalité par des nommes généreux se distribuaient aux Monnaidiers comme aux Chiffonnistes ; les plaintes des uns et des autres devenaient moins fréquentes ; n'en devaient-ils pas conclure que l'esprit de parti irait toujours en s'affaiblissant?
Comment n'aurait-on pas compté sur une paix solide ; tandis que la municipalité ne négligeait rien pour préparer les esprits à l'exécution des lois? La seule notion des arrêtés qu'elle a fait imprimer, pendant le séjour des commissaires à Arles, prouverait aux moins clairvoyants qu'elle n'a mérité que des éloges.
Arles, au moment où les commissaires l'ont quittée, ne renfermait dans son sein aucun germe dangereux de troubles.
L'agitation actuelle de cette ville ne peut être imputée qu'à des causes extérieures, dont ils n'ont eu ni le droit ni le pouvoir de prévenir la funeste influence.
Les commissaires ont montré, dit-on, une partialité révoltante. Ils dînaient chez Varistocratie, et soupaient cher, le fanatisme.
Mais personne n'ignore, à Arles et dans tous les environs? que leur porte a été ouverte, jour et nuit, à quiconque voulait s'y présenter. Jamais ils n'ont pris aucun repas chez personne; jamais ils n'ont reçu à leur table aucun citoyen domicilié dans Arles.
Ils ont commencé, à leur arrivée, par déplaire aux deux partis, en refusant de proposer à l'Assemblée nationale, quoique tous les citoyens sans exception en manifestassent le vœu, la continuation d'une procédure criminelle instruite contre des Monnaidiers, à la fin de juillet.
Ils ont fini par réprimander assez durement les Chiffonnistes le 24 décembre, jour où ils apaisèrent l'émeute survenne contre un détachement du 28e régiment, alors en quartier à Arles. Voici ce qu'on lit à ce sujet dans le procès-verbal que la municipalité en dressa ce même jour.
M. Debourge, commissaire civil, a dit :
Messieurs,
Vous pouviez sans doute demander la punition de celui (2) qui a insulté M. le maire; mais en voulant vous-mêmes venger son injure, vous avez causé un grand scandale, et peu s'en es t fallu qu'il n'en ait résulté de grands désordres. Ne croyez pas, Messieurs, s'il arrive que le détachement du 28e régiment sorte d'Arles, que vous l'ayez obtenu par ce mouvement convulsif; le devoir des hommes publics est surtout de résister au peuple, quand il a tort et de rejeter, en tout temps, les pétitions à main armée, etc.
Voilà comment se sont montrés, dans toutes les occasions, ces commissaires dont on conteste, avec tant d'acharnement, l'impartialité.
On prétend qu'Us ont trompé le ministre.
Ce reproche si vague tombe de lui-même. Le rapport des commissaires n'est pas le résumé des principaux faits qui se sont passés avant et pendant leur séjour à Arles. Des fonctionnaires publics ont le droit d'être crus sur les faits qu'ils attestent, jusqu'à ce qu'on en prouve la fausseté ; mais les commissaires renoncent à ce droit: ils consentent à prouver tous les faits, et ils 1 ont offert à l'Assemblée nationale le 18 mars.
A présent, il me reste à dire quelques mots et sur moi et sur l'écrit de M. Antonelle, non que je pense qu'au gré du premier venu, surtout lorsque c'est un calomniateur, il faille se présenter au tribunal de l'opinion publique, mais parce que la diffamation dont je suis Pobjet étant très intimement liée à l'affaire d'Arles, ce serait compromettre la vérité, que de me taire à l'égard de cet écrit;
C'est moi qui suis directement attaqué, quoique le rapport ne m'appartienne pàs plus qu'à mes dignes collègues (MM. Dufour et Jeaubert), dont l'avis a toujours été le mien, pendant tout le cours de notre mission.
Quant aux calomnieux et absurdes commentaires de M. Antonelle sur le rapport, nous y avons répondu de la manière la plus péremp-toire, en proposant à l'Assemblée nationale de prouver tous le's faits qu'il renferme, devant celui de ses comités qu'il lui plaira d'indiquer.
Mon unique tâche est de montrer comment je n'ai pu être ni paraître contre-révolutionnaire pendant mon ancienne mission dans le département des Bouches-du-Rhône, où j'avais pour collègues M. Lafisse, homme plein de talent et d'honneur, et M. Gay, aimé et estimé de tous ceux qui le connaissent, ira toujours régné entre nous le plus parfait accord. ;
Plus j.examine ma conduite à cette époque, plus je me félicite et de ce que j'ai dit et de ce que jai fait. Que me reprocherais-je ? D'avoir quelquefois montré de l'impatience contre ceux qui n'exécutaient pas les décrets; mais cela même m'attachait tous ceux dont l'intérêt immédiat était que les décrets fussent exécutés. Fallait-il, parce que j'étais tout prêt à faire exécuter indistinctement tous les décrets, que je les louasse tous ? Devais-je donc me faire un point d'honneur de disculper, de justifier, de blanchir tous les intrigants, tous les factieux qui n'ont défriché quelques coins du champ de la liberté que dans l'intention de s'en approprier exclusivement les plus beaux domaines?Mais, sous l'ancien régime, je frondais hautement les personnes et les choses : devais-je donc me refuser, parce que j'étais de-Venu fonctionnaire public, dans un temps de révolution, de dire hautement ma pensée ? Jamais je n'ai désespéré de la patrie. Il est une classe d'hommes à qui il appartient toujours d'être prépondérante, et qu'un homme public n'est pas embarrassé de diriger vers le bien, pour peu qu'il ait-d'habileté. Ge sont d'abord tous ceux qui ont quelque chose à perdre; car de tous les fanatîs-mes,le plus inflammable comme le plus inextinguible, c'est celui de la propriété II est aussi une multitude de gens peu fortunés pour qui cepen-dans le repos, et par conséquent l'ordre public, sont le premier des besoins. Tous ces hommes-là dans le département des Bouches-du-Rhône, comme partout ailleurs, ne m'ont jamais sus-
pecté, parce que j'aime passionnément l'ordre ; parce qu'il est facile de s'apercevoir que c'est en moi une vieille habitude ; parce que ma conduite s'accorde avec mes discours : parce que non seulement comme homme public, mais comme homme privé, j'ai toujours été prêt à tout tenter pour arriver à ce but : ceci peut expliquer comment des hommes soupçonnes d'aristocratie, dont par conséquent les principes n'étaient pas les miens, ét a qui mes manières déplaisaient, ne laissaient pas que de me ménager pendant ma première mission.
Longtemps avant la convocation des états généraux, et notamment à cette époque, non content de fronder les abus, j'ai cherché à faire passer mon indignation dans l'âme de ces mêmes honnêtes gens, qui sont si faibles aujourd'hui ; j'ai imprimé et signé quelquefois mes opinions; l'ai été, en ce genre, loué de ma bravoure par les plus braves. Il fallait s'exalter alors, parce que la crainte du despotisme était, dans presque toutes les âmes, plus forte que l'horreur qu'il inspirait; il fallait alors des hommes qui, non contents de développer à leurs concitoyens le tableau de leurs droits, sussent leur inoculer les sentiments dont ils étaient pénétrés ; il fallait des hommes que les obstacles ne fissent qu'enhardir, qui s'irritassent des dangers, qui dans cette pénible carrière, sussent allier et le zèle des missionnaires et le courage des martyrs.
Mais sitôt que l'opinion publique s'est clairement prononcée en faveur de la Révolution, ie n'ai point discontinué de prêcher l'amour de l'ordre; je me suis, en toute occasion, montré l'ennemi des violences populaires; j'ai souvent contredit le peuple : jamais je ne l'ai flatté ; jamais je ne me reprocherai de n'avoir pas eu le courage de lui déplaire, toutes les fois que son intérêt l'a exigé. Voilà quel j'ai été, quel je suis, quel je serai dans tous le3 tempsi Quiconque aura éprouvé comme moi quel plaisir ;il y a à résister au peuple à propos, ne sera jamais ni l'esclave ni fa dupe de la popularité.
Ces principes n'ont été, jusqu'ici, ni ceux des clubs ni ceux des ministres, et voilà pourquoi nous sommes menacés de pourrir dans 1 anarchie.
Mais j'ai déjà trop parlé de moi pour les hommes sans prévention. Quant à M. Antonelle et à ses partisans, s'il en a, je vais leur prouver, par une autorité qu'ils ne récuseront point, que je n'ai pas été, que je n'ai point paru contre-révolutionnaire pendant mon premier séjour dans la ville d'Arles.
Je n'ai à expliquer ma conduite à Arles que pendant ma première mission :
1° Parce que n'ayant jamais quitté mes collègues, tant qu'a duré la seconde, une justification, si elle était nécessaire, devait être commune entre eux et moi ;
2° Parce que M. Antonelle dit lui-même, page 46 de son écrit :
Je sais beaucoup moins ce que M. le commissaire civil a dit et fait à Arles cette dernière fois. La présence de MM. ses collègues, que je n'ai pas l'honneur de connaître, a pu le tenir en circonspection. Au surplus, les choses en étaient à ce point, où, pour le triomphe de la mauvaise cause et de ses partisans, il suffisait de laisser aller, et de pas s'opposer au TOUT EN ETAT. Il paraît que c'est à peu près le parti qu'a pris M. Debourge.
Je fus attiré à Arles le 13 juin 1791, par la secousse que cette ville venait d'éprouver ; le 15,
je reçus de M. Antonelle, alors maire d'Arles, la lèttre suivante (1) :
Arles, 15 juin 1791.
Fontenelle, si je ne me trompe, a dit qu'il est des hochets pour tout âge. Ne pourrait-on pas en dire autant des loups-garous ? Par exemple, il est visible que cette ci-devant compagnie de la Monnaie était le loup-garou des hommes modérés. Quant aux élus du peuple et aux municipaux tant soit peu démocrates, leur vrai loup-garou doit être un commissaire civil, et je ne doute pas qu'un enfant démagogue n'ait eu la plus grande terreur, et ne s'abandonnât à tous les plus hoiribles contes qu'il plairait à sa bonne d imaginer à ce sujet. Cependant quand un commissaire civil l'est en effet, quand il a de l'amabilité, de l'esprit, de la raison, de TEQUITE, le constitutionnel le plus ombrageux se rassure à sa première vue, il le goûte, il se fie à lui; il fait plus, il ambitionne son suffrage. Ainsi donc, quand même Claude-Antoine Debourge ne serait pas Jacobin, Pierre-Antoine Antonelle, qui l'est beaucoup en effet, sans avoir l'honneur de l'être dans la forme, lui ferait volontiers hommage de ses principes et de son très faible travail. Je vous envoie plus que vous ne m'aviez demandé; vous parliez seulement de quelques feuilles sur l'affaire d'Avignon, et je vous adresse, à peu près, tout ce qui m'est échappé, depuis qu'on a bien voulu me forcer d'accepter la mairie, bien qu'il n'y eût "personne au monde de moins appelé que moi, par la nature et l'art, à en remplir les fonctions; ce que je n'ai cessé de dire et de répéter hautement avant l'élection, pendant l'élection, au moment de la signification, et toujours depuis.
Je suis, constitutionnellement,
P.-A. Antonelle, maire d'Arles.
Cette lettre ne m'aveugla point sur M. Antonelle; je me souviens très distinctement de lui avoir répondu par écrit, entre autres choses, que je désirais qu'à l'exemple de plusieurs hommes célèbres, il n'oubliât point qu'il n'y a d'utile que ce qui est honnête.
Le succès qui couronne aujourd'hui ses secrètes manœuvres lui paraîtra contrarier cette maxime.
En effet, qu'a-t-il perdu jusqu'ici à conspirer contre la ville qui lui a donné le jour, et à me diffamer?
De la tribune de l'Assemblée nationale il m'outrage, moi qui suis à la barre; (le 18 mars) au lieu d'être rappelé à l'ordre, il reçoit des applaudissements.
Fait-il contre ses concitoyens et contre moi un écrit diffamatoire, démenti d'avance par son propre témoignagne? Plusieurs journalistes, qui trouvent plus facile de le louer que de le lire, s'extasient sur son patriotisme, et lui décernent la palme de l'éloquence, du goût et du géniè.
11 n'a pas encore demandé, mais il fait demander par d'autres que les commissaires soient décrétés d'accusation. Peut-être l'obtiendra-t-il.
Qué conclure de ces succès momentanés de l'intrigue?
Qu'il faut faire son devoir à tout prix :
1° Parce que c'est l'intérêt de tous ;
2° Parce qu'avant de briller dans l'opinion
d'autrui, on vit dans la sienne propre, et que rien ne remplace le témoignage d'une conscience pure.
M. Antonelle aura eu plus de pouvoir pour désoler, pour détruire son pays, que je n en ai et eu pour le servir. Mais M. Antonelle, j'aime à le croire, n'échappera point au remords, et ce terrible châtiment m interdit toute autre vengeance.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Observations de M. Dufour (1), l'un des commissaires civils envoyés à Arles.
A soixante ans, après avoir passé une vie exempte de reproches, de soupçons, je suis obligé de me défendre. Je le vais faire ; je dirai la vérité; rien autre chose. Je pourrais, comme un autre, crier à la scélératesse, à la perfidie, etc. Mais ce style, que je me félicite de n'avoir jamais employé lorsque je défendais mes concitoyens, ne souillera pas ma plume, lorsque pour la première fois je la prendrai pour ma défense. La vérité simple, la vérité exacte, c'est le seul langage qui me convienne, le seul que je puisse, que je doive présenter.
Ma défense sera personnelle, non que je veuille séparer ma cause de celle de mes collègues; toujours unis, je ne puis douter qu'ils n'aient eu, comme moi, le dessein ferme, invariable, de faire exécuter la Constitution, les lois; mais je ne veux pas affaiblir leurs moyens, et je leur laisserai employer des talents supérieurs aux miens.
Je ne dirai rien sur la probité, dont je ne me suis jamais écarté. Je ne crois pas qu'à cet égard on élève même des soupçons; mais on m'accuse de favoriser une contre-révolution; je dois donc faire connaître ce que j'ai été, ce que je suis, ce que je serai, comme citoyen constitutionnel.
Pour tout ce qui s'est passé depuis le commencement de 1789, je prierai ceux des membres de l'Assemblée nationale dont j'ai l'honneur d'être connu, de parler pour moi.
Ils voudront bien dire si, dans l'assemblée du bailliage de Melun,^ aujourd'hui département de Seine-et-Marne, j'aiabandonnéla cause publique; si, dans un moment où il pouvait être dangereux d'exprimer son vœu, je n'ai pas coopéré à la confection de cahiers qui demandaient cette Constitution sainte que nous avons obtenue.
D'autres rendront compte de ma conduite dans le corps électoral de Paris en 1789, dans ce corps, dont je ne parlerai pas, mais dont l'histoire racontera et les travaux et le civisme.
Ceux qui, comme moi, auront été à la tête de leur district, les 13 et 14 juillet 1789; diront si la mort m'a effrayé, lorsqu'il s'agissait de la liberté.
Quelques-uns rendront compte de mes travaux, de mes veilles, lorsque je fus chargé avec eux, au comité de police municipale, de veiller à la sûreté, à la tranquillité, à la liberté de la ville qui a le plus contribué à la Révolution.
On pourra dire comment je me suis compoi té depuis, et jusqu'au moment où je suis parti pour Arles, et si la crainte du travail, le soin de ma santé m'ont empêché un moment de veiller à la chose publique, dans les fonctions qui m'ont été confiées.
J'ai donc tout fait pour la Constitution. Qu'on juge maintenant si, aujourd'hui qu'elle est consommée, je puis agir contre elle.
J'ai dit ce que j'ai été, ce que je suis; ce que ie serai est assuré par mon serment civique; je l'ai prêté, non comme ceux qui en ont fait une vaine cérémonie, mais avec le respect dû à sa sainteté, avec la ferme résolution de l'exécuter au péril de ma vie.
Je regrette d'avoir parlé de moi si longtemps, mais je crois que je le devais, puisque ma conduite passée et présente doit donner des lumières sur les inculpations qu'on me fàit.
Il me reste à demander à ceux qui me liront de ne pas croire facilement les faits qu'on se plaît à répandre. Ils sont contraires à la vérité; je n'en connais qu'un qui nous soit personnel, je demande qu'il me soit permis d'en faire connaître la fausseté.
Les gens qui nous attaquent ont osé dire et faire imprimer que les commissaires civils envoyés à Arles avaient une partialité décidée contre les Monnaidiers ; qu'ils dînaient chez l'aristocratie et soupaient chez le fanatisme.
A compter du 20 octobre soir, moment de notre arrivée à Arles, nous avons demeuré dans une maison que nous avons prise à loyer ; nous y avons tenu notre ménage, sans prendré, sans accepter un seul verre d eau dans aucune des maisons de cette ville. Nous n'avons invité ni reçu à manger aucun de ses habitants, de quelque parti qu'il fût. Un seul cependant y fut admis un seul jour : c'était un ancien minime, antiquaire savant, qui allait demeurer à Tarascon et qui était désigné dans la ville comme Monnai-dier. Nous avons porté le soin de montrer notre impartialité jusqu'à ne faire ni ne rendre aucunes visites, excepté aux seuls corps constitués et aux membres qui les composent. Nous avons cependant rendu visite à un simple citoyen, commissaire des classes de la marine, et il était connu pour Monnaidier.
On voit, d'après cette conduite, si nous avons été ou non impartiaux; si ceux qui nous attaquent respectent ou non la vérité. Je n'en dirai pas davantage; j'entre en matière, je vais rappeler les faits insérés dans notre rapport. J'en indiquerai les preuves, je répondrai aux inculpations,' j'en ferai connaître le peu de fondement. ;
examen du rapport.
Rapport, page 3. — On nous reproche d'avoir dit : « Vous nous avez envoyés à Arles pour y rétablir la paix, la paix est rétablie. »
J'ai toujours cru que la paix existait dans une ville :
1° Lorsque des personnes, des citoyens n'étaient point attaquées;
2° Lorsque leurs propriétés n'éprouvaient aucun préjudice:
3° Lorsque les magistrats librement et légalement élus y exerçaient, sans obstacles., les fonctions que la loi leur confie ;
4° Lorsque l'accès des tribunaux était indistinctement ouvert à tous ;
5° Lorsque les citoyens infortunés trouvaient
également dans la bienfaisance publique. les secours dont ils avaient besoin.
J'ai vu toutes ces choses dans la ville d'Arles, pendant tout le temps que nous y sommes demeurés; j'ai cru y voir la paix, je le crois encore. Je 1 ai dit : j ignore si j'ai été dans l'erreur, mais je demande où est mon crime !
1° Quelle est la classe des citoyens, l'individu insulté, attaqué par les habitants (car je ne parle pas des rixes particulières, nous ne pouvions ni les prévenir ni les empêcher, c'était aux tribunaux à les juger)? Qu'on nomme celui qui nous a adressé sa plainte et au secours duquel nous n'ayons pas été.
Je ne citerai qu'un sieur Roche, bien connu pour être Monnaidier. Des enfants le huèrent près de l'hôtel de ville, à quelques pas de notre demeure ; il passait près de notre maison, il se plaignit à moi, j'interposai l'autorité; mes collègues et moi le reçûmes chez nous, je descendis, réprimandai avec force, et les enfants qui huaient, et les personnes qui n'arrêtaient point ces huées. Je dissipai l'attroupement; je portai l'attention jusqu'à offrir au sieur Roche ae l'accompagner dans la ville. Enfin il ne sortit de notre maison que lorsqu'il le voulut et ne trouva plus d'obstacles.
2° Nous n'avons connu de propriétés atta- quées que des bois de particuliers, qui ont été dévastes ; nous en avons fait part à la police correctionnelle ; ce tribunal y a mis un frein ;
3° Les élections du district ont été faites par les électeurs anciennement nommés et on a reçu, sans difficulté, dans les assemblées, les Monnaidiers électeurs qui s'y sont présentés.
La municipalité a été élue par les citoyens actifs, qui tous, indistinctement, ont été libres de se rendre aux assemblées, ou en payant les 3 livres de la contribution qui caractérise l'activité, ou seulement en souscrivant l'obligation de les payer.
Au moment des installations, le directoire dû district, la municipalité se sont occupés à remplir leurs fonctions et à faire exécuter les lois ;
4° J'ignore si, en aucun temps, on a refusé d'admettre dans les tribunaux les plaintes de quelques particuliers, l'équité du tribunal m'est un sur garant du contraire ; mais je sais que quelques personnes s'étant plaintes de ne pouvoir trouver d'avoués, d'huissiers, nous les avons, à l'instant, renvoyées au commissaire du roi près le tribunal, qui, sans retard, leur en a nommé. Je sais que plusieurs fois nous avons parlé à l'accusateur public pour l'engager ou à rendre des plaintes ou à en suivre, et qu'aussitôt il s'est rendu à nos demandes ;
5° Enfin, la bienfaisance publique a pris soin des pauvres; plus de 7,00Q personnes ont reçu des secours et elles les ont reçus sans distinction de parti, de Monnaidiers ou de Chiffonnistes.
Alors, je le répète, j'ai cru voir la paix, je l'ai dit, je le dirais encore ; j'ignore si, depuis, elle a été troublée. Je ne sais ni par qui ni à quelle occasion, mais je sais que le 12 janvier 1792, quand je suis sorti d'Arles, avec mes collègues, 1 état de cette ville était tel que je viens ae le peindre.
Rapport, page 4. — Nous sommes arrivés à Tarascon, le 19 octobre 1791. Les premières personnes que nous y ayons vues,"ont été des Monnaidiers. Elles se sont présentées comme opprimées; nous les avons assurées que la force qui nous était confiée, ayant pour but d'empêcher
l'oppression, nous l'emploierions en leur faveur; qu'elles pouvaient rentrer chez elles. La plupart l'ont fait ; elles y sont demeurées tranquilles. Un seul, décrété de prise de corps, était en prison. Nous avons obtenu qu'il fût mis en liberté.
Rapport, page 6. — Notre entrée dans Arles a été annoncée par un placard, où nous demandions à toutes personnes sans distinction de parti, de nous exposer leurs plaintes, leurs demandes. Ce placard affiché dans toute la ville, nous a procuré un grand nombre de visites, mais dont la majeure partie avait pour objet, des querelles, des prétentions particulières que nous avons renvoyées, aux tribunaux, auxquels seuls il appartenait d'en connaître.
Ce qui pouvait être applicable à des objets publics, nous l'avons discuté avec ceux qui nous le présentaient. Nous les avons priés de se réunir avec nous, pour préparer et cimenter la paix; après nous l'avoir promis, ils s'y sont rerusés, sous de vains prétextes : nous avons insisté pour qu'ils nommassent au moins des commissaires, pour travailler avec nous, ils s'y sont refusés encore.
La nécessité de suivre l'ordre du rapport, m'engage à entrer dans uné série de faits qui, antérieurs à ma mission, me sont absolument étrangers, mais dont je ne dois pas négliger de parler, puisque j'ai vu des pièces qui m'ont assuré de leur vérité.
Rapport, page 7. — Les violences dont plusieurs citoyens d'Arles ont été et menacés et victimes dès le mois de juillet 1791 m'ont été attestées par des informations régulières, nombreuses et auxquelles il m'était légalement impossible de refuser ma foi.
Le billet écrit à un prêtre non assermenté est reconnu dans un écrit fait contre le rapport qui en expose le fait.
Rapport, pageS. — Il en est de même du propos tenu dans une assemblée des Amis de la Constitution, sur le pouvoir attribué aux clubs de prévenir la loi, et d'aller au delà !
Rapport, page 9. — La réunion des citoyens d'Arles au club des Amis de la Constitution, leurs assemblées tenues sous la présidence du maire, leurs pétitions _à la municipalité, sont prouvées, et par le même mémoire imprimé contre le rapport, et par les procès-verbaux qui en ont été dressés, et qui ont été envoyés à toutes les sociétés des Amis de la Constitution, 'è
Rapport, page 10. —M. Debourge, alors commissaire civil ilans lé département des Bouches- î. du-Rhône, vint à Arles, et si on veut savoir à quoi s'en tenir sur sa conduite, et sur l'esprit qui l'animait, il faut prendre des lumières dans la lettre que le maire d'Arles lui écrivit la Veille du jour où M. Debourge sortit d'Arles, je ne la rapporte pas, elle m'est étrangère.
Rapport, page 12. — J'ai toujours pensé que, quand la patrie pouvait craindre les horreurs d'une guerre civile, ce qu'on devait le plus redouter, était les dénominations des partis. J'ai désiré que les noms de Monnaidiers et de Chiffonnistes pussent être abolis, que les habitants d'Arles ne fissent qu'un corps d'hommes, attachés à la Constitution et aux lois. Je l'ai dit, j'ai témoigné toute ma douleur à deux curés constitutionnels, qui avaient baptisé deux enfants naturels; l'un,, sous le nom de Monnaidier, l'autre sous celui de Chif-
fonniste ; je dois dire que l'un et l'autre ont'paru reconnaître leur faute.
Rapport, page 13. — Depuis, l'un d'eux a été décrété sur une accusation en faux, et ce ne sont pas seulement des témoins qui déposent contre les registres baptistaires confrontés entre eux, et opposés aux extraits délivrés ; au surplus cet objet particulier ne nous a jamais concernés, nous ne nous en sommes jamais occupés, nous ne pouvions ni ne devions le faire.
Rapport, page 14. — Que dirai-je de la querelle et des faits sur lesquels est intervenue la procédure criminelle commencée et presque finie, quand nous sommes.arrivés ? Je l'ai lue, cette procédure, j'ai pleuré sur ma patrie? Je désirerais qu'elle fût sous les yeux du comité ; mais en même temps, d'après le décret d'amnistie, nous en avons arrêté la poursuite , nous avons fait mettre en liberté le seul homme qui ait été constitué prisonnier, et j'ai formé des vœux pour que de semblables excès ne se renouvelassent pas.
Rapport, page 18. — Je n'ai rien à dire encore sur les faits relatifs au supplément de garde, au refus de l'admettre fait par la compagnie de la Monnaie, à la retraite ae cette compagnie, ils me sont étrangers, quoiqu'ils me soient connus par un procès-verbal fort antérieur à mon arrivée, que je désire qu'on veuille bien lire.
Rapport, page 17. — Cet événement est suivi d'un autre qui m'est également étranger, mais que je ne puis passer sous silence.
Dès le mois ae juin 1791, les rapports faits contre la ville d'Arles déterminèrent le département dés Bouches-du-Rhône à ordonner le désarmement de cette ville, et à envoyer contré elle des gardes nationales.
Il ne m'appartient pas de prononcer ni sur cette mesure ni sur la proclamation du roi qui l'a suivie, mais je dois parler du décret porté par l'Assemblée constituante.
On verra dans cette loi (qu'aucun bon citoyen ne doit attaquer), que l'Assemblée nationale « improuve la conduite des électeurs du département, déclare nuls et attentatoires à la Constitution et à l'ordre public les arrêtés pris relativement aux troubles de la ville d'Arles, défend aux électeurs de provoquer à l'avenir l'armement et la marche des gardes nationales, à peine d'être poursuivis comme perturbateurs du repos public ; et décide que les membres du conseil du département et ceux du corps électoral demeureront, personnellement et formellement responsables des maux qui pourraient résulter de ia marche dès gardes nationales qu'ils avaient ordonnée ou provoquée. »
C'est cette marche qui a occasionné la majeure partie des faits qu'on reproche à la ville d'Arles ; c'est elle qui a déterminé les habitants à arrêter du canon appartenant à des négociants, non à la nation, et à le placer sur leurs mûrs.
C'est elle qui a donné lieu à la démarche plus irrégulière de s'emparer de 1,500 fusils, dont je parlerai dans un instant.
Cest elle qui a engagé les habitants à faire ce qu'on appelle des fortifications, ouvrages que je voudrais pouvoir mettre sous les yeux de ceux qui me liront, pour qu'ils puissent s'assurer de leur peu d'importance; ouvrages que je ferai connaître en répondant aux inculpations.
Ainsi tous ces maux et ceux qui eç dérivent, causés par des arrêtés improuvés, jugés nuls par
l'Assemblée constituante, sont l'ouvrage des ennemis de la ville d'Arles ; ce sont des maux résultant de la marche des gardes nationales, des maux dont les provocateurs, les ordonnateurs de cette marche illégale ont été jugés personnellement responsables. .
A notre arrivée, le district, la municipalité d'Arles, désorganisés par ces troubles, ne pouvaient prendre de déterminations promptes ; nous fîmes ouvrir les portes, nous demandâmes qu'on veillât à la conservation des fusils appartenant à la nation ; ils n'avaient point été dé-sencaissés, on les enferma dans un lieu sûr pour les remettre quand ils seraient redemandés.
On s'occupa bientôt après des élections; j'ai dit comment elles furent faites; j'ai dit, ce que je pense, qu'on avait fait de bons choix ; car, quand je vois, non pas dire qu'on doit exécuter, mais exécuter réellement les lois, je crois que les officiers qui remplissent ces devoirs ont été bien choisis.
Ils me le parurent d'autant mieux, que leurs choix ne fut pas réduit à une seule classe de citoyens; on les prit dans toutes, et on y admit des travailleurs, des ouvriers, des maréchaux, parce qu'ils joignaient l'intelligence à la probité.
Mon jugement, sur la bonté de ces choix, a été plus appuyé, lorsque j'ai vu le département des Bouches-du-Rhône donner au district d'Arles des marques d'approbation sur son activité,
J'ai jugé que cette approbation était méritée, quand j'ai vu les opérations du district, de la municipalité, et que je les ai comparées avec ce qui avait été fait antérieurement.
Depuis 1789, la ville d'Arles n'avait payé aucune imposition directe ni indirecte. A compter de notre arrivée, les patentes furent demandées, et payées. On assura, avant les élections, le payement de la cote d'imposition qui caractérise l'activité des citoyens.
Aucune démarche au moins fructueuse n'ayait été faite pour préparer et asseoir les contributions foncière et mobilière; qn s'en occupa avec Soin, et lorsque nous partîmes, tout annonçait que l'assiette devait être bientôt faite.
Il n'y avait nulle organisation dans la garde nationale, les troubles l'avaient détruite. Un bureau militaire illégal existait, il fut anéanti, tacitement presque, dès notre arrivée, expressément le 10 décembre, environ 15 à 20 jours après l'installation de la municipalité, et la garde nationale a été constituée conformément aux décrets.-
Les habitants de la ville d'Arles n'attachaient point de confiance aux assignats nationaux, on les refusait dans le commerce sous divers prétextes, la municipalité s'occupa du moyen de les -faire circuler et y réussit.
Un étranger compose à Arles un journal anticonstitutionnel, il l'intitule Journal d'Arles : la municipalité, aussitôt qu'il paraît, désavoue le titre donné à ce pamphlet, engage l'auteur à discontinuer son ouvrage, ne l'obtient pas, et ne pouvant gêner la liberté. de la presse, décide seulement que si l'auteur manque de respect à la Constitution, le procureur de la commune le dénoncera à l'accusateur public.
Voilà ce qui m'a fait penser et dire que les élections avaient produit de bons choix ; que l'esprit d'Arles était soumis à la Constitution; qu'on y observait les lois, et que par conséquent la paix y était rétablie.
Lorsque les citoyens d'Arles effrayés de l'insulte, des menaces faites à leur maire, et des dangers auxquels il était exposé, se livrèrent à
une insurrection répréhensible, leurs canons, leurs armes ne nous empêchèrent pas de nous ieter au milieu d'eux, de les arrêter de leur parler avec autorité le langage du devoir, et de les y faire rentrer.
Lorsque ensuite ils furent rassemblés à l'hôtel de ville, la crainte de perdre une popularité que nous n'avons jamais ni affectée ni désirée, n'empêcha ni les officiers municipaux ni nous de leur représenter sévèrement leurs torts. Qu'on veuille oien lire le procès-verbal, et on y apprendra, sans doute, à nous connaître.
Tels sont les principaux faits qui peuvent servir à faire apprécier notre conduite; s'il en est d'autres dont l'éclaircissement me soit demandé, je l'offre"; je vais maintenant répondre aux inculpations portées dans la lettre adressée à M. le président de l'Assemblée nationale, et datée au 17 mars.
Réponses aux inculpations.
Les auteurs de cette lettre ayant réuni leurs inculpations dans diverses questions, je vais les présenter textuellement, et j'y joindrai les réponses.
Première.
« Pourquoi les commissaires civils qui attestent dans leur rapport avoir vu à Arles les 1500 fusils destinés aux troupes de la Corse et arrêtés sur le Rhône par les Arlésiens,. n'ont-ils pas avisé aux moyens de les faire rendre à leur destination? Pourquoi, surtout, ont-ils caché au ministère que ces fusils n'étaient pas en sûreté dans la ville d'Arles ? Il est résulté de ce vol fait à la nation et toléré par les commissaires, que ces armes sont aujourd'hui dans les mains ae ces factieux nimois dévastateurs de leur pays en 1790, et maintenant soldats contre-révolutionnaires à Arles, à 40 sols par jour. »
La réponse est simple : l'arrestation des fusils déterminée par la marche illégale des gardes nationales, antérieure à notre arrivée, antérieure au 14 septembre, ne peut nous concerner.
Nous sommes entrés à Arles le 20 octobre au soir ; ce n'est que plusieurs jours après notre arrivée que nous avqns eu des instructions sur l'arrestation de ces fusils, que nous avons su qu'ils étaient à l'hôtel de ville ; la municipalité n'était point organisée, nous avons demandé que les caisses, qui n'avaient point été ouvertes, fussent resserrées soigneusement; elles l'ont été.
La municipalité à été élue, installée; aussitôt nous lui avons demandé par écrit que ces fusils fussent restitués ; elle nous a répondu qu'ils le seraient au moment où on indiquerait à qui ils devaient être remis. Nous l'avons écrit au ministre; à ce moment, notre devoir a été rempli; le reste nous est étranger.
Secondé.
« Pourquoi les commissaires civils, qui ont trouvé à Arles, le 20 octobre, un bureau militaire établi depuis le mois de septembre et qui s'assemblait fréquemment, n'ont-ils pas dénoncé cette nouvelle espèce d'autorité qui n'est pas dans la Constitution ? »
Le bureau militaire était établi avant notre arrivée, avant le 14 septembre; nous ne pouvions pas dénoncer un ra.it qui, quand il eût été criminel, eût été anéanti par l'amnistie ; mais
nous en avons demandé la cessation, dès notre arrivée ; les assemblées ont diminué, cessé, et le 10 septembre, les citoyens qui le composaient et la municipalité en ont arrêté et exécuté le complet anéantissement.
Troisième.
» Pourquoi n'ont-ils pas empêché que les membres de ce bureau, après s'être emparés sur le Rhône de 39 pièces de canon, les achetassent ensuite sous leurs yeux, le 30 octobre, sans autorisation des corps administratifs, et les fissent monter sur les remparts, à côté des 59 autres pièces de canon précédement arrêtées sur le hône? »
L'arrestation des canons, leur placement sur les remparts sont des faits qui nous sont étrangers, puisqu'ils ont précédé de beaucoup notre arrivée. Ils sont antérieurs à l'amnistie et, par Conséquent, ne peuvent donner lieu à une dénonciation ni à une poursuite.
Quant au payement de ces armes, nous ignorons l'époque a laquelle il a été fait. Nous n'y avons participé en aucune manière ; au surplus c'était une justice due aux négociants auxquels elles avaient été enlevées.
Le commerce de cette espèce, de marchandise n'est prohibé par aucune loi. Ces armes sont à la disposition ae la municipalité, qui, aux termes de la loi, peut les conserver et les employer au service de la garde nationale, aujourd'hui légalement constituée ; nous ne pouvons rien faire pour la priver d'un droit que la loi lui accorde.
Quatrième.
« Pourquoi encore, lorsqu'ils ont vu les fortifications récemment élevées à Arles, les portes murées, les fossés ouverts, la campagne inondée, et l'état de guerre de cette ville qu'aucun décret du Corps législatif n'avait cependant ordonné r pourquoi ont-ils gardé le silence sur ces actes d'une évidente rébellion?
« 11 eût été facile, en novembre, de démolir les fortifications et de démonter les canons, parce qu'alors les Arlésiens n'étaient pas en force; mais aujourd'hui que tous les mécontents des départements du Midi sont réunis dans leur ville, il faudra que le sang des bons citoyens coule pour réparer le délit des commissaires. »
11 est impossible de porter plus loin l'exagération des faits, et de présenter des choses plus inexactes que ce que disent les auteurs de la lettre. A les entendre, Arles est une ville régulièrement et nouvellement fortifiée et dans un état de défense imposante. Rappèlons les faits à l'exacte vérité et entrons dans quelques détails à ce sujet.
Arles est située sur un petit rocher qui va en descendant, sur le bord du Rhône; elle a sept portes ; une partie de son contour est environnée d'anciennes et hautes murailles telles qu'on les construisait il y a plusieurs siècles. Il y a quelques tours qui menacent ruine. Du côté du Rhône, il y avait d'anciennes murailles, la première municipalité en a fait détruire une partie.
Lors de la marche illégale des gardes nationales de Marseille, les murs sont restés dans l'ancien état, on ne les a ni réparés ni remparés. J'ai vu moi-même extraire des pierres du rocher qui y sert de fondation, et porter cetté extraction presque jusque sous les murs, ce qui les fera tomber très incessamment si on continue.
La seule chose qui fut faite alors, fut de fermer cinq des portes, derrière lesquelles on mit du fumier, que j'y ai vu et que nous en avons fait ôter.
On parle du curement d'un fossé, près la porte de la Roquette : j'ai parcouru la ville d'Arles et avec soin, je me suis promené, quand le temps permettait, sur la lice près de laquelle est placé ce fossé, et je ne l'ai pas même remarqué ; ce qui annonce le peu d'attention qu'il mérite.
Ce que j'ai vu, est une butte de terre d'environ 24 ou 30 pieds de long, 6 à 7 de haut, et peut-être de 10 à 12 pieds d'épaisseur, qu'on a élevée en face de la porte du marché neuf; en sorte qu'au lieu d'arriver en ligne droite à cette porte, qui est toujours restée ouverte, on y entrait latéralement.
Voilà ce qui a été fait; voilà ce qu'on qualifie fortifications, et ce qu'un homme, à la première idée de ce mot, est étonné qu'on puisse nommer ainsi. Au surplus, cette butte aurait été détruite au moment où nous avons fait ouvrir les portes, si les pluies presque continuelles que nous avons éprouvées depuis notre arrivée, n'eussent ou empêché les travailleurs de la détruire, ou obligé de les employer à des travaux plus instants, puisqu'il s'agissait d'empêcher la chute de l'aqueduc de Graponne, qui porte la fertilité dans ce pays :
Les auteurs de la lettre parlent encore de l'inondation de la campagne ; on croirait à les entendre, voir les Hollandais submerger leur pays pour le defendre : je puis assurer que les pre- miers jours de notre arrivee, la campagne n'etait pas inondee, elle n'a pas tard£ a l'etre: le Rh6ne s'est enflé, il a rompu ses digues au-dessus de Tarascon; il s'est répandu dans les marais ; mais cette inondation, bien loin d'être l'ouvrage des hahitants d'A'rles, a porté la désolation dans cette ville, elle lui a fait perdre son pont, ses semences, l'espoir d'en- faire de nouvelles enfin, elle a aggravé des maux qu'on cherche à porter [à leur comble.
Qu'on juge, d'après ce tableau fidèle, et de l'exagération des faits contenus dans la lettre, et du soin qu'on a mis à envenimer des démarches peu importantes et excusables, puisqu'elles sont la suite d'une marche jugée illégale, improuvée par l'Assemblée constituante, et antérieure à la loi du 14 septembre, qui a anéanti tout ce qui aurait pu être fait de répréhensible avant sa date.
Cinquième.
« Pourquoi ces commissaires civils, qui connaissaient bien la proclamation du roi du 28 septembre, ne l'ont-ils pas mise à exécution en faisant restituer aux Arlésiens patriotes les armes qu'ils avaient religieusement déposées en vertu d'un arrêté du directoire du département du 7 septembre; cette proclamation n'avait-elle pas consacré le principe que tous les citoyens avaient le droit d'être armés? La simple justice ne disait-elle pas qu'il fallait restituer les armes à ceux-ci, ou les enlever à ceux-là? »
Avant que nous eussions pu faire aucune démarche pour faire la restitution dont on a parlé, deux choses eussent été indispensables : l'une, que ceux qui le demandaient justifiassent du dépôt qu'ils disaient avoir fait à la municipalité, l'autre, qu'ils eussent fait une réquisition à la municipalité et y eussent éprouvé un refus.
C'est ce que nous n'avons cessé de leur dire
dès le moment où ils nous ont présenté leur mémoire, et c'est ce que nous n'avons pu obtenir d'eux.
Comment aurions-nous pu faire restituer des armes que rien ne nous justifiait avoir été livrées? A qui les aurait-on restituées, quand aucun de ceux qui prétendaient à la restitution, ne prouvait qu il lui en appartient?Quelles armes aurions-nous pu faire rendre, lorsque rien ne constatait ni l'espèce ni l'état des armes qu'on disait avoir été remises?
A qui d'ailleurs, cette restitution eût-elledû être demandée? était-ce aux commissaires civils, qui n'avaient ni reçu ni vu aucune de ces armes? Non, sans doute; c'était à la municipalité, puisque c'était elle qui les avait reçues. Les Mon-naidiers désarmés devaient présenter une pétition à la municipalité, lui donner un état détaillé des armes dont ils demandaient la restitution ; si on les leur eût refusées, c'est alors qu'il eussent pu s'adresser aux commissaires civils ; c'est alors que notre ministère eût pu être exercé; mais, quoique nous n'ayons cessé de leur indiquer cette marche, ils n'ont jamais voulu s'y référer et, par là, ils nous ont mis dans l'impossibilité de rien faire, sur une restitution qu'ils ne voulaient pas demander au corps qui seul pouvait la faire, si elle était juste.
Sixième.
« Pourquoi les commissaires civils ont-ils toléré que les braves soldats du 24e régiment ci-devant du Maine fussent outragés et forcés de sortir de la ville d'Arles ; eux dont tout le crime fut d'avoir été fidèles à la cause du patriotisme au milieu des séductions aristocratiques, et d'avoir chanté quelques chansons en l'honneur d'Antonelle? »
Les soldats du 28e régiment n'ont été ni forcés de sortir d'Arles ni outragés en sortant.
Le commandant de division des départements du Var et des Bouches-du-Rhône a eu besoin d'envoyer des troupes à Apt; pour ne pas dégarnir le département du Var, trop faible en cas d'attaque, il a retiré d'Arles des troupes qui y étaient inutiles; il les a envoyées à Apt.
Quoique la conduite d'un petit nombre de ces soldats ait causé de l'inquiétude aux citoyens d'Arles; quoique ce petit nombre ait insulte les membres des corps constitués ; quoique l'un d'eux, non content d'outrager le maire, ait tiré le sabre sur lui, aucun n'a été outragé, insulté; aucun de leurs officiers, que nous voyions souvent, ne nous a adressé des plaintes, et l'autorité que nous avons mise, le 24 décembre, pour arrêter une insurrection qui les concernait, la manière dont nous nous sommes comportés à cet égard, ne permet pas de douter que nous n'eussions empêché d'outrager ces soldats, si quelqu'un eût osé l'entreprendre.
Septième.
« Pourquoi ont-ils souffert que les patriotes fussent persécutés dans Arles, menaces de la mort par un peuple égaré, et de la prison par un maire et des officiers municipaux prévaricateurs? Ils étaient daûs la ville, ces commissaires, lorsque le procureur de Saint-Gilles et un autre citoyen respectable furent assaillis par des assassins, et coururent les plus grands dangers seulement parce qu'ils étaient patriotes. »
Les faits dont j'ai rendu compte relativement
au sieur Roche prouvent le soin que nous avons mis à empêcher que les Monnaidiers éprouvassent aucune persécution, aucune oppression ; et nous n'avons pas eu de peine dans une ville où leurs pauvres ont été traités avec autant de bienfaisance que les autres.
Si le procureur de la commune de Saint-Gilles, si un autre citoyen respectable ont été insultés, nous l'avons ignoré, aucun ne s'est adressé à nous, n'a réclamé, ne nous a envoyé de plainte : nous eussions volé à leur défense ; ce que nous avons fait pour le sieur Roche est un témoignage de ce que nous eussions fait pour eux.
Huitième.
« Ils étaient dans cette ville, lorsqu'on y formait publiquement des régiments pour la contre-révolution, dont les registres se tenaient dans la maison commune. »
Se permettra-t-on toujours de dénaturer les faits? On s'occupait à Arles de l'exécution des lois, un membre du département conseilla à la municipalité de donner une preuve de son attachement, en formant dans son sein un bataillon de gardes nationales destinées à être envoyées à la frontière; on nous en parla, et nous n'y vîmes rien de contraire à la Constitution ; nous fîmes remarquer sèulement qu'on ne pouvait rien faire, rien organiser sans se conformer aux décrets, sans en référer au département, sans prendre son attache.
Nous fûmes instruits ensuite qu'on s'en occupait, et nous partîmes avant que rien fût terminé : voilà la vérité dans toute son exactitude. Qu'on juge maintenant de ceux qui tentent de métamorphoser en crimes des opérations régulières et constitutionnelles.
Tels sont les faits qu'on nous impute et d'après lesquels on nous reproche d'avoir trompé le ministre, en assurant que tout était conforme à la Constitution dans Arles, lorsque tout y était en contre-révolution déclarée.
J'ai vu dans Arles l'exécution des lois, j'ai, pensé, j'ai dit que tout y était conforme à la Constitution, et je puis dire que c'était la vérité, pendant notre séjour; je ne sais si depuis, cela a changé; mais je n'ai pu dire que ce que j'ai vu; je l'ai fait.
J'ai répondu aux diverses inculpations qui m'ont été faites; j'ai donné tous les éclaircissements que j'ai cru nécessaires; s'il en est d'autres qu'on veuille me demander, j'offre de répondre avec la même franchise, toujours j'exposerai mes vrais sentiments, mon âme seule parlera, elle seule a parlé toujours ; je ferai connaître mon sincère, mon inviolable attachement à la Constitution et aux lois, et lorsqu'on verra la calomnie s'attacher à un homme honnête, sans ambition, qui, avant tout, veut être citoyen, on sera touché de ma position, on trouvera peut-être quelque inconvénient à abreuver de chagrins, l'homme qui a toujours voulu faire et qui a fait son devoir.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
réponse (1) du ministre de la justice, aux différents chefs de dénonciations portées contre lui à l'Assemblée nationale (2)..
Ce 14 mars 1792.
J'ai examiné les différents chefs d'inculpation qui forment l'ensemble de la dénonciation dont je suis l'objet. Je ne le dissimule pas : en apprenant que plusieurs membres de l'Assemblée nationale accumulaient à l'envi les reproches, et qu'ils allaient jusqu'à demander contre moi le décret d'accusation, j'ai pu craindre qu'au milieu des détails innombrables d'une administration nouvelle qu'il a fallu monter tout entière et pour ainsi dire créer, un instant de fatigue et de distraction ne m'eût laissé échapper une erreur invojontaire à laquelle on pût donner l'apparence*d'une faute grave; car je ne prononcerai pas le mot de délit ou de crime.
J'ai donc, malgré le témoignage de ma cons-science qui ne me reproche rien, malgré mon attachement à la Constitution bien connu de ceux mêmes qui affectent d'en douter; malgré mes efforts constants et soutenus pour la maintenir et faire marcher la partie d'administration qui m'est confiée; j'ai cherché avec calme, ie dirais presque avec impartialité, au milieu de tous lès griefs élevés contre moi, une de ces erreurs qui peuvent demander une justification sérieuse.
Je ne sais si je m'abuse, mais je n'ai pas même trouvé une faute'légère, et je me flatte que les éclaircissements très rapides déjà présèntés à l'Assemblée nationale dans sa séance du 13, ont suffi pour la convaincre que de tous les reproches qui me sont faits, les uns n'ont aucune espèce de fondement, les autres fournissent une preuve nouvelle de cette pureté de principes et d'inten-" tions dont je peux parler hautement, hardiment, et de mon scrupuleux attachement aux lois.
Un autre avantage doit me faire trouver quelque prix à cltte dénonciation. Je sais qu'au sein même de l'Assemblée nationale, tous ses membres ont été invités, à haute voix, à porter au comité de législation tous les griefs dont ils pourraient avoir connaissance, toutes les plaintes dont ils pourraient avoir été les témoins ou les dépositaires. Je réponds donc, en ce moment, à tous les reproches qui peuvent s'être élevés contre mon administration. Toute ma vie ministérielle est soumise à une épreuve complète, de sorte que, ces allégations détruites, il sera constant qu'après quinze mois de ministère dans les circonstances les plus difficiles et les plus orageuses, on n'a pu, dans toute ma conduite, soumettre à l'examen que les faits qu'on va voir.
Premier chef.
Je suis dénoncé comme coupable d'avoir pro-
voqué l'avilissement du pouvoir législatif, en contresignant la lettre du roi à l'Assemblée nationale, par laquelle, suivant M. Reboul, le roi tend à faire croire faussement et calomnieusement que l'Assemblée nationale s'est mise en contradiction avec elle-même.
Ce reproche est de tous ceux auxquels je vais répondre, celui qui m'a le plus vivement affecté, quoiqu'il soit le moins fondé de tous, puisqu'il s applique à un acte qui ne me regarde pas, et dont je ne dois aucun compte.
Je sens (et j'ai toujours nautement manifesté ce sentiment), que le maintien de la liberté et le salut de mon pays tiennent à l'union, à la confiance, aux égards et aux respects mutuels des pouvoirs établis par la Constitution ; par la Constitution qui n'a pas de plus ardent défenseur, de plus exact observateur que moi.
Voilà pour mes principes. Quant au fait en lui-même, je n'examinerai pas si, au fond, la lettre du roi prête à l'interprétation de M. Reboul, si ses expressions tendent à établir un fait faux et calomnieux, à faire croire que l'Assemblée nationale s'est mise en contradiction avec elle-même; si leur conséquence est d£ provoquer l'avilissement du pouvoir législatif, ou si, au contraire, ces expressions sont conformes à la vérité, autant qu'à la bonne intelligence que le roi désire ardemment entretenir avec l'Assemblée nationale, et dont la nécessité est si évidente.
Je n'ai pas le droit d'examiner ces expressions, parce que je n'ai jamais eu de droit de les contredire.
Au roi seul (Acte constitutionnel, article Ier. section IV, chapitre II, titre III) appartiennent le choix et la révocation des ministres.
Le roi, seul électeur des ministres, seul maître de les révoquer et de les conserver, peut et doit, seul, exprimer les motifs de sa volonté à cet égard.
Mon contre-seing apposé au bas d'une lettre du roi, contenant sés motifs sur le choix, la révocation ou la conservation d'un ministre, est absolument étranger à la volonté que cette lettre exprime, et à la manière dont cette volonté est exprimée, parce que ces actes étant des actes personnels du roi, des actes de la royauté, ces actes n'étant point un objet des délibérations du conseil, ma pensée, mon opinion ne pouvaient pas balancer, changer, modifier l'opinion et la pensée du roi.
Il en est du choix des ministres comme de la sanction; mon contre-seing relatif à ces actes n'a et ne peut avoir d'autre objet que de certifier au Corps législatif la vérité de la signature du roi : j'aurais pu contre-signer sa lettre sans la lire.
Ainsi, ce contre-seing ne peut annoncer de ma part aucune intention innocente ou criminelle, et, par cela seul, il n'est point compris par la loi au nombre des actes doht je puis être responsable.
Second chef.
Je suis dénoncé comme coupable d'avoir fait ou laissé insérer dans la proclamation du roi du 15 janvier dernier une disposition contraire, non pas a la loi des jurés, mais à l'instruction sur la loi des jurés.
L'instruction dit, page 34, à l'égard des juges : >
« Ils ne sont pas élus directement pour être membres du tribunal criminel. Le directoire du
département désigne tous les trois mois, et par tour, trois juges des tribunaux dé district de son ressort qui viennent siéger pendant ce temps au tribunal criminel. »
La proclamation du roi dit, article 5, « que les tribunaux de district désigneront le juge qu'ils doivent fournir à leur tour au tribunal criminel du département. »
En supposant que l'instruction sur les jurés ne soit pas, en ce point comme en beaucoup d'autres, contraire à la lettre ou à l'esprit de la loi sur les jurés, et des autres lois qui fixent ou rappellent la distinction des pouvoirs; en supposant la contradiction qui n'existe pas entre la loi et la proclamation du roi, pour juger de l'intention du rédacteur il suffisait de lire le préambule de cette proclamation.
J'en ai fait lecture à l'Assemblée nationale ; je ne puis me dispenser de la rappeler :
« Français,
« Le pouvoir judiciaire est le véritable lien des institutions sociales : sans lui, aucun citoyen ne pourrait compter sur la libre jouissance de ses premiers droits, sur la propriété de sa personne et de ses biens; sans lui, votre législation nouvelle vous promettrait en vain de si grands avantages.
« Mais c'est par l'action redoutable et continue qu'il exerce contre le crime et ses auteurs, que ce pouvoir tutélaire intéresse d'une manière plus immédiate et plus profonde, non seulement la société en général, mais chacun de ses membres en particulier.
«Aussi l'Assemblée constituante, nonmoins soigneuse de garantir à tout individu sa liberté, son honneur et sa vie, que de maintenir la sû--reté publique, s'est-elle attachée, avec une sorte de préférence, à bien ordonner le système de vos lois criminelles; cette, branche de ses travaux est une de celles où brille éminemment sa sagesse. De peur que le luge ne devînt plus redoutable que la loi, elle n'a conféré le droit de punir ni à un homme ni à un corps : elle a divisé tout à la fois et les recherches nécessaires pour la découverte des délits, et les fonctions attribuées aux ministres de la justice : la plainte, l'accusation, la conviction, ne sont plus sous la dépendance d'un seul et même tribunal, et le partage de la puissance prévient l'oppression et la tyrannie.
« Français, tel est l'esprit de ces lois que vous devez recevoir comme un des plus beaux présents que la raison ait faits à l'humanité. Le roi se félicite de voir enfin, sous son règne, unè législation douce, humaine et appropriée à une Constitution libre, substituée à un système oppressif, plus propre à effrayer l'innocent qu'à faire trembler le criminel. Il se fait gloire d'avoir commencé à purger le Code de plusieurs de ces atrocités légales dont son cœur gémissait, et d'avoir préparé les esprits à ce que l'Assemblée nationale a exécuté. Il voulait comme elle, que la loi protégeât l'accusé en punissant le crime, qu'elle respectât jusque dans le coupable la qualité d'homme, et que le supplice même ne fût qu'un sacrifice fait à la sûreté publique. Tous ses vœux à cet égard vont être remplis ; mais ce n'est pas seulement sous ce point de vue que cette institution est belle, elle l'est encore par son heureuse influence sur les mœurs nationales.
« La loi des jurés investissant chaque particulier d'une véritable magistrature, fera naître et nourrira dans tous les cœurs ce respect de soi, source des vertus privées, et garant des vertus publiques, ce sentiment de la dignité personnelle qui ennoblit toutes les affections. Chaque citoyen appelé à devenir tour à tour l'arbitre de la destinée de chaque citoyen, saura s'estimer, sentira mieux le prix de l'estime, et reconnaîtra le vrai principe ae l'égalité. L'accusé pouvant opposer a la malignité d'un accusateur, et même aux plus redoutables probabilités, le témoignage de sa vie entière, les citoyens sentiront profondément les besoins d'une réputation pure qui commande l'habitude des vertus. Ainsi s'agrandira encore le génie national ; ainsi se développera le véritable esprit de la liberté, et de nouveaux liens de fraternité uniront tous les Français.
« Voilà, citoyens, la perspective que vous offre votre législation criminelle : voici les obligations qu'elle vous prescrit. Les intérêts de la société, les droits de rhumanité sont remis en vos mains : vous vous rendez coupables envers l'une, si vous écoutez une molle indulgence; vous offensez l'autre, si vous outrez la sévérité légale. Votre conscience, voilà votre guide, la justice votre règle, l'impartialité votre devoir. Oter au crime l'espoir de l'impunité, soustraire l'innocence à la crainte de l'oppression ou de l'erreur des tribunaux, et le juge à l'empire de sa volonté propre, telle est la perfection d'un système de lois criminelles, tel est l'objet des fonctions augustes qui vous sont confiées.
« Vous plaindriez-vous des dérangements passagers qu'elles vous coûteront quelquefois? Non : la liberté, vous le savez, n'est pas un bien que l'on puisse acquérir sans combat ni conserver sans sacrifice; il vous convient de prouver à l'Europe, par un zèle ardent à remplir les devoirs que vous imposel'honorable titre de citoyen, que vous êtes dignes de le porter. Vos ennemis ont trop remarqué votre peu d'empressement à exercer dans les assemblées primaires et électorales, le plus important des droits politiques du citoyen dans un gouvernement représentatif. Français, bannissez donc cette funeste indifférence, ou avec une Constitution libre, vous ne ferez pas des hommes libres, et avec de bonnes lois vous ne jouirez qu'imparfaitement des biens que de bonnes lois assurent.
« Par ces considérations, le roi, etc., etc., etc. »
11 est bien moralement impossible qu'un homme qui proclame de tels principes et dé telles intentions, puisse être soupçonné de vouloir violer la loi.
La loi n'a été ni violée, ni méprisée, ni contredite; je me flatte de prouver, au contraire, que la proclamation du roi, dans la disposition même qu'on lui reproche, est conforme autant à l'esprit dé la loi sur les jurés qu'aux principes constitutionnels.
Encore une fois, ce n'est pas la loi sur les jurés qui donne aux directoires de département la désignation des juges qui doivent composer le tribunal criminel ; c est 1 instruction sur les jurés, ouvrage de 78 pages, sans division de chapitres ni d'articles, adopté par l'Assemblée constituante après une simple lecture, sans discussion et dans la même séance : cette instruction n'est qu'une explication de la loi, respectable sans doute lorsqu'elle est conforme à son esprit; mais qui n'a pas le vrai caractère de la loi qui dispose brièvement, impérativement; et elle ne peut, dans des principes exacts, avoir une force su-
périeure à celle de la loi, lorsqu'elle lui donne un sens moins naturel et moins constitutionnel.
Qui pourrait donc me reprocher, lorsque j'étais gûidé par l'esprit de la loi même sur les jurés, par le rapprochement de l'emploi du même mot dans différents articles de cette loi, par l'idée dominante de la séparation constitutionnelle des pouvoirs et des fonctions ; qui pourrait, dis-je, me faire sérieusement un crime de n'avoir pas eu toujours présentes à l'esprit toutes les lignes de ces 78 pages?
Et pour montrer à l'Assemblée nationale à quel point cette erreur, si c'en est une, est excusable, il ne sera pas inutile de dire ici que les 6 présidents des tribunaux de Paris, avec lesquels j'ai concerté l'exécution du mode adopté par la proclamation, n'ont pas même eu la pensée que ce mode fût contraire à la loi des jurés, et un de MM. les présidents était membre du comité de la Constitution.
Au directoire du département où cette question a été par hasard agitée en ma présence, l'auteur même de l'instruction, membre de l'Assemblée constituante, crut pouvoir soutenir que nonobstant l'instruction, le mode adopté par la proclamation n'avait aucun inconvénient, contre l'avis de M. le procureur général-syndic, qui fondait le sien sur le même motif, exprimé dans l'apostille mise de ma main, à la lettre qu'on va lire; et le résultat de cette discussion fut d'adopter cette méthode d'égards conciliants qu'indiquent les dernières phrases de la même lettre; et c'est ainsi que se traitent et se terminent les affaires dans un pays où tout est renouvelé, où tout s'essaye, et où il faut que tout marche, sous peine de destruction.
Au reste, examinons la question au fond.
La loi sur les jurés porte : article 2 du titre Ier de la seconde partie, relatif à la nomination du directeur du juré :
« Ce juge s'appellera Directeur du juré. Il sera pris à tour de rôle, tous les six mois, parmi les membres composant le tribunal, le président excepté. »
Cet article de la loi a été facilement et uniformément entendu; aucune difficulté ne s'est élevée. Tous les tribunaux sans exception ont désigné celui de leurs membres qui devait commencer les fonctions dé directeur du juré. Personne n'a prétendu que ces mots : il sera pris, attribuassent aux directoires de département, la désignation du directeur du juré. C'eût été contrarier l'esprit de la Constitution, confondre les pouvoirs si essentiellement distincts, et attribuer au corps administratifs une influence directe sur le pouvoir judiciaire, pouvoir essentiellement indépendant, et dont une de mes plus constantes attentions est de ne laisser altérer en rien l'indépendance, car la liberté est là.
Mêmes expressions de la loi, mêmes motifs, mêmes conséquences à l'égard des 3 juges qui doivent, à tour de rôle, composer le tribunal criminel.
La loi sur les jurés porte, article 2, titre II : j Le tribunal sera composé d'un président et de « 3 juges pris chacun, tous les 3 mois et par tour, « dans les tribunaux de districts, le président « excepté.
Il était impossible que cet article conçu dans les mêmes termes, dirigé par le même esprit, destiné au même but, présentât un autre sens que l'article relatif au directeur du juré.
Les 3 juges devaient être, comme lui, pris à
tour de rôle par les membres des tribunaux, le président excepté.
Ils devaient donc être, comme lui, désignés chacun par son tribunal. Le vœu de la loi, certain pour un article, ne pouvait pas être douteux pour l'autre, surtout lorsque ce vœu était consacré par la nécessité constitutionnelle de laisser les pouvoirs essentiellement séparés.
Le mode, adopté par la proclamation du roi .du 15 janvier dernier, ne s'écarte des termes employés par l'instruction, que pour être tout à la fois plus conforme à la loi et au principe général.
Il suffisait,pour tout concilier, la loi, l'instruction et les convenances locales, que les directoires de département désignassent, comme il a été pratiqué, les 3 tribunaux qui fourniraient les premiers chacun un membre au tribunal criminel.
Au surplus, cet objet dont un membre de l'Assemblée nationale a voulu tirer les plus graves conséquences, n'a excité quelques débats que dans neuf tribunaux de district^ auxquels les directoires de département croyaient devoir disputer la désignation des juges du tribunal criminel.
Voici la réponse que j'ai faite à leurs observations; on pourra y voir encore mes principes et mes intentions :
Copie de la lettre écrite au commissaire du roi près le tribunal criminel du département de „ VÀrdèche, le 7 mars 1792.
« J'ai reçu, Monsieur, votre lettre du 11 février dernier, par laquelle vous m'exposez vos doutes sur la contradiction que vous avez aperçue entre l'instruction sur la loi des jurés et la proclamation du roi du 15 janvier, relativement au point de savoir qui, des tribunaux de district ou du directoire du département, doit choisir les juges du tribunal criminel.
« Si cette question était examinée d'après les principes constitutionnels et les premières règles de notre législation, il faut convenir qu'elle ne serait pas décidée en faveur des administrations supérieures de chaque département. En effet, leur abandonner la faculté de nommer parmi les juges de district ceux qui doivent former le tribunal criminel, c'est élever les. corps administratifs au-dessus des corps judiciaires, et la loi les a séparés bien distinctement; c'est au moins établir entre eux un rapport que la loi ne peut reconnaître entre deux corps indépendants l'un de l'autre. Aussi la loi du 29 septembre dit-elle simplement : Le tribunal criminel sera composé dun président et de 3 juges, pris chacun, tous les . 3 mois, dans les tribunaux de district.
Ces termes offrent naturellement le sens que le choix de chaque juge du tribunal criminel, comme le choix du directeur du juré du tribunal du district, doit être confié à chaque tribunal. Quant au directoire de département, il doit se borner à désigner les 3 tribunaux qui doivent fournir les juges, comme il est chargé de désigner les tribunaux d'appel de chaque tribunal.
« Ainsi le roi, placé entre la loi, dont le sens est clair et naturel, et l'instruction qui ne devrait être que le simple développement, que le commentaire purement explicatif de la loi, mais qui, comme vous avez pu le remarquer, si vous l'avez comparé à la loi, la contredit souvent et y ajoute plus souvent encore, a suivi dans sa proclama-
tion du 15 janvier, le sens que présente la loi, le sens le plus conforme aux principes généraux de notre législation.
« Au reste, Monsieur, ie compte mettre incessamment sous les yeux au Corps législatif le tableau des nombreuses contradictions qui existent entre la loi et l'instruction ; et jusques à sa détermination, j'invite les tribunaux et les directoires de département à régler, de concert, cette petite difficulté, qui ne doit pas arrêter un instant la marche des tribunaux criminels. »
P. S. de la main du ministre. « Cependant comme les termes de l'instruction sont clairs, et qu'elle a été décrétée, il est plus sûr de s'y conformer ».
Je le répète : le travail destiné à présenter à l'Assemblée nationale, les contradictions nombreuses qui se trouvent entre la loi sur les jurés et l'instruction sur la loi, est presque achevé. J'ai retardé jusqu'ici d'en faire usage pour le compléter par toutes les remarques que l'expérience des tribunaux criminels eux-mêmes pourra fournir. Il prouvera, j'espère, qu'un des plus grands services que l'Assèmblée nationale puisse rendre en ce moment à la justice criminelle, est de supprimer cette instruction, et delà remplacer par des lois qui remplissent les lacunes et fixent.les incertitudes.
TROISIÈME CHEF.
Je suis dénoncé comme coupable d'avoir accordé des lettres de grâce dans les derniers mois de l'année dernière. Assurément, si c'est un délit, on n'a pas donné à l'inculpation toute l'étendue dont elle est susceptible.
On pouvait dire que j'en avais délivré même dans la présente année, que j'en délivrais encore, et que le ministre de la justice serait longtemps obligé d'en proposer au roi sur les procédures suivies dans les anciennes formes criminelles.
Ce droit de faire grâce, nécessaire au moins dans une certaine latitude, quelque système criminel qu'on adopte, était établi par les lois, attribué au roi seul, et il a été confirmé par la loi nouvelle, seulement en faveur des accusés condamnés suivant les anciennes formes.
L'article 13 du titre VII de la première partie du Code pénal, porte :
« L'usage de tous actes tendant à empêcher ou à suspendre l'exercice de la justice criminelle, l'usage de lettres de grâce, de rémission, d'abolition, de pardon, et de commutation de peine, sont abolis pour tous crimes poursuivis par voie de'jurés. »
Cette loi limitative est expresse. Il est incontestable que les lettres de grâce abolies pour tous crimes poursuivis par voie de jurés, ne sont pas abolies pour tous crimes poursuivis suivant les anciennes formes.
Je ne devrais pas en dire davantage, mais il me convient d'observer deux choses ; 1° que la nécessité de ces lèttres de grâce non abolies, implicitement confirmées par les lois nouvelles, est commandée par l'humanité et par la justice) 2" que ces deux sentiments ont toujours dirigé l'usage que j'en ai fait.
Les anciennes lois criminelles ne voyaient que le fait, jamais l'intention, et les anciens juges enchaînés par la loi, malgré le cri de leur conscience, étaient toujours obligés de voir un coupable, même dans l'auteur d'un homicide invo-
lontaire, même dans l'auteur d'un homicide provoqué par la plus légitime défense.
Il fallait bien qu'un pouvoir extraordinaire vint se placer entre la loi, qui ne jugeait que le fait, et l'accusé, pour juger son intention, ou les circonstances qui pouvaient atténuer le délit et le rendre excusable. Le roi devenait alors la conscience des juges, et faisait ce que le juré doit faire désormais. Ainsi, sans ces lettres de grâce, l'homicide, même involontaire, même forcé, aurait été puni de mort.
Ainsi, même encore aujourd'hui, sous l'empire de la législation la plus aouce, la plus humaine, la plus conforme aux lois de la nature, si l'Assemblée constituante n'avait pas expressément borné l'abolition des lettres de grâce aux crimes poursuivis par voie de jurés, l'innocent pourrait être puni de mort comme le coupable.
Cet objet de notre législation criminelle avait appelé mon attention. Dans les premiers moments de mon ministère, j'avais aussi remarqué avec tous les amis de l'humanité, la disproportion qui existait trop souvent entre les délits et les peines; et surtout la présomption morale qui résultait de l'ancienne forme des jugements criminels, m'avertissait que les tristes retraites destinées à la punition du crime, pouvaient recéler des innocents ou des infortunés qui avaient fait de trop longues ou d'assez longues expiations. Le comité de mendicité s'était occupé ail même objet; on peut juger de ses motifs et des miens par ma réponse à une lettre qu'ilm'avait écrite :
Copie de la réponse du ministre de la justice, du 14 décembre 1790, à MM. du comité de mendicité.
« Vous me rappelez, Messieurs, un engagement qui m'est cher et qu'il tarde à mon cœur ae remplir. Il m'est arrivé plus d'une fois, durant mes premières fonctions administratives, de visiter les maisons de Bicêtre et de la Salpêtrière, et j'ai promis à leurs malheureux habitants de n'épargner ni soins, ni démarches, ni sollicitations pour adoucjr l'horreur de leur destinée, et les faire participer, autant que le permettraient la justice et la siïreté publique, aux inestimables bienfaits de la Révolution. Pétais loin de prévoir alors que j'aurais un jour le bonheur de réaliser, par moi-même, leurs espérances ; mais je n'en mis pas moins d'intérêt à observer tout ce qui me semblait capable d'émouvoir une âme sensible en faveur de l'humanité souffrante et dégradée. C'était une chose aussi inespérée qu'attendrissante pour moi de retrouver encore sur ces visages flétris la trace des plus touchantes affections de la nature, et de saisir quelques expressions de reconnaissance et de joie, où je craignais de n'entendre que les cris du désespoir.
« Posai penser qu'il ne serait pas impossible de rendre a ces infortunés une étincelle de vie morale ; et peut-être ne faudrait-il, pour arriver à ce but si désirable^ que substituer à la dureté d'un régime arbitraire une exacte proportion entre les délits et les peines, des règles invariables d'équité, et surtout cette compassion, ce zèle d'humanité que nous devons à tous nos semblables, quels qu ils puissent être.
« Vous le voyez, Messieurs, je fais gloire de professer vos sentiments et vos principes. J'adopte également vos réflexions judicieuses sur les distinctions à faire entre les coupables.
« Les uns n'ont à se reprocher que des fautes :
ce serait non seulement une injustice, mais une barbarie, de prolonger leur captivité. Les autres ont commis aes délits, mais plusieurs d'entre eux les ont suffisamment expiés par les rigueurs d'une longue détention; il convient de remettre ces derniers en liberté. Quant à ceux qui se sont souillés de forfaits, et qui ont mérité la mort, on ne saurait se dispenser, en les retenant dans les fers, de les soumettre à une discipline plus morale et plus douce.
« Voilà, Messieurs, de quoi je vais m'occuper incessamment avec les commissaires nommés par le roi. Il ne m'appartient pas d'exposer ici ' mon opinion particulière sur les autres questions que m'offre votre lettre, c'est à l'Assemblée nationale de les examiner dans sa sagesse, lorsqu'elle débrouillera le chaos de" notre jurisprudence criminelle. Mon partage est moins brillant, et ne satisfait pas moins mon cœur. J'irai moi-même, Messieurs, j'irai dégager la parole que j'ai donnée à ces infortunés; j irai leur apprendre que les législateurs de la France daigneront compatir à leurs misères : ils béniront sans doute une Révolution dont les salutaires effets pénètrent jusqu'au fond des cachots, une Révolution consacrée par des principes de philanthropie universelle, et qui assure indistinctement à tous les citoyens, justice, humanité, protection.
En conséquence de la détermination que j'avais prise, de concert avec le comité, j'ai été, avec quelques-uns de ses membres, visiter l'hôpital ae la Salpêtrière : nous y avons porté la consolation en y faisant pénétrer l'espérance. J'ai nommé des jurisconsultes qui ont bien voulu s'associer à cette œuvre de bienfaisance, et c'est sur leur rapport que je délivre les lettres de rappel ou de commutation. J'ai étendu la même mesure à la maison de force de Bicêtre, et j'ai également appliqué ces principes aux condamnés à la peine des galères; mais en même temps j'ai pris des précautions pour que l'abus ne vînt pas accuser ce bienveillant usage.
Ces lettres de grâce demandées sur les procédures suivies dans l'ancienne forme, ne sont jamais accordées que sur l'examen des procédures, et sur l'avis du commissaire du roi, instruit de toutes les circonstances du délit, et que je charge de me transmettre l'opinion publique du lieu où le délit a été commis.
11 m'arrive souvent même de consulter les officiers municipaux, lorsqu'il me reste des doutes sur les mœurs, sur le caractère du condamné, sur les actions de toute sa vie, et sur les ressources qu'il peut avoir pour subsister sans être nuisible a la société.
J'avoue que je ne m'attendais pas qu'on me fit jamais un reproche d'une mesure de bienfaisance que j'avais le droit de proposer au roi, mesure si analogue aux principes de la Révolution et de la liberté, et dont l'exécution a contribué à me consoler des dégoûts, des fàtigues et des dangers du ministère ; mais ce qui étonne davantage,, c'est qu'on m'ait plus particulièrement inculpé sur les lettres de grâce que j'ai données dans l'intervalle du 21 juin au 15 septembre de l'artnée dernière. Je ninsiste pas sur cet article ; je pourrai^ être soupçonné d'orgueil. J'abandonne volontiers cette partie de mon ministère à la critique de qui osera l'entreprendre ; à ceux-là, je leur demanderai s'ils croient qu'à cette époque la clémence et la justice dussent sommeiller ! Je ne leur citerai pas la loi du 25 juin, car je crois qu'il n'y a que ceux qui conteste-
raient à ce décret le caractère de loi, qui peuvent me blâmer (1).
QUATRIÈME ET CINQUIÈME CHEF.
Je suis dénoncé : 1° pour avoir délivré des commissions de notaire; 2° pour en avoir délivré une au sieur Charpentier, même dans l'intervalle de la sanction à la promulgation du décret sur l'établissement des notaires publics.
Il faut bien distinguer deux choses que l'on confond facilement : les offices et la vénalité des offices.
La vénalité des offices avait été abolie par les décrets du mois d'août 1789; mais les offices subsistaient toujours, tellement qu'il a fallu des lois postérieures et successives pour les supprimer.
Ainsi, les offices de magistrature et de judi-cature n'ont été supprimés que par le décret du 7 septembre 1790, sanctionné le 11 du même mois.
Ainsi, jusques à la suppression de ces offices de magistrature et de juaicature, un décret du 11 novembre 1789, sanctionné le 29 du même mois, conservait au roi le droit d'expédier des commissions de judicature, dans les cas de nécessité.
Ainsi, les offices de notaire dont la vénalité était abolie comme celle des autres offices, n'ont été supprimés que par la loi du 6 octobre dernier.
Ainsi, jusques à la suppression, le roi conservait le droit de délivrer des commissions, dans le cas de nécessité ou d'utilité.
Quelle était cette nécessité, et comment était-elle constatée?
L'article 4 du décret du 11 août 1789, en supprimant, sans indemnité, toutes les justices seigneuriales, avait ordonné que les officiers de ces justices continueraient leurs fonctions jusqu'à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire.
Lors de l'établissement de ce nouvel ordre judiciaire, les notaires seigneuriaux durent cesser leurs fonctions. Dans la plus grande partie du royaume, les campagnes auraient été privées de notaires, ou le doute sur la validité de leurs actes aurait suspendu toutes les conventions, si le roi n'avait usé du droit qu'il avait conservé, de donner en commission ces offices qui n'étaient pas encore supprimés, puisqu'ils ne 1 ont été que par la loi du & octobre dernier.
Je m'imposai alors la règle de consulter les directoires de département, sur chaque demande qui m'était adressée, toutes les fois que je n'avais pas acquis une certitude personnelle ae l'utilité ae l'établissement ou de la conservation d'un notaire. Jé croirais même pouvoir assurer qu'il ne m'est point arrivé de délivrer une seule commission ae notaire autrement que sur la demande ou l'avis du directoire de département, qui me certifiait, par l'organe de son procureur général-syndic, la probité, la capacité du sujet
qui se présentait, et la nécessité de conserver ou d'établir un notaire dans le lieu pour lequel on sollicitait une commission.
Par exemple, à l'égard du sieur Béville, notaire à Saint-Denis, objet de la dénonciation à laquelle je réponds, j'annonce que j'ai cinq lettres de M. Pastoret, aujourd'hui membre de 1 Assemblée nationale, et alors procureur général-syndic du département de Paris, qui m'attestent la nécessite d'un notaire à Saint-Denis, la probité et la capacité du sieur Béville.
Il me reste à répondre au reproche relatif au sieur Charpentier, devenu notaire dans l'intervalle de la sanction à la promulgation de la loi.
Et déjà l'on voit qu'il s'agit de savoir si les mêmes principes ont dû me déterminer depuis la sanction jusqu'à la promulgation de la loi ; si toutes les lois sans exception, sont obligatoires pour le roi et pour ses ministres, au moment de la sanction, tandis qu'elles ne sont obligatoires pour les autres citoyens qu'au moment de la promulgation.
On voit qu'il s'agit d'une grande question, non encore décidée. Et comment pourrais-je être inculpé sur une question encore douteuse? comment pourrais-je avoir violé une loi qui n'existe pas encore?
Je dois, au surplus, ne pas négliger de rendre compte ici de toutes les précautions de prudence dont j'ai cru devoir m'environner dans cette circonstance.
Dans le mois de septembre dernier, les demandes se multipliaient, d'autant plus que la loi sur les notaires paraissait prochaine. Je voulus faire un effort pour presser l'instant de sa publication, et voici la lettre que j'eus l'honneur d'écrire à l'Assemblée nationale, le 14 septembre 1791 :
« Monsieur le Président, je crois devoir solliciter l'attention de l'Assemblée sur un objet qui, chaque jour devient plus pressant. Elle n'a pas encore statué sur le sort des notaires, et ce délai me rend incertain sur la conduite que je dois tenir lorsqu'il est question de leur remplacement.
« La vénalité des offices étant abolie, il peut désormais paraître inconstitutionnel de délivrer de nouvelles provisions d'offices de notaires, quoique ces offices ne soient pas expressément supprimés.
« D'un autre côté, les notaires seigneuriaux n'existent plus, et cependant ils instrumentent encore dans plusieurs endroits, tandis que dans certains autres ils ont cessé le service ; inconvénients auxquels je n'ai pu suppléer qu'en donnant quelques commissions,, d après l'avis des directoires de département.
« J'ajouterai, monsieur le Président, que plusieurs notaires exercent des fonctions que la loi déclare incompatibles, et qu'il serait peut-être dur de les forcer à l'option, au moment où leur sort paraît sur le point d'être décidé.
Je vous prie, Monsieur, d'engager l'Assemblée à prendre ces motifs en considération, et à faire cesser ma perplexité, en s'occupant incessamment de ces utiles fonctionnaires publics, dont la position si intéressante sous plus d'un rapport, sollicite vivement sa bienveillance et sa justice.
« Je suis avec respect, » etc.
Quelques jours après, le projet de la nouvelle loi fut mis à la discussion ; alors je devins plus sévère, persuadé que le projet connu, les demandes allaient se multiplier à l'infini. Je
consultai le comité de Constitution, qui donna une décision par laquelle il déclara qu'il ne voyait pas d'inconvénient, qu'il voyait même justice a l'obtention de provisions pour un sieur de Lépine. Je continuai à en délivrer; [mais cependant je devins plus diffîcultueux; et les difficultés que je faisais étaient si connues, que l'opinion s'établit à Paris que je ne voulais plus délivrer de provisions. Cependant le décret d'organisation du notariat fut rendu le 29 septembre, et sanctionné le 6 octobre 1791. Ce fut après sa sanction et dans l'intervalle, entre cette sanction et la promulgation, crue M. Dos-fant, notaire à Paris, membre de l'Assemblée constituante, donna sa procuration ad resignan-dum, et crut devoir me demander des provisions pour M. Charpentier, son maître clerc. Les principes connus et constants me conduisirent à penser que je ne pouvais déférer à cette demande. Ce bruit répandu dans les études de Paris, donna lieu à la lettre que voici :
« Monsieur, déjà le public se livrait à l'espérance d'éprouver une diminution sensible dans le prix des honoraires des notaires ; et si l'indemnité qui leur a été accordée pour la suppression de la vénalité de leurs offices, était regardée comme un fardeau pesant pour le Trésor public, on croyait en trouver la juste compensation dans la réduction des honoraires. Mais quel sera l'étonnement des citoyens, quand ils sauront qu'indépendamment de leur indemnité, les notaires vont obtenir la faculté de vendre leurs places comme auparavant? A quoi servira donc l'indemnité, si ce n'est à épuiser le Trésor public, et à enrichir les notaires sans aucun soulagement pour le peuple ? Ces observations sont la suite d'un avis qu'on m'a donné hier, qu'un Premier clerc de Paris allait obtenir de vous, bnsieur, ou des provisions, ou une commission, pour succéder à son notaire. Comme l'ombre cache toujours les œuvres suspectes, celui qui vous a sollicité a dû s'envelopper des voiles du mystère, et à cet égard les renseignements que j'ai reçus ne peuvent avoir le degré de certitude, nécessaire peut-être pour légitimer ma demande ; mais elle trouve son excuse dans l'intérêt public. Si l'avis est faux, cette lettre sera comme non-avenue. Si, au contraire, il est vrai, je me permettrai de vous observer, Monsieur : 1° que le retard de la sanction du décret qui supprime la vénalité, ne pouvant êtré attribué qu'à votre volonté, il s'ensuivrait que votre volonté, seule, prévalant sur les décrets du Corps législatif, ferait sortir de la chancellerie, les actes les plus contradictoires à ces décrets du Corps législatif; 2° que quoique j'aie partagé, et que je partage encore avec tous les bons citoyens la satisfaction peu commune de vous voir élevé au ministère, mon devoir de citoyen m'obligerait cependant à provoquer la justice au Corps législatif et de l'opinion publique sur un acte qui blesserait à la fois, et l'intérêt public, et le respect que vous devez aux décrets de l'Assemblée nationale, dont le défaut de sanction ne pourrait être attribué, dans ce cas, qu'à la volonté Où vous seriez de vous ménager les moyens d'y contrevenir.
« Pardon, Monsieur, de ce langage sévère, il est celui d'un ami chaud et sincère des lois et de la liberté. »
« Je suis, etc. »
Voici quelle fut ma réponse :
« Je reçois à l'instant votre lettre, Monsieur ;
elle est d'un honnête homme, et la fermeté m'en plaît ; car ce serait bien inutilement qu'on m'aurait choisi, si je ne savais pas entendre la vérité, comme j'ai su la dire dans tous les temps. Il est vrai que j'ai donné aujourd'hui un rendez-vous à un notaire que j'aime et estime, et à son maître clerc, dont je fais beaucoup ae cas, et que je dois discuter avec eux la possibilité de taire ce qu'ils désirent. Vous ne serez pas de trop dans cette discussion, car je cherche toujours la justice, et je vous suis obligé de m'avoir mis en garde contre une chose injuste que je pourrais faire. Si vous voulez vous trouver chez moi entre six heures et demie et sept heures, j'en serai fort aise. Je vous salue. Au surplus le décret est sanctionné, et je donne des ordres pour que la publication n'en soit pas retardée. »
La conférence eut lieu ; nous discutâmes ensemble ce grand axiome de notre jurisprudence, auquel nous devons nous conformer tant qu'il n'est pas aboli ; savoir, que les lois ne sont obligatoires que du jour de la promulgation. M. Jous-set sortit de chez moi si convaincu, que le lendemain soir il me fit une demande pareille; voici sa lettre :
« Monsieur, j'invoque le bénéfice de la loi pour le sceau des provisions de notaire à Paris, que M. Sourdeau m'a préparées, et que j'apporte avec le registre que sa confiance en moi lui a fait me remettre. J'implore votre bienveillance pour accélérer cet acte de votre justice, et je l'attends dans votre antichambre : quelques instants plus tard, et je vais savoir si je serai quelque chose dans la société, ou si je dois me résigner à une nullité désespérante.
« Je suis, etc.
Signé : Jousset, premier clerc de M. Pérignon, notaire.
« Ce dimanche, 5 heures et demie du soir. »
La loi était alors non seulement sanctionnée, mais envoyée aux tribunaux. La question devenait plus difficile ; il s'agissait de savoir si je pouvais encore délivrer des provisions de notaire, quoique la loi fût envoyée dans les départements et les tribunaux, ce qui pouvait être considéré comme un commencement de promulgation. J'en référai à l'Assemblée nationale, non, comme on l'a dit, pour lui tendre un piège, mais pour faire décider une véritable difficulté ; non pour faire statuer si j'avais pu donner des provisions au sieur Charpentier, depuis la sanction de la loi, je ne doutais pas de la régularité de ma conduite à cet égard ; mais pour faire décider si le citoyen qui m'en demandait depuis l'envoi de la loi aux tribunaux, et avant sa promulgation complète,-était encore dans le cas d'en obtenir.
Je n'ai donc violé aucune loi en donnant des provisions à M. Charpentier. J'ai suivi cette maxime triviale de jurisprudence, que les lois ne sont exécutoires qu'à dater de leur promulgation. Ce principe peut être modifié par une loi nouvelle. Il pourra exister une obligation pour le roi et ses ministres, d'exécuter certaines lois immédiatement après leur sanction dans plusieurs cas qu'on peut imaginer; mais la loi ne pourra jamais lier les citoyens qu'au moment où elle aura été publiée dans des formes établies. Or, ici il s'agit d'une loi dont l'exécution était relative à l'intérêt des citoyens, qui affectait leurs conventions; je n'ai, par conséquent, pas dû me croire lié lorsqu'ils ne l'étaient pas;
je n'ai pas dû croire qu'un acte encore secret pût annuler des conventions faites sous la foi aes principes encore existants; et vainement dirait-on que la concession des provisions à un résignataire d'office était purement gracieuse ; elle l'était, rigoureusement parlant, dans le droit, jamais dans le fait; et le refus d'en accorder à celui qui, portéur de la résignation, avait les capacités legales pour remplir l'office, eût été regardé comme un acte arbitraire.
Au reste, la question était tellement problématique, que le comité de législation de 1 Assemblée nationale a adopté mon opinion. Comment donc pourrait-on me regarder comme responsable, accusable ou même inculpable pour une opinion de jurisconsulte, au moins douteuse, qui a eu le suffrage du comité de l'Assemblée nationale, opinion que l'Assemblée n'a pas cru devoir consacrer, mais dont la contraire n est pas encore décrétée, et pourrait l'être sans devenir une loi, puisque la sanction peut seule lui donner ce caractère.
SIXIÈME CHEF.
Je suis dénoncé comme coupable d'accorder des lettres de répit ; c'est, en d'autres termes, m'accuser d'exécuter la loi.
Il faut encore ici distinguer deux choses qu'on ne distingue pas toujours; les lettres de répit et les arrêts de surséance. C'est par la confusion de ces idées, que ce chef d'inculpation, qui n'est rien du tout, a acquis quelque consistance.
Ces deux choses sont bien différentes;
Les arrêts de surséance, qu'aucune loi n'autorisait, étaient un abus de l'ancien régime.
Les lettres de répit sont fondées sur une loi expresse ; et les formes nécessaires à leur obtention sont prescrites par un titre tout entier de l'ordonnance du commerce, et elles ne sont pas abolies par les lois nouvelles.
Les arrêts de surséance étaient plus souvent obtenus sans consulter les créanciers, et malgré leurs réclamations.
Les lettres de répit sont entérinées dans les tribunaux, contradictoirement avec les créanciers, et rejetées si l'impétrant a fait des déclarations infidèles.
Les arrêts de surséance enchaînaient toutes les actions des créanciers, et livraient la totalité de leur gage à la discrétion du débiteur.
Les lettres de répit laissent les biens du débiteur sous la main du créancier, et ne mettent à l'abri que sa personne.
Les arrêts de surséance étaient souvent le produit de la faveur et de l'injustice.
Les lettrés de répit sont commandées par la nécessité d'un délai toujours utile au créancier et au débiteur, puisque son effet unique est de faciliter la libération de ces derniers, sans pré-judicier aux droits de l'autre, ou du moins en les restreignant un peu pour 1 utilité commune.
A mon entrée au ministère, après m'être assuré que les lettres de répit étaient établies par une loi expresse, et qu'elles n'étaient pas révoquées, même par une loi indirecte, j'ai cru devoir à la société entière, de ne pas la priver de cette ressource légale et bienfaisante.
J'ai donné des lettres de répit, et pendant plus d'une année, une seule réclamation m'a forcé de développer mes motifs.
Je reçus de M. Voidel, ancien membre de l'Assemblée constituante, ét aujourd'hui membre d'un,tribunal de Paris, la lettre suivante :
Paris, ce 20 décembre 1791.
« Hier au soir, Monsieur, à l'audience des référés, s'est présenté devant moi un demandeur à fin de continuation de poursuites contre l'entrepreneur de l'illumination de Paris. Celui-ci a produit pour défense, des lettres de répit, en date du 13 de ce mois, signées Louis,contresignées Duport, adressantes au troisième tribunal, portant défenses, et un délai de 6 mois pour l'entérinement. Vous avez été surpris, Monsieur, et le commis qui a expédié cette pièce, est ignorant ou coupable. Les lettres de surséance et de répit étant positivement proscrites par la loi, si malheureusement celles-là tombaient en des mains ennemies, on ne manquerait pas de vous en faire un crime ; pour mot, qui ai l'honneur de vous connaître, il m'est impossible d'y voir autre chose qu'une surprise, et je me hâte de vous en prévenir, afin que vous puissiez en punir l'auteur, et empêcher l'usage malfaisant qu'on en voudrait faire.
Signé : Charles Voidel.
Voici ma réponse : je demande pour elle la plus grande attention; elle contient l'exposé des seuls principes connus sur cette matière :
« Vous m'informez, Monsieur, par votre lettre du 20 décembre, que l'entrepreneur de l'illumination de Paris, poursuivi par un créancier, lui a opposé des lettres de répit, adressantes au tribunal près duquel vous exercez vos fonctions; vous observez que ces lettres étant positivement proscrites par la loi, le commis qui les a expédiées est ignorant ou coupable. Vous ajoutez que si ces lettres tombaient dans des mains ennemies, on ne manquerait pas de m'en faire un crime; mais quemé connaissant, vous n'y voyez qu'une surprise qui m'a été faite, et dont vous me prévenez pour que je puisse en punir l'auteur.
Je vous dois, Monsieur, des remerciements pour l'avis amical que la justice que vous me rendez vous à engagé à me donner, et je vous les fais de tout mon cœur ; mais vous avez dû penser que les lettres de répit qui vous ont été présentées, n'ont pas été expédiées légèrement et sans examen. Je ne peux pas croire que les personnes employées dans mes bureaux, aient le dessein de me tromper; elles y réussiraient d'ailleurs difficilement, parce que je regarde comme une de mes obligations ae voir tout, et ie la remplis avec scrupule. Il n'existe aucune loi positive qui abolisse les lettres de répit; il n'existe même aucune disposition des lois nouvelles, d'où l'on puisse induire l'abolition de ces sortes de lettres. Elles sont spécialement autorisées pàr l'ordonnance de 1669, qui n'est point abrogée en cette partie. L'article 6 est uniquement employé à exposer les circonstances dans lesquelles ces" sortes de lettres doivent être accordées, et les formalités à observer : ces lettres s'expédient au grand sceau : le juge auquel elles sont adressées, est autorisé par l'article 4 de l'ordonnance de 1669, en entérinant, les créanciers appelés, à donner le délai qu'il croira convenable pour payer les dettes; il ne peut accorder plus de 5 années, sinon du consentement des 3 quarts des créanciers ; mais il doit être accordé, par les lettres, un délai de 6 mois au débiteur, pendant lequel temps défenses seront faites à tous huissiers d'attenter à sa personne et meubles meublants. C'est la disposition formelle du même article 4. Quoique les lettres
de répit soient entérinées, les créanciers peuvent cependant, faire saisir les immeubles, les mettre en criées et baux judiciaires (article 5); enfin, si l'état sur lequel les lettres ont été accordées, est frauduleux, le débiteur peut être déchu du bénéfice de ces lettres, même après leur entérinement. C'est le vœu de l'article 2 du titre IX de l'ordonnance de 1673. Toutes ces dispositions des ordonnances de 1669 et 1673 n'étant pas abrogées, il est évident que les lettres de répit, dont vous me parlez, ont pu être demandées et délivrées, et que le délai de 6 mois et les défenses accordées à l'impétrant, loin d'être une contravention à la loi, ne sont que l'exécution littérale de l'ordonnance de 1669. existe bien à la vérité, dans le titre XIV de l'organisation judiciaire, deux articles relatifs à l'usage des lettres royaux; mais il suffit de les lire, pour se convaincre qu'ils ne s'appliquent point aux lettres de répit. »
« L'article 20 porte : que les chancelleries établies près des cours supérieures et présidiaux, ensemble l'usage des lettres royaux qui s'y expédiaient, demeurent supprimées', et l'article 21 veut que dans les cas où lesdites lettres étaient nécessaires, on se pourvoie devant les juges compétents pour la connaissance immédiate au fonds.
« Ces dispositions ne s'appliquent donc qu'aux lettres royaux qui s'expédiaient dans les chancelleries établies près les cours et présidiaux ; c'est l'usage de ces lettres, seules, qui est supprimé. Les lettres de répit, comme celles de grâce, né s'expédiaient point dans ces chancelleries, mais au grand sceau; ainsi, les dispositions de la loi citée, sont évidemment étrangères aux lettres de répit, dont l'usage ne peut cesser que lorsqu'il sera interdit par une loi précise. »
P. S. « J'en ai fait expédier un assez grand nombre depuis que je suis au ministère, au vu et au su de tout le monde, puisqu'elles s'entérinent; elles n'ont jusqu'ici souffert aucune difficulté. Lorsque le conseil existait encore, le rapport s'en faisait devant moi par un maître des requêtes en présence de 3 autres et d'un conseiller d'Etat. Depuis la suppression du conseil, elles s'expédient sur le vu de mon comité de jurisprudence, et après examen et un bon, de moi, au pied de ce vu. Vous voyez qu'il n'y a pas lieu à surprise de la part de mes bureaux, et qu'il faut être un peu circonspect à les en accuser, ainsi que sur le reproche d'ignorance; je ne puis, au reste, qu'être très sensible à la bienveillance dont votre lettre est pour moi une preuve précieuse. »
Cet exposé prouve que je me conforme à la loi en donnant des lettres de'répit, et si, dans ce moment elles sont suspendues, par respect pour le doute que l'Assemblée nationale vient de manifester sur cette matière, je ne dois pas lui laisser ignorer quela justice autant que rhuma-nité sollicitent la plus prompte décision. Parmi les demandes plus ou moins favorables qui, chaque jour, s'accumulent dans mes bureaux, il en est plusieurs formées par des créanciers de l'Etat, qui, en attendant la liquidation et le remboursement de leurs créances, semblent exiger que.ïa nation leur débitrice, ne les livre pas aux ruineuses dilapidations des poursuites judiciaires.
Je dois dire éncore un mot sur le mode adopté pour éviter l'abus dans l'admission des demandes en lettres de répit.
Autrefois, et lorsque le conseil existait encore, le conseil de chancellerie, composé de 4 maîtres des requêtes, examinait, et sur le rapport de
l'un de ses membres en présence des autres, le garde des sceaux prononçait.
J'ai'substitué à cette forme, autant que je l'ai pu, une forme équivalente. Les 4 hommes de loi, appelés près de moi, pour éclairer les questions innombrables que fait naître dans mon département l'application des lois judiciaires, examinent les mémoires, et je ne me détermine qu'après la vérification la plus exacte des causes de la demande, et des états de l'actif et du passif qui en établissent la légitimité.
SEPTIÈME GHEF.
Je suis dénoncé comme coupable : 1° d'avoir accordé pour le sieur Tirion, un sursis â l'exécution d'un jugement criminel; 2° d'avoir accordé des lettres de commutation de peine au sieur Auger, soldat dans la garde parisienne.
Sur le premiet objet, le sieur Tiriort quoique condamné suivant les formes anciennes, avait le droit de se pourvoir en cassation. Or, il est impossible de concevoir cette faculté de se pourvoir en cassation, sans concevoir aussi la nécessité d'une surséance à l'exécution du jugement contre lequel l'accusé se pourvoit. Car on sent combien l'idée de l'exécution provisoire d'une condamnation à peiné afflictive ou à mort, est absurde.
Gette nécessité est la même lorsque le condamné demande des letres dè grâce ou des lettres de commutation de peine. Dans ces deux cas, le sursis n'est qu'une conséquence indispensable des lois qui assurent aux accusés, irrégulièrement pu injustement condamnés, la ressource des lettres de grâce ou celle de la cassation. Sans le sursis, ces 2 ressources, autorisées par la loi, ne serait qu'une dérision barbare.
Un seul innocent sauvé, et j'en ai plusieurs exemples, suffirait pour justifier tous les sursis que j ai pu donner sur des déclarations de se pourvoir en cassation, ou sur des demandes de lettres de grâce et de commutation dë peine.
Malgré 1 évidence de ces raisons, je ne veux pas laisser ignorer à l'Assemblée nationale ce qui m'a déterminé à donner un sursis au sieur Tirion, pour me mettre en état d'examiner sa demande en commutation de peine :
Voici la lettre que j'ai reçue du défenseur officieux de cet accusé :
Monsieur,
« Le sieur Tirion, de Senlis, détenu au Ghâ-telet, a pris chez le sieur Douon, maître de pension, son ami, chez lequel il était précepteur sans ^honoraires, en attendant qu'il trouvât une place utile, pour 260 livres d'assignats. Le sieur Douon a été désinterressé sur-le-champ, et a donné son désistement dès le commencement de la procédure.
« Le sixième tribunal provisoire du Palais a confirmé hier, moi plaidant, un jugement du quatrième tribunal, qui condamne le sieur Tirion au carcan et à 3 ans de détention.
« Le sieur Tirion n'a que 24 ans, et a inspiré au tribunal l'intérêt le plus touchant. 11 serait affreux que ce jeune homme, dont la carrière peut être longue encore, fût perdu pour la société.
« Je ne puis vous rendre, Monsieur, l'intérêt qu'il m'a inspiré à moi-même.
« Le tribunal l'a condamné avec lés plus grands regrets. lia mis en délibération, s'il prendrait le parti de vous supplier lui-même de vouloir bien
commuer la peine, et il n'a pas cru qu'il dût se permettre cette démarche. Mais il m'a fait appeler aujourd'hui expressément pour me dire ae la faire, et de m'autoriser de son suffrage, et des voeux ardents qu'il fait pour le succès.
« J'ai l'honneur de vous supplier, Monsieur, au nom de ce que vous avez de plus cher, de vouloir bien commuer la peine du sieur Tirion, lui ôter le carcan, et diminuer sa détention. Je vous en conjure à mains jointes.
« Ayez la bonté ae vous rappeler, Monsieur, que dans un âge plus avancé que mon client, un homme que vous vénérez!, j'en suis sûr, qui sera toujours l'idole des cœurs vertueux et sensibles, un moraliste profond, une espèce de législateur, consulté avec respect après sa mort par les législateurs de la France, a volé son ami et son bienfaiteur; et combien les caractères de son crime, qu'il a eu le courage héroïque de confesser lui-même publiquement, l'aggravaient encore !
« Si Jean-Jacques, dont je ne prononce le nom et ne me rappelle le souvenir qu'avec attendrissement et respect, eût été dénoncé par son ami, s'il eût été livré entre les mains de la justice, c'en était fait, il était perdu pour le monde, et le monde eût été privé de son repentir, de son remords, et du fruit de seÉ leçons sublimes.
« Prenez ce texte, je vous en supplie, Monsieur, et je m'abandonne à votre cœur que je connais.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur,
Votre très humble, très obéissant serviteur, Giroust, ancien avocat et homme de loi, cloître Notre-Dame, n° 19.
A l'égard du sieur Auger, le fait qui fonde sa dénonciation, qui dans aucune hypothèse ne serait coupable, est, par une circonstance assez singulière, formellement démenti par une lettre que je n'attendais assurément pas.
Au moment de la dénonciation, il est vrai qu'Auger avait obtenu un sursis pour se pourvoir en cassation. Mais il n'est pas vrai que sa requête eût été rejetée ; il n'est pas vrai que je lui eusse accordé des lettres de commutation.
Sa requête n'a été rejetée que le matin même du jour où je suis venu m'expliquer verbalement devant l'Assemblée nationale.
J'ai produit pour preuve, la lettre que je recevais à l'instant, dû substitut du commissaire du roi près du tribunal de cassation. Cette lettre, datée du 13 mars, m'apprend que la requête en cassation du sieur Auger vient d'être rejetée à l'audience du matin.
C'est dire assez que je ne lui ai point donné et que je n'ai jamais pu lui donner des lettres de commutation de peine.
huitième chef.
Ici je suis dénoncé comme coupable d'avoir donné des provisions de commissaire du roi à M. Conneau-des-Fontaines qui ne réunissait pas les conditions requises par la loi : il est bien étonnant que mâ confiance en MM. les députés de la Haute-Vienne, m'ait attiré cette dénonciation. L'Assemblée nationale doit se rappeler les précautions que j'ai prises pour la nomination des commissaires du roi près les tribunaux criminels. A l'égard de M. Conneau, dont j'ignorais l'inéligibilité, mais que tous ses concitoyens, et d'ailleurs, quelques hommes dont le nom seul
est un éloge, m'assuraient être digne de la confiance du roi, c'est aux tribunaux, seuls, à juger de cette nomination : je n'ai aucun compte à rendre à cet égard ; c'est comme si on poursuivait un corps électoral pour avoir élu un candidat qui n'aurait pas l'âge, le temps d'étude, ou quelque autre qualité légale. La seule peine de l'erreur, c'est la nullité ae la nomination.
neuvième chef.
Je suis dénoncé par M. Couturier comme coupable d'avoir refusé des lettres de rappel des galères au nommé Braun, pour lequel il les sollicitait.
Ne remarque-t-on pas cette singularité, que je suis dénoncé le même jour pour avoir accordé et pour avoir refusé des lettres de grâce?
Au surplus, trois mots répondent à M. Couturier.
L'article 8 de la loi du 21 mars 1790, portait que le roi serait supplié de permettre le retour des bannis pour fait de gabelle, seulement, et de faire mettre en liberté les détenus en prison ou aux galères, qui n'y ont été envoyés que pour la même cause.
Braun n'était pas dans le cas de l'amnistie : il n'avait pas été condamné pour faux saunage ; seulement; il avait été condamné pour faux saunage et pour rébellion envers les employés. L'extrait de son jugement de condamnation, inséré dans le certificat des chiourmes, le portait ainsi.
C'est à la fin de décembre que M. Couturier a formé sa réclamation. J'ai écrit au commissaire du roi à Brest, dont la réponse m'a fourni les éclaircissements que je transmets à l'Assem-semblée nationale.
Au surplus, le cas de Braun était graciable, et les lettres de grâce étaient expédiées depuis 8 jours, lorsque la dénonciation ae M. Couturier a paru.
Je le prie de juger lui-même si cette dénonciation est fondée.
Je sens bien que ces explications sont longues ; je regrette le temps qu'elles font perdre à l'Assemblée nationale, et qu'elles enlèvent à l'administration de mon département. Mais la justification d'un honnête homme n'est pas une chose indifférente pour les hommes justes. La justification d'un ministre importe à la chose publique, celle d'un ami de la liberté au succès de la Révolution.
Le ministre de la justice, Signé : M. L.-F. duport.
a la séance de l'assemblée nationale législative du mardi13 mars 1792, au matin.
Lettre du général Gelb (1) au ministre de la guerre, relative au payement des troupes et au mécontentement produit par les retaras (2).
Strasbourg, le
« Monsieur,
« Je n'ai rien de plus pressé que de vous faire
part d'un rapport de M. de Wimpffen, maréchal de camp employé sur le Haut-Rhin, de la désertion de 45 volontaires nationaux, et de l'insurrection qui a forcé de désarmer une compagnie de volontaires; je ne puis me dispenser ae vous observer, Monsieur, que si l'on ne trouve-moyen de faire augmenter la solde en numéraire, jusqu'à 8,000 livres par mois, que nous ne soyons exposés aux suites graves d'un mécontentement qui se manifeste d'une manière aussi sérieuse.
« J'aurai l'honneur de vous rendre compte demain des mesures que j'ai prises pour commencer à parer à ces désordres. »
Le lieutenant général commandant la 5e division,
Signé : Gelb. M. Louis de Narbonne, ministre de la guerre.
Copie de la lettre de M. de Wimpffen, maréchal de camp, employé dans la 5e division militaire, commandant au Neufbrisach, à M. le maréchal de Luckner, du 3 mars 1792 (1).
« Monsieur le maréchal,
« M. de Toulongeon étant absent, j'ai l'honneur de vous rendre compte directement qu'une compagnie du 3e bataillon des volontaires nationaux du Haut-Rhin, détachée à Marckolsheim, s'étant rassemblée pour s'en aller avec armes et bagages, le capitaine du 13® régiment d'infanterie commandant audit Marckolsheim, fit battre la générale, rassembler son monde, environner la compagnie en insurrection, la désarmer, déposer les armes à l'hôtel de ville du lieu et arrêter 4 volontaires des plus mutins; en même temps que ce désordre est arrivé à Marckolsheim, il est déserté à la fois 45 grenadiers de la compagnie détachée à Fessenheim, du bataillon dont ]e viens de faire mention, et qu'il n'y a d'autres motifs à ce mécontentement universel, que le refus total que font les citoyens de ces deux villages de recevoir des assignats en payements de leurs comestibles : ce mécontentement s'éten-dant de proche en proche sera la cause qu'officiers et soldats iront servir des puissances qui payent en argent et non avec clu papier, qui quoique le meilleur de l'Europe a perdu la moitié de sa valeur, par l'opération qu'a fait le Trésor public de le vendre dans toutes les villes du royaume à 40 0/0 de perte; et par les manœuvres criminelles des ennemis de la Constitution pour lesquels ce discrédit forme l'arme la plus redoutable.
« Je vous supplie, Monsieur le maréchal, de me donner vos ordres pour savoir par qui je dois faire remplacer la compagnie des grenadiers du 3e bataillon de volontaires nationaux qui a déserté à Fessenheim : si vous désirez que ce soit par une compagnie du même bataillon ou par des troupes de ligne. » Je suis, etc.
Signé : François de Wimpffen.
Pour copie conforme à l'original :
Le lieutenant général commandant la 5® division militaire,
Signé : Gelb.
Séance du
présidence de m. guadet, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 11 mars 1792.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des administrateurs du directoire du département du Loiret, contenant une expédition d'une délihération prise à l'effet d'obtenir un supplément de fonds pour les dépenses du tribunal criminel.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
2° Lettre du sieur Fiquenel, qui adresse à l'Assemblée un mémoire sur l'agiotage des petits assignats.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité des assignats et monnaies.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 12 mars 1792, au soir.
, au nom du comité de législation. Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité de législation une lettre du directoire du département de Paris et une lettre du ministre de la justice pour demander à l'Assemblée un mode d'exécution de l'article 3 du titre Ier du Code pénal qui prononce la peine de mort. Le rapport et le projet de décret sont arrêtés; mais le comité a pensé qu'il serait trop affligeant de vous lire à cette tribune les détails dans lesquels il faudrait entrer. Comme il est indispensable que vous les connaissiez pour juger en connaissance de cause, je suis chargé de vous demander la permission de faire imprimer le projet de décret et le rapport, afin qu'ils puissent être mis sous vos yeux.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Carlier) (1).
Le sieur Je an Brézolles, arquebusier à Char-leville, est admis à la barre et présente la pétition suivante :
« Au mois de janvier dernier, Jean Brézolles, arquebusier à Gnarleville,
se rendit au bureau de la guerre, pour y obtenir un marché de
fabrication d'armes. Il contracta l'engagement de fournir, pendant
l'année, au prix de 29 livres pièce, 4,000 fusils du calibre de 1777,
avec les baïonnettes. Il ne manquait plus au marché que la signature du
ministre. Son secrétaire, le siéyr Vachelier, la promit, et engagea
l'entrepreneur à retourner à Charleville, où il la lui ferait parvenir.
Cependant 2 mois s'écoulent sans qu'il reçoive la signature. Il revient
à Paris, plein d'inquiétude, et apprend que M. Narbonne n'est plus
ministre, et qu'il n'a point garanti son marché en le revêtant de sa
signature. 11 se plaint de ce que M. Duportail et M. de Narbonne aient
employe de préférence des ouvriers étrangers pour faire ainsi sortir le
numéraire.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Je demande le renvoi de la pétition au nouveau ministre de la guerre, pour qu'il y fasse droit ou qu'il rende compte des causes qui ont empêché 1 ancien ministre d'exécuter ce traité.
J'observe que le pétitionnaire a lui-même fourni la preuve qu'il n'existe pas de marché entre lui et le ministre, puisque celui-ci n'a pas donné sa signature. L'Assemblée ne peut demander compte que de l'inexécution d'un traité signé. D'après cela je demande la question préalable sur la motion de M. Lecointre.
Je demande le renvoi de la pétition au comité militaire et en même temps je propose que le ministre rende compte du nombre d'armes qu'il a achetées, de leur prix et du lieu où elles ont été fabriquées.
Un membre : Je propose de charger le comité militaire d'examiner la différence qui existe pour la qualité et le prix entre les armes fabriquées chez l'étranger et celles fabriquées en France.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire et décrète que ce comité fera un rapport sur les quantité, qualité et. prix des armes fabriquées en France ou à l'étranger.)
fils, au nom du comité de division, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur la fixation définitive du chef-lieu de département et du siège épiscopal de la Corse; il s'exprime ainsi (2) :
Messieurs, par le décret du 26 février 1790, relatif à la division du royaume,. l'Assemblée nationale constituante ordonna que la première assemblée électorale de l'île de Corse se tiendrait dans la pièvre d'Orezza, et qu'elle délibérerait s'il convenait que l'île ne formât qu'un seul département et quel en serait le chef-lieu.
L'assemblée électorale délibéra en conséquence ; elle décida que l'île ne formerait qu'un seul département, dont Bastia serait le chef-lieu. Cette décision fut confirmée par un décret du 30 novembre 1790.
Le directoire du département fixa donc ses séances à Bastia et le siège
de l'évêque y fut établi ; mais cette ville ne répondit pas longtemps à
la confiance dont elle avait reçu l'utile témoignage. Je ne vous
retracerai pas ici, Messieurs, le tableau des troubles dont elle fut le
théâtre les 3, 4 et 5 juin dernier ; je me bornerai à vous rappeler que
les administrateurs du département et l'évêque furent insultés, chassés
et poursuivis ; que leurs papiers furent brûlés ; que le procureur
général syndic fut même saisi, maltraité et jeté dans un vaisseau qui
faisait voilé pour Livourne.
Sur ces réclamations, l'Assemblée nationale rendit, le 18 du même mois, un décret dont l'article 1er porte : « Que le directoire du départe-« ment ae Corse est autorisé à se transporter « dans la ville de Corte pour y tenir provisoi-« rement ses séances ; que le siège de l'évêque « sera également transféré dans la même villej « sauf à la première assemblée électorale, qui « se tiendra également à Corte, à présenter son « vœu au Corps législatif sur la ville où elle iu-« géra qu'il soit plus convenable de fixer aé-« nnitivement soit le chef-lieu du département, « soit le siège de l'évêché. »
L'assemblee électorale convoquée pour la nomination des députés à la nouvelle législature, a délibéré conformément à ce décret. La majorité des électeurs a voté pour que le chef-lieu du département fût fixé à la ville de Corte, et le siège épiscopal dans celle d'Ajaccio.
Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, dans les séances des 11,18 février et 13 mars, sur la fixation définitive du chef-lieu de département de Corse, décrète qu'elle est en état de rendre un décret définitif.
« L'Assemblée nationale, confirme la délibération électorale du département de Corse, en date du 29 septembre 1791, et décrète qu'en conformité du vœu qu'elle exprime, le chef-lieu du département est définitivement fixé dans la ville de Corte, et le siège épiscopal dans la ville d'Ajaccio. »,
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité militaire, soumet à la discussion un projet de décret sur les canonniers gardes nationaux (1); ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le nombre de 17 hommes est insuffisant pour le service journalier des deux pièces d'artillerie qui, en vertu du décret du 29 septembre 1791, peuvent être attachées» à chacun des bataillons de gardes nationales, soit sédentaires, soit volontaires, et reconnaissant qu'il, est instant de donner aux canonniers des gardes nationales une organisation qui lés met à portée d'atteindre avec facilité le but de leur institution, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité
militaire, et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit : er. Il pourra être attaché 2 pièces d'artillerie à chacun des
bataillons des gardes nationales.
« Art. 2. Il sera formé, pour le service des 2 pièces d'artillerie attachées à chaque bataillon, 1 compagnie de canonniers gardes nationaux, composée de 1 capitaine commandant la compagnie, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 2 sergents, 4 caporaux, 1 tambour 30 canonniers et 4 ouvriers.
« Art. 3. Il y aura, dans chaque bataillon, 4 sapeurs, qui seront spécialement attachés aux compagnies de canonniers.
« Art. 4. Au moyen de la formation des compagnies de canonniers gardes nationaux, et conformément au décret du 12 juin 1790, toutes autres compagnies destinées au service des bouches à feu seront réformées, quelque nom qu'elles portent; et il ne pourra, sous aucun prétexte, en être créé de nouvelles, ou conservé d'anciennes.
« Art. 5. Les compagnies de canonniers gardes nationaux seront attachées aux bataillons des gardes nationales, et sous les ordres immédiats des commandants en chef desdits bataillons; elles ne pourront, sous aucun prétexte, former un corps particulier dans la garde nationale.
« Art. 6. Les compagnies de canonniers gardes nationaux seront formées de la manière prescrite par l'article 4 de la section 2 du décret du 29 septembre 1791, relatif à l'organisation de la garde nationale.
a Art. 7. L'uniforme des canonniers gardes nationaux est réglé ainsi qu'il suit :
« Habit bleu de roi, dounlure écarlate, collet rouge, passe-poil blanc, parements et revers bleus, passe-poil écarlate. Les autres parties de l'habillement seront ainsi qu'il a été réglé par l'article 37 de, la section 2 au décret du 29 septembre 1791, concernant les gardes nationales.
« Art. 8. Lorsque les canonniers gardes nationaux ne feront pas un service particulier comme canonniers, ils seront, comme le reste des gardes nationales, commandés à tour de rôle pour le service ordinaire ; il pourra cependant leur être affecté des postes particuliers, tels que les dépôts des canons, des poudres, etc.
« Art. 9. Les canonniers gardes nationaux auront pour armement, outre le fusil, des pistolets et un sabre; ils porteront le sabre en ceinture, le ceinturon sera en cuir noir; la giberne sera semblable à celle du reste des gardes nationales.
« Art. 10. L'armement des sapeurs consistera en 1 sabre soutenu par 1 baudrier blanc, 1 hache et son étui, 2 pistolets à la ceinture, et 1 tablier de cuir fauve.
« Art. 11. Dés 4 ouvriers attachés à chaque compagnie de canonniers volontaires, 2 seront choisis parmi les charrons ou charpentiers, et 2 parmi les forgerons ou serruriers; ils seront armés comme les sapeurs.
« Art. 12. Chacune des villes qui aura un ba-aillon de gardes nationales et 2 pièces d'artil-erie, pourra entretenir, si les revenus de la commune le lui permettent, 1 artificier et 1 ca-nonnier instructeur qui sera choisi par le corps ; municipal, de concert avec les capitaines des: canonniers. Dans les villes où la garde nationale formera plus d'une légion, il pourra être entretenu un instructeur par légion.
« Art. 13. Dans les villes dont la garde nationale formera plus de 2 légions, il pourra être nommé un adjudant particulièrement chargé
des détails du service des canonniers volontaires ; lorsque le nombre des légions s'élèvera à plus de 4, il pourra être nommé et entretenu 2 adjudants.
«. Art. 14. Les officiers et sous-officiers des canonniers gardes nationaux seront nommés suivant le mode prescrit pour les officiers et sous-officiers des gardes nationales; les adjudants seront nommés par tous les officiers des compagnies de canonniers.
« Art. 15. Dans les villes qui réuniront une ou plusieurs légions, il pourra être formé un polygone pour servir à l'instruction des canonniers gardes nationaux.
« Les municipalités prendront toutes les précautions nécessaires, afin de prévenir les dangers qui pourraient résulter de cette espèce d'instruction.
« Art. 16. Les villes qui possèdent des pièces d'artillerie connues sous le nom de bâtardes, pièces qui sont d'un calibre différent de celui qui est usité dans les armées françaises, sont autorisées et invitées à les faire refondre sans délai.
« Art. 17. Les muncipalités fourniront aux canonniers gardes nationaux, les armes et agrès nécessaires au service, ainsi que les munitions.
« Les administrations de département détermineront avec économie, les dépenses relatives à ces divers objets ; elles fixeront de même le nombre et la valeur des prix qui seront distribués aux meilleurs tireurs..
« Art. 18. Les municipalités régleront de concert avec les commandants en chef des gardes nationales, les jours et les heures des exercices et particulièrement des exercices à boulet. »
(L'Assemblée passe à la discussion du projet de décret).
, rapporteur, donne lecture du décret d'urgence et de l'article 1er, qui sont adoptés sans discussion ; puis de l'article 2 qui est ainsi conçu :
« Art. 2. Il sera formé, pour le service des 2 pièces d'artillerie attachées à chaque bataillon, 1 compagnie de canonniers gardes nationaux, composée de 1 capitaine commandant la compagnie, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 2 sergents, 4 caporaux, 1 tambour, 36 canonniers et 4 ouvriers. »
Je demande qu'outre les 36 canonniers, il y ait 2 artificiers.
(L'Assemblée adopte l'article 2 avec l'amendement de M. Merlin.)
, rapporteur, donné lecture des articles 3, 4 et 5 qui sont adoptés sans discussion, puis de l'article 6 qui est ainsi conçu :
« Art. 6. Les compagnies de canonniers gardes nationaux seront formées de la manière prescrite par l'article 4 de la section 2 du décret du 29 septembre 1791, relatif à l'organisation de la garde nationale. »
Je demande que M. le rapporteur ajoute que la changement de domicile ne détachera pas le canonnier de sa compagnie.
, rapporteur. J'adopte.
(L'Assemblée adopte l'article 6 avec l'amendement de M. Merlin.)
, rapporteur, donne lecture des, articles 7, 8, 9, 10 et 11, qui sont adoptés sans discussion, et de l'article 12 qui est ainsi conçu :
« Art. 12. Chacune des villes qui aura 1 bataillon de gardes nationales et 2 pièces d'artillerie, pourra entretenir, si les revenus de la
commune le lui permettent, 1 canonnier instructeur qui sera choisi par le corps municipal, de concert avec les capitaines des canonniers.
« Dans les villes où la garde nationale formera plus d'une légion, il pourra être entretenu un instructeur par légion. »
Je demande qu'il n'y ait d'instructeurs entretenus dans les communes qu'autant que le conseil général de la commune aura délibéré si les revenus de la ville le permettent. Je demande, en outre, que les instructeurs soient nommés par le conseil général de concert avec es capitaines.
, rapporteur. J'adopte.
(L'Assemblée adopte l'article 12 avec l'amendement de M. Delmas.)
, rapporteur, donne lecture des articles 13, 14, 15,16, 17 et 18 qui sont successivement adoptés sans discussion.
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant que le nombre de 17 hommes est insuffisant pour le service journalier des 2 pièces d'artillerie qui, en vertu du décret du 29 septembre 1791, peuvent être attachées à chacun des bataillons de gardes nationales, soit sédentaires, soit volontaires ; et reconnaissant qu'il est instant de donner aux canonniers des gardes nationales une organisation qui les mette à portée d'atteindre avec facilité le but .de leur institution, décrète qu'il y a urgence. »
« L'Assemblée nationale, après avoir éntendu le rapport de son comité militaire, et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit:
Art. 1er.
« Il pourra être attaché 2 pièces d'artillerie à chacun des bataillons des gardes nationales.
Art. 2.
a II sera formé, pour le service des 2 pièces d'artillerie attachées à chaque bataillon, 1 compagnie de canonniers gardes nationaux, composée de 1 capitaine commandant la compagnie, • 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 2 sergents, 4 caporaux, 1 tambour, 36 canonniers, "4 ouvrierset 2 artificiers.
Art. 3.
« Il y aura, dans chaque bataillon, 4 sapeurs, qui seront spécialement attachés aux compagnies de canonniers.
Art. 4.
« Au moyen de la formation des compagnies 'de canonniers gardes nationaux, et conformément au décret du 12 juin 1790, toutes autres compagnies destinées au service des bouches à feu seront réformées, quelque nom qu'elles portent; et il ne pourra, sous aucun prétexte, en être créé de nouvelles, ou conservé d'anciennes.
Art. 5.
« Les compagnies de canonniers gardes nationaux seront attachées aux bataillons de gardes nationales, et sous les ordres immédiats des commandants en chef desdits bataillons; elles
ne pourront, sous aucun prétexte, former un corps particulier dans la garde nationale.
Art. 6.
« Les compagnies de canonniers gardes nationaux seront formées de la manière prescrite par l'article 4 de la section 2 du décret du 29 septembre 1791, relatif à l'organisation delà garde nationale.
« Les canonniers gardes nationaux pourront, malgré le changement de leur domicile, rester attachés à leurs compagnies.
Art. 7.
« L'uniforme des canonniers gardes nationaux est réglé ainsi qu'il suit :
« Habit bleu de roi, doublure écarlate, collet rouge, passe-poil blanc, parements et revers bleus, passe-poil écarlate. Les autres parties de l'habillement seront ainsi qu'il a été réglé par l'article 37 de la section 2 du décret du 29 septembre 1791, concernant les gardes nationales.
Art. 8.
« Lorsque les canonniers gardes nationaux ne feront pas un service particulier comme canonniers, ils seront, comme le reste des gardes nationales, commandés â tour de rôle pour le service ordinaire; il pourra cependant leur être affecté des postes particuliers, tels que les dépôts des canons, des poudres, etc.
Art. 9.
« Les canonniers gardes nationaux auront pour armement, outre leur fusil, des pistolets et un sabre : ils porteront le sabre en ceinture : le ceinturon sera de cuir noir; la giberne sera semblable à celle du reste des gardes nationales.
Art. 10.
« L'armement des sapeurs consistera en 1 sabre soutenu par 1 baudrier blanc, 1 hache et son étui, 2 pistolets à la ceinture, et 1 tablier de cuir fauve.
Art. 11.
« Des 4 ouvriers attachés à chaque compagnie de canonniers volontaires, 2 séront choisis parmi les charrons ou charpentiers, et 2 parmi les forgerons ou serruriers; ils seront armés comme les sapeurs.
Art. 12.
« Chacune des villes qui aura 1 bataillon de gardes nationales et 2 pieces d'artillerie, pourra entretenir, si les revenus de la commune le lui permettent, et d'après une délibération du conseil général de la commune, 1 artificier et 1 canonnier instructeurs qui seront choisis par le conseil général, de concert avec les capitaines des canonniers.
« Dans les villes où la garde nationale formera plus d'une légion il pourra être entretenu 1 instructeur par légion.
Art. 13.
« Dans les villes dont la garde nationale formera plus de 2 légions, il pourra être nommé 1 adjudant particulièrement chargé des détails du service des canonniers volontaires : lorsque le nombre des légions s'élèvera à plus de 4 il pourra être nommé et entretenu 2 adjudants.
Art. 14.
« Les officiers et sous-officiers des canonniers gardes nationaux seront nommés suivant le mode prescrit pour les officiers et sous-officiers des gardes nationales : les adjudants seront nommés par tous les officiers des compagnies de canonniers.
Art. 15.
« Dans les villes qui réuniront une ou plusieurs légions, il pourra être formé un polygone pour servir à l'instruction des canonniers gardes nationaux.
« Les municipalités prendront toutes les précautions nécessaires,, afin de prévenir les dangers qui pourraient résulter de ce genre d'instruction.
Art. 16.
« Les villes qui possèdent des pièces d'artillerie connues sous le nom de bâtardes, pièces qui sont d'un calibre différent de celui qui est usité dans les armées françaises, sont autorisées à les faires refondre sans délai.
Art. 17.
« Les municipalités fourniront aux canonniers gardes nationaux les armes et agrès nécessaires au service, ainsi que les munitions de guerre utiles à leur instruction.
« Les administrations de département détermineront, avec économie, les dépenses relatives à ces divers objets : elles fixeront de même le nombre et la valeur des prix qui seront distribués aux meilleurs tireurs.
Art. 18.
« Les municipalités régleront, de concert avec les commandants en chef des gardes nationales, les jours et les heures des exercices, et particulièrement des exercices à boulet. »
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité militaire relatif au marché passé avec le sieur Guillaume-Augustin Baudouin, pour les transports militaires (1).
, rapporteur, donne lecture du projet de décret du comité; il est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe que le service des
transports militaires n'éprouve aucun retard, décrète l'urgence.
« L'Assemblée nationale, d'après la lettre du ministre de la guerre du 15 novembre dernier, par laquelle il expose qu'il serait plus économique de proroger, jusqu'au 1er juillet 1792, le marché passé par le conseil de la guerre pour les transports militaires ; après avoir entendu le rapport ae son comité militaire, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le marché passé avec le sieur
Guillaume-Augustin Baudoin, pour les transports militaires, qui devait
être résilié au 1er janvier 1792, en exécution d'un décret de
l'Assemblée nationale constituante, du 24 septembre 1791, aura sa pleine
et entière exécution, jusqu'au 1er juillet 1792 seulement, époque a
laquelle tombe la première échéance du marché passé pour 3, 6 ou 9
années.
« Art. 2. Au moyen de la disposition de l'article ci-dessus, ledit sieur Guillaume-Augustin Baudouin, ou ses ayants cause, ne seront admis à aucune réclamation ou indemnité pour frais de résiliation.
« Art. 3. Le pouvoir exécutif prendra les mesures convenables pour assurer le service des transports militaires, soit par une régie, soit par une entreprise au rabais et adjugée publiquement, conformément aux dispositions du décret de l'Assemblée nationale constituante du 24 septembre.
« Art. 4. Ledit décret du 24 septembre aura d'ailleurs son exécution dans toutes les dispositions auxquelles il n'est pas dérogé par le présent décret.
donne lecture du projet de décret qu'il a présenté à la séance du 7 février (1) ; il est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la proposition contenue en la lettre écrite à son Président par le ministre de la guerre, èt lue à l'Assemblée le 22 novembre dernier, ne peut qu'être préjudiciable aux intérêts de la nation;
« Considérant, d'ailleurs, que la retenue usu-raire de l'intérêt des intérêts, stipulée article 19^ du marché du sieur Baudouin, en date du 2 mai 1789, ainsi que le droit arbitraire, que l'article 25 du même marché lui attribue, de figurer alternativement comme entrepreneur ou comme régisseur, selon son plus grand intérêt, lui ont évidemment procuré de trop grands bénéfices, pour lui laisser aucun prétexte de réclamation en indemnité, ni aucun droit pour être employé plus longtemps au service de la nation d'après un pareil marché; considérant enfin qu'il est pressant de faire le service à des conditions moins onéreuses, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Lé ministre de la guerre est
tenu, sous sa responsabilité, de faire mettre à exécution, d'ici au 1er
avril prochain, le décret du 24 septembre dernier concernant le marché
passé par le conseil de guerre, le 2 mai 1789,
« Art. 2. En raison des dispositions illicites des articles 19,23 et 25 de ce marché, le sieur Guil-laume-Auguste Baudouin et ses ayants cause ne seront admis à aucunes réclamations en indemnité pour frais de résiliation du marché dont il s'agit.
« Art. 3. Le pouvoir exécutif prendra, dans le même délai, les mesures convenables, pour assurer le service des transports militaires qui se trouveront à ordonner audit jour 1er avril, de manière qu'ils puissent s'effectuer à cette époque, soit par une régie, soit par une entreprise adjugée au rabais, conformément aux dispositions de la loi du 16 octobre dernier.
« Art. 4. Cette loi aura d'ailleurs son exécution en tout ce à quoi n'est pas dérogé par le présent décret. »
Messieurs, par un de ces actes d'un pouvoir arbitraire qui n'étaient que trop fréquents dans l'ancien régime, M. Guillaume-Augustin Baudouin obtint, le 2 mars 1789, l'entreprise générale des transports militaires. Les régisseurs en exercice ne furent point appelés pour- concourir à l'adjudication au rabais. Ce marché clandestin fut passé par M. Brienne, la veille de la retraite de son ministère, et il fut ratifié par M. de Puységur, son successeur, qui le communiqua officiellement, le 9 juin, aux régisseurs, MM. Byétrix, en leur annonçant que leurs fonctions expireraient au 1er juillet.
Les anciens régisseurs étaient en activité depuis plus de 30 années, et s'étaient toujours conduits d'une manière irréprochable.
Ce n'est pas de la cause de quelques particuliers qu'il s agit ici, niais bien ae l'intérêt général. Or, on vous a solidement prouvé que le marché passé à M. Baudouin était vicieux en lui-même : 1° parce que l'entrepreneur y est autorisé à se faire payer l'intérêt des intérêts de ses avances; 2° parce qu'il peut convertir arbitrairement la condition d'entrepreneur en celle de régisseur. On vous a encore prouvé, d'une manière non moins incontestable, que ce marché était onéreux à la nation, en vous rappelant que les anciens commissaires ont produit au comité militaire de l'Assemblée constituante un tableau comparatif des transports qu'ils avaient fait exécuter pendant les 1 dernières années de leur gestion, appuyé du double des comptes qu'ils avaient rendus au ministre, d'où il a résulté que le prix commun de ces transports était bien inférieur à ceux du marché de M. Baudouin.
S'il est prouvé que les anciens commissaires ont régi avec plus d'économie que l'entrepreneur actuel; si, comme le dit encore M. de Puységur, ils ont constamment montré dans le service dont ils ont été chargés pendant 30 ans, tout le zèle, l'intelligence et l'honnêteté possibles, il est certain que l'adjudication clandestine des transports militaires qui a été faite sous M. Brienne, n'a eu pour objet que l'intérêt de quelques particuliers, au désavantage des anciens commissaires. L'Assemblée constituante, convaincue de toutes ces vérités, et voulant saper tous les abus, décréta, le 24 septembre 1791, que le marché serait résilié au 1er janvier 1792. Le 15 de novembre dernier, le ministre de la guerre vint vous en demander la prorogation jusqu'au mois de juillet prochain. La lettre de M. Duportail fut renvoyée à votre comité militaire, qui finit par vous présenter un projet de décrettel que l'avait sollicité le ministre.
Je suis dans la plus intime conviction que la même intrigue qui a dépossédé les anciens commissaires, les poursuit encore sous nos yeux.
Je n'ai vu dans cette affaire que des oppresseurs et des opprimés. J'ai été enfin indigne que l'on osât tenter de vous faire cimenter une abominable intrigue, ourdie et soutenue par 4 ministres consécutifs. Si j'en excepte M. de Narbonne, c'est qu'il a pu être de bonne foi, quand il vous a dit a la dernière discussion sur cette affaire « qu'ayant donné des ordres pour environ 30 millions pesant de transport, il ne pouvait prendre sur sa responsabilité, les inconvénients qui pourraient résulter de la résiliation des marchés. » Cependant, s'il eût eu connaissance de la lettre de M. de Puységur, il se serait convaincu de la futilité de cette suggestion. Il aurait vu que M. de Puységur, après avoir notifié aux anciens commissaires que leur régie cesserait au 1er juillet, et voulant prévenir l'inconvénient qui résulterait d'une interruption dans le service, s'exprime en ces termes : « Cependant les transports qui se trouveraient alors en route, continueront à être faits en votre nom, jusqu'à leur arrivée à leur destination. » Enfin il aurait pu, à la rigueur, demander à l'Assemblée la même réserve en faveur de M. Baudouin. II se serait même abstenu de la demander s'il avait fait attention : 1° que le délai d'un mois et demi fixé par le projet de décret de M. Déliars, pour la résiliation des marchés, était suffisant pour donner le temps aux transports ordonnés d'arriver à leur destination ; 2° que le service souffrira d'autant moins de cette résiliation, que certainement le nouvel adjudicataire ou régisseur, quel qu'il soit, n'emploiera pas pour ses préposés, des gens étrangers a la chose, et qu'il sera même intéressé à préférer les correspondants de l'entrepreneur actuel, dont partie ont été ceux des anciens commissaires, et qui, en total, seront bien aises d'être conservés.
Mais ce n'était pas de cette manière qu'il importait aux croupiers de là Compagnie Baudouin, d'éclairer un ministre trop peu ancien dans son département pour être à l'abri de toutes leurs subtilités. S'ils se sont servis de ce moyen spécieux, que le ministre ne pouvait point compromettre la responsabilité, c'est qu'ils ont senti qu'il ne se laisserait pas longtemps abuser par cette misérable chicane, que Poil avait mise dans, la bouche de M. Duportail, relativement à la prétendue indemnité que l'entrepreneur actuel se disait en droit de réclamer, parce que, dis-je encore, ils ont bien vu qu'elle se brisait contre cet axiome de droit consacré par nos lois, que fout acte infecté de dol ne peut subsister, et que la récision doit en être pure et- simple, c'est-à-dire, exempte de tout dédommagement quelconque.
Il résulte de tout ce que je viens de dire, que vous avez de grandes intrigues à déjouer dans l'affaire qui nous occupe. Je ne vous dirai pas précisément par qui elles sont dirigées, mais j'ai de grandes preuves morales qUe si vous en suiviez le fil tortueux dans tous ses détours, il vous conduirait infailliblement dans les bureaux du départepient de la guerre.
Aussi dois-je saisir cette occasion pour inviter le ministre actuel, au patriotisme duquel je me plais à croire, à se déner des gens qui l'entourent, et à distinguer l'intérêt général de l'intérêt de quelques intrigants. Sans doute que, mieux instruit que son prédécesseur, il ne se laissera pas aveugler par les prétendus dangers de la ré-
siliation du bail, et que, convaincu de tout l'odieux de ce marché, il sera le premier à solliciter l'exécution de la loi du 24 septembre.
J'appuie le projet de décret qui vous est présente par M. Déliars.
Un membre : Il existe un marché contracté entre un fonctionnaire public revêtu de pouvoirs suffisants, et un citoyen libre. Ce marché doit être maintenu, s'il n'y a pas cause de résiliation. On a opposé la clandestinité : on a cité des faits isolés. Mais je demande si c'est à l'Assemblée à juger? si elle en a le droit? Je soutiens la négative. Quelque dures que soient les conditions au marché fait avec M. Baudouin, il peut en exiger l'exécution, si elles sont légales. d'un autre côté, ce n'est pas à des législateurs, c'est à des juges à prononcer sur l'illégalité de ces conditions. Je demande donc que l'Assemblée, rapportant le décret du 24 septembre dernier, maintienne jusqu'au 1er juillet le marché avec M. Baudouin.
Je demande la question préalable et sur le projet du comité militaire et sur celui de M. Déliars ; voici mes motifs :
L'Assemblée constituante, sur le rapport de M. Regnault de Saint-Jean d'Angély, a décidé en connaissance de cause et prononcé la résiliation du bail fait avec M. Baudouin. Elle a renvoyé les mesures d'exécution de cette loi au pouvoir exécutif. Que fait le ministre Duportail? La loi ne lui convient pas; il la garde dans sa poche et laisse jouir le sieur Baudouin de son bail autant qu il veut. Puis, 2 mois après que l'Assemblée législative est en activité, M. Duportail vient avec une grande lettre pour vous proposer de rétracter la loi de l'Assemblée constituante. Vous avez renvoyé cette lettre au comité militaire et certainement alors, si j'avais connu les faits comme je les connais aujourd'hui, j'aurais demandé que le ministre fût tancé pour n'avoir pas exécute le décret de l'Assemblée constituante.
Si les ministres laissent les lois sans exécution et viennent 6 mois après en solliciter l'abrogation, le gouvernement est renversé. Si vous tolérez cétte conduite, les ministres se joueront perpétuellement de vos décrets.
Le rapport du comité militaire porte que le sieur Baudouin ne peut réclamer d'indemnité, puisque son bail estusuraire et le comité propose seulement de décréter la prolongation de ce bail jusqu'au 1er juillet. Mais, Messieurs, si vous fan siez cela, vous prouveriez incontestablement à toute la France que l'Assemblée constituante n'a pas eu raison et que le ministre Duportail a bien fait de ne pas exécuter la loi et de la garder dans sa poche. J'en dirai autant du projet de M. Déliars qui propose le terme du 1er avril. Je demande donc la question préalable sur les~ 2 projets de décret, en chargeant le ministre de la guerre, très expressément, d'exécuter la loi de l'Assemblée constituante et dé rendre compte de cette exécution dans quinzaine à l'Assemblée nationale.
Il y a deux objets très distincts. Le corps constituant avait décrété que le bail du sieur Baudouin serait résilié au 1er janvier; cela n'a pas été fait.
J'observe qu'il faut exécuter la loi le plus tôt possible parce que cè marché est cher, et en conséquence examiner à quelle époque, pour le salut de l'Etat, pour que la chose publique ne soit pas gênée, ce marché doit être résilié. Voilà ce qu'il faut décider d'abord. Le second objet
regarde l'indemnité réclamée par le sieur Baudouin. Je crois que ce dernier objet ne doit pas être soumis en ce moment à la discussion et que nous devons nous borner à délibérer sur le premier. En conséquence, je demande que l'on mette aux voix l'article 1er du projet de M. Déliars et que l'on règle ensuite ce qui est relatif à l'indemnité lorsqu'on aura fixé l'époque à laquelle on pourra résilier le marché.
L'exécution de la loi qui a été rendue par l'Assemblée constituante et qui annule le bail ne doit pas être retardée, et le ministre Duportail est coupable de n'avoir pas pris des mesures dès l'instant où cette loi a été rendue. Mais dans les circonstances présentes, je ne crois pas que vous puissiez adopter la proposition qui vous a été faite par M. Rouyer de rejeter par la question préalable les 2 projets de décret. Si, en effet, vous admettiez cette proposition, le bail du sieur Baudouin cesserait, et jusqu'à ce que vous ayez pu vous procurer un entrepreneur par une adjudication au rabais, votre armée serait nécessairement exposée à éprouver des retards dans les convois. Il faut qu'auparavant il se fasse une adjudication au rabais ; or, cette adjudication au rabais n'est pas pour Paris seul, puisqu'il y a des entrepreneurs dans tout le royaume ; elle doit être annoncée et les affiches doivent être mises dans un temps antérieur à l'adjudication.
Je propose donc de décréter, dès aujourd'hui, que le ministre de la guerre sera tenu, en exécution du décret du 24 septembre, de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire adjuger, au 1er mai par exemple, le marché des transports militaires, et, jusqu'à cette époque, de laisser la question indécise.
Il me sé'mblè que l'Assemblée agite une question qui ne lui est point soumise. Le seul objet qui doive l'occuper en ce moment est l'exécution de la loi du 24 septembre, que M. Duportail, alors ministre de la guerre, a laissée sans effet. 11 ne faut donc pas dire que le bail du sieur Baudouin courra jusqu'à l'époque du 1er mai ou du 1er juin, parce que dans ce cas il faudrait rapporter la loi du 24 septembre ; mais il faut dire qu'à l'époque du 1er mai prochain le ministre de la guerre sera tenu, sous sa responsabiilté, dq justifier à l'Assemblée des diligences qu'il aura faites pour assurer l'exécution de la loi du 24 septembre, et renvoyer au comité militaire pour examiner le mode ae responsabilité encourue par le ministre Duportail relativement à l'inexécution de cette loi. Autrement, si vous adoptiez la proposition telle qu'elle vous est faite, il s'ensuivrait que vous dérogeriez à la loi du 24 septembre et que vous cou-, vririez la responsabilité du ministre qui ne l'a pas fait exécuter. (.Applaudissements.)
, rapporteur. Le ministre de la guerre avait écrit, des le 23 novembre dernier, à r Assemblée nationale pour demander la permission de continuer le marché avec le sieur Baudouin. Il présenta sur cet objet un mémoire dans le courant du mois de décembre, et l'Assemblée avait en quelque sorte autorisé, par lé renvoi de la lettre et du mémoire au comité militaire, la suspension de l'exécution de la loi du 24 septembre.
Ce serait un abus des plus perfides si les ministres pouvaient faire des observations pour empêcher l'exécution d'une loi. Je
persiste dans mon opinion et je propose la rédaction suivante :
« Le ministre de la guerre sera tenu, sous sa responsabilité, de faire mettre à exécution, dans le plus bref délai possible, le décret du 24 septembre dernier, concernant le marché passé par le conseil de la guerre le 2 mai 1791, pour les transports militaires, et d'en rendre compte à l'Assemblée d'ici au 1er mai prochain. »
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs merhbres demandent la question préalable sur le projet du comité et celui de M. Dé-liars et l'adoption de la motion de M. Charlier.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet du comité militaire ni sur celui de M. Défiars, adopte la motion de M. Charlier sauf rédaction, et renvoie au comité militaire pour examiner quelle responsabilité a encourue M. Duportail pour l'inexécution de la loi du 24 septembre.)
Il faut un délai pour une adjudication quelconque. Lorsque l'adjudication sera faite, l'entrepreneur pourra-t-il, le lendemain, entrer en activité? Je ne le pense pas. Il faut donc distinguer l'époque à laquelle l'adjudication sera faite et l'époque à' laquelle cessera le service du sieur Baudouin.
Ce que demande M. Dorizy est décrété, puisque l'Assemblée a ordonné que le décret du 24 septembre serait exécuté d'ici au 1er mai. Il y a donc- un délai plus que suffisant pour faire les adjudications.
D'après la lecture de la loi du 24 septembre, il me semble qu'il est important et conforme à la loi qu'il n'y ait plus de régie. En conséquence, je propose a l'Assemblée de décréter que la régie pour les convois militaires est prohibée, et que les adjudications au rabais seront faites en exécution de l'article 6 du décret du 20 septembre 1791, portant suppression du corps des commissaires des guerres.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Charlier.)
Un membre : J'ai une observation à ajouter. Les adjudications jusqu'ici n'ont point été faites à jour indiqué. Elles ont été faites dans les bureaux de la guerre, de concert avec les premiers commis. On a fait paraître ce qu'on appelle de^ hommes de paille, qui ont eu l'air d'être très riches et qui en somme ne travaillaient pas pour leur compte. En conséquence, je demande que les adjudications soient commencées par des affiches et qu'elles soient faites publiquement et à heure indiquée.
Je demande que demain le comité militaire vous présente un mode d'adjudication.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Lacuée.)
Plusieurs membres : Le décret d'urgence !
(L'Assemblée décrète l'urgence.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est important d'assurer le service des transports militaires et en même temps de la manière la moins onéreuse à la nation, a décrété l'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, et sur la motion d'un de ses membres, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
«; Le ministre de la guerre rendra compte, au 1er mai prochain, à l'Assemblée nationale, de l'exécution au décret du 24 septembre dernier, relativement à la résiliation du marché passé au sieur Guillaume, Augustin-Baudouin, pour les transports militaires.
Art. 2.
« Ledit service des transports militaires ne pourra, dans aucun cas, être fait en régie, mais il sera donné en entreprise et au rabais par une adjudication publique, faite suivant les dispositions des articles 6,7,8 et 9 du décret du 20 septembre dernier concernant les commissaires des guerres. »
(La séance est levée à dix heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du mardi 13 mars 1792, au soir.
Rapport et projet de décret (1) sur le mode d'exécution de l'article 3 du titre Ier du Code pénal, fait au nom du comité de législation par . H. Carlier, député de l'Aisne (2).
Messieurs,
La loi a prononcé la peine de mort contre celui qui attaquerait le droit social, violerait la sûreté publique en ôtant la vie, ou en tentant de l'ôter à son semblable.
En décrétant le nouveau Code pénal, le législateur a éprouvé ce sentiment de douleur qui afflige toute âme sensible, lors même que le bonheur de la société lui fait un devoir de porter une loi rigoureuse et sévère.
Ce sentiment, louable dans vos prédécesseurs, a sans doute été cause qu'en prononçant la peine de mort, ils ont rédigé la loi d'une manière trop concise, et que le vice et la diversité qu'elle présente dans son exécution peuvent donner lieu à des événements fâcheux.
Le Code pénal, titre Ier, article III, porte : Tout condamné aura la tète tranchée.
D'après cette simple disposition de la loi, le ministre de la justice et le département de Paris ont prié l'Assemblée nationale de prononcer sUr le mode d'exécution; ils vous ont fait part, Messieurs, des difficultés qui s'élevaient, et qui sont telles, qu'on diffère dans divers endroits du royaume à faire subir au coupable la peine que son crime lui a méritée.
Vous avez, Messieurs, renvoyé à votre comité de législation à vous faire un rapport sur cette proposition du ministre, qui offre plutôt une question d'anatomie que de législation.
Quelque désagréable, Messieurs, que pût être la discussion d'une semblable matière, votre comité ne s'est pas moins empressé de s'en occu-
per. C'était pour lui un devoir qui lui a paru moins rigoureux, lorsqu'il y a vu un moyen de procurer au coupable une mort plus douce, et de ne pas laisser plus longtemps dans l'attente, des malheureux auxquels l'idée d'une mort prochaine fait éprouver chaque jour un nouveau supplice.
La loi, Messieurs, que je vais avoir l'honneur de vous proposer au nom de votre comité, est douloureuse à prononcer; mais lorsque vous ferez attention qu'elle préviendra des accidents fâcheux, que l'humanité la réclame, et que celui qui mérite la mort la supportera la plus douce possible, vous la regarderez comme un de vos devoirs le plus essentiel.
Ne s'agissant que du mode d'exécution, votre comité a pensé qu'il devait consulter une personne instruite en anatomie. U s'est adressé au secrétaire perpétuel de l'académie de chirurgie, dont les connaissances profondes, les découvertes utiles, ont si souvent rendu de grands services à l'humanité. Sa consultation a démontré la possibilité d'exécuter l'article 3 du Code pénal et d'en éviter les inconvénients prévus.
D'après cela, Messieurs, votre comité a cru pouvoir se dispenser de vous présenter les moyens d'exécution. Il a été persuadé qu'une discussion sur un pareil sujet répugnerait à votre sensibilité, et serait trop pénible à son rapporteur. Il a, d'après votre approbation, fait imprimer la lettre du ministre de la justice, celle au département de Paris, et la consultation du secrétaire de l'académie de chirurgie.
Ces pièces vous feront connaître la nécessité de décréter le mode d'exécution, afin qu'il soit uniforme pour tout le royaume, que la peine soit légalement appliquée la même pour tous, et qu'on ne vous consulte pas de nouveau sur une question aussi pénible à traiter.
D'après ces motifs, Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer, au nom de votre comité, les décrets suivants :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'incertitude sur le mode d'exécution de l'article 3 du titre 1er du Gode pénal, suspend la punition de plusieurs criminels qui sont condamnés à mort : qu'il est très instant de faire cesser des inconvénients qui pourraient donner lieu à des événements fâcheux; que l'humanité exige que la peine de mort soit la plus douce possible aans son exécution : décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que l'article 3 du titre Ier du Code pénal sera exécuté suivant la manière indiquée, et le mode adopté par la consultation signée du secrétaire perpétuel de l'académie de chirurgie, laquelle demeure annexée au présent décret : en conséquence, autorise le pouvoir exécutif à faire les dépenses nécessaires pour parvenir à ce mode d exécution, de manière qu'il soit uniforme dans tout le royaume. »
Lettre du ministre de la justice (1).
« Monsieur le Président,
« Je dois soumettre à la plus pressante consi-
dération de l'Assemblée nationale, un point dont la décision devient instante, et sur lequel néanmoins il me répugnerait beaucoup de m'expli-quer, si le besoin d'exécuter les jugements criminels, si l'humanité et le grand; intérêt de ne point pousser à la férocité le caractère national, ne me faisaient un devoir d'en parler une fois, pour n'y plus revenir ; il s'agit du mode d'exécution.
« Dans la condamnation à mort, nos nouvelles lois ne voient que la simple privation de la vie.
« Elles ont adopté la décollation, comme la peine la plus conforme à ce principe. A cet égard, elles se sont trompées, ou du moins, pour atteindre ce but, il faut chercher et généraliser une forme qui y réponde, et que l'humanité éclairée perfectionne l'art de donner ainsi la mort. L'Assemblée me permettra de ne pas entrer dans des détails que j'ai été condamné à entendre ; espèce de supplice que quelques-uns de ses membres voudront bien partager, pour être en état de lui faire le rapport. Je me contenterai de dire ici qu'il résulte des observations qui m'ont été faites par les exécuteurs, que, sans des précautions du genre de celles qui ont fixé un moment l'attention de l'Assemblée constituante, le supplice de la décollation sera horrible pour les spectateurs. Ou il démontrera que ceux-ci sont atroces, s'ils en supportent le spectacle ; ou l'exécuteur effrayé, lui-même, sera exposé à toutes les suites ae la colère du peuple, devenu cruel et injuste à son égard, par humanité.
« Monsieur le Président, je n'ai pas besoin de faire sentir à l'Assemblée nationale combien cet objet sollicite une prompte décision, car déjà le cas est arrivé, où l'application de la loi est devenue nécessaire, et l'exécution est arrêtée par l'humanité des juges et par l'effroi de l'exécuteur.
« Je suis avec respect,
« Monsieur le président.
« Votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : M. L. F. DUPORT.
Paris, ce 3 mars 1792.
Lettre du directoire du département de Paris (1)
« Monsieur le Président,
« Le second tribunal criminel étant dans le cas de faire exécuter un jugement de mort, a demandé au directoire du département de déterminer comment s'exécuterait l'article 3 du Code .pénal, qui est conçu en ces termes : tout condamné (à la peine de mort) aura la tête tranchée. Le directoire a considéré que la loi ne déterminant pas le mode d'exécution de cet article, il n'était pas possible d'en indiquer d'autre que celui qui a été employé par le passé, mais l'exécuteur de la justice lui a témoigné la crainte de ne pas remplir le vœu de la loi : ce vœu est de ne faire souffrir au coupable que la mort simple. L'exécuteur, faute d'expérience, peut faire de la décollation un supplice affreux; et c'est ce que nous sommes dans le cas d'appréhender.
« Nous déposons alors dans le sein de l'Assem-
blée nationale les circonstances qui nous paraissent rendre un décret nécessaire sur le mode d'exécution de l'article 3 du Gode pénal.
« Nous sommes avecirespect,
« Monsieur le président,
« Vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Les administrateurs composant le directoire du département de Paris. »
Paris, le
Avis motivé sur le mode de la décollation.
Le comité de législation m'a fait l'honneur de me consulter sur 2 lettres écrites à l'Assemblée nationale concernant l'exécution de l'article 3 du titre I du Gode pénal, qui porte que tout condamné à la peine de mort, aura la tête tranchée. Par ces lettres, M. le ministre de la justice et le directoire du département de Paris, d'après les représentations qui leur ont été faites, jugent qu'il est de nécessité instante de déterminer avec précision la manière de procéder à l'exécution de la loi; dans la crainte que si* par la défectuosité du moyen ou faute d'expérience et par maladresse, le supplice devenait horrible ppur le patient et pourles spectateurs, le peuple, par humanité, n'eût occasion d'être injuste et cruel envers l'exécuteur; ce qu'il est important de prévenir.
J estime que les représentations sont justes et lés craintes bien fondées, l'expérience et la raison démontrent également que le mode en usage par le passé pour trancher la tête à un criminel, l'expose à un supplice plus affreux que la simple privation de la vie, qui est le vœu formel de la loi : pour le remplir, il faut que l'exécution soit faite en un instant et d'un seul coup. Les exemples prouvent combien il est difficile d'y parvenir.
On doit rappeler ici ce qui a été observé à la décapitation de M. de Lally. Il était à genoux, les yeux bandés. L'exécuteur l'a frappé à la nuque. Le coup n'a point séparé la tête, et ne pouvait le faire. Le corps, à la chute duquel rien ne s'opposait, a été renversé en devant, et c'est par 3 ou 4 coups de sabre que la tête a été enfin séparée du tronc. On a vu avec horreur cette hacherie, s'il est permis de créer ce terme.
En Allemagne, les exécuteurs sont plus expérimentés, par la fréquence de ces sortes d'expéditions, principalement parce que les personnes du sexe féminin, de quelque condition qu'elles soient ne subissent point d'autre supplice. Cependant la parfaite exécution manque souvent, malgré la précaution, en certains lieux, de fixer le patient assis dans un fauteuil.
En Danemark, il y a 2 positions et 2 instruments pour décapiter. L'exécution qu'on pourrait appeler honorifique, se fait avec un sabre. Le criminel, à genoux, a un bandeau sur les yeux, et ses mains sont libres. Si le supplice doit être infamant, le patient, lié, est couché sur le ventre, et on lui coupe la tête avec une hache
Personne n'ignore que les instruments tranchants n'ont que peu ou point d'effet, lorsqu'ils frappent perpendiculairement. En les examinant au microscope,;,on voit qu'ils ne sont que des scies plus ou moins fines qu'il faut faire agir en glissant sur le corps à diviser. On ne réussirait
pas à décapiter d'un seul coup, avec une hache ou couperet dont le tranchant serait en ligne droite; mais avec un tranchant convexe, comme aux anciennes haches d'armes, le coup asséné n'agit perpendiculairement qu'au milieu de la portion du cercle; mais l'instrument, en pénétrant dans la continuité des parties qu'il divise, a, sur les côtés, une action oblique en glissant, et atteint sûrement au but.
En considérant la structure du col, dont la colonne vertébrale est le centre, composée de plusieurs os dont la connexion forme des enchevau-chures, de manière qu'il n'y a pas de joint à chercher, il n'est pas possible d'être assuré d'une prompte et parfaite séparation, en la confiant à un agent susceptible de varier en adressé par des causes morales et physiques. Il faut nécessairement, pour la certitude du procédé, qu'il dépende de moyens mécaniques invariables, dont on puisse également déterminer la force et l'effet. C'est le parti qu'on a pris en Angleterre. Le corps du criminel est couché sur le ventre entre deux poteaux barrés par le haut par une traverse, d'où l'on- fait tomber sur le col la hache convexe, au moyen d'un déclic. Le dos de l'instrument doit être assez fort et assez lourd pour agir efficacement, comme le mouton qui sert à enfoncer des pilotis. On sait que sa force augmente en raison de la hauteur d'où il tombe.
Il est aisé de faire construire une pareille machine, dont l'effet est immanquable. La décapitation sera faite en un instant, suivant l'esprit et le vœu de la nouvelle loi. Il sera facile d'en faire l'épreuve sur des cadavres, et même sur un mouton vivant. On verra s'il ne serait pas nécessaire de fixer la tête du patient par un croissant qui embrasserait le col au niveau de la base du crâne. Les cornes ou prolongements de ce croissant, pourraient être arrêtées par des clavettes sous l'échafaud. Cet appareil, s'il paraît nécessaire, ne ferait aucune sensation, et serait à peine aperçu.
Consulté à Paris, le 7 mars 1792.
Louis, secrétaire perpétuel de l'Académie de chirurgie.
Séance du
présidence de mm. guyton-morveau, président et lacépède; ex-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieûr, datée du jour dhier, qui informe l'Assemblée nationale qu'il a pris toutes les précautions préliminaires pour l'exécution du décret du 9 de ce mois qui met à sa disposition une somme de 10 millions destinée a l'achat de graines chez l'étranger; mais n'ayant encore connu ce décret que par les papiers publics, il demande que l'Assemblée le lui fasse connaître officiellement parce que les mesures ultérieures qu'il doit prendre sont arrêtées et qu'il est très important d'éviter, par la plus grande célérité, les spéculations individuelles qui pourraient nuire à cette grande opération.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des décrets.)
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, datée du jour d'hier, avec 2 états des lois et actes du Corps législatif adressés aux directoires des départements.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des décrets.)
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, datée du jour d'hier, qui adresse à l'Assemblée l'inventaire du cabinet de physique de M. Charles, donné à l'Assemblée nationale et accepté par elle le 15 janvier 1792 ; cette lettre est ainsi conçue (1).
« Paris, le
« Monsieur le Président.
« J'ai ;déjà informé l'Assemblée nationale, par ma lettre du 13 février dernier, des premières mesures que j'avais prises pour l'exécution de son décret du 15 janvier dernier par lequel elle a accepté l'offre qui lui a été faite par M. Charles de son cabinet de physique (2).; il s'agissait de trouver un emplacement convenable; je me suis concerté à cet . égard avec M. l'intendant de la liste civile. Une partie de la galerie d'Appollon dépendant du Louvre a paru remplacement le plus avantageux et le roi a bien voulu approuver cette destination. On travaille dans ce moment à clore cette partie et à faire les dispositions nécessaires, et ce cabinet pourra à ce moyen y être incessamment transféré. L'inventaire des pièces qui le composent a été fait par des personnes que j'avais nommées à cet effet; j'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous envoyer une expédition de cette inventaire (3). L'Assemblée nationale le jugera sans doute devoir le faire déposer aux Archives nationales, ces mêmes personnes qui ont fait cet inventaire en feront le recollement aussitôt que tous les articles qui composent le cabinet auront été transférés au Louvre afin de constater l'exactitude de cette translation ; il me sera remis une expédition du procès-verbal qui aura été dressé de ce recollement, et j'aurai l'honneur de vous l'adresser pour être également déposé à l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect.
« Monsieur le Président.
« Votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : B.-G. cahier.
« M. le Président de l'Assemblée nationale. »
(L'Assemblée renvoie la lettre et l'inventaire aux Archives.)
4° Lettre de M. de Graves, ministre de la guerre, datée du 13 de ce mois, relative à l'exécution de la loi du 16 octobre, qui prononce la résiliation du marché, passé en 1789 par le conseil dé guerre.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.
« Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de vous adresser copie de la lettre des administrateurs du district de Montargis, relative aux troubles dont ce district est menacé. La disposition des esprits, les causes de la fermentation sont présentées par le directoire àvec une méthode, une clarté qui rend inutiles toutes observations de notre part. Les subsistances sont le prétexte, les billets de confiance sont la cause de cette fermentation. La réception de ces billets dans les caisses patriotiques, pour le payement des subsides est une question ae la plus grande importance. Le refus fait de les recevoir est un tocsin d'alarmes. Nous avons engagé provisoirement le receveur de Montargis à les recevoir, sauf à lui à les faire échanger à Paris, aussitôt qu'il en aurait reçu jusqu'à concurrence de 200 à 300 livres. Nous espérons du zèle du receveur ce que nous- lui demandons, mais nous n'avons pas le droit de l'exiger. -
« Après vous avoir instruit de la situation de notre département, nous vous répondons de notre dévouement pour garder avec honneur le poste où nous sommes placés ; nous avons juré de maintenir la Constitution et nous demandons qUe les fonctionnaires publics et les gardes nationales qui quitteraient leur poste soient privés des droits de citoyen. (Applaudissements.) „ « Nous sommes avec respect, etc.
(Suivent les signatures.)
Un membre : Je demande la mention honorable au procès-verbal et le renvoi à la commission des Douze pour ce qui concerne les troubles, et au comité des assignats et monnaies pour la question de l'échange.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable au procès-verbal de la conduite de ces administrai teurs et renvoie les lettres au comité des Douze et à celui des assignats et monnaies réunis.)
6° Lettre du sieur Aragon, datée du jour d'hier, concernant la récompense proposée pour le sieur Jean-Louis, comme ayant dénoncé et fait arrêter à Calais deux contrefacteurs d'assignats de 300 livres (1).
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des assignats et monnaies.)
7° Pétition des sous-officiers, grenadiers et fusiliers du 9e régiment ci-devant Normandie, en garnison à Belle-Isle-en-Mer, qui présentent quelques réclamations contre le nouveau règlement militaire publié par M. de Narbonne. Ils désirent une discipline.même austère, mais au moins con-
forme à la raison et digne d'hommes libres; ils jurent une fidélité inviolable à leurs devoirs : la liberté ou la mort, voilà leur devise.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
8° Lettre du sieur Laporte, intendant de la liste civile, qui déclare que le sieur Reiche, dénoncé à la section de la Halle-aux-Blés comme soudoyant des gens dans différents lieux publics, n'est point dans ses bureaux, qu'il ne le connaît point et qu'il n'en a jamais entendu parler; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président.
« Le sieur Reiche a été dénoncé, il y a quelques jours, à la section de la Halle-aux-Blés, et au tribunal de police correctionnelle, comme soudoyant des gens dans différents endroits, "et il s'est dit commis de M. Laporte, intendant de la liste civile. J'aurais peut-être négligé de relever cette assertion, rapportée dans plusieurs journaux, et dont la fausseté est très facile à prouver, s'il n'en avait pas été question à l'Assemblée nationale (1). Mais cette dernière circonstance ne me permet pas de garder le silence, et je m'empresse de vous attester, Monsieur le Président, que je ne connais point M. Reiche, que je n'en ai jamais entendu parler, et qu'il n'y a dans mes bureaux aucun commis qui porte ce nom.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : LAPORTE, intendant de la liste civile.
Plusieurs membres : Au comité de surveillance!
(L!Assemblée renvoie la lettre du sieur Laporte au comité de surveillance.)
, secrétaire. On me remet dans cet instant une pétition de plusieurs citoyens de la ville de Sierck, qui déclarent que les 2 particuliers qui se sont présentés comme députés de leur ville, et qui ont été admis à la barre de l'Assemblée nationale, à la séance du soir 28 février dernier, y ont fait un exposé calomnieux pour justifier 1 arrestation faite à la Bàsse-Cuntz des sieurs Lassaux et Schappes (2).
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de surveillance 1
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de surveillance.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
10 Lettre da tée d'hier, d'un citoyen qui ne se nomme pas et déclare seulement être un jeune garde national parisien. Il dépose sur l'autel de la patrie une somme de trente livres pour subvenir aux frais de la guerre ; cette lettre est ainsi conçue (3) :
« Monsieur le Présidènt,
« Ne pouvant aller dans ce moment-ci attendre l'ennemi sur les frontières
avec mes camarades qui y sont, quoique j'en aie le plus violent désir,
je déposé sur l'autel de ma patrie la somme mo-
« Soumis avec respect à la volonté de mon père, je suis privé du bonheur d'être placé au poste le plus périlleux, j'en suis consolé par cette réflexion, que j'ai une tâche assez honorable à remplir en contribuant à maintenir la tranquillité dans le sein de la capitale où siège l'Assemblée nationale.
Signé : Un jeune garde nationale parisien. »
« Paris, le 13 mars 1792. »
Plusieurs membres : Mention honorable !
(L'Assemblée accepte le don et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
2° Pétition du sieur Jérôme Laporte, ancien vérificateur des domaines du roi, pensionné à l'époque de sa retraite, forcée par la faiblesse de sa vue. Il demande la continuation de sa pension, et des secours provisoires jusqu'à ce qu elle soit liquidée.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
3° Adresse de la Société des amis de la Constitution de Bordeaux, du 8 de ce mois, qui peint l'enthousiasme patriotique avec lequel près de 6,000 citoyens ont voulu contribuer au complément de 1 armée.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 13 mars, au matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture dune lettre des sieurs Millet, commandant de la garde nationale de Taverny, et Lefournier, maire de la même ville, qui demandent à être introduits à la barre pour faire hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Rapprochement des maximes et de la morale delà religion et delà conduite du clergé depuis les premiers siècles de l'Eglise jusqu'à nos jours (1) ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Nous désirerions faire à l'Assemblée nationale l'hommage d'un ouvrage que nous avons composé pour éclairer les habitants de la campagne sur les manœuvres des prêtres contre la Constitution. Cet ouvrage offre le rapprochemènt des maximes et de la morale de la religion et de la conduite du clergé depuis les premiers siècles de l'Eglise jusqu'à nos jours; partout on y verra que l'ambition, l'intérêt et la vengeance ont été les moteurs secrets des guerres entreprises sous le prétexte de la religion, et c'est répondre aux vœux de l'Assemblée nationale que d'éclairer cette "portion de Français qui, par son ignorance et sa simplicité, sert plus qu'on ne se le persuade les complots de nos ennemis. »
« Nous sommes avec respect, Monsieur le Président,
« Vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Signé : ANT. MiLLET, LEFOURNIER,
commandant de la garde maire de Taverny. nationale de Taverny.
Un membre : Je demande que le comité de législation fasse demain son rapport sur la brochure intitulée : Adresse au Peuple français, dont 300 exemplaires ont été distribués hier aux membres de l'Assemblée.
Je viens de recevoir une lettre par laquelle on m'annonce la continuation de la distribution.
Un membre : Je demande que cet ouvrage soit renvoyé à l'accusateur public.
La seule justice que l'on .puisse faire d'un semblable écrit est de l'envelopper du plus profond mépris.
J'observe qu'aucun ouvrage ne devrait être ainsi distribué, s'il n'est signé de l'auteur ou de l'imprimeur. La brochure dont il s'agit ayant été renvoyée au comité de législation, on doit par ce motif passer à l'ordre du jour.
Un membre demande la parole et veut revenir sur le décret rendu dans la séance d'hier (1) sur les troubles d'Arles, par lequel plusieurs fonctionnaires publics, du nombre desquels sont les administrateurs du directoire du département des Bouches-du-Rhône, ont été mandés à la barre. Il représente que ces administrateurs n'ont abandonné leur poste, que par les risques auxquels leur vie se trouvait exposée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 13 mars 1792, au soir.
Un de MM. les secrétaires annonce l'envoi d'un mémoire du sieur Romé, officier général et commandant la garde nationale de Blois, dont l'objet est de former 8 légions de troupes légères et où il donne un plan détaillé de la composition et du service de ces légions.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait, dans son procès-verbal, mention honorable de cet ouvrage et le renvoie au comité militaire.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des administrateurs du directoire du département du Cantal qui annoncent une forte insurrection dans la mile de Mende et que la garde nationale du Cantal marque l'empressement d'aller au secours des patriotes ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président, le département de la Lozère est en insurrection ; le sang coule dans la ville de Mende qui est. le chef-lieu. Le fanatisme et l'aristocratie coalisés oppriment les amis delà Constitution que le département possède dans son sein. Ils sont traînés dans les cachots, courent tous les jours les risques d'être massacrés. Diverses pièces dont nous avons l'honneur de vous envoyer expédition nous apprennent ces tristes nouvelles ; veuillez bien les présenter à l'Assemblée nationale, elles intéresseront sans doute sa sollicitude paternelle. La garde nationale du Cantal marque l'empressement d'aller au secours des patriotes.
« Nous sommes avec respect, etc.
(Suivent les signatures.)
Un membre, député du département de la Lozère r Des lettres particulières m'annoncent que ces troubles sont en partie apaisés.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre à la commission des Douze et décrète la mention honorable dans son procès-verbal du dévouement des gardes nationales du département du Cantal.)
Un membre, au nom du comité de division, propose un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, déclare valables et vérifiés les pouvoirs du sieur Puceller comme second suppléant à cette législature, nommé par procès-verbal de l'assemblée électorale du département de la Somme, du 7 septembre 1791; en conséquence, décrète qu'il sera admis à la prestation au serment exigé par la loi, et à remplir ses fonctions en cette assemblée, attendu le décès du sieur Quillet, et l'admission précédente du premier suppléant aux lieu et place d'un membre ae la députation du département de la Somme, qui a donné sa démission. »
monte à la tribune et prête le serment individuel prescrit par ht Constitution.
Je suis chargé de faire hommage à l'Assemblée nationale d'un plan d'éducation a donner au prince royal, composé par M. Delmasse, homme de loi à Dijon (1).
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de l'hommage et renvoie ce mémoire au comité d'instruction publique.)
, au nom du comité de marine, fait uné troisième lecture d'un projet de décret tendant à faire concourir au service et aux places de la marine, les officiers qui s'en étaient retirés et qui demandent a y rentrer. Le projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine,
« Considérant les inconvénients qui résulteraient d'une interprétation trop rigoureuse de l'article 25 de la loi du 7 janvier 1791 sur les classes des gens de mer, ainsi que de l'article 15 de la loi du 15 mai 1791, relative au corps de la marine ; et voulant traiter favorablement les officiers qui peuvent être susceptibles de leur retour au service, et être compris dans la nouvelle organisation de la marine, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les officiers militaires de la marine, mentionnés en l'article 25 de la loi du 7 jan?. vier 1791 sur les classes des gens de mer qui avaient quitté le service de la mer avant d*entrer dans celui des classes, et qui seront susceptibles de leur retour au service, pourront concourir avec les autres officiers militaires des classes, mentionnés en l'article 24 de lasusditè loi, pour la nouvelle organisation du corps de la marine ou pour les remplacements qui seraient à faire après ladite organisation, dans le cas où ils n'auraient pu y être compris.
« Art. 2. Les sous-lieutenants supprimés, qui ont servi sur les vaisseaux
de l'Etat pendant la dernière guerre, et qui ont navigué, avec pér-
« Art. 3. Les officiers qui, après avoir été compris dans la nouvelle organisation de la marine, demanderont leur retraite, ne pourront obtenir une pension de retraite, à raison de leur nouveau grade, qu'après la cinquième année de leur nouveau service, pour les officiers supérieurs, y 'compris les capitaines de vaisseau et après la huitième année de service pour les officiers des grades inférieurs à celui de capitaine de vaisseau. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de statuer définitivement.)
, rapporteur, donne lecture du préambule et de l'article l®r qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu les 3 lectures faites dans les séances des 6, 11 février, et dans celle de ce jour, du rapport de son comité de marine ;
« ' Considérant les inconvénients qui résulteraient d'une interprétation trop rigoureuse de l'article 25 de la loi du 7 janvier 1791, sur les classes des gens de mer, ainsi que de l'article 15 de la loi du 15 mai 1791, relative au corps de la marine; et voulant rendre justice aux officiers qui peuvent être susceptibles de leur retour au service, et être compris dans la nouvelle organisation de la marine,
« Décrété ce qui suit :
Art. 1er.
« Les officiers militaires de la marine, mentionnés en l'article 25 de la loi du 7 janvier 1791, sur les classes des gens de mer, qui avaient quitté le service de la mer avant-d'entrer dans celui des classes, et qui seront susceptibles de rentrer au service, pourront concourir avec les autres officiers militaires des classes, mentionnés en l'article 29 de la susdite loi , pour la nouvelle organisation du corps de la marine, ou pour les remplacements qui seraient à faire après ladite organisation, dans le cas où ils n'auraient pu y être compris ».
, rapporteur. Voici l'article 2 :
« Art. 2. Les sous-lieutenants supprimés, qui ont servi sur les vaisseaux de l'Etat pendant la dernière guerre, et qui Ont navigué, avec permission du ministre de la marine, sur les navires de commerce, depuis qu'ils ont été faits sous-lieutenants, peuvent être dispensés du service exigé par l'article 15 de la loi du 15 mai 1791, relative au Corps de la marine, et concourir suivant l'article 14 de la même loi, avec les autres Fous-lieutenants, pour le grade de lieutenants ue vaisseau et d'enseignes entretenus, en exécution de la susdite loi du 15 mai 1791. »
Je propose d'étendre les dispositions de cet article aux officiers que la maladie aurait empêchés de servir.
Un membre : Je demande que la maladie soit constatée par des certificats des corps administratifs.
Un membre : j'observe que l'absence par mala-
die, est une excuse de droit et qu'il n'est pas besoin de loi.
Un membre : Je demande la question préalable sur l'addition proposée par M. le rapporteur et je rappelle à ce sujet l'exemple des décrets rendus sur les officiers de l'armée de ligne et sur les émigrés, dans lesquels.la même proposition de spécifier dans la loi l'exception de maladie, a été rejetée.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'addition proposée par M. Grégoire);
Un membre. Je demande qu'au lieu des mots « peuvent être dispensés », on substitue ceux-ci : t sont dispensés. »
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
Je demande que l'articlé 2 soit étendu aux officiers de marine destitués arbitrairement et sans jugement préalable.
En appuyant, je propose d'ajouter : « Sans que l'interruption de service puisse préjudiçier à leur droit d'ancienneté. »
Un membre: Il faut distinguer entre les officiers qui ont quitté volontairement le service et ceux qui n'y ont pas été continués.
Alors il suffirait de déclarer que les dispositions de la loi du 21 septembre dernier, qui porte que les officiers de l'armée de terre, destitués arbitrairement reprendront leur rang, s'appliquent également aux officiers de l'armée de mer et que ces derniers seront toujours réputés avoir été en activité de service.
Un membre : Je demande que les officiers qui ont servi dans la, dernière guerre et qui voudront rentrer dans le service y soient .admis.
Je demande que l'on déclare admissibles tous les officiers qui peuvent être utiles; ceux qui ont été supprimés, ceux qui ont été destitués arbitrairement et ceux qui ont pris volontairement leur retraite, en ne mettant à cette faculté d'autre condition que d'avoir servi sur les vaisseaux marchands, depuis la paix, sans considération de la permission du ministre.
, rapporteur. J'adopte l'amendement de M. Albite tendant à supprimer les mots : « Avec permission du ministre de la marine. »
(L'Assemblée décrète la suppression de ces' mots.)
Un membre: Je demande l'ajournement de toutes les motions qui viennent d'être faites au moment où l'état des revues apprendra quels doivent être les remplacements.
Un membre : Il est urgent d'organiser la marine et de rappeler ceux, qui vu la désertion de la plupart des officiers, peuvent la compléter. J'ins-siste pour que les officiers auxiliaires, renvoyés après la campagne et qui ont eu la confiance du gouvernement pendant la guerre, puissent reprendre leur rang, en justifiant qu'ils né sont pas sortis du royaume et qu'ils ont prêté le serment civique.
(L'Assemblée décrète que la loi du 21 septembre, concernant les officiers des troupes de ligne destitués arbitrairemént et sans jugement, aura son application aux officiers de l'armée de mer.)
Je demande que l'Assemblée décrète l'article 2 tel qui est présenté par le comité et qu'elle renvoie la rédaction de la proposition que vous venez d'adopter et l'examen des autres questions qui se sont élevées^ par amendement ou par addition, au comité de
marine qui sera chargé de vous, présenter des articles additionnels.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Aubert-Dubayet et adopte l'article 2).
En conséquence, cet article est ainsi conçu :
« Art. 2.
« Les sous-lieutenants supprimés qui ont servi sur les vaisseaux de l'Etat pendant la dernière guerre, et qui ont navigué sur les navires du commerce, depuis qu'ils ont été faits sous-lieute-nants, sont dispensés du service exigé par l'article 15 de la loi du 15 mai 1791, relative au corps de la marine, et pourront concourir, suivant l'article 14 de la même loi, avec les autres sous-lieutenants, pour le grade de lieutenants de de vaisseau et d'enseignes entretenus, en exécution de la susdite loi au 15 mai 1791. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :
« Art. 3. Les officiers qui, après.avoir été compris dans la nouvelle organisation de la marine, demanderont leur retraite, ne pourront obtenir une pension de retraite à raison de leur nouveau grade, qu'après la cinquième année de leur nouveau service, pour les officiers supérieurs, y compris les capitaines de vaisseaux, et après la huitième annee de service pour les officiers de grades inférieurs à celui de capitaine de vaisseau." »
Cet article présente une inégalité qui serait une injustice. Je demande que le temps de service, avant la retraite, soit le même pour tous les officiers, et je propose en conséquence de renvoyer l'article au comité.
(L'Assemblée renvoie l'articlé 3 au comité.)
Suit la teneur des articles décrétés :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu les 3 lectures faites dans ses séances des 6 et 11 février et dans celle de ce jour, du rapport de son comité de marine;
« Considérant les inconvénients qui résulteraient d'une interprétation trop rigoureuse de l'article 25 de la loi du 7 janvier 1791, sur les classes des gens de mer, ainsi que de l'article 15 de la loi du 15 mai 1791, relative au corps de la marine; et voulant rendre justice aux officiers qui peuvent être susceptibles de leur retour au service et être compris dans la nouvelle organisation de la marine;
« Décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les officiers militaires de la marine, mentionnés en l'article 25 de la loi du 7 janvier 1791, sur les classes des gens de mer, qui avaient quitté le service de la mer avant d'entrer dans celui des classes, et qui seront susceptibles de rentrer au service, pourront concourir avec les autres officiers militaires des classes, mentionnés en l'article 29 de la susdite loi, pour la nouvelle organisation du corps de la marine, Ou pour les remplacements qui seraient à faire après ladite organisation dans le cas où ils n'auraient pu y être compris.
Art. 2.
« Les sous-lieutenants supprimés, qui ont servi sur les vaisseaux de l'Etat pendant la dernière guerre, et qui ont navigué sur les navires de
commerce depuis qu'ils .ont été faits sous-lieutenants, sont dispensés du service exigé par l'article 15 de la loi du 15 mai 1791, relative au corps de la marine, et pourront concourir suivant l'article 14 de la même loi, avec les autres sous-lieutenants, pour le grade de lieutenants de vaisseau et d'enseignes entretenus, en exécution de la susdite loi du 15 mai 1791. »
, ex-Président, prend place au fauteuil.
Présidence de M. Lacépède.
Un membre : Les 308 jeunes gens d'Agen qui se sont engagés dans l'armée de ligne pour aller défendre les frontières demandent a présenter à l'Assemblée l'hommage de leur respect et de leur dévouement.
Plusieurs membres : De suite ! De suite !
(L'Assemblée décide que la députation sera admise sur-le-champ.)
La députation composée de 120 volontaires d'Agen est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Législateurs,
« Nous avions terrassé dans nos foyers l'aristocratie et le fanatisme ; nous y jouissions des bienfaits de la Constitution. Vous avez appelé les citoyens à la défense de la patrie ; nous sommes accourus. Nous nous éloignons des frontières voisines de notre département, parce que les hautes montages qui nous séparent de nos ennemis, semblaient nous y disputer la gloire de les vaincre. Faire triompher notre sainte Constitution ou périr avant elle, tel fut le serment que nous avons prêté entre les mains de nos administrateurs, nos frères et nos amis. Nous venons le renouveler en présence des législateurs, nos défenseurs et nos pères. Oui, représentants d'un peuple libre, les citoyens d'Agen porteront dans les troupes ae ligne l'esprit et les sentiments des gardes nationales. (Applaudissements, Bravo ! Bravo !) Haine aux tyrans, fraternité envers les citoyéns, force à la loi (Applaudissements.), respect pour ses organes, obéissance aux règles de la discipline militaire, vaincre ou mourir à notre poste (Applaudissements réitérés.) j tels sont nos devoirs, telle sera la règle invariable de notre conduite. Rarement la victoire abandonna les drapeaux de la liberté; mais, si tel est notre destin, que la victoire doive être acquise au prix de notre sang, notre sort sera digne d'envie. Nous aurons défendu la Constitution entre l'orgueil farouche des tyrans et la basse férocité des esclaves.
« Législateurs, empressés de nous réunir aux frères d'armes que nous avons adoptés, nous n'abuserons pas plps longtemps de vos moments précieux ; parler peu et frapper fort, c'est l'éloquence du soldat. (Applaudissements.)
« Législateurs, nous avons choisi, pour nous conduire au poste d'honneur qui nous attend, M. Ladavière, brave et ancien militaire, dont l'expérience nous est connue ; nous vous prions d'une voix unanime de vouloir bien lui accorder, dans le régiment dans lequel nous nous sommes incorporés, un grade digne de ses mérites, et pour le même temps de notre engagement ; et nous jurons tous ae lui avoir toujours la même obéissance ».
, répondant à la députation.
« Citoyens d'Agen, Soldats de la liberté,
« Cette enceinte, consacrée à la loi, avait déjà retenti des applaudissements donnés à votre courageux dévouement. A peine le vœu des législateurs de l'Empire était-il parvenu dans la ville gui vous a vus naître, et où je me félicite d'avoir aussi reçu le jour, que vous vous êtes empressés de faire ouvrir le noble registre des défenseurs de la Constitution. Vous avez voulu être comptés des premiers parmi les nombreuses légions que la terre de la liberté semble enfanter de toutes parts. Vous venez aujourd'hui, au mi-
: i (?6{représentants de la patrie, renouveler vos serments de vaincre ou de mourir pour elle; Ils sont sensibles à vos généreuses promesses. Ils permettent à une voix qui vous est connue, de vous témoigner de nouveau leur sasisfaction. Allez, jeunes guerriers, où vous appelle votre civisme; et, si les ennemis delà France nous forcent à donner le signal des combats, votre valeur et celle de tous vos frères d'armes nous assurent qu'il sera celui de la victoire. {Vifs applaudissements.)
« L'Assemblée nationale vous accorde les honneurs de la séance. » (Applaudissements.)
(La députation prend place parmi les députés aux deux extrémités de la salle.)
J'ai demandé la parole pour proposer l'impression de la harangue lacé-aémonienne de ces braves citoyens qui parlent peu, mais qui frappent fort, et de la réponse de M. le Président, qui parle aussi bien que nous savons sentir. (Applaudissements.) Quant au vœu exprimé par ces braves soldats patriotes d'avoir à leur tète, dans le régiment où ils vont être incorporés, celui qui a eu le bonheur, par ses discours et par son exemple, d'exciter l'ardeur guerrière de toute la jeunesse du département, je n'en demande le renvoi ni au comité militaire, ni au pouvoir exécutif. Je pense qu'il suffit que ce vœu soit ainsi exprimé pour qu'il soit rempli. Il n'y a pas un de nous qui n'aimerait à trouver près de lui un tel compagnon d'armes.
(L'Assemblée ordonne l'impression au procès-verbal du discours de la députation d'Agen et de la réponse de M. le Président.)
La députation du département de Lot-et-Garonne croit devoir payer devant vous, à M. Pétion, maire de Paris, le juste tribut de reconnaissance qu'il mérite pour la manière honorable et fraternelle dont il a traité les braves gens qui se dévouent à la défense de la patrie. La députation avait prévenu M. le maire de Paris, que ces jeunes gens arriveraient sans lui deman- der de les loger. Mais M. le maire de Paris s'est empressé de leur procurer des logements et chez MM. les officiers municipaux et chez lui-même. (Applaudissements.) Nous avons cru devoir rendre cet hommage au civisme de M. Pétion, qui n'avait pas besoin de ce nouveau témoignage.
Je demande la mention honorable de la conduite du maire et de la municipalité de Paris.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal, de la conduite du maire et de la municipalité de Paris.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
l9 Lettre de M. Duport, ministre de la justice,
qui transmet à l'Assemblée la note (1) des décrets sanctionnés par le roi ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
(L'Assemblée renvoie cette note au comité des décrets.)
2° Lettre des administrateurs du directoire dit département du Bas-Rhin, datée du 9 de ce mois. Ils exposent les alarmes conçues dans une partie de ce département, relativement à l'exécution du décret du 24 février dernier, qui défend l'exportation des chanvres teillés et apprêtés.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de commerce.)
3° Lettre des administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin, datée du 9 de ce mois. Ils proposent d'ordonner la création d'une monnaie de billon, en pièces de 2 sols, du poids de 190 ou 200 au marc, et au titre de 2 deniers 1/2 de fin, et de pièces de 5 sols, au même titre et à la taille proportionnée aux premières.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des assignats et monnaies.)
4° Lettre des administrateurs du directoire du département du Calvados, datée du 12 de ce mois. Ils exposent combien il serait essentiel de rendre promptement la loi sur le mode de constater les naissances, mariages et décès.
Un membre demande que la discussion du. projet de décret sur cet objet, qui est à l'ordre du jour de samedi prochain, y soit maintenue de préférence à toute autre affaire.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Voici la rédaction de l'acte d'accusation contre M. Delessart (2).
« Acte d'accusation contre Claude Delessart, ci-devant ministre des affaires étrangères, prévenu d'avoir négligé et trahi ses devoirs, d'avoir compromis l'indépendance, la dignité, là sûreté et la Constitution de la France :
« 1° En n'ayant pas donné connaissance à l'Assemblée nationale des différents traités, conventions, circulaires, qui tendaient à prouver le concert formé, dès le mois de juillet 1791, entre l'empereur et diverses puissances contre la France, et ayànt, au contraire, donné, à cet égard, une fausse sécurité à l'Assemblée par les assurances sur les dispositions pacifiques de l'empereur;
« 2° En n'ayant pas pressé la cour de Vienne* dans l'intervalle du 1er novembre au 21 janvier, de renoncer à la partie de ses traités et à ce concert, qui blessaient la souveraineté et la sûreté de la France ; •
« 3° En ayant dérobé à la connaissance de l'Assemblée l'office de l'empereur, du 5 janvier 1792;
« 4° En n'ayant pas, dans sa note confidentielle du 21 janvier 1792, enjoint à l'ambassadeur de. France à Vienne, de remontrer à l'empereur combien ce concert des puissances était contraire à la souveraineté et à la sûreté de la France, et: d'en demander formellement la rupture ;
« 5° En ayant communiqué au ministère autrichien, par la susdite note
confidentielle, des détails faux ou dangereux sur la situation ae la
France, propres à provoquer plutôt le concert
« 6° En ayant avancé une doctrine inconstitutionnelle et dangereuse sur l'époque qui a précédé l'acceptation de la royauté constitutionnelle;
« 7° En ayant demandé, dans sa note du 21 janvier, d'une manière indigne d'un ministre de la nation française, la paix et la continuation de l'alliance avec une maison qui menaçait la France; en ayant, sur cette alliance, fait des aveux contraires à la dignité et aux intérêts de la France ;
« 8° En ayant trompé l'Assemblée nationale dans le message du roi, du 29 janvier, à l'Assemblée nationale, lorsqu'il a affirmé qu'il s'était conformé, il y avait plus de 15 jours, aux bases de l'invitation de l'Assemblée nationale, du 25 janvier, tandis qu'il avait suivi des dispositions précisément contraires ;
« 9° En ayant porté tant de lenteur dans la demande des déclarations sur le concert, que la France s'est trouvée au mois de mars 1792, précisément au même état d'incertitude où elle était au mois de décembre 1791, relativement à la guerre, et aux dispositions des puissances étrangères, en leur ayant donné, par là, le temps de consolider leur concert, de faire des préparatifs de guerre, fortifier leurs places, faire marcher des troupes;
« 10° En ayant trahi la confiance du roi ; en l'ayant,' par sa conduite, et par le langage qu'il a tenu en son nom, exposé au soupçon d'avoir voulu favoriser le concert des puissances étrangères, et contribuer ainsi à aliéner la confiance publique;
« 11° En n'ayant pas pris et continué les mesures nécessaires pour dissiper, d'une manière réelle et efficace, les rassemblements des émigrés, et pour leur ôter les moyens hostiles, et les priver de leurs approvisionnements ;
« 12° En n'ayant pas instruit l'Assemblée nationale du concert coupable qui existait entre plusieurs envoyés de France dans les pays étrangers et plusieurs émigrés, et en ne s'étant pas pressé de rappeler ces envoyés ;
« 13° En n'ayant pris aucune mesure efficace et digne de la nation française, pour faire respecter et venger les Français qui ont été outragés, emprisonnés, dépouillés de leurs biens, et même exécutés dans différents royaumes étrangers en Espagne, en Portugal, à Florence et dans les Pays-Bas ; en n'ayant pris aucune mesure pour faire respecter le pavillon national dans les différents pays où il a été outragé, comme en Portugal et en Hollande ; en n'ayant pas provoqué l'Assemblée nationale à prendre des mesures vigoureuses sur ces divers outrages ; en ne lui ayant pas même communiqué les faits y relatifs ;
« 14° En ayant négligé les intérêts de la France dans ses relations extérieures, notamment avec la Porte, la Pologne et l'Angleterre ;
« 15° En n'ayant pas obéi, et en ayant même refusé d'obéir aux 2 décrets de l'Assemblée nationale, des 1er janvier et 2 février 1792, qui lui enjoignaient de communiquer les pièces de sa correspondance, qui pouvaient être relatives à la conjuration dés émigrés, et d'indiquer les agents du pouvoir exécutif qui pouvaient y tremper ;
« 16° En ayant, comme ministre de l'intérieur, différé pendant plus d'un mois, d'expédier et faire exécuter les décrets des 14 et 23 septembre, relatifs à la réunion et à l'organisation provi-
soire d'Avignon, et en ayant, par ce délai, contribué à la continuation des troubles d'Avignon.
« L'Assemblée a, dans sa séance du 10 mars, décrété qu'il y avait lieu à accusation contre le sieur Delessart; et, en conséquence, eUe accuse, par le présent acte, devant la haute coùr nationale, Claude Delessart, ministre des affaires étrangères, comme prévenu d'avoir négligé et trahi ses devoirs, compromis l'indépendance, la dignité, la sûreté et la Constitution de la nation française. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction de l'acte d'accusation.)
Voici un projet de décret qui doit venir à la suite, et dont le texte expliquera l'objet :
« L Assemblée nationale décrète que le ministre des affaires étrangères sera tenu de donner, au comité diplomatique, copie certifiée de lui de toutes les correspondances réciproques et officielles qui ont eu lieu entre ledit sieur Delessart et les divers envoyés de France chez les puissances étrangères, depuis le jour que le sieur Delessart est entré au département des affaires étrangères jusqu'au 10 mars dernier. »
Je n'ai pas besoin, je crois, de motiver le projet de décret.
M. Brissot pense qu'il n'y a pas lieu à motiver ce projet de décret; moi, comme je le crois contraire à la Constitution, j'invite M; Brissot à nous donner ses motifs. En effet, la correspondance des affaires extérieures appartient uniquement au pouvoir exécutif et ne doit jamais être communiquée au Corps législatif. (Murmures.) Sans cela vous donneriez aux relations extérieures une publicité infiniment dangereuse pour l'Etat...
Plusieurs membres : Nécessaire 1
Un membre : On doit faire une exception lorsque le ministre des affaires étrangères est accusé.
On prétend qu'on doit faire une exception lorsque le ministre des affaires étrangères est accusé. Vous avouerez que la Constitution n'a fait aucune exception. Moi, je crois que nous n'en devons faire aucune quand la Constitution n'excepte pas. Je demande donc que la Constitution...
Lisez l'article de la Constitu tion.
« Au roi seul appartient le soin de diriger les relations extérieures. » Voilà l'article.
Adopter le système de M. Becquey, c'est vouloir décréter l'impunité du ministre des affaires étrangères. La communication de la correspondance du ministre est d'autant plus importante que, sans cette correspondance, il est impossible d'examiner l'accusation portée contre M. Delessart, ni même de reconnaître son innocence. Lorsque la Constitution a donné au roi seul le droit d'entretenir des relations extérieures, ce droit ne lui a été délégué que pour être exercé, comme toutes les autres fonctions du pouvoir excutif, sous la responsabilité du ministre des affaires étrangères : or, il est évidemment impossible que l'Assemblée exerce cette responsabilité contre M. Delessart, si elle ne se fait représenter toutes les pièces, tous les actes émanés de lui pendant son admi-
nistration. ~(Applaudissemenls à gauche. — Murmures à droite.)
Un membre à droite: Mais vous aviez ces pièces, puisque vous avez accusé !
Si M. Becquey avait voulu lire toute la Constitution, il y aurait vu que, quoique le roi soit chargé de suivre toutes les relations extérieures de la France, le Corps législatif devient cependant, dans certains cas, juge de ces relations extérieures. Par exemple, lorsqu'il est question de ratifier des traités passés entre le roi et les puissances étrangères (Murmures.), il est bien impossible que le Corps législatif ratifie ces traités en connaissance de cause sans s'être fait représenter la correspondance ministérielle qui y a donné lieu. (Murmures.) Ainsi, Messieurs, il est dans la Constitution même des cas dans lesquels le Corps législatif peut demander la représentation de la correspondance ministérielle ; mais cette communication est surtout nécessaire lorsqu'un ministre des affaires étrangères est accusé, lorsque le Corps législatif, chargé par la Constitution, d'exercer la responsabilité contre les ministres, doit sauver ou la liberté ou la Constitution qui ont été compromises par les prévarications d'un ministre. Dire qu'alors le Corps législatif n'a pas le droit de se faire représenter la correspondance ministérielle, ce serait vouloir faire décréter l'impunité du ministre des affaires étrangères, ce serait dire qu'il est au pouvoir du ministre des affaires étrangères de perdre la Constitution et la France, sans que le Corps législatif, chargé de la surveillance de ces grands et importants objets, puisse jamais appeler sur sa tête la punition d un tel crime. Or, Messieurs, je crois qu'il suffit d'énoncer une telle proposition dans le véritable sens qu'elle présente, pour faire sentir combien peu elle est fondée et combien peu elle est réfléchie.
J'observe de plus que, le 1er janvier, vous avez rendu un décret portant que le ministre des affaires étrangères communiquerait au comité diplomatique toute sa correspondance, afin de voir où en étaient nos relations extérieures, et si la sûreté du royaume et la Constitution n'étaient pas compromises, personne alors ne s'y est opposé. Ainsi donc on ne réclamerait aujourd'hui que parce qu'on espérerait trouver, dans le refus de cette communication, l'assurance de l'impunité d'un ministre prévaricateur. (Applaudissements à gauche. — Bravos dans les tribunes.)
Mais, Messieurs, j'ajoute un amendement à la motion de M. Brissot. Il s'est borné à demander communication de la correspondance diplomatique du jour où M. Delessart est entré en place. Mais moi, afin que le Corps législatif puisse démêler une bonne fois toutes les trames ourdies contre la liberté, et qu'il soit assuré qu'aucune preuve des complots qui ont été commis contre elle ne lui échappera, je demande que toute la Correspondance au ministre des affaires étrangères soit communiquée à partir de l'époque du 20 juin, jusqu'au jour où m. Delessart a été mis en état d'accusation.'(Bravo! Bravo! — Applaudissements dans les tribunes.)
L'Assemblée ne peut pas mettre en discussion le décret qui lui est demandé par M. Brissot, car tout à l'heure elle â décrété l'acte d'accusation qui lui a été présenté, et dans cet acte elle fait un grief au sieur Delessart de ne pas lui avoir communiqué sa correspondance. On veut donc vous mettre en contradiction avec
vous-mêmes, en vous faisant rejeter le projet de M. Brissot; car enfin, en vous faisant dire que le ministre des affaires étrangères n'est pas assujetti à vous présenter cette correspondance quand vous voulez l'avoir, c'est dire que vous avez eu tort de rendre les 2 décrets qui enjoignaient à M. Delessart de vous communiquer les pièces, c'est-à-dire que vous avez eu tort de le décréter d'accusation pour ne pas l'avoir fait, c'est dire qu'il est innocent. Je demande que la discussion soit fermée et qu'on aille aux voix. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Messieurs, en conformité du serment que j'ai prêté de maintenir la Constitution, je déclare ne pouvoir voter pour la proposition qui vous est faite, parce que je la regarde comme contràire à la Constitution. (Murmures prolongés et exclamations.)
Je demande que l'Assemblée ne laisse 'pas introduire dans son sein le plus funeste de tous les abus, les protestations contre les "décrets votés par la majorité. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Il est impossible de considérer autrement que comme une protestation, la déclaration qui vient d'être faite. Je demande donc que M. Boullanger soit rappelé à l'ordre avèc censure. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Un membre à droite : Je demande à y être rappelé aussi !
Je demande la parole.
Je demande à faire lecture d'une loi. (Bruit.)
Je dois prévenir l'Assemblée que M. Boullanger demande la parole pour s'expliquer.
J'observe à M. Guadet et aux membres de l'Assemblée qui ont paru donner leur assentiment à son opinion, que je ne proteste pas contre un décret de l'Assemblée, parce que je ne peux pas protester contre ce qui n'existe pas. Or, il n'existe point encore actuellement de décret de l'Assemblée, je n'ai donc pu protester contre un décret de l'Assemblée. (Murmures). Quelle est donc, Messieurs, la déclaration que j'ai faite? Que je ne voulais pas consentir au decret proposé, parce que je le regardais comme contraire à la Constitution. Or, je suis obligé, et j'ai juré dans cette tribune de ne proposer ni consentir rien qui fût contraire à la Constitution et qui pût l'altérer. Je regarde dans mon sens, je me trompe peut-être, comme contraire à la Constitution, ce qui vous est proposé ; or, dans ma conscience, je dois faire la déclaration que je n'y consentirai pas (Murmures.); c'est mon opinion, la liberté d'opinion doit être maintenue dans cette Assemblée, et je la réclame énergiquement. On a demandé que, pour avoir fait cette déclaration, pour avoir émis librement moif opinion, je fusse rappelé à l'ordre ; et moi, je pourrais demander qu'on rappelât à l'ordre MM. Brissot et Guadet, pour avoir [proposé une mesure qui est, suivant moi, inconstitutionnelle. (Murmures.)
11 ne faut que lire la Constitution, et l'article qui dit que toute relation extérieure appartient au roi seul. (Bruit.) Je dis, Messieurs, que la loi a prévu les cas d'exception, et qu'ils sont aussi dans la Constitution. Or, nous n avons pas plus le droit d'ajouter à la Constitution ou d'interpréter la Constitution, que le pouvoir exécutif
n'a le droit d'interpréter ou d'ajouter aux décrets que nous faisons. Èt pourquoi, Messieurs? Parce que nous sommes Corps législatif, et non pas corps constituant. Dès que la Constitution n'a pas prévu ce cas, dès qu elle ne l'a pas excepté, la règle positive est certaine, il faut donc s'en tenir a cette règle. Voilà sur quoi je fonde mon opinion. Je demande, en tout cas, que l'on ajourne la question à un temps suffisant, pour pouvoir la méditer. (Murmures.)
Un membre : Je demande que la discussion soit fermée sur la motion incidente de M. Guadet tendant à rappeler à l'ordre M. Boullanger.
(L'Assemblée ferme "la discussion.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour sur cette motion 1
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion.) -
Je propose l'ajournement de la question et le renvoi aux comités diplomatique et de législation réunis, et je demande à motiver le renvoi. (Non! non!)
Je demande que l'Assemblée soit consultée pour savoir si M. Lacretelle sera entendu.
(L'Assemblée décide que M. Lacretelle sera entendu.)
La Constitution a prévu les cas où l'Assemblée doit et peut demander au ministre des affaires étrangères la communication de sa correspondance; mais ce que propose M. Brissot est l'exercice d'un droit qui n est pas bien déterminé par la Constitution, quoiqu'il soit dans l'esprit de la Constitution. Je demande donc que nous discutions cette question avec la maturité qu'exigent toutes celles où il s'agit de faire une application delà Constitution, et qu'elle soit renvoyee à l'examen, des comités de législation et diplomatique réunis. (Murmures.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement!
Il est important que toutes les fois qu'un membre prétend qu'un projet de décret porte atteinte à la Constitution, ce genre de difficulté soit bien éclairci. Voici-ce que porte l'article 12 de la loi du 25 mai 1791, une de celles que l'Assemblée constituante a maintenues en vigueur par son décret de clôture de la Constitution :
« Le ministre des affaires étrangères aura :
« l°La correspondance avec les ministres, résidents ou agents que le roi enverra ou entretiendra auprès des puissances étrangères;
« 2° Il suivra et réclamera l'exécution des traités;
« 3° II surveillera et défendra au dehors, les intérêts politiques et commerciaux de la nation française ;
4° Il sera tenu de donner au Corps législatif les instructions relatives aux affaires extérieures, dans les cas et aux époques déterminées par la Constitution, et notamment par le décret sur la paix et la guerre, etc... »
D'après cet article, je crois que ce qui est proposé par M. Brissot n'est point contraire à la Constitution. La Constitution vous dit d'accuser et de poursuivre les ministres pour fait de prévarication. (Applaudissements et murmures.) vous êtes donc obligés de prendre communication de la correspondance du ministre, parce que ce n'est que par cette correspondance que vous
pouvez connaître la prévarication et convaincre le ministre. Je crois donc que vous pouvez la demander; ainsi je demande qu'on mette aux voix lé projet de M. Brissot et qu'on rejette l'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)
Je propose, par sous-amendement, que la communication demandée comprenne toute la correspondance depuis l'époque au 1er mai 1791, jusqu'au moment où M. Delessart a été mis en état d'accusation.
Un membre : Vous avez donné des preuves de votre surveillance, en décrétant d'accusation M. Delessart ; il est maintenant question de savoir si l'on fera cette communication à l'Assemblée, afin que le ministre soit convaincu et condamné. Mais comme ce n'est plus vous qui. condamnerez, ce n'est point à vous que la communication doit être faite, mais bien à la haute cour nationale chargée de l'affaire.
Je demande la question préalable sur l'amendement de M. Guadet et le sous-amendement dé M. Quesnay, par deux motifs :
Le premier, c'est que les temps antérieurs à l'entrée de M. Delessart dans le ministère des affaires étrangères, sont absolument étrangers au décret d'accusation. (Murmures.)
Le second motif, c'est que la loi d'amnistie du 14 septembre, d'après laquelle tout doit être oublié, s'applique également à ce cas ; ainsi; par ces 2 motifs, je demande la question préalanle sur les amendenemts.
Il ne s'agit pas, ce me semble, de M. Delessart seul, mais des instructions que l'Assemblée nationale doit avoir sous les yeux pour le salut public, relativement à la correspondance ministérielle qui a eu lieu, soit par M. Montmorin, soit par suite par M. Delessart i 11 devient important que l'Assemblée nationale et le pouvoir exécutif se mettent en mesure, relativement aux puissances étrangères, relativement à la perfidie ministérielle qui nous avait mis à côté du piège. Je ne crois donc pas que la question préalable puisse être invoquée et je demande que l'amendement de M. Guadet soit adopté ainsi que le sous-amendement de M. Quesnay.
Je ne puis assez exprimer mon mécontentement d'entendre des membres de l'Assemblée s'opposer à une mesure si simple: De quoi s'agit-il et que cherchons-nous ? Nous cherchons à sauver la Constitution. On vous a démontré que la mesure proposée ne donnera aucune atteinte à la Constitution, et d?ailleursi, comment peut-on dire qu'il s'agit de porter atteinte à la Constitution, lorsqu'il s'agit de la sauver! Il est étonnant que des citoyens qui adoptent pour devise la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution, s'opposent à une mesure que le salut de la Constitution commande. (Applaudissements.) Je la crois donc essentielle, et je demande que l'on rejette la question préalable proposée sur ramendèment de M. Guadet.
(L'Assemblée rejette la question préalable et adopte le projet de décret de M. Brissot avec l'amendement de M. Guadet, sous-amendé: par M. Quesnay.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre des affaires étrangères sera tenu de donner,
au comité diplomatique, copie certifiée de lui, de toutes les correspondances officielles du département des affaires étrangères, à partir du 1er mai 1791, jusqu'au moment où Claude Delessart a été chargé dudit département; et, en outre, de toutes les correspondances officielles qui ont eu lieu entre ledit sieur Delessart et les divers envoyés de France chez les puissances étrangères, depuis le jour que le sieur Delessart est entré au département des affaires étrangères, jusqu'au 10 mars dernier. »
Je propose une mesure additionnelle au décret ae M. Brissot. Il est temps, Messieurs, de déjouer les intrigues, d'écarter les fausses terreurs, dont on environne le trône, d'affermir l'administration des deux pouvoirs sur lesquels reposent l'intérêt public èt les destinées de la France. Il importe surtout d'exposer au roi combien il est nécessaire que les ministres dont il s'entourera répondent, par leurs sentiments et leur zèle, à celui de l'Assemblée nationale, par l'affermissement de la Constitution, et de l'éclairer sur la conduite que les circonstances actuelles et l'intérêt national lui prescrivent. Tel est le but d'un projet d'adresse que je lirai à l'Assemblée si elle le permet. (Oui! oui!).
(L'Assemblée décide que M. Gensonné sera entendu.)
Voici ce projet d'adresse :
« Sire, un décret d'accusation rendu par l'Assemblée nationale contre un de vos ministres, est une mesure pénible que nos devoirs nous ont commandée ; mais quoiqu'il tombe sur un homme de votre choix, vous ne pourrez que l'approuver, sur ce qu'en aucun cas le patriotisme du trône ne doit pas différer de celui des représentants de la nation.
« Au commencement d'une Révolution comme la nôtre, pendant que les ordres privilégiés s'agitent encore dans les convulsions de l'orgueil,, sous le poids de la Constitution qui l'écrase, une parfaite franchise du gouvernement est le premier besoin du peuple, elle seule peut amener la confiance sur laquelle réside toute la paix, il ne faut pas que vos ministres disent : Croyez à nos vertus; mais croyez à nos actions. Nous-mêmes, Sire, nous élus par nos concitoyens, pour un temps limité, ne faisant pas un acte qui ne porte immédiatement sur nos têtes, allant retrouver dans nos départements, dans le sein de nos familles, les fruits doux ou amers de tout ce que nous avons fait, nous devons la confiance à cette publicité qui nous entoure et qui rapporte chaque jour, dans le royaume, le fidèle tableau de nos pensées et de nos actions. (Applaudissements.) Eh bien ! Sire, dans un cabinet politique, l'asile de l'adulation et le domicile du despotisme ministériel qui si longtemps a tourmenté la France, ses intérêts sont, à plusieurs égards, livrés à des intrigues sourdes, â des intérêts personnels, à des ambitions de tout genre, à d'anciennes habitudes, dont l'empire nous alarme encore. Cédez vous-même à vos besoins de placer des hommes qui jouissent de la plus haute confiance, des hommes connus par leur dévouement à la liberté. Il faut un grand éclat de patriotisme autour du trône (Applaudissements) pour qu'il ne soit plus offusqué des soupçons trop légitimes que nos ennemis communs ont fait naître.
« Un ministre fût-il innocent d'ailleurs, il serait coupable envers vous et envers la nation s'il veut garder un poste public où toutes les défiances contre lui formeraient peu à peu des
doutes contre vous-même. Il a trahi son premier devoir, qui est de vous dire, quand la défiance se déclare : « Sire, reprenez l'emploi que vous m'avez remis, je le quitte pour montrer que ie n'en suis pas indigne ; le garder un jour de plus serait causer des troubles dans le royaume. Je ne puis que vous nuire. Il ii'eôt plus question de lutter de force et de préférence personnelle. Consultez vos goûts pour vous-même, et le vœu de la nation dans le choix de vos ministres. » (Applaudissements.)
« On n'a point tenu ce langage à Votre Majesté : un ministre, devenu suspect, vous a dit sans doute qu'il fallait résister à la voix du peuple, qu'il y avait une autre nation dans la France que celle qui est représentée dans l'Assemblée nationale, et que vous ne devez pas vous départir de l'autorité constitutionnelle. C'est ainsi qu'on cherche à vous raidir contre les consciences les plus désintéressées, et vous séparer de ceux à qui vous avez juré de rester uni.
'« Comment aurions-nous pu garder le silence, quand nous avons vu, dans les correspondances étrangères, le plan astucieux de vous représenter une classe nombreuse de citoyens comme un peuple inquiet, turbulent, avide de nouveautés, ennemi du trône, et contre lequel on vous offrait un appui formé par le concert de plusieurs puissances ! Un appui étranger offert au roi des Français contre la nation française ! Sire, non, vous ne l'avez pas entendu sans frémir, non vous ne l'avez pas entendu sans indignation qu'on vous proposât à vous-même de renouveler ce temps affreux où une faction coupable déchirait le royaume sous des bannières étrangères. Montrez-nous, Sire, la réponse de votre ministre à ces offres généreuses ; où est l'indignation, où est au moins le mépris qu'il a dû manifester à vous-même ?
« Sire, vous a-t-il dit que, vous servir de cette manière, c'était vous menacer peut-être; car enfin, si les étrangers sont l'appui du trône, ils en sont les maîtres ; s'ils sont nécessaires pour rétablir l'ordre, ils seront nécessaires pour le conserver ; s'ils ont la force d'être protecteurs, ils auront la force d'être conquérants (Applaudissements réitérés.) et s'ils pouvaient entrer dans le royaume sans y rencontrer la mort, ils seraient bien insensés d'en sortir. C'est, disent-ils, pour réprimer les désordres ; et pourquoi cette même France, qui leur causait jadis tant d'ombrages, devient-elle aujourd'hui l'objét d'une bonté si officieuse? (Applaudissements.) Ces princes qui annoncent tant de commisération sur nos troubles, tant d'intérêt pour notre paix intérieure, n'ont-ils pas encore les mains teintes du sang des nations que leurs guerres ont désolées ? Qu'ils fassent le bonheur de leurs peuples avant de se mêler du nôtre. (Bravo ! bravo ! applaudissements.)] qu'ils n'ôtent pas le pain à leurs malheureux cultivateurs, pour l'espérance de ravager nos moissons. (Applaudissements.)
« Qu'ils son£ imprudents même dans leur petit système ! Ils ont peur de la liberté française, et ils allument chez eux les dissensions qu ils veulent prévenir : politiques sans prévoyance ; ils se font un mal qu'ils redoutent ; ils mettent en évidence toutes leurs craintes, les jalousies ambitieuses qu'ils voilaient de l'intérêt des peuples, qu'ils oublient aujourd'hui. Ils proclament donc eux-mêmes qu'elles ne sont pas des raisons d'Etat, mais seulement des prétextes passagers de guerre et de conquête. Le seul gouverne-
ment qui ait respecté notre Révolution, est celui d'un peuple libre comme nous, et qui, loin d'être jaloux de l'honneur que nous allions lui ravir d'être la seule nation libre de l'Europe, a déposé sa rivalité, quand il a cru que la liberté allait lui donner des frères. (.Applaudissements.)
« Cette comparaison n'honore pas d'anciens alliés qui ont joui des nos services, et qui nous ont rendu des menaces. Il y a des désordres dans le royaume ; et qui les souffre plus que nous ? Qui peut être plus intéressé à les apaiser ? Qu'on nous laisse à nos affaires, et bientôt la paix se rétablira.
« Allons-nous troubler les pays étrangers par nos inquiétudes sur leurs propres administrations ? Nous ne parlons pas même des emprunts, des impôts dont on écrasé les peuples, pour fournir aux dépenses d'une guerre injuste. Oh! non, ce n'est pas nous qui prolongeons les troubles : il n'y a qu'un insensé qui puisse porter le flambeau dans la demeure qu'il habite après qu'il en a fait son bonheur et sa gloire.
« Sire, on vous représente insidieusement au milieu d'une multitude effrénée comme un roi qui ne règne pas, et vos ministres n'ont pas répondu à ceux qui ont l'audace de vous offrir leur protection, que les rois des Français n'étaient point accoutumés aux insultes des puissances étrangères, et que vous proposer, sous des termes voilés, des moyens de fairé la la guerre à votre nation, c'était vous faire la seule offense que vous ne pardonneriez jamais. {Applaudissements.) Quels secours ! quelle bienveillance I Sire, elle tente à vous enlever l'amour de tous les Français.
« Qu'on ne puisse plus douter de l'attachement de ceux qui vous environnent pour la Constitution, et vous verrez bientôt toutes les opinions exagérées se mettre au niveau de la loi ; tous les systèmes anticonstitutionnels, de quelque nature qu'ils soient, s'élever ou s'abaisser, suivant les espérances ou les craintes qu'inspirent les dépositaires de votre autorité. (Applaudissements.) Quand on craint des projets hostiles, les hommes ardents et violents ont un ascendant presque irrésistible; quand on ne craint plus, les esprits sages et modérés reprennent l'empire. Vous tenez les rênes des opinions de la France : vous n'entendîtes qu'un cri d'amour quand vous embrassâtes la Constitution ; il n'y aurait point eu de sûreté pour quiconque aurait osé en élever une autre. Ne souffrez pas autour de vous ceux qui vous parlent haut pour le peuple, et qui vous parlent bas contre lui; ceux qui vous disent qu'avec une tactique habile on peut avilir l'Assemblée nationale, amener une autre opinion, saper, à petit bruit, la Constitution, la faire périr en la négligeant, en la détériorant, en la faisant accuser par tout le monde, en la laissant abandonnée à la licence et à l'anarchie 1
« Supposez-vous, Sire, à la place d'un simple citoyen français. C'est de là que vous jugerez mieux la cour qui vous environne, et la conduite que vous devez opposer à tous vos ennemis: que vous représenteriez-vous à vous-même? Un homme encore agité au sort d'une grande Révolution, plutôt agité de la crainte qu'en jouissance entière de la liberté; entouré d'ennemis qui veulent lui ravir ce bien précieux; voyant éclore tous les jours des intrigues au dehors et des troubles au dedans, placé entre l'avenir le plus heureux ou le plus funeste, entre la liberté la plus assurée et l'esclavage le plus dur. Peignez-vous cette situation comme la vôtre, nous
ne vous demandons que cela. Vous ne seriez pas tranquille, vous ne pourriez pas l'être ; et si vous voyiez encore dans le ministère des hommes suspects, ou des hommes faibles; si tous les agents du roi dans les cours étrangères avaient été les plus grands ennemis de la Révolution; si vous aviez sollicité leur rappel sans l'obtenir, si vous ne voyiez ni force ni courage dans ceux qui traitent avec des ennemis qui menacent ; si ceux qui tiennent le gouvernail troublaient la manœuvre par leur crainte, et prenaient toutes les secousses du vaisseau pour le naufrage; si vous saviez que des agitateurs ont été payés par le ministère pour calomnier les ministres, qu'on a salarié des hommes qui s'étaient revêtus du manteau populaire pour calomnier la Constitution par le désordre ; si vous voyiez écarter du ministère le seul homme qui ait montré de l'activité et à qui l'Assemblée nationale pardonnait des fautes en récompense de son zèle ; si des princes qui doivent être soumis au roi, répondaient avec insolence, qu'ils ne forment de ligue que pour le soutenir : non, Sire, vous ne seriez pas tranquille au milieu de ce système d'obscurité. Les ténèbres vous feraient peur, vous invoqueriez la lumière ; nous l'invoquons, Sire, éclair-cissez l'horizon qui nous environné» formez un ministère complet qui ait unité de vues, qui marche ensemble, qui veuille l'égalité, la liberté, dont le système soit pris dans l'amour du peuple, et arrêté dans les limites de la Constitution.
« Fuyez les conseils de ces intrigants, que votre probité voyait avec indignation ramper autour de vous et de vos ministres. Vous avez le secret de leurs Cœurs. Ils ne vous aiment point; ils n'aiment pas mieux la liberté qu'ils ont paru servir, parce qu'une révolution dans le gouvernement leur promettait une révolution dans les places. Ils ne voulaient qu'une seule chose, Sire, c'était d'arriver les premiers. Ils se déchaînent aujourd'hui contre ceux qu'ils n'ont pu subjuguer ; et après avoir provoqué beaucoup d'excès, us trouvent fort commode d'avoir des successeurs auxquels ils puissent imputer les désordres qu'ils ont semés eux-mêmes. Nous aurons rempli notre but, Sire, si nous vous donnons les sentiments de votre force, sur un trône constitutionnel. Nous savons que nos ennemis communs essayent de vous inspirer des terreurs. C'est toujours le commencement de leurs desseins les plus sinistres. Il n'est pas une des époques malheureuses de la Révolution que vous ne puissiez rapporter à leurs calomnies contre le peuple, et nous vous engageons notre sûreté personnelle pour celle de Votre Majesté. Elle ne peut être compromise que par l'artifice de ceux qui cherchent à vous effrayer pour vous forcer à vous jeter dans leurs bras.
« Nous vous demandons de régner. Vous avez eu autour de vous des hommes qui ont voulu vous persuader que vous ne régniez pas. Ils n'ont pas voulu voir que le principe unique de votre force réside, non pas dans cette Confiance que l'on demande, mais dans celle que l'on n'a pas besoin de demander. Quand ils ne savent pas employer les moyens que la Constitution leur donne, ils disent qu'elle ne peut pas se soutenir. Quand on n'a pris aucune mesure pour prévenir la faute des officiers de la marine, et après l'avoir ouvertement favorisée, on a dit que ce département n'existait plus. Quand on ne fait rien, on dit que rien ne peut se faire.
« Sire, il faut une marche nouvelle. Vous entendez le vœu de toute la France. Que vos mi-
nistres aient un caractère qui les élève au-dessus de tous les soupçons, que leur conduite montre des hommes décidés qui ne suivent pas seulement leurs devoirs, mais leurs penchants, en servant la Constitution ; qu'ils paraissent moins lui obéir que l'aimer ; que tous vos agents auprès des puissances étrangères ne soient là que pour nous ménager des alliés sûrs ou pour éclairer les trames suspectes ; qu'il n'y ait plus une conduite ostensible et une conduite secrète; que les équivoques cessent ; que nous n'ayons que des amis ou des ennemis; que nous commencions la guerre si on ne veuf pas nous répondre de la paix, et que toutes les puissances renoncent à nous troubler, ou que 1 on sache entendre leur silence.
Sire, donnez à la liberté les gages qu'elle vous demande. Notre sécurité est dans vos mains. Arrachez toute espérance à ceux qui se flattent qu'un roi n'est jamais l'ami d'une Constitution libre. Otez toute inquiétude à ceux qui le craignent. Voilà votre véritable politique, toute autre ne peut amener que des secousses funestes, et sans vous concilier les affections de ceux qui ne nous pardonneront jamais ce que vous avez fait pour la France, vous perdriez sans retour celles d'un peuple franc et généreux qui vous aime et ne demande qu'à vous aimer. (Applaudissements.)
Je demande la question préalable sur cette adresse. Elle renferme de grandes beautés et j'applaudis aux sentiments qui l'ont dictée; mais j'y trouve des choses très répré-bensibles et surtout un caractère bien imprimé de doléance qui ne convient point à l'Assemblée nationale. D'abord, Messieurs, je combats cette mesure d'envoyer au roi des adresses de la part du pouvoir législatif. La Constitution vous charge de surveiller le pouvoir exécutif, de poursuivre ses agents, mais non pas de l'éclairer, de l'endoctriner. (Murmures.)
Il est inconvenant que vous alliez justifier au- près du roi votre décret d'accusation -contre M. delessart. Il est également inconvenant que vous parliez des motifs de destitution du ministre de la guerre. Je demande la question préalable sur le projet d'adresse qui vient de vous être lu.
Un membre : Avant de rejeter l'adresse il faut décider d'abord si l'Assemblée enverra une adresse au roi.
Plusieurs membres : L'ordre du jourl
Je demande à parler contre l'ordre du jour.
Je demande la parole pour M. Con-dorcet qui demande aussi à parler contre l'ordre du jour.
(L'Assemblée reste pendant un certain temps dans une vive agitation, puis passe à l'ordre du jour.)
L'impression de l'adresse!
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression L
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la demande d'impression.)
J'observe à l'Assemblée que par le passage à l'ordre du jour, elle a de fait rejeté l adresse et par conséquent elle doit rejeter aussi l'impression. La rédaction n'a pas le ton de majesté qui convient à un peuple libre, elle a le ton d'une doléance. (Murmures.) Enfin'
il n'y a pas lieu à faire une adresse parce que vous avez vous-mêmes montré au roi qué vous ne doutiez pas des mauvaises intentions des ministres qui nous perdent continuellement. (Murmures). Je demande que l'adresse ne soit pas imprimée.
et d'autres membres insistent sur la demande d'impression.
Je demande l'ordre du jour. (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)
Je demande à faire une simple observation. (Bruit.)
Je demande à motiver l'ordre du jour. (Bruit.)
insistent pour que M. Chabot obtienne la parole.
Je n'ai plus rien à dire.
Plusieurs membres : Fermez la discussion 1
J'espérais, en proposant cette adresse, qu'elle obtiendrait une approbation générale ; mais puisqu'elle ne produit point l'effet que j'en attendais, je la retire. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Non ! non ! Elle appartient à l'Assemblée !
(L'Assemblée ferme la discussion et passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret concernant l habillement des gardes nationales volontaires. Le projet de décret est ainsi conçu (1) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que les 6 millions qui ont été mis par le corps constituant à la disposition du ministre de la guerre, pour pourvoir à l'habillement des bataillons des gardes nationales volontaires, sont sur le point d'être consommés, et que tous lesdits bataillons ne sont cependant point habillés; considérant encore que plusieurs de ceux qui sont déjà formés demandent que l'Etat leur fasse des avances afin qu'ils puissent faire réparer les dégradations que leurs habits ont éprouvées ; considérant aussi que les moyens employés jusqu'à ce iour pour l'habillement des gardes nationales volontaires n'ont pas eu tout le succès qu'on avait lieu d'en espérer ; considérant enfin qu'il est indispensable de statuer sur ces différents objets, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Article 1er. Il sera mis par la trésorerie nationale, à la disposition du ministre de la guerre, une somme de 4 millions destinée à faire des avances pour l'habillement des bataillons des gardes nationales volontaires déjà sur pied, et pour celui des bataillons qui seront levés en vertu des décrets du Corps législatif.
« Lesdits 4 millions, ae l'emploi desquels le ministre de la guerre
rendra compte au Corps législatif, seront rétablis dans le Trésor
public,
« Art. 2. Il sera mis par la trésorerie nationale, à la disposition du ministre de la guerre, une somme ae 2 millions, destinée à faire des avances aux bataillons de gardes nationales volontaires dont l'habillement a besoin d'être réparé.
« Lesdits 2 millions, qui seront, par les soins du ministre de la guerre, rétablis dans le Trésor public, et de l'emploi desquels il rendra compte au Corps législatif, seront par lui répartis entre les bataillons, en proportion et à mesure de leurs besoins, et néanmoins aucun desdits bataillons ne pourra obtenir sur cette somme un secours qui s'élève au-dessus de 10,000 livres.
e Art. 3. Chaque garde national volontaire qui aura obtenu un secours pour la réparation de son habillement, secours qui, dans aucun cas ne pourra s'élever au-dessus de 15 livres, éprouvera, jusqu'à ce qu'il ait remboursé la somme qui lui aura été avancée, une retenue extraordinaire d'un sou par jour.
« Art. 4. Lorsque les circonstances exigeront la levée de nouveaux bataillons de gardes nationaux volontaires, le ministre de la guerre donnera des ordres à l'administration de l'habillement des troupes de ligne, afin qu'elle fasse parvenir sans délai, au lieu du rassemblement aes-dits bataillons, tous les objets qu'elle est chargée de fournir aux troupes ae ligne, et qui seront nécessaires à l'habillement des gardes nationaux volontaires.
« Art. 5. Le directoire du département dans le territoire, duquel un nouveau bataillon de gardes nationaux volontaires devra se former, remplira par -lui-même ou par 2 commissaires de sôn choix, toutes les fonctions relatives à la réception des étoffes, à la vérification de leur qualité et de leur quantité qui sont attribuées, par l'ordonnance du 20 juin 1788, aux conseils d'administration des régiments. Le ministre de la guerre leur adressera, en conséquence, des exemplaires de ladite ordonnance, ainsi que les échantillons et factures des étoffes qui seront destinées à l'habillèment desdits bataillons.
« Art. 6. Un commissaire des guerres nommé par le ministre se rendra au lieu destiné pour le rassemblement' du bataillon, pour y veiller, de concert avec le directoire du département ou les commissaires nommés par lui, à l'achat des objets dont les conseils d'administration doivent se pourvoir, et y faire façonner, avec autant de soin et d'économie que de promptitude, les différentes parties de 1 habillement et de l'équipement des gardes nationaux volontaires.
* Le commissaire des guerres sera particulièrement chargé de la surveillance imposée par le règlement du 20 juin 1788, au capitaine chargé de l'habillement.
« Art. 7. Lorsque le bataillon sera habillé et équipé, le conseil d'administration dudit bataillon donnerà au commissaire des guerres un récér pissé de tous les objets qui auront été délivrés aux gardes nationaux volontaires. Le commissaire des guerres présentera ce reçu au directoire du département, et lui remettra en même temps l'état général des dépenses qui auront été faites pour l'achat des étoffes et la confection de l'habillement et de l'équipement. Chaque article de dépense sera appuyé sur des pièces justifica-
tives visées par les commissaires nommés par le directoire.
« Les comptes seront définitivement arrêtés par le directoire du département, en présence de 3 membres du conseil d'administration du bataillon, délégués par lui à cet effet.
« Art. 8. Les bataillons de gardes nationales volontaires qui auront besoin, pour la réparation de leur habillement, de quelques-uns des objets que l'administration de l'habillement est chargée de fournir, pourront en faire la demande à ladite administration, qui sera tenue de les leur fournir, ainsi qu'il est dit article 22 du titre IV de l'ordonnance du 20 juin 1788.
« Art. 9. Le ministre de la guerre fera vérifier les faits contenus dans une pétition et un mémoire qui ont été présentés au Corps législatif par le 3e bataillon du département de l'Oise, et après, s'être fait représenter les procès-verbaux d'adjudication et toutes autres pièces qu'il jugera nécessaires, il fera poursuivre, s'il y a lieu, les adjudicataires, pour les contraindre au payement des indemnités qui pourront être dues audit bataillon.
« Le ministre de la guerre rendra, le lor avril au plus tard, compte de cet objet auQorps législatif.
(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la discussion à la séance de demain soir.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Guesdon, député par les notaires,de Nantes, qui.demande à être admis à la barre. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
. « Monsieur le Président,
« Député par les notaires de Nantes, j'avais été mis au rang des pétitionnaires qui devaient être entendus à la barre dimanche dernier. Mon tour n'arriva point et j'ai lieu de craindre qu'il soit fort reculé ; cependant j'ai un intérêt pressant d'accélérer ma mission, d'autant plus que je suis éloigné de 100 lieues de mon pays et qu il y a près de 3 mois que j'habite; la capitale. D'ailleurs, mes pétitions sont courtes et feront perdre peu de moments à l'Assemblée nationale.
« J'ose donc vous prier, Monsieur le Président, de recevoir mes sollicitations pour obtenir, par votre entremise, la permission d'être admis à la séance de ce soir. »
« Je suis avec respect, Monsieur le Président,
« Votre très humble et obéissant serviteur.
Signé : Guesdon.
(L'Assemblée décrète que le sieur Guesdon sera admis à la séance de demain soir.) :
(La séance est levée à quatre heures.)
INVENTAIRE (1) du cabinet de physique de M. Charles, donné à VAssemblée nationale et accepté par ellet le 15 janvier 1792.
Procès-verbal (2) de l'inventaire du cabinet de physique donné à la nation par M. Jacques-Alexandre-César Charles, professeur de physique, et accepté par le décret de l'Assemblée nationale du 15 janvier 1792.
L'an IVe de la liberté, nous, commissaires soussignés, nommés par M. le ministre de l'intérieur pour procéder à l'inventaire de toutes les pièces qui composent le cabinet de physique donné à la nation par M. Charles, nous nous sommes transportés dans ce cabinet le 20 février et jours suivants, et là, en présence de M. Charles, nous avons procédé à cet inventaire, ainsi qu'il suit :
ARTICLE Ier.
MÉCANIQUE.
Toutes ces pièces, jusques et compris le n° 9, servent aux différentes démonstrations de mécanique, que M. Charles fait sur le billard de marbre :
N"
1. 1 billard de marbre blanc veiné, de 8 pieds sur quatre, les bandes en marbre bleu tur-quin, les pieds en bois d'acajou. Ce billard est destiné à la démonstration de diverses lois de mécanique.
2. Pièces dépendantes de ce billard : 1 traîneau portant une barre de fer équarrie, sur laquelle sont établis 3 marteaux d'ivoire avec quarts de cercle et mouvements verticaux et horizontaux, et ainsi que plusieurs plaques en cuivre qui glissent le long des bandes de ce billard.
3. Chariot en marbre et bois d'acajou portant une canelée d'acajou, surmontée d'une machine d'atove ; pour la démonstration de la parabole.
4. Autre pièce qui se monte dans la même colonne, pour une autre démonstration de la parabole.
5. Ellipse en cuivre, dont le grand axe est de de 3 pieds et le petit axe de 21 pouces.
6. 3 petits chariots en bois d'acajou et à 4 roues en cuivre dont l'une porte un mouvement d'horlogerie, pour diverses démonstrations des lois du mouvement.
7. 2 autres pièces qui s'adaptent au traîneau susdit, pour la démonstration de la force centrifuge, des liquides et des solides.
8. Pièce pour la force centrifuge, munie de 2 marteaux d'ivoire, mobiles sur une règle de cuivre. Cette pièce tout en cuivre se
N"
monte sur le billard, et est destinée à diverses expériences comparatives.
9. Billes d'ivoire de différents poids et grosseurs, avec leurs portants, et destinées à diverses expériences qui ne peuvent être détaillées.
10. Machine d'atove montée sur une colonne d'acajou, avec ses pièces, servant à la démonstration de la cnute des graves ; elle est munie d'un compteur.
11,. Grand tube de verre muni d'un robinet pour la chute des corps dans le vide.
12- 1 portant de différents fils pendulaires pour la démonstration.
13. Plan incliné de Galilée de cuivre mobile, c'est un curseur sur une corde de soie de 40 pieds de long.
14. Machine pour la démonstration du pendule cicloïdal, et démonstration du cicloïde.
15. Machines des frottements ou tribomètre.
16. Plan incliné monté sur une pyramide avec curseur, quarts de cercles, etc.
17. Compte secondes en cuivre avec son petit timbre.
18. Pendule simple à secondes avec son portant.
19. Machine de Bulsinger.
20. 1 planétaire par Arsandaux, monté sur colonne, de 20 pouces de diamètre.
21. Autre planétaire de 3 pieds de diamètre, en cuivre, (cette pièce est une des plus belles que l'on connaisse) dans une cage de verre, tournant sur sa colonne, etc.
22. 2 globes de 15 pouces avec méridiens en cuivre, montés sur trépieds.
23. Sphère de l'abbé Grenet, de 9 pouces de diamètre.
24. Petite sphère de Fortin lé géographe.
25. Machine pour la démonstration des leviers.
26. Balance sur une colonne de cuivre, et socle carré en cuivre.
27. Machine de cuivre pour la poulie à gorges concentriques, sur une planche d'acajou.
28. Machine pour la démonstration des poulies, treuils, plans inclinés, coins, etc., nommée machine de Syravsandes.
29. Plusieurs moufles de différents genres, en cuivre avec leurs portants.
30. Grand treuil pour la démonstration de la manivelle et de sa force musculaire.
31. Grande poulie de 4 gorges concentriques de- puis un pied jusqu'à 4 pouces, pour la démonstration des frottements relatifs aux poids et aux diamètres, soit des cordes, soit des poulies, etc.
32. Autre machine pour la même démonstration, appelée machine funiculaire d'amontons.
33. La balance de Santorius.
34. La vis d'Archimède en verre, montée sur une pyramide de bois d'acajou.
35. La vis sans fin, en cuivre.
36. Combinaison des roues dentées.
37. Le cric en cuivre.
38. La grue de Padmer en cuivre.
39. Gruau, roue de carrière, chèvre, etc., en acajou.
n"
40. Lampe de Cardan en cuivre.
41. Machine pour les leviers combinés, en cuivre sur une planche d'acajou.
42. Mouton anglais en bois.
43. La cloche du plongeur en bois peint.
44. 2 pesons à ressort, un de 5001 un de 160.
44 bis. Autre petit peson de 201.
45. Petit compas à vis, micromètre.
46. Beau rapporteur anglais, dans sa boîte d'aca-jou.
47. Pantographe linéaire, dans sa boîte d'acajou.
48. 2 chronomètres, un à cadran, et l'autre simple.
49. Pendule astronomique, à demi-secondes, par Ferdinand Berthoud.
50. Autre pendule astronomique par Le Paute, et à secondes, dans sa boîte plaquée de bois de rose, les quatre faces en verré..
51. Cadran équinoxial avec boussole sur base de marbre.
52. Autre cadran ou anneau astronomique en cuivre, diamètre de 6 pouces.
53. Grande méridienne en cuivre par Baradelle.
54. Petite machine en cuivre pour la démons- tration des accélérations et retards des planètes dans l'ellipse.
55. Forte balance à 2 plateaux en cuivre rouge. Le fléau en acier bruni avec ses poids. L'un de 12 marcs, l'autre de 16 marcs et divisions.
ARTICLE DEUXIÈME.
hydrostatique.
1. Balance hydrostatique, fléau de 16 pouces, avec ses bassins, etc. (Cette pièce est unique dans son genre.) Elle porte au lieu d'index ordinaire un niveau de mercure. Elle est supportée sur une très belle pyramide de cuivre avec socle carré: incrusté de placage argenté, sur l'une des faces, est un thermomètre à esprit de vin.
2. Autre balance hydrostatique, fléau de 10 pou-ces, montée sur une colonne de bois d'acajou, dont la base est fixée à une table. Le chapiteau de cette colonne porte plusieurs petits instruments destinés aux expériences ydrostatiques.
3. Plusieurs petits instruments en verre, lestés de mercure, poids, tares, etc.
4. Balance d'essai, dans sa cage en verre et en bois de rose.
5. Machine de Pascal, pour les démonstrations de la pesanteur des liquides en raison de la base et de la hauteur. Cette machine très précieuse est composée d'une balance portant, à l'une de ses extrémités, un piston d'étain qui se meut dans un calibre de verre, le piston de 27 lignes de diamètre. Ce calibre est surmonté de plusieurs vases de différentes capacités et figures qui s'y vissent à volonté.
6. Autre machine pour la pression latérale et verticale, en raison de la base et de la hauteur ; elle est composée principalement d'une cuve, moitié en glace, moitié en
cuivre, qui porte également un cylindre de verre de 27 lignes de diamètre, dans lequel se meut aussi un piston d'étain tiré ou poussé à volonté par un poids qui agit sur des poulies de renvoi. Sur cette cuve se montent différents tubes de diverses figures et grandeurs.
7. Autre machine pour la démonstration de la pression des liquides en raison de la base et de la hauteur, sur une cuvette cylindre de verre, terminée par un couvercle de métal; au centre s'élève un tube d'environ 15 pouces de hauteur, et sur la circonférence, 5 petits tuyaux de verre munis de leurs robinets.
8. Appareil destiné à la démonstration de la conduite des eaux.
8 bis. Vase avec tube Communiquant pour la démonstration du niveau.
9. Cuve de glace de 7 pouces carrés de large sur 15 de hauteur, la base en cuivre avec 2 autres vases qui s'y adaptent, pour, la démonstration de la pression de l'eau contre les solides.
10. Soufflet hydrostatique de 11 pouces de dia- mètre avec ses tubes communiquants.
11. Niveau d'eau ordinaire en cuivre.
12. Niveau d'eau circulaire à bulle ronde, en cuivre et verre, sa boîte en acajou.
13. Lunette à niveau pour le nivellement avec sa boussole, montée sur 3 pieds et sa boîte en acajou.
14. 4 passevins élégamment montés sur des bases carrées en verre anglais.
15. Un tube contenant 4 liquides différents en pesanteur et spécifique.
16. 2 petites planches d'acajou de 8 pouces de hauteur, portant 2 tubes communiquants pour les liquides et de différentes densités.
17. Aréomètre à pompe.
18. 2 ludions, munis de leur pompe de com- pression.
19. Collection très précieuse d'aréomètres de tous les systèmes de Farenheit, Muchem-brock, de Baumé, de M. Charles, etc.
20. Aréomètre anglais du docteur Fordigce, en- cuivre avec sa boîte d'acajou.
21. Plusieurs instruments en verre très délicats, pour la démonstration de l'hydrostatique.
22. Globe hydrostatique en verre avec un petit char en argent, dans une cuve de glace carrée et garnie en cuivre, hauteur de 15 pouces, largeur 8 pouces.
ARTICLE TROISIÈME.
pneumatique.
1. Machine pneumatique de Fortin, 2 corps de pompe en verre, soupape mécanique, platiné en glace, son éprouvette.
2. Autre machine pneumatique de Dumotier, à corps de pompe, en verre, platiné en glace, chacune ae ces machines sur sa table d'acajou.
3. Grande machine pneumatique, à un seul corps de pompe, trépied en acajou, mé-
canique adaptée à un tube barométrique immergé dans sa cuvette. Cette machine fort belle est unique dans son espèce.
4. 2 hémisphères de Magdebourg en cuivre avec leurs robinets, l'un de 4 pouces et l'autre de 3 1/2 de diamètre.
5. 2 ballons à peser l'air, un grand et un pe-tit.
6. Machine propre à démontrer la pression de l'air sur les récipients de différentes bases. Cet instrument est composé d'un corps de pompe et piston de 3 pouces de diamètre avec tubes communiquants en plomb et en cuir imperméable, munis de leurs robinets propres à s'aboucher avec divers récipients, au montant de cette machine s'adaptent divers tubes communiquants d'inégal diamètre, qui plongent a volonté dans des cuves de mercure. La tige du piston est adaptée à un pesoir à ressort.
7. 3 grands récipients à bouton et 8 à 10 au- tres plus petits et de différentes grandeurs.
8.5 grands récipients à douille, dont plusieurs munis de viroles en cuivre. 9. 5 ou 6 autres plus petits à douille.
10. 5 boîtes à cuir avec leurs tiges, pour di- verses expériences dans le vide.
11. Un très long récipient d'environ 3 pieds por- tant un baromètre à siphon.
12. 4 autres récipients de différentes grandeurs, portant tubes barométriques.
13. 2 petites fioles à jet d'eau.
14. Divers petits instruments et vases propres à faire des expériences pneumatiques.
15. 2 hygromètres à cheveux, de Saussure, dans 2 boîtes d'acajou de jonc, couvertes en partie de gaze, l'un de ces hygromètres muni d'un thermomètre.
16. Autre hygromètre à cheveux, de Saussure, sous un récipient avec virole et robinet en cuivre scellé sur une platine de cuivre avec robinet inférieur, au pied de même métal, pour diverses expériences hygrométriques.
17. Hygromètre à fanon de baleine de Luc.
18. Hygromètre à papier, c'est une balance por- tant une quantité de rondelles de papier spongieux, en équilibre avec un contre- poids et index et portion de cercle gra-ué dont une boîte de verre montée en acajou ainsi que les autres.
19. Hygromètre à plumes de Buissard.
20. Machine de compression à 2 corps de pompe en verre, de Dumotiez, avec tubes barométriques. Machines de compression.
21. Autre corps de pompe en cuivre, chacune sur sa table d'acajou.
22. Tube recourbé, scellé par l'une de ses ex- trémités, monté sur une planche d'acajou, pour la démonstration de la compression de l'air.
23. Fontaihè de compression en cuivre rouge.
24. Fusil à vent avec sa pompe de compres- sion.
25. Pompe de tonnelier.
N"
26.Entonnoir magique.
27.Fontaine intermittente.
28.Système général de siphons en verres, simples, doubles, etc., a jet d'eau, etc.
29.Siphon dans le vide, monté sur une petite colonne d'acajou.
30.Grand récipient monté sur une petite colonne de bois avec platine de cuivre et divers tubes communiquants avec robinets, surmonté d'une virole et d'un tube barométrique. Cette pièce est destinée à la démonstration générale des siphons et jets d'eau dans le vide ; elle est munie d'une pompe à faire le vide dans l'intérieur du récipient.
31.4 déabets.
32.2 fontaines de Héron en verre.
33.3 fontaines dites de circulation.
34.Grand vase parallélipipède, de 30 pouces de hauteur, un des côtés en glace, la face opposée porte 5 robinets, une autre face porte 10 diaphragmes à diverses distances déterminées pour les expériences. Le quatrième côté porte un robinet mobile dans un genou pour les écoulements paraboliques, de dessous la cuve sort un tuyau coudé qui se relève perpendiculairement et dont l'extrémité reçoit divers ajutages pour la démonstration des divers jets cl'eau, cet instrument unique dans son espèce, est pour la théorie générale des écoulements.
35.Autre instrument en acajou propre à démontrer les projections paraboliques, sous des angles donnés par un jet de mercure.
pompes.
36.Démonstration de l'effet de la soupape dans la pompe, tuyau de verre surmonté d'une soupape.
37.La pompe aspirante et élévatoire.
38.La pompe" aspirante et foulante, la même avec un réservoir d'air.
39.Pompe dite des prêtres, toutes pompes en acajou.
40.Autre petite pompe aspirante et élévatoire.
41.Pompe à soufflet, en bois de chêne verni.
42.Machine de Vera, à 4 poulies en bois peint.
baromètres.
43.Baromètre propre à mesurer la hauteur des montagnes, à double cuvette et niveau constant, porté sur 4 pieds qui se réunissent pour envelopper l'instrument en voyage.
44.Baromètre de M. Charles, à siphon, les 2 branches garnies de robinets en acier, pompe de compression sur la cuvette.
45.Baromètre à cuvette, en bois d'acajou, division sur une plaque de cuivre argenté.
46.Baromètre de Deluc, à siphon égal.
47.Baromètre anglais, la cuvette à fond de peau terminée par une vis à pression.
48.Baromètre double, de Huygens.
N"
49. Baromètre raccourci d'Amontons.
50. Baromètre conique d'Amontons.
51. Baromètre de Hook, ou cadran en bois d'acajou.
52. Autres baromètres pour des démonstrations.
53. Pyromètre à air, cet instrument très com- posé est très précieux, car il n'en existe que 3, il est le résultat d'un travail intéressant sur les expansions des gaz par le calorique. Il est composé : 1° cTun baromètre à siphon; 2° d'un autre tube correspondant et semblable, mais dont le tube rempli d'air est scellé et fait fonction de thermomètre ; 3° entre les deux, un thermomètre à mercure.
54. Quantité de thermomètres à boules, cylin- dre , spirale en mercure, en esprit de vin, à graduation dans des tubes de verre et autres montés sur planches. Nota. Il y en a 20 de toute espèce.
55. Grand thermomètre de Mossy, monté sur glace, division de Réaumur et cylindre, ae mercure,, propre à être mis en dehors d'une croisée.
56. Autres thermomètres sur glace en mercure, propres dans l'immersion de différents liquides.
57. Très joli thermomètre de Ransden monté sur ivoire, boîte d'acajou, division de Fahrenheit et de Réaumur;
58. Petit thermomètre à mercure, tube très ca- pillaire, divisé sur sa tige dans un petit étui de bois.
59. Autre joli thermomètre anglais de Dollond, division sur ivoire.
ARTICLE QUATRIÈME.
acoustique.
1. 2 sonomètres, l'un de 6 et l'autre de 4 pieds, pour diverses démonstrations d'acoustique.
2. 1 petit timbre sur un récipient.
3. Forte-piano de Zumpesen bois d'acajou porté sur un orgue qui à son clavier particulier.
4. Violon. Ce n'est qu'un instrument ordinaire de 4 à 5 louis.
5. Très bon violoncelle d'excellente qualité.
6. Bon alto-viola.
7. Mandoline.
8. Guitare.
9. Instrument appelé timpanon de Barbarie ou claque-bois.
10. Autre instrument à peu près semblable, mais en acier, dans une boîte d'acajou.
instruments a vent.
11. Flûte de Pan.
12. Flûte traversière en buis.
13. Autre en ivoire.
44. Autre flûte en ébène, en ton de si bémol, de l'invention de M, Charles. 15. Hautbois.
N"
16. Clarinette.
17. Cornet acoustique.
18. Anatomie de l'oreiUe.
ARTICLE CINQUIÈME.
pneumatochimie.
1. 2 cuves de glace de 22 pouces de long sur 11 de large, 10 de hauteur, garnies en cuivre et munies des pièces nécessaires pour les expériences.
2. Autre cuve de 2 pieds de long, sur un de large et 2 de haut garnie en cuivre; elle est destinée aux expériences pneumatochimiques et à celles sur les réfractions des différents corps et de la lumière dans l'eau; chacune des cuves est sur sa table.
3. Autre cube en fer blanc, peinte en porphyre, longue de 15 pouces, large de 10 pouces, et " haute de 9 pouces.
4. Autre cuve en tôle, vernie en laque de la Chine, également propre aux expériences pneumatochimiques.
5. Autre cuve en bois d'acajou, revêtue inté- rieurement de plomb, 2 pieds de long, 1 pied de large et 1 de haut.
6. 12 boîtes de cèdre, chacune à 6 comparti- ments, munies de flacons de cristal, mesure d'une pinte avec leurs bouchons en verre, portées sur 3 tables en même bois. Total 72 flacons.
7. 3 autres boîtes à compartiments en fer; blanc peint, contenant 24 flacons semblables à ceux ci-dessus.
8. Environ 2 douzaines de flacons de rempla- cements pour ces mêmes expériences.
9. Nombre de cornues de différentes grosseurs et formes, propres aux expériences de chimie.
10. Quantité de matras de toute espèce.
11. 8 à 10 ballons de différentes grosseurs pour les expériences.
12. Quantité de capsules évaporatoires, etc. alambics en verre, etc., etc., on ne peut donner Ici un détail circonstancié de tous ces objets dont plusieurs disparaissent et périssent dans les expériences, et qu'il faut remplacer tous les ans par d'autres.
13. 5 ou 6 fourneaux grands et petits, de réver- bère, fusion, coupelles, etc., et pile de creusets, etc. 14 Alambic en cuivre avec bain-marie en étain et serpentin réfrigérant en cuivre.
15. Soufflet de forge, autres soufflets, etc.
16. Cuve de marbre noir pour les expériences pneumatochimiques au mercure, longueur 15 pouces, largeur 6 et hauteur 5, forme de tombeau antique.
17. Autre cuve en acajou pour le même objet.
18. 100 livres de mercure.
19. Environ 300 bocaux ou flacons de diverses grandeurs, contenant des acides, sels, substances chimiques, etc.
20. Table à souffler le verre, munie de tous ses accessoires.
21. Pyromètre de Wedgwood dans sa boîte d'acajou.
22. Beau pyromètre à cadran pour mesurer la dilatation des métaux, monté sur une table de marbre ; il est exécuté en cuivre par Arsandaux, et est dans sa cage de verre.
23. 4 éolipiles en cuivre dont 2 montés sur cha- riot.
24. Lampe à éolipiles pour souffler le verre, moitié en cuivre, moitié en fer blanc verni, tablette ovale de bois peint.
25. Feu d'artifice à air inflammable en 5 pièces de différentes grandeurs, fixées sur une planche peinte en noir, montée sur une pyramide en bois: Cette pièce est munie ae tous ses tuyaux de conduits, robinets, vessies, etc.
26. Modèle du globe aérostatique de M. Charles, de 26 pouces de diamètre en baudruche et fuseaux rouges et blancs, avec son char en carton peint et semblante à l'original du 1er décembre 1783, modèle pouce pour pied.
27. 2 endéomètres de volta, l'un à tube cylindre gradué, garni de cuivre, robinets, etc., "autre à globe de verre surmonté d'une capsule en cuivre, portant 1 tube avec 1 règle de division, et surmonté d'une petite boule de verre, à ces 2 pièces sont jointes 2 petites jauges ou mesures, en verre et cuivre, robinet à bulle, pour faire des expériences, etc.
28. Endéomètre de Fontana à air nitreux.
29. Gazomètre ou machine pour la recomposi- tion de l'eau, par la combustion des gaz hydrogène et oxygène. Cette machine assez compliquée est composée principalement de 3 pièces, 1 grande cuve carrée de 15 pouces, dont 3 cotes et le fond en fer blanc peint en bois d'acajou, le devant en glace, 1 autre cuve de 1 pied de diamètre, la face du devant en glace, plongée dans la "première et est tenue par 2 contre-poids qui passent sur 4 poulies de renvoi, cette pièce est destinée à contenir 1 pied cube d'air vital, 1 autre pièce semblable à celle-ci est destinée a contenir le gaz hydrogène, ou air inflammable, des tuyaux de conduits viennent s'aboucher dans un ballon de verre intermédiaire posé sur coussinet et 1 trepiéd, sa douille est terminée par 1 pièce en cuivre à 3 branches propres à différents usages auxquels cette machine est destinée.
30. Lampe à air inflammable munie de son élec- trophore.
31. Autre lampe ou réservoir à air inflammable.
32. Machine de Parker propre à aciduler l'eau de gaz acide carbonique. Cette pièce est en cristal anglais.
33. Plusieurs beaux vases et coupes de verre anglais ou flint-glass parmi lesquels on doit distinguer une superbe coupe de flint-glass.
34. 7 vases en forme de coupes, mais sans pied de verre, coloré 2 violets, 3 verts et 2 bleus.
35. Quantité de petits vases de verre pour l'hy- drostatique, l'aréomètre, etc.
36. 40 bocaux de cristal très fort, de 18pouces de haut et 5 de diamètre, dont M. Charles se charge de faire une batterie électrique.
37. Lampe à double courant d'air de Lange, le réservoir d'huile en cristal, à 2 porte-mèches avec plusieurs cheminées de verre de différents diamètres, figures et couleurs, pour la démonstration. Cette lampe est montée sur une pyramide de bois peinte en marbre blanc liséré de vert, la base peinte en porphyre et calée par 4 vis en cuivre.
38. Pompe à feu ordinaire à la manière de M. l'abbé Nollet, la chaudière en cuivre, le corps de pompe en verre, la monture en bois.
39. La marmite de Papin en cuivre, l'étrier et la vis de pression en fer.
ARTICLE SIXIÈME.
electricite.
1. 1 grande machine électrique dont le plateau de glace est de 6Cr pouces de diamètre, les conducteurs d'une structure particulière portent sur 3 colonnes de verre dont les socs sont en bois d'acajou, 1 chapelet composé de boules de cuivre communique à 2 forts conducteurs de fer blanc, suspendus au plafond. Cette machine est la plus belle et la plus forte qui soit en France, et ne peut être comparée qu'à celle d'Harlem.
2. 1 autre grande machine électrique dont le plateau de glace est de 53 pouces de diamètre, montée en bois d'acajou massif, les conducteurs d'une structure à peu près pareille à la première portent de même sur 3 colonnes de verre dont , les socs sont en bois d'acajou,
3. 1 machine de marine positive et négative dont le cylindre fait en Angleterre est de 15 pouces de diamètre, cette machine montée sur 6 colonnes de verre dont les bases de bois d'acajou sont montées sur une table de bois d acajou massif est la plus forte qui soit en France.
4. 1 grand tabouret à double fond, monté sur 4 colonnes de verre, les tables sont en bois d'acàjou.
5. 3 autres tabourets simples en bois d'acajou avec leurs pieds de verre.
6. 3 autres tabourets en noyer, dont un grand à double fond avec leurs pieds de verre.
7. 1 grand excitateur monté sur 1 colonne de verre terminée par 1 colonne en bois d'acajou cannelée.
8. 1 autre composée d'une boule montée sur 1 colonne de verre sur son pied en bois d'acajou.
9. 3 batteries dans leurs boîtes en bois d'acajou composées chacune de 9 grandes bouteilles étamées en dedans et en dehors,
10. 4 grandes batteries composées chacune dé . 25 bouteilles.
11.4 jarres de différentes grandeurs.
N"
12. 1 grande jarre étamée par zones.
13. 18 bouteilles de Leyde de différentes gran deurs.
14. 1 conducteur isolé, sur son pied en bois d'acajou.
15. 1 autre plus petit.
16. 2 excitateurs universels, montés sur leurs bois en bois d'acajou. . 47. Plusieurs tiges en cuivre.
18. Plusieurs autres en verre de différentes grandeurs.
19. Plusieurs pistolets de Volta en fer blanc.
20. Plusieurs en verre. !
21. 2 en cuivre dont 1 à balle.
22. 3 pinces-grenouilles. "23. 1 grand œuf électrique.
24. 3 plus petits.
25. Plusieurs excitateurs brisés en cuivre.
26. 2 excitateurs à charnières et à manches de verre.
27. 2 tableaux magiques encadrés en acajou.
28. 1 tableau de conjurés.
29. 4 cadres d'avantiérine.
30. Plusieurs tubes électriques de verre étince- lants en spirale.
31. 1 canne électrique.
32. Plusieurs tubes phosphoriques dont 3 étin- celants.
33. 1 colonnade composée de 9 tubes étince- lants.
34. Plusieurs tableaux de verres étincelants ou cadres étincelants formant différents dessins avec 2 montures en cuivre.
35. 1 planétaire électrique.
36. Dematros dans le vide.
37. 2 maisons à tonnerre.
38. 1 arbré électrique.
39. 2 dansés des pantins.
40. 1 presse avec ses vis en fer, pour la cal- çination des feuilles de métal.
41. 1 thermomètre électrique de Kinnerslie.
42. 1 condensateur à charnière en bois d'aca- jou de Carvallo.
43. 1 autre condensateur avec 2 plateaux de cuivre, et 1 boule montée sur 1 tige de verre.
44. 1 casse-glace sur sa boîte de bois d'acajou.
45. 3 carillons électriques.
46. 1 canon de Volta avec son canonnier.
47. 1 presse en bois de rose.
48. 1 araignée de Francklin.
49. 1 machine nommé système de Copernic, tournant.
50. 1 récipient pour la grêle électrique.
51. 1 tige isolée.
52. 1 électromètre de décharge.
53. 1 électrophore monté sur son pied isolé, composé de 2 plateaux séparés par un plan de glace.
54. 1 grosse boule de cuivre de 18° de diamètre.
55. Plusieurs électromètres à boule de liège.
36. 2 électromètres de M. Saussure.
N"
57. 1 électromètre à cadran.
58. Grand électromètre de M. Coulomb.
59. Petit électromètre de M. Coulomb.
60. 1 électrophore avec son disque garni d'étain, et monté sur 1 guéridon.
61. Autre électrophore avec son disque garni d'étain et monté sur un guéridon.
62. Plusieurs gâteaux.
63. Cerf-volant électrique avec son appareil en cuivre, monté sur des piliers de verre, avec son treuil pour dévider la corde, manivelle isolée, etc.
64. Autre appareil pour le globe aérostatique d'air inuammaDle.
65. Plan méliné électrique.
66. Plusieurs petits instruments qu'on ne peut décrire pour différentes expériences sur l'électricité.
67. 1 grand tube de verre anglais de 5 pieds pour l'électricité dans le vide monté sur son pied en cuivre et garni de son robinet.
69. 2 autres tubes, de 3 pieds, montés sur leurs pieds de cuivre, garnis de leurs robinets.
70. 1 récipient à boîte de cuir pour l'électricité dans le vide avec ses accessoires.
ARTICLE SEPTIÈME.
haimant.
1. Boussole marine dans sa boîte de bois de chêne.
2. Petite boussole de Dollond en cuivre rouge.
3. Appareil magnétique d'Adam dans sa boîte d'acajou contenant divers objets.
4. 4 petits barreaux magnétiques dans leurs étuis.
5. Petite pierre d'aimant armée avec son con- tact.
6. 3 fers d'aimant artificiel en fer à cheval de différentes forces.
7. Plusieurs petits tours et expériences ma- gnétiques appelées l'horloge sympathique, l'oracle, le petit peintre, etc.
8. La sirène magnétique; cette pièce mérite d'être distinguée par l'élégance de sa construction.
ARTICLE HUITIÈME.
optique.
1. Télescope newtonien de 30 pouces monté sur un trépied avec son engrenage en cuivre.
2. Télescope de Gassegrain, fait par Short, avec son micromètre objectif et son pied en cuivre.
3. Télescope grégorien de 24 pouces, monté sur 1 pied en cuivre.
4. Lunette achromatique de Dollond, de4 pieds, objectif de 32 lignes, tuyau d'acajou avec son pied en cuivre.
5. Lunette acromatique de Ramsdem à tirage en cuivre de 3 pieds, objectif de 24 lignes.
N"
6. Lunette de nuit de Dollond de 15 pouces, objectif de 23 lignes.
7. Microscope solaire pour les objets opaques avec son tour monté en cuivre, ce microscope particulier est fait parM. Charles, qui le détaille dans ses cours d'optique.
8. Microscope solaire monté en cuivre, avec son pied et sa boîte d'acajou par Dollond.
9. Microscope composé en cuivre avec sa boîte en acajou corrigé par M. Charles.
10. Microscope anglais de la plus grande perfec- tion, par Shuttleworth, avec une cage en verre.
11. 1 grand réflecteur, son miroir métallique, 12 pouces de long, 8 de large, avec son pied en cuivre.
12. Autre réflecteur avec son miroir en métal, de 4 pouces de diamètre, monté en cuivre.
13. Plusieurs appareils de diverses grandeurs pour ces 2 réflecteurs.
14. 2 prismes équilatéraux de la plus grande beauté, montés sur pieds de cuivre.
15. Autre prisme équilatéral avec son pied en cuivre avec crémaillère et mouvements en tous sens.
16. 1 autre équilatéral monté verticalement sur cuivre.
17. 2 autres équilatéraux avec pieds de cuivre.
18. 7 prismes coupés de différents angles, pieds de cuivre.
19. Gros prisme équilatéral, coupé de 29 lignes, pied de cuivre.
20. 2 prismes creux équilatéraux coupés de 27 lignes, pied de cuivre.
21. Prisme à eau équilatéral de 6 pouces.
22. Prisme pneumatique rectangle scalène.
23. Prisme variable de M. Charles, monté en cuivre avec arc gradué.
24. Cuve de verre montée sur une colonne en acajou et différents prismes de verre de couleur pour les expériences sur la lumière.
25. 3 lentilles convexes de 2 à 3 pouces de dia- mètre avec leurs pieds montés en cuivre. Elles sont de différents foyers.
26. 1 loupe de 9 pouces de diamètre montée en cuivre avec son pied.
27. Lentille concave de 4 pouces, 8 lignes de diamètre, pied de cuivre.
28. Autre de 3 pouces montée en cuivre avec son pied.
29. 2 autres à verre mobiles, montées en cuivre.
30. Très belle lentille d'eau, de 15 pouces de diamètre pied d'acajou, cercle en cuivre.
31. Héliostat de S'Gravesande, instrument rare.
32. 2 miroirs concaves en cuivre de 16 pouces, montés sur pied de bois verni.
33. Miroir concave de 3 pieds de diamètre.
34. Autre convexe de même diamètre, avec leurs pieds en bois verni, et cercle de cuivre.
35. Très beau miroir concave de 22 pouces de diamètre monté en ébène et bois verni.
36. Mkoir de Busson, compris de 48 petits mi- roirs plans.
37. Miroir anglais concave à facettes de 11 pou- ces de diamètre. .
38. Miroir de métal concave et convexe de 20 pouces de diamètre avec son pied en bois verni.
39. Miroir cylindrique concave, 7 pouces 2 li- gnes ae haut sur 5 pouces 4 lignes de large.
40. Miroir à 19 facettes de 5 pouces, 8 lignes de diamètre. '
41. Miroir noir, plan de 4 pouces 2 lignes de diamètre.
42. Miroir cylindrique.
43. Miroir prismatique.
44. Miroir pyramidal.
45. Miroir conique. Ces 4 avec tous leurs cartons.
46. Miroir noir convexe de 4 pouces 1/2 de dia- mètre, étui de chagrin.
47. Multipliant de flint-glass, monté en ivoire, 2 pouces de diamètre.
48. Prisme achromatique de Dollond.
49. Lunette solide convexe et concave de verre verdâtre de 3 pouces 1 /2 de long.
50. Prisme conique.
51. Prisme pyramidal.
52. 2 petites lunettes de spectacle, l'une en ivoire, l'autre en chagrin.
53. Petit microscope avec le charençon du Brésil.
54. Œil artificiel pour la démonstration du myope et du presbyte, etc.
55. Autre œil artificiel contenant l'anatomie de l'œil.
56. 2 boîtes pour la démonstration de divers instruments de dioptrique et catoptrique, comme microscope simple, composé, solaire, lunette à oculaire concave, convexe, lunette terrestre, télescope grégorien, newtonien, miroir plan, concave, convexe, etc. Toutes ces pièces représentent en relief la marche des rayons de lumière dans ces différents instruments, par des fils de différentes couleurs et sont partie en ébène, partiè en ivoire.
57. Pièce pour la démonstration générale et par- ticulière des lunettes et microscopes, etc. Cette pièce consiste en 1 guéridon portant 1 tige à charnière sur laquelle est montée 1 planche longue de 4 polices 1/2, sur cette planche graduée, glisse à frottement, plusieurs portants, tuyaux et diaphragmes munis de verres convexes de différents foyers.
58. Autre pièce appelée communément banc pour les expériences sur la lumière. Sur e banc de 6 pieds de long glissent plusieurs portants munis de 4 miroirs, 1 de ' métal, concave, de 4 pouces de diamètre, 1 autre plan de métal, de 4 pouces, 1 autre de verre anglais parallèle de 4 pouces et 1 cylindrique, le tout monté en cuivre.
59. Chambre noire à prisme, de M. Charles, elle est composée d'un prisme mobile sur son axe, de 2 verres convexes; le tout se meut dans un genou d'acajou.
60. Chambre noire anglaise, dite à portrait, montée sur 1 guéridon d'acajou, longueur de sa boite 13 pouces sur 7.
61. Chambre noire ou pantographe optique, montée sur 1 pied mécanique en acajou.
62. Grande chambre noire adaptée à un volet, cette pièce est composée d'un tuyau de cuivre portant un verre convexe, mobile dans un genou, vis de rappel, pour mouvoir 2 miroirs, plans anglais adossés l'un à l'autre, etc. A cette pièce est joint 1 guéridon portant 1 cadre blanc mobile, pour recevoir les objets,
63. Magnifique optique composé d'une ving- taine de dessins originaux, à gouache ou aquarelle d'Italie et autres. Cette pièce est la plus belle que l'on connaisse.
64. 1 lanterne magique en bois d'acajou avec des tuyaux en cuivre, munis de verres convexes et 1 boîte remplie de verres peints de divers grotesques, précieux par leur fini et leur choix.
65. Autre lanterne magique en tôle vernie, cette pièce munie ae ses verres et tuyaux en cuivre est propre à faire un microscope lucernal.
66.3 pièces propres à porter différents fils croisés pour la démonstration générale de l'optique, des lunettes et des télescopes.
67. Pantographe optique pour dessiner divers objets, cet instrument est en bois d'acajou et sur sa colonne de même bois.
68. Grand miroir plan de métal, de 18 pouces de large sur 22 pouces de hauteur, dans son cadre de bois peint en rougé et or, et tournant sur son pied.
69. Sextant anglais de Dollond en bois d'acajou, limbe en ivoire et lunette en cuivre l'aliade et la règle en cuivre du rayon de 15 pouces.
RÉCAPITULATION.
La mécanique contient............55 numéros.
L'hydrostatique contient.......22 .
La pneumatique contient..... 59
L'acoustique contient..............18 —
La pneumato-chimie contient. 39 —
L'électricité contient..................70 —
L'aimant contient........................8 —
L'optique contient............ 69 —
Nous soussigné Alexandre Ruelle, professeur d'astronomie a l'Observatoire, Nicolas Fortin, ingénieur en instruments de physique, Pierre-François Dumotiez et Louis-Joseph Dumoutiez, ingénieurs en instruments de physique, nommés par M. le ministre de l'intérieur pour procéder a l'inventaire du cabinet physique de M. Claude.
Certifions que le présent procès-verbal a été fait par nous d'après l'inspection de toutes les pièces qui le composent et en présence de e Jacques-Alexandre-Gésar Charles, qui a signé avec nous. A Paris, le huit de mars de l'année mil sept cent quatre-vingt douze.
Signé : Alexandre Ruelle , Nicolas Fortin, Pierre-François Dumoutiez, Louis-Joseph Dumoutiez, Jacques-Àlexandre-Gésar Charles.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Réclamation de M. Aragon, au sujet du discours prononcé par M. Chabot, dans la séance du 21 février 1792, en réponse au rapport du comité des assignats et monnaies.
réclamation (1).
Au rédacteur.
La dénonciation de M. Chabot, député à l'Assemblée nationale, contre M. Aragon, agent de la marine et du commerce de France à Bristol, avec 9,000 livres d'appointements, réduits en ce moment à 4,200, par sa contribution patriotique, la retenue pour les invalides de la marine, et la baisse énorme du change, et non consul de France à Londres, avec 15,000 livres, comme l'a avancé M. Chabot, dénonciation faite le 21 février, après la seconde lecture d'un projet de décret proposé à l'Assemblée par le comité des assignais, pour accorder une récompense à M. Aragon, comme ayant découvert à Londres et fait arrêter à Calais, dans le mois d'avril dernier, deux faussaires d'assignats de 300 livres, récompense proposée pour lui sous ses noms patronymiques, de l'aveu du comité, du ministre de la justice et du ministre des affaires étrangères, cette dénonciation ayant été rendue publique par la voie de cent papiers-nouvelles, dont plusieurs, mal instruits du discours de M. Chabot, ont fait dire à ce député plusieurs choses injurieuses et attentatoires à la réputation de M. Aragon, quoiqu'il ne les ait point prononcées, il importe à l'honneur de l'accusé (l'honneur n'a point changé depuis 4 ans, quoi qu'en dise M. Chabot) d'annoncer les faits tels qu'ils existent.
Il est à observer que M. Chabot est convenu, le 24 février, au comité des assignats, qu'il n'avait d'autre fondement de sa dénonciation que deux lettres dont il n'a pas donné la date, écrites de Londres par un nommé Marta, à un Anglais qui recueille les débats de l'Assemblée. L'on verra quel homme est ce Marta.
On observera surtout que M. Chabot n'a pu me dénoncer que par un abus de ma confiance, procédé indigne de tout honnête homme, mais criminel dans un législateur à qui le salut de l'Etat qui dépend peut-être des assignats, aurait dû servir de loi. Voici le fait : j'atteste qu'il est de la plus exacte vérité. Le 7 février, devant partir le lendemain pour Londres, par ordre de M. le ministre de la justice, je passai, sur le soir, chez M. Belleroche, rapporteur de mon affaire, pour l'instruire Jtë mon départ ; ne le trouvant pas, j'entrai dans son cabinet pour lui écrire; là je trouvai une personne en robe de chambre et en pantoufles; j'ai appris, le 23 février, par M. Belleroche que cette personne était M. Chabot, et qu'il était alors malade. Cette personne
m'a dit qu'elle était amie de M. Belleroche, et député à l'Assemblée nationale. Je m'empressai de lui conter mon affaire très en détail, et même lui fis lecture de la lettre que j'écrivais à M. Belleroche. Je ne pus m'empêcher d'admirer la patience de cet inconnu qui m'écoutait avec tant d'attention, et paraissait même s'intéresser à moi. De retour cnez mon ami intime, M. l'Epine, horloger du roi, je lui appris que je venais d'acquérir un protecteur, à l'appui de ma demande, a l'Assemblée nationale.
Il est temps de faire connaître M. Maria.
Déposition remise au comité des assignats de M. Jean de La fontaine, principal officier du bureau de police du chevalier Sampson Wright, juge de paix à Londres.
M. Jean de Lafontaine dépose sous serment qu'ayant été voir M. Major, graveur à Londres, ans le mois de janvier dernier, celui-ci lui avait dit que quelque temps après l'arrestation des nommés Philiponneau et Simonneau, une personne qui lui parut n'être pas anglaise, et qui lui dit que son nom était Marta ou Martin, était venue chez lui, l'avait beaucoup questionné sur l'arrestation, et qu'il n'avait voulu donner de réponses positives à aucune de ses questions ; qu'enfin cette personne lui avait proposé de signer un papier, en lui disant qu'il serait très bien récompensé s'il voulait y consentir, mais qu'il s'y était constamment refusé; que là-dessus cette personne s'était emportée contre lui, Major, quoique dans sa propre maison, lui avait dit mille injures, lui avait assuré que s'il allait en France pour déposer contre les contrefacteurs, il serait pendu comme complice; enfin, avait fait un tel tapage chez lui, que sa femme qui était grosse s en était trouvée mal : que ce Marta ou Martin était revenuv plusieurs fois faire les mêmes propositions, le même tapage, et avait de nouveau effrayé sa femme au point qu'alors, au mois de janvier, elle s'en ressentait encore. M. de la Fontaine ajoute que M. Major lui avait semblé tellement enrayé des menaces à lui faites par le sieur Marta ou Martin, qu'il croit très fermement que c'est à ces menaces qu'il faut attribuer le refus qu'il a constamment fait de venir à Paris déposer contre Philiponneau et Simonneau, quoiqu'on lui eût offert une somme considérable pour faire ce voyage, et qu'il y eût été encouragé par le chevalier Wright lui-même et par lui de la Fontaine.
M. de la Fontaine ajoute encore qu'il sait parfaitement bién qu'une personne qui avait l'air étrangère, était souvent venue au bureau du chevalier Wright, avait fait plusieurs questions à ce magistrat, relativement à l'arrestation, et s'était comportée avec tant d'insolence sur son refus de lui répondre, que le chevalier Wright lui avait ordonné de sortir, sans quoi il le ferait mettre à la porte. M. de la Fontaine dit encore que M. Major l'a assuré que cette personne qui s'était ainsi comportée, n était autre que le sieur Marta ou Martin, de son propre aveu.
Signé : Jean de la Fontaine.
Cette manœuvre pour me perdre, et peut-être pour sauver les contrefacteurs n'était pas mal concertée : l'arrivée à Paris de M. de la Fontaine en a un peu déjoué les auteurs ; car il paraît très
vraisemblable que le sieur Marta a été employé par quelqu'un. Cet homme, Italien, autrefois employé dans les coulisses de l'opéra de Londres, n'est point assez riche pour donner une forte somme pour le seul plaisir de faire signer un papier sans doute rempli de faussetés, puisque le graveur a refusé de le signer, afin de perdre un homme qu'il ne connaissait point.
Revenons a M. Chabot.
On a vu que je ne suis point consul à Londres. Dans une accusation qui compromet l'honneur et l'existence d'un citoyen, il faut être exact sur les moindres circonstances, surtout lorsqu'on exerce les augustes fonctions de ministre d'un Dieu de paix, de clémence et de miséricorde.
Un dénonciateur qui se trompe dans tous les points de sa dénonciation, s'expose à être regardé et traité comme un calomniateur.
J'allai voir M. Chabot le 23 février au matin. II me fit lecture de quelques parties des deux lettres; mais il lui plut alors de me taire le nom de l'écrivain. Cette conduite s'observe à l'inquisition de Lisbonne; mais elle n'est pas tout a fait dans les principes de notre Constitution. Ce ne fut qu'au comité, le 24, sur ma demande positive, qu'il me l'apprit ; alors je me rappelai qu'à mon dernier voyage à Londres, le chevalier Wright m'avait instruit de l'insolence du sieur Marta ; mais j'ignorais la première partie du contenu de la déposition de M. de la Fontaine, qui arriva à Paris dans la matinée du 24. Ce nom de Marta que j'appris de M. Chabot le même soir, me donna l'idée de lui demander s'il le connaissait ; l'on a vu sa réponse.
M. Chabot a dit a l'Assemblée que je n'étais pas le premier dénonciateur ; il se trompe ; je le suis vis-à-vis de la France. Le projet de contrefaçon me fut communiqué, à moi, j'en donnai avis par une note à M. Barthélémy, en l'absence de M. l'ambassadeur, alors à sa campagne, et non malade comme dit M. Chabot (une copie en est déposée au comité). M. Barthélémy envoya cette note à M. Montmorin, qui la transmit à M. Delessart, alors ministre de l'intérieur. M. Delessart, au lieu de suivre cette marche officielle, qui aurait perdu un temps précieux, eut assez de confiance en moi pour m'écrire directement, et m'autoriser à suivre cette importante affaire, s'en rapportant entièrement à moi pour la conduire à bien. Je suis donc, bien véritablement le dénonciateur de cette contrefaçon projetée, et c'est moi qui l'ai arrêtée. M. Chabot dit : qu'au surplus, je n'ai que rempli mon devoir, en faisant cette dénonciation. J'en conviens avec lui ; mais ce devoir ne s'étendait pas plus loin, il n'exigeait pas que je fisse des démarches pour suivre et ne pas perdre de vue ces contrefacteurs, pour leur faire enlever les planches, épreuves et papiers, enfin pour les faire arrêter à leur arrivée a Calais.
M. Chabot dit que les planches et épreuves ne sont point parties avec les prisonniers. Cette circonstance lui paraît assez forte contre moi, pour en faire une des raisons de ses conclusions à ce que le projet de décret soit rejeté; mais je ne mérite pour cette même action, plutôt des louanges que le blâme auquel il semble me vouer.
Les prisonniers sont partis le 13 avril pour Calais, à 11 heures du soir, sous la conduite de ce M. de la Fontaine, avec qui je viens, monsieur Chabot, de vous faire faire connaissance ; il ne devait aller que jusqu'à Calais. Le 14 avril, dès 6 heures du matin, j'écrivis à M. Delessart le départ des contrefacteurs, et le détail de leur
arrestation, et avant midi, un homme affidé qu'il m'avait envoyé exprès était parti pour Paris, avec un paquet cacheté, contenant ma lettre, les planches, les épreuves, et l'assignat de 300 livres qui avait servi de modèle. Aurais-je été justifiable de les envoyer par une autre voie, en ayant une aussi sûre, et qui m'était indiquée par le ministre?
Mais voici une inculpation bien plus grave. Vous, monsieur Chabotj législateur français, etqui, en cette qualité, devriez dire : Reipublicœ salus, suprema lex esto, vous me dénoncez à l'Angleterre comme violateur du droit des gens, comme ayant fait faire des visites domiciliaires. L'Angleterre vous saura sans doute gré de ce sacrifice des plus chers intérêts de notre commune patrie, aux principes de la morale la plus stricte.que vous avez développés à l'Assemblée, et que vous avez si bien suivis à mon égard ; mais il y a une petite entrave à votre dénonciation, c'est qu'elle est absolument fausse. Je n'ai point fait faire de visites domiciliaires, à qui les aurais-je ordonnées, et qui eût osé m'obéir? Et si un magistrat aussi intégré qu'éclairé a bien voulu servir la France, ne connaissait-il pas les pouvoirs que lui donne la loi anglaise?
Vous avez demandé, monsieur Chabot, la question préalable sur le projette décret, parce que je ne suis point le premier dénonciateur, et que les planches n'ont point été envoyées avec les prisonniers. Je me flatte d'avoir répondu satisfactoire-ment à ces objections.
Vous avez rendu mon nom public, mon-
sieur Chabot; cependant, M. Belleroche vous avait instruit du vœu du Comité, qui avait approuvé que je ne parusse que sous mes noms patronymiques. M. le ministre de la justice, et M. Delessart, y avaient aussi donné leur approbation dans une lettre qu'ils avaient adressée au comité des assignats. Vous avez donc cru que votre opinion valait mieux que celle de tous ces messieurs. Plutôt que d'être connu, j'aurais mieux aimé renoncer a ce qu'on croyait que j'avais mérité ; je l'avais déclaré au comité; cependant vous déchirez ce voile qui ne faisait tort à personne, et vous voulez m'enlever la récompense qu'on a jugé m'être due. Cela est trop cruel; il fallait au moins me laisser quelque chose, ou l'anonyme ou la récompense, car, après tout, la patrie m'a quelque obligation d'avoir arrêté cette contrefaçon. Je vous crois un trop bon cœur, monsieur Chabot, pour n'être pas intimement persuadé que vous regretterez d'avoir si légèrement compromis la réputation, l'honneur et l'existence d'un citoyen, d'après deux lettres écrites par un homme que ie viens de convaincre de la scélératesse la plus horrible. Vous ignoriez sans doute cette atrocité. Si votre dénonciation n'a été dictée que par votre zèle pour le bien public, vous me saurez gré de vous avoir détrompé, et de m'être justifié aux yeux de tous les honnêtes gens.
Aragon.
Paris, le 2 mars 1792.
a la séance de l'assemblée nationale législative du mercredi 14 mars 1792, au matin.
Note des dsciets sanctionnés par le roi ou dont Sa Majesté a ordonné Vexécution (1).
Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
datés des décrets.
14 janvier 1792. 14 janvier 1792. 14 janvier 1792.
25 février 1792.
3 mars 1792.
4 mars 1792.
titres des decrets.
Décret qui accorde une somme de 3,000 livres au sieur Guillaume Sébire à titre de supplément et de récompense nationale.
Décret portant qu'il sera sursis à la nomination aux places de la nouvelle organisation forestière.
Décret relatif à la continuation du payement de la solde, des ci-devant gardes-françaises renvoyés sans, avoir demandé leur congé.
Décret qui maintient dans leurs places les prêtres élus en conformité des lois antérieures à celle du 18 octobre 1791, pour remplacer les curés non assermentés, ou qui ont rétracté leur serment.
Décret qui met à la disposition du ministre de la guerre une somme de 15,000 livres pour la solde des ci-devant gardes-françaises, et autres soldats de la garde soldée parisienne, renvoyés sans avoir demandé de congé.
Décret relatif à la nomination de nouveaux commissaires pour la fabrication et l'impression des assignats.
Paris, le 14 mars 1792.
Signé : M. L.-F. Duport.
dates des sanctions.
11 mars 1792.
11 mars 1792.
10 mars 1792.
10 mars 1792.
11 mars 1792.
11 mars 1792.
(1) Voy. ci-dessus même séance, page 692, l'envoi de cette note par le ministre de la justice.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Système (1) de l'éducation physique, morale, civique et politique qui doit être suivie à Végardde Louis-Charles, prince royal,parU. Del-masse, homme de loi a Dijon (2).
Les malheurs du peuple ont pris principalement leur source dans la mauvaise éducation qu'on a toujours donnée aux héritiers du trône rançais : confiés jusqu'ici à des prêtres et à des courtisans, elle n'a presque montré sur le trône que des despotes superstitieux et corrompus.
Jamais cette éducation n'a été conforme à l'importante destinée des enfants des rois ; on ne les faisait ni régir pour apprendre à régir, ni obéir pour apprendre à commander; on n'exigeait véritablement d'autres qualités pour gouverner que d'être venus au monde, on les égarait, on leur laissait ignorer tous leurs devoirs ; on ne leur inspirait que le faste, l'orgueil, la volupté, et la dureté pour les hommes ; ils n'étaient entourés que de lâches flatteurs, de vils intrigants, ae tyrans subalternes, de courtisans corrompus qui ne leur parlaient que de leurs plaisirs et leur persuadaient sans peine que les peuples n'étaient faits que pour servir de jouets à leur caprice et à leur vanité.
Ces malheurs ne sont plus à craindre en France aujourd'hui. Un roi, quels que soient ses vices, ne peut plus, grâce à la Constitution qui a fixé son pouvoir, se jouer impunément de la vie ni du bonheur des peuples : il est dans l'heureuse impossibilité de les opprimer, de les vexer, de les tyranniser de les réduire à l'esclavage ; mais il n importe pas moins à la nation de s assurer de son éducation.
Elle a consenti à transmettre au sang de ses monarques un grand pouvoir, il est juste qu'elle prenne des mesures pour qu'une éducation vertueuse la garantisse au danger de voir en abuser celui qui doit un jour en être revêtu.
Si les enfants, en général, doivent moins appartenir à leurs parents qu'à la nation dont ils sont l'espérance et la force, ceux des rois doivent encore plus particulièrement être les enfants du peuple : un roi, en effet, est redevable de son existence au peuple, il est son ouvrage, son sujet, sa créature : un roi, en un mot, est le fils, et non le père du peuple, comme on l'a cru trop longtemps et comme on l'appelait jadis par une comparaison fondée sur un étrange abus des mots.
La liberté du choix de l'éducation qu'il convient de donner au prince royal ne aoit donc pas être conservée au roi : cet enfant doit être élevé moins pour lui-même que pour la patrie et pour les devoirs qu'il sera obligé de remplir ; et le sacrifice que son père sera obligé de faire du droit que lui donne la nature d'élever son enfant, est plus que compensé, vis-à-vis cet enfant, par l'admission au poste éminent auquel la nation le destine, et relativement au roi lui-
même, par les exceptions établies en sa faveur par la Constitution, qui se départ pour lui des droits les plus précieux, et semble même en plusieurs points déroger à ses principes.
Le roi doit d'autant moins regretter d'être privé du droit de donner ses soins à l'éducation de son fils, que ses fonctions et ses occupations ne lui permettraient pas d'en suivre les détails journaliers, et qu'il serait toujours forcé de faire choix d'un nomme chargé de l'élever, comme il aurait désiré le former lui-même. Il ne paraît pas y avoir d'inconvénients à laisser, en conséquence, au roi la faculté de nommer le gouverneur qui sera donné à l'héritier présomptif.
Ce gouverneur veillera à la conservation de la vie et de la santé du prince, et il répondra de sa personne ; mais il sera tenu de prêter serment, en présence du Corps législatif, de suivre exactement le système d'éducation qui sera déterminé par les représentants de la nation.
Rien, sans doute, n'est peut-être plus difficile que le succès d'une éducation que n'a point reçue celui qui l'a donnée, dont il n a pu faire l'essai, parce qu'il la donne pour la première fois ; dont il n'a point vu d'exemples, parce qu'elle est unique dans le même temps, et se renouvelle très rarement.
Mais c'est une raison de plus pour réduire cette éducation à des formes faciles à déterminer, et qui produisent, indépendamment des personnes, des temps et des circonstances, nécessairement l'effet que la nation doit s'en promettre.
Tel est l'objet du plan que l'on propose, d'après lequel on n'aura pas à craindre qu un gouverneur, quels que soient son caractère ou ses principes, ses opinions ou ses préjugés, ses bonnes ou mauvaises qualités, puisse s'emparer à lui seul de l'éducation du jeune prince et fermer l'accès à tout autre enseignement que le sien et à toutes autres impressions que celles qu'il pourrait lui communiquer.
On va commencer par donner quelques préceptes généraux relatifs à l'éducation physyque, morale, civique etpolitique qui doit former l'héritier présomptif ae la Couronne : on présentera ensuite l'esquisse du cours d'instruction vraiment national et qu'il conviendrait d'adopter à sonégard pour remplir le but que l'on s'est proposé.
1° L'éducation physique du prince royal, de celui qui doit un jour devenir le roi d un peuple libre, se réduit à peu de préceptes, car c'est une personne morale qu'il s'agit d'élever ici, et à peine ce doit être un homme.
Il suffira donc d'employer toutes les précautions possibles pour qu'une santé saine èt robuste laisse à l'âme toute sa vigueur, èt lui prête tous les secours qu'elle en peut tirer.
La force de l'âme tient, plus que l'on ne croit peut-être à un corps robuste, et il aura besoin d'une âme forte qui ne soit point épouvantée de l'étendue de ses devoirs.
Il faut, pour cet effet, qu'il se livre aux exercices du corps, mais sans passion et sans excès; que la gymnastique, qui fera sans doute partie de l'éducation nationale, et qu'il convient de ressusciter parmi nous, non de la manière qu'elle se pratiquait chez les anciens, mais en se proposant un but plus rapproché de nos mœurs, et néanmoins propre, comme leurs exercices, à développer tout remploi des forces du jeune âge, lui soit commune avec tous les jeunes citoyens de l'Empire.
Que la lutte, le saut, la paume, les courses à
pied, les courses de char, l'exercice du cheval, fa danse, l'art de nager, l'escalade, l'exercice militaire, les marches, les revues et évolutions combinées endurcissent son corps à la fatigue et au travail; le forment à l'adresse, à l'agilité et aux dangers ; lui donnent autant qu'il est possible, des grâces mâles et vigoureuses : en même temps que ces exercices qui font naître l'héroïsme lui inspireront des idées de courage, l'amour de la patrie, et le sentiment des vertus qu'elle fait naître.
On aura soin de l'acoutumer à une vie simplement frugale et laborieuse, à ne point donner au sommeil la nuit entière ; à mépriser les douceurs d'une vie lâche et efféminée ; on lui fera enfin surmonter la crainte des dangers, de la maladie et même de la mort.
2° C'est moins à donner des lumières qu'à régler les penchants que doit tendre l'éducation morale du jeune élève.
On s'attachera à lui développer les ressorts secrets des passions des hommes, les replis cachés de leur amour-propre, la différence des vertus fausses d'avec les vraies et solides vertus.
On lui apprendra à discerner les hommes droits et simples qui agissent sans déguisement; on lui inspirera la plus haute estime pour les hommes de bien.
On saura faire naître des circonstances qui lui fassent sentir sa faiblesse, et la violence de ses propres passions; ce n'est qu'après des épreuves qu'il se connaîtra, qu'il se défiera de lui-même, qu'il deviendra véritablement sage.
On saura tirer parti des imprudences qu'il commettra pour le rendre prévoyant et modéré,
On lui fera goûter des plaisirs, mais des plaisirs qui ne le passionnent ni ne l'amollissent point, des plaisirs qui le délassent, et qu'il puisse goûter en se possédant, des plaisirs doux et mo- dérés qui ne lui ôtent point la raison : en un mot, les vrais plaisirs.
Mais on aura soin principalement de perfectionner en lui la faculté qu'il a reçu et de la nature d'éprouver un degré quelconque de plaisir par le projet de ses actions futures, en le préparant, par un exercice continuel de ce sentiment intime, à trouver une source de jouissances dans la destinée qui l'appelle à veiller un jour à la félicité des hommes.
On n'oubliera rien pour le rendre juste, fidèle, bienfaisant, humain, franc, sincère et équitable.
Enfin on saura le rendre sensible aux charmes de l'amitié.
Jamais les rois qui ont tant besoin d'amis, n'ont eu le bonheur d'en posséder dé véritables : des flatteurs leur en tenaient perpétuellement lieu ; ils n'étaient attentifs qu'à s'accommoder à leurs désirs, à se plier à leurs caprices,-à étudier leurs goûts, à prêter au crime des couleurs aimables, a semer ae fleurs le chemin qui y conduit, enfin à trafiquer de leurs faiblesses : plus un monarque est absolu, moins il a la force d'entendre la vérité, moins on a le courage de là lui dire; dès qu'il est à craindre, on ne cherche plus qu'à le flatter, un bienfait de la Constitution pour les rois, c'est de les avoir mis, en restreignant leur puissance dans de justes bornes, en ramenant cette magistrature suprême à ce qu'elle dut être dans l'origine de son institution, dans la possibilité de rencontrer de vrais amis. Un ami sera autour du prince, la garde la plus fidèle, le censeur éternel du vice, le moniteur le plus désin-
téressé; ses conseils, plus puissants que toutes les maximes de la morale, pénétreront dans son âme, et y feront germer l'amour des vertus.
Les deux facultés qu'il faut le plus exercer en lui, sont la mémoire et le jugement; mais il faut que dans le prince royal, la mémoire naisse de l'habitude de réfléchir et qu'il apprenne à retenir les idées plutôt qu'à repéter les mots ; c'est par le jugement que l'on règne, et on ne peut donner trop dé soin à la direction de son usage.
Qu'il ait donc sans cesse occasion d'exercer son jugement, soit en écoutant, soit en discutant lui-même; qu'il soit juge aussi souvent que l'occasion s'en présentera, et que ses jugements soient corrigés avec sévérité, qu'il contracte l'habitude de juger ses propres actions, ét de chercher à se perfectionner lui-même, et qu'enfin il acquière promptement la plus grande expérience possible des hommes et des choses. Il lui faut des connaissances pratiques et non des connaissances abstraites, et il ne peut mieux apprendre à connaître les hommes qu'en se communiquant à eux. "
C'est dans le choix des hommes que réside le grand art de gouverner. La Constitution a sagement reconnu qu'un seul homme, quel que soit son génie, ne pouvait tout à la fois, dessiner l'ensemble et suivre les détails, veiller à la gloire du dehors et assurer la félicité intérieure; elle a, en conséquence, divisé le pouvoir exécutif en un grand nombre de fonctions et de pouvoirs qui lui sont subordonnés, ainsi que les hommes qui doivent en être revêtus : pour faire un bon choix de ces hommes qui doivent agir sous lui, et qui seront à sa nomination, il faut que le chef de ce pouvoir aille chercher la vraie capacité : on conçoit, dès lors combien, pour réussir dans cette recherche, il a besoin de savoir pénétrer les hommes, et de lire leurs pensées dans leurs regards.
Quant à l'enseignement, il doit être aussi plus pratiqne que théorique; plus en actions, en exemples qu'en préceptes.
H n'y a point ae matières qui doivent lui être étrangères, il faut qu'il ait une idée nette de tout et contracte l'habitude de ne jamais assembler deux idées qu'elles ne lui présentent des notions justes et parfaites. Des définitions exactes seront donc la plus grande partie de la science que l'on doit désirer dans le prince royal.
Des définitions, il faut qu'il passe directement à la vue des choses, à leur connaissance, aux raisonnements sur leurs rapports, et à leurs combinaisons effectives.
C'est ainsi que le prince royal doit tout apprendre, sans jamais se passionner pour une chose au préjudice de toutes les autres; l'enseignement ne doit pas être sensible, mais les exemples, les circonstances, les discours, doivent être ménagés de façon que, sans étudier, il apprenne tout ce qu'il doit savoir.
Il faut bien se garder de lui inspirer ce goût pour l'étude qui fait les savants, ce.goût serait en diminution de celui qu'il doit avoir pour le travail et pour l'action.
Il faut encore moins lui laisser prendre cette présomption, cette suffisance jointe à une précipitation puérile, si commune aujourd'hui, et qui fait les esprits faux.
Mais il ne faut pas néanmoins qu'il haïsse la lecture; que ce jeune homme s'occupe de l'histoire, de la géographie, des voyages ; que ces sortes de lectures soient son délassement le plus ordinaire.
Qu'il n'oublie pas principalement l'histoire des Républiques; qu'il médite aussi celle de ses prédécesseurs, elle sera pour lui un phare lumineux : que tant de mauvaise honte et de fausse gloire qui ont jeté dans le malheur ses ancêtres lui servent de leçons : combien leurs fautes sont éloquentes 1
Qu'il s'entoure de livres! il est né dans une heureuse époque ; le siècle s'éclairantdejour en jour, lui prépare, lui amasse des idées neuves et saines pour le faire entrer dans le chemin de la véritable gloire; les livres osent enfin dire aujourd'hui la vérité sans obstacles.
Qu'il choisisse parmi les projets entrepris pour le bien public, parmi les idées heureuses et nouvelles qui régénèrent cet Empire ; nos livres ont détruit des préjugés honteux et cruels, ont environné de clarté toutes les faces d'un même objet : pourrait-il être ingrat envers les travaux accumulés de nos génies bienfaiteurs?
Les bons livres iormeront son esprit au raisonnement, son âme aux choses élevées, et son cœur au sentiment de l'humanité.
Que ses instituteurs ne mettent pas trop de choix dans les livres qu'ils lui donneront à lui : il est à propos qu'il voie les choses sous tous leurs aspects, qu'il entende le pour et le contre; qu'il puisse comparer dans un secret examen.
Une censure utile contrebalancera pour son propre intérêt l'adulation qui pourrait l'assiéger un jour ; la philosophie lui offrira ces mâles vérités qu'il lui importe tant de connaître; elle lui montrera la marche insurmontable des idées du siècle; et la critique du bon sens qu'il acquerra en s'habituant à se décider entre les différents auteurs et leurs opinions opposées, pourra seule l'empêcher d'être séduit par les flatteurs, trompé par les menteurs et asservi par les factions.
Ses instituteurs n'ont pas le droit de lui dicter ce qu'il doit croire, il faut qu'il soit libre, lorsqu'il aura atteint l'âge de raison, d'adopter les opinions politiques, morales et religieuses qui feront l'objet de sa croyance ; jusque-là leur fonction se bornera à soumettre à l'examen libre du ieune homme les opinions établies, et à lui offrir les secours nécessaires pour qu'il puisse se décider par lui-même un jour avec discernement.
Cependant il est un préjugé, et on l'a déjà énoncé ci-devant, que l'on doit nécessairement inculquer en lui dès l'enfance, puisqu'il naît avec une destination certaine à la suprême magistrature ; c'est l'autorité qu'il ne peut exercer que suivant les lois, et pour les faire exécuter, et qu'il ne doit désirer, que comme on désire la gloire d'être utile à ses semblables, et avec es sentiments purs et désintéressés : ce préjugé pour lui, est indispensablement nécessaire, ou il faudrait qu'il renonçât à occuper le poste auquel la loi l'appelle par sa naissance, ou qu'il fût condamné à y trouver un jour son propre malheur : alternative également opposée à ses véritables intérêts, et qui prend sa source dans la différence établie entre lui et les autres citoyens.
La loi, en effet, n'admettant à son égard que le titre fortuit, inaltérable et invariable de la naissancè, l'oblige nécessairement, en le mettant à la tête de la société, à faire le sacrifice de son repos et de ses plaisirs, aux devoirs pénibles de sa vertu; c'est un besoin moral qu'il est utile et nécessaire de faire naître en lui pour son propre avantage, autant que pour l'intérêt de la nation et que le préjugé dont on vient de parler peut seul constituer.
Toutes les autres habitudes doivent être abandonnées non pas au hasard, mais à l'influence des impressions que feront sur lui les objets, les discours, les actions, les exemples, les événements et les circonstances que lui présentera un plan d'éducation dirigé dans les vues de celui qu'on présente ici, et qui consiste à mettre tout a profit pour son instruction.
3° Véducation civique et politique du prince royal consite à ne pas éloigner ce jeune homme de la connaissance des affaires ; le travail qu'il faut lui faire aimer est celui de ministre : il faut queson gouverneur soit instruitlui-mêmecomme les principaux ministres et lui mette sous les yeux tous les détails de l'Administration : ce sont là les choses qu'il doit savoir.
Que la Constitution française, les principes qui en découlent, les décrets de l'Assemblée nationale, et des législateurs, les lois de police, les règlements militaires, les comptes de finances, etc., soient les auteurs classiques de cet élève.
Voilà ce qui l'emportera avantageusement sur la vieille routine, les ruses, les formules, les chimères diplomatiques et les dogmes ridicules de cabinet qui composaient ce que l'on faisait croire jadis à ses ancêtres être la science de la politique.
Qu'on lui explique la nature, l'étendue et l'importance du serment qu'il doit prêter à son avé^ nement au trône, et que ce ne soit pas pour lui une vaine formalité.
Qu'on le traite en homme raisonnable et sûr, qu'on l'entretienne des plus grandes affairés qu'on lui marque la plus grande confiance.
Qu'on lui parle sans cesse des peines et des dangers attachés au gouvernement des peuples ; qu'on l'habitue, de cette sorte, à se convaincre que si la patrie lui confie la suprême fonction ae la surveillance universelle, il lui doit le sacrifice de sa liberté pour travailler au bien public ; que le trône n'est point établi pour son avantage personnel, mais pour savoir le faire servir au bien général; que l'amour d'une vraie gloire peut seul le dédommager de ce sacrifice qu'il est obligé de faire pour remplir ses pénibles devoirs, et que la plus pure félicité qu'il puisse goûter sera due a son zèle pour la grande prospérité d'un peuple qui vient de prouver à 1 univers qu'il méritait le bonheur.
On ne lui parlera jamais du pouvoir dont il doit être revêtu, sans lui faire comprendre qu'il ne peut être heureux dans l'exercice de ce pouvoir qu'autant qu'il saura le soumettre à la raison et à la loi.
On lui inspirera sur toutes choses le respect le plus profond, le plus inviolable pour les lois, la justice, la liberté et les droits des citoyens, et on dirigera perpétuellement ses actions d'après l'ordre et l'intérêt général.
Enfin on lui fera entendre qu'il ne doit rien avoir au-dessus des autres citoyens, excepté ce qui est nécessaire pour le soulager dans ses pénibles fonctions, et l'aider à les remplir; qu'il est essentiel à son rang, non de jouir ae plus de richesses et de plaisirs que les autres hommes, mais de se livrer à plus de soins et de travaux; qu'il doit être plus sobre, plus ennemi de la mollesse, plus exempt de faste et de hauteur qu'aucun autre; qu'il doit avoir plus de sagesse et de vertu que le reste des hommes; qu'il n'est roi que pour être l'homme de la nation ; que ses droits sont ceux que la nation a bien voulu lui confier; que son autorité est fondée sur celle de la nation qui la lui a transmise, que la nation est, par sa
nature, sa richesse, son soutien, sa force réelle ; que c'est à la nation qu'il doit tout son temps, tous ses soins, toute son affection; qu'il n'est digne, en un mot, de la royauté, qu'autant qu'il s'oublie lui-même pour se sacriher au bien public et faire constamment et sincèrement le bonheur du peuple.
De ces préceptes fondés sur la plus saine morale, la vraie politique et la raison, passons présentement à leur application, qui se trouve naturellement dans le plan que 1 on propose pour l'éducation du prince royal. Voici en quoi consiste ce plan que l'on divise en 4 époques*:
lre ÉPOQUE.
Depuis Vâge del ans jusqu'à 14 ans.
Nota. La première époque de l'éducation du fils aîné du roi, comme celle de tous les autres enfants, doit commencer au moment où il reçoit le jour . Celle que l'on annonce devrait donc être la seconde dans l'ordre d'un plan d'éducation complet ; mais il n'entre pas dans celui que l'on propose, de tracer les devoirs et les soins que nécessite cette partie de l'éducation domestique qui finit communément à l'âge de 7 ans ; il est impossible de revenir ici sur le passé.
C'est néanmoins l'époque la plus essentielle, et l'on sait combien est vicieuse l'habitude où l'on est de confier la direction de l'enfance en général, et surtout de celle des rois, à des femmes presque toujours corrompues et ignorantes;
A peine le temps où le prince royal doit sortir des mains des femmes pour passer dans celles des hommes, sera arrivé, qu'accompagné de son gouverneur qui, comme un autre Mentor, ne doit pas le quitter, on se hâtera de lui faire fréquenter une ou plusieurs, des écoles nationales qui seront établies dans, les départements de l'Empire, suivant les règles qui vont être déterminées par la première législature; on n'en prescrit aucune en particulier, il pourrait rester à Paris, aller dans d'autres villes de ce département, ou de tout autre ; il pourrait même parcourir plusieurs départements, pendant son cours d'études, à la volonté de son gouverneur.
Cet étudiant d'une espèce nouvelle, suivrait les écoles, sans néanmoins fréquenter lés cours bien assidûment, et non pour étudier, mais pour être attentif et pour juger. Il verrait les exercices, et entendrait les répétitions de chacun, suivant les divers degrés de sa capacité ; ce serait là sa principale occupation.
Son gouverneur aurait soin cependant de fixer son attention plus particulièrement sur les sciences mathématiques dont la connaissance lui deviendra utile un jour, et dont l'étude contribuera singulièrement à la rectitude de son ju-ement; il pourra se livrer aussi aux arts 'agrément qu'il aura choisis.
Le prince royal ne manquerait jamais d'assister à l'école où il se trouvera attaché, les jours solennels que cette école aura choisis pour honorer le triomphe du talent, et récompenser les bonnes actions ; ce sera lui qui sera chargé de remettre à ceux des élèves qui auront dépassé leurs rivaux, ou fait un travail utile, la juste récompense de leurs efforts; il sera le distributeur des prix et des couronnes mérités par les élèves.
On est convaincu, sans doute, de l'utilité présentée par des philosophes célèbres, d'organiser
les écoles qui sont de petites sociétés naissantes, d'après les principes de la grande organisation sociale.
Lesjpetites associations entraînent, comme les grandes, la nécessité d'un gouvernement quelque fractionnaire qu'il soit, les éléments des divers pouvoirs qui constituent la grande société, tandis donc que les autres élèves seront appelés, par des choix faits entre eux, les uns à devenir les représentants de tous ; les autres à participer à l'administration commune, à devenir des juges, des jurés, des arbitres, des censeurs : les moyens d'exécution du régime des écoles seront confiés au prince royal; le pouvoir exécutif résidera dans sa main ; il sera le roi 4e l'école où il se trouvera.
Il veillera, en cette qualité, au maintien de l'ordre et de la tranquillité; il sera le chef des exercices militaires entre les élèves, il sera à là tête des revues, des marches solennelles les jours de fêtes nationales; il nommera les ministres, pris parmi les élèves, qui devront le seconder ; il aura un conseil qui l'éclairera de ses lumières ; il nommera à différentes places ; il sera chargé de faire promulguer les lois et règlements de l'école et de veiller a leur exécution, de faire punir les délits, et de faire exécuter les jugements rendus : en un mot, un règlement réalisera les bases de cette constitution particulière, dans ses différentes parties, et le prince royal, ainsi que tous les autres élèves s'y disposeront aux fonctions qu'ils auront à remplir un jour, et y trouveront ainsi le véritable apprentissage de là vie sociale.
Les comptes de l'administration des revenus des écoles, de la recette et de la dépense, seront rendus en sa présence.
Du reste, il régnerait entre les élèves des écoles nationales et le prince royal l'égalité la plus parfaite; il serait des jeux, d'exercice des promenades ; il marcherait, courrait, lutterait, parlerait, crierait, jouerait avec eux, sans aù-cune distinction ; il serait leur compagnon, leur frère, et pourrait même se lier d'amitié avec quelques-uns indifféremment.
C'est à ces premières liaisons qu'il devra le bonheur de rencontrer des amis qui ne l'abandonneront jamais et qui, dans les différentes circonstances de sa vie, lui feront éprouver le charme de la véritable amitié.
En un mot, durant cette époque, son éducation serait à peu près semblable à celle qui doit résulter de Y Instruction publique qui va être créée et organisée, et être commune à tous les Citoyens.
2e ÉPOQUE.
Depuis Vâge de 14 à 16 ans.
Dès que le prince royal aura atteint sa quatorzième année, il partirait avec un très petit cortège, composé des seules personnes attachées à son service, et toujours accompagné de son gouverneur, poùr voyager dans l'intérieur de la France.
Il ferait la tournée des départements, visiterait les districts, les cantons, les municipalités ; un ou deux ménages rustiques dans chaque communauté, comme dans chaque canton, outre le maire, deux ou trois citoyens des plus aisés et des moins aisés ; dans les districts, les commissaires près des tribunaux; dans le chef-lieu deg
départements, les principaux fonctionnaires publics, les chers des troupes de ligne, des gardes nationales, de la gendarmerie, etc.
Chez les maires, le prince royal prendrait des notions exactes des revenus, de la force et du régime de chaque municipalité.
Dans les chefs-lieux des départements et des districts, on lui rendrait compte de l'étendue, du nombre des habitants, et des revenus de chacun d'eux. On lui en ferait aussi connaître les besoins, les ressources, le commerce et les productions.
Il saurait, par ce moyen, précisément à quoi montent les revenus de l'Etat; 4'où ils proviennent ; il verrait par lui-même l'emploi que l'on fait des deniers publics, et il connaîtrait quelles sont les dépenses inutiles qu'il serait à propos de diminuer : il s'instruirait, en un mot, par ses propres yeux, de la recette et de la dépense.
Il saurait encore combien la France produit de mesures de blé, combien il en faut pour la subsistance des habitants, connaissance nécessaire pour prévenir une disette.
Auprès aes citoyens armés pour le maintien de la loi, auprès des chefs des troupes et des gardes nationales, il apprendrait à la chérir et a la respecter. Il aurait occasion de leur entendre répéter sans cesse ces paroles mémorables : « que des armes n'ont été remises entre leurs mains que pour protéger la sûreté des personnes et des propriétés, la perception des contributions publiques, la circulation des grains et des subsistances. »
On lui inspirerait le respect et l'amour le plus Profond pour les défenseurs sacrés des droits de humanité.
Il verrait également par lui-même quel est l'état de l'armée et de la marine ; il s'instruirait de celui des troupes et des vaisseaux des Etats voisins. Il saurait combien nous entretenons de soldats dans les différentes places qui couvrent nos frontières; quels sont les postes qui ne sont pas assez défendus ; quels sont ceux qui n'ont pas besoin de l'être; il serait en-état de connaître si telle garnison a besoin d'être augmentée, et telle autre d'être reformée, et la qualité de chef suprême de l'armée de terre et de 1 armée navale deférée au roi par la Constitution, ne serait pas un vain titre pour lui,
Chez les citoyens opulents et oisifs, on lui ferait observer l'effet du luxe qui les épuise sans cesse, sans qu'ils sachent jamais en réparer les pertes par l'industrie ; il verrait cette classe improductive d'hommes vivant aux dépens du peuple, membres trop souvent inutiles ou nuisibles à la société, riches sans être plus heureux.
Chez les citoyens moins aisés, il verrait de près dans la médiocrité, naître du travail et de l'économie, l'aisance et le contentement, les mœurs et l'honnêteté.
Que de jouissances inconnues dans les palais des rois, il serait à portée de goûter pendant sa tournée !
On lui ferait visiter la veuve qui prépare son denier, l'ouvrier qui met de côte une partie du salaire de sa journée, pour composer les millions qui doivent grossir le Trésor public, et il serait le premier de ses semblables qui reconnaîtrait enfin que ce ne sont pas là des images fausses et outrées.
Il descendrait jusque dans les chaumières; il y verrait les racines obscures qui nourrissent le superbe feuillage dont l'arbre se glorifie : on
lui ferait sentir que l'opulence des rois sort de canaux secrets et vivifiants dont ils n'ont jamais vu que la tige.
On lui ferait rechercher le commerce des sages, des philosophes; il puiserait dans leurs leçons la force de commander aux autres et à lui-même : le philosophe lui donnerait sa modération et ses lumières; le sage son héroïsme et la simplicité de ses mœurs; l'homme vertueux ferait passer dans son âme le feu généreux qui l'anime. L'homme instruit et éclairé lui ferait part de toutes ses connaissances, et le malheureux même qu'il visiterait lui ferait sentir qu'il a un cœur, et lui ferait trouver des charmes dans l'heureuse facilité de répandre des larmes.
Il verrait encore dans toutes les professions utiles, le bonheur naître de la Constitution nouvelle, et une chaîne immense de félicité s'établir et s'étendre par ses bienfaits depuis la houlette jusqu'au sceptre, et lier le Trône à l'Etat, et le prince au peuple. Il assisterait quelquefois aux audiences des juges des tribunaux de district et de commerce, il fréquenterait les jurés, les juges de paix et les membres des bureaux de conciliation et de jurisprudence charitable.
Il se pénétrerait dans ces lieux, et, auprès de ces hommes de bien, de l'importance et de la dignité des fonctions de ceux à qui le peuple a conféré le pouvoir redoutable de prononcer sur les biens, l'honneur et la vie des citoyens et qu'il a institués pour concilier leurs différends.
II fréquenterait les membres des divers corps administratifs et tous ceux que le peuple a choisi pour veiller à ses intérêts, et il se rendrait propre auprès d'eux à devenir un jour le chef suprême de Vadministration générale du royaume.
Son gouverneur le conduirait aux spectacles. Les théâtres sont un des grands moyens d'accroître l'esprit public naissant, et le zèle des bons écrivains en feront bientôt des écoles de vertu et de patriotisme.
Il lui ferait visiter les hôpitaux, les prisons et les divers établissements et ateliers de charité.
Les actions, les sentiments dont ce jeune prince serait témoin lui fourniraient à chaque pas des leçons utiles propres à développer son sens moral et à le perfectionner en fortifiant ses habitudes vertueuses.
Il fréquenterait quelquefois la cour de cassation, la haute cour nationale, les cours martiales, les jurys et les grands juges militaires, quand il se rencontrerait dans les villes où ces cours seraient en activité.
Il suivrait les cours publics et principalement les écoles du génie et de l'artillerie, lorsqu'il se trouverait dans les lieux où ces écoles sont établies.
On aurait soin en même temps de le faire profiter également des instructions qui seront données dans le chef-lieu de chaque département, afin d'étendre et de développer les connaissances qu'il aurait acquises précédemment.
Chacune des écoles où il s'arrêterait serait encore autant de petits Etats, dont il serait roi, suivant les formes dont on s'est expliqué ci-devant.
On lui ferait connaître aussi les procédés du commerce et des arts ; on lui rendrait compte du produit des pêches sur les côtes, et aes grandes pêches maritimes.
Il parcourrait les fabriques, les manufactures, les ateliers, les mines et minières qui appartiennent à la nation et l'instruirait de ce qu'elles rendent, les carrières, les ponts et
chaussées et autres travaux publics ; les monnaies dont il doit avoir un jour la surveillance, et les établissements de toute espèce.
Enfin, on lui ferait visiter les principaux ports de met, les magasins, les arsenaux et tous les métiers qui servent à la construction des vaisseaux; on lui ferait voir leurs agrès, leurs manœuvres ; on lui donnerait le détail des choses les plus utiles, et on lui ferait prendre des notes de taut ce qu'il aurait appris.
Mais tandis que les monuments pompeux des arts s'offriraient en foule à ses regaras, on les lui ferait arrêter avec bien plus de complaisance sur le citoyen qui, appuyé sur le socle de la charrue, trace dans les champs un sillon fertile.
Il aurait le malheur de voir peut-être encore dans les campagnes l'homme qui sait si bien labourer la terre et en faire sortir les moissons, ne point manger de pain, ou ne manger qu'un pain noir et formé de cette partie grossière qu'on destine aux plus vils animaux, ceux qui vivent sous ces riches coteaux qui voient croître la vigne, la cultiver infructueusement pour eux, et ne présenter à ses yeux qu'un iront pâle, et des membres exténués, et toutes les horreurs de la plus affreuse misère.
Il reconnaîtrait alors par lui-même, cette précieuse vérité, toujours inconnue à tous les rois, que c'est à force ae surcharger le pauvre de travaux et de diminuer sa nourriture que les riches composent leur opulence, qu'ils font servir à satisfaire des besoins imaginaires, enfants de leur dure et misérable vanité.
Une telle image aussi forte qu'elle est vraie, ne sortirait jamais de sa mémoire. En voyant une table fastueuse, il se dirait : II est des hommes qui souffrent la faim ; en reposant sa tête sur le duvet : il est des hommes qui n'ont que la terre pour lit !
Combien aussi ne se promettrait-il pas de seconder les vues sages et profondes de la Constitution, en secourant et protégeant de tout son pouvoir cette classe d'hommes si précieuse aux yeux de l'humanité ! L'idée de leur félicité aurait bientôt pour lui un charme éloquent, une volupté pure, il sentirait que sa grandeur future dépend de leur prospérité, et il jouirait d'avance du plaisir délicieux qui semble être attaché particulièrement à la destinée des rois qui doublent leur bonheur en assurant celui du peuple.
On ne s'étendra pas davantage sur les objets de remarques que cette époque fournira au prince royal ; ces objets sont immenses, ils naîtront en foule sous ses pas ; il ne dépendra pas même de son gouverneur de s'opposer à ce qu'il puisse en tirer parti, et les faire servir à son instruction. 11 suffît ici au but que l'on s'est proposé, d'en avoir indiqué un assez grand nombre : on conçoit parfaitement qu'il est impossible que de cette manière, il ne réponde pas aux soins que l'on prendra pour lui donner les connaissances, les lumières ét toute l'expérience auxquelles ces deux années sont consacrées.
TROISIÈME ÉPOQUE.
Depuis 16 ans jusqu'à 18 ans.
L'éducation publique du prince royal, finie à l'âge de 16 ans, il ferait pendant ses 17° et 18e années, le noviciat de la royauté.
Sans être séparé de son gouverneur, il passerait une partie de ces deux années avec son père, et aurait des relations plus directes avec lui.
Il participerait à l'Administration, il aurait voix consultative dans les délibérations ; il assisterait au conseil d'Etat; il apprendrait plus particulièrement la politique et. l'art d'administrer.
On lui ferait même remplir pendant quelque temps la place de ministre, dans la partie qui lui serait la plus essentielle de connaître : celle, par exemple, dont est chargé le ministre de l'intérieur.
Il ferait l'inspection des troupes de la cavalerie de l'infanterie, de l'armée navale, des corps de génie, de l'artillerie, etc.
On l'instruirait de la conduite des négociants et des affaires étrangères; des traités de paix, d'alliance et de commerce ; on lui donnerait connaissance des plans généraux des négociations politiques, des opérations de l'administration des finances, etc.
Ils assisterait assez fréquemment aux assemblées de la législature pour son instruction seulement, et jouirait de la faculté qui lui est accordée d'accompagner le roi lorsqu'il se rend au lieu des séances du Corps législatif.
Il aurait appris dans sa tournée à connaître la volonté générale; il serait en état de juger les lois qui porteraient un caractère évident d'utilité publique, et lorsque le pouvoir d'en hâter ou d en suspendre l'exécution lui serait confié, il saurait accorder ou refuser sa sanction avec connaissance de cause.
Pendant sa 18? année, il serait permis au prince royal de prendre pour femme celle qui lui aurait plu davantage, et à qu'il aurait eu le mérite ae plaire pendant son voyage.
On peut être assuré de la bonté de son choix dirigé suivant les principes que l'on a établi pour la formation de son cœur, et que ce choix répondrait parfaitement à sa prochaine dignité, et à l'attente de la nation, en se fixant sur une compatriote aimable, quel que soit son rang.
Aucune loi ne l'oblige à épouser une femme d'un rang égal au sien : il en peut choisir dans sa patrie une digne de lui :
« Qu'elle apporte pour dot au lien du rang des rois, « L'amour de la patrie et l'amour de nos lois. »
(Brutus.)
et elle sera mieux accueillie des Français, qu'aucune princesse de l'univers.
A cette époque, en un mot, il serait assez instruit pour régir et gouverner lui-même; et il ne lui manquerait plus que d'être proclamé roi pour être en état d'en remplir les devoirs et. les fonctions.
QUATRIEME EPOQUE.
Depuis l'âge de 18 ans, jusqu'à l'avènement au - trône.
Si à 18 ans, époque que la Constitution a fixée pour la majorité au prince royal, son père vit encore, on profiterait de cette circonstance heureuse pour le faire voyager hors de France, sous la conduite de son gouverneur, après avoir obtenu pour cet effet, un décret du Corps législatif et le consentement de son père.
Il parcourrait les principaux Etats de l'Europe ; il verrait les ambassadeurs et tous les agents des négociations ; il s'instruirait des intérêts politiques et commerciaux de la nation française, et finirait d'acquérir la plus grande expérience et la connaissance la plus parfaite des hommes.
Ces voyages lui fourniraient l'occasion d'observer les usages, les coutumes, les lois et la politique de tous les pays où il passera; de comparer la façon de penser et les usages de son pays avec ceux des autres peuples; de remarquer les différents rapports des lois avec les mœurs, le caractère et le génie dés nations qui les ont adoptées, et d'examiner les différentes constitutions des gouvernements.
Après avoir connu l'administration, les forces et le commerce de la nation française, il s'instruirait de celles des peuples qui ont quelques rapports d'intérêts avec elle.
Autant l'ordre et l'harmonie qui régneraient alors paisiblement dans la France régénérée, le charmeraient, l'enchanteraient, autant la tyrannie qu'il verrait peut-être encore établie dans quelques Etats de l'Europe sur les bases mobiles et chancelantes de son trône, lui ferait horreur et lui inspirerait une forte indignation.
Combien l'émotion terrible et salutaire que cette vue lui causerait, lui serait utile! quel contraste frappant présenterait à ses yeux la misérable ambition du vulgaire des souverains, l'orgueil, l'ostentation, la mollesse, la prodigalité, le luxe insolent de quelques cours qu'il visiterait, auprès du caractère de simplicité et de grandeur qu'il saurait être adopté à celle de son père !
11 verrait la cruauté, la violence, l'injustice et le fanatisme même, secouant peut-être encore sa torche ardente dans quelques contrées, composer la cour des tyrans. 11 verrait ces derniers sacrifier leurs esclaves à leur famille, les finances à leurs fantaisies, les Etats et les cours à leurs personnes ; il verrait en un mot, dans l'assemblage de tous les pouvoirs, l'assemblage de tous les abus.
11 ne se consolerait de tant de crimes, dont il serait spectateur, que dans l'espoir qui lui est réservé de voir la morale universelle des nations prête à épouvanter l'autorité des armes, à percer l'atmosphère qui environne les trônes, à flétrir l'ambitieux sous ses couronnes, à rendre les usurpateurs, les conquérants, les despotes affamés de richesses, aussi méprisables qu'ils sont odieux; à éclairer l'homme enfin, et à ouvrir lès yeux de l'univers sur ce préjugé destructeur qui anéantit la puissance réelle ae l'homme, et contredit le plan que la nature avait formé pour la paix et sa félicité : il ne s'en consolerait, en un mot, que dans la certitude où il serait de voir la philosophie et la raison terrasser enfin les tyrans assis sur les trônes, et frapper tous les monstres couronnés qui feraient gémir encore des milliers d'hommes au milieu des trésors de la terre.
Ce voyage à l'extérieur serait plus ou moins prolonge à la volonté du Corps législatif; et, de retour à la cour de son père, jusqu'au moment de lui succéder, il travaillerait de concert avec lui; il le soulagerait dans ses fonctions, il lui ferait part de sa sagesse et des lumières qu'il aurait acquises ; et il ne serait pas le dernier à lui indiquer tous les objets d'économie, d'amélioration et de réforme dont telle partie se trouverait suceptible, propres à assurer la prospérité publique ; et à lui inspirer toutes les actions
grandes et généreuses qui pourraient tendre au bonheur et a la félicité des nommes.
On se tromperait assurément, si l'on pensait que ce doive être une dépense considérable que celle qu'exigeront les voyages du prince royal; son cortège habituel sera moindre, peut-être, que celui qui aurait composé sa maison en restant chez son père : ou iucline, en conséquence, à ce que cette dépense soit prise sur les fonds énormes de la liste civile; son père, d'ailleurs, ne pourrait se dispenser, quand même les frais seraient prélevés sur le Trésor public, de payer la dépense personnelle de son fils.
Mais peut-il en coûter trop pour le noviciat d'une profession dans l'exercice de laquelle réside en partie le bonheur d'une nation? et combien ne serait-on pas heureux d'avoir trouvé un moyen, quel qu'il fût, d'assurer l'éducation d'un citoyen qui est le seul de son ordre !
Le plan que l'on propose ici consiste dans une éducation vraiment civique pour le prince royal, dans le cours d'études et des voyages que l'on vient de prescrire, dans la facilité de tout voir, de tout entendre, de s'instruire à différentes écoles ; d'apprendre tout ce qu'il est nécesaire à un roi, sans ennui, sans dégoût, par des leçons vivantes, et dans l'apprentissage continuel d'un art pour lequel il n y en a pas eu jusqu'à présent.
Si ce mode n'est pas le meilleur, on aura du moins rempli le but que l'on s'est proposé, en traçant un projet qui pourrafairé naître à d'autres le désir de le rectifier et de le porter à toute la perfection,dont il peut être Susceptible pour former à la nation un roi, qui ne se proposera que la gloire de son règne et le bien du peuple, et qui sera digne ainsi de la servir un jour selon ses besoins et ses désirs.
Il a été décrété constitutionnellement, relativement au roi mineur et à l'héritier présomptif :
1° Que l'héritier présomptif portera le nom de Prince royal. (Art. 1, sect. 3, chap. 2, titre III de la Constitution?)
2° Que le roi est mineur jusqu'à l'âge de 18 ans accomplis. (Art. 1, sect. 2, chap. 2, titre III.)
3° Que le prince royal ne peut sortir du royaume sans un décret du Corps législatif et le consentement du roi, que s'il en est sorti, et si, étant parvenu à l'âge de 18 ans, il ne rentre pas en France, après avoir été requis par une proclamation du Corps législatif, il sera censé avoir abdiqué le droit de succession au trône. (Art. 1, sect^.3, chap. 2, titre III.)
4° Que le roi, à son avènement au trône, ou dès qu'il aura atteint sa majorité, prêtera à la nation, en présence du Corps législatif, le serment « d'être fidèle à la nation et à la loi, d'employer « tout le pouvoir qui lui est délégué à main-« tenir la Constitution décrétée par l'Assemblée « nationale aux années 1789, 1790 et 1791, et à « faire exécuter les lois. »
Que si le Corps législatif n'est pas assemblé, le roi fera publier une proclamation dans laquelle seront exprimés ce serment et la promesse de le réitérer aussitôt que le Corps législatif sera réuni. (Art. 3, sect. 1, chap. 2, titre III.)
5° Que toutes les fois qué le roi se rendra au lieu des séances du Corps législatif..... il ne pourra être accompagné, dans l'intérieur de la salle,quepar le prince royal et par les ministres. (Art. 6, sect. 4, chap. 2, titre III.)
6° Qu'il sera fait une loi pour régler Féduca-
tion du roi mineur, et celle de l'héritier présomptif mineur. (Art. 4, sect. 3, titre III.)
Projet de décret touchant l'éducation de Louis-Charles, prince royal.
TITRE Ier.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.
Art. 1er.
« Il sera accordé au roi la faculté de nommer un gouverneur qui sera donné à l'héritier présomptif de la couronne.
Art. 2.
« Le gouverneur veillera religieusement à la conservation de la vie et de la santé de l'héritier présomptif, et il répondra de sa personne.
Art. 3.
« Aux représentants de la nation appartient le droit de déterminer le système de 1 éducation physique, morale, civique et politique qui sera suivi à l'égard de l'héritier présomptif.
Art. 4.
« Le gouverneur prêtera à la nation, dans le sein de l'Assemblée nationale, le serment de suivre à l'égard de l'héritier présomptif le système d'éducation qui sera déterminé, et de l'élever : dans l'esprit et l'amour de la Constitution.
Art. 5.
« Toutes les personnes attachées au'service de l'héritier présomptif seront squs la surveillance et sous les ordres du gouverneur.
Art. 6.
« L'héritier présomptif de la couronne sera élevé et entretenu aux dépens de la liste civile.
Art. 7.
« Le traitement du gouverneur de l'héritier présomptif, et de toutes les personnes attachées a son service, seront pris également sur les fonds -de la liste civile.
Art. 8.
« Le gouverneur accompagnera le prince royal pendant toute la durée dé son éducation, et le conduira dans les différents voyages qu'il entreprendra, pour son instruction, tant clans l'inté-rieur de la France que dans les principaux Etats de l'Europe, si les circonstances permettent ces voyages à l'extérieur.
Art. 9.
« Le gouverneur du prince royal aura le droit -de déterminer les différentes personnes qui seront -nécessaires au service du prince et qùi devront l'accompagner. »
TITRE II.
De Véducation physique et du cours d'études scholastiques du prince royal, de 7 à 11 ans.
Art. 1er.
« Depuis l'âge de 7 ans jusqu'à celui de 14 ans, 1 éducation du prince royal sera en tout semblable, aux exceptions près qui seront développées dans les articles ci-après," à celle qui va être créée et organisée et être commune à tous les citoyens.
Art. 2.
« Le prince royal sera tenu de fréquenter les écoles de district, soit de Paris, soit de toute autre ville de ce département; il pourra aller dans les écoles établies dans les villes d'un autre département ; il pourra même parcourir les écoles de plusieurs départements, pendant son cours d'études.
Art. 3.
« Il se formera aux mêmes exercices du corps que les élèves des écoles nationales, et se livrera aux arts d'agrément qu'il aura choisis.
Art. 4.
« Il n'y aura entre le prince royal et les élèves des écoles nationales, aucune distinction personnelle, et il régnera entre eux l'égalité là plus parfaite. Il sera compagnon d'études avec eux, et pourra fraterniser et se lier d'amitié avec quelques-uns indifféremment.
Art. 5.
« Le prince royal fréquentera les écoles, sans suivre les différents cours assidûment, et non pour étudier, mais pour être attentif et pour juger; il verra les exercices^ et entendra les répétitions de chacun.
Art. 6..
« Il suivra néanmoins les cours de mathématiques et de physique, dont l'enseignement lui est plus particulièrement utile.
Art. 7.
« Le prince royal sera distributeur des prix et des couronnes mérités par les élèves, et Usera tenu de se trouver à l'école où il sera attaché, chaque année, les jours solennels où s'en fera la distribution.
Art. 8.
« Le prince royal sera proclamé roi dans chacune des écoles qu'il suivra, pendant la période dont il s'agit, et suivant les différents degrés d'instruction qu'il parcourra et qui seront déterminés.
En cette qualité, les moyens d'exécution du régime de chacune desdites écoles lui seront successivement confiés, le pouvoir exécutif résidera dans sa main; en conséquence :
1° Il lui sera délégué le soin de veiller au
maintien de l'ordre et de la tranquillité dans les écoles ;
2° Il sera le chef des exercices militaires entre les élèves ; il sera à la tête des revues et des marches solennelles les jours de fêles nationales ;
3° Il fera choix de ses ministres parmi les élèves ;
4° Il conférera le commandement du bataillon des enfants, il nommera à quelques postes dans ce même bataillon ; il nommera un commissaire auprès du petit tribunal qui sera formé, et à différentes autres places qui seront déterminées par un règlement particulier;
5° 11 sera chargé de faire promulguer les lois et règlements, et de veiller à leur exécution ;
6° 11 sera chargé de faire punir les délits et de faire exécuter les jugements rendus ;
7° Ne pouvant ni tout voir ni tout régler par lui-même, il aura un conseil qui l'éclairera de ses lumières, et le soulagera dans les détails de son administration.
Le tout en se conformant au règlement particulier qui sera fait pour l'organisation du petit gouvernement fractionnaire des écoles, d'après les principes de la grande organisation sociale.
Art. 9.
« 11 sera présent à la reddition des comptes de l'administration des revenus des écoles. »
TITRE III.
De Véducation publique et morale du prince royal depuis 14 à 16 ans.
Art. 1er.
,« Le Prince royal, à l'âge de 14 ans, partira avec un très petit cortège pour faire la tournée des départements de la France, visiter les districts, les cantons et les municipalités. Ce voyage durera deux années.
Art. 2.
« Son éducation durant cette époque sera divisée en deux parties ; suivant la première :
«1° Il fréquentera les cours publics, et principalement les écoles du génie et de l'artillerie, lorsqu'il se trouvera dans les villes où ces écoles sont établies ;
« 2° Il profitera également des instructions qui seront données dans le chef-lieu de chaque département, et qui serviront à étendre et développer les connaissances qu'il aurait acquises ;
« 3° Les écoles où il s'arrêtera seront encore autant de petits Etats dont il sera roi successivement, suivant les formes déterminées par des règlements particuliers à cet égard.
Art. 3.
« La seconde partie de son instruction sera destinée à voir tous les états, toutes les professions de la société ; les établissements de toutes espèce, dans l'étendue de la France ; à communiquer avec tous les hommes en place et avec tous les citoyens.
~ « 1° Il ira voiries maires, et s'instruira auprès d'eux des revenus, de la force et du régime de chaque municipalité ;
« 2° Il rendra visite aux différents membres des corps administratifs et prendra connaissance des besoins, des ressources du commerce et des productions des départements et des districts ;
« 3° Il visitera les chefs des troupes et des gardes nationales et verra par lui-même quel est l'état de l'armée et de la marine ;
« 4° Il verra les murs et les fortifications des villes et des places entretenues par l'Etat et utiles à sa défense ;
« 5° On lui fera visiter les principaux ports de mers, les arsenaux et tous les métiers qui servent à la construction des vaisseaux ;
_« 6° II fréquentera les théâtres, qui seront bientôt des écoles de vertu et de patriotisme ;
« 7° Il visitera les hôpitaux, les prisons et les divers établissements et ateliers de charité ;
« 8° Il assistera aux audiences des juges des tribunaux, de district etc. Il verra les jurés, la Gourde cassation, la haute Cour nationale, les Cours martiales, les jurys et les grands juges militaires ;
« 9° Il parcourra les fabriques et manufactures, let ateliers, les mines, les carrières, les ponts et chaussées et autres travaux publics ; les monnaies et les établissements de toute espèce, et il s'instruira des procédés de l'agriculture, du commerce et des arts. »
TITRE IV.
De Véducation civique et politique du prince royal depuis 16 ans à 18 ans.
Art. 1er.
« Pendant le cours de ces deux années le prince royal fera le noviciat de la royauté. Il passera une partie de ce temps avec son père, et aura d§s relations plus directes avec lui; en conséquence ;
1° Il participera à l'administration, aura voix consultative dans les délibérations, assistera au conseil d'Etat ;
2° Il recevra des instructions plus particulièrement sur la politique et l'art d'administrer; touchant la conduite des négociations et des affaires étrangères; les traités de paix, d'alliance et de commerce ; les plans généraux des négociations politiques, et des opérations de l'administration des finances ; et on lui expliquera la nature, l'étendue et l'importance du serment qu'il doit prêter à son avènement âu trône;
3° Il pourra remplir pendant quelque temps la place de ministre de l'intérieur, ou autre semblable place ;
4° Il fera l'inspection des troupes de la cavalerie, de l'infanterie, de l'armée navale, des corps du génie et de l'artillérie;
5° Il assistera aux assemblées de la législature alors en activité, pour son instruction seulement, et accompagnera le roi lorsqu'il se rendra au lieu des séances du Corps législatif.
Art. 2.
« Pendant sa dix-huitième année, il sera libre au prince royal de se marier et de prendre pour femme une compatriote, quel que soit son rang, pourvu que ce choix réponde à sa prochaine dignité.
TITRE V.
Suite de Vêducation civique et politique du prince royal depuis 18 ans jusqu'à son avènement au trône.
Art. 1er.
« Depuis 18 ans jusqu'à l'avènement du prince royal au trône, ou tant qu'il plaira au Corps législatif, il voyagera hors de France, et parcourra les principaux Etats de l'Europe.
Art. 2.
« Il verra les ambassadeurs et les divers agents des négociations.
Art. 3.
« Son gouverneur s'attachera :
1° A lui faire observer les usages, les coutumes, les lois et la politique des différents pays où il passera; les différents rapports des lois avec les mœurs, le caractère et le génie des nations qui les ont adoptées, et les différentes constitutions des gouvernements :
2° A l'instruire des intérêts politiques et commerciaux de la nation française et de l'Administration ; des forces et du commerce des peuples qui ont quelques rapports d'intérêt avec elle ;
3° A lui faire comparer le Caractère de simplicité et de grandeur qui régnera en France, avec l'ambition, le luxe de quelques cours qu'il visitera : à remarquer en France une nombreuse population, un grand commerce, l'agriculture honorée et singulièrement partagée, des manufactures en activité, une tranquillité parfaite et des citoyens libres et égaux; et dans plusieurs Etats qu'il parcourra, les forces de ces Etats tournées contre eux-mêmes ; au lieu de citoyens, des sujets attaqués dans leurs biens, dans leur honneur, accablés par des impôts arbitraires, écrasés par des travaux publics, sans cesse dans la crainte, dans l'inquiétude et l'épouvante, et n'ayant d'autre sentiment que celui de leur profonde misère et de leur abrutissement.
Art. 4.
« De retour à la cour de son père jusqu'au moment de lui succéder, il travaillera sous lui et le soulagera dans ses fonctions.
Son gouverneur pourra prendre seulement alors congé de lui.
Art. 5.
« La distribution des diverses études pendant tout le cours d'écucation du prince royal, et du temps de son séjour dans chaque école et dans chaque ville, sera déterminée par un règlement particulier.
Signé : Delmasse, homme de loi à Dijon.
Séance du
présidence de m. gensonné, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui transmet à l'Assemblée la copie collationnée des procès-verbaux du Conseil général du département de l'Eure; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je viens de recevoir la copie collationnée des procès-verbaux de l'Assemblée du conseil général du département de l'Eure, séant à Evreux : le vice-président annonce par sa lettre jointe à ces procès-verbaux, que la force armée a imposé aux séditieux, et que les troupes ont arrêté les chefs de la révolte au nombre de plus de 60. CApplaudissements.) Il fait le plus grand éloge des troupes et des gardes nationales, ainsi que du zèle, de la bravoure et de l'intelligence de M. Grimoard, maréchal de camp, qui les commandé. (Applaudissements.) J'aurai l'honneur de faire part à l'Assembléé des nouvelles ultérieures que je recevrai du département.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : « Cahier. » '
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du zèle et de la bonne conduite des gardes nationales de l'Eure-et-Loir, du Calvados et de l'Orne, et renvoie les procès-verbaux à la commission des Douze.).
2° Lettre des sous-officiers et chasseurs du premier bataillon d'infanterie légère, qui désavouent l'erreur qui les avait portés à demander le renvoi de leur adjudant, énoncent leur désir de le conserver et supplient l'Assemblée nationale de se rendre à leur vœu. Cette lettre contient, d'ailleurs, l'expression du civisme de ces militaires.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette lettre dans le procès-Verbal et la renvoie au comité militaire.)
3° Lettre de M. Pierre Pont, lieutenant-colonel du 1er régiment de cavalerie, en garnison à Lille, qui annonce que les sous-officiers de ce régiment déclarent n'avoir aucune part à l'adresse faite à l'Assemblée nationale par quelques soldats des régiments de la garnison de Lille, sur le nouveau règlement de discipline (1) ; cette lettre est ainsi conçue ;
« Monsieur le Président,
« Les soldats et les sous-officiers du régiment de cavalerie que j'ai l'honneur de commander, me chargent d avoir celui dé vous adresser leurs réclamations sur la part à eux attribuée dans la pétition contre les règlements de discipline présentée à l'Assemblée nationale, au nom des sous-officiers et soldats des régiments français de la garnison de Lille.
« Je suis avec respect etc.
Signé : « PIERRE Pont. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui réclame la décision qu'il a déjà
demandée à l'Assemblée, sur les instances du directoire du département de Paris, pour faire payer provisoirement à de pauvres communautés religieuses le supplément nécessaire pour porter à 300 livres le traitement des dames de chœur et celui des soeurs converses ; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, 13 mars 1792.
« Monsieur le président, j'ai eu l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale, le 23 du mois de janvier dernier, un rappport sur la demande formée par le directoire du département de Paris, d'un décret qui l'autorisait à payer provisoirement à des pauvres communautés religieuses du département lés suppléments qui leur sont nécessaires, et à porter à 300 livres le traitement des dames de chœur et celui des sœurs converses. Je reçois à ce sujet de nouvelles instances.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : « CAHIER. »
Je demande le renvoi au comité de liquidation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
5° Lettre d'un négociant de Paris qui adresse une pétition à l'Assemblée nationale sur un objet qui intéresse le commerce et "ses rapports avec l'étranger.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce.)
6° Lettre du sieur Jurie, citoyen de Paris, écrivant au nom des citoyens du faubourg Saint-Antoine, qui se plaignent de ce qu'au préjudice du décret de l'Assemblée, portant l'impression de leur pétition du 6 de ce mois (1) et de la réponse dé M. le président, 1° la réponse de M. le président n'a pas été imprimée ; 2° de ce qu'il est dit dans l'imprimé que la pétition n'a été signée que par 102 citoyens, tandis que plus de 1,200 l'avaient signée, et qu'elle avait l'adhésion de plus de 20,000 qui ne savent pas signer.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des inspecteurs de la salle.)
Les sieurs Fournier, maire de Taverny, et Antoine Millet, commandant de la garde nationale de la même ville, sont introduits à la barre en vertu d'un décret rendu ce matin (2) pour faire hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Comparaison de la morale et des maximes de VEvangile et des apôtres, avec la conduite du clergé depuis les premiers siècles de l'Eglise jusqu'à nos jours.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Messieurs,.
« Eclairer les peuples; c'est les attacher à la Constitution ; les instruire, c'est la leur faire aimer et répondre au désir que vous avez de les rendre heureux.
« Dans presque tous les départements, les
* La Constitution, fondée sur les principes de la raison, de la tolérance et de la philosophie, est attaquée de toutes parts ; ses nombreux ennemis, quoique divisés d'intérêts, se coalisent pour la combattre ; mais, Messieurs, les plus dangereux de tous ce sont les prêtres. Entourés de cette estime que l'opinion aveugle donna toujours plutôt au caractère sacré du ministre qu'à ses vertus, forts de cette confiance que la crédule superstition, la craintive piété leur ont toujours accordée, ils exercent sur les esprits comme sur les consciences un empire qu'aucune autorité ne peut détruire, si ce n'est celle de l'expérience.
« Ce sont les résultats de cette expérience que nous annonçons au peuple, dans un moment où il lui importe si essentiellement de les connaître. Pour les rendre plus frappants, nous avons comparé les maximes de l'Evangile avec la conduite du clergé. Les faits que nous citons sont puisés dans des sources pures et à l'abri de tous soupçons, et les réflexions qui les suivent en sont les conséquences nécessaires.
« En mettant ainsi en parallèle la morale de la religion et la conduite de l'ancien clergé, il a dû en résulter des'vérités de contraste terribles pour ce dernier ; et ces vérités, c'est principalement aux habitants de la campagne que nous nous sommes attachés à les faire comprendre. Privés, jusqu'à présent, des secours et des bienfaits de rédncation, les habitants de la campagne sont disposés à une crédulité profonde qui les porte naturellement au fanatisme. Habitués à un respect servile pour lés prêtres, ils n'ont jamais osé séparer l'homme du ministre; et quand l'homme, agité par ses passions, parle, ils ne voient, ils irentendent que le ministre, écoutent et se prosternent ; aussi ce sont eux que les prêtres égarent et séduisent -, et ce sont eux, Messieurs, que nous avons voulu éclairer. Ne désabuserions-nous qu'un de ces hommes faibles et pusillanimes, qui, bons par principes et cruels sans réflexion, mais entraînés par la séduction, courent au meurtre par piété, il nous sera bien doux de penser que nous avons désarmé. un ennemi de la patrie. Instruire nos frères, voilà, Messieurs, quel a été notre but; les arracher à l'erreur sera notre récompense ; obtenir vos suffrages, notre gloire. »
« Signé : Antoine Millet, commandant de la garde nationale de Taverny ; Fournier, maire de Taverny ».
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte l'hommage, décrète le renvoi de l'ouvrage au comité d'instruction pu-
blioue et l'insertion de la pétition dans le procès-verbal.)
La loi du 12 août 1791, concernant l'organisation des gardes nationales, a statué que les compagnies des grenadiers de la garde nationale soldée se formeraient en tirant 8 hommes de la plus haute taille de chacune des compagnies de fusiliers. La même loi a ordonné que dans le cas de mort, désertion ou autre cause de déficit dans les compagnies de fusiliers, le complet se rétablirait par la voie du recrutement, mais elle n'a rien statué en pareil cas pour le rétablissement du complet des compagnies de grenadiers. En conséquence, je demande qu'il soit décrété que, lorsque les compagnies des grenadiers des gardes nationales soldées auront perdu leur complet, par quelque cause que ce soit, elles le rétabliront en prenant, comme pour la formation primitive, les hommes de la plus haute taille -des compagnies de fusiliers.
Gela ne peut faire aucune difficulté; toutes les raisons indiquent qu'il n'y a pas d'autre moyen de rétablir ce complet. Je demande que TAssembléè en établisse la décision par son , silence et passe à l'ordre du jour-
(L'Assemblée, considérant qu'il est tout simple que les compagnies des grenadiers des bataillons des. gardes nationales se remettent au complet de la même manière qu'elles se forment, passe à l'ordre du jour.)
, au nom des comités de l'ordinaire des finances et de liquidation réunis, fait la troisième lecture (1) du projet de décret relatif au payement dès intérêts provenant des emprunts faits par les ci-devant pays d'Etat; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire des finances et de liquidation réunis, délibérant sur un projet de décret dont la lecture a été faite aux séances des 20 janvier, 7 février et de ce jour, après avoir arrêté être en état de décider définitivement, décrète que les intérêts dus par la nation pour emprunts par les ci-devant pays d'Etat, avec la stipulation de non-retenue des impositions, continueront d'être payés comme par le passé, pourvu toutefois que ladite stipulation ae non-retenue ait été autorisée dans les formes ci-devant prescrites et usitées pour les différents pays d'Etat, ladite autorisation équivalant aux lettres-patentes dûment enregistrées, exigées par l'article 3 du décret des 24 et 27 décembre dernier. »
(La discussion est ouverte.)
Plusieurs membres sont entendus.
(L'Assemblée décide qu'elle se trouve en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)
J'observe à l'Assemblée qu'il est instant de rendre un décret pour faire juger les arrérages dus aux rentiers de la ville de Paris (2), qui, vu la baisse considérable de ses revenus, se trouve dans l'impossibilité de les payer.
(L'Assemblée renvoie cet objet à la commis-
, au nom du comité de surveillance, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'arrestation faite à Sierck, des sieurs Schappes, Lassaux et de François Gillet, leur domestique, soupçonnés de s'être chargés et entremis de correspondances suspectes et d'avoir ainsi aidé des projets de contre-révolution (1) ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, au nom du comité de surveillance, je suis chargé de vous faire le rapport sur l'arrestation des sieurs Schappes, ancien officier des grenadiers royaux, Lassaux, ancien brigadier des gardes du corps du roi, et Gillet, leur domestique, ci-devant commis des fermes, tous trois arrêtés en traversant le département de la Meurthe, pour se rendre auprès des émigrés. Je n'entrerai point, Messieurs, dans le détail des faits qui vous ont été présentés à la barre par l'officier de police devant lequel ils ont été traduits. Vous savez que les sieurs Schappes, Lassaux et Gillet, après avoir quitté la. grande routé de Sierck, voyageaient à travers les terres. C'était déjà donner au mystère à leurs intentions. Arrêtés par un ruisseau, ils le côtoient pour trouver un gué. Entraînés par leur dessein, ils passent à cheval dans un cnamp nouvellement ensemencé, lorsqu'un garde champêtre prend la bride du cheval ae M. Schappes et lui fait observer qu'il cause du dommage. U en convient,, continue sa route et présente un pistolet au garde-champêtre. Celui-ci appelle du secours. Quelques cultivateurs accourent; nouvelle résistance delapart des voyageurs et toujours des menaces. Enfin, un détachement de la garde nationale de Sierck arrive ; on s'empare des trois hommes, que des soupçons et un dommage causé volontairement font regarder comme coupables et ils sont conduits devant le juge de paix de Sierck.
Je passe maintenant à l'examen des papiers trouvés sur les prévenus.
Dans l'un des paquets froissés par les mouvements que le sieur Schappes avait faits pour se soustraire à son arrestation, le juge de paix a tiré plusieurs papiers imprimés dont voici les titres : Amendement général de la charte constitutionnelle française, ou le bonheur du peuple par le monarque, et du monarque par le peuple : Les Pourquoi, imprimé à Paris, chez Crapard, 1791. Règlement pour le cantonnement avec les lettres d'envoi, adressé à Monsieur, frère du roi, et la déclaration de leurs sentiments. Règlement pour la formation des différentes compagnies du tiers-état rassemblées auprès de Monsieur et du comte d'Artois. La séance tenue par le roi le 23 juin 1789. Un imprimé ayant pour titre : Régula equitum bene/tcoruni, et deux lettres aux initiales F. G. ; . enfin le Dîner du grenadier à Metz, dialogue patriotique. Cette qualification n'est qu'un mensonge, tous ces écrits, notamment l'amendement de la Charte .constitutionnelle, les pourquoi, le dîner du grenadier, portent l'empreinte de l'aristocratie la plus invétérée.
Avec ces imprimés étaient plusieurs lettres toutes adressées à des
émigrés résidant à Coblentz ou à Trêves. La plupart de ces lettres sont
écrites de Metz; et on annonce qu'on se sert de l'occasion de M.
Schappes pour écrire, ce qui
« Le général Lafayette, dit-on, n'a pas l'air content. Il loge à l'intendance, on paye les troupes tout en argent, et les officiers en papier. On parle beaucoup de changement de régiment ; ils attendent des ordres. Tout cela sent les derniers efforts, le porteur t'en dira plus. »
Le porteur, Messieurs, est M. Schappes.
L'adresse de cette lettre est figurée^ par les lettres initiales seulement, ainsi que le lieu de la destination, qui n'est indiqué que par un P. Dans une autre lettre, on annonce que la boussole indique qu'il n'est pas encore temps de partir. Vous couriez risque de voir vos biens sequestrés, les meubles pillés, la maison incen-diee; ce pauvre peuple, toujours plus effraye depuis votre absence, ne me voyant plus, serait comme au diable. Il faut patienter, et voir arriver la chose. » Cette lettre est adressée à M. de Saint-Maurice, garde du roi, capitaine compagnie écossaise, à Coblentz.
Dans Une lettre, datée de Metz, on lit :
« Les uns disent que Metz sera très sûr; d'autres disent que non : quelle est votre politique à cé sujet? On nous annonce que les régiments sont bons et que M. Lafayette est aussi méprisé des honnêtes gens que de la canaille. On débite un tas de nouvelles. Mon mari est bien content que ces quatre neveux de Saint-Maurice soient dans la garde du roi et la même compagnie; celui dé Saint-Ange y est aussi. » Cette lettre est adressée au chevalier de Julié, en son hôtel, à Trêves.
Une autre lettre apprend encore que c'est le sieur Schappes dont on se sert pour les faire parvenir. Voici quelques phrases assez curieuses : » « Nous n'avons pas été étonnés des outrages que vous ont fait éprouver lès Thionvillains. Leur réputation de coquinerie est établie depuis longtemps. Ne vous ayant pas trouvé ce qu'ils avaient envie d'avoir, ils se sont vengés par des injures; mais rendez-leur le change avec usure, et régalez-les de boulets rouges; ce sont mes vœux les plus ardents. Aussitôt mon arrivée à Nancy je vous écrirai, et je vous enverrai mon adresse. Je ne dois quitter Metz qu'aussitôt l'heure de l'arrivée, ce qui, je crois, paraît éloigné. »
Cette lettre, yous le voyez, Messieurs, porte ce caractère atroce d'une férocité dont les victimes futures offrent déjà d'agréables jouissances à nos ennemis.
J'arrive, Messieurs, à cette lettre qui donne des détails intéressants par la trahison qu'on impute à la garnison de Metz. Cette lettre est du 13 février, de Metz, et conçue en ces termes :
« Pour ménager votre bourse, mon cher ami, et dans la certitude que ma lettre vous parviendra, je profite de roccasion de M. Schappes qui veut aussi avoir part à la fête. (On appelle la
fête, en termes de contre-révolution, le jour où les princes rebelles entreront en France accompagnés de leurs preux chevaliers). Je ne suis pas surpris, vu les complots atroces qui seront projetés contre les princes, que vous vous soyez tous réunis près d eux pour leur sûreté; et je crois que la prudence exigeait et exige encore qu'on leur donne une garde nombreuse; car dans les quatre coins de l'Europe on n'entend parler que d'actes de scélératesse. Ces enragés, qui se voient au moment d'être eux-mêmes les victimes de leur Constitution infernale, ne s'occupent que des moyens de faire sacrifier les chefs du partie opposé, et nous voilà dans le moment le plus critique. Que de déboires n'ont pas essuyés nos malheureux princes et toutes les personnes d'un rang distingué? Mettez-vous a la place de ces individus, et jugez lesquels sont le plus à plaindre; mais j'espère que dans peu nous ouvrirons la scène attendue si longtemps, Toutes les nouvelles que nous recevons nous assurent que le dénouement est très prochain. Tous les honnêtes gens de 15 lieues à la ronde, viennent se réfugier ici sur l'assurance qu'on leur donne qu'ils y seront tranquilles. Quand je ne répondrais pas a vos lettres; que mon silence ne vous rébute pas. J'ai de petits assignats pour payer nos ports de lettres, mais si vous n'en avez, vous donneriez de bon argent. » Cette lettre est adressée à M. Desaucherière, garde du corps du roi, à Coblentz.
Telle est, Messieurs, l'analyse de la correspondance qui a été saisie sur le sieur Schappes : c'est en vain que dans son interrogatoire il a dit qu'il n'avait aucune connaissance de ces paquets, puisque l'on voit, pour ces lettres, qu'il est nommé comme les devant porter à leur adresse. Indépendamment des lettres dont je viens de vous donner l'extrait, le sieur Schappes était porteur d'un pacte fédératif signé, est-il dit, par plus de 30 gentilhommes de la province de Lorraine et des Trois-Evêchés, avec une lettre qui autorise le sieur Schappes à colporter ce pacte dans cette province, afin d'avoir le plus de signatures possibles des ci-devant nobles qui ne ront pas souscrit; on les invite, par cette lettre, à choisir le genre de service, soit à pied,. soit à cheval, qui leur conviendra le plus, afin de les inscrire dans les compagnies qui se forment, et de les avertir du moment où on pourra se rassembler : tant de signatures réunies ne permettent pas de douter un instant que les sieurs Schappes et Lassaux ne soient les agents des conspirateurs rassemblés dans l'Empire et des émigrés rassemblés à Coblentz. Toutes ces diverses considérations réunies ont déterminé votre Comité à vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance, décrète ;
« 1° Qu'ily a lieu à accusation contre les nommés Schappes, officier reformé des grenadiers royaux, demeurant à Metz, Lassaux, retiré à Mœnick, dans le duché de Luxembourg, ancien brigadier des ci-devant gardes du corps du roi avec pension et décoration militaires, et François Gillet, domestique du sieur Schappes, ci-devant commis des fermes du roi, tous trois prévenus du crime de lèse-nation et d'attentat contre la sûreté publique, actuellement détenus dans les prisons de Thionville ;
» 2° Que les lettres, imprimés, pièces originales, papiers et renseignements trouvés sur les
sieurs Schappes, Lassaux et Gillet, déposés au secrétariat de la municipalité de Metz, le 19 février dernier, par les maire et juge de paix de Sierck, seront envoyés à la Haute-Cour nationale, avec les prisonniers, à Orléans. »
Les détenus ont aussi envoyé un mémoire au comité de surveillance, signé d'eux et de deux conseils. Messieurs, d'après ce mémoire les prévenus sont plus charges que d'après les procès-verbaux qui ont été lus ici.
Un de MM. les secrétaires : 11 a été remis ce matin (1) au comité de surveiUance, une nouvelle pièce qui n'a pas été lue ; c'est une attestation ae 30 citoyens de Sierck en faveur des prévenus. Elle porte en substance que les deux citoyens de Sierck qui se sont présentés à la barre se sont dits charges d'une mission qu'on ne leur avait pas donnée. Il assurent que tous les honnêtes gens de Sierck prennent le plus grand intérêt aux prisonniers et ils signent au nombre de 30.
, rapporteur. En effet, Messieurs, ce matin, lorsque je m'occupais de faire le projet de décret, le comité a reçu une attestation de plusieurs citoyens de Sierck, nous nous sommes occupés d'en faire l'extrait ; je vais vous en faire lecture :
« Les notables habitants citoyens de la ville de Sierck ont vu, avec autant d'indignation que d'étonnement, que 2 particuliers de leur ville, s'en disant députés, ayant été admis à la. barre de l'Assemblée nationale à la séance du soir 28 février, qu'ils y aient fait un exposé aussi calomnieux pour justifier l'arrestation faite, le 14 du même mois, des sieurs Schappes, Lassaux et de Gillet, leur domestique ; ils observent :
« 1° Que cette députation, dont l'objet n'a pu être que de se procurer des victimes, comme aussi ae noircir les récollets de Sierck et la chartreuse de cet endroit, et d'inculper les corps administratifs, n'a jamais été fait que par l'intrigue d'un petit nombre contre le vœu de tous, et qui aussi elle a été réduite à une espèce de quêtes pour en faire les frais; que si la liste des contribuants a été nombreuse, c'est encore une suite de leurs ruses, parce qu'on a fait un tableau, d'après lequel chacun s'est vu forcé de faire son offre pour ne pas s'exposer à être inquiété comme peu patriode pour l'avenir;
« 2° Que, du moins, il restait aux personnes honnêtes l'espoir que ces prétendus députés se renfermeraient dans un récit, fidèle de la vérité ; mais d'après les atrocités mensongères dont on a noirci les sieurs Lassaux et Schappes; il répugne trop à l'honnêteté des soussignés que ces procédés puissent paraître un instant aeleur aveu;
« 3° Que si cette malheureuse affaire était dans le cas d'être jamais
éclaircie par la forme d'une procédure, ils sont prêts à démentir les
faits avancés, et à démentir la majeure partie des choses que l'on a
mises à la charge des arrêtés sur le sort desquels toutes les âmes
honnêtes gémissent, avec d'autant plus de raison, que la conduite que
l'on a tenue à leur égard, et ce qu'on a employé pour leur justification
s'est passé sous les yeux dé beaucoup des soussignés qui savent qu'on a
eu recours envers les arrêtés à la violation de toutes les lois, ét
porté les choses jusqu'à l'infidélité la plus révoltante, suite d'un
plan avoué et formé depuis longtèmps contre le sieur Lassaux
personnellement.
« 5° Que pour détruire, autant que possible, les impressions douloureuses que la relation de la séance du 12 février a du faire sur l'âme des sieurs Lassaux et Schappes, et les convaincre, autant qu'il est au pouvoir des soussignés, qu'ils ne doivent pas se croire persécutés de l'aveu des habitants honnêtes de la ville de Sierck. il leur sera remis une copie de la présente déclaration comme une assurance des sentiments qu'ils leur inspirent_à tous, et comme un faible au nom de . la ville. »
(Suivent environ trente signatures.) .
J'ai aussi reçu le mémoire dont parlait M. Lecointre tout à l'heure. Je demande qu'il en fasse lecture ou bien je le ferai moi-même. Ce mémoire est signé par M. Merlin, maire de Thionville, et père de notre collègue.
Plusieurs membres : La lecture ! La lecture !
Je rends justice aux accusés; ce sont les plus grands contre-révolutionnaires de France.
, rapporteur, commence la lecture de ce mémoire. 11 lisait déjà depuis .un quart d'heure et n'en était encore qu'à l'époque où l'on faisait l'éducation du sieur Schappes, lorsqu'il a été interrompu par des murmures.
Il importe peu" de savoir quelle a été la nourrice de M. Schappes et s'il a donné beaucoup d'espérances dans sa jeunesse. Je propose de passer à la discussion des faits.
, rapporteur. J'offre de lire l'extrait que j'ai fait de ce mémoire. J'assure à l'Assemblée qu'il est très fidèle .{Oui! oui!)
Le voici :
« Les sieurs Schappes et Lassaux, dans le mémoire, avouent avoir été arrêtés sur la frontière du Luxembourg, dans un chemin impraticable ; ils conviennent avoir fait du dégât dans un champ pour éviter les regards, ils conviennent avoir menacé du pistolet le garde champêtre ; ils nous apprennent qu'ils ont fait les mêmes menaces aux volontaires de la Meurthe, accourus au secours des cultivateurs ; ils conviennent de même qu'ils étaient porteurs des papiers saisis; il est avéré que ces papiers contenaient des projets contre la patrie; ils nient qu'ils allaient les porter à Coblentz, quand ces écrits reconnus par eux, les désignent comme en étant lés porteurs qui doivent en dire davantage à Coblentz.
« L'Assemblée n'a pas perdu de vue que les porteurs ont nié, savoir ce que contenaient ces paquets ; le rédacteur s'évertue pour prouver que cette déclaration n'est point une importance, et il parvient, au contraire, à ne laisser échapper aucun doute sur la vérité de l'assertion, que ses clients savaient ce que contenaient ces lettres, qu'il savaient qui les avaient écrites, et enfin qu'ils savaient a qui elles étaient adressées à Coblentz.
« Pressés de répondre, les sieurs Schappes et Lassaux avouent qu'ils connaissent ces papiers,
le sieur Schappes croient les avoir laissés sur sa cheminée en partant; et on explique ce miracle au moyen d'une dame de Haguen, à laquelle on fait raconter qu'elle a fait courir après le sieur Lassaux, pour lui faire remettre ces paquets dont il ignorait le contenu. Adoptons la fable, et il sera toujours vrai que le sieur Schappes, qui avait rassemblé ces papiers, et les avait posés sur sa cheminée, savait qui les lui avait réunis et ce qu'ils contenaient. Aussi les accusés s'attachent-ils bien plutôt à la forme et préten-dent-ils qu'on ne peut argumenter contre eux de ces pièces, parce qu'on en a rompu le cachet contre la loi. Les procès-verbaux du juge de paix de Sierck, et les dépositions des témoins démentent formellement cette assertion ; et il demeure pour constant après le plus mûr examen de ce mémoire, de plus de 60 pages, que les sieurs Schappes et Lassaux étaient porteurs de papiers incendiaires, de projets de contre-révolution; qu'enfin le délit qu'on leur impute ne peut être caractérisé que de crime de haute-trahison, que d'un crime de lèse-nation: et qu'enfin ce mémoire même, loin de les justifier^ change en preuve de leur complicité d'une coalition contre la patrie, la présomption nécessaire pour porter un décret d'accusation. »
L'extrait du mémoire qu'on vient de vous lire n'est pas fidèle, certains faits allégués par M. le rapporteur sont contredits par le mémoire qui a été rédigé par M. Merlin, père de notre collègue. J'y lis que les paquets ont été remis cachetés et intacts à M. Jolivaldt, maire de Sierck; j'y lis encore que M. Jolivaldt a trouvé le moyen d'ouvrir un des paquets et qu'ainsi'le secret des lettres a été violé. Je demande la question préalable sur le projet de décret.
, rapporteur. En s'en rapportant au procès-verbal^ et non à de simples allégations, on doit en conclure que les cachets se sont Brisés.
Un membre : Il y a un procès-verbal authénti- que et le mémoire des prévenus ne peut pas le étruire.
La lettre des 30 citoyens de Sierck dément en partie le procès-verbal.
Il y a un procès-verbal qui constate que les paquets étaient ouverts; l'Assemblée est obligée de s'en rapporter à ce procès-verbal qui est une pièce authentique, sauf aux accusés à se pourvoir par les voies de droit.
Que faut-il avoir pour prononcer? La connaissance des faits. Ceux qui veulent parler en faveur des prévenus ont cette tâche à remplir. Il faut qu'ils prouvent, ou que les faits allégués sont faux, ou que le procès-verbal qui les contient est entaché d'un vice qui le fait tomber. Tous ceux qui ont parlé n'ont point dit que les faits fussent faux; mais ont dit : l'on a ouvert illégalement les paquets, et d'après les décrets de l'Assemblée nationale constituante, d'après l'exemple que vient de donner encore l'Assemblée actuelle, on ne peut pas délibérer sur des pièces venues à la connaissance de l'Assemblée nationale d'une manière aussi illégale. Je ne dissimule pas la force de cette objection, et je dirai, avec ceux qui se sont servi de ce moyen, que nous ne pourrions aujourd'hui argumenter de ces pièces si le fait était exact. Mais comment pouvoir imputer aux autorités constituées qui ont agi dans cette circonstance,
d'avoir ouvert les paquets, quand on voit par le procès-verbal du juge de paix lui-même, qu'il a respecté les cachets des deux lettres qui sont encore entières, déposées au greffe de la municipalité de Metz.
Je dis, Messieurs, que le procès-verbal constatant que les paquets étaient ouverts, ce n'est pas la défense du sieur Schappes et du sieur Lassaux qui peut faire arguer le procès-verbal de faux. Je ne. suis pas suspect puisque mon père a signé la défense des accusés. Mais il n'en est pas moins vrai que cette même défense devient un moyen d'accusation contre eux. Ils disent eux-mêmes ce que les procès-verbaux ne disaient pas ; ils disent qu'ils ont tenté d'écarter les volontaires du bataillon de la Meurthe avec leurs pistolets, et il n'en était pas question dans le procès-verbal.
Messieurs, si vous aviez comme moi la connaissance des personnes, vous n'hésiteriez pas un moment à prononcer le décret d'accusation. Le sieur Lassaux est actuellement brigadier dès gardes du roi à Coblentz et toute sa famille est domiciliée dans l'Empire. J'interpelle les députés du département de la Meurthe, et tous ceux qui connaissent le sieur Schappes, qui vous diront que depuis 1789, cet homme n'a cessé de machiner contre la Révolution.
Je demande donc que ces parti eu liers soient décrétés d'âccusation.
Si les détenus n'avaient én leur faveur que le mémoire envoyé à l'Assemblée et l'adresse signée de 30 personnes de l'endroit où ils sont détenus, ces moyens de défense n'auraient aucune faveur, puisqu'il est vrai que ces faits sont détruits par des procès-verbaux qui sont authentiques, et qui méritent tout la confiance de l'Assemblée. Mais, Messieurs, pour pouvoir déterminer dans la circonstance, il faut examiner quels sont les faits qu'on reproche aux détenus, quel est le genre des preuves acquises contre eux.
Il résulte bien des faits contenus dans le rapport du comité, qu'il y a presque des preuves morales contre les prévenus. Mais lorsqu'il s'agit de porter un décret d'accusation, il faut qu'il y ait des certitudes physiques. (Murmures.) J'admets très bien que pour rendre un décret d'accusation, il ne faut pas de preuves aussi fortes ; mais n'est-il pas possible que des porteurs de lettres relatifs à des complots, ignorent ce que renferment ces lettres ? Ici nous sommes dans lé doute et je crois que le parti de l'indulgence est celui que vous devez prendre.
Je demande qu'il soit décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le décret d'accusation, attendu que les tribunaux ordinaires sont compétents pour juger des colportations d'écrits dangereux.
Je crois que, dans aucun moment, l'Assemblée-n'a eu de preuves aussi certaines d'un complot contre la sûreté de l'Etat, que dans la circonstance actuelle. Mais si les prëopinants, qui, par un mouvement bien louable, sans doute, ont parlé en faveur des prévenus, avaient écouté attentivement le rapport qui a été fait, très certainement, ils n'auraient pas été si indulgents dans leurs conséquences. Messieurs, je vous prie de vous rappeler ce grand principe qui a été tant de fois invoqué dans cette Assemblée. Vous n'êtes pas le tribunal de cassation, vous êtes le haut juré national qui est obligé de veiller à la sûreté de l'Empire et de traduire devant le juge
que la Constitution a délégué, les attentats contre la sûreté de l'Etat. Or, dès l'instant où on vous dénonce les coopérateurs de ce plan, vous devez examiner si les accusés peuvent être réputés coupables du crime dont on les accuse. Je vois évidemment consigné dans les pièces qui vous ont été lues, non seulement que le sieur Schappes était porteur d'écrits contre-révolutionnaires, mais que le sieur Schappes est lui-même un contre-révolutionnaire.
D'autre part, il est également de votre justice de ne pas adopter le projet de décret dans son entier. Je n'ai rien vu, Messieurs, dans les pièces, dans le rapport du comité ; je n'ai rien vu à la charge du sieur Gillet, sinon qu'il était le domestique de deux contre-révolutionnaires. S'il est juste que vous ne puissiez porter le décret que lorsque vous aurez la conviction, il est également juste, lorsqu'il se trouve un particulier, qui n'est qu'un agent passif, obligé par état de suivre ses maîtres, il est juste, dis-je, que l'Assemblée le sépare des autres prévenus ; c'est pourquoi je fais la motion que le domestique ne soit pas compris dans le décret d'accusation; mais je demande que le [décret d'accusation soit porté contre les deux autres.
, rapporteur. J'adopte l'amendement; je reconnais qu'il n'y a dans la procédure aucune charge contre le sieur Gillet.
Plusieurs membres : Alors, pourquoi l'avez-vous compris dans le projet de décret?
Un membre parle en faveur des accusés.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion, décrète successivement qu'il y a lieu à accusation contre les sieurs Schappes et Lassaux et qu'il n'y a pas lieu à accusation contre le sieur Gillet, leur domestique.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance, décrète : 1° qu'il y a lieu à accusation contre les nommés Schappes, officier réformé des grenadiers royaux, demeurant à Metz, Lassaux, retiré à Mœnick, dans le duché de Luxembourg, ancien brigadier des ci-devant gardes du corps du roi, avec pension et décoration militaire, prévenus du crime de lèse-nation et d'attentat contre la sûreté publique, actuellement détenus dans les prisons de Tnionville.
« 2° Que les lettres, imprimés, pièces originales, papiers et renseignements trouvés sur les sieurs Schappes, Lassaux, et déposés au secrétariat dé la municipalité de Metz, le 19 février dernier, par les maire et juge de paix de Sierck, seront envoyés à la haute cour nationale, avec les prisonniers, à Orléans. »
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite de la garde nationale et de la municipalité de Sierck.
Plusieurs membres ; L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
J'ai reconnu dans le mémoire qu'on a cité, la signature de mon père : néanmoins, comme j'y trouve ces mots : « le chevalier Lassaux » je propose d'improuver le conseil général de la commune de Thionville pour avoir employé une expression inconstitutionnelle.,
(Là motion de M. Merlin n'est pas appuyée.)
Je demande à faire un nouveau rapport, au nom du comité de surveillance, sur une arrestation de vingt chevaux.
Plusieurs membres : La séance levée !
lève la séance à neuf heures et demie.
FIN DU TOME XXXIX
à lui écrite relative à l'assassinat du maire d'Etampes (4 mars 1792, t. XXXIX, p. 379).
Directoire. Pétition pour obtenir un dégrèvement des contributions (27 février 1792, t. XXXIX, p. 131); — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.). — Envoi d'un extrait de l'acte de vente des moulins de Nantua (ibid.).
Voir Troubles, § 3.
ger aux officiers déserteurs (p. 16"), — sur le sort à faire aux invalides (p. 226), — sur le nombre des membres du comité diplomatique (p. 342), — sur une lettre de la municipalité de Dunkerque (p* 376), — sur les biens des émigrés (p. 390). — Fait une motion d'ordre (p. 401). — Parle sur la conduite du l,r bataillon du 48" régiment d'infanterie (p. 404), —sur l'organisation du comité diplomatique (p. 598), — sur une adresse des Amis de la Constitution de la ville de Nimes (p. 615), — sur les officiers de marine (p. 690).
Membre du comité de commerce nt. XXXIX, p. 337).
1° Dépôt de pièces. Dépôts des marchés passés par le ministre de la guerre (22 février 1792, t. XXXIX, p. 20).—Des œuvres de J.-J. Rousseau offertes par Poinçot (25 février, p. 103 et suiv.). — De l'inventaire du cabinet de physique de Charles (14 mars, p. 687).
2° Remise de pièces. A Gatteau, graveur, le coin destiné au timbre des assignats de cent sols (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 513).
Cavalerie. — Chasseurs. — Déserteurs. — Enrôlements. — Génie. — Infanterie. — Légions. — Postes militaires. — Recrutement. — Règlements militaires. — Transports militaires. — Troupes.
2° Rapport par Lacombe-Saint-Michel sur la création d'un corps d'artillerie à cheval (2 mars 1792, t. XXXIX, p. 285 et suiv.);— projet de décret (ibid. p. 287 et suiv.).
§ 1er. Règlement.
§ S. Ordre: des travaux et séances.
§ 3. Dons et hommages.
§ 4. Députât ions admises à la barre.
§ 5. Huissiers.
§ 1'". Règlement. Motion de Mouysset tendant à autoriser les membres qui ne font partie d'aucun comité à se réunir dans la salle pour conférer les jours où il n'y a pas séance du soir (23 février 1792, t. XXXIX, p. 32 et suiv.); — discussion: Lasource, Basire, Ducos, Vergniaud, Viénot-Vaublanc, Quinette, Reboul, Viénot-Vaublanc, Grangeneuve, Merlin, Albitte, Mouysset, Delacroix (ibid. et p. suiv.); — motion de Merlin tendant à faire décréter qu'il y aura séance tous les jours matin et soir (ibid. p. 37); — l'Assemblée accorde la priorité à cette motion (ibid. p. 38). — Discussion de cette motion : Reboul, Basire, Lasource, Léopold, Grangeneuvp, Delacroix, Lamarque, Ramond, Charlier, Jaueourt, Ducos, Au-bert-Dubayet, Isnard, Gérardin (ibid. et p. suiv.) ; — ordre du jour (ibid. p. 42); — retrait de la motion de Mouysset (ibid.).
§ S. Ordre des travaux et séances. 1° Merlin propose de décréter qu'il y aura tous les jours séance malin et soir (23 février 1792, t. XXXIX, p. 37) ; — ordre du jour (ibid. p. 42).
2° Objets soumis à l'Assemblée par le ministre de l'intérieur et sur lesquels il n'a point été statué (28 février 1792, t. XXXIX, p. 171 et suiv.).
3° Il y aura deux séances extraordinaires du soir, l'une pour l'affaire des invalides, l'autre pour les troubles d'Arles (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 392).
4° Rapport par Lasource sur le mode d'accélérer les travaux de l'Assemblée (7 mars 1792, t. XXXIX, p. 440 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 442).— Observations et plan de Mathieu Dumas (ibid. p. 442 et suiv.) ; — renvoi à la commission centrale (ibid. p. 446). — Discussion du projet de décret présenté par Lasource. — Adoption des articles 1 à 6 (ibid. et p. suiv.). — Article additionnel proposé par
Goujon (ibid. p. 447) ; — rejet (ibid.) — Adoption de l'article 7 (ibid.). — Texte définitif du décret. (ibid. et p. suiv.). — Opinion non prononcée de Thorillon (ibid. p. 463 et suiv.).
§ 3. Dons et hommages. (24 février 1792, t. XXXIX, (p. 45), (25 février, p. 77), (p. 103), (26 février, p. 119), (p. 125), (28 février, p. 157), (1ermars, p. 254), (p. 255), (3 mars, p. 337), (p. 340), (p. 355), (4 mars, p. 373), (p. 380), (10 mars, p. 527), (p. 528), (p. 550), (p. 551), (11 mars, p. 556), (p. 566), (13 mars, p. 621). (p. 677).
§ 4. Députations admises à la barre. — 1792. — Députations des juifs d'Alsace (4 mars, t. XXXlX, p. 377), — de citoyens de la section des Lombards (ibid.), — de citoyens de la section de la Fontaine de Grenelle (ibid.), — du département de Seine-et-Oise (6 mars, p. 413), — ae citoyennes de Paris (ibid. p. 423), — de citoyens de Kuffec (p. 424), — de la ville d'Etampes (ibid. p. 428), — de citoyens du faubourg Saint-Antoine (ibid.), — des ci-devant gardes françaises (ibid. p. 430), — de la municipalité de Melun (8 mars, p. 503), — du 45e régiment d'infanterie (ibid.), — de la municipalité de Crépy (ibid. p. 508), — des volontaires du bataillon de la Charente-Inférieure 1(10 mars, p. 559), — du directoire de Seine-et-Marne et de la municipalité de Melun (11 mars, p. 556), — de la section de la Croix-Rouge (11 mars, p. 564), — de la municipalité de Pans (ibid. p. 567), — des vétérans de la garde nationale parisienne (ibid. p. 571), — des ci-devant employés de la régie générale (ibid.), — des jeunes gens d'A-gen (14 mars, p. 691).
§ 5. Huissiers. Palloy leur offre de nouvelles médailles (11 mars 1772, t. XXXIX, p. 564 et suiv.). — Ces nouvelles médailles au lieu d'êtro suspendues à des chaînes seront suspendues à des rubans tricolores (ibid. p. 566). — Lettre de Palloy aux huissiers (ibid. p. 572).
§ 1er. Falsification.
§ S. Annulation et brûlement.
§ 3. Emission. — Circulation.
§ 4. Fabrication.
§ 5. Ouvrages et mémoires sur les assignats.
§ 1er. Falsification. 1° Suite de la discussion
du projet de décret sur les moyens d'arrêter et de punir les fabricateurs de
faux assignats. — Art. 4 : Thuriot, Lagrévol, Thuriot, Grangeneuve, Beugnot,
Guadet, Rouyer, Thuriot, Dehaussy-Robecourt (24 février 1792, t. XXXIX, p.
58 et suiv.); — adoption sauf rédaction (ibid. p. 61); — texte de l'article
4 (ibid. p. 62). — Article 5 : Thuriot (ibid.) ; — adoption (ibid.). —
Adoption sans discussion des articles 6, 7 et 8 (ibid. et p. suiv.).— Art. 9
: Lemontey (ibid.); —adoption (ibid. p. 63). — Adoption des articles 10, 11
et 12 proposés par Lemontey (ibid?). — Adoption d'une addition à l'article 4
(ibid.). — Texte du décret (ibid. p. 64 et suiv.), — Adoption d'un article
additionnel proposé par Dorizy (25 février, p. 85). — Texte définitif du
décret (ibid. et p. suiv.).
2° Discussion du projet de décret sur les mesures à prendre pour prévenir la contrefaçon des assignats et sur la refonte et l'échange général du papier-monnaie : Philibert, Murairp, Isnard, Dorizy,,Cambon, Pieyre (27 février, p. 135 et suiv.) ; — l'Assemblée
décide que la discussion ne s'ouvrira que sur les articles qui ont rapport à la contrefaçon des assignats (ibid. p. 144). — Reprise de la discussion. Haussmann (ibid. et p. suiv.).
§ 2. Annulation et brûlement. — Brûlement de 9 millions d'assignats (26 février 1792, t. XXXIX, p. 119), — de 7 millions d'assignats (4 mars, p. 377), — de 7 millions d'assignats (11 mars, p. 561).
§ 3. Emission. — Circulation. — Projet de décret proposé par Philibert sur la fixation de la masse des assignats à mettre en circulation (27 février 1792, t. XXXIX, p. 142 et suiv.); — renvoi aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances et des assignats et monnaies réunis (ibid. p. 146).
§ 4. Fabrication. 1° Remise par le ministre des finances de divers marchés pour la fabrication du papier (3 mars 1792, t. XXXIX, p. 350) ; — renvoi au comités des assignats el monnaies (ibid.) ; — rapport par Dorizy (4 mars, p. 376); — projets du décret (ibid.); — adoption (ibid.).
2° Rapport sur le timbrage des assignats (9 mars 1792, t. XXXIX, p. 512); — projet de décret (ibid.).
§5. Ouvrages et mémoires sur les assignats. — Ouvrage de Hurel (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 551).— Mémoire do Fiquenel (13 mars, p. 677).
— Fait un rapport sur une pétition des propriétaires do rentes sur l'Hôtel-de-ville de Paris (p. 289 et suiv.),— le défend (p. 291). — Son opinion non prononcée, sur les conséquences de l'aliénation des forêts nationales (p. 311 et suiv.). — Fait un rapport sur la sus-pension du traitement des deux princes français, rères du roi (p. 519 et suiv.).
projet de décret et décrète que le ministre de la guerre rendra compte de l'exécution du décret du 24 septembre 1791 relatif à la résiliation de ce marché (ibid. p. 684). — Lettre du ministre de la guerre (14 mars, p. 687)
Administrateurs. Font connaître l'activité du recrutement (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 471).
Directoire. Adresse un état d'adjudication des biens nationaux (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 395). — Dénonce le lieutenant-colonel du 6e régiment de dragons (8 mars, p. 467).
2. Mémoire de la commune de Montargis contre la trop grande émission des billets patriotiques (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 590) ; — renvoi aux comités de l'ordinaire des finances et des assignats et monnaies réunis (ibid.).
Administrateurs. Lettre sur l'activité du recrutement pour l'armée (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 550).
Société des Amis de la Constitution. Adresse au sujet des enrôlements pour l'armée (14 mars 1792, t. XXXIX, p. 688).
Volontaires nationaux. Lettre du commandant des volontaires sur l'activité du recrutement (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 561 et suiv.).
(1er mars 1792, t. XXXIX, p. 230); — renvoi au comité de liquidation (ibid.).
1° Etats de situation. Mémoires du commissaire du roi (24 février 1792, t. XXXIX, p. 57 et suiv.), (26 février, p. 119), (3 mars, p. 355), (11 mars, p. 561).
2° Entrées, fonds et recettes. Projet de décret, présenté par Ballet, tendant à lui accorder un secours provisoire de 100 millions (28 février 1792, t. XXXIX, p. 187 et suiv.); — adoption de l'urgence et du projet de décret (ibid. p. 188).
3° Versements à faire à la Trésorerie nationale (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 473).
Administrateurs. Lettre relative au mode de constater les naissances, mariages et décès (14 mars 1792, t. XXXIX, p. 692).
Administrateurs. Lettre relative aux troubles de Mende (14 mars 1792, t. XXXIX, p. 689).
Fait hommage à la nation de trois doubles louis d'or (24 février 1792, t. XXXIX, p. 45).
1er régiment. Présente une pétition (5 mars 1792,
t. XXXIX, p. 394), —renvoi au comité militaire (ibid.,
p. 395). — Les sous-officiers et soldats déclarent n'avoir pris aucune part à l'adresse de la garnison de Lille contre les règlements militaires (14 mars, p. 719).
Administrateurs. — Annoncent l'activité du recrutement pour l'armée (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 468).
Procureur-général-syndic. — Ecrit au sujet des troubles survenus à Angoulême (8 mars 1792, t.- XXXIX, p. 468).
Volontaires nationaux. — Une députation demande à être admise à la barre (9 mars 1792,
t. XXXIX, p. 520). — Admise; elle présente une pétition (10 mars, p. 552).
Port. — Le ministre de la marine demande 43,000 livres pour le service du port et des travaux de la rade (23 février 1792, t. XXXIX, p. 31)); — renvoi aux comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis (ibid.).
de la Martinique demandant la mise à l'ordre du jour du rapport sur les troubles des colonies (22 février 1792, t. XXXIX, p. 19); — rapport par Tarbé (29 février, p. 198 et suiv.). — Opinion et projets de décret de Tarbé (ibid. p. 209 et suiv.).
§ l °r. Comités en général.
§ S. Comités spéciaux selon l'ordre alphabétique.
§ 1. Comités en général.
1° Les comités seront renouvelés à la séance du 2 mars au soir (1er mars 1792, t. XXXIX, p. 256).
2° Motion de Mayerne relative au remplacement des membres sortis par le sort (2 mars, p. 338) ; — adoption (ibid).
3° Les comités rechercheront les pièces concernant la commune de Cellefrouin (9 mars 1792, t. XXXIX, p. 513).
§ S. Comités spéciaux selon l'ordre alphabétique.
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (4 mars, p. 373).
Travaux. — 1792 — Rapports sur la questionne l'aliénation des forêts nationales (2 mars t. XXXlX, p. 291 et suiv.); — sur les subsistances (5 mars, p. 383 et suiv.).
Organisation. — 1792. — La commission de surveillance de la fabrication des assignats sera réunie au comité des assignats et monnaies (4 mars, t. XXXIX, p. 373). — Nouvelle composition (8 mars, p. 467).
Travaux. — 1792. — Rapports sur des marchés passés par le ministre des contributions publiques, pour la fabrication du papier des assignats (4 mars, t. XXXIX, p. 376).
Travaux. — 1792 — Rapports sur les troubles de Saint-Domingue (29 février, t. XXXlX, p. 198 et suiv.), — sur une pétition de Destimanville (8 mars, p. 495 et suiv.), — sur une pétition de sept citoyens ae Pondichéry (ibid. p. 496 et suiv.)
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (4 mars, t. XXXIX, p. 373.)
Travaux. — 1792. — Rapports sur la question de l'aliénation des forêts nationales (2 mars, t. XXXIX, p. 291 et suiv.); *-c. sur les droits sur le jay (3 mars, p. 341 et suiv.); — sur les subsistances (5 mars, p. 383 et suiv).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (8 mars, t. XXXIX, p. 468).
Travaux. — 1792. — Actes d'accusation contre Louis Dulery (26 février, t. XXXIX, p. 112 et suiv.) — contre Fabiani (2 mars, p. 283).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (2 mars,p. 338). — Motion de Albitte sur le nombre des membres du comité (3 [mars, p. 342); — ordre du jour (ibid.) — Delcher propose d'adjoindre les six suppléants au comité (12 mars, p. 398) ; —- observations de Sage, Albitte, Hua, Rouyer, Mailhe, Dehaussy-Robecourt [ibid. et p. suiv.); —adoption delà motion de Delcber [ibid., p. 599).
Travaux. — 1792, — Rapports sur la pétition du sieur Cazeau (3 mars, t. X.XXIX, p. 358 et suiv.).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (5 mars, t. XXXIX, p. 393).
Travaux. — 1792. — Rapport sur les contestations survenues au sujet des communes de Riotord et de Saint-Ferréol (7 mars, t. XXXIX, p. 433 et suiv.), — sur l'arrondissement du tribunal de commerce d'Or-bec (10 mars, p. 527 et suiv.), — sur l'admission de Pucelle, député suppléant de la Somme en remplacement de Quillet, décédé (14 mars, p. 689).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (5 mars, t. XXXIX, p. 394).
Travaux. — 1792. — Rapport sur la question de l'aliénation des forêts nationales (2 mars, t. XXXIX, p. 291 et suiv.), — sur les 25 contrats d'échange de la forêt de Senonches (12 mars, p. 590).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (8 mars, t. XXXIX, p. 467).]
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (8 mars, t. XXXIX, p. 467).
§ 1er. Comité de Vordinaire des finances.
§ 2. Comité de l'extraordinaire des finances.
§ l. Comité de l'ordinaire des finances.
Travaux. — 1792. — Rapports sur les billets de confiance (23 février, t. XXXIX, p. 86 et suiv.), — sur des souscriptions à des œuvres littéraires (ibid. p. 109 et suiv.), — sur une pétition des rentiers de ia ville de Paris (2 mars, p. 289 et suiv.), — sur l'aliénation des forêts nationales (2 mars, p. 291 et suiv.), — sur les créances arriérées des départements de la guerre pour 1790 (3 mars, p. 338), — sur los gardes françaises (ibid., p. 362), — sur les dépenses de 1792 (7 mars, p. 448 et suiv.), — sur les mesures à prendre pour accélérer la vente des sels et tabacs nationaux (ibid., p. 450 et suiv.), — sur. le versement mensuel à faire par la caisse de l'extraordinaire dans celle de la Trésorerie nationale (8 mars$ p. 473), — sur la
suspension du traitement des deux princes français, frères du roi (9 mars, p. 519 et suiv.), — sur les secours à accorder aux indigents des départements (ibid., p. 520 et suiv.), — sur une demande de la commune de Chaumont tendant à un emprunt de 30,000 livres (11 mars, p. 562), — sur une dénonciation contre Launai (ibid., p. 567).
§ S. Comité de l'extraordinaire des finances.
Travaux. — 1792. — Rapports sur une demande d'emplacement pour le directoire du district de Dôle (24 février 1792, t. XXXIX, p. 71)'; — sur une demande d'emplacement pour le département des Deux-Sèvres (ibid. et p. suiv.), — sur une demande d'emplacement pour la maison commune de Bléré (ibid., p. 72), — sur les billots de confiance (25 février, p. 86 et suiv.), — sur un secours provisoire à accorder à la caisse de l'extraordinaire (p. 187 et suiv.), — sur l'emplacement des bureaux de la comptabilité (29 février, p. 193 et suiv.), — sur les subsistances (5 mars, p. 3&>3 et suiv.), — sur le timbrage des assignats (9 mars, p. 512).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (5 mars, t. XXXIX, p. 394).
Travaux. — 1792. — Rapports sur l'emplacement des bureaux de la comptabilité (29 février, t. XXXIX, p. 193), — sur la pétition du sieur Janson (4 mars, p. 372).
Travaux. — 1792. — Rapports sur la suppression du tribunal de l'Université de Paris (24 février, t. XXXIX, p. 69 et suiv.), — sur les examens pour l'école du génie (28 février, p. 157 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur la détention de Jean Gircourt (22 février, t. XXXIX, p. 1;, — sur la question de savoir si, depuis la sanction du décret du 29 septembre 1791 sur les notaires, le ministre de la justice avait pu expédier des provisions (ibid., p. 4 et suiv.), —sur le mode de la responsabilité des ministres (ibid., p. 8 et suiv.), — sur le mode du séquestre des biens des émigrés (5 mars, p. 385 et suiv.), — sur l'exécution des condamnes à mort (13 mars, p. 672).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (5 mars, t. XXXIX, p. 394).
Organisation. — 1792. —Le nombre des membres est porté à 36 (2 mars, t. XXXIX, p. 338). — Nouvelle composition (8 mars, p. 495).
Travaux. — 1792. — Rapports sur la liquidation des offices des commissaires au Chàtelet de Paris (3 mars, t. XXXIX, p. 342), — sur la pétition de Richard Dupain (ibid. p. 360), — sur le classement du procureur de la chambre des comptes de Rouen (ibid.).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 394).
Travaux. — 1792. — Rapports sur des observations du ministre de la marine relatives à l'organisation définitive de la marine (27 février, t. XXXIX, p. 132 et suiv.), — sur la rectification du décret du 21 septembre 1791, relatif à l'administration de la marine (28 février, p. 159 et suiv.), — sur divers objets soumis à l'Assemblée par le ministre de la marine (1er mars. p. 231 et suiv.), — sur l'aliénation des forêts nationales (2 mars, p. 291 et suiv.), — sur la nomination de d'Estaing au grade d'amiral (6 mars, p. 422 et suiv.), — sur l'inexécution des lois relatives à la police et aux droits de navigation dans les ports de commerce (13 mars, p. 622 et suiv.).
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (4 mars, p. 373).
Travaux. —1792. — Rapports sur les examens pour l'école du génie (28février, t. XXXIX, p. 157 et suiv.),— sur la création d'un corps d'artillerie à cheval (2 mars, p. 285 et suiv.), — sur les créances arriérées du département de la guerre pour 1790 (3 mars, p. 338), — sur les Gardes françaises (ibid. p. 362), — sur l'organisation des canonniers gardes nationaux (5 mars, p. 395 et suiv.), — sur la nomination de d'Estaing au grade d'amiral (6 mars, p. 422 et suiv.),— sur une pétition de Prez de Crassier (8 mars, p. 507), — sur l'habillement des volontaires nationaux (14 mars p. 698 et suiv.)
Organisation. — 1792. — Nouvelle composition (8 mars, t. XXXIX, p. 467).
Travaux. — 1792. — Rapport sur les réclamations de la commune de Nantes relatives aux opérations du corps électoral du département de la Loire-Inférieure (23 février, t. XXXIX, p. 24 et suiv.). — Analyse de pétitions et d'adresses (26 février, p. 118 et suiv.). — Rapport sur les affaires d'Avignon (1er mars, p. 257 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur les secours à accorder à Latude (25 février, t. XXXIX, p. 106 et suiv.), — sur les secours à accorder aux ouvriers de la ville de Laigle (3 mars, p. 359), — sur le rachat des Français tombés en captivité (5 mars, p. 397 et suiv.), — sur les secours à accorder aux indigents des départements (9 mars, p. 520 et suiv.).
Organisation. —1792. — Le comité est autorisé à prendre un commis de plus (10 mars, t. XXXIX, p. 551).
Travaux. — 1792. — Rapports sur la détention de Jean Gircourt (22 février, t. XXXIX, p. 1), — sur les affaires d'Avignon (1er mars, p. 257 et suiv.), — sur l'arrestation aes sieurs Auguste-François et Joseph Vidal (11 mars, p. 563), — sur l'affaire des sieurs Charrier-Dubreuil et Gauthier (12 mars, p. 613), — sur l'arrestation des sieurs Schappes, Lassaux el François Gillet (14 mars, p. 721 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapport sur le mode d'accélérer les travaux de l'Assemblée (7 mars, t. XXXIX, p. 440 et suiv.).
2° Troisième lecture du projet de décret sur la for-
mation des matrices et la confection des rôles des contributions foncière, mobilière et des patentes pour 1791 et 1792 (28 février 1792, t. XXXIX, p. 160et suiv.); — Discussion : Jacob Dupont (ibid. p. 161 et suiv.); — Quinette, Fouquet, Lostalot, Faye-Lachèze, Cailhasson, Dubreuil-Chambardel, Dalloz, Quatremère-Quincy, Voi-sard, Cambon (ibid. p. 170 et suiv.). — Discussion des articles : — Article lor : Rubat (ibid. p. 186); — rejet (ibid.). — Rejet des articles 2 à 5 (ibid.). — Projet de décret proposé par Juéry (ibid.); — l'Assemblée accorde la priorité à ce projet de décret (ibid. p. 187) ; — observations de Lecointe-Puyraveau, Dorizy, Thuriot, Cambon (ibid.).
3° Tronchon demande que le ministre des contributions publiques rende compte de l'état du recouvrement des contributions de la capitale (lor mars 1792, t. XXXIX, p. 260); — observations de Cambon et d'Isnard (ibid.) ; — adoption de la motion de Tronchon (ibid.); — compte rendu du ministre des contributions publiques (3 mars, p. 351 et suiv.); — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid. p. 352).— Lettre du maire de Paris (6 mars, p. 430 et suiv.);— renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid. p. 431). Actes administratifs du directoire du département de Paris (10 mars p. 550 et suiv.).
4° Le comité de l'ordinaire des finances fera une instruction nouvelle sur l'assiette des contributions foncière et mobilière (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 560).
Membre du comité militaire (t. XXXIX, p. 373. —-Soumet à la discussion son rapport sur le marché passé avec le sieur Baudouin pour les transports militaires (p. 681 et suiv.), — le défend (p. 683).
tion de l'ordre du jour (p. 374). — Propose la tenue de deux séances extraordinaires du soir (p. 392). — Membre du comité d'inspection (p. 394), — Parle sur une pétition de citoyennes de Paris (p. 424). — Membre du comité de l'examen des comptes (p. 467). — Parle sur les accusations contre Delessart (p. 546), — sur l'organisation du comité diplomatique (p. 599).
p. 560 et suiv.). — Lettre de Delessart au directoire du département de Paris (ibid. p. 561). — Dispositions prises par le ministre de la justice pour l'exécution au décret d'accusation (ibid.). — Delessart se plaint de n'avoir pas été entendu par l'Assemblée (ibid. p. 567 et suiv.). — Rédaction de l'acte d'accusation (14 mars, p. 692 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 693). — Projet ae décret relatif aux pièces concernant sa gestion, à fournir au comité diplomatique par le ministre des affaires étrangères (ibid.)', — Discussion : Becquey, Brissot de Warville, Guadet, Delacroix, Boullanger, Lacretelle, Lagrévol, Quesnay, Tardiveau, Charlier, Mailhe (ibid. et p. suiv.);— adoption avec amendement (ibid. p. 695). — Texte du décret (ibid. et p. suiv.).
2° Sur la motion de Thuriot et de Rougier-la-Ber-gerie, l'Assemblée décrète que les députés présents à 1 ouverture de la séance du 24 février au malin se feront inscrire au bureau et que leurs noms seront insérés au procès-verbal (24 février 1792, t. XXXIX, p. 44 et suiv.); — les noms de ces membres ne seront pas insérés au procès-verbal (25 février, p. 77).
3° Hommage, par Palloy, de médailles provenant des débris de la Bastille (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 564).
6° Régiment. Le directoire du district de Beauvais dénonce le lieutenant-colonel pour avoir refusé deux hommes (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 467); — renvoi au pouvoir exécutif (ibid.).
2° Emmery demande que le lor régiment d'infanterie soit autorisé à conserver ses drapeaux (24 février 1792, t. XXXIX, p. 62); — renvoi au comité militaire [ibid.).
mière assemblée du juré du jugement (26 février 1792, t. XXXIX, p. 113).
Palloy (p. 566), — sur une adresse" des jeunes gens d'Agen (p. 692).
tre des contributions publiques rendra compte si la nation tire quelque profit de ce bâtiment (ibid.).
Vérification des pouvoirs.
Loire-Inférieure. Rapport par Pierron sur les réclamations de la commune de Nantes relatives aux opérations du Corps électoral du département (23 février 1792, t. XXXIX, p. 24 et suiv.); — l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ces réclamations (ibid., p. 29).
Somme. Admission de Pucelle en remplacement de Quillet décédé (14 mars 1792, t. XXXIX, p. 689).
Séquestre.
2° Pétition relative aux subsistances (6 mars 1792, t. XXXIX, p. 428); — renvoi aux comités de commerce et d'agriculture réunis (ibid.).
Conseil général. Envoi d'une copie dos procès-verbaux (14 mars 1792, t. XXXIX, p. 719).
Fillassier, député de Paris. — 4792. — Membre du comité d'agriculture (t. XXXIX, p. 373).
2. Pétition des ci-devant employés aux fermes et régies du département de Paris (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 567) ; — renvoi au comité de liquidation (ibid.).
2° Mesures proposées par Condorcet pour le rétablissement des finances (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 600 et suiv.); — renvoi aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances (ibid. p. 608).
2° Sur la motion de Goujon, l'Assemblée décrète que les ministres rendront compte dans la huitaine des fonctionnaires qui n'ont pas rétracté leurs protestations contre l'acte constitutionnel ou qui n'ont pas prêté le serment prescrit par la loi (ibid., p. 47) ; — compte rendu du ministre de la guerre (2 mars, p. 308.)
2. Opinion, non prononcée, de Rougier-La-Bergerie, sur l'administration des forêts (t. XXXIX, p. 310 et suiv.); — projet de décret (p. 316 et suiv.).
Parle sur la prohibition de la sortie du royaume des matières premières (t. XXXIX, p. 50).
2°. Projet de décret portant que le ministre de la marine rendra compte du traité fait avec le dey d'Alger pour la délivrance des Français captifs (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 398); adoption sauf rédaction (ibid.). — Texte du décret (10 mars, p. 529).
ture et de commerce réunis (ibid.). —Sur la motion de Laureau, l'Assemblée réforme le renvoi aux comités et décrète le renvoi au pouvoir exécutif (29 fé-frier, p. 193).
Adresse des administrateurs concernant divers faits relatifs à la ville d'Arles (11 mars 1792, t, XXXIX, p. 559), — Dispositions pour le maintien de l'ordre (p. 637).
1° Compte rendu de son état par le ministre de la guerre (22 février 1792, t. XXXIX, p. 20).
2° Rapport par Lacuée sur l'organisation des canonniers gardes nationaux (5 mars 1792 t. XXXIX, p. 395 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 396). — Adoption de l'urgence (13 mars p. 679). Discussion des articles. — Adoption sans discussion de l'article lar (ibid.). — Article 2 : Merlin (ibid.)] — adoption avec amendement (ibid.). — Adoption sans discussion des articles 3, 4 et 5 (ibid.). — Article 6 : Merlin (ibid.)', — adoption avec amendement (ibid.). — Adoption sans discussion des articles 7 à 11 (ibid.). Article 12 : Delmas (ibid. et p. suiv.) ; —adoption avec amendement (ibid., p. 680). — Adoption sans discussion des articles 13 à 18 (ibid.). — Texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.).
3. Le ministre de l'intérieur sollicite une décision sur les difficultés qu'offre l'exécution des articles 4 et 18 de la loi du 4 octobre 1791 sur l'organisation de la garde nationale (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 599);— renvoi au comité militaire (ibid.).
Pétition des officiers supérieurs (25 février 1792, t. XXXIX, p. 77) ; —renvoi au comité militaire (ibid.).
1792, t. XXXIX, p. 109) ; — renvoi au pouvoir exécutif (ibid.). —Réclamation au sujet de pensions (29 février p. 220); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 221).
2° Les ci-devant gardes-françaises demandent à être admis à la barre (S mars 1792, t. XXXIX, p. 403). — Admis, ils demandent la réforma de leur cartouche et leur paye (6 mars, p. 430); — renvoi au comité militaire (ibid.).
2° Mémoire du ministre de l'intérieur sur la circulation et l'approvisionnement des grains (27 février 1792, t. XXXlX, p. 146 et suiv.); — renvoi aux comités diplomatique et de commerce réunis, (ibid., p. 147).
3° Mémoires de Lefebvre sur le commerce et la circulation des grains (25 février 1792, t. XXXIX, p. 77), — de Sutières-Sarcey (26 février, p. 119), — de Constantini (28 février, p. 159).
4° La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 10 millions pour acheter des grains ou des farines destinés à subvenir aux besoins des départements (9 mars 1792, t. XXXIX, p. 518).
5° Propositions de Jean Debry et de Thuriot relatives aux marchés de grains (12 mars 1792, t. XXXlX, p. 594); — renvoi au comité de commerce (ibid ).
sur des erreurs à corriger dans le décret du 21 septembre 1791, relatif à l'administration de la marine (t. XXXIX, p. 159 et suiv.). — Parle sur la conduite du ministre de la marine (p. 392).
Tribunal. Question relative aux appels a minima — renvoyée au comité de législation (22 février 1792 t. XXXIX, p. 1).
colonies (t. XXXIX, p. 20), — sur les moyens d'arrêter et de puuir les fabricateurs de faux assignats (p. 60). — Donne lecture de l'opinion de Garran-de-Coulon sur les troubles des colonies (p. 209 et suiv.). Parle sur les moyens de réprimer les troubles (p. 415), (p. 417 et suiv.), — sur la mise en accusation de Delessart (p. 547), — sur les accusations contre Duport, ministre de la justice (p. 596), — sur les troubles d'Arles (p. 622), (p. 628 et suiv.), — sur le payement des troupes (p. 629), — sur l'affaire de Delessart (p. 694).
2° Rapport par Carnot-Feuleins sur les créances arriérées du département de la guerre pour l'année 1790 (3 mars 1792, t. XXXIX, p. 338); - projet de décret (ibid. p. 339) ; — adoption (11 mars, p. 559 et suiv.).
3° Comptes des sommes dépensées sur les 20 millions accordés par le décret du 29 décembre 1791 (3 mars 1792, t. XXXIX, p. 350).
Organisation. — Etablissement. Lettre du ministre de l'intérieur relative aux dépenses d'établissement (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 550) ; — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
Administrateurs. — Adressent «ne demande au sujet du traitement des curés de campagne (28 février 1792, t. XXXIX, p. 183); — renvoi au comité de division (ibid.). — Demandent la conservation d'un établissement pour l'enseignement de la chirurgie, (3 mars, p. 342j; — renvoi au comité d'instruction publique (ibid.).
Directoire. — Arrêté relatif aux biens des émigrés, (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 468); — renvoi au comité de législation (ibid.).
1° Motion de Collet relative à la conduite des gardes nationales, du directoire et de la gendarmerie du département à l'occasion des troubles de Chàteauroux (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 471); — adoption (ibid.).
2° Les administrateurs transmettent un arrêté de la gendarmerie du département qui demande à recevoir sa solde non en argent, mais en assignats (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 589).
1er régiment. Emmery demande que ce régiment soit
autorisé à conserver son drapeau (24 février 1792, t. XXXIX, p. 62); —
renvoi au comité militaire (ibid.).
9e régiment. Pétition des sous-officiers,
grenadiers et fusiliers contre le nouveau règlement militaire (14 mars 1792,
t. XXXIX, p. 687 et suiv.) ; — renvoi au comité militaire (ibid.).
24e régiment. Présente une pétition (5 mars 1792,
t. XXXIX p. 394); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 395). -r- Adresse
des sous-officiers (9 mars, p. 523).
40° régiment. Lettre du capitaine commandant protestant du patriotisme des officiers de ce régiment (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 470). — Lettre de reconnaissance des sous-officiers et soldats (9 mars, p. 512).
43° régiment. Des soldats de ce régiment demandent à être admis à la barre (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 482).
45° régiment. Lettre du colonel Moyria relative à l'insubordination de 12 compagnies (25 février 1792, t. XXXIX, p. 98 et suiv.); — renvoi au comité militaire (ibid). — Députation et réclamation contre le règlement de discipline (8 mars, p. 503 et suiv.); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 505).
45° régiment. — Voir Alsace (Régiment d').
48° régiment. Dénonciation, par le ministre de la guerre, de la conduite du 1er- bataillon, en garnison à Rennes, à l'occasion de la bénédiction de son drapeau (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 399 et suiv.) ; — observations de Lecoz, Albitte, Merlin, Cambon (ibid. p. 400 et suiv.); — ordre du jour (ibid. p. 401). — Lettres de la municipalité et de plusieurs citoyens de Rennes ((ibid. p. 403 et suiv.); observations d'Albitte, Merlin, Rouyer (ibid. p. 404 et suiv.); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 405 et suiv.).
56° régiment. Présente une pétition (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 394); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 395).
58° régiment. Lettre de la municipalité de Nancy sur sa conduite patriotique (29 février 1792, t. XXXJX, p. 190).
90° régiment. Présente une pétition (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 394); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 395).
(14 mars 1792, t. XXXIX, p. 719); — renvoi au comité militaire (ibid.).
2° Motion de Choudieu relative aux invalides mutilés (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 398); — renvoi au comité militaire (ibid.).
Membre du comité de liquidation (t. XXXIX, p. 495)
2e Motion de Pastoret sur la question de savoir s'il y a incompatibilité entre les fonctions de juré et celles de député à l'Assemblée nationale (27 février 1792, t. XXXIX, p. 134); — observations de Lemontey, Ducos, Reboul, Bigot de Préameneu, Sa-Iadin (ibid.) ; — l'Assemblée décrète qu'il y a incompatibilité (ibid.). — Texte du décret (ibid. et p. suiv.).
(p. 358), — sur le séquestre des biens des émigrés (p. 475 et suiv.).
cointre (14 mars, p. 721 et suiv.). — Est décrété d'accusation (l'fa'd. p. 725).
2° Adoption d'une rectification au décret du 11 février 1792 relatif à la liquidation de l'arriéré du département de la maison du roi, de la guerre, des finances et de la marine (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 470).
Directoire. Réclamation au sujet d'avances faites pour la formation du bataillon des Volontaires nationaux du département (24 février 1792, t. XXXIX, p. 61) ; — renvoi au comité militaire (ibid.)- — Arrêtés sur les mesures à prendre contre les prêtres réfractaires (29 février, p. 191 et suiv.), (p. 193).
Tribunal criminel. Lettre du ministre de l'intérieur annonçant les mesures prises pour son installation (24 février 1792, t. XXXIX, p. 46).
Administrateurs. Lettre au sujet des troubles dont est menacé le district de Montargis (14 mars 1792, t. XXXIX, p. 687).
Tribunal criminel. Délibération du directoire pour obtenir un supplément de fonds pour les dépenses du tribunal (13 mars 1792, t. XXXIX, p. 677) ; — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
2° Le ministre de l'intérieur demande que l'Assemblée indique les lois qui doivent être imprimées et envoyées à tous les départements (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 599) ; — renvoi au comité des décrets (ibid.).
2° Mémoire relatif à l'hôpital de la Charité (26 février 1792, t. XXXIX, p. 120) ; — renvoi au comité des secours publics (ibid.).
3° Pétition des créanciers des rentes créées par l'hôtel de ville (26 février 1792, t. XXXIX, p. 125).
4° Adresse du corps municipal contenant des imputations contre le département (4 marsl792,t.XXXlX, p. 370); — lettre justificative du directoire (ibid. et p. suiv.).
la discussion son rapport sur les moyens de prévenir la contrefaçon des assignats (t. XXXIX, p. 135 et suiv.).
discussion son rapport sur la prohibition de la sortie du royaume des matières premières (t. XXXIX, p. 48 et suiv.).
Administrateurs. Font connaître l'activité du recrutement (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 468).
Directoire. Annonce qu'il a fait imprimer le procès-verbal des séances de sa session (24 février 1792, t. XXXIX, p. 45).
2° Le ministre de l'intérieur transmet une demande du directoire (24 février 1792, t. XXXIX, p. 46); — — renvoi au comité do l'extraordinaire des finances (ibid.).
g 1er Ministres en général.
2. Ministres en particulier.
g ler Ministres en général.
1° Rapport par Hérault de Séchelles sur le mode de la responsabilité des ministres (22 février 1792, t. XXXIX, p. 8 et suiv.) ; — projet de décret {ibid. p. 12). — Discussion : Viénot-Vaublanc (ibid. p. 13 et suiv.); — projet de décret proposé par Viènot-Vaublanc (ibid. p. 18 et suiv.).
2° Motions tendant à faire décréter que les ministres qui ont quitté le ministère depuis l'acceptation de la Constitution ne pourront partir du lieu où siège le Corps législatif avant d'avoir rendu compte de leur gestion (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 530 et suiv.); — adoption sauf rédaction (ibid. p. 534).
§ S. Ministres en particulier.
2° Sur la motion de Rouyer, Charlier et Mailhe, l'Assemblée décrète que le comité diplomatique fera un rapport sur la lettre (1) du ministre Delessart à M. de Noailles (1er mars 1792, t. XXXIX, p. 256). — Brissot de Warville demande à être entendu au sujet de la dénonciation faite contre le ministre (10 mars, p. 528).— Discours de Brissot (ibid. p. 534 et suiv.). —Projet de décret tendant à déclarer qu'il y a lieu à accusation contre le minisire (ibid. p. 545). — Discussion : Mailhe, Aubert-Dubayet, Delacroix, Henry-Larivière, Isnard, Merlet, Dehaussy-Robecourt, Boullanger, Arena, Guadet, Becquey, Jaucourt, Mathieu Dumas, Jaucourt, Léopold, Mailhe, Becquey, Vergniaud, Viènot-Vaublanc, Hérault de Séchelles, Gensonné, La-combe Saint-Michel, Mailhe, Jean Debry, Delacroix (ibid. et p. suiv.) ; — l'Assemblée décrète qu'il y a lieu à accusation contre Delessart, ministre des affaires étrangères, et charge le pouvoir exécutif de faire procéder immédiatement à son arrestation (ibid. p. 550). — Texte du décret (ibid.). — Le ministre de l'intérieur adresse 16 pièces relatives à l'exécution de l'acte d'accusation (11 mars, p. 560 et suiv.). — Lettre do Delessart au directoire du département de Paris (ibid. p. 561). — Dispositions prises par le ministre de la justice, pour l'exécution du décret d'accusation (ibid.). — Lettre de Delessart où il se plaint de ne pas avoir été entendu par l'Assemblée (ibid. p. 567 et suiv.)
marchés passés par lui (ibid). — Communique l'état des dépenses de son département et demande des fonds (24 février, p. 46). — Sollicite l'augmentation du nombre dos commissaires des guerres (ibid).— Communique une lettre du directoire du Bas-Rhin et une lettre du maréchal Liickner (24 février, p. 55).— Rend compte des examens d'admission à l'école du génie ((ibid. p. 56). — Communique des pièces relatives aux troubles du département de l'Oise (ibid. p. 57), (25 février, p. 83). — Annonce l'arrivée à Paris du maréchal Liickner (25 février, p. 84). — Donne des renseignements au sujet de 12 soldats du régiment d'Alsace venus à Paris pour réclamer contre des vexations subies par eux (ibid.) . —Communique une lettre du colonel du 45e régiment d'infanterie relative à l'insubordination de 12 compagnies de son régiment (ibid. p. 98 et suiv.). —Est entendu au sujet du désarmement des citoyens d'Ourscamps (26 février, p. 116). — Donne lecture d'un discours du maréchal Liickner (ibid. p. 117). — Parle sur une pétition de 12 soldats du régiment d'Alsace (ibid. p. 124). — Demande à l'Assemblée l'autorisation de faire passer des troupes à moins de 30,000 toises de Paris (27 février, p. 133 et suiv.). — Est entendu au sujet du recrutement (29 février, p. 220). — Rend compte de différents objets intéressant l'armée (2 mars, p. 308 et suiv.). — Demande l'adjonction d'une troupe au corps du génie (3 mars,p. 338).—Soumet différentes questions à l'Assemblée (ibid. p. 350 et suiv.). —Dénonce la conduite du 1er bataillon du 48e régiment d'infanterie A l'occasion de la bénédiction de son drapeau (5 mars, p. 399 et suiv.). — Est entendu au sujet des troubles de Seine-et-Oise (6 mars, p. 418). — Propose différentes mesures intéressant l'armée (p. 419 et suiv.). — Fournit des renseignements au sujet des troubles d'Aix et d'Arles (8 mars, p. 501 et suiv.). — Est rappelé à l'ordre [ibid. p. 502). — Parle sur les règlements militaires (p. 505).
De Grave, ministre. — 1792. — Annonce de la nomination de de Grave, en remplacement de Narbonne (10 mars, p. 530). — Est entendu au sujet des réclamations des volontaires des Hautes-Pyrénées (13 mars, p. 621). —Ses observations au sujet du mode de payement des troupes ((ibid, p. 629). — Ecrit au sujet ae la résiliation du marché passé avec Baudoin (14 mars, p. 687),
Saint-Alexis de Limoges (ibid. p. 363). — Rend compte des troubles de plusieurs départements des environs de Paris (ibid., p. 568 et suiv.). —Sollicite des décisions sur l'organisation de la garde nationale et sur la publication deslois (12 mars, p. 599). — Demande des secours pour des ministres du culte protestant (13 mars, p. 629). — Adresse différentes pièces à l'Assemblée (14 mars, p. 686 et suiv.). — Transmet une copie des procès-verbaux du conseil général de l'Eure (ibid.p. 719). — Fait une demande en faveur des dames de chœur et sœurs converses des communautés religieuses (ibid.).
2° Sur la motion do Quinette l'Assemblée charge le comité de législation d'examiner quelle responsa-bilté a encourue le ministre Duport pour avoir accordé des lettres de surséance à des débiteurs (22 février 1792, t. XXXIX, p. 8). — Guadet demande que le comité de législation rende compte des accusations portées contre lui (12 mars, p. 596); — Observations de Lau-reau, Lasource, Delacroix, Taillefer, Maribon-Mon-taut, Hua, Bécquey, Basire, Quinette (ibid., et p. suiv.) adoption do la motion de Guadet (ibid. p. 597). — Duport demande qu'il lui soit donné connaissance des faits sur lesquels il a été dénoncé (ibid., p. 599 et suiv.) ; — l'Assemblée décrète que ces faits lui seront communiqués (ibid. p. 600). — Justification de Duport au sujet des inculpations articulées contre lui (13 mars, p. 630 et suiv.). — l'Assemblée décrète qu'il sera tenu de donner ces explications par écrit [ibid., p. 636). — Réponse écrite de Duport aux inculpations articulées contre lui (ibid., p. 667 et suiv.).
1° Charles Duval demande la mise à l'ordre du jour des observations à présenter au roi sur sa conduite (23 février, t. XXXIX, p. 30) ; — renvoi au comité central (ibid. p. 31); — Observations rédigées par les comités de législation et de marine réunis sur la conduite du ministre de la marine (5 mars, p. 391); — observations de Becquey, Lequinio, Vergniaud, Viénot-Vaublanc, Brunck, Granet (de Toulon), Briche (ibid. et p. suiv.); — adoption sauf rédaction (ibid., p. 392). — Nouvelle rédaction des observations à présenter au roi (8 mars, p. 471 et suiv.); — adoption (ibid. p. 472). —Opinions, non prononcées, de Cavellier (ibid., p. 482 et suiv.), — de Becquey ibid., p. 484 et suiv.), — de Coppens (ibid., p. 487 et suiv.), — de Cuel (ibid. p. 489 et suiv.), — de Malassis tfbid., p. 490 et suiv.). —- Liste des mem-
bres qui ont pris part au vote par appel nominal sur la question de savoir s'il y a lieu de décréter que le ministre de la marine a perdu la confiance de la nation (ibid. p. 493 et suiv.). — Réponse du roi (10 mars, p. 531).
2° Sollicite des décisions sur différents objets intéressant la marine (23 février, t. XXXIX, p. 29 et suiv.). — Demande 45,000 francs pour les travaux du port de Cherbourg (ibid., p. 31). — Envoi des pièces relatives aux dissentiments survenus entre les commissaires du roi aux îles du Vent (24 février, p. 47). — Demande des secours pour la Martinique (27 février, p. 144). — Sollicite une loi sur l'état des aspirants entretenus (28 février, p. 168). — Annonce la radiation de Voudreuil de la liste des officiers do marine (ibid., p. 170). — Ecrit au sujet des affaires des îles du Vent (l«r mars, p. 255). — Transmet une réclamation du sieur Riouffe (6 mars, p. 413). — Ecrit au sujet du payement des appointements des officiers de la marine (10 mars, p. 550).
2° Etats hebdomadaires relatifs à la fabrication (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 612).]
remplacé par de Grave (10 mars, t. XXXIX, p. 530). — Écrit au sujet de la reddition de ses comptes (ibid.), (11 mars, p. 559), (12 mars, p. 612). Sage propose de déclarer qu'il emporte les regrets de l'Assemblée (10 mars, p. 530) ; — ajournement jusque après la reddition de ses comptes (ibid. p. 534).
Société des amis de la Constitution. Adresse au sujet des troubles d'Arles (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 614 et suiv.).
2° Troisième lecture du projet de décret relatif à l'aliénation du château de cette ville (lor mars 1792, t. XXXIX, p. 230);— adoption (ibid.).
Saladin, Vergniaud, Tardiveau, Vergniaud, Thuriot, Merlin- (ibid. p. 6 et suiv.); — renvoi au comité de législation pour examiner s'il y a lieu ou non à la responsabilité du ministre (ibid. p. 8).
2° Motion relative à leur traitement (25 février 1792, t. XXXIX, p. 77); —ordre du jour (ibid.).
2° Motion de Thuriot sur le mode de remplacement et d'avancement (28 février 1792, t. XXXIX, p. 158 et suiv.);—renvoi au comité militaire (ibid. p. 159).
3° Troisième lecture du projet de décret sur les officiers des classes supprimées (3 mars 1792, t. XXXIX, p. 360 et suiv.) ; — observations de Grangeneuve, Seranne et Maribon-Montaut (ibid. p. 362).
4° Interprétation du décret du 27 janvier 1792, sur l'augmentation du nombre des lieutenants généraux de camp (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 507), (9 mars, p. 513).
5° Lettre du ministre de la marine relative au payement des appointements des officiers de la mariné (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 550).
6° Troisième lecture du projet de décret tendant à faire concourir aux places de la marine les officiers qui s'étaient retirés du service (14 mars 1792, t. XXXIX, p. 689 et suiv.). — Discussion. — Adoption de l'article 1er (ibid. p. 690). — Art. 2 : Merlin, Rouyer, Delacroix, Albitte, Aubert-Dubayet (ibid. et p. suiv.); — Adoption (ibid. p. 691). — Art. 3 :
Rouyer (ibid.); — Adoption (ibid.). — Texte définitif du décret (ibid.).
7° Il n'y a pas lien à délibérer sur la lettre du ministre de la marine relative à leurs traitements (1" mars 1792, t. XXXIX, p. 231).
Tribunal de commerce. Projet de décret sur l'arrondissement du tribunal (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 527 et suiv.).
§ 1er. Commune.
§ Département.
§ 1er Commune de Paris.
1° Officiers municipaux.
2° Clôture de]. Paris.
3° Sections.
4° Citoyens. — Adresses. — Pétitions.
1° Officiers municipaux. Discours des nouveaux officiers municipaux (24 février 1792, t. XXXIX, p. 58).
2° Clôture de Paris. Sur la motion de Pyrot, l'Assemblée décrète que tous les créanciers, pour la clôture de Paris, présenteront leurs mémoires au ministre des contributions publiques (25 février 1792, t. XXXIX, p. 74).
3° Section par ordre alphabétique.
Section de la Croix-Rouge. Pétition pour que le chef du pouvoir exécutif soit assujetti au payement des contributions (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 564).
Section de la Fontaine de Grenelle. Pétition pour demander que tous les citoyens soient obligés de l'aire personnellement leur service dans la garde nationale .14 mars 1792, t. XXXIX, p. 377).
Section des Gobelins. Pétition pour obtenir l'élargissement de plusieurs citoyens (26 février 1792, t. XXXIX, p. 119).
Section des Lombards. Députation et pétition (4 mars 1792, t. XXXIX, p. 377).
4° Citoyens. — Adresses. — Pétitions. 1° Les citoyens dos faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau demandent à être admis à la barre (4 mars 1792, t. XXXIX, p. 372). — Admis, ils protestent contre l'affichage d'une adresse au roi ^soi-disant signée par eux
(6 mars, p. 428). — Réclamation au snjet de l'impression de leur pétition (14 mars, p. 720).
2° Députation de citoyennes qui demandent des piques et pour maîtres d'exercice, des ci-devant gardes françaises (6 mars 1792. t. XXXIX, p. 423 et suiv.).
§ S. Département de Paris.
1° Tribunaux.
2° Directoire.
3° Volontaires nationaux.
1° Tribunaux. Lettre du directoire annonçant l'établissement du tribunal d'appel de la police correctionnelle et demandant deux juges de plus à chacun des tribunaux du district de Paris (24 février 1792, t. XXXIX, p. 47); — renvoi au comité de législation (ibid.).
§ 2. Directoire. 1° Lettre relative au mode d'exécution des condamnés à mort (3 mars 1792, t. XXXIX, p. 350).
2° Actes administratifs du directoire relativement aux contributions directes depuis la dernière session du conseil général (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 550 et suiv.).
3° Lettre relative à l'exécution du décret d'accusation contre Delessart (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 560 et suiv.).
3° Volontaires nationaux.Le conseil d'administration du 2° bataillon demande que la solde soit faite en numéraire (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 567); renvoi aux comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis (ibid.).
Directoire. Le ministre de l'intérieur demande à l'Assemblée de prononcer le plus tôt possible sur la difficulté relative au remplacement des membres du directoire (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 534) ; — rapport par Barris (ibid. p. 551) ; — projet da décret (ibid. y, — Adoption (idid.).
Tribunal. Le commissaire du roi rend compte de l'affaire d'un particulier prévenu d'enrôlements pour les émigrés (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 382); — renvoi au comité de surveillance (ibid.).
(t. XXXIX, p. 136 et suiv.).— Membre du comité des pétitions (p. 467). —Membre du comité de liquidation (p. 495). — Opte pour le comité do liquidation (p. 519).
Tribunal. Adresse une instruction concernant un prêtre réfractaire (26 février 1792, t. XXXlX, p. 112) ; :— renvoi au comité de législation (ibid.).
réunis feront un rapport sur la suppression des postes militaires dont la nécessité ne sera pas rigoureusement démontrée (1er mars 1792, t. XXXIX, p. 230).
2° Rapport par Baignoux sur la suspension du traitement des deux princes français frères du roi (9 mars 1792, t. XXXIX, p. 519 et suiv.) ; — projet de décret (ibid., p. 520). ."
Volontaires nationaux. — Les administrateurs dénoncent le sieur Launoi pour les obstacles qu'il met au payement des volontaires nationaux (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 562); — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.),— au pouvoir exécutif (ibid. p. 567); — compte rendu du ministre de la guerre (13 mars, p. 621).
Administrateurs. —Demandent que le département soit mis en état de défense (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 471) ; — renvoi au comité militaire (ibid.).
les pièces jouées dans les théâtres de Paris (p. 190),— sur un arrêté du directoire du département ae Loir-et-Cher (p. 192), — sur les affaires d'Avignon (p. 260), sur une pétition du sieur Janson (3*72)1— Membre du comité d'inspection (p. 394). — Parle sur l'assassinat du maire d Etampes (p. 467;, — sur le séquestre des biens des émigrés (p. 480), (p. 481).
2° Observations du ministre dé la guerre sur les
difficultés du recrutement (29 février 1792, t. XXXIX, p. 220) ; — renvoi au comité militaire (ibid.).
2° Don patriotique des élèves des écoles gratuites de mathématiques et de dessin (13 mars 1792, t. XXXIX, p. 625).
Directoire. Lettre relative à la dépréciation des assignats et demande d'augmentation de la solde des officiers (24 février 1792, t. XXXIX, p. 55). — Dénonce la désertion de plusieurs officiers et soldais du 6° bataillon de chasseurs (28 février, p. 167). — Lettre relative à l'exécution du décret qui défend l'exportation des chanvres (14 mars, p. 692). — Lettre relative à la création d'une monnaie de billon [ibid.).
Directoire. Lettre au sujet du compte rendu par le ministre de l'intérieur des troubles religieux qui ont eu lieu dans ce département (23 février 1792, t. XXXIX, p. 30) ; — renvoi au comité de législation (ibid.).
Administrateurs. Recommandent deux citoyens qui ont dénoncé les enrôlements faits par le sieur de Bar (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 385). — Annoncent que les volontaires du 3e bataillon demandent à être promptement armés (9 mars, p. 512).
dans la confection des rôles d'impositions à Paris (t. XXXIX, p. 354 et suiv.).
2° Projet de décret concernant une erreur de nomenclature dans le classement des ci-devant procureurs aux chambres des comptes et cours des aides de Rouen (3 mars 1792, t. XXXIX, p. 360).
3° Adresse et pétition des ci-devant commis de la régie générale des aides (10 mars 1792, t. XXXIX, p. 550); — renvoi au comité des pétitions (ibid.).
— sur le remplacement des officiers (p. 159), — sur les affaires des Iles-du-Vent (p. 234), — sur la lettre du ministre des affaires étrangères à M. de Noailles (p. 255 et suiv.), — sur le traité do 1756 avec l'Autriche (p. 284), — sur une découverte de Forestier de Véreux (p. 289), — sur le remplacement des officiers (p. 309), (p. 310), — sur une lettre de Bougainville au ministre de. la marine (p. 341), — sur le séquestre des biens des émigrés (p. 389). — Membre du comité de marine (p. 394). — Parle sur la conduite du 1" bataillon du 48e régiment d'infanterie (p. 404 et suiv.). — Fait un rapport sur la nomination de d'Estaing au grade d'amiral (p. 422 et suiv.). — Parle sur le séquestre des biens des émigrés (p. 480), (p. 481), — sur le rappel à l'ordre du ministre do la guerre (p. 502), (p. 503), — sur les règlements militaires (p. 505), — sur les subsistances (p. 517),— sur une adresse des sous-officiers du 24e régiment d'infanterie (p. 523), — sur les comptes de gestion à rendre par les ministres (p. 550), (p. 534), — sur l'organisation du comité diplomatique (p. 598), — sur les troubles d'Arles (p. 627), (p. 628), — sur une pétition (p. 678), — sur le marché passé avec le sieur Baudouin pour les transports militaires (p. 683),— sur les officiers de marine (p. 690), (p. 691).
Directoire. Arrêté pris au sujet de l'abbé Delanoue (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 382).
Directoire. Adresse pour demander une loi sur les moyens d'assnrer la rentrée du produit des biens nationaux (28 février 1792, t. XXXIX, p. 182).
Administrateurs. Annoucent l'activité du recrutement (12 mars 1792, t. XXXIX, p. 594).
Saumur (District de).
renvoi au comité de surveillance (ibid.) ; — rapport par Lecointre (14 mars, p. 721 et suiv.). Est décrété d'accusation (ibid. p. 725).
Directoire. Envoi de deux pétitions (2 mars 1792, t. XXXIX, p.'®337).
Seine-et-Oise (Département). — Voir Troubles, g 6.
Administrateurs. Lettre au sujet des troubles occasionnés par la circulation des grains (28 février 1792, t. XXXIX, p. 157). — Lettre qui annonce qu'après avoir nommé l'évêque les électeurs ont renouvelé le serment de mourir pour la Constitution (2 mars p. 291),—annonçant le pillage de 4 charrettes chargées ae coton et de laine (8 mars, p. 468).
t. XXXIX, p. 385 et suiv.);— projet de décret (ibid. p. 386 et suiv.) ; — observations de Rouyer et Quinette (ibid. p. 389). — Discussion générale : Goujon, Lamarque, Becquey, Quinette (8 mars, p. 473 et suiv.).— Adoption de l'urgence (ibid. p. 478). — Discussion des articles. —Article l"r : Saladin, Tardiveau, Gou-pilleau (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 479).— Adoption des articles 2, 3 et 4 (ibid.). — Article 5 : Lemontey, Mailhe, Quatremère-Quincy, Rouyer, Goujon, Thuriot, Merlin, Aubert-Dubayet, Charlier, Lasource, Broussonnet, Bouestard, Gérardin, Delacroix (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 481).—Texte des articles décrétés (ibid. et p. suiv.). — Adoption de l'article 6 (10 mars, p. 529). — Article 7 : adoption (ibid. p. 553. — Article 8 : Basire (ibid.); — adoption (ibid.). — Adoption des articles 9 et 10 (ibid?). — Articles proposés par Vergniaud en remplacement des articles 11 à 17 (ibid. p. 554). — Texte des articles 7 à 10 (ibid. et p. suiv.) ; — la priorité est accordée aux articles de Vergniaud (12 mars, p. 609). — Discussion des articles. — Article 11 : Caminet (ibid. p. 610) ;— adoption avec amendement (ibid.). — Article 12 : Lemontey (ibid.)', — renvoi au comité (ibid.).
2° Serment de mourir pour la Constitution prêté par les électeurs du département de la Seine-Inférieure (2 mars 1792, t. XXXIX, p. 291).
nité et une augmentation de retraite (4 mars 1792, t. XXXIX, p. 374) ; — renvoi au comité des secours publics (ibid.) ; — renvoi de cette pétition au comité ae liquidation (7 mars, p. 432).
2° Projet de loi de Brémontier sur les subsistances (9 mars 1792, t. XXXIX, p. 523 et suiv.).
1° Rapport par Dieudonné sur les mesures à prendre pour accélérer la ven te desjtabacs nationaux (7 mars 1792, t. XXXIX, p. 450 et suiv.); — projet de décret (ibid.) p. 453).
2° Lettre du ministre des contributions publiques, relative à l'importation du tabac en feuilles (9 mars 1792, t. XXXIX, p. 522 et suiv.); — renvoi aux comités du commerce et d'agriculture réunis (ibid. p. 523).
4792, t. XXXIX, p. 593 et suiv.) ; — renvoi au comité féodal (ibid. p. 596).
sur un arrêté du directoire du département do Loir-et-Cher (p. 192), — sur les secours à accorder aux pauvres (p. 222), — sur le traité de 1756 avec l'Autriche (p. 285), — sur le remplacement des officiers (p. 310),— sur la concession faite au sieur Vironcheaux (p. 383),— sur le sort à faire aux invalides (p. 402), — sur les moyens de réprimer les troubles (p. 427), — sur l'assassinat du maire d'Etampes (p. 467), — sur le séquestre des biens dos émigrés (p. 480), — sur le procès-verbal du 8 mars au matin (p. 513), — sur les marchés de grains (p. 594).
§ 1. Correspondance des commissaires du roi avec l'Assemblée.
§ S. Envoi d'états de recettes et de dépenses.
§ 3. Versements à la caisse de la Trésorerie
§ 1. Correspondance des commissaires du roi avec l'Assemblée. Lettre au sujet d'une réclamation des créanciers des princes français (22 février 1792, t. XXXIX, p, 2 et suiv.).— Les commissaires représentent qu'il ne leur est pas possible de faire dans l'état mensuel un article pour chaque contribution (25 fevrier, p. 109).
§ 2. Envoi d'états de recettes el de dépenses. Etat du mois de février (4 mars 1792, t. XXXIX, p. 374).
§ 3. Versements à la caisse de la Trésorerie. — 1792. — (8 mars, t. XXXIX, p. 473).
contribution foncière pour 1792, (t. XXXIX, p. 78). — Fait une motion relative à l'état du recouvrement des contributions de la capitale (p. 260).
§ 1. Oise (Département de V) et districts de Noyon et de Compiègne. Lettre des administrateurs du département au sujet des troubles de Noyon et de Compiègne (22 février 1792, t. XXXIX, p. 3 et suiv.). — Lettre des officiers du 2e bataillon des volontaires de l'Yonne (24 février, p. 47). — Communication de différentes pièces par Rougier-la-Bergerie et par le ministre de la guerre (24 février, p. 47), (p. 57), (25 février, p. 77),— par le ministre de la guerre (25 février, p. 83 et suiv.), — par Viénot-Vaublanc (26 février, p. 114 et suiv.). — Lettre des administrateurs du directoire de l'Oise (28 février, p. 169). — Renseignements fournis par Bertaut (29 février, p. 223), par Coupé (3 mars, p. 339 et suiv.) ; — par le ministre de l'intérieur (4 mars, p. 378 et suiv.), — par Taillefer (8 mars, p. 469).
§ 2. Paris (Commune de). Pétition de la section des Go-belins pour obtenir l'élargissement de citoyens arrêtés à la suite des troubles occasionnés par la cherté du sucre (26 février 1792, t. XXXIX, p. 119) ; — renvoi au comité des pétitions (ibid.).
§ 3. Arles et Aix (Communes d'). Renseignements sur les troubles des villes d'Arles et d'Aix et du département des Bouches-du-Rhône-(27 février 1792, t. XXXIX, p. 147 et suiv.), (6 mars, p. 407 et suiv.), (p. 418 et suiv.), (8 mars, p. 501 et suiv.), (11 mars, p. 559), (12 mars, p. 614). — Discussion au rapport ae Del-pierre, Lecointre, .Gaston, Granet (de Marseille), Perret, Lagrévol, Chabot (12 mars, p. 616 et suiv.) ; — Guadet, Lagrévol (13 mars, p. 622) ; — Lagrévol, Delpierre, Archier, Chabot, Rouyer, Richard, Antonelle, Broussonnet, Grangeneuve, Mulot, Fauchet, Cambon, Mailhe, Guadet, Borie (ibid. p. 626 et suiv.);— l'Assemblée décrète la comparution à la barre des autorités du département des Bouches-du-Rhône et du district et de la ville d'Arles (ibid. p. 629). — Texte du décret (ibid. p. 636). — Dispositions pour le maintien de l'ordre (ibid. p. 637). — Observations d'Antonelle sur le compte rendu au roi des commissaires civils envoyés à Arles (ibid. et p. suiv.). —Observations de Debourge, commissaire civil envoyé à Arles (ibid. p. 658 et suiv.). — Observations de Du-four, commissaire civil envoyé à Arles (ibid. p. 662 et suiv.).
g 4. Eure (Département de 1'). Lettre des administrateurs du département (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 392),— renvoi au comité de surveillance (ibid.). — Lettre des administrateurs du district d'Evreux (6 mars, p. 406 et suiv.). — Renseignements fournis par le ministre de l'intérieur (6 mars, p. 418 et suiv.) ; (p. 426) ; — Le pouvoir exécutif est autorisé à envoyer (les troupes dans le département (ibid. p. 428). — Lettre du procureur-général-syndic (7 mars, p. 433).
§ 5. Ardèche (Département de 1'). Lettre du procureur-général-syndic (5 mars 1792, t. XXXIX, p. 392 et suiv.;; — renvoi au comité de surveillance (ibid. p. 393). — Dispositions pour le maintien de l'ordre (13 mars, p. 367).
§ 6. Seine-et-Oise (Département de). Compte rendu par Lebrun des troubles qui existent dans ce département (6 mars 1792, t. XXXIX, p. 413 et suiv.); — le pouvoir exécutif est autorisé à placer dans ce département un régiment de troupes à cheval et un bataillon de volontaires nationaux (ibid. p. 418), (p. 428).— Lettre de Challon, procureur-général-syndic (12 mars, p. 608).
§ 7. Mende (Commune de). Lettre des administrateurs du département de la Lozère concernant les troubles survenus dans la ville de Mende (7 mars 1792,
t. XXXIX, p. 433). — Observations de Chazot et Broussonnet (ibid.) ; — renvoi à la commission des Douze (ibid.). — Observations de Perret, Lagrévol et Chabot (12 mars, p. 620 et suiv.) ; — renvoi à la commission des Douze (ibid. p. 621). — Lettre des administrateurs du département du Cantal (14 mars, p. 689);— renvoi à la commission des Douze (ibid.).
g 8. Angoulême (Commune d'). Lettre au sujet des troubles qui ont eu lieu relativement à la circulation des grains (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 468) ; — renvoi à la commission des Douze (ibid.).
§9. Landes (Département des). Lettre des administrateurs relative à des troubles suscités par les prêtres réfractaires (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 469), — renvoi à la commission des Douze (ibid.).
§ 10. Aisne (Département de 1'). Motion de Jean Debry relative aux troubles de ce département (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 470) ; — renvoi à la commission des Douze (ibid.).
§ 11. Melun (Commune de). Les administrateurs de Seine-et-Marne et les officiers municipaux de Me-' lun demandent à être admis à la barre pour instruire l'Assemblée des troubles survenus aux environs de cette ville (8 mars 1792, t. XXXIX, p. 473);— admis (ibid. p. 503), (11 mars, p. 556).
§ 12. Verneuil (District de). Précautions prises pour dissiper les attroupements (10 mars 1792, t. XXXIX) p. 526 et suiv.).
g 13. Environs de Paris. Compte rendu par le ministre de l'intérieur sur les troubles dans plusieurs départements des environs de Paris (11 mars 1792, t. XXXIX, p. 568 et suiv.); — renvoi à la commission des Douze (ibid. p. 571).
2° Observations du ministre de la guerre au sujet du mode de payement des troupes (13 mars 1792, t. XXXIX, p. 629); — renvoi au comité militaire ibid ). — Lettre du général Gelb sur le même objet ibid. p. 671). — Lettre du général de Wimpfen (ibid.).
du tribunal (29 février 1792, t. XXXIX, p. 221); — renvoi au comité de législation (ibid.).
p. 108), — sur des souscriptions à des œuvres litté- | raires (p. 112). — Obtient un congé (p. 550).
Volontaires nationaux. Lettre des officiers du 2° bataillon qui expose les motifs de la reconnaissance du bataillon envers M.Leroux, commissaire des guerres (24 février 1792, t. XXXIX, p. 47). — Adresse du 2° bataillon (8 mars, p. 506).
fin de la table alphabétique et analytique du tome xxxix.